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United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture International Bioethics Committee (IBC) Comité international de bioéthique (CIB)

Distribution: limitée

SHS-94/CONF.011/7 Paris, 20 décembre 1994

Originale : anglais

Rapport sur le dépistage et les testes génétiques ______________

Rapporteur : M. David Shapiro

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1. Le présent Rapport a été préparé au nom d'un Groupe de travail créé par le Comité international de bioéthique de l'UNESCO (CIB). Il a été modifié à la lumière de la discussion tant au sein du Groupe de travail que du CIB lors de sa session de septembre 1994. La composition du Groupe de travail est donnée à l'annexe C. M. D. Shapiro, Rapporteur du groupe, a bénéficié des contributions écrites de ses collègues du Groupe de travail ainsi que de leurs réponses à un bref questionnaire; il a également reçu copie des communications d'autres membres du CIB. Leurs auteurs en sont remerciés. M. D. Shapiro a également mis à profit les discussions qui ont eu lieu à l'occasion de plusieurs réunions avec des membres du Bureau du CIB.

2. Le Rapport s'articule autour des axes suivants:

- Quels sont les problèmes rencontrés et pourquoi ces problèmes sont-ils pressants? (paragraphes 3-14)

- Les questions éthiques à examiner (paragraphes 15-19) - Contribution à une éventuelle déclaration (paragraphes 20-30) - Contribution à une éventuelle convention (paragraphes 30-33)

I. QUELS SONT LES PROBLEMES? 3. Les problèmes mis en évidence sont regroupés sous cinq rubriques très générales:

1. Limites éthiques au dépistage et aux tests génétiques. 2. Dépistage génétique et politiques publiques. 3. Informations génétiques et vie privée. 4. Education et libertés individuelles. 5. Précision et contrôle de qualité.

Trois rapports publiés depuis la première réunion du CIB ont mis en évidence un large consensus sur la nature des problèmes, ainsi que les réponses à y apporter. Ces rapports sont:

• Institute of Medicine (Etats-Unis d’Amérique) Assessing Genetic Risks: Implications for Health and Social Policy • Ministère de la santé et des affaires sociales (Norvège) Biotechnology related to Human Beings • Nuffield Council on Bioethics (Royaume-Uni) Genetic Screening: Ethical Issues

Une liste d'une trentaine de rapports, publiés entre 1989 et 1993, peut être consultée dans le rapport du Nuffield Council, qui a été communiqué à tous les membres du CIB, page 100 à 102.

4. Il conviendrait de souligner que ces problèmes sont le produit des avancées de la recherche médicale et scientifique. Comme l'a noté le Professeur J. Dausset(1), la médecine, qui traditionnellement s'occupait de soigner, possède désormais le pouvoir de prédire. C'est là le premier pas vers une médecine préventive efficace. Les progrès de la recherche médicale peuvent ainsi se traduire, avec prudence, par des bénéfices réels pour la santé(2). Avec prudence, car il faudra veiller à ce que ces avancées biomédicales profitent à l'ensemble de la population et que leur bénéfice ne soit pas réservé aux catégories les plus aisées des sociétés

(1) Jean DAUSSET, Rapport au CIB sur la médecine prédictive. (2) Pour une évaluation des effets positifs à attendre, voir également Rév. Jean-Marie MPENDAWATOU,

Remarques complémentaires ..., paragraphe 1.

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des pays développés(3). On peut se faire une idée des possibilités de la médecine préventive à travers l'analyse ci-après des maladies génétiques:

“Avec le succès croissant de la lutte contre les maladies environnementales dans le monde développé, des affections totalement ou partiellement déterminées par une composante génétique jouent un rôle de plus en plus important dans les maladies et la mortalité infantiles. On estime aujourd'hui que ces affections sont à l'origine d'un tiers environ des admissions en services pédiatriques et qu'elles sont une cause significative de mortalité infantile. Nombre d'entre elles s'accompagnent d'un handicap physique ou mental, ou les deux, chronique et éprouvant. Les maladies génétiques représentent donc un poids considérable pour la santé, l'éducation et les services sociaux. En outre, elles créent un stress et une détresse immenses chez les familles des enfants affectés par ce type de maladie. Mais il y a plus. Il est clair aujourd'hui que nombre de maladies graves d'origine inconnue, qui affligent les sociétés occidentales, comme par exemple les attaques cérébrales, les maladies cardio-vasculaires, les maladies mentales et le diabète, ont une importante composante génétique, et que de nombreuses formes de cancer sont dues à des modifications, acquises ou transmises, de la composition génétique des cellules. A l'évidence, l'ensemble des maladies génétiques, ou des affections dans lesquelles une altération de nos gènes joue un rôle important, occupe une place importante dans la pratique clinique actuelle des pays développés”(4).

L'auteur de ces lignes poursuit en notant l'importance des maladies génétiques dans les pays en développement.

II. POURQUOI CES PROBLEMES SONT-ILS PRESSANTS? Les maladies communes

5. Le dépistage génétique a été utilisé jusqu'ici pour des affections relativement rares. Les tableaux I et II (voir p. 17 et 24) permettent d'apprécier la relative rareté des maladies pour lesquelles des programmes de dépistage ont été mis en place. Le tableau I reflète la situation en matière de dépistage génétique au Royaume-Uni, pays dans lequel la recherche est relativement avancée, au milieu de l'année 1993. Il convient de noter qu'en dehors des tests néonatals, pratiqués systématiquement sur les nouveau-nés pour la phénylcétonurie et l'hypothyroïdie, les programmes pilotes de dépistage génétique, mis en place pour la mucoviscidose principalement, ont été appliqués avec une fréquence inférieure à 1 pour 2.000.

6. Cependant, dans deux sociétés, Chypre et la Sardaigne, un dépistage génétique a été introduit pour la bêta-thalassémie, maladie dont la prévalence est forte dans ces deux pays. A Chypre, jusqu'à 1 sujet sur 7 est porteur de l'affection, ce qui signifie que chez 1 couple sur 49 les conjoints sont tous deux porteurs.

7. Des études récentes permettent de mieux comprendre la base génétique de nombreux cancers et cardiopathies. Des données ont corroboré une estimation, rendue publique en 1990, selon laquelle, d'ici l'an 2000, des facteurs génétiques auront été mis en évidence pour un quart environ des cancers et des cardiopathies. La présente décennie nous impose donc la tâche exigeante de réfléchir aux implications du dépistage génétique pour les maladies communes. Au Royaume-Uni, des instructions récentes aux médecins généralistes, précisant ce qu'ils doivent savoir concernant le dépistage génétique du cancer, peuvent permettre d'apprécier la complexité et l'ampleur de la tâche(5). Les termes en sont les suivants:

• Les risques, les bénéfices et les limites du dépistage génétique • Le conseil génétique avant les tests • Les éléments constituant des antécédents familiaux significatifs

(3) Laila EL-HAMAMSY, Issues relevant to genetics of populations, Section III. (4) WEATHERHALL, D. J. The New Genetics and Clinical Practice, 3ème éd., 1991 (page 1). (5) AUSTOKER J., British Medical Journal, 1994, 309, pp 517-20, pour un examen des implications du

dépistage génétique pour la prévention des cancers dans le cadre de la médecine généraliste.

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• L'évaluation du risque chez des sujets jugés à haut risque • L'explication au patient des risques consécutifs • Les implications de résultats positifs • Les implications de résultats négatifs • A qui faut-il conseiller de consulter un spécialiste • Vers quel type de consultation diriger les patients - service de génétique

oncologique, par exemple • L'efficacité des méthodes actuelles de dépistage et de surveillance pour les

sujets à haut risque - ou plutôt, leurs limites • Le conseil nécessaire après la réalisation des tests • Quels conseils offrir aux personnes qui n'ont pas besoin d'être orientées vers

des tests.

Les maladies multifactorielles et les prédispositions

8. Le second aspect des avancées récentes de la recherche tient au fait que nos connaissances, jusqu'ici limitées à environ 4.000 maladies monogéniques, s'élargissent actuellement aux maladies multigéniques et, plus important encore, multifactorielles. On entend par maladies multifactorielles celles dans lesquelles l'élément génétique se manifeste sous la forme d'une prédisposition: l'expression effective de la maladie peut ensuite dépendre de toutes sortes de facteurs environnementaux. La notion de prédisposition peut être difficile à appréhender au départ pour le grand public, voire pour le législateur. A cet égard, la campagne engagée aux Etats-Unis d’Amérique, dans les années 1970, contre la drépanocytose a fait couler beaucoup d'encre, de façon sans doute injustifiée(6). Pour les pessimistes, une prédisposition peut être interprétée comme vouant nécessairement le porteur à la maladie. Mais en fait, la connaissance d'une prédisposition peut fournir une occasion unique de pratiquer efficacement la médecine préventive.

Les maladies à manifestation tardive

9. La troisième question qu'il convient d'aborder concerne le traitement des maladies qui se déclarent tardivement. Le cas typique était jusqu'ici la maladie d'Huntington, qui frappe en général les adultes vers l'âge de 40 ans et pour laquelle il n'existe pas de traitement curatif. Généralement, l'issue de la maladie est, après quelques années, une mort lente qui peut éprouver durement la famille et le personnel soignant tout au long de la maladie. Les études sur l'éthique du dépistage génétique dans le cas des maladies à manifestation tardive ont donc été menées, pour la plupart, dans le contexte de la maladie d'Huntington(7).

10. Notre tâche aujourd'hui est de déterminer si d'autres affections à manifestation tardive peuvent conduire à des attitudes similaires en matière de dépistage génétique. D'après l'expérience acquise pour la maladie d'Huntington, rares sont parmi les sujets potentiellement à risque ceux qui désirent se soumettre aux tests. Des gènes de susceptibilité à la maladie d'Alzheimer ont été identifiés récemment. Doit-on s'attendre à la même réaction? Le gène BRCA-1, qui prédispose fortement au cancer du sein et des ovaires(8), a été récemment identifié et estimé responsable de près de 80 pour cent de la morbidité avant l'âge de 70 ans(9). Des traitements préventifs peuvent être proposés. La mastectomie et l'ablation des ovaires après la grossesse sont actuellement préconisées. L'expérience dont nous disposons aujourd'hui indique, chez les femmes conscientes d'une prédisposition familiale au cancer du sein ou des ovaires, un vif désir de se soumettre aux tests. On peut en conclure que les attitudes face au dépistage des maladies à manifestation tardive varieront vraisemblablement en fonction de la nature de la maladie et de l'existence ou non d'un traitement curatif.

(6) OFFICE OF TECHNOLOGY ASSESSMENT, Genetic Monitoring and Screening in the Workplace,

1990, pp 41-45. (7) TIBBEN, A. What is Knowledge but Grieving? On the psychological effects of presymptomatic DNA

testing for Huntington's disease, 1993. (8) ALBERTSEN, H. et al., Nature Genetics, 1994, 7, 472-79. (9) FORD, D. et al., Lancet, 1994, 343, 692-5.

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La recherche dans les neurosciences(10)

11. La composante génétique des troubles psychiatriques et cérébraux est actuellement l'objet de découvertes et de progrès rapides. Les chercheurs nous promettent une meilleure compréhension des origines biologiques du comportement humain. Déjà on analyse la part des facteurs génétiques dans un large éventail de problèmes comportementaux tels que la toxicomanie et les troubles du sommeil, ainsi que dans des maladies mieux définies cliniquement comme la schizophrénie. La place centrale du cerveau humain dans les notions de conscience, de personnalité et de dignité exige que soient d'urgence arrêtés les principes qui gouverneront à la fois la recherche et ses applications dans ce domaine.

L' "amélioration" des caractères humains et la gamme des caractères "normaux"

12. Des études récentes affirmant l'existence d'un "gène de l'homosexualité" ont fait la une des journaux à travers le monde entier. Des recherches sur une apparente composante génétique des comportements violents ont également posé la question de savoir jusqu'où le dépistage génétique devrait être autorisé, s'agissant soit d' "améliorer" les caractères humains, selon l'expression consacrée, soit d'éliminer des caractères appartenant à l'éventail normal de la diversité humaine. Des firmes biotechnologiques aux Etats-Unis d’Amérique semblent disposées à envisager que “dans quelques années à peine, nous soyons en mesure de réaliser une sélection pré-implantatoire des embryons en fonction de critères tels que la taille, la nature ou la couleur des cheveux, ou la couleur des yeux, etc.”(11).

13. De telles considérations raniment le spectre d'un nouvel eugénisme. L'opinion publique souhaite légitimement éviter un retour possible aux pratiques eugéniques de certains Etats démocratiques, sans parler des horreurs du régime nazi.

Les "empreintes" génétiques et leur utilisation à des fins médico-légales

14. La technique dite des empreintes génétiques a été rapidement adoptée à des fins légales par les services de police du monde développé. Cette application pose trois questions d'ordre technique. Tout d'abord, un contrôle de qualité adéquat peut-il être garanti? Ensuite, des discussions très sérieuses sont en cours concernant la validité statistique des techniques actuellement utilisées(12). Enfin, la présentation de ces statistiques sous une forme adaptée à leur utilisation devant des tribunaux suscite également des difficultés(13). Le problème des libertés individuelles risque de se poser avec la banalisation de cette technique et la constitution de fichiers d'ADN sur une grande échelle.

III. LES QUESTIONS ETHIQUES A EXAMINER 15. Le CIB sera peut-être amené à accepter le fait qu'il n'est pas en mesure de résoudre au moins une question éthique parmi celles que pose le dépistage génétique. Il existe en effet de telles divergences de vues sur la question de l'interruption de grossesse motivée par des affections génétiques graves que le CIB ne peut aspirer qu'à l'instauration d'un débat serein sur le sujet. Il est intéressant de noter que le Conseil de l'Europe a pour sa part jugé nécessaire de laisser de côté cette question (voir ci-après, paragraphe 31). Les chances pour l'UNESCO ou son CIB de voir aboutir l'adoption d'une résolution à l'échelle mondiale sont encore plus réduites. Certains pourront en être déçus. Trois points méritent d'être soulignés. Premièrement, il convient d'encourager les alternatives au diagnostique au stade prénatal (voir Annexe B). Deuxièmement, ce débat spécifique pourrait n'affecter qu'une proportion de plus en plus limitée des tests génétiques réalisés à l'avenir. Jusqu'ici, le dépistage génétique a été appliqué principalement aux maladies létales, monogéniques. Or le dépistage génétique sera

(10) Prof. N. FUJIKI & D. MACER, Intractable Neurological Disorders, Human Genome Research and

Society.. (11) Hastings Report, Vol. 24, N° 4 (juillet-août 1994), p. 3. (12) BALDING, D. J. & DONNELLY, P., Nature, 1994, 368, pp. 285-6. (13) MATTHEWS, R., New Scientist, 16 avril 1994, pp. 12-13.

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de plus en plus axé sur les maladies multifactorielles, pour lesquelles la composante génétique peut indiquer une prédisposition à la maladie. Troisièmement, les programmes de dépistage génétique menés en Sardaigne et à Chypre (voir paragraphe 6) ont démontré que leur réussite ne conduit pas à l'interruption de grossesse. Enfin, les sociétés doivent veiller aux effets secondaires du dépistage génétique. De tels programmes ne doivent ni stigmatiser les personnes qui sont affectées de désordres génétiques ni diminuer les ressources allouées aux services destinés au soutien à ces personnes afin qu'elles puissent être des membres à part entière de la société.

16. Le CIB pourrait sans doute se concentrer utilement sur la recherche d'un consensus visant à exclure l'interruption de grossesse lorsque le but est:

1. l' "amélioration" des caractères humains; 2. l'élimination de caractères humains particuliers qui entrent dans l'éventail des

caractères normaux; 3. l'élimination d'une prédisposition à une maladie curable.

17. Le CIB pourrait décider de prendre en compte l'avis de notre collègue, Dr. Qiu Renzong, en ce qui concerne l'attitude à observer face à d'éventuels conflits entre cultures différentes(14), (15):

“(1) Le respect et la tolérance Le respect de la culture d'autrui, en particulier le respect des sentiments auxquels l'autre accorde une grande place dans sa culture et aussi le respect de son évolution. La culture désigne un ensemble de croyances et de valeurs, dont certaines changeront, d'autres non, mais qui, toutes, sont profondément enracinées dans les esprits. De fait, chaque système est l'objet d'une ré-interprétation permanente, et certaines pratiques fondées sur ce système seront rejetées, tandis que d'autres se perpétueront intactes. Ainsi, peut s'expliquer le fait que des traditions anciennes aient pu se perpétuer jusqu'à nos jours. Le respect implique la tolérance. Certaines pratiques observées dans d'autres cultures nous paraissent condamnables, mais nous devons néanmoins faire preuve de tolérance à leur égard. Que pouvons-nous faire d'autre? Lorsque les Occidentaux sont arrivés en Chine il y a un siècle, ils ont condamné la pratique des pieds bandés chez les femmes. Mais que pouvaient-ils y changer? Les femmes chinoises elles-mêmes ne trouvaient alors rien à redire à cette coutume, y voyant même le symbole de leur statut social puisque la pratique en était interdite aux filles de paysans ou de travailleurs de statut inférieur. Mais progressivement, les Chinois ont supprimé par eux-mêmes cette pratique. Dans une société ou un monde multiculturel, nous devons faire preuve de tolérance à l'égard des pratiques d'autrui que nous jugeons condamnables.

“(2) Le dialogue et la négociation Le dialogue et la négociation sont la seule réponse ou solution possible aux différences ou aux conflits entre les cultures. (...)

“(3) La recherche d'un terrain commun tout en préservant les différences Dans le cadre du dialogue, les participants de différentes cultures peuvent, par le biais de la négociation, identifier leurs similitudes et leurs différences et voir si ces similitudes pourraient constituer un terrain d'entente ou un cadre commun, et quelles différences seraient susceptibles de faire l'objet d'un compromis ou d'être laissées de côté en vue d'une discussion ultérieure, à un moment opportun.

“(4) La patience Des cultures différentes se rencontrent partiellement. Leur champ commun s'élargit après chaque négociation, chaque avancée sur le chemin de la compréhension mutuelle. Mais il est pratiquement impossible de fondre toutes les

(14) Ethical issues ... in a multicultural context, pp. 4-5. (15) Sur l'Afrique, voir également Rév. J.-M. MPENDAWATOU, Remarques complémentaires...., par. 10 et

suiv.

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cultures en une seule. Même si nous avons des valeurs communes, les priorités seront différentes. Le fait pour chaque culture de préserver sa spécificité ne porte nullement atteinte aux efforts déployés ensemble en vue de bâtir un cadre d'action commun et d'engager dans ce contexte des actions communes. Mais le changement ou l'évolution d'une culture traditionnelle demande du temps, parce que le changement ou l'évolution doit venir de l'intérieur. Toute mesure imposée de l'extérieur aura pour effet de mettre en péril le changement, l'évolution et le progrès ou de les anéantir, engendrant ainsi le chaos.”

A la lumière de l'analyse qui précède, on peut apprécier l'état d'avancement du dialogue et de la négociation qui ont été engagés par la communauté internationale. La Déclaration universelle des droits de l'homme et les deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme proclament des principes universellement reconnus qui peuvent permettre de dégager ceux qui s'appliquent au dépistage génétique:

• le respect pour la dignité et la valeur de la personne humaine; • le droit à l'égalité devant la loi; • la protection des droits des personnes vulnérables; • le droit de toute personne à ne pas être soumis à une expérience médicale ou

scientifique sans son libre consentement; • le droit de toute personne au meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit

capable d'atteindre; • le droit de toute personne à la protection contre les immixtions arbitraires dans sa vie

privée ou sa famille.

Dans ce qui suit, ces principes généraux ont été appliqués au dépistage génétique.

Limites éthiques du dépistage et des tests génétiques

18. Ne faudrait-il pas admettre, en règle générale, que l'introduction de programmes de dépistage exige le plus grand soin? Une telle prudence est justifiée par les considérations suivantes:

- le dépistage de certains désordres génétiques est devenu une possibilité réelle; - les connaissances de la médecine sur la susceptibilité génétique à des maladies

multifactorielles communes (comme par exemple certaines cardiopathies et certains cancers) continuent actuellement de progresser. Toutefois, malgré ces avancées, le risque affectant un individu donné peut être difficile à évaluer;

- nombre de questions éthiques associées au dépistage génétique se posent du fait de l'implication inévitable des familles (conjoints et collatéraux);

- les effets positifs et négatifs des programmes de dépistage - pour les individus, les familles et la société en général - devront être soigneusement évalués pour chacun des programmes de dépistage envisagés. Parmi les facteurs à prendre en considération, mentionnons: (a) le pouvoir prédictif et la précision du test génétique; (b) les bénéfices d'un choix personnel éclairé dans les décisions liées à la

procréation et leurs conséquences; (c) l'impact psychologique des résultats du dépistage tant pour les individus que

pour les familles; (d) les possibilités thérapeutiques; (e) les éventuels inconvénients économiques et sociaux en relation, par exemple,

avec les assurances et une stigmatisation possible; (f) les coûts des ressources et la priorité relative de la mise en place d'un

programme de dépistage, dans le contexte de ressources limitées; et, (g) les moyens alternatifs d'aide aux personnes et aux familles affligées par une

maladie.

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19. Etant donné la gravité des questions posées à la société tout entière par la régulation des programmes de dépistage génétique, l'autorité responsable de l'introduction de programmes nouveaux devra être attentive aux considérations suivantes:

1 la gravité de l'affection: il faudra évaluer le degré de gravité de l'expression de l'affection, qui peut aller de bénigne à grave, et déterminer jusqu'à quel point le test génétique permet de prédire le degré de gravité. Ce type de pronostic s'avère difficile dans le cas de la mucoviscidose(16). Pour la chorée de Huntington, des progrès ont pu être réalisés en établissant une corrélation entre l'âge auquel se déclare la maladie et le nombre de répétitions de la séquence CAG(17). (Le gène pour la protéine en question contient normalement entre 6 et 37 répétitions de la séquence de nucléotide CAG - responsable du codage de l'aminoacide glutamine - mais les sujets qui héritent d'un chromosome 4 dans lequel le nombre de répétitions de la séquence CAG est supérieur à cette fourchette présentent un risque de développement de la maladie);

2 l'âge auquel se déclare la maladie: les politiques de santé publique devraient, dans toute la mesure du possible, établir une distinction entre les différentes maladies d'apparition tardive sur la base du désir affiché des sujets à risque d'être soumis aux tests. Il peut être difficile, au moment de la mise en place d'un programme de dépistage, d'estimer la demande. Dès que des statistiques significatives sont disponibles, il est nécessaire de les incorporer dans l'administration du programme de dépistage de la maladie en question. Chaque programme doit être doté des mécanismes nécessaires pour à la fois procéder à une vérification et à un bilan, et incorporer dans le programme les résultats de ce bilan;

3 l'existence ou non d'un traitement curatif: l'existence d'un traitement curatif et son degré d'efficacité justifient l'introduction d'un programme de dépistage pour une maladie donnée. Les prédispositions génétiques aux cancers ou aux cardiopathies offrent en principe et dans la pratique un champ considérable d'application à la médecine préventive;

4 quelles limites imposer au dépistage et aux tests génétiques? A quel moment la sélection potentielle de caractères humains débouche-t-elle sur une pratique eugénique condamnable? La sélection des embryons en fonction du sexe peut-elle par exemple être jugée acceptable en dehors du souci thérapeutique d'éviter les maladies graves liées au chromosome X?

IV. CONTRIBUTION A UNE EVENTUELLE DECLARATION Limites éthiques du dépistage et des tests génétiques

20. Le dépistage et les tests génétiques devraient être limités aux maladies qui affectent gravement la santé de l'individu. Le dépistage et les tests génétiques peuvent s'avérer particulièrement indiqués dans le cas de maladies entraînant un décès précoce.

21. Il est inopportun de pratiquer un dépistage dans le cas de maladies qui ne constituent pas une menace grave pour la santé et/ou de caractéristiques qui entrent dans l'éventail normal des caractères humains.

22. Le plus grand soin doit être apporté à l'introduction de programmes de dépistage et de tests pour les maladies à manifestation tardive. Il sera généralement indiqué de pratiquer ces tests pour ces maladies lorsqu'un traitement préventif est disponible. Dans le cas des maladies à manifestation tardive pour lesquelles il n'existe pas de traitement, la plus grande prudence doit être observée avant toute introduction de tests ou de dépistage. La plupart du temps, la réalisation de tests avant l'âge adulte ne sera probablement pas indiquée.

(16) ROSENSTEIN, B. J., Lancet, 1994, pp. 746-7. (17) KREMER, B., New England Journal of Medicine, 1994, 330, pp. 1401-6 et littérature citée sous les

références 24, 28 et 29.

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Dépistage génétique et politiques publiques

23. Le dépistage génétique devrait être volontaire et dénué de tout caractère obligatoire. Il peut être opportun pour un Etat de mettre l'accent sur les avantages potentiels du dépistage, conformément aux traditions culturelles et aux capacités médicales. 24. Dans les programmes de dépistage génétique, comme d'ailleurs dans tous les programmes de dépistage, un équilibre doit être trouvé entre les bénéfices potentiels du dépistage pour une maladie génétique donnée et ses effets nocifs potentiels, par exemple la création d'une anxiété injustifiée durant la procédure de dépistage. L'Etat devrait instituer une autorité appropriée pour veiller au respect de cet équilibre. La forme que pourrait revêtir un tel organisme sera naturellement variable en fonction des traditions d'une société particulière. La communauté scientifique ainsi que la société civile devraient y être représentées. Quelle que soit sa composition officielle, il aurait pour tâche d'examiner les résultats empiriques des programmes pilotes; le contrôle des programmes subséquents étant une autre tâche qui lui serait confiée. 25. Le dépistage génétique peut être considéré comme une question relevant de la politique de santé publique. Il en découle que l'Etat devrait assumer certaines responsabilités (la responsabilité exécutive pouvant, dans certains pays, être déléguée à des organismes professionnels ou à des organismes ayant une importante composante professionnelle). Ces responsabilités incluent notamment: 1 la garantie d'une information adéquate aux personnes soumises au dépistage ou aux

tests; 2 la mise en place d'un soutien et/ou d'un conseil approprié pour les personnes

soumises au dépistage et aux tests ainsi que pour leurs familles, le cas échéant; 3 le respect du secret médical. La tâche n'est pas aisée compte tenu de la tendance accrue

à stocker les informations médicales sur support informatique; 4 la protection contre l'utilisation abusive de l'information génétique par des tiers.

L'expérience a déjà mis en évidence, dans certains pays, des risques de dérive en relation avec l'emploi et les assurances;

5 la garantie d'un accès équitable au traitement médical.

Informations génétiques et vie privée 26. Tout sujet soumis à des tests ou à un dépistage doit être présumé bénéficier du droit à la confidentialité des informations résultantes. La notion de vie privée varie d'une société à l'autre. Dans certaines, elle renvoie exclusivement à l'individu; plus généralement, dans d'autres, elle peut être élargie à la famille. Il est, par conséquent, important de bien préciser à la personne soumise à un dépistage dans quelle mesure l'information obtenue sera communiquée à d'autres membres de la famille et jusqu'à quel point il peut être approprié de supposer que certaines informations devraient être transmises à d'autres membres de la famille. 27. Le personnel de santé a l'obligation de veiller au respect du degré approprié de confidentialité des informations génétiques tel qu'il est défini par les normes d'une société donnée. Il incombe donc aux organismes professionnels de tutelle des personnels de santé chargés du dépistage génétique de définir des lignes directrices concernant le traitement des informations génétiques, afin que l'individu soumis à un dépistage bénéficie du degré de confidentialité jugé approprié par la société. Education et libertés individuelles 28. Le risque d'abus du dépistage génétique nécessite la mise en place de garde-fous. L'information de l'opinion publique sur la génétique humaine devrait favoriser une prise de conscience des risques à la fois d'eugénisme et d'éventuelle stigmatisation des personnes porteuses ou atteintes par des maladies génétiques. La nécessité d'une meilleure compréhension de la génétique humaine devrait être prise en compte par les responsables de l'élaboration des programmes d'enseignement et d'éducation à la santé publique(18).

(18) Cet aspect est mis en lumière dans la communication du Dr L. VIDAL-RIOJA sur la génétique en

Argentine, Dépistage et tests génétiques.

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29. Il convient toutefois de reconnaître les limites des effets de l'action éducative, si bien faite soit-elle. Il est donc essentiel, pour parer à toute dérive, d'adopter des dispositions appropriées en ce qui concerne:

• le consentement libre et éclairé • la confidentialité des informations génétiques • les restrictions appropriées à l'utilisation des informations génétiques par des tiers,

par exemple en relation avec l'emploi et l'assurance.

Précision et contrôle de qualité

30. L'efficacité et l'innocuité des tests génétiques devraient être établies avant leur introduction comme examens de routine, et, même alors, le plus grand soin devrait être apporté à leur réalisation ainsi qu'à l'interprétation des résultats. Il ne faudrait certes pas que le poids des réglementations constitue un obstacle à la mise au point de nouveaux tests ou à l'offre de services de tests génétiques. Néanmoins, leur nature et leur interprétation ainsi que la gravité des décisions individuelles et cliniques susceptibles d'être prises en se fondant sur leurs résultats - y compris l'avortement des foetus affectés - impliquent pour ces tests un risque d'erreur "proche de zéro". En conséquence, les laboratoires et les personnels chargés de leur réalisation devraient participer à des programmes de validation de leur compétence, incluant un contrôle de l'interprétation fournie par le laboratoire au médecin prescripteur. (En ce qui concerne la communication des résultats à la personne qui a été dépistée, voir le paragraphe 25, point 2). Il pourra être nécessaire de prévoir, pour les laboratoires ayant commis une erreur, une période de mise à l'épreuve et l'imposition d'une nouvelle procédure de validation, faisant de préférence appel à des méthodes dites "en aveugle". L'incapacité d'un laboratoire à satisfaire à ces normes devrait conduire à un retrait d homologation pour la réalisation de ces tests.

V. CONTRIBUTION A UNE EVENTUELLE CONVENTION 31. Il peut être utile, à ce stade précoce des travaux du CIB en vue de l'élaboration d'un éventuel instrument juridique, d'examiner attentivement le fruit des travaux sur le même thème du Conseil de l'Europe, qui, en juillet 1994, a publié un Projet de convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention de bioéthique, et rapport explicatif. La lecture critique des articles relatifs au dépistage génétique, qui est proposée ci-après, vise à illustrer la difficulté de la tâche confiée au CIB. Le CIB peut-il espérer résoudre les ambiguïtés diplomatiques contenues dans le Projet du Conseil de l'Europe?

32. Les articles relatifs au dépistage et aux tests génétiques dans le Projet sont les suivants:

Article 16 (Génome humain) Une intervention sur le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, thérapeutiques ou diagnostiques et seulement si elle n'a pas pour but d'affecter la lignée germinale.

Article 17 (Tests prédictifs de maladies génétiques) Il ne pourra être procédé à des tests prédictifs de maladies génétiques ou pouvant détecter une prédisposition génétique à une maladie que pour des raisons de santé ou de recherche scientifique liée à des raisons de santé.

Article 18 (Communication des résultats) La communication des résultats d'un test génétique, en dehors du domaine de la santé, ne sera admise que conformément aux dispositions de l'article 2 paragraphe 2 de la présente Convention. [Le paragraphe 2 de l'article 2 dit: “Aucune restriction ne sera imposée à l'exercice des droits définis dans la présente Convention en dehors de celles qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique pour garantir la sécurité publique, prévenir les atteintes à l'ordre public, protéger la santé publique et protéger les droits et les libertés d'autrui”.]

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33. Le CIB pourrait noter la relative concision des dispositions sur lesquelles les gouvernements représentés au sein du Conseil de l'Europe sont parvenus à un accord provisoire. Même ainsi, ces dispositions concises pourraient ne pas recueillir l'adhésion en dehors de l'Europe. Elles appellent un certain nombre de considérations, notamment :

(1) L'article 17 limite le recours aux tests à “des raisons de santé, ou de recherche scientifique liée à des raisons de santé”. Le commentaire qui en est donné au paragraphe 117 précise: “Sont donc exclus les tests génétiques prédictifs dans le contexte d'examens médicaux de pré-embauche chaque fois qu'ils ne poursuivent pas un but de santé. Cependant, la loi nationale peut permettre la réalisation d'un test prédictif d'une maladie génétique en dehors du domaine de la santé pour l'une des raisons indiquées au paragraphe 2 de l'article 2 et en respectant les conditions qu'il édicte.”

Le paragraphe 2 de l'article 2 pourrait sembler laisser la voie largement ouverte à la pratique de tests pour des raisons autres que de santé.

(2) Jusqu'à quel point l'activité potentielle des compagnies d'assurance est-elle circonscrite par l'article 17? Le commentaire au paragraphe 118 précise:

“L'article 17 interdit d'entreprendre, même avec l'assentiment de la personne concernée, un test prédictif pour une raison autre que la santé ou la recherche liée à la santé. Il en sera ainsi, par exemple, en matière d'assurance. L'assureur ne sera pas en droit de demander la réalisation d'un test génétique prédictif comme condition préalable à la conclusion ou à la modification d'un contrat d'assurance. Qui plus est, il ne pourra pas refuser la conclusion ou la modification d'un contrat au motif que le candidat à l'assurance ne s'est pas prêté au test, car on ne saurait valablement conditionner la conclusion d'un contrat à la réalisation d'un acte illicite.”

On pourrait cependant soutenir que l'article 2 paragraphe 2 autoriserait la réalisation de tests afin de prévenir ce qui, dans certains Etats, pourrait être défini comme une tentative de fraude à l'assurance. Le commentaire du paragraphe 123 le reconnaît explicitement:

“Par ailleurs, l'individu qui a connaissance de sa constitution génétique pourrait essayer d'utiliser celle-ci à son profit, notamment dans le cas des contrats d'assurance privés. Il appartient au droit national, compte tenu notamment de la notion de bonne foi et du principe général d'interdiction de l'abus de droit, de prévoir des solutions appropriées.”

(3) Dans quelle mesure l'article 18 contraindrait-il les Etats qui pourraient souhaiter interdire l'utilisation des tests génétiques à des fins eugéniques ou dans un but d'“amélioration”? Le commentaire du paragraphe 121 précise:

“Chacun devrait avoir un accès libre aux tests génétiques qui pourraient présenter un intérêt pour sa santé. Afin de permettre à chacun de profiter de ces techniques dans le contexte des soins de santé, il conviendrait de supprimer les facteurs extérieurs qui pourraient influencer le libre choix à l'utilisation des services génétiques dans ce contexte. Il est à noter que le champ d'application de cet article 18, qui traite des résultats de tout test génétique, est plus large que celui de l'article 17 qui ne concerne que les tests prédictifs d'une maladie génétique ou d'une prédisposition génétique à une maladie.”

(4) L'article 18, examiné conjointement avec l'article 2 paragraphe 2, peut-il constituer une base adéquate pour le respect du caractère confidentiel des résultats des tests génétiques? Le commentaire du paragraphe 122 comporte d'incontestables ambiguïtés:

“Il importe donc d'empêcher des tiers d'utiliser des informations génétiques que l'individu a acquises en faisant usage des services génétiques dans le contexte médical. Il doit en être ainsi en particulier lorsque l'obtention de biens sociaux est en cause (par exemple: emploi, assurance sur la vie, médicale et d’invalidité). C'est

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pourquoi la communication des résultats de tests génétiques, obtenus dans le cadre des soins de santé pour d'autres fins, est interdite, nonobstant la libre relation contractuelle. Sinon, l'individu pourrait refuser de se soumettre à des tests et d'obtenir des données sur sa santé, par ailleurs essentielles, par peur des conséquences. Cependant, l'article dispose que la loi nationale peut prévoir des cas où la communication des résultats d'un test génétique sera possible en dehors du domaine de la santé dans les conditions prévues à l'article 2 paragraphe 2. Cette communication doit donc être une mesure nécessaire dans une société démocratique et poursuivre l'un des buts énoncés dans cet article.”

VI. CONCLUSIONS 34. Le CIB est invité à examiner dans quelle mesure les paragraphes 20 à 30 pourraient constituer une base adéquate pour le projet de déclaration.

35. Le CIB est invité à prendre note du Projet de convention du Conseil de l'Europe dans ses aspects relatifs au dépistage génétique (paragraphes 31 à 33). Il pourra, à la lumière des articles en question, décider de définir des orientations complémentaires en vue de l'élaboration d'un éventuel instrument juridique de l’UNESCO.

VII. REMERCIEMENTS L'auteur exprime ses remerciements aux membres suivants du CIB, qui lui ont apporté leur concours:

Professeur A. Bompiani Professeur J. Dausset, voir réf. 1 Mme L. El-Hamamsy, voir réf. 3 Dr. J. Fleming, voir réf. 6 Professeur N. Fujiki, voir réf. 10 Professeur D. Macer, voir réf. 10 Rév. J.-M. Mpendawatu, voir réf. 2 et 15 Dr Qiu Renzong, voir réf. 14 Professeur H. M. Sass Professeur D. Serrao, voir information Tableau II Dr. L. Vidal-Rioja, voir réf. 18

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TABLEAU I: PROGRAMMES ACTUELS DE DEPISTAGE GENETIQUE AU ROYAUME-UNI (septembre 1993)

Il est vraisemblable que d'ici la publication du présent rapport, des programmes pilotes de dépistage génétique auront été adoptés sur une plus large échelle et que d'autres seront en cours d'évaluation. Le tableau ci-après fait la synthèse des programmes de dépistage actuellement mis en oeuvre au Royaume-Uni.

Groupe d’âge Maladie Population dépistée Type de test Confirmation requise

Autres remarques

Néonatal Phénylcétonurie Tous les nouveaux-nés Indirect Oui

Hypothyroïdie Tous les nouveaux-nés Indirect Oui

Drépanocytose Tous les nouveaux-nés dans certaines régions; limité à certains groupes ethniques dans d’autres

Indirect Oui Détecte aussi les sujets porteurs

Mucoviscidose Certaines régions (stade encore expérimental)

Indirect Oui

Myopathie de Duchenne

Etudes pilotes Indirect Oui

Autres troubles métaboliques rares

Tests familiaux Habituellement indirect

Durant l’enfance

Aucun dépistage au Royaume-Uni

Tests prénuptiaux et prématernité

Mucoviscidose Projets pilotes couramment utilisés

Direct Non Détecte 85-90% des sujets porteurs

Durant la grossesse

Hémolyse liée au facteur Rhésus

Toutes les mères Indirect

Diabète sucré Toutes les mères Indirect Exploration foetale spécialisée

Malformations congénitales

La plupart des foetus Echographie de routine

Oui. Echographie foetale

Trisomie 21 1) Toutes les mères dans certaines régions

Dépistage sérique

Amniocentèse avec tests chromosomiques sur le foetus pour confirmation

2) Toutes les mères de plus de 35-37 ans

Tests chromosomiques sur le foetus

Non

Défauts du tube neural (spina bifida et anencéphalie)

Toutes les mères dans des nombreuses régions

Indirect Echographie foetale

Hémoglobinoses Toutes les mères d’origine non-européenne

Indirect Détecte les sujets porteurs

Mucoviscidose Etudes pilotes Direct Non Détecte 85-90% des sujets porteurs

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TABLEAU II

PORTUGAL • Dépistage à la naissance: les tests sont gratuits.

PKU Hypothyroïdie

Résultats des tests en 1993:

PKU 111,917 tests: 10 cas diagnostiqués Hypothyroïdie 111,917 tests: 36 cas diagnostiqués

• Pour la mucoviscidose, les tests sont encore au stade expérimental • Le diagnostic prénatal est réalisé dans des centres à Lisbonne, Coimbra et Porto • Entre 1982 et 1993, les cas suivants ont été diagnostiqués:

Maladies Lysosomiales 167 dont la sphingolipidoses 99

dont la maladie de Gaucher 33 autres 66

Mucopolysaccharidoses 46 dont la maladie de Hunter 17

Maladies peroxysomiales 9 dont ALD liée au chromosome X 6

ETATS-UNIS D’AMERIQUE Maladies génétiques pour lesquelles les nouveaux-nés ont été soumis à un dépistage aux Etats-Unis d’Amérique en 1990. Désordre Nombre d'Etats proposant le dépistagea

Phénylcétonurie 52 Hypothyroïdie congénitale* 52 Hémoglobinopathie 42b Galactosémie 38 Leucinose 22 Homocystinurie 21 Déficience en biotinidase 14 Hyperplasie surrénalienne 8 Tyrosinémie 5 Mucoviscidose 3c

* Seule une partie des cas ont une étiologie génétique. a Y compris le District of Columbia, Puerto Rico et les Iles Vierges américaines. b L'étude pilote de l'Utah sur les hémoglobinopathies (6-1-90 à 3-31-91) a été

interrompue. c Le programme de dépistage de la mucoviscidose du Wisconsin répond uniquement à

un but de recherche.

SOURCE: Council of Regional Networks for Genetic Services, 1992.

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ANNEXE A

TECHNIQUES DE DIAGNOSTIC PRENATAL ET DE DEPISTAGE GENETIQUE 1. Les techniques suivantes sont d'un usage courant:

1 l'échographie 2 l'amniocentèse 3 la biopsie des villosités choriales 4 le prélèvement de sang foetal 5 les tests de dépistage biochimique.

Des recherches sont en train d'être menées énergiquement afin de mettre au point des techniques "non intrusives" et dont les résultats pourraient être connus le plus tôt possible au cours de la grossesse.

L'échographie

2. Le développement rapide de l'échographie obstétricale a considérablement accru les possibilités de détection directe d'anomalies congénitales. Avec un service d'échographie obstétricale correctement organisé, les principales malformations structurelles pourraient pour la plupart être détectées au cours du deuxième trimestre de la grossesse (à environ 19 semaines de gestation).

3. On considérait jusqu'ici que cette méthode de diagnostic obstétrical par les ultrasons ne présentait aucun effet nocif. Récemment, cependant, des études ont semblé indiquer que le recours aux ultrasons peut entraîner un taux accru de gauchers chez les nouveaux-nés. En dehors de cela, les principales limites de cette technique tiennent au fait qu'elle dépend étroitement de la compétence de l'opérateur et de la qualité de l'équipement. Le risque majeur réside dans une erreur d'interprétation de l'image, conduisant à la non-détection d'anomalies (faux négatifs) ou à l'avortement d'un foetus sain (faux positifs).

L'amniocentèse

4. L'amniocentèse est une technique qui consiste à prélever, par ponction, du liquide amniotique dans la cavité amniotique. Le liquide et les cellules qu'il contient peuvent ensuite être analysés pour détecter des anomalies génétiques sur le foetus.

5. L'amniocentèse est généralement pratiquée aux alentours de la 16ème semaine de grossesse. Une certaine incertitude subsiste quant au risque qu'elle fait courir au foetus, du fait en partie que ce risque est si faible qu'il est difficile à mesurer. Des études généralement acceptées font état d'un risque d'avortement spontané consécutif à l'amniocentèse de 1 %, et d'une incidence faiblement accrue des troubles respiratoires légers chez le nouveau-né. Le principal inconvénient de l'amniocentèse tient au délai nécessaire avant le diagnostic et au stade tardif auquel l'avortement peut être proposé en cas de détection d'une anomalie chez le foetus.

La biopsie des villosités choriales

6. La biopsie des villosités choriales est une procédure relativement nouvelle qui consiste à prélever un fragment de plaque choriale (placentaire) à des fins de diagnostic prénatal. Cette biopsie peut être pratiquée au cours du premier mois de la grossesse, avec un inconfort minime, et souvent permet de poser un diagnostic avant 12 semaines de gestation. Cela signifie que l'interruption de grossesse, si nécessaire, peut être pratiquée simplement, sans douleur et en privé sous anesthésie générale. Un registre établi sous les auspices de l'OMS a mis en évidence un taux de perte foetale total inférieur à 4 % sur plus de 10.000 cas notifiés entre 1982 et 1986. D'importants centres spécialisés ont fait état d'un taux de perte foetale de 2 à 3 %, soit 1 % de plus environ que la moyenne à ce stade de la grossesse.

Le prélèvement de sang foetal

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7. Le prélèvement de sang foetal est utilisé pour le diagnostic des hémoglobinoses et de l'hémophilie lorsqu'un diagnostic par l'ADN n'est pas possible, pour le diagnostic immunologique de l'alymphocytose ou des infections intra-utérines, et pour la détermination rapide du cariotype des lymphocytes foetaux lorsqu'une malformation a été détectée par échographie. Cette procédure ne peut être mise en oeuvre de manière sûre qu'après la 17ème semaine de grossesse et uniquement par des spécialistes. Au départ, le prélèvement de sang foetal était réalisé par foetoscopie, technique hautement spécialisée assortie d'un risque de perte foetale de 3 à 5 %. Celle-ci est aujourd'hui remplacée par la méthode plus sûre et moins spécialisée du prélèvement par ponction transabdominale échoguidée du cordon au niveau de son insertion foetale.

Les tests de dépistage biochimique

8. Les tests de détection indirecte ne détectent pas le gène lui-même mais un aspect donné de sa fonction. Les tests les plus directs visent la protéine spécifique produite par le gène. Dans le cas d'une anomalie génétique, ces tests peuvent mettre en évidence le défaut de fabrication de la protéine ou sa présence en quantité réduite, ainsi qu'une altération expliquant un fonctionnement défectueux. Le diagnostic biochimique suppose que le gène en question s'exprime dans une source accessible de cellules foetales. Dans la mesure où il y a habituellement une zone de chevauchement importante entre les résultats des sujets normaux et ceux des sujets porteurs, les méthodes biochimiques ne permettent que rarement d'identifier des sujets porteurs. Lorsque le gène - ou son produit - ne peut être aisément testé, il est possible de mesurer une autre substance donnée qui est perturbée par l'affection.

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ANNEXE B

ALTERNATIVES AU DIAGNOSTIC PRENATAL 1. Actuellement, le dépistage des maladies génétiques et autres liées à la reproduction est axé principalement sur les femmes enceintes. (Dans le cas de certaines maladies comme, par exemple, la phénylcétonurie et l'hypothyroïdie, les nouveaux-nés sont soumis à un dépistage en vue d'un démarrage immédiat du traitement le cas échéant).

2. Des arguments de poids militent en faveur de la réalisation des tests génétiques avant la grossesse chaque fois que cela est possible. Lorsque des tests auraient pu être pratiqués antérieurement, le diagnostic prénatal apparaît comme particulièrement inapproprié pour les maladies héréditaires, pour un certain nombre de raisons parmi lesquelles:

a le diagnostic prénatal ne permet pas de choisir parmi l'éventail complet des options de reproduction;

b les couples à risque se voient actuellement communiquer le diagnostic trop tard pour pouvoir recourir à l'avortement au cours du premier trimestre;

c certains tests de dépistage des sujets porteurs (dans le cas de la maladie de Tay-Sachs et de l'hémophilie) sont plus difficiles à interpréter au cours de la grossesse et il est impossible de corriger une erreur éventuelle de laboratoire;

d les couples à risque ont besoin de mois (et non de jours) pour assimiler l'information et opérer des choix en toute connaissance de cause. Ils devraient également avoir la possibilité de recourir à des options autres que le diagnostic prénatal.

3. Ces arguments tendent à indiquer que, dans les communautés où le risque d'anomalie génétique grave est élevé (c'est le cas, par exemple, à Chypre pour la bêta-thalassémie et dans les communautés juives ashkénazes pour la maladie de Tay-Sachs), le dépistage des enfants vers la fin de l'adolescence peut être souhaitable.

Le diagnostic pré-implantatoire

4. Cette technique est récente et expérimentale et devrait être considérée comme au stade de la recherche encore. Aux Etats-Unis d’Amérique, le centre de recherche le plus actif est à Chicago; en Europe, en Sardaigne (en collaboration avec Milan) et au Royaume-Uni, plusieurs centres ont travaillé sur un nombre relativement limité d'anomalies monogéniques.

5. Cette technique implique une stimulation de l'ovulation à l'aide de médicaments coûteux, qui peuvent avoir des effets secondaires très importants. Le taux de réussite est faible. Le prélèvement d'ovule est une procédure intrusive, la réimplantation l'est un peu moins.

6. Le diagnostic pré-implantatoire présente l'énorme avantage apparemment d'éviter l'avortement. Mais il serait prématuré de fonder trop d'espoirs sur la méthode. Il est difficile de poser un diagnostic exact sur une ou deux cellules. Le risque d'erreur diagnostique est donc plus élevé que dans le cas du dépistage prénatal. Actuellement, la technique ne paraît indiquée que pour un nombre limité de cas à haut risque.

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ANNEXE C

UNESCO

COMITE INTERNATIONAL DE BIOETHIQUE

Membres du Groupe de travail sur le dépistage et les tests génétiques

M. Adriano BOMPIANI (Italie) M. Darryl MACER (Nouvelle Zélande) M. Jean-Marie MPENDAWATU (Zaire-Vatican) M. QIU Ren Zong (Chine) M. Hans-Martin SASS (Allemagne) M. Daniel SERRAO (Portugal) Mme Lidia VIDAL RIOJA (Argentine) Rapporteur: M. David SHAPIRO (Royaume-Uni)