boehm, rudolf - le fondamental est-il l'essential (aristote, métaphysique z 3)

18
Rudolf Boehm Le fondamental est-il l'essentiel ? (Aristote, Métaphysique Z 3) In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 64, N°83, 1966. pp. 373-389. Citer ce document / Cite this document : Boehm Rudolf. Le fondamental est-il l'essentiel ? (Aristote, Métaphysique Z 3). In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 64, N°83, 1966. pp. 373-389. doi : 10.3406/phlou.1966.1335 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1966_num_64_83_1335

Upload: damaskios

Post on 16-Aug-2015

219 views

Category:

Documents


1 download

DESCRIPTION

fr

TRANSCRIPT

Rudolf BoehmLe fondamental est-il l'essentiel ? (Aristote, Mtaphysique Z 3)In: Revue Philosophique de Louvain. Troisime srie, Tome 64, N83, 1966. pp. 373-389.Citer ce document / Cite this document :Boehm Rudolf. Le fondamental est-il l'essentiel ? (Aristote, Mtaphysique Z 3). In: Revue Philosophique de Louvain. Troisimesrie, Tome 64, N83, 1966. pp. 373-389.doi : 10.3406/phlou.1966.1335http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1966_num_64_83_1335Le fondamentalest-ill'essentiel ? (Aristote,MtaphysiqueZ3) Lesconsidrationsquenousvoudrionssoumettreaurontun caractre polmique.Cela vaut toutd'abord pour lapremire partie de notreexpos.Nous nousefforcerons demontrerque,selon Aristote,leconceptdesujet,d'TCOxejievovdemeuredcidment unconceptinsuffisantpoursaisirl'essentieldel'tredeschoses, pour lasubstance,pour1*oboia. :etpirjxatxi tcox'axlv^ oafa,xi x|vJ]xa^'TroxetjivouXX xafr'oux SXXa.Set 8ji/y)|idvovoftxto'o ypfoavdv(1).En raffirmantcetteinsuffisanceetlecaractre insurmontabledecelle-ci,nousnousopposeronsdelafaonlaplus directe uneinterprtationtablie depuis longtemps,toutau moins depuisS.Thomas(encorequepourS.Thomasleproblmese pose sousune formeoriginale).Maiscen'estpasllaraisonpour laquellenousvousavertissonsd'avanceducaractrepolmique denotrecommunication.Aussin'ya-t-ilpersonnedanscecercle auquelnousavonsl'honneurdenousadresserquinousferaun reproched'opposerunecritiquedesinterprtationstraditionnelles,fussent-ellesdfendues parlesplusillustresauteursetcommentateursde notrehistoire.Si donc nous vous prvenons expressmentdu caractrepolmiquedenos considrations,c'estpourune autreraison.Nousparlonsdepolmique,etnonseulementdecritique.Etparpolmique,onentend,sinonunexcsdecritique, dumoinsunecritiquepoursuiviepourelle-mme.Nousvoudrions doncvous avouerquenoussommestentdecroireeffectivement quelavocationdelaphilosophieest,nonpastoutfaitence senspeuprcis,maispourtantdansunsensquipourraitsembler (*>Texted'unexposprsentauSminairedephilosophieancienneetmdivale,organisparleCentreDeWulf-Mansiondel'InstitutsuprieurdePhilosophiedeLouvain(20 mars1963). Mtaphysique,Z 3,1029a8-9. 374Rudolf Boehm trecelui-l,une vocation polmique. Nous n'entendons assurment pas parlquelesphilosophesauraientpourmissiondechercher querelletoutlemonde,encorequecen'estpeut-trepasun hasard sitelparattresondsir beaucoup d'autres.Cequinous semble,c'estquelatchedelaphilosophienepeuts'accomplir sansquelquerecoursunecertaineviolence.Assurment,nouveau,ilnepourras'agiriciqued'uneviolenceverbale.Ils'agira deceteffortviolentqu'ilfautpourfaireressortird'uneposition donnesesultimesconsquences,pourdcouvrirlesaxiomessur lesquelss'appuieendernireanalysetelleorientationdel'esprit oud'untravailde l'homme,pourexplorerles possibilitsextrmes rservesaumonde,l'histoireetl'humanit,pourposerdes questionsquipourraientencoreseposerlalimite.Etcette sorted'extrmismen'a-t-ellepastoujourst uncaractredistinctif desgrandesphilosophiesleurpoque ?Nousnousbornerons vousendonnerunseulexemple:ilsembleaujourd'huidfinitivementtabliquelessciencesdelanature,etenparticulierla physique,sesoientenfinengagessurlabonnevoie,etmmesur lavoieroyaleduvraisavoir,dumoinsencequiconcerne,prcisment,laconnaissancedelanature.Quelestriomphesdes sciences modernes soientventuellement acquisau prixd'unabandon etd'unepertedecequidevraitfairelevraiobjetd'une recherche de la nature,cettepossibilit ne semble plus gure aujourd'hui trerelle,nesemble plusgure prtermatirequ' desspculationsgratuitesdephilosophes.Prcisment!Etnouscroirions quec'estleneffetunetcheduphilosophe,etquinesaurait manifestementtrecelled'aucunsavant,quede revenirsans cesse parsesquestionssurpareillespossibilitsextrmes,aussiminimes paraissent-elles,etaussilongtempsqu'ellesnes'avrentpasdfinitivementexclues,etd'unecertitudeabsolue(3).Eneffet,ilya despossibilitsquisemblentetquisonttrspeuprobables,mais dont les consquences seraient d'une porteextraordinairesijamais elless'avraient,en dpitde tout,tredesralits.Oronne peut insistersurlaportedespossibilitsdelimitesansfaireviolence toutcequilescontredit,sansncessairementexagrer,sans attaquertoutcequisembletablietquil'esteneffet,sansse lancerdanslapolmique. Cf.notrearticle:Lesacienceaexactesetl'idalhuaserliend'unsavoir rigoureux,damaArchivesdePhilosophie,27(1964),pp.424-438. Le fondamental est-ill'essentiel ? 375 Voilunebientrangeintroductionpourunexposrelatif unequestiond'interprtationd'Aristote.Maislefaitest,nousle disions dj,que nous n'entendons consacrer qu'une premire partie de cettecommunication ce problme d'interprtation. Ceque nous voudrionsymontrer,nousnesaurionsdetoutefaonleprouver danslecadredecetteconfrence.Nousavonsessay d'enfournir unepreuvedtailledansunecentainedepagesd'untravailplus tendu (3).Ces choses-l ne sont pas prouverpar des confrences, maisdoiventl'treparcrit,detellesortequelelecteurpuisse examiner l'aise et loisirl'argument.Nousnous limiteronsdonc, encequiconcernecettequestion,vousexposernotrethseet chercher vousconvaincreseulementquecettethsen'estdu moinspasabsurdeetquelaquestionlaquelleellerpondvaut lapeine d'tre poseetmdite.Mais nous feronscet expospour enveniruneautrequestion,etquiseralaquestiondelaporte qu'ilfaudrareconnatrelarponsequiserafinalementdonne notrepremirequestion,cettequestiond'interprtationd'Aristote. Nous vous annononsdoncd'emblecetteautrequestionquenous poseronsetquiseracelle-ci:quellediffrencecela fera-t-ilquede dire,soitque,selonAristote,lanotiond'Orcoxefyievovestdcidmentinsuffisantepoursaisirl'essentieldel'tred'uneoatct,soit que,pourAristote,cettenotiond'Ttoxejievovdemeureleconcept adquatdel'ouata,conditionqu'onl'entendecorrectement?Et nouschercherons vousconvaincrequeseulelaportepolmique decettedcisionpeut lui confrerun intrtetun sens,qu'inversement,unencessitdepolmiquephilosophiqueexigequel'on accordeuneimportancecapitalecettedcision,etenfin,quela rponsequ'onadonnejusqu'icicettequestiond'interprtation est tropfaite,elle,pourapaiser toutes lespolmiques et pourviter unealternativephilosophiqued'unebrlanteactualit.Voildonc laraisondecetteintroductiondontnousnesavonssielleat troplongueou tropbrve.Venons-en notrepremierpropos. * * Dans lapremirepartiedenotreexpos,nousauronsdonc vousprsenter,premirement,uneesquissedel'interprtationtra- RudolfBoEHM,DaGmndlegendeunddaWeaentlichm.ZuAristotelet AbhandlungUeber da Seinand da Seiende (Mataphysik Z),La Haye,Nijhoff, 376RudolfBoehm ditionnelle du 3e chapitre du VIIelivrede la Mtaphysique d 'Aristote, deuximement,unecritiquedecetteinterprtationusuelle,ettroisimement,les lmentsd'uneinterprtationnouvelle de cemme texte. Lesmomentsdel'interprtationtraditionnelledeZ 3peuvent peu prs se dduire partirdu seul postulat qui exige qu 'Aristote ne peutvouloircontestersrieusementladterminationdelasubstancecomme sujet,quinous estfamilire,du5chapitre desCatgories.Dans cettehypothse,l'insuffisancedececonceptdesujet poursaisircequ'estunesubstancenepeutviserceconceptde sujet en tant que tel.Plus particulirement,la consquence fcheuse qui dcouled'aprs Aristoted'une telleconceptionde lasubstance commesujet,etd'aprslaquelleseulelamatires'avreraittre substance,ne peut treconsidre strictementparlercommeune consquencequidcouleraitncessairementduconceptdesujet pourla substance.Au contraire,ildoittrevident d'avance,pour Aristote,quecen'estpointseulementlamatirequipeutseprsentercomme substance titrede sujet.Pourtant cetteconsquence doittrepossibleenquelquemanire,bienqu'ellesoiterrone. ECf.SuzanneMANSION,La premiredoctrinedelasubstance:lasubstance selonAristote,danslaRevuephilosophiquedeLouvain,440946),pp.349-369. O1029a1-3. Le fondamentalet-ill'essentiel ? 379 nelle,xotoOxovdoitsignifierici:unrcoxefyievov.Dansl'immdiat, cetteinterprtation parat certainement possible,etmmenaturelle. Les commentateurs se sontefforcsen particulier dmontrer qu'elle estaussicompatibleavecladoctrined 'Aristoteengnral.Dans ceteffort,ilsontrencontrcertainesdifficults,en particulierdmontrerquela formeelle-mmepeutbientreconsidrecomme unesortedesujet.Personnellement,nousnevoyonsaucuntexte quileprouveraitsuffisamment.Maislaquestionn'estpasl.Ilne suffitpasd'tablir que cetteinterprtationd'aprslaquelleAristote dcriticilamatire,laformeetlecomposcommetroissortesde sujetssoitpossible,ils'agitdesavoirsicetteinterprtationest labonne,siellesaisitbiencequ' Aristoteveutdire.Peut-ondmontrerla ncessitde cetteinterprtation?On ne le pourrait qu'en s'appuyantsurl'affirmationquiconstituelepremiermomentde l'interprtationd'ensemble ;maisnousavonsvuquecepremier momentlui-mmenepeutaucontraireseconfirmerqueparla russitedel'interprtationdanslesmomentssuivants.Pourvoirsi cetteinterprtationdutotoOxovestlabonne,ilestdoncncessaire deconsidrerla suitedutexte.Or,danslasuitedutexte,Aristote expliquequela notion desujet est(d'aprs nous)ou parait(d'aprs l'interprtationtraditionnelle)celanefaiticipasdediffrence estoutoutaumoinsparatdonctreinsuffisante,enfaisant remarquerquecetteconceptionconduitousembleconduirela consquenceinvitablequeseulelamatireestsubstance,etil dit:Maiscelaestimpossible;car...laformeetlecompos semblent biendavantage tresubstance quela matire(8).L'ito- xefjievovTzp&xov,dit-ildonc,n'estounesembletrequelamatire;maislaformeetle compossemblentsrementtreo a I a t l'uneetl'autre,etplusencorequelamatire.Lecritreauquel Aristotemesure la suffisanced'un concept d'oata,tell'TCOxefjievov, estdoncconstituparl'exigenceouleprsupposqu'unconcept adquat desubstancedoit trecapable defairecomprendre1tre- substancede laformeetdu composaussibienquede lamatire. Toutel'analysed 'Aristotereposedoncsurceprsuppos:sont substance,la matire,la formeet lecompos.Ilserait donc trange siAristoten'nonaitpas expressmentce prsupposfondamental ds le dbut de son analyse,etsidonc le toioOxovnesignifiait pas: uneoafa.Parcontre,sionl'interprtecommeun67toxe(u.evov , 1029a27,29-30. 380RudolfBochm laconfrontationde la notionde sujetelle-mmeavec le critrequi exigedetoutenotiondesubstancequ'ellesoitcapabledesaisir l'tre-substantielde la forme,de lamatireetducompos devient incomprhensible . De plus,d'aprsl'interprtationtraditionnelle,Aristotetabliraitdonc d'abordnettementquelesujet,c'est la matire,laforme etlecompos ;etensuite,ilaffirmeraitqu'un malentendu pourrait fairecroirequeseulelamatiresoitunsujetvritable ;etenfin, ilmontreraitqu'ils'agitld'unmalentenduetd'uneerreuren raffirmantsimplementquelesujetestbienles trois,etnonseulementlamatire(cequ'il n'affirmedurestesrement plus lafin dutexted'unefaontantsoitpeuexpresse).Ildiraitdoncque neseraitpasclaircequ'il fautentendreparunsujet,aprsavoir clairement ditcequ'il fallaitcomprendreparl.Nous voulonsfaire remarquerquel'interprtationtraditionnellesembleainsiendifficult,pour suivredeprs leGedankengang effectifd'Aristote.Mais enfait,nousavonsdjabordiciletroisimemomentdecette interprtation.Ils'estmanifest,noussemble-t-il,quel'tablissementdudeuxime moment rclame un recours au troisime,comme djlepremiermomentnousrenvoyaitaudeuximeetauxsuivants.L'interprtationquenousdiscutonsn'apasencorerussi prendrepied fermementdans letextelui-mme. 3Aristotedmontredequellefaononpourraitparvenir nousdirons :onnepeutnepasparvenir ,partird'uneconceptiondelasubstancecommesujet,laconclusionqu' cetitre desujetseulelamatirepeuttreretenuecommeunevritable substance.D'aprsl'interprtationtraditionnelle,ceraisonnement esterronetreposesurunmalentendurelatifla notiondesujet. Pourrfutercetteinterprtation,ilsuffiticideciterAristote.A aucunmoment,eneffet,ilneparleceproposdemalentendu, d'erreur,deraisonnementerron,d'illusionoud'apparence.Ildit aucontraire:lesujetpremierparattrelasubstance (9).Maisce conceptdesubstanceestinsuffisant(10).Carainsi,lamatiresera lasubstance(11).Etencore unefois:lorsquel'onconsidrelasubstancecommelesujet,ilestncessaire quelamatire seprsente (*>1029a1-2. 1029a9. (>1029a10. Le fondamentalest-ill'essentiel ? 381 commelaseulesubstance (ia>.Etencoreunefois:dansunetelle thorie,ilarrivequelamatireestlasubstance.Maiscelaest impossible etl'TCoxefjievovlui- mmecommepasclair(SirjXovi(15).Cetteinterprtationencore estarbitraireetn'a d'autrefondementquel'affirmationprcdemmentexamineparnousetd'aprslaquelleilfautpenserun malentendupossiblequiaurait besoind'explication.Que 1*coxef- Jievovlui-mmenesoitpasclair(traductionqu'ilfaudraencore examinerdeplusprs),Aristotel'indiquenettementcommeune desraisonspourlesquellesilestinsuffisantdeconcevoirlasubstancecommesujet ;maisnullementcommeuneraisonpourlaquelleon puisse tre induitdans l'erreurconsistant admettre, partirdecetteconception,que seulela matirese prsentecomme vritable substance. Or,comme c'est par rfrence cepas clair qu'on interprtelesens de ladsignation du concept d' ioxefytevov parlemottutco,ilnefautdoncpasnonpluschercherdansce 1029a18-19. 1029a7. ("1029a10. 382RudolfBoehm mottuttouneautreexpressionpourcequirendpossiblecette consquenceprtendumenterrone .Detoutefaon,ilestvidentquel'ensemblede l'interprtationtraditionnellenepourra tre sauvparcetteinterprtationdusensdesmotsxizoetSSyjXov; ici,lacritiquepourravraimentsebornermontrerqu'uneautre conceptiondusensdecesdeuxmotsestcertainementpossibleet plusdirectementsuggreparletexte.Nousnenionscependant pas,toutaucontraire,etnousvoudrionsmmesoulignerqu'un examende la signification exactedeces deuxmotsxitoet8if]Xov dansleurcontexteconduiraaucentremmedetoutelaquestion dusensduchapitreZ3delaMtaphysique.Nousyreviendrons donc toutde suitelorsque nous exposerons les lignes gnrales d'une nouvelleinterprtation decechapitre. 5*L'interprtationtraditionnelles'appuieenfinsurun renvoi d'autrestextes d'Aristoteoilcontinuecertainementdeconsidrer lasubstancecommeunsujet.Ilnepeuttrequestiondenierce fait.Seulement,sinos critiquesprcdentes paraissenttantsoitpeu justifies,sidonc l'interprtationnouvelle qui s'yestdj annonce sembleprobable,ils'agiradeconsidrers'ilne fautpasdistinguer entredeuxquestions : D'abord,toutesubstanceest-elleunsujet,etseulunsujet peut-iltreunesubstance ?Acettequestion,lesautrestextes d'Aristoteauxquels on nous renvoie rpondent nettement parl'affirmative,de sortequelechapitre Z 3nepeut pas yrpondrengativement. Maisilestuneautrequestion:est-ceentantquesujetque toutesubstance est essentiellement une substance?Et nous affirmonsque c'est cetteautre question,plus radicale,que rpond lechapitreZ3,etbienparla ngative. Lancessitdedistinguerentrecesdeuxquestionss'impose aisment.Eneffet,onpeut admettreparexemplequetouthomme estunanimal,etqueseulunanimalpeuttreunhomme.Mais ilnes'ensuitaucunementquec'est,essentiellement entant qu'animal,que l'hommeesthomme.Ilfaudracependanttreplus prcisencore.En effet,mmesil'on arussisaisir uncaractre absolumentdistinctifdel'tre humain,savoirqu'il estunanimal raisonnable,on n'en est paspourautant assurd'avoir comprispar lcequiconstitue l'essentiel decettre.Cettequestion essentielle, leproblmedel'essence,neserduit point celled'unsignale- Le fondamentalest-ill'essentiel ? 383 mentabsolumentunivoqueouexhaustif.Parcettedernireremarque,nouspassonsl'exposdel'interprtationdeZ3que nousvoudrionsopposerl'interprtationtraditionnelle. Pourtrebref,nousnouspermettonsd'exposercetterinterprtationde manire dogmatique etsous laformed'une paraphrase dutexted'Aristote. Au chapitre2e,quiprcde,Aristoteanumrtoutessortes dechosesquiparaissentmanifestementtredessubstances.Ila termincechapitre en soulignantqu'onne pourratoutefoisdcider endfinitivelesquellesdeceschosessonteffectivementdessubstancesetlesquelles ne lesont pas,qu'aprs avoir d'abord rpondu laquestiondesavoirT)voatavxiaxtv,cequec'estqu'une substance (1*'.Puisquecettedernirequestion,quiseracelledes chapitressuivants,estaussinettementopposecelledesavoir seulementxiveeloivoatet(1T),quelleschosessontsubstances,on doitcomprendrequ'il s'agiranonseulementdefixerun signedis- tinctifvalablepourtouteslessubstances(cequirpondraitseulement laquestiondesavoirquelleschosessontsubstances),mais biendecherchercequiconstituel'essencemmed'une substance engnral.Dterminerainsil'essencemmed'unesubstanceen gnral,estcequ 'Aristoteappelledanslesderniersmotsduchapitre2*: TCOTUTCoOaftai x^voafav xi axtv(1S).Voilqu 'Aristotelui- mmenous indiqueenquelsensilparleraplusloind'unconcept destinsaisirl'essencemmed'unesubstancecommexizo, lorsqu'ildira:vOvjivoOvxtc(j)zlf\xaxxlTtox'eatlvf)ooia (19). Aristotecitealorsquatrenotionsquipourraientrpondrela questiontouchantletypemmed'unesubstance,c'est--dire cequicaractriseessentiellement unesubstanceentantque telle:lexiJjvefvai,lexaft 1029a7-6. 384RudolfBoehm untelconceptcelammequiestrellementunesubstance. Aristotedcidedoncd'examinerenpremierlieusiceconcept d'itoxefyievovestsuffisantpourcaractriserunesubstanceentant quetelle.Avant depassercetexamen,ilnoncecequiservira decritrepouruntelexamen:lessubstancescomprennentdes matires,desformes,etdeschosescomposesdeformeetdematire.Celaestsuppos manifeste.Unconceptsuffisantdutype delasubstancedevratrecapabledesaisirl'tre-substantieldes matires,des formesetdes choses composesdeformeetmatire. Voildonccequ'onvenaitd'envisagerd'abordcommeuntel type,l*7iox2 |ievov.Aristoteannonce:nous verrons quececonceptn'estpas suffisant,s'avrerainsuffisantlorsqu'onle soumettra aucritreindiqu.Onconstateraeneffet,dit-il:premirement, quel'TCOxefyievovitptovlui-mmen'estpas8?)Xov,estSujXov ; etdeuximement,que1*identification desubstanceetdesujet nepermettraquedecomprendrel'tresubstantield'unematire. QuelestdonclesensdecetfiSjXov?Trssimplement :non- manifeste,pasmanifeste.Abandonnonsicil'attitudedogmatique pourexpliquerquelquepeulesraisonsquinoussuggrentcette traduction.Aristoteindiquedeuxraisonspourlesquelleslaconceptiondelasubstancecommesujet luisembleinsuffisante,dont la premireestnonceparcetSjXov.Eneffet,leraisonnement quisuitdansletexteaboutitdeuxrsultats,trsnettement,bien quel'unetl'autresoienttroitementassocis.Ilmontred'abord .Ilsemblevidentquecette prcisiontouchantlepointdesavoirdequelle matireils'agitici,est comprendreenoppositioncetteautredescriptiondelamatire qu'Aristotedonnaitdecelle-cilorsqu'ilnonaitauparavantquel seralecritredel'examen:ilparlaitalorsdelamatirecomme par exemplede l'airaindont estfaiteunestatue(2S).Autrement dit, cette matirequi sembleseule treunechosevraimentsubstantielle lorsqu'on considreque toute substance estsubstance en tantqu'elle *>1029a18-19. 1029a20-25. 1029a4. Le fondamental est-ill'essentiel ? estsujet,n'estpascellequimanifestementestquelquechosede substantiel.Cettematire,laprimamateria,n'estmmeabsolumentpasquelque chosede manifeste,elle estessentiellementd' pourvuedetoutedlimitationquiseulepourraitlarendremanifeste.Laconceptiondelasubstancecommesujetconduitdonc poser commela choselaplus substantielle ou mmela seulechose vritablementsubstantielle,quelquechosequi,ensoi,n'estpoint manifeste,et doncpas non plus manifestementunesubstance,mais quin'estposercommesubstancequ'envertuduraisonnement mmequidcouleduconceptenquestion.Cetteinterprtation cadre parfaitement avec le rle vident que joue dans toutce texte, depuisle2echapitredj,unerfrenceconstanteauSfjXov,au (pavepdv,ausensdumanifeste .Ellenouspermetensuitede comprendrepourquoiAristotereprendalorsunedeuximefoisla conclusion:De toutcela,ilrsultedonc quec'est lamatirequi estla substance (23),pourcontinuercettefois-ci:Maiscela est impossible;car...laformeetlecompossemblentbiendavantagetresubstancequelamatire (24).C'est prsentseulement qu'il s'agit proprementparler de ladeuxime raisonpour laquelle leconceptde sujet estinsuffisantpourcaractriserl'essentield'une substance.Cettedeuximeremarqueestncessaire,parcequ'on pourrait affirmerque sice concept ne permet de reconnatrecomme une substanceau sens le plus radical dece motqu'un sujetdernier qui proprementparlern'estrien,ilpermet toutefoisdereconnatre untresubstantieltoutechosematrielleentantqu'elle participeaucaractrefondamentaldusujetdernier oudela matirepremire . * Posons iciunequestion.Quellediffrencecela ferait-ilfinalement s'ilfallaitconsidrerque,pourAristote,lanotiondesujet estabsolumentinsuffisantepoursaisirl'essentield'unesubstance, ouque,selonAristote,cettenotionnefournitunconcept adquat delasubstancequ' conditionqu'onl'entendecorrectement? Danscederniercas,sidonconsoutientl'interprtationtraditionnelle,onpeutnousadresser,nonsansquelqueapparence w 1029a26-27. M1029a27-29. 386RudolfBoehm d'avantage,leraisonnementsuivant :vousestimezquelanotion desujetquiconduitl'impossibilitdesaisirparelleautrechose de substantielquelamatire,estlanotioncorrecte d' 7ioxe|i,evov, etvouscroyezquetelleestaussil'opiniond 'Aristote.Nousqui soutenonsl'interprtationtraditionnelledutexte,nousestimonsau contrairequelaseulenotioncorrected'rcoxefyievovestcellequi permetdesaisird'unefaonadquatecequiesteffectivement substance,etnouscroyonsquetelletaitaussil'opinionduStagi- rite.Maisnousserionsmmedispossadmettreventuellement quelanotiond'ioxefyi-evovpeuts'entendrecorrectementdansles deux sens:l'un,qui ne permet pasde dsigner alors parce concept lasubstance,etl'autre,quiestleseulsenscorrectlorsqu'onveut saisir adquatementl'tred'unesubstance.Au fond,noussommes donc d'accord ;finalement,seule unequerelle demotsnousspare, querellequiporte,ilestvrai,enpremierlieusurlaquestionde savoir exactement ce qu 'Aristoteentendait ouvoulaitfaireentendre lorsqu'il usaitdecemotTtoxejievov. Aurisquedeparatrecherchertoutprixlaquerelleetla polmique,nousnepouvonsmarquernotreaccord.Nousnele pouvonsparcequ'ilnoussemblequetropsouventlarduction, presque toujours possibleen matirede philosophie,d'une question litigieuseune simplequerellede mots,menace deporteratteinte lacausemmedelaphilosophie.Avant touteautrechose,il faudraitreconnatrequenotreproblmetouchesurtoutlaquestion suivante,posepar Aristote:qu'est-cequ'unechosesubstantielle?c'est--dire,dans unsens radical:en quoiconsiste l'essentiel danstoutcequiest?C'estdecelaqu'ils'agitdecomprendre quelquechoseetdepouvoirdirecequ'onauracompris,c'est- -dired'enformerunconcept.Sil'onnousdit,parcontre,qu'il nes'agitqued'entendrecorrectementunenotiontelleque1'7to- xefyievov,onrisqueaussibiendeperdredevueY objetrelde laquestionquederenoncertoutvritableconcept:eneffet, nenousdit-onpassimplementquelanotiond'orcoxefyisvovsera entenduecorrectementlorsqu'onentendraparelle,prcisment,la substance?Etcelanerevient-ilpassupposerqu'onauradj compriscequec'estqu'unesubstance,sansconcept,etdonc renoncerceconcept,toutenseservantd'untermequidoit suffirepourdsignercequ'onentenddsigner?Sinon,ilfaudrait constaterqueW.D.Ross,parexemple,imputeAristoteun grossiersophismelorsqu'ilrsumeainsileraisonnementducha- Le fondamentalest-ilV essentiel ? 367 pitreZ3:...theidentificationofsubstancewithsubstratum tendstoleadtotheidentificationofitwithmatter...Thusthe thoughtofsubstanceas substratum leadstoawrong result.Instead ofabandoning it,however,Aristotle ostensiblyretainsit,but infers thatthesubstratummustbeoneoftheothertwothingshehad said itmight be form,orthe unityof form and matter... But... he heremakesafreshstart;heleavesthenotionofsubstratumand passes to another ofthe four original claimants ofsubstantiality (25). Par contre,si l'on admet une interprtation telle que nous venons del'esquisser,onestobligde reconnatrequedansce3echapitre desontraitDe l'treetdel'essence f26),Aristotenesebornepas rappeler unenotion schmatiqueetbien connuequipermetd'indiquerconvenablementcequ'estunesubstanceetprvenirun malentendu possible,maisils'attaque defrontunequestionphilosophiquequiestaussianciennequelaphilosophieelle-mmeet quiaujourd'huiencoren'arienperdudesonactualit,question formuledansletitredenotrecommunication:lefondamental est-ill'essentiel? Expliquons-nous.Dsl'aborddesarecherchethmatiquede cequ'estcettantessentielqu'onappelleunesubstance,Aristote admetlaprioritavec laquelleuneconceptionatendances'imposernous,d'aprslaquelleceseraitentant qu' TCOxefyievov qu'uneooia.estune ooix.Sil'oncroitavecnousquecetteconceptiondemeure nanmoins pour Aristoteinadquate,cettepriorit devientquelquepeunigmatique.Cherchonsdoncapprofondir, avecl'aided'Aristotelui-mme,lesraisonsdecettepriorit.Nous constatons alors que la prioritqu'il fautreconnatre 1*7toxejievov esttrsexactementcellequisetrouvedfinieainsiparAristote dansA11:Onappelleantrieur(updrepov)selonlanatureet selonl'essence,cequipeuttresansquelque chosed'autre,alors quecetautrenepeuttresanslui ;voiluncritredontusait Platon (27).Iln'esten effetaucun besoind'examiner sicettepriorit revienteffectivement l'OTCOxefjievov;au contraire,ilestmanifeste que le concept mmed'noxejievovexprimetrsprcisment, endernireanalyse,cetteideparticuliredepriorit.Dansles Analytiquespostrieures(BII),Aristotedfinitclairement1*6iw- (">ArUtotle'tMetaphync,Oxford,> d..1953,I,p.XOV;lesitalique sontdenous. 94a21-23. 1029a11-19. Le fondamentalest-ill'essentiel ? 389 sidrations critiquesd 'Aristoteauxquelles nousnousrfronsatteignentles thsesheideggerienneselles-mmes.L'oppositionheideg- geriennelapensemtaphysiquequi,pourlui,vadePlaton jusqu'Nietzsche,peuteneffetsersumerainsi:l'essentielde lamtaphysique,cequecettemtaphysiquetientpourl'essentiel, n'estpasleFondamental maislefondementestunEtrequia touslestraitsdecet 8)Xov dontnousparleAristote.Encesens, Aristotepourrait sedclarer d'accord avec Heidegger,sous laseule rservequitoucheraitl'emploidumotEtre.Maisd'autrepart, Heideggervoudraitmanifestementmaintenirenmmetempsque cetEtre fondamental dontilposela diffrencepar rapport l'tant (lafameusediffrence ontologique),estaussiY Essentiel ;c'est pour cette raisonprcismentetencesens,sansdoute,qu'il appelle ce fondement1*Etre .C'estcontrecette dernire prtention qu 'Aristote nousfournitunargumentdepoids. De plus,lorsqueHeideggers'efforcedemontrerquecetbno- xefytevov,cetultimumsubjectum,cesujetdernier,qu'ilappelle l'Etrelui-mme ,estaussi l'essentiel detoutesubstance,ilrisque sanscessedes'enliserdansunepensedialectiquequirepose, d'aprs les paroles de Hegel,surla conviction qu'il fautconcevoir etexprimerleVrai,nonseulementcommesubstance,maisaussi biencommesujet (S0).Ilvaudraitlapeinederexaminerla lumired 'Aristotelesensultimedecettenotionhgliennede sujet ,etdureste,plusgnralement,celuidelasubjectivit d'aprs laquelle ondsignela philosophiemodernecommemtaphysiquedelasubjectivit. Nousosonsesprerquecesconsidrationsaurontcontribu mettreen lumire le rlequi restedvolu lapense etauxtudes aristotliciennesdansledbatphilosophiquedenos jours. Louvain. RudolfBoEHM. (**>PhnomnologiedeV esprit,trad,parJ.Hyppolite,Paris,s.d.,I,p.17 {traductionmodifieparnous).