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CANDIDA REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2013 - N°450 // 47 article reçu le 20 octobre, accepté le 6 novembre 2012. © 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. SUMMARY Laboratory diagnosis of candidiasis Candidiasis is the most common fungal infection in humans. Conventional techniques are usually suffi- cient for the diagnosis of superficial candidiasis. For deep-seated or systemic candidiasis, blood cultures still represent the “gold standard”, although their sen- sitivity can be overtaken. In recent decades, numerous alternative tests have been developed to overcome this lack of sensitivity. These techniques allow the detection of antibodies, antigens, metabolites or nucleic acids. In most cases, serological results have to be inter- pretated according to the immune status of patients. Detection of antibodies alone is often poorly contri- butive to the diagnosis, except when this is associa- ted with the detection of circulating antigens. Thus, the detection of circulating mannans is useful in the diagnosis of infections caused by the most frequent Candida species; the sensitivity of this test increases with the repetition of samplings and the joint detec- tion of anti-mannan antibodies. Besides, detection of β(1.3)-D glucans, alone or in association with the detection of mannans, may be useful for early dia- gnosis of deep-seated candidiasis. Molecular biology helps us to diagnose deep-seated candidiasis without referring to the patient’s immune status. With the newly commercialized kits, molecular detection of Candida should expand in laboratories. In the same way, proteomic analysis by MALDI-TOF allows to substantially shorten the time for identifi- cation of isolated yeasts. Modern methods of molecular typing, which are based on the analysis of genome variability, replaced phenotypic techniques. Although insufficiently stan- dardized, they represent a powerful tool to better understand the epidemiology of Candida infections. Candidiasis – yeasts – mycological diagnosis – indirect diagnosis – serology – antigen – molecular biology – typing. RÉSUMÉ Les candidoses représentent les infections fongiques les plus fréquentes en pathologie humaine. Les techniques mycologiques classiques, de réali- sation simple, suffisent le plus souvent à poser un diagnostic de candidose superficielle. Dans un contexte de candidose profonde ou systémique, l’hémoculture représente toujours le « gold standard », même si sa sensibilité peut être prise en défaut. Au cours des dernières décennies, un certain nombre de tests alternatifs à la culture ont été développés afin de pallier ce défaut de sensibilité. Ceux-ci reposent sur la détection d’anticorps, d’antigènes, de métabolites ou d’acides nucléiques. Les résultats de la sérologie doivent, dans la grande majorité des cas, être interprétés en fonction du statut immunitaire des patients et la recherche isolée d’anticorps spécifiques est souvent peu contributive au diagnos- tic, si elle n’est pas associée à la recherche d’antigènes circulants. Ainsi, la recherche de mannanes circulants permet de détecter les infections causées par les principales espèces de Candida ; la sensibilité de cette technique augmente avec la répétition des prélèvements et la réalisa- tion conjointe de la détection d’anticorps anti-mannanes. De même, la recherche de β(1,3)-D-glucanes, utilisée seule ou en association avec la recherche des mannanes, peut être utile pour dépister précocement une candidose profonde. La biologie moléculaire permet d’envisager le diagnostic de candidose profonde sans être gêné par le statut immunitaire du patient. Grâce à l’arri- vée récente de kits commerciaux, la détection moléculaire des Candida devrait se démocratiser dans les laboratoires. De même, l’approche protéomique par MALDI-TOF permet de raccourcir considérablement les délais d’identification des espèces isolées. Les méthodes modernes de typage moléculaire, basées sur l’analyse de la variabilité du génome, ont remplacé les techniques phénotypiques. Bien qu’insuffisamment standardisées, elles sont un outil précieux permettant de mieux appréhender l’épidémiologie des infections à Candida. Candidoses – levures – diagnostic mycologique – diagnostic indirect – sérologie – antigène – biologie moléculaire – typage. Marc Pihet a, *, Agnès Marot b Diagnostic biologique des candidoses 1. Introduction Le diagnostic d’une candidose est une préoccupation quo- tidienne du biologiste, quelle que soit la taille du laboratoire où il exerce. Les candidoses superficielles, qui sont de loin les plus fréquentes, peuvent affecter la peau, les phanères ou les muqueuses (oro-pharyngée, vaginale,...). Elles sont a Laboratoire de parasitologie-mycologie Institut de biologie en santé Centre hospitalier universitaire 4, rue Larrey 49933 Angers cedex 09 b UFR des Sciences pharmaceutiques et d’ingénierie de la santé Département Pharmacie 16, bd Daviers 49000 Angers * Correspondance [email protected]

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CANDIDA

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2013 - N°450 // 47

article reçu le 20 octobre, accepté le 6 novembre 2012.

© 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

SUMMARY

Laboratory diagnosis of candidiasis

Candidiasis is the most common fungal infection in humans. Conventional techniques are usually suffi-cient for the diagnosis of superficial candidiasis. For deep-seated or systemic candidiasis, blood cultures still represent the “gold standard”, although their sen-sitivity can be overtaken. In recent decades, numerous alternative tests have been developed to overcome this lack of sensitivity. These techniques allow the detection of antibodies, antigens, metabolites or nucleic acids.In most cases, serological results have to be inter-pretated according to the immune status of patients. Detection of antibodies alone is often poorly contri-butive to the diagnosis, except when this is associa-ted with the detection of circulating antigens. Thus, the detection of circulating mannans is useful in the diagnosis of infections caused by the most frequent Candida species; the sensitivity of this test increases with the repetition of samplings and the joint detec-tion of anti-mannan antibodies. Besides, detection of β(1.3)-D glucans, alone or in association with the detection of mannans, may be useful for early dia-gnosis of deep-seated candidiasis.Molecular biology helps us to diagnose deep-seated candidiasis without referring to the patient’s immune status. With the newly commercialized kits, molecular detection of Candida should expand in laboratories. In the same way, proteomic analysis by MALDI-TOF allows to substantially shorten the time for identifi-cation of isolated yeasts. Modern methods of molecular typing, which are based on the analysis of genome variability, replaced phenotypic techniques. Although insufficiently stan-dardized, they represent a powerful tool to better understand the epidemiology of Candida infections.

Candidiasis – yeasts – mycological diagnosis – indirect diagnosis – serology – antigen –

molecular biology – typing.

RÉSUMÉLes candidoses représentent les infections fongiques les plus fréquentes en pathologie humaine. Les techniques mycologiques classiques, de réali-sation simple, suffisent le plus souvent à poser un diagnostic de candidose superficielle. Dans un contexte de candidose profonde ou systémique, l’hémoculture représente toujours le « gold standard », même si sa sensibilité peut être prise en défaut. Au cours des dernières décennies, un certain nombre de tests alternatifs à la culture ont été développés afin de pallier ce défaut de sensibilité. Ceux-ci reposent sur la détection d’anticorps, d’antigènes, de métabolites ou d’acides nucléiques.Les résultats de la sérologie doivent, dans la grande majorité des cas, être interprétés en fonction du statut immunitaire des patients et la recherche isolée d’anticorps spécifiques est souvent peu contributive au diagnos-tic, si elle n’est pas associée à la recherche d’antigènes circulants. Ainsi, la recherche de mannanes circulants permet de détecter les infections causées par les principales espèces de Candida ; la sensibilité de cette technique augmente avec la répétition des prélèvements et la réalisa-tion conjointe de la détection d’anticorps anti-mannanes. De même, la recherche de β(1,3)-D-glucanes, utilisée seule ou en association avec la recherche des mannanes, peut être utile pour dépister précocement une candidose profonde.La biologie moléculaire permet d’envisager le diagnostic de candidose profonde sans être gêné par le statut immunitaire du patient. Grâce à l’arri-vée récente de kits commerciaux, la détection moléculaire des Candida devrait se démocratiser dans les laboratoires. De même, l’approche protéomique par MALDI-TOF permet de raccourcir considérablement les délais d’identification des espèces isolées.Les méthodes modernes de typage moléculaire, basées sur l’analyse de la variabilité du génome, ont remplacé les techniques phénotypiques. Bien qu’insuffisamment standardisées, elles sont un outil précieux permettant de mieux appréhender l’épidémiologie des infections à Candida.

Candidoses – levures – diagnostic mycologique – diagnostic indirect – sérologie – antigène – biologie moléculaire – typage.

Marc Piheta,*, Agnès Marotb

Diagnostic biologique des candidoses

1. Introduction

Le diagnostic d’une candidose est une préoccupation quo-tidienne du biologiste, quelle que soit la taille du laboratoire où il exerce. Les candidoses superficielles, qui sont de loin les plus fréquentes, peuvent affecter la peau, les phanères ou les muqueuses (oro-pharyngée, vaginale,...). Elles sont

a Laboratoire de parasitologie-mycologieInstitut de biologie en santéCentre hospitalier universitaire4, rue Larrey49933 Angers cedex 09 b UFR des Sciences pharmaceutiques et d’ingénierie de la santéDépartement Pharmacie16, bd Daviers49000 Angers

* [email protected]

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habituellement bénignes, même si elles présentent parfois un caractère récidivant. Les techniques mycologiques clas-siques suffisent généralement à assurer leur diagnostic. En revanche, le diagnostic des candidoses profondes reste difficile. Malgré la mise à disposition récente de nouveaux antifongiques, ces infections restent associées à une

mortalité préoccupante, en grande partie liée à la difficulté d’établir un diagnostic précoce. En effet, le pronostic des infections fongiques invasives est étroitement lié à la pré-cocité d’instauration du traitement et donc du diagnostic.Le diagnostic biologique des candidoses repose d’abord sur un examen direct des produits biologiques, qui vise

Figure 1 – Démarche diagnostique pour l'identification d'une levure au laboratoire.

Présence d’arthrospores :

Genre Trichosporon

Examen direct Levure bourgeonnantes

(blastospores) Pas de filaments mycéliens

Pas de capsule : C. glabrata

Cultures

Colonies (± numération)

Identification biochimique Sur galeries standardisées

Tests rapides

Identification rapide du groupe C. albicans – C. dubliniensis

Tests d’agglutination (Bichrolatex® albicans < 5 min) Test de filamentation en sérum (2-3h) Tests biochimiques rapides (< 4h)

G

Pas d’arthrospores : espèces du genre

Candida (sauf C. glabrata)

Présence d’une capsule: Cryptococcus neoformans

Levures bourgeonnantes (blastospores)

et filaments mycéliens (mycélium vrai ou pseudo-mycélium)

Milieux non-chromogéniques

Coloration non caractéristique

C. albicans C. dubliniensis

En cas de négativité

Autres levures

Tests spécifiques d’espèce

Glabrata RTT, Krusei-color

(si orientation)

Candida spp. ou autres levures

Spectrométrie de masse MALDI-TOF

Milieux chromogéniques ou fluorogéniques

Coloration non caractéristique

C. albicans C. dubliniensis

IC

Coloration ou fluorescence

caractéristique

Groupe C. albicans-

C. dubliniensis

Test agglutination Bichrodubli®

Autres levures

C. al

Tests spécifiques d’espèce

Glabrata RTT®, Krusei-color®

(si orientation)

En cas

de négativité

D'après Brun, et al., 2004

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à mettre en évidence la présence de blastospores ou de formes mycéliennes de Candida. La valeur de cet examen varie en fonction du type de prélèvement, et le caractère pathogène de la levure ne pourra être affirmé qu’après confrontation des résultats au contexte clinique. Parallè-lement, une mise en culture sur milieu(x) spécifique(s) sera réalisée, permettant d’isoler le micro-organisme. Dans un second temps, il conviendra d’identifier précisément l’(les) espèce(s) de Candida en cause, en faisant appel aux techniques conventionnelles (tests biochimiques et immunologiques) ou aux nouvelles technologies (biolo-gie moléculaire et protéomique). L’étude de la sensibilité aux antifongiques ne sera envisagée que dans certaines circonstances (infections profondes ou récidivantes, expo-sition préalable aux antifongiques azolés). En l’absence de prélèvement(s) profond(s) disponible(s), les techniques indirectes (recherche d’anticorps, d’antigènes ou d’acides nucléiques) seront d’une aide précieuse au diagnostic de candidose profonde.

2. Diagnostic mycologique

Le diagnostic mycologique d’une candidose s‘inscrit dans le cadre de la démarche classique d’identification d’un micro-organisme (figure 1). L’examen direct du prélèvement, que celui-ci soit superficiel ou profond, est suivi d’une mise en

culture permettant d’isoler le ou les germes présents. Les colonies de levures isolées peuvent ensuite être identifiées par la mise en œuvre de tests variés qui reposent sur des critères morphologiques, immunologiques, biochimiques, protéomiques voire génotypiques si nécessaire [1, 2].

2.1. Prélèvements, acheminement, conservationLe diagnostic d’une mycose repose sur un prélèvement de qualité, c’est-à-dire adapté à la demande, prélevé en quantité suffisante et recueilli dans un récipient stérile. En raison de la multiplication rapide des levures et de la flore bactérienne, le prélèvement doit être acheminé immédia-tement au laboratoire ; à défaut, il est conservé à + 4 °C. Les prélèvements cutanéo-muqueux seront réalisés de préférence par le biologiste lui-même, et à distance de tout traitement antifongique local ou général. Les modalités de prélèvement sont présentées dans le tableau I.

2.2. Examen directL’examen direct (ED), première étape au laboratoire, per-met d’orienter rapidement le diagnostic et éventuellement la thérapeutique.

2.2.1. Prélèvements superficielsL’ED s’effectue soit directement à l’état frais par mon-tage dans un liquide non coloré (eau distillée ou sérum

Tableau I – Modalités des prélèvements selon la localisation superficielle ou profonde de la candidose.

Clinique et localisation PrélèvementConditionnement

(volume minimum)

Conservation en cas

d’acheminement différé

Lésions superficielles

Lésions cutanées sèches et ongles (périonyxis secs)

Raclage (curette de Brocq, vaccinostyle,...) en périphérie de la lésion (limite ongle sain-ongle malade)

Recueil du produiten flacon stérile

1-3 jours à + 4°C

Lésions suintantes :plis, périonyxis avec pus, muqueuses, orifices naturels

Ecouvillonnage Recueil sur écouvillons stériles (1 pour ED, 1 pour culture)

< 24 h à + 4°C

Pustules, abcès Grattage à la curette de Brocq et écouvillonnage

Recueil du pus d’abcèsen flacon stérileou sur écouvillons stériles

< 24 h à + 4°C

Lésions sous-cutanées ou profondes

Nodules ou autres lésions sous-cutanées

Biopsie Recueil en flacon stérile < 24 h à + 4°C

Broncho-pulmonaires Lavage bronchiolo-alvéolaire (LBA), aspiration bronchique

Recueil en flacon stérile(20 mL)

< 24 h à + 4°C

PleuralesLiquide de ponction

Recueil en flacon stérile(1 mL)

Traitement immédiat(< 2 h)

ArticulairesLiquide de ponction

Recueil en flacon stérile(1 mL)

Traitement immédiat(< 2 h)

PéritonéalesLiquide de dialyse, redons, drains

Recueil en flacon stérile(1 mL)

Traitement immédiat(< 2 h)

CérébralesLCR

Recueil en flacon stérile(1 mL)

Traitement immédiat(< 2 h)

Tissus profonds (foie, …)Biopsie

Partage en 2 flacons stériles :1 pour la mycologie,1 pour l’anatomo-pathologie

< 24 h à + 4 °C

SepticémiesSang, cathéters

HémoculturesFlacons stériles (5 à 10 ml)

< 24 h à température ambiante

Liquides biologiqueset produits divers

Urines, selles, expectorations,... Recueil en flacon stérile < 24 h à + 4 °C

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physiologique stériles), soit en utilisant un colorant per-mettant de mieux visualiser les blastoconidies : lugol à 2 %, bleu de toluidine, bleu au lactophénol, noir chlora-zole ou rouge congo (MycetColor®, sr2b). L’examen direct des squames et des ongles nécessite un éclaircissement préalable dans la potasse (KOH à 30 %) ou le chloral-lactophénol. Par ailleurs, l’utilisation d’agents clarifiants tels que le blanc de calcofluor (Sigma), le Blankophor®

(Bayer) à 0,1 % ou encore le MycetFluo® (sr2b) permet de renforcer la sensibilité de l’examen, à condition de dispo-ser d’un microscope équipé d’une lampe fluorescente et des jeux de filtres adéquats (filtre bleu 400-440 nm). Les échantillons liquides peuvent être concentrés par centri-fugation (10 min à 1 500 g) ou par filtration sur membrane de porosité 0,45 μm.

2.2.2. Prélèvements profondsLes étalements, des appositions sur lames ainsi que des spots de cyto-centrifugation sont réalisés à partir des prélè-vements de sites profonds (LBA, liquide pleural, articulaire, biopsies tissulaires,…). Les frottis sont fixés à la chaleur ou à l’alcool, puis colorés par le May-Grünwald-Giemsa (MGG), ou traités par imprégnation argentique (techniques de Gomori-Grocott ou de Musto).La mise en évidence de levures bourgeonnantes, avec ou sans filaments, au sein de produits biologiques normale-ment stériles permet d’affirmer le caractère pathogène du champignon (figure 2), au même titre que l’examen histologique.

2.2.3. Cas particulier de l’histologieL’examen anatomopathologique complète l’ED et s’avère indispensable dans l’étude des mycoses profondes. La coloration par l’acide périodique de Schiff (PAS) et l’impré-gnation argentique de Gomori-Grocott sont les colorations habituellement utilisées. La première est bien adaptée au diagnostic des levuroses, tandis que la seconde colore

intensément la paroi de tous les champignons. La coloration par l’hématéine-éosine-safran (HES) quant à elle permet d’apprécier la réaction tissulaire de l’hôte.L’immununohistochimie peut aider à préciser la nature du champignon en cause dans les tissus. Elle fait appel à des techniques d’immunofluorescence ou immuoenzymatiques (peroxydase) utilisant des immunsérums polyclonaux ou des anticorps monoclonaux (anti-Candida, anti- Cryptococcus, anti-Aspergillus).

2.3. CulturesLes levures du genre Candida sont peu exigeantes, et un grand nombre de milieux de culture utilisés dans un laboratoire de microbiologie (géloses ordinaires, géloses au sang, bouillon cœur-cervelle…) permettent leur déve-loppement. Toutefois, le milieu de Sabouraud est le mieux adapté à la culture des champignons. Les boîtes de Pétri offrent une surface d’ensemencement plus importante que les tubes ; elles permettent un bon isolement des colonies et de visualiser les associations de levures. En revanche, les risques de contamination par des spores de cham-pignons filamenteux aéroportées sont plus importants et les milieux se dessèchent plus rapidement lors d’une incubation prolongée.

2.3.1. EnsemencementL’ensemencement se fait de façon stérile, par épuisement progressif de l’inoculum (en quadrants, en étoile, par rota-tion,…). La calibration de l’inoculum (par exemple 100 μL pour les urines) permet de dénombrer les levures présentes dans le prélèvement. Les prélèvements épais tels qu’un liquide bronchique, gastrique ou synovial sont préalable-ment fluidifiés à l’aide d’un produit mucolytique tel que digest-EUR® (Eurobio). La mise en culture des biopsies s’effectue soit en frottant directement les fragments sur la gélose, soit en déposant sur la boîte 2 à 3 gouttes du produit de broyage en liquide physiologique.

Figure 2 – Examen direct des prélèvements.

A. Coloration de May-Grünwald-Giemsa (MGG) sur une expectoration, mettant en évidence un amas de blastospores.

B. Imprégnation argentique de Gomori-Grocott sur un liquide péritonéal, montrant des filaments mycéliens septés associés à des blastospores.

A B

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Le sang est ensemencé le plus souvent directement dans des flacons d’hémocultures. Afin de concentrer les éléments infectieux, la technique de lyse-centrifugation par le dis-positif Isolator® (Oxoid) est parfois utilisée avant l’ense-mencement. Elle permet de libérer les levures par lyse des phagocytes de l’hôte et d’inactiver le complément, ainsi que d’autres agents antimicrobiens qui pourraient freiner la croissance du champignon. Toutefois, la réalisation de cette technique est délicate et expose au risque de contamination par les produits sanguins. En raison de son coût et de sa complexité, elle est utilisée essentiellement lors de la recherche de champignons dimorphiques tels qu’Histoplasma capsulatum [3].

2.3.2. Milieux de culture

2.3.2.1. Les milieux standards

La vitesse de croissance des levures étant moins rapide que celle des bactéries, il est préférable d’adjoindre au milieu d’isolement un antibiotique afin d’inhiber la pousse de la flore bactérienne associée, surtout si le prélèvement est issu d’un site non stérile. Le milieu gélosé de Sabouraud additionné de chloramphénicol et/ou de gentamicine est classiquement utilisé. Dans certaines circonstances, il est possible d’y adjoindre de la cycloheximide (Actidione®), qui inhibe la croissance de la plupart des champignons filamenteux susceptibles de contaminer les cultures. Tou-tefois, cette molécule peut inhiber ou freiner la pousse de certaines espèces de Candida telles que C. glabrata, C. parapsilosis, C. tropicalis ou C. famata.La plupart des champignons ont une température de croissance comprise entre 25 et 35 °C. La température optimale de croissance des Candida est de 37°C. Toute-fois, ceux-ci pouvant être retrouvés en association avec d’autres micromycètes non thermophiles, plusieurs géloses sont généralement ensemencées ; la première est incubée à 22-25 °C et la seconde à 35-37 °C. Pour tout prélève-ment profond, la culture est réalisée à 37 °C. Les durées d’incubation sont adaptées au type de prélèvement. Une durée d’incubation de 24 à 72 heures est généralement suffisante pour isoler la majorité des Candida. L’incubation des cultures de prélèvements profonds est plus longue, d’une à quatre semaines.Les colonies de Candida apparues après une incubation de 24 à 48 heures à 37 °C mesurent quelques millimètres de diamètre. Plutôt blanchâtre, leur surface est lisse, bril-lante et luisante, ou plus rarement, croûteuse, terne, sèche, mate, ou ridée. Les associations de différentes espèces sont difficilement décelables par un œil non expérimenté.

2.3.2.2. Les milieux chromogéniques

Ces milieux, auxquels sont rajoutées des substances chro-mogènes, confèrent aux colonies qui s’y développent une coloration particulière, variable en fonction de l’espèce. Cette coloration est dans la plupart des cas basée sur la mise en évidence d’une activité enzymatique de type hexosaminidase (N-acétyl-α-D-galactosaminidase). La multiplication des bactéries y est également inhibée.Tous ces milieux permettent au moins d’identifier directe-ment C. albicans, les colonies se colorant en bleu ( Candida ID® 2, bioMérieux) (Candichrom®, ELITech Microbio ;

ChromID®, bioMérieux), en vert (CHROMagar® Candida, Becton- Dickinson ; OCCA®, Oxoid) ou en rose-violet ( CandiSelect® 4, Bio-Rad). Les colonies de C. dublinien-sis développent une coloration très proche de C. albicans sur ces différents milieux. La différenciation entre ces deux espèces nécessite ensuite la mise en œuvre de tests spé-cifiques (§ 2.4.2.2.)Ces milieux permettent par ailleurs l’identification présomp-tive d’autres espèces. Ainsi, C. tropicalis, C. glabrata et C. krusei forment des colonies bleues d’aspects différents sur le milieu CandiSelect® 4 ; C. tropicalis, C. lusitaniae et C. kefyr forment des colonies roses sur Candida ID®2 ; sur le milieu OCCA®, C. tropicalis forme des colonies bleutées et C. krusei des colonies roses irrégulières ; sur CHROMagar® Candida, C. tropicalis forme des colonies bleues métal-liques et C. krusei des colonies rose pâle plutôt rugueuses. Le milieu CHROMagar® présente donc le spectre le plus large pour l’identification directe des colonies [4]. Les espèces non-albicans devront être confirmées dans un second temps par des tests complémentaires (§ 2.4.2.4.). L’apparition des colorations spécifiques est conditionnée par le respect des précautions stipulées par le fabricant (obs-curité, température,…). La vitesse de croissance est un peu plus lente que sur un milieu standard de type Sabouraud, les colonies sont généralement de plus petite taille et la coloration définitive n’est le plus souvent obtenue qu’après 48 heures d’incubation. Plus onéreux que les traditionnels milieux de Sabouraud, ces milieux apportent néanmoins un gain de temps de 24 à 48 heures, puisque l’identification des levures peut être rendue dans bon nombre de cas dès l’isolement et sans repiquage ultérieur, compte tenu de la forte prévalence des espèces concernées. Ils sont en outre particulièrement intéressants pour les sites susceptibles d’héberger plusieurs espèces, notamment dans le suivi de la colonisation de patients à risque de développer une candidose profonde, puisqu’ils permettent de visualiser directement les associations de levures (figure 3).

Figure 3 –Culture sur milieu chromogénique.

Mise en évidence d'une association de différentes espèces de Candida (C. albicans, C. glabrata, C. krusei, C. parapsilosis et C. tropicalis) sur le milieu Candida ID®2.

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2.3.2.3. Les milieux fluorogéniques

Cultivées sur le milieu Fluoroplate® Candida (Merck), les colonies de C. albicans présentent une fluorescence bleutée sans diffusion du pigment dans la gélose, lorsqu’elles sont observées sous lumière ultraviolette à 366 nm [5]. La nécessité d’un équipement spécifique limite l’utilisation de ce milieu.

2.3.2.4. Les milieux pour hémoculture

Pour les hémocultures, il est préférable d’utiliser un milieu spécifique favorisant la croissance fongique (Bactec® IC/F Mycosis, Becton-Dickinson), ainsi qu’un système de lec-ture automatisée basée sur la mesure du CO2 libéré au cours de la croissance de la levure (automates Bactec®, Becton-Dickinson ; BacT/ALERT®, bioMérieux). La détection de la croissance fongique repose sur des mesures colo-rimétriques (BacT/ALERT®) ou fluorimétriques (Bactec®) automatiques ; les flacons sont maintenus dans l’appareil au minimum deux semaines. À défaut de milieu spécifique, les flacons destinés à la détection des bactéries aérobies seront préférés aux flacons mis en anaérobiose, car mieux adaptés à la croissance des levures, notamment pour C. glabrata. L’utilisation au préalable du système Isola-tor® (lyse-centrifugation) permet de raccourcir les délais entre l’ensemencement et la détection de la croissance fongique [3]. Ces milieux pour hémocultures ne permettent pas de poursuivre directement l’identification du germe. En cas de positivité, il est en effet nécessaire de réaliser un repiquage sur milieux standards et/ou chromogéniques. Après une incubation minimale de 24 heures, l’obtention de colonies isolées permettra de réaliser l’identification du champignon et de déterminer sa sensibilité aux antifongiques.

2.4. IdentificationLa réalisation des tests d’identification ne peut être envisagée qu’en présence de colonies bien individualisées. En pratique courante, l’identification des différentes espèces de Candida fait appel à la détermination de caractères morphologiques, physiologiques et plus récemment immunologiques, grâce à des tests basés sur l’agglutination de particules de latex sensibilisées par des anticorps monoclonaux [1]. La spec-trométrie de masse et la biologie moléculaire, bien que prometteuses, ne concernent à l’heure actuelle que les centres spécialisés et les équipes de recherche.

2.4.1. Candida albicansCandida albicans étant l’espèce la plus fréquemment iso-lée et considérée comme la plus virulente, la démarche diagnostique consiste dans un premier temps à l’identi-fier. Un certain nombre de tests, plus ou moins rapides et spécifiquement adaptés à son identification, ont donc été développés.Historiquement, plusieurs tests ont vu le jour dans les années 1960-70 et ont représenté en leur temps des méthodes de référence [6, 7]. Il s’agit du test de blastèse (ou de germination) réalisé par incubation de l’isolat pendant 2 à 4h en sérum à 35-37°C et le test de chlamydosporulation reposant sur une sub-culture de 24 à 48h à 25-28°C de l’isolat en strie profonde dans un milieu PCB (pomme de terre, carotte, bile) ou RAT (riz, agar, tween 80). C. albicans est alors identifié

respectivement par la production d’un mince tube germinatif de diamètre homogène sans constriction à sa base émergeant de la cellule mère ou par la production de chlamydospores, structures arrondies de 10 à 15 μm de diamètre à paroi épaisse (aspect de double contour) produites isolément ou en grappe à l’extrémité du pseudomycélium. De nombreux paramètres (expérience de l’observateur, charge de l’inoculum, pH,..) pouvant affecter le résultat du test de blastèse et le risque lié à la manipulation de sérum font que ce test est progressive-ment abandonné. Parallèlement, le délai nécessaire pour le rendu de résultat du test de chlamydosporulation en réduit l’utilisation. D’autre part, ces deux tests ne permettent pas de différencier véritablement C. dubliniensis de C. albicans et ont été avantageusement remplacés par des tests plus rapides et/ou spécifiques de l’espèce.

2.4.1.1. Test immunologique

Le dispositif Bichrolatex® albicans (Fumouze Diagnostics) repose sur le principe de la co-agglutination sur lame. Le réactif est constitué de particules de latex colorées en rouge, en suspension dans un contre-colorant vert, sen-sibilisées par un anticorps monoclonal reconnaissant un antigène pariétal de C. albicans [8]. Devant l’apparition d’agglutinats rouges sur fond vert, les colonies fraîchement isolées sont identifiées en quelques minutes comme étant C. albicans ou C. dubliniensis. La différenciation entre ces deux espèces repose ensuite sur un second dispositif, le bichrodubli® (Fumouze Diagnostics) (§ 2.4.2.2.) [9].

2.4.1.2. Test métabolique

Des test biochimiques, utilisables sur les colonies isolées, peuvent également être réalisés afin d’identifier C.  albicans. Trois dispositifs sont actuellement commercialisés : Murex C. albicans® (Murex Diagnostics), Albicans-Sure® (Clinical Standards Laboratories) et BactiCard Candida® (Remel CO). Les trois tests consistent en la recherche d’une double activité β-galactosaminidase et L-proline aminopeptidase, positive pour les seules colonies de C. albicans. Les autres espèces peuvent présenter l’une ou l’autre des deux acti-vités, mais pas les deux associées [10]. Le premier dis-positif dont le résultat est obtenu en 30 minutes repose sur un principe de colorimétrie, alors que pour les deux autres tests, la révélation de l’activité β-galactosaminidase observable en quelques minutes utilise un substrat couplé à un dérivé de l’umbelliferone et nécessite un dispositif de lecture de la fluorescence émise (lampe de Wood).

2.4.2. Espèces non-albicans

2.4.2.1. Réduction des sels de tétrazolium

Cette technique historique, pour laquelle aucun dis-positif n’est commercialisé, repose sur la réduction du 2,3,5- triphényltétrazolium chloride incorporé dans le milieu de culture, en un produit insoluble coloré qui confère aux colonies de Candida une coloration allant du blanc au rouge, selon l’espèce.

2.4.2.2. Tests immunologiques

Des tests spécifiquement orientés vers une espèce ont également vu le jour au cours des deux dernières décen-nies. Contrairement aux galeries d’identification qui seront

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développées plus loin, ces tests qui sont réalisés à partir de colonies isolées, donnent un résultat en quelques minutes. Il s’agit encore de réactifs d’agglutination de particules de latex, tels le Krusei color® pour C. krusei et le Bichrodubli® pour C. dubliniensis (Fumouze Diagnostics) [9, 11].Le Candida Check® (Iatron Laboratories) commercialisé depuis plusieurs décennies est un dispositif pour aggluti-nation sur lame [12]. Le réactif est constitué de plusieurs sérums de lapin rendus spécifiques, par un ensemble d’adsorptions, vis-à-vis de 10 facteurs antigéniques por-tés par certaines espèces de Candida. L’identification des 9 principales espèces de Candida est obtenue après 2 à 3 minutes d’agitation.

2.4.2.3. Tests enzymatiques

Les colonies de C. glabrata sont spécifiquement identifiées grâce au test Glabrata RTT® (Fumouze Diagnostics) [13]. Ce dispositif, de réalisation simple, repose sur la capacité de C. glabrata à hydrolyser le tréhalose et pas le maltose. Il utilise une glucose-oxydase pour la mise en évidence du glucose formé à partir de chacun de ces deux carbohydrates. Un témoin permet d’éviter les faux positifs liés au transfert concomitant du glucose contenu dans le milieu de culture des colonies prélevées. Le résultat est obtenu en 15 minutes. D’autres tests reposant sur le même principe mais de réa-lisation plus longue sont également commercialisés : le Remel Rapid Trehalose Assimilation Broth et Remel Yeast Fermentation Broth (Remel Laboratories), le GlabrataQuick® kit et le Trehalose Fermentation Broth (Hardy Diagnostics).

2.4.2.4. Tests biochimiques

Dans l’éventualité où l’aspect et la coloration de la colonie ne permettent pas une identification précise de l’espèce, ou encore lorsque les tests rapides spécifiques s’avèrent néga-tifs, l’identification de la levure repose alors sur l’utilisation de galeries [14]. Un large panel de dispositifs miniaturisés et standardisés est commercialisé. La grande majorité de ces dispositifs repose sur l’étude de l’assimilation des carbohydrates (auxanogramme) et de leur fermentation (zymogramme). Les différentes caractéristiques des dispo-sitifs commercialisés sont regroupées dans le tableau II. L’auxanogramme des sucres est complété dans certains dispositifs par l’étude de l’assimilation de substrats chro-mogéniques, ou par la détection d’enzymes. Dans tous les cas, la densité de l’inoculum doit être standardisée pour permettre la bonne réalisation du test et faciliter sa lecture. Le nombre d’espèces identifiées augmente avec le nombre de tests incorporés dans la galerie, mais il reste limité avec les galeries rapides qui ont par ailleurs des performances moyennes. Certaines galeries identifient largement au-delà du genre Candida, d’autres encore associent à l’identification une évaluation de la résistance à divers antifongiques.Les caractères physiologiques obtenus avec certaines galeries peuvent parfois être identiques pour deux espèces différentes, c’est pourquoi l’identification du germe néces-site de prendre en compte également les caractères mor-phologiques macroscopiques et microscopiques.

Tableau II – Caractéristiques des différentes galeries d’identification commercialisées.

ParamètresAPI®20C AUX

(bioMérieux)

Auxacolor®2

(Bio-Rad)

Candifast®

(ElitechGroup)

Fungichrom®

(ElitechGroup)

Fungifast®

(ElitechGroup)

ID®32C

(bioMérieux)

Vitek®YBC

(bioMérieux)

Nombrede taxons

43 33 10 24 10 63 50

Nombre de tests 19 20 9 15 20 31 20

Sensibilitéau cycloheximide

Oui Oui Oui Non Non Oui Non

Recherche d’uréase Non Non Oui Oui Oui Non Oui

Recherche de la phénol-oxydase

Non Oui Non Oui Oui Non Oui

Inoculum 2 McF 1,5 McF ND 2 McF 2 McF 2 McF 1,8-2,2 McF

Durée 48-72 h 24-72 h 24-72 h 24-48 h 24-72 h 48-72 h 18 h

Caractères morphologiques

Obligatoires Obligatoires Non obligatoires Non obligatoires Obligatoires Non demandés Obligatoires

Antifongigramme inclus

Non Non

7 ATF testés: AmB, Nyst, 5-FC, Eco, Kéto, Mico,

Fluco

Non

5 ATF testés :2 concentrationspour AmB, 5-FC,

Itra, Fluco ;1 concentration

pour Vori

Non4 ATF testés: AmB, 5-FC, Fluco, Vori

Commentaires

Manipulation simple,

mais test peu discriminant

Manipulation simple,

mais test peu discriminant

Manipulation simple,

mais test peu discriminant

Manipulation simple,

mais test peu discriminant

Manipulation simple,

mais nombre limité de taxon

Manipulation simple et test performant

Manipulation simple et test performant

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2.4.2.5. Approche protéomique

L’approche protéomique par spectrométrie de masse MALDI-TOF (matrix assisted laser desorption/ionisation-time-of-flight) est une alternative très séduisante qui tend à se généraliser aujourd’hui. Appliquée sur des colonies isolées, cette technologie permet en effet une identifica-tion rapide directement à partir des cultures [2]. Les sys-tèmes Vitek® MS (bioMérieux), Microflex (Bruker Daltonics) et Andromas (Siemens) sont actuellement disponibles. L’investissement initial reste important et limite actuelle-ment son utilisation aux laboratoires hospitaliers et/ou de recherche. Toutefois, la réduction importante des temps de manipulation ainsi que le faible coût des réactifs et consommables laisse envisager une extension aux labora-toires de taille plus modeste [voir dans ce même numéro, l’article de M.-E. Bougnoux, Identification des levures par spectrométrie de masse de type MALDI-TOF].

2.5. Interprétation des résultatsL’examen direct s’attache à mettre en évidence les élé-ments fongiques (blastoconidies ou éléments mycéliens) au sein du prélèvement. La présence de blastoconidies dans un site superficiel n’est pas pathognomonique d’une candidose, puisqu’un grand nombre de Candida vivent en commensaux dans les tractus digestif et uro-génital de l’Homme, voire même au niveau de la peau pour certaines espèces. Les filaments (pseudo-filaments ou mycélium vrai) sont plus particulièrement recherchés, car leur présence est en faveur de la pathogénicité du champignon. Il est également intéressant d’évaluer la quantité des éléments fongiques, même si la sensibilité de l’ED reste assez faible ; l’absence d’élément fongique visible à l’examen direct ne permet pas d’écarter définitivement le diagnostic de can-didose. L’échantillon doit en effet contenir au moins 104 à 105 éléments par millilitre, pour que les Candida puissent être détectés dès cette étape. Dans le cas de prélèvements cavitaires, l’ED peut permettre de révéler un déséquilibre de la flore avec émergence des levures. L’interprétation des résultats de la culture est délicate. Si toute culture positive à partir d’un prélèvement normalement stérile (LCR, LBA, urines et autres liquides biologiques, biop-sies tissulaires,…) témoigne d’une infection, en revanche le revêtement cutané ou les sites cavitaires peuvent être colonisés par des levures commensales. L’interprétation ne se fera qu’après identification de l’espèce et par la confrontation des données au contexte clinique.On s’attachera généralement à dénombrer les colonies de Candida. Ainsi, une candidurie supérieure à 104 CFU (nombre de colonies formant unité) par mL chez un patient non sondé est en faveur d’une infection urinaire [15]. De même, la présence de plus de 10 colonies de levures sur une culture de prélèvement vaginal, de 5 à 10 colonies par cm2 de surface oro-pharyngée écouvillonnée, ou par mL de solution de rinçage buccal ou encore par gramme de selles est en faveur du caractère pathogène du Candida isolé.En l’absence de biopsies, les hémocultures positives demeurent un critère indiscutable d’infection dans les can-didoses systémiques. Leur sensibilité demeure cependant décevante (en général inférieure à 50 %), malgré l’amé-lioration des techniques et la mise au point de nouveaux milieux ; elle varie par ailleurs en fonction des espèces.

Ainsi, C. albicans, C. tropicalis et C. parapsilosis seraient détectées plus précocement que C. glabrata et C. krusei. Il est à noter qu’en cas de candidose hépatosplénique, seulement 20 % des prélèvements sont positifs [16]. C’est pourquoi il est important de répéter les prélèvements chez tout patient à risque, de préférence au moment des pics fébriles.Dans l’attente des résultats de l’identification de l’agent causal, la présence de colonies de levures à partir de tout prélèvement profond ou d’une hémoculture est communi-quée au clinicien ayant en charge le patient. Le caractère pathogène de la levure doit souvent être discuté, lorsqu’elle est isolée de sites normalement colonisés par Candida (trachée, bouche, selles, vagin) ou dont les prélèvements peuvent être contaminés (LBA, urines). L’interprétation doit donc prendre en compte l’espèce isolée, l’intensité de la colonisation (culture pure et/ou abondante, isolement à plusieurs reprises d’une même espèce) ainsi que d’autres paramètres (ED positif et plus particulièrement la présence de filaments, flore bactérienne associée, traitement antérieur par antibiotiques ou antifongiques, aspects cliniques, ter-rain,…). Au regard de la gravité des septicémies à Candida, il est indispensable de débuter le traitement antifongique précocement même en présence d’une seule hémoculture positive.L’isolement de Candida dans les selles témoigne le plus souvent d’une simple colonisation. Celle-ci doit cependant être prise en compte dans la surveillance des patients à risque, en réanimation ou en onco-hématologie. La présence de Candida dans une urine peut être fortuite et sa respon-sabilité dans le développement d’une infection urinaire ne sera démontrée que devant une culture pure et abondante, en l’absence de sonde. Les candiduries sont en effet fré-quentes chez les patients porteurs d’une sonde urinaire.La présence de levures dans un prélèvement des voies aériennes (expectoration, aspiration bronchique ou LBA) est d’interprétation difficile et l’existence d’une mycose pulmonaire ne sera réellement affirmée que sur une culture de prélèvement biopsique, rarement réalisée en pratique.

2.6. Index de colonisationUne colonisation intense constitue un facteur de risque important de développer une infection invasive. Dans ce contexte, l’index de colonisation, proposé par Pittet et coll., permet de déterminer la probabilité de survenue d’une can-didose profonde en fonction de l’intensité de colonisation par Candida de divers sites de l’organisme (tube digestif, urines,…), mais cette méthode trouve ses limites dans la surcharge de travail entraînée par sa mise en application [17].

2.7. Détermination de la sensibilité aux antifongiquesMalgré l’arrivée récente de nouveaux antifongiques, la mortalité des candidoses systémiques demeure élevée. La prise en charge thérapeutique de ces dernières doit donc être précoce et adaptée à la levure identifiée. La connais-sance de la sensibilité des souches isolées aux différentes molécules disponibles – en déterminant si possible les concentrations minimales inhibitrices (CMI) – permet ainsi de guider la thérapeutique antifongique, mais également de surveiller l’apparition de souches résistantes.

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De nombreux progrès ont été réalisés afin de standardiser les méthodes et de simplifier leur utilisation au labora-toire ; cependant, leur importance reste relative en raison notamment d’un manque de corrélation in vitro/in vivo. L’interprétation des résultats doit en effet prendre en compte d’une part les caractéristiques pharmacodynamiques des antifongiques, et d’autre part le site de l’infection ainsi que le degré d’immunodépression du patient. Les indications de l’antifongigramme doivent donc être connues, ainsi que les limites de l’interprétation des données.

2.7.1. Intérêt et indicationsLa réalisation d’un antifongigramme ne doit pas être sys-tématique pour tous les isolats de Candida et les tests de détermination de la sensibilité aux antifongiques ne seront mis en œuvre que dans les situations suivantes :- levure isolée d’un prélèvement profond (hémoculture ou autre prélèvement) ;- levure isolée d’une infection superficielle, en cas de réci-dive ou d’échec thérapeutique ;- patients immunodéprimés ou soumis à une forte pression de sélection par des antifongiques utilisés en prophylaxie (risque de résistance secondaire).En ce qui concerne les candidoses superficielles récidi-vantes, il convient de vérifier au préalable la réalité de la résistance au traitement en s’assurant de la bonne obser-vance de celui-ci, de l’absence de foyer(s) associé(s) et de pathologie(s) sous-jacente(s), ou encore du traitement du ou des partenaire(s).

2.7.2. Méthodes utiliséesPlusieurs sociétés savantes ont travaillé à la standardisa-tion des techniques. Ainsi le CLSI (Clinical and laboratory standards institute, ex NCCLS) aux USA et l’EUCAST (Euro-pean committee on antimicrobial susceptibiliy testing) en Europe ont proposé des méthodes de référence par dilution en milieu liquide. Celles-ci ont par la suite été évaluées dans des études multicentriques et servent actuellement de référence lors de la mise au point de nouveaux tests.

2.7.2.1. Méthode par diffusion

Cette méthode est en tout point comparable à l’antibiogramme bactérien. Des disques imprégnés d’une concentration connue d’antifongique (Néosensitabs®, Eurobio) sont déposés à la sur-face d’une gélose préalablement ensemencée par inondation ou par écouvillonnage. En fonction de la valeur du diamètre des zones d’inhibition de croissance, les souches de levures sont classées en sensibles, intermédiaires ou résistantes.Cette méthode permet une lecture à 24 heures, mais les diffé-rents paramètres doivent être scrupuleusement respectés et certains antifongiques de haut poids moléculaire diffusent mal dans la gélose, ce qui impose l’utilisation d’un milieu particu-lier (milieu Casitone pour les azolés et les polyènes). Elle a en revanche l’avantage de bien mettre en évidence les résistances hétérogènes à la 5-fluorocytosine (5-FC) se caractérisant par la présence de micro-colonies dans la zone d’inhibition.

2.7.2.2. Méthodes par dilution

en milieu liquide ou semi-solide

La macrométhode en tube initialement proposée par le CLSI a été miniaturisée, afin de simplifier son utilisation

en routine. Les principales caractéristiques de cette tech-nique sont rapportées dans le tableau III. La technique de l’EUCAST diffère de celle du CLSI par une supplémenta-tion du milieu en glucose, un inoculum 100 fois supérieur et une incubation courte de 24 h. Les deux techniques présentent une bonne corrélation.Des tests commercialisés sous forme de galeries ( Fungitest®, Bio-Rad ; ATB® Fungus 3, bioMérieux) permettent de tes-ter la sensibilité des Candida, dans des conditions très proches de celles des techniques de micro-dilution en milieu liquide. Ces galeries comportent plusieurs puits, dans lesquels est évaluée la croissance des levures en présence de différentes concentrations d’antifongiques. Le résultat obtenu permet de fournir une CMI. La galerie Fungitest® permet ainsi de tester la sensibilité à 6 antifongiques (5-FC, amphotéricine B (AmB), fluconazole, itraconazole, kétoco-nazole et miconazole) à deux concentrations, tandis que l’ATB® Fungus 3 comporte une gamme de concentration croissante (de 6 à 10 valeurs) pour 5 molécules (5-FC, AmB, fluconazole, itraconazole et voriconazole). Pour l’AmB, la CMI correspond à la concentration la plus faible permettant une inhibition complète de la croissance, tandis que pour les autres antifongiques, la CMI correspond à la concen-tration la plus faible permettant une réduction marquée de croissance. La durée d’incubation recommandée par le fabricant est de 48 heures pour la première, contre 24 pour la seconde.Ces tests d’utilisation simple sont rapides, reproductibles et automatisables, mais des erreurs de lecture peuvent être dues à une mauvaise standardisation de l’inoculum ou à une mauvaise homogénéisation des milieux. Les seuils de sensibilité (concentrations critiques) n’ont été établis que pour le fluconazole, l’itraconazole, le voriconazole et la 5-FC (tableau IV). Des difficultés persistent en effet dans la détermination des CMI pour l’AmB.

Tableau IV – Concentrations critiques (en μg/mL)

recommandées par le CLSI pour Candida.

Molécules SensibleIntermédiaire

(ou sensible dose-dépendante)Résistante

5-FC ≤ 4 8 - 16 ≥ 32

Fluconazole ≤ 8 16 - 32 ≥ 64

Itraconazole ≤ 0,125 0,25 - 0,5 ≥ 1

Voriconazole ≤ 1 2 ≥ 4

Tableau III – Principales caractéristiques

des techniques recommandées par le CLSI (ex- NCCLS)

et l’EUCAST pour la détermination de la sensibilité

aux antifongiques des levures.

CLSI (M27-A2) EUCAST (E.Dis 7.1-2002)

Milieu RPMI - MOPS RPMI - MOPS + glucose 2 %

Inoculum final 0,5-2,5 x 103 CFU/mL 0,5-2,5 x 105 CFU/mL

Incubation 48 h à 35 °C 24 h à 35 °C

Lecture Visuelle Spectrophotométrique

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tiques de l’antifongique (posologies inadaptées, pénétration insuffisante au site de l’infection, interactions médicamen-teuses…). Sensibilité in vitro n’est donc pas synonyme de succès thérapeutique.

3. Diagnostic indirect

Chez les patients suspects de développer une candidose profonde ou systémique, l’isolement des levures n’est pas toujours possible en raison des difficultés de recours à des procédures invasives. L’insuffisance de prélèvements profonds a donc conduit au développement de méthodes immunologiques permettant la mise en évidence de mar-queurs d’infection fongique invasive, anticorps sériques ou antigènes circulants, dont la recherche est souvent complémentaire.

3.1. Recherche d’anticorps sériques anti-CandidaLes tests actuellement commercialisés en France sont listés ci-après. L’immunofluorescence indirecte (IFI) utilise des blastos-

pores de C. albicans (souche VW32), qui sont déposées sur des lames de verre prêtes à l’emploi (Candida-Spot IF®, bioMérieux).

L’hémagglutination indirecte (HAI) détecte préféren-tiellement des anticorps de type IgG ou IgM (Candidose Fumouze®, Fumouze Diagnostics).

L’ELISA recherche des anticorps dirigés contre les man-nanes pariétaux (Platelia® Candida Ab, Bio-Rad ; Serion®

ELISA classic Candida albicans IgG/IgM/IgA, Virion/Serion). Ce dernier permet une quantification plus large des immu-noglobulines dirigées contre C. albicans [19].

L’immunoélectrophorèse (IEP) et l’électrosynérèse (ES) détectent des anticorps précipitants (antigènes de C.  albicans, Bio-Rad) et permettent une appréciation semi-quantitative (nombre d’arcs et intensité). Il est ainsi pos-sible de juger de l’évolution du titre d’anticorps chez un patient en faisant migrer côte-à-côte différents sérums conjointement à un sérum de référence.Ces différentes techniques font appel à des antigènes solubles (HAI, IEP, ES, ELISA) ou figurés (IFI). On distingue classiquement les techniques de dépistage (IFI, HAI et ELISA) des techniques de confirmation (IEP, ES). Comme dans les autres approches sérologiques, la positivité d’une technique de dépistage devra être vérifiée par une tech-nique de confirmation.Il est par ailleurs recommandé d’associer au moins deux techniques, l’interprétation des résultats étant souvent délicate. D’abord, en raison du caractère commensal de Candida, il peut être difficile de distinguer colonisation et infection. Cependant, si un patient porteur sain de Candida ou présentant une candidose superficielle peut présenter un taux faible d’anticorps, des taux élevés en technique ELISA ne sont en pratique jamais retrouvés chez des patients simplement colonisés. D’autre part, la sérologie Candida apparaît peu contributive chez des patients immunodépri-més. Les patients présentant une neutropénie doivent être suivis sérologiquement dès leur admission et au sortir de la neutropénie, en complément de la recherche d’antigènes

2.7.2.3. Méthode par dilution-diffusion

La méthode E-test® (bioMérieux) repose sur l’utilisation de bandelettes imprégnées d’un gradient exponentiel prédéfini d’antifongique. Elle présente l’avantage, outre sa commercialisation qui est un gage de standardisation, d’être plus simple d’utilisation que les méthodes de dilu-tion en milieu liquide. Elle permet la détermination quan-titative des CMI sur des valeurs très étendues ; celles-ci sont lues directement sur l’échelle de la bandelette au point d’intersection avec l’ellipse de la zone d’inhibition (figure 4). Cette méthode présente une bonne corréla-tion avec celles du CLSI et de l’EUCAST et serait même supérieure pour la détection des résistances à l’AmB [18]. Le coût des bandelettes reste cependant assez élevé et il existe des difficultés de lecture, surtout pour les azolés, en présence de micro ou de macro-colonies au niveau des ellipses d’inhibition.

2.7.3. Interprétation de l’antifongigramme Selon la valeur de la CMI déterminée, les levures sont ainsi classées dans l’une des catégories cliniques sui-vantes : sensible, résistante ou intermédiaire. En présence de souches appartenant à ce dernier groupe et donc de sensibilité « dose-dépendante », il est nécessaire d’aug-menter les posologies.L’évolution clinique sous traitement ne dépend cependant pas que de la sensibilité de la souche isolée aux molécules administrées. Il faut également tenir compte de facteurs liés à l’hôte (maladie sous-jacente, immunodépression, cathéter…) ainsi que des caractéristiques pharmacociné-

Figure 4 – Étude de la sensibilité aux antifongiques par

bandelettes E-test®.

Détermination de la sensibilité aux antifongiques azolés (fluconazole, voriconazole et posaconazole) à l'aide de bandelettes E-test®. Les CMI sont lues directement sur la bandelette au niveau de l'intersection avec l'ellipse d'inhibition

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rapide, est peu utilisé en raison de sa faible sensibilité (seuil de détection de l’ordre de 2,5 ng/mL).

Le kit Platelia® Candida Ag (Bio-Rad) détecte les man-nanes par technique ELISA, avec une sensibilité analy-tique entre 2,5 ng et 0,1 ng/mL, tandis que la sensibilité clinique du test est de l’ordre de 50 %. Ce test automa-tisable est adapté au suivi régulier des patients à risque. Comme pour le précédent test, les espèces non-albicans (notamment C. krusei, C. kefyr et C. parapsilosis) sont moins bien détectées. Ce test a récemment été modifié (Platelia® Candida Ag-Plus) afin d’augmenter sa sensi-bilité. Toutefois, un certain nombre de faux positifs a été rapporté chez des patients présentant une candidose superficielle [22].

Le test Serion ELISA antigen Candida® (Virion/Serion) est également basé sur la détection des mannanes cir-culants par technique ELISA. Chez les patients atteints de candidose profonde, la détection des mannanes peut se positiver plusieurs jours avant l’isolement de Candida à partir d’un prélèvement de site stérile. Cependant, ce polysaccharide est retrouvé de façon transitoire dans le sérum. Ceci impose un suivi sérologique régulier des patients à risque, avec des pré-lèvements répétés. La recherche de mannanes circulants est surtout intéressante lorsqu’elle est réalisée de manière répétée et couplée à la recherche d’anticorps anti-man-nanes [20]. En effet, une mannanémie positive contraste souvent avec des taux d’anticorps faibles, tandis que la persistance d’une mannanémie en l’absence d’une apparition des anticorps anti-mannanes serait associée à un mauvais pronostic.La détection combinée des anticorps anti-mannanes et des mannanes circulants, associée à la répétition des pré-lèvements, est une approche qui a démontré son intérêt en termes de sensibilité et de précocité du diagnostic [23]. Plus de 80 % des épisodes infectieux causés par C. albi-cans, C. glabrata et C. tropicalis, espèces responsables de 90 % des candidoses profondes, peuvent ainsi être détectés lors de ce double suivi. Les tests Platelia® per-mettraient ainsi de réaliser un diagnostic en moyenne 4 jours avant la positivité de l’hémoculture.

3.2.2.3. β(1,3)-D glucanes

D’autres tests, plus récemment développés, reposent sur la détection des β(1,3)-D glucanes. Ces polysaccharides sont, avec la chitine, des composants majeurs de la paroi des Candida mais aussi de la plupart des levures et champignons filamenteux, à l’exception des cryptocoques et des zygomycètes. En cas d’infection fongique inva-sive (infections à Candida, Saccharomyces, Aspergillus, Fusarium, Acremonium, Pneumocystis...), les β(1,3)-D glucanes sont libérés dans la circulation [24]. Ils seraient détectables en moyenne 10 jours avant l’apparition des premiers signes cliniques.Cependant, de nombreuses causes de fausses positivités ont été rapportées, liées notamment à des infections bac-tériennes, à l’administration d’antibiotiques, de facteurs de la coagulation ou d’immunoglobulines. Dans une méta-analyse récente, la sensibilité de la détection des β(1,3)-D glucanes chez les patients d’onco-hématologie ne dépassait pas 50 %, en prenant en compte 2 tests positifs

circulants. L’utilisation optimale des tests exige en effet une détermination bihebdomadaire du titre d’anticorps et requiert un suivi des titres au cours de l’infection.D’autres techniques reposent sur la détection d’anticorps dirigés contre des antigènes mycéliens présents lors d’une candidose invasive, d’anticorps anti-énolase vacuolaire de 48 kDa, ou dirigés contre la sous-unité de 47 kDa de la Heat Shock Protein 90. Basées sur le principe du Western-Blot, elles sont réservées aux laboratoires de recherche.

3.2. Recherche d’antigènes circulantsDifférents métabolites ou antigènes peuvent être recher-chés dans le sérum ainsi que dans d’autres liquides biolo-giques (urines, liquide céphalo-rachidien, liquide de lavage broncho-alvéolaire). Cependant, leur concentration est habituellement très faible et le caractère transitoire de leur passage dans la circulation sanguine limite leur détection.

3.2.1. D-arabinitolLe D-arabinitol est un pentose produit par toutes les espèces de Candida, sauf C. glabrata et C. krusei. La détermina-tion du ratio D-arabinitol ( d’origine fongique)/ L- arabinitol ( d’origine humaine) dans les urines s’est avérée être un excellent marqueur de candidose profonde [20]. Son dosage est possible par chromatographie en phase gazeuse cou-plée à la spectrométrie de masse (GC-MS). Un kit plus adapté à l’activité d’un laboratoire de routine hospitalière a été récemment développé. Il repose sur un dosage enzymatique avec détection fluorimétrique.Dans la majorité des études, le D-arabinitol, qu’il soit dosé dans les urines ou le sérum, s’est avéré être un marqueur intéressant de candidose profonde, tant dans le diagnostic initial que dans le suivi thérapeutique. Ce test prometteur n’est cependant pas disponible en France.

3.2.2. Antigènes de nature polysaccharidique

3.2.2.1. Exo-antigène non identifié

Le test Cand-tec® (Ramco Laboratories) est commercia-lisé aux États-Unis, mais est très peu utilisé en France. Basé sur l’agglutination de particules de latex, il met en évidence, à l’aide d’anticorps polyclonaux, un exo- antigène thermolabile [21]. Le développement commercial de ce test, sensible mais peu spécifique, a été freiné par le caractère inconnu de la cible antigénique.

3.2.2.2. Mannanes

Les mannanes représentent les antigènes majeurs de la paroi des Candida. Trois tests sont actuellement com-mercialisés. Les antigènes complexés sont préalablement libérés après traitement préalable des échantillons par chauffage à 100 °C, en présence d’EDTA ou encore par des protéases.

Le test Pastorex® Candida (Bio-Rad) consiste en l’aggluti-nation de particules de latex sensibilisées par un anticorps monoclonal dirigé contre une séquence oligomannosidique particulière présente sur les mannanes libérés de la paroi de C. albicans, C. tropicalis, C. guillermondii, C. glabrata, C. kefyr, C. stellatoïda et de façon inconstante de C. krusei, C. kefyr et C. parapsilosis. Ce test semi-quantitatif, bien que très spécifique et permettant d’apporter une réponse

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consécutifs [25]. La recherche des β(1,3)-D glucanes a été incluse en 2008 dans les nouveaux critères diagnos-tiques de l’EORTC (European organisation for research and treatment of cancer), mais l’expérience avec ces tests reste pour l’instant limitée. Il n’y a actuellement pas de recommandations officielles quant à la périodicité des prélèvements, ni pour le choix du seuil ou l’utilisation sur d’autres liquides biologiques que le sérum. Cer-tains auteurs recommandent de combiner la recherche de ces marqueurs panfongiques avec la détection des mannanes, voire avec la PCR, afin d’augmenter la sen-sibilité diagnostique des tests [26]. Cette stratégie doit cependant être validée, en raison du coût important des différentes techniques. Quatre tests sont actuellement commercialisés : Fungitell® (Associates of Cape Cod, USA), Fungitec-G® (Seikagaku Corporation, Japon), Wako® et Maruha® (Japon), mais seul le premier est disponible en Europe (distribué en France par la société Biogenic). Ces kits diffèrent par la source du substrat, c’est-à-dire l’origine du lysat d’amoebocyte de Limule ; chaque test possède ansi son propre seuil. Le test Fungitell® dérive du Limulus test, qui a été déve-loppé initialement pour la mise en évidence d’endotoxines bactériennes. Il permet la détection en microplaque des β(1,3)-D glucanes via l’activation du facteur G, enzyme de coagulation présente dans le lysat d’amoebocytes de la limule Limulus polyphemus. Son seuil de positivité est fixé entre 60 et 80 pg/mL. La valeur prédictive négative élevée de ce test incite à le recommander dans le cadre d’un diagnostic d’exclusion.

3.3. Candidoses vaginalesUn dispositif reposant sur l’immunochromatographie sur membrane et utilisant un anticorps monoclonal spéci-fique d’un antigène mannane a été développé récem-ment pour le diagnostic des candidoses vaginales [27]. Ce test rapide et simple permet la détection des anti-gènes mannanes excrétés in vivo dans les sécrétions vaginales et la différenciation de l’état pathogène de l’état commensal. Il est commercialisé sous le nom de Candi-Vagi (sr2b).

4. Apports de la biologie

moléculaire

D’importants progrès technologiques, qui ont été réali-sés au cours des deux dernières décennies, ont permis l’essor de la biologie moléculaire. Ces techniques sont utilisables dans le diagnostic, l’identification ou le typage des souches.

4.1. Diagnostic de candidose profondeLe développement des techniques de PCR a suscité de nombreux espoirs [28]. En effet, contrairement à la recherche d’anticorps spécifiques, le statut immunitaire du patient n’entre pas en ligne de compte. Par ailleurs, la PCR permet d’amplifier des séquences d’ADN issues de cellules mortes et qui ne peuvent donc être mises en évidence par culture. Ceci est particulièrement inté-ressant en cas de non-respect des bonnes pratiques

de prélèvement (délai d’acheminement important ou mauvaise conservation), ou de traitement antifongique antérieur. De plus, elle permet théoriquement d’assurer un diagnostic précoce et donc de suppléer l’hémocul-ture, avec une sensibilité et une spécificité élevées. Le seuil de sensibilité minimale des techniques de biologie moléculaire doit être de l’ordre de 1 à 100 CFU/mL pour pouvoir se substituer à la culture. La spécificité de cette approche moléculaire dépend des séquences cibles choisies, tandis que la sensibilité analytique repose sur les quatre paramètres détaillés ci-dessous. Nature de l’échantillon analysé : sérum, sang total

ou autre prélèvement biologique frais (LCR, biopsie, ...). Le sérum ne contient que de l’ADN libre circulant, alors que le sang total peut contenir également de l’ADN « cel-lulaire ». Certains travaux ont cependant montré que le sérum représentait une meilleure source d’ADN que le sang total [29]. Méthode d’extraction : les modalités d’extraction des

acides nucléiques représentent un des points critiques de l’approche moléculaire. La mise sur le marché depuis quelques années de kits commerciaux a permis une stan-dardisation et une meilleure reproductibilité de cette étape. Nature de la séquence cible : les séquences nucléo-

tidiques amplifiées ciblent des gènes qui sont présents en mono- ou en multi-copies. Les techniques amplifiant un gène mono-copie (actine, chitine synthétase, Δ14 α-lanostérol déméthylase, alcaline protéase,…) sont amenées à manquer de sensibilité. L’amplification de gènes multi-copies, notamment grâce à des amorces universelles (PCR panfongique) a permis d’accroître la sensibilité des méthodes employées. Des séquences de gènes mitochondriaux ou de gènes codant pour l’ARNr 18S ont ainsi été largement étudiées. Révélation des amplicons : l’ADN amplifié est classi-

quement soumis à une électrophorèse sur gel d’agarose, suivie d’une révélation par un agent intercalant (bro-mure d’éthidium). Cette technique a cependant montré ses limites en termes de sensibilité et de praticabilité. Elle peut être améliorée en combinant les principes de l’immunoenzymologie et ceux de la PCR (PCR-EIA, amorces conjuguées à la digoxigénine + sondes bioti-nylées + plaques de microtitration sensibilisées par de la streptavidine). D’autres techniques comme l’hybridation sur membrane, ou encore les bio-puces, ont également été développées.Les techniques de PCR en temps-réel ont connu un essor important ces dernières années au sein des labo-ratoires de microbiologie. Elles permettent en effet de réaliser simultanément la détection, l’analyse quanti-tative et qualitative des ADN amplifiés. Outre le gain de temps apporté, les risques de contamination sont réduits au maximum puisqu’aucune manipulation post-PCR n’est nécessaire [30]. Par ailleurs, la disponibilité récente d’automates d’extraction permet d’envisager l’utilisation de ces techniques en routine hospitalière. Deux automates, largement utilisés en bactériologie et en virologie, les systèmes TaqMan® (Perkin-Elmer, Applied Biosystems) et Lightcycler® (Roche Molecular Systems), permettent actuellement ce type d’analyse [31].

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La combinaison d’un couple d’amorces universelles et de plusieurs couples d’amorces ou de sondes spécifiques permet ainsi d’envisager la recherche simultanée dans le même échantillon de plusieurs espèces. La détec-tion de la majorité des Candida impliqués en pathologie humaine est possible, mais elle est cependant restreinte aux espèces les plus fréquentes.En dépit de nombreux travaux sur l’application de la PCR au diagnostic des candidoses invasives, l’utilisation de celle-ci en routine hospitalière demeure restreinte aux laboratoires de référence. Sa généralisation a en effet longtemps été freinée par le manque de standardisa-tion des protocoles techniques (méthodes d’extraction, séquences-cibles, techniques de détection de l’ADN amplifié) et le faible nombre de kits commercialisés. Cependant, il est important de signaler la commercia-lisation récente de kits permettant le diagnostic des septicémies à levures par hybridation in situ (PNA FISH, peptide nucleic acid fluorescent in situ hybridization) [32] ou par PCR en temps-réel sur le système Lightcycler® (Lightcycler® SeptiFast Test, Roche). L’évaluation de ce dernier kit a montré qu’il permettait, en association avec les hémocultures, d’améliorer la documentation micro-biologique des épisodes de neutropénie fébrile chez des patients d’hématologie [33].

4.2. Identification moléculaireMalgré les nombreux travaux réalisés dans ce domaine, les applications de la PCR à l’identification des espèces fongiques à partir d’un produit de culture restent actuel-lement limitées, en raison de la simplicité d’utilisation et de la bonne performance des techniques convention-nelles (milieux chromogéniques, tests d’agglutination et galeries d’identification). Cependant, 48 à 96 heures sont souvent nécessaires avant d’obtenir une identification de l’espèce, tandis que les approches moléculaires per-mettent de diminuer considérablement ce temps. Le coût de ces nouvelles techniques (notamment pour la PCR en temps réel et le séquençage) reste très supérieur à celui des techniques mycologiques classiques, et le recours à la biologie moléculaire ne se justifie en général que dans un contexte de candidose profonde, notamment lorsque le choix de l’antifongique nécessite une identification précise de l’espèce en cause. Les cibles visées correspondent à des séquences haute-ment conservées chez les champignons, entre lesquelles se trouvent des régions variables. Les régions ITS (internal transcribed spacer), situées sur les gènes codant pour l’ARN ribosomal 5,8S, 18S et 28S, sont ainsi les plus utilisées [34]. Le principal avantage de ces cibles est que leur conservation au sein du genre Candida auto-rise en PCR l’utilisation d’un seul couple d’amorces. La région ITS2 semble plus particulièrement intéressante, en raison de son haut degré de polymorphisme. Une des approches moléculaires les plus concluantes concerne la différenciation entre C. albicans et C. dubliniensis. Cette dernière espèce présente en effet les mêmes caracté-ristiques phénotypiques que C. albicans avec la plupart des systèmes d’identification classiques.L’amplification par PCR des régions ITS est le plus souvent suivie d’un séquençage, mais il est également

possible d’avoir recours à l’étude du polymorphisme de longueur des produits d’amplification, à une hybridation avec des sondes fluorescentes spécifiques d’espèces, ou encore à une PCR multiplexe ou à des puces à ADN (DNA Array). Cette dernière technique, beaucoup plus rapide et moins coûteuse que le séquençage, consiste à réaliser l’hybridation des amplicons avec des sondes oligonucléotidiques spécifiques, préalablement fixées sur lame de verre ou membrane. Elle permet ainsi d’iden-tifier, en moins de 24 heures, plus de 50 espèces de levures différentes isolées d’hémocultures. Son appli-cation en routine hospitalière semble possible, mais le problème des espèces rares non détectées par les sondes reste posé. Parmi les dispositifs d’identification par hybridation in situ commercialisés, le kit Yeast Traffic Light PNA FISHTM

(AvanDx, distribué par i2a) repose sur l’hybridation de l’ADN fongique avec des sondes fluorescentes spécifiques des ARNr. Il permet d’identifier, à partir d’une hémoculture positive et en moins de 3 heures, les principales espèces rencontrées au cours des candidémies.Le système de PCR multiplexe sur Lightcycler® Septi-Fast Test (Roche) permet, grâce à une amplification des régions ITS, de réaliser la détection simultanée dans le même échantillon de 25 micro-organismes différents, dont les cinq espèces de Candida les plus fréquentes. L’analyse s’effectue en moins de 6 heures à partir d’un prélèvement sanguin.Le système PLEX-ID® (Abbott) repose quant à lui sur une analyse par spectrométrie de masse ESI-TOF (electrospray/ionisation time-of-flight) des produits d’amplification [35]. Très prometteur, il permet une analyse génotypique des micro-organismes détectés. Pour chaque isolat, la signature moléculaire obtenue (« poids » GATC) est comparée à une large base de données (750 000 entrées). Il permettrait par ailleurs de détecter des associations microbiennes (bactéries, virus et levures).Enfin, d’autres techniques sont également en développe-ment, mais nécessitent un appareillage inhabituel dans un laboratoire de microbiologie, tel qu’un spectromètre infrarouge à transformée de Fourrier [36].

4.3. Méthodes de typage moléculaireLes méthodes de typage moléculaire, qui reposent sur l’analyse de la variabilité du génome, sont d’un apport précieux au cours des enquêtes épidémiologiques, notam-ment en milieu hospitalier. Le réservoir des Candida est le plus souvent endogène, mais dans un contexte d’infection nosocomiale, il peut être utile de déterminer si la souche a été acquise par le patient au cours de son séjour à l’hôpital [37]. Ainsi, le typage des isolats rencontrés dans un contexte supposé d’épidémie peut permettre de démontrer la transmission interhumaine d’une souche (transmission manuportée via le personnel soignant). Dans un contexte de candidose chronique ou récurrente, le typage peut également mettre en évidence le portage chronique d’une même souche (qui possède un profil particulier de virulence ou de résistance aux antifongiques), ou des réinfections successives par des souches différentes.

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Le choix de la méthode utilisée repose sur son pouvoir discriminant, donc sur sa spécificité plutôt que sur sa sensibilité. L’étude du polymorphisme de l’ADN permet en effet une caractérisation infra-spécifique des levures étudiées. Deux approches méthodologiques s’opposent, suivant que l’analyse est basée sur l’étude du polymor-phisme de la taille des chromosomes (PFGE, pulsed field gel electrophoresis) ou de fragments d’ADN (RFLP, restric-tion fragment length polymorphism ; DNA fingerprinting ; RAPD, random amplified polymorphic DNA), ou sur l’ana-lyse de séquences nucléotidiques connues (MLST, multilo-cus sequence typing ; microsatellites). La reproductibilité et le pouvoir discriminant de ces différentes méthodes de typage sont variables et pour certaines, le manque de standardisation a freiné leur développement. Pour le typage des Candida, la MLST et l’analyse de séquences microsatellites sont actuellement les plus utilisées.

4.3.1. Étude du polymorphisme de taille L’électrophorèse en champs pulsés (PFGE) permet

de séparer les chromosomes entiers ou des fragments d’ADN de grande taille, en soumettant successivement les acides nucléiques à plusieurs champs électriques d’orientation différente. Cette technique, qui possède un excellent pouvoir discriminant, reste assez lourde à mettre en œuvre et est réservée au caryotypage des levures. L’étude du polymorphisme des fragments de restriction

(RFLP) est la plus ancienne des méthodes de typage moléculaire. L’ADN nucléaire ou mitochondrial est soumis à une digestion par des enzymes de restriction et les frag-ments obtenus sont ensuite séparés par électrophorèse sur gel d’agarose ou de polyacrylamide [38]. La RFLP est parfois précédée par une étape d’amplification (PCR-RFLP). L’interprétation des profils électrophorétiques tient compte du nombre, de la taille et de l’intensité des bandes visualisées. Cette méthode, reproductible et facilement standardisable, fournit cependant un nombre limité de profils et n’est donc pas très discriminante. C’est pour-quoi plusieurs équipes ont couplé la technique de RFLP à l’hybridation avec une sonde nucléique. Au cours de l’hybridation moléculaire (DNA finger-

printing), les fragments d’ADN obtenus par RFLP sont transférés sur membrane de nitrocellulose ou de nylon (Southern-blot) et mis en contact avec des sondes nucléo-tidiques [39]. L’hybridation avec la sonde Ca3, qui contient des séquences répétées et dispersées dans le génome de C. albicans, s’est ainsi révélée très informative dans l’étude de l’épidémiologie des infections liées à cette espèce. Cette technique, parmi les plus discriminantes, permet une caractérisation précise du génome et peut être utilisée pour démontrer l’origine nosocomiale d’une infection. Les profils d’hybridation sont cependant parfois complexes et difficiles à interpréter. L’amplification aléatoire de fragments d’ADN poly-

morphes (RAPD) est une technique d’amplification qui utilise des amorces non spécifiques choisies au hasard et de courte taille [40]. Elle permet d’établir des cartes géné-tiques (profil multi-locus) et donc de comparer entre eux des organismes proches afin d’évaluer leur degré de paren-té. Cette technique est utilisée pour comparer des souches de Candida isolées de patients avec des souches isolées

de l’environnement, afin de retrouver l’origine de la conta-mination. L’intérêt de la RAPD dans le typage des souches de levures réside dans la simplicité de l’analyse des profils, car la comparaison porte sur un nombre rela-tivement limité de fragments, et dans la rapidité de sa réalisation. En outre, elle ne nécessite pas de connaître la composition nucléotidique des séquences amplifiées. Cependant, le pouvoir discriminant de cette technique dépend de l’amorce choisie, et sa reproductibilité inter-laboratoires est faible.

4.3.2. Analyse du polymorphisme de séquences nucléotidiques La technique du séquençage multiloci (MLST, multilocus

sequence typing) est basée sur l’analyse du polymor-phisme nucléotidique observé après séquençage de 6 ou 7 loci indépendants. Les fragments séquencés (400 à 500 pb) correspondent à des gènes de ménage, régions de grande variabilité encadrées par des séquences conservées et qui présentent des variations intra-spé-cifiques [41]. Cette technique hautement discriminante est par ailleurs très reproductible, la standardisation des données obtenues ayant permis la constitution d’une banque de données publique (http://www.mlst.net). Il est alors possible de retracer la circulation des souches à l’échelon national et international. Les séquences MLST de nombreuses souches de C. albicans, C. glabrata, C. tropicalis et C. krusei sont actuellement disponibles dans cette base de données.

Les régions microsatellites font partie des marqueurs présentant des séquences répétées et un certain degré de polymorphisme au sein de familles multigéniques. Les microsatellites correspondent à des répétitions de courts motifs de 1 à 6 paires de bases et, outre leur fréquence élevée dans le génome, ils sont extrêmement polymorphes, avec un nombre de répétitions à un locus donné variable. Le séquençage de ces régions repré-sente un outil de typage très utile [42]. Comme pour la MLST, cette technique est standardisable pour chaque espèce de Candida. Par ailleurs, son pouvoir discriminant augmente lorsque l’on étudie plusieurs microsatellites. Elle est moins onéreuse et plus rapide que la MLST, mais celle-ci est plus précise et davantage standardisée.

5. Conclusion

Les laboratoires de microbiologie assistent progressive-ment aux modifications importantes de leurs méthodes de travail. Après l’apport des techniques sérologiques dans le diagnostic des infections profondes, la biologie moléculaire s’impose progressivement, que ce soit pour le diagnostic ou le typage des souches. L’arrivée future de la spectrométrie de masse devrait encore bouleverser nos habitudes. Même si les techniques phénotypiques classiques conservent leur intérêt, cette technologie permettra notamment de raccourcir de manière consi-dérable le délai de rendu des résultats au clinicien, dès lors que la levure est isolée.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de

conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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