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Les racines mondiales du particularisme casamançais Author(s): Jean-Claude Marut Source: Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, Vol. 39, No. 2, Contested Casamance / Discordante Casamance (2005), pp. 313-337 Published by: Canadian Association of African Studies Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25067486 Accessed: 28/04/2009 12:39 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of JSTOR's Terms and Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp. JSTOR's Terms and Conditions of Use provides, in part, that unless you have obtained prior permission, you may not download an entire issue of a journal or multiple copies of articles, and you may use content in the JSTOR archive only for your personal, non-commercial use. Please contact the publisher regarding any further use of this work. Publisher contact information may be obtained at http://www.jstor.org/action/showPublisher?publisherCode=caas. Each copy of any part of a JSTOR transmission must contain the same copyright notice that appears on the screen or printed page of such transmission. JSTOR is a not-for-profit organization founded in 1995 to build trusted digital archives for scholarship. We work with the scholarly community to preserve their work and the materials they rely upon, and to build a common research platform that promotes the discovery and use of these resources. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. Canadian Association of African Studies is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines. http://www.jstor.org

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Les racines mondiales du particularisme casamançaisAuthor(s): Jean-Claude MarutSource: Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, Vol.39, No. 2, Contested Casamance / Discordante Casamance (2005), pp. 313-337Published by: Canadian Association of African StudiesStable URL: http://www.jstor.org/stable/25067486Accessed: 28/04/2009 12:39

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Les racines mondiales du particularisme casaman?ais

Jean-Claude Marut

Abstract The end of the Cold War engendered the emergence of new collective iden

tities and the acceleration of globalization. These two events are usually seen as antithetic. But this article demonstrates that this approach does

not hold if one looks at communal mobilizations in general and ethnic

mobilization in particular. The mobilization of Diola-Casaman?ais iden

tity, at least, draws largely upon globalization. Far from being a backward

region, the Casamance region is in fact one of Senegal's most modern

peripheries. The crisis of this modernity has led to the affirmation of a

local identity based on a mythical past. Communal mobilization is both a sign of crisis, as well as its remedy. In the Casamance region, the

construction of identity uses building blocks, even if made for a different purpose, by recasting them in a new mould. The ethnic Diola and regional Casamance identities are contemporary constructs to which many actors

have contributed, including the Catholic Church. These constructs have

become resources, mobihsed by both internal actors (separatists, politi cians, and NGOs) and external actors (World Bank and US AID). Liberal

globalization, therefore, creates the conditions for ethnic mobilization

and provides it with a horizon for future expansion.

Introduction

Les rapports entre les deux ph?nom?nes g?opolitiques majeurs de

l'apr?s-guerre froide, d?veloppement des affirmations identitaires

d'une part, acc?l?ration du processus de mondialisation d'autre

part, sont souvent per?us et analys?s (au moins par les m?dias et les

politiques) en termes d'opposition, les affirmations identitaires

?tant g?n?ralement pr?sent?es comme ce qui r?siste, ? tort ou ?

raison, ? la mondialisation.

Cette approche ne r?siste gu?re ? l'analyse lorsqu'il s'agit d'af

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f?rmations ? vocation universaliste, domaine dans lequel les refe

rents religieux (Islam et Catholicisme) occupent une grande partie de l'espace laiss? vacant par le marxisme. Tout d'abord parce que, dans les discours religieux universalistes, ce qui est en cause c'est

moins la mondialisation en tant que telle que les mod?les domi

nants de la mondialisation. D'autres mod?les leur sont oppos?s, fond?s sur des valeurs morales: Christianisme ou Islam peuvent ainsi sous-tendre des mod?les alternatifs aux mod?les dominants.

Ensuite, cette opposition aux mod?les dominants doit elle-m?me

?tre relativis?e, la r?alit? ?tant souvent fort ?loign?e du discours.

Dans son ouvrage L'islam mondialis? (2002), Olivier Roy a ainsi

mis en lumi?re qu'? l'exception notable d'Al Qaida, dont la lutte a

une dimension mondiale, ? caract?re anti-imp?rialiste, les mouve

ments se r?clamant de l'islam politique s'inscrivent g?n?ralement dans des horizons politiques nationaux, reprenant ainsi un mod?le

occidental. Le m?me Roy montre ?galement ? quel point la

mouvance Al Qaida est sociologiquement enracin?e dans les

soci?t?s lib?rales occidentales qu'elle d?nonce.

L'opposition des mobilisations identitaires ? la mondialisation

semble en revanche plus ?vidente lorsqu'il s'agit de mobilisations

particularistes, notamment lorsqu'elles se r?f?rent ? l'ethnicit?.

Plac?s sous le signe du local, les particularismes ethniques semblent en effet tourner le dos ? la mondialisation, aussi bien par leurs origines ou leurs referents que par leurs acteurs, et semblent

de ce fait inaptes ? offrir des alternatives aux mod?les dominants. Je voudrais montrer ici ? quel point cette repr?sentation est discu

table: non seulement parce que les particularismes se nourrissent

de la mondialisation, mais aussi parce qu'ils y contribuent ? leur

mani?re. Je m'appuie pour cela sur un exemple en apparence aux

antipodes de la mondialisation. Difficile, en effet, d'imaginer a

priori plus ?loign? de la mondialisation que le registre ethno-reli

gieux diola du particularisme casaman?ais, qu'exploitent diff?rents

acteurs, soit pour l'exalter, soit au contraire pour le diaboliser, ?

travers un conflit s?paratiste vieux de plus de vingt ans.

Ce conflit a pour lieu et pour enjeu une r?gion pluri-ethnique (la

Casamance), mais il est tr?s vite apparu qu'aussi bien les acteurs

que le discours du mouvement ind?pendantiste "casaman?ais" renvoient tr?s majoritairement ? la seule basse Casamance, ? son

peuplement diola majoritaire, et aux traditions de cette ethnie

(Darbon 1985). Il existe bien un fort sentiment casaman?ais,

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construit par une commune animosit? ? l'?gard des "Nordistes," mais chacun le d?cline ? sa mani?re, selon qu'il est diola, manding ou peul, pour ne citer que les principaux groupes ethniques de la

r?gion. On peut m?me aller plus loin en faisant remarquer que le

sentiment d'appartenance diola lui-m?me ne se d?cline pas de la

m?me mani?re selon que l'on est musulman, chr?tien ou animiste.

Non exclusif d'un sentiment d'appartenance nationale, un particu larisme peut donc en cacher d'autres. ? commencer par les particu larismes ethniques dont l'image dominante est plut?t n?gative. Encore cette image doit-elle ?tre nuanc?e. ? la diff?rence des

Manding ou des Peul, qui peuvent se pr?valoir d'un pass? presti

gieux, les Diola souffrent d'une image p?jorative ? laquelle ont

contribu? l'Islam et l'?glise catholique, tout autant que la colonisa

tion, qui n'ont vu chez ces peuples "forestiers" et "animistes" que des sauvages ? civiliser.

Ainsi pourrait se comprendre que le particularisme diola, plus

que les autres, soit contraint d'avancer masqu?, au prix d'une

double r?duction: r?duction, d'abord, de la Casamance au seul pays diola de basse Casamance, la r?gion de Ziguinchor;1 r?duction,

ensuite, du pays diola au seul Kasa (d?partement d'Oussouye),

refuge d'une religion traditionnelle consid?r?e par les ethnologues

(Thomas 1959) et les g?ographes (P?lissier 1966) comme une reli

gion du terroir. Aussi bien du dehors que du dedans, le Diola kasa, le Diola "authentique," attach? ? sa terre (les rizi?res, les palme

raies) et ? ses traditions (le "myst?re des bois sacr?s"), appara?t ainsi

comme le prototype du Diola, sinon de l'ensemble des

Casaman?ais, une image d'enracinement local que les s?paratistes brandissent comme un ?tendard de leur l?gitimit?, mais une image

que leurs adversaires agitent, au contraire, comme un ?pouvantail

(le "retour des d?mons ethniques"). Les recherches que j'ai men?es dans la r?gion depuis le d?but

des ann?es quatre-vingt-dix, prolong?es et pr?cis?es par les travaux

d'autres chercheurs (Gasser 2002; Foucher 2002), montrent, au

contraire, un fort enracinement de ce particularisme dans la moder

nit?. Elles font notamment appara?tre que, loin d'?tre isol?e et

archa?que, la basse Casamance est la r?gion du S?n?gal o? les liens

avec l'?tat moderne sont les plus forts: c'est la crise de ces liens,

renvoyant ? la mise en oeuvre de mod?les import?s, qui permet de

comprendre la force d'affirmations identitaires cr?ant de nouveaux

liens ? partir de l'image d'un pass? mythifi?. Loin de chercher ? en

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contester la l?gitimit?, cette analyse du particularisme casaman

?ais sous l'angle de ce qu'il doit ? l'ext?rieur ne vise qu'? mieux en

souligner la signification et les potentialit?s politiques.

Les racines mondiales de la crise

M?me si on peut trouver des racines plus anciennes au particula risme casaman?ais, son ?mergence dans le champ politique ? la fin

des ann?es soixante-dix co?ncide pour l'essentiel avec une crise qui r?sulte elle-m?me de la conjonction de deux ph?nom?nes: une

s?cheresse exceptionnellement longue, qui affecte l'ensemble de

l'agriculture s?n?galaise,- une grave crise financi?re, qui conduit

l'?tat s?n?galais ? accepter les exigences du Fonds mon?taire inter

national sous la forme de plans d'ajustement structurel. Ces plans

prennent les m?mes formes qu'ailleurs, ? savoir la r?duction des

d?penses publiques et la qu?te de devises. Cette crise a des effets

dans tout le S?n?gal. Mais elle touche plus particuli?rement la

basse Casamance. Depuis longtemps, l'exode rural y constitue en

effet une des strat?gies ?conomiques privil?gi?es des jeunes Diola,

principalement dirig? vers les centres urbains du nord du pays. Dakar est ainsi devenu la premi?re agglom?ration diola du S?n?gal.

Beaucoup occupent des emplois non qualifi?s (de nombreuses

jeunes filles sont domestiques). Mais beaucoup occupent aussi des

emplois de cadres subalternes, gr?ce au taux de scolarisation excep tionnellement ?lev? de la basse Casamance, lui-m?me imputable ?

la forte pr?sence de l'?glise catholique. Avec la r?duction des effec

tifs dans le secteur public, ils sont alors nombreux ? se retrouver

d?s uvr?s et sans perspectives, et beaucoup regagnent leur village

d'origine, "p?lerins d??us de l'?tat s?n?galais" (Foucher 2002). Leur

retour co?ncide avec l'aggravation de la situation locale, en raison

de la s?cheresse, qui frappe aussi la "verte Casamance," et du

d?sengagement de l'?tat ? l'?gard du monde agricole et des grands

projets de d?veloppement. Et c'est au moment m?me o? les autoch

tones se trouvent priv?s d'une partie de leurs ressources, ? l'int?

rieur ou ? l'ext?rieur de la Casamance, que des ?trangers ? la r?gion

y arrivent en grand nombre, attir?s par sa r?putation de richesse:

correspondant aux besoins en devises de l'?tat s?n?galais, des

secteurs comme la p?che ou le tourisme y offrent en effet de

grandes potentialit?s de d?veloppement. Au-del? d'une conjoncture climatique qui ne fait qu'aggraver

les choses, le mouvement social et identitaire contestant cette

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?volution trouve ses racines dans l'application de mod?les

exog?nes, auxquels l'?lite politique s?n?galaise (y compris origi naire de Casamance) a, dans son ensemble, choisi de se conformer.

Des mod?les ?conomiques en cause

L'extraversion ?conomique: Se manifestant sous la forme de d?fi

cits budg?taires et de d?ficits de la balance des paiements, la crise

financi?re s?n?galaise r?sulte du maintien, apr?s l'ind?pendance, d'un mod?le d'?conomie extravertie h?rit? de la p?riode coloniale

(Diop et Diouf 1990). C'est l? un choix profond?ment politique, visant ? assurer la p?rennisation du pouvoir des ?lites ayant ?merg? ? la veille de l'ind?pendance. Il s'agit pour elles, ? la fois de

pr?server les liens avec l'ex-m?tropole, de pr?server la paix sociale, en approvisionnant des villes gonfl?es par l'exode rural, et de

conserver le soutien politique des marabouts du bassin arachidier,

principaux collecteurs de voix pour le r?gime en place. Les cultures

vivri?res (comme la riziculture casaman?aise) sont donc sacrifi?es

aux importations ? bas prix (riz am?ricain ou tha?landais, bl? fran

?ais), que contribuent ? payer les exportations d'arachide. C'est

l'application de ce mod?le d'?conomie extravertie, dans le cadre

d'une division mondiale du travail, qui se traduit au niveau de

l'?tat par une d?gradation des termes de l'?change, et un endette

ment qui ne fait qu'accro?tre la d?pendance ? l'?gard de l'Occident.

Loin de r?gler le probl?me, les rem?des adopt?s ne vont que l'ag

graver, appliquant eux aussi des recettes exog?nes.

Les recettes lib?rales du FMI: La logique qui pr?side alors aux plans

d'ajustement structurel propos?s par le FMI est une logique finan

ci?re visant ? restaurer les grands ?quilibres macro-?conomiques sans tenir compte des impacts sociaux ou environnementaux:

restauration de l'?quilibre budg?taire par la r?duction des

d?penses publiques (suppressions d'emplois et arr?t des

subventions aux agriculteurs) et l'augmentation des recettes

par des privatisations. Il en r?sulte un accroissement du

ch?mage et, d'une mani?re plus g?n?rale, une baisse des

revenus des couches populaires.

?quilibre de la balance des paiements, qui b?n?ficie du tasse

ment de la consommation, et qui implique un d?veloppement des recettes d'exportation et du tourisme (que favorise la s?v?re

d?valuation de 1994, impos?e par la France).

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La basse Casamance a des potentialit?s qui r?pondent aux

exigences des bailleurs de fonds: gr?ce ? une fa?ade maritime

d?multipli?e par l'estuaire du fleuve Casamance et ses nombreuses

ramifications, le d?veloppement de la p?che et du tourisme peut ?

la fois renflouer le budget de l'?tat et faire rentrer des devises.

Reprise et propag?e par des documents officiels (Marut 1999, 292),

l'image d'une r?gion riche mais sous-exploit?e parce que sous

peupl?e, la d?signe comme un lieu privil?gi? d'extraction de la

rente commerciale et touristique: Faite sans m?nagement, cette

extraction va ressembler, ? beaucoup d'?gards, ? une mise en valeur

coloniale.

Une mise en valeur de type colonial: Ce qui est pr?sent? comme

une mise en valeur de la Casamance permet ? l'?tat de faire d'une

pierre deux coups. D'une part, elle offre un exutoire aussi bien aux

jeunes ruraux chass?s du nord du pays par la s?cheresse qu'aux

jeunes urbains d?soeuvr?s. D'autre part, elle permet ? l'?tat d'ac

cro?tre ses pr?l?vements financiers. La r?gion devient alors une

sorte de "nouvelle fronti?re" du S?n?gal, attirant hommes et capi taux. Les for?ts sont d?frich?es, de nouvelles fili?res ?conomiques se d?veloppent. La p?che industrielle, les usines de cong?lation et

le tourisme sont pour l'essentiel contr?l?s par des investisseurs

occidentaux, parfois associ?s ? des op?rateurs s?n?galais. La p?che

artisanale, l'exploitation foresti?re et le commerce sont aux mains

d'une multitude de petits op?rateurs, pour la plupart venus du nord

ou des pays voisins. Ces secteurs sont eux-m?mes li?s aux r?seaux

de commer?ants mourides, qui op?rent ? l'?chelle internationale, en Afrique de l'Ouest, mais aussi en Europe ou aux ?tats-Unis. Ces

nouvelles activit?s ont des retomb?es positives pour une partie des

populations locales, en termes de cr?ations d'emplois (dans l'h?tel

lerie et dans la transformation du poisson), de d?bouch?s commer

ciaux (pour les productions agricoles), ou de nouveaux services

(location de logements par exemple). Mais l'acc?s des autochtones

aux nouvelles activit?s reste, dans l'ensemble, limit?, parce que, d'une part la plupart des op?rateurs font venir personnels et

produits de Dakar, mais aussi parce que les aspirants op?rateurs locaux manquent g?n?ralement de savoir-faire et de capitaux. L'?tat favorise, certes, la cr?ation de groupements d'int?r?ts ?cono

miques. Et l'aide occidentale finance de nombreux projets, que ce

soit par le canal d'organisations non gouvernementales et de coll?e

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tivit?s territoriales (principalement dans la p?che et le mara?chage), ou par le canal de l'aide publique bilat?rale (l'exp?rience de

"tourisme rural int?gr?," par exemple, initi?e par le minist?re fran

?ais de la Coop?ration, et pr?sent?e comme une forme endog?ne de

d?veloppement). ? c?t? des grands projets de d?veloppement agri cole financ?s par les institutions internationales ou par des gouver nements ?trangers, de nombreux micro-projets voient ainsi le jour.

Mais ils restent pour la plupart marginaux, sont souvent sans

lendemain, et le sentiment d'exclusion pr?vaut ? l'?gard d'un type de mise en valeur qui rappelle ? beaucoup la p?riode coloniale.

Cela, parce que la majorit? des nouvelles activit?s est aux mains

d'?trangers ? la r?gion, parce que ces "?trangers" ont des comp? tences et des moyens dont ne disposent g?n?ralement pas les

autochtones, et parce qu'ils b?n?ficient de complaisances de la part d'une administration elle-m?me largement aux mains des

Nordistes, sous forme d'emplois, de permis d'exploitation d'es

paces forestiers ou aquatiques, ou de titres de propri?t? de terrains

non enregistr?s. C'est ainsi que les am?nagements touristiques de

la zone littorale du cap Skirring privent les villageois d'une partie de leur espace ?conomique, sans compensations (ne serait-ce qu'en termes d'emplois), et qu'? Ziguinchor l'expansion urbaine rejette de nombreux autochtones vers la p?riph?rie de l'agglom?ration

(Hesseling 1986). C'est parmi ces d?guerpis que se d?veloppe un

mouvement de contestation dont les meneurs (parmi lesquels on

trouve de nombreux enseignants) se radicalisent rapidement.

Des mod?les politiques en cause

La crise fait appara?tre les limites de deux mod?les institutionnels

et id?ologiques des ?lites au pouvoir (Marut 2002): la d?mocratie

repr?sentative et l'?tat-nation, qui sont tous deux des mod?les

import?s (Badie 1992).

La d?mocratie repr?sentative: Calqu?es sur le mod?le fran?ais, les

institutions s?n?galaises sont ind?niablement d?mocratiques.

Mais, dans la pratique, le mode de gestion client?laire des rapports avec ceux qu'ils sont cens?s repr?senter ne permet gu?re aux ?lus

de jouer leur r?le de relais (Darbon 1988). Exprim?e en termes de

rapports personnels, la demande sociale est largement ignor?e. Et

ces ?lus vont ?tre surpris et d?pass?s par les ?v?nements, ne

comprenant pas le recours ? d'autres formes d'expression, laissant

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? d'autres acteurs, plus en phase avec le mouvement social, la possi bilit? d'occuper le terrain. C'est donc sans doute moins le mod?le

que son interpr?tation-adaptation qui est en cause. On peut en voir

la preuve dans l'ambivalence d'une contestation qui pourra jouer aussi bien la carte de l'opposition l?gale que la carte s?paratiste. Il

n'emp?che que ce mod?le montre ainsi ses propres limites (Diouf

1994). Le d?ficit de repr?sentation des populations explique que le

politique prendra d'autres formes, ? commencer par les affirma

tions identitaires: au m?me titre que la violence, la repr?sentation d'une identit? casaman?aise est, ? ce titre, directement li?e ? une

sous-repr?sentation politique.

L'?tat-nation: L'ouverture de l'espace casaman?ais aux Nordistes

s'appuie sur le postulat, h?rit? de l'ancienne puissance coloniale, de

l'existence d'une nation s?n?galaise une et indivisible, ? l'int?rieur

du territoire d'un ?tat qui en est l'incarnation. Il en d?coule que toute parcelle du territoire de l'?tat fait partie du territoire de la

nation, n'importe quel S?n?galais pouvant s'installer en n'importe

quel point de ce territoire. De ce point de vue, on ne saurait donc

parler d'une quelconque colonisation. Il n'en reste pas moins que

l'espace casaman?ais n'est pas un espace vierge. M?me s'il n'en

existe pas de trace ?crite, il s'agit d'un espace socialis?. Et, plus

particuli?rement en pays diola, son utilisation est pr?cis?ment codifi?e par le droit coutumier qui continue ? r?gir les rapports sociaux. Une r?alit? qu'ignore le droit occidental, sollicit? pour attribuer des terres non enregistr?es, avec un principe per?u ailleurs comme conforme ? la justice ("la terre ? ceux qui la

travaillent"). Mais le sentiment d'appartenance nationale est ?galement mis

? mal par le regard port? sur les Casaman?ais par leurs compatriotes

nordistes, pour qui mod?le islamo-wolof et mod?le s?n?galais ne

font qu'un (Diouf 2001), regard souvent condescendant, parfois teint? de m?pris, dont t?moignent certains qualificatifs pour les

d?signer (du genre: "les chiens de Casamance"). Confort? par la

colonisation, ce regard s'enracine dans un pass? pr?colonial o? les

peuples forestiers et animistes ?taient consid?r?s comme des

sauvages, par opposition aux peuples islamis?s. Au lendemain

d'une ind?pendance qui voit le plus souvent des Nordistes

remplacer les Fran?ais aux postes-cl?s de la r?gion, ce regard ne fait

que conforter le sentiment d'une s?gr?gation de la part des

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Marut: Les racines mondiales du particularisme casaman?ais 321

"S?n?galais." Selon une expression qui va vite devenir populaire,

beaucoup de Casaman?ais se demandent alors s'ils sont des

"S?n?galais ? part enti?re" ou des "S?n?galais enti?rement ? part." Ces attitudes sont pour beaucoup dans la mont?e d'un fort senti

ment d'appartenance identitaire, parfois teint? de x?nophobie, qui a tendance ? inverser les valeurs: "le S?n?galais" est affubl? de

toutes les tares (arrogant, menteur, et voleur), tandis que "le

Casaman?ais" (sous-entendu: "le Diola"), est id?alis? (travailleur,

honn?te, et accueillant). Parall?lement, se d?veloppent des formes

de r?sistance spontan?e. Faute d'?tre entendus par les autorit?s, les

int?ress?s passent ? l'action, se faisant justice eux-m?mes: des

notables religieux nordistes, ou leurs clients, sont expuls?s des

terres qui leur avaient ?t? attribu?es, des h?tels sont incendi?s, des

chalutiers arraisonn?s.

La crise de l?gitimit? de l'?tat que r?v?le ce mouvement social

et identitaire met en cause au premier chef le Parti socialiste (PS) au

pouvoir. C'est pourquoi la crise profite en premier lieu ? l'opposi tion l?gale, le Parti d?mocratique s?n?galais (PDS), d'Abdoulaye

Wade, qui remporte en Casamance ses premiers succ?s ?lectoraux

? la fin des ann?es soixante-dix. Et ce n'est pas un hasard si la carte

de la r?bellion co?ncide en partie avec la carte de l'implantation du

PDS. Quand ils ne sont pas eux-m?mes membres du PDS, les

animateurs de la contestation, parmi lesquels figurent nombre de

futurs dirigeants du Mouvement des forces d?mocratiques de la

Casamance (MFDC), font campagne pour un parti qui combat

vigoureusement le pouvoir en place. Le PDS sert ainsi de vivier au

nationalisme casaman?ais naissant, avant de servir, consciemment

ou non, de couverture l?gale au mouvement ind?pendantiste. Ceci

permet de comprendre les liens privil?gi?s parfois nou?s entre mili

tants des deux formations, mais aussi les d?ceptions cons?cutives ?

l'arriv?e de Wade au pouvoir en 2000. Mais la crise casaman?aise ne

fait pas que profiter aux adversaires du PS: elle ?branle directement

la formation au pouvoir. Ayant principalement pour enjeux des

positionnements ?lectoraux, les violentes rivalit?s qui s'y d?velop

pent y ont certes des enjeux plus personnels qu'id?ologiques. Elles

n'en alimentent pas moins le PDS en militants d??us. ? moins

qu'elles n'alimentent ? tout autant qu'elles s'en nourrissent ? le

registre identitaire: le PS local va ainsi se diviser en deux grands

clans, l'un qui cultive le particularisme casaman?ais (diola), tandis

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que l'autre le vilipende. Par la v?h?mence anti-nordiste de leur

discours, certains militants casaman?ais du Ps apportent ainsi

involontairement une l?gitimit? au discours s?paratiste qu'ils combattent. Une m?me crise accouche donc localement de deux

types de strat?gies, apparemment oppos?es: strat?gies d'acc?s au

pouvoir, elles-m?mes fortement diff?renci?es (alternative majorit?

/ opposition), ou strat?gie de s?paration. En fait, dans la mesure

m?me o? elles se cristallisent sur l'identit?, il y a continuit?, voire

simultan?it? entre les deux types de strat?gies, qui peuvent se

succ?der, voire coexister chez un m?me individu. Qu'elle rel?ve de

l'h?sitation ou du calcul, cette ambivalence ?te donc toute consis

tance ? l'id?e largement r?pandue d'une r?bellion archa?que: la

r?bellion casaman?aise s'inscrit totalement dans des rivalit?s de

pouvoir contemporaines, ? l'?gard desquelles l'ind?pendance appa ra?t comme une option possible parmi d'autres.

Les referents mondialis?s du particularisme Avec la p?joration de l'ethnicit?, on a vu que la l?gitimit? d'un

registre particulariste pouvait ?tre confort?e par le regard port? sur

lui de l'ext?rieur. Mais le plus int?ressant, pour ce qui nous

concerne ici, est de constater que, contrairement ? une lecture

culturaliste (positive ou n?gative), les affirmations identitaires, en

Casamance comme ailleurs (Amselle 1990; Coulon 1994), r?inter

pr?tent des mat?riaux anciens ? la lumi?re du pr?sent, et mobili

sent des mat?riaux qui, au moins pour une part, sont r?cents et

exog?nes. ? commencer par un r?f?rent r?gional qui n'existait pas avant la colonisation fran?aise.

LA CONSTRUCTION DU R?F?RENT CASAMAN?AIS

Tout comme pour le S?n?gal, le terme Casamance a ?t? retenu pour

d?signer le regroupement, autour du fleuve ?ponyme, de territoires

socialement et naturellement h?t?rog?nes, finalement int?gr?s ? la

colonie du S?n?gal (Roche 1976). R?unissant des groupes humains

diff?rents, les coupant de leurs fr?res pass?s sous domination

britannique ou portugaise, isolant largement la r?gion du reste du

pays (par ce qui est devenu la "coupure gambienne"), les fronti?res

coloniales contribuent ? la perception d'un espace commun, constitutif d'un sentiment casaman?ais. Une administration

commune, mais aussi l'organisation des ?changes avec la m?tro

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pole par le port de Ziguinchor, n'ont pu que renforcer ce sentiment.

Au point que, dans l'entre-deux guerres, les milieux d'affaires euro

p?ens de Ziguinchor se montrent favorables ? une colonie distincte

du S?n?gal (ce qui, soit dit en passant, confirme indirectement que la Casamance en faisait bien partie). C'est par contre en jouant la

carte d'une promotion des int?r?ts r?gionaux au sein du S?n?gal et

de l'Afrique Occidentale fran?aise (AOF) que des ?lites locales

cr?ent, en 1947, la premi?re formation politique casaman?aise, le

Mouvement des forces d?mocratiques de la Casamance (MFDC), dont l'actuel mouvement s?paratiste a r?cup?r? le nom.2 M?me si,

pour eux, l'affichage casaman?ais est un moyen d'int?gration (et non de r?sistance ou d'opposition, comme c'est le cas une trentaine

d'ann?e apr?s), le premier MFDC, comme un peu plus tard le

Mouvement autonome casaman?ais (Mac) d'Assane Seek, contri

buent ? structurer la repr?sentation d'une identit? casaman?aise

quelques ann?es avant l'ind?pendance du S?n?gal. On comprend

que les fondateurs du mouvement ind?pendantiste aient voulu

r?cup?rer l'un ou l'autre de ces deux sigles, sources, ? leurs yeux, de

l?gitimit? "nationale," le transplantant dans un contexte radicale

ment diff?rent: celui de la crise des ann?es soixante-dix, o? l'affir

mation d'une identit? casaman?aise devient un ph?nom?ne de

masse et le langage d'une contestation. Sur ce plan-l?, la continuit?

entre les deux "MFDC" est t?nue, relevant plus du symbolique que de la signification politique.

La construction du r?f?rent diola

On a vu que le r?f?rent ethnique diola est souvent utilis? en lieu et

place du r?f?rent casaman?ais: que ce soit de mani?re explicite ou

de mani?re implicite, la partie est souvent prise pour le tout. Une

telle sur-repr?sentation a son origine dans l'image d'une diff?rence

maximale, non seulement avec le reste du S?n?gal, mais aussi avec

le reste de la Casamance, et explique sans doute que le pays diola,

per?u comme plus exotique, ait ?t? beaucoup plus ?tudi? que d'autres.3 Premier fondement de cette diff?rence, l'image d'une

"riche" ou d'une "verte Casamance" a ?t? instrumentalis?e, par les

administrateurs coloniaux, tout d'abord, dont les propos, repro duits par Christian Roche, ont aliment? le discours de l'abb?

Diamacoune, chef charismatique de la r?bellion, puis par les ?lites

casaman?aises, qui ont jou? la carte r?gionaliste au milieu des

ann?es cinquante en fondant le premier Mouvement des forces

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d?mocratiques de la Casamance. Les uns comme les autres cher

chaient ? se faire reconna?tre ? travers les potentialit?s de leur

r?gion, comme le feront les cadres casaman?ais dans les ann?es

quatre-vingt, apr?s l'?clatement de la crise (D?l?gation des cadres

casaman?ais 1984). La sur-repr?sentation du pays diola peut ?galement ?tre mise

en rapport avec la promotion de Ziguinchor au rang de capitale administrative et ?conomique de la r?gion, d?s l'?poque coloniale, avec l'?tablissement de liens directs avec la m?tropole (Trincaz

1984). Cette sur-repr?sentation tient aussi ? une plus grande mobi

lit? des jeunes Diola, qui les rend plus visibles que les autres

Casaman?ais au S?n?gal, que ce soit dans des emplois peu qualifi?s

(domestiques, r?colteurs de vin de palme, et militaires) ou dans les

emplois plus qualifi?s (cadres subalternes) que leur permet un

niveau de scolarisation primaire plus ?lev? que dans le reste du

pays.4 Cet exceptionnel niveau de scolarisation est ? mettre en

rapport avec une forte implantation de l'?glise catholique, qui a vu

dans cet ultime bastion animiste un vivier pour l'?vang?lisation.

Apr?s avoir en vain tent? de gommer les traditions africaines,

l'?glise catholique a tent?, surtout ? partir du concile Vatican II, de

les mettre au service de sa strat?gie de p?n?tration, au point qu'elle

peut ?tre consid?r?e comme un important contributeur ? la

construction du particularisme diola. La tentative de gommage relevait d'une vision europ?ocentrique, faisant du mod?le occi

dental un mod?le universel. Tout en combattant la lile R?publique

anti-cl?ricale, l'?glise a accompagn? une colonisation qui lui

permettait d'?tendre sa propre influence, contribuant ainsi ? la

propagation de mod?les occidentaux consid?r?s comme sup?rieurs. Cette strat?gie fut largement un ?chec. Dans le contexte de la

guerre froide et de la d?colonisation, cet ?chec a conduit l'?glise ?

changer de strat?gie, r?habilitant des traditions qu'elle avait

combattues. Connue sous le nom de th?ologie de l'inculturation, cette nouvelle approche garde pourtant le m?me objectif: favoriser

l'?vang?lisation, sur un continent o? les religions traditionnelles

ont un poids sans ?quivalent ailleurs, et o? l'?glise se heurte ? une

forte concurrence, notamment de l'Islam. Les religions tradition

nelles sont donc moins red?couvertes pour elles-m?mes que comme moyen d'enraciner le Catholicisme. D'o? la recherche

d'?quivalences et de convergences, et tout un travail d'interpr?ta

tion, dans lesquels un anthropologue et th?ologien casaman?ais, le

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p?re Diatta, s'est particuli?rement illustr? (Diatta 1982, 1998). Facilit? par le recrutement d'un clerg? autochtone, ce travail de

r?habilitation d'une tradition jusque ? l? consid?r?e comme

archa?que a d'autant plus contribu? ? construire le particularisme diola qu'? travers son r?le ?ducatif, l'?glise exerce une influence

id?ologique consid?rable en basse Casamance. Une bonne partie des ?lites locales a en effet ?t? form?e dans des ?tablissements d'en

seignement catholique (? Ziguinchor, d'abord, puis ? Dakar). Et ce

n'est pas un hasard si les leaders politiques locaux qui s'appuient le

plus sur la tradition sont catholiques (parmi eux, on peut citer

Robert Sagna, maire de Ziguinchor et ancien ministre, Pascal

Manga, ancien pr?sident du Conseil r?gional, ou encore Christian

Sina Diatta, actuel ministre de la recherche et auteur d'un ouvrage de vulgarisation sur la culture diola (Diatta 1998). Bien qu'ayant lui-m?me enseign? dans ce cadre, le chef spirituel de la r?bellion, l'abb? Diamacoune, ne se r?f?re pas explicitement ? cette r?flexion

th?ologique. Non seulement parce qu'il appartient ? la g?n?ration

pr?c?dente, mais sans doute aussi parce que ce n'est pas un th?ori

cien (pas plus d'ailleurs en mati?re de th?ologie qu'en mati?re de

politique). On peut n?anmoins penser qu'il y puise une l?gitimit?

pour son discours sur la tradition. Ce positionnement en faveur des

particularismes n'est cependant pas sans risques pour les catho

liques africains. Subissant l'attraction d'une religion qu'ils d?cou

vrent souvent, et qui leur para?t plus "authentique," nombre de

jeunes risquent en effet d'aller jusqu'au bout, et de s'?loigner ainsi

de l'?glise.5 L'autre risque est celui de l'aiguisement des rivalit?s

ethniques. Ce n'est sans doute pas un hasard si; en 2003, dans ce qui

appara?t comme une correction de trajectoire, le Vatican appelle les

?v?ques africains ? consolider l'?glise dans "la fraternit? au-del? du

sang, de l'ethnie, de la race et de tout particularisme."6 Il reste que, largement construite de l'ext?rieur, l'image domi

nante du Diola oscille g?n?ralement entre diabolisation (un pa?en) et ang?lisme (le "bon sauvage"). C'est l'image ambivalente d'un

rude travailleur, pratiquant une riziculture savante, et d'un homme

de la for?t, un animiste que la consommation inv?t?r?e de vin de

palme et la fr?quentation de bois sacr?s rend inqui?tant. C'est

l'image d'une soci?t? fig?e dans des traditions immuables,7 et

repli?e sur elle-m?me, r?sistant aux assauts de la modernit?. Cette

image st?r?otyp?e du "Diola authentique" est largement issue de

l'ethnologie coloniale ou post-coloniale (Thomas 1959; Girard

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1969), ? laquelle se r?f?rent volontiers les actuels d?fenseurs de la

tradition. Elle oublie que l'appellation m?me de Diola est une

appellation ?trang?re, d'origine manding, reprise par le colon ? des

fins classificatoires pour d?signer des populations ayant des modes

de vie et des langues voisines. Mais on ne trouve nulle trace histo

rique d'une quelconque entit? diola (Niane 1989): jusqu'? une date

r?cente, la cellule de base de la soci?t? ?tait le village, voire le quar

tier, et ces entit?s ?taient fr?quemment en conflit. Ce n'est qu'ex

ceptionnellement que des regroupements ?ph?m?res pouvaient avoir lieu, pour des raisons purement d?fensives. Cette image occulte ?galement le fait que la r?gion a ?t? depuis longtemps ins?r?e dans des flux r?gionaux, voire internationaux, structur?s

jusqu'? la fin du 19e si?cle par la traite esclavagiste europ?enne ou

africaine, avant de l'?tre par la colonisation (Roche 1985; Wondji

1985; P?lissier 1989). Elle occulte la christianisation, mais aussi

l'islamisation (Marut 2003a), qui ont contribu? au recul de la reli

gion traditionnelle. Elle occulte enfin l'ampleur exceptionnelle du

ph?nom?ne migratoire, qui affecte en profondeur la soci?t? ? partir des ann?es trente (Foucher 2002). Ce qui fait que l'image d'une

soci?t? paysanne et animiste est de plus en plus ?trang?re ? la

r?alit?: aujourd'hui, les trois-quarts des Diola sont islamis?s, et une

majorit? vit en ville, ? Ziguinchor, ? Banjul ou ? Dakar, o? ils sont

salari?s (quand ils ont la chance d'avoir un emploi). Dernier bastion animiste, le d?partement d'Oussouye fait

figure de conservatoire de la tradition. Et ce n'est pas un hasard si

cette tradition y est aujourd'hui mobilis?e (dans le m?me temps o?

l'islam conna?t un nouvel ?lan en Casamance). Tout comme pour la

mobilisation du particularisme casaman?ais, on peut voir dans

cette r?activation ethnico-religieuse ? la fois une qu?te de sens et

un langage politique, avant d'y voir une ressource de pouvoir, dans

un contexte de pourrissement de la lutte arm?e, et alors que pas

plus le gouvernement que la r?bellion n'offrent de perspective poli

tique cr?dible. Tout comme le particularisme casaman?ais avait

r?habilit? l'image du Diola au d?triment de celle du "S?n?galais" dans les ann?es soixante-dix et quatre-vingt, les particularismes

ethniques et religieux ne craignent plus de s'assumer comme tels

(Marut 2003b). Ce glissement r?habilite l'image de la religion tradi

tionnelle comme signe d'authenticit?, au d?triment des religions

import?es. Il ne suffit plus de se dire Diola: le "vrai" Diola est le

Diola animiste et fier de l'?tre.

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Mais ce glissement est facilit?, voire encourag?, par des acteurs

ext?rieurs. Apr?s l'?chec des grands projets de d?veloppement des

d?cennies pr?c?dentes, les institutions internationales comme la

Banque Mondiale, des gouvernements comme le gouvernement

am?ricain, ? travers son agence de d?veloppement, l'USAID, ou

certaines ONG ?trang?res ou s?n?galaises, voient d?sormais dans

la mobilisation des acteurs ? la base, ? travers leurs traditions, un

nouveau levier non seulement pour le d?veloppement, mais aussi

pour le r?glement des conflits, qui prosp?reraient sur la pauvret?. Ce nouveau discours d?couvrant le local et les faits culturels prend une r?sonance particuli?re depuis que l'Afrique est devenue un

enjeu s?curitaire ? l'?chelle internationale. Dans un continent o?

s'?tendent les "zones grises" ?chappant au contr?le des ?tats

(R?my 2004), il est significatif que le S?n?gal soit ainsi pr?sent? par l'USAID, comme "une nation musulmane d?mocratique et

mod?r?e, engag?e dans la lutte contre le terrorisme," dont l'int?r?t,

pour les Etats-Unis, est de renforcer la stabilit? ("USAID's Strategy in Senegal"). Dans le conflit casaman?ais, l'USAID appuie ainsi les

initiatives ? la base (grassroots initiatives), telles que dialogues,

c?r?monies, et d?monstrations, men?es par des ONG locales ou

?trang?res (USAID 2003). Ces initiatives reposent sur le concept de

"peacebuilding," qui fait appel ? la mobilisation des acteurs locaux, notamment ? travers le r?le des leaders d'opinion, aussi bien ?lus

que pouvoirs traditionnels.

Parmi ces ONG, World Education, une ONG am?ricaine, dont

le si?ge est ? Boston,8 joue un r?le discret mais efficace dans l'acti

vation de la tradition dans le Kasa. Relay? par un correspondant local ? Oussouye, le bureau r?gional de World Education ?

Ziguinchor ne se contente pas de soutenir la royaut? sacr?e (finan

?ant notamment la f?te annuelle du roi, le Humobel). Mettant en

oeuvre le mod?le import? pour lequel il a ?t? form?, son directeur

(s?n?galais) a organis?, ? la fin de l'ann?e 2003 ? Oussouye, une

entrevue entre le roi Sibilumbaye et l'abb? Diamacoune ? l'issue de

laquelle l'abb? a d?clar? acc?der aux demandes du roi en faveur de

la paix. Largement m?diatis?e, cette rencontre s'inscrivait dans la

pr?paration des assises du MFDC, en novembre de la m?me ann?e

? Ziguinchor, dont World Education a assur? l'organisation mat?

rielle, p?dagogique et m?thodologique.9 Cette initiative n'est pas neutre politiquement: ne r?unissant qu'une faction de la r?bellion, celle qui a renonc? ? la lutte arm?e et, plus ou moins ? l'id?e d'in

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d?pendance, les assises ont re?u l'appui des autorit?s s?n?galaises,

qui les ont (un peu rapidement) pr?sent?es comme une ?tape d?ci

sive pour la paix (Foucher et Marut 2004). Ici appara?t clairement

toute l'ambivalence de la r?activation de la tradition: si elle r?pond ? une demande sociale r?elle, si elle a un sens tr?s fort (Marut

2003b), il appara?t que la tradition peut aussi ?tre l'objet d'instru

mentalisations dans des enjeux ? la fois nationaux et internatio

naux qui la renforcent, au risque de la d?voyer. Le risque de

r?cup?ration est d'autant plus grand, dans le cas pr?sent, que les

tenants du pouvoir religieux traditionnel semblent aussi d?munis

mat?riellement (manque de ressources refl?tant la pauvret?

ambiante), que politiquement (leur connaissance de la situation ne

s'?tend gu?re au-del? des limites du territoire de la royaut?).

Une ressource politique

Pour le mouvement s?paratiste

Bien que non-th?oricien, l'abb? Augustin Diamacoune Senghor est

le principal producteur du discours s?paratiste, et a donc, ? ce titre, contribu? au renforcement du particularisme casaman?ais

(Diamacoune 1980). Le caract?re ethnocentrique d'un discours se

r?f?rant constamment ? la tradition diola a ?t? depuis longtemps

soulign? (Darbon 1984; Faye 1994). Mais ce qui l'a moins ?t?, c'est

? quel point ce discours est nourri par des mat?riaux, et structur?

par des id?ologies et des mod?les import?s, qui n'ont manifeste

ment rien ? voir avec ? la tradition.

C'est ainsi que l'histoire de la Casamance de l'abb?

Diamacoune se pr?sente comme une chronologie minutieuse, ?maill?e d'innombrables souvenirs personnels ou collectifs, et de

remarques subjectives, qui lui donnent une forte note d'authenti

cit?.10 En fait, elle emprunte largement ses mat?riaux ? des ?crits

europ?ens, ? commencer par l'Histoire de la Casamance de

Christian Roche, dont la premi?re ?dition est parue ? Dakar en

1976. L'appellation m?me de "Pays des Rivi?res," o? l'Abb?

pr?tend voir la traduction du toponyme "Casamance," vient en

r?alit? tout droit des r?cits des premiers explorateurs europ?ens de

la c?te ouest africaine, Normands et Bretons habitu?s ? d?signer les

fleuves c?tiers sous le nom de "rivi?res." Et le terme "Kasa," utilis?

pour d?signer le berceau de la tradition diola cher ? Diamacoune,

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est tout autant import?, ayant pour origine un ancien royaume situ? en dehors du pays diola (Boul?gue 1980). Quant ? la revendi

cation s?paratiste d'une "grande Casamance" englobant la r?gion de Tambacounda, elle porte plus la marque d'un d?coupage eccl?

siastique, effectu? par Rome, que d'une quelconque histoire locale.

Elle correspond en effet aux limites du premier ?v?ch? cr?? au

S?n?gal en dehors de Dakar, au sein duquel le jeune abb? a exerc?

ses premi?res fonctions (Marut 1999, 245-48). Utilis?e aujourd'hui

par le MFDC, l'expression "Casamance de l'Atlantique ? la

Fal?m?" appara?t d'ailleurs dans un document eccl?siastique poly

copi? d?crivant le dioc?se, probablement r?dig? par l'abb?

Diamacoune lui-m?me, bien avant la naissance du mouvement

s?paratiste. Nourri par la lecture d'ouvrages ethnologiques occi

dentaux d?finissant l'arch?type diola (Thomas 1959; Girard 1969), le discours culturaliste de l'Abb? s'inscrit de facto dans la ligne de

la th?ologie de l'inculturation ?voqu?e plus haut. Et son discours

social porte autant la marque de l'id?ologie cl?ricale ultra-conser

vatrice (l'attachement ? la terre et ? la famille) dans laquelle a

baign? le jeune Diamacoune,11 que d'un populisme tr?s contempo rain (le peuple trahi par les ?lites charg?es de le repr?senter), dont

on serait bien en peine de trouver des origines dans la tradition. Le

discours national-populiste du MFDC s'inscrit de ce fait dans des

tendances observables aujourd'hui dans le monde entier (Wievorka

1993). Lorsque l'Abb? cherche ? justifier ? tout prix la revendication

ind?pendantiste par des arguments juridiques, il ne se situe pas

davantage sur le terrain de la tradition. Pour fonder le droit ? l'ind?

pendance, c'est au droit colonial qu'il se r?f?re, estimant avoir iden

tifi? un statut de la Casamance distinct de celui du S?n?gal (avec le

S?n?gal, mais pas dans le S?n?gal).12 Ne craignant pas la contradic

tion, l'abb? reconna?t ainsi une l?gitimit? ? une colonisation qu'il d?nonce par ailleurs. L'enjeu para?t clair: en faisant co?ncider les

limites de sa "Casamance ancestrale" avec les limites d'une

Casamance coloniale "distincte du S?n?gal," il transforme ce qui n'?tait qu'une limite administrative en fronti?re. Il pense ainsi

donner une l?gitimit? ? la revendication ind?pendantiste, la charte

de l'Organisation de l'Unit? africaine (OUA) ayant d?cr?t? intan

gibles les fronti?res h?rit?es de la colonisation. Largement

r?pandue, cette id?ologie juridique est cependant ? double tran

chant: l'impuissance de Diamacoune ? produire le moindre docu

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ment ? l'appui de sa th?se, au lendemain d'une expertise qu'il avait

lui-m?me demand?e ? la France (S?n?gal 1994), a en effet profond? ment affect? sa cr?dibilit?. Ce qui ne l'emp?che pas de situer sa

parade sur le m?me terrain lorsqu'il ?voque un complot franco

s?n?galais pour faire dispara?tre les preuves, ou lorsqu'il retourne

l'argument en d?non?ant l'absence de document prouvant le ratta

chement de la Casamance au S?n?gal (Diamacoune 1995). Le d?sengagement sovi?tique et la fin de la guerre froide ont

sans doute ?vit? ? la r?bellion casaman?aise de s'inscrire dans un

affrontement plan?taire o? elle aurait ?t? ?paul?e par une Guin?e

Bissau aid?e par l'Est, face ? un S?n?gal aid? par l'Ouest. La mondia

lisation ne lui fournit pas moins une partie de ses referents

politiques et id?ologiques. En se pr?sentant comme un mouvement

de lib?ration nationale (ce qu'il est sans aucun doute), le MFDC se

r?f?re ? des concepts, ? des exemples, et ? un droit international

totalement ?trangers ? la tradition ? laquelle se r?f?re si volontiers

l'abb?. Nulle trace, en effet, de nation casaman?aise, ni m?me de

nation diola, dans une histoire r?gionale marqu?e par d'innom

brables conflits internes, en grande partie structur?e par la traite

esclavagiste (exog?ne, mais aussi endog?ne), et o? la notion de droit

des peuples n'avait aucun sens. Quant aux "trois si?cles-et-demi de

r?sistance casaman?aise ? la colonisation" ?voqu?s par l'Abb?, ils

portent la marque du mythe d'un empire portugais en Afrique,

auquel le jeune Diamacoune a pu ?tre sensible dans sa jeunesse. Un

mythe qui confond all?grement l'existence de comptoirs avec une

conqu?te coloniale qui n'a commenc? qu'? la fin du 19e si?cle.

Mais la mondialisation fournit aussi des ressources mat?rielles

? la r?bellion. B?n?ficiant ? la fois de larges interfaces terrestres

(multiples fronti?res) et maritimes (fa?ade oc?anique et estua

rienne) des trafiquants de drogues, d'armes, voire de pierres

pr?cieuses, trouvent dans la situation en Casamance des conditions

favorables ? leurs activit?s, sur lesquelles le MFDC et d'autres

acteurs ont pu se greffer.13 Sans aller jusqu'? parler de narco-r?bel

lion, il semble que la participation ? des trafics pour partie aliment?s de l'ext?rieur, pour partie d'origine locale (le cannabis), contribue ? la survie des maquis, et donc ? la p?rennisation du

conflit arm? (Observatoire g?opolitique des drogues 1994), alors

m?me que la base sociale du mouvement s?paratiste s'est singuli? rement r?tr?cie (Marut 1999, 281-89).

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Marut: Les racines mondiales du particularisme casaman?ais 331

Pour des acteurs de la soci?t? civile

Le temps n'est plus o? ses adversaires vilipendaient le maire de

Ziguinchor et ancien ministre, Robert Sagna, qu'ils accusaient de

faire du particularisme casaman?ais un fonds de commerce, dans

une strat?gie d'acc?s ou de maintien au pouvoir central. Sous

tendant un discours sur les solutions endog?nes, la th?matique culturaliste a le vent en poupe. Elle est cens?e r?soudre aussi bien

les probl?mes de d?veloppement que le conflit, les deux ?tant li?s

dans le discours: pas de d?veloppement sans paix, mais pas de paix durable sans d?veloppement. L?gitim?es et financ?es de l'ext?

rieur, les solutions endog?nes sont ainsi devenues l'?l?ment central

du discours dominant, et la paix un nouveau cr?neau, o? s'engouf frent de nombreux acteurs en qu?te de ressources mat?rielles et

politiques: ONG qui r?orientent leur discours et leur action, mais

aussi entrepreneurs politiques au demeurant tr?s occidentalis?s,

qui trouvent l? un moyen d'asseoir leur pouvoir. Politiquement

plus "correct" que le terme "ethnie," encore trop connot? p?jorati

vement, le terme "socio-cultures" a ainsi fait son apparition sur le

march? identitaire casaman?ais pour recouvrir une op?ration poli ticienne associant une partie de l'aile civile du MFDC. Longtemps

synonyme d'archa?sme, la religion traditionnelle ne craint plus de

s'afficher. C'est le cas ? Ziguinchor, o? des ?lus municipaux se

disputent le contr?le d'associations f?minines (Foucher 2003). C'est ?galement le cas ? Oussouye, o? la royaut? sacr?e est cour

tis?e par les diff?rents acteurs politiques. ? d?faut d'acc?der ? l'?tat, le particularisme peut ainsi ?tre un

moyen de le contourner pour acc?der directement aux ressources

de la mondialisation. La boucle est ainsi boucl?e qui fait de la

mondialisation lib?rale ? la fois la matrice et l'horizon des mobili

sations identitaires, sans en ?puiser pour autant le sens.

Conclusion Sans doute parce que leur regard est largement fa?onn? de l'ext?

rieur, les ?lites s?n?galaises, n'ont pas vu, ou n'ont pas voulu voir ?

quel point le particularisme casaman?ais, loin d'?tre une r?sur

gence archa?que, est comme les autres mobilisations identitaires, une construction sociale enracin?e dans un pr?sent mondialis?

dans lequel il a puis? mod?les et mat?riaux. Que ces mat?riaux

soient authentiques ou pas importe peu finalement. Ce qui compte,

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c'est qu'ils apparaissent comme tels, recr?ant du lien et redonnant

l?gitimit? et sens ? une mobilisation. Dans le m?me temps, comme

toute mobilisation identitaire, la mobilisation du particularisme

casaman?ais s'est faite contre l'Autre. Le particularisme casaman

?ais n'a pas pour cible une mondialisation aux acteurs invisibles, mais des acteurs bien visibles, accus?s au contraire d'en bloquer

l'acc?s: si des Nordistes accaparent les ressources, c'est parce qu'ils contr?lent l'?tat. Il n'y a l? aucune contestation du mod?le lib?ral

ou du mod?le d'?tat-nation. Ce n'est pas la l?gitimit? des mod?les

qui est mise en cause, mais leur mise en oeuvre et la possibilit? d'y

acc?der, ? partir de quoi, deux r?ponses politiques sont logique ment envisageables: la cr?ation d'un autre ?tat (la s?paration), ou

un meilleur acc?s ? l'?tat existant, pr?servant les particularismes

(l'int?gration, non r?ductible ? une assimilation). Mais le rapport du particularisme casaman?ais ? la mondialisa

tion n'en est pas moins ambivalent. S'il t?moigne de l'attraction

exerc?e par les mod?les dominants, il rec?le aussi des potentialit?s de subversion de ces mod?les, parce que non seulement la crise

dont il proc?de les met en cause, mais aussi parce que, ? l'image des

mythes auxquels il se r?f?re, sa polys?mie autorise plusieurs

lectures, pouvant aussi bien l?gitimer que contester les mod?les

dominants. R?invent?e ou pas, instrumentalis?e ou pas, la tradi

tion sollicit?e v?hicule ? cet ?gard d'autres mod?les qui peuvent constituer autant d'alternatives. Reconna?tre que le local est

mondialis? n'autorise-t-il pas, d?s lors, ? s'interroger sur la possibi lit? de racines locales pour une autre mondialisation?

Notes 1 ? ne pas confondre avec le groupe socio-ethnique dioula, pr?sent dans

toute l'Afrique de l'Ouest. 2 La Casamance n'est pas un cas ? part: alors que la vie politique s?n?ga

laise est domin?e par les ressortissants des Quatre Communes (Saint

Louis, Gor?e, Dakar, et Rufisque), des mouvements r?gionalistes se cr?ent

dans les autres p?riph?ries (R?gion du Fleuve et S?n?gal oriental). 3 Une bibliographie des publications consacr?es ? la Casamance est en

cours de r?alisation par Vincent Foucher. 4 C'est dans cette derni?re cat?gorie que se recrutera le noyau fondateur du

nationalisme casaman?ais (Foucher 2002). 5 Entretien avec le responsable de la communaut? catholique d'Oussouye, f?vrier 2004.

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Marut: Les meines mondiales du particularisme casaman?ais 333

6 Hom?lie de Mgr Sepe, Pr?fet de la Congr?gation pour l'?vang?lisation des

peuples, Assembl?e ?piscopale d'Afrique et de Madagascar (Le Soleil

[Dakar] 13 octobre 2003). 7 Les exemples ne manquent pas de signes d'emprunts de la "tradition" ?

l'ext?rieur, de la pratique de "charit?s," dont la connotation chr?tienne

semble ?vidente, ? la tenue rouge des rois sacr?s, ?voquant irr?sistiblement

la garde royale marocaine. 8 World Education a ?t? fond?e en 1951 ? New York par une missionnaire

m?thodiste am?ricaine, Welthy Honsinger Fisher, qui a principalement travaill? en Inde, o? elle a ?t? en contact avec Gandhi. 9

Enqu?te de terrain, f?vrier 2004. 10 Pour lutter contre la repr?sentation d'une "Casamance historique," l'?tat s?n?galais a allum? un contre-feu en cr?ant de toutes pi?ces la notion

de "Casamance naturelle," reprise aujourd'hui par tous les protagonistes, y

compris le MFDC. Cette repr?sentation n'est pas plus fond?e que la

premi?re (Marut 1999: tome 2, chapitre 1). 11

Cette connotation conservatrice peut ?tre mise en rapport avec plusieurs

facteurs historiques: l'hostilit? de l'?glise ? l'?gard d'une lue R?publique

anti-cl?ricale, qui a laiss? chez l'abb?, comme chez de nombreux catho

liques s?n?galais, une forte animosit? ? l'?gard de la franc-ma?onnerie, l'in

fluence du r?gime de Vichy sur le jeune Diamacoune (qui rappelle souvent

qu'on lui faisait chanter l'hymne p?tainiste "Mar?chal, vous voil?!"), mais

aussi le passage de Mgr. Lef?bvre, qui devait devenir la t?te de file du

courant traditionaliste fran?ais, ? la t?te de l'archev?ch? de Dakar. 12 ? d?faut de d?cret de rattachement proprement dit, il existe de

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