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FINANCE CARBONE ET UNION POUR LA MEDITERRANEE (UpM) : LE DECLIC ? Marc- Olivier LECLERCQ Mars 2011

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La Finance Carbone est une chance pour l'Afrique. Comment cela se passe-t-il avec l'Union pour la Méditerranée ?

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FINANCE CARBONE ET UNION POUR LA MEDITERRANEE (UpM) : LE DECLIC ?

Marc-Olivier LECLERCQ Mars 2011

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Le marché du carbone et l’ Union pour la Méditerranée.

Depuis la création du premier fonds carbone mis en place à la fin des années 1990 par la Banque mondiale, le Fonds prototype pour le carbone (PCF), le marché des émissions est entré dans sa phase de maturité, au terme de plus d’une décennie d’activités. Aujourd’hui, la Banque mondiale gère plus de 2,5 milliards de dollars au moyen de ses 11 fonds et mécanismes. De cette somme, 1,9 milliard de dollars sont engagés. Il est essentiel d’adopter une approche collaborative, incluant l’ensemble des participants, donateurs et pays hôtes, afin de permettre à la Banque mondiale de construire des partenariats sur le marché du carbone. Ces dispositifs sont alimentés par les contributions de 24 gouvernements et 66 entreprises privées appartenant à différents secteurs.

Le projet d’une banque euro-méditerranéenne a été évoqué lors de la rencontre qui s’est tenue dans le cadre de l’Assemblée Parlementaire de l’Union pour la Méditerranée (AP-UpM),à Rome , début mars. Un projet destiné à devenir l’un des principaux instruments financiers de la coopération UE-Méditerranée et le levier indispensable pour accompagner les projets programmés.Lors de cette session, Abdelouahed Radi, le président de la deuxième Chambre du Parlement marocain a été nommé président de l’AP-UpM suite à la vacance du poste, jusque-là occupé par l’Egypte dont le Parlement a été dissout dans la foulée de la révolution du 25 janvier. Abdelouahed Radi a été servi par son expérience dans l’action parlementaire entre les deux rives de la méditerranée. Il a notamment participé à la création et à la présidence de la première session de l’AP, outre sa contribution au processus de mise en place de l’UpM. La session de Rome a aussi examiné le rôle que l’Union pour la Méditerranée est appelée à jouer dans les développements en cours dans la région. Les politiques de l’immigration et de l’intégration, la protection de l’environnement dans le bassin Méditerranéen et les divers instruments financiers pour le développement de la région, ont été autant de sujets inscrits à l’agenda des parlementaires des deux rives de la Méditerranée.

La Commission européenne quant à elle a adopté le 08 mars les grandes lignes d'un nouveau "Partenariat pour la démocratie et la prospérité partagée" à l'attention des voisins du sud de la Méditerranée Il s'agit notamment de "redistribuer" de façon "plus conditionnelle et différenciée" d'un pays à l'autre les quatre milliards d'euros que la Commission européenne comptait utiliser durant la période 2011-2013 pour aider ces pays.L'enjeu, selon M. Barroso , Président de la Commission Européenne,: "assister les pays du sud de la Méditerranée dans leur processus de transition et impulser une nouvelle dynamique à nos relations avec notre voisinage méditerranéen".

Le défi posé par les révolutions arabes est similaire pour l’Europe à celui posé par la Chute de l’URSS.La Berd pourrait débloquer un milliard d'euros par an et la Banque européenne d'investissement pourrait offrir près de 6 milliards d'euros à la région dans les trois ans à venir

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Pour aider les pays du Sud, un Fonds Carbone Méditerranéen à été créé en juin 2010 et entrera en action à partir de cette année. Il disposera, conformément aux dispositions du Paquet énergie-climat adopté par l'Union européenne en décembre 2008, de crédits carbone pouvant atteindre les 200 millions d'euros en 2020.

Cette initiative vise à conforter le déploiement de projets respectueux du climat sur le pourtour méditerranéen. Elle apportera un complément de savoir-faire et de financement à des projets entrepris dans les pays des rives méridionale et orientale de la Méditerranée. Le Fonds carbone méditerranéen exploitera le potentiel de crédits carbone issus du Mécanisme de développement propre (MDP), aussi bien dans les énergies renouvelables que dans la gestion des déchets et l’efficacité énergétique.

Le Fonds Carbone Méditerranée regroupera cinq institutions financières publiques de l’Union européenne ayant une grande expérience des marchés du carbone et de la mise au point de projets dans la région. Dans un esprit partenarial ouvert, ces institutions apporteront un appui à long terme à l'initiative, en coopération avec des partenaires financiers des rives sud et est de la Méditerranée, qui pourraient s'associer au Fonds.

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Un mécanisme spécial d’études et d’assistance technique complétera le Fonds Carbone Méditerranée en amont afin de garantir le nombre, l’avancement et la qualité des projets. Ce mécanisme visera à fournir un soutien efficace aux porteurs de projets, notamment pour préparer l’enregistrement des projets par le Conseil exécutif du MDP.

La zone Méditerranée concentre un grand nombre de problématiques : une forte croissance démographique surtout au sud et à l’est de la région où la population devrait croître de 38% et atteindre 352 millions d’habitants en 2030 ; un étalement urbain de plus en plus important au sud et à l’est de la zone où la population urbaine devrait passer de 145 millions en 2000 à 243 millions en 2025; des pressions de plus en plus forte sur l’environnement ; et enfin une fracture économique entre les rives nord et sud avec un écart de PIB par habitant de 1 à 8.

Plusieurs experts spécialisés dans l’économie du carbone et la finance carbone, ainsi que plusieurs représentants méditerranéens de secteurs économiques intensifs en énergie (sidérurgie, transport, cimenterie, énergie) ont été réunis par IPEMED le 25 juin 2010 à Paris pour évoquer les enjeux de la contrainte carbone dans la région.

Comme décrit en introduction , cette contrainte carbone se manifeste aujourd’hui seulement dans les pays de la rive nord de la région méditerranéenne où 12.000 installations industrielles européennes fortement émettrices en CO2 sont obligées de disposer de permis d’émissions depuis la mise en vigueur du système communautaire d’échange de quotas d’émissions (EU ETS). Contrairement aux pays émergents (Inde, Chine) qui ont bénéficié de ces mécanismes qui permettent de générer des crédits d’émissions en finançant des projets propres dans les pays en développement, les pays nord-africains et de l’est de la Méditerranée, réunissant des installations avec un niveau unitaire d’émissions peu élevé, n’ont pas encore suscité l’intérêt des acteurs de la finance carbone. Si seules les entreprises européennes provenant des secteurs industriels et de l’énergie sont actuellement soumises au marché EU ETS, le secteur de l’aviation, conformément à la directive 2003/87/CE de 2003, devrait également être inclus dans le système à partir de 2012. Cette évolution devrait concerner l’ensemble des aéronefs qui se posent ou décollent d’un territoire de l’Union Européenne. Cette nouvelle disposition pose la question de la limite du territoire européen et du caractère global de la gestion de la réduction des émissions, la contrainte carbone pourrait à l’avenir générer des impacts plus ou moins importants sur les activités économiques des pays de la rive sud : par exemple, les compagnies aériennes des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée seraient dès lors elles aussi concernées.On constate que les industriels du Sud de la région ont déjà pris, de leur propre initiative, des actions pour réaliser des économies d’énergie et réduire leurs émissions de CO2.

Il conviendrait dès lors de mieux mobiliser les projets pour la rive Sud de la Méditerranée .La mise en œuvre du Fonds Carbone Méditerranéen dès 2011 pourrait œuvrer en ce sens et participer à la réalisation de projets sobres en carbone.

Quels sont les résultats pour les pays?

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Il faut insister sur l’importance des choix dans les trois domaines de la formation (mise à niveau de compétences), des transferts de technologies et de l’innovation, et des financements. Il n’y a pas vraiment de problème de disponibilité de l’argent, mais un problème de mobilisation et de savoir faire dans ce domaine. les Mécanismes de développement propre (MDP) peuvent être une source non négligeable de financement. Sur les 37 options technologiques retenues pour les MDP, une dizaine ciblent la production d’électricité et une autre dizaine l’efficacité énergétique. Il existe beaucoup de projets MDP (3 milliards d’euros investis jusqu’en 2012) mais très peu de la région MENA, et lorsqu’il y en a ils viennent surtout d’Israël. Il faut insister sur les enjeux : d’après les scénarios du Plan Bleu (Association créée en 1989 et réfléchissant sur l’avenir du bassin Méditerrenéen), le scénario « décarboné » réduirait l’énergie primaire de 20% entre 2007 et 2025 par rapport au scénario tendanciel, soit 25% de réduction d’émissions de CO2.Les obstacles sont financiers bien sûr, mais aussi techniques (il faudra augmenter les capacités des liaisons électriques Maghreb-Europe), réglementaires (la directive européenne dit qu’un pays membre peut importer de l’électricité verte jusqu’en 2020 mais ne dit rien pour après, or une politique énergétique a besoin du long terme), et politique. Concernant le financement de l’énergie, le Rapport Resources & Logistics de la Commission européenne (2010) propose neuf mesures (partage du savoir-faire, programmes appropriés à chaque pays, financement des interconnexions, etc.).

La finance carbone suffira-t-elle pour financer des projets ? Beaucoup d’experts s’accordent à dire que la finance carbone, c’est très limité. Il y a eu beaucoup de déception au début car les promoteurs pensaient retirer rapidement des financements de ces projets. Le risque sur les prix des certificats sur le marché secondaire pèse sur les acquéreurs, mais sur le marché primaire il y a un partage du risque entre le promoteur et l’investisseur. Les crédits de gré à gré sur le gold standard sont à un prix inférieur à ceux du MDP et sont achetés au porteur de projet à 5€ l’unité. Jusqu’en 2020, en raison des engagements de l’UE, on a une bonne perspective de développement de ces projets MDP. Au-delà de 2020, on ne sait pas . La Méditerranée peine toujours à mobiliser la finance carbone. Six pays seulement au sud de la Méditerranée ont émis des crédits d’émission carbone, représentant 0,2% de l’ensemble mondial. Israel porte la moitié (16) des projets MDP.Chypre en porte 5, alors que la Syrie n’en a qu’un et la Tunisie 2. L’Egypte n’en porte que 5 et le Maroc 4. Il semblerait que la plupart des pays concernés soient dans une logique d’adaptation plus que d’atténuation du CO2 La méconnaissance des effets possibles aux niveaux nationaux, l’absence de modèles climatologiques permettant de renseigner les gouvernements sont des entraves. Pourtant les pays de la zone ont une croissance extraordinaire en besoins énergétiques.Le Plan Bleu note que « la croissance de la demande en électricité est beaucoup plus rapide que celle du PIB », 94% des sources d’énergie au sud étant d’origine fossile (et 75% au nord méditerranée). Le rapport de la commission Milhaud a confirmé qu’avec 20 milliards d’euros apportés au codéveloppement en Méditerranée chaque année, il y avait de l’argent dans la région mais il est encore insuffisamment orienté vers l’énergie .

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Les pays concernés ont cependant les capacités théoriques potentielles de capter le carbone émis, jusqu’à 15 millions de tonnes par an « pour l’ensemble du bassin », grâce à leurs espaces naturels.

Un bon exemple est la Grèce qui essaye de se sortir de la Crise financière en lançant un plan à l'appel pour faire de son pays un précurseur le leader de ce changement de mentalité en Méditerranée. "Nous avons toujours dit que le modèle économique de notre pays doit être celui d'un développement à faible taux de carbone. Il faut créer ainsi de nouveaux postes de travail" souligne George Papandreou, son premier ministre.Et d'insister sur le sujet, "il ne s'agit pas seulement d'un besoin d'environnement ou énergétique, c'est aussi un élan important à prendre pour permettre à l'économie mondiale de sortir de la récession !" Thomas Rueschen, chef du service financement d'actifs et crédit-bail à la Deutsche Bank, note qu' "en région méditerranée, la crise économique a fait baisser le nombre de projets en 2009 et en 2010, ils sont de meilleurs qualité après l'explosion de la bulle énergétique." 56% des projets financés par sa banque se situent en Espagne et 80% concerne l'éolien.

Au Maroc, en décembre 2008, la Caisse de dépôt et de gestion a lancé le premier Fonds de finance carbone (FCCM) en Afrique francophone. Le fonds est géré par la société privée Accès Capital Atlantique SA (ACASA), une filiale à 100% du CDG, pour un volume de 300 millions MAD (26,5 M d’euros). La Banque d’investissement européenne (EIB) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ont participé à hauteur de 25% et apporteront au projet des experts internationaux dans la finance carbone. Les perspectives sont intéressantes même si, entre temps, la crise financière est venue sérieusement malmener le marché secondaire des crédits carbone.Le FCCM supportera les promoteurs marocains dans l’implémentation de leurs projets MDP en l’acquisition de leurs crédits carbones sur la période 2008-2017. Pour montrer le dynamisme des deusx rives de la Méditerranée, malgré que le processus politique de construction de l’Union pour la Méditerranée (UPM) soit en panne, “ les entreprises veulent que ça bouge”, a relevé Gérard Mestrallet, le PDG de GDF Suez et président du Conseil de surveillance d’Ipemed. « L’Europe doit aller chercher la croissance au sud de la Méditerranée afin de constituer un grand ensemble qui pèsera dans la mondialisation. Il faut des projets structurants qui soient accompagnés par les Etats. Ces derniers ont un rôle à jouer ».

Pour ce faire , ils ont décidé de lancer l’Euro-Mediterranean Competitiveness Council (EMCC) qui constituera désormais le Conseil de surveillance regroupant l’ensemble des entreprises fondatrices d’Ipemed. A l’avenir, cette structure permettra aux patrons méditerranéens de faire entendre leur voix et de peser dans le débat politique euro-méditerranéen. Le résultat le plus tangible pour l’UPM est le lancement du Plan solaire méditerranéen (PSM) .

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Monaco ,quant à lui , a inauguré le 1er puits à carbone en Europe le 27 janvier 2007.

Le puits de carbone (4 hectares de forêts ) correspondant à un certain nombre de critères techniques (bio-diversité, durabilité, analyse du carbone séquestré…) a été inauguré sur les communes de La Turbie et du cap d’Ail dans les Alpes-Maritimes. Il est financé par la Principauté de Monaco qui a signé une convention avec l’Office national forêts.

Source ; AFP

La Côte d’Azur connaît ,elle aussi , des résultats intéressants:le secteur des éco-technologies, dont l’impact est visible depuis 2009, contribue à hauteur de 19% des emplois générés par les investissements décidés en 2010, contre 4% des emplois en 2009. Cette montée en puissance s’est traduite par les investissements du Californien LUMETA (Bâti solaire), de l’Italien ECOWAY (Finance carbone), du Danois MERMAID ENERGY (Ingénierie photovoltaïque) et de l’Azuréen TOURNAIRE Solaire Energie, associé à l’Espagnol HELIOS (Production de modules solaires).

ET L’AFRIQUE ?Concernant l’Afrique, un récent rapport de la Banque mondiale, mentionne que la part de la région subsaharienne représente 1,4% des 3600 projets soumis dans le cadre du MDP. Ces chiffres reflètent une situation contraire aux principes d’équité du protocole de Kyoto, dans la mesure où l’Afrique est le continent le plus touché par les GES. Actuellement, les principaux bénéficiaires des MDP sont la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud. Cependant, on constate un début d’évolution pour l’Afrique subsaharienne avec des projets tels que la réduction des gaz torchés en République Démocratique du Congo, un projet hydraulique à Madagascar (voir page 40) et au Kenya, l’extension d’un réseau géothermique, l’exploitation de roches chaudes et la production d’énergie à partir de la canne à sucre. Au Sénégal, l’Agence sénégalaise d’électrification rurale (ASER) vient de signer avec la Banque mondiale un programme d’installation en zones rurales d’ampoules à basse consommation permettant la réduction des factures des ménages et des émissions de GES. Le premier Forum africain du carbone, qui s’est tenu le 3 septembre à Dakar, a permis de confirmer que le potentiel de projets MDP est énorme en Afrique, en particulier dans les secteurs des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, favorisant les centrales hydro-électriques ou au gaz, dans un objectif crucial de réduction des coûts énergétiques.

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Afin de pérenniser cette dynamique, il est important, d’une part, de sensibiliser les Etats africains sur l’intérêt de la finance carbone et des technologies propres, et, d’autre part, d’attirer les investissements par le biais du cofinancement de projets par les fonds d’investissements et les institutions financières.Mécanisme de développement propre et finance carbone : des opportunités à saisir en Afrique Le Mécanisme de développement propre (MDP) et la finance carbone sont des illustrations concrètes de la faible réactivité africaine, dans un monde où la concurrence entre les Etats pour attirer les investisseurs est de plus en plus féroce. Mais l’Afrique est non seulement peu présente sur ce marché, malgré son énorme potentiel, le continent ne prend aucune disposition pour structurer cette filière carbone afin de tirer au maximum tous les bénéfices de ce business du futur.

L’Afrique du Sud et l’Egypte en sont les principaux bénéficiaires, avec respectivement 32 et 13 projets. Le Kenya et l’Ouganda en ont 15 et 12.Par contre, pour la plupart des pays africains, le business du carbone peine à décoller. A l’initiative des entrepreneurs occidentaux , le gigantesque projet DESERTEC de 400 milliards de dollars, qui vise la production d’énergie renouvelable à partir de l’Afrique pour l’Europe, a pourtant mis en exergue une opportunité qui aurait pu être portée par les Africains et introduite dans le cadre de la finance carbone En plus du MDP, plusieurs fonds carbone (PNUE, Fonds Africains pour les biocarburants et les énergies renouvelables (FABER), gouvernements des pays développés, Banque mondiale, fonds d’investissement, banques privées, etc.) existent et peuvent soutenir le financement des projets d’énergies renouvelables et de green business en Afrique. On peut également citer le fonds vert de 100 milliards de dollars du FMI, en cours de création. Les experts estiment que seule la création d’une bourse africaine du carbone pourrait vraiment lancer l’Afrique dans la bonne direction.