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UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON IFACULTÉ DE MÉDECINE ET DE MAÏEUTIQUE LYON SUD - CHARLES MÉRIEUX

CHEMIN DU PETIT REVOYET - 69600 OULLINS

ANNÉE 2014

REPRÉSENTATIONS DES MÉDECINS GÉNÉRALISTES AU SUJET DE LA

FRAGILITÉ DES PERSONNES ÂGÉES : UNE ÉTUDE QUALITATIVE.

THESEPRÉSENTÉE À L’UNIVERSITÉ CLAUDE BERNARD – LYON 1

ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 20 MAI 2014POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR EN MÉDECINE

PAR PIERRE-YVES SALEHNÉ LE 01-10-1986 À VALENCE (26)

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Le serment d'Hippocrate

Je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l'exercice de la Médecine. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans discrimination. J'interviendrai pour les protéger si elles sont vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l'humanité. J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance. Je donnerai mes soins à l'indigent et je n'exigerai pas un salaire au dessus de mon travail. Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement la vie ni ne provoquerai délibérément la mort. Je préserverai l'indépendance nécessaire et je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je perfectionnerai mes connaissances pour assurer au mieux ma mission. Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert d'opprobre et méprisé si j'y manque.

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UNIVERSITE CLAUDE BERNARD – LYON 1___________________

. Président de l'Université François-Noël GILLY

. Président du Comité de Coordination des Etudes Médicales François-Noël GILLY

. Directeur Général des Services Alain HELLEU

SECTEUR SANTE

UFR DE MEDECINE LYON EST Directeur : Jérôme ETIENNE

UFR DE MEDECINE ET DE MAIEUTIQUELYON SUD - CHARLES MERIEUX Directeur : Carole BURILLON

INSTITUT DES SCIENCES PHARMACEUTIQUESET BIOLOGIQUES (ISPB) Directeur : Christine

VINCIGUERRA

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SCHOTT

SECTEUR SCIENCES ET TECHNOLOGIES

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POLYTECH LYON Directeur : Pascal FOURNIER

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MAUME-DESCHAMPS

I.U.F.M. Directeur : Régis BERNARD

CPE LYON Directeur : Gérard PIGNAULT

OBSERVATOIRE DE LYON Directeur : Bruno GUIDERDONI

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U.F.R. FACULTE DE MEDECINE ET DE MAIEUTIQUE LYON SUD-CHARLES MERIEUX

PROFESSEURS DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS (Classe exceptionnelle)

BELLON Gabriel PédiatrieBERGER Françoise Anatomie et Cytologie pathologiquesCHIDIAC Christian Maladies infectieuses ; TropicalesCOIFFIER Bertrand Hématologie ; TransfusionCOLLET Lionel Physiologie / O.R.L.DEVONEC Marian UrologieDUBREUIL Christian O.R.L.GILLY François-Noël Chirurgie généraleGUEUGNIAUD Pierre-Yves Anesthésiologie et Réanimation chirurgicaleLAVILLE Martine NutritionMORNEX Françoise Cancérologie ; RadiothérapiePACHECO Yves PneumologiePEIX Jean-Louis Chirurgie GénéralePERRIN Paul UrologieSAMARUT Jacques Biochimie et Biologie moléculaireSAUMET Jean Louis PhysiologieVALETTE Pierre Jean Radiologie et imagerie médicaleVITAL DURAND Denis Thérapeutique

PROFESSEURS DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS (1ère Classe)

ANDRE Patrice Bactériologie – VirologieBERGERET Alain Médecine et Santé du TravailBONNEFOY Marc Médecine Interne, option GériatrieBROUSSOLLE Christiane Médecine interne ; Gériatrie et biologie vieillissementBROUSSOLLE Emmanuel NeurologieBURILLON-LEYNAUD Carole OphtalmologieCAILLOT Jean Louis Chirurgie généraleCARRET Jean-Paul Anatomie - Chirurgie orthopédiqueECOCHARD René Bio-statistiquesFLANDROIS Jean-Pierre Bactériologie – Virologie ; Hygiène hospitalièreFLOURIE Bernard Gastroentérologie ; HépatologieFREYER Gilles Cancérologie ; RadiothérapieGEORGIEFF Nicolas PédopsychiatrieGIAMMARILE Francesco Biophysique et Médecine nucléaireGLEHEN Olivier Chirurgie GénéraleGOLFIER François Gynécologie Obstétrique ; gynécologie médicaleGUERIN Jean-Claude PneumologieKIRKORIAN Gilbert CardiologieLLORCA Guy ThérapeutiqueMAGAUD Jean-Pierre Hématologie ; TransfusionMALICIER Daniel Médecine Légale et Droit de la santéMATILLON Yves Epidémiologie, Economie Santé et PréventionMOURIQUAND Pierre Chirurgie infantileNICOLAS Jean-François ImmunologiePEYRON François Parasitologie et MycologiePICAUD Jean-Charles PédiatriePIRIOU Vincent Anesthésiologie et réanimation chirurgicalePOUTEIL-NOBLE Claire Néphrologie

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PRACROS J. Pierre Radiologie et Imagerie médicaleRODRIGUEZ-LAFRASSE Claire Biochimie et Biologie moléculaireSALLES Gilles Hématologie ; TransfusionSAURIN Jean-Christophe Hépato gastroentérologieSIMON Chantal NutritionTEBIB Jacques RhumatologieTHAI-VAN Hung PhysiologieTHIVOLET Charles Endocrinologie et Maladies métaboliquesTHOMAS Luc Dermato -VénérologieTRILLET-LENOIR Véronique Cancérologie ; RadiothérapieVIGHETTO Alain Neurologie

PROFESSEURS DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS (2ème Classe)

ADHAM Mustapha Chirurgie DigestiveBARREY Cédric NeurochirurgieBERARD Frédéric ImmunologieBOHE Julien Réanimation médicaleBONNEFOY- CUDRAZ Eric CardiologieBOULETREAU Pierre Chirurgie maxillo-faciale et stomatologieCERUSE Philippe O.R.L.CHOTEL Franck Chirurgie InfantileDAVID Jean Stéphane Anesthésiologie et RéanimationDES PORTES DE LA FOSSE Vincent PédiatrieDEVOUASSOUX Gilles PneumologieDORET Muriel Gynécologie-Obstétrique ; gynécologie médicaleDUPUIS Olivier Gynécologie-Obstétrique ; gynécologie médicaleFARHAT Fadi Chirurgie thoracique et cardiovasculaireFESSY Michel-Henri AnatomieFEUGIER Patrick Chirurgie VasculaireFRANCK Nicolas Psychiatrie AdultesJOUANNEAU Emmanuel NeurochirurgieJUILLARD Laurent NéphrologieKASSAI KOUPAI Berhouz Pharmacologie FondamentaleLANTELME Pierre CardiologieLEBECQUE Serge Biologie CellulaireLIFANTE Jean-Christophe Chirurgie GénéraleLONG Anne Chirurgie vasculaireLUAUTE Jacques Médecine physique et RéadaptationNANCEY Stéphane Gastro EntérologiePAPAREL Philippe UrologiePIALAT Jean-Baptiste Radiologie et Imagerie médicalePOULET Emmanuel Psychiatrie AdultesREIX Philippe PédiatrieRIOUFFOL Gilles CardiologieSALLE Bruno Biologie et Médecine du développement et de la

reproductionSANLAVILLE Damien GénétiqueSERVIEN Elvire Chirurgie OrthopédiqueSEVE Pascal Médecine Interne, GériatriqueTHOBOIS Stéphane NeurologieTRAVERSE-GLEHEN Alexandra Anatomie et cytologie pathologiquesTRINGALI Stéphane O.R.L.TRONC François Chirurgie thoracique et cardio.

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PROFESSEURS ASSOCIES

FILBET Marilène Soins palliatifsSOUQUET Pierre-Jean Pneumologie

PROFESSEUR DES UNIVERSITES - MEDECINE GENERALE

DUBOIS Jean-Pierre

PROFESSEURS ASSOCIES - MEDECINE GENERALE

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reproductionKOCHER Laurence PhysiologieMILLAT Gilles Biochimie et Biologie moléculairePERRAUD Michel Epidémiologie, Economie Santé et PréventionRABODONIRINA Méja Parasitologie et MycologieVAN GANSE Eric Pharmacologie Fondamentale

MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS (2ème Classe)

BELOT Alexandre PédiatrieBREVET Marie Anatomie et Cytologie pathologiquesBRUNEL-SCHOLTES Caroline Bactériologie Virologie, Hygiène HospitalièreCOURY LUCAS Fabienne RhumatologieDESESTRET Virginie Cytologie - HistologieDUMITRESCU BORNE Oana Bactériologie Virologie

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LOPEZ Jonathan Biochimie Biologie MoléculaireMAUDUIT Claire Cytologie - HistologieMETZGER Marie-Hélène Epidémiologie, Economie de la santé, PréventionPERROT Xavier PhysiologiePONCET Delphine Biochimie, Biologie moléculaireRASIGADE Jean-Philippe Bactériologie – Virologie ; Hygiène hospitalière

MAITRES DE CONFERENCES ASSOCIES – MEDECINE GENERALE

DUPRAZ ChristianPERDRIX Corinne

PROFESSEURS EMERITESLes Professeur émérites peuvent participer à des jurys de thèse ou d’habilitation.Ils ne peuvent pas être président du jury.

ANNAT Guy PhysiologieBERLAND Michel Gynécologie-Obstétrique ; gynécologie médicaleDALERY Jean Psychiatrie AdultesFABRY Jacques Epidémiologie, Economie Santé et PréventionGRANGE Jean-Daniel OphtalmologieMOYEN Bernard Chirurgie OrthopédiquePLAUCHU Henry GénétiqueTRAN-MINH Van-André Radiologie et Imagerie médicale

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Remerciements

Un grand merci :

Aux membres de mon Jury pour leur participation à ce travail.

Aux Professeurs Bonnefoy et Krolak-Salmon pour leur ouverture d'esprit sur la

médecine générale.

Au Professeur Girier pour son engagement dans notre enseignement pendant

toutes ces années.

Au Professeur Letrilliart pour avoir diriger ce travail et pour les heures de

travail passées à la rédaction de l'article.

A François, pour les nombreuses sessions d'encodage et débriefing.

A mes maitres de médecine générale, pour m'avoir transmis la passion de cette

discipline, et m'avoir appris à réfléchir sur mes pratiques (et mes compétences).

A mes amis de la fac pour ses moments inoubliables : grâce à eux neuf années

d'études sont passées bien rapidement.

A Thomas et Marianne pour l'engagement qu'ils ont accepté à nos côtés.

A ma famille pour leur amour, à mes parents pour avoir toujours soutenu mes

choix, à ma sœur Charlotte pour ces années de colocation, à mon frère Théo

avec tout mes encouragements pour ses études à venir.

A Cécile pour ces années passées et à venir.

A Timothée pour son aide active pour la dactylographie de cette thèse.

A Greg, toi aussi tu es inoubliable.

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Sommaire

Résumé............................................................................................................. 9

Abstract............................................................................................................ 10

I Introduction................................................................................................... 11

II Méthodes...................................................................................................... 12

A Recrutement................................................................................. 12B Recueil des données..................................................................... 14C Analyse des données.................................................................... 14D Aspects éthiques........................................................................... 14

III Résultats...................................................................................................... 15

A Le concept de Fragilité................................................................ 15B Détection et évaluation................................................................ 18C Prise en charge............................................................................. 22

IV Discussion.................................................................................................... 26

A Un concept peu opérationnel...................................................... 26B La question du dépistage et de l'évaluation.............................. 27C Une prise en charge multidisciplinaire et coordonnée............. 28D Forces et limites........................................................................... 29

V Conclusions................................................................................................... 30

VI Bibliographie............................................................................................... 33

VII Annexes...................................................................................................... 37

A Guide d'entretien......................................................................... 37B Retranscription des entretiens.................................................... 38

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Résumé

Contexte : Le concept de fragilité chez la personne âgée désigne des patients ayant un risque

majoré de chute, d'hospitalisation, de dépendance, et de décès. Sa prévalence est estimée en

France à 15% chez les personnes de plus de 65 ans. La fragilité pourrait constituer une cible

pour prévenir une perte d'autonomie évitable.

Objectifs : Explorer les représentations des médecins généralistes sur le concept de fragilité

des personnes âgées.

Méthodes : Nous avons conduit deux entretiens collectifs (focus group) auprès de médecins

généralistes, et cinq entretiens individuels auprès de médecins généralistes ayant une capacité

de gériatrie. Les entretiens étaient guidés par un canevas adaptatif.

Résultats : Le concept de fragilité est assez bien défini par les médecins généralistes, mais sa

projection dans la pratique clinique soulève des difficultés. Ils considèrent qu’un dépistage

des personnes âgées fragiles est possible, mais indiquent ne pas disposer actuellement d’outil

adapté à leur pratique. Ils se sentent compétents pour l'évaluation diagnostique et la prise en

charge des patients repérés comme fragiles. Ils sont prêts à s’impliquer davantage, notamment

dans le cadre d’approches pluri-professionnelles, en particulier avec les infirmiers.

Conclusion : Les bénéfices attendus du dépistage et de la prise en charge de la fragilité des

personnes âgées doivent être précisés à partir de données de la recherche clinique. Les colla-

borations pluri-professionnelles devraient être développées en milieu ambulatoire, ainsi que

le recours à l'hôpital lorsqu'une évaluation ou une prise en charge approfondie des patients

fragiles est nécessaire.

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Abstract

Introduction: The concept of frailty in the elderly denotes patients at higher risk of fall,

hospitalization, dependency and death. Its prevalence is estimated in France at 15% for

people over 65 years. Frailty could be a target for preventing avoidable loss of autonomy.

Objective: To explore GPs’ representations on the concept of frailty in the elderly.

Methods: We have conducted two focus groups with GPs, and five interviews with GPs

qualified in geriatrics. Data collection was guided by an adaptive topic schedule.

Results: The concept of frailty is fairly well defined by GPs, but its implementation in

clinical practice raises difficulties. They consider that screening frail is possible, but indicate

that they don’t have any tool adapted to their practice. They feel competent for the diagnostic

assessment and the management of the patients detected as frailty. They are ready to get

further involved, especially within the framework of multi-professional approaches, in

particular with nurses.

Conclusion: The expected benefits of frailty screening and managing in the elderly needs to

be based on data from clinical research. Multi-professional collaborations should be

developed in the outpatient setting, as well as referral to hospital whenever comprehensive

assessment or management of frail patients is needed.

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I Introduction

Les pays occidentaux vivent actuellement une période de transition démographique et

épidémiologique. Le recul de la mortalité liée aux maladies infectieuses et cardio-vasculaires

a permis l’augmentation de l’espérance de vie, de 66,4 ans en 1950 à 80,3 ans en 2005 [1].

En 2040, la proportion de personnes de plus de 60 ans sera de 25,8 % et celle des plus de 75

ans de 14,7% [2]. La prévalence des comorbidités chroniques et des situations de dépendance

suit cette évolution, avec un taux de personnes dépendantes entre 1,1 et 1,5 million en 2040

[3-4]. Le dépistage et la prise en charge de la fragilité des personnes âgées pourraient

améliorer leur qualité de vie en prévenant la dépendance [5].

Plusieurs modèles de fragilité ont été décrits. La Société française de gériatrie et gérontologie

définit la fragilité des personnes âgées comme un syndrome clinique qui vise à exprimer un

niveau de risque correspondant à une réduction des capacités d’adaptation au stress, qui est

modulée par des facteurs physiques, psychiques et sociaux. Son évaluation doit comporter

des critères cliniques prédictifs du risque de déclin fonctionnel et d'événements péjoratifs [5].

Le modèle de Fried, développé aux États-Unis au début des années 2000, est considéré

comme le plus pertinent en pratique clinique [6]. Il est basé sur la recherche de 5 critères : la

perte de poids involontaire, la diminution de l'endurance, la sensation d’épuisement général,

la limitation de l'activité physique, et la baisse ressentie de la force musculaire. La présence

de trois critères suffit à définir l'état de fragilité [7]. Selon ce modèle, la prévalence de la

fragilité au-delà de 65 ans est estimée à 14,1% en Europe et à 15,0% en France [8].

Les patients définis comme fragiles ont un risque majoré de chute, d'hospitalisation, de

dépendance, et de décès [5]. Les critères cliniques de fragilité sont potentiellement

réversibles, grâce à une intervention pluri-professionnelle [9]. Au-delà, certaines

interventions peuvent diminuer les risques d’institutionnalisation et d'hospitalisation des

patients âgés fragiles [10]. Leurs bénéfices semblent plus importants chez les patients de

moins de 75 ans, ce qui suggère qu'une prise en charge précoce serait plus efficace. La

fragilité pourrait ainsi constituer un enjeu pour prévenir la perte d'autonomie évitable [11], et

un défi pour les médecins généralistes [12].

L’objectif de cette étude était d'explorer les représentations des médecins généralistes sur le

concept de fragilité des personnes âgées.

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II Méthodes

A Recrutement

Il s'agissait d'une enquête qualitative basée sur des entretiens collectifs (focus group)

et individuels (interviews) [13]. Deux entretiens collectifs ont été réalisés auprès de onze

médecins généralistes libéraux du Rhône et de la Drôme (M1-M11) en mars et mai 2013. Ils

ont été complétés par des entretiens individuels conduits auprès de cinq médecins généralistes

libéraux du Rhône et de la Drôme ayant une formation spécifique de gériatrie (capacité ou

DESC) de juin à août 2013 (M12-M16). L'échantillonnage a privilégié un recrutement

diversifié des médecins en termes de milieu d'exercice, de sexe et d'âge.

Caractéristiques des médecins interrogés (1)

Entretiens collectifs(n=11)

Entretiens individuels(n=5)

Age [m (ET)] 49,8 (10,8) 49,4 (11,3)

Sexe [n (%)]MasculinFéminin

8 (72,7%)3 (27,3%)

4 (80,0%)1 (20,0%)

Lieu d'exercice [n (%)]UrbainSemi-rural

5 (45,5%)6 (54,5%)

2 (40,0%)3 (60,0%)

M : moyenne ; ET : écart-type

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Caractéristiques des médecins interrogés (2)

Sexe Age Milieu d'exercice

Entretiens collectifs

M 1 H 60 U

M 2 H 56 U

M 3 H 54 U

M 4 H 55 U

M 5 H 58 U

M 6 F 37 SR

M 7 F 37 SR

M 8 H 50 SR

M 9 F 28 SR

M 10 H 53 SR

M 11 H 60 SR

Entretiens individuels

M 12 H 58 SR

M 13 H 33 SR

M 14 H 57 U

M 15 H 57 U

M 16 F 42 SR

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B Recueil des données

Les médecins ont été interrogés selon un canevas d'entretien semi-directif. Il explorait

par des questions ouvertes la manière dont ils définissaient, diagnostiquaient et prenaient en

charge la fragilité des personnes âgées. Il avait été préalablement testé auprès d'un médecin et

il a été adapté au décours des premiers entretiens. Les entretiens ont fait l'objet d'un enregis-

trement audio. Les données enregistrées ont été anonymisées puis retranscrites.

C Analyse des données

Les analyses ont été réalisées à l'aide du logiciel Nvivo 9 [14]. Un double encodage

thématique des données a été effectué par P.Y.S et F.M. au fur et à mesure du recueil des

données. L'interprétation a été conduite de façon consensuelle par P.Y.S, F.M et L.L. La

saturation des données a été atteinte à partir de l’entretien du médecin M14.

D Aspects éthiques

Le projet a été approuvé par le Comité d'éthique des Hospices Civils de Lyon (Avis ré-

férencé Rech_FRCH_2013_011).

14

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III Résultats

A Le concept de fragilité

La fragilité était définie par les médecins comme un état d’équilibre, mais comportant

un risque permanent de décompensation. Cet état était caractérisé par la perte des capacités

d’adaptation et un retentissement plus important des pathologies aiguës, pouvant conduire à

la dépendance. Selon les médecins, l’âge de survenue de la fragilité se situait après 75 ou 80

ans, l’âge civil élevé étant considéré comme un facteur de risque. Cette phase correspondait

pour certains médecins à un basculement d’une approche centrée auparavant sur la prise en

charge de pathologies bien identifiées vers une approche orientée vers la prévention de la

dépendance.

Les médecins rapportaient de multiples facteurs de fragilité, intriqués dans un cadre

global. Les critères biomédicaux, évoqués en premier lieu, incluaient l’existence d’une

polypathologie, d’une dénutrition, d’une situation à risque de iatrogénie ou de chute. Le

contexte social, notamment l’isolement, était aussi considéré comme un élément majeur de

fragilité. Certains mettaient aussi en avant le rôle des facteurs neuropsychologiques, en

particulier les troubles cognitifs. Si les entretiens montraient une bonne compréhension

théorique du concept, les exemples cités par les médecins relevaient volontiers de situations

de dépendance avérée plutôt que de fragilité.

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Verbatims

Définition

M1 « ...Fragiles parce qu’il ne faut pas grand-chose pour que l’équilibre soit rompu. »

M16 « [C'est] comme un facteur de risque de dépendance. On sait que ce sont des gens qui

sont un peu sur la corde raide. Selon les cas, si l’on peut mettre des aides en place,

s’il y a un entourage familial, on arrive à maintenir un état d’autonomie relativement

correct, et puis dans d’autre cas, on va basculer dans la dépendance. »

Age de survenue

M12 « Je crois que plus on vieillit, plus on est potentiellement fragile, c’est-à-dire que

même les gens qui vieillissent le mieux du monde, à un moment donné, l’âge les

rattrape et la fragilité va les rattraper de toute façon. »

M3 « La fragilité, elle n’apparaît pas à 75 ans, tu vois ce que je veux dire, mais à 88 ans,

89 ans, 90 ans. »

M15 « 75 facilement. (...) Si tu veux, perte de poids chez un sujet de 65 ans, je vais incisif

plus rapidement. »

Facteurs déterminants

M1 « Les intolérances médicamenteuses, je ne parle que de ça, mais je dirais que c’est un

élément… »

M5 « Ben moi, ce qui me fait peur, c’est la chute. Donc je focalise sur la possibilité de

chute. »

M15 « On fait très certainement la différence entre ceux qui ont des troubles cognitifs et

ceux qui n’en ont pas. »

M9 « Le psychosocial prend beaucoup plus le pas sur le médical pur en fait. »

M4 « C’est que cette fragilité, elle est multiple, elle n’est pas que physiologique, elle

n’est pas que physique, elle n’est pas que psychologique, c’est une identité totale. »

M12 « C’est vraiment… un ensemble de choses qui font qu’une situation… qu’un certain

nombre de choses fait qu’à un moment donné, les gens vont être plus fragiles. Il n’y a

pas de hiérarchie, non. Alors c’est évident que chacun de ces items porté à l’extrême

va porter en soi la gravité du problème, c’est-à-dire que quelqu’un isolé à tout point

de vue, c’est en soi une sorte de fragilité quoiqu’il arrive par ailleurs. Quelqu’un qui

perd la tête ça va être une sorte de fragilité quoiqu’il arrive par ailleurs. [...] Donc s’il

y en a un qui est prédominant, il va l’emporter. »

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Relation avec la dépendance

M1 « [La patiente] était incapable de prendre un rendez vous. [...] Donc j’en ai parlé à sa

sœur, et lui ai dit : « c’est clair que si vous partez, on ne peut pas la laisser seule ». »

M5 « Mais t’as raison, la grille AGGIR, c’est un bon critère de fragilité des personnes

âgées. »

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B Détection et évaluation

La détection de la fragilité était présentée comme essentiellement empirique. Seul un

médecin interrogé citait l’existence du modèle de Fried, sans néanmoins en connaître les

critères. Les médecins indiquaient évaluer régulièrement les fonctions cognitives, l’état

nutritionnel, la capacité de marche et les activités sociales de leurs patients âgés. Certains

médecins déclaraient utiliser le test du MMSE ou le test de l’appui monopodal dans ce

contexte. La plupart des médecins généralistes se sentaient aptes à diagnostiquer la fragilité, à

partir de l’interrogatoire et de l’observation répétés du patient, au cabinet et à fortiori à

domicile. L’oubli de rendez-vous, la demande de consultations plus fréquentes ou de visites à

domicile, la difficulté des patients à gérer leurs problèmes de santé, l’évolution vers un mode

de décision plus paternaliste ou l’irruption d’un tiers dans la relation avec le patient, étaient

des éléments évocateurs d’un état de fragilité. Les médecins s’appuyaient aussi sur la

communication avec l’entourage du patient, qu’il s’agisse de la famille, des aides ménagères,

ou des paramédicaux.

Pour certains médecins, notamment ceux sans formation spécifique de gériatrie, le repérage

avant la survenue d'un épisode de décompensation était parfois perçu comme complexe et

chronophage. Par ailleurs, selon les médecins, la peur de la dépendance pouvait aussi

conduire les patients à masquer certains éléments d’alerte et ils pouvaient ressentir les

évaluations objectives de la fragilité comme intrusives. Les médecins étaient plutôt

favorables à l’utilisation d’un questionnaire adapté afin de dépister des situations qui

pourraient être anticipées. Certains médecins envisageaient une délégation de cette tâche à

d’autres professionnels de santé. D’autres médecins étaient réfractaires à un dépistage de la

fragilité, argumentant que la prise en charge des patients n’en serait pas modifiée.

La plupart des médecins pensaient que les équipes hospitalières ne devraient être sollicitées

pour l'évaluation diagnostique secondaire de la fragilité, qu’en cas de situation médico-

sociale complexe. Cependant, certains médecins ne se sentaient pas capables d’assumer cette

tâche et préféraient la confier à l’hôpital.

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Verbatims

Démarche habituelle

M10 « Je dirais que je n’ai pas d’outils mais… je le fais un peu au feeling. »

M13 « Je ne fais pas de MMS systématiquement. Mais je pose quelques questions un peu

générales pour voir s’il n’y a pas des troubles cognitifs. »

M3 « C’est comme Mr Jourdan, on fait sans le savoir ! »

M12 « J’ai du mal avec les grilles. Je pense qu’elles sont toujours… Qu’elles sont une perte

de temps beaucoup, je m’en sers peu. Je pense surtout qu’elles sont

extraordinairement évolutives et donc source… quelque fois de fausses impressions,

quand tu ne fais que remplir des items… Il vaut mieux être sensible aux variations

imperceptibles que tu sens… »

M11 « J’ai la sensation de fragilité à partir du moment où je vois que les gens qui

s’adaptaient bien, avaient une certaine force, soit de caractère, soit physique pour

modifier telle ou telle partie de leur vie. Tout d’un coup, ils viennent demander de

l’aide ou un conseil en disant, là je ne sais pas trop comment je dois faire, ou je ne

sais pas quoi faire. C’est cette non capacité à l’adaptation à une situation, qui a évolué

de façon minime ou parfois de façon plus importante. »

M14 « Bon, je peux être alerté quand je vais à domicile. Vous savez, on voit un peu l’état

de l’appartement, je regarde dans le frigo, ce qu’ils mangente etc. Je me base souvent

sur la perte de poids. Je fais souvent une albuminémie…. Le MNA… Je le connais, je

le fais mais j’ai pas toujours le temps de le faire. »

Rôle des autres acteurs

M8 « Parce que c’est l’œil du professionnel qui dit « ouh là là Mme Machin, ça ne va

plus, elle se trompe dans les médicaments, faut que j’y passe plus souvent ». Il y a

beaucoup de bascules qui sont passées par l’intermédiaire des infirmiers, mais qu’on

avait mis en place pour des gens qui n’allaient pas si mal que ça. Avec un seul passage

par mois hein ! C’est arrivé »

M12 « Ce repérage, c’est pas simplement de notre fait, c’est l’alerte des familles, des

voisins, des soignants… ou des aides ménagères, qui sont au quotidien avec les gens

et peuvent nous dire à un moment donné qu’il y a quelque chose. »

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Difficultés de la détection

M8 « Justement, je trouve que c’est difficile d’anticiper. (...) Il n’y a pas un avant, un

après... elle a un peu mal au genou, elle va plus aller chercher son pain son journal, on

va lui amener son journal, puis elle le lira plus… Puis tu te rends compte à un moment

qu’elle est complètement déconnectée de la réalité du monde. Mais ça ne s’est pas fait

en une semaine. »

M6 « Moi je trouve que souvent les chutes à domicile… C’est oups… Oulala il se passe

quelque chose... »

M16 « Parce que les gens n’ont pas envie… de se sentir fragiles, pas tous en tout cas, ils

sont parfois un peu évasifs dans leurs réponses. (…) Ils sont parfois un peu évasifs

dans leurs réponses. Et puis, on se rend compte à postériori quand il y a un grand

coup, que l’on est passé à côté. »

Question du dépistage systématique

M11 « L’idée générale est de mettre en place un projet, et on délègue à une

professionnelle, une infirmière qui est une professionnelle de bon niveau, le soin de

mettre en place un repérage un peu systématique. »

M11 « Si on rentait dans un système type Azalée avec des infirmières dédiées au cabinet,

qui s’occuperaient, sur des thématiques que l’on décide, de faire ça. »

M9 « [Une grille] permet d’être plus complet.»

M5 « C’est un concept qui n’est pas très pratique, ça va changer quoi dans notre prise en

charge de savoir qu’il est fragile ? »

L'évaluation secondaire

M12 « [Le médecin généraliste] va essayer de décortiquer ce qui fait que la personne est

fragile. On va essayer de séparer ce qui a trait au psychisme et au physique, au

vieillissement physiologique et au vieillissement pathologique, ou à la pathologie

d’organe. »

M14 « Quand je sens que c’est lourd, que la situation se détériore, qu’il faut envisager

l’avenir, ou qu’on sent une démence, qu’il y a un risque de chutes. L’hôpital de jour,

ils arrivent à faire ça sur un jour, avec un bon bilan. »

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M11 « Une prise en charge globale qui permet de cerner tous les problèmes, qu’elle soit

vue par un gériatre... et puis en même temps ça donne un œil neuf… puis… de tirer

une conclusion de tout ça. »

M5 « Faire une évaluation, peut être que l’on ait des structures adaptées (...) en leur di-

sant : « voilà, chez vous la fragilité c'est ça ». Après ça va peut-être coûter un bras

aussi…. »

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C Prise en charge

Les médecins jugeaient que les patients préféraient habituellement demeurer à

domicile et éviter d'être hospitalisés. Ils insistaient sur la difficulté et le temps nécessaire à

convaincre leurs patients, souvent réticents, à accepter des modifications de leur mode de vie,

ce qui les conduisait parfois à y renoncer. Selon eux, les familles se surinvestissaient souvent

dans la prise en charge des personnes âgées, ou à l’inverse se reposaient exagérément sur le

médecin traitant. Ils estimaient donc avoir un rôle d’information et de prévention de

l’épuisement des aidants naturels.

Pour la plupart des médecins, la prise en charge de la fragilité relevait du champ des soins

primaires. Ils indiquaient assurer un suivi rapproché des patients, comportant en priorité la

prévention de la iatrogénie, la surveillance de leur état nutritionnel et l’aménagement de leur

domicile. Ils insistaient sur le fait qu'une coordination entre les différents acteurs, centrée sur

le médecin traitant et les infirmiers, était essentielle et devrait être mieux reconnue et

valorisée. Les médecins s’interrogeaient sur la participation des kinésithérapeutes, en raison

d’une disponibilité souvent jugée limitée. La communication avec les services sociaux était

considérée comme nécessaire mais insuffisante dans leur expérience. L'intérêt d'un recours

aux équipes hospitalières pour la prise en charge des patients fragiles était diversement

apprécié.

Des difficultés dans la prise en charge des patients jugés fragiles étaient rapportées : le

manque de temps, l’isolement du médecin, la gestion des décompensations, les délais

d’hospitalisation, le manque de communication avec l’hôpital, et les divergences avec le

patient ou sa famille, notamment sur les modifications du mode de vie.

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Verbatims

Attentes des patients

M14 « Souvent ils acceptent mal de vieillir… ils acceptent… ils voudraient des

médicaments. Ce qui n’est pas toujours facile, c’est de leur expliquer qu’ils ont un

certain nombre de handicaps, qu’on ne va pas forcément pouvoir guérir, qu’il va

falloir pallier. »

M15 « Ils attendent que des solutions puissent être proposées, qui leurs laissent la

possibilité de rester chez eux, de garder leur cadre. Je pense que c’est la grande

peur. »

M10 « Dans la plupart des cas, on essaie de ramer, ramer et leur dire : « mais attendez, faut

que vous vous fassiez aider, parce que vous n’allez pas tenir le coup sur le long terme

». [Le patient : ] « Non mais pour le moment ça va, je vous dirai quand… je suis

fatigué mais c’est normal ». »

Place des familles

M8 « Faire une petite réunion, avec le fils, la fille, en disant « bon là, ça commence à

devenir difficile, qu’est-ce que vous avez prévu (…) C’est quelques fois juste une

discussion. Avant, je ne le faisais pas, j’attendais que ça tombe. Et maintenant, il ne se

passe pas un trimestre sans faire le point un petit peu avec la famille. En tout cas, moi

je le fais le vendredi après-midi, et c’est moi qui devance. »

M15 « Il y a des gens qui vont surinvestir sur le médecin, parce que leur famille est

défaillante. C’est un peu lourd parfois. »

M15 « Il y a des familles très présentes, qui vont essayer de palier aux troubles sans laisser

faire des bilans. »

Réponses en soins primaires

M12 « Des gens que je vois tous les 3 mois, tous les 4 mois, tous les 6 mois, c’est plus rare

chez les personnes âgées. J’essaie de programmer, de les revoir un peu plus

rapidement. »

M10 « On l’a déjà dit mais, on va le redire parce que c’est très important, c’est l’échange

des informations, de la coordination. .Depuis (...) fin 2012, on travaille avec les

infirmières de notre coin pour mettre en place un classeur à domicile. »

M11 « Moi, je trouve que ce qui nous manque le plus, c’est du temps de coordination

rémunéré. »

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M8 « [La kiné] s’était exprimée et avait dit : « ouais, moi je vous aime bien, j’aime bien

les papis et les mamies, mais ce n’est pas de la kiné hein. [...] C’est de la marcho-

thérapie ». »

M16 « C’est vraiment le travail de l’assistante sociale, de voir quel sont les revenus de la

personne, de savoir si elle a droit à une aide financière. »

M3 « On les voit jamais [les assistantes sociales], je ne saurais même pas où les

contacter. »

Place de l'hôpital

M12 « Et notre rôle, avant d’envoyer à l’hôpital, est peut-être de réfléchir à ça, et de se

demander ce qui se passe. Et pour une part importante des choses, on est capable de

régler la situation. »

M15 « Tu vois, il y a une espèce de mainmise à l’hôpital qu’on n’aimerait pas. Mais si

c’est juste un outil d’évaluation à un moment donné, pourquoi pas ? (...) Mais je

pense qu’on en est capable pour une partie et de manière anticipée souvent, et que

c’est uniquement en cas de difficulté qu’on peut avoir cet outil là ».

M8 « On est en opposition vraiment, et il se passe un truc où on dit : « ben maintenant

vraiment faut choisir, soit c’est nous qui la soignons, soit c’est eux qui la

soignent ». »

M3 « Oui mais je pense que généraliser un peu [les évaluations en structures adaptées] ,

et proposer à des gens d’un certain âge de les évaluer de façon globale. En leur disant

voilà, chez vous la fragilité…. votre point faible c’est ça, et peut être axer des actions

de préventions… »

M3 « L'hôpital de jour serait la solution la plus globale. »

M5 « Est-ce ce que si on pouvait, nous, repérer la fragilité et en téléphonant au numéro

0800… en disant Mme Truc, à Villeurbanne, elle est fragile, il faudrait faire passer

une équipe pour évaluer, peut être que dans ce cas-là, on se dirait, « tient, peut-être

qu’on pourrait repérer la fragilité »

Difficultés

M4 «Et puis c'est impossible, c’est chronophage ! »

M8 « Le responsable du service avait demandé l’intervention de l’unité mobile de

gériatrie… et ça m’avait vexé, entre guillemets… enfin si vexé… Ils ont pas pris

contact avec moi, alors que c’est un Monsieur que j’avais suivi pendant des années »

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M5 « Il faut la comparer à la fragilité du médecin traitant, qui arrive au domicile... Là,

t’es fragile ! Parce que t’as pas d’aide ! On n’a aucune aide ! »

M13 « Parce que la personne âgée, (…) quand elle mène sa vie, elle ne juge pas nécessaire

d’être prise en charge à domicile... »

M11 « On est noyé sous le mille-feuille institutionnel. »

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IV Discussion

Cette série d'entretiens collectifs et individuels montre que les médecins généralistes

ont imparfaitement intégré le concept de fragilité de la personne âgée. Même lorsqu'il est

compris, sa mise en œuvre soulève des difficultés pratiques et demeure empirique.

Néanmoins, les médecins généralistes semblent prêts à s'impliquer davantage, notamment

s’ils disposent d’outils adaptés et dans le cadre d'approches pluri-professionnelles.

A Un concept peu opérationnel

Le terme de fragilité évoque d'emblée des situations cliniques pour les médecins

généralistes, mais correspondant souvent à des patients en état de dépendance, plutôt que de

fragilité. Pourtant, les médecins interrogés reconnaissent la fragilité comme un état précédant

la dépendance, conformément au consensus médical [5,15]. C'est donc la projection de ce

concept dans la réalité de la pratique clinique qui semble leur poser problème. Ils semblent

d'ailleurs peu informés des données scientifiques et des réflexions politiques actuelles autour

du concept de fragilité. Ils ne le considèrent pas comme un concept innovant, mais plutôt

comme une façon de théoriser leurs pratiques auprès des patients âgés. Si la définition

théorique de la fragilité est consensuelle, il n'existe pas de recommandations de pratique

clinique concernant le dépistage et la prise en charge des patients fragiles [5]. De plus les

limites entre fragilité, incapacité et dépendance sont parfois incertaines en pratique [16-17].

Cette situation peut expliquer l'approche pragmatique, non formalisée, des médecins

généralistes.

Le concept de pré-fragilité n'a pas été abordé par les médecins dans les entretiens [7]. La

prévalence élevée des individus pré-fragiles parmi ceux de plus de 65 ans (44%) rendrait leur

dépistage peu pertinent, car d'éventuelles interventions devraient sans doute s'appliquer à

l'ensemble de la population [8].

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B Les questions du dépistage et de l'évaluation

Les médecins généralistes n’utilisent pas d'outils de dépistage de la fragilité, mais

considèrent qu'un questionnaire adapté leur permettrait d'améliorer le repérage. Pourtant ils

critiquent les grilles d'évaluation gériatrique, qu'ils n'utilisent pas, à l'exception de celles

destinées au diagnostic des troubles cognitifs. A ce jour, aucun outil adapté aux soins

primaires n'est validé pour le repérage de la fragilité [18]. Même le modèle de Fried,

relativement rapide à utiliser (10 minutes), est probablement difficilement compatible avec la

pratique actuelle des médecins généralistes français [19]. Un questionnaire francophone

simplifié, de dépistage de la fragilité, comportant 6 items cliniques et une question subjective

sur la perception du médecin, est actuellement en cours d’expérimentation [20-21].

L'utilisation d'un outil d'aide au dépistage pourrait faciliter l'implication d'autres

professionnels de santé, en particulier des infirmières libérales, ce qui permettrait de

préserver du temps médical. Cependant, le dépistage de la fragilité ne répond pas à une

demande des patients, et leur adhésion ou celle de leur entourage n'est pas acquise, comme

l’illustre par exemple la faible participation au dépistage du cancer colo-rectal [22].

L'évaluation diagnostique de la fragilité peut nécessiter l'intervention de plusieurs

professionnels de santé [5,15]. Elle permet de repérer les facteurs physiques, psychiques,

cognitifs et socio-environnementaux pouvant altérer la santé de la personne âgée [23]. Elle

peut être réalisée en médecine générale en une trentaine de minutes environ [24]. Plusieurs

expérimentations de ce modèle sont actuellement menées en France, en milieu ambulatoire et

en milieu hospitalier [25]. La forte prévalence de la fragilité dans la population âgée de plus

de 65 ans (15%) orienterait plutôt vers une prise en charge en soins primaires [8]. La plupart

des médecins généralistes interrogés se considèrent d’ailleurs compétents pour évaluer leurs

patients fragiles, et ne recourent à un bilan hospitalier qu’en cas de situation médico-sociale

complexe. Des protocoles de prise en charge adaptés pourraient permettre d'optimiser la

prise en charge ambulatoire des patients fragiles sans surcharger les services hospitaliers [26].

Un modèle d'évaluation initiale basé sur l’exploration de neuf domaines, a été proposé par la

HAS [25].

Au-delà de la détection des patients fragiles, l’intérêt attendu d’un dépistage réside dans

l'impact en termes d'amélioration de la morbi-mortalité et de la qualité de vie [27]. Il devrait

conduire à une prise en charge adaptée, permettant de prévenir une évolution défavorable

[28].

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C Une prise en charge multidimensionnelle et coordonnée

La HAS préconise de développer les axes de prise en charge suivants pour les patients

âgés fragiles : une activité physique adaptée et la lutte contre la sédentarité ; une nutrition

adaptée ; la réduction de la polymédication et l'optimisation thérapeutique ; la mise en place

d’aides sociales ; l'adaptation de l’environnement et la mobilisation des liens sociaux [21].

Des programmes prolongés et intensifs de rééducation physique peuvent permettre de

prévenir la dépendance chez les patients âgés fragiles [29-30], et peut-être de diminuer les

dépenses de santé en diminuant le risque de chute [31]. Les médecins généralistes

encouragent la pratique de la marche chez ces patients, mais ils rapportent des difficultés

d'accès aux soins de kinésithérapie. Des aides à domicile spécifiquement formés pourraient

représenter une alternative pour accompagner les activités physiques [26-32]. Les médecins

sont attentifs à l'état nutritionnel de leurs patients âgés. Bien que la relation entre dénutrition

et fragilité soit établie [33], l'efficacité des prises en charge nutritionnelles des patients

fragiles n'est pas démontrée [29]. Les médecins sont sensibilisés aux risques de iatrogénie,

notamment en cas de polymédication. Le repérage formel de la fragilité pourrait les inciter à

la prudence dans leurs décisions thérapeutiques, concernant un traitement médicamenteux,

une intervention chirurgicale ou une hospitalisation [34]. L’adaptation de l’environnement

physique est aussi une préoccupation des médecins, notamment pour les patients suivis à

domicile. Bien que peu accessible en pratique, l'intervention d'un ergothérapeute à domicile

chez des patients fragiles ou peu dépendants semble avoir un impact favorable sur leur

évolution fonctionnelle et leur espérance de vie [35-36]. La communication avec les acteurs

sociaux pose problème aux médecins généralistes, qui se sentent souvent perdus aux seins de

multiples institutions. Sachant que les facteurs socio-économiques sont associés à la fragilité

[37-38], une simplification des recours aux dispositifs d'aide sociale est nécessaire,

notamment sous la forme d'une structure référente unique et bien identifiée [26].

Les incapacités liées au vieillissement engendrent chez les médecins un sentiment de

fatalisme, d'autant que la prise en charge de la fragilité se distingue de l'approche biomédicale

traditionnellement privilégiée [39]. Les principaux axes de prise en charge de la fragilité

reposant sur des modifications du mode de vie, certains médecins se sentent démunis pour

motiver leurs patients âgés. Ceux-ci sont sensibles aux informations validées scientifiquement

et délivrées d'une façon positive et non stigmatisante [40]. Aux Pays-Bas, des médecins

généralistes et des infirmières ont expérimenté auprès des patients fragiles des techniques

d'entretien motivationnel habituellement utilisées pour améliorer certains facteurs de risque

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comportementaux [41] sans qu’une diminution de l'évolution vers la dépendance soit

objectivée [42]. Les soignants étaient cependant satisfaits du travail d'équipe et de la

démarche et les patients de leur autonomie décisionnelle et de l'implication de leur médecin

généraliste [43].

Les Agences régionales de santé ont mis en place en 2013 des projets pilotes, instaurant un

plan personnalisé de soin (PPS) chez les personnes âgées en risque de perte d'autonomie

(PAERPA). Cette approche valorise une prise en charge pluri-professionnelle coordonnée par

le médecin traitant, basée sur l'éducation thérapeutique et centrée sur des objectifs spécifiques

définis avec le patient [44-45]. La généralisation de ce programme risque d’augmenter les

recours aux soins ambulatoires. Ces recours ne pourront être satisfaits qu’en développant une

organisation de travail en équipes, dans lesquelles chaque intervenant se concentre sur son

plus haut niveau de compétence, par exemple au sein de maisons ou de pôles pluri-

professionnels [46].

D Forces et limites de l'étude

L'échantillon de médecins interrogés était non randomisé mais raisonné,

conformément aux usages en recherche qualitative. Il rassemblait des médecins d'exercices

diversifiés, incluant des praticiens formés à la gériatrie. Le sex-ratio était déséquilibré en

faveur des hommes, avec trois hommes pour une femme alors que ce ratio est de trois

hommes pour deux femmes à l'échelon national. L'âge moyen des médecins interrogés était

de 49,7 ans pour une moyenne nationale de 51,6 ans [47]. Plusieurs médecins travaillaient au

sein de cabinets de groupe dans lesquels un projet de pôle de santé était envisagé, ce qui

pourrait expliquer leur intérêt particulier pour les approches pluri-professionnelles.

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V Conclusions

La fragilité des personnes âgées représente un défi pour les années à venir, car son dépistage,

son évaluation et sa prise en charge sont peu formalisés. La recherche clinique doit être

renforcée, en particulier dans le cadre des soins primaires, afin de préciser les bénéfices à

attendre et les ressources à mobiliser. Il est utile de développer les collaborations pluri-

professionnelles en milieu ambulatoire autour des patients fragiles, et des recours ciblés à

l'hôpital lorsqu'une évaluation ou une prise en charge approfondie est nécessaire.

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THESE SOUTENUE PAR Mr Pierre-Yves SALEH. ................... ................ .

CON CL USIONS

En France, le vieillissement de la population s'accompagne d'une transition

épidémiologique, avec une majoration de la dépendance des personnes âgées. Le

concept de fragilité chez la personne âgée définit des patients ayant un risque majoré

de chute, d'hospitalisation, de dépendance, et de décès. Sa prévalence, définie par le

modèle de Fried, est estimée à 15% chez les personnes françaises de plus de 65 ans.

La fragilité pourrait aînsi constituer une cible pour prévenir une perte d'autonomie

évitable. Notre objectif était d'explorer les représentations des médecins généralistes

sur le concept de fragilité des personnes âgées.

Nous avons conduit deux entretiens collectifs (focus group) auprès de médecins

généralistes, et cinq entretiens individuels auprès de médecins généralistes ayant une

capacité de gériatrie. Les médecins ont été interrogés selon un canevas semi-directif

explorant la manière dont ils définissaient, diagnostiquaient et prenaient en charge la

fragilité des personnes âgées. Un double encodage thématique a été effectué à partir

d'enregistrements audio des entretiens.

Pour les médecins interrogés, le concept de fragilité représentait un état d'équilibre

comportant un risque permanent de décompensations. L'âge de survenue de la

fragilité était estimé après 75 ou 80 ans. La composante plurifactorielle était bien

identifiée, les médecins intégrant des facteurs bio-médicaux, sociaux et

psychologiques au concept de fragilité.

Les médecins repéraient la fragilité des personnes âgées de manière empirique et ne

connaissaient pas les outils dédiés. Ils étaient plutôt favorables à l'utilisation de grilles

de repérage, permettant d'anticiper certaines situations de décompensation. La

délégation du repérage à d'autres professionnels, notamment les infirmiers, a été

proposée. Les médecins généralistes se sentaient compétents pour évaluer

secondairement les patients jugés fragiles, ne recourant à l'hôpital qu'en cas de

situation complexe.

Ils jugeaient que la prise en charge de la fragilité relevait du soin primaire, et se

sentaient compétents dans ce domaine. Leur prise eu charge était axée sur un suivi

rapproché, la prévention de la iatrogénie, la prise en charge nutritionnelle ainsi que

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l'aménagement du domicile. La coopération pluriprofessionnelle était mise en avant.

Ils pensaient que la priorité pour les patients est de rester à domicile et d'éviter les

hospitalisations. Les difficultés rapportées étaient la réticence des patients à modifier

leur mode de vie, le manque de temps, l'isolement du médecin, ainsi que le manque

de communication avec les services sociaux et le secteur hospitalier.

Le contour du concept de fragilité est assez bien défini sur le plan théorique par les

médecins généralistes mais sa projection dans la pratique clinique paraît moins

évidente, les médecins évoquant rapidement la dépendance ou la démence. Ils ne

considèrent pas la fragilité comme un concept innovant, mais comme une façon de

formaliser leurs pratiques auprès des patients âgés.

L'utilisation d'outils de repérage n'est pas reconnue à ce jour en médecine

ambulatoire. L'implication d'autres professionnels de santé dans le cadre d'un

éventuel dépistage systématique serait une solution pour préserver du temps médical.

Compte tenu de sa forte prévalence, l'évaluation diagnostique secondaire de la

fragilité devrait être réalisée en soins primaire.

La prise en charge multidisciplinaire et coordonnée doit être favorisée. Les principaux

axes de prise en charge de la fragilité sont connus des médecins généralistes (activité

physique, nutrition, iatrogénie, aménagement du domicile). Une simplification des

recours aux services sociaux et une meilleure connaissance des services existants

seraient bienvenus.

Le Président de la Thèse ~omet signature)

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~ Vu et Permis d'impri~~r

Lyon, le 8 fofr!.l<? llf-

Vu, le Président de l'Université Le Président du Comité de Co 'ination

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VII Annexes

A Guide d'entretien

1. Le concept de fragilité

1.1. Qu'évoque pour vous le concept de fragilité?

1.2. Citez les différents éléments constituant la fragilité.

Si méconnaissance du concept, proposer la définition du collège national des enseignants

de gériatrie : « un risque permanent de décompensation fonctionnelle conduisant à une

aggravation de l’état de santé et à la dépendance. »

1.3. Comment situer la fragilité par rapport à la dépendance ?

(ajouté suite au premier focus group)

2. La détection de la fragilité

2.1. Détectez-vous la fragilité ? Si oui, comment ? Chez quels patients ? A partir de quel âge?

2.2. Utilisez-vous des outils spécifiques ? Si oui, lesquels ? A quelle fréquence ? Si non,

pourquoi ?

2.3. Pouvez-vous nous donner un exemple récent de fragilité dépistée ?

2.4. Rencontrez-vous des difficultés dans la détection des personnes âgées fragiles ?

3. La prise en charge des patients fragiles

3.1. Que proposez-vous en cas de détection d’une situation de fragilité ? (interventions

médicamenteuses ou non médicamenteuses)

3.2. Quelles sont vos relations avec les autres intervenants médicaux et paramédicaux, et les

services médico-sociaux, pour la prise en charge des patients âgés fragiles ?

3.3. Quelles sont, à votre avis, les attentes des patients et de leur entourage ?

3.4. Pouvez-vous donner un exemple récent d'intervention sur un élément de fragilité ?

3.5. Rencontrez-vous des difficultés dans la prise en charge des personnes âgées fragiles ?

(liées aux patients, à leur entourage, au système de soins,...)

4. Commentaires libres

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B Retranscription des entretiens

Premier focus group

PYS : L’objectif de ce soir est de faire un focus group autour de mon sujet de thèse, qui est la

fragilité des personnes âgées et la représentation qu’en ont les médecins généralistes. On va

débattre autour de votre perception de ce problème actuel, pris par les gériatres, pris par les

politiques, du fait de la démographie actuelle.

LL : je vous rappelle la règle du jeu, tout est enregistré, il y a 2 micros, tout sera traité

anonymement, donc on peut parler librement sans aucune retenue. Il n’y a pas de

financement dans le projet de Pierre-Yves (exclamations), ce qui ne nous a pas empêché

d’accepter gracieusement de participer. Il n’y aura pas d’indemnisation liée à ça, mais

Pierre-Yves s’engage à faire un retour d’information, sous la forme d’un mémoire de thèse,

soit sous la forme de l’article si jamais il réussit à publier les résultats de son travail.

Comme vous l’aurez compris, le thème de la discussion de ce soir est la fragilité de la

personne âgée.

On va faire un tour de table pour savoir ce que pour vous cela représente cette idée, ce

concept de fragilité de la personne âgée.

(Installation / préparation. 2 minutes.)

Dr 5 : Quand on était au week-end à Saint Tropez, il y a avait J. C. qui disait « je t’admire de

faire de la gériatrie en EHPAD, ça je ne pourrais pas. » Et je lui ai dit que je l’admirais de

faire de la gériatrie en ville. Je ne peux pas faire de la gériatrie en ville. C’est extraordinaire,

ils sont là, ils sont tout seul, ils ont 40 de température, ils ont une pneumopathie, tu fais quoi ?

Tu es complètement paumé, il n’y a pas de famille, faut les envoyer à l’hôpital… La gériatrie

en ville je trouve que c’est très difficile.

Dr 1 : C’est vrai.

Dr 5 : En EHPAD, c’est très facile. Je leur dis « mettez sous perf, donnez ça », c’est très

facile. Mais en ville, on est désemparés. Je sors du sujet mais la fragilité de la personne âgée

en ville, il faut la comparer à la fragilité du médecin traitant, qui arrive au domicile et que…

Là, t’es fragile ! Parce que t’as pas d’aide ! On n’a aucune aide !

PYS : Bon tu anticipes un tout petit peu une partie du débat, mais c’est bien, tu l’as introduit

aussi. Donc peut-être que l’on en revient à la question introductive qui est : « qu’est ce ça

évoque pour vous, avant de parler des enjeux, tout ça, mais c’est quoi la fragilité pour

vous ? »

Dr 1 : Ben déjà, la fragilité, elle est physiologique, toutes les fonctions vitales sont un peu

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ralenties et puis, on a la fragilité…

Dr 5 : Morale…

Dr 1 : Emotionnelle. C’est-à-dire qu’il y a souvent l’isolement, il y a souvent le contexte

d’abandon quelque part… Et puis… Voilà, fragilité physique et émotionnelle. Première

impression, ça serait ça.

Dr 4 : Et socio-économique souvent.

Dr 1 : On va parler des retraites.

Dr 4 : Souvent ils n’ont pas les moyens, pour s’acheter ce qu’il faut pour manger. Ils n’ont

pas les moyens pour s’acheter de la viande.

Dr 1 : Exactement.

Dr 4 : Donc des soucis économiques pour beaucoup de personnes âgées. Parce que les

retraites sont basses. Et donc ils sont plutôt fragilisés par rapport à ça. Et quand on dit qu’ils

sont dénutris, c’est qu’ils n’ont pas forcément les moyens de s’alimenter correctement. Donc

il y a ce phénomène-là. Qu’on a du mal à accepter parfois.

Dr 5 : Fragilité sociale aussi. Je trouve qu’ils sont souvent assez abandonnés quand même. En

général. Je ne jette pas la pierre aux familles, c’est difficile mais ils en a beaucoup qui sont un

peu seuls quand même. Il n’y a pas d’entourage quand ils ne sont pas bien.

Dr 3 : Même quand il y a des enfants, ils ont des idées abandonniques, les enfants… Moi,

ayant travaillé en institution, quand j’étais à sainte Anne… Moi, je suis étonné de la

résistance des personnes âgées. La fragilité organique ne m’a jamais posé problème. Je n’ai

jamais trouvé que les vieux… Je suis même étonné de leur longévité, de leur résistance, ça ne

me pose pas de problème. Moi, je trouve plutôt l’isolement. De les voir se dépatouiller tout

seuls, de devoir faire leurs courses tout seuls… Mais… c’est ça pour moi la fragilité, c’est

plus une fragilité morale, une fragilité sociale, mais pas physique, tu vois ? Moi je trouve que

l’on a des personnes âgées qui vivent longtemps seules. La fragilité n’est quand même pas

comme avant, attends, tu vois des gens…. Alors après effectivement, ils posent plus de

problèmes car ils restent plus longtemps chez eux seuls, puisqu’ils sont plus vieux, tu

comprends ? Mais moi… enfin… je… J’ai peut-être une clientèle privilégiée aussi.

Dr 4 : Ils sont seuls sur le plan affectif.

Dr 5 : Voilà.

Dr 4 : Sur le plan social, ils ont vachement d’aides. Quand tu commences : tu as les aides

ménagères, tu as les infirmières…

Dr 1 : Il faut payer.

Dr 4 : Oui, non, mais… Qui sont pris en charge. Dès que tu as une pathologie ALD, ils sont

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pris en charge. Donc tu as une couverture sociale qui les aide.

Dr 1 : Oui.

Dr 4 : Mais à côté de ça, pour se nourrir ou autre, et là j’y reviens, pour le frigidaire, elle

existe.

Dr 3 : La fragilité… moi la fragilité….

Dr 4 : Elle est tangible cette fragilité.

Dr 3 : Ben moi, je n’ai pas la perception de cette fragilité.

LL : tu veux dire M, que les populations aujourd’hui sont en meilleure santé qu’elles

n’étaient dans le passé au même âge ?

Dr 3 : Ah ouais. Moi je suis agréablement surpris. Moi, je n’ai pas la perception d’une

fragilité si énorme que ça. Après, c’est plus difficile à gérer parce que le problème il est

reculé. Maintenant tu vas commencer à avoir plus de problèmes avec des gens beaucoup plus

vieux. La fragilité, elle va apparaître beaucoup plus tard.

Dr 4 : Ben oui.

Dr 3 : La fragilité, elle n’apparaît pas à 75 ans, tu vois ce que je veux dire, mais à 88 ans, 89

ans, 90 ans. Alors ça dépend, dans ta thèse ce que tu vas dire ce que ça représente la fragilité,

tu vois la bonne question à se poser? Pour toi, la thèse elle va considérer les gens, la fragilité

des personnes âgées, elle est à quel âge ?

PYS : C’est une vraie question !

Dr 3 : Ah…

Dr 1 : Il y a aussi la fragilité, face à la iatrogénie. Les vieux, c’est pire que nous quoi ! Dès

que les métabolismes sont un peu limites, dès qu’il y a un truc qui dérape, ça « couic »…

Dr 3 : Pour moi, parce que c’est ça…

Dr 2 : On devrait commencer par la définition de la personne âgée non ? Quelque part, c’est

qui ? C’est quoi ?

LL : ou de la personne fragile en tout cas. Pour vous c’est à quel âge que l’on est fragile ?

Dr 1 : Ben, ça dépend…

Dr 2 : On peut l’être très tôt, si on parle de la personne âgée.

LL : Non, la personne âgée fragile.

Dr 2 : Ben, il n’y a pas d’âge, puisqu’il y en a qui sont…

Dr 1 : Ouais il faut parler de l’âge physiologique…

Dr 2 : Qu’est-ce qu’une personne âgée ?

Dr 5 : Moi je suis d’accord avec Dr 3, que la fragilité est plus morale et sociale que

physiologique.

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Dr 3 : Ouais, physiologique, on est quand même…

Dr 5 : Physiologique, on la contrôle bien maintenant. Bon à part les maladies neurologiques

dégénératives, bon là, tu ne peux rien contrôler du tout. Les pathologies organiques

cardiaques, respiratoires, endocrinologiques, on les contrôle bien. (Dr 3 et 2 approuvent.)

C’est pas ça qui nous pose réellement des problèmes. Ce qui nous pose réellement comme

problème maintenant, c’est la personne qui est dégénérée psychologiquement et

cognitivement à domicile. C’est ça qui pose vraiment des soucis.

Dr 4 : Oui, mais l’incapacité physique, quand ils ne peuvent plus se déplacer, c’est pas une

impossibilité importante, mais elle est vachement handicapante. L’état physique…

Dr 1 : Elles peuvent plus faire leurs courses, parce qu’elles ont mal, elle ne peuvent plus…

Dr 3 : Dans ce cas, t’organises !

Dr 5 : Là c’est gérable par les aides.

Dr 4 : C’est gérable, mais on parle de fragilité et c’est vachement fragile comme équilibre !

Dr 3 : Et quand ils se retrouvent seuls, qu’il n’y a pas de famille…

Dr 1 : Que le conjoint n’est plus là…

Dr 4 : Où tout est déséquilibré ! Donc un équilibre fragile.

Dr 3 : Moi, je suis plus frappé par la fragilité morale.

Dr 4 :Là, on est dans le somatique mais bon.

Dr 3 : Mais pas par la fragilité physique. La fragilité physique, j’ai pas l’impression que nous

les médecins, on ait du mal à gérer ça. C’est pas ça.

Dr 1 : On le gère bien, mais ils sont fragiles quand même !

LL : Est-ce que vous pourriez être un peu précis pour dire quels sont les éléments qui font

qu’on est fragile, qu’on peut être fragile, sur quelle problématique en fait. Plus précisément

que le social, le physique… Il n’y a pas des choses plus précises qui permettent d’approcher

la notion de fragilité ? Il n’y a pas des indicateurs un peu plus précis ?

Dr 1 : Médical, tu veux dire ?

PYS : Ouais pour un professionnel de santé comme…

Dr 4 : Les comorbidités que t’accumules, t’as une fragilité énorme !

Dr 1 : Il y a plus de possibilité à cet âge d’avoir des accidents qui mettent en jeu l’existence,

qui déstabilisent l’autonomie. Ils sont moins résistants aux médicaments, il y a plus de

iatrogénie et il y a souvent un isolement social qui fait que les émotions sont souvent

négatives, quoi. Fragiles parce qu’il ne faut pas grand-chose pour que l’équilibre soit rompu.

(….) Moi je verrai un peu une définition comme ça.

Dr 5 : C’est l’équilibre qui est fragile.

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LL : Donc c’est un ensemble en fait.

Dr 4 : Oui il n’y a pas qu’un critère…

Dr 5 : Oui oui, c’est un ensemble.

Dr 4 : Oui, c’est un ensemble. Quand à un moment, t’as 85 ans, et que tu as accumulé tout un

tas de choses dans ta vie, que tu te retrouves des pathologies que tu n’avais pas étant plus

jeune, forcément tu te retrouves fragilisé. Et en plus, quand tu es seul, tu te retrouves assez

désemparé. C’est que cette fragilité, elle est multiple, elle n’est pas que physiologique, elle

n’est pas que physique, elle n’est pas que psychologique, c’est une identité totale. C’est pas…

ce n’est pas qu’un critère…. C’est la somme des critères qui fait que ces personnes… je ne

sais pas si elles sont plus fragiles en étant hommes que femme, si le critère de sexe peut jouer

là-dedans. Si les hommes se débrouillent mieux tout seuls que les femmes... Je n’en suis

peut-être pas si sûr que ça…

Dr 1 : En général non, mais il y a des exceptions…

Dr 4 :Oui, oui, je pense que les femmes se débrouillent mieux que les hommes.

Dr 1 : Socialement, c’est tellement plus adapté que ce sont une femme qui fassent la cuisine

et le ménage… Quand un homme est tout seul, il se dit « bon qu’est-ce que je vais faire ? »

LL : Ben je pense que l’on a un petit peu fait le tour de votre ressenti général (Dr 1-4

approuvent), avec des choses un peu variées. Après, d’un point de vue un peu pratique,

comment dans votre exercice, vous détectez, ou pas d’ailleurs, les éléments de fragilité ?

(…)

Dr 3 : Quand on les voit au cabinet, ce n’est pas facile.

Dr 4 : Non ce n’est pas facile.

Dr 1 : Ben moi je dirais, les intolérances médicamenteuses, je ne parle que de ça mais, je

dirais que c’est un élément…

Dr 3 : Ben il n’y a pas que ça…

Dr 1 : Qui ouvre l’histoire où l’on voit que c’est fragile. Parce que tu mets un diurétique, tu as

une hypotension orthostatique, ou une montée de l’urée, tu donnes, je ne sais pas… un

inhibiteur calcique ou un thiazidique, il tombe et se casse le col du fémur. La iatrogénie c’est

vachement important.

Dr 3 : Là, t’es technique S, après…

Dr 1 : Ben, c’est comme que l’on… Même si l’on se méfie un peu des gens âgées, c’est

comme ça que l’on a la main dessus quoi.

Dr 3 : Mais là, c’est ton boulot. Si un médecin est bien formé, normalement il ne fait pas de

conneries.

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Dr 2 : Oui, mais il y a quand même une part plus imprévisible chez la personne âgée que chez

la personne moins âgée.

Dr 3 : La fragilité, quelquefois, tu ne vas pas la voir, là. Quand tu les vois arriver chez toi, tu

te dis « ouais il est pas mal». Mais quand tu vas arriver chez eux… Tu vas voir le boui-boui

que c’est !

Dr 1 : Bien sûr.

Dr 3 : Les tas de papiers, c’est dégueulasse. Et là, tu te dis « oh pétard, je n’ai pas vu comme

ça ». Tu vois. Là, tu te dis : « c’est des gens fragiles ». Alors que quand tu les vois

pomponnés, tu ne te rends pas compte. Moi, c’est ça qui va peut-être plus me frapper. Après,

t’as des gens qui gèrent relativement bien leurs médicaments, quelqu’un qui va pas prendre

ses médicaments, tu vas rapidement le voir. Un hypertendu, s’il reste tendu, si elle reste

essoufflée, c’est qu’elle ne prend pas ses diurétiques, qu’elle décompense…

Dr 1 : Ou qu’elle se trompe de générique.

Dr 3 : Ou qu’elle se trompe de générique ou ce que tu veux ! Je ne pense pas que l’aspect

technique de la iatrogénie… bien sûr, la iatrogénie…. Mais je pense que l’on est

suffisamment bien formé à ne pas faire de conneries.

Dr 1 : Le problème, c’est que tu sais qu’à un moment, tu ne peux pas tout guérir. Tu dis « je

sais que votre cœur va pas bien, mais si tu montes les diurétiques, tu vas augmenter l’urée,

donc faut pas en faire trop. Si vous êtes sous diurétiques, je ne mets pas d’anti

inflammatoires ».

Dr 3 : Oui, mais là on est dans le domaine technique. La fragilité… un patient âgé tu sais que

tu ne vas pas lui donner… Mais ça c’est la fragilité… on sait ça !

Dr 1 : Ben oui…

Dr 3 : Ben oui, mais moi je pense pas que ma vision de la fragilité des personnes âgées, c’est

pas ça.

Dr 5 : La fragilité iatrogénique, elle est due un peu à l’isolement. Quand t’as les enfants qui

s’occupent des médicaments, c’est plus facile

Dr 3 : Bien sûr.

Dr 5 : Les personnes âgées qui ont 7-8 médicaments, tu te demandes comment elles arrivent à

gérer ça ! Il y a des jours où elles doivent en prendre 2 et des jours où elles n’en prennent

pas ! C’est pour ça que parfois t’as une décompensation cardiaque.

Dr 3 : Ah ben oui.

Dr 5 : Moi je suis très surpris que parfois t’as des gens tous seuls qui peuvent prendre leurs

médicaments.

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LL : Mais si j’entends bien les arguments, et de S. et de M., en fait, ils se mettent en posture

de dire, moi si j’observe quelqu’un qui ne supporte pas les médicaments que je lui prescris,

c’est qu’il est fragile. Ou dans un appartement en visite, où les choses sont un peu mal

organisées, je me dis que c’est un peu fragile. Est-ce que vous n’avez jamais une démarche

un peu plus formalisée ? Un peu plus proactive ?

Dr 3 : Ben c’est difficile de savoir…

PYS : Pour évaluer la fragilité.

Dr 1 : Ah non jamais moi.

LL : Ou c’est simplement ce qui frappe votre esprit, finalement. Ce que vous analysez dans ce

sens.

Dr 1 : Non, moi je ne fais jamais d’évaluation…. En général.

Dr 5 : Ben moi ce qui me fait peur, c’est la chute. Donc je focalise sur la possibilité de chute.

La marche des personnes âgées, leurs possibilités quand je les vois. Ce qui me fait peur, c’est

la chute. Un vieux qui tombe, malheureusement dans l’année qui suit, il y a beaucoup de

casse. (Plusieurs coupures de plusieurs médecins)

Dr 3 : (hausse le ton) Et sur la fragilité des personnes âgées…

Dr 5 : Faut faire un Tinetti, quoi.

Dr 3 : Je suis frappé par l’entourage, la famille qui ne perçoit pas la fragilité de leurs parents

comme toi, tu la perçois. Vous voyez ? Moi, j’ai eu un cas récemment, je vais pas rentrer dans

le détail, mais une patiente qui visiblement était incapable de se gérer toute seule, que je

voyais une fois de temps en temps, que j’appelais « mais vous êtes pas venue au rendez-vous,

qu’est-ce que c’est que ce bazar ? Vous ne prenez pas votre traitement, j’ai plus de prise de

sang… » Et je disais « faudrait dire à votre fils que je l’ai au téléphone, parce que là, il y a un

problème »… Les enfants niaient le problème. Jusqu’au jour où elle s’est cassée la figure

chez elle, la chute… Et là, elle était complètement désorientée. Mais là, qu’est-ce que tu veux

faire avec une patiente qui est fragile, tu sais qu’elle est fragile, mais tu ne peux pas l’obliger

à quitter son domicile, à…

Dr 4 : Ben oui.

Dr 3 : … à appeler l’assistante sociale. Parce que déjà tu ne sais pas quand elle va ouvrir la

porte… Ni… Les enfants, t’as pas le numéro de téléphone, la grand-mère, elle ne peut même

pas te le donner, le numéro de téléphone. Donc là, tu sais qu’elle est fragile. Mais t’as aucun

moyen pour contacter la famille, parce que t’as pas le numéro de la famille. Tu fais

comment ? Tu prends ta voiture et tu vas au domicile du fils ? Alors tu sais qu’elle est fragile,

mais c’est bien beau de dire qu’elle est fragile, tu fais comment ?

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LL : Là tu nous parles d’un cas où c’est évident qu’il y a une fragilité qui saute aux yeux.

Mais c’est toujours comme ça ? Ou des fois, il faut gratter un peu pour trouver des éléments

de fragilité ? C’est toujours une évidence la fragilité dans les faits?

Dr 1 : Ben pas toujours non, c’est vrai.

Dr 3 : Ben, tu sens venir quelques fois.

LL : Là, c’est évident, l’absence d’entourage familial, en plus, ça te fragilise toi comme

professionnel de santé. Donc, c’est évident pour toi. Il y a des situations moins évidentes,

non ?

Dr 3 : Souvent ce qui se passe, c’est que tu as une personne âgée dont l’équilibre est, je dirais,

à peu près stabilisé, et à un moment donné, alors que l’on ne l’a pas vu venir, ni nous ni la

famille, t’as un truc qui se passe, et t’as cette personne qui passe de l’autre côté. C’est-à-dire

que tu es pris au dépourvu et tu te retrouves devant une pathologie, soit neuro-dégénérative

que personne n’a vue venir, soit un problème… Et tu te retrouves dans l’impossibilité de

gérer ça…. Au niveau prise en charge, parce que t’es pris de court. C’est ça qui fait le côté

fragile. Parce que c’est subi, tu ne l’as pas vu venir. Tu ne peux pas prévoir quand c’est

comme ça. Alors que tout allait à peu près bien.

(Plusieurs personnes parlent.)

Dr 5 : Est-ce que ça ne serait pas intéressant d’avoir une sorte de diagnostic global qui soit

fait chez une personne âgée en nous disant… Qu’il y ait un kiné qui intervienne, un

orthophoniste, un ergothérapeute, une sorte de bilan un peu global, que l’on puisse avoir

assez facilement nous disant « effectivement, elle va pas mal Mme Dupont, mais, il y a quand

même des problèmes. Elle est perdue, son MMS est pas bon, elle a du mal quand même à

faire 3 pas, elle est déséquilibré, vous devriez faire attention à ceci à cela… » Moi je trouve

que c’est ça qui nous… moi je trouve que l’on est très désemparé en ville.

Dr 3 : On est tous seul.

Dr 5 : Parce qu’on n’a pas une structure afin de recevoir les gens sans avoir à téléphoner une

demi-heure...

Dr 3 : Ah ouais, c’est l’enfer.

Dr 5 : … qui puisse faire une visite un peu globale de la personne âgée en disant : « bon, y a

ça qui va pas, y a ça qui ne va pas… »

LL : OK mais là t’anticipes un petit peu

Dr 5 : Ben ouais mais…

LL : Non, non mais c’est très important. Mais je voudrais te relancer sur ce que tu disais tout

à l’heure, que tu t’intéressais beaucoup au risque de chute. Est-ce que tu évalues le risque de

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chute ou est-ce que simplement tu attends que la personne ait chuté ?

Dr 5 : Ben, je fais un petit test qui s’appelle le Tinetti, tu les fais lever, tu leur fais faire le tour

de la chaise et tu les fais se rasseoir, en 30 secondes, tu peux voir si ils vont se casser la

gueule ou pas.

LL : OK donc ça, c’est un exemple d’une méthode d’évaluation d’un élément de fragilité.

Est-ce que certains parmi vous utilisent ou connaissent d’autres éléments complémentaires à

ça ? Sur d’autres aspects de la fragilité ? Des outils, des tests objectifs ?

Dr 5 : Ben NF albumine, tu vois s’ils mangent…

Dr 1 : Ouais protéinémie, oui.

Dr 5 : Si t’as une albumine et des lymphocytes effondrés, tu te dis « tiens, il a des problèmes

alimentaires, il ne mange pas bien ». Perte de poids ...

(…)

Dr 5 : Tu peux peser.

Dr 4 : Ouais, déjà ça ne coûte pas cher.

Dr 3 : Mais t’as encore des papis et des mamies qui ne sont jamais examinés, ils ne sont

jamais pesés !

Dr 5 : C’est difficile parfois à domicile, parce qu’il n’y a pas de balance !

Dr 3 : Oui, mais au cabinet…

Dr 5 : Les personnes âgées fragiles, par définition, tu ne les vois pas beaucoup au cabinet.

S’ils viennent à ton cabinet tous seuls, tu peux estimer qu’ils ne sont pas fragiles.

Dr 1 : ça dépend.

Dr 5 : Parce qu’ils ont pris un rendez-vous, ils s’en rappellent… (Rire) A moins que ce soit la

fille qui les accompagne. (Plusieurs personnes parlent en même temps) Ils arrivent à venir

chez toi à pied, c’est déjà pas mal ! Donc à partir du moment où ils arrivent à venir chez toi,

ils s’en rappellent, sans se casser la gueule et tout ça. Moi, j’estime qu’ils ne sont pas

vraiment fragiles ceux-là… Ils ont des pathologies…

Dr 1 : Ils peuvent être fragiles quand même !

Dr 5 : Oui mais…

Dr 4 : Enfin, ça dépend du niveau de fragilité que l’on veut…

Dr 5 : Enfin, c’est assez gérable quand même.

Dr 1 : Oui quand même…

Dr 5 : Ce n’est pas de la grosse fragilité. (Plusieurs personnes parlent) Si elle fait une

pneumopathie, elle va décompenser très rapidement sa BPCO et y rester. Ça, c’est des

événements, enfin des événements intercurrents qu’on ne peut pas… enfin des événements

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aigus comme ça par définition, on ne peut pas les prévenir. Donc à domicile… C’est surtout à

domicile qu’il faut évaluer. La fragilité. Quand ils nous font venir chez eux, c’est qu’ils ne

sont pas capables de venir chez toi en général…

Dr 3 : Là ils ne sont plus fragiles, ils sont déjà très fragiles.

(Plusieurs parlent en même temps)

LL : Alors, les test dont vous parlez, par exemple le test de …

Dr 5 : Tinetti.

LL: Tinetti, ou la mesure de l’albumine… Chez qui vous le faites ? P, il dit : « moi c’est plutôt

pour les patients que je vois en visite », peut-être de façon, euh, peu systématique…

Dr 1 : Moi, j’en fais aucun moi.

LL : Et les autres, parmi vous, à qui vous appliquez ces critères de détection ?

Dr 3 : Ben, ça fait partie du bilan standard.

LL : Mais à partir de quel âge, chez quel genre de…

Dr 3 : Je suis assez empirique.

Dr 5 : Tu fais si tu vas chez eux et que tu vois s’ils marchent, s’ils vont se casser la gueule,

est- ce qu’ils ont une hypo tension orthostatique…

Dr 1 : Je ne fais pas d’évaluation, moi.

Dr 5 : Ah ben, t’as bien fais une NF une fois dans leur vie !

Dr 1 : Si je vois qu’ils ont maigri, je fais une protéinémie, je le fais pas systématiquement. Je

ne fais rien de systématique à priori.

(…)

LL : Et toi J, tu fais quelque chose de systématique ?

Dr 2 : Non, enfin je crois que le systématique, il commence par tout examen, c’est-à-dire…

Dr 3 : … l’interrogatoire, l’examen clinique…

Dr 2 : … les voir, mesurer la TA couché debout, effectivement le poids, les troubles

rythmiques et cardiaques éventuellement, et puis la physiologie essentiellement rénale, parce

que s’ils décompensent très vite, c’est un signe de fragilité. Moi, je dirai qu’il y a un élément

aussi, c’est l’accumulation des événements, même minuscules qui fait que au total, ils

deviennent très fragiles. N’importe qui peut résister à un événement mais, quand t’en

accumule 1, 2, 3, 4 c’est là qu’ils deviennent fragiles. Donc je pense que ça serait bien de

faire une grille avec… le poids, la tension, la fonction rénale et puis le nombre d’événements

survenus dans l’année et tout d’un coup tu vas voir alors qu’ils n’en avaient pas durant

l’année, tout d’un coup ils en ont 3, 4 rapidement… je parle d’événement…

LL : Qu’est-ce que tu appelles événement ?

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Dr 2 : Ben, un événement médical majeur, ça peut être la chute, une intoxication, une anémie

la présence anormale d’un… enfin un résultat anormal auquel tu ne t’attendais pas. Et

justement c’est ça, le problème de la personne âgée, c’est quelque chose que tu n’attendais

pas. Tu ne peux pas tout prévoir, tu sais très bien qu’ils sont par définition fragiles. Et tu sais

que celui qui sera fragile par rapport à l’autre, c’est celui qui aura déclenché des œdèmes des

membres inférieurs, des gonflements, une incapacité de se faire à manger…

L : C’est des signaux un peu divers et variés…

Dr 2 : Tout ça, on pourrait le classifier. Je pense que c’est faisable. Ça serait bien de le rentrer

dans un canevas.

LL : Ca va au-delà de la simple liste des comorbidités, en fait.

Dr 2 : Ah oui, bien sûr. Nous, on est quand même médecins avant tout. La voisine, elle peut

dire qu’elle est fragile parce que ça fait 3 fois qu’on l’envoie à l’hôpital. Mais toi, tu sais

qu’elle est fragile parce qu’elle a un anévrisme, parce ce qu’elle a quelque chose qui marche

plus…. Je veux dire, t’es un cran au-dessus.

(…)

Dr 5 : Est-ce que parfois, vous vous intéressez à leurs activités générales ?

Dr 2 : Oui, bien sûr !

Dr 5 : Leur capacité à faire des mots croisés ? A…

Dr 1 : Oui, très régulièrement.

Dr 5 : Parce que ça, c’est un critère important. Parce que quand tu sens qu’elles commencent

à n’avoir plus aucune activité… intellectuelle…

Dr 3 : C’est un déclin cognitif quand même.

Dr 5 : C’est un critère quand même. La fragilité cognitive pour moi, c’est la fragilité la plus

importante… Autrement, tu vas en Ehpad ! Tu ne vas pas en Ehpad si dans ta tête t’es

correctement équilibré. C’est une fragilité très importante chez la personne âgée, la

dégradation cognitive. (Beaucoup approuvent) Non parce que je fais beaucoup de ça, mais il

me semble que c’est ce qu’il y a de plus dangereux chez une personne âgée, c’est de savoir si

elle peut s’assumer toute seule. Si elle est capable de s’assumer, on peut assumer sa TA, son

diabète… Si elle n’est pas capable de s’assumer cognitivement, elle est incapable de

s’assumer physiologiquement (Les autres médecins approuvent).

Dr 4 : On se rapproche de la grille AGGIR.

Dr 5 : C’est le moteur de la voiture quand même. C’est la tête.

Dr 3 : Fait seul, fait pas seul, fait à moitié.

Dr 4 : C’est la grille AGGIR.

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Dr 5 : Ouais, mais c’est important.

Dr 2 : Suit le traitement, suit l’ordonnance.

Dr 1 : Et surtout, les gens qui n’ont aucune activité…

Dr 4 : Oui, mais cette grille AGGIR, elle vient après, tu la fais pas, toi.

Dr 2 : On pourrait la faire avant.

Dr 4 : Oui, mais tu la fais pas toi. Les enfants t’amènent cette grille et t’es obligé de la faire

soit à domicile et encore si c’est possible, sinon ils t’amènent le papier et c’est à toi de la faire

quand t’as pas la personne.

Dr 3 : A moi, je refuse. (2 approuvent)

Dr 5 : Mais t’as raison, la grille AGGIR, c’est un bon critère de fragilité des personnes âgées.

Dr 3 : Faut la faire avant.

Dr 4 :Savoir si elle fait sa toilette, si elle s’habille, si elle…

Dr 5 : Et qu’on devrait faire plus souvent, si ce n’est dans sa tête, sans la remplir.

Dr 3 : Oui ben sans la remplir…

LL : Vous pouvez donner un élément récent d’élément de fragilité que vous avez dépisté chez

une de vos personnes âgées ?

Dr 4 :Dépister ?

LL : Ben détecter, ou repérer, qui vous est apparue….

Dr 4 : Ben, on est pris au pied du mur. Moi la dernière que j’ai eu, j’y ai passé une heure.

Parce qu’elle avait fait 3 chutes, elle est allée à l’hôpital, ils l’ont remballée parce qu’elle

allait bien, il y a avait pas de fracture, et puis il fallait qu’elle s’assume alors qu’elle ne

pouvait pas marcher... Alors je l’ai vue chez sa sœur, je ne la connaissais pas. Il a fallu que je

vois tous les bilans qu’elle avait eu, elle me dit : « elle ne peut pas rester comme ça. Il faut

l’hospitaliser ». Je pouvais pas l’hospitaliser n’importe où, il fallait une évaluation

gériatrique, parce que l’urgence, même pas la peine… J’ai appelé G. A. qui m’a dit « écoute,

ton secteur, c’est les Charpennes ». Charpennes, j’ai passé un fax, j’ai… j’ai pas obtenu…

Dr 1 : Ça ne marche jamais, ça…

Dr 4 : Au bout du compte, je n’ai pas eu de réponse des Charpennes. C’est quand même G.A.

qui l’a pris parce que je le connais, et qu’il m’a dit « je te la prendrai si Charpennes ne peut

pas »… Et tout ça pour des chutes et que personne n’a voulu s’en occuper. Personne n’a

voulu s’en occuper. Une dame pas vieille, 75 ans.

LL : Et c’était une urgence, la situation ou pas tout à fait ?

Dr 4 : Non, a non non. C’était de la prévention. Elle avait chuté 3 fois, tassements vertébraux

il y a 3 mois et ça s’est dégradé et personne n’a rien fait.

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LL : Il y a d’autres exemples ?

Dr 1 : Je cherche

Dr 4 : Et ça c’est typique de la traumatologie de la personne âgée. Dès qu’il n’y a pas de

fracture, de prise en charge d’urgence, bingo, retour à domicile.

Dr 1 : Bien réaliser la fragilité, c’est justement quand les gens vivent seuls, ça va bien, on est

à domicile, autonomie satisfaisante. Et un jour, il y a une chute ou autre chose...

Dr 3 : et tout part en vrille

Dr 1 : A l’hôpital ils disent, bon vous n’avez rien, rentrez chez vous, et elle peut plus rien

faire. Moi j’ai une histoire pareille, elle revient de l’hôpital, elle est tombée, elle s’est fait

mal, elle n’a rien. Mais par contre elle ne peut plus bouger de chez elle. Son mari est mort il y

a 2 ans, elle a une sœur à Saint Étienne, qui n’habite donc pas là. Et l’hôpital ils la renvoient.

Elle m’appelle le lendemain et me dit « ben qu’est ce qu’on fait ? », ben on la ré hospitalise.

Elle est incapable de gérer quoique ce soit, elle peut pas faire ses courses, elle n’a personne…

Dr 3 : Le problème c’est que t’as pas de structure…

LL : Donc il y a une incapacité physique et d’autres éléments….

Dr 1 : Elle, elle était épileptique et traitée. On avait déjà alléger son traitement mais elle

restait assez ralentie par ça. Elle avait comme seule act…. Par contre elle lisait, donc

intellectuellement ça peut aller. Elle faisait une fois par semaine du patch work avec des amis.

Donc elle n’était pas complètement isolée. Mais à la suite d’un accident… Et après ils

m’avaient dit qu’il fallait qu’elle voit en plus un cardiologue pour un problème de rythme

cardiaque. Et là, elle était incapable de prendre un rendez vous. Après ça elle pouvait pas.

Donc j’en ai parlé à sa sœur, et lui ait dit « c’est clair que si vous partez, on peut pas la

laisser ». Donc je l’ai fait rehospitalisée par les urgences. Moi j’essaie même plus par les

charpennes, ni rien. Je leur explique à la famille… Au début je passais des heures à

téléphoner. Ils me disaient « on a pas de places, on les réserve pour les urgences ». Alors bon

ben, je les envoie aux urgences et le lendemain ils sont de nouveau aux charpennes.

Dr 4 : Et ils ont pourtant ouvert un certain service, une consultation de jour pour l’’évaluation

gériatrique, pour les chutes.

Dr 1 :Oui, et j’ai vu que la sécu faisait des évaluations des chutes régulièrement.

Dr 5 : Donc moi c’est pareil, j’avais une personne âgée que je suivais à domicile qui allait

bien. BPCO classique, tout ça, infection pulmonaire. Je la traite, pneumopathie, ça va bien.

Bon résultat clinique, mais dégradation très très rapide de ses capacités alimentaires, de ses

capacités cognitives, ça ( ?) à côté. Donc elle m’appelle, ça va moins bien. J’essaie de lui

donner du clinutren, sa nièce vient la faire manger. J’essaie pareil, d’avoir une hospitalisation

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aux Charpennes… Aux Charmettes, oui on vous rappelle dans la journée, on va la prendre…

Une semaine après elle mange plus rien… Hospitalisation aux urgences, le lendemain elle est

aux Charpennes..

Dr 1 : Hum hum comme ça.

Dr 5 : Et là décompensation très importante, modification de son milieu, hôpital… ploum

ploum ploum…. Maintenant elle est presque grabataire. Bon elle est revenue à la maison avec

les aides, l’infirmière, tout ça l’auxiliaire médicale… Mais ça va durer 3 - 4 mois, elle

tiendra pas plus. Elle est incapable de s’assumer toute seule. Comme tu disais c’est un petit

machin, un équilibre, l’équilibre qui est fragile.

Dr 1 : Voila .

Dr 4 : Bien sur .

Dr 5 : Un truc, une chute, une pneumopathie, tout tombe, c’est la chute brutale. Avec

probablement, aussi, de leur part un « lâcher prise », un syndrome post chute typique, un

glissement « mon mari est mort… », elle veut plus s’accrocher avec ses petits bras, donc elle

tombe. ( Dr 1 acquiesce tout du long)

Dr 1 : Au fond dans ton histoire t’as trop attendu pour l’hospitaliser. (rire)

Dr 5 : Non non moi ils ont été très gentils… j’ai attendu 3 semaines avant de l’hospitaliser.

Parce que j’aime pas les envoyer aux urgences. J’attends toujours un peu l’espoir d’avoir une

entrée directe. C’est leur absence de capacité à s’accrocher, parce qu’ils ont pas envie de

s’accrocher et puis qu’ils ont envie de glisser, post chute ou syndrome de glissement. Et ça

c’est sur que tu peux pas trop l’évaluer cette fragilité, puisqu’ils vont bien jusqu’au jour où ils

prennent un coup sur la tête..

Dr 1 : Oui oui, un événement.

Dr 3 : C’est pas facile de dire qu’ils sont fragile.

Dr 5 : C’est pas prévisible, c’est pas prévisible. Tu sais que ça va arriver, parce que ça arrive à

tous les vieux. Ton père il allait bien , il s’est cassé le col du fémur, il va moins bien

maintenant. (s’adresse au Dr 2)

Dr 2 : A ben il va moins bien maintenant. C’est sûr.

Dr 5 : A lors qu’il n’était pas… qu’ils n’était pas fragile. (insiste sur le mot)

Dr 2 : A non, il conduisait sa voiture.. ; Je pense qu’il ne la conduira plus là, c’est sûr.

Dr 5 : Donc c’est un gros choc psychologique pour lui.

Dr 2 : A totalement.

Dr 5 de ne plus conduire sa voiture, même s’il est capable de marcher et qu’il a toute sa tête.

S’il ne peut plus conduire…. Il en prend un coup derrière la carafe ?

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(…)

LL : La difficulté c’est de dire si ta patiente elle était fragile seulement après ta

pneumopathie ou…

Dr 1 : Non elle l’était avant.

Dr 3 : Et c’est difficile.

Dr 5 : Fragile équilibrée.

Et c’est plus facile de le repérer après ?

Dr 1 : Voila, avant ça se voyait pas.

Dr 3 : Eh oh, tu peux pas faire mieux…

Dr 5 : Je savais qu’elle était fragile ! C’est une petite bonne femme de 50 kg, BPCO, tu sais

très bien… qui a 88 ans, qui est toute seule… tu sais très bien qu’elle est fragile parce qu’il va

y avoir un événement, quelque chose qui lui tombe sur la tête, elle se redressera pas. Mais est

ce que c’est quantifiable ? en disant est ce qu’elle a une fragilité à 7/10, une fragilité à 5/10, je

suis incapable de te le dire. Je sais qu’elle est fragile. Elle est moins fragile que l’autre qui…

Dr 3 : Et c’est trucs, ça les poussent vers la sortie, tu vois ce que je veux dire ? un petit truc de

ci, ça les fais avancer vers la sortie, et un nouveau truc et hop. Donc ils sont chaque fois un

petit peu plus fragiles.

Dr 5 : Parce que c’est quantifiable la fragilité ? Tu sens que c’est fragile.

(….)

LL : Ouais donc c’est l’idée que c’est pas binaire la fragilité t’es plus ou moins fragile.

Dr 3 -5-1 acquiescent.

C’est relatif.

Dr 5 C’est comme la médecine.

Dr 1 C’est aléatoire, si t’as rien qui arrive, tu t’en rends pas compte.

Dr 3 A cet age la, il suffit d’un rien.

LL :Vous avez d’autres exemples ? Expériences ?

Dr 4 : De fragilité ? cette après midi j’en ai eu un. Il fallait que j’aille à domicile. Ma femme a

dit « non il peut pas, il a trop de travail ». Les enfants me l’ont amené, à deux, le fils et la

fille. La fille lui fait à bouffer. Il n’a a pas de repas par le CCAS ou autre. Il avait une BPCO,

néo… des polypes vésicaux multi opérés, carcinome et compagnie… Cardiopathie… sur le

plan des comorbidités. Et il venait, il était…. Et puis une ostéonécrose de la tête fémorale… il

avait été opéré. Enfin je passe. Il venait parce qu’il était essoufflé, ça faisait quelques temps

qu’il commençait à être essoufflé. On l’a vu ensemble (parle de son interne présent à ses

côtés), il était pas bien, moi je l’ai vu il était pas bien, on commence à examiner, il a du mal à

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se défaire, il mange sans… enfin il mange sans plus… on l’ausculte, il y avait un poumon qui

respirait pas. Il était pas fébrile, il prenait bien son symbicort, son spiriva et tout ce que tu

veux. Il est surveillé par l’infirmière, par ses enfants et autres. Et puis il y a ce type, s’il y

avait pas ses enfants, jamais il pourra rester comme ça tout seul, veuf. ET bien là, j’ai fait une

radio pulm.. et puis à partir de là il voulait des aérosols. Parce que chaque fois que je lui fais

des aérosols il est mieux. Évidemment, mais là le diagnostique c’était pas la la BPCO. Il avait

quoi ?

Interne : Un hydropneumothorax.

Dr 4 : Avec comblement de la base droite, tout ça. J’ai contacté Desgenettes.

Dr 1 : Au Tonkin il n’y a pas de pneumologue

(plusieurs parlent sur les pneumologues du tonkin)

Dr 3 : Au Tonkin ils m’ont dit « non on peut pas ». Ils l’ont vu à Desgenettes avec la radio

pulm, et la lettre je l’avais faite pour le Tonkin. Mais sans les enfants, pas possible de le tenir

à la maison.

Dr 1 : Hum hum.

Dr 4 : Pas possible de gérer ça. C’est impossible. Sans les enfants, tu te sens seul, t’es foutu,

t’es perdu. Moi et puis la personne malade. On est complètement perdus.

Dr 1 : Moi il me revient un exemple, un monsieur que je suis depuis longtemps, que je

connais bien depuis le temps. Et qui était plutôt bien pour son age jusqu’à maintenant. On a

introduit un traitement pour la tension il y a 2 ans, on a trouvé un anévrisme aortique. Il me

téléphone juste avant Noël, il avait un serrement dans la poitrine, dès qu’il bougeait ça faisait

de plus en plus mal, ça irradiait là voilà… Je lui dis, « écoutez, ne venez pas, allez aux

urgences du Tonkin ». Ils l’ont pris en urgence, il avait un infarctus, ils l’ont débouché. Après

il ressort avec son Duoplavin etc etc… Une semaine après, je l’avais pas revu, il m’appelle et

me dit qu’il est épuisé, qu’il a la tête qui tourne, qu’il a la diarrhée… Je lui dit « les selles

sont de quelle couleur » « noires ». Ah, retournez au Tonkin, pour une hémorragie ulcéreuse,

et arrêtez le duoplavin tout de suite. Après je l’ai revu, mais il a pris un sacré coup. Après il a

même fait une espèce de bronchite, mais comme il avait des BNP à 20 000 je l’ai renvoyé en

urgence au Tonkin. La cardiologue a dit que c’était la grippe. Enfin quand je l’ai vu moi j’ai

rajouté des diurétiques et ça a été beaucoup mieux. (rires)

LL : Il avait des BNP à 20 000 c’est ça ?

Dr 1 : Le cardiologue a dit qu’il avait une infection. Enfin je veux bien que c’est la grippe,

mais enfin… Donc tu vois l’enchaînement, la cascade, mis sous anticoagulant et l’hémorragie

ulcéreuse. Il a été opéré, son truc a ressaigné une deuxième fois, après il a un truc infectieux,

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ça décompense au niveau cardiaque. Pff, plus rien ne tient. Alors il est retourné chez son

ancienne femme. Parce qu’il vivait tout seul, il ne pouvait plus . Enfin c’est sa femme qui a

remis le grappin dessus.

Dr 3 : (Baille) Ah il n’y aura plus de jeunes généralistes.. Faut pas leur dire tout ça….

PYS : Moi je peux juste intervenir ? Le seul truc qui est assez consensuel parmi vous, c’est

que l’état fragile, systématiquement on le découvre au décours d’une décompensation. Il y a

un état aiguë qui vient pour basculer..

Dr 1 : Voila c’est le corollaire du fait que l’on ne fait pas de dépistage.

Dr3 :Vu leur âge et leurs pathos, on sait qu’ils sont fragiles. Qu’il va y avoir à un moment

donné, une pathologie, un truc va survenir, et va les aggraver.

Dr 4 : Tu peux pas hospitaliser tout le monde, tu peux mettre tout le monde en EHPAD. Donc

cette fragilité elle est là.

(parlent en même temps)

Dr 3 : Elle est là, on est tous, on s’attend à un moment donné.

Dr 2 : Elle est latente, elle est larvée.

Dr 3 : Un jour ça pète.

Dr 4 : T’as beau donné des traitements, ça reste toujours un équilibre précaire. Effectivement

t’auras un p’tit truc ou… ça suffit.

Dr 3 : P’tit truc ou un gros truc....

PYS : Et la plupart du temps vous en êtes conscient à l’avance. C’est des patients que vous

avez déjà un peu identifié instinctivement ?

Dr 1 : Oui.

Dr 2 : Pas toujours. Non non… parfois on est surpris.

Dr 1 : Même si on sait qu’à 80 ans il va leur arriver quelque chose un jour. On dit « celui là, il

va plutôt bien et puis voila ». Mais comme on n’est pas formalisé en fait….

Dr 3 : (au dr2) Toi t’es surpris qu’il leur arrive des trucs ?

Dr 2 : Ben certains oui. Certains on se dit qu’ils vont tenir jusqu’au bout, puis ils s’effondrent

pour un événement deux, trois, quatre…C’est la répétition des événements, ils augmentent les

consultations..

Dr 3 : A quand même, quand tu as une mamie de 92 ans qui pète le feu qui est légèrement

hypertendue, qu’est ce que tu veux qui lui arrive ? Mise à part de se casser la gueule, se

fracture le fémur, une embolie pulmonaire… Il peut pas lui arriver grand-chose.

(plusieurs acquiescent)

Dr 3 : Après t’as des mamies, tu sais très bien… elle est diabétique, insuffisante cardiaque,

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elle a de l’angor. Tu sais très bien que s’il lui arrive le moindre petit pépin, ça va tourner au

vinaigre.

Dr 2 : Oui mais tu as toujours de défis de la nature. Tu les crois fragiles… et puis

Mais si on reprend les cas que vous avez cités…

Dr 3 : Tu as toujours une exception.

LL : La dame des 3 chutes, avant qu’elle ne fasse ses 3 chutes elle était déjà fragile ou ….

Dr 4 : Sûrement sauf que les médecins..

Dr 3 : Oh je pense que son médecin s’en doutait

Plusieurs parlent en même temps

Dr 2 : La plupart du temps, on n’est pas nuls

LL : Tu la connaissait pas c’est pas grave . Ou la personne qui a fait sa pneumopathie, avant

qu’elle fasse sa pneumopathie, elle était fragile ?

Dr 5 : Oh je ne la considérerait pas comme fragile. Mais comme âgé. Je me doutais bien que

s’il lui arrivait quelque chose de grave, ça ferait… elle a déjà fait un infarctus il y a quelques

années, elle aurait une décompensation brutale. C’est difficile une définition de la fragilité de

la personne âgée. Ils sont tous fragile

Dr 4 : Agé égale fragile ? je ne suis pas

Dr 5 : Est ce qu’on peut prévoir à l’avance

Dr 4 : Ca pourrait être ça mais

Dr3 : Je suis pas sur.

LL : C’est aussi le prolongement de la question de PY, est ce qu’on peut les repérer avant la

décompensation ou bien,

Dr 1 : Pas vraiment.

Dr 5 :il faut être rétrospectif.

Dr 1 : Ouais toujours

LL : Toi, ta patiente qui a fait l’infarctus, c’est plus facile à dire après qu’avant

Dr 5 : Qu’est ce que ça nous apporterait de détecter de façon précoce ? Quand ça nous amène

quelque chose de positif….

LL : Bon on va prendre la question sur les éléments que vous avez affichés plus tôt. Par

exemple, tu dis que tu fais des tests pour la marche. Quand tu détectes une anomalie, que

fais-tu.

Dr 5 : Kiné. Kiné. Tu les entraînes.

OK

Dr 1 : Là ça débouche sur quelque chose.

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LL : Alors si on prend les autres éléments. Par exemple les éléments de dénutrition que

certains ont cité.

Dr 1 : On les gave. (rire)

LL : Donc si vous repérez un amaigrissement , une hypoalbuminémie...

Dr 1 : On leur donne du, comment ça s’appelle, du clinutren.

(éclat de voix et débat court sur les produits)

Dr 1 : ils ont la diarrhée après…

Dr 2 : Fortimel et autres.

Dr 4 : Vous avez la réponse classique du symptôme, du médicament au symptôme.

Dr 2 : Tu fais passer les repas, le portage des repas.

Dr 4 : Oui c’est ça.

Dr 1 : Tu sais que j’ai des patients qui sont pas âgés qui m’ont réclamé du renutryl, comme ça

ils ont pas à s’acheter à manger.

(quelques exclamations)

Dr 5 : Si on sent qu’ils sont fragiles, est ce qu’on se rapproche un peu plus des enfants « ça va

pas bien votre mère ou votre père , j’aimerai bien que vous passiez un peu plus et que vous

me teniez au courant ».

Dr 1 : hum, on a souvent les enfants soit disant à proximité, qui nous disent « vous

comprenez, moi, j’ai pas que ça à faire, j’y passe déjà pour ci et ça, faites la donc

hospitaliser ».

Dr 4 : Ben la dernière qu’on a eu (s’adresse à son interne), on a appelé les enfants, la patiente

hospitalisée à Desgesnette

Dr 3 : Ils en ont rien eu à foutre….

Dr 4 : Il y en avait un Chalon, l’autre au travail. Il n’était pas joignable. Ça nous a pris du

temps. Elle, elle est fragile pourquoi ? Elle a 92 ans, elle est veuve, elle a un asthme avec de

l’emphysème, elle décompense par des infections que tu peux pas dépister car elle n’est pas

fébrile. Enfin c’est difficile à dépister. Tu vois très bien qu’elle va pas, parce qu’elle te le dit.

Et il faut la croire. Et ça débouche sur une prise en charge globale, par l’hospitalisation parce

qu’on ne peut pas faire autrement, puis après elle revient. Mais pour combien de temps ?

Cette femme, elle est fragile parce que le grand âge. On est vraiment dans le grand âge. Elle

s’assume, elle mange seule, elle fait sa bouffe seule, elle est autonomme… Mais fragilité

parce que grand âge, et puis elle a des pathologies qui évoluent aussi. Et, tu… ben… tu as

beau avoir des traitements, elle est sous aérosols en permanence, elle est fragile par

définition, liée à sa pathologie.

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Dr 1 : Moi je vais vous dire un autre truc, on a des familles qui sont trop protectrices. Ils nous

disent « il faut pas qu’il fasse ses courses, il faut pas qu’il fasse le ménage, il leur faut une

aide ménagère… ». Leur vieux, il faudrait qu’il soit assis sur une chaise toute la journée, du

matin au soir. Mais la ça les fait mourir rapidement, ça. Mais ça, ils ne peuvent pas

l’entendre. Et finalement je me dis qu’il faudrait qu’ils aient des aides pour tout. Mais ça, ça

les tue ! Et ça ils ne peuvent pas comprendre. C’est bizarre, mais ils ne comprennent pas.

C’est souvent que j’ai ce cas de figure. Même des fois ils me téléphonent avant une

consultation « surtout, dites-lui bien de ne pas aller faire les courses, il risque de tomber ! ».

Ben, bien sur qu’il risque de tomber, mais on ne va pas les attacher chez eux. Mais soit disant,

c’est des enfants aimants ça.

Dr 2 : Ils sont protecteurs.

LL : Alors un autre élément, P, tu disais que les troubles cognitifs c’était un des éléments les

plus déterminants, qui déterminait les autres facteurs de fragilité. Si tu repères un déficit

cognitifs, quelles solutions tu peux proposer ?

Dr 3 : Tu l’adresses pour un bilan déjà.

Dr 1 : Aux Charpennes.

Dr 5 : Mais ça débouche pas sur grand-chose, il n’y a pas de thérapeutique.

Dr 1:Faut une place en hôpital de jour.

Dr 5 : Le bilan ça permet de botter en touche, après ils se retrouvent en hôpital de jour une

fois par semaine, et ils sont occupés. Ça n’a pas un gros impact au niveau cognitif, toutes ces

thérapies.

Dr 4 : Quand ils peuvent nous les prendre en hôpital de jour.

Dr 5 : Je dirai que ça permet de sensibiliser la famille en disant qu’il y a un problème là. Ça

va pas pouvoir durer éternellement. Il va falloir que vous envisagiez peut être un jour qu’elle

rentre dans un foyer logement. Elle peut pas…. Prévention au niveau familiale. Au niveau

thérapeutique, moi j’ai rien à proposer.

Dr 1 : Et sur le plan pratique, ça a un gros intérêt qu’ils aient eu un bilan aux Charpennes ou

ailleurs, c’est que quand ils ont une décompensation ils te la prennent. Alors que ceux qu’ils

ne connaissent pas, ils te les prennent pas (rire).

(…)

Dr 5 : C’est la fragilité des médecins, tu vois… comment se débrouiller.

(…)

LL : Est-ce qu’il vous vient d’autres interventions que l’on peut faire autour de la fragilité,

en réponse à une situation de fragilité.

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(..)

Dr 4 : Ben moi je pense que quand il y a eu un déclic, que l’on a mis le doigt sur la fragilité,

quelque soit la cause. Il faut mettre en route, il faut pas mal d’aide, dont ces dossiers que l’on

nous fait remplir avec qu’est ce qui a besoin, aides ménagères, kiné, infirmières,

orthophonistes, toutes les choses que l’on peut mettre en place. Mais c’est vrai qu’en amont,

on ne le fait pas, parce qu’on fait plein de choses, on n’a pas les moyens d’appeler l’assistante

sociale, de faire des tas de trucs, c’est pas possible.

Dr 3 : C’est l’enfer.

Dr 4 : Et puis c’est impossible, c’est chronophage.

Dr 1 : Quand t’as un peu de temps et que t’appelles, tous les bureaux sont fermés, avant 9h il

n’y a personne, après 5 h il n’y a personne...

Dr 4 : Tu peux pas, tu dois pratiquement attendre que cette fragilité se mette en place de façon

consciente au niveau de la famille, pour que tout le monde en prennent conscience. Mais à

dire en amont, c’est vachement dur.

PYS : Mais qu’est ce qui vous limite dans la prise en charge en amont ?

Dr 4 : Eh bien ça va être...

Dr 5 : Le temps.

Dr 4 : Le temps.

Dr 1 : De savoir à quoi ça va servir.

Dr 3 : On peut pas tout faire.

Dr 4 : C’est des notions qui.. Ben si en amont, tu peux bien faire du kiné comme dit P, parce

qu’il a des difficultés à marcher, qu’il est tombé tu fais bien faire des choses comme ça…

Mais …. C’est vraiment… peu de chose. C’est « peanuts ». Ben je ne sais pas ce que vous en

pensez, mais vous avez tous fait du kiné chez une mamie qui avait du mal… mais à un

moment donné ça ce suffit pas.

Dr 1 : Quand les séances sont finies, on arrête.

Dr 5 : A ben ça l’empêchera pas de tomber, mais ça peut retarder un petit peu, il lui apprendra

peut être à se relever déjà. Le problème c’est de trouver un kiné qui veuille bien aller à

domicile.

(Dr 1 et 4 approuvent)

LL : Il y a d’autres intervenants paramédicaux ? qui peuvent jouer un rôle autour de la

fragilité ? vous avez cité les kinés…

Dr 4 : Moi je trouve que les infirmières, vont vachement de boulot, elles nous téléphonent

souvent, pour nous interpeller…

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(Dr 1 et 5 approuvent)

Dr 1 : Et puis ça fait des passages tous les jours.

Dr 5 : Elles sont consciencieuses.

Dr 4 : Je vous cite aujourd’hui…

Dr 3 : Bon après t’as des réseaux comme « comard’homme », qui gèrent un petit peu.

Dr 4 : J’avais un message sur mon téléphone ce matin. J’ai pas eu le temps de le voir. Et puis

je rentre à la maison, en fait elle avait foutu un truc sur internet. Mais je ne pouvais pas le

prendre au cabinet, car la connexion ne se faisait pas. J’étais emmerdé. Et j’arrive à la

maison, j’ouvre internet et je vois une photo, prise de photo par l’infirmière. Une patiente que

j’ai fait opéré en 90 d’un anévrisme de l’aorte ascendante. Elle a maigrie, parce qu’elle a fait..

elle vieille hein, 92 ans… et elle a maigri, car elle a fait une angiocholite depuis. On lui a

enlevé 3 calculs par voix biliaire. Et elle a maigri. Ces agrafes qui étaient là, sous le sternum,

étaient proéminente, et elles ont percées. C’est-à-dire qu’il y avait du pus et sur la photo, on

voyait l’agrafe qui avait percé. Elle me dit « est ce qu’on peut aller voir le chirurgien ? ». Le

chirurgien m’a dit traverse, j’ai pas compris pourquoi, pour qu’il puisse faire ce qu’il faut. Et

bien cette infirmière… Je l’ai rappelée à 2 heures, parce que j’ai pas pu avant. elle m’a dit

c’est comme ci comme ça comme ça, vous êtes d’accord ? J’ai dis oui. mais on n’a pas les

antécédents de cette femme. J’ai fait tout un truc, enfin j’ai fais faire par M (sa secrétaire),

parce que moi je pouvais pas, j’ai pas internet. Cette infirmière a pris…

Dr 3 : T’as gagné du temps.

Dr 4 : La peine de faire des photos, de me les mettre par mail… Ben chapeau ! Mais c’est pas

souvent. Enfin si, c’est souvent qu’elles téléphonent tout ça…

Dr 2 : Il faut utiliser les moyens modernes….

Dr 4 : Mais organiser pour qu’elle soit vu dans les jours à venir. C’est une fragilité qui n’est

pas vitale, cruciale, mais malgré tout elle souffre, elle a mal, hein.

(…)

Dr 5 : Oui ben, infirmière, kiné, portage des repas, aide ménagère à domicile….

Dr 4 : Combien de fois des aides ménagères viennent, accompagnent la personne âgée pour

nous voir en consultation. Moi j’en ai plein. Elle peuvent pas venir sinon.

Dr 1: Ou les auxiliaires de vie.

(Plusieurs approuvent)

Dr 2 : Enfin, c’est pas pareil. De temps en temps il y en a une qui refuse…

LL : Et les assistantes sociale ?

Dr 4 : Ca c’est un travail en amont, ça tous ces paramédicaux quand même

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Dr 3- 5 : On les voit jamais, je saurais même pas où…

Dr 1 : j’en ai qui m’appellent pour les cas psychiatriques de temps en temps, les tutelles qui

t’appellent des fois.

Dr 5 : Non mais est ce que tu as déjà appelé l’assistante sociale ? En disant...

Dr 1 : Non quand moi elles me demandent de les appeler. C’est jamais moi qui ait pris

l’initiative.

Dr 5 : Moi je ne saurai même pas où appeler.

(..)

Dr 3 : Elles nous appellent quand il y a vraiment des cas sociaux, des trucs particuliers.

Dr 5 : Où est ce que tu veux appeler une assistante sociale ? Tu veux appeler une assistante

sociale pour Mme Dupont qui habite quai Branly…

Dr 3 : En générale c’est la MDR, la maison du Rhône. C »est elles qui gèrent ça en générale.

Dr 5 : T’appelles la maison du Rhône alors ?

Dr 3 : Ouais.. Puis ils te le prennent. Enfin je connais pas le numéro, je cherche sur le bottin

mais c’est la maison du Rhône, quand vraiment t’as un problème sociale. Si tu veux envoyer

quelqu’un, une femme isolé ou que tu veux vraiment…

Dr 5 : T’as quelqu’un tout de suite ?

Dr 3 : Ouais je pense que t'as quelqu’un tout de suite…

Dr 5 ; Ah tu penses, t’en es pas sûr...

Dr 3 : C’est à la MDR,ça, la maison du Rhône.

(…)

Dr 4 : Est-ce que tu voulais nous faire dire autre chose ?

LL : Est-ce que globalement vous rencontrez des difficultés dans la prise en charge des

personnes fragiles ?

Dr 4 : Oui dans l’urgence oui. Enfin dans l’urgence…. Quand le problème est aiguë, c’est

vachement difficile.

Dr 2 : Ben oui parce qu’on est isolés.

LL : Oui mais…

Dr 4 : Quand on ne veut pas toujours hospitaliser par les services d’urgence. Ils sont plutôt...

Dr 1 : Moi un problème qui est très très souvent on sait c’est que, c’est compliqué quand on

veut avoir un spécialiste. Donc on veut gérer nous même le plus possible, c’est sur on prend

des risques

Dr 2 : Et quand on arrive au dernier moment… ben, c’est souvent les urgences, quand on a

fait le tour

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Dr 3 : Tu écoutes le discours des urgentistes et ils te diront que les urgences sont bourrées de

personnes âgées, et qu’il y a vraiment un problème de ce côté-là.

LL : Est-ce que c’est des personnes âgées fragiles ? Ou décompensées qui sont dans les

urgences ? On n’est pas tout le temps un peu dans la confusion entre les deux…

Dr 1 – 3 : Y a les deux, j’en sais rien...

LL : C’est vrai que l’idée qui est à la base du concept, c’est d’intervenir avant la

dépendance, c’est quand même ça l’idée.

(plusieurs parlent en même temps)

A tort ou à raison, mais c’est ça l’idée. Donc c’est pas les gens qui sont aux urgences, il

faudrait intervenir pour que les gens aillent moins aux urgences.

Dr 1 : Pour qu’ils décompensent pas ?

Oui.

Dr 1 : Ah bon, en amont.

LL : Donc est ce que ça, ça pose des problèmes particuliers en fait ?

(plusieurs approuvent)

Et de quel ordre ?

Dr 1 : Ben je sais pas.

Dr 4 : Disons que c’est tout le problème de la gestion de ces personnes qui sont seules, et qui

pour un oui ou pour un non, vont te poser un problème. Mais ce problème tu peux pas

l’anticiper. Tu peux pas l’anticiper. Parce que …

Dr 2 : Si un un truc qui serait totalement utopique serait de prévoir pour chaque personne une

structure.

Dr 3 : A ben tu peux pas, non.

Dr 2 : En disant, en cas de décompensation, vous irez à tel endroit, tel endroit… Mais on n’a

pas les moyens d’avoir… Mais sinon ça serait bien effectivement … Mais ça pourrait

s’envisager...

LL : Mais là tu me parles de l’optimisation de la gestion des décompensations

(Plusieurs approuvent)

LL : Mais en amont de ça, on ne peut pas prévenir les décompensations ?

Dr 2 : A ben on peut pas les prévenir vraiment, parce que t’as des gens qui t’étonneront

toujours….Tu crois qu’ils vont mourir du jour au lendemain, puis ils sont toujours là 10 ans

après !!

Dr 1 : Pour bien répondre à ta question , il faudrait que l’on fasse une estimation de la

fragilité. Moi c’est un truc qui me… que je fais jamais. Je sais que les gens sont fragiles mais

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je vais pas faire une graduation, et comme je le fais pas, je vois pas comment je pourrai faire

pour empêcher la décompensation. Je sais quand quelqu’un a fait un AVC, on donne des

anticoagulants pour que ça aille et voila, c’est tout. J’élimine certaines décompensations…

Mais chercher le degré de fragilité chez une personne, ça je le fais pas …

LL : Pour toi, c’est pas un concept très opérationnel en fait.

Dr 1 : Voila, pas du tout même

Et pour les autres ?

Dr 5 : Ben c’est un concept qui n’est pas très pratique, ça va changer quoi dans notre prise en

charge de savoir qu’il est fragile ?

Dr 1 : A priori on fait comme si il l’étais..

Dr 5 : Faut que ça débouche sur quelque chose. On dit pourvu que ça marche, et on pousse,

pousse, jusqu’à ce que ça tombe. C’est comme un vélo, tant que ça marche, ça marche. Ca va

déboucher sur quoi de dire qu’il est fragile ? Tiens, Mme Dupont elle est fragile, parce

qu’elle a du diabète...

Dr 1 : Donc on met en place quelque chose..

Dr 5 : Je vais mettre en place quelque chose. Quoi ? une diététicienne qui va passer lui dire

comme moi ? impossible. Mme Durand elle est fragile parce qu’elle a une BPCO. Je vais

mettre en place quelque chose . Quoi ? De l’oxygène quand elle en a besoin, j’ai beau lui

faire livré de l’oxygène en prévention…

Dr 4 : Et le tabac qu’elle n’a pas arrêté...

Dr 5 : Oui, non mais elle a arrêté le tabac...

Dr 1 : Mais c’est son seul plaisir la cigarette, on va pas la punir….

(certains parlent de vaccination)

Dr 5 : Mais c’est pas ça qui va l’empêcher d’attraper une saloperie passée là. Donc sur quoi

ça peut déboucher…

Dr 4 : Une fois que t’as fait ton boulot, qu’est ce qui faut faire de plus quoi ? c’est ça le truc..

Dr 2 : Non mais il y a toujours des surprises, j’en reviens à....

Dr 4 : Parce qu’il donne des exemples bien précis.

LL : Non mais là vous êtes plus ancrés sur la réponse à une pathologie…

Dr 2 : Non mais t’as quand même des critères…

LL : Tout à l’heure, tu as quand même cité des éléments de réponses malgré tout. Tu as dis

quelqu’un qui a du mal à marcher,je lui prescris de la kiné pour l’entretenir.. ça a quand une

utilité dans ton esprit.

(...)

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PYS : Vous avez parler des infirmières à domicile qui étaient performantes

(plusieurs approuvent)

LL : Des portages de repas chez les gens qui évoluaient vers la dénutrition

Dr 4 : Les infirmières parce qu’elles sont là au quotidien. ça c’est vachement important. Elles

les voient vivres elles les voient évoluer, et dès que ça décompense un peu

Dr 1 : Oui oui...

Dr 3 : Moi je pense que la fragilité, il ne faudrait pas avoir une réponse individuelle par

pathologie, mais avoir une approche globale de la personne. Et faire une évaluation, peut être

que l’on ait des structures, où arrivé à un certain âge

Dr 4 : Je t’en ait cité 2, charpennes pour les évaluations cognitives et G A à Francheville.

Dr 3 : Ben oui mais je pense que généraliser un peu ça, et proposer à des gens d’un certain

âge de les évaluer de façon globale. En leur disant voilà, chez vous la fragile…. votre point

faible c’est ça, et peut être axer des actions de préventions… Peut être que c’est ça la

fragilité. Après ça va peut être coûter un bras aussi ….

Dr 4 : Quand elles habitent au 3eme étage et qu’on leur dit « ben faudrait aller au rez de

chaussée, maintenant »

Dr 1 : Faut déménager alors qu’ils ont toujours vécu là, leur appartement, où ils ont vécu

depuis 50 ans

Dr 4 : Mais, si, mais si….Il faut déménager, aller au rez de chaussée, il y a des tas de

prévention comme ça.

Dr 3 : Faut avoir les moyens aussi.

Dr 4 : Non mais, il faut….

Dr 2 :Après, il y a tout la domotique après, on pourrait parler de l’instauration, de mettre des

barrières,de mettre des préventions, tout ce qui est la domotique.

Dr 3 : N’empêche, je préfère mourir….

Dr 1 : Déménager d’un appartement ou tu as vécu tout le temps, c’est affreusement violent

votre truc..

Dr 2 :Non mais enlever les tapis, mettre des barres au mur, des rehausses partout.

LL : Et pour vous c’est une mission des médecins généralistes ?

Dr 3 :Non.

LL : De repérer la fragilité ?

Dr 1 : Repérer oui.

Dr 2 : Mettre en garde. On va dire de mettre en garde.

Dr 3 : Non mais on peut pas tout faire...

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Dr 2 : Ben mettre en garde..

Dr 3 : Attends il arrive un moment où l’on ne va plus pouvoir tout faire. (ton un peu

colérique)

Dr 1 : On peut déjà plus tout faire. (ton résigné)

Dr 2 : On peut mettre en garde certaines familles.

Dr 5 Ce que tu dis là, (au Dr 2) Un ergothérapeute, il faut pas faire passer un ergothérapeute à

la maison…

Dr 1 – 3 : A non non c’est pas ça.

Dr 4 : Il y en a 2 d’installés à Villeurbanne…

Dr 5 : Est-ce ce que si on pouvait, nous, repérer la fragilité et en téléphonant au numéro

0800… en disant Mme Truc, à Villeurbanne, elle est fragile, il faudrait faire passer une équipe

pour évaluer, peut être que dans ce cas-là, on se dirait, « tient, peut être qu’on pourrait

repérer la fragilité ». Moi je te dis : tu repères la fragilité et tu vas en faire quoi ?

Dr 2 : A ben si on n’a pas les moyens… (éclats de voix)

Dr 5 : A part peut être l’infirmière, si. L’infirmière… Mais il faut en trouver des infirmières

qui veulent bien passer 3 fois par semaines, ou 4 fois par semaine… C’est pas toujours…

Dr 4 : Ah si, on trouve.

Dr 5 : Ben là, depuis quelques temps il y en plein qui se sont installées. Elles avaient pas le

droit de s’installer n’importe où jusqu’au 31 décembre 2011, donc ils se sont tous installées

avant 2011 , donc maintenant il y a pleins d’infirmiers et d’infirmières sur le secteur. Donc

c’est facile on peut en trouver. Donc l’infirmière, c’est facile, le kiné c’est déjà plus difficile,

l’ergothérapeute c’est pas facile.

Dr 4 : A domicile, c’est difficile le kiné.

Dr 5 : Le portage de repas, ou c’est pas difficile, mais souvent ils le mangent pas. C’est pas

bon, ça arrive c’est froid, machin, truc….

Dr 1 : Oui il le mange pas.

Dr 5 : Tu arrives, il y en a plein le frigidaire.

Dr 1 : Ils peuvent pas livrer à tout le monde à midi moins le quart. (rire)

Dr 4 : Non moi je ne suis pas d’accord avec lui. Le portage des repas, tu as souvent affaire à

des gens qui sont difficiles, ça c’est un premier point. Mais moi à midi, la bonne femme elle

avait un gâteau de semoule.

Dr 3 : Tu lui aurais bien mangé son repas.

Dr 1 : C’est ce qu’il a fait !

Dr 3 : Elle avait de la viande, une part de fromage..

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(débat sur la contenance des repas)

Dr 5 : Non mais je dis pas que c’est dégueu, je dis que souvent ils ne mangent pas.

Dr 5 : moi c’est vrai que je pars pas trop là dessus, parce que ça ne débouche sur rien de

pratique, je vois pas ce que je peux en faire….

Dr 4 : Oui c’est surtout les chutes, c’est l’exemple typique, ça entraîne des dépenses en

hommes et en coût qui est énorme, et ça débouche sur des ..

Dr 1 : puis tu leur met une télé alarme.

LL : Et on peut intervenir facilement sur des chutes ?

Dr 4 : Oui ? quand tu vas à domicile, quand t’as fait un peu de gériatrie, tu vois tout de suite

ce qu’il faut faire. Au niveau des WC, salles de bains, baignoires et douches.

Dr 1 : A oui, non mais ça c’est évident.

Dr 3 : Oui mais....

LL : Mais c’est pas toujours facile à mettre en œuvre ?

Dr 4 : de plus en plus ça rentre dans l’esprit des gens.

Dr 5 : Je vais casser un peu l’image du médecin généraliste, mais c’est vrai que l’on a

beaucoup de travail. Je vais pas chercher des trucs trop compliqué ? Parfois je botte en

touche. Comme… je vais pas demandé au mec si il bande ! parce qu’on s’en sortira pas sinon

ça prendra un temps fou !. Parfois la personne âgée, ça tient, ça tient… pourvu que ça dure. Je

vais pas chercher qu’est-ce que je pourrai faire, parce que j’ai pas bien le temps. T’es à

domicile… t’es tout seul.

Dr 4 : Tu peux leur dire..

Dr 5 : Oui ben de toute façon, tu passes entre midi et 2 heures, quand tu veux appeler un

service, c’est pas le moment, il n’y a personne...

(plusieurs approuvent)

Dr 5 : Oui non mais, la descente de lit, bien sur que tu vas leur dire de l’enlever.

Dr 3 : Pas marcher en collants ou en chaussettes…

Dr 5 : Ils te disent « oui oui oui », puis tu reviens 3 semaines plus tard, elle est toujours là. Tu

peux pas l’enlever et la jeter par la fenêtre d’une façon autoritaire ! Les enfants te disent « oui

oui je vais m’en occuper, oui oui on va mettre une barre à la douche ». Et puis tu parles….

Dr 1 : « Ben c’est là que mon chien dort ! Eh ! »

(…)

Dr 5 : Donc moi j’avoue que de côté là.. La prévention j’en fais pas beaucoup en générale…

Et puis chez les personnes âgées… je vais pas aller chercher….pourvu que ça dure...

LL : Est-ce que vous pensez que les patients et leur entourage, ils sont demandeurs, ils sont

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en attente d une ’évaluation de la fragilité ?

Dr 5 : J’suis pas sûr moi.

Dr 1 : C’est compliqué, c’est une notion qui leur échappe ça !

Dr 5 : Les patients, franchement je pense pas. Parce qu’ils vont dire « holà la je vais aller

faire… » Les vieux ils ont pas envie qu’on les bouscule pour aller faire des examens, ou que

quelqu’un vienne chez eux pour voir si leur salle de bain est adaptée ... C’est intrusif, un peu,

pour eux.

Dr 1 : Ils ont pas envie qu’on leur dise « la fragilité…. »

Dr 4 : Dans les faits, quand ils se sont cassé la gueule, d’un coup ils freinent. Après ils ont

l’appréhension aussi… De sortir, de faire ce qu’il y a à faire.

Dr 5 : Non mais quand ils sont tombés c’est trop tard.

Dr 4 : Non non c’est pas trop tard ! sauf dans des cas extrêmes.

Dr 3 : S’ils se font un fémur et qu’ils ne marchent plus.

Dr 1 : Sur quels argument on peut répondre à ta question ?(..)

Dr 4 : Mais en amont dans la fragilité pure (siffle), là tu vois…

Dr 1 : Quand tu les écoutes, ils ne veulent rien changer. Ils vivent comme ils doivent vivre, et

il n’y a pas.

Dr 2:Tout leur parait complexe.

Dr 1 : D’abord si tu leur fait un bilan fragilité pour leur dire « il faut changer ça, ça et ça.. ».

S’ils ne se sentent pas fragiles, ça va être compliqué !

Dr 3 :Idem pour les enfants.

Dr 1 : Alors il y a des enfants qui sont demandeur qu’on les prenne en charge parce que ça

leur fera moins de souci à eux ! Mais il faut voir la demande des vieux qui veulent garder

eux, le minimum de repères habituels. Donc déménager, partir, c’est pas possible. Aménager,

bon, ça, ça peut s’envisager, je pense. Voir des gens qui viennent chez eux… Moi je vois les

aides ménagères, j’ai la moitié des femmes seules qui ne supportent pas…

Dr 2 : Faut voir les critiques lancées dans leur dos.

Dr 1 : A oui. Après elle vous dira « je lui ai dit de faire le dessus des meubles , elle m’a dit

qu’elle n’avait pas le droit de monter sur un escabeau ». Est-ce que c’est vrai j’en sais rien,

mais j’entends ça souvent.

Dr 3 : Si elle se casse le gueule.

Dr 2 : Pour éviter les accidents du travail.

Dr 1 : Alors j’avais une mémé, ben la mémé H, elle dit « alors c’est moi qui le fait ». 85 ans ,

elle montait sur l’escabeau pour faire le dessus des meubles. Et elle a une aide ménagère à

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domicile. C’est quand mémé quelque chose.

Dr 3 : Parce qu’elle n’en a pas besoin.

Dr 5 : Elle doit pas avoir le droit, même pour faire les vitres…

(…)

Dr 4 : Dès qu’il a besoin de sous. Parce que tu sais qu’il y a l’APA quand même. Là les

enfants, arrivent pour avoir des sous pour aider les personnes âgées.

Dr 1 : Ah oui c’est sûr !

Dr 4 : Hein l’APA, hein ! Là tu les vois arriver…

Dr 5 : Ca porte bien son nom ! (rires)

Dr 4 : Non mais pas « 2 P. A. T »

Dr 5 : Ah bon ? (ironique)

Dr 4 : Mais à partir de là, la prévention comme tu le demandes, enfin comme tu essais de

nous faire parler.

LL :C’est plutôt de l’accompagnement que de la prévention le financement

Dr 4 : Oui, oui le financement, faire passer les différents paramédicaux.

(…)

Dr 1 : Mais pour répondre à la question est ce qu’ils sont demandeurs, je sais pas.

(…)

Dr 4 : J’ai des enfants qui sont un petit peu dans le souci, comme tu disais… oui…. Non… on

n’a pas toujours la réponse… Mais il y a des demandes.. Mais c’est peut-être pas la majorité.

Tu as des enfants qui sont quand même assez…

Dr 1 : Oui oui

Dr 4 : Assez sensibles à la fragilité de leurs parents. Heureusement que ça existe encore. T’as

la vieille fille ou le vieux garçon qui vivent encore avec leur mère et qui s’occupent de leurs

parents. C’est eux qui sont les aidants naturels. Mais quand les enfants sont à distance, c’est

plus dur.

Dr 1 : A distance souvent ils disent, je ne peux pas assumer plus que je ne fais…

Dr 5 : Non mais pour en revenir à cette évaluation de la fragilité, ça voudrait dire que

quelqu’un va chez eux pour...

Dr 1 : Ou c’est nous pourquoi pas ?

Dr 5 : C’est vachement intrusif quelqu’un qu’ils ne connaissent pas. C’est ça qui me…. Les

enfants tu dis… le fils ou la vieille fille qui vivent avec leurs parents, ils vont pas bien

apprécier que quelqu’un rentre pour voir comment c’est foutu chez eux, si c’est bien fait… ça

va être difficile à faire passer dans les mœurs. Tu peux pas faire une évaluation sans aller chez

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les gens. Je vois pas bien comment tu peux faire.

(…)

LL : Vous avez d’autre commentaire à faire avant que l’on ne conclut ? P-Y tu avais des

questions supplémentaires ?

PYS : est ce qu’on leur propose la grille faite à Toulouse ? Je l’avais en 6 exemplaires mais

je sais ce que j’en ai fait…

(…fait des photocopies.)

Mais si vous avez d’autre choses à dire allez-y.

Dr 1 : C’est un concept qui nous parlait évidemment, parce que fragiles, ils le sont presque

tous. Mais après pour quantifier, évaluer, voir ce que l’on en fait, c’est une autre histoire .

Dr 5 : On a déjà du mal à la qualifier la fragilité ! alors ….

Dr 1 : Dans une réunion comme ça où vous nous posez des questions sans nous dire où vous

voulez que l’on aille…

L : C’est parce qu’on ne veut pas vous diriger.

Dr 3 : Il faut pas nous influencer.

Dr 1 : J’ai bien compris, on sait pas dans quel sens aller.

LL : Pour te dire un peu les choses, les arrières pensées , moi j’ai pas d’opinion sur cette

fragilité. Mais la communauté des gériatres essai de mettre en avant ce concept de la

fragilité, parce qu’ils pensent que eux, ont des interventions à faire. Notamment dans le cadre

d’hôpitaux de jour où ils pourraient.. Ils ont la prétention d’évaluer l’état de fragilité des

patients que l’on serait susceptible de leur adresser.

Dr 1 : Ouais.

LL : Et de proposer éventuellement des interventions. C’est ça leur idée. Et qui est fort suivie

par les politiques aujourd’hui. Les politiques rêvent de prévenir la dépendance pour faire des

économies aujourd’hui.

Dr 1 : A ouais ça serait une bonne idée ça.

Dr 3 : Ben voilà.

Dr 1 : Le problème, je vois.. ben..les vieux qui vont à l’hôpital de jour la plupart du temps,

ils me disent soit qu’ils s’y embêtent… donc ils veulent plus y aller. Je dis pas que ça sert à

rien, mais le retour que j’en ai....

Dr 3 : Non ça c’est l’hôpital de jour pour évaluer, c’est pas un hôpital pour les occuper, on est

d’accord ?

Dr 1 : Par contre ça soulage bien, quand il y a un couple où un est comme ça, c’est ce qu’il y

a de mieux

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(Tous parlent en même temps, parlent de check-up)

Dr 5 : Qui n’a pas rêvé d’un hôpital de jour ou on pourrait te faire le bilan de toutes les

pathologies que tu as, que tu n’arrives pas à…

Dr 1 : Bien sûr.

Dr 5 : Comment dirais-je, à quantifier. Moi j’aimerai bien parfois qu’ils y viennent…

PYS : Voila la grille de questionnaire.

Dr 3 : Ben c’est un peu ce dont on a discuté aujourd’hui.

L : Non, c’est un peu ce que la communauté de gériatres reconnaît comme les éléments de

fragilité.

(les médecins lisent la grille)

PY : Qi vous regardez, ça s’adresse pour les patients de 65 ans et plus, donc assez jeunes, qui

sont complètement autonomes.

Dr 1 : 65 ans… Si tu vis seuls à 65 ans t’es fragile ? (..) A non ; on nous demande s’il nous

parait… Donc c’est pas forcement le cas.

PYS : Et donc l’idée serait de dépister ces personnes-là, pour ensuite les adresser… en tout

cas c’est ce qui est proposé ici…. A une évaluation à l’hôpital. Vous, si vous voyez que ces

patients remplissent ces critères, vous vous dites, « oui il rentre dans la fragilité », c’est-à-

dire qu’à priori il est plus à risque de devenir dépendant qu’un autre.

Dr 1 : Ouais… Ben moi sur le plan pratique, la seule question qui me fait demander un bilan,

c’est s’il a des troubles de mémoires. Donc je fais pas. Le reste c’est le vieillissement.

Dr 5 : Perte de poids au cours des 3 derniers mois, ça t’alerte.

Dr 1 : Je peux gérer. S’il y a des troubles de mémoire je fais un bilan hospitalier. Autrement je

fais pas.

Dr 3 : Oh, vit seul, c’est pas un critère de fragilité, s’il le gère bien.

Dr 1 : Oui.

Dr 3 : Si on envoie à l’hosto tous les gens qui vivent seuls pour se faire évaluer.

Dr 5 : En exergue, dès le départ on a quand même dit que l’isolement était très important, un

point de fragilité. Dès le départ t’as dit, toi comme moi, que le critère de fragilité c’était

l’isolement socialement.

Dr 1 : Oui l’isolement, mais après.

Dr 5 : Donc là ça te choque parce que c’est 65 ans. Et tu te dis putain, c’est pas si loin.

(rire)

Dr 5 : C’est ça ! L’isolement sociale, c’est quand même un gros critère de fragilité. Quand

t’es avec ton conjoint, ou avec tes enfants s’ils passent souvent, ils se rendent compte que tu

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commences à...

Dr 3 : Vivre seul comme un seul critère je le prendrai pas.

Dr 1 : Oui mais il y en a plusieurs.

Dr 2 :Oui mais, mais…. D’accord mais….

(..)

Dr 5 : Ben c’est un peu ce qu’on a dit « la chute, les troubles cognitifs » certes, mais la

fatigue…

Dr 4 : C’est subjectif.

Dr 1 : L’ avantage c’est qu’il n’y a pas beaucoup d’items.

Dr 3 : C’est assez facile à remplir.

Dr 1 : Sans formaliser, c’est un peu ce que l’on demande tout le temps. C’est eux qu’ils nous

le disent.

Dr 5 :« Votre patient se plaint-il de la mémoire », c’est un peu difficile. Si tu leur pose la

question, ils vont te dire oui. Ils se rappellent plus de leurs petits-enfants…

Dr 1 : Et toi, tu te plains pas de ta mémoire ? Moi si…déjà...

Dr 5 : Et il est dit en exergue que le sujet qui vient chez toi en te disant « j’ai des troubles de

mémoire », c’est qu’il est pas Alzheimer. Alzheimer, il s’en rend pas compte. C’est la famille

qui s’en rend compte. Cette question elle est un peu..

Dr 1 : Non c’est pas bête.

Dr 5 : Le dément il se rend pas compte qu’il perd la mémoire. C’est la famille qui s’en rend

compte. Il y a une blague la dessus.

Dr 4 : Enfin parfois quand ils se plaignent de la mémoire, ils peuvent être quand même aux

confins des troubles cognitifs.

Dr 5 : L' entourage trouve-t-il..

Dr3 : 4 secondes pour parcourir 4 mètres… c’est… je me rends pas compte.

Dr 5 Faut motiver les gens quand même !

PYS : Non c’est pas très rapide.

LL :c’est une vitesse normale c’est ça ?

Dr 5 : 60 mètres minute.

(tous parlent en même temps)

Dr 4 : Une personne âgée… ça va pas.. à 65 ans peut peut être pas mais à 85 ans, je vais te

dire…

Dr 5 : 3.6 km par heure.

Dr 1 : C'est pas mal quand même. Après sur une petite distance tu peux faire un forcing, un

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sprint ! (rire) Husen Bolt il a fait…

Dr 3 : Une minute pour faire 60 mètres ? Ben dis donc, je mettais 6.6 secondes quand je

faisais de l’athlétisme.

(‘rire)

PYS : Et le fait que ça s’adresse à des patients de 65 ans ?

Dr 1 : Ca parait jeune.

Dr 3 : C’est jeune quand même.

Dr 4 : Je dirai 75.

Dr 1 : C’est bon M, tu vas bientôt nous répondre.

Dr 5 : Ben c’est pas un critère ! On s’approche tous de 65 ans ! Alors tu comprends…La tu

nous a foutu… (rire)

Dr 3 : (En s’adressant au Dr 5 ) Tu mets 4 secondes pour faire 4 mètre toi ?

Dr 5 : 65 ans c’est un peu jeune.

Dr 1 : 60 m à la minute.

Dr 2 : Mais tu en as aussi qui le sont…. Déjà...

Dr 4 : Mais c’est un critère qui va être réévalué, ça m’étonnes qu’ils.. les gériatres maintenant

c’est 80…

Dr 3 : C’est vachement tôt 65, quand tu vois l’age…

Dr 1 : C’est un bon critère 4m/sec.

Dr 5 : 65 c’est jeune.

Dr 1 : Allez mettez 70. Il y a des gens qui vieillissent vite, alcoolo fumeur….neuropathie...

LL : Et vous pensez qu’on les repère ces critères finalement ? Même de façon informelle ? Ou

que l’on passe beaucoup à coté ?

Dr 5 : Ah ben vit seul, tu le sais . Perte de poids, quand même un médecin qui le voit tous les

3 mois, il va le peser, c’est pas compliqué.

Dr 1 : Fatigué ils le disent, c’est eux qui le disent, ils viennent pour ça.

Dr 5 : « Plus de difficulté pour se déplacer au cours des derniers mois », oui, tu vas le savoir,

si il ne vient pas à ton cabinet ou quoi. « Se plaint-il de la mémoire », ouais ils se plaignent

comme tout le monde…

Dr 3 : Il y en a qui se concentrent moins, qui oublient 2 – 3 trucs.

Dr 4 : Moi je prend la vitesse de marche, c’est pas un critère que je retenais.. hein… on sait

très bien que la vitesse de marche est vachement ralentie chez la personne âgée.

Dr 1 : Ouais mais on parle de vitesse moyenne, mais tu vas l’évaluer comment toi ? Allez

démarre...

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Dr 4 : Quand tu vois.

Dr 5 : De manière informelle, tu vois le temps qu’ils mettent à t’ouvrir ! s’ils mettent un

temps fou à t’ouvrir, c’est qu’il se passe quelque chose.

Dr 1 : Oui, mais il s’habille.

Dr 5 : Ca c’est informel, tu ne le calcule pas, mais tu vois s’ils ont des difficultés.

Dr 1 : Moi j’en ai 2 perverses qui font exprès d’attendre. Elles foutent rien de toute la

journée, tu es à l’interphone, 4-5 minutes, systématiquement.

(…)

Dr 1 : Non c’est bien.

Dr 5 : Non il y a le truc sur la mémoire que je mettrai pas.

Dr 1 : Une bonne part des gens, intuitivement c’est ce que l’on fait. Mais de temps en temps

c’est vrai.. J’aurai pas pensé à demander un bilan s’il n’y a pas de troubles de mémoires.

PYS : Et vous pensez qu’après, les gens qui remplissent ces critères, vous arrivez à avoir des

interventions efficaces ?

Dr 1 : je ne sais pas encore lesquelles c’est. Hôpital de jour c’est tout ?

PYS : l’hôpital de jour, ça serait une solution ?

Dr 3 : A ben, la plus globale oui.

Dr 1 : Si eux ne se sentent pas diminués, ils vont jamais vouloir.

Dr 5 : Il faut combien de réponse ? (..) une ! (sifflement)

Dr 4 : Une seule, t’imagines.

Dr 1 : Ben dis donc.

Dr 5 : (rire) Ils vont être content aux Charpennes (rires) t’imagines !!! Ils vont voir arriver un

monde fou ! C’est pas ma faute, c’est le Dr L… Il m’a dit ...

Dr 2 : Ah non non non, il y a une question subsidiaire ! Si vous avez répondu oui, « votre

patient vous parait il fragile ?». T’as l’avis du médecin.

LL : Oui c’est la question globale.

Dr 2 : (rire) Oui, oui, oui, oui, vous parait-il fragile, non. (Rire)

Dr 4 : C’est pas un critère… je dirai discriminant pour….

(parles tous en même temps)

Dr 4 : Attend, l’isolement et vivent seuls c’est pas pareil.

(parlent tous en même temps)

Dr 3 : Vivre seul c’est pas isolé ! tu peux très bien vivre seul et bien le tolérer. La famille, les

enfants..

(parlent tous en même temps)

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Dr 1 : Isolé c’est pas pareil.

Dr 3 : Vivre seul c’est pas pareil !

Dr 1 : Il y en a qui vivent isolés en couple.

Dr 3 : Tu peux vivre seul, avoir des potes, avoir pleins de copines, tirer un coup le soir…

Mais t’es seul… mais pas isolé.

Dr 1 : Ou isolés, chacun de leur côté.

Dr 5 : Isolé c’est mieux.

Dr 3 : Oui isolé c’est mieux.

Dr 4 : Et puis ce qui m’étonnes la dedans, c’est que vous avez complètement occulté la

dépression de la personne âgée.

PYS : C’est pas de moi ça…

Dr 4 : Oui non mais…parce que regarde, ils vivent seuls, problème de mémoire.. Alors que la

dépression chez la personne âgée, elle est sous évaluée. Et ça..

Dr 1 : Oui ben perte de poids...

Dr 4 : Oui mais la perte c’est pas de la dépression, ça peut être autre chose.

Dr 3 : Oui mais là c’est plus un symptôme, M, parce que ça rentre pas dans le questionnaire.

Après eux, ils vont peut être l’évaluer dans l’hôpital de jour… parce que ça fait partie du

bilan de la perte de poids, parce qu’elle est isolée ou…

Dr 1 : D’ailleurs quand tu les envoies pour un bilan sur des pertes de mémoires, ils te

répondent, ben non c’est la dépression.

Dr 3 : Elle s’occupe plus, elle se concentre plus… Mais vit seule, ça veut pas dire grand-

chose.

Dr 5 : La dépression (incompréhensible), tu traites au seroplex 1 an ½ puis ça se re-dégrade.

Dr 1 : Et le parkinson ? Le nombre de dépressifs qui sont en fait parkinsoniens.

Dr 5 : Moi il y a un truc que je rajouterai, votre patient prend-il plus de 3 médicaments par

jour ?

Dr 1 : Oulalala, alors à 65 ans, il commence à en avoir pas mal.

Dr 5 : Oui mais médicaments…. Pas le Forlax !

Dr 3 : C'est plus de la fragilité quand même, quand ils ont plus...

Dr 5 : Oui de la pathologie, mais quand ils ont plus de 4 médicament « actifs » dirons nous.

Dr 1 : S’ils ont fait un infarctus, ils en ont au moins 5 déjà !

LL : C’est intéressant quand même.

Dr 1 : Oui.

Dr 3 : Plus que certains critères là.

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Dr 4 : Les médicaments, c’est une façon de …

LL : C’est facile à évaluer.

Dr 1 : Là on a l’ordonnance.

Dr 5 : Le médicament à 100% tu vois… pas tous ceux… Pas le pack mutuel, forlax et

zopiclone qu’ils ont tous, ni le déxéryl.

Dr 1 : Et le doliprane !

Dr 5 : Les 4 d’en bas, tu les enlèves.

LL : Je propose que l’on mette point final à la discussion

Dr 1 : Intéressante.

LL : Vous avez été plus que studieux ! C’était assez..

Dr 5 : Non mais c’était intéressant ! je dirai que ça nous a fait travailler la tête.

LL : Peut être pas passionnés, mais très animés !

Dr 1 : C’est une notion à laquelle on ne pense pas vraiment, pour nous c’est un concept flou,

puisqu’il est fragile. Mais en fait des cases là dedans… quantifier...

Dr 5 : C'est comme toute la médecine générale, on le fait à l’instinct,

Dr 3 : C’est comme Mr Jourdan, on fait sans le savoir !

Dr 5 : Qui remplit des grilles en fait ? Parce que des grilles, des grilles, y a des grilles pour

tout ! Pour la prostate, pour la mémoire...

Dr 1 : Pour la dépression, pour l’anxiété….

Dr 3 : On le fait sans s’en rendre compte !

Dr 2 : On le sent comme ça quoi !

Dr 5 : Dépressif tu vas cocher s’il a tous les critères… tu coches pas les trucs sommeil, mange

pas… tu te dis bon, moi je le sens pas moi… ben c’est con parce que quand tu le revois 3

mois plus tard, tu vois pas s’il a progressé de quelque chose….

Dr 3 : La grille c’est la grille.

Dr 5 : C’est une grille… c’est bien….Faudrait un dictionnaire de grilles...

LL : Voila ben merci !

PYS : Merci à vous tous !

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Retranscription 2 eme focus group

PYS : Je vous révèle le sujet. Il s’agit d’une discussion autour du concept de fragilité. La

première question que je voudrais vous poser est « qu’est-ce que ça évoque pour vous le

concept de fragilité ? »

L L : On va commencer par faire un tour de table.

Dr 8 : Comme ça dans le désordre, une fragilité psychologique. On remarque depuis quelques

années, j’ai beaucoup eu de personnes âgées depuis 3-4 ans, qui ont vieilli avec moi, et il y a

pas mal de gens qu’on tient plus longtemps à domicile. Avant, ils partaient en maison de

retraite, donc on les voyait plus. Ils ont des pathologies de plus en plus compliquées, ils

avancent, ils avancent et les enfants qui ne sont pas toujours là, les petits enfants sont pas

toujours la… Et tu vois ces personnes qui tiennent parce qu’on est là, parce qu’il y a les

femmes de ménage, l’ADMR et tout ça… Et on dit « oh non de non ! Qu’est-ce qu’ils sont

fragiles ! » et ça tient à pas grand-chose ! À la présence d’un kiné, le passage d’un kiné, une

présence d’un médecin, au niveau psychologique, ils sont complètement dépendant de notre

venue, à quel moment on va passer, est ce qu’on revient la semaine prochaine. La femme de

ménage, si elle change, cela les contrarie. Donc ils sont vraiment… je les trouve fragiles à ce

niveau là… enfin pour certains, pas pour tous... Il y en a d’autre pour qui les familles tiennent

un peu plus la route… un peu plus présentes plutôt. Ce qui fait que c’est peut-être quelque

fois un peu mieux encadré. Mais il y a des personnes que tu sens que sur le plan

psychologique… Mais c’est pour ça qu’après on les voit... Moi j’ai eu deux ou trois occasions

avec des détournements d’argent.

LL : lls sont victimes de détournements d’argent ?

Dr 8 : Bien sûr. D’une une aide-ménagère. Justement… D’où l’abus de faiblesse. J’ai eu une

autre personne âgée, ça m’évoque tout de suite... Elle est en procès avec tous ses enfants...

Parce qu’une des petites filles est psychotique, enfin je ne connais pas sa petite fille mais je

pense qu’elle est psychotique. Du moins elle est bipolaire, avec des problèmes assez aigus...

Elle lui pique de l’argent depuis pas mal d’années. Mais c’est une personne qui n’est pas

catégorisée comme démente. Je lui ai fait un MMS à 22/25. Mais par contre avec… ben sa

petite fille vient et lui dit « mamie j’ai eu un problème, donne-moi 2000 euros ». Elle lui

donne. Bon maintenant les comptes sont bloqués et c’est un procès. C’est ça la fragilité. Une

grosse fragilité là-dessus. Entre autres.

L: Ok c’est une bonne illustration.

Dr 8 : C’était pour démarrer.

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Dr 6 : Ça démarre fort ! (rire)

Dr 7 : Il y a la fragilité physique, certains qui n’arrivent plus à se déplacer, qui ne sont pas

autonomes. Puis il y a un isolement aussi, qui rejoint ce que tu as dit. Au fil des années ils ont

perdu la famille, les amis… Ce qui revient à la dépendance...

(…)

Dr 11 : Moi je dirai que pour les gens fragiles, moi je les perçois comme les gens qui petit à

petit perdent les ressources nécessaires. Soit des ressources psychologiques, c’est-à-dire

'j’arrive à maitriser une certaine anxiété par rapport au fait que je vieillis, par rapport au fait

que je perde telle ou telle partie de mon autonomie, mais aussi par rapport au fait que j’arrive

à m’adapter par rapport à un évènement'. Il se produit un évènement… Le premier élément

qui m’évoque la fragilité c’est qu’il se passe quelque chose de nouveau, soit dans la santé,

soit dans leur vie courante et tout d’un coup, on les voit débarquer parce qu’ils ne trouvent

plus la ressource nécessaire pour s’adapter à cet événement, à cette modification. Bien

entendu ça peut être des choses graves type perte du conjoint, perte d’une enfant, on le voit de

temps en temps… Donc moi j’ai la sensation de fragilité à partir du moment où je vois que

les gens qui s’adaptaient bien, avaient une certaines force, soit de caractère, soit physique

pour modifier telle ou telle partie de leur vie. Tout d’un coup viennent demander de l’aide ou

un conseil en disant, là je sais pas trop comment je dois faire, ou je sais pas quoi faire. C’est

cette non-capacité à l’adaptation à une situation, qui a évolué de façon minime ou parfois de

façon plus importante.

Dr 6 : Ca reste vachement psychologique. Moi j’étais plus pragmatique, ça m’a évoqué la

poly pathologie, le problème de iatrogénie. La personne âgée fragile qui est insuffisante

rénale, je vais lui mettre quelque chose elle va pas supporter. Si elle a de la fièvre, tout va

décompenser, le rein va décompenser, le cœur va décompenser… se déshydrater... La

première idée c’était ça.

Dr 9 : Une mauvaise adaptation à la fois physique sur les infections.

Dr 6 : Oui voilà.

Dr 9 : Et psychologique sur les changements de vie.

Dr 10 : La fragilité psychologique et la dépendance... L’idée qui m’est venue c’est que c’est

un passage obligé... à un certain moment, les personnes âgées vont devenir fragiles, ou elles

le deviennent parce qu’il y a un élément médical ou familial ou quelque chose… La difficulté

est de repérer à quel moment elles le deviennent. Parce que notre vigilance et notre travail ne

sont pas le même quand ils sont devenus fragiles et quand ils ne le sont pas.

LL : Et par rapport à la dépendance, comment vous situez la fragilité ? Puisque les 2 mots

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ont été prononcés...

(…)

Dr 11 : Pour moi, c’est vraiment le moment où peut commencer à apparaitre une perte

d’autonomie. C’est-à-dire que la perte d’autonomie, c’est ça, c’est l’incapacité à modifier

quelque chose qui permette de rester dans une position d’autonomie complète par rapport à

des facteurs qui ont évolué dans sa vie. La fragilité c’est le risque d’apparition d’une perte

d’autonomie. Mais qui peut être extrêmement minime. Je sais pas… ça peut être une perte

d’autonomie pour gérer ses comptes bancaires, ou un truc qui n’est pas directement en lien

avec l’état de santé des gens. Mais je reviens sur ce que tu disais, M, c’est l’empilement de

problèmes de santé, qui fait qu’à un moment donné, on voit bien qu’il va se passer un petit

truc qu’il ne va pas pouvoir gérer. .. Un petit rhume...

Dr 6 : Une gastro…

Dr 11 : Donc c’est sûr que la fragilité liée à la polypathologie, ça devient vraiment un

problème… En même temps je suis assez admiratif de voir des personnes âgées qui en sont à

leur 2eme, 3 eme cancer et puis ça va toujours... Mais ils commencent à empiler les

problèmes. Mais c’est un moment où l’on doit être extrêmement attentif à la perte

d’autonomie. Parce que ...

Dr 8 : Justement je trouve que c’est difficile d’anticiper. Comme tu disais J, à quel moment

elle est en train de basculer dans ce niveau de fragilité, ou de dépendance. Il n’y a pas un

avant, un après... Elle a un peu mal au genou, elle va plus aller chercher son pain son journal,

on va lui amener son journal, puis elle le lira plus… Puis tu te rends compte à un moment

qu’elle est complètement déconnectée de la réalité du monde. Mais ça ne s’est pas fait en une

semaine. Mais c’est difficile de sentir le moment où ça bascule, c’est quelques fois très

prolongé.

Dr 7 : On est aussi un peu dans le déni, à vouloir qu’ils n’aillent bien, pas forcément...

Dr 8 : Mais attends, on est super bon ! (rire) on les soigne super bien. Faut voir... quand tu

vois le vendredi après-midi... Moi le vendredi après-midi, je fais des visites de personnes

âgées, quand je vois la moyenne d’âge de mes personnes le vendredi après-midi, (soupire)

leur niveau de pathologie... A oui ils sont tous très fragiles ! Médicalement,

psychologiquement, socialement. Avec une organisation qui n’est pas mal du tout !

Dr 9 : Peut être que justement d’aller les voir à domicile, ça permet de mieux se rendre

compte de leur fragilité. Par rapport à quand on les voit au cabinet on se rend pas forcement

compte des fragilités en plus...

Dr 7 : Ben là on voit une fragilité, parce que si au niveau environnemental, avec un domicile

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qui n’est pas adapté…

LL : Vous faites une très bonne transition sur la question d’après, qui est en fait comment

vous détectez la fragilité ? Parce que je trouve que vous avez assez bien défini les différents

contours, les différents aspects de ce concept. Mais en pratique, comment vous faites ?

Dr 6 : Moi je trouve que souvent les chutes à domicile… C’est oups… Oulala il se passe

quelque chose...

Dr 9 : Mais c’est plus du dépistage du coup.

Dr 6 : Non c’est pas du dépistage. Tout d’un coup c’est « ah oui elle tombe », alors que j’ai

pas anticipé. Mais du coup je me rends compte que je commence à en parler à mes personnes

âgées. « Qu'est-ce qu’on va faire si ça va moins bien ? Qu'est-ce qu’on va faire si vous

pouvez plus marcher ? Est-ce que vous allez aller chez votre fille, est ce qu’on fait des

dossiers pour des maisons de retraite ? »

(…)

Dr 11 : Moi un premier élément, c’est quand les gens âgés me disent « bon docteur je vais

plus venir chez vous, est ce que … est vous faites des visites à domicile ?... » « oui,

seulement si vous pouvez plus venir. ». Donc on commence à discuter, parce qu’en fait ils

nous testent. Parce qu’on a la réputation de ne pas faire beaucoup de visites à domicile.

« Docteur, est ce que quand ceci, quand cela... »

Dr 6 : Il faut monter pour aller au cabinet !

Dr 11 : Parce que je vais avoir besoin que quelqu'un m’accompagne. Le mari conduit mais

pas madame… bon comment on va faire quand il pourra plus conduire. Je dirai que c’est

d’abord hors de champs de la santé stricto sensu que l’on va avoir des… Faut aller les voir

alors que l’on a l’habitude de... Je vois des gens très âgés qui continuent à faire l’effort de

venir au cabinet... Pour nous c’est mieux, on a le matériel…

Dr 8 : moi je les ai senti, je les ai dépisté au début, tu fais une ordonnance de 3 mois, t’es

tranquille. Ou à peu près tu vas avoir un ou deux… Puis tu t’aperçois que tu les revois avant,

ou il y a des trucs que t’as pas eu le temps de régler... Puis tu fais des ordonnances de 2 mois,

ou même d’un mois. Ca me satisfaisait pas. Pour moi c’est le passage, c’est moi qui choisis

les visites. Je vais passer dans 15 jours, je vais passer dans une semaine. C’est des gens qui ne

m’appellent plus... enfin sauf pépin. Et là ça y est ils ont basculé.

LL : Et qu’est ce qui fait que toi, tu vas décider...

Dr 8 : Quand je vois que... par exemple tous les 3 mois tu y arrives pas, tu as oublié ça…

euh… il y avait eu un stimulus je sais pas quoi… les jambes enflées et on attendu un mois

avant de m’appeler. Ce qui avant aurait déclenché une visite. Et là il ne s’est rien passé. Donc

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on a perdu 2 ou 3 semaines. Donc dans ces cas-là, hop c’est moi qui prend la décision. Donc

c’est à ce moment là.

LL : C’est une sorte de situation de négligence ?

Dr 8 : Euh, on pourrait…

Dr 6 : De non-réactivité.

Dr 8 : Non, elles ont pas pris conscience de... les jambes enflées il peut y en avoir d’autres...

une décompensation cardiaque... on bouge un peu moins, on est un peu essoufflé… Alors que

c’est des personnes, c’est ce que disaiT C, le fait de les voir à domicile. Le fait de venir au

cabinet, on se déplace, on va en salle d’attente, on prend RDV, ça demande plus de choses

dans la tête. Alors qu’on attend le médecin tous les 3 mois, il va bien passer, on l’appelle, « il

va bien passer dans 15 jours ». Ce n’est pas forcement négligent, mais une sorte de passivité.

Dr 9 : Ca rejoint le concept d’isolement aussi, s’il y avait quelqu’un autour d’eux qui aurait

pu alerter, il y aurait moins de fragilité.

Dr 11 : Ce qui est sûr, c’est qu’il y a ou il n’y a pas d’environnement, près du domicile.

(Plusieurs approuvent)

Dr 11 : Moi j’en ai quelques une qui n’ont aucun environnement familial à proximité. Moi je

rappelle d’un patient qui n’avait pas d’enfant, juste 2 nièces, une à Paris et l’autre à Avignon.

On l’a gardé à domicile longtemps. Mais à partir du moment où il a arrêté de venir au cabinet,

je me suis dit… Et puis je trouve qu’une autre chose, c’est qu’il se passe quelque chose

d’important dans leur cercle de vie. Soit le conjoint décède, soit il tombe malade, soit un

enfant qui était présent et qui n’est plus présent, soit qui tombe malade. Autrement dit il se

passe quelque chose dans l’environnement. Et là je trouve que l’on peut être dans la

prévention, dans le dépistage, si on est un peu dans l’attention de ce qui se passe autour

d’eux. Et moi j’essaie de travailler comme ça en disant, là il s’est passé quelque chose,

j’essaie d’introduire une aide-ménagère, j’essaie d’introduire une infirmière. Parce que je sais

que quand il va y avoir une dépendance vraie, si on passe brutalement de 'je suis bien portant'

à une dépendance, c’est compliqué parce qu’il va falloir une infirmière… Ils acceptent pas, ce

qui est un signe de bonne santé aussi. Je trouve aussi que la résistance des gens aux

propositions que je leur fait, c’est une espèce de test, de dire « bon pour l’instant ça va ». Je

leur fais une proposition d’aide-ménagère, je leur dis mais quand même vous pourriez avoir

quelque un qui vous fasse les courses. « Non non docteur, mon mari, conduire dans ***

(Petite ville) ça va encore, conduire dans Valence non c’est fini ». Ce qu’ils font en voiture.

Ils vont chez l’ophtalmo en voiture tout va bien, ils vont à Intermarché en voiture... Ah tiens,

vous n’allez plus à Valence ? C’est trop compliqué, pour se garer, non c’est plus possible.

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Donc les éléments que l’on devrait rechercher sont périphériques à notre souci principal, qui

est le souci de la santé directe on va dire...

Dr 9 : Le psycho social prend beaucoup plus le pas sur le médical pur en fait.

Dr 8 : On a la chance de travailler dans une maison médicale avec les mêmes infirmières où

l’on se connait bien, où il n’y a pas de problème entre nous. Je trouve que l’on introduit assez

vite nos infirmiers pour des passages qui quelques fois sont des passages de médicaments.

(Plusieurs approuvent)

Dr 8 : ...Qui semble pas grand-chose. Mais qui est à mon avis le meilleur dépistage. Parce que

c’est l’œil du professionnel qui dit « oula la Mme Machin, ça va plus, elle se trompe dans les

médicaments, faut que j’y passe plus souvent ». Il y a beaucoup de bascules qui sont passées

par l’intermédiaire des infirmiers, mais qu’on avait mis en place pour des gens qui n’allaient

pas si mal que ça. Avec un seul passage par mois hein ! C’est arrivé.

PYS : Qui n’étaient pas encore dépendants ?

Dr 8 : Non pas du tout. Pour des raisons…. A ben c’est un peu moins bien, tiens l’infirmier va

passer. Ou à l’occasion d’une chute, d’un pansement ou d’un soin un peu plus important.

L’infirmier est gardé, il peut rester 2 ans, 3 ans en passant une fois par mois, pas beaucoup

plus. Mais par contre ça va beaucoup plus vite dès qu’il se passe quelque chose, tu es averti.

C’est la chance d’être dans une maison médicale où l’on se connait, où l’on peut se parler, où

les infirmiers n’ont pas peur de nous appeler. Appeler le médecin, ils savent qu’ils seront

écoutés. J’ai été horriblement surpris... ben justement , ça sera zappé ou coupé… j’ai un Mr

qui est en maison de retraite où je connais pas les infirmières, tu en as au téléphone, mais des

infirmières libérales viennent, tu sais pas bien comment ça se passe, t’essayes de mettre des

choses… On est poli avec toi, on est bien… Le Mr est tombé avec un escarre énorme au

talon, alors que je l’avais vu avec une toute petite croute de rien du tout. Et on a mis 4

semaines à me dire « c’est quand même pas terrible son escarre ». « Vous savez, vous avez le

droit de m’appeler, je serais passé ». Donc la personne âgée qui n’a pas de famille…

LL : C’est se retrouver isolé en institution.

Dr 8 : L’isolement et l’institution ! Donc l’importance de travailler.

Dr 6 : C’est pas rassurant de mettre nos patient en maison de retraite (rire).

LL : En dehors du fait de nécessiter des visites à domicile, ou d’être institutionnalisé. Est-ce

qu’il y a des critères d’âge pour la notion de fragilité ?

Dr 6-7-8 : Non

Dr 8 : il y en a qui à 80 ans vont très très mal et d’autre à 90 ans vont super bien.

Dr 10 : C’est un passage obligé à un moment. Et puis ce que tu disais, un des symptômes de

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fragilité ce qu’on est amené à imposer des choses, on n’est plus dans une relation normale

d’adultes, d’égal à égal. On dit « non là, stop, j’impose ceci ».

Dr 8 : C’est moi qui décide.

Dr 10 : J’impose ceci. Si on n’a pas pu le négocier.

LL : Du coup… Vous avez l’air d’être tous sensibilisé à cette question. Mais est-ce que vous

utilisez des outils particuliers pour détecter, ou évaluer la fragilité ? Ou pas ?

(…)

Plusieurs disent non.

LL : Parce qu’il n’y a pas besoin ? Ou parce que vous en connaissez pas ? ou...?

(..)

Dr 7 : à part le MMS et le Hamilton.

(Plusieurs désapprouvent que ce n’est pas du dépistage)

Dr 9 : le MMS c’est pas une fragilité pour vous ? ca dépiste pas une fragilité ?

Dr 10 : Non c’est pas un outil global.

Dr 11 : Y a pas l’environnement, y a pas….

Dr 9 : Oui mais c’est une partie…

Dr 11 : Non ça permet de détecter un problème, un problème cognitif que je n’aurais pas

apprécié...

LL : C’est intéressant comme répartie.

Dr 10 : Je dirais que je n’ai pas d’outils mais… je le fais un peu au feeling… c’est un peu

lister la grille AGGIR, avec même les variables en bas, le ménage, la gestion, tout ça,

l’autonomie pour la toilette, se déplacer, les courses, la gestion, le téléphone…

Inconsciencement on défile la liste.

(Tous approuvent)

Dr 11 : Moi par exemple j’utilise pas la grille, comment tu dis « GIR » ?

Dr 10 : Je l’utilise pas mais...

Dr 11 : ça s’appelle « GIRER » les gens c’est ça ?

(Rires)

Dr 11 : Déjà la grille d’appel APA qu’ils nous donnent maintenant on peut la remplir, l’autre

je comprenais rien à ce qu’ils nous demandaient. Ils nous posent un peu des questions

métaphysiques, c’était de la philosophie. Non, moi je trouve un des reproches que je nous

fais, que je me fais, on n’est pas en contact avec l’ADMR. L’ADMR est une source

inépuisable de renseignements pour nous. Alors on leur dit aux gens, prenez une aide-

ménagère et tout, mais derrière, moi je trouve que ça serait bien que l’on puisse travailler plus

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avec eux.

Dr 7 : Comme on fait avec les infirmiers.

Dr 11 : Oui absolument. Encore qu’on ne le formalise pas assez le travail avec les infirmiers.

PYS : Dans quel sens, travailler avec eux ?

Dr 11 : Ben dans le sens où on leur demande rien sur comment vont les personnes chez qui

ils vont travailler. Souvent on est à l’initiative… un peu… pas toujours… de l’intervention

de l’aide-ménagère. Mais finalement on ne l’utilise pas, même si c’est une source

d’information importante. Mais d’un autre côté, on n’a pas formalisé avec eux les échanges

d’informations.

Dr 8 : On commence doucement. Avec les carnets de liaison. Maintenant, il n’y a pas une

personne où il n’y a pas un petit carnet, à spirale, ou un peu mieux fait. Mais en tout cas moi,

je le lis régulièrement le cahier.

Dr 11 : Oui. Mais je vois bien que cela n’est pas rempli dans le sens d’un échange entre eux et

nous. C’est rempli… Ils mettent des informations tout à fait normales sur leur boulot. Ca

n’est pas rempli sur « on donne des infos aux autres ». Je la trouve mieux, je la trouve moins

bien. Il faut que ça soit écrit à un endroit où l’on puisse le lire facilement.

Dr 8 : Mais si te rappelle, c’est le chantier que l’on avait attaqué entre nous.

(Plusieurs approuvent)

Dr 8 : On s’était dit qu’on allait mettre quelque chose, un cahier de liaison un peu plus

officiel, un peu plus protocolisé. Avec quelqu’un.

Dr 7 : Comme un document HAD.

Dr 6 : Ben moi j’ai 2 ou 3 patientes que j’estime fragiles. Et je m’organise avec l’infirmière

pour qu’elle soient là quand j’y vais, pour qu’on se voit toutes les 2 et qu’on en discute. En

plus, ma patiente est démente, donc si je lui demande comment ça va, ben ça va... c’est même

impossible de la soigner si j’y vais toute seule.

Dr 11 : Non mais je disais que je trouve que quantifier le niveau de fragilité, ou le niveau de

dépendance, ça serait pas inintéressant pour nous. D’avoir sur le groupe de personnes âgées

que l’on suit, puisqu’on les suit de façon très conjointe si j’ose dire.

Dr 7 : Mouais….

Dr 11 : A ben ça va venir M, t’inquiètes pas ! Tu nous laisse quelques femmes enceintes et

des nourrissons, et on te file quelques personnes âgées ! (ton de plaisanterie)

Dr 8 : Moi il faut que j’attende que mes jeunes patientes vieillissent, se marient, aient des

enfants pour faire de la pédiatrie ! Je serai à la retraite…

Dr 11 : Je trouve que ça serait pas inintéressant de scorer si j’ose dire...

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Dr 8 : De « GIRER »

Dr 11 : Oui, puis on pourrait dire : on a tant de patients qui sont en risque de dépendance, de

se centrer un peu sur eux et d’avoir peut être des actions spécifiques sur eux. Moi je trouve ça

assez passionnant, une médecine de parcours pour les personnes âgées.

Dr 9 : A Crest, ils évoquent la possibilité de créer une feuille de visite, où ils récapitulent

toutes les aides, toutes les choses en place. Pour que justement, quand c’est l’un ou l’autre du

cabinet qui y va, ils puissent avoir toutes ces informations, pour avoir un endroit où justement

on y a été attentif.

Dr 11 : Dans le cabinet où tu travailles ?

Dr 9 Oui. Alors c’est en projet, mais d’avoir justement un papier qui résume.

Dr 8 : C’est le projet que l’on a, avec la maison médicale.

Dr 7 : Quand est-ce que tu le fais ? Uniquement pour les personnes à domicile ? Pour celles

que l’on voit aussi au cabinet ?

Dr 9 : Pour le moment, le projet était plutôt pour ceux du domicile mais…

LL : Là vous êtes un peu plus dans les solutions d’une certaine manière. Vous trouveriez ca

intéressant d’avoir un outil, un peu plus fin que le simple jugement personnel, subjectif ?

Dr 9 : Ca permet d’être plus complet. Il y a forcément des choses auxquelles on est plus

attentif.

Dr 6 : Et ça permet d’être plus exhaustifs, de penser à tout.

Dr 9 : Oui parce que certains voient plus la fragilité somatique, ou sociale ou psychologique...

Dr 8 : Au bout d’un moment, même si on est toujours vigilants, on arrive à laisser passer des

trucs. Une grille nous permettrait de dire, oula j’ai laissé passer ça…

Dr 7 : Une check list.

LL : Est-ce que dans l’état actuel des choses, vous voyez des difficultés à évaluer, à repérer la

fragilité ? (…) Ou alors on peut pas répondre puisque c’est ce qui nous échappe ?

Dr 8 : Ben du moment où l'on n'utilise pas, on a l’impression qu’on fait les choses pas trop

mal, mais en fait, peut-être qu’on les fait très mal…

Dr 11 : Moi je trouve qu’en tout cas, ce qu’on ne fait pas, c’est qu’on ne grade pas.

Dr 6 : Oui voilà.

Dr 11 : Cette fragilité… Donc forcément on a l’impression qu’il y a un peu de fragilité mais

ça va, mais tout d’un coup patatras, c’est la catastrophe... Parce qu’on n’a pas... Soit il s’est

passé une catastrophe, bon ok… soit on n’a pas anticipé sur la façon dont on pourrait prendre

en charge les gens.

LL : Et vous avez l’intuition qu’on pourrait faire mieux en anticipant ? C’est là le dessous de

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la question.

Dr 11 : Moi je crois que oui.

Dr 8 : Moi j’ai toujours l’impression qu’il faut que je fasse mieux que l’année précédente.

(Rire)

Dr 11 : Non mais moi je crois.

Dr 8 : Non mais sérieusement hein !

Dr 11 : On est dans l’introduction des aides, on va dire autour du système de santé. Les aides

ménagères, les repas à domicile, l’adaptation du logement. Moi je crois qu’il y a des gens

qu’on aurait plus facilement gardés à domicile, si l’on avait anticipé. Mais là, il faut anticiper

de plusieurs mois ! Ce n’est pas une histoire… Moi ça m’est arrivé qu’une fois de faire

intervenir, je sais plus comment ça s’appelle à Valence… C’est un truc pour l’adaptation du

logement.

Dr 10 : CADE

Dr 11 : Ca m’est arrivé une seule fois, et j’ai trouvé ça… bon on a fait ça quasiment un an à

l’avance, parce que la famille m’avait sollicité en me disant « vous ne croyez pas que ? », ben

maintenant que vous me le dites, c’est évident. Mais heureusement que vous me le dites,

parce que sinon j’y aurais pas pensé.

Dr 7 : Et comment tu l’as connu cet organisme ?

Dr 11 : Je l’ai toujours connu parce que j’habitais à Valence à une époque, et je savais que

Cade existait, mais je savais pas comment on s’en servait.

Dr 8 : Ben c’est là que si t’avais une grille, tu te dirais « ouh purée, il faut qu’au niveau du

logement j’évalue, je score »...

Dr 6 : Alors que l’on ne sait pas, la douche comment elle est...

Dr 11 : Moi je me dis aussi qu’il serait temps que les généralistes dans leur ensemble disent

aux pouvoirs publics qui sont autour d’eux, ben voilà on a tant de patients qui sont fragiles, à

tel niveau, fragiles à tel niveau etc… Comment est-ce qu’on va faire quand on va avoir toute

cette population que va être...

Dr 7 : Et puis c’est des éléments qui peuvent servir à faire des statistiques.

Dr 11 : C’est comme les certificats de 9eme et 4eme mois. On a l’impression que ça nous sert

à rien parce qu’on n’a pas de retour du résultat.

Dr 7 : Parce que le patient ne l’envoie jamais.

LL : Bon alors une fois que l’on a détecté la fragilité, quelles sont les solutions que vous

proposez raisonnablement ?

Dr 7 : Passer à domicile pour les gens chez qui c’était pas fait, de leur proposer aide-

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ménagère, infirmière, portage des repas.

Dr 9 : La téléalarme.

Dr 11 : Tu proposes la téléalarme ?

Dr 9 : Je propose, mais ça dépend.

Dr 11 : Je n’ai jamais vu une seule fois, ça fait 30 ans, je n’ai jamais vu une seule fois une

téléalarme déclenchée de façon opportune et permettant...

(Plusieurs désapprouvent)

Dr 11 : Ah ! Mea culpa, mea culpa, mea culpa. (Rires)

Dr 6 : Moi, une est tombée dans la rue, ça a pu appeler les pompiers…

Dr 11 : Dans la rue ?

Dr 10 : Devant chez elle ?

Dr 6 : Ben ça avait marché, parce qu’elle était pas loin de chez elle.

Dr 11 : Elle a pu tirer son cordon ?

Plusieurs parlent en même temps

Dr 6 : Ben oui, elle l’avait au poignet, elle a pu appuyer et les pompiers ont appelé la voisine,

qui a pu se déplacer tout de suite.

Dr 8 : Ben moi je pensais comme toi. Il y a très longtemps c’était… Mais moi j’ai beaucoup

d’exemples où ca a fonctionné. Pas forcément avec les pompiers, mais avec la famille… Du

relevage avec la téléalarme moi j’en ai !!

Dr 9 : En sortant les très anxieuses qui appuient tout le temps, parce qu’elles ont besoin

d’avoir la voisine qui passe les voir...

Dr 11 : Moi ceux qui sont tombés à domicile, ou ils avaient pas penser à tirer dessus, ou

c’était accroché je sais pas où…

Dr 7 : Les déments ils le mettent plus.

(Parlent en même temps)

Dr 8 : J’ai une bien meilleure image de la téléalarme depuis quelques années.

Dr 11 :Ah bon ?

Dr 9 : Faut vraiment avoir que des troubles moteurs en fait.

Dr 6 : Oui parce que le dément...

Dr 9 : Des douleurs d’arthrose ou autres.

Dr 11 : Tu vois Mme M, qui est tombée plusieurs fois dont deux fractures, à chaque fois elle

n’avait pas son truc sur elle. La 3eme fois elle l’avait sur elle et elle a pas pensé à s’en servir.

Dr 8 : La mère M (une autre) elle avait pu la déclencher et ça avait été bien.

Dr 11 : Bon je retire.

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LL : Il n’y a pas d’autres interventions que vous aimeriez mettre en place ? Pour des patients

fragiles, et qui sont difficiles d’un point de vue opérationnel ?

Dr 6 : La kiné à domicile ! Impossible !

LL : Impossible ici ?

Dr 6 : Impossible !

Dr 8 : Mais le kiné…mais on a eu une réunion et le kiné m’avait dit... bon c’est vrai qu’on

disait bon ça serait bien qu’elle ait de la kiné à domicile. Mais la kiné, elle est partie là. Elle

s’était exprimé et avait dit « ouais, moi je vous aime bien, j’aime bien les papis et les mamies,

mais c’est pas de la kiné hein… c’est pas de la kiné ce que vous me demandez. La plupart du

temps c’est pas de la vraie kiné. C’est de la « marcho-thérapie ». C’est faire marcher une

personne. Et moi, sortir du cabinet, aller chez la dame, l’installer, la faire marcher, et lui

prendre ce que je vais lui prendre, c’est pas du tout rentable ». Ça peut l’être de temps en

temps. Mais vraiment, elle avait dit non. Voilà pourquoi la kiné on la fait pas, parce qu’on

peut pas faire de la vraie kiné et ceux qu’on nous demande c’est pas de la vrai kiné.

Dr 6 : Oui mais personne...

Dr 8 : ça revient souvent ! Il faudrait faire de la kiné à domicile.

Dr 6 : Les gens de l’ADMR veulent pas le faire, les infirmières veulent pas le faire...

Dr 8 : Parce que si elles tombent, qui c’est qui est responsable ?

Dr 6 : Voila.

(…)

Dr 6 : Mais ça, ça serait vraiment bien ! J’ai au moins 2 patientes qui...

Dr 11 : C’est sûr qu’il y a un manque par rapport à ça ! La mobilisation pour retrouver de

l’autonomie motrice, c’est devenu ici... enfin chez nous c’est peut être particulier.

Dr 7 : Nous, on a un souci de disponibilité des kinés…

Dr 11 : Ben là on va en avoir 2, deux jeunes !

Dr 10 : Mais c’est vrai que c’est pas de la kinésithérapie ! Il faudrait peut-être inclure dans les

métiers des aides ménagères, des auxiliaires de vie. Il faut l’inclure, cette fonction-là. Parce

que là ils ont tendance à l’exclure de faire marcher, de mobiliser… Ou alors on crée un

nouveau métier de « marchothérapeute » (rires). Mais il y n’y a pas besoin d’avoir fait BAC +

4 pour donner le bras et faire marcher les gens !

Dr 11 : Par contre lever quelqu’un qui tient pas bien debout, faut pas un Bac + 4 mais il faut

apprendre.

Dr 9 : Ou avoir 4 bras…

Dr 11 : Même nous pour relever quelqu’un… dur, dur !

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Dr 8 : La kiné c’est le seul… au niveau aides ménagères, c’est pas mal sur le village. Les

infirmiers ça se passe bien.

Dr 7 : En infirmier, j’avais des patients qui avaient des besoins à 2 passages par jour. Au

début ça s’est fait une fois par semaine, puis une fois par jour, parce qu’il y avait une place

qui s’est libérée…

Dr 11 : Oui on a du monde en infirmier. On a 7… maintenant 9 infirmiers.

Dr 6 : Mais il y a de plus en plus de demandes, parce qu’ils ne veulent pas forcement faire

appel à d’autres.

Dr 11 : Moi je trouve que ça manque un peu d’organisation d’ensemble ! C’est à dire passer

du temps pour évaluer quels patients ont des besoins… Moi je trouve qu’on n’évalue pas ce

qu’on fait. On fait des choses, on est assez content de ce qu’on fait parce que les gens restent

chez eux. Mais je n’ai pas le sentiment qu’on soit dans une évaluation, avec l’objectif d’une

amélioration constante de ce qu’on fait. Encore que...

Dr 8 : Je pense qu’on est pas mauvais...

Dr 11 : Non mais c’est pas une question de dire qu’on est bon ou mauvais, mais de dire qu’on

passe beaucoup de temps à causer ensembles avec les infirmières, les aides ménagères ou

autres.

Dr 6 : Moi j’avais réussi… ben là ça fait un moment… Mais au moins deux dans l’année avec

les infirmières, l’ADMR, le SSIAD… En plus ça se passait pas bien. Donc c’était bien que

tout le monde…

Dr 11 : Moi je trouve que le SSIAD c’est un truc qui nous rend service ! Quand les gens sont

pris en charge par le SSIAD, nous on trouve que c’est plutôt qualitativement bien. Les gens

du SSIAD prennent du temps, passent du temps avec eux, c’est des gens bien formés. Puis les

SSIAD et les infirmières à ***, ça se passe bien, il n’y a pas de compétitions

LL : Ça serait bien d’avoir des documents qui…. Qui documentent un peu les ressources

disponibles pour répondre aux problématiques de la fragilité par exemple ?

Dr 6 : Oui.

Dr 9 : On sait pas forcement tout ce qui est proposé.

Dr 7 : C’est la CADE par exemple.

LL : Oui je pensais à ça par exemple. Pour aménager le logement par exemple.

Dr 11 : Oui bien sûr ! On connait ce que l’on a utilisé.

Dr 7 : L’Hôpital de jour de gériatrie pour faire une évaluation.

Dr 11 : Moi les maillages, je sais même pas si ça existe dans le coin. Je sais qu’il existe des

CLIC, je sais pas ce que c’est, ni à quoi ça sert, mais je sais que ça existe. Enfin je trouve que

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l’on est pas nous, insérés, dans les dispositifs institutionnels qui concernent la personne âgée.

Ça se passe à côté de nous, mais pas avec nous. Alors d’un autre côté, on va les accuser.

D’un autre coté nous, on consacre pas beaucoup de temps à ce type d’activité. Parce que

d’une part on n’est pas rémunéré, c’est peut-être pas la raison principale…

Dr 7 : On n’a pas beaucoup de temps !

Dr 11 : On n’a pas beaucoup de temps, mais en même temps je dirai qu’on n’est pas

concernés. C’est des trucs qui se passent à côté de nous, on sait pas très bien à quoi ça sert.

LL : Donc comme les besoins vont augmenter...

Dr 7 : Oui.

Dr 11 : C’est sûr !

Dr 11 : Regarde l’APA par exemple. Dans l’Ain, c’est le médecin traitant qui fait l’évaluation.

Tandis que nous on remplit la grille et quelqu’un d’autre qui va faire l’évaluation. Je n’ai

jamais eu le moindre compte rendu…

(Plusieurs parlent, un peu énervés)

Dr 7 : On n’a pas de retour.

Dr 8 : Moi j’ai l’impression qu’on ouvre un dossier, j’ai l’impression que… bon je fais les

choses sérieusement… Mais j’ai l’impression que je pourrais mettre à peu près n’importe

quoi, je m’entends quand je dis n’importe quoi... Tu ouvres un dossier, ça permet de lancer

un truc, et c’est l’infirmière du conseil général qui vient et qui… elle va lire ce que tu as

marqué, mais c’est elle qui fait sa grille.

Dr 7 : Elle tient pas compte de tes réponses.

Dr 10 : Mais le document qu’ils nous demandent de remplir ne sert pas à remplir la grille

AGGIR. C’est uniquement les antécedents, les pathologies concernant la personne.

Dr 11 : Ah non, mais attends de l’autre côté tu remplis des données d’autonomie quand

même !

Dr 8 : Un peu plus que le dernier.

Dr 10 : Toute dernière alors, que j’ai pas vu ! Mais c’est sorti la semaine dernière ?

Dr 11 : Non, ça fait quelques mois. Ils nous demandent comment ils s’habillent, s’ils sont

isolés,...

Dr 9 : Comment ils mangent, sur la toilette,...

Dr 10 : J’ai pas du tourner la page…

Dr 11 : Comme je connais pas la grille GIR…

LL : J’ai travaillé en maison du Rhône, on lisait la grille AGGIR. Les dossiers sont staffés en

fait. Quand il y a un truc incohérent entre ce qu’a dit le médecin traitant, ce qu’a dit

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l’infirmière…. Les patients sont revus. Il y a une double analyse, il y a un médecin et une

infirmière...

PYS : Des codeurs professionnels !

LL : En pratique, ils savent ce qu’ils veulent comme aide et tirent le GIR vers ce qu’ils

veulent.

Dr 8 : Les données sont totalement différentes. Les premiers APA qu’on faisait, c’était

vraiment pas terrible.

Dr 11 : C’était très littéraire comme remplissage. Tandis que là on est au moins dans un

remplissage qui dit « s’habille correctement, avec aide ».

Dr 9 : Mange correctement…

LL : Dans le même ordre d’idée, j’avais une question sur la collaboration avec les autres

acteurs qui peuvent être concernés. Vous avez un peu répondu mais il y a une autre catégorie

d’acteur dont vous n’avez pas parlé, c’est le milieu de la gériatrie hospitalière. Il y a de la

collaboration ? Il y a des choses à attendre ?

(…)

Dr 8 : Ils sont pas très disponibles.

Dr 9 : Alors ça fait pas très longtemps que je suis à Crest, mais j’ai plutôt un bon retour sur le

service de gériatrie, où ils font des accueils de courte durée... Par exemple j’avais envoyé une

patiente qui avait une grosse gonarthrose qu’on n’arrivait pas à bien soulager. Ils l’ont

infiltrée, les choses ont suivi leur cours. Ca a permis de dépanner, pour faire des examens en

même temps qui étaient difficiles à organiser en ambulatoire. Parce qu’il y avait des escaliers

chez elle, qu’elle avait du mal à se déplacer. Au moins on a pu faire tout d’un coup, les radios,

la consult ortho...

LL : C’était un facteur de fragilité …

Dr 9 : Oui parce que du coup, elle pouvait plus rester à domicile avec son arthrose et ses

douleurs. Et le fait de pouvoir faire tout en même temps, la radio, consult et infiltration, ça a

simplifié les choses plutôt que de faire des allés et retours avec une ambulance.

Dr 8 : Oh moi ils ont fait 2 fois des courts séjours gériatriques. Il faut pas attendre le dernier

moment parce que c’est pas le but. Mais quelques jours… En prévision, chez une personne

qui est en train de décompenser sur plein de choses, rhumato… Moi les deux fois, ça s’est

bien passé. Donc ça c’est le côté court séjour gériatrique. Ils avaient créé une unité mobile de

gériatrie, je sais pas comment elle s’appelle, à l’hôpital de Valence. Ils ont mis un médecin

qui était censé, justement pour les personnes… Je sais pas bien le parcours… qui était dans le

service et qui retournait à domicile les suivre. J’avais trouvé ça stupéfiant, parce que j’avais

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un Mr qui avait été hospitalisé, qui est retourné à domicile. Le responsable du service avait

demandé l’intervention de l’unité mobile de gériatrie… et ça m’avait vexé, entre guillemets…

enfin si, vexé… Ils n'ont pas pris contact avec moi, alors que c’est un Monsieur que j’avais

suivi pendant des années, j’ai fait plein de chose, mis en place plein de trucs. L’unité mobile

était intervenue, à la grande surprise de mon papi qui m’avait appelé en disant « il y a une

personne qui est venue, j’ai pas bien compris ce que c’était.. ». Puis après je les avais contacté

par téléphone…. C’est dommage qu’une unité mobile ne s’adresse pas déjà au médecin

traitant…Ça devrait pas être une mauvaise idée. Ensuite, j’ai pas trouvé leur collaboration

super efficace. Mais je sais pas où ça en est, peut être que ça marche mieux…

Dr 11 : Moi je trouve que si ça fonctionnait comme l’HAD ; l’HAD de Crest qui fonctionne

vachement bien, au sens que quand on met quelqu’un en HAD, même si c’est l’hôpital qui le

met en HAD, l’HAD nous appelle « vous êtes le médecin traitant de Mr Machin, est que vous

acceptez de le prendre en charge oui ou non dans le cadre de l’HAD. Deuxièmement, est ce

que vous laissez votre téléphone la nuit, oui, non. Enfin ils nous interrogent sur ce que l’on

veut faire, sur nos disponibilité, et après ils l’utilisent… Et ils font la même chose avec les

infirmières d’ailleurs. Euh c’est vrai que les services de gériatrie, on a le sentiment… et c’est

pas pour les accuser ou quoique ce soit, mais c’est que mon sentiment, c’est pas leur état

d’esprit, c’est pas leur culture, de dire « quelles sont les ressources locales, comment on les

aide ». Autrement dit, pour moi le réseau de proximité, on vient le remplacer, ou on vient

travailler à sa place ou on vient l’appuyer. Et on a pas toujours le sentiment… enfin pour

l’HAD si, ça marche extrêmement bien, manifestement ça peut se faire... . Moi j’ai pas le

sentiment que les réseaux autour de ce qui se fait en gériatrie ne soient vraiment dans cet état

d’esprit. C’est-à-dire on ne fait rien sans avoir au moins appeler le médecin traitant. Ce que

l’HAD fait de manière systématique. Je trouve... Alors c’est vrai que l’on est jamais contents

quand on trouve que l’un d’eux n’est pas disponible… Ils font surement très débordés, ils

font beaucoup d’effort pour se rendre plus disponibles mais…. Les unités mobiles, il existe

l’unité mobile de soins palliatifs, de gériatrie.

Dr 8 : Elle existe toujours l’unité mobile de gériatrie ?

Dr 11 : Je sais pas.

(…)

Dr 10 : Sur Crest, il n’y a pas d’unité mobile de gériatrie mais je trouve que c’est quand

même assez bien fait. Il y a un court séjour, qui est ouvert depuis pas très longtemps. Enfin

c’est dans le service de médecine, il y a quelques lits de court séjour, et on peut anticiper pour

faire tel ou tel bilan. Il y a 15 jours, j’avais une dame de 92, découverte de myélome l’an

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dernier. Bon ben, elle a besoin de transfusion de temps en temps, on programme ça en court

séjour, 24-48 h, ils la prennent 2 jours.

Dr 9 : Mais du coup ils font plus prestataires de services ponctuellement pour….

Dr 10 : Ouais, hum. Que ce soit pour du bilan ou traitement. Et puis il y a quand même des

lits temporaires, pour des séjours d’accueil temporaire. Et la consultation mémoire et la

consultation gériatrie, elle est devenue un peu longue, les rendez-vous sont un peu longs.

Enfin ils répondent assez bien à notre demande. Je trouve que l’on est assez bien aidé. Après

en équipe mobile, il y a l’équipe mobile de soins palliatifs qui vient… Bon c’est des

situations de fragilité bien avancées…

Dr 11 : Crest a toujours bien fonctionné comme ça. Moi je me rappelle avoir demandé des

séjours de répit pour les familles pendant l’été ou les vacances. Bon maintenant je sais pas si

ça se fait encore

Dr 6 : si si

Dr 10 : De toute façon, toutes les EHPAD sont tenues d’avoir des lits temporaires de nos

jours. Toutes. Donc St Anne, ils en prennent, l’établissement que tu disais tout à l'heure, ils

sont tenus d’avoir des lits d’accueil…

Dr 11 : Enfin bon mon sentiment c’est la gériatrie fonctionne un peu de façon… je dirais…

en parallèle avec nous. Pas du tout, pas suffisamment en tout cas de mon point de vue en

articulation avec nous. Bon c’est peut-être de notre faute, parce qu’on ne les connait pas, on

ne les utilise peut être pas, j’en sais rien...

LL : Est-ce qu’on a besoin d’eux pour prendre en charge la fragilité finalement ? Vous disiez

que finalement vous faites pas si mal, pour la repérer, pour apporter un certain nombre de

réponses, c’est pas parfait mais c’est pas si mal..

(…)

PYS : J tu parlais des consultations mémoires et gériatriques à l’hôpital. Tu disais qu’ils

répondaient bien à tes demandes. Justement, dans quel cas tu envoies tes patients, et quels

sont les retours qui te satisfont ? Est-ce que tu peux développer ça un petit peu ?

Dr 10 : C’est surtout quand il y a des problèmes neurologiques, des troubles cognitifs… que

je veux pouvoir évaluer l’importance ou l’origine, est ce que c’est… purement vasculaire…

une maladie neurologique… un type de démence... Ils font l’évaluation, il y a le gériatre. Si

besoin, ils font un bilan neuro-psychologique. Si je l’ai pas fait avant, il fait faire un scanner

ou une IRM. Enfin il complète le bilan de ce que je n’ai pas encore fait. Il fait des

propositions de prise en charge thérapeutique, avec des trucs auquel je n’avais pas pensé.

PYS : De quel ordre ?

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Dr 10 : Ca peut être des fois de pointer un aspect dépressif chez la personne, de mettre en

route un traitement anti dépresseur, ou de le proposer. Je n’avais pas vu cet aspect, ou… au

contraire de pointer des gros troubles cognitifs, avec une démence plus avancée que ce que je

pensais.

(…)

Dr 9 : ça reste du domaine somatique en fait, et pas du contexte de vie.

Dr 10 : oui c’est somatique. C’est le médical. Mais bon quand même, dans la consultation, ils

abordent le mode de vie, l’entourage familial et tout. Ça fait un deuxième regard, et souvent il

y a des choses qui sortent que je n’avais pas vu. C’est complémentaire.

(…)

Dr 7 : A valence fut un temps, ils faisaient l’envoi d’un ergothérapeute à domicile pour

évaluer le logement, un peu comme peut faire la CADE. Je sais pas si ça se fait toujours.

Dr 11 : Moi je sais, que l’histoire… ben je sais que les consultations mémoire… Bon peut

être que je suis un peu déformé dans ma tête, mais je sais… je suis assez dubitatif... mais

pour confirmer un diagnostic, c’est-à-dire éliminer une pathologie, confirmer quelque chose

qui est en train de démarrer… Bon à ce niveau-là c’est peut être intéressant… Mais à ce

moment-là j’envoie directement à la neuropsychologue. J’aimerais mieux que l’on ait accès

directement à des neuropsychologues qui nous fassent un bilan, que des gériatres qui ont

tendance tout de suite à médicaliser, à donner des médicaments et tout… Je suis assez

dubitatif, voire résistant à toute cette médicamentation du déficit cognitif. Et je trouve que sur

ces affaires-là, il va y avoir un scandale sanitaire qui va se développer un jour sur ces

histoires d’Alzheimer. Je trouve que c’est un scandale nosologique, c’est un scandale

médicamenteux. On appelle un déficit cognitif chez la personne âgée, maintenant c’est la

maladie d’Alzheimer ! Et on médicamente tous ces gens-là, et moi je résiste de plus en plus,

voire avec l’arrêt des traitements, avec l’accord de la famille et des patients, quand les gens

sont mis sous traitement. Parce que d’une part ça ne sert à rien, et d’autre part ça risque de les

dégrader éventuellement. Alors je suis là aussi prudent avec ce que je pense, parce que je suis

peut-être un peu trop excessif dans mes pensées mais… J’ai au moins une famille qui m’a dit

que le traitement avait au moins calmé les troubles du comportement...

Dr 7 : Oui

Dr 11 : Ce qui m’avait paru pas inintéressant. Mais je trouve que c’est cher payé pour un

bénéfice qui…

Dr 7 : Oui très cher.

Dr 11 : Bon tout cet aspect-là que développe la gériatrie, je trouve qu’il y a un côté pas

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raisonnable par rapport au bénéfice risque que l’on doit apporter aux personnes âgées. Je

trouve que le milieu gériatrique qui de temps en temps nous fait des reproches assez justifiés,

trop de médicaments, trop de ceci de cela... ok… Moi je regarde après les ordonnances des

gens qui sortent de gériatrie….

Dr 7 : Moi j’ai un exemple comme ça… On nous dit qu’il faut pas mettre d’hypnotiques ou

de benzo à domicile à demi longue… Ben moi j’en ai une qui est sortie avec son Imovane…

82 ans… Moi je résiste et puis en consult…. Vu par le gériatre qui met de l’Imovane.

Dr 11 : En milieu gériatrique, la moitié des patients déments sont sous neuroleptiques ! Bon

voilà, moi j’ai un petit peu de difficultés avec le milieu gériatrique, qui pour moi n’est pas

toujours dans un position d’accompagnement mais de prise en charge à notre place des

patients, voir même des fois, d’excès de vouloir… d’excès d’interventions… les gens âgés ils

disent « attendez, moi je veux rester chez moi, je veux pas aller à l’hôpital », ça c’est

compliqué parce que des fois on voudrait bien qu’ils y aillent. « Je veux pas aller voir le

gériatre, je veux pas ceci, je veux pas cela… laissez-moi chez moi, occupez-vous de moi, et

laissez-moi la paix », si j’ose dire.

Dr 8 : Ouais et moi je serais encore plus virulent, à part le bénéfice des courts séjours, où ça

c’est pas mal, quelques fois je m’en suis servi… j’ai l’impression que je suis en opposition

sur ma façon de soigner les gens. Mais vraiment de tout ! Pareil, peut être avec l’âge j’ai plus

d’assurance... Mais j’ai viré tous les traitements, les Exelons, les machins, les Ebixa…

(Incompréhensible). On avait l’impression que nous on s’occupait de comment ils allaient

manger, comment ils allaient se laver, on avait tout ça en tête, on essayait de faire la

synthèse… et eux ils sortaient Aricept, Exelon, Ebixa… On avait 2 actions totalement

opposées ! On avait eu une soirée intéressante, tu te rappelles avec la chef de service de

gériatrie… On s’était un peu… On avait dit ben l’argent que l’on met sur l’Aricept ou

l’Exelon, on pourrait le mettre sur les aides ménagères, les téléalarmes… tout ce qui peut

faire que les personnes puissent rester à domicile.

Dr 11 : Moi j’ai exactement le même sentiment avec les neurologues et le parkinson tu vois.

Dr 8 : C’est ce qui fait que c’est un peu compliqué, à un moment il arrive un truc où la

famille… la famille quand même.. On est en opposition vraiment, et il se passe un truc où on

dit « ben maintenant vraiment faut choisir, soit c’est nous qui la soignons, soit c’est eux qui

la soignent »

LL : Vous débordez un tout petit peu quand même. Ou alors, les médicaments, vous parlez de

maladie d’Alzheimer diagnostiquée ou de situations à risque d’Alzheimer…

Dr 8 : Vite vite diagnostiquée, vite prescrit

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Dr 11 : Dès qu’on évoque le diagnostic, dès qu’il y a quelques éléments dans les scores qui

sont établis, pof le médicament !

LL : Donc on est dans une situation d’une certaine fragilité d’une certaine façon ?

Dr 8 : Donc on n’est pas ...

PYS : C’est un peu limite en tout cas.

Dr 8 : C’est pas des relations excellentes en tout cas.

Dr 11 : Le bénéfice est très incertain et le risque est quasiment certain.

PYS : OK.

Dr 11 : Donc ça me rend un peu… du coup je suis un peu mal à l'aise avec le milieu

gériatrique parce que je trouve que l’on a besoin d’eux, on a besoin de leur avis. Et ça nous

fait du bien d’avoir des regards extérieurs comme nous dit J, moi je suis un peu petit à petit...

Dr 7 : Moi je pense que c’est un peu gériatre dépendant, ça tient à la personnalité de la chef

de service de gériatrie.

Dr 11 : C’est quand même leur culture.

LL : Donc vous êtes très en conflit sur les troubles cognitifs et leur traitement

médicamenteux. Ca ça a l’air d’être très posé. Mais J, tu disais qu’il y avait un autre regard

sur le reste de la personne. Est-ce que ça vous le ressentez ? Est-ce que ça vous apporte

quelque chose autour du trouble cognitif ? Ou vous avez l’impression qu’ils sont trop

focalisés là-dessus ?

(…)

Dr 11 : Non, ils nous donnent des conseils raisonnables sur plein de choses, on apprend plein

de choses. C’est des gens qui sont spécialisés dans leur domaine et qui nous apprennent des

choses. Il y a du savoir qui se constitue dans le champ de la gériatrie. Ça c’est le côté

intéressant.

Dr 9 : Ce qu’ils peuvent proposer aussi c’est la prise en charge des aidants. De proposer des

cafés des aidants ou des choses comme ça. Ils peuvent avoir des ressources de ce côté-là qui

peuvent être intéressantes à mettre en place. Nous, on a pas forcement ces réseaux-là.

PYS : Ben là ils sont plus que fragiles, s’il y a besoin de soutenir les aidants.

Dr 9 : Oui… On est au-delà de la fragilité.

PYS : C’est la transition vers la question d’après qui est de dire : par rapport au patient et à

son entourage, quelles sont leurs attentes ? Alors les patients, si je me souviens un peu du

début de la discussion, les patients ils n’ont pas tellement d’attente parce qu’ils sous estiment

leur propre fragilité si je vous ai bien entendus. Mais au moins leur entourage peut être. Ils

attendent une détection ? Une prise en charge ?

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Dr 8 : Oui, ben comme toujours. Ceux qui sont près, qui vivent le problème, ils sont bien

avec nous, parce qu’ils attendent que ça se passe bien, on travaille plutôt bien avec la famille,

les proches. Et puis ceux qui sont loin, ben ils attendent tout. C’est les plus difficiles à gérer,

parce que quand ils viennent, ils n’ont pas connaissance de tout ce qu’on fait, et dans le week-

end ils comprennent pas pourquoi ils ont pas fait ça et ça, puis après ils repartent le dimanche

soir… et reviennent dans deux ou trois mois.

Dr 10 : Ils ont souvent beaucoup plus d’exigences (rire).

Dr 8 : Ils sont beaucoup plus exigeants.

Dr 9 : Moi j’ai l’impression qu’au niveau somatique, il y a 2 étapes. Le dépistage de la

fragilité où on a envie de… où les gens peuvent être demandeurs de beaucoup de choses, de

prise en charge… et puis une étape un peu plus vraiment de dépendance où les gens disent

« oulala est ce que tel médicament est bien nécessaire, est ce que ça on pourrait pas lever le

pied »...

Dr 6 : Il y a souvent une ambivalence chez les gens. Ils veulent que l’on guérisse ça mais ils

veulent pas qu’on fasse de scanner ou qu’on mette un traitement.

Dr 10 : Au bout d’un moment, je trouve que les aidants sont comme les patients. Ils

minimisent leur fragilité, leur besoin d’aide. Et que dans la plupart des cas on essaie de

ramer, ramer et leur dire « mais attendez, faut que vous vous fassiez aider, parce que vous

n’allez pas tenir le coup sur le long terme ». « Non mais pour le moment ça va, je vous dirai

quand… j’suis fatigué mais c’est normal… ». Tout comme les patients, il faut qu’on les force

un petit peu. Les aidants sont dans le déni des fois de leur propre fatigue, de la gravité des

choses, de leur fragilité. Jusqu’au moment où ça craque.

Dr 8 : En tout cas, moi depuis 2-3 ans, j’essaie de plus en plus et je le fait vraiment

régulièrement d’anticiper un peu ça. Alors ça marche pas toujours, on fait pas toujours ce

qu’on a prévu. Mais de faire une petite réunion, avec le fils, la fille, en disant « bon là, ça

commence à devenir difficile, qu’est ce que vous avez prévu, la maison de retraite, c’est une

solution ? Est-ce que vous pensez que vous allez pouvoir vous débrouiller entre vous, est ce

que vous allez la prendre chez vous, est ce que … ». C’est quelquefois juste une discussion.

Avant je le faisais pas, j’attendais que ça tombe... Et maintenant il se passe pas un trimestre

sans faire le point un petit peu avec la famille. En tout cas, moi je le fais le vendredi après-

midi, et c’est moi qui devance. En disant « ben voilà on en est là ». Et depuis que je le fais,

ben c’est assez sympa parce que… la dernière un patient m’a dit « faudrait qu’on en reparle

un petit peu de ma mère, de ce qu’on fait de ce qu’on fait pas ». Entre ce qu’on prévoit et ce

qui se passe…

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Dr 6 : On reparlait des marqueurs de la fragilité. Des fois je demande le numéro du fils pour

le marquer dans le dossier. Quand je le demande...

Dr 11 : Moi je trouve que par rapport aux aidants, moi je commence à parler aux aidants

quand je me dis bon, il va falloir commencer à s’organiser. Moi je leur dis la chose suivante :

si c’est possible j’aimerai bien que vous vous cantonniez à votre rôle d’aidant, mais extérieur

à la prise en charge directe. Que vous soyez ceux qui viennent, qui viennent discuter, passer

du temps et caetera, parce que vote papa, votre maman commence à perdre son autonomie, ça

peut durer extrêmement longtemps ! Dites-vous que peut-être dans 2 ans, il sera toujours chez

lui, vous serez peut être en train de… on sera peut-être en train de discuter sur ce qu’on va

faire... Parce que je trouve qu’il y a un épuisement des aidants qui est absolument redoutable.

Parce que quand les aidants sont épuisés, c’est absolument la même chose que quand les

patients sont dans une situation aigue… Tout s’écroule autour. Donc moins on est dépendant

des aidants si j’ose dire, mieux c’est. Et pour les aidants et pour la personne elle-même. Bon

c’est un peu un vœu pieux, parce que les aidants ils ont toujours beaucoup de choses sur le

dos. Je pense qu’on essaie de les aider et de les protéger, mais je ne suis pas sûr qu’on y

arrive toujours

Dr 9 : Je trouve qu’on voit souvent des filles se substituer aux infirmières, parce que les

mères ne veulent pas que les infirmières les aident pour la toilette. Du coup c’est les enfants

qui se retrouvent à faite la toilette.

Dr 6 : Ah non mais...

Dr 11 : Moi j’essaie de dire non systématiquement. Je dis aux gens, c’est pas le rôle de votre

fille de faire votre toilette. Elle a des enfants, elle a un boulot.

Dr 9 : J’ai l’impression que c’est souvent un combat pas gagné.

LL : C’est un défaut de coopération du patient lui-même en fait ?

Dr 7 : Ca ca vient aussi de leur... de leur éducation, de leur parcours de vie. A une époque, les

jeunes générations s’occupaient des autres générations. On n’était pas dans un processus où

on arrivait à 85 ans, avec des enfants qui ont 65 ans qui ont leurs propres enfants, leurs

propres ennuis de santé, qui sont aussi à préserver.

Dr 6 : Non mais …

Dr 9 : C’est une grosse intrusion dans l’intimité. C’est souvent mal vécu.

Dr 6 : Ouais.

(…)

LL : Une dernière question pour finir, dans la prise en charge des fragilités, est ce que vous

rencontrez des difficultés particulières qui vous viennent à l’esprit ? On en a un peu discuté

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là, on a peut-être fait le tour. Est-ce que vous rencontrez des difficultés dans les solutions à

mettre en œuvre ? Qu’on n’ait pas dites jusqu’à présent ?

(…)

Des difficultés qui font qu’on pourrait faire mieux, mais qu’en pratique on a du mal ?

Dr 10 : On l’a déjà dit mais, on va le redire parce que c’est très important, c’est l’échange des

informations, de la coordination. C’est vrai que dans notre cabinet, depuis le début de

l’année, enfin fin 2012, on travaille avec les infirmières de notre coin pour mettre en place un

classeur à domicile. Pour le moment c’est très hétéroclite, des fois c’est les infirmières qui

mettent, des fois on demande au patient de mettre un cahier, ou des fois j’amène un cahier

d’écolier. C’est très hétéroclite. Et… voila… on voudrait faire ce travail d’avoir un classeur

homogène, qui change pas à chaque cabinet d’infirmiers. Mais pour le moment ça reste une

idée. Mais je pense que ça serait un élément qui améliorerait la prise en charge.

Dr 8 : On a eu la même idée, mais c’est resté au même état d’avancement.

Dr 10 : Au (cabinet du Dr 9) c’est pareil ?

Dr 9 : Oui.

LL : On boucle un peu la boucle, puisque ça avait été dit au début de la discussion.

Dr 9 : Mais je pense que c’est important la communication entre médicaux et paramédicaux,

mais aussi dans un cabinet de groupe.

Dr 10 : On s’est fait la réflexion de ce qu’on mettait dedans, de savoir qui apportait le cahier.

Dr 6 : Qui finance.

Dr 10 : Est-ce qu’on allait acheter une centaine de classeurs, et les donner aux patients, aux

infirmiers, faut les intercalaires, faut les feuilles...

Dr 8 : Nous on a fait renaitre de ses cendres une association qui regroupe des professionnels

de santé. On essaiera par le biais de cette association de porter ce projet.

(..)

LL : De cahier ?

Dr 8 : Oui. C’est vraiment ce que l’on a décidé.

Dr 6 : Ca vient de se faire.

Dr 8 : Et puis on en avait parlé un peu avant.

Dr 7 : Les statuts de l’asso correspondent à ce besoin, d’échange pluri-professionnel,

d’échange.

Dr 11 : Moi je trouve que ce qui nous manque le plus, c’est du temps de coordination

rémunéré.

On devrait passer un peu moins de temps à faire des actes, et ça serait bien d’avoir une vraie

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professionnalisation de cet aspect du boulot qui à mon avis est un aspect du boulot qui est

extrêmement… à la fois très intéressant pour nous. Parce qu’à la fois ça nous améliore notre

capacité à comprendre ce qui se passe, et d’intervenir. Mais en même temps surement très

productif par rapport à la prise en charge des personnes âgées. Plein de chose que l’on aurait

pu faire un petit peu mieux ou différemment si on avait cet axe de boulot, comme étant un

boulot professionnel, payé et caetera.

LL : Et la détection elle-même, ça prend du temps quand même ? S’il y avait cet outil dont on

parlait tout à l’heure...

Dr 6 : On pourrait l’intégrer dans le classeur...

PYS : Alors après, est ce que les gens qui ont un classeur, est ce que ça ne sera pas déjà des

gens qu’on aura vu comme fragile ?

Dr 6 : Mais non… ça serait… ceux que l’on voit à domicile.

Dr 8 : Le classeur peut être fait au départ.

Dr 11 : Oui mais… Moi je trouve que l’on parle classeur. Si on prend il y a un ou deux ans

dans notre tête, si on prend dans un ou deux ans on aura plus... on aura des classeurs

électroniques.

Dr 6 : Oui mais en attendant...

Dr 11 : Oui mais en attendant...

Dr 6 : Tu sais avant que l’infirmière elle ait son ordi… Nous on peut le faire...

Dr 11 : On a exactement le même problème pour les vaccins antigrippaux des personnes

âgées. Moi aujourd’hui, je ne sais plus quelles sont les personnes âgées vaccinées ou pas

vaccinées. Les personnes que j’ai vaccinées moi je sais, mais les infirmières qui ont vacciné

les patients qui ne tiennent pas de dossier… C’est pareil j’ai eu un patient qui a eu une

vaccination anti tétanique par les infirmières qui l’ont pas marqué. Elle a pas fait de carnet de

santé, je fais quoi ? Je revaccine, je revaccine pas ? Donc le vaccin fait et non noté, ben ça

sert à rien. Dans cette affaire, bon, on fera des dossiers papiers. L’ADMR a quand même de

l’avance sur nous. C’est quand même extraordinaire ! Le SSIAD de Chabeuil, ils arrivent

chez les gens avec leurs classeurs. Ils posent leurs classeurs sur la table et hop, tout le monde

se met à écrire dedans. L’outil de coordination est peut-être plus intéressant que ce que l’on

fait nous. Enfin j’exagère peut être…

Dr 10 : Mais eux, ils ont une obligation… le SSIAD, nous on l’a pas.

Dr 6 : On va leur piquer leurs classeurs.

Dr 11 : Non mais nous on devrait se donner cette obligation. Mais si on fait un projet de santé

entre professionnels, derrière on va se donner cette obligation.

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Dr 8 : C’est ce que tu disais, c’est chronophage ! Tu passes du temps avec des patients, tu

passes du temps le soir, t’es fatigué, tu te dis que tu le feras la semaine prochaine...

Dr 6 : Avec les patients, avec la famille...

Dr 8 : Comme on disait il y a quelques mois, on n’a pas pris le temps de s’assoir, parce qu’il y

a du travail, et puis on fait pas. Bon là, ça va parce que PY nous a dit que c’était rémunéré

100 E la soirée… (Rire, blagues multiples). Non mais blague à part, quand on discute on dit

qu’il faut faire ça, encore faire ça… On a l’impression que ça s’empile sur notre travail...

Dr 7 : Les réunions de la SCI, de la SCM, d’étoile santé, les gardes, les groupes de pairs...

Dr 11 : Les enfants, le mari,...

Dr 6 : Qui parce que des fois...

LL : Oui mais des fois la diversification des activités est un facteur de survie aussi...

Dr 7 : Mais c’est tout le temps le soir…

Dr 11 : Moi c’est ce qui me plait dans mon métier, le matin on fait pas la même chose que le

soir !

LL : Est-ce que vous avez d’autres commentaires à nous faire ? Pour conclure cet…

Dr 11 : Moi je trouve que les institutionnels ne se rendent pas suffisamment compte.

Dr 7 : Les politiques ?

Dr 11 : Non les institutionnels. Les politiques, bon, on sait ! Les institutions fonctionnent un

peu toujours sur elles-mêmes. Et nous on est une institution ! Quand je dis ça, c’est pas

seulement pour dire l’hôpital ou tout le reste. On est vraiment dans un fonctionnement,

interne. On finit par se replier sur nous même, parce que même si on fournit des efforts, ça ne

produit pas toujours des résultats, pas reconnus… tu vois arriver des tas de choses à côté de

toi alors que tu fais le boulot. Il y a une certaine forme de découragement professionnel. Il

faut que les jeunes qui arrivent nous bougent un peu et arrivent à repenser notre métier. Sinon

je sais pas comment on va faire. Parce que la courbe de centenaires chez nous elle va monter !

(…)

LL : C’est un peu off mais un rapport a été remis au gouvernement par un gériatre, qui

recommande fortement de mettre en place un dispositif de repérage de la fragilité par les

médecins généralistes, pour orienter les patients repérés vers des hôpitaux de jour de

gériatrie pour les bilanter. C’est écrit noir sur blanc et ça devenir une grande priorité de

santé publique.

Dr 11 : Jusque là, les orienter vers l’hôpital gériatrique pour les bilanter ça parait une bonne

idée. Mais si le système consiste à valoriser, tout ce qui est… ce que j’appelle moi le réseau

de proximité, pour lui apporter la plus-value de bilans, pour améliorer la capacité de prise en

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charge de la fragilité, c’est bien. Mais dès lors que derrière, c’est toujours ce qui se passe, les

hôpitaux gériatriques font du recrutement, font du repérage, et puis après, si tu veux, il faut

qu’ils aient l’intelligence de renvoyer au réseau de proximité et d’améliorer les compétences

du réseau de proximité. Tu sais que probablement tous les réseaux vont s’arrêter, presque tous

sauf quelques réseaux particuliers, dans le sens de l’intervention sur les patients. Par contre

ceux qui vont intervenir sur les réseaux de proximité pour améliorer leurs compétences, ceux-

là ils ont de l’avenir. Les autres on va les arrêter parce que… Dromardiab qui s’occupe des

diabétiques, réseaux de périnat pour les femmes enceintes, réseaux de psychiatrie. On est

noyés sous le mille-feuille institutionnel. Il y a un système qui consisterait à dire que ces

gens-là apportent une capacité en termes de repérage, d’outils diagnostiques, etc... Mais après

ils renvoient sur le réseau de proximité, pour dire que le réseau de proximité est le seul

compétent pour intervenir. A ce moment-là, les gens se saisissent des outils et s’en servent !

Tandis que quand les gens font à leur place, ben les gens se retirent en disant qu’ils ne sont

pas à leur place. Nous, on peut pas lutter contre des institutions. On n’a pas les moyens de

faire ça. Je vois hier soir, il y avait à l’hôpital trois médecins généralistes, dont un qui venait

de Lamastre. Il venait de Lamastre pour discuter du réseau de péri-natalité. Et il y avait deux

médecins hospitaliers. Moi je vois bien, les médecins hospitaliers pendant qu’ils sont là,

quelqu’un a fait leur boulot. Nous quand on est là, personne n’est au boulot. Donc, on est

vraiment dans une position particulière qui est due au système de soin. Faut sortir du

paiement à l'acte, sinon on va mourir.

Dr 8 : On en sort !

Dr 11 : Oui tout doucement...

LL : Faut devenir maitre de stage aussi, c’est une organisation, faut le dire prudemment,

mais qui permet d’améliorer l’organisation. Faut pas abuser non plus. Faut pas la

détourner... Mais ça donne un peu de souplesse.

Dr 11 : On en a parlé plusieurs fois, des projets.

LL : On peut pas tout faire non plus dans une vie professionnelle, en même temps en tout cas

Dr 11 : Oui et à 4 ou 5 médecins on peut faire des choses...

PYS : Moi j’aimerai bien être maitre de stage...

(hors sujet)

PYS : Je vais vous faire passer un papier, c’est les toulousains qui ont bossé dessus. C’est un

outil de dépistage de la fragilité uniquement en tant que telle. C’est-à-dire la fragilité, que

vous avez assez bien définie. C’est des gens à risque de basculer dans la dépendance, qui

vont relativement bien, mais on sait que quand ils remplissent les critères de fragilité,

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statistiquement ils risquent de basculer vers la dépendance, ou mourir... Donc là, c’est

quelque chose qui a été adapté d’un modèle de gériatre qui est un peu plus… bon qui était

déjà simple mais un peu plus compliqué à utiliser. Là c’est des généralistes toulousains qui

ont l’ont un petit peu modifié…

Dr 7 : Faut un chrono et un parcours pour calculer le 4 metres en 4 secondes !

LL : Ben on a des grands cabinets où on peut faire marcher les patient.

Dr 11 : Moi j’ai calculé que dans le couloir, de la salle d’attente à mon bureau, il y a 8 mètres.

Dr 9 : Bon test diagnostique !

Dr 11 : J'avais besoin de savoir combien je marchais par jour ! Parce que quand je vais

chercher mes patients je marche vite…

Dr 7 : Je sais que j’apprécie ce petit temps dans le couloir. On voit tous ceux qui reniflent,

ceux qui trainent la patte….

Dr 11 : Moi je mets toujours derrière les gens et je les regarde marcher

Dr 9 : Ils se déplacent facilement, puis arrivé dans le bureau, ça va tellement mal…

Dr 11 : Donc en général, au bout des 8 mètres j’ai déjà une idée sur pourquoi ils viennent et

ce qu’ils ont (rire) C’est un peu présomptueux de dire ça...

LL : Ça pourrait être un sujet de thèse ça. Le pré diagnostique...

Dr 11 : Dans les 10 secondes où la personne entre dans le cabinet, en général les médecins ont

une petite idée.

Dr 8 : Déjà quand tu l’appelles, s’il a le visage fermé et que tu lui dis « ça va ? », t’es mal

parti !

(…) Ils regardent le questionnaire distribué :

Dr 6 : L’idée c’est que si on répond oui partout...

Dr 11 : Non une fois...

Dr 10 : Ca finit mal (rire) ça finit à l’hôpital !

PYS : Si tu as un oui, et qu’il te parait fragile, leur proposition, c’est ce que disais C, c’est

une évaluation hospitalière. C’est ça le modèle en vogue.

Dr 11 : Est-ce que les anglais fonctionnent comme ça ?

Dr 6 : Ben on va leur en envoyer…

Dr 11 : Est-ce que les anglais fonctionnent comme ça ? C’est-à-dire repérage fragilité, hôpital

de jour.

LL : A mon avis non parce que c’est neuf comme sujet. Ce n’est pas aussi avancé à un niveau

national.

PYS : On est plutôt au stade de recherche.

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Dr 11 : Non parce que moi mon idée, ça serait de dire, bon admettons, toi tu fais ta thèse là-

dessus. Tu t’intéresses un peu à ça, et tu développes la compétence de faire le bilan…

PYS : Oui mais ça c’est pas compliqué, regarde le dépistage, il est simple…

Dr 11 : Non mais pas le dépistage. Une fois qu’on l’a fait, plutôt que de l’envoyer à l’hôpital,

on te l’envoie à toi. Et tu normalises un bilan de fragilité et d’autonomie. Enfin je sais pas

comment il faut l’appeler. Moi je trouve que ça serait une façon de travailler entre nous qui ne

serait pas inintéressante. Moi je pose les stérilets, toi tu fais les bilans de gériatrie, M et M

s’occupent des bébés…

PYS : J’aime bien les bébés aussi….

Dr 8 : Je pose les stérilets aussi !

Dr 11 : Bon, nous posons les stérilets !

Dr 7 : Aux vieux ?

Dr 8 : J’ai fait une erreur, je l’ai posé à une dame de 80 ans... (rires…)

Dr 6 : Au moins elle n’est pas tombée enceinte !

LL : Ils sont en train d’évaluer ce truc-là, c’est piloté par Vellas, une grande pointure de la

gériatrie. Avec la participation du DMG (hors sujet). Ils vont mesurer combien de temps ça

prend, à quoi ça conduit...

(…)

Dr 11 : ADL 6/6 ça veut dire ?

PYS : C’est l’autonomie l’échelle ADL. C’est-à-dire que c’est quelqu’un complètement

autonome. Il se lève seul, se déplace seul, fait ses courses seul...

Dr 7 : Fait sa cuisine seul...

Dr 9 : Donc on est dans du dépistage très précoce.

PY S : Exactement. Et si vous regardez, c’est pour des patients de 65 ans et plus.

Dr 6 : Oui donc c’est tôt. Ça donne envie de regarder vite fait chez certains patients…

Dr 11 : Mais c’est cette idée générale de dire que l’on va examiner la population qu’on

soigne, et pas ponctuellement… Et ça je trouve qu’il faudrait qu’on commence à le rentrer

dans le logiciel.

Dr 9 : Ben ça pourrait être ce mois-ci, tous les patients de plus de 65 ans que je vois, je

regarde leur poids.

Dr 6 : Leur taille aussi.

Dr 9 : Je sais plus quel maitre de stage faisait ça, il disait, ben ce mois-ci je regarde tous les

vaccins de mes patients, je leur pose la question pour remettre à jour le logiciel.

Dr 11 : Oui mais l’idée serait que dans un logiciel bien construit, et surtout bien renseigné, le

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logiciel tous les mois te sorte… ta ta ta ta , ceux qui ont maigri, ceux qui ont pas les vaccins,

ceux qui n’ont pas l’hémocult et tout...

Dr 9 : Oui mais ça serait un monde parfait !

Dr 11 : Ouais mais, on commence à rentrer doucement dans cette idée-là ! Déjà rentrer les

antécedents pour que ce soit normé. Ce qui nous permet de repérer les patients diabétiques,

etc.

Dr 6 : Tu peux créer des alertes !

Dr 7 : Là aussi, ça prend du temps…

Dr 11 : La production de données ambulatoires.

LL : Faudra fermer les alertes parce que sinon…

Dr 7 : Disons que la première fois…

Dr 11 : Non mais on n’utilise pas suffisamment les outils dont on aurait besoin. C’est-à-dire

que la production de données ambulatoirse est complètement inexistante dans notre métier. Il

y a plein de choses que l’on pourrait faire.

PYS : Ça, ça vous paraitrait réalisable de faire du repérage de masse comme ca ?

Dr 11 : Oui c’est assez simple.

Dr 8 : Oui.

LL : Et derrière vous vous dites que c’est des gens à qui on pourrait proposer des gens.

Dr 11 : Si on rentait dans un système type Azalée avec des infirmières dédiées au cabinet, qui

s’occuperaient, sur des thématiques que l’on décide, de faire ça. Parce que dans le projet

Azalée, ils ont le diabète, l’hypertension, le repérage des troubles cognitifs. Ça, c’est pas

cognitif strictement parlant mais… et les facteurs de risque cardio vasculaire. Nous, dans ce

qu’ils ont fait, l’idée générale est de mettre en place un projet, et on délègue à une

professionnelle. Une infirmière est une professionnelle de bon niveau, le soin de mettre en

place un repérage un peu systématique.

LL : Donc ce sont les infirmières qui s’occuperaient de voir toutes la population d’un

secteur ?

Dr 11 : De repérer toute la population de notre secteur.

Dr 6 : Les appeler, les convoquer.

Dr 11 : Oui et puis les appeler, leur donner un RDV pour leur dire tel jour à tel heure on vous

fait une évaluation.

LL : Ce qui n’est pas autorisé aujourd’hui par le conseil de l’ordre des médecins.

Dr 11 : Si, parce que Azalée est un projet qui fonctionne.

LL : Il doit y avoir une dérogation. On n’a pas le droit de convoquer les patients.

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Dr 11 : On va pas s’occuper de ça, tu vois… En pratique, le projet Azalée fonctionne comme

ça. Les infirmières de santé publique repèrent les patients diabétiques et leurs proposent un

rendez-vous. Elles les appellent pour qu’ils viennent. Mais tu sais, Sophia fonctionne comme

ça aussi, ils appellent les gens et personne ne trouve ça anormal...

LL : Mais les infirmières Azalée ne sont pas des libérales.

Dr 11 : Non.

LL : Mais tu vois, libéral, si tu convoques les gens, tu peux avoir ton voisin qui t’attaque.

Dr 11 : Oui. Oui, mais en pratique , ça se passe jamais.

LL : Oui mais tu vois, la loi mériterait d’être aménagée...

Dr 11 : Ca fait partie des projets communs. Mais pour l’instant, ça n’est pas, je dirais

expressément (…)

(Hors sujet)

Dr 9 : Mais si 65 ans qui vit seul déjà ça amène à une évaluation de la fragilité, la barre est

très basse !

PYS : Oui mais ils te demandent ton avis quand même...

Dr 9 : Oui bien sûr, s’il te parait fragile.

LL : J’ai peur que les services de gériatrie ne soient pas en capacité de gérer la fragilité.

Peut-être nous non plus d’une certaine façon.

Dr 9 : C’est pour ça qu’une délégation à des généralistes...

Dr 11 : Oui c’est pour ça qu’à mon idée, à ce niveau-là, tu peux pas faire autrement qu’en

soin primaire. Les gériatres, c’est un peu le même reproche, parce que c’est notre culture en

France, tous ces gens-là ne pensent pas en terme de soin primaire ou soin secondaire. Hors,

nous il y a…. nous aussi on est compétents. Et penser les choses en soin primaire, te permet

de démultiplier les choses pour les objectifs de ce type-là. Oui on peut faire du repérage de

fragilité, mais on ne peut pas le faire autrement qu’en soin primaire.

PYS : Le repérage, ils disent bien que c’est du soin primaire.

Dr 11 : Oui mais si le repérage, le bilan est géronto-hospitalier. Ce qui est le point faible de ce

genre de système, c’est ça.

Dr 6 : Mais parce que les gériatres défendent leur profession !

Dr 11 : Oui mais même s’ils ne veulent pas la défendre. En tout cas, ils ne pensent pas que

cela puisse être fait autrement.

Dr 9 : Après, la dernière case pourrait être est ce que votre patient accepte de vous revoir

vous, pour une consultation vraiment dédiée d'évaluation.

Dr 6 : Oui

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Dr 9 : Comme le C annuel.

PYS : J’avais fait mon mémoire sur une consultation gériatrique approfondie simplifiée.

Parce que l’évaluation gériatrique approfondie existe. Ils utilisent tout un tas d’échelles, de

choses comme ça, pas très compliquée à faire une fois que l’on maitrise les outils. J’avais

fait mon mémoire là-dessus, sur une consultation où l’on parle dépression, troubles cognitifs,

problèmes urinaires, marche … Ça se fait bien sur une consultation de médecine générale où

l’on a prévu un peu de temps.

Dr 9 : Une consultation dédiée alors ?

PYS : Oui une consultation dédiée. Ça prend un peu de temps, et les patients avaient une

bonne… perception de ces consultations. Bon c’était juste un mémoire...

Dr 9 : Une consultation dédiée, un peu revalorisée par rapport à une consultation classique où

tu peux prendre le temps de faire un peu le tour de la question.

Dr 6 : Voilà.

PYS : Une consultation approfondie, mais par nous.

Dr 7 : Comme l’échelle de Hamilton quoi.

Dr 10 : Vos consultations annuelles, vous convoquez les gens vous ?

Dr 11 : Non.

Dr 10 : Moi j’ai jamais convoqué quelqu’un pour un CA. Je le compte une fois par an.

Dr 11 : Moi je leur donne le résumé. J’imprime un résumé et je leur donne.

(Dr 8 et 6 approuvent)

PYS : C’est la consultation de synthèse ?

Dr 11 : C’est le CA, la consultation approfondie pour ceux qui sont en ALD, qui est payée 26

au lieu de 23. Moi je travaille avec ce que l’on avait fait quand on avait fait l’option médecin

traitant, c’est-à-dire que l’on avait fait une synthèse, dont je leur donne la synthèse

annuellement. Les gens aiment bien hein !

LL : Mais c’est très peu fait. C’est pas fait du tout, t’es une des exceptions !

Dr 11 : Le CA est pas utilisé, ni même connu...

LL : A ben la majorité des médecins le connaissent.

Dr 8 : Oui le CA, ils le connaissent .

Dr 11 I : ls osent pas l’utiliser, parce que tu n’oses pas demander aux gens 26 au lieu de 23.

PYS : Oui mais c’est des pathologies à 100% ?

Dr 11 : Oui mais tous les médecins ne font pas du tiers payant. Moi je fais du tiers payant

pour mes patients en ALD.

LL : Je saurais même pas trouver le code pour coter !

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Plusieurs répondent CA

Dr 7 : Tu fais du tiers payant même si c’est pas en rapport avec l’ALD ?

(Hors sujet sur les ALD, le tiers payant, les mutuelles, le paiement des consultations, le

paiement des ECG, le mode de facturation en points des USA, une facturation proportionnelle

à la durée comme en suisse, la facturation des patients étrangers…)

Dr 11 : On fait un métier fantastique !

LL : Avec des bonnes perspectives. De plus en plus de boulot !

(Rires !!)

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Entretien Dr 12

L’entretien est anonyme, je te donnerai une page à remplir avec 2-3 données. Le but n’est pas

de faire une évaluation des connaissances des médecins généralistes.

Le sujet est donc le concept de fragilité des personnes âgées, très en vogue dans le milieu

gérontologique. Tu réponds donc de manière libre, ce que tu penses.

La première partie : pour toi, qu’est-ce que ça évoque le concept de fragilité ?

(…) Je ne savais pas le sujet de ta thèse ! (rire)

Ben j’avais fait exprès de ne pas te le dire ! Sinon ça fausse !

Donc oui j’ai joué le jeu. Pour moi ça évoque un concept effectivement qui est un peu flou, et

qui ne correspond peut être exactement à ce qui se dit en terme de gériatrie, mais c’est un mot

qui me séduit beaucoup par contre, et qui pour moi évoque quelque chose. Ca évoque

simplement le fait qu’une population vieillissante, avant d’être malade, va être fragile, c’est-

à-dire à risque de maladie effectivement, à risque de maladies multiples. Avec des maladies

qui vont avoir un retentissement plus important chez eux que chez d’autres. Voilà, ça

m’évoquerait plutôt ça la fragilité. Telle que je l’ai intégrée dans ma tête. Donc telle qu’elle

est opérationnelle pour moi.

Est-ce que tu pourrais me donner des éléments, pour toi, qui constituent la fragilité, des

éléments concrets ?

Euh… le… tout un tas de choses qui évoluent vers le moins bien quand on vieillit. Qui

peuvent être… La fragilité peut avoir attrait à l’isolement ou au retrait social, ou affectif. Ça

peut avoir trait à des difficultés y compris financières, ça peut avoir trait sociaux-économique

en fait... Ça peut avoir trait à l’ensemble de choses qui font qu’une personne âgée va être

moins souple, moins agiles, plus douloureuse, plus susceptible d’être en difficulté par rapport

à la locomotion. … ça a trait à la difficulté non pas dans la maladie, mais dans la dégradation

lente physiologique en terme de compétence intellectuelle ou psycho intellectuelle… Voilà,

ça veut dire ça…

Est-ce que pour toi il y a une hiérarchie dans tout ça ?

Euh... Je crois pas qu’il y ait une hiérarchie, dans ma tête c’est pas une hiérarchie. C’est

vraiment… un ensemble de choses qui font qu’une situation… qu’un certain nombre de

choses fait qu’à un moment donné, les gens vont être plus fragiles. Il n’y a pas de hiérarchie

non. Alors c’est évident que chacun de ces items porté à l’extrême va porter en soi la gravité

du problème, c’est-à-dire que quelqu’un isolé à tout point de vue, c’est en soi une sorte de

fragilité quoiqu’il arrive par ailleurs. Quelqu’un qui perd la tête ça va être une sorte de

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fragilité quoiqu’il arrive par ailleurs... Donc ça va être plus une intensité de chacun des

éléments de la fragilité. Donc s’il y en a un qui est prédominant, il va l’emporter.

(….)

Donc tu me disais au départ, pour toi, c’est plus des personnes à risque de tomber malade ?

Non pas de tomber malade, mais des personnes pour qui le retentissement de la maladie va

être plus important, et que effectivement, on risque non pas d’aller vers une récupération post

maladie comme on a chez l’adulte jeune, c’est-à-dire sans séquelle de la plupart des choses.

Mais quelque chose qui va avoir un retentissement secondaire sur des choses qui n’étaient pas

le fait premier de la maladie. Quelqu’un qui a un syndrome infectieux et qui reste huit jours

au lit parce qu’il est fatigué, va avoir du mal à se remettre en route du point de vue

locomoteur par exemple. Alors qu’au départ, c’est pas la locomotion qui est touchée, et que

ce n’est pas un problème rhumatismal.

T’as pas utilisé le mot dépendance dans ta définition. Comment tu situerais la fragilité par

rapport à la dépendance ?

Alors j’ai pas parlé de la dépendance, parce que la fragilité intervient avant la dépendance.

C’est le… c’est presque intrinsèque à la personne âgée. En tous les cas intrinsèque à un

certain nombre de faiblesses que l’on peut rencontrer. Mais il y a des personnes âgées qui ne

sont pas fragiles. C’est pas directement lié avec l’âge, je pense qu’il y a des personnes âgées

qui effectivement ont une compétence physique et intellectuelle qui est remarquable. Et donc

on peut penser qu’elles ne sont pas fragiles directement. Mais la dépendance elle va venir

après, elle va venir du fait d’une pathologie ou d’un vieillissement exagéré d’un certain

nombre de choses qui va créer une dépendance plus évolutive.

Ok ça me va bien ! Tu vois, pour conclure la première partie, le collège de gériatrie dit que

c’est un état permanent où il y a un risque majoré de décompensation fonctionnelle

conduisant à la dépendance, ou à l’hospitalisation pour problème aigue.

La transition sur la deuxième partie : tu me disais que ça pouvait toucher des personnes

comme ça pouvait ne pas en toucher d’autres. Est-ce que toi, tu vois une limite d’âge.

Je crois que plus on vieillit, plus on est potentiellement fragile, c’est-à-dire que même les

gens qui vieillissent le mieux du monde, à un moment donné, l’âge les rattrape et la fragilité

va les rattraper de toute façon. Mais c’est vrai qu’il y a des gens qui physiquement en

particulier, sont remarquablement bien conservé. Je crois que l’on n’est pas égaux en terme

de vieillissement. Que… J’avais beaucoup aimé une image qui avait été donnée au

vieillissement différentiel des gens, quand j’avais fait des études en gériatrie. Et cette image,

c’est celle du bouquet, un bouquet dans un vase, avec des tiges qui sont resserrées au départ

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et qui sont à peu près toutes les mêmes, quand tu prends la base du bouquet. Et quand tu

montes au fur et à mesure, tu vas avoir des fleurs fanées, des fleurs qui ont fané plus vite que

d’autres. Et tu vas avoir au sommet des fleurs qui vont rester érigées pendant longtemps, si le

bouquet est bien sûr réalisé avec des espèces variées. Et effectivement le flétrissement peut

être un peu plus précoce, on se ressemble un petit peu tous, avec probablement un potentiel à

peu près équivalent autour de 20 ans. Encore que la génétique peut jouer des tours. Mais

notre mode de vie, des différents écueils que l’on peut avoir dans la vie… les problèmes de

toxiques, l’alcool le tabac et autres… vont quand même nous faire vieillir de manière

différentielle. Donc effectivement, manifestement, à la fois au niveau génétique et au niveau

de ce qu’on a fait dans notre vie, on ne va pas vieillir de la même manière. Et l’âge pour moi

ne va pas forcement jouer. Sauf pour les âges extrêmes, c’est-à-dire que plus tu vieillis et plus

tu risques d’être fragile…

Ok. Est-ce que toi dans ta pratique, tu détectes cette fragilité ?

Euh…. J’essaie de la repérer bien sûr, mais pas de manière… authentifiée et codifiée non.

Non, non… J’ai du mal avec les grilles. Je pense qu’elles sont toujours… Qu’elles sont une

perte de temps beaucoup, je m’en sers peu. Je pense surtout qu’elles sont extraordinairement

évolutive et donc source… quelque fois de fausses impressions, quand tu ne fais que remplir

des items… Il vaut mieux être sensible aux variations imperceptibles que tu sens… Enfin,

notre métier de médecin généraliste fait que l’on côtoie les gens beaucoup, euh… et que à un

moment donné, on va voir apparaitre des éléments de fragilité et avec des risques de

décompensation potientielle. Qui ont attrait au risque de maintien à domicile par exemple.

Mais là, on est peut-être un peu plus loin dans l’évolution des personnes âgées. Non, la

réponse est non à ta question. Non je n’ai pas un outil de dépistage de la fragilité.

Je ne t’ai pas demandé si tu avais un outil, j’ai demandé si tu la détectais…

J’essaie de repérer oui.

Tu fais comment ?

(…)

J’ai pas de …. C’est complètement intuitif. (Rire) C’est complètement intuitif, j’ai pas de

critère.

Tu me disais que tu voyais l’évolution des gens ? Est-ce qu’il y a des trucs où toi tu as

l’habitude… ou des exemples récents où tu te dis tiens, cette personne je vais m’y pencher un

peu plus, des choses qui t’attirent l’attention ?

(…)

C’est à quel moment une personne âgée qui parait stable, va nous faire un petit peu peur ? Eh

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bien, c’est surtout les éléments qui constituent la fragilité. Si elle commence à avoir des

troubles de l’attention, ou de la mémoire importants... Soit qu’elle s’en fait témoin, soit on a

des échos. Ça peut être au niveau alimentaire quelqu’un qui dépérit, se met à maigrir de

manière inexpliquée, en dehors d’une pathologie que l’on peut chercher. Ça peut être un point

de vue nutrition. Ça peut être quelqu’un qui va petit à petit réduire son périmètre de marche,

qui ne va plus venir au cabinet, se mettre à nous appeler de chez elle… ou bien pour lequel on

a des évocations de chutes par exemple. Ou bien quelqu’un qui peut être… on avait parlé des

conditions sociales et l’entourage... Quelqu’un dont on voit petit à petit disparaitre les aidants

naturels. Dans un couple quand quelqu’un disparait, la personne qui reste va être tout d’un

coup fragile la plupart du temps. Si c’était un couple qui était solide et solidaire jusque-là.

C’est plutôt là-dessus… et puis… je trouve que une des choses que je retrouve souvent, et

puis c’est un des points du bien vieillir, c’est la faculté d’adaptation… Quand les personnes…

je pense que l’on vieillit d’autant mieux que l’on sait s’adapter aux nouvelles situations… et

il y a des gens qui vraiment n’arrivent plus à s’adapter. Et ça, c’est vraiment… c’est

probablement une fragilité de vieillissement, plus à risque que les gens qui ont très

régulièrement une capacité de s’adapter à des situations, y compris à des situations de

handicap…

T’as un exemple qui te vient à l’idée ?

Euh... non. Pas directement… Les gens qui aménagent spontanément leur intérieur. Qui disais

« j’ai eu un peu de mal, j’ai mis une rampe ». Sans que l’on ait besoin de leur dire. Ou qui me

disent l’autre jour je suis tombé, ça m’a fait peur, j’ai décidé que… maintenant que je suis

seul, je ne dois pas être seul dans une chute donc j’ai pris l’option d’avoir une alarme et de

m’en servir. Sans que l’on soit obligé de les convaincre... Ça ne va pas changer leur vie, mais

effectivement c’est une adaptation.

Globalement pour toi, si j’ai bien compris, c’est des modifications dans le quotidien ou un

évènement aigue qui va attirer ton attention…

Oui. La modification bien sûr !

Tu me parlais des grilles tout à l’heure. Si j’ai bien compris c’est pas ton truc. T’en utilises

pas du tout…

J’utilise pas de grille… à part au niveau mnésique… Là il y a des tests repères que j’utilise.

Le MMS, le test de Dubois, le test de l’horloge. Des choses assez classiques. C’est vrai que

des fois on apprend des choses dessus. Quelque fois, j’ai l’impression que je l’utilise

uniquement pour avoir une référence quand j’adresse, ou quand il s’agit de remplir un

dossier, car il y a la case obligée…

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Tu t’en sers pas vraiment en repérage mais pour affirmer un diagnostic.

Alors à un moment donné… Je peux m’en servir en repérage. A un moment donné au fur et à

mesure des consultations, on a l’impression qu’effectivement ils ne sont pas tout à fait

comme ils étaient avant, et cohérents dans ce qu’ils disent. Et à ce moment je me réserve la

prochaine consultation en me disant, je lui ferai prioritairement et je vais consacrer la

consultation à ça. Et éventuellement je fais revenir si j’ai l’impression qu’il y a d’autres

choses qui sortent dans la consultation. C’est toujours… il faut du temps…il faut acclimater

les gens… c’est assez agressif pour les gens, ils se sentent souvent jugés… J’essaie de

prendre le temps et de consacrer une consultation à ça. Ça c’est un outil dont je me sers. La

grille alimentaire, je m’en sers pas… peut être à tort... c’est pas un outil que j’utilise. La grille

de la dépression chez la personne âgée je m’en sers de manière très… inconstante.

Tu as un exemple d’une personne sur laquelle ton attention a été attirée, ou tu t’es dit tiens

cette personne est fragile ?

(Téléphone sonne)

Non ça ne vient pas à l’esprit immédiatement.

Et est-ce que tu trouves que c’est difficile de repérer ces gens ?

(...)

Est-ce que tu y vois des difficultés ?

Alors, non, je pense qu’on les repère quand même. Alors après la fragilité… la fragilité peut-

être importante ou pas. On peut imaginer qu’il y a un effet seuil à un moment donné, qui

fait…. qu’à un moment donné les gens deviennent suffisamment fragiles pour que cela puisse

retentir sur leur vie et leur indépendance. Moi je suis… j’essaie d’être attentif au fait de

pouvoir hospitaliser quelqu’un pour un bilan, quand j’ai l’impression qu’effectivement il y a

des choses qui ne tournent pas ronds. Ou en tout cas ça devrait être le cas, ça devrait être

possible dans le cadre des hospitalisations de jour en gérontologie. On n’a pas toujours l’outil

quand on veut le faire. A (lieux d'exercice), j’ai soutenu beaucoup la création… ça existe

depuis 3 mois… des lits de court séjour gériatrique, dont l’ambition me semble-t-il doit être

de pouvoir recevoir des gens pour bilan, sans justification d’une pathologie précise.

Uniquement parcequ’à un moment donné on a l’impression qu’elles sont moins bien pour des

tas de raison qu’on ne comprend pas et pour lesquelles on a du mal à faire la part des choses.

Ça, ça devrait être un outil à développer, car ça permettrait de palier à deux choses :

l’hospitalisation en urgence et en catastrophe, qui est toujours malvenue, et puis l’obligation

qu’on a parfois pour justifier d’une pathologie précise pour pouvoir entrer à l’hôpital. Sans se

faire renvoyer en nous disant « c’est pas bien utile, êtes-vous sûr que ce soit utile ? ». Ou

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bien…. Ou bien…. « vous nous filez quelqu’un pour vous en débarrasser », ce qui est un

propos assez commun. Donc à l’hôpital de (lieux d'exercice) ça a existé, enfin ça existe, et

c’est vraiment un outil très important.

C’est une bonne transition vers la troisième partie qui est la prise en charge. Toi,

concrètement qu’est-ce que tu fais quand tu vois une personne fragile ?

Alors le repérage je finis… c’est marrant parce que j’ai fait une lettre tout récemment pour le

gériatre qui va s’occuper de ça, pour soutenir son projet. Et par rapport à ça justement, ce

repérage, c’est pas simplement de notre fait, c’est l’alerte des familles, des voisins, des

soignants… ou des aides ménagères, qui sont au quotidien avec les gens et peuvent nous dire

à un moment donné qu’il y a quelque chose. Qui n’est d’ailleurs pas toujours perceptible par

nous, on ne comprend pas toujours ce que ça signifie quand ils nous le disent… Mais

toujours, quand on a ces témoignages-là, c’est un signe d’alerte qu’il faut prendre en compte.

(...)

Ok. Donc toi quand tu as repéré une personne, tu m’as dit par une démarche plutôt

instinctive, qu’est-ce que tu vas faire ?

Eh bien… je vais essayer… c’est toujours poly pathologique ou multifactoriel… donc on va

essayer de décortiquer ce qui fait que la personne est fragile. On va essayer de séparer ce qui

attrait au psychisme et au physique, au vieillissement physiologique et au vieillissement

pathologique, ou à la pathologie d’organe. C’est toute la gloire du médecin de ville qui fait de

la gériatrie (rire), se débrouiller avec ça (rire). Donc à un moment donné il faut juste se poser

des questions, en se disant qu’est ce qui se passe… Et il faut avoir du temps pour le faire… Et

puis le faire avec les gens. On peut leur renvoyer ce témoignage-là « j’ai l’impression que

vous êtes moins bien. Qu’est-ce que vous en pensez ? ». Et c’est souvent comme ça que l’on

avance. En faisant... Parce que les gens savent parfois… très souvent… ce qui leur arrive…

Tu me disais que ça prend du temps. Comment tu organises les choses, qu’est-ce que tu vas

faire ?

Je vais être amené à les voir plus souvent, à les voir pour une évaluation quand il s’agit de

problèmes mnésiques. Ça peut être… être plus attentif pendant un certain temps… Voilà dans

un premier temps ça va être ça, ça va être éventuellement interroger l’entourage, essayer de

comprendre ce qui se passe. Ça peut être aussi…. Alors ça, ça s’organise mais chez des gens

qui ont une fragilité… plus avancée… enfin qui est proche du pathologique …et qu’il s’agit

de la survie à domicile qui est en cause, on fait quelques fois des réunions avec les soignants,

les intervenants, notamment le SSIAS, les infirmiers... On a fait un certain nombre de

réunions dans ce cadre-là et de savoir ce qu’il a lieu de faire à un moment donné, face à une

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situation donnée qui est assez complexe.

Tu penses que dans ces cas-là, on est dans le cadre de la fragilité ? Ou dans la dépendance ?

On est déjà dans la dépendance, ou dans la pré-dépendance.

C’est des situations un peu plus avancées probablement...

Oui on est à un niveau où les choses sont plus importantes. Mais … qui nous permettent

d’anticiper quand même. Où on va, qui fait quoi, éviter des affolements dans certaines

situations. Mais effectivement on est sur quelque chose qui est un peu plus important.

(…)

Donc la base de ta prise en charge, c »est de consacrer un peu plus de temps et de voir les

gens plus fréquemment quand tu sens qu’ils sont fragiles. Si j’ai bien compris.

Oui, c’est pas forcement consacrer plus de temps lors d’une consultation, c’est peut être…

être plus attentif, leur proposer de l’aide en tous les cas.

Est-ce que c’est des gens qu’il va t’arriver de reconvoquer ?

Oui, je peux leur dire que je voudrais les revoir un peu plus rapidement. Mais c’est vraiment

au cas par cas.

Dans ces cadres là, quelles relations tu as avec les autres intervenants ? Les paramédicaux,

les services sociaux, les gériatres ? Comment tu articules les choses ?

Alors, quelles relations j’ai ? Euh… les relations avec les intervenants se font souvent par le

biais… la manière la plus évidente, la plus pratique ce sont les écrits du domicile. On n’a pas

ces écrits quand les gens viennent nous voir au cabinet… Ça peut être par le biais

d’informations téléphoniques. On peut faire comme ça. Mais là aussi on est au cas par cas et

je suis loin d’être systématique, et je dirai même plus que je suis loin d’anticiper

véritablement. C’est-à-dire que c’est plutôt moi les soignants qui m’appellent que moi qui

appelle les soignants….

En fait des soignants qui t’alertes sur des faits ? Ça marche plutôt comme ça le plus

souvent ?

Oui. Euh… Voilà… Les …. L’idéal serait qu’il y ait une cohésion forte entre les soignants,

quel que soit leur titre par rapport aux personnes âgées. En pratique, il est hors de question

d’organiser des réunions sans arrêt… on a du mal à joindre les gens... c’est une perte de

temps. Les écrits quand c’est du domicile, c’est absolument fondamental, et j’essaie d’écrire

régulièrement… j’essaie d’être toujours très à l’écoute quand on m’appelle. Parce que je

considère que quand on m’appelle, on a pris le temps de m’appeler, et je respecte ça. Il y a

probablement une information importante.

Tu parles des soignants ou des patients ?

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Je parle des soignants, des patients des familles… Concernant la personne âgée il y a souvent

un tournant… Alors je sais pas si c’est un tournant de la fragilité ou de la dépendance

arrivant… Qui est celui de l’irruption des familles… ou de…. oui des familles dans notre

relation duelle avec les gens. On s’aperçoit quand même… on suit des gens sur des années…

on les a toujours suivi à deux, on les a vu seuls au cabinet… Et à un moment donné ils

viennent avec une fille ou un fils dont on n’a jamais entendu parler. C’est souvent un virage

d’un seul coup dans le suivi. Qui est probablement un signe du début de la dépendance, ou de

la fragilité avant ça.

(…)

Et tout à l’heure tu me parlais des évaluations hospitalières en gériatrie, toi tu es favorable à

ce genre de dispositif ?

Alors je peux être favorable quand c’est bien expliqué, quand on est sûr que les gens ne vont

pas être pénalisés par l’hospitalisation. L’hospitalisation programmée me parait être très

importante, parce qu’elle se fait à plat, elle se fait en expliquant, elle se fait de manière non

précipitée et elle à priori pas confusiogène, pas à risque confusiogène. L’hospitalisme est

toujours aussi le résultat d’une pathologie aigue, qui fragilise les gens et qui va favoriser la

confusion éventuellement, et qui va faire que l’hospitalisme va se surajouter. L’hospitalisation

programmée et presque préventive, en tout cas anticipée par rapport à des risques a toutes les

chances de ne pas créer d’hospitalisme, de se faire manière assez tranquille. Et je pense que

c’est une manière intéressante à un moment donné d’avoir un autre regard, un autre regard

que le nôtre. Parce qu’on ne comprend pas toujours tout… A des moments, on ne comprend

plus ce qui se passe par rapport à des plaintes… par rapport à une situation qui change, par

rapport à un amaigrissement inexpliqué, par rapport à des troubles où on peut penser à des

éléments de dépression par exemple… les plaintes multiples... qu’est ce qu’on fait des

plaintes multiples ? Est ce qu’on considère qu’il y a une dépression ou est ce qu’il y a

quelque chose qui sous-tend ces plaintes ? Quelque fois ils y a tout cela entremêlé, et le bilan

peut permettre d’y voir un peu plus clair de manière simple, en peu de temps pour un peu que

l’on ait programmé les examens à faire et ça me parait effectivement intéressant à un moment

donné, en essayant de ne pas les multiplier bien sûr...

Qui doit intervenir dans ces bilans ?

Euh…qui doit intervenir ? Eh ben l’hospitalier. Donc il faut une bonne entente et une bonne

coordination entre l’hospitalier et le médecin.

Par hospitalier on entend le gériatre hospitalier ?

Ah… Par l’hospitalier… c’est … ce dont je parle là se fait dans le cadre des bilans

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gériatriques, avec un gériatre à la clef à l’hôpital. Et on le fait dans le cadre de ce qu’on

appelle un bilan gériatrique et non plus un bilan d’organe. Donc effectivement, le référent

c’est un gériatre à ce moment.

D’autres intervenants ?

Est-ce que moi j’ai d’autres intervenants ?

Non, dans un bilan hospitalier…

Le gériatre va être chargé de faire les examens en fonction de ce qu’il juge nécessaire à un

moment donné ou de ce que toi tu lui as demandé de faire. L’intérêt sur l’hôpital de (lieux

d'exercice), puisqu’on peut parler local, c’est que tout se situe dans les mêmes locaux, tous

les spécialistes se situent dans les mêmes services et le bilan peut se faire toujours au même

endroit. Et que s’il doit être répété ça va être toujours le même service référent qui va les

prendre, et qu’on va pas être dans ce qu’on voir plus dans les situations d’urgences… dans les

situations d’urgence à l’hôpital de Valence par exemple, on sait jamais où les gens vont

arriver. Donc ils vont être pris en charge par des équipes différentes, et ça c’est probablement

pas une très bonne chose.

Et des bilans pluridisciplinaires ? Où on fait intervenir neuropsychologues, kinés…

Alors ça… on est sur les troubles mnésiques, diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer si

tant est qu’il ait un intérêt… et tout ce qui va être, non plus de la dépendance physique, mais

l’intervention d’éléments psychiques, qu’il y ait des éléments dépressifs ou pas. Moi je fais

intervenir de temps en temps… mais à ce moment-là c’est hors hospitalisation…. Ce genre de

bilan… de façon à confronter à ce que moi je pense de la situation… et puis parce que les

gens sont extrêmement… les familles en tout cas… sont très demandeurs non pas de

certitudes, mais de clarté par rapport à une situation donnée. C’est souvent des bilans qui se

font presque à la demande des familles. Pas toujours, mas de temps en temps à la demande

des familles… Ou effectivement….Alors pour le coup à l’hôpital de (lieux d'exercice) on a

Mr … qui avec des neuropsychologues, font sur 2 heures de temps, 3 heures de temps, des

bilans globaux pour une situation donnée. J’ai été très perturbé par l’existence sur Valence en

clinique d’une gériatre qui faisait des bilans de ce type, extrêmement poussés avec pas mal

d’examen complémentaires, des biologies, des imageries… Tout ça dans un espèce de Check

up global centré sur une demi-journée… et qui me semblait il était un peu… euh… une

justification à un traitement systématique. On a l’impression qu’il a une espèce d’usine là,

très plaisante pour les gens, mais qui était… qui me paraissait un peu trop usine... Mais je sais

pas ce qu’elle devient d’ailleurs… J’ai toujours eu du mal avec les traitements précoces de la

maladie d’Alzheimer. Puisque je crois que rien n’a été prouvé et je… on prétend que la

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maladie d’Alzheimer il faut la dépister tôt parce qu’il y a des mesures à prendre. En

particulier ça peut rassurer les familles, ça peut rassurer les gens eux même… On peut

prendre des mesures de tutelle, curatelle, de gestion des biens que l’on peut prendre de

manière anticipée… je suis pas sûr que trop anticiper soit bien non plus. Ca me… Surtout que

plus on anticipe, plus on risque d’être dans le flou et dans l’incertitude.

On a un peu dévié du sujet, mais c’est un truc qui préoccupe beaucoup les généralistes, de ce

que j’ai pu voir. T’es pas le seul dans ce cas…

Et ce qui est étonnant, moi je suis un très faible prescripteur de médicament Alzheimer. Je le

fais jamais seul et toujours en cohérence avec un neuropsychologue…enfin avec un bilan

neuropsychologique un peu plus poussé… euh…. Et alors même que j’ai le droit... j’ai la

capacité de prescrire. Donc depuis toujours j’ai très peu prescrit, j’ai tendance plutôt à enlever

des médicaments, quand j’ai l’impression qu’ils ne servent à rien…Et de temps en temps…

on est dans le cadre de la prescription factuelle, c’est-à-dire pourquoi ne pas essayer à un

moment donné... et arrêter rapidement si on a l’impression que ça sert à rien.

Donc on parlait des relations avec les autres intervenants. Si je fais une synthèse de ce que

tu as dit, les paramédicaux, ça va être essentiellement ceux qui interviennent au domicile…

Paramédicaux et tu as évoqué les gens de l’ADMR et ce genre de système. Qui ont donc un

rôle essentiellement d’alerte et de surveillance, et tu as les équipes hospitalières qui sont là

pour compléter un bilan à ta demande, pour évaluer une situation. C’est comme ça que tu

vois s’articuler les choses ?

Oui.

Je reviens sur la fragilité, pas spécifiquement les troubles mnésiques, ça c’est qu’une part. A

ton avis, dans ces situations, qu’est-ce les patients attendent de nous, et qu’est-ce que les

familles des patients attendent de nous ? Chez une personne âgée où te dit instinctivement,

tiens elle va moins bien…. Sans avoir de chose palpable...

Probablement d’arriver à faire la part des choses. On est des techniciens aussi, on est capable

de faire des diagnostics, d’évaluer des situations. Par définition chez des gens complexes et

potentiellement multi pathologiques, de faire la part des choses. Qu’est ce qui est quoi ?

Qu’est ce qui est dû à quoi ? Et puis probablement d’essayer d’anticiper des situations plus

difficiles. Ils attendent ça.

Selon toi, les gens attendent de nous qu’on les aide à comprendre ce qui se passe ?

Oui.

Pourquoi ils sont moins bien. Et les familles aussi attendent une compréhension ?

Oui.

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Ça marche. Est-ce que toi, tu as eu des difficultés avec des personnes âgées qui étaient en

état de pré-dépendance ? De fragilité ?

(…)

Est-ce que c’est quelque chose qui t’a posé problème récemment pour leur prise en charge ?

(…)

Non. Les problèmes arrivent quand la dépendance est là. Comment les choses bougent,

comment on gère le maintien à domicile. Comment… mais c’est après…

Ça marche.

Et puis la fragilité on peut la sentir, la repérer... on parle là que de fragilité et pas de

dépendance, si on l’a pas repérée un coup, on la repèrera le coup d’après. On a le temps

devant nous. Puisqu’on ne parle que de fragilité.

Est-ce qu’il t’est déjà arrivé d’être surpris par un patient qui tombe brutalement dans la

dépendance ? Je sors du cas de l’AVC brutal avec hémiplégie… Mais est-ce que tu as eu des

situations où tu t’es dit « Ah bon sang je l’avais pas senti venir » ?

Non.

C’est quelques choses que tu arrives à bien maitriser.

Je suis parfois surpris… si… je peux dire que je me fais quand même parfois avoir par le

vernis relationnel. Et avec une évaluation insuffisante de la détérioration psychique. Ça

arrive de temps en temps, parce qu’effectivement on connait les gens depuis longtemps, et

qu’il y a une espèce de relation… C’est pas là qu’ils sont en défaut mnésique mais sur

d’autres choses. Avec nous ils ont un rapport très codifié. Et quelque fois je me suis fait… je

me suis dit « ah je pensais pas qu’il en était là au niveau détérioration mnésique ».

Est-ce que tu as des remarques globales sur ce que l’on vient de raconter ?

Non (rire).

Ça t’a paru clair ?

Tes demandes ? Oui.

Du coup ça va te plaire, toi qui n’aime pas les grilles. Je vais t’en montrer une. Le concept de

fragilité à l’heure actuelle… il y a même eu un rapport à notre ministre… l’idée serait de

dépister toute la population, de faire du dépistage systématique de la fragilité pour que ces

gens bénéficient d’interventions spécifiques. L’idée serait un dépistage systématique, comme

on dépiste les cancers du sein ou digestifs. Et la pensée de certains gériatres est de faire un

dépistage de masse, et ceux qui rentrent dans la fragilité ont une évaluation spécifique

gériatrique par l’hôpital.

Dans cette idée des toulousains ont bossé à partir de modèles de fragilité qui ont été éprouvé

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et en ont adapté un en médecine générale. Le voilà. Prend le temps de le lire et dis-moi ce

que tu en penses.

(…)

On retrouve des items que j’avais évoqués, l’amaigrissement, les difficultés locomotrices,

l’isolement social et les plaintes neuropsychiques. Et la fatigue qui est …. Tellement

plurifactorielle qu’on peut la mettre effectivement… mais un sentiment de fatigue voilà. Ça

parait assez simple comme grille, assez facilement évaluable, plus… même pas tellement

comme une grille mais comme un mode de réflexion que l’on peut intégrer de manière un

peu systématique à notre regard sur les gens. La simplicité me plait beaucoup de ce truc-là.

En bas on te demande ton avis, avec une question subjective

J’ai bien vu… Où ? Voilà, là c’était sur les items premiers. Si vous avez répondu oui à une de

ces questions, euh…. Votre patient vous parait-il fragile ? Si oui votre patient accepte-t-il la

proposition…. Donc ça, ça veut dire quoi ?

D’avoir une évaluation hospitalière derrière.

Donc le but de ce questionnaire c’est de nous amener à la question de la fragilité. De nous

dire, est ce que la fragilité a un sens pour vous ? Est-ce que à partir de cette grille là, vous

pouvez dire « oui ce patient est fragile ». Euh…. Après, si oui est ce que votre patient

accepte-t-il la proposition d’une évaluation de la fragilité en hospitalisation de jour. Ca

dépend qui le fait… Moi je suis un peu perplexe par rapport à ça, euh… j’aurai envie de dire

que peut être nous on pourrait intervenir quand même dans la réflexion par rapport à ça. Il y a

peut-être des explications quand même, par rapport à un certain nombre de choses que l’on va

explorer. Et notre rôle, avant d’envoyer à l’hôpital, est peut-être de réfléchir à ça, et de se

demander ce qui se passe. Et pour une part importante des choses, on est capable de régler la

situation. Et donc l’hospitalisation ne viendrait qu’une fois que l’on a évalué cette fragilité et

que l’on a compris, que l’on a commencé à s’en dépatouiller… Est-ce que à partir de là on

est… on va avoir besoin de l’outil… de l’évaluation… qui est simplement une autre…. Une

évaluation plus exhaustive, probablement avec des outils plus spécifiques, mais aussi

simplement un autre regard. Mais peut être que notre regard suffit dans un premier temps...

Mais l’idée de passer par une grille comme ça pour des passages systématiques à l’hôpital en

évaluation me plait pas beaucoup. Parce que ça nous…. Parce que simplement c’est plus

rigolo ! On est capables de réfléchir…

Et le fait que ce soit des patients de 65 ans ?

Oui 65 ans j’ai pas regardé l’âge… Ils l’ont mis bas....

Tu trouves que c’est bas ?

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A ouais.

Tu mettrais quoi ?

70 ans. 65 ans ça parait... Le vieillissement… les gens qui vont mal entre 65 et 70 ans… vu la

qualité du vieillissement des gens… les gens vieillissent de mieux en mieux. Et avec une

qualité de vie remarquable… le plus souvent. Quand ils sont malades ente 60 et 70 ans c’est

souvent de la mono pathologie, des gens qui sont en train d’écrémer une pathologie d’organe

qui va les emporter… des gens qui ont fumé qui ont fait des infarctus... une

myocardiopathie… on a l’impression qu’on est beaucoup sur le pathologique. Oui ça me

parait un peu tôt 65 ans. La plupart des gens qui n’ont pas de pathologie spécifique grave en

soi, des poly pathologiques… enfin s’ils n’ont pas de pathologie d’organe précise, ils vont pas

aller si mal que ça avant 70 ans. C’est après qu’on va se poser des questions.

(Hors sujet)

L’idée du systématique (à propose de l’évaluation hospitalière) me parait un peu délirante.

(Hors sujet)

En même temps, je suis pas contre la modernité, l’intérêt de bosser avec des hospitaliers qui

font bien leur boulot, c’est d’avoir leur regard. D’avoir un outil. Et si on sait se servir d’un

outil, et de savoir qu’elle est sa place, et si on reste maitres de la situation. Le danger est

qu’ils partent à l’hôpital et qu’à l’hôpital on lui trouve des fragilités, et qu’on le remette à

l’hôpital de jour pour le rééduquer de je sais pas trop quoi… et puis les gens tu les vois

plus… ou tu les vois temporairement plus, parce que l’hôpital va s’en occuper… Après ils

vont te le renvoyer... et c’est à toi de t’en occuper et t’as pas forcement le bilan…. (Rire). Tu

vois, il y a une espèce de main mise à l’hôpital qu’on n’aimerait pas. Mais si c’est juste un

outil d’évaluation à un moment donné, pourquoi pas ? Tu fais bien faire des gastro scopies,

pourquoi tu ferais pas faire une évaluation globale ? Avec une certaine facilité. Moi ça me

dérangerait pas beaucoup. Mais je pense qu’on en est capable pour une partie et de manière

anticipée souvent, et que c’est uniquement en cas de difficulté qu’on peut avoir cet outil là.

Mais cet outil là, utilisé de manière préventive comme je l’imagine, effectivement ça peut être

intéressant. Parce qu’on est pas nous non plus omniscients, omnipotents. On pas forcement le

temps de tout regarder, tout voir.

Ecoute merci ! Je suis bien content d’avoir eu ton avis !

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Entretien Dr 13

L’entretien est donc enregistré, et je retape tout. C’est bien sûr anonyme, ton nom n’apparaît

nulle part. Je te demanderai quelques données à la fin, sur l’âge, le lieu d’exercice, ta

formation en gériatrie, depuis quand tu es installé. Des données qui aident à l’interprétation.

Donc le sujet de la thèse, c’est plus spécifiquement le concept de fragilité des personnes

âgées.

Est-ce que pour toi c’est un concept qui te parle ? Qu’est-ce que ça évoque ?

(Rythme de parole lent, ton un peu hésitant)

Ben ca évoque… plutôt….c’est vrai que le concept de fragilité c’est plutôt quelque chose qui

a été très à la mode en gériatrie il y a 4-5 ans. Euh… On l’a repris pas mal dans le… dans les

cours théoriques de gériatrie lors de ma capacité… Bon ça évoque un peu… pour moi c’est

vraiment la personne âgée, qui va à peu près bien, mais on sent que ça peut vite décompenser.

Donc c’est lié déjà au vieillissement de la personne âgée elle-même, et je pense que c’est lié

aux comorbidités qu’elle peut avoir, l’isolement, s’il y a des chutes, une dénutrition tout ça,

c’est des choses en gros qui pour moi, rentre dans le concept de fragilité, et du coup, ça me…

je me dis que c’est quelque chose… c’est des personnes âgées qu’il faut avoir à l’œil, même

s’il n’y a rien d’objectif cliniquement, on se dit qu’il faut les avoir à l’œil, et puis

éventuellement faire de la prévention... En essayant de limiter le risque de chute, voir si d’un

point de vue cognitif ça fonctionne bien. Puis si on a… bon au cabinet c’est vrai qu’on peut

enchainer quelques consultations, mais si ça devient complexe, on peut organiser des bilans

gériatriques dans différents… Nous on travaille pas mal avec Villefranche ou Trévoux... Voilà

c’est à peu près….

Non mais c’est bien ! Ça se voit que tu es formé en gériatrie. Tu as des idées précises et tu

m’as déroulé tout ce dont on va parler en 2 minutes ! Est-ce que tu peux…

Ben c’est vrai que j’ai passé mon épreuve il y a 15 jours.

C’est tout frais ! (rire) Est ce que tu peux revenir sur les éléments qui constituent la fragilité

pour toi ?

Ben… c’est beaucoup les éléments… c’est… ben déjà l’âge qui rentre en ligne de compte…

Par conséquent le vieillissement physiologique. Il y a l’âge, l’isolement, ça c’est sûr… Puis je

mettrais … les troubles alimentaires, la dénutrition. Et puis il faut interroger sur les chutes

antérieures. S’il y a eu des chutes l’année précédente... Non c’est à peu près… et puis les

troubles cognitifs. Ça fait partie des éléments de fragilité.

Est-ce que tu les hiérarchises dans ta tête ces éléments ?

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Euh… Moi…. Je… dans la hiérarchisation je mettrai plutôt l’isolement et les chutes pour voir

un peu dans ma tête. L’isolement social ou la personne âgée qui est un peu seule, qui peut pas

trop alerter en cas de problème. Je pense que c’est quelque chose qui est assez, entre

guillemet, un signe fort. Et puis les chutes aussi. Non puis après le reste, c’est un peu au

même niveau.

Dans ta définition, tu me disais que c’était des gens qui allaient à peu près bien mais qui

étaient à risque de décompenser. C’est bien ça ?

Voilà qui sont… qui sont à risque… on sent que ça peut… oui il faut prévenir une éventuelle

décompensation.

Les décompensations tu vois ça comment ? Qu’est-ce que c’est pour toi ?

Ben les chutes... C’est... Tous les syndromes gériatriques, la confusion… la confusion aigue

… les troubles cognitifs… en gros les situations qui peuvent amener le patient aux

urgences… et puis… pour un problème gériatrique aigue… le maintien au sol avec des

escarres…

Donc plutôt la décompensation…

Gériatrique pure oui.

Tu n’as pas utilisé le mot dépendance. Comment tu situes la fragilité et la dépendance ?

Ben justement, en prévenant la fragilité, on limite l’apparition d’éventuelles dépendances. Je

pense, qu’en prévenant la fragilité, enfin je pense que la fragilité, elle s’installe par elle-

même... On ne peut pas trop... je pense qu’il faut plutôt faire de la prévention sur des chutes,

d’autres trucs... tous les items relatifs à la fragilité, de manière à ce que… C’est vrai que les

personnes âgées, dès qu’elles font un problème aigue et qu’elles passent vraiment dans la

décompensation aigue… Ben généralement il y a des séquelles qui restent et qui du coup

peuvent être… qui peuvent entrainer des dépendances. Il y a des personnes âgées qui sont

tout à fait autonomes. C’est vrai que pour moi il y a… c’est pas tout à fait pareil fragilité et

dépendance. C’est vrai qu’il y a des gens qui sont pas fragiles et qui sont dépendants parce

qu’ils ont fait un AVC à 50 ans. S’ils sont hémiplégiques, ils sont dépendants, mais ils ne sont

pas forcément fragiles.

Ok. C’est bien d’arriver à trancher. Encore une fois ça se voit que tu as des idées claires en

gériatrie. Est-ce que tu as d’autres choses à ajouter sur qu’est-ce que c’est, sur la

définition ?

Euh… non…

Donc on va passer sur la deuxième partie de l’entretien qui est sur la détection de la

fragilité. Donc est ce que tu détectes la fragilité et comment tu fais le cas échéant ?

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Euh….ben c’est sûr que…. Sur les personnes âgées que je suis… Ben j’en aie pas beaucoup,

je ne suis pas installé depuis très longtemps… j’en ai pas non plus beaucoup. Sur Anse, il y a

deux Ehpad où l’on intervient en tant que médecin traitant auprès de résidents. C’est des gens

déjà dépendants par définition. Mais du coup… c’est vrai que... au niveau de l’intervention je

surveille bien les bilans nutritionnels des personnes âgées, je leur fait une albumine et un

poids régulier. Bon tous les mois en Ehpad mais je les pèse systématiquement quand je les

vois au cabinet ou à domicile… et puis sinon… j’essaie de promouvoir l’activité physique.

J’ai en gros la prescription de kiné facile, ou je les encourage à … euh...

Là tu es plus sur la prise en charge. On y reviendra après. Est-ce que tu revenir sur la

détection ?

A oui la détection… ben… j’essaie de voir l’entourage des gens… voir si c’est des personnes

qui ont un peu une activité sociale, si elles sortent un peu de chez elle… Voilà c’est les

premiers éléments. Et puis dans l’interrogatoire je demande systématiquement s’il n’y a pas

eu une chute récemment. Non et puis après dans la clinique si elles perdent du poids, je

recherche des signes de dénutrition. Et après je ne fais pas de MMS systématiquement. Mais

je pose quelques questions un peu générales pour voir s’il n’y a pas des troubles cognitifs. Et

après pour aller plus loin, si je sens qu’il y a besoin à ce moment, on peut faire… Je sais pas..

Tu poses quoi comme question pour repérer des troubles cognitifs ?

Ah ben quel jour on est, l’orientation dans le temps et l’espace, s’ils peuvent me raconter des

faits récents d’actualité, s’ils peuvent me… je ne fais pas le test systématiquement des 3 mots

avec rappel différé. Sinon, je leur demande qui est le président de la république. Mais je suis

bien conscient que ce n’est pas suffisant pour explorer de manière précise la mémoire et les

troubles cognitifs.

Mais tu m’as dit que quand tu avais un doute, après tu te lançais dans des examens…

Oui voilà. On peut faire soit le MMS, soit l’horloge… soit… on peut orienter en consultation

mémoire s’il y a besoin.

En dehors des outils cognitifs, est ce que tu utilises d’autres outils diagnostiques ?

Ben il y a les 5 mots de Dubois...

En dehors des troubles cognitifs, est ce que tu utilises d’autres outils ?

Ah, d’autres échelles tu veux dire ?

Echelles ou outils…

Bof…. C’est vrai qu’il y en a beaucoup... pour la nutrition je me fie pas mal au poids. Je sais

qu’il y a le MNA mais je le fais jamais... Enfin en pratique quotidienne. Sinon, j’utilise au

final peu d’échelles.

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Est-ce que tu aurais un exemple de fragilité diagnostiquée ? Une personne qui t’a

interpellé ?

Euh…. Je réfléchis... ouais… si… j’ai eu une dame il y a un mois ou deux. Je l’ai vue qu’une

fois car son médecin traitant n’était pas là…et en fait, c’est une dame veuve qui vit seule chez

elle. Je l’avais vue car il fallait renouveler son traitement... elle était diabétique, insuffisante

cardiaque, plutôt sur un mode diastolique. Et en plus elle était… il y avait sa fille en soin

palliatif d’un néo du sein... Je la voyais pour son traitement, et puis car elle n’était pas bien

sur le plan psychologique. Elle avait du mal à surmonter tout ça. Je m’étais posé la

question… je la connaissais pas cette patiente. Je lui avais prescris un bilan pour la prochaine

qu’elle verrait son médecin traitant. Je lui avais prescrit un bilan nutritionnel, pour voir ce

qu’il en était. Je m’étais dit, cette dame elle a 85 ans, il faut l’avoir à l’œil. J’ai su après

qu’elle avait été hospitalisée une dizaine de jour après pour un OAP. Voilà, après je ne sais

pas où elle en est… C’est une personne à qui il arrive plusieurs choses, mais qui peuvent la

faire... qui peuvent précipiter un peu les choses.

C’était la globalité qui avait … l’isolement, plus la poly pathologie, plus le grand âge…

Voilà, plus l’impact anxio dépressif avec sa fille en soin palliatif. Quand je l’ai vue, elle était

un peu sidérée dans son fauteuil. Voilà, c’est une dame... je l’ai faite marcher. Voilà, elle

marchait bien, elle avait une canne… C’est vrai qu’elle ne m’a dit qu’elle était tombée

récemment… Bon elle était un peu sidérée par l’histoire de sa fille. Bon il y avait le diabète,

l’insuffisance cardiaque… je ne savais pas si elle était dénutrie ou pas… bon elle me

paraissait pas maigre, mais on ne sait pas... son médecin traitant a dû recevoir les bilans.

(…)

Ok. Est-ce que en pratique de médecine générale, tu rencontres des difficultés pour détecter

les personnes fragiles ? Ou est-ce que c’est quelque chose qui te parait assez simple ?

(…)

Moi les… c’est vrai... je pense qu’à force de pratique... bon moi je ne suis pas installé depuis

bien longtemps… mais à force on commence à connaitre les gens et du coup, on commence

un peu à voir quand ça décline. C’est vrai… que on a pas le temps de faire des évaluations

gériatriques complètes comme ça peut être fait dans les courts séjours gériatriques. C’est vrai

qu’en EHPAD, on fait une visite... c’est le temps d’une visite. On ne passe pas une heure près

du patient, mais je pense qu’il faut… à force de revoir les gens… après ça peut un leurre

puisqu’on peut passer à côté de choses qui s’installent de manière très insidieuse. Mais je

pense que… je pense qu’on a quand même les outils pour les détecter…

C’est la fréquence à laquelle on voit les personnes, qui nous aide en tant que médecin

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généraliste à voir le moment où les personnes vont moins bien ?

C’est vrai que je me dis que certaines personnes, où l’on renouvelle le traitement tous les 3 à

6 mois. Puis après on s’aperçoit que Madame Machin, on va la voir tous les mois, puis après

tous les 15 jours, c’est des signes…

La voir tous les mois ou tous les 15 jours c’est à sa demande ou à ton initiative ?

Non à sa demande. Ou à la demande du conjoint ou de la fille. Mais c’est vrai que quand on

commence à aller voir les personnes âgées de manière plus régulière que d’habitude, c’est

déjà un signe d’alerte quoi.

Et tu me disais que c’est à la fois une force de les voir régulièrement, mais aussi on peut

passer à côté de choses qui s’installent de manière insidieuse ?

Ouais, typiquement les troubles cognitifs...

Tu penses qu’on peut passer à côté ?

Ouais je pense... on peut facilement... que Madame machin a oublié… je ne sais pas quoi…

bon c’est un oubli bénin… et puis à force… les troubles cognitifs peuvent s’installer de

manière insidieuse jusqu’à ce que vraiment on se rend compte qu’il y a vraiment quelque

chose.

Si je comprends bien, tu estimes que la détection de la fragilité n’est pas une difficulté en

médecine générale, qu’on est armés pour repérer les gens à problèmes.

Oui du fait qu’on connaisse bien les patients, on n’a pas forcément besoin d’outils

spécifiques. Mais je pense qu’il faut avoir quelques bases de gériatries.

On va passer à la prise en charge, qui constitue la troisième partie. Une fois que tu as détecté

une personne qui est fragile, qu’est-ce que tu vas proposer ? Tu m’as parlé de kinésithérapie

tout à l’heure par exemple, comment tu vas organiser ta prise en charge ?

(…)

Ben promouvoir l’activité physique et la prise en charge de la nutrition, si la personne est

dénutrie. Et puis après, mettre en place une… c’est vrai que ça dépend du cas qui se présente

à nous, mais commencer à discuter d’une auxiliaire de vie ou d’une aide à domicile en

fonction… puis essayer de proposer des activités un peu stimulantes à la personne âgée. Lui

proposer, s’il y a des choses qu’elle aime… si par exemple il y a un club du troisième âge,

l’encourager à y aller. Et puis sinon, c’est assez difficile de mettre en place des aides, c’est

souvent qu’on se heurte à un refus, faut amener ça de manière… ça se met pas en place

comme ça en une visite du jour au lendemain… Et puis éventuellement s’il y a des chutes,

mettre en place une canne ou un déambulateur en fonction de son état. C’est à peu près ça que

je verrais. Et puis si ça va pas, on peut organiser une hospitalisation en gériatrie pour un bilan

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global, en programmé, pour un court séjour.

Dans quelles circonstances tu vas avoir recours à ce genre de bilan ?

Ben si vraiment on n’a aucune amélioration, si on sent que la situation ne fait que se dégrader.

A ce moment-là, c’est bien de programmer une hospitalisation pour une évaluation

standardisée et organiser le retour à domicile de manière bien complète…. Avec les

assistantes sociales et la famille ?

Qu’est-ce que tu en attends de ces bilans hospitaliers ?

Ben ça permet de faire… c’est vrai que ça permet vraiment d’étudier, de faire une évaluation

où la personne âgée est.... disons examinée, et avec tous les examens complémentaires et tout

ça… de manière globale quoi. Une prise en charge globale qui permet de cerner tous les

problèmes, qu’elle soit vue par un gériatre... et puis en même temps ça donne un œil neuf…

puis… de tirer une conclusion de tout ça… et d’organiser… mettre en place une prise en

charge individualisée à domicile. Je pense que c’est une évaluation globale, que nous n’avons

pas toujours le temps de faire sur quelques consultations quoi.

(…)

Quelles sont tes relations avec les autres intervenants ? Médicaux on en a un peu parlé à

travers les gériatres… mais paramédicaux et les services sociaux ? Comment tu…

C’est beaucoup par téléphone. On a souvent le coup de fil d’une infirmière du domicile ou de

l’EHPAD, qui nous appelle pour tel ou tel problème. Après on juge si on peut régler le

problème par téléphone ou si on juge qu’il faut une visite… soit on juge qu’il faut une

hospitalisation. C’est pas mal par téléphone. Bon, si on commence… sur (lieux d'exercice),

on se connait bien… Avec les kinés aussi, de temps en temps on croise les kinés, on discute

un peu. Et puis quand on va chez quelqu’un c’est souvent que le kiné dit « faudra dire à votre

médecin que machin… du coup… »Ils nous rapportent un peu des choses. Ils nous disent que

le kiné a dit qu’ils étaient un peu encombrés... Ça se passe un peu comme ça.

Si je comprends bien, les kinés et les infirmières ont un rôle d’alerte ?

Oui en plus de leur prise en charge, ils nous alertent vite s’ils constatent quelque chose qui

n’est pas normal. On a vite un coup de fil, d’une infirmière, on est vite mis au courant.

Ok. On va passer du point de vue des patients et de leur entourage. A ton avis, quelles sont

leurs attentes dans une situation de fragilité ? Qu’est-ce que le patient et sa famille attendent

de nous ?

(…)

A ben déjà, je ne sais pas si les patients, ils ont conscience qu’ils sont fragiles. Pour eux…

quand ils ont pas mal et qu’ils mènent leur vie, ils ont l’impression d’être en bonne santé je

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pense. C’est vrai que… Il y en a qui de temps en temps me disent qu’ils sont tombés et ont

pu se relever sans problème, que c’est normal. Après je pense que les attentes des patients,

c’est d’éviter la case hôpital et éviter la case maison de retraite quand ils sont à domicile. Et

puis pour les familles…. Ben… elles ont besoin d’être rassurées que leur parent soit... qu’il y

ait une présence auprès d’eux…Il y a souvent un décalage entre ce que veulent les familles et

ce que la personne âgées veut. Parce que la personne âgée, elle a… elle… quand elle mène sa

vie, elle ne juge pas nécessaire d’être prise en charge à domicile pour différents problèmes.

D’ailleurs ça peut créer des… je ne vais pas dire des conflits… Soit les familles elles veulent

beaucoup de sécurité, alors que les personnes âgées se disent qu’elles n’en ont pas besoin,

qu’elles sont en bonne forme. Il faut essayer de trouver un peu le juste milieu des deux.

(…)

Ok. Est-ce que tu as rencontré des difficultés récemment dans la prise en charge des

patients ? Dans ces situations ?

De relation familles-patients ?

Non, généralement dans la fragilité.

(…)

Bof…. Ouais… c’est vrai que j’ai … j’ai quelques situations… Un patient en EHPAD arrivé

récemment. Il est compliqué à gérer. On s’est rendu compte que c’était quelqu’un qui était

très… Je pense qu’il a des troubles cognitifs. C’est quelqu’un qui a tendance à boire et qui a

une agressivité latente. Du coup c’est difficile depuis qu’il est arrivé dans la maison de

retraite. J’ai souvent des retours comme quoi il a essayé... il a failli se battre avec un autre

résident… du coup j’ai du mal… j’ai était obligé de mettre un peu de Risperdal pour le

canaliser. Et puis il n’était pas à 100%, du coup je l’ai mis à 100%. Je pense que lui je risque

d’avoir des difficultés plus tard. Sinon, il y a une autre personne âgée, qui était dyspnéique

depuis quelques temps… J’ai…c’est un patient avec une maladie néoplasique… Je savais

qu’il avait des métastases au poumon et puis… il était... Il se plaignait d’une dyspnée

croissante. Cliniquement, il était un peu encombré, j’avais fait des cures d’antibiotiques… et

puis… je pense… J’ai finis par le faire hospitaliser… Mais c’est vrai que j’aurais dû le faire

hospitaliser avant, ça a trainé un peu...

C’est peut-être des patients qui sont déjà au-delà de la fragilité ?

Oui, dans ces cas oui oui. Mais sinon, non, j’ai pas de … pas vraiment de cas-là qui me vient

en tête.

Ok, c’est bien. Est-ce que tu as des réflexions générales qui te viennent à l’idée ? Sur tout ce

qu’on vient de parler ? A rajouter ?

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(…)

Non, ben c’est vrai que je me rends compte que dans mon activité de généraliste, on voit

beaucoup de personnes âgées. Bon c’est vrai qu’ici sur (lieux d'exercice), on a deux maisons

de retraites. Donc on est pas mal sollicités. Et du coup, j’ai atterrit dans la gériatrie par hasard

aussi. Et je ne regrette pas d’avoir aussi un peu approfondi là-dedans, parce que ça me sert

pas mal dans mon activité de médecin généraliste.

D’être sensibilisé aux problèmes gériatriques ?

Voilà oui.

Ok. Pour terminer je vais te montrer une grille de dépistage de la fragilité. Je ne sais pas si

toi tu connaissais les modèles de fragilité ? Par exemple le modèle de Fried ?

Non ça ne me dit rien.

Des modèles cliniques qui ont été établis pour définir qu’une personne âgée est fragile ou

pas. Ici, c’est le travail du gérontopole de Toulouse qui a été fait avec le département de

médecine générale. Ils ont modifié des modèles pour que ce soit plus accessible en médecine

générale. Je te montre le modèle, et dis mois ce que tu en penses.

Les critères de fragilité ?

Voilà lis tout.

Bon l’isolement, oui

Donc tu vois, ça s’adresse aux gens de plus de 65 ans, autonomes…

A distance de toute pathologie aigue. Bon 65 ans, c’est peut-être un peu jeune. Moi je dirais

même 75 ans.

Effectivement autonome c’est ce que tu avais dit. Des gens qui ne sont pas dépendants.

L’enjeu est là.

A distance de toute pathologie aigue… oui… donc perte de poids, ça oui, asthénie oui… c’est

vrai j’en ai pas parlé. Votre patient a-t-il plus de difficultés pour se déplacer depuis les 3

derniers mois ? Sa mémoire… Votre patient a-t-il une vitesse de marche ralentie ? Vous

parait-il fragile ? Si vous avez répondu oui à une de ces questions votre patient vous parait-il

fragile ? Si oui, votre patient accepte-t-il une évaluation de la fragilité en hospitalisation de

jour ? Moi c’est vrai que c’est une grille qui me… qui…

Qui te parle ?

Oui. Après est ce que… s’il y a une oui on peut dire que… je ne sais pas … c’est surement le

fruit d’études… faut qu’il y un oui pour que ?

Dans cette grille oui.

Ok. Et après, votre patient accepte-t-il une évaluation ? Ca ce n’est pas toujours facile à faire

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accepter ?

Et toi ça te parait acceptable comme prise d’adresser en hospitalisation ces patients qui

répondent à un critère et qui te paraitraient fragiles ?

Ben disons que si on met quelques mesures en place et que ça n’a aucune répercussion, je

pense que oui c’est important de… d’aller plus loin.

Mais après que tu aies mis quelques mesures ?

Oui voilà. Voir un peu dans le temps si ça rentre dans l’ordre… ou si ça persiste. Il n’y a

jamais d’urgence à faire une évaluation gériatrique dans ce type de… mais… voilà.

(Hors sujet)

(En parlant d’autres choses…)

C’est vrai que plus de 80% des patients sont vus à domiciles et jamais à l’hôpital.

J’ai vu une patiente veuve de 75 ans, pour une sciatique. Elle vit seule mais en dehors de sa

sciatique elle va très bien. Je ne vais pas l’adresser….

(Hors sujet)

Mise à part les troubles cognitifs, ils vont mettre en place de la kiné, des compléments

alimentaires, des aides à domicile. Choses que l’on peut faire déjà dans un premier temps

avant de… de faire plus si besoin…

En tout cas merci bien de m’avoir accordé du temps !

Et ben de rien !

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Entretien Dr 14

Donc le thème de la thèse c’est le concept de fragilité chez les personnes âgées. Dans une

première partie qu’est-ce que ça évoque pour vous ce concept ?

C’est un concept… Disons que la personne âgée risque de tomber dans la dépendance.

Fragilité musculaire, problème de nutrition, problème d’équilibre, problèmes de cognition.

Voilà la fragilité. Moi ce que je fais, c’est avant la fragilité… qui arrivent en retraite, qui ont

entre 65 et 75 ans qui sont autonomes. Et en principes, ils viennent dans un but préventif. Ils

n’ont pas encore de dépendance.

Pour vous c’est encore avant la fragilité ce que vous faites ?

Ah oui ! Oui.

Et la fragilité, vous la situez comment alors ?

Alors… (Rires) Alors la fragilité, c’est quelqu’un qui va avoir un test unipodal un peu

douteux. Quand il vient au cabinet, on le fait rester 15 secondes, euh... normalement 5

secondes sur un pied. S’il y arrive pas, il rentre déjà dans une fragilité. Quelqu’un qui ne se

nourrit pas bien…. Alors je sais qu’il y a une définition… Mais je me souviens plus

exactement… (…)

Vous êtes le premier à connaitre une définition dans ce cadre.

Je sais qu’il y a la force musculaire (mime une pince) au niveau du poing… Il y a le serrage

de la main…

On y reviendra après. C’est intéressant ça. Vous m’avez parlé des différents éléments

constituants la fragilité. Vous m’avez parlé de la motricité, de la force musculaire, de la

cognition et de la nutrition je crois. Vous les hiérarchisez ces items ?

(…) Non pas vraiment. Je les mets au même plan.

Est-ce qu’il y a d’autres éléments que vous voyez ?

Dans la fragilité ? Il doit y avoir la poly médication... Donc on a dit : la nutrition, l’équilibre,

force musculaire, cognition, médicaments…

Ok. C’est les cinq thèmes qui vous semblent importants (acquiesce). A ben pour une première

partie c’est d’une clarté ! Et donc par rapport à la dépendance vous m’avez bien dit que cela

précède la dépendance ?

Oui c’est ça.

Et l’âge du coup ? A quel âge c’est intéressant pour vous, de s’intéresser à ce genre de

choses ?

Pour moi… après... la dépendance c’est souvent 85 ans. D’ailleurs, ça correspond à l’âge

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d’entrée en maison de retraite pour moi : 85, 86 ans. Donc ça doit être avant. Jusque 80 ans,

en général ils vont bien. Mais après 80ans on les sent… Si on veut être large, 75. Ce n’est pas

l’âge de la retraite. D’ailleurs on les voit les retraités. Jusqu’à l’âge de 75 ans ils voyagent, ils

sont autonomes, ils font partie d’associations. Après 75 ans, ça commence, mais après 75 ans,

80 , 85 ans… Mais c’est vrai que ce n’est pas facile. Il y a plusieurs définitions de quelqu’un

d’âgé. Selon la retraite, d’autre vont nous dire par rapport à la vaccination… Pour la sécu

c’est 65 ans… Et puis d’autres ça va être l’entrée en maison de retraite… Ce n’est pas facile.

Et pour vous, la thématique de fragilité, ça parait intéressant autour de 75 ans ?

Oui c’est ça.

OK très bien. On va passer à une deuxième partie sur la détection de la fragilité. Est-ce que

vous, vous détectez la fragilité de vos patients ?

Au cabinet ici ? Alors par exemple, le test unipodal. Tiens, il y a un interne qui a fait un

mémoire dessus. C’est facile à faire ça. Donc le test unipodal, s’il ne tient pas 5 secondes, il a

un gros risque de chute.

Les 2 pieds ?

Oui. Un coup l’un, un coup l’autre. S’il tient 30 secondes, statistiquement, il y a peu de

risque. C’est facile à faire. Bon il y a la force musculaire. Pas facile à évaluer en cabinet.

Pour la cognition c’est vrai que…

(Téléphone, interruption de plusieurs minutes)

C’est reparti du coup. Euh du coup, on parlait de la détection. On a parlé de l’appuie

monopodal, quelque chose d’assez simple à faire.

Ah oui, et les troubles cognitifs.

Vous faites comment ?

Troubles cognitifs ? Moi je fais ce que l’on appelle un bilan cognitif préliminaire. Je les fais

revenir, je les garde ¾ heures à une heure. Je peux prendre une consultation approfondie

comme j’ai la capacité de gériatrie. Je leur fait faire le MMS, les 5 mots, une horloge... Je leur

fais faire un empan, un endroit / envers euh…

Pardon ?

L’empan, l’endroit / l’envers, les 12 mots. Et puis une IADL. Donc je dépiste les troubles

cognitifs.

Est-ce que ça vous le faites systématiquement à tous les patients ?

Non je peux pas. J’ai pas le temps. Des fois, je les envoie au centre de prévention.

Mais qu’est ce qui déclenche le fait que vous fassiez des tests cognitifs ?

A ben c’est…. Une plainte de mémoire, ou une plainte de l’entourage. Ou parfois je sens moi-

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même des patients qui oublient des rendez-vous, ou des patients qui viennent un peu plus tôt

pour leur traitement…

Il y a un point d’appel. C’est pas quelque chose que vous faites systématiquement.

Non.

Et vous voudriez le faire systématiquement ?

Si je pouvais, oui, je le ferais. Mais il faut que je trie. Donc quand j’ai pas le temps, l’hiver

par exemple, vous voyez, j’envoie au centre de prévention là où je travaille. Ils ont plus le

temps, il y a des neuro psychologues.

Là encore, c’est des patients sur lesquels vous avez eu des alertes ?

Oui... Ensuite, l’alimentation. Bon, je peux être alerté quand je vais à domicile. Vous savez,

on voit un peu l’état de l’appartement, je regarde dans le frigo, ce qu’ils mangent etc... Je me

base souvent sur la perte de poids. Je fais souvent une albuminémie…. Le MNA… Je le

connais, je le fais mais j’ai pas toujours le temps de le faire. Je les interroge un peu sur les

repas, s’ils mangent de la viande tous les jours… Mais souvent perte de poids et

albuminémie… voila… périmètre du mollet, je le fais de temps en temps mais c’est vrai

que… Et puis sinon la fameuse pince…. Mais j’en ai pas.

Une pince pour la force musculaire ?

Non. C’est fait pour mesurer le pli cutané...

Non je connais pas.

(…) (Me mime la pince et le pli cutané au niveau du bras)

Il y a d’autres choses que vous faites régulièrement ? Ou pas régulièrement d’ailleurs ?

Oui. L’équilibre, on en a parlé, l‘alimentation on en a parlé, les troubles cognitifs on en a

parlé. Alors les médicaments… Bon c’est difficile. De temps en temps j’essaie de faire le

ménage. Quand on a un peu de temps, on essaie de dépoussiérer un peu l’ordonnance, mais

c’est pas toujours facile. Quand on envoie au cardiologue, on a déjà 5-6 médicaments pour

l’hypertension. Mais là, c’est pas toujours facile. Mais j’essaie de le faire. Alors grosso modo,

sur une année, une personne âgée, je vais la voir à titre systématique 4-5 fois en admettant

qu’elle n’a pas de problème. Ben une fois je vais faire pour l’alimentation, une fois je vais

faire… essayer de dépister des troubles cognitifs, une autre fois je vais faire l’unipodal, une

autre fois je vais… j’essaye… d’arranger comme ça. Bon l’hiver, j’ai pas trop le temps parce

que ça bourre. Mais l’été j’essaie de prendre un peu plus de temps. On regarde les

médicaments, on regarde la dernière prise de sang, on regarde si ça c’est utile, « tiens vous

pourriez voir tel spécialiste ». L’hiver c’est plus compliqué.

Et il y des choses que vous faites de manière systématique ? Ou plutôt sur point d’appel ?

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Et bien le printemps, l’été, je vais faire systématiquement, un test unipodal. Je ferais

beaucoup plus facilement que l’hiver où on a pas le temps.

A quels patients vous faites ça ?

A ben ceux de plus de 75 ans, pas avant.

Donc un âge plutôt avancé. Donc vous m’avez bien balayé sur les différents aspects de la

fragilité que l’on peut cibler au cabinet. Est-ce que vous utilisez des outils globaux de

fragilité ? Comme ce dont vous me parliez au début ?

Les ?

Les outils globaux, comme celui avec 5 items, ou si on en a trois, on est fragiles.

Non je le fais pas. Peut-être qu’il faudrait… Oui je me souviens de la définition. Il faudrait

peut-être…

(…)

Est-ce que vous avez des difficultés dans cette détection de la fragilité dans la pratique de

médecine générale ?

C’est plus d’avoir du temps en fait. D’avoir le temps nécessaire à faire certains tests. Déjà,

moi, si vous voulez… si j’ai un trouble d’équilibre, d’alimentation, je considère qu’il est

fragile. J’attends pas d’avoir 3 critères.

Vous trouvez que vous arrivez à les attraper assez tôt ?

Oui. On sent les choses, mais on n’arrive pas toujours à faire quelque chose. A faire prendre

conscience à la famille, aux personnes aussi, qui vont être dans le déni…

Sentir les choses, c’est l’évolution des patients ?

Oui…

C’est un peu instinctif ?

Oui.…

On bascule sur la troisième partie avec la prise en charge. Vous me disiez que ce n’était pas

toujours facile d’intervenir. QU’est-ce que vous proposez à vos patients ?

Alors…. Par exemple, des troubles de l’équilibre, je peux l’envoyer à un atelier de

l’équilibre.

C’est quoi ?

Donc c’est un groupe de 10 personnes, avec souvent un gériatre, et puis… un psychologue, et

parfois un kiné. En ville il peut y avoir des kinés. Et donc on a des tests avec une évaluation

au départ, et puis il y a des séances avec une réévaluation à la fin. Donc on fait ça au centre

de prévention.

Donc c’est dans le cadre des caisses de retraites ?

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Oui

Donc des patients qui dépendent de ces caisses ?

Oui. Mais sinon, atelier équilibre, ou kiné. Avec un kinésithérapeute qui soit motivé. Ca je le

fais volontiers. Pour l’alimentation…

Juste, pourquoi les kinés ne sont pas motivés ?

Je ne sais pas. Il faut aimer la personne âgée, et il faut du temps aussi. Moi souvent je leur

mets une bonne quotation. Je leur mets rééducation du rachis dorso lombaire, et des membres

inférieurs, avec rééducation de l’équilibre. Ça permet de passer du temps. Si vous mettez

rééducation à la marche, c’est une misère quoi !

Ah ouais ?

Ils ne pourront pas passer de temps. Et du coup, c’est mal fait. Moi j’attends du kiné qu’il

passe du temps.

D’accord. Là on est en centre-ville, c’est difficile de trouver des kinés même ici ?

Euh…ouais. Ben on le sent, on les connait les kinés motivés. Ils passent du temps, ils

m’interpellent quand… On les a au téléphone. Et puis, il y a le retour des gens aussi. Et puis

si je vais à domicile, je regarde s’il y a des tapis, des meubles, souvent on a des appartements

encombrés, qui favorisent les chutes…

Et ça vous arrivez à faire modifier ?

(Rires) Oh c’est pas facile ! Mais on y arrive quand même, avec les familles.

Ça prend du temps peut être...

Oui ça prend du temps.

(…)

Ok pour la marche et l’équilibre. Sur les autres aspects ?

L’alimentation… Bon il y a des aides à domicile, les aides ménagères. Je demande à ce

qu’une aide-ménagère passe au moment des repas, prépare les repas et regarde ce que la

personne âgée mange, qu’elle regarde ce qu’il y a dans le frigo. Il y a des conseils

alimentaires, fractionner les repas, prendre de la viande tous les jours, enrichir l’alimentation

avec… du fromage râpé, de la crème fraiche… et puis il y a des compléments alimentaires.

Mais je pense qu’il y a un certain nombre de choses à faire avant.

Avant les compléments alimentaires ?

Oui.

Et vous me parliez des aides ménagères pour les repas. Est-ce que là on n’est pas déjà avec

des patients un peu dépendants ?

Oui mais justement ! Moi j’encourage les patients qui me disent « oh mais moi je me

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débrouille tout seul ». Je leur dis « écoutez, prenez une aide-ménagère, ça pourrait vous

aider ». Et puis progressivement on étend. Parce qu’il y a un frein au départ à quelqu’un qui

vient chez soi. Puis après on peut plus s’en passer ! Quand elles partent en vacance c’est un

drame ! (rires)

On anticipe. C’est une habituation des patients à avoir un peu d’aide.

C’est vrai que quand elles doivent passer plusieurs fois par semaine, elles sont déjà un petit

peu dans la dépendance.

(…)

D’autres points ?

J’essaie de voir comment elles font leurs courses, si elles ont besoin de leurs enfants etc.

C’est sûr qu’une personne âgée qui ne peut plus faire ses courses comme d’habitude, elle va

restreindre son alimentation et ne plus manger correctement.

(…)

Sur le plan des troubles cognitifs, dont on a parlé à plusieurs reprises, qu’est-ce que vous

proposez comme interventions ?

Alors… Oui… S’il y a des plaintes de mémoire mais sans dégradation importante, on peut

proposer des ateliers mémoires. Mais… dès qu’on constate qu’il y a des troubles et que l’on

entre dans le MCI ou le début de la maladie d’Alzheimer, faire des ateliers n’a plus de sens,

car on les met en échec. Là aussi, j’essaye de prévenir les familles… De faire un traitement

social. Les aides ménagères, les passages infirmiers… Vérifier la prise médicamenteuse. Moi

j’ai souvent recours aux infirmières, pour préparer et distribuer les médicaments. Mais là

aussi, on est un peu plus loin que la fragilité.

Comme vous disiez, on parle des MCI. On est pas forcément dans la dépendance, non ? C’est

un débat…

Oui c’est un grand débat !

(…)

Et en terme médicamenteux, sur les troubles cognitifs ?

Alors j’en mets, puisque j’ai la capacité de gériatrie. J’essaie d’en mettre… Quand je suis sûr

de mon coup suffisamment tôt. Mais ça a un effet limité quoi. J’essaie de prévenir le patient

et les familles qu’il faut pas attendre des miracles.

Suffisamment tôt ? Par exemple sur des MCI vous pouvez traiter ?

Mouais…. MCI peut être pas… Je les envoies volontiers au centre de prévention pour qu’ils

soient vus par des neuropsychologues. Et puis, donc… on détecte puis il faut traiter.

Est-ce qu’il y a d’autres interventions ?

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Par rapport à la personne âgée ?

(…)

Dans la situation de fragilité ?

(…)

J’y pense peut être pas…

Vous m’avez dit que des fois, vous les reconvoquez pour des bilans. Est-ce que c’est des gens

que vous allez voir plus fréquemment par la suite, à votre demande ?

Euh… oui… oui. Je les reconvoque pour une consultation spéciale. Par exemple pour un

bilan mémoire, je leur dis « écoutez je peux pas faire ça, il faut que vous reveniez exprès,

pour ¾ heure ».

Et en dehors des bilans, est ce que vous rapprochez le suivi ?

Oui j’essaye. Ça m’arrive. Il faut plus venir tous les 3 mois, mais tous les mois. Et puis je

demande qu’ils soient accompagnés, par leurs enfants.

C’est bien accepté par les patients ?

Oh oui.

Dans le cadre de la fragilité, comment vous interagissez avec les autres intervenants

médicaux et paramédicaux ?

Ah ben beaucoup ! Je crois beaucoup à la coopération entre médecins et paramédicaux ! Je

connais bien certains groupes infirmiers, dont je sais qu’ils sont motivés pour les personnes

âgées. Même la kiné, on en a parlé… kiné, IDE, les associations d’aides ménagères, le centre

de prévention aussi…

La transmission d’informations entre ces différents intervenants est facile ?

Ouais. Ils ont souvent mon portable pour me joindre. A domicile, il y a souvent des cahiers de

transmission…

Qui fait les cahiers ?

Les IDE souvent. Elles mettent leur petit mot, puis moi je lis, je mets mon petit mot. C’est

souvent un cahier simple, un cahier d’école.

(…)

Oui je rebondis là-dessus, car c’est une thématique qui a été bien abordée lors des

précédents entretiens.

Des fois j’utilise… Vous n’avez pas connu car vous êtes trop jeune… A un moment, c’était

Seguin qui était ministre de la santé… donc 1986 (rire). Il avait mis en place un cahier jaune

et bleu où les médecins devaient mettre le compte rendu de leur consultation. Mais les

médecins ont tellement râlé que ça n’a pas pris. Ces petits carnets ont été envoyés, mais

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beaucoup sont allés à la poubelle.

Je connaissais pas, tiens…

Certains ont gardé. Bon on arrive au bout. J’y marque la tension…

Ce sont les patients qui gardent les cahiers ?

Oui. Comme ça quand ils vont chez me cardiologue, il connait la tension, des fois il met un

mot….

C’est rigolo, on a l’impression qu’on tourne en rond ! Beaucoup disent qu’il faut des outils

de ce genre, et j’apprends qu’il y a 26 ans…

C’est dommage. Mais c’est les médecins qui n’ont pas joué le jeu, car ils disaient que c’était

une double saisie.

Ben les mentalités évoluent peut être… (…) Et avec les gériatres hospitaliers, vous avez des

relations ?

Ben j’ai fait mes stages hospitaliers là. Donc en ce moment travaille avec l’hôpital de jour

gériatrique, le court séjour, j’essaye de téléphoner.

Dans quelles situations vous les sollicitez ?

L’hôpital de jour, quand il faut faire un bilan. Ils peuvent l’observer, le reconvoquer, pendant

plusieurs semaines, pour établir une fragilité, une dépression… Et le court séjour, ce n’est pas

toujours évident. Trouver une place….

C’est plus pour des problèmes aigues le court séjour ?

Ouais.

Et l’hôpital de jour, c’est pour des bilans plus complexes.

Oui voilà. Quand je sens que c’est lourd, que la situation se détériore, qu’il faut envisager

l’avenir, ou qu’on sent une démence, qu’il y a un risque de chutes. L’hôpital de jour, ils

arrivent à faire ça sur un jour, avec un bon bilan !

Ça marche. On en a parlé un peu dans la détection, les patients et leur entourage, qu’ils

pouvaient être dans le déni, à votre avis qu’est-ce qu’ils attendent de nous dans ces

situations de fragilité?

Et bien oui, quelque fois ils ne s’en rendent pas compte. La personne âgée elle-même… et

puis même les enfants… Ils ne veulent pas imaginer que ça puisse se détériorer. Et on a des

situations… on essaie d’alerter les enfants, mais ils ne semblent pas prendre la mesure… je

crois qu’un des rôles du médecin généraliste est de dire, attention, dans les mois qui viennent,

il risque de se passer quelque chose, vous risquez de vous retrouver devant un placement. Il

faut essayer d’introduire les aides ménagères, d’introduire une surveillance, une infirmière,

vous y préparer, commencer à visiter des maisons de retraites…

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On a un rôle d’information en fait ?

Ah oui, oui ! Par exemple pour la maladie d’Alzheimer. On sait que les médicaments ne vont

pas faire des miracles. Je pense que les gens ont besoin de s’organiser. Des enfants qui

travaillent, qui n’ont pas le temps. Qui vont se retrouver avec des personnes qui vont tomber

dans la dépendance, avec des chutes, des fugues, ou des problèmes la nuit.

Et l’information doit venir dès les stades précoces ?

Ah oui !

Chez des gens non symptomatiques ?

Ou… Dès les premiers stades de la maladie. Chez des personnes qui peuvent rester à

domicile, qui peuvent être seules la nuit. J’ai un exemple tout récent, une personne âgée que

je voyais de temps en temps, qui avait de l’arthrose… Et puis tout d’un coup…. En 2-3 ans je

l’avais pas vu. Elle avait fait un AVC. ET puis manifestement elle commence une démence,

vasculaire. Les enfants n’ont pas pris la mesure ! J’ai commencé par prescrire une infirmière,

parce qu’on lui a trouvé des épisodes d’ACFA avec des anticoagulants. Je voyais mal la

personne prendre ça toute seule.

Déjà la gestion des médicaments était difficile dans ce cas ?

Ah oui !

Donc déjà des stigmates de dépendance ?

Oui.

(…)

Et les patients eux-mêmes ? Qu’est qu’ils attendent de nous ?

(…)

Oui…. Souvent ils acceptent mal de vieillir… ils acceptent… ils voudraient des

médicaments. Ce qui n’est pas toujours facile, c’est de leur expliquer qu’ils ont un certain

nombre d’handicaps, qu’on ne va pas forcément pouvoir guérir, qu’il va falloir pallier. Et

qu’il n’y a pas que les médicaments, mais aussi le traitement social, les aides ménagères, les

infirmières… l’adaptation du logement. Parfois ils ne veulent pas quitter leur logement, ils

sont dans des immeubles sans ascenseurs et nous on dit, quelques mois, quelques années…

hum… Et là c’est pas facile d’admettre qu’ils vont devoir quitter leur logement dans quelques

mois ou années pour aller dans un endroit plus adapté, avec ascenseur. Ou se rapprocher de

leurs enfants aussi.

Donc si je comprends bien, les patients d’après vous, ils attendent plus des solutions…. De

rester à la maison, avec le moins de changement possible, avec des solutions

médicamenteuses. Et nous on doit les informer de ce que l’on doit faire d’autre…

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Oui.

Est-ce qu’il y a eu des exemples de difficultés récentes ? Des cas avec des difficultés chez des

personnes âgées fragiles ?

Oui, oui, par exemple cette damme, et puis un monsieur, qui a acheté un appartement ici,

mais sa fille habite près d’Orange. Et lui… Bon il a du diabète, il a des signes d’insuffisance

cardiaque, il ne connait pas son traitement, récemment il a fait une chute… il a des troubles

de l’équilibre… Ca fait plusieurs années que je lui dis de se rapprocher de sa fille… Mais bon

il y va pas. Je le sens quoi !

(Téléphone)

Donc vous parliez d’un patient qui devait se rapprocher de sa fille…

J’en ai deux autres aussi… un couple… Lui, a une maladie de Horton avec polymédication,

des douleurs, un canal lombaire étroit… Il a jamais voulu se faire opérer, avec des

morphiniques. Il a jamais voulu se faire opérer… Sa femme a un tableau psychiatrique, avec

une démence. Ils sont seuls… Ils ne veulent pas aller en maison de retraite, déjà ils veulent

pas ensuite, ils n’ont pas le budget. Pour l’instant il y a le frère de Monsieur qui s’en occupait,

mais lui est malade et commence à s’épuiser. J’ai des infirmières qui passent deux fois à

domicile, il y a des aides ménagères. Mais voilà… Ils appellent pour des motifs qui ne sont

pas bien… l’autre jour j’y suis allé, il faisait très chaud. Ils avaient une clim qui n’était pas

branchée, ils ouvraient les fenêtres alors que c’était ensoleillé. Lui il avait un Damart. Je suis

passé vers midi, il faisait super chaud….

C’est peut-être des gens déjà dépendants…

Ils sont déjà dépendants.

Les difficultés apparaissent plutôt à la dépendance ? Avant on essaie d’anticiper les

difficultés ?

Mais ça, c’est des choses que l’on sent venir. Ça ne se produit pas du jour au lendemain. C’est

depuis quelques mois. Je crois qu’en faisant intervenir suffisamment tôt les aides ménagères,

les IDE, le kiné, mettre en place des professionnels…. Il n’y a pas que les médicaments ! On

arrive des fois à faire un maintien à domicile, un soutien à domicile assez longtemps, plutôt

que de prendre le risque de l’accident de la fracture avec le col du fémur, ils ont hospitalisés,

ils ont des escarres, ils deviennent dépendants.

Donc les intervenants paramédicaux et aides ménagères vous paraissent fondamentales ?

Oui. Aussi importants que les médicaments… Ou l’absence de médicament. (Rires)

Ok. Pour terminer je vais vous montrer une grille faite par le gérontopole de Toulouse, avec

le département de médecine générale et donc les gériatres de Toulouse. C’est un modèle de

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fragilité qui est inspiré du modèle de Fried dont vous parliez, avec la force musculaire et

tout. Ils l’ont adapté à la médecine générale. Je vous laisse le regarder, et dites-moi ce que

vous en pensez.

Alors …oui … c’est intéressant …c’est pas mal. Bon proposer une évaluation hospitalière

parce qu’il vit seul….

Il y a une question subsidiaire, s’il vous parait fragile.

Mais si oui, accepte-t-il… c’est-à-dire s’il nous parait fragile… mais là c’est marqué si vous

avez répondu oui à une de ces question. Euh… Ouais peut être une seule… Bon par exemple

vit seul… des difficultés pour se déplacer…

(Téléphone)

Bon se plaint de la mémoire… Bon certains se plaignent de la mémoire mais ont un bilan

cognitif parfait. Mais ça mériterait effectivement à partir du moment où il y a une plainte de

mémoire, de l’évaluer. A l’hôpital de jour, peut-être pas quand même.

Il y a des choses que l’on peut faire nous-même ?

Oui, on peut faire des choses nous-même. Mais déjà je pense que si, on répond oui à une de

ces questions, alors le généraliste doit se poser une question « est-ce que mon patient n’est

pas en état de fragilité, qu’est-ce que je peux faire moi ». Et après, si ça se confirme, on peut

l’adresser en hôpital de jour. Mais répondre oui à une seule question et puis... parce qu’il vit

seul l’envoyer en hopital de jour, ça parait excessif. Mais peut-être, être plus vigilant.

L’hôpital serait encore une étape après ? Vous faites des choses puis quand ça vous échappe,

vous adressez à l’hôpital de jour ?

Oui. Sinon ça parait pertinent.

Et utilisable ?

Oh oui. Parce que ça, on répond vite ! En médecine générale... vit seul on sait, prise de poids /

perte de poids, ça fait partie de mon examen, difficulté à se déplacer, on sait, se plaint-il de la

mémoire, on sait…

Mais ça aide à nous attirer l’attention ?

En fait, on le fait un peu spontanément. Mais là c’est bien, c’est bien résumé ce que vous avez

fait !

Oh ce n’est pas de moi ! Mais je trouve le modèle bien adapté à la médecine générale. (Hors

sujet).

Est-ce que vous avez d’autres commentaires, à ajouter ?

Ben j’avais pas réfléchit au sujet, donc j’ai répondu un peu spontanément.

C’est le but !

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Non ça me parait bien. Disons que moi qui ait une orientation gériatrique, j’essaie de

maintenir un équilibre, parce que les personnes âgées, ça prend beaucoup de temps. Et on

peut vite tomber dans…. Moi je dis non pour certaines maisons de retraite… Sinon on fait

que ça ! J’aime beaucoup les personnes âgées… J’essaye… Je m’occupe déjà de mes patients

qui vieillissent.

Les maisons de retraites vous sollicitent pour des nouveaux patients ?

Oui. C’est compliqué. Quand des patients rentrent en maison de retraite, les médecins ne les

suivent plus.

(...)

Voilà ben ça me parait bien pertinent ! J’aimerai bien avoir un exemplaire de votre thèse

quand ça sera fini.

Oui bien sûr !!

(Hors sujet)

Avant j’étais médecin de campagne, avec beaucoup de personnes âgées dans les villages,

avec des personnes qui voulaient rester à domicile. Qui ne pouvaient pas toujours, des

personnes isolées, avec des enfants qui sont loin. On a même fait dans les dernières années un

réseau de soutien gérontologique pour les personnes âgées . Ma première installation, je

pensais pas forcement, m’intéresser beaucoup aux personnes âgées. Mais de fait, j’ai été

confronté aux problèmes des personnes âgées. Donc je rencontrais les aides ménagères, j’ai

fait partie du bureau de l’association d’aides ménagères, j’ai fait partie du conseil

d’administration de la maison de retraite, on a créé le portage des repas à domicile et j’avais

pas fait encore la capacité de gériatrie ! J’avais pas le temps. Et après ça a été intéressant de

concrétiser mon expérience de la gériatrie. Et je me suis rendu compte que l’on ne pouvait

pas travailler seuls !

Pas travailler seuls comme médecin ?

Oui on a besoin des infirmiers des aides ménagères…

(Hors sujet)

Et bien merci !

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Entretien Dr 15

Donc le thème de la thèse, c’est le concept de fragilité chez les personnes âgées. Donc on va

parler autour de ce sujet là. Ce concept de fragilité, pour toi, qu’est-ce que ça évoque ?

Fragilité ? A ben dis donc… c’est vaste ! (rire) Attaquer comme ça à 8h30 ça va être chaud !

(rire). Pour moi, le concept de fragilité chez la personne âgée… c’est… en termes

d’hypersensibilité à tout ce qui peut se passer autour d’elle, que ce soit dans tous les cas

quotidien, par rapport à son environnement, familial. En particulier… la fragilité, c’est aussi

toute la sensibilité par rapport à tous les traitements médicamenteux… Voilà… Quand on

parle de fragilité, c’est physique, psychique, tout ça… C’est la première chose qui me vienne.

Tu parlais d’hypersensibilité ?

Quand je parle d’hypersensibilité ? Euh… A partir du moment où t’es fragile, c’est que

globalement t’es sensible, et parce que le grand âge… Des fois tu as des situations avec des

gens qui sont en établissement, tu as toute une question de fragilité extrême quoi. Voilà qui

peuvent s’encaisser quand ils sont chez eux. Enfin moi je dis ça, mais je fais une différence

par rapport aux EHPAD quoi. Dans un environnement un petit peu familiale quoi, et puis

quand ils sont en EHPAD ils sont fragiles quoi, tout du moins ils sont sortis de leur milieu

habituel de vie.

Et les choses qui peuvent s’encaisser comme tu dis, c’est des choses de quel ordre ?

Qui peuvent s’encaisser ?

C’est plutôt médical, plutôt des choses sociales….

Ben c’est un tout certainement ! De toute façon on voit les choses, des personnes âgées quand

elles sont chez elles, il y a tout un temps où elles arrivent à encaisser… oui… des problèmes

médicaux, des problèmes sociaux et autres, et puis à un moment ça craque pour une raison,

parce que oui, elles avancent dans l’âge, et elles sont de plus en plus fragiles pour encaisser,

soit parce qu’autour d’eux, ce qui a été mis en place comme soutien n’arrive plus à

fonctionner quoi. Moins polyvalent, tout ça…

Ok. Tu pourrais revenir sur les différents éléments qui constituent pour toi la fragilité ?

Hum. Alors… L’âge ! (Rire), je vais pas l’oublier ! L’âge en premier lieu. Et il y a aussi, tout

ce qu’ils ont pu… tout leur mode de vie avant d’être vieux. Tout ce qu’ils ont vécu quand ils

étaient actifs. Il y a des gens qui sont blindés, et il y a des gens qui sont fragiles parce qu’ils

l’étaient un peu avant aussi. On voit les mêmes situations, des gens âgés qui encaissent, et

d’autres qui sont tout de suite très déstabilisés. La fragilité ben c’est… c’est l’isolement. Un

des premiers… quand il n’y a pas de soutien de famille, de proches ou autres… c’est clair que

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c’est un gros facteur de fragilité. Globalement sous le terme « santé fragile » ça c’est sûr.

C’est constitutionnel un peu quand même. La santé physique, c’est sûr qu’il y a des fragiles et

des moins fragiles. Euh… Je sais pas… il y a tellement de choses qui peuvent être dites en

terme de fragilité. Euh… Ben il y a tout …. Tout ce qui fragilise beaucoup, c’est tout ce qui

est… sur le plan on va dire…. On fait très certainement la différence entre ceux qui ont des

troubles cognitifs et ceux qui n’en ont pas. Ça paraît certain. Voilà. Sont fragiles aussi ceux

qui besoin d’aide, de soutien, de structures de soutien, soit à domicile soit… Euh le sujet c’est

plutôt le sujet à domicile ou plutôt en EHPAD ?

Plutôt en ambulatoire

Plutôt en ambulatoire, donc hors des établissements.

Oui

Oui pour différencier. Donc la fragilité c’est l’isolement, c’est l’état de santé, c’est … la perte

des contacts sociaux… ça revient à l’isolement. L’inactivité ça c’est clair.

L’inactivité physique ?

Oui les deux. Physique certes, mais aussi les gens… Si tu veux il y a même des gens qui

peuvent être plus jeunes. Moi je vois des gens qui peuvent être à la retraite, ben dans les

années qui suivent leur retraite, je trouve qu’ils sont déjà fragiles. C’est-à-dire qu’ils n’ont

pas de projet. Et qui ont pourtant 65, 66, 67 ans. Et qui sont donc jeunes. Ce sont des jeunes

vieux. Et qui finalement, quand je les vois au cabinet n’ont pas… Bon je leur demande

« qu’est-ce que vous avez, qu’est-ce que vous faites », ben ils disent « j’avais envie de suivre

des cours à la fac, j’y suis pas allé, je voulais m’inscrire à des cours de gym, je l’ai pas fait ».

Voilà, je pense que c’est des gens pour qui ça va pas trop bien se passer de vieillir, parce

qu’ils sont isolés, parce qu’ils n’ont pas voulu entreprendre de… d’activer des centres

d’intérêt. Mais je pense que c’était des gens qui toute leur vie étaient comme ça. Il y a une

continuité quand même.

Tu disais qu’il y a une base constitutionnelle, comment on a été dans notre vie.

Complètement. On voit bien les gens qui ont été professionnels actifs, qui ont une vie

relationnelle, sociale, qui ont des centres d’intérêt, sur le plan physique, sportif, mais aussi

qui vont dans des associations, des choses comme ça… Et bien ils continuent quand ils sont

vieux. Et s’ils ne l’ont pas fait avant, ce n’est pas à la retraite que ça change beaucoup de

choses. Ou alors, il faut vraiment qu’ils aient un entourage qui les pique beaucoup (rires),

mais ça marche pas tout le temps…

C’est intéressant. T’es le premier à me donner cette information. Tu parlais de l’âge aussi,

c’est le premier item qui tu as évoqué. Pour toi ça peut apparaitre jeune ? Dès le début de la

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retraite ?

Je pense qu’il y a des choses qui peuvent être fragiles tôt. Vieux et fragiles tôt. Quand je dis

vieux, 65 ans c’est pas vieux c’est évident.

On va bientôt bosser jusqu’à 67 ans….

Oui voilà tout à fait ! Je dirai qu’arbitrairement l’arrêt d’une activité professionnelle fait

basculer dans un autre type de catégorie sociale. Et bien il y a des gens qui sont vieux tout de

suite parce qu’ils n’ont pas de projet. J’ai en tête un type qui était en retraite pile-poil à 60

ans. Je le vois 2 fois par an pour des problèmes pas très importants sur le plan médical. C’est

le mec qui n’a rien, il n’a pas de projet, à part sa télé, marcher un peu. C’est un mec qui à

mon avis… est fragile tout de suite. Et à l’inverse on est toujours surpris par des gens… qui

peuvent avoir 95 ans… alors constitutionnellement ils ont un physique qui permet de… mais

qui gardent tout de même… qui sont pas fragiles encore quoi ! Parce qu’il y a des

stimulations, des centres d’intérêt familiaux et autres quoi !

(…)

Comme tu situes la fragilité par rapport à la dépendance ?

(…)

Je situe la fragilité par rapport à la dépendance ? Euh…. La fragilité qui entraine la

dépendance ? La fragilité par rapport à la dépendance…. Oui ben c’est lié. C’est à dire que

c’est la personne qui ne peut plus se suffire à elle-même, elle est obligée d’avoir des aides.

Parce qu’elle est fragile, elle devient dépendante.

C’est une continuité entre les deux ?

Oui. Voilà, la fragilité apparait progressivement, soit parce qu’il y a un problème physique,

soit…. C’est souvent un petit ça… Et la dépendance arrive quand il y a besoin d’aide, de

soignants extérieurs, d’auxiliaire de vie, d’aide pour la toilette, d’interventions de la famille,

d’aide pour la préparation des repas. La dépendance s’installe progressivement, ou de façon

aigue quand il y a un, problème plus aigüe quoi. Euh… le lien fragilité-dépendance, c’est

progressivement, le passage de l’un à l’autre. Il y a des additions de fragilité qui débouchent

sur la dépendance.

Je te posais la question pour bien situer le concept. Le collège de gériatrie le qualifie de

risque de décompensation fonctionnelle conduisant à une aggravation de l’état de santé et à

la dépendance. Pour eux, la fragilité est là. C’est là tout l’enjeu.

Il y a une bascule à un moment.

Le but serait d’agir sur la fragilité pour prévenir la survenue de la dépendance.

Après je pense qu’il y a le sujet âgé qui est fragilisé, mais qui refuse cette fragilité. Du coup,

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accepter d’être dépendant… Accepter de se faire aider c’est pas facile pour beaucoup. C’est

reconnaitre que l’on n’est plus capable d’être autonomes, d’être dépendants, on perd son

indépendance, on perd sa propre volonté de guider les choses. Des fois c’est pas facile pour

beaucoup. Reconnaitre que… on a passé encore un cap.

On va y revenir après au point de vue des patients. Donc pour toi, la fragilité c’est…. Tu

m’as beaucoup parlé du contexte social, de comment les gens vivent. Tu m’as parlé de la

fragilité médicale, donc sous-entendu les pathologies accumulées.

Tout à fait.

Tu m’as parlé des tolérances des médicaments, des troubles cognitifs. Est-ce que tu

hiérarchises ces choses ?

C’est une addition de facteurs. C’est une addition de … Alors après s’il y a un phénomène

aigue de quelqu’un qui fait un AVC, et qui se trouve… qui ne récupère que partiellement, un

hémiplégique qui reste hémiparésique… Voilà, donc physiquement il y a brutalement un

avant et après. C’est ce qu’on voit qui aboutit à l’entrée en établissement, dans les EHPAD.

Les gens qui ont des facteurs… des problèmes physiques et autres, donc qui restent encore

chez eux avec tout un tas de soutiens, et un truc se passe et ils basculent vers encore plus de

dépendance. Du coup, c’est n’est plus assumable, je sais pas si le terme existe, mais ça ne

peut plus être assumé au domicile. Le conjoint qui arrivait à pallier à, ou les enfants… Ben ils

ne peuvent plus, car ça demande trop d’aide.

OK. C’est bien pour la première partie. Après on passe sur le diagnostic, la détection de la

fragilité des personnes âgées. Je précise, on parle des patients en ambulatoire, en EHPAD ce

sont des gens…

Qui ont déjà été détectés…

A priori, s’ils sont là c’est qu’ils sont dépendants, donc certainement fragiles. On parle donc

des patients que tu vois au cabinet. Est-ce que toi, tu t’attaches à repérer ça, à détecter la

fragilité ?

Euh… qu’est que je vais dire…. Donc effectivement, c’est des gens la plupart du temps que

je suis depuis un moment quoi. Depuis plusieurs années. Ça fait une trentaine d’années que je

suis installé donc des gens que j’ai vu prendre leur retraite et vieillir. Alors est ce que….

Comment dire… je perçois dans ce qu’ils me disent ou dans les problèmes physiques qui

peuvent se produire, de percevoir le moment où ils deviennent fragiles. C’est-à-dire que…

Voilà… c’est pas…. Ça peut être de percevoir…. Je réfléchis comment qu’est ce qui peut y

avoir comme signe d’alerte. Bon en dehors des problèmes physiques… euh…. Alors… du

coup c’est des gens que je vois au cabinet mais c’est aussi des gens… Par exemple, un truc

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assez symptomatique, c’est des gens qui viennent me voir au cabinet, en consult, mais un jour

ils ne peuvent pas venir. C’est assez caractéristique. Il y a un truc. Soit ils ne peuvent plus

prendre le bus, soit ils ne peuvent plus prendre la voiture… ou alors ils sont obligés d’être

accompagnés. Ca complique les choses, car les enfants ne sont pas forcément dispos, ou

l’accompagnant n’est pas forcément disponible. Voilà, je dirai que c’est un premier truc. J’y

pense car ça vient juste de se produire ce matin. Une personne qui venait toujours au cabinet,

puis ça fait deux fois que je me rends compte qu’elle ne peut plus venir…

Ça attire ton attention.

Ouais, ça c’est un bon truc. Donc ça veut dire qu’il se déplacera moins, qu’il sortira moins,

qu’il viendra plus au cabinet. Qu’il a plus de difficultés pour ça. Après c’est…. Euh les petits

signes d’alerte, c’est les suivis de traitement. Si on change de traitement, les choses

deviennent compliquées, ils ont de la peine à préparer leur traitement, ou suivre. Ça devient

cafouilleux. On se rend compte qu’il faut une personne qui intervienne ? Ça c’est très pratico-

pratique. Euh… après il y a tous les petits signes d’alerte dans ce qui est du domaine des

oublis. Des gens qui étaient assez rigoureux, des gens qui, dans les modifications… qui

pouvaient être très rigoureux et qui commencent à oublier… et qui font moins attention. Par

rapport aux renouvellements d’ordonnance par exemple, ils y pensent pas quand c’est le

moment. C’est souvent progressif quoi. Voilà. Alors après une fois que l’on a détecté ça, on

essaie d’approfondir un peu les choses.

On va y revenir. Est-ce qu’en pratique courante, tu utilises des outils pour ces personnes-là ?

Des tests ? Des échelles ?

Je dirai que c’est principalement par rapports aux troubles cognitifs que j’utilise le MMS. Je

suis très classique là-dedans. Donc… Même en sachant que même ça, c’est un examen qu’il

faut amener avec diplomatie. Parce que, soit il y a des gens qui ont des plaintes, en disant

j’oublie, je suis toujours obligé d’écrire… Ca fait partie des trucs… des gens qui n’avaient

pas de difficulté et qui arrivent avec des papiers où ils ont tout écrit. Des gens qui ne le

faisaient pas avant. Parce qu’il y a des gens qui dès 50 ans écrivaient tout ! Puis il y a des

gens qui éprouvent le besoin de le faire parce qu’ils ont peur d’oublier. C’est des

changements. Alors là aussi c’est pratique ! Voilà. Après donc, je fais des MMS au cabinet.

Tu ne fais pas des MMS systématiquement au cabinet ?

Non.

C’est quand tu as eu une alerte ?

Oui. Quand j’ai eu une alerte. Ca semblerait assez… Je le fais pas systématiquement parce

que je pense que c’est un examen où il faut quand même que la personne qui est en face,

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comprenne pourquoi on le fait, que ça correspond à des troubles observés, dont il peut se

plaindre lui ou elle-même. Donc non, je ne le fais pas systématiquement.

Donc si je comprends bien, c’est le changement des patients que tu suis depuis des années,

qui va attirer ton attention.

Oui tout à fait. Alors ça peut être aussi rapporté par la famille, avec des gens qui appellent en

disant « vous allez recevoir mon père ou ma mère, vous allez voir. Voilà ce que nous on a

remarqué. »

Avec des gens qui n’intervenaient pas avant dans la prise en charge de leurs parents ?

Oui tout à fait. Ça aussi c’est symptomatique. Quand il y a besoin… Ou parfois quand il y a

déjà une aide-ménagère qui intervient, c’est un peu plus rare, mais qui alerte. Pour des gens

aussi qui n’ont pas de famille. Mais c’est assez caractéristique. Quand quelqu’un appelle en

disant, vous allez recevoir Tartanpion, ça ne se passe pas bien maintenant. Voilà.

Alors un exemple. Tu m’as parlé d’un patient qui ne pouvait plus venir au cabinet. Tu as un

autre exemple qui te vient en tête ? (…) Une personne qui a attiré ton attention au cabinet ?

Par rapport à des évènements comme ça ?

Oui, ou une personne où tu t’es dit « tiens cette personne me parait fragile, alors qu’avant

elle ne l’était pas ».

Voilà. Donc effectivement quelqu’un qui ne vient plus au cabinet, ou alors quelqu’un qui

vient au cabinet mais qui ne…. Qu’est-ce que je veux dire, par rapport aux consultations qui

sont assez standardisées avec les renouvellements d’ordonnances, avec des patients suivis,

sans problème particulier… Et puis on perçoit que je te disais tout à l’heure, que par rapport

aux traitements il y a des choses qui n’ont pas été faites, des surveillances… ben, les gens

sous anti coagulant où la surveillance devient irrégulière. Quelqu’un qui fait son INR tous les

deux mois, et puis tout à coup, quand il vient « ah j’ai oublié ». Voila, il y a une rupture dans

quelque chose, dans un comportement qui alerte quoi. Alors ça implique une connaissance…

Si c’est quelqu’un qui débarque dans le quartier ça va être plus difficile à percevoir.

Est-ce que tu trouves ça difficile de détecter ces personnes qui deviennent fragiles ?

Je pense qu’il y a tout un temps où les gens arrivent à élaborer des palliatifs face à ces

problèmes là… donc arrivent à tenir un peu quoi. Je pense qu’à partir du moment où il y a

une connaissance des personnes qui viennent, on arrive à percevoir ces problèmes-là. Alors

c’est difficile d’en juger le retentissement sur leur vie quotidienne si tu veux, à savoir ce que

ça engendre… mais on constate qu’il y a quelque chose qui a changé. Ou les gens qui

effectivement… ce que je te disais tout à l’heure : un vieux qui a réussi à garder… c’est pas

péjoratif vieux ! Quelqu’un qui a gardé des activités, et qui en pratique de moins en moins.

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En terme de sorties ou de contacts… Il y a plein de gens qui sont dans des clubs de randonnée

et qui te disent cette année je n’ai pas pu y aller, pendant 3 mois je n’ai pas pu sortir, j’étais

fatigué… c’est vraiment des signes d’alerte ! Alors après ce qu’on en fait… On ne va pas se

jeter….

On va y venir !

J’imagine bien !

Donc toi tu arrives à percevoir l’évolution de tes patients, ce n’est pas quelque chose qui te

pose problème.

Oui tout à fait.

Donc justement, on passe sur la prise en charge, qu’est-ce que tu fais pour ces patients que

tu trouves fragiles. Qu’est-ce que ça va modifier dans ta prise en charge ?

Alors habituellement… je … je propose une prise en charge un peu plus rapprochée. Des

gens que je vois tous les 3 mois, tous les 4 mois, tous les 6 mois c’est plus rare chez les

personnes âgées. J’essaie de programmer, de les revoir un peu plus rapidement. Parce que je

pense qu’eux, n’expriment pas ça de manière très…. Enfin ils envoient des signaux d’alerte…

Mais de là à reconnaitre qu’ils vont avoir besoin d’une aide différente, ben ils ne le disent pas

carrément. Donc c’est vrai que je vais rapprocher une consultation ultérieure. Là si tu veux

d’entrée, je ne me jetterai pas d’emblée sur un MMS, mais peut être de dire, la prochaine fois

que je vous vois, on va faire un test. Là vous me dites que vous oubliez un peu les choses,

vous avez besoin de noter etc… C’est un test que l’on pourra faire. Voilà, donc après soit il y

a déjà des services d’aide au domicile qui interviennent, soit pour tout ce qui est ménage…

Soit… mais bon à ce stade là ils sont encore assez autonomes, les aides à la toilette et … mais

ça c’est dans un deuxième ça… ce n’est pas au départ. Voilà c’est essayer de justement, leur

proposer un peu des aides si on perçoit que c’est faisable. Alors c’est tout… Par exemple si

c’est des troubles plutôt moteurs, sur le déplacement, par exemple, un parkinsonien en train

d’évoluer, on peut proposer de la kiné… Voilà on fait intervenir des aides… je ne contacte

pas les services sociaux du quartier, je ne me jette pas d’entrée sur ce genre de choses.

Eventuellement, comme c’est en médecine générale parfois, on a un petit peu des liens avec

les familles. Tout en restant prudent ! On ne va pas s’amuser à raconter la vie du père à tous

ses enfants, ou la mère…. Mais si on arrive à avoir un peu des contacts avec des enfants lors

de consultations ultérieures, voir un peu ce qui se perçoit au niveau familial. Mais c’est vrai

que les gens âgés, quand ils commencent à perdre… à devenir fragiles…. Ils arrivent à s’en

cacher un peu de leur entourage un temps. Alors du coup, ils se lâchent un peu chez le

médecin, ils arrivent à parler des problèmes. Alors suivant comment sont disponibles les

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enfants, ce n’est pas…. Voilà je pense qu’à partir du moment où une fragilité est observée,

voilà qu’il y a une rupture dans ce qu’il était, et vers quoi il évolue, ou elle évolue. A partir de

ce moment, il faut arriver à voir de manière un peu plus rapprochée c qu’il se passe, voir si

c’est de l’ordre cognitif, je vais proposer rapidement un MMS. Ça permet de voir ce qui se

passe pour la mémoire. C’est un test hyper simple. Donc c’est vrai qu’une fois qu’il est passé.

Donc quand je fais un MMS je prévois une consultation plus longue, parce que je sais que

souvent, ça libère pas mal de choses, au-delà du test. Parce que les gens ne sont pas très

perturbés à ce stade-là. Enfin normalement.

Et en dehors du MMS il y a des choses que tu vas faire en consultation chez les gens que tu

reconvoques ?

En test ?

En test, ou des choses que tu vas regarder.

Alors l’examen clinique est assez systématique de toute façon. Après c’est la détection, c’est

les bilans bio, voir s’il y a des problèmes….

Bio, tu fais quoi par exemple ?

Ben je fais des NFS, bilans thyroïdiens, des calcémies… Après selon les orientations. On se

rend bien compte par exemple de tous les problèmes digestifs qui peuvent apparaitre. Les

problèmes gastriques, intestinaux qui peuvent être des pathologies qui sont en train de se

déclarer. Les gens minimisent, ça peut être des petits signes d’alerte. Des gens qui arrivent à

dire « ben voilà ça fait 3 mois que mon transit est déséquilibré, ou j’ai mal à l’estomac, ou je

ne digère pas bien ». C’est des signes d’alerte physique. Alors ça peut déboucher sur des

explorations. Alors j’y vais toujours tout doux moi. Je ne jette pas sur…. l’hospitalisation

avec un bilan complet d’entrée. Parce que ce n’est pas mon habitude de faire comme ça. Je

prends toujours un peu de temps. Bon sur un bilan bio, il y a toujours des signes d’orientation

qui permettent de… d’orienter vers un spécialiste digestif, ou hémato, ou autre.

En fait c’est des consultations où tu vas te repencher sur des personnes, mais pas forcément

faire des choses supplémentaires.

Souvent si je détecte au cours d’une consultation un peu standard, qu’il y a des choses qui ont

évolué, souvent je programme… Parce que mes consultations font… elles partent sur un

standard de 20 minutes…. Quand c’est des renouvellements, des choses standards… Et si je

perçois de la fragilité, la fois suivante, soit je donne rendez-vous en disant je vous revois au

début du mois suivant, en faisant une prise de sang avant, soit je prévois une consultation plus

longue. C’est moi qui donne le rendez-vous et je bloque deux rendez-vous par exemple.

J’essaie de faire… il faudra du temps obligatoirement.

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C’est surtout à l’interrogatoire que tu vas rechercher des choses ?

Oui…

Dans ce domaine-là, quelles sont tes relations avec les autres intervenants médicaux,

paramédicaux ou avec les services sociaux ?

Euh. Alors les intervenants médicaux, les spécialistes ou autre ? Ben j’ai un petit réseau. Que

ce soit au niveaux intervenants médicaux ou les services d’aide au domicile. Voilà, ça se

contacte assez facilement. Voilà, je connais un peu les différents services sociaux du secteur

que je peux contacter.

C’est téléphonique ?

Oui. Après quand c’est en place avec des choses organisées au domicile, régulièrement dans

les services d’aide au domicile, ceux qui sont bien organisés envoient deux fois par an un

bilan du suivi.

Intéressant. Les services d’aides représentent juste les aides ménagères ? Ou aussi des

infirmières…

Alors aides à domicile, il y a le côté infirmier, mais ça c’est un degré de plus. Ou auxiliaire de

vie et aide à la toilette, ce genre de choses.

Et eux t’envoient des rapports ?

Oui. Par exemple, il y a un service d’aide à la personne sur Tassin, et je pense que c’est deux

fois par an. Ce n’est pas un laïus, c’est une grille qu’ils ont remplie et qui permet de voir

l’évolution. Je travaille beaucoup avec ce service là en particulier. On se contacte beaucoup

par téléphone, s’il y a quelque chose. Ils sont très bien. (Hors sujet)

Et avec les infirmiers, les kinés, les paramédicaux ?

On se contacte par téléphone. C’est comme ça que ça fonctionne le plus rapidement. Ils me

laissent un message, on se recontacte en fin de journée quand il y a un problème ou autre.

Les infirmiers, sur des soins, des pansements, des plaies… On peut suivre l’évolution. Ça

arrive de se retrouver sur place, en particulier avec les infirmiers quand il y a un problème de

pansement ou des choses comme ça. Alors c’est pas souvent et pas toujours facile à organiser

pour se retrouver au même moment. Mais ça arrive. Mais je pense qu’il y a des structures, je

pense à cette structure qui est sur Tassin et qui fonctionne bien, il y a d’autres structures où la

communication est moins fluide.

Et qu’est ce qui fait que la communication soit meilleure avec certains intervenants ?

Ben… je raisonne en terme… c’est des associations qui regroupent plusieurs personnes. Ce

ne sont pas des cabinets libéraux. Avec les cabinets libéraux, je communique très facilement.

Mais avec les associations, il y en a qui communiquent mieux que d’autres. Voilà, je pense

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que c’est au niveau du projet de l’association. En terme de leurs personnels, de leurs

administratifs. On vient bien quand on doit faire des renouvellements de prescription, de prise

en charge à ces associations, ben il y en a qui systématiquement envoient un courrier en

disant, telle date il faut renouveler. Et d’autres tu as tout à coup une panique, parce que ça

aurait dû faire 3-4 semaines qu’on aurait dû le faire (rire). Je dis ça car j’ai eu l’appel ce

matin…

On est à Lyon, donc il y a beaucoup de structures qui existent. Et avec les médicaux, donc

plus spécifiquement les gériatres, comment tu interagis ?

Alors j’adresse surtout en consultation, essentiellement par courrier. Pour…

Pour quels genres de patients tu vas les solliciter ? Pour quel genre de problèmes ?

Alors… il y a tous les troubles cognitifs, c’est une grosse demande de consultation. Après il y

a des bilans organisés par des…. Des… des services de consultation, des bilans sur la journée

où ils font une appréciation globale tant physique que psychique de la personne. Là, ça veut

dire que l’on a déjà pas mal avancé, que la personne est assez coopérante pour le faire,

l’accepte.

Pas mal avancé, c’est-à-dire ?

Ben c’est-à-dire… tu parlais tout à l’heure que si je suis en détection de quelqu’un où je sens

qu’il est un petit peu fragile, je ne lui propose pas tout de suite ça. Je ne fais pas un bilan

complet immédiat. Il faut un cheminement de fait, que j’ai pu détecter des troubles moi, dans

ce que j’ai vu, en particulier le MMS, détecter des problèmes de dépendance en particulier

physique et autre. Dans ces cas, je leur dis que l’on va préparer un bilan de santé ou autre, on

va faire un point plus complet.

Tout à l’heure tu me parlais des patients. Tu me disais qu’ils n’expriment pas leurs soucis. A

ton avis qu’est-ce qu’ils attendent de nous dans ces situations ? De fragilité je parle.

Si tu veux je pense que quand un patient perçoit qu’il est fragile, donc qu’il va devenir

dépendant, entre guillemets, son gros truc c’est qu’il ne reste pas chez lui. A la fois il a peur

de cette perte d’autonomie, qu’il ressent peut être physiquement, et ça va entrainer un certain

nombre de mise place d’interventions. Alors d’un côté, il sent qu’il en a besoin, et d’un côté il

sent que c’est… qu’il commence à être vieux, qu’il commence à être en perte d’autonomie et

que ça enclenche un processus… irréversible…. Donc du coup les infos qu’il livre sont

partielles quoi. Donc c’est vrai qu’il y a un retard parfois pour percevoir ce genre de choses.

Partielles, volontairement ?

Oui. Je pense que c’est volontairement.

Ils nous cachent des choses ?

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Oui je pense.

Et du coup la question était qu’est ce qu’ils attendent de nous ?

Et bien, ils attendent que l’on trouve des solutions, ils attendent que l’on mette en place… ils

attendent que des solutions puissent être proposées et qui leurs laissent la possibilité de rester

chez eux, de garder leur cadre. Je pense que c’est la grande peur quoi. Quand il y a une perte

d’autonomie, c’est la grande peur de ne pas pouvoir rester chez soi. Qui fait qu’il y a parfois

des choses qui sont minimisées ou cachées. Parce que c’est vrai que… Donc il faut qu’on

puisse être raisonnablement rassurants par rapport à ça. Il y a des choses qui peuvent se

mettre en place, on peut faire beaucoup de choses au domicile qui permettent aux gens de

pouvoir rester dans leur cadre. Mais je pense que c’est ça qui fait que les choses soient

minimisées.

Et les familles ?

(…)

Oh, il y a plusieurs situations, c’est-à-dire que soit tu as la famille qui sera prête à s’investir

pour maintenir son parent à domicile et participer à l’organisation. Et puis il y en a d’autres

qui sont assez en retrait, qui laissent faire la personne. Là-dessus on ne peut pas faire grand-

chose. Il y a des gens qui vont surinvestir sur le médecin, parce que leur famille est

défaillante. C’est un peu lourd parfois.

L’attente des familles est variable. Tu trouves qu’ils sont conscients de la fragilité de leurs

parents ? Ou c’est aussi variable ?

(…)

C’est variable, il faut quand même… ils ne perçoivent pas l’évolution. Quand ils le

perçoivent, c’est déjà bien avancé quoi. C’est variable quand même. Et puis, à l’inverse, tu as

des gens qui alertent pour des choses minimes. C’est ce qu’on disait tout à l’heure, tout

dépend comment ont été les rapports familiaux. Alors après, il y a tout une tranche de gens

qui ont peu ou pas de famille. Il y en a pas mal. Ou des enfants éloignés, géographiquement.

C’est très fréquent. On voit beaucoup de gens doit les enfants sont dans d’autres villes. Donc

soient ils les voient à Noël et après ils ne les revoient pas, puis les enfants disent « il y a

beaucoup de changements entre les deux ». Tu vois, les enfants ne les voient pas trop… Du

coup c’est vrai que les personnes âgées, quand elles viennent me voir, me disent « non mais

c’est pas la peine d’inquiéter mes enfants ». Ils ont peur. C’est pour cela que l’on est

surinvesti de choses que l’on ne peut pas assumer.

Est-ce que tu rencontres des difficultés dans la prise en charge de ces patients fragiles ?

Qu’est ce qui peut te poser problème ?

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Alors c’est dans la suite de ce qu’on vient de dire. C’est par rapport à l’entourage, soit il est

très coopérant, soit il refuse de voir que son parent est en train de vieillir, perd de

l’autonomie. « Mais non, c’est passager, il fait une petite déprime, donnez-lui des vitamines

ça va aller mieux ». Il y a un refus de certaines familles. A l’inverse il y a des familles très

présentes, qui vont essayer de palier aux troubles sans laisser faire des bilans ou des choses

comme ça. Ça se voit aussi. L’hyper présence des familles qui peut être gênante pour avance.

C’est assez compliqué. Euh, c’était quoi ? Qu’est qui est freinateur ?

Les difficultés.

Alors après il y a les… je reviens beaucoup sur les troubles cognitifs. Il y a des évolutions qui

font que la personne âgée n’a pas conscience des problèmes. Et du coup, refuse qu’on parte

dans ces bilans. « Non non mais ça va très bien, j’ai pas de problèmes ». Et ça c’est parfois

difficile. Enfin souvent difficile de forcer un petit peu. Il y a ceux qui arrivent en disant « je

dois avoir la maladie d’Alzheimer, il me faut un bilan ». Ben ceux-là, t’es pas trop inquiet. Et

puis ceux qui ont certainement des troubles type démence Alzheimer ou autre et qui ne le

reconnaissent pas. C’est tellement variable, il n’y a pas de standard.

Pour toi, les difficultés sont surtout dans l’interaction avec les familles. Techniquement

parlant, ce n’est pas très compliqué, c’est quelque chose que tu maitrises.

Voilà, si ça s’enclenche, si ça se pose, on a les moyens de faire des bilans. Bon après il y a des

délais, mais ça va. Et après les choses s’enclenchent.

Les bilans et les prises en charge, on a les moyens, c’est pas…

(Téléphone)

Bon ben on a fait un bon tour. Pour finir je te montre un modèle de fragilité qui a été

développé, qui est en train d’être testé à Toulouse, qui a été fait par des gériatres et par le

département de médecine générale. Je te laisse lire, et dis-moi ce que tu en penses.

(…)

C’est un basique. Oui tout à fait, isolement, perte de poids, dénutrition, modification de

quelqu’un qui était dynamique et qui a changé. Voilà, c’est les changements, quelqu’un qui a

perdu du poids, qui a des difficultés, des troubles mnésiques. Alors la vitesse de marche

ralentie, je ne suis pas attentif à ce genre de chose. « Si vous avez répondu oui, votre patient

vous parait-il fragile ? » (…) Oui… « Si oui votre patient accepte-t-il une évaluation en

hôpital de jour ? »… Voilà c’est pas mal.

Et tu penses quoi de l’age de 65 ans ?

Si tu veux un patient de 65 ans qui… euh… C’est peut être jeune oui ! C’est jeune !

Tu verrais quel âge ce genre de préoccupations ?

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Ben… 10 ans de plus. 75 facilement. J’avais pas fait attention à l’âge. Si tu veux, perte de

poids chez un sujet de 65 ans, je vais incisif plus rapidement.

Tu vas plus te poser la question d’un problème médical ?

Complétement. L’asthénie, vit seul…. Les plaintes de mémoire, ok on peut les voir à 65 ans.

Mais je serais plus incisif sur le plan médical, que de lui proposer une évaluation de la

fragilité.

T’es le premier à me dire ça, c’est intéressant. Et le fait que ce sont une évaluation

hospitalière d’emblée ?

C’est vrai que ça fait parfois un peu peur quand on propose ça. Il faut faire passer… si je dis

qu’il faut faire un bilan sur une journée ou autre comme ça peut se proposer, il faut le vendre

un peu. Les gens ne sont pas prêts. On dit que c’est pas long, que c’est sur une journée, donc

ça passe quand même. Voilà. C’est vrai qu’habituellement, si ça se passe en hôpital qui a

l’étiquette de gérontologie, les gens n’aiment pas bien. Peu importe, après il faut le vendre.

De toute façon, quand c’est une hospitalisation de jour, que les gens sont prêts à l’accepter,

qu’ils savent qu’ils y vont et ne restent pas ça passe quoi. Donc ça, ça a été mis en place.

Ils sont en train de le tester. (Hors sujet)

Alors c’est vrai que les autres me parlaient beaucoup de dénutrition et de chutes.

C’est vrai que je n’en ai pas parlé.

Ca ne t’est pas venu

Je pense que… peut être que c’est plus avancé. Dénutri, c’est déjà que depuis un moment…

Je suis peut-être plus sensible dans un premier temps à des modifications de mode de vie.

Forcement s’il tombe… Mais c’est quelque chose qui vient après.

(…)

Et puis quand tu as des aides à domiciles, tu es alerté plus vite en cas de problème.

(…)

Après c’est le défaut, quand à l’hôpital s’instaure une prise en charge parallèle à nous. C’est

pas forcement souhaitable.

Quand tu dis parallèle ?

Ben il peut y avoir, on peut imaginer, une évaluation en HDJ… et après on reçoit le rapport

du médecin… Bon c’est le problème des rapports entre tout ce qui est hospitalier et ce qui est

de la médecine générale. Soit il y a une transmission d’infos qui fonctionne bien, si après, si

tu veux les vieux qui peuvent être détectés fragiles, on leur dit de revenir dans 6 mois, sans

prendre forcement l’avis du médecin généraliste. Ça peut arriver.

(...)

153

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Mais tu vois, c'est vrai qu'avec ma capacité, je pourrais travailleur à plein temps en EHPAD.

Mais je n'ai pas envie d'abandonner la médecin générale, car j'aurai l'impression d'avoir une

idée un peu... partielle de la prise en charge gériatrique. J'ai pas envie d'être que en EHPAD.

C'est très différent, c'est important de la préciser dans ton truc.

(...)

Bon ben merci à toi!

154

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Entretien Dr 16

Pour toi, qu’évoque le concept de fragilité, chez les personnes âgées ?

Euh… (Rire)

Et oui ! C’est pour ça que je te disais que l’on avait du temps !

Alors, c’est la fragilité physique, psychique, sociale… Est-ce que la personne est bien entourée

familialement, est ce qu’elle a déjà des intervenants ou pas, est ce qu’elle les accepte bien…

Voilà...

Tu peux me développer un peu chacun des items ?

La fragilité physique si elle a des pathologies lourdes, si elle est polypathologique, s’il y a une

fragilité biologique, pour des traitements éventuels. Il y a la fragilité psychique, si c’est une

personne qui est isolée, pas isolée, s’il y a des antécédents dépressifs, s’il y a des conflits familiaux.

La fragilité sociale, qui revient sur l’isolement, sur les moyens financiers, sur les rapports avec les

enfants, ou descendants éventuels, ça peut être des neveux etc… Et puis après il y a des personnes

qui acceptent ou pas les aides, qui sont dans le déni parfois de leurs besoins, ce qui les rend d’autant

plus fragiles. Il faut savoir s’il y a des aides qui ont déjà été mise en place, ou pas.

OK. Comment tu situes la fragilité par rapport à la dépendance ?

Comme un facteur de risque de dépendance. On sait que c’est des gens qui sont un peu sur la corde

raide. Selon les cas, si l’on peut mettre des aides en place, s’il y a un entourage familial, on arrive à

maintenir un état d’autonomie relativement correcte, et puis dans d’autre cas on va basculer dans la

dépendance. Pour peu que l’on ait… dans la fragilité psychique, pour peu que l’on ait une perte de

mémoire, un début de démence éventuel.

Donc pour toi, la fragilité c’est avant la dépendance ?

Oui. En sachant qu’un dépendant, il est fragile. Mais, voila… enfin à la limite quand il est

dépendant, ça fait partie de sa dépendance . L’état de fragilité, je le mettrai à part, comme une alerte.

Je te fais préciser les choses, car il faut que le concept soit bien clair. Tu m’as parlé de fragilité

physique, de fragilité psychique et sociale. Est-ce que tu hiérarchises ces éléments ?

Euh… Je pense que c’est au cas par cas. C’est au cas par cas, je dirai que plus il y en a, plus c’est

cumulatif, plus il y a un risque de fragilité. Quelqu’un qui a une fragilité physique, mais qui est bien

entouré et qui accepte bien les aides, on peut lui éviter la dépendance plus longtemps justement.

Quelqu’un qui n’est pas bien entouré, qui refuse les aides, ou quelqu’un qui a des troubles du

comportement va être plus à risque. Enfin vraiment je trouve que c’est au cas par cas. Je ne mets

pas de hiérarchie stricte pour tout le monde.

Est-ce que tu vois d’autres éléments, qui te viendraient à l’idée sur la définition même de la

fragilité ?

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Euh… ben après ce qui peut rendre quelqu’un fragile, c’est une pathologie aigue. Quelque

chose d’inattendu. Ça peut être une personne âgée qui a une grosse infection hivernale, une

grosse grippe qui se surinfecte, ça peut rendre fragile quelqu’un qui auparavant ne l’était pas.

Mais fragile de manière temporaire ou prolongée ?

Ben ça dépend. Il y a des personnes qui vont bien récupérer, mais d’autres, on sent qu’ils vont

dégringoler une marche, et on sent qu’il faut après les soutenir.

Et ça, ce n’était pas des personnes qui étaient fragiles avant ? Ça peut vraiment basculer au

décours d’un épisode aigue ?

Ils sont à la limite. On sent qu’il y a une limite qui est… Après il y a des gens qui….

Encaissent mal un épisode aigue ?

Oui, ou une pathologie cancéreuse avec un traitement lourd. Ces personnes qui jusque-là

débrouillaient bien, et faisaient leur petit train-train, se retrouvent de fait fragilisés.

OK. On passe sur la deuxième partie, la détection et le diagnostic. Est-ce que toi, tu

t’attaches à détecter la fragilité de tes personnes âgées ?

(…) (Rires) J’ai l’impression ! Mais après ça ne se fait pas…

Comment tu fais ?

Souvent je les interroge un petit peu. Et puis les gens me parlent, d’un point de vue de

l’entourage familial. Savoir si elles sont soutenues, si quand elles ont besoin d’aide, elles

peuvent compter un peu sur la famille, si les enfants travaillent. S’ils sont de bonne volonté,

mais qu’ils travaillent. Je les interroge sur leurs déplacements, mais j’ai un petit peu…

Comme je suis médecin co (coordinateur d’EHPAD), j’ai un petit peu des alertes habituelles,

sur les déplacements, s’il y a des phénomènes de chutes ou de malaises. Est-ce que les

personnes s’alimentent bien, se font à manger, ou est ce qu’elles laissent un peu tomber, et

dans ce cas-là il faut proposer des repas préparés. Puis je les interroge sur ce qu’ils sont

capables de faire au niveau de la toilette, de l’habillage, parfois il y a la famille qui vient

avec. Il peut y avoir un enfant, un accompagnant, donc ça permet de discuter à trois de ce qui

se passe. Puis après il y a le côté clinique, est ce qu’il y a des pathologies stabilisées, pas

stabilisées, des pathologies qui sont à risque de décompenser, que la personne soit à risque

d’être hospitalisée, peut se déshydrater facilement, peut tomber facilement.

Ok. Là tu me parles de gens…

Qui sont en consultation. Mais j’ai un peu un espèce d’automatisme. Parce que, comme je

suis médecin co, j’évalue les gens qui rentrent. Après j’ai un espèce de … Même avec les

patients âgés je pense que j’ai ce …

Tu me parlais de faire à manger, de se déplacer… Est-ce que ce n’est pas déjà de la

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dépendance ? Est-ce que c’est vraiment de la fragilité ?

Alors plus avoir envie de se faire à manger, ce n’est pas être dépendant. C’est devenir fragile.

C’est parce qu’ils en ont marre. Et ne plus avoir envie de se faire à manger pour soi tout seul.

Après c’est une fragilité, par rapport à un risque de dénutrition. Mais… c’est pas forcement

qu’ils ne savent plus faire et qu’ils sont dépendants de quelqu’un. C’est que la personne n’a

plus envie, qu’elle n’a plus la motivation. C’est des gens à qui tu demandes, qu’est-ce que

vous mangez ce soir, « je me fais un café au lait et je trempe du pain dedans ». Bon… (Rire).

Classiquement sur l’alimentation, c’est ce qu’on voit. C’est pas qu’ils sont en incapacité de

faire, c’est qu’ils n’ont plus envie.

Et pour les autres items, c’est un peu pareil. Pour se déplacer, pour…

Ben se déplacer, il y a l’âge, souvent ils ont de l’arthrose, les pieds déformés, ils ont des

douleurs,… D’eux même ils ralentissent leurs déplacements. Ils ont moins de motivation pour

sortir aussi. C’est des gens qui perdent leurs amis. Les stimulations extérieures, ils les ont

moins. Il y a parfois des troubles visuels qui se surajoutent. Ils ne sont pas forcément plus

capables de faire, mais….

Et toutes ces choses tu les recherches de manière régulière à chaque consultation ?

C’est pas à chaque fois, mais au fur et à mesure des consultations, on se rend compte. Puis en

fonction de comment sont les gens. Dernièrement, j’ai eu une patiente qui est venue en me

disant : « Oulà docteur, il faut que je me fasse aider ! ». Elle-même s’est rendue compte, au

décours d’un épisode… une gastro entérite qui l’avait mise par terre, qu’elle était plus fragile,

qu’elle avait besoin d’aide… Là c’est elle qui l’a abordé.

Et tu me disais que parfois on se rend un peu compte (...) Quand je te demandais quand est-

ce que tu poses ce genre de question. Justement, qu’est ce qui va attirer ton attention ?

Quelqu’un qui se déplace au cabinet médical, qui a un petit peu de mal à se déplacer, à se

mouvoir pour se mettre sur la table d’examen, à qui il faut répéter plusieurs fois les mêmes

choses, quelqu’un qui venait et qui ne vient plus, et demande des visites à domicile. On se dit,

ben tien, là, qu’est ce qui fait qu’elle ne se déplace plus. Parfois c’est la perte de poids, on se

dit tiens… pourquoi vous perdez du poids, quand on n’a pas d’explication médicale ? Moi

systématiquement au cabinet je les pèse. Systématiquement ! Donc ils m’en veulent parfois

(rire). Voilà, ça, ça m’alerte, quand il y a une perte de poids sans raison physique à une perte

de poids.

Donc c’est des gens que tu suis, avec des petites choses qui attirent ton attention. Tu en vois

d’autres des choses où tu te dis « tiens je vais me pencher dessus, je vais poser des

questions » ?

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Alors une personne à qui on explique son traitement, que l’on n’a pas trop modifié, mais avec

une petite modification et qui rappelle derrière « mais Docteur au fait », puis qui rappelle

encore une fois « mais Docteur… ». Là je me dis, tiens il y a peut-être des troubles de

mémoire qui commencent. Alors qu’en consultation on ne les avait pas forcement. On se dit

tiens la prochaine fois, on va y regarder un peu.

Ça marche. Est-ce que tu utilises des outils spécifiques d’évaluation ? En médecine générale

je parle, pas en EHPAD.

Non, en médecine générale non.

Pourquoi ?

Parce que je pense que l’on a un peu moins de temps. Et puis en EHPAD, on a la traçabilité

(insiste sur le mot). On est un peu obligés quelque part, par exemple pour tout ce qui est

chutes et marche, faire des tests de Tinetti… bon pas complets, mais une petite approche.

Parce qu’il faut que quelque part ça apparaisse, que ça puisse être défendu auprès des

autorités. Non mais c’est tout bête, alors que finalement il suffit de voir la personne se

déplacer et on se doute bien que…

Donc c’est pas ton truc les outils, les échelles en médecine générale.

Je trouve que ça… ça prend beaucoup de temps, et est-ce que ça apporte beaucoup plus, je ne

suis pas sûre. Bon par contre il m’arrive de faire un MMS, voir un test de l’horloge. Ça

rapporte un peu. Niveau pas financier hein ! (Rire). Ça permet de dire… parfois ça permet de

rassurer la personne et de lui dire, ben non vous voyez votre mémoire, ça va pas mal du tout...

Ou de dire ben là il y a quelque chose, il faudrait que l’on aille plus loin… Les échelles

nutritionnelles et tout, je ne les utilise pas en médecine générale.

Donc tu y passerais trop de temps, et ça n’apporterait pas…

Non ça n’apporte pas… On n’est quand pas sur la même surveillance. On est sur des gens

fragiles et pas dépendants.

Ça marche. Est-ce que tu pourrais me donner un exemple de fragilité récemment dépisté ?

Un cas concret ?

Et bien j’en ai deux, dont je t’ai déjà parlé. J’ai cette dame qui a 91 ans et quelques !

Une jeunette !

(Rire) Oui c’est jeune ! Par rapport à d’autres, elle fait un gros épisode de gastro, elle est

diabétique, elle a été fatiguée pendant une dizaine de jours, elle a mis du temps à s’en

remettre. Au départ, elle ne voulait pas déranger le médecin, en disant que ça allait passer tout

seul. Et là quand elle a dérangé le médecin, elle n’était vraiment pas bien. Et puis elle est

venue me voir en consultation après coup. C’est une dame qui marche avec une canne, elle

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avait plus de difficultés à se déplacer puisqu’elle se sentait plus fatiguée, et là en discutant,

elle me disait « moi me faire à manger pour moi toute seule, ça ne me fait plus envie, j’ai plus

trop l’idée. Quand je faisais à manger pour toute ma famille c’était bien, mais me faire à

manger pour moi toute seule, c’est pas très intéressant. ». Et là on a discuté de faire un

portage de repas, éventuellement une aide-ménagère pour aider aux courses, à la cuisine.

Parfois on mixe un peu… Et cette dame, on a discuté un peu de la toilette, elle m’a dit qu’elle

avait un peu plus de difficultés. On a décidé qu’il y ait une infirmière qui vienne de temps en

temps pour l’aider un petit peu.

Et là c’était à son initiative à elle ?

C’était à son initiative à elle puisqu’elle était un peu demandeuse, puis en approfondissant

avec elle, on est passé de « j’ai plus envie de faire à manger », à « oui j’ai peut-être besoin de

quelqu’un pour la toilette, et puis comment je peux avoir une aide-ménagère ». Alors que

jusque-là, elle faisait tout, toute seule.

Ok est ce que tu rencontres des difficultés pour détecter ces personnes âgées fragiles ?

Euh…Oui. Je pense qu’on en loupe. Parce que les gens n’ont pas envie… de se sentir

fragiles. Pas tous en tout cas. Ils sont parfois un peu évasifs dans leurs réponses. Et puis, on

se rend compte à postériori quand il y a un grand coup, que l’on est passé à côté. Oui je

pense qu’on en voit, et qu’on en rate forcement. On sous-estime nous aussi leur fragilité.

Peut-être que ne les entend pas assez.

Qu’on ne les entend pas assez ? Pourquoi tu dis ça ?

Ben je pense que de temps en temps, ils nous lancent des petites perches, et que la perche on

l’a loupée, on l’a pas saisie. On dit « oh mais non, ça va ! » (Rire). Ce sont des gens qui ont

encore beaucoup de tonus…

Et à ton avis… comment tu me disais ? Ils cachent, ils minimisent…

Parce qu’ils n’ont pas envie... Ils ont peur de la dépendance derrière ça je pense. Il y a des

personnes qui acceptent mal de se dire qu’à un moment, il faudra qu’elles se fassent aider,

qu’il faut qu’elles acceptent de laisser des choses à la maison, pour les confier à quelqu’un

d’extérieur.

Du coup, elles ne veulent nous en parler, parce qu’elles ont peur qu’on leur dise qu’elles ont

besoin d’aide.

Oui, oui. Ils ont pas envie qu’on se mêle de leur petite vie.

Donc tu as l’impression qu’on en loupe, car il y a des faux-semblants pendant les

consultations.

Oui, et puis peut être qu’on pas toujours assez vigilant aussi. Il n’y a pas que…

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Vigilants sur quoi ?

Ben je pense que si c’est une consultation de fin de journée, et que tu as eu une grosse

journée, tu es un peu moins… t’as beau faire, t’es un peu moins à l’écoute.

Tu vas louper des perches.

Et oui ! Ou alors tu vas moins les chercher, car tu as envie de terminer ta consultation ! (rire).

Bon t’as pas envie d’expédier la personne, mais tu sens que… Mais tu te dis après coup, j’ai

peut-être été un peu…

Il t’arrive de te dire après coup que tu as loupé quelque chose.

Oui

Et tu fais quoi du coup ?

Ben le plus souvent, on revoit à la consultation suivante (…)

Alors, la détection, on en a bien parlé. Sur la prise en charge maintenant, un patient où tu as

choppé une perche ou autre, qu’est-ce que tu vas faire comme prise en charge ?

J’essaye de proposer des choses… en douceur ! Selon la personnalité de la personne. Si on

sent qu’elle est prête à accepter beaucoup de choses, on commence…. Enfin moi j’oriente

assez facilement vers l’assistante sociale, s’il y a besoin d’une aide sociale, de savoir

comment déclencher l’aide-ménagère. Ou parfois vers le centre médico-social, pour tout ce

qui est téléalarme. Ça aussi c’est utile. Avoir un bip pour appeler au cas où. Il y a le CLIC,

centre local d’information et de coordination, qui permet… C’est pas forcement pour les

personnes, c’est plus pour les familles. Quand on sent qu’il y a une fragilité, une grosse

fragilité avec un risque de dépendance derrière pour anticiper un peu les démarches à faire.

C’est quoi le rôle des CLIC ?

Les CLIC orientent vers les aides auxquelles on a droit, par exemple l’APA, sur les maisons

de retraite, les foyers-logements etc. Normalement, ils connaissent un peu tout le réseau, au

moins départemental. Et puis, si la personne a des difficultés pour les gestes de la vie

quotidienne, en générale je lui propose de faire intervenir une infirmière, ou le SSIAD. Quand

c’est vraiment une aide à la toilette, qu’il n’y a pas forcement une aide à la prise des

médicaments. Les SSIAD jouent bien leur rôle, on sait qu’ils ont un petit œil, après il y a un

échange.

Tu dis qu’ils ont un petit œil ?

Même si elles viennent juste pour faire la toilette, elles alertent assez facilement, si elles

sentent que la personne est moins bien, qu’il se passe quelque chose à domicile qui peut

relever du médical.

Le SSIAD c’est des infirmières ?

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Plutôt des aides-soignantes. Comme c’est plutôt pour l’aide à la toilette.

Tu m’as parlé des assistantes sociales. On va y revenir : globalement tu attends quoi d’une

assistante sociale dans ces situations ?

Qu’elle oriente un peu la personne sur les aides financières quand il y en a besoin. Qu’elle

puisse les aider aussi dans leurs papiers, car ce sont souvent des gens un peu perdus dans leur

administratif. Moi je ne suis pas forcement meilleure qu’eux ! (rire). Ben je ne suis pas très à

l’aise avec ça. Je trouve que c’est… J’ai un peu de mal en tant que médecin d’aller mettre le

nez… Je trouve que ce n’est plus mon travail. C’est vraiment le travail de l’assistante sociale,

de voir quel sont les revenus de la personne, de savoir si elle a droit à une aide financière.

Après moi, je remplis volontier un certificat médical pour la demande. Je suis toujours prête à

le faire. Chacun son métier.

Ok. Donc assistante sociale et services sociaux, les infirmières à la maison. Il y a d’autres

intervenants que tu vas solliciter ?

Après je conseille facilement les repas à domicile. Ça marche bien, soit avec l’hôpital, soit

avec le restaurant « C » qui fait des repas à domicile. A priori il y a quelqu’un d’autre à

(Village proche) qui fait des repas. On a une palette de prestataires. Avec une équivalence de

prix. Je les pas en tête, mais le retour des patients, au niveau tarif, ça se vaut. Après la qualité,

ça ne se vaut pas… (Rire).

D’autres personnes encore que tu vas solliciter ?

Ben après quand il y a un problème physique, pour la marche, si je pense que la kiné va

pouvoir apporter, je vais faire intervenir le kiné, à domicile ou pas. Pour essayer de préserver

ce qui peut être préservé, sur la marche, sur l’équilibre etc…

Ce sont des gens qui ont chuté ?

Des gens qui ont chuté, des gens qui ont eu une chirurgie orthopédique, chez qui on voit qu’il

faut poursuivre la rééducation, des personnes qui ont des arthroses sévères, des douleurs. Et

en même temps, ça met un intervenant en plus pour la personne. Après il faut qu’ils

l’acceptent. Bon il ne faut pas que ça fasse trop d’intervenants. Et puis quand les gens

arrivent à se déplacer chez le kiné, ça leur fait un but aussi. Ca les stimule, ça les maintient

dans la vie sociale…

Tu trouves que ce sont des gens qui sont en perte de vie sociale ?

Ben souvent ils se replient sur eux-mêmes. Puis après 75 ans, 80 ans, l’entourage amical

souvent il ne va pas en s’agrandissant. Il va plutôt en diminuant. Parfois même au niveau

familial, il y a des gens qui sont veufs ou veuves et qui en plus ont perdu des enfants. Donc je

trouve que tout ce qui peut mettre un peu de vie et de but dans la vie…

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Tu leurs proposes d’autres choses dans ce sens ?

Certains, je leur parle du foyer logement « L » où ils peuvent aller jouer aux cartes ou aux

jeux de sociétés. Il y en a d’autres qui ne m’attendent pas pour faire partie d’association.

(Rire) Alors je les stimule pour qu’ils y restent, et qu’ils continuent !

Tu trouves que c’est important de garder cette vie sociale ?

Ah oui ! Je pense que c’est essentiel ! Sinon après les personnes… elles le disent : « ma vie je

l’ai faite, je ne sers plus à rien, je sers plus à personne ». Après il faut accepter de l’entendre.

Des fois, on les comprend aussi. L’avenir, ils n’en ont plus beaucoup. Tant qu’on peut et

qu’on sent que les gens sont un petit peu motivés pour ça….

Au niveau médicamenteux, est-ce que tu vas faire des choses chez ces gens ?

Euh…. Oui… (Rire). Mais là c’est large ! Ça peut aller de « je simplifie le traitement », parce

qu’il y a des choses qui ne sont pas indispensables, ou parfois l’hypertension est sur-traitée.

Ou ça peut être donner un antidépresseur, parce qu’on sent qu’il peut y avoir une dépression

de la personne âgée sous-jacente. Avec beaucoup de prudence. Parce que ce n’est pas toujours

bien supporté. Ça peut être… S’il y a une dénutrition, avérée biologiquement, ça peut être

une prescription de compléments alimentaires sur un temps, en essayant que ça ne remplace

pas le repas.

Pour un docteur, tu ne m’avais pas beaucoup parler de médicament, jusqu’à présent.

Ben non, mais… pfff…. Sur la fragilité je ne sais pas si c’est… enfin voilà… je ne suis pas

sure que ce soit là où il faut donner des médicaments !

On va parler des autres intervenants médicaux, et surtout des gériatres. Comment tu

interagis avec eux dans ces circonstances ?

Hum…. Je dirai que j’adresse beaucoup quand il y a des histoires de troubles de mémoire. Je

me dis qu’il faut faire un bilan, pour savoir où l’on va, pour savoir s’il y a une alerte

supplémentaire, s’il faut prendre des mesures genre tutelle, curatelle etc… Savoir si la

personne aura besoin, à plus ou moins court terme, d’entrer dans un établissement. Mais là

c’est plus que fragile.

Des troubles cognitifs avérés.

Voilà. Après avec les gériatres, il m’arrive de demander une hospitalisation pour faire un

bilan, une personne qui a un état de fragilité qui décompense. On se dit que là il se passe

quelque chose, mais on se dit qu’il serait bien d’avoir… de programmer une hospitalisation,

de faire un bilan, mettre les choses à plat…

Il n’y a pas de chose aigue, mais tu sens qu’on est en train de basculer.

Oui voilà. En plus, nous à (lieu d’exercice), on peut relativement facilement le faire à

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l’hôpital, faire une hospitalisation programmée, sans passer par les urgences.

C’est de l’hôpital de jour ?

Non, ça peut être de l’hospitalisation simple. Ils essayent de mettre quelques lits

d’hospitalisation de semaine, pour faire ce genre de bilans.

Donc si j’ai bien compris, ce sont des gens qui sont fragiles « plus » ?

Oui. Même si des fois ça se joue à pas grand-chose.

Tu aurais un exemple à me donner ?

Oui mais c’est un mauvais exemple ! Il n’a pas supporté l’hospitalisation ! (Rire). Alors il

était fragile « plus plus ». C’est un peu compliqué. Il vit 6 mois à l’étranger en Indonésie, et 6

mois en France chez sa fille. Et la dernière fois qu’il est parti en Indonésie, à priori il s’est fait

agresser chez lui. Il vit dans une résidence fermée, avec de l’entourage. Il a des troubles de

mémoire. Il a été agressé, a fugué et a été retrouvé au bout d’une semaine dans un hôpital,

attaché à son lit, avec une escarre. Il ne pouvait quasiment plus parler. On suppose qu’il a fait

un petit AVC, ou un trauma crânien avec des séquelles. Il a été rapatrié en France. Pour le

rapatriement, j’avais dit à sa fille que ça serait bien qu’il aille à l’hôpital, pour aller faire un

point en milieu hospitalier sur le plan médical. Qu’on sache où on va, parce qu’il n’était pas

en forme ! Il était limite grabataire. En fait à l’hôpital, bon il remarchait un peu, puisqu’il a

fugué et est ressorti sur décharge. Pour le garder une nuit ils lui ont collé une dose d’Haldol

phénoménale. Et en fait à postériori, il a mal vécu l’hospitalisation, car il s’est senti enfermé,

et a cru que ça allait recommencer comme en Indonésie. Ce n’était pas du tout le cas. Donc il

y a eu un retour à domicile chez sa fille, avec des infirmières. Bon…. Ça va… Il a quand

même récupéré.

Il y avait eu un problème aigu sévère.

Alors c’est un monsieur qui a une maladie de Parkinson évoluée, avec un stimulateur. Il y a

une démence qui s’installe progressivement. Mais quand il est en France, il récupère plutôt

bien ! Je pense qu’il mange bien, qu’il est bien stimulé. Il a les infirmières, le kiné,

l’orthophoniste. Voilà... Il y a sa fille qui est là, ou il y a toujours quelqu’un à la maison. En

générale il reprend bien ! La dernière fois il jouait encore au tennis un petit peu.

Ah ouais !

Oui ! Enfin je sais pas comment il joue. Et quand il est rentré il était… enfin bon. Maintenant

il remarche, l’escarre est guérie, euh… Il mange à peu près. On a mis en place un accueil de

jour. Ça aussi je l’utilise. Bon c’est déjà des gens qui sont plus dépendants qui vont en accueil

de jour.

C’était une situation… folklorique !

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Oui ! Alors là pour le coup c’était programmé, mais ça à super mal marché.

Tu as d’autres exemples ?

Euh… non… j’ai vu une patiente mais finalement ça s’est pas fait. Je me suis dit, tiens peut

être qu’il faudra, mais finalement ça s’est pas fait. Je sais que c’est faisable.

On va revenir aux patients quand on parlait de la détection, qui nous cachaient des choses

etc. Dans ces situations de fragilité, qu’est-ce que tu crois qu’ils attendent de nous les

patients ?

Alors…. Il y en a qui attendent de nous que surtout on ne détecte rien. On sent bien qu’ils

font tout pour…. Ils sont fuyants, mutiques, ils minimisent tout. Et il y en a d’autre qui au

contraire, on sent qu’ils n’ont pas encore envie d’être aidé, mais ils laissent une porte ouverte.

Il faut….aider…

Sur le long terme.

Oui. On ne peut pas bien imposer les choses aux gens. Enfin de temps en temps on est obligé

d’imposer dans l’urgence. Mais je trouve que l’aide à domicile est mieux acceptée, si c’est

fait progressivement, dans le sens de la personne.

Donc spontanément le patient… est plutôt réticent.

Pas tous. Mais certains on sent que … qu’ils n’ont pas envie que l’on se mêle de son

quotidien. Avoir quelqu’un chez soi, qui fait son ménage, qui utilise les ustensiles de

cuisine… Ce n’est pas toujours simple ! Même quand ça se passe bien ! De temps en temps

c’est « Ah l’aide-ménagère, elle ne range pas les verres au même endroit, et puis elle cuisine

comme ça ». (Rire). Finalement ils l’aiment bien mais…

Et eux concrètement, ils te demandent quoi quand ils viennent en consultation?

(…)

C’est des situations où ils viennent te voir pour renouveler le traitement ?

Oui ... Puis de temps en temps on gratte un peu quoi…

Et leur famille. Famille et entourage ? Quelles sont leurs attentes ?

En générale, quand la famille vient, ils sont en attente que l’on mette en place des aides. Ils ne

viennent pas pour qu’on leur dise que tout va bien. Puis la personne ne peut plus nier qu’elle

a des soucis, si la famille vient. Parfois, c’est la famille qui appelle donc, soit le patient est au

courant et c’est relativement plus facile, soit « vous dites pas que je vous ai appelée ». Donc

là (rire), on y va tout doucement, sur des œufs, approcher, aborder, et on voit comment la

personne voit les choses. Les familles sont demandeuses… Ben qu’on aide. Souvent les

enfants travaillent encore, même s’ils sont très proches de leurs parents et de bonne volonté,

mais n’ont pas la disponibilité. Ils attendent aussi des fois qu’on leur enlève de la culpabilité.

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De la culpabilité ?

Oui, quand il y a des enfants qui ne peuvent pas s’occuper de leurs parents, comme ils

aimeraient le faire par rapport à leur fragilité… Ils se sentent parfois un peu coupable de ne

pas être là. C’est important de leur dire, oui mais vous avez votre travail, vos propres enfants.

L’important c’est d’être joignable.

Ok. Est-ce que tu vois des difficultés dans la prise en charge des personnes âgées fragiles ?

Oui. (Rire) Justement parce qu’elles n’ont pas envie ! Il y a parfois de la réticence. Je ne

trouve pas ça facile ni très satisfaisant de laisser partir la personne en sachant pertinemment

qu’elle a besoin d’une aide et qu’elle ne l’accepte pas. Parfois on se dit, mais jusqu’à quand

ça va tenir ? Non c’est pas simple. En même temps il ne faut pas infantiliser, ou rabaisser…

c’est pas ça, j’aime pas le terme. Mais que la personne se sente, plus diminuée que ce qu’elle

est. Il faut trouver le juste….

Ne pas intervenir trop tôt.

Oui, ou savoir faire accepter les choses pour que la personne ne se sente pas non plus

dépossédée. C’est bien de l’aider, mais il ne faut pas non plus qu’on la dépossède de sa vie.

Donc il faut trouver un juste milieu entre mettre une aide en place, et puis à cote de ça, qu’il y

ait un motif de stimulation. Je trouve que c’est ça qui n’est pas évident. Et puis je trouve que

ce n’est pas toujours facile de voir des gens que l’on suit, bien autonomes, devenir fragiles.

Ah ouais ?

Ben des fois ça fait de la peine ! (rire). Je trouve que c’est… ce n’est pas….

Des patients que tu suivais et que tu as vu…

Oui des fois on se dit oulala… comme on dit, il a pris un coup de vieux quoi. Mais c’est pas

toujours…

Donc une difficulté par rapport à soi donc.

Ben oui, par rapport à ce qu’on a en échange avec le patient.

OK. Il y a d’autres choses qui te semblent difficiles ?

Ben quand il y a des troubles du comportement. Ça c’est … pfff…

Ils sont peut-être plus que fragiles s’il y a des troubles du comportement.

Des fois ils sont entre les deux. Et là, je trouve que c’est pas simple. Troubles du

comportement, troubles de mémoire… des gens qui ne se rendent pas compte, ou qui ne

veulent pas se rendre compte. Là c’est difficile. Parce que… une situation physique, un

diabète, une insuffisance cardiaque. A la limite, c’est facile, c’est cadré, tu sais ce qu’il y a à

faire. Après, les troubles de mémoire, on ne sait pas exactement ce qui se passe à la maison. Il

y a ce qu’on appelle le vernis quoi. On a du mal à évaluer la situation au quotidien. Alors s’il

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SALEH (CC BY-NC-ND 2.0)

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y a de la famille, pour le coup, c’est un bon moyen de le savoir. S’il n’y en a pas, et ben je

trouve que c’est une difficulté.

Ok pour finir, je te montre une grille de dépistage mise en place par le gérontopole de

Toulouse et le DMG. Je te laisse lire, et dis-moi si tu as des remarques.

(…) 4 secondes pour marcher (rire) (…) Je pense que ça cerne un certain nombre de chose

assez basiques… Du coup ça tient pas compte (…) de ce que le médecin peut ressentir à côté.

Ah si oui… mais si le patient… bon vit seul…

Tu veux dire si tu le sens fragile sans qu’il ne remplisse les critères ?

Oui. Comment on fait ? Rire. Après il y a toutes les chances qu'il y a ait un oui quelque part.

(..)

Et le fait que ce soit des patients de 65 ans ?

Ca fait jeune 65 ans !

Tu verrais à quel âge ? Tiens j’avais oublié de te le demander. Pour détecter tu vois à quel

âge…

Cela dépend. Ça dépend de leur état général au départ. Je dirais 75 ans, voire plus, facile. 65,

c’est l’âge de mes parents ! Je ne les sens pas du tout fragiles ! (rire)

Ça va, il y a des médecins 65 ans, c’était…

C’est leur âge c’est ça ! Après si à 60 ans il débute une démence… il sera vite fragile. Là

actuellement c’est « et plus ! ». A 65 ans, mes patients, à part quelques un qui ont une

pathologie avérée lourde… C’est club de randonnée, ils vont au spectacle, ils voyagent…

Après je les mettrais pas dans ces fragilités-là.

Et la proposition d’évaluation hospitalière ?

Je pense que ça dépend du degré de fragilité. S’il y a juste un oui… Je sais pas s'il y a besoin

d’aller en hôpital de jour.

Enfin il faut que tu le valides fragile.

Tout dépend. Même si je le valide fragile. Après s’il y a des plaintes de mémoire, plus des

problèmes de déplacements, voir de chutes, ça peut être intéressant de l’évaluer. Pour évaluer

la fragilité.

Les items en eux même te paraissent cohérents ?

Oui.

(Hors sujet)

Puis à 65 ans si tu leurs annonces que tu vas évaluer leur fragilité ils vont bondir ! Déjà à 50

ils se tapent hémocult et mammographie !

(Hors sujet)

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Et puis l’évaluation gériatrique c’est parfois trop poussé ! S’il n’y a pas de thérapeutique je

ne vois pas bien l’intérêt.

(Hors sujet)

Sinon ce que je fais, c’est l’appui monopodal. Après les faire tourner autour d’une chaise…

Bon je pourrais le faire, mais je ne vois pas ce que ça apporte. Les voir se déplacer dans le

couloir, se lever de la chaise en salle d’attente et marcher au cabinet tu vois bien.

(Hors sujet)

Bon ben super ! Merci de ta participation !

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SALEH PIERRE-YVES

REPÉSENTATIONS DES MÉDECINS GÉNÉRALISTES AU SUJET DE LA FRAGILITÉ DES PERSONNES

ÂGÉES : UNE ÉTUDE QUALITATIVE.

F TABLEAU TH MED LYON 2014

RESUME

Le concept de fragilité chez la personne âgée désigne des patients ayant un risque majoré de

chute, d'hospitalisation, de dépendance, et de décès. Sa prévalence est estimée en France à

15% chez les personnes de plus de 65 ans. La fragilité pourrait constituer une cible pour pré-

venir une perte d'autonomie évitable.

Ce concept est assez bien défini par les médecins généralistes, mais sa projection dans la

pratique clinique soulève des difficultés. Ils considèrent qu’un dépistage des personnes

âgées fragiles est possible, mais indiquent ne pas disposer actuellement d’outil adapté à leur

pratique. Ils se sentent compétents pour l'évaluation diagnostique et la prise en charge des

patients repérés comme fragiles. Ils sont prêts à s’impliquer davantage, notamment dans le

cadre d’approches pluri-professionnelles, en particulier avec les infirmiers.

Les bénéfices attendus du dépistage et de la prise en charge de la fragilité des personnes

âgées doivent être précisés à partir de données de la recherche clinique. Les collaborations

pluri-professionnelles devraient être développées en milieu ambulatoire, ainsi que le recours

à l'hôpital lorsqu'une évaluation ou une prise en charge approfondie des patients fragiles est

nécessaire.

Mots Clefs

- médecine générale- fragilité- personnes âgées- enquête qualitative

JURY : Président : Pr Marc BONNEFOY

Membres : Pr Pierre KROLAK-SALMON Pr Pierre GIRIER Pr Laurent LETRILLIART

Date de soutenance : 20 Mai 2014

Adresse de l'auteur : 1 le haut des 4 combes 26400 Allex

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