universitÉ panthÉon-assas (paris ii) année universitaire 2019...
TRANSCRIPT
1
UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS (PARIS II)
Année universitaire 2019-2020
TRAVAUX DIRIGÉS – 2ème
année de Licence en Droit
DROIT CIVIL
Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS
____________________________________________
Distribution : du 2 au 6 mars 2020
QUATORZIÈME SÉANCE
LE FAIT PERSONNEL
___________________________________________________
Cette séance se limite exclusivement à la compréhension des articles 1240 et 1241 du Code civil (art.
1382 et 1383 anc.), abstraction faite de toute incursion du côté de la responsabilité du fait des choses
ou du fait d’autrui :
Article 1240
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel
il est arrivé à le réparer »
Article 1241
« Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa
négligence ou par son imprudence »
Le fait personnel qui, s’il a entraîné un dommage, oblige son auteur à réparer est donc :
a) Un fait quelconque, et non pas un fait spécialement visé – à la différence de la matière
pénale, où domine le principe de la légalité des délits et des peines ; et
b) Un fait fautif, qui peut être soit intentionnel, soit non-intentionnel. On observera que dans les
deux cas, le fait fautif entraîne les mêmes conséquences.
La responsabilité du fait personnel sera déclenchée dès lors qu’un dommage aura été causé, que le fait
personnel aura été prouvé et qu’un lien de causalité entre ce fait personnel et le dommage sera établi.
Une difficulté subsiste cependant : elle consiste à déterminer ce que recouvre le fait personnel qui
engage son auteur, en l’absence de toute définition légale.
2
I.- L’appréciation de la faute
La responsabilité personnelle se rattache traditionnellement à l’idée d’une faute commise par
l’auteur du dommage. Celui-ci est responsable parce qu’il a commis une faute, parce qu’il est – au
seul sens civil du mot – coupable (de culpa, la faute).
Ce qui importe alors, c’est de savoir quand un comportement doit être considéré comme fautif,
peu important que cette faute soit intentionnelle ou non. Il convient alors de prêter attention aux
circonstances entourant la réalisation du dommage. Il arrive notamment que le comportement des
protagonistes ne soit pas indifférent à l’appréciation de l’existence ou de l’absence d’un
comportement fautif. L’exercice d’une activité sportive, l’exercice d’un droit ou d’une liberté,
influent nécessairement sur l’évaluation du comportement et donc sur la reconnaissance ou non
d’une faute.
A.- La faute sportive – En matière sportive, il y a une sorte de permission implicite qui porte à
considérer non seulement que certaines violences sont justifiées, mais même que certaines
maladresses dans l’exercice de l’activité sportive perdent leur caractère critiquable. Ainsi la boxe
légitime le coup de poing, ailleurs fautif. Du côté de la victime, on est alors porté à considérer
qu’elle a accepté les risques découlant de l’activité dangereuse pratiquée.
Il ne résulte pourtant pas de cela la disparition de toute règle ; les règles des jeux ou du sport
viennent ici interférer avec les règles de droit.
Document n° 1 : Cass. civ. 2e, 29 août 2019, n° 18-19.700
Mais les unes et les autres demeurent distinctes. Les juges vont donc parfois caractériser une faute
civile alors même que les autorités compétentes n’auront pas retenu de faute sportive.
Document n° 2 : Cass. civ. 2e, 10 juin 2004, Bull. civ. II, n° 296 ; D. 2004. 1937 ; RTD civ.
2005. 137, obs. P. Jourdain ; JCP G 2004, II, 10175, note F. Buy
Dans différentes hypothèses, le comportement n’est pas jugé répréhensible en raison des
particularités de l’activité qui a donné lieu à ce comportement et à la survenue du dommage.
Autrement dit, même en présence d’une faute sportive reconnue, l’élément matériel de la faute
civile peut faire défaut.
Document n° 3 : Cass. civ. 2e, 20 novembre 2014, n° 13-23.759 ; Resp. civ. et assur. 2015,
comm. 62 ; JCP G 2014, 569, obs. N. Blanc
Document n° 4 : Cass. civ. 2e, 14 juin 2018, n° 17-20.046 ; D. 2018. 1784, note J.-S. Borghetti ;
JCP G 2019, 287, n° 12, obs. N. Blanc ; Gaz. Pal. 25 sept. 2018, p. 29, obs. J. Traullé
B.- La faute dans l’exercice de la liberté d’expression – Dans d’autres cas, la difficulté provient
du fait que le dommage semble résulter de l’exercice d’une liberté. Une telle liberté justifie-t-elle
alors tous les comportements ? C’est la question que soulève l’articulation entre liberté d’expression
et responsabilité civile, dont l’actualité nous a récemment livré des exemples éloquents.
3
La question se pose en matière de presse et même au-delà, comme on le verra à propos de l’historien
(v. infra, Documents n° 8 et 9). À ce titre, existe-t-il un droit à la caricature ?
Document n° 5 : Cass. ass. plén., 12 juillet 2000, Bull. A.P. n° 7 ; Bull. inf. C. cass, 15 novembre
2000, concl. Joinet, rapp. Bargue ; D. 2000. somm. 463, obs. Jourdain
La liberté d’expression n’autorise pas tous les excès, et ses abus sont sanctionnés. Parfois en
conflit dans ce domaine, tant la loi du 29 juillet 1881 sur la presse que l’article 1240 opèrent un
contrôle de proportionnalité entre l’exercice de la liberté d’expression, qui comprend le droit de
critique et de satire, et le dénigrement fautif.
Document n° 6 : Cass. civ. 1re, 12 décembre 2018, n° 17-31.758 ; D. 2019. 840, chron. S. Vitse
II.- L’imputabilité de la faute
Pour déterminer si une faute a été commise, une autre difficulté se pose s’agissant cette fois de la
question de savoir si au-delà d’un élément matériel (un fait constitutif d’une faute), un élément
moral est nécessaire à son existence. Autrement dit, faut-il pouvoir reprocher à son auteur le
comportement dommageable ? C’est la question de l’imputabilité de la faute.
Concrètement, l’interrogation renvoie au point de savoir si une personne privée de raison peut être
civilement fautive, ce qui est distinct du point de savoir si elle peut être condamnée à réparer. On
relira, à cette occasion, l’article 414-3 du Code civil, qui rappelle que « celui qui a causé un
dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à
réparation ».
Le problème s’est particulièrement posé au sujet des enfants, et notamment des plus jeunes
d’entre eux. Depuis des arrêts essentiels du 9 mai 1984 rendus par l’Assemblée plénière de la
Cour de cassation, sur lesquels on reviendra, la jurisprudence n’exige plus que l’on vérifie si le
mineur est ou non capable de discerner les conséquences de ses actes. La faute perd ainsi de sa
composante subjective et la solution peut être particulièrement rigoureuse lorsqu’elle conduit à
retenir la faute de la victime privée de discernement. Peut-on encore, d’ailleurs, parler de faute ?
C’est tout le débat de l’objectivation de la responsabilité pour faute.
Document n° 7 : Cass. civ. 2e, 28 février 1996, Bull. civ. II, n° 54 ; D. 1996, somm. p. 28, obs.
D. Mazeaud ; JCP G 1996, I, 3985, n° 14, obs. G. Viney ; D. 1996, p. 602, note F. Duquesne ;
RTD civ. 1996, p. 628, obs. D. Mazeaud
III.- Action et abstention
L’article 1240 du Code civil vise « tout fait quelconque » : par suite, le comportement répréhensible
peut avoir été adopté soit en agissant (faute de commission), soit en s’abstenant d’agir – on parle
alors de faute d’omission ou, dit-on encore, de faute d’abstention.
L’abstention fautive n’en a pas moins suscité des difficultés. Comme l’a exprimé Jean
Carbonnier, « un postulat de liberté semble s’opposer à ce que l’homme soit rendu responsable
pour n’avoir rien fait », surtout lorsqu’il s’agit d’une abstention pure et simple.
4
On ne conteste pas l’existence d’une responsabilité lorsque la loi impose d’agir : en ce cas,
l’abstention est fautive lorsqu’elle contrevient à une obligation légale d’agir. De même, on n’a jamais
nié l’existence d’une responsabilité dans le cas où le comportement répréhensible s’insère dans une
activité et constitue une abstention dans l’action. Pour prendre un exemple simple, on conçoit mal
d’établir une différence entre la faute de l’automobiliste qui a accéléré et de celui qui s’est abstenu de
freiner. Sur ce point, les tribunaux se sont référés, comme à propos des fautes de commission, à ce
qu’aurait dû être le comportement d’un être raisonnable placé dans les mêmes circonstances.
La responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de l’historien a suscité, en la matière, de vives
discussions.
Document n° 8 : Cass. civ., 27 février 1951 ; D. 1951, p. 329, note H. Desbois ; S. 1951, 1,
p. 158 ; JCP G 1951, II, 6193, note J. Mihura
Document n° 9 : J. Carbonnier, « Le silence et la gloire », D. 1951, chron. 119
IV.- Exercices
Pressage de citron
L’article 414-3 du Code civil dispose : « Celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était
sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation ». Que vous évoque
l’expression « n’en est pas moins obligé à réparation » ?
Commentaire d’arrêt
Vous commenterez l’arrêt du 29 août 2019 (Document n° 1).
5
Document n° 1 : Cass. civ. 2e, 29 août 2019, n° 18-19.700
Sur le moyen unique :
Vu l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que lors d’un match de
football, M. Y... a été blessé à la suite du tacle d’un
joueur de l’équipe adverse, M. M..., membre de
l’association Ondes football club (l’association) ;
qu’ayant subi une fracture ouverte du tibia et du
péroné de la jambe droite, il a assigné en
responsabilité et indemnisation ce dernier et
l’association, en présence de la caisse primaire
d’assurance maladie de la Haute-Garonne ;
Attendu que pour débouter M. Y... de son action en
responsabilité contre M. M... et l’association, l’arrêt,
après avoir constaté que la commission de discipline
avait requalifié les faits ayant entraîné l’exclusion de
M. M..., décidée par l’arbitre en raison d’un
comportement violent, en faute grossière, puis relevé
qu’il résultait des témoignages recueillis lors de
l’enquête de gendarmerie que le choc entre les deux
joueurs s’était produit dans une action de jeu, en vue
d’intercepter le ballon, même si le tacle avait été
opéré avec retard, et que seule la victime était
affirmative quant à la volonté de M. M... de la
blesser, alors que l’entraîneur de celle-ci avait
mentionné la violence du tacle mais n’évoquait pas
une “intention brutale”, retient que la faute commise
par M. M... est une faute grossière au sens de la
circulaire 12.05 de juillet 2011 de la Fédération
française de football et qu’une telle faute fait partie
des risques acceptés par les joueurs ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle retenait l’existence
d’une faute grossière au sens de la circulaire 12.05 de
juillet 2011 de la Fédération française de football,
c’est à dire une violation des règles du jeu
caractérisée par un excès d’engagement ou la
brutalité d’un joueur envers un adversaire “lorsqu’ils
disputent le ballon quand il est en jeu”, et qu’une
telle faute, qui excède les risques normaux de ce
sport, était de nature à engager la responsabilité de
M. M..., la cour d’appel, qui n’a pas tiré les
conséquences légales de ses propres constatations, a
violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE […]
Document n° 2 : Cass. civ. 2e, 10 juin 2004, Bull. civ. II, n° 296 ; D. 2004. 1937 ; RTD civ.
2005. 137, obs. P. Jourdain ; JCP G 2004, II, 10175, note F. Buy
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Caen, 19 février
2002), que M. X..., alors qu’il participait à un match
de polo, a été grièvement blessé à la suite de la chute
du cheval qu’il montait, survenue lors d’un contact
provoqué par M. Y..., joueur de l’équipe adverse
dont les arbitres de la rencontre ont estimé qu’il
n’avait pas commis de faute ; que Mme X..., agissant
tant en nom personnel qu’en qualité de représentante
légale de son mari, a assigné en réparation M. Y... et
la compagnie d’assurances Royal and Sun Alliance ;
Attendu que M. Y... et la compagnie d’assurances
font grief à l’arrêt d’avoir dit que M. Y... avait
commis une faute engageant sa responsabilité, et de
les avoir condamnés in solidum à réparer l’entier
préjudice subi par M. X..., alors, selon le moyen :
1 ) que le juge ne peut retenir la violation des règles
d’un jeu à l’encontre de la décision des arbitres dés
lors que ces règles prévoient que l’appréciation d’une
infraction déterminée est entièrement abandonnée à
leur appréciation; qu’en l’espèce, M. Y... et son
assureur rappelaient que, selon l’article 28 des règles
officielles de pratique du polo, “ce qui est considéré
comme marquage dangereux est laissé entièrement à
l’appréciation de l’arbitre” et qu’en l’espèce, en leur
qualité d’arbitres lors du match, M. Z... et M. A...
avaient retenu, ainsi qu’ils le confirmaient dans leurs
attestations, que le marquage de M. Y... avait été en
tous points conforme aux règles du polo, de sorte
qu’aucune faute civile résultant d’un marquage
“brutal” et contraire aux règles du jeu de polo ne
pouvait être retenue à l’encontre de M. Y...; qu’en
retenant un marquage brutal et, par là même fautif,
sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si les
règles officielles du jeu de polo et, tout spécialement,
son article 28, lui interdisaient de porter une
appréciation différente de celle des arbitres
aboutissant à retenir une action contraire aux règles
du jeu, là où les arbitres avaient écarté toute faute de
marquage, lors du match, la cour d’appel a privé sa
décision de toute base légale au regard de l’article
1382 du Code civil ;
2 ) que, dans son attestation, M. A..., second arbitre,
précisait les raisons pour lesquelles le marquage avait
été considéré comme régulier lors du match : la
manoeuvre de M. Y... n’était pas très dure, il s’agissait
d’un marquage léger, le point de contact n’était pas
situé derrière la selle et l’angle de la trajectoire n’était
pas excessif ; qu’en énonçant que l’attestation de M.
A... “ne peut être retenue en ce qu’elle repose sur le
6
fait que si le cheval de M. X... s’est écroulé, c’est
parce qu’il était fatigué”, la cour d’appel a entaché sa
décision d’une dénaturation par omission du passage
essentiel précité de ladite attestation et a violé l’article
1134 du Code civil ;
Mais attendu que le principe posé par les règlements
organisant la pratique d’un sport, selon lequel la
violation des règles du jeu est laissée à l’appréciation
de l’arbitre chargé de veiller à leur application, n’a
pas pour effet de priver le juge civil, saisi d’une
action en responsabilité fondée sur la faute de l’un
des pratiquants, de sa liberté d’apprécier si le
comportement de ce dernier a constitué une
infraction aux règles du jeu de nature à engager sa
responsabilité ; qu’ainsi, la cour d’appel n’avait pas à
procéder à la recherche invoquée ;
Et attendu que le moyen, en sa seconde branche, ne
tend, sous le couvert du grief non fondé de
dénaturation, qu’à remettre en cause, devant la Cour
de cassation, l’appréciation souveraine par les juges
du fond de la valeur probante de l’attestation
émanant du second arbitre ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi […]
Document n° 3 : Cass. civ. 2e, 20 novembre 2014, n° 13-23.759 ; Resp. civ. et assur. 2015,
comm. 62 ; JCP G 2014, 569, obs. N. Blanc
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Caen, 20 novembre
2012), que M. X... a été blessé au cours d’un match
de football par un tacle de M. Y..., gardien de but de
l’équipe adverse qui était sorti de la surface de
réparation ; que le tacle de M. Y... ayant occasionné
une fracture du tiers moyen du tibia et du péroné de
la jambe gauche de M. X..., ce dernier a saisi un
tribunal de grande instance d’une action en
responsabilité et indemnisation à l’encontre de M.
Y..., la société Club de l’Etoile sportive d’Isigny dont
est membre M. Y... et leur assureur, la société
Generali IARD ;
Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de rejeter ses
demandes à l’encontre de M. Y..., du Club de
l’Etoile sportive d’Isigny, et de son assureur, alors,
selon le moyen :
1°/ qu’un sportif engage sa responsabilité
personnelle dès lors qu’il commet une faute d’une
certaine gravité, caractérisée par une violation des
règles du jeu ; qu’au cas d’espèce, pour écarter la
faute de M. Y... les juges du fond ont retenu que son
comportement “n’a pas été analysé par l’arbitre
comme celui d’un joueur mû par un excès de
combativité (?) mais comme un comportement
antisportif” ; qu’en statuant ainsi, quand l’excès de
combativité est indifférent dans l’appréciation de la
faute, les juges du fond ont violé les articles 1382 et
1383 du code civil ;
2°/ que, dans l’identification de la faute, la sanction
infligée par l’arbitre, et l’appréciation qui la sous-
tend, sont des éléments déterminants ; qu’en se
bornant à évoquer des attestations, émanant dans leur
quasi-totalité des joueurs de l’équipe adverse, sans
rechercher si le comportement antisportif de M. Y...,
sanctionné par un carton jaune, ne révélait pas, de la
part de ce dernier, une faute d’une certaine gravité,
commise en violation des règles du jeu, étant précisé
qu’à l’époque des faits, un tacle agressif pouvait être
sanctionné par un simple carton jaune, les juges du
fond ont privé leur décision de base légale au regard
des articles 1382 et 1383 du code civil ;
Mais attendu que l’arrêt retient, par motifs propres et
adoptés, que la sanction de tacle par un carton jaune
de l’arbitre, avec la seule appréciation large et
ambiguë de comportement anti-sportif ne suffit pas à
établir l’existence d’un comportement brutal fautif
susceptible d’engager la responsabilité civile du
joueur gardien ; que les éléments versés aux débats
ne permettent pas de retenir que M. Y... a voulu
bloquer M. X... à tout prix parce qu’il s’approchait
dangereusement du but et que la violence, la brutalité
ou la déloyauté de son geste, sa force
disproportionnée ou superflue, ne peuvent être
déduites de la seule gravité de ses blessures ; que M.
X... ne rapporte pas la preuve d’une faute
caractérisée par une violation des règles du jeu ;
Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la
cour d’appel a pu décider que la responsabilité de M.
Y... n’était pas engagée ;
D’où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa
seconde branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi […]
7
Document n° 4 : Cass. civ. 2e, 14 juin 2018, n° 17-20.046 ; D. 2018. 1784, note J.-S. Borghetti ;
JCP G 2019, 287, n° 12, obs. N. Blanc ; Gaz. Pal. 25 sept. 2018, p. 29, obs. J. Traullé
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Riom, 19 avril 2017),
que, le 18 septembre 2010, M. X... a validé une grille
du jeu “loto foot” en pariant sur les résultats de
quatorze matchs de football ; que seul le résultat de
la rencontre ayant opposé le club de la société Losc
Lille Métropole à une autre équipe n’a pas été
pronostiqué par lui avec succès ; qu’ayant parié sur
un match nul alors que le score, confirmé par les
instances sportives, avait été d’un but à zéro en
faveur du club lillois, l’intéressé a perçu un gain pour
treize pronostics exacts ; qu’estimant que le résultat
de cette rencontre avait été faussé par la prise en
compte du but inscrit en position de hors-jeu à la fin
du match par M. Y..., un des joueurs de ce club, M.
X... les a assignés en dommages-intérêts en raison du
gain manqué au titre de quatorze bons pronostics ;
Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de le débouter
de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que, dans le domaine du pari sportif, toute faute
résultant d’une transgression de la règle sportive
commise par un joueur dans le cours du jeu, fût-elle
sans influence sur la sécurité des pratiquants ou sur
la loyauté de l’affrontement sportif, engage sa
responsabilité et celle du club dont il dépend dès lors
qu’elle a indûment faussé le résultat de la rencontre
et causé la perte de chance d’un parieur de réaliser un
gain ; qu’en considérant, pour le débouter de ses
demandes, que la position de hors-jeu ayant faussé le
résultat d’une rencontre sportive ne saurait constituer
une faute civile de nature à fonder l’action en
responsabilité d’un parieur mécontent, quand bien
même cette faute lui aurait fait perdre une chance de
réaliser un gain, la cour d’appel a violé les articles
1382 et 1384 du code civil, dans leur rédaction
applicable à la cause, devenus les articles 1240 et
1242 ;
2°/ qu’en excluant la faute contre le jeu en se bornant
à formuler des considérations d’ordre purement
général sur la rapidité nécessaire du jeu offensif ou à
retenir l’absence d’aveu formel du joueur, dans
l’article de presse où il admettait avoir joué hors-jeu,
qu’il l’avait fait sciemment, sans avoir recherché
concrètement, ainsi qu’elle y était expressément
invitée, s’il ne résultait pas des circonstances
particulières de l’espèce, à savoir le positionnement
grossièrement hors-jeu de plusieurs mètres par un
joueur professionnel avant-centre international, que
ce dernier avait nécessairement conscience de sa
position irrégulière avant même de recevoir le ballon,
caractérisant ainsi une volonté délibérée de marquer
irrégulièrement le but et une atteinte à la loyauté de
l’affrontement sportif, la cour d’appel a privé son
arrêt de base légale au regard des articles 1382 et
1384 du code civil, dans leur rédaction applicable à
la cause, devenus les articles 1240 et 1242 ;
3°/ que le principe posé par les règlements organisant
la pratique d’un sport, selon lequel la violation des
règles du jeu est laissée à l’appréciation de l’arbitre
chargé de veiller à leur application, n’a pas pour effet
de priver le juge civil, saisi d’une action en
responsabilité fondée sur la faute de l’un des
pratiquants, de sa liberté d’apprécier si le
comportement de ce dernier a constitué une
infraction aux règles du jeu de nature à engager sa
responsabilité ; qu’en approuvant le tribunal d’avoir
estimé que l’appréciation du caractère actif ou non
du joueur placé en position de hors-jeu relevait de la
compétence exclusive de l’arbitre qui se prononce
concomitamment à l’action, la cour d’appel a violé
l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction
applicable à la cause ;
4°/ que la perte de chance constitue un préjudice
certain dès lors qu’est constatée la disparition d’une
éventualité favorable ; qu’en approuvant le premier
juge d’avoir estimé que l’invalidation du but inscrit
par le club de Lille n’aurait pas nécessairement
conduit à un match nul dans la mesure où la
rencontre litigieuse n’était pas terminée, quand il
était constant qu’aucun autre but n’avait été marqué
après le but litigieux, la cour d’appel a violé l’article
1382 du code civil, en sa rédaction applicable à la
cause ;
Mais attendu que, contrairement à ce que soutient la
première branche du moyen, seul un fait ayant pour
objet de porter sciemment atteinte à l’aléa inhérent
au pari sportif est de nature à engager la
responsabilité d’un joueur et, le cas échéant, de son
club, à l’égard d’un parieur ;
Qu’ayant exactement retenu que, même à supposer
que M. Y... ait été en position de hors-jeu lorsqu’il a
inscrit le but litigieux, cette transgression de la règle
sportive ne constituait pas un fait de nature à engager
sa responsabilité, ou celle de son club, envers un
parieur, la cour d’appel a, par ces seuls motifs,
légalement justifié sa décision […]
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi […]
8
Document n° 5 : Cass. ass. plén., 12 juillet 2000, Bull. A.P. n° 7 ; Bull. inf. C. cass, 15 novembre
2000, concl. Joinet, rapp. Bargue ; D. 2000. somm. 463, obs. Jourdain
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Reims, 9 février 1999)
rendu sur renvoi après cassation (Civ. 2, 2 avril 1997
Bull. n° 113) que la société Automobiles Citroën a
assigné la société Canal Plus en réparation du
préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait des
propos prêtés à son président, M. Jacques X..., et qui
auraient dénigré les produits de la marque, à
l’occasion de la diffusion d’émissions télévisées des
« Guignols de l’info » ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
[…]
Et sur le second moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que la société Automobiles Citroën fait grief
à l’arrêt d’avoir rejeté ses demandes alors, selon le
moyen,
1° qu’en relevant le caractère outrancier, provocateur
et répété des propos tenus lors de l’émission
litigieuse à l’encontre des véhicules produits et
commercialisés par la société Automobiles Citroën,
sans pour autant reconnaître l’existence d’une faute
commise par la société Canal Plus, la cour d’appel a
omis de tirer les conséquences légales de ses propres
constatations et partant, violé l’article 1382 du Code
civil ;
2° qu’en n’analysant pas, comme il lui était
demandé, les propos prêtés à la marionnette de M.
X... et dirigés contre les produits Citroën, pour en
conclure à tort que les moqueries ne visaient pas la
société Automobiles Citroën en tant qu’entreprise
commerciale, mais les attitudes de son PDG, la cour
d’appel a privé sa décision de base légale au regard
des articles 1382 et suivants du Code civil ;
3° qu’en affirmant que les moqueries étaient
dirigées, non contre la société Automobiles Citroën,
mais contre les attitudes de son PDG, puis en
reconnaissant l’existence de propos dirigés contre la
production même de la société Automobiles Citroën,
la cour d’appel a statué par des motifs contradictoires
et partant privé sa décision de motifs ; 4° qu’en se
bornant à affirmer sans s’en expliquer que les
phrases désobligeantes prêtées à la marionnette de
M. X... ne sauraient avoir aucune répercussion sur le
téléspectateur, la cour d’appel a privé sa décision de
base légale au regard des articles 1382 et suivants du
Code civil ;
Mais attendu que l’arrêt constate que les propos
mettant en cause les véhicules de la marque
s’inscrivaient dans le cadre d’une émission satirique
diffusée par une entreprise de communication
audiovisuelle et ne pouvaient être dissociés de la
caricature faite de M. X..., de sorte que les propos
incriminés relevaient de la liberté d’expression sans
créer aucun risque de confusion entre la réalité et
l’oeuvre satirique ; que de ces constatations et
énonciations, la cour d’appel, répondant aux
conclusions sans se contredire, a pu déduire que la
société Canal Plus n’avait commis aucune faute et a
ainsi légalement justifié sa décision;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi […]
Document n° 6 : Cass. civ. 1re, 12 décembre 2018, n° 17-31.758 ; D. 2019. 840, chron. S. Vitse
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l’article 1382, devenu 1240 du code civil,
ensemble l’article 10 de la Convention de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que, même en l’absence d’une situation de
concurrence directe et effective entre les personnes
concernées, la publication, par l’une, de propos de
nature à jeter le discrédit sur un produit fabriqué ou
commercialisé par l’autre, peut constituer un acte de
dénigrement, sans que la caractérisation d’une telle
faute exige la constatation d’un élément intentionnel
; que, cependant, lorsque les appréciations portées
sur un produit concernent un sujet d’intérêt général et
reposent sur une base factuelle suffisante, leur
divulgation relève du droit à la liberté d’expression,
qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait, dès
lors, être regardée comme fautive, sous réserve
qu’elles soient exprimées avec une certaine mesure ;
qu’en revanche, l’éditeur de presse, tenu de fournir
des informations fiables et précises, doit procéder à
la vérification des faits qu’il porte lui-même à la
connaissance du public ; qu’à défaut, la diffusion
d’une information inexacte et dénigrante sur un
produit est de nature à engager sa responsabilité ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Editions
périodiques du Midi, aux droits de laquelle vient la
société Terre de vins, a publié, dans le numéro de
novembre/décembre 2012 de la revue « Terre de vins »,
un article intitulé « [...] épinglé », rédigé en ces termes :
9
« B... A... , dégustateur spécialisé dans les grands
crus bordelais, a sorti l’artillerie lourde à l’issue de la
dégustation qui a eu lieu, en public et à l’aveugle, le
3 septembre dernier, en Suisse, et au cours de
laquelle, sur 12 millésimes, [...] ([...]) l’a emporté
sept fois et a conquis le public. (Les vins achetés en
primeurs provenaient de la même cave.) “Une fois
encore, le millésime 2000 a montré sa faiblesse et un
écart de qualité entre bouteilles, analyse B... A... dans
sa lettre ([...]). Les performances très décevantes des
[...] (Saint-Julien) 2009, 2008, 2005, interrogent et
inquiètent. Le nouveau style se cherche et manque de
définition. Ces variations donnent une impression de
cafouillage choquant dans une aussi belle marque.
L’héritage est-il trop lourd à porter ? [...] Pour
l’instant je ne vois aucun intérêt pour les amateurs à
posséder ce vin dans sa cave.” C’est dit ! Pour les
non initiés, [...] appartient à François-Xavier X..., qui
n’est autre que le frère du propriétaire de [...]...
Bruno X... (en photo). Si d’aucuns confondaient les
deux frères, les lecteurs de B... A... savent désormais
à quoi s’en tenir... » ;
Attendu que, soutenant qu’en sa première phrase, cet
article affirmait faussement que, lors d’une
dégustation, [...] l’aurait emporté sept fois sur [...], et
reprochant à la société éditrice de ne pas avoir
procédé à la vérification de cette information, la
société X..., propriétaire du Château [...], l’a assignée
en dénigrement pour obtenir l’indemnisation de son
préjudice, ainsi que la publication de la décision à
intervenir ; que la société Terre de vins a appelé en
garantie la société B... A... ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de la société
Jean Eugène X..., après avoir relevé que les propos
contenus dans l’article litigieux étaient de nature à
porter atteinte à la réputation du vin Château [...],
l’arrêt retient que la société Terre de vins n’avait aucun
devoir de vérification de la qualité ni même de
l’exactitude de la chronique dont M. A... est l’auteur,
dès lors qu’il est admis que celui-ci est un critique en
œnologie reconnu dans le milieu averti des lecteurs de
cette revue spécialisée et que l’éditeur n’avait pas
connaissance de l’erreur matérielle résultant de
l’inversion de notes attribuées aux bouteilles de la
dégustation ;
Qu’en statuant ainsi, alors que, si les appréciations
portées par M. A..., au demeurant non incriminées,
ne faisaient qu’exprimer son opinion et relevaient,
par suite, du droit de libre critique, il incombait à la
société Terre de vins, en sa qualité d’éditeur de
presse, de procéder à la vérification des éléments
factuels qu’elle portait elle-même à la connaissance
du public et qui avaient un caractère dénigrant, la
cour d’appel a violé le premier des textes susvisés ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de mettre hors de
cause la société B... A..., dont la présence est
nécessaire devant la juridiction de renvoi ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer
sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE […]
Document n° 7 : Cass. civ. 2e, 28 février 1996, Bull. civ. II, n° 54 ; D. 1996, somm. p. 28, obs.
D. Mazeaud ; JCP G 1996, I, 3985, n° 14, obs. G. Viney ; D. 1996, p. 602, note F. Duquesne ;
RTD civ. 1996, p. 628, obs. D. Mazeaud
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières
branches :
Vu l’article 1382 du Code civil ;
Attendu que la faute d’un mineur peut être retenue
à son encontre même s’il n’est pas capable de
discerner les conséquences de son acte ;
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué, que
Sonia Y..., âgée de 8 ans, confiée pour une soirée à
M. Bernard X..., et qui jouait sous une table, s’est
brusquement relevée, s’est mise à courir et, ayant
heurté David X..., fils mineur de Bernard X..., qui
transportait une casserole d’eau bouillante, a subi
des brûlures ; qu’en son nom Mme Y... a demandé
réparation de son préjudice à M. Bernard X... et à
son assureur, le Groupe des populaires
d’assurances ;
Attendu que, pour retenir la responsabilité entière
de M. Bernard X... et exclure toute faute de la
victime, l’arrêt, par motifs adoptés, énonce que le
comportement de l’enfant, compte tenu de son
jeune âge, ne peut être considéré comme
constituant une faute ayant concouru à la
réalisation de son dommage puisqu’il était
parfaitement prévisible et naturel dans le contexte
au cours duquel il s’est produit ;
Qu’en statuant par de tels motifs, alors qu’un tel
comportement constituait une faute ayant
concouru à la réalisation du dommage, la cour
d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de
statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE […]
10
Document n° 8 : Cass. civ., 27 février 1951 ; D. 1951, p. 329, note H. Desbois ; S. 1951, 1,
p. 158 ; JCP G 1951, II, 6193, note J. Mihura
11
Document n° 9 : J. Carbonnier, « Le silence et la gloire », D. 1951, chron. 119
12
13
14