un monde sans papier est-il un monde en progrès ?

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RECHERCHE DIRIGEE ISCOM PARIS – 2012/2013 Un monde sans papier est-il un monde en progrès ? Jean-Baptiste BINI - Mélanie FABREGAT - Mady MARLIER Lucie MONEDI - Magali ROMEU – Mathieu SAKKAS

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RECHERCHE DIRIGEE

ISCOM PARIS – 2012/2013

Un monde sans papier

est-il un monde en progrès ?

Jean-Baptiste BINI - Mélanie FABREGAT - Mady MARLIER

Lucie MONEDI - Magali ROMEU – Mathieu SAKKAS

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2 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

1. Introduction à la Recherche Dirigée __________________________________________ 4

1.1. Présentation du sujet : Papier et Progrès ____________________________ 4

1.2. Relation Homme / Papier _________________________________________ 9

1.2.1. L’Histoire du papier ___________________________________________ 10

1.2.2. L’esprit Internet : prolongement du rôle émancipateur du papier 16

1.3. Relation Homme / Espace-Temps ________________________________ 18

1.3.1. Un contexte qui prodigue l’accélération _______________________ 18

1.3.2. La dématérialisation pour obtenir tout plus vite et sans contrainte 22

1.3.3. Un mouvement qui n’est pas unanime _________________________ 24

2. Socio-économie ___________________________________________________________ 26

2.1. Introduction sur la dématérialisation ______________________________ 26

2.2. Une société numérique __________________________________________ 27

2.2.1. Le citoyen – Être ______________________________________________ 27

2.2.2. Le citoyen - Avoir _____________________________________________ 39

2.2.3. L’Etat _________________________________________________________ 42

2.3. Une économie numérique _______________________________________ 53

2.3.1. Evolution du système économique et nouveaux usages

numériques _________________________________________________________ 57

2.3.2. E-commerce _________________________________________________ 72

3. Science et neuroscience ___________________________________________________ 89

3.1. L’évolution du cerveau dans sa capacité à lire ____________________ 90

3.1.1. Comment le cerveau appréhende‐t‐il la lecture ________________ 90

3.1.2. Les supports de lecture nous changent-ils ? _____________________ 95

3.2. Le neuromarketing : Comment s’adresser au cerveau ____________ 105

3.2.1. Les origines du neuromarketing _______________________________ 105

3.2.2. Le neuromarketing ___________________________________________ 109

3.2.3. Le monde publicitaire ________________________________________ 111

4. Edition ____________________________________________________________________ 119

4.1. Le livre numérique et le livre papier ______________________________ 120

4.1.1. Chiffres ______________________________________________________ 122

4.1.2. Les acteurs historiques ________________________________________ 124

4.1.3. Les nouveaux acteurs ________________________________________ 129

4.1.4. Le livre papier et son double __________________________________ 134

4.1.5. Chronique d’un désastre annoncé ? __________________________ 135

4.2. De la culture du papier _________________________________________ 137

4.2.1. Livre et lecture aujourd’hui ___________________________________ 137

4.2.2. Le lecteur ___________________________________________________ 141

4.2.3. L’auteur entre papier et numérique ___________________________ 145

4.3. De la culture numérique ________________________________________ 149

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3 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

4.3.1. Le Blog ______________________________________________________ 150

4.3.2. L’auto‐édition _______________________________________________ 152

4.3.3. Réseaux sociaux littéraires ____________________________________ 155

4.4. Les bibliothèques à l’heure du numérique ________________________ 156

4.4.1. Nouveau lieu de socialisation _________________________________ 157

4.4.2. Le devoir de mémoire ________________________________________ 160

4.4.3. Stockage et échange ________________________________________ 161

4.5. Le futur du papier _______________________________________________ 162

4.5.1. Le papier technologique _____________________________________ 162

4.5.2. Le papier multimedia : l’hyper livre ____________________________ 164

5. Art _______________________________________________________________________ 169

5.1. La création est-elle nécessairement matérielle ? _________________ 170

5.1.1. Les limites de la matérialisation et de la matérialité de l'art _____ 170

5.1.2. Le support physique variable inaliénable à l'artiste ? ___________ 172

5.2. La sensorialité et la technologie comme moyen d'expression _____ 172

5.2.1. Evolution des moyens d'expressions artistiques _________________ 173

Une chose est certaine : l’art est bien plus accessible qu’il ne l’a jamais été. ______ 175

5.2.2. Comment développer une émotion sans papier? _____________ 175

5.2.3. Les risques de l'expériences dans l’Art _________________________ 178

6. Communication et marketing ______________________________________________ 182

6.1. La communication est‐elle nécessairement en corrélation avec le

média qui la compose ? ______________________________________________ 183

6.1.1. Disparition et secteurs en crise? _______________________________ 183

6.1.2. Evolution des supports médiatiques ___________________________ 187

6.2. L'immatérialité du support va-t-elle altérer la qualité du message? 194

6.2.1. Limites et échecs de la communication digitale _______________ 195

6.2.2. Le papier permet le passage au digital _______________________ 197

6.2.3. Le papier laisse libre court à l'imagination _____________________ 199

6.3. Disparition du papier : retour à la réclame ? ______________________ 200

6.3.1. Une qualité de message altérée par une forte concurrence ____ 201

6.3.2. Objectifs de fidélisation vs objectifs commerciaux _____________ 204

6.3.3. La co-création comme réponse à la fidélisation virtuelle : vers une

co-création marque / consommateur _______________________________ 205

6.4. De la disparition du papier au développement des sens __________ 208

6.4.1. Expériences technologiques qui dépassent le possible IRL... ____ 209

6.4.2. Les limites de la sensorialité ___________________________________ 210

7. Conclusion générale ______________________________________________________ 214

BIBLIOGRAPHIE ________________________________________________________________ 217

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4 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

1. Introduction à la Recherche Dirigée

1.1. Présentation du sujet : Papier et Progrès

Le papier et sa consommation

339 millions de tonnes de papier sont consommées dans le monde chaque

année, soit 10750 kilos par seconde. En France, la consommation annuelle de

papier s'élève à 10,9 millions de tonnes, soit 346 kilos par seconde et 3,2 % de

la consommation mondiale. Et en tant que français, nous consommons en

moyenne 167,2 kilos de papiers et cartons par an, ce qui nous classe au 24ème

rang mondial des consommateurs de papier !

Mais la consommation de papier dans le monde ne s’arrête pas là. En effet

elle ne cesse d’augmenter avec une diversification des types de papier et de

ses utilisations : graphique, carton, hygiène, conditionnement… Elle est ainsi

vouée à croître de 2,2 % en moyenne jusqu'en 2015 (soit un peu moins que la

croissance économique de 2,9 %).

Pourquoi une telle consommation ? Une culture du papier

De nos jours et dans notre société actuelle, le papier se retrouve partout et

sous toutes ses formes. Nous sommes très attachés à son utilisation comme

support d’écriture, comme moyen d’emballage ou encore comme matériau

artistique. Ainsi des réflexes culturels tels qu’écrire sur un papier de qualité,

recevoir une lettre et la relire, envelopper un cadeau dans un bel emballage,

conserver ses souvenirs intacts dans un carton… font du papier un matériau

omniprésent dans notre vie.

Au regard de ces chiffres et de ce constat nous pouvons dire qu’aujourd’hui

nous sommes dans l’incapacité de nous séparer de ce précieux papier. Mais

pour combien de temps encore ?

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5 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Une culture évolutive et évoluée

De plus si l’on considère l’ensemble des usages que nous faisons du papier

depuis son apparition, nous pouvons remarquer qu’il a su s’adapter aux

mutations technologiques et sociologiques de notre société en innovant et

en s'adaptant à la demande des Hommes, des entreprises, des institutions,

des consommateurs… En tant que matériau recyclable, il a par exemple su

parfaitement répondre aux nouvelles préoccupations environnementales des

utilisateurs.

Nous pouvons déjà dire que le papier a su vivre avec le progrès, et qu’il n’est

donc pas contradictoire de l’associé à ce terme et à ce mouvement.

Une nouvelle culture, celle de l’immatériel

Néanmoins si nous nous interrogeons sur les dernières mutations structurelles

qui façonnent notre environnement et nos manières de vivre, nous notons,

depuis l’apparition de l’informatique, une profonde transformation des

supports d'informations en fichiers informatiques, immatériels. Une nouvelle

ère a pris le pas sur la suprématie passée du papier, et ce processus est celui

de la dématérialisation.

Ces enjeux sont multiples et l’on se doute bien que ce monde immatériel

créera autant de nouveaux débouchés qu’il affectera des pans entiers de la

société dans son ensemble.

Une culture en débat

Et comme toutes évolutions sociétales majeures, cette dernière soulève de

nombreuses réflexions, qu’elles soient positives ou négatives.

En ce sens, considérant le processus de dématérialisation des contenus et de

la pensée comme une transformation profonde de notre société, peut-on

affirmer que cette mutation se fait dans un souci d’égalité et d’équité ?

Quels domaines d’activités profitent le plus de ce nouveau paradigme de

dématérialisation ? La dématérialisation est-elle nécessaire à la croissance du

monde moderne ? Est-elle synonyme d’une croissance durable et stable ? Sa

raison d’être est-elle vraiment de démocratiser et d’ouvrir l’accès aux savoirs

et aux divertissements ? Est-elle la protectrice de la concurrence et de la

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transparence ?

Ou bien tout le contraire ?

Les personnes prônant pour la dématérialisation parlent de progrès majeur

dans l’histoire de l’humanité en évoquant les arguments du respect de

l’environnement, de la gestion et de la diffusion des contenus et de la

praticité de la conservation des données numériques qui serait plus « fiable »

que sur des supports organiques.

Mais tout cela est discutable et nous le verrons au cours de cette recherche

car tout le monde ne s’accorde pas sur la dématérialisation comme facteur

de progrès unilatérale.

Mais qu’est-ce que le progrès ? Une double définition

Nous pouvons dans un premier temps nous demander ce qu’est

véritablement le progrès, et ce qu’il comprend. Et ici déjà se pose une

problématique de sens. En effet le terme de progrès (issu du latin progressus)

est une notion à double dimension :

- quantitative : c'est l'action d'avancer (sens étymologique).

- qualitative : c'est l'amélioration de quelque chose.

La petite histoire du progrès

Historiquement, la notion de progrès est une idée moderne puisqu’elle

s’oppose à celle de la stabilité qui dominait par le passé. Même les grecs

n’en avaient qu’une perception limitée. Ce n’est qu’au 19ème siècle que le

progrès est devenu une réelle notion économique et scientifique. Ainsi,

économiquement, il s’agissait dès lors de l’amélioration des techniques de

production (baisse des coûts, large diffusion) et de l’innovation. Ce premier

sens donné au progrès avait la vertu d’améliorer la condition humaine en

réduisant la pénibilité du travail (exemple : machine à laver, bras robotique).

C’est ensuite vers 1930, que l’on a vu apparaître le terme de progressisme.

Ce courant de pensée considère également qu’une transformation

profonde des structures sociales et politiques doit être accomplie pour une

plus grande justice sociale et pour l’amélioration des conditions de vie. Il

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7 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

s’oppose au conservatisme. Porté par le siècle des Lumières, qui dénonçait

l’ambiguïté du progrès comme oscillant entre Civilisation et Décadence, ce

courant fut fortement critiqué au 20ème siècle suite aux grandes guerres

mondiales, aux génocides, à la résistance de la pauvreté et à la pollution. Le

progrès n’apparaît plus comme devant être limité au seul progrès technique

ni comme le résultat automatique de l’histoire.

L’ambivalence du progrès

En effet, de nos jours la technique modifie le monde et notre rapport à celui-

ci. Il est donc très délicat, mais néanmoins primordial, de donner une valeur,

bonne ou mauvaise, à ces transformations. Chaque nouvelle technique

détient de fortes ambivalences quant à ses effets, qui se balancent entre

opportunités et menaces. Et cette ambiguïté se retrouve même dans la

conscience populaire qui, toujours à la recherche d’un meilleur confort et

d’une meilleure efficacité, est comme dépendante de cette notion,

honorable mais controversée, de progrès. Nous pouvons même retrouver un

sentiment de fatalité dans le précepte : « on n’arrête pas le progrès », qui

vient poser une distance et une impression non totales et non-contrôlées de

l’évolution de notre monde. Il est vrai qu’en général, la société a toujours fait

le choix de l’innovation, face au dilemme de son d’adoption ou de sa

réclusion. Mais depuis un quart de siècle la situation a évolué et de nouveaux

questionnements apparaissent tels que les notions de liberté, de respect de

l’individu, de principe de précaution…

Entre aspects positifs et aspects négatifs de l’évolution technologique pour

l’Homme et son rapport au monde et aux autres, c’est à cette frontière que

nous allons nous positionner tout au long de ce sujet afin d’en juger le sens et

l’exactitude. Ainsi, que ce soit pour l’économie, la science, la société ou

l'humanité même, le progrès doit être l'évolution dans le sens d'une

amélioration, une transformation progressive vers plus de connaissances et

plus de bonheurs.

Nous prendrons donc le sens suivant : Le progrès en tant que transformation

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8 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

vers le mieux.

Les enjeux, qu’ils soient liés au papier et à son évolution ou à la notion même

de progrès, sont multiples et l’on se doute bien que ce nouveau monde

immatériel créera autant de débouchés qu’il affectera des pans entiers de la

société dans son ensemble.

Et pour comprendre et appréhender au maximum les enjeux d’un monde

sans papier, nous allons procéder à une approche multi-sectorielle :

- Administration/Finance/Droit

- Art

- Sociologique/Neurologique/Psychologique

- Edition/Education

- Communication/Marketing

Cette recherche étant avant tout une entreprise de communicants, les

enjeux pour le marketing et la communication seront plus longuement

développés dans le dernière partie de cette étude. En ce qui concerne les

autres secteurs, ils seront vus avec l’œil du communicant et les

questionnements que nous nous poserons n’oblitèreront jamais la finalité

marketing ainsi que ce que nous devons en tirer en tant que futur

professionnels.

Nous commencerons cette réflexion par deux premiers piliers introductifs

permettant de poser le cadre de cette recherche dirigée :

- La relation qu’entretient l’Homme avec le papier depuis sa création.

Le papier comme facteur d’émancipation et de diffusion du savoir.

- Le processus de dématérialisation (historique, enjeux). Un monde

dématérialisé symbolise l’utopie d’un raccourci spatio-temporelle.

Obtenir et faire tout plus vite et sans se déplacer.

Ces piliers permettront de comprendre à quoi correspond cette tendance

de fond et comment se matérialise-t-elle sociologiquement et

comportementalement.

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1.2. Relation Homme / Papier

Quand bien même nous commencions nos recherches pour l’élaboration de

cet écrit, nous nous sommes nous-même confrontés aux deux matériaux que

nous allions mettre en miroir : le papier et le numérique. Nous avons dû utiliser

le papier pour les comptes rendus de nos réunions, pour noter des idées qui

nous passaient par la tête ou à travers nos ouvrages de référence par

exemple. Et nous avons navigué sur le net pour dénicher de nombreuses

sources sur des sites divers et posé par écrit nos réflexions abouties, en les

tapant à l’ordinateur.

Une question de génération

La relation que l’homme entretien avec le papier est directement liée à sa

génération. En effet le « reflex papier » ou le « reflex internet » varie avec

l’âge, comme l’appréhension des nouvelles technologies.

Ainsi les jeunes générations, qui sont nées et ont grandis dans l’air du

numérique, ont une compréhension et une utilisation naturelle de ces

dernières, que ce soit les applications Smartphones, les médias sociaux ou la

navigation web en général. Le digital fait partie de leur vie et représente un

véritable allié dans leur quotidien. Il est utilisé tout le temps, partout et pour

tout.

Par opposition, les « anciennes » générations, qui elles ont assisté à la

révolution numérique et qui ont du s’y adapter, avec plus ou moins de facilité

et surtout de réticence face à ces nouveaux modes de navigation, de

communication, d’information, d’achat…

Seulement notre cerveau et notre système cognitif, quelque soit son âge,

n’appréhendent pas la connaissance de la même manière quand elle est sur

du papier ou sur internet.

Nous nous sommes rendus compte que nous n’étions pas encore prêt à

abandonner le papier, malgré le fait que nous appartenions à cette fameuse

génération Y, et nous avons tout de même commencé par foncer chez notre

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10 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

bibliothécaire et notre libraire pour travailler sur les bons vieux livres ou

journaux papiers. Et pas seulement parce que la Recherche Dirigée imposait

un minimum d’ouvrage littéraire comme sources documentaires, mais parce

que nous entretenons une relation particulière avec ce support d’information

matériel.

Face à ce comportement, il nous semblait opportun de commencer cette

recherche dirigée en récapitulant les grandes dates du papier et les étapes

de son évolution. Et ainsi nous interroger, comme des auteurs contemporains,

sur le rôle et la place actuelle du papier, à l’heure où l’on parle déjà de sa

disparition.

1.2.1. L’Histoire du papier

- Le papier est né en Chine vers la fin du 3ème siècle avant l'ère

chrétienne, sous le règne de l'empereur Chiuangdi (dynastie des Qin).

- Au 8ème siècle, les arabes apprennent l'art chinois de fabrication du

papier et le transmettent peu à peu à l'Occident.

- Au 15ème siècle, l'invention de la typographie par Gutenberg accroît

la consommation de papier.

- Mais c'est au 19ème siècle que l'industrie du papier prend réellement

son essor.

- Et au siècle suivant, elle devient l'industrie lourde que nous connaissons

aujourd'hui.

Le papier a toujours accompagné l'activité et le développement de

l'homme, assurant l'essor des peuples qui en maîtrisaient la fabrication. Le

présent document raconte la naissance et le développement de ce vecteur

de la culture et de la technologie.

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11 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

La genèse du papier

Tsaï Loun, ministre chinois de l'Agriculture codifie l'art de fabriquer le papier,

en 105 après J.-C., en préconisant d'utiliser des fibres issues de bambou, des

écorces de mûrier et surtout du lin et du chanvre. Il est le père du papier

moderne, et le rédacteur de la première certification "ISO 9000" pour la

papeterie.

Expansion, transformation et communication

Cet art de fabriquer le papier restera chinois et japonais jusqu'au 9ème siècle

avant de passer chez les Arabes, à la suite de la bataille de Samarkand en

751. Ces derniers comprennent rapidement tout le profit qu'ils peuvent tirer

du papier pour propager l'Islam.

Ils vont d’ailleurs chercher à améliorer ce support en changeant la recette.

Ainsi, après l'introduction peu fructueuse du coton comme matière première

fibreuse pour travailler la blancheur du papier, ils en font leur vecteur de

communication numéro un. Et à ce titre, le papier peut être considéré

comme le premier grand média de masse de l’histoire de l’Homme et de la

Communication.

Dès lors et grâce au pouvoir de rayonnement de la communication le papier

fait son apparition en Occident : on le retrouve à Bagdad en 793, au Caire

en 900, à Xàtiva (San Felipe, Espagne) en 1056, en Sicile en 1102, à Fabriano

(Italie) en 1276 et en France au début du XIVème siècle.

Un chiffre parlant : en 1184, Fès (Maroc) comptait plus de 400 moulins à

papier.

Une révolution : la typograhie

Vers 1440, le papier connaît une nouvelle révolution : l'invention de la

typographie, basée sur le principe de caractères mobiles, par Gutenberg.

Cette édifiante découverte accélère l'utilisation et donc la fabrication du

papier, qui deviendra complètement artisanale avec la généralisation des

piles à maillets actionnées par l'énergie hydraulique.

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12 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Le papier, support de propagande religieuse

À l'époque, les adeptes de la nouvelle église réformée choisissent à leur tour

le papier pour assurer leur propagande. C’est comme ça que les artisans

papetiers, majoritairement protestants, propulsent la France au premier rang

parmi les nations papetières. Malheureusement, la révocation de l'Édit de

Nantes en 1685 sonne à jamais le glas de la supériorité française dans ce

secteur.

Le papier, nouvelle marchandise

Le papier doit être identifié et porte une marque commerciale. Pour indiquer

la provenance du papier, on utilise les filigranes, dessins gravés dans

l’épaisseur de la feuille, observables par transparence. Ils apparaissent dès le

13ème siècle en Italie, dans les moulins à papier de Fabriano, et s’imposent

en France au 16ème siècle en suivant l’expansion des moulins.

De plus en plus de papier

La demande en papier s'accroît considérablement tout au long du 18ème

siècle, tandis que l’utilisation du cylindre hollandais, une sorte de machine à

fabriquer le papier, offre de nouvelles perspectives de production.

Le papier à son apogée

Au 19ème siècle, le papier acquiert toutes ses lettres de noblesse et son

procédé de fabrication opère sa grande mutation en passant de l'artisanat à

l'industrie lourde. C’est l'invention de la machine à fabriquer le papier « à

grande étendue » (brevet pris en 1799) par le Français Louis-Nicolas Robert

(1761-1828) qui fera entrer la fabrication du papier dans l’ère industrielle.

Une dernière transformation

Mais les difficultés grandissantes d’approvisionnement de chiffons, matière

première de prédilection pour la fabrication du papier en Occident,

poussent les papetiers à se tourner vers le bois et vers la cellulose, substance

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13 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

blanche et fibreuse extraite des cellules du bois, chimiquement identique au

coton des chiffons : c’est la naissance de notre papier actuel.

1.2.1.1. Le papier : diffusion du savoir et source

d’émancipation

Le papier comme base des civilisations

Erik Orsenna décrypta l'histoire de la Mondialisation à travers celle du papier.

Il le décrit comme « l’allié de la mémoire » et « le dépositaire de tous les

anciens temps ». Dans son livre Sur la route du papier, il livre de nombreuses

anecdotes sur l’utilisation qu’ont eu les grands Hommes de l’histoire du

papier. Si son ouvrage n’envisage pas la fin du papier pour aujourd’hui, il

témoigne de l’importance de ce support pour que les peuples accèdent à la

connaissance, formalisent leurs lois et leurs systèmes politiques et transmettent

leurs idéologies religieuses et philosophiques. Et nous le remarquons et le

comprenons très bien à travers le court historique précédent. Le papier s’est

diffusé grâce aux guerres, et une fois découvert par les civilisations de

l’ensemble du globe, le papier est devenu un support irremplaçable et

obligatoire pour les sociétés. Il se doit donc véritablement d’être fabriqué, et

c’est la mécanique et la technologie qui ouvre les portes de la production et

la diffusion de masse à ce fabuleux support.

Un pouvoir établi et contrôlé

Déjà à l’époque, les classes dominantes étaient convaincues des enjeux de

la diffusion d’une idée à une population non délimitée. C’est pour cela

qu’elles ont toujours fait preuve de vigilance en interdisant ou censurant des

livres, afin que le papier ne donne pas tout. En effet, une connaissance trop

grande des arcanes de ce monde pourrait remettre en cause la position des

détenteurs du pouvoir. Ainsi, la censure des supports papiers aura permis de

montrer et démontrer l’attachement des humains à connaître la vérité sur ce

que l’on ne veut pas leur dire, et à prouver le réel rôle informatif du papier,

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14 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

comme porteur d’un savoir supérieur et inconditionnel. En ce sens, le papier

est révélateur de la volonté des humains de s’émanciper. Le livre et l’écriture

sont à la fois la forme et le moyen qu’ont trouvés les Hommes pour sortir de

leur quotidien. Il fallait toujours plus de savoirs et d’imaginations pour

contenter une conscience populaire insatiable.

Le pouvoir d’information et de diffusion du papier

On comprend alors que le papier devient plus qu’un matériau fait de fibre de

bois. Il devient le « support de l’esprit ». On y appose ses idées, ses réflexions

ainsi que son imagination. Il permet aux artistes de faire des ébauches de

leurs créations et aux scientifiques de conserver leurs raisonnements. Les

historiens soulignent également le rôle du papier dans le devoir de mémoire.

Si nous reprenons les propos de l’historien Antoine Proust, « le devoir de

mémoire ne sert à rien, même pas à éviter qu’il ne se reproduise ce dont on

témoigne, c’est d’abord le devoir d’histoire qu’il faut invoquer », nous

pouvons en ressortir que c’est la somme des témoignages individuels posée

par écrit qui permet aux historiens de construire une mémoire. Et pour cela le

papier n’a pas d’égal puisqu’il permet à chacun d’inscrire ce qu’il veut, ce

qui lui passe par la tête, à n’importe quel endroit et à n’importe quel

moment. Il n’a pas besoin de connexion ou d’accès internet, seul le stylo lui

est indispensable.

La place du stylo est donc intimement liée à celle du papier, puisqu’ils ne

sont pas dépendants mais au contraire, complémentaires l’un avec l’autre.

Mais c’est deux outils peuvent néanmoins vivre sans l’autre et c’est là

qu’apparait l’une des premières évolutions technologiques à laquelle s’est

adapté le papier : le traitement de texte. Cette technique, alliant Papier et

Numérique permet d’écrire via l’informatique et d’imprimer son texte via une

imprimante, sans l’aide du stylo. Ici un nouvel outil vient supporter le papier,

sans pour autant le remplacer.

Un pouvoir limité au papier ?

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15 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

La question qui vient donc se poser à nous est, est-ce que le savoir et la

connaissance peuvent se passer du support matériel qu’est le papier ? Ce

rôle d’émancipation est-il conservé lors de la dématérialisation de ce dernier

? Il est vrai que quelque soit l’interface digitale utilisée, matérielle (tablette

numérique, smartphone) ou immatérielle (réseaux, wifi), la diffusion d’un écrit

dématérialisé et donc du savoir, est assurée, et avec l’avantage de la

rapidité et de la zone de rayonnement qui est mondiale. La définition du

papier de « support de l’esprit » est donc plus une symbolique sociétale et

culturel qu’une réelle vérité technique.

Vers une intégration Papier/Numérique

Par conséquent, soit le papier intègre ces nouvelles technologies pour

devenir un support global, soit il disparaît au profit de la machine. Dans cet

esprit, certains pensent que le papier deviendra tellement enrichi en

nanotechnologie qu’il deviendra lui-même une machine, perdant ainsi toute

sa nature minérale et traditionnelle. C’est ce que l’on observe déjà sur des

packagings de produit ou des animations, des matériaux chauffants, ou

conservateurs sont ajoutés aux papiers d’origine, pour former un « super-

papier » aux attributs plus technologiques qu’authentiques. Mais l’exemple le

plus probant est sans nul doute le concept de l’Infinite Book. Il s’agit d’un

appareil entre journal et ebook, disposant de plusieurs feuilles de papier

électronique flexible avec technologie E-Ink, sur lequel on pourrait retrouver

un grand nombre d’informations, lire différents journaux ou encore accéder à

Internet. C’est une parfaite matérialisation de l’intégration du Numérique au

Papier.

Mais ici, sommes-nous face à un support papier modernisé, ou à un support

digital traditionnalisé ? L’équilibre Papier et Numérique est-il respecté ? Cette

évolution a-t-elle pour but de sauvegarder la typologie du support papier, ou

n’est-ce qu’une nouvelle stratégie qui n’a pour finalité que l’innovation pour

l’innovation ?

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16 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Il est vrai que les garants de l’innovation ont bien compris que l’avenir ne se

joue pas dans la rupture entre pratiques anciennes et progrès technologiques

mais bien dans la juste alchimie des deux paradigmes. On ne bouscule pas

des comportements et des systèmes d’assimilation vieux de plus de quatre

siècles avec des machines. Un autre exemple très parlant est de voir

comment le stylo est devenu stylet. Pour faciliter l’assimilation des

caractéristiques enrichie des tablettes et autres Smartphones, les fabricants

ont développé des modèles permettant à l’utilisateur de retrouver cette

sensation manuelle et enfantine d’écrit sur le papier. On retrouve bien là

l’idée que c’est en reproduisant les gestes et les sensations naturelles de

l’Homme que la dématérialisation sera pérenne dans nos sociétés et ses

évolutions. Ce n’est pas pour rien que la liseuse Kindle d’Amazon performe si

bien sur le marché. C’est la première à avoir parié sur une meilleure

reproduction de l’encre plutôt que sur la qualité de résolution colorimétrique

des écrans. Elle a ainsi fait le choix d’une technologie au plus près de la

réalité matérielle, que celle d’une technologie totalement innovante et hors

des codes de la lecture.

Ainsi, le levier de l’innovation réside donc bien dans le respect de la relation

ancestrale qu’entretien l’Homme avec le Papier, une relation qui est peut-

être vouée à changer mais qui ne sera jamais oubliée.

1.2.2. L’esprit Internet : prolongement du rôle

émancipateur du papier

Internet, le savoir pour tous ?

Dans cet optique, l’objectif des pionniers d’internet va dans le même sens

que celui du papier, à savoir la démocratisation absolue du savoir. Ainsi dans

son livre sur la Démocratie Internet, Dominique Cardon rappelle que c’est à

San Francisco en plein Summer que Doug Engelbart, directeur du Stanford

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17 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Research Institute, démontra que « la coopération entre deux ordinateurs

peut augmenter l’intelligence humaine. ».

C’est en 1967, grâce aux financements de l’armée américaine, que le

premier protocole de transmission du réseau ARPANET (qui deviendra

Internet) a vu le jour. Les informaticiens ont voulu, à travers la conception de

ce réseau, prodiguer un système de coopération en continu. Ils mettent ainsi

en place un code déontologique qui valorise le partage, l’autonomie, la

liberté de parole, la gratuité, le consensus et la tolérance. En somme, à ses

prémisses, Internet avait sans le savoir l’ambition de prolonger les valeurs

véhiculées par le papier et plus particulièrement celles du livre.

Malheureusement, malgré cette vision altruiste de la Toile, les historiens

d’internet s’accordent sur le fait que, dans la pratique, les pionniers n’ont pas

construit ce réseau pour « les autres mais pour eux même » (Patrice Flichy,

Internet ou la communauté de groupe). C’est donc au sein du cercle

concentrique que le réseau a pu s’étendre et non en vue d’un rayonnement

global et mondial, ce qui lui a fait perdre une partie de ses valeurs d’origine.

Internet, le savoir par tous ?

A la différence du réseau téléphonique commuté qui a étroitement enfermé

son potentiel d’innovation et de développement dans le cœur de son réseau

contrôlé par les opérateurs, l’architecture technique d’Internet encourage

« l’ascension ascendante » (Eric Van Hippel, Democratizing Internet,The MIT

Press 2005). Il n’y a donc, contrairement au livre, aucune entrave à l’accès

d’internet, sans problématiques de censure, de régulation ou d’accessibilité.

Ainsi l’Internet La Request For Comments (code déontologique du web)

prodige le logiciel libre, ou Free Software Foundation (FSF)). Cette volonté vise

à réunifier des univers que le processus de rationalisation et de

professionnalisation, conduits simultanément par l’Etat et le marché, avaient

séparés tout au long du 20ème siècle : industriels et clients, journalistes et

lecteurs, scientifiques et amateurs, malades et médecins, experts et

bricoleurs.

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18 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Mais en réalité c’est bien « la loi de la puissance » qui régit ce système

puisque c’est une fraction de contributeurs minimes et très active qui permet

à la masse d’en profiter sans y apporter une contribution décisive. Cette

inégalité s’observe sur les listes de discussion de Wikipédia par exemple.

Microsoft a tenté de mettre fin à ce double rôle de concepteur-usager avec

la General Public Licence (GPL) qui ne permet à personne de s’approprier à

son seul profit le travail des autres tout en permettant à tous d’utiliser et de

modifier ce dernier.

Au final, on retrouve d’autres règles s’inspirant des limites juridiques du monde

du papier qui sont le copyleft (à l’opposé du copyright) qui proposent que les

créations soient librement copiables pour être améliorées selon les

desideratas de leur producteur. Mais c’est surtout la création de la licence

CREATICE COMMONS en 2001 par le juriste américain Larence Lessig qui aura

permis à Internet de développer ce que l’on appelle le « remix ». Cette

licence permet de porter la culture du partage à son apogée. En effet les

vidéos, photos ou textes certifiés Creative Commons appartiennent à toute la

communauté Internet.

1.3. Relation Homme / Espace-Temps

Nous l’avons vu, le papier fait depuis des millénaires partie de la vie de

l’Homme. Il est même devenu au fil des années le référentiel historique du

rythme de l’homme, de sa connaissance et de son évolution. Les ouvrages

littéraires et matériels que nos ancêtres nous ont laissés ont marqué dans le

temps et dans l’espace l’histoire et le développement de notre espèce, de

sa pensée et de son intellect.

1.3.1. Un contexte qui prodigue l’accélération

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19 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Mais aujourd’hui tout cela est remis en cause par les nouvelles technologies.

Replongeons dans les débuts de l’écriture et de l’imprimerie. A cette époque

écrire, recopier ou imprimer un livre était encore le fruit de l’exploit d’un

homme et surtout de sa patience et de sa minutie. L’implication de toute une

vie. Un ouvrage naissait mot après mot, ligne après ligne, page après page et

cela pendant des jours, des mois, des années entières. La transmission du

savoir et des écrits était alors le fruit d’une véritable volonté humaine.

Ainsi le livre est un objet technique prolongeant les capacités humaines de

communication au-delà de l'espace et du temps, avec pour vocation

première de transmettre du sens grâce à sa forme matérielle.

La dictature du temps et la conquête du monde

Mais avec les progrès technologiques de ces dernières années et le

développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la

Communication, les codes de l’écriture et de la lecture se sont vus

transformés, et avec eux tous les codes de la société. Un nouveau rapport de

l’Homme au Temps et à l’Espace est apparu.

En effet depuis plusieurs années et encore plus aujourd’hui, l’évolution de la

société se fait toujours suivant deux objectifs définis et identifiés : accélérer et

réduire. Il faut accélérer les process pour réduire les délais et il faut réduire les

distances pour accélérer les échanges. Deux mots d’ordre qui se résument à

une seule ambition, celle de contrôler l’Espace-Temps.

C’est ainsi, dans ce nouveau contexte social, qu’une forte tendance

sociétale est naît : la dictature de l’urgence. Comme l’a dit l’auteur Gilles

Finchelstein, « le rapport que nous entretenons avec le temps est la grande

pathologie de note époque ». Le principe est simple. L’Homme veut aller vite,

toujours plus vite, gérer son temps comme la plus précieuse de ses

ressources, avec un seul objectif : ne jamais en perdre mais toujours en

gagner, sur les autres et sur soi-même. Une seule raison : optimiser sa vie c’est

optimiser son temps ! Le temps ne s’écoule plus comme un long fleuve

tranquille sur lequel nous nous laissons flotter au grès des vagues. De nos jours

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c’est en descente rapide que l’Homme appréhende sa vie et son rythme,

vers une recherche perpétuelle d’accélération des logiques temporelles et

spatiales.

Temps et technologies

Même si ce nouveau rapport se révèle d’une tendance comportementale, il

ne se constate pas uniquement au niveau social. En effet, il s’est généralisé à

l’ensemble des secteurs de notre société : l’entrepreneuriat, la politique,

l’information, l’économie et la finance… Ce sont tous les pans de nos

civilisations qui se sont vus affectés par cette double dictature. Et au cœur de

ce bouleversement de rythme, nous retrouvons la course technologique.

Véritable moteur de ce rapport Homme/Espace-Temps, la volonté de

contrôler ces deux éléments a mené l’Homme à courir après des

découvertes techniques et technologiques, encore et encore, et depuis les

années 50. Et cela sur tous les domaines :

- Transport : Autoroutes, lignes de trains à grande et très grande vitesse

- Télécommunication : Mail, téléphone portable puis smartphone, visio-

conférence, …

- Internet : Wifi, ADSL, fibre optique, 3G, 3GS, Haut Débit, et depuis peu

la 4G

- Grande consommation : légumes pré-épluchés et découpés,

pâtisserie pré cuisinée, produits surgelés ou congelés, plats tous

préparés, …

Le monde technologique tout entier s’accélère de façon régulière et

exponentielle !

Progrès technologique = progrès humain ?

Mais il serait inexact de faire un amalgame entre progrès humain et progrès

technologique. Il est vrai que les nouveautés de notre société réduisent les

durées, les trajets, les distances, les attentes… mais augmentent-elles

réellement le pouvoir que nous avons sur nos vies et nos destinées ? Rien n’est

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moins sûr… La vitesse, qu’elle soit temporelle ou spatiale, est-elle source de

satisfaction ou de stress ? Cette course perpétuelle de l’Homme sur sa vie ne

le ferait-il pas plutôt passer à côté de cette dernière ? Ainsi nous retombons

sur l’ambivalence de sens que porte la notion de progrès, qui jongle entre

nouveauté et amélioration.

Par essence, tout progrès vient soit répondre à un manque, une

problématique, un besoin des consommateurs, soit il vient en créer un

nouveau de toutes pièces en générant l’envie chez ce dernier et en lui

mettant en avant une promesse de mieux.

Un exemple : Avons-nous besoin de la 4G, pour se connecter encore plus

vite ? Peut-être pas, mais en tout cas cette nouvelle technologie promet une

expérience encore plus rapide et son adoption, un temps soit-elle

superficielle ne serait tarder à s’étendre et de manière irrémédiable.

De plus au-delà de cette satisfaction apparente de l’acquisition d’une

nouvelle technologie et de son effet sur nos vies, se cache toute une liste de

freins et de limites. En effet, une nouveauté s’accompagne aussi de son lot

de modalités d’utilisation, de bugs, de responsabilités, de contraintes… Et

donc de nouvelles instabilités pour l’Homme.

Poursuivons notre exemple : La 4G ne peut s’utiliser qu’à partir de certains

terminaux et pour l’instant dans certaines zones géographiques. Il faut donc

se rééquiper pour pouvoir en jouir et se trouver au bon endroit. De plus le tarif

d’abonnement est plu cher, et il ne serait pas impossible que quelques bugs

de lancement apparaissent dans les mois qui viennent.

Ainsi une relation d’égalité ou de co-dépendance de ces deux notions ne

peut être envisagée. Il faut garder en tête que le progrès technique sert au

progrès humain, mais qu’il ne lui est pas totalement dévoué.

" Vous les occidentaux, vous avez l'heure, mais vous n'avez jamais le temps "

(Gandhi)

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1.3.2. La dématérialisation pour obtenir tout plus

vite et sans contrainte

Comme nous l’avons vu précédemment, aujourd’hui, les deux enjeux de la

dématérialisation ne sont plus le Stockage et le Partage, mais l’Accélération

du flux d’information et l’Amélioration de l’accès à distance. Deux mots

d’ordre : des espaces fluides et des temps raccourcis.

L’Ecriture

Nous sommes passés d’une société d’information vérifiée à une société de

micro-information instantanée : toujours plus courte et toujours plus rapide. Le

meilleur des exemples de cette révolution de l’écriture est celui du célèbre

réseau social Twitter dans lequel chaque information, chaque contenu,

chaque pensée ou commentaire se réduit à 140 caractères et se poste en

quelques secondes pour une viralité immédiate et internationale. On retrouve

également l’ensemble des sites internet ou applications des supports presse

qui ont dû développer des supports numériques aux contenus plus succins et

moins détaillés pour s’adapter aux codes du web et ainsi renier les

fondements même de l’information journalistique. Nous pouvons aussi nous

pencher sur le marketing direct qui lui aussi a dû évoluer avec les TIC et

adapter son traditionnel publipostage. C’est ainsi qu’est apparu l’e-mailing

avec son format de texte plus court et plus accrocheur, limité à un objet

attrayant et attractif et à un body copy de quelques lignes.

Tous les principes de rédaction sont bouleversés, et dans un seul but, celui

d’une lecture plus rapide et plus instantanée.

La Lecture

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En effet, les modifications profondes qu’a connues l’Ecriture sont directement

liées à celles qui ont touché la Lecture. Il est vrai que de nos jours l’Homme a

développé une toute autre relation spatio-temporelle avec la Lecture. C’est

simple, on peut lire tout le temps et partout et sur de plus en plus de supports

différents et adaptés à chaque situation. Ce qui offre une réelle omniscience

à la connaissance, le principal atout qu’offre le numérique.

En effet les frontières du matériel sont entièrement gommées grâce à la

dématérialisation des écrits. Ce nouveau format a révolutionné le monde du

savoir en permettant à chacun d’accéder en toute simplicité à une infinité

de contenus digitaux, quelqu’ils soient. En un clic, des centaines d’ouvrages

littéraires, d’articles journalistiques, de dossiers scientifiques sont disponibles

aux quatre coins du monde.

Mais cette omniscience ne viendrait-elle pas desservir la Lecture ? Une

activité intellectuelle et culturelle qui était avant réservée à une élite sociale,

à des moments privilégiés ou à des civilisations limitées, est aujourd’hui

devenue un acte d’un quotidien banalisé, écourté et dépouillé de toutes

vertus de savoirs et d’apports personnels. C’est ainsi qu’on assiste depuis

quelques années à une forte diminution du temps réservé à la lecture, que

ce soit de livre ou de supports presse matériels ou digitaux. L’INSEE a

démontré en novembre 2011, après une étude, que le temps consacré à la

lecture a diminué d'un tiers depuis 1986, perdant 9 minutes par jour ! Et en

parallèle, c’est le temps réservé aux écrans, de télévision ou d’ordinateur, qui

a explosé en quelques années. Ainsi Internet rogne sur le temps de lecture, et

non pas un nouveau type de lecture numérique, mais pour des activités de

loisirs, de jeux et de surf sur internet.

Nous écrivons et lisons plus vite, mais le critère temps n’est pas le seul

bouleversé par la dématérialisation. En effet la contrainte Espace est elle

aussi élucidée par le développement du numérique. Une nouvelle

appréhension des distances apparait et le champ d’action de l’Homme s’en

voit élargi mondialement. Aujourd’hui nous pouvons rester chez nous, derrière

notre ordinateur ou notre téléphone, nous pouvons entrer en contact avec

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n’importe quelle personne du globe, échanger et interagir avec elle. Au final,

la conséquence de cette dématérialisation c’est une réduction du temps et

de l’espace laissée à la connaissance. Nous n’avons plus de choses à lire et

nous ne prenons plus le temps de lire.

1.3.3. Un mouvement qui n’est pas unanime

Nous l’avons vu, depuis plus d’un siècle, nous sommes devenus les esclaves

de la vitesse, dans des domaines très diversifiés. Nous vivons au rythme de la

« Fast life » ou « vie rapide », qui perturbe nos habitudes, modifie nos goûts et

nos envies. Mais un courant, aussi puissant soit-il, finit toujours par faire

naître le courant inverse… Ainsi l’accélération sociétale ne rencontre pas

l’absolution de tout le monde. En effet, comme nous l’avons vu

précédemment ce nouveau rapport que l’Homme entretient avec le Temps

et l’Espace soulève de nombreuses questions et problématiques.

C’est ainsi qu’il est apparu une réelle revendication d’un autre progrès, une

pensée alternative qui prend le pied à la dictature de l’urgence et la

conquête du territoire. Aujourd’hui l’heure est à la redécouverte du temps,

principe à l’origine du nouvelle tendance, celle du slow.

Selon le journaliste canadien Carl Honoré auteur du livre L'éloge de la lenteur,

''Il faut retrouver sa tortue intérieure ''.

Il ne s’agit pas de déclarer de guerre à la vitesse, mais d’être attentif sur

cette aspiration et cette obsession à vouloir tout faire rapidement et d'en

faire toujours plus en moins de temps. En effet, il devient difficile pour certain

de lever le pied, changer de rythme. La « slow attitude » privilégie la quantité

au détriment de la qualité. Et ce ralentissement du rythme de vie n’est pas

synonyme de paresse, mais c’est au contraire un excellent moyen de

prendre soin de soi, de repenser ses priorités et, finalement, de capitaliser son

énergie. Les adeptes de ce nouveau rapport à la vie vont mettre en avant

des temps de pause, des temps de sieste ou de méditation dans leur

agenda, au même titre que les rendez-vous professionnels. Leur devise :

Prendre le temps de faire et même de ne rien faire ! Retrouver du sens plutôt

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que de cultiver la performance et goûter tout simplement à la saveur de

chaque instant. Ce désir de lenteur se manifeste dans notre société éprise de

vitesse et ainsi donne naissance à une philosophie relayée par de nombreux

mouvements : Slow Drinking, Slow Food, Slow Art, Slow Tourisme, Slow Book,

Slow Architecture, Slow Management… Le Slow se retrouve partout et se

décline à l’infini, avec toujours pour seul objectif : ralentir pour mieux vivre.

L’Homme entretien depuis toujours une forte relation avec le papier mais qui

n’ai jamais cessé d’évoluer au court des années et des multiples

modifications de la société. A son tour support privilégié puis mis en second

plan, le papier a toujours été présent dans la vie de l’Homme. Mais l’aire du

numérique pourrait changer les choses…

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2. Socio-économie

2.1. Introduction sur la dématérialisation

Notre société et son économie a subit un retournement de force avec le

boom d’internet, du numérique et avec lui l‘apparition d’un nouveau

concept, celui de la dématérialisation, qui a réinventé les mœurs et les codes

de nos vies. Mais qu’est-ce que la dématérialisation et quelles sont ses

conséquences ?

Définition générale

La dématérialisation se définit par l’action de remplacement des supports

d'informations matériels, le plus souvent en papier, par des fichiers

numériques dans une organisation, ou une entreprise. On peut même parler

de bureau sans ou zéro papier quand la disparition du papier est complète.

L’objectif de la dématérialisation est la recherche d’une meilleure efficacité.

Celle-ci est permise par une gestion électronique des données et des

documents, qu’ils soient directement produits en format informatique ou bien

numérisés à leur arrivée. Il est vrai qu’en dehors d'une structure totalement

nouvelle et informatisée, un processus de dématérialisation comporte pour

toute entité une importante mécanique de numérisation, avec le transfert

méthodique de l’ensemble des informations sur support digital.

Pourquoi ?

La dématérialisation est née des initiatives individuelles d’acteurs localisés

visant à réduire les contraintes matérielles des traitements traditionnels de

l'information, et en particulier en termes de délais et de disponibilité de

l'information. Déjà en 1967, l'envoi d'une disquette était plus rapide et moins

couteux que celui de cent pages de contenu papier. Ce bénéfice a ensuite

été recherché par un plus grand nombre de parties prenantes, toujours plus

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équipé, qu’elles soient professionnelles ou privées, au point d'en faire une

caractéristique intrinsèque de l'informatisation des structures et des cultures.

Condition d'une automatisation maximale du traitement des données, la

dématérialisation bien conçue et bien gérée permet des gains de

productivité même difficilement chiffrables et à moyen terme de dynamiser

les activités d'une région, en facilitant par exemple le partage d'informations.

2.2. Une société numérique

Nous allons essayer de répondre à cette question en analysant dans une

première partie la société, à la fois du point de vue du citoyen mais aussi du

point de vue de l’Etat et dans une seconde partie l’économie et ses

évolutions dans le fond et dans la forme.

2.2.1. Le citoyen – Être

Pour débuter notre réflexion, nous allons nous concentrer sur le citoyen.

Le citoyen est membre d’une cité, aujourd’hui de l’Etat et il prend part à son

développement, à son activité. La société évolue en fonction du rôle du

citoyen dans cette dernière, de son comportement, de ses pratiques et de

ses attentes. Il joue un rôle déterminant dans l’évolution de sa société. Il

permet ou empêche les changements et l’innovation. Le progrès est ainsi

limité et délimité par la maturité des citoyens, des consommateurs, des

publics de la société dans lequel il s’inscrit.

Dans cette partie, nous avons souhaité analyser ce citoyen à travers deux

représentations complémentaires : « Être » et « Avoir » car ce dernier, pour

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jouer entièrement son rôle et exister dans notre société, s’illustre par ce qu’il

est, sa façon d’être, et ce qu’il a, son « patrimoine » au sens large.

Comment pouvons nous définir cette conception ? « Être » peut se traduire

plus concrètement par la notion d’identité. L’identité est ce qui nous rend

unique, différent de l’autre. L’identité est la représentation d’une personne

dans un groupe ou dans un système d’information. Cette notion, simple au

premier abord, est beaucoup plus complexe qu’on ne le pense, et cette

complexité s’intensifie dans une société numérique.

Le sociologue Dominique Wolton décrit l’identité au sens large comme un

« système de représentations, de sentiments et de stratégies, organisé pour la

défense conservatrice de son objet (le « être soi-même »), mais aussi pour son

contrôle, sa mobilisation projective et sa mobilité idéalisante (le « devenir soi-

même »). Elle coordonne des identités multiples associées à la personne ou

au groupe.

2.2.1.1. Identité primaire

L’identité primaire est plurielle, et ce, pour deux raisons. La première est que

notre identité est en réalité la combinaison de plusieurs facettes identitaires.

En effet, une personne se définie par son identité personnelle essentiellement

juridique comme sa date de naissance, son nom, son prénom, son sexe…

mais aussi par son identité sociale et culturelle : sa profession, ses croyances,

ses valeurs, ses loisirs…

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L’identité traditionnelle, d’après Philippe Buschini.

Le citoyen depuis des années existe à travers les informations de ces 3 types

d’identités qui ont pour l’essentiel un caractère avéré. Si l’identité personnelle

d’un individu concentre des informations incontestables et uniques (certificat

de naissance, coordonnées, compte bancaire, numéro de téléphone…), le

numérique du fait de son immatérialité apporte des informations contestables

et ambigües comme un pseudonyme, un blog, des commentaires sur son

propre compte… Ainsi le numérique change complètement la donne et

l’identité du citoyen ne se limite plus seulement aux caractéristiques de

l’identité traditionnelle.

2.2.1.2. Identité numérique et perception

Cette nouvelle représentation du moi mêle identité réelle (ce que nous

sommes), identité affirmée (ce que nous voulons être) et identité perçue

(comment les autres nous voient). C’est la seconde raison pour laquelle

l’identité est plurielle. L’identité individuelle n’est pas la même pour nous que

pour le reste du monde.

L’identité réelle représente ce que l’internaute donne comme informations

factuelles comme la date de naissance, nom, prénom… mais aussi les

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informations non pérennes comme les coordonnées, le titre, fonction… Il

s’agit de l’identité biométrique de l’internaute. Ces informations traduisent le

profil de l’individu, ce qu’il est réellement.

Pour ce même individu, un deuxième niveau d’identité existe : l’identité

affirmée. Cette identité va au delà des informations objectives, factuelles. Il

s’agit là de l’identité que l’internaute souhaite avoir. Cela représente les

informations que l’individu communique en ligne à son propos. Ce sont des

données déclaratives, l’individu construit son « image de marque ». C’est au

travers de pseudos, d’images, de commentaires, et de déclarations de ses

activités ou de ses goûts que l’individu se forge une identité que l’on peut

désigner d’affirmée puisque ces données ne sont pas toujours vraies.

L’internaute peut se cacher derrière des avatars ou de simples pseudonymes

pour se créer une autre personnalité et intégrer une communauté ou

simplement pour exister sur la toile de manière anonyme.

Enfin, en haut de cette échelle nous trouvons l’identité perçue. Nos dires et

nos actes qu’ils soient virtuels ou réels se mêlent et font ricochet pour créer ce

dernier niveau d’identité. L’internaute n’est alors plus maître de son image

puisqu’il s’agit de la manière dont le reste du monde le perçoit. Cette notion

s’allie à celle de e-réputation. L’image de l’internaute se fonde dans sa

notoriété et sa popularité sur les plateformes internet, dans les opinions que

les autres internautes ont sur lui et dans tout autres commentaires qui existent

sur sa personne. Cette identité n’est peut être pas vraie, ni justifiée ni

objective, mais elle existe et nous ne pouvons pas l’ignorer.

Cette notion est très souvent utilisée mais pour les entreprises et les marques.

Avant de passer commande ou de signer un contrat ou de s’engager auprès

de n’importe quelle entreprise, l’individu se renseigne à la fois auprès de son

entourage (bouche à oreille) mais aussi, de plus en plus, sur Internet. La toile

livre des informations plus ou moins justes mais sur lesquelles l’individu se fait

un avis. On remarque alors que cette notion, et cette démarche, est aussi

vraie à l’échelle de l’individu. Susceptible de concerner tous types d’entités

et d’individus (célébrités, anonyme, reconnu pour ses engagements

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politiques ou médiatiques, entreprises…) la découverte de l’e-réputation est

née avec le concept de la « googlisation ». Ce phénomène consiste à scruter

ou simplement se renseigner sur ses proches ses collègues ou des

connaissances sur Google. C’est l’image de l’individu qui est mise à

l’épreuve. Alors qu’un proche va chercher à se renseigner pour sa propre

curiosité, un potentiel employeur aura un œil plus subjectif et « indiscret »

puisqu’il recherchera ce que l’individu « cache » ou du moins ce qu’il ne

souhaite pas dire. Si son e-réputation est négative, cela peut compromettre

certaines opportunités.

Comme la marque, il possède une réputation numérique sur laquelle va se

pencher toute personne voulant se renseigner sur lui. Cette remarque s’illustre

parfaitement dans de nombreux exemples. Ebay reste l’exemple le plus

marquant pour illustrer nos propos en créant le concept de la réputation

vendeur. A chaque vente, l’acheteur est invité à noter le vendeur pour faire

évoluer sa réputation de manière positive ou négative. L’individu est vu

comme une marque qui aura une bonne ou une mauvaise image. Cette

notion d’identité a priori totalement personnelle et privée se transforme, par

la réputation, en une représentation qui devient indépendante de la

personne concernée et beaucoup moins maitrisable et gérable.

Tous les éléments qui constituent l’identité numérique ne sont donc pas

maitrisables par son détenteur légitime, à l’inverse de l’identité traditionnel

d’un citoyen. Cette notion d’e-réputation est subjective et fluctuante. Fort de

ce constat, le rôle de l’individu en tant qu’internaute est donc de lutter

contre une e-réputation négative et de gérer au mieux son identité

numérique. Nous verrons plus tard comment contrôler son identité

numérique.

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2.2.1.3. Identité numérique multiple

L’identité numérique est une identité connectée, qui bouscule les codes et

qui connecte toutes les facettes de l’identité primaire et qui s’illustre sous

toutes ses formes à travers tous les supports du web 2.0. Notre identité se

construit dans les traces que nous laissons sur le web : commentaires écrits,

contenus audio ou vidéo, identifiants de connexion… Ces données ne sont

pas toujours publiées consciemment. C’est toutes ces traces qui, ensemble,

forment notre identité sur les moteurs de recherche.

L’internaute se créé une (ou plusieurs) identité(s) sur le web pour exister et

être visible sur la toile. Les internautes n’ont pas la même utilisation d’Internet

et n’ont pas les mêmes fins. Le sociologue Dominique Cardon l’a bien

compris et a mené une recherche sur les différentes visibilités de nos identités

numériques en fonction des plateformes que l’on côtoie.

L’internaute peut comptabiliser jusqu’à 4 identités.

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33 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

La première est ce qu’il nomme l’identité civile, elle correspond à l’identité

personnelle que l’on a étudiée précédemment. Cette typologie regroupe

des internautes qui utilisent des plateformes telles que les sites de rencontre.

Ils ne se montrent pas tout de suite, mais le but final est de se rencontrer : « se

cacher / se voir ».

La seconde identité concerne ce que fait réellement l’internaute dans sa

vie : profession, loisirs, engagements sociaux… il s’agit de l’identité agissante.

Ce type d’internaute utilise le réseau LinkedIn ou encore Wikipédia pour

s’exprimer. Ici, l’interaction est différente, on peut la traduire par « tout

montrer, tout voir ». L’internaute ne se cache pas pour s’exprimer.

La troisième identité est l’identité narrative. Elle correspond à ce que

l’internaute projette de lui, ce qu’il montre ou non aux autres, à travers des

blogs par exemple. Ici l’interaction entre les autres internautes est particulière

puisqu’il s’agit de montrer, mais de manière gérée et contrôlée.

La dernière identité, définie par Dominique Cardon, est l’identité virtuelle,

c’est à dire le profil voulu, la représentation de ce que chacun veut être. Les

utilisateurs des plateformes tels que YouTube, Second Life ou encore World of

Wardcraft sont regroupés dans cette typologie car la logique est la suivante :

« se voir mais caché ». Le lien entre les internautes est fort, ils échangent mais

de manière cachée, derrière un pseudonyme par exemple.

Il ne faut pas oublier que toutes ces plateformes ne s’adressent pas aux

mêmes cibles. La taille des plateformes utilisées et des réseaux sociaux fait

que l’internaute s’adressera de manière plus ou moins privée à son

interlocuteur. La nature des informations divulguées n’aura donc pas la

même importance et la même profondeur. Ainsi certaines plateformes seront

pour un cercle restreint de proches et d’autres pour toutes les personnes

ayant accès à cette même communauté. Pour illustrer ce point, un même

internaute pourra être présent sur Facebook pour ses amis qu’il aura triés sur

le volet mais aussi sur Second Life en se cachant derrière un profil pour

communiquer avec l’audience entière du réseau.

Pour résumer cette partie, nous pouvons dire qu’il existe deux manières

d’exister sur internet : par l’extériorisation de soi ou par la simulation de soi.

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34 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Mais attention, ces différentes identités ne sont pas incompatibles. Bien

souvent, un même internaute sera présent sur toutes ces plateformes et

l’individu multipliera alors sa propre identité en plusieurs. C’est en ce sens que

le numérique rend d’autant plus forte et puissante l’identité des internautes.

2.2.1.4. Identité et temps.

Au delà de ces multiples facettes de l’identité, le numérique apporte une

nouvelle notion de temps. En effet, l’identité numérique évolue très vite, en

comparaison de l’identité traditionnelle. Cette caractéristique spécifique

n’est pas tant du à notre véritable identité mais aux moyens informatiques

par lesquels se fondent cette version 2.0. Le citoyen existe à un instant T :

inscription, comportement sur la toile, publication de commentaires, photos,

CV… Mais à un instant T+1, cette identité sera déjà différente et aura

évoluée au grès des agissements de l’internaute. En effet, elle comprendra

l’accumulation de traces dites involontaires. Ces traces comprennent par

exemple la publication de notre nom par une personne ou un établissement

tiers, les commentaires générés suite à une action ou encore le partage de

l’une de nos publications. De la même manière qu’à un instant T+2, les

générations futures pourront parler de leurs parents. On parle ici de traces

héritées.

L’identité numérique se fonde donc dans le principe de temps et de

ricochet. C’est pour cela que les supports informatiques et leur mémoire

déterminent notre identité. Elle est difficilement contrôlable car dépendante

d’un aspect technique, celui de l’archive de données par les moteurs de

recherche. C’est pour cette raison que nous devons être très vigilants quant

aux contenus que nous publions.

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35 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

2.2.1.5. Vers une schizophrénie de l’identité

Pour aller plus loin dans cette vision d’une identité numérique multiple, nous

allons voir que l’activité de l’internaute construit son identité et détermine qui

nous sommes. Le web 2.0 a fait de l’internaute un lecteur, un écrivain, un

critique, un influenceur. L’internaute n’est plus du tout passif et il définit son

identité de manière beaucoup plus rapide par le numérique mais aussi

beaucoup plus complexe.

Ce puzzle de l’identité s’intéresse à toutes les traces que nous laissons : la

vente d’un vêtement, l’achat d’un produit, les vidéos visionnées, les articles

lus, les photos postées ou les commentaires publiés illustrent notre

comportement face à l’utilisation de l’Internet. Il est très facile d’agir, d’être

un acteur actif sur la toile comparé à son équivalence « in real life ». Cette

facilité d’existence peut pousser à la schizophrénie.

Exister pour être vu.

L’internaute porte une importance de poids à son image, à son identité sur la

toile. Les moyens pour exister sont démultipliés et l’ère du temps est à la

quête de son image. Il est important de se faire une place sur ce nouvel

espace disponible et de plaire aux autres. Les autres étant d’autant plus

nombreux si l’internaute est présent sur plusieurs plateformes.

Il est vrai que ce dernier a tendance à multiplier sa présence sur ces supports

pour des utilisations diverses : professionnelle, personnelle, pour ses amis, pour

sa famille… Pour être aimé, plaire ou simplement être crédible, l’individu doit

segmenter son réseau et cibler son discours et ses « messages ». Il est admis

que nous adaptons notre comportement IRL en fonction de la situation :

avec son ami ou son collègue. Le ton, le vocabulaire, la manière de se tenir

et de se comporter n’est pas la même. Le comportement change selon

l’interlocuteur, selon le groupe social, et cela est d’autant plus vrai sur le web

2.0 car les groupes y sont démultipliés. Pour séduire l’internaute sait se mettre

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en avant et adapter son discours pour valoriser son image et être légitime

dans son existence sur la toile.

Sur le web il est difficile de démêler le vrai du faux, contrairement à la réalité

où nous ne pouvons pas (ou moins) mentir à notre entourage, aux personnes

que nous côtoyons. C’est dans cette optique et cet logique que le web rend

schizophrène. Nous nous créons des identités bien spécifiques, notamment

pour protéger notre vie privée. Gérer son identité sur le web, et notamment

sur les réseaux sociaux, n’est pas tâche facile. Il faut savoir différencier les

supports mis à notre disposition par utilité et usages, et ainsi découper notre

réseau pour s’adresser et montrer un contenu différent à ces différentes

« cibles ».

Il est vrai que l’utilisation des plateformes digitales n’est plus la même. A

l’origine, une majorité des moyens mis à disposition du citoyen étaient utilisés

pour le plaisir de partager, de montrer et d’échanger. Aujourd’hui, la

vigilance est de mise car la frontière entre vie privée et vie professionnelle

n’est plus clairement définie et les deux mondes se mêlent. Chacun de nous

doit penser aux répercussions de ses actes car nous savons que nous sommes

lu, écouté et observé. Bien sur, il existe différents niveaux. Et le risque est aussi

de tomber dans la paranoïa. La solution est encore et toujours de savoir

contrôler son identité numérique.

2.2.1.6. Gestion de son ou de ses identité(s)

numérique(s)

Avant tout, à défaut d’être un « hyper-actif » sur la toile, il est important, dans

la société actuelle, d’exister de manière numérique. Pourquoi ? Tout comme

cela est vrai pour les marques, il faut exister sur les réseaux sociaux et créer sa

propre identité. « Occuper le terrain » permet de ne pas laisser d’autres

personnes utiliser son propre nom. Il ne s’agit plus d’être actif et visible mais

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simplement d’occuper cette place pour empêcher toute usurpation

numérique d’identité.

Contrôler son identité passe par des gestes simples mais importants. L’identité

numérique c’est donc aussi ce que l’on publie sur nous. L’internaute doit

rester vigilant quant à ses relations sur le web et suivre ce qui peut être dit sur

lui en se « googlisant » régulièrement.

Avant de publier du contenu, l’internaute doit se demander à quoi cela lui

servira, qu’est ce qu’il cherche à promouvoir et pour quelle audience, s’il

réussira à maîtriser le contenu de ses publications, à gérer ce qui sera dit sur

lui, quel sera le niveau de confidentialité utilisé…

Plus concrètement, certains réseaux comme Facebook, Instagram, MySpace,

les blogs, ou encore FourSquare sont à privilégier pour une utilité personnelle,

tout en prenant gare de construire un profil sécurisé en vérifiant

régulièrement si les critères de confidentialité changent. En effet, aujourd’hui

une grande majorité des recruteurs et des professionnels plus largement,

cherchent à se renseigner sur nous, à trouver des photos, des publications ou

des commentaires pour mieux nous connaître et peut être découvrir une

« face cachée ».

Même si souvent les réseaux sont le lieu de toutes les expressions, il faut rester

prudent et se dire que nous ne sommes jamais à l’abri d’un bug comme se

fut par exemple le cas en octobre dernier. Rappelons nous, en septembre

2012, de nombreux utilisateurs Facebook ont découvert sur leur « mur » des

messages qu’ils pensaient avoir envoyé de manière privée (par la messagerie

privée). Suite aux analyses menées par la CNIL et à l’entretien avec les

responsables de Facebook France, il ressort que les messages semblent être

exclusivement des messages « Wall to Wall) et non des messages envoyés par

la messagerie privée de Facebook. Les utilisateurs ne se seraient donc pas

rendu compte du moyen de distribution du message. Pourquoi ? La CNIL

nous apporte plusieurs raisons expliquent ce phénomène :

« - Le fonctionnement de Facebook avant 2010 n'était pas comparable au

fonctionnement du site de réseau social aujourd'hui. L'ergonomie du site était

telle que la visibilité des messages "Wall-To-Wall" était beaucoup plus réduite.

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Les messages "Wall-To-Wall" étaient donc davantage perçus comme privés

par les utilisateurs.

- Facebook a modifié de manière unilatérale et récurrente les paramètres de

confidentialité des données entre 2009 et 2010. À l'époque, la CNIL et le G29

(groupe des CNIL européennes) avaient vivement critiqué ces changements

réalisés à l'insu des utilisateurs. En effet, par défaut, si les utilisateurs n'étaient

pas vigilants ou s'ils suivaient les recommandations de Facebook, des

contenus auparavant privés ou accessibles uniquement aux amis étaient

rendus accessibles à tout le monde. Par ailleurs, les messages concernés

pouvant être anciens, il devenait parfois difficile pour les utilisateurs de

constater ce changement d'audience des messages. »

L’entité de la CNIL rappelle régulièrement ses recommandations depuis

plusieurs années et encouragent les réseaux sociaux à les suivre, comme la

transparence vis-à-vis de leurs utilisateurs quant à l’usage de leurs données

personnelles ou encore des paramètres par défaut protecteurs de la vie

privée, en particulier lorsqu’ils modifient leur politique de confidentialité.

Vidéo, LinkedIn ou encore DoYouBuzz sont eux des plateformes destinées

spécifiquement à un usage professionnel. Ces réseaux offrent la possibilité de

poster son CV, ses centres d’intérêts, ses compétences… Ces réseaux sont

très utiles mais il faut les tenir à jour régulièrement pour que l’expérience

professionnelle ainsi que le carnet d’adresse ne soient pas obsolètes.

Bien sur, ces mises en garde et ces conseils sont à prendre en compte d’une

manière plus ou moins forte selon les internautes. L’axe choisi est

volontairement la mise en garde puisque cela est très important dans notre

secteur et dans notre métier de communicant. Ces remarques ne seront pas

acceptées de la même façon selon l’âge et la profession.

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2.2.2. Le citoyen - Avoir

L’internaute se défini donc par ce qu’il est, mais aussi par ce qu’il a. « Avoir »

équivaut au patrimoine de l’individu. C’est ce qu’il possède : biens, contenus,

informations… Le numérique, par la dématérialisation de ce que l’Homme

peut posséder, a créé une nouvelle tendance : celle de la volonté de

toujours tout avoir et toujours plus.

Nous illustrerons cette tendance à travers le contenu informationnel.

Avec le web 2.0, l’accès à l’Internet généralisé et l’explosion des

Smartphones, l’utilisation d’internet s’est banalisée. En 2012, la France

comptait près de 49 millions d’internautes, soit 75% de sa population.

2.2.2.1. L’accès à l’information

Tous les supports d’informations se dématérialisent pour offrir à leurs lecteurs

un contenu numérique à leur domicile sur l’ordinateur ou sur leur tablette,

dans la rue sur leur téléphone, ou encore dans les magasins ou centres

commerciaux sur des bornes ou des tablettes. Internet est partout. ADSL,

fibre, 3G, et très prochainement 4G, la technologie ne cesse d’innover pour

élargir toujours plus l’accès à l’Internet.

L’individu « a » et cela passe d’abord par l’accès à l’information. Être informé

c’est ne pas être dépassé par les événements, par ce qui nous entoure, c’est

se cultiver, c’est savoir avant les autres. Avec l’Internet, l’accès à

l’information est en pleine mutation et se diffuse très rapidement et

simplement. Les supports d’information traditionnellement sur papier ont une

toute autre diffusion que le numérique. Le comportement du lecteur face au

support n’est pas le même, donc la motivation et la consommation du

contenu ne sera pas la même. En effet, le lecteur du format papier se

déplace au kiosque pour acheter son journal. Il fait la démarche physique et

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financière puisqu’une grande majorité des supports sont payants. Il y a une

réelle motivation et suite à ce comportement il lira le contenu de son journal

parce qu’il l’a voulu. Le lecteur ne choisit pas n’importe quel support. S’il

achète un journal et pas un autre ce sera parce que la rédaction emploie un

ton particulier, a des convictions et des idées… La démarche prend d’autant

plus son importance.

Le numérique a changé ces comportements. Les supports qui se

dématérialisent proposent généralement à leurs clients un contenu gratuit

important et un accès illimité au contenu payant. Le comportement du

support d’information numérique est donc totalement différent. Dans ce cas,

l’individu n’a pas de déplacement physique à effectuer pour avoir accès à

l’information. Il allume son ordinateur, ouvre l’application et dispose du

contenu qu’il souhaite. La motivation n’est plus la même puisque la

démarche est moins lourde. L’information est à disposition, elle n’est plus

quelque chose à aller chercher. L’accès au contenu numérique est

beaucoup plus rapide et facile que pour le papier.

Cette facilité d’accès joue sur la volonté pour un individu « d’avoir

l’information », de la posséder. En quelques secondes, des dizaines d’articles

se font face et se bousculent sous nos yeux pour nous offrir un condensé des

principales informations. Nous pouvons noter que nous employons les verbes

« avoir » et « posséder » et non ceux de « lire » ou « consommer ».

Ce nouveau phénomène nous fait penser à la notion d’ « ATAWAD ». Cet

acronyme, déposé en 2002 par Xavier Dalloz, peofessionnel expert dans les

nouvelles technologies, est utilisé pour l’expression « Any Time, Anywhere, Any

Device ». Ce terme illustre la tendance actuelle selon laquelle les individus

souhaitent de plus en plus pouvoir accéder à un contenu, à l’information

quelque soit le moment, le lieu ou l’outil (TV, ordinateur, mobile, tablette…).

Est-ce une véritable demande de la part des individus ou est-ce la société,

par les NTIC, qui l’a créée ? Encore une fois, il s’agit d’un cercle vertueux où

les deux pendants : individus et NTIC, agissent et tirent l’autre vers

l’innovation. Si les technologies permettent la tendance ATAWAD, c’est les

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citoyens qui « l’active ».

Mais la notion d’ATAWAD va au delà de l’information. Cette tendance

s’illustre aussi dans la consommation de la télévision. Une étude menée par

Médiamétrie nous indique que les jeunes âgés de 15 à 24 ans sont les

premiers à adopter cette pratique. Ils regardent la télévision en différé, sur

d’autres écrans que leur TV et concilient ces pratiques. La notion d’ATAWAD

se décline dans le développement de la catch-up TV, l’ordinateur portable

ou encore et surtout le mobile. La nouvelle consommation du contenu est

donc est différée et « coupée » car les individus ne font pas seulement

regarder la télévision mais jonglent avec un second écran. Encore une fois,

c’est comme si nous ne savions plus où donner de la tête. Toutes ces

technologies nous permettent de consommer plus de contenus mais la

manière de le faire est différente.

2.2.2.2. Avoir ne veut pas dire consommer

Cette facilité d’accès ainsi que sa gratuité pousse le lecteur à se l’accaparer.

Les internautes et mobinautes ont aujourd’hui accès, par une diversité de

canaux, à une multitude d’informations de manière instantanée et en

continu. Ce flux d’actualités nous donne le sentiment d’être toujours informé.

Cependant, ce constat peut être un piège. Ces contenus informationnels se

transforment en surinformation qui peut chasser la véritable Information et sa

hiérarchisation.

L’individu aujourd’hui cherche à tout posséder, avant les autres, à avoir plus

d’informations que son voisin, que son collègue. Cette recherche de

l’information chaude a ses limites. A force de vouloir détenir l’information que

les autres n’ont pas ou simplement de posséder un maximum de contenus, le

lecteur en oublie de « profiter » de son contenu. Le comportement a changé

dans le sens où les lecteurs ont envie de posséder, d’avoir accès à plus de

contenu, car ils le peuvent, mais ne le regardent pas vraiment. La quantité

augmente mais cela n’est pas réciproque avec la consommation, car elle

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n’augmente pas. L’envie d’avoir est parfois supérieure à l’envie de savoir.

Notre compréhension des messages et leur approfondissement a changé.

Dans l’esprit de certains lecteurs, détenir un maximum de contenus leur

apporte une plus grande richesse. Cela est faux, tout dépend de l’utilisation

que nous faisons de ces contenus.

Cette tendance n’est pas à appliquer pour tous les âges, toutes les

professions et tous les supports d’information, cependant c’est une tendance

qui est apparue avec le développement de l’internet et de la

dématérialisation des contenus d’information.

2.2.3. L’Etat

Nous avons pu analyser notre société en analysant l’individu, le citoyen qui

est au cœur de la vie numérique. Nous allons maintenant pouvoir analyser

cette même société mais du point de vue de l’État. Face à nouveaux

comportements, à ces nouvelles technologies, le droit du numérique a t-il

évolué, comment l’État s’adapte et agit pour faciliter la vie de ses citoyens et

quelles mesures prend t-il pour encadrer ces évolutions ?

Nous verrons dans une première partie le poids du numérique en tant que

preuve juridique par rapport au support traditionnel qu’est le papier. Puis

nous verrons quelles mesures sont ou peuvent être prises dans la gestion et la

protection des données sociétales et administratives. Pour chacune de ces

parties nous montrerons les avantages ou les limites de ces mesures.

2.2.3.1. Le droit du numérique dans les nouveaux

échanges

Avec la dématérialisation des échanges, historiquement réalisés en papier, la

logistique est aujourd’hui elle aussi passée à l’électronique. Les échanges

sont les relations que nous avons avec l’administration, le e-commerce,

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l’intranet… La dématérialisation fait partie de notre quotidien et se banalise.

Facile, rapide et très couramment employé, l’e-mail a pris une place plus

qu’importante dans notre société. Ce courriel est-il une preuve en cas de

litige ? Aujourd’hui, toutes les structures doivent se réorganiser pour s’adapter

à ce nouveau mode de fonctionnement, c’est notamment ce que l’on verra

en détail, pour le secteur du e-commerce par exemple.

Si la signature d’un document papier est un outil visible, matériel qui sert de

preuve, la dématérialisation vient chambouler l’ordre des choses. Le risque lié

à la sécurité, donc à la garantie de l’origine vient entraver l’idéologie de la

dématérialisation.

Juridiquement, un courriel peut-il apporter être une preuve probante, à la

hauteur d’une preuve sur un support papier ? Comme souvent en matière de

législation, la réponse n’est pas Oui ou Non, tout dépend de la nature du

commerce ou de l’échange et chaque situation est unique. L’e-mail

classique, en cas de litige, est une preuve s’il s’agit du commerce BtoB, mais il

n’est qu’un « commencement de preuve » dans une relation BtoC.

Pour mieux comprendre, l’article 109 du Code de Commerce indique que « à

l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par

tous moyens ». Cela signifie que lors d’un litige, devant le Tribunal, impliquant

deux professionnels, un e-mail peut être utilisé comme preuve. Cet article

n’est pas valable pour les relations Business to Consumer. En effet, considéré

comme facilement falsifiable, ce moyen de communication n’est par

conséquent pas une preuve comme la lettre écrite. Malgré tout, la législation

nous dit que l’e-mail peut constituer un « commencement de preuve » si trois

principes fondamentaux de fiabilité sont respectés : l’horodatage, l’intégrité

du message et l’identification claire de l’auteur ainsi que du destinataire.

Pour aller plus loin et pour pouvoir prouver de manière incontestable la

fiabilité d’un e-mail, un outil a été créé : la signature électronique. Elle répond

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à un besoin d’ordre juridique avant tout, mais pas seulement, c’est ce que

nous verrons ci dessous.

Depuis mars 2000, « L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au

même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment

identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des

conditions de nature à en garantir l'intégrité », comme le stipule l’article 1316-

1 du Code civil.

Concrètement, l’expéditeur du document signé numériquement, ne peut

pas nier l’avoir envoyé. Il s’agit d’un procédé qui garantie l’authenticité,

l’identité de l’émetteur et l’intégrité d’un document numérique, au même

titre que la preuve manuscrite sur papier. L’utilisation de ce procédé est donc

conseillée pour les messages importants (comme la rupture d’un contrat par

exemple).

Quels documents sont concernés par la signature électronique ? La nature

des documents est large, on entend par là, la signature d’un contrat de

travail, du règlement intérieur, de factures, mais aussi de demande de

congés, des notes de frais…

La signature électronique, répond à un besoin d’ordre juridique, fonctionnel

mais aussi psychologique. Tous ces besoins s’inscrivent dans une finalité

économique, car nous ne pouvons pas penser développer les échanges et le

commerce sans repenser les outils informatiques qui les accompagnent. Elle

apporte avant tout de la confiance dans les nouveaux échanges de notre

monde.

- JURIDIQUE. Cette signature offre une preuve sur l’expéditeur du

message (authentification), en lui appliquant un code hache. C’est ce

code qui constitue la signature numérique. Grâce à cela, le

destinataire du message peut vérifier l’identité réelle de l’émetteur en

déchiffrant la signature numérique, au moyen de sa clé publique, pour

obtenir le code hache. Le destinataire a alors appliqué la même

fonction de hachage au message reçu, ces deux sont identiques. Il y a

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garantie de l’expéditeur et de l’intégrité du message. Ce processus est

appelé la cryptographie. La théorie est bien plus complexe que la

pratique puisqu’en réalité il suffit de cliquer sur une icône à l’écran

pour lancer ce processus.

- PSYCHOLOGIQUE. Utiliser ce processus de signature juridique permet

aux parties de donner du poids à leur message, de formaliser

l’échange et de se rassurer. Elle permet la traçabilité des actions et

l’intangibilité des documents.

- PRODUCTIVITÉ. Comme nous l’avons dit précédemment, il ne faut pas

oublier que la signature électronique a été créée pour transposer

l’acte de signature papier dans le monde électronique. Elle ne permet

que de rendre possible le processus d’échange à notre ère de

dématérialisation. La signature électronique permet le

raccourcissement des délais de traitements des dossiers, la suppression

des délais et des couts de traitements des courriers (mise sous pli,

affranchissement). Les bénéfices économiques ne sont donc pas lié

directement à la signature électronique mais à ses conséquences : la

dématérialisation des documents et les nouveaux processus de

gestion de ces derniers.

Les nouvelles technologies nous apportent de nouveaux outils de

communication mais qui dit innovation ne dit pas réciproquement progrès. Si

les risques restent importants, s’il y a une crainte de la part de ses utilisateurs,

l’innovation n’est pas un bénéfice. C’est pour cette raison que des normes

juridiques sont mises en place, « pour transformer l’essai » et pouvoir dire que

la dématérialisation amène le progrès.

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2.2.3.2. Les nouvelles pratiques pour l’identité

numérique

Aujourd’hui l’internaute fait face tous les jours à des systèmes

d’authentification et d’identification, et ce dans tous les domaines. Ces

dispositifs, présents dans la vie quotidienne, sont mis en place par des sites

marchands ou non, par les réseaux sociaux, par des sites de téléprocédures…

Mais toutes ces initiatives sont privées et n’offrent pas toujours une sécurité

suffisante.

Nous allons donc analyser dans cette partie les initiatives et dispositifs lancés

par le gouvernement en matière d’authentification et d’identification.

Le processus d’identification signifie « présenter une identité » alors que le

processus d’authentification va au delà et permet de vérifier l’identité

revendiquée par une personne. Les moyens d’authentification sont variés,

comme délivrer une information qu’il connaît ou encore un objet qu’il

possède en passant par une caractéristique physique personnelle

(biométrie).

Dans un monde numérique, l’identité d’un individu est intimement liée à sa

vie privée, à ses données personnelles et à son comportement. La protection

de ces données est d’une grande importance pour contrer la traçabilité des

actions du citoyen et de l’internaute.

Protection de la vie privée dans un monde dématérialisé

La protection de la vie privée est un véritable défi dans le monde actuel,

avec le développement des NTIC au sein des initiatives d’entreprises privées.

La vie privée de l’individu est chahutée à tout moment car ce dernier laisse

consciemment ou inconsciemment des traces informatiques. C’est en

passant sa carte de transport en commun, en payant par carte bancaire, en

entrant dans un bâtiment avec son badge, ou encore en étant localisé par

une application mobile que l’individu laisse derrière lui des traces, qui font

parties de la vie privée.

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Ces traces informatiques sont des marqueurs identitaires et permettent de

reconstituer le comportement et les habitudes d’une personne dans le temps

et l’espace.

L’individu en tant que tel, ne peut agir sur l’utilisation de ces données. Qu’il

soit méfiant ou non, son comportement ne jouera pas de rôle sur le

traitement des données.

Le traitement des données personnelles en France est protégé par un

organisme dénommé CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des

Libertés) et notamment par la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978. La

CNIL est le protecteur du citoyen, de l’usager. Elle rappelle la loi lorsque cela

est nécessaire et a le pouvoir d’autoriser ou d’interdire certains usages

informatiques traitant des données dites personnelles.

Au niveau européen, le cadre juridique concernant la protection des

données personnelles date de 1995. Le monde numérique a bousculé les

codes et les comportements de manière forte et rapide, l’environnement

juridique n’est donc plus d’actualité et ne répond plus aux nouvelles

pratiques du web 2.0. C’est pour cette raison que la Commission Européenne

a présenté une proposition de règlement adapté à la nouvelle donne des

données personnelles en janvier dernier. Ce règlement concerne les sites de

e-commerce, réseaux sociaux, sites de services… Cette proposition est en

cours d’analyse et débattue au Parlement européen. A ce jour, la calendrier

prévisionnel mentionne une adoption du texte début 2014 pour une mise en

place effective en 2016. Dans ce règlement, de nouveaux concepts comme

la « privacy by design » ou la « privacy impact assessment » sont mentionnés.

Ces mesures prévoient des obligations de bonne conception des systèmes

de traitement des données, une sécurité des systèmes présente beaucoup

plus tôt dans le processus, l’effacement des données sur demande de la

personne concernée et l’information à tout tiers de cette demande…

L’État et l’administration pour un avenir numérique sécurisé

Depuis le 30 octobre 2012, une structure interministérielle au service de

l’action publique a été créée : le SGMAP (Secrétariat Général pour la

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Modernisation de l’Action Publique). Placé sous l’autorité du Premier ministre,

cette nouvelle organisation est au service d’une nouvelle ambition pour les

services publics et doit contribuer au maintien du modèle social français, au

redressement des finances publiques ainsi qu’à la compétitivité de

l’économie.

Dans le cadre de sa mission pour le bon usage du numérique, le SGMAP veille

à l’amélioration des systèmes d’information et de communication, à la

simplification des relations entre les citoyens et l’administration et entre les

autorités administratives elles mêmes. Les chiffres nous montrent clairement

l’importance du numérique dans les démarches administratives : plus de 80%

des français ont déjà acheté ou consultent leur compte bancaire en ligne ;

près de 9 citoyens sur 10 ont effectué une démarche administrative sur

internet…

Sans identité définie, le droit ne peut reconnaître l’accès à des services

administratifs, sociaux ou financiers. Prouver son identité est d’autant plus

importante que les transactions électroniques se multiplient et se banalisent.

L’internaute donne de plus en plus de données personnelles à des

plateformes de service. Ces plateformes se déployant à grande vitesse pour

s’adapter aux nouveaux comportements du citoyen, l’internaute a recours à

un nombre croissant d’identifiants et de mots de passe à mémoriser. Affirmer

son identité ouvre des portes à de nombreux moyens et bénéfices. La

conséquence est immédiate : l’identité fait l’objet de fraudes, plus ou moins

graves.

Toutes ces limites n’existent pas dans les démarches IRL, non numériques.

C’est notre physique qui joue comme preuve. Lors d’un paiement par

chèque, l’utilisateur se doit de montrer une pièce d’identité pour prouver qu’il

est bien le possesseur de ce mode de paiement. Le « contrôleur » peut vérifier

en face à face la correspondance entre le titre d’identité et la photo avec la

personne physique qui se trouve en face de lui. Le niveau de sécurité est

élevé et quasiment impossible à remettre en cause. En revanche, on ne peut

pas en tirer la conclusion que les démarches administratives sont moins

dangereuses, au contraire. Prenons l’exemple de la perte d’un document

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49 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

d’identité. Le citoyen se rend au commissariat de police afin de déclarer

cette perte puis, muni de sa déclaration de perte, de deux photos et d’un

justificatif de domicile, obtient un nouveau titre d’identité. Cette simple

démarche peut être effectuée par une personne malveillante et usurper son

identité. Il n’y a aucune garantie d’identification, il faut seulement se munir

des documents nécessaires.

Dans un monde réel et numérique, les questions de sécurité gravitent autour

de la gestion et du contrôle de l’identité personnelle. Le monde numérique

apporte de nouvelles pratiques, instantanées et simples. Monde réel et

monde numérique comportent leurs bénéfices mais aussi leurs limites. Le défi

de l’État est d’encadrer ces usages pour limiter ou empêcher la fraude,

protéger l’internaute contre le traçage de ses transactions et contre la

diffusion de ses données. Finalement, les outils d’identité numérique

permettent les processus d’identification, d’authentification et de signature

électronique.

Comment améliorer et faciliter les démarches administratives en déployant

un système de confiance permettant l’authentification et l’identification ?

Le numérique apporte une facilité d’usage qui rend le numérique

incontournable dans la vie de tous les jours. L’objectif est d’atteindre le

même niveau de sécurité que lorsque les utilisateurs sont en présence

physique mais par un biais électronique sécurisé. Une personne doit pouvoir

apporter la garantie qu’elle est bien la personne qu’elle prétend être, tout en

étant à distance. A la différence des sites e-commerce où la confiance

repose sur le moyen de paiement, l’e-administration repose elle dans la

confiance sur l’identité numérique.

Pour établir cette confiance, le lien doit se faire entre le service hébergeur et

l’usager. Ces deux acteurs doivent s’identifier mutuellement par un procédé

technologique (algorithmes cryptographiques) et contrôler l’authentification.

Ce sont des supports tels que le passeport, la carte nationale d’identité ou le

permis de séjour qui doivent permettre de s’assurer de l’identité d’un individu

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50 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

et de leurs droits. Un problème que l’on a déjà abordé, est la multiplicité des

supports, qui ne sont pas compatibles entre eux et qui sont autant d’objets à

avoir et à tenir à jour. Le procédé d’authentification se fait à l’aide d’un objet

portable sécurisé et personnalisé qui met en œuvre les procédures

d’identification, d’authentification et de signature électronique. Cet objet

peut être une carte à puce, une carte SIM de téléphone, une carte

nationale d’identité, comme dans certains pays européens, une carte

bancaire ou une clé USB comme c’est le cas en Suisse avec la SwissID.

La véritable solution tient dans le regroupement des services et

l’interopérabilité de ces derniers d’un point de vue national et européen.

Les bons exemples à suivre

Nous allons maintenant illustrer ce concept d’identification et

d’authentification dans le but de la protection des données personnelles et

de la mutualisation des profils pour une utilisation plus simple des démarches

administratives. Un certain nombre de pays européens ont un pas d’avance

sur la France. Une petite dizaine de pays a déjà mis en place quelques

initiatives mais nous nous intéresserons de plus près au cas de la Suisse.

La Suisse a lancé en mai 2010 la « Swiss ID ». Ce document sert de preuve

d’identité électronique et permet d’effectuer bon nombre de démarches

administratives comme un changement d’adresse, un modification de l’état

civil, le décompte de TVA… mais pas seulement. Ce procédé fonctionne car

plus d’une centaine de prestataires de service tels que les communes, les

villes, les commerces ou l’administration ont intégré cet outil à leur

technologie.

La Swiss ID permet des transactions sûres et rapides sur internet. Qu’il s’agisse

d’entreprises, d’administrations ou de particuliers, chacun peut identifier ses

partenaires en vérifiant leur identité. De plus, un seul mot de passe suffit pour

tous les fournisseurs de services qui utilisent cette technologie sur internet.

Plus concrètement, ce procédé permet de :

- garantir l’expéditeur de courriels grâce à la signature électronique ;

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51 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

- rendre valables juridiquement des documents signés

électroniquement, au même titre qu’une signature manuscrite ;

- accéder à l’intranet de l’entreprise depuis son domicile, garantie pour

l’entreprise que l’utilisateur est habilité à s’y rendre ;

- protéger les mineurs dans le cadre du commerce électronique.

Pour illustrer ce dernier point, prenons l’exemple d’une boutique en ligne de

vin. Les e-commerçants d’alcool se heurtent au problème de la vérification

de l’âge de leurs visiteurs, de ses acheteurs. Cette vérification doit avoir lieu

avant de pouvoir accéder aux produits. Lors d’une identification classique,

l’utilisateur entre son identifiant et son mot de passe, cela suffit. Parfois,

certains sites demandent l’âge de l’internaute mais rien ne prouve la véracité

de la réponse. Se connecter avec la Swiss ID, permet au commerçant d’être

sûr de l’âge du visiteur et le visiteur majeur pourra avoir accès à la gamme

complète des produits de la boutique.

En France, il n’existe pas à l’heure actuelle de support d’identité numérique.

C’est pour cela que la ministre de l’économie, Fleur Pellerin, a relancé le

projet de l’IDéNum sur l’identité sécurisée en janvier dernier pour rattraper le

retard de la France. Aujourd’hui les internautes sont forcés de remettre leur

identité numérique et leurs données bancaires dans les mains des acteurs

privés pour qui la sécurité des données n’est pas toujours de mise. Ce projet

est crucial pour leur offrir un internet de confiance afin de garantir une

protection de leur identité numérique et de leurs données personnelles et des

transactions en ligne sécurisées.

Ce sujet est donc au stade du projet. Mais le gouvernement n’en est tout de

même pas au point 0 puisque le SGMAP met en place des initiatives pour

développer l’administration électronique. L’avantage du service administratif

via internet permet aux citoyens de disposer d’une information actualisée et

personnalisée. Son objectif est de proposer un accès simple à un grand

nombre de services publics. La dématérialisation des démarches permet de

faciliter l’accès et la gestion à des services divers et variés.

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52 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

La Modernisation des Actions Publiques a notamment pour finalité de

simplifier les démarches. Les citoyens, pourront dès à présent avoir accès à

des démarches historiquement complexes tels que l’emploi, le logement ou

le handicap, de manière numérique et simplifiée. La MAP permet enfin

« d’accélérer la transition numérique pour porter les services publics à l’ère du

digital ».

Concrètement, comment s’illustrent ces théories ?

Le SGMAP proposera un plan d’action d’ici la fin de l’année relatif à

l’authentification et à l’identification, dans le but de favoriser le déploiement

de nouveaux outils de sécurisation de la vie privée. Nous allons voir plus en

détails les outils mis en place actuellement. A ce jour, la plateforme publique

« mon.service-public.fr » fait partie des sites pilotes.

Ce nouveau portail mis en ligne par l’État permet aux internautes d’effectuer

simplement leurs démarches administratives sur le web. Ce site modifie

totalement le rapport avec l’administration dite classique, où le citoyen se

rend physiquement à la mairie ou autre pour réaliser ses demandes. La

« paperasse administrative » est supprimée et toutes les démarches

proposées sont dématérialisées. Cela est un gros progrès et une avancée

considérable pour ce secteur qui est bien trop souvent à la traine en matière

de NTIC. Cette nouvelle plateforme offre des fonctionnalités innovantes qui

visent notamment à personnaliser la relation citoyen/offre administrative.

Certains services existaient déjà sur internet avant la plateforme mon.service-

public.fr, cependant, l’avantage pour l’internaute est de pouvoir unifier tous

ses comptes avec un mot de passe unique.

Désormais, l’utilisateur peut accéder à toutes ses démarches administratives

en ligne, visualiser l’avancement de ces dernières et dialoguer avec les

organismes publics concernés. L’interface sert enfin d’espace de stockage

sécurisé pour archiver ses documents administratifs de manière sécurisée. Un

véritable lien se crée entre l’internaute et les services publics puisqu’il peut

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53 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

transmettre ses pièces justificatives aux organismes publics et vice versa les

organismes pouvant déposer des documents dans ses porte-documents.

De nombreux services sont proposés, qu’ils concernent les impôts, les

allocations familiales, les plaintes, les loisirs, la sécurité sociale, les titres de

séjour, la formation ou la retraite, le logement, les papiers d’identité…

Aujourd'hui, le réseau des organismes partenaires de mon.service-public.fr

s'appuie sur une quinzaine de services publics, principalement issus de la

sphère sociale.

2.3. Une économie numérique

Ainsi notre société a changé avec le numérique et cela a entrainé des

bouleversements à tous les niveaux, et en particulier sur notre économie. Ce

mouvement a même trouvé son propre nom : la « nouvelle économie ».

La nouvelle économie

La nouvelle économie est relative aux nouvelles technologies de l'information

et de la communication. Elle se définie par une mécanique de croissance

due aux NTIC. Elle est intervenue dans les années 1990 et n’a cessé de

s’étendre depuis, tous les ans et dans tous les pays.

En quelques chiffres

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Dépenses dans les NTIC en milliards de dollar en 2011 :

Nombre d’emplois liés au numérique en France :

Secteur des Télécoms :

51,5 milliards d’euros de revenus pour les opérateurs de communication

électroniques (2011-2012)

39,3 millions d’abonnements à la téléphonie fixe, à la fin du mois de juin 2012

1200

500 390

220 200 170 160 150

+4%

+15% +3%

+5% +6 +6% +5% +22%

450000

300000

300000

100000

66000

Logiciels et services informatiques

Secteur télécoms

Industries culturelles et créatives

PME Internet, assistance et robotique

E-commerce

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55 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

23,3 millions d’accès internet à haut et très haut débit

(ADSL, câble, fibre…)

70,4 millions de clients aux réseaux mobiles

(nombre de cartes SIM en service)

107,9% de taux de pénétration de la population française

Ces chiffres montrent bien ce nouveau mouvement et démontrent de

manière irréfutable que les NTIC ont eu et continuent d’avoir des effets sur

l’économie et sa croissance.

Aux Etats-Unis, les industries liées aux NTIC représentent environ 8 % du PIB

actuel et ont contribué à plus d’un tiers de la croissance économique du

pays entre 1995 et 1998. Ce constat s’explique pour diverses raisons :

- La première est l’effet direct des NTIC sur l’accumulation du

capital par la vente propre des nouvelles technologies.

- La seconde est l’effet de leur intégration au processus de

production. Une modernisation qui a permis une accélération

rapide et durable du progrès technique et des économies

d’échelle importantes.

Le poids des nouvelles technologies de l’information et de la communication

dans l’économie a ainsi fait un véritable bond, passant de 3,5 % à 4,8 % en

moins de 20 ans.

A l’Échelle de la France, la croissance du capital informatique ne représente

qu’une augmentation de 0,3 % de la croissance globale de l’économie

française (contre 0,6 % pour les Etats-Unis). Mais elle reste tout de même

largement notable. Cette disparité géoéconomique est expliquée dans un

rapport de l’INSEE par l’hétérogénéité de la diffusion des NTIC et du progrès

technique à travers les pays du monde, qui n’ont donc pas tous le même

niveau de modernisation.

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56 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Aux effets « industriels » des TIC s’ajoute un deuxième constat de croissance :

celui de l’essor du commerce électronique. Ce dernier est venu modifier les

conditions d’échange sur deux niveaux, en intensifiant la concurrence, par la

démultiplication des acteurs commerciaux, et en favorisant les accords entre

les parties prenantes.

Une économie immatérielle ?

L’opinion tendrait à dire que la nouvelle économie serait donc devenue

« immatérielle », et cela pour plusieurs raisons. En plus de l’expansion du poids

des NTIC dans l’économie, nous assistons au remplacement massif de

l'information sur support papier par de l'information sur support électronique,

et en particulier dans le secteur des services. A l’opposé du secteur des

nouvelles technologies, de nombreuses industries ont donc énormément

souffert de ce revirement économique. L’imprimerie et la presse par exemple

sont en très grande difficulté, et ce de part leur caractère « matériel » qui ne

suit pas la tendance du moment. La nouvelle économie n’est donc pas

favorable à tout le monde, et verra peut-être des secteurs d’activité

disparaître totalement.

Mais malgré ce constat sectaire, force est de constater que la plupart des

productions de biens matériels ont continué à augmenter en volume dans les

pays développés. D'autre part, les produits électroniques sont eux-mêmes

matériels. Ainsi l’immatériel à besoin de la matérialité pour exister et se

développer. Au finale, nous n’avons pas rendu l’économie immatérielle, nous

l’avons enrichie d’un nouveau modèle, une nouvelle dimension numérique et

complexifiée. La nouvelle économie serait donc un mythe apparu à la suite

de l’incroyable bulle internet.

Mais l’économie, qu’elle soit dite « nouvelle » ou « traditionnelle », matérielle

ou immatérielle, reste l’économie d’une société en mouvement, qui se doit

de s’adapter et donc de faire évoluer son modèle et sa structure.

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57 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

2.3.1. Evolution du système économique et

nouveaux usages numériques

La dématérialisation de la monnaie et des moyens de paiement en général a

commencé à la fin des années soixante, avec les virements automatisés. Elle

s'est ensuite étendue aux effets de commerce et à l'ensemble des virements

interbancaires existants.

Aujourd'hui la globalisation et la technologie monétaire bousculent le

marché et l'on voit progresser une autre forme de moyen de paiement

dématérialisé : la monnaie électronique.

Nous allons ici étudier plusieurs moyens de paiement, qu’il soit papier ou

numérique afin de comprendre leur utilisation et juger de leur utilité.

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58 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

2.3.1.1. Monnaie tangible et matérielle

2.3.1.1.1. Monnaie fiduciaire

Description

Commençons par les formes “traditionnelles” de la monnaie. Elle peut

prendre deux formes :

- La monnaie métallique ou divisionnaire : Elle est formée par l’ensemble

des pièces dont la valeur n’est pas déterminée par la quantité de

métal qui les compose

- La monnaie fiduciaire : Elle est constituée des billets de banque et des

pièces, elle comprend donc la monnaie divisionnaire et représente à

elle seule la monnaie dite “traditionnelle” de notre société, c’est à dire

la monnaie matérielle et tangible. Il est à noter que, de nos jours, la

monnaie fiduciaire est en recul face aux instruments de paiement

dématérialisés, mais toujours présente et prioritaire pour des petits

achats du quotidien.

Avantages

Tiré du latin fiducia, le terme fiduciaire signifie “confiance”. Et c’est ici

l’avantage majeur de cette forme de monnaie. Il est vrai que la matérialité

de la monnaie fiduciaire, pièces et billets, l’inscrit dans la réalité de notre

monde et de notre économie. Pour les utilisateurs, elle représente

littéralement et visiblement leur richesse. Ils peuvent la toucher, la conserver,

la compter. Ici le papier des billets est symbole de sécurité, de pérennité et

surtout d’existence pour les consommateurs.

Au delà de ce sentiment de confiance, la monnaie fiduciaire est généralisée

à tous les échanges physiques, elle est donc acceptées dans tous les types

de commerces IRL (In Real Life). Un billet ou une pièce ne seront jamais

refusés par un commerçant, à l’inverse d’un chèque ou d’une carte

bancaire (exemples : minimum d’achat ou nécessité d’un lecteur ou d’un

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59 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

équipement particulier).

Limites

Les freins à la monnaie fiduciaire sont très réduits car, comme nous l’avons vu,

en tant que moyen de paiement « traditionnel », elle représente la normalité,

la praticité et la simplicité de l’habitude et de la connaissance.

La principale dérive de cette monnaie est une dérive judicaire : les faux

billets. En effet, les billets ne sont au final que de simples bouts de papier

imprimés. Il est donc physiquement possible de les copier, de les rééditer à

l’identique ou presque pour ainsi créer une fausse monnaie, utilisable tout de

suite et partout, et surtout très facilement. En effet, sauf matériel spécifique,

un commerçant ne pourra pas reconnaitre et identifier un faux billet d’un vrai

et il pourra passer de mains en mains, sans que la fraude ne soit remarquée.

Dans l’optique de réduire ces fraudes le BCE et les banques centrales

nationales de l’Eurosystème ont lancé le 2 mai dernier une nouvelle série de

billets en euros. Afin d’assurer l’intégrité de la monnaie européenne et la

confiance du public, cette dernière se compose de signes de sécurités

améliorés pour des billets encore plus sûrs. Les nouveaux billets en euros sont

très sophistiqués et bénéficient des dernières avancées technologiques pour

offrir une meilleure protection contre la contrefaçon. Le but est de

promouvoir l’autoprotection des billets par les établissements bancaires et les

professionnels manipulant de la monnaie pour compliquer la tâche des

faussaires. Ainsi la lutte contre les faux billets sera soutenu par les « victimes »

même, et non plus limitée aux Autorités.

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60 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

La deuxième limite est aussi une limite légale. En effet en cas de vol de

portefeuille, il n’existe aucun recours à l’utilisation par le coupable de cet

argent et aucune assurance de ce dernier. Il n’y a donc pas de “sécurité” de

la monnaie fiduciaire.

La dernière limite de la monnaie fiduciaire ne concerne plus l’utilisateur, mais

l’Etat et les entreprises. Il est vrai que ce mode de paiement engendre des

coûts de gestion et de fabrication extrêmement élevés. C’est en ce sens que

la Commission Européenne a annoncé le 14 mai dernier qu’une enquête

était actuellement menée sur l’utilité et l’avenir même des pièces de 1 et 2

centimes, dites « non rentables » sur un rapport utilisation/prix de revient. En

effet, depuis 2002, les pièces de 1 et 2 centimes d’euro auraient couté près

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de 1,4 milliard de plus à produire que leur valeur réelle. Mais ce chiffre, aussi

élevé soit il ne reflète entièrement pas la valeur économique de ces pièces,

qui ne se limite pas à leur cout de fabrication mais aussi à leur valeur

d’échange sur le marché. Cette valeur découlant directement de la vitesse

de circulation de la monnaie, et partant du principe que les centimes d’euros

sont largement utilisés pour les petits achats du quotidien, nous pouvons donc

dire que leur nécessité dans l’économie va plus loin que leur simple prix de

revient.

Un débat s’est ainsi ouvert sur cette question. Trois options sont envisagées

pour ces petites pièces rouges, l’émission à coûtes réduits, le retrait rapide, ou

la suppression progressive.

Il est à noter que la Finlande et les Pays-Bas ont déjà arrêtés de fabriquer ces

pièces pour leur marché intérieur. C’est à dire que ces deux pays en

produisent encore mais uniquement pour les autres pays de l’Europe, ce qui

prouve que la demande est toujours présente et importante au sein de

l’espace Schengen.

Son caractère physique est donc à la fois source de points positifs et négatifs

: il est à la fois réel pour l’utilisateur et donc synonyme de confiance, mais il

est aussi copiable et dérivable. Et cette notion d’insécurité est de plus en plus

rependue chez les acheteurs, qui préfèreront se tourner vers d’autres moyens

de paiement lors d‘achats conséquents pour éviter d’avoir « trop de liquide

sur eux ».

2.3.1.1.2. Monnaie scripturale

Description

Il est vrai que par définition la monnaie scripturale représente une monnaie

qui n’est pas tangible, c’est à dire une monnaie qui n’existe pas en tant

qu’unité de valeur financière, mais qui est créée par les banques par un

simple jeu d’écriture. Néanmoins, nous allons admettre le chèque comme

forme de monnaie matérielle, car même si derrière le flux d‘argent se fait

informatiquement, et donc numériquement, il reste dans l’inconscient

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collectif un support tangible, de la même manière qu’un billet auquel nous

pourrions donner n’importe quelle valeur.

Avantages

Le chèque a été créé pour répondre aux limites de la monnaie fiduciaire. Il

permettait alors d’effectuer des paiements à n’importe quel montant en

toute sécurité car ce dernier requiert la notification écrite du montant et

surtout la signature de l’acheteur. Il apparaissait donc comme une solution

alternative pour les grosses dépenses. De plus le chèque apporte une légère

liberté temporelle, le débit ne s’effectuant qu’au moment de son

encaissement, il existe donc un délais entre l’acte d’achat et le prélèvement

bancaire.

Limites

Mais dans la réalité, les choses se sont avérées plus compliquées. Ainsi des

abus sont apparus, que ce soit des détournements de chèque, des chèques

en bois ou autres. C’est pourquoi aujourd’hui le chèque est un mode de

paiement en voie de disparition, refusé par de nombreux commerçants, ou

fortement réglementé, présentation de la carte d’identité du payeur ou

montant limité par exemple.

2.3.1.2. Monnaie numérique

Tout comme la monnaie matérielle, il existe différents types de monnaies

numériques, et ils en existent de plus en plus. En effet le système financier et

bancaire de notre économie ne cesse d’évoluer dans ce sens et de créer

encore et toujours de nouveaux modes de paiement, plus innovants et

inventifs.

2.3.1.2.1. Carte bancaire (ou puce)

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Description

La carte bancaire a été une réelle révolution dans le monde des achats et

des ventes. Véritable libération financière, elle a permis, aussi bien aux

professionnels qu’aux particuliers, d’effectuer n’importe quel achat, à

n’importe quel montant, à partir d’une simple carte, rangée dans son

portefeuille. Aujourd’hui la carte bancaire représente le mode de paiement

le plus utilisé par les Français. Et en tant que tel, ce dernier a su évoluer depuis

sa création pour répondre aux attentes et aux réticences des acheteurs, et

c’est grâce à cette force d’adaptation que la carte bancaire a tiré tout son

succès et sa pérennité.

Avantages

Les avantages de la carte bancaire sont très nombreux :

- Simplicité : une carte, un code.

- Praticité : tous les échanges monétaires sont permis, de compte à

compte, sans passer par la case retrait et dépôt.

- Rapidité : que ce soit du côté de l’acheteur ou du vendeur, le

paiement est réalisé en quelques secondes set le transfert d’argent de

compte à compte est lui aussi quasi instantané.

- Généralisation : de nos jours la quasi totalité des commerçants IRL sont

équipés pour accepter la carte bancaire, et au niveau des échanges

URL la carte bancaire reste le mode de paiement privilégié de part sa

nature numérique.

La carte bancaire a vraiment été pensée pour la meilleure expérience

acheteur quel qu’il soit, et elle a toujours évoluée dans ce sens. Ainsi, son

caractère personnalisable lui a permis de séduire toutes les générations :

virement hebdomadaire limité, découvert autorisé ou non, cotisations, carte

jeune ou premium…

Adoptées par tous, elle a transformé les attitudes de chacun au fil des

années. Il est vrai que l’utilisation de la carte bancaire a apporté un nouveau

rapport à l’argent. En effet cette possibilité « infini » d’achat a su pousser les

utilisateurs a être d’autant plus vigilents à leur dépenses et à l’état de leur

compte bancaire, auquel l’accès s’est totalement ouvert via cette carte.

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Limites

C’est envers ce nouveau rapport à l’argent que la carte bancaire tire son

principal défaut. En effet la matérialité des pièces et des billets ancrait

chaque dépense dans la réalité. A l’inverse l’immatérialité des paiements par

carte bancaire offre à ces derniers une certaine légèreté et facilité qui

effacent leur caractère transactionnel. L’utilisateur perd la notion de ses flux

monétaires et le contrôle de ses dépenses. Mais les banques ont très vite

répondu à ces dérives en proposant des options et services supplémentaires

à leur produit : envoi d’SMS en cas de découvert, relevé bancaire mensuel

par courrier ou e-mail, limitation en tout genre… Bref tout pour ne plus perdre

le contrôle de son argent.

Une seconde limite est à noter, celle de la confiance et de la sécurité. En

effet aux débuts de la carte bancaire certain utilisateur se sont montrés

réticents à l’adoption ce nouveau genre de paiement justement sur le

principe que la carte bancaire est directement liée à sa banque et à son

compte, et donc à toutes ses informations financières. Malgré des dispositifs

sécuritaires très développés, l’inconscient collectif à du s’acclimater à ce

nouveau process. Aujourd’hui cette réticence ne concerne qu’une très

petite partie de la population et la carte bancaire est totalement rentrée

dans les mœurs, même si elle n’est pas à l’abris d’un retournement de

l’opinion publique en cas de crack ou de bug.

Il est vrai que la technologie est toujours saluée en cas de progrès mais

montrée du doigt en temps de crise.

2.3.1.2.2. Paypal (idem pour Google Chekout)

Description

PayPal est un service de paiement en ligne qui permet de payer des achats,

de recevoir des paiements, ou d’envoyer et de recevoir de l’argent. Pour

bénéficier de ces services, une personne doit transmettre diverses

coordonnées financières à PayPal, tel que le numéro de carte de crédit. Par

la suite, les transactions sont effectuées sans avoir à communiquer

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d’informations financières, une adresse de courrier électronique et un mot de

passe étant suffisants.

Avantages

Ce mode de paiement créée en 1998 a été inventé en réponse aux limites

sécuritaires, qu’elles soient réelles ou non, de la carte de crédit. En effet,

n’étant pas relié directement à un compte, le service que propose PayPal est

de payer en ligne sans communiquer des données sensibles, en s’identifiant

simplement avec son adresse électronique et un mot de passe.

Limites

Il existe plusieurs freins à l’utilisation de ce mode de paiement. Tout d’abord il

est limité aux paiements en ligne, ce qui lui impose la position d’instrument de

paiement de second plan, complémentaire à un autre. Deuxièmement,

malgré une promesse de sécurité et d’intégrité des données financières de

ses souscripteurs, des faussaires envoient régulièrement à de nombreuses

adresses mail des invitations de vérification de leur compte PayPal. Ces

messages leur permettent de récupérer des numéros de carte bancaire,

ainsi que leur cryptogramme, le nom de leur titulaire et la date d’expiration.

Ces informations étant saisies sur un faux site « PayPal » par la personne ayant

reçu le mail frauduleux et les faussaires peuvent ensuite utiliser ces données

volées à des fins malhonnêtes.

2.3.1.2.3. Porte-monnaie électronique

Description

Le porte-monnaie électronique (ou PME) est un dispositif qui permet stocker

de la monnaie sans avoir besoin d'un compte bancaire et d'effectuer

directement des paiements sur des terminaux spécifiques. Il peut prendre

différentes formes, la carte prépayée étant la plus rependue, mais on peut

aussi le retrouver en clés USB ou sur téléphone mobile.

En France, l’exemple le plus développé est celui de Moneo.

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Avantages

La vocation de ce dispositif est :

- Pour les banques de limiter le besoin de fournir des billets et des pièces

de monnaie, dont la gestion est beaucoup plus coûteuse (comptage,

conservation, transport, etc.) que le traitement d'écritures

informatiques, et également de toucher une population non

bancarisée, c'est-à-dire ne disposant pas de compte bancaire.

- Pour les commerçants de diminuer la très coûteuse gestion des pièces

métalliques (fonds de caisse à conserver, comptages, manipulations,

transport), restreindre le risque sur les chèques et profiter d'un moindre

coût que celui de la carte bancaire (pas de rapport à un institut

bancaire)

- Pour les usagers il s’agit de se simplifier la vie, qu’ils soient ou non

bancarisés. Mais les avantages théoriques sont minces : réduire

l'encombrement des pièces et des billets ; éviter d'avoir à se munir de

cartes affectées à un type de prestation (parking, vélib, restaurant

d'entreprise) en les réduisant sur un seul support, pallier très facilement

tout manque de monnaie momentané.

Limites

Les craintes devant une nouvelle technologie mal connue réduisent l'attrait

de la formule. De plus l'obligation de se déplacer pour recharger ou de le

faire devant tout le monde à la caisse, alors que les montants chargeables

sont très faibles (100 euros) et les montants payés faibles (moins de 60 euros)

est également un frein puissant. L'intégration dans un téléphone portable

permettant de recharger sur demande à pour vocation de nature à réduire

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67 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

ce dernier inconvénient mais seul le temps couplé à des efforts d’information

et de communication sur ce nouveau mode de paiement aura, ou non,

raison du portefeuille électronique.

2.3.1.2.4. Réductions et fidélisation numérique

Après l’apparition de ces différents modes de paiement numériques, une

dernières nouveauté a été récemment lancée sur le marché : celle des

coupons vde réduction virtuels. On peut ainsi citer les services de Fidall ou

Fidme, qui ont respectivement séduit 2 millions et 1,45 millions d’abonnés.

La dématérialisation a ainsi touchée aussi les cartes de fidélité en

développant le concept même de portefeuille électronique. On peut

compter environ 100 000 utilisateurs supplémentaires de ces nouveaux porte-

cartes digitaux tous les mois. Et comme preuve de ce nouvel engouement

des marques, mais aussi des acheteurs, Apple a créer une nouvelle

application « Passbook », directement incluse à l’IOS 6. La fonctionnalité de

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68 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

cette application est de permettre aux consommateurs de centraliser

l’ensemble de leurs cartes de fidélité ou coupons de réduction dans leur

smartphone.

Et en ajoutant les caractéristiques propres du téléphone mobile permet

d’aller encore plus loin dans les programmes de fidélité. Grâce à la

géolocalisation par exemple un mobinaute peu recevoir une alerte

promotionnelle sur son smartphone en passant à proximité d’une boutique

dans laquelle il serait client.

Malgré toutes ces nouvelles possibilités offertes au smartphone et au

numérique la carte physique a encore de beaux jours devant elle. Pour le

fondateur de Testntrust.fr, Thierry Spencer, « l’avenir ne se trouve pas dans la

dématérialisation totale ». Il est vrai que la dimension sociale qu’il existe dans

la possession d’une carte ne peut pas transparaitre dans le virtuel, ainsi que le

lien physique que le client doit entretenir avec la marque pour la garder à

l’esprit.

La solution serait donc de coupler carte physique et carte numérique, pour

un double prolongement de la relation client, IRL et URL.

2.3.1.2.5. Paiement via un mobile : M-Payment

Description

Le M-payment est un dérivé du porte monnaie électronique.

Malgré une image de « nouvelle technologie en cours de test », cette

technologie de paiement mobile sans contact, ou technologie NFC, est

maîtrisée depuis longtemps. Pourtant, en France, cette technique vogue

toujours de phases d’essai en phases d’essai... Mais s'il finit par arriver, le

paiement sans contact mobile pourrait bien révolutionner les usages, les

rapports à la monnaie et l'acte d'achat.

L’objectif du M-Payment est de remplacer la monnaie et les espèces pour

tous les petits paiements de la vie quotidienne.

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69 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Avantages

Du côté des utilisateurs, une simplicité absolue : une puce spéciale intégrée

aux téléphones et un nouveau type de lecteur équipe les caisses. Il suffit juste

de passer le mobile sur le lecteur pour que la somme soit débitée

directement du compte bancaire de l’acheteur. Dans une société ou le

téléphone portable est omniprésent et multi-usage, il semble ingénieux de lui

conférer une « mini » fonctionnalité financière.

Ainsi, selon une étude ING Direct menée en partenariat avec BVA et réalisée

en 2011, 2/3 des Français pensent que l'avenir de la banque est sur le mobile.

Près d'une personne sur trois se déclare intéressée par l'utilisation du paiement

mobile (31%), 57% des sondés jugeant cela pratique et 53% considérant qu'il

s'agit-là d'une véritable innovation, un véritable progrès pour l’Homme.

Et du côté des banques, le m-paiement représenterait un marché

considérable sachant que les instituts bancaires pourraient prendre un

pourcentage d’environ un pourcent sur chaque petit paiement. C’est

pourquoi Visa, a investit ces derniers mois près de 2 milliards de dollars dans la

mise en place du paiement par mobile.

Suivant ce nouveau mode paiement révolutionnaire et dans une optique

d’intégration totale, le nouvel hypermarché Leclerc de Levallois ainsi que le

Casino du 16° arrondissement de Paris proposent à leur client une

expérience d’achat et de paiement 100% sans contact. Muni d’un téléphone

compatible NFC, l’acheteur est invité à télécharger une application à son

arrivée dans le magasin. Puis, comme avec un scan express, il peut

commencer à scanner ses articles dans les rayons en passant son appareil

devant les codes barres des produits. Le règlement s’effectue de la même

façon à la caisse, toujours via son smartphone, et rien d’autre. Deux mots

d’ordre pour ce nouveau dispositif : Intuitivité et Simplicité. Les courses sont

ainsi en phase de rentrer dans une nouvelle aire et seule le temps nous dira si

oui ou non ce nouveau genre d’hypermarché se globalisera à l’ensemble

des chaines du territoire.

Limites

La difficulté majeur de ce futur mode de paiement sera d’accorder tous les

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70 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

acteurs de ce système :

les différentes marques de mobile qui doivent développer les

terminaux pour pouvoir insérer les puces,

les opérateurs qui doivent créer des systèmes de carte SIM qui

n’obligeraient pas les individus à changer de portables

et les commerçants qui doivent se décider à l’utilisation de caisses

spécialisées, qui ne sont pas gratuites.

Mais tout progrès technologique s’accompagne de nombreuses

adaptations, et cela prend du temps. Mais avec l’enthousiasme des

consommateurs, ce mode de paiement devrait grandir dans les années a

venir.

Les monnaies virtuelles et électroniques prennent une place grandissante

dans nos règlements financiers. L’argent immatériel domine largement les flux

monétaires puisque la monnaie scripturale représente aujourd’hui en valeur

l’écrasante majorité des transactions (plus de 80%). L’argent devient donc

invisible, intangible. Il nous échappe puisqu’il ne passe plus d’une personne à

l’autre mais d’un compte numérique à l’autre. Et plus encore, même les

instruments permettant le transfert de la monnaie scripturale se

dématérialisent et ne circulent plus entre nos mains.

Dématérialisée, éventuellement anonyme mais néanmoins traçable,

circulant entre les agents par la voie du réseau mondial, la e-monnaie serait

globale, alors qu’il n’existe pas de monnaie de banque globale. Elle

permettrait aussi de réduire les coûts de transaction et les coûts de gestion

des systèmes de paiement qui sous-tendent une grande partie des frais

bancaires, source de revenus croissants pour les banques et objet de

contestations de la part de leurs clients. Les dépôts de e-monnaie pourraient

même être automatiquement rémunérés, grâce à des logiciels ad hoc,

conférant à cette monnaie électronique un statut d’instrument financier.

Les nouvelles technologies ont apporté une dimension supplémentaire à ces

supports que l’on pourrait dire « à matérialité constante et valeur ajustable »,

en ajoutant à cette caractéristique le « court-circuitage » de l’espace-temps.

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71 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

La valeur est non seulement ajustable, mais le support matériel est réutilisable

à l’infini. Ceci est lié au phénomène de la monnaie immatériel : des

mouvements peuvent s’opérer de compte à compte, sans mettre en jeu

aucune circulation physique de monnaie, quelle qu’elle soit, dans le temps et

l’espace.

Dans tous les cas et sous toutes ses formes, cette dématérialisation a vraiment

pour but de renforcer la sécurité du consommateur et de réduire le temps

d'attente des clients pour leur plus grande satisfaction. Il est vrai que cette

évolution de la monnaie et du système financier de notre économie crée des

changements pratiques dans la vie quotidienne des Hommes et a bouleversé

leurs habitudes d’acheteurs.

Ainsi l’avenir du paysage de l’économie et de la monnaie se dessine avec

l’avancée de la dématérialisation. Les moyens de paiement évoluent vers

plus d'instantanéité, plus de globalité et moins de bancarisation. La

dématérialisation des moyens de règlement en particulier et des documents

en général ne fait que commencer et les entreprises et organisations vont

devoir anticiper les futures évolutions et faire des choix aussi bien stratégiques

que technologiques en ce sens.

Comme Laurence Raineau, auteur de L’utopie de la monnaie immatérielle,

nous pouvons dire que « il y aurait donc un « destin » de la monnaie à se

dématérialiser ».

Et si aujourd’hui les espèces, les chèques, les cartes et les virements bancaires

se partagent encore la quasi-totalité des 5,1 trillions d’euros des échanges

monétaires effectués chaque année en France, particuliers et professionnels

confondus), les 5 prochaines années devrait voir les moyens de paiement

vont évoluer encore plus vite et les frontières qui les séparent bouger de

manière spectaculaire..

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72 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

2.3.2. E-commerce

2.3.2.1. Nouveau système d’échanges

Un commerce d’un nouveau genre

On appelle commerce électronique le commerce à distance réalisé par voie

digitale grâce aux réseaux informatiques, et en particulier Internet, qu’il

s’agisse de relations commerciales B to C, B to B ou C to C.

Qui change…

Cette nouvelle forme d’échange a totalement réinventé le principe

traditionnel du commerce. Ici une entreprise peut vendre ses produits ou ses

services de manière permanente, internationale et sans interruption. Le client

peut commander de chez lui en toute tranquillité, n’importe quel produit ou

service.

… Mais qui marche !

En France et dans le monde entier, le commerce en ligne s’est véritablement

envolé. Pour 35 500 sites marchands en 2007, on en compte en 2011 plus de

100 400, et 109 800 en 2012, soit une augmentation de 183% en à peine 4 ans.

Et en terme de chiffre d’affaires, le poids de ce marché est passé de 16

milliards d’euros à 37,7 milliards, soit une hausse de 135,6% sur la même

période.

Si nous nous réfèrons au classement mondial Octobre 2011 des sites internet

en terme d’audience, nous pouvons retrouver plusieurs sites marchand dans

le Top 30, preuve de leur intégration et de leur montée en puissance dans le

paysage Internet.

Page 73: Un monde sans papier est-il un monde en progrès ?

Selon l’étude publiée par la Fédération de e-commerce et de la vente à distance

(Fevad) et menée auprès de 110 000 sites marchands, le marché des ventes sur

internet continue d’augmenter malgré un contexte économique difficile, avec une

hausse de 22% entre 2011 et 2012. Cette croissance de marché est tirée vers le haut

par l’arrivée continuelle de nouveaux acteurs qui multiplient les occasions d’achats

pour les consommateurs, tout en renforçant la concurrence entre les acteurs du

secteur.

En France, eMarketer prévoit une hausse du l'e-commerce de 12,3% en 2013. Le

secteur se porterait à 27,41 milliards d'euros de chiffre d'affaires en BtoC. La France

est le troisième marché e-commerce en Europe, juste après le Royaume-Uni et

l'Allemagne. En 2016, les ventes en ligne BtoC du territoire devrait atteindre un chiffre

d’affaires de 38,57 milliards d'euros

Pourquoi ?

Une telle augmentation et un tel engouement pour les ventes en ligne sont en partie

alimentée par le nombre important de cyberacheteurs, qui devraient représenter

75,2% des internautes français en 2012 contre 71,2% en 2011. Mais elle résulte

également de la pression économique que subissent les consommateurs français,

qui les incite à aller, chercher, comparer et trouver de meilleurs prix en ligne.

1. Google

2. MSN

3. Facebook

4. You Tube

5. Orange

6. Free

7. Yahoo

8. Pages Jaunes

9. Leboncoin

10. SFR

11. Internautes Magazine

12. Overblog

13. auFéminin

14. TF1

15. Amazon

16. Blogger

17. Dailymotion

18. eBay

19. Groupe 3SI

20. CommentCaMarche

21. PrinceMinister

22. Le Figaro

23. Doctissimo

24. Mappy

25. France TV

26. Météo France

27. Voilà

28. ViaMichelin

29. Cdiscount

30. Fnac

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74 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Différentes formes de commerce en ligne

Mais aujourd’hui le e-commerce ne se limite plus uniquement aux sites internet et se

décline sous plusieurs versions :

- E-commerce : E pour Electronique. C’est le e-commerce en ligne classique,

via un ordinateur.

- M-commerce : M pour Mobile. C’est le e-commerce mobile, via une tablette

ou un smartphone et à partir d’un site web mobile ou d’une application

dédiée.

- F-commerce : F pour Facebook. C’est le e-commerce dans Facebook

généralement accessible depuis la page officielle du e-marchand.

- L-commerce : L pour Local. Une application mobile vous alerte en temps réel

sur les bons plans des magasins qui sont à proximité grâce à la

géolocalisation.

- T-commerce : T pour Télévision. Nouvelle forme de e-commerce (à l’initiative

du géant IKEA) qui permet via une TV spécifique de commander depuis sa

télécommande un produit présent à l’image.

Produits et services du e-commerce

Bien entendu, tous les produits et services ne se vendent pas et surtout ne s’achètent

pas pareil sur Internet. Il existe des biens favorbles à l’achat en ligne, et d’autres qui

le sont moins :

Produits/Services achetés en ligne au cours de 6 derniers mois en % des internautes

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75 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

E-shopper, profil d’acheteur et comportement d’achat

Avec l’apparition de ce nouveau commerce électronique, le Shopper a également

changé : son pouvoir d’achat est en baisse, n’aime plus les distributeurs, se méfie

des marques et du marketing, souhaite consommer mieux, veut toujours payer

moins, ferait bien un geste pour la planète, et passe sa vie sur internet à se faire un

avis sur tout...

En effet, aujourd’hui l’acheteur évolue dans un monde en plusieurs «dimensions » :

Dimension psycho-sociologique, liée à la globalisation, la montée du

développement durable, du made in France, et des crises...

Dimension technologique, liée à la profusion d’outils technologiques et au

nombre accru de points de contacts…

C’est pourquoi il est devenu capricieux et difficile à cerner, sous l’influence de

plusieurs éléments et avec des attentes qui ont évoluées en terme de :

- Expérience / interactivité : le shopper cherche à se faire sa propre expérience,

partout, tout le temps, hors et en ligne.

- Proximité / Drive to shop : accessibilité, facilité, pour faire accéder le shopper

au point de vente, IRL ou URL.

56%

53%

49%

44%

35%

24%

23%

18%

17%

16%

13%

12%

Voyage / Toursime

Services

Produits culturels

Habillement / Modes

Produits techniques

Univers de la maison

Beauté / Santé

Jeux / Jouets

Petit / Gros électroménager

Alimentation / Grande consommation

Matériels de sport

Equipements automobiles

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76 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

- Point de vente (réel / virtuel) : l’expérience se construit aussi dans le point de

vente, et la visite incite à l’achat.

- Fidélité : au-delà de l’achat, il s’agit de favoriser « l’engagement » du shopper

de façon régulière à l’enseigne

Ainsi un nouveau processus d’achat est apparu : le RoPo (Research Online Purchase

Offline). Il faut savoir qu’aujourd’hui 80% des acheteurs vont sur Internet avant

d’acheter en magasin. On découvre alors des réflexions d’achat tel que “Je

prépare mes achats avant d’aller en boutique” ou à l’inverse “Je choisis en magasin

avant d’acheter en ligne à un meilleur prix” par exemple.

Mais l’adoption d’un comportement multi et cross-canal n’est pas sans

conséquence sur le processus de choix d’un point de vente par les acheteurs :

- Chaque client construit son parcours à sa façon, et selon son mode de vie et

ses expériences (à travers les marques, la société, les autres consommateurs et

les distributeurs).

- Le choix d’un point de vente résulte d’une évaluation entre les caractéristiques

perçues de l’enseigne / de la marque et les critères d’évaluation de l’acheteur

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77 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

(accueil, avantages, choix, prix, services).

- Le point de vente physique reste le canal préféré pour l’achat.

C’est le produit ou le service, plus que le canal de vente qui fait l’objet de

l’évaluation. Mais le Shopper se souvient de la marque et de son point de vente

selon son expérience. C’est pour cela que les commerçants, qu’ils soient URL ou IRL,

ont du développer de vrais stratégies.

Omniretail et Stratégie cross canal

Nous l’avons vu, les magasins physiques restent au cœur de la vie quotidienne des

Français. Quatre Français sur cinq les fréquentent au moins une fois par semaine et

les boutiques IRL restent le moyen d’achat le plus répendu d’après une enquête

IPSOS de février 2012. Toutefois, à l’ère de l’omniretail, autrement dit de la

démultiplication des canaux de vente, l'e-commerce n'est pas en reste (16 % des

Français y ont recours au moins une fois / semaine).

De plus, l’étude PISOS pointe également l’émergence du drive : un Français sur dix a

ainsi retiré ses courses en voiture après les avoir sélectionnées sur Internet au cours

des 12 derniers mois.

Quant à l’achat sur tablette, un quart des possesseurs de ce type de technologie

l'ont utilisée pour effectuer un achat, et 12 % des personnes équipées d'un

smartphone l'utilisent pour acheter.

Ce baromètre démontre ainsi que l’omniretail est en train de s’inscrire de plus en plus

dans les habitudes et comportements de consommation des Français, qui vont

fréquenter 4,7 types de points d’achats différents en moyenne chaque année. Il faut

donc prendre conscience qu’il n’y a pas pour une personne donnée un processus

unique d’achat. Chaque consommateur a, en réalité, plusieurs parcours.

Les marques et les distributeurs doivent alors être sensibilisés sur les attentes globales

des Shoppers : de l’instantanéité, de la pertinence, de la participation et de la

transparence. Et ils doivent en parallèle se sensibiliser à de nouvelles données à

prendre en considération. Par exemple, le M-Commerce permet de savoir où est

l’acheteur en temps réel, le E-Commerce et son système de cookies permet de

savoir ce qu’il aime et ce qu’il recherche.

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Et surtout ce nouveau commerce électronique permet de faire émerger de

nouvelles solutions pour mesurer le ROI des actions menées (taux d’achat, de

conversion, panier moyen, ration acquisition / conversion, etc.). Ainsi au-delà des

données liées au trafic, au nombre de pages vues ou au nombre de fans... Il faudra

créer de nouveaux indicateurs de vente, spécifique à ces nouvelles formes d’achat,

même s’il reste encore très compliqué de définir quel canal a fait vraiment vendre

lors d’un achat.

Pour faire face à temps de nouveauté, des stratégies de vente et de marketing ont

été mis en place pour répondre spécifiquement à ces nouvelles problématiques

shopping, qui permettent de créer un mix de canaux pertinent, fonction de la cible

et de l'objectif :

- Les canaux online, offline et mobile sont utilisés pour les stratégies de

fidélisation, le on et off étant plutôt préférés au mobile pour des envois

personnalisés et des clients fidèles.

- Le online reste le canal privilégié pour du recrutement, des envois massifs, et

tout particulièrement d'e-newsletters.

- Les annonceurs se servent du online et mobile pour les cibles jeunes

- Le offline est aujourd'hui réservé aux consommateurs à fort potentiel et pour

diffuser des catalogues

On peut ainsi remarquer qu’une attention particulière est portée à la mobilité, réel

levier de croissance pour l’avenir du commerce numérique.

La clé de voute de ces nouvelles stratégies est de se baser sur la « shopper

experience » et les nouveaux usages de la consommation. C’est une approche

totalement recentrée sur le client, qui construit l’environnement d’achat à partir du

consommateur et non plus l’inverse.

La seconde clé est la transversalité. Autrement dit, ne pas penser chaque point de

contact indépendamment les uns des autres, mais dans une logique plus globale.

Une stratégie cross canal réussie, c’est en fait un commerce qui donne envie à un

consommateur qui surfe sur le Web (via un ordinateur, une tablette, ou encore son

mobile), de se rendre ensuite dans un magasin physique. Pour cela, il y a également

des innovations comme tous les services SoLoMo (Social/Local/Mobile), que ce soit

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la géolocalisation, le couponing ou encore le partage d’expérience d’un

consommateur via les réseaux sociaux. Mais l’inverse est également vrai dans cette

stratégie cross canal. Cette stratégie “Cross Channel” permet au Shopper de

changer de canal dans les meilleures conditions possibles tout au long de son

processus de décision.

Paradoxes du e-commerce

Au final nous pouvons tout de même observer 5 paradoxes e-acheteur à ce

nouveau genre d’échange :

- Physique / virtuel : « je veux pouvoir manipuler et essayer les produits avant de

les acquérir... mais je veux aussi les acheter très rapidement sur internet » (ou

grâce aux nouvelles technologies).

- Forme / fonction : « je souhaite effectuer une transaction rapide... mais je veux

aussi vivre une expérience digitale riche ».

- Personnalisation / confidentialité : « je veux utiliser mon GPS pour localiser et me

rendre dans la boutique la plus proche... mais je refuse que les entreprises me

géo-localisent ».

- Personne / persona : « je veux qu’on me reconnaisse... mais je ne veux pas que

mes données personnelles soient exploitées par les entreprises ».

- Choix / recommandation : « je veux avoir du choix et bénéficier d’offres

personnalisées... mais un trop large éventail d’options me déconcerte ».

2.3.2.2. Nouveaux litiges et Nouvelles réglementations

Cette nouvelle forme de commerce a ouvert un nouveau territoire juridique à

appréhender afin d’assurer les bonnes pratiques et régler les nouveaux litiges

commerciaux, rendus de plus en plus complexes à cause du caractère digital de ce

nouveau genre échange.

Les règles qui protègent le consommateur en matière de contrat à distant sont

applicables au commerce en ligne, mais il s’y ajoute des règles de protection

spécifiques au e-shopping.

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Encadrement du commerce électronique

L’objet du commerce électronique peut être une vente ou une prestation de

services. Le commerce e ligne s’adressant à tous, partout dans le monde, la

Commission de Nations unies pour le droit commercial international (CNU-DCI) a

élaboré des lois types qui ont inspiré les directives communautaires.

Au niveau des lois françaises, la loi pour la confiance dans l’économie numérique

(LCEN) pose le principe de transparence de l’information à destination de

l’acheteur, l’encadrement de la publicité en ligne et les conditions de formation du

contrat de vente.

Information de l’acheteur et obligation de transparence

Plusieurs prérogatives très précises sont alors imposées au cybercommerçant afin de

protéger l’acheteur :

- L’offre électronique doit respecter l’ordre public :

o pas d'éléments illicites (vente d'un produit ou service illicite)

o pas d’incitation à la commission d'un crime ou d'un délit

o pas de propos racistes et discriminatoires

o pas de propos injurieux,

o pas d’atteinte à la vie privée ou aux droits à l'image de personnes

o pas d’atteinte aux droits d'auteurs.

- Pour une démarche par envoie de messages électroniques à des fins de

prospection directe, elle doit être subordonnée à l’accord préalable du

destinataire (personne physique) ou utiliser d’un « fichier client » constitué à

partir de coordonnées fournies par les personnes lors d’une vente antérieure.

Les personnes doivent pouvoir se désabonner d’un fichier client. Le message

électronique doit toujours fournir l’identité de l’expéditeur ainsi qu’une

adresse.

L’obligation préalable et générale d’identification du commerçant se justifie

par le fait que les parties de sont pas en présence, et qu’il faut donc pallier à

cette « non-connaissance » du vendeur par l’acheteur.

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81 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

- Le vendeur est tenu d’une obligation de loyauté et de transparence du

envers le consommateur. Il doit lui fournir des informations claires, complètes

et exactes sur :

o le produit ou le service mis en vente,

o son entreprise,

o les modes de fabrication,

o l'origine du produit,

o le prix,

o les délais de livraison,

o les modalités de paiement,

o les conditions générales de vente,

o l'éventuelle dangerosité du produit,

o les conditions d'utilisation du produit,

o le service après-vente

Cette obligation de transparence permet d’éliminer toute ambiguïté et éviter

que l’e-shopper soit induit en erreur.

Particularités du contrat électronique

Formation

La formation d’un contrat électronique fait l’objet de règles propres à internet :

L’offre :

Elle doit clairement énoncer les étapes à suivre pour conclure la vente, ainsi

que les moyens techniques pour identifier et corriger les erreurs avant la

conclusion du contrat.

Le produit ou service proposé doit pouvoir être fourni pendant toute la durée

de l’offre et doit être accessible par voie électronique.

Le professionnel a intérêt à limiter son offre dans l’espace, car il est tenu de

respecter les règles nationales du pays dans lequel réside son client, ce qui

peut très fortement compliqué les dispositifs en cas de litige.

L’acceptation :

Elle se réalise par la formalité du double clic : l’acheteur doit manifester deux

fois sa volonté pour que le contrat soit conclu.

La relecture et la correction doivent être possibles après le premier clic.

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L’accusé de réception :

Il doit être adressé sans délais par l’offreur, par voie électronique. Il constitue

la preuve de la conclusion du contrat.

Forme

A ces règles de fond, le contrat électronique doit respecter des règles de forme

spécifiques à son format numérique :

La signature électronique :

Cf partie Société

L’écrit numérique :

Il doit répondre aux mêmes exigences que l’écrit papier. Le professionnel est

donc tenu à une obligation d’archivage, depuis la conclusion de contrat

jusqu’à la livraison, puis pendant 10 ans.

Exécution

L’exécution d’un contrat électronique est marquée par deux phases spécifiques :

Le paiement en ligne :

En pratique, le commerçant exige généralement le paiement de la

commande au moment de la conclusion d contrat, c’est-à-dire lors de

l’achat en ligne. Le paiement en ligne est en principe irrévocable.

Cependant l’utilisateur de la carte peut ne pas être son titulaire légitime, dans

ce cas le paiement pourra être annulé avant même réception du bien ou

service. Aujourd’hui pour ne pas se communiquer directement leur

coordonnes bancaires, l’acheteur et le vendeur peuvent s’inscrire

préalablement sur les registres informatiques d’un tiers (exemple = Paypal). Les

transferts d’argent d’effectuent ainsi via un système sécurisé.

L’exercice du droit de rétractation :

Ca droit vaut pour tous les contrats de vente à distance. Le consommateur

peut se rétracter sans motif ni pénalités dans les 7 jours qui suivent la réception

du bien acheté. Le professionnel est tenu de rembourser la totalité des

sommes versées dans les meilleurs délais et au plus tard 30 jours après

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83 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

l’exercice de ce droit de rétractation. Il existe toutefois des exceptions, par

exemple lorsque la consommation, est immédiate ou que les biens fournis sont

susceptibles de se détériorer rapidement (denrées périssables par exemple).

Un encadrement et une protection efficace ?

Aujourd’hui plus de 50% des sites de e-commerce sont en irrégularité d’un point de

vue juridique. Des sanctions ont été mise en place pour y pallier, menaces de

fermeture et application d’amendes, et la CNIL mène des actions contre les

techniques de publicité portant atteinte à la vie privée.

Avec le développement des actions de marketing ciblé, qui nécessite l’obtention de

données personnelles, et l’accroissement de la géolocalisation des internautes, une

véritable crainte du profilage des acheteurs à leur insu est apparue. Et avec elle, le

risque de marchandisation des profils individuels entre fournisseurs et annonceurs.

Ainsi la protection des cyberacheteurs reste relative et à améliorer.

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84 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Conclusion de la thématique

Comme nous venons de le voir, que ce soit dans la société, au sein de

l’administration ou dans l’économie, l’innovation ne cesse de se développer. En

France, mais aussi dans le reste du monde, le comportement citoyen change, les

mentalités évoluent, les processus d’échange et de commerce sont bousculés pour

atteindre 3 objectifs primordiaux : rendre plus facile, plus rapides et plus

économiques les démarches.

« Société de la communication », « société de l’information », « société de la

connaissance », depuis les trente dernières années ces qualificatifs mettent en avant

les conséquences sociales et économiques des évolutions technologies de

l’information et de la communication. Les TIC ont transformé nos processus de

production, mais également nos mécaniques de consommation, et avec elles le

quotidien de la plupart des habitants de notre planète. Leur introduction et leur

développement soulèvent de nombreuses questions et de nombreux débats liés à

l’ambivalence de leurs effets. En modifiant nos mécanismes économiques et

sociaux, les TIC peuvent susciter l’adhésion ou le rejet des parties prenantes. Et elles

entrainent par la même occasion de nouvelles règlementations, une nouvelle

éducation des utilisateurs et de nouvelles façons de vivre.

Aujourd’hui personne ne peut passer de ces NTIC, qu’elles soient utiles et justifiées,

ou non, car elles nous ont permises d’automatiser et de simplifier les traitements des

informations en tout genre. Cette évolution est ressentie comme inexorable et

indéniable, et donc interprétée comme un progrès.

On peut se demander si cette course à l’innovation est menée dans un souci

d’amélioration de la vie économique et sociale ou simplement par besoin et envie

d’aller toujours plus loin, toujours plus vite, pour apporter le progrès ? Comment le

progrès des sciences et des techniques peut-il conduire au progrès des économies

et des sociétés ? Le progrès est-il justifié par une réponse aux besoins des citoyens ou

pour la paillette, le superflu ? Quoi qu’il en soit, cette course effrénée est lancée et il

n’est pas concevable de la stopper ou de la ralentir. Ces deux ressors ne sont donc

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pas incompatibles et vivent ensemble. Nous avançons avec cette tendance, soit en

l’initiant, soit en la suivant mais nous allons tous dans la même direction. « On

n’arrête pas le progrès ». Pourquoi ? L’avancée constante vers l’innovation

fonctionne comme un cercle vertueux. Les nouvelles générations ont de nouvelles

attentes, de nouveaux réflexes, donc de nouveaux comportements, elles sont à

l’origine du progrès. Ainsi pour être pionniers ou novateurs, l’État et les entreprises

trouvent de nouveaux outils pour les citoyens ou les clients. Ils créent une demande

ou s’adaptent à leur comportement. On ne sait qui de l’œuf ou de la poule est

apparu en premier !

Si l’immédiateté et la simplification des nouveaux supports d’échange sont un réel

avantage pour le citoyen et le consommateur, il leur en reste néanmoins des limites.

L’administration et l’économie mettent à notre disposition tous les jours de nouveaux

outils et de nouveaux processus pour une vie simplifiée. Dans l’ère de la « fast-life »,

les moyens proposés nous font gagner à leur échelle respective des secondes, des

minutes, des heures. On ne peut dire que la dématérialisation d’un achat sur internet

ou encore le rechargement de sa carte Navigo via le site ratp n’est pas un progrès

pour l’individu. La dématérialisation est un avantage et apporte de nombreux

bénéfices à l’individu dans sa vie quotidienne. Nul de nous de pourrait revenir en

arrière et ne plus recevoir ses infos Push Le monde / Le Figaro en temps réel, dire

adieu aux e-mails pour communiquer par voie postale, devoir se rendre au guichet

de notre banque pour faire un simple virement sur un autre compte… La

dématérialisation des supports divers et variés est un progrès puisqu’elle nous offre un

gain de temps incontestable, une simplification des démarches non négligeables et

un avantage économique certain.

Si la dématérialisation permet la copie et la diffusion simplifiée d’une information,

d’un code d’accès etc., certains moyens simples existent pour contrer ce risque

éventuel. Le contrôle d’accès est une étape essentielle pour protéger ses données

et dissuader l’acte malveillant. Nous avons la possibilité de débloquer l’accès à son

ordinateur par la lecture d’empreinte digitale ou à son téléphone par la création de

codes personnels. Dans le cadre professionnel, pour une sécurité poussée,

l’entreprise doit garantir la traçabilité des données. Il est parfois très facile de se

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procurer des données à l’aide d’une simple clé USB ou par l’envoi d’un e-mail. Les

entreprises doivent donc mettre en place des solutions pour suivre la diffusion

potentielle de leurs données. Elles peuvent alors avoir recours au tatouage

numérique, aussi appelé le watermarking. En ajoutant des informations de copyright

ou d’autres messages de vérification sur un fichier, l’entreprise peut obtenir des

nombreuses informations parfois cruciales : Qui a consulté les documents, et ce que

la personne en fait.

De manière général, l’entreprise ou le commerçant ont un devoir envers ses salariés,

clients ou consommateurs, à la fois par la mise en place de système technique de

sécurité mais aussi en respectant au quotidien les législations dictées par la CNIL en

matière de protection des données à caractère personnel. Les démarches

apportent la confiance nécessaire aux échanges et au commerce dans un monde

qui s’approprie le numérique. Moins de courrier, plus économique, sécurisé, plus

rapide, à portée de main, stockage facile, autant de terme qui témoignent les

avantages d’un monde qui cours vers le « 0 papier ».

Malgré ces bénéfices flagrants, permis notamment par les systèmes de sécurité mis

en place, la dématérialisation au sein de la société et de l’économie a ses limites.

La première est une limite psychologique et comportementale. En effet, même si

cette tendance est dans l’ère du temps et s’inscrit dans une démarche de

développement durable, les individus continuent d’utiliser le format papier ou

d’imprimer un mail. Prendre des notes sur son cahier lors d’une réunion ou relire un

mail sur papier, ce sont des gestes effectués par reflexe, qui sont inscrits dans notre

quotidien. Les comportements ne peuvent pas changer du jour au lendemain. Une

modification radicale des gestes quotidiens est très difficile voire impossible de

manière naturelle. Ils doivent être accompagnés d’une formation, de conseils pour

guider les individus au quotidien. Les comportements se modifient petit à petit,

chaque jour pour qu’à long terme les usages soient dans une logique 100% « sans

papier ». Ce constat est une conséquence directe des différences de générations.

L’âge tout simplement est un frein à la dématérialisation. Le rapport au papier, tout

particulièrement pour les démarches administratives ou pour les transactions,

historiquement sur format papier, est totalement différent pour un adolescent de la

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génération Z que pour un senior. L’attachement ainsi que l’image du papier comme

support crédible et sûr, poussent les générations qui n’ont pas grandi avec le papier

à repousser l’utilisation des NTIC dans de nombreux domaines.

Au-delà de l’usage individuel, nous pouvons nous demander quelles conséquences

ont les NTIC au sein des relations ? Nous l’avons déjà abordé du point de vue

professionnel, mais qu’en est-il du point de vue personnel. En effet, ces nouveaux

moyens de communication ont pris une telle place dans nos échanges quotidiens

que la relation humaine et intergénérationnelle pourrait en être atteinte. En effet,

nous remarquons différents comportements de la part de nos ainés. Il y a ceux qui,

par leur activité professionnelle ou leur volonté de s’adapter au monde actuel et

futur, se servent de téléphones portables, d’ordinateurs, d’internet… Dans ce cas, la

relation virtuelle ne pose pas de problème. Mais il y a ceux qui ont un véritable rejet

des nouvelles technologies, qu’ils associent à la fin des liens entre les hommes et

avec le monde qui les entoure. Quant aux personnes âgées, au-delà du choix ou

non de l’acceptation du progrès, c’est son accès même qui pose des clivages et

des frontières entre les générations, car un faible pourcentage d’entre elles ont un

accès à internet ou au NTIC, et l’accompagnement « éducatif » qui va avec. Ce

constat s’intensifie lorsque l’on s’éloigne du milieu urbain, des grandes villes. Il ne faut

pas oublier que tout le monde n’a pas la possibilité de participer à ces nouveaux

échanges. Pour certains le web peut créer une exclusion et une distance

intergénérationnelle. Les enfants ayant grandi avec, ne connaissent que, ou

presque, les mails, les appels vidéo par ordinateur ou autre SMS. C’est inné. Le temps

d’adaptation est bien plus loin pour les personnes âgées ce qui peut aussi les freiner

dans l’apprentissage des NTIC. C’est pour cela que les relations grands parents /

enfants peuvent pâtir de la distance physique et les NTIC accroissent

l’incompréhension entre ces deux générations. La formation aux NTIC doit passer par

une éducation de la part des organismes privées ou publiques, par des

améliorations techniques qui facilitent l’accès à ces outils mais aussi et simplement

par l’aide de l’entourage ou de la famille des personnes âgées, pour consolider

cette relation intergénérationnelle.

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Toutefois, si ces freins à la dématérialisation ne sont pas des risques, ils ralentissent

seulement le progrès.

Le véritable risque tient dans la perte des données causées par un virus ou un bug.

Tout n’est pas encore maitrisé ni contrôlé. Du simple bug d’une application à

l’attaque d’un disque dur par un virus, les NTIC sont confrontés à de nouveaux

problèmes que la papier ne connaît pas. Le progrès ne doit pas simplement dire

nouveauté ou innovation. Pour qu’il y ait un véritable progrès, la sécurité doit être

garantie. Logiciels de sauvegarde, serveurs de stockage… ces outils nous mènent au

progrès mais cela n’est pas garanti en permanence. Le progrès économique et

social passe par le progrès technique. Si le progrès fait peur c’est uniquement

lorsqu’il n’est pas contrôlé.

NON Nous pouvons dire que l’innovation technologique et la disparition du

papier ont pour vocation de simplifier la vie des citoyens, des salariés, des

internautes… et d’accélérer les démarches économiques, sociétales et

administratives. Pour cela un monde sans papier serait un monde en

progrès. Mais sa vocation est-elle suffisante pour l’affirmer ? Non. Il faut

prendre le temps. Prendre le temps de s’adapter à ses usages et les rendre

sécurisés et sans faille.

Nous l’avons vu, les moyens pour avancer et aller vers le progrès existent

mais leur environnement, notamment la technologie, délaisse encore trop

souvent les questions de confiance et de sécurité. À l’heure actuelle,

imaginer un monde sans papier pourrait s’apparenter à un danger. Cela est

d’autant plus vrai que les domaines sociétal et économique touchent des

sujets sensibles et flirtent avec des informations à caractère privé.

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3. Science et neuroscience

Le marché est en constante mutation, il progresse sans cesse grâce aux nouvelles

technologies mais aussi avec une société de plus en plus exigeante, demandeuse et

surtout « prenant le pouvoir ».

Le consommateur est extrêmement informé, cherche toujours la meilleure offre et

donc se dé fidélise de ces marques « fétiches ». Les entreprises doivent se préparer

et s’armer pour cette mutation et ce changement de comportement.

Pour ce faire de nombreuses disciplines sont utilisées et évoluent aussi avec le temps.

Nous prendrons ici le marketing, qui cherche à répondre aux besoins des clients mais

qui s’est développé de plus en plus vers une forme sensorielle puis se dirigeant vers le

neuromarketing.

Cette discipline, utilisée pour monter les stratégies d’entreprises utilise pour la

première fois la science en analysant le comportement du consommateur à travers

son cerveau. C’est une pratique plutôt récente en France, et pas encore bien

connue du grand public. De ce fait, chacun s’en fait sa propre idée. Le

neuromarketing est encore une pratique « tabou » en France, alors que la

population arrive à s’adapter aux nouveaux outils technologiques qu’elle peut

toucher (comme les nouveaux téléphones, hier il avait pour unique fonction de

pouvoir téléphoner et aujourd’hui, smartphone, il a de nombreuses fonctionnalités et

est indispensable dans notre quotidien).

Mais quelles en sont réellement les conséquences de ce progrès, a-t-il le même

impact sur nos réactions ou est-ce qu’il les modifie ? Vaut-il mieux, pour certains

domaines freiner cette évolution ou au contraire l’appuyer ?

Le cerveau humain s’adapte-t-il à ces tendances qui ne cessent de croître ?

Comment réagit le consommateur face aux différents supports qui l’entourent ?

Comment peuvent les entreprises utiliser les neurosciences et donc le

neuromarketing pour conquérir le marché ?

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Pour répondre à toutes ces questions, il nous est paru important de comprendre

comment le cerveau fonctionne et réagit. De plus, voir l’évolution du marketing

sensoriel au neuromarketing est encore récent et fascine, car elle utilise de

nombreux outils, pour divers enjeux et surtout montre à ce jour certaines limites.

3.1. L’évolution du cerveau dans sa capacité à

lire

3.1.1. Comment le cerveau appréhende‐t‐il la

lecture ?

« Le cerveau humain n’était pas programmé pour être capable de lire. Il était fait

pour sentir, parler, entendre, regarder … Mais nous n’étions pas programmés

génétiquement pour apprendre à lire » - D’après le neuroscientifique français

Stanislas Dehaene.

3.1.1.1. A l’origine lire…

L’origine du langage serait apparue il y a au moins deux millions d’années. L’homme

n’est pas né pour lire, cependant il évolue dans une société qui le façonne et qui va

pousser ses limites afin de lui permettre de réussir à faire ce qu’il n’aurait pu faire

auparavant. La lecture est une des nombreuses formes de complexité du cerveau.

En effet, celui-ci a pour première fonction la capacité de voir et d’entendre, et non

de lire. Et pourtant, il a trouvé un moyen de relier ses différentes facultés pour en

créer de nouvelles.

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Ce sont les symboles, les formes et la reconnaissance de celles-ci qui ont permis

cette évolution. Elle a été marquée par l’apparition notamment du premier

alphabet, inventé par les phéniciens aux environs du XIIe siècle avant Jésus Christ.

C’est ensuite une succession de transformations de l’alphabet réalisée par les

différents peuples qui ont, pour leur utilisation, fait muter l’existant afin de pouvoir

l’exercer dans de nombreux domaines, comme la poésie, le théâtre, l’histoire …

L’homme ne sait pas lire parce qu’un alphabet a été inventé, mais parce qu’il a su

relier des formes (donc des mots) avec des sons. De plus, l’espèce humaine à la

particularité, au contraire des animaux, de pouvoir penser et avoir une réflexion, et

donc décoder les différentes informations qui lui sont transmises.

3.1.1.2. L’environnement nous façonne

Les hommes évoluent avec leur environnement, leurs amis, leur famille, leur travail,

leurs fonctions … Une culture va se créer grâce à ses relations mais pas seulement.

Lire nous permet « d’ouvrir » notre esprit, de nous évader. « La lecture est un outil

culturel nouveau qui augmente le potentiel du cerveau ». Le cerveau est sûrement

l’un des organes les plus complexes qui soit, puisqu’il s’adapte au contexte qui

l’entoure et cherche à améliorer ses capacités. Marcher, respirer, entendre sont des

fonctions innées pour le cerveau au contraire de lire et d’écrire.

Stanislas Dehaene, psychologue cognitif et neuroscientifique français, a montré que

selon notre provenance géographique et donc notre langue maternelle, le cerveau

ne réagit pas de la même façon lorsqu’il lit.

C’est grâce au système de l’imagerie médicale, utilisé pour comprendre le

fonctionnement complexe du système nerveux de l’homme et des liens existants

entre les différents neurones, qu’on a pu noter que ce ne sont pas les mêmes zones

du cerveau qui réagissent. Cela est donc lié aux sons et aux formes, qui changent

selon la langue utilisée.

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3.1.1.3. Le fonctionnement du cerveau

L’imagerie cérébrale est l’outil utilisé depuis plusieurs années pour observer et

analyser le cerveau, l’on parle de neuro-imagerie.

Compter et lire sont des évolutions faites par l’homme car ces fonctions ne sont pas

une programmation du cerveau.

Les objets sont codés par notre cerveau dès la naissance. En effet l’homme est très

visuel, il enregistre puis reconnait les formes. A l’ère primate, les hommes

communiquaient à l’aide d’objet et de dessin, d’où les nombreuses fresques

découvertes dans les grottes qui sont des gravures ou des peintures racontant

l’Histoire.

La lecture va « recycler » certaines compétences de notre cerveau, car lire n’est pas

nouveau, mais plutôt une adaptation qui est permise grâce à « une marge de

plasticité » du cerveau.

L’imagerie cérébrale a permis de découvrir une zone dans l’hémisphère gauche qui

s‘allume dès que l’homme voit un mot. Cette région est le « lieu » où un système de

connections va se former entre la vision et le langage. Apprendre à lire demande au

cerveau de nombreuses connexions complexes.

Cette technologie va nous montrer les différentes étapes du cerveau avant de

comprendre le mot qui est lu: la première étape se fait au niveau de la rétine de

l’œil en créant une forme de « lumière ». Ensuite, le cerveau va décrypter cette

« lumière », et en observer les formes pour en déduire un résultat, et donc donner les

lettres du mot (activation du module visuel). Puis les zones dans le cerveau de la

prononciation (module auditif) et du sens vont s’activer et permettre ainsi la

compréhension voire la réflexion liée à cette lecture.

Focus sur les modules du cerveau

Le cerveau est composé de différents modules qui ont tous un rôle important et

précis afin de pouvoir traiter les informations qui lui sont données. Ceux utilisés

pendant la lecture sont principalement le module auditif et le module visuel, qui sont

eux-mêmes partagés en plusieurs autres modules.

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En ce qui concerne le module auditif, il se compose des prononciations et des

phonèmes.

- C’est à cet endroit que le cerveau va « garder » les sons qu’il a entendu et

appris, afin de pouvoir par la suite les reconnaître et les réutiliser.

- Outre la prononciation, l’on y trouve aussi le phonème, qui comporte les petites

unités de sons qui composent les mots. L’enfant apprend généralement ses

premiers mots grâce aux parents qui les prononcent tout en articulant, simples

à enregistrer, et souvent avec une prononciation des mots décomposés. Ces

sons décomposés serviront par la suite à créer de nouveaux mots.

Vient un second module, le visuel, indispensable et en complément du module

auditif pour la lecture.

- La première zone de ce module est liée à la forme des mots en permettant de

les enregistrer comme des images dans le cerveau. Souvent, cette faculté est

observée par les enfants lorsqu’ils reconnaissent des marques, par exemple, très

ancrées dans la société, comme Coca-cola avec ses couleurs et son sigle, ou

encore McDonald’s avec les arches jaunes du M. Dans ce cas le lecteur va se

souvenir des mots en les liant aux visuels.

- De plus elle se compose aussi d’une zone enregistrant la forme des lettres.

Cette zone pratique sans cesse une gymnastique car elle doit comprendre que

le mot est composé de différentes formes / lettres afin de pouvoir recomposer

par la suite de nouvelles combinaisons. Elle est généralement activée lorsque

l’enfant a assimilé un alphabet.

Cette évolution dans le cerveau est totalement inconsciente pour l’homme et se fait

en moins d’un cinquième de seconde, puisque toutes les lettres sont traitées en

même en temps, peu importe la longueur du mot.

Pour l’enfant cela sera plus long, car il est en apprentissage et peut donc prendre 4

à 5 secondes. Il analyse le mot petit à petit et déchiffre les lettres.

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3.1.1.4. Apprendre à lire

Apprendre à lire ce fait pendant l’enfance. En effet, la lecture est une « fonction »

récente pour le cerveau, elle date d’environ quatre mille ans et n’est pas dans la

génétique de celui-ci, d’où le besoin d’une période d’apprentissage. Celle-ci est

favorisée dès l’enfance, car c’est au plus jeune âge de l’individu que le cerveau

humain est plus « malléable » et apprend plus facilement les enseignements qui lui

sont donnés.

Pour ce faire et permettre au cerveau de développer cette fonction, l’enfant doit

être actif et doit vouloir apprendre et comprendre les mots qui sont devant lui. De

plus, il faut lui enseigner l’organisation de la lecture, et donc revenir à la nature

même de l’acte de lire : aller de la gauche vers la droite, enseigner les lettres (donc

l’alphabet) et donner à chacune les sons qui y sont associés. Ces actions paraissent

totalement naturelles pour l’adulte et pourtant, elles sont complétement inconnues

pour l’enfant.

De plus, pour aider à l’apprentissage les gestes sont très utiles, et l’enfant a

tendance à mieux les retenir et à trouver ça plus facile. En effet, ils sont inscrits dans

notre code génétique puisqu’il y a encore deux millions d’années, la lecture et la

parole n’existaient pas, et le seul moyen de communication était les gestes.

De ce fait, pour motiver l’enfant à vouloir apprendre à lire et à écrire il est aussi

recommandé dès le plus jeune âge de faire appel à des jeux et activités ludiques.

Les circuits de lectures vont alors prendre forme petit à petit pour en devenir naturel

au fil des années.

Pour Stanislas Dehaene, l’apprentissage de la lecture n’est absolument pas lié au

support utilisé, cela ne change rien que ce soit sur papier ou sur numérique. D’autre

part, les fabriquants d’ordinateur font en sorte que la page numérique ressemble de

très près à la page papier dans sa composition.

Cependant pour l’écriture, il est préférable de rester sur le support papier car le

geste d’écriture n’est pas le même que si on utilise un clavier d’ordinateur. Le besoin

d’avoir un stylo dans les mains et important, et c’est pour cela que sur les tablettes

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tactiles nous retrouvons souvent un stylet, notamment pour les tablettes à destination

des enfants.

3.1.2. Les supports de lecture nous changent-ils ?

Le papier est un support qui est né à l’Antiquité et qui sert depuis toujours pour

l’écriture, la lecture, le dessin, la peinture, l’impression… Il fait partie de la vie de tous

les jours. Enfant, nous avons appris à lire avec des livres, nos leçons étaient inscrites

sur des manuscrits. Et pourtant, l’arrivée de l’ordinateur à changer ces modes

d’apprentissage.

“La chose la plus effrayante dans la vision de Stanley Kubrick n’était pas que les

ordinateurs commencent à agir comme les gens, mais que les gens commencent à

agir comme des ordinateurs. Nous commençons à traiter l’information comme si

nous étions des nœuds, tout est question de vitesse de localisation et de lecture de

données. Nous transférons notre intelligence dans la machine, et la machine

transfère sa façon de penser en nous.” Nicholas Carr, article « Est-ce que Google

nous rend idiot ? », pour Wired.

Pour Maryanne Wolf, directrice du Centre de recherche sur la lecture et le langage

de l’université Tufts, la lecture sur un support numérique n’a pas le même impact que

si elle se fait sur un support papier en termes de caractéristique cognitive. Tout est lié

à la concentration et à l’attention, qui doivent pouvoir être totalement complètes

pour comprendre une information lue.

3.1.2.1. Lire, une nécessité de concentration

La concentration est de plus en plus difficile à atteindre de nos jours. Envahit par

d’innombrables informations, par le matraquage publicitaire ainsi que par les

nouvelles technologies qui nous entourent, l’esprit est très vite amené à se disperser.

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Le manque de concentration, d’attention est fréquent. Il vous est déjà arrivé de lire

un livre et de vous rendre compte que cela fait plusieurs lignes que vous ne suivez

pas vraiment l’histoire racontée par l’auteur. Vous avez sûrement cherché à vous

concentrer sur un sujet d’étude, mais en allant très rapidement consulter votre

téléphone, vos pages internet personnelles … Comme nous avons pu le voir

auparavant, la lecture est un outil culturel qui augmente notre potentiel, notre

efficacité. Le besoin de concentration est donc primordial afin de pouvoir

apprendre, avoir une réflexion, débattre sur un sujet.

3.1.2.2. Une meilleure attention favorise la mémoire

Pour le neuroscientifique Laurent Cohen de l’Unité de neuro-imagerie cognitive de

l’Inserm, nous lisons de la même façon sur un papier que sur un support numérique,

mais le problème vient des distractions qu’apporte le réseau.

En lisant sur l’ordinateur, la concentration portée sur la lecture est seulement partielle

car ce support nous permet de faire plusieurs tâches en même temps, et favorise la

rapidité, la vitesse. L’ordinateur a pour fonction de donner accès à Internet, outil

ayant favorisé les nouveaux modes de consommation de l’information, puisque

celle-ci est mise à disposition en quantité. Cette nouvelle consommation change les

habitudes du lecteur, il lit de plus en plus mais des courts articles, et au contraire a du

mal à se concentrer sur un long sujet.

Toujours en reprenant les propos de

Nicholas Carr, “Avec le numérique, on

scanne, on navigue, on rebondit, on

repère. Nous avons tendance à

bouger, à cliquer et cela réduit notre

attention profonde, notre capacité à

avoir une lecture concentrée. Nous

avons tendance à porter plus Image Domtar – Pourquoi le papier

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d’attention à l’image. Nous avons tendance à moins internaliser la connaissance et

à plus dépendre de sources extérieures.”.

Par contre, la lecture sur un support numérique est plutôt une « lecture physique »

puisque celle-ci met en avant un autre sens que la vue, le toucher (tactile). Alors

qu’au contraire, une lecture sur papier est bien plus profonde, car la concentration

est totalement plongée dans cette activité et l’attention n’est pas portée ailleurs.

Il existe donc de nombreuses distractions sur le support numérique (nombreuses

pages Internet ouvertes, interruption par des mails professionnels ou personnelles, par

le téléphone, …), et pourtant il peut aussi avoir ses bons côtés, puisqu’il permet à

tout internaute d’avoir de nombreuses informations, venant du monde entier, et sur

de nombreux domaines.

En effet, il y a quelques années encore « la culture du livre, parole et écriture étaient

les premiers moyens d’accès au monde, désormais, avec la culture du numérique,

ce sont les images et la symbolisation qui prédominent ».

3.1.2.3. L’apprentissage de la lecture change

De nature et comme nous l’avons vu précédemment, lire se fait de gauche à droite

en découvrant les mots. La lecture sur écran change complétement la manière

dont nous lisons depuis des années. Les gestes ne sont pas les mêmes, nous lisons de

haut-en-bas, nous ne tournons plus les pages mais les faisons glisser …

Les codes fondamentaux inscrits dans notre système nerveux sont alors

complétement bouleversés. L’homme, qui au départ n’est pas fait pour lire, ne

connaît qu’une seule « dimension » pour réussir cette activité (c’est son identité) et

ce n’est pas celle pratiquée sur le support numérique.

C’est aussi l’avis du Professeur de psychologie et neurologie Russ Poldrack qui

présente le fait que l’apprentissage est beaucoup moins efficace et utile sur

numérique que sur papier.

On ne se plonge pas de la même manière dans un livre papier que sur une tablette

par exemple. Prendre le temps de lire est souvent vu comment un moment de

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détente et d’évasion, pour favoriser son imagination, accroître sa culture (et donner

matière à réflexion) pour sortir de son quotidien, alors que sur tablette/ordinateur

nous n’en sortons pas.

Et pourtant nous savons qu’il est impensable de se séparer du numérique, d’une part

car la société dans laquelle on évolue nous y oblige mais aussi par manque d’envie.

De plus, cela va aussi dépendre de notre génération. En effet, chaque lecteur crée

ses circuits de lecture. Jusqu’à la génération X nous avons appris à lire sur papier. Au

contraire les générations Y sont nées avec ces nouvelles technologies et vont alors

créer leur circuit de lecture en fonction de celles-ci. Et rappelons-le, le cerveau à

l’enfance reste malléable. Alors est-ce que la lecture dite profonde, sera la même

sur support numérique même si les circuits de lecture y sont adaptés depuis

l’enfance ?

Une étude vient d’être réalisée par l’Académie des sciences pour comprendre

comment l’enfant réagit face aux écrans. Cette étude va mettre en avant les effets

positifs de l’exposition des jeunes enfants à l’écran, et non pas uniquement les effets

négatifs.

En effet, nous avons déjà pu observer, autant par des scientifiques que par nos

propres expériences, que rester à longueur de journée fixé sur un écran joue sur le

sommeil, le caractère ainsi que sur l’attention.

Nous entrons donc dans une ère qui oppose la culture des écrans et celle des livres.

Pour Serge Tisseron « Si nous avons inventé les écrans, c’est certainement parce que

le support du livre ne suffisait pas à satisfaire nos attentes ». Aujourd’hui la culture du

numérique est inscrite dans notre quotidien et change le rapport existant quant aux

relations que nous construisons, en termes d’apprentissage, de savoir, de sociabilité

Notre société évolue avec l’idée d’optimiser la solidarité et le partage, et c’est ce

que permet la lecture sur numérique, au contraire du papier ou il ne peut y avoir

« qu’un seul lecteur » à la fois.

Nous passons donc d’une tâche unique en lisant sur un papier, ou l’on parle d’un

savoir en vertical, à une tâche permettant de mener plusieurs actions (un savoir

horizontal).

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Or, comme le souligne Serge Tisseron, la culture du livre et du numérique est

aujourd’hui complémentaire. En effet l’une va valoriser le cloisonnement, l’ultra

spécialisation du savoir, les liens de proximité ; et l’autre au contraire favorise la

dispersion du savoir et les apprentissages intuitifs.

Nous avons donc d’un côté les habitudes et les automatismes et de l’autre

l’interactivité et l’innovation dont a besoin le cerveau.

Pour l’enfant la lecture sur les écrans va changer son rythme d’apprentissage.

Traditionnellement, c’est-à-dire avec une lecture sur papier, le cerveau de l’enfant

se développe en passant par différentes étapes : la reconnaissance d’objets, le

dénombrement en termes quantitatif puis passe en tout dernier lieu au

raisonnement. En apprenant à lire sur des écrans, son évolution d’apprentissage fera

des hauts et des bas, car il fera des progrès fulgurants puis de fortes chutes de

performances, d’après Olivier Houdé (responsable du Laboratoire de Psychologie du

Développement et de l’Éducation de l’enfant). Pour lui, « ce ne sont pas les écrans

qui sont négatifs, c’est le fait d’être laissé seul devant ».

Olivier Houdé et Serge Tisseron, ont réalisé des recommandations selon l’âge de

l’enfant, et l’on s’aperçoit donc que le numérique n’est pas du tout mis de côté.

Focus sur les recommandations de O. Houdé et S. Tisseron selon les âges

- Avant deux ans les enfants sont très tactiles, ils attrapent tout ce qu’ils peuvent,

pour toucher, découvrir et s’amuser. Les tablettes sont donc adaptées à cet âge

et « entrent en résonnance avec la forme d’intelligence sensori-motrice du

bébé ». L’enfant peut à travers cet objet pratiquer des activités ludiques lui

apprenant les formes et les couleurs. Au contraire, les écrans non interactifs ne

sont pas conseillés car ils entraînent tout le côté « négatif » de la culture

numérique : retard de langage, manque de concentration et d’attention, un

manque de dynamisme et d’envie de découverte …

- Après deux ans et jusqu’à l’âge de 6 ans, seconde phase d’apprentissage pour le

cerveau des enfants, l’exposition aux écrans comme la télévision est fortement

déconseillée, y compris les jeux vidéo. A cet âge, l’enfant a besoin d’interactivité

et de présence humaine, puisque son cerveau commence à entrer dans la phase

où il reconnaît les objets, les symboles, et donc distingue le réel de l’imaginaire.

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100 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

- Vient ensuite la période d’autorégulation qui se situe entre 6 et 10 ans, l’enfant suit

logiquement un enseignement pédagogique au primaire. Les écrans numériques

sont autorisés mais à petite dose pour les activités de loisir. En ce qui concerne

l’utilisation pédagogique des écrans à l’école ou à la maison, ils peuvent aider

l’enfant et le faire progresser grâce aux logiciels adaptés (ex : aide à la lecture).

- Enfin la dernière période où l’utilisation des écrans doit être régulée vient à partir

de l’âge de 12 ans. L’utilisation du numérique a des bons et des mauvais côté.

D’une part ce support aide le jeune adolescent à exercer ses capacités

déductives, il s’autorégule en contrôlant ses émotions, ses actions et ses décisions.

Mais, d’autre part, il peut développer une pensée dite de « zapping », c’est à-

dire-dire une lecture trop rapide, superficielle, non approfondie et donc qui

appauvrie la mémoire et ses capacités intellectuelles.

Pour conclure cette étude faite par deux scientifiques, il faut que l’enfant connaisse

la culture du papier et celle du numérique afin justement de pouvoir les maîtriser.

Aujourd’hui les chercheurs connaissent les effets d’une surexposition des enfants sur

les écrans mais pas celle d’une surutilisation.

Les écrans permettent d’avoir un accès plus important aux informations mais ils ne

remplacent pas l’apprentissage ni le parcours du cerveau pour savoir lire, et donc

« l’intelligence » ne peut pas être réellement mesurée.

3.1.2.4. La mémoire est aussi influencée par ces supports

La mémoire va dépendre du niveau de la concentration, plus celui-ci est élevé, plus

elle sera meilleure. Elle est nourrit par la lecture, « Contrairement à ce que pensait

Socrate, la lecture augmente la mémoire. Et si on se souvient de cette phrase, c’est

grâce à la lecture. On sous-estime souvent l’importance des révolutions cognitives

sur le cerveau lui-même ». – Stanilas Dehaene.

La culture du livre se base sur la temporalité, la lecture en profondeur et donc la

mémoire, alors qu’au contraire la culture du numérique va plutôt permettre à l’esprit

de ne pas se focaliser sur une seule chose.

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L’on parle d’une mémoire évènementielle lorsque la lecture se fait à travers un

support papier, car cela va marquer un temps dans notre mémoire, voir même, elle

va créer une histoire que nous imaginerons afin de mieux l’enregistrer.

A contrario, la lecture sur le numérique varie. Le lecteur peut changer de textes, et

donc passer d’une pensée d’auteur à un autre… L’on parle de « Construction

narrative de la discontinuité », car lorsqu’un livre est commencé le lecteur sait qu’il

doit aller jusqu’à la fin de toutes les pages, or sur écran il fait face à l’imprévisible.

3.1.2.5. Nos supports de lecture jouent-ils un rôle sur

« l’intelligence » ?

Pour Maria Montessori, il ne faut pas surprotéger les enfants mais au contraire les

pousser vers ces deux cultures qui s’affrontent pour certains et pour d’autres se

complètent afin d’apprendre l’autorégulation. « Laisser faire ce qu’il veut à l’enfant

qui n’a pas développé sa volonté, c’est trahir le sens de la liberté ».

En apprenant à l’enfant à s’ouvrir aux supports numériques et aux supports papiers,

cela va entraîner le développement de son intelligence narrative et spatialisée et

permettre de « stimuler les pratiques créatives et valorisantes » de celui-ci.

Le cerveau a la faculté de créer de nouvelles fonctions dont la lecture. Ces

nouvelles compétences ne se font pas à partir de rien, Dehaene parle de recyclage

neuronal, car l’apprentissage organise sans cesse les zones du cerveau. La lecture

enrichit notre cerveau.

“Quand on observe de près les effets des écrans sur le cerveau, on constate que le

support informatique ne change pas grand-chose à la lecture”. De nombreuses

études ont été effectuées mais à ce jour il n’y a pas vraiment de résultats concluants

et valables pour avoir une opinion certaine sur ce sujet. En effet il y a bien trop de

facteurs qui se contredisent à ce jour, et il faudra sûrement attendre de voir grandir

la génération Y pour en étudier plus profondément les effets.

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102 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Actuellement en pleine phase de transition entre la culture papier et la culture

numérique, nous sommes pour le moment nombreux à penser que lire des

documents sur ordinateur ne permet pas une bonne concentration et mémorisation,

et donc ne nourrit pas notre quotient intellectuel, alors que les plus jeunes préfèrent

cette méthode, puisqu’ils ont grandi avec.

Par exemple, l’utilisation de

Google, où des autres moteurs

de recherche, freinerait aussi le

développement de notre

intelligence d’après Nicholas

Carr. En ne faisant plus l’effort de

rechercher soit même les

informations, on en oublie le

contenu.

Et pourtant, c’est dans un sens la

volonté de ces nouvelles technologies. Pour les fondateurs de Google, Sergey Brin et

Larry Page, ce moteur de recherche est l’équivalent de l’intelligence artificielle. «Le

moteur de recherche ultime est quelque chose d’aussi intelligent que les êtres

humains, voire davantage ». Or dans cette situation, notre cerveau ne fait donc plus

l’effort de stocker les informations pour les réutiliser, c’était à l’époque déjà, une

crainte de Socrate avec l’invention de l’écriture et donc la lecture. Nos esprits sont

alors façonnés et comparés à des machines, et à ce moment-là, c’est tout un débat

autour de l’humanité qui s’ouvre. Avons-nous réellement appris et stocker les

informations, ou, sans le savoir, sommes-nous ignorants et les supports d’informations

ne sont-ils pas que des outils pour s’en convaincre ?

Pour Hieronimo Squarciafico, humaniste italien, ces inquiétudes sont apparues avec

l’invention de l’imprimerie au XVe siècle. Pour lui, avoir accès facilement aux livres

conduit à la paresse intellectuelle. Dans ce cas, l’imprimerie est alors comparée à

Internet.

Et pourtant, une fois encore, il faut apprendre à vivre avec son temps et ses

évolutions, car sans les livres il y a de nombreux savoirs qui n’auraient jamais été

Image Domtar – Pourquoi le papier, Parce qu’une dépendance excessive à la technologie nous rend sans doute moins intelligent

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transmis … Pour internet, c’est la même situation, mais il faut intégrer la variable de la

concentration et savoir la gérer. En ce qui concerne l’inventeur Daniel Hillis, il rejoint

cet état d’esprit puisque pour lui, bien au contraire internet est une réponse à nos

besoins. L’homme, qui est sorti de son cloisonnement, a besoin d’en savoir plus, de

recevoir toujours plus d’informations pour comprendre au mieux ce qui l’entoure, son

environnement. L’intelligence apportée selon les supports est encore à ce jour non

définie, et ouvre un grand débat pour les scientifiques et les historiens.

Maryanne Wolf, qui dirige rappelons-le, le Centre de recherche pour la lecture et le

langage de la Tufts University, défend l’idée que « la lecture profonde est

indissociable de la pensée profonde », or elle ne semble pas être possible avec le

numérique, car le lecteur ne passe pas assez de temps sur le texte (sur le numérique

il a tendance à ne lire que quelques paragraphes), il est trop distrait et surtout sa

façon de lire change. La lecture permet de penser et nous rend plus intelligent car le

cerveau est « seul avec lui-même ». Cette hypothèse est appuyée par différentes

études, comme celle par exemple de Caleb Crain qui démontre qu’une lecture

attentive et silencieuse permet de meilleurs résultats qu’une lecture avec des

commentaires audio. Une autre étude britannique montre que ceux qui lisent en

silence retiennent mieux sauf si c’est sur un écran numérique. Il serait donc conseillé

pour favoriser l’intelligence de lire au calme et sans distraction.

Mais à ce jour rien ne prouve réellement que l’intelligence varie selon le support, il

est certes conseillé d’être au calme mais rien ne l’empêche de l’être devant un

écran si celui-ci ne pousse pas à perdre son attention.

3.1.2.6. Et quand est-il du rapport à la vérité ?

“Nous n’écrivons plus. Nous écrivons sans écrire, comme le montre Facebook qui

informe nos profils et nos réseaux sociaux sans que nous n’ayons plus à écrire sur nos

murs. Nos organes numériques nous permettent d’écrire automatiquement, sans

nécessiter plus aucune compétence particulière. Et c’est encore plus vrai à l’heure

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de la captation de données comportementales et corporelles. Nos profils sont

renseignés par des cookies que nos appareils techniques écrivent à notre place.

Nous nous appareillons de capteurs et d’API “qui font parler nos organes”. Les

interfaces digitales auxquelles nous nous connectons ne sont plus des claviers ou des

écrans tactiles… mais des capteurs et des données.” – Christian Fauré, ingénieur et

philosophe. Les informations sont de plus en plus automatiques et donc sont-elles

pour autant de qualité ?

Aujourd’hui, il y a une vraie question qui se pose sur la véracité des informations

données. Nous l’avons tous déjà remarqué, un article paru dans un journal papier

nous donne l’impression d’être une source bien plus fiable qu’un article trouvé sur

Internet. Celui-ci va s’inscrire dans le temps alors qu’au contraire sur Internet,

l’information semble être rapidement obsolète et passe rapidement à la fin des

pages de recherche.

Or, nous sommes de plus en plus nombreux à faire nos recherches sur la toile

d’Internet, mais il y a des règles à respecter. Les internautes ont des astuces pour

s’assurer de la véracité des informations, trouver la source, la date et le nom de

l’auteur.

Alors que ce passage de la culture du papier à celle du numérique lève de

nombreuses questions en termes notamment d’analyse des informations et donc des

conséquences sur nos comportements et notre intelligence, il a aussi permis de

développer certaines avancées pour les entreprises afin d’améliorer leur stratégie.

Le neuromarketing, qui étudie le cerveau et ses réactions, entre en scène depuis

peu, notamment en France, et de nombreuses questions se posent…

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3.2. Le neuromarketing : Comment s’adresser au

cerveau

3.2.1. Les origines du neuromarketing

3.2.1.1. Le marché

Pour s’implanter sur le marché et s’y imposer, les entreprises doivent mettre en place

différentes stratégies. Au fur et à mesure des années, les entreprises ont bien compris

que le consommateur est la clef de la réussite, et donc le place au cœur de leur

stratégie.

En effet, pourquoi le consommateur agit de telle ou telle façon ? Pourquoi acheter

une marque de produit précise et pas une autre ? Cela vient-il seulement du

produit ? Ou aussi du service qui l’entoure : le service après-vente, la vision et les

valeurs de la marque qui y sont liées, la transparence de celle-ci … Cela vient-il aussi

des tendances de la société ? Du comportement de ses pairs ? Des publicités ? …

Le consommateur ne cesse d’évoluer, en même temps que la société et les

tendances économiques et technologiques. Il est de plus en plus exigeant et surtout

de moins en moins fidèle, l’on parle à présent de « consom’acteur ».

Pour répondre à ces attentes, les entreprises cherchent à s’adapter à ce marché et

aux nombreuses opportunités qu’il offre. C’est l’objectif du marketing, une discipline

à part entière, indissociable de la stratégie, commerciale notamment.

3.2.1.2. Le marketing

Le marketing évolue au fil des siècles. Il est apparu en 1900 comme matière dans les

Business schools, mais c’est seulement en 1916 que le vocable « marketing » est

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introduit. Quelques années plus tard, en 1950, apparaît le marketing actif, puis la

stratégie des 4P de McCarthy.

Le marketing actif est donc une notion récente, une nouvelle discipline qu’adoptent

les entreprises. Cette évolution du marketing a pour objectif de rechercher

comment satisfaire les besoins du consommateur. Cela va passer par l’amélioration

des techniques d’études de marché avec des outils statistiques et divers spécialistes

entre en jeu comme les sociologues, les psychologues, les économistes … Les études

ne sont plus seulement quantitatives, mais aussi qualitatives. Les consommateurs sont

impliqués et donnent leurs avis.

3.2.1.3. L’évolution des stratégies

La segmentation est différente, l’on passe d’un ciblage indifférencié à un ciblage

hyper différencié, l’entreprise ne se contente plus de « la ménagère de moins de 50

ans » mais élargit sa cible à toute la population (les enfants, les personnes âgées …).

Les entreprises mettent donc en œuvre de nombreuses études de marchés,

notamment qualitatives, avec des échantillons, entretiens individuels et/ou groupés,

sondages … Cependant, l’émotion n’est jamais prise en compte lors de ces

recherches, de ce fait comment être sûr de la réponse du consommateur ?

Comment savoir si son environnement ou son humeur ne l’a pas influencé dans sa

réponse ? Ce sont des facteurs qui peuvent être considérés comme des risques,

puisque le lancement d’un produit s’appuie sur ces observations. Outre la

commercialisation de celui-ci, il y a toute la campagne publicitaire qui suit. Le

consommateur est-il réellement réactif selon les supports mis en place ? Comment

prend-il ses décisions ?

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3.2.1.4. Le marketing actif, de nouvelles techniques

Aujourd’hui de nouvelles techniques sont mises en place, basées sur l’expérience

client : le marketing sensoriel. En plus de vouloir comprendre le consommateur et le

satisfaire, une réelle expérience est mise en place entre la marque et lui afin de

créer un lien affectif, une relation unique.

Au-delà du marketing sensoriel, l’on parle de neuromarketing qui met en scène, en

plus des tendances répertoriées, les neurosciences en s’appuyant sur le cerveau et

l’imagerie médicale. Activité récente, elle nourrit les stratégies et renforce les

démarches opérationnelles, même si à ce jour elle connaît de nombreuses limites.

Les supports deviennent des facteurs indispensables pour mettre en œuvre ces

stratégies, et le papier peut-il répondre à ces nouveaux besoins et garder sa place

dans le cœur des consommateurs et surtout des marketeurs ?

3.2.1.5. Les premiers pas du neuromarketing

En 1904, le psychologue Walter Dill Scott écrivait déjà : "L'homme d'affaire avisé doit

comprendre le fonctionnement des esprits de ses clients et savoir les influencer

efficacement en appliquant la psychologie à la publicité."

Cette nouvelle discipline est née aux Etats-Unis, au début des années 1990, et arrive

de plus en plus dans d’autres pays comme la France.

Le neurologue américain Read Montague, était au début de cette nouvelle

technique de marketing en reprenant une étude …

« Pespi mena une série de campagnes publicitaires entre 1970 et 1980, montrant des

consommateurs effectuant un test à l'aveugle de leur boisson comparée à celle du

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leader du marché : Coca-Cola. Le Pepsi sortait largement vainqueur de ces tests. En

2003, Read Montague se souvint de ces tests et se demanda pourquoi si les gens

donnaient la préférence à Pepsi lors de tests à l'aveugle, cette marque ne dominait

pas le marché. Il refit les mêmes tests et s'aperçut que si les gens préféraient Pepsi

lorsque la dégustation se faisait en aveugle, les résultats étaient diamétralement

opposés lorsque les testeurs avaient connaissance de la marque de la boisson qu'ils

savouraient. Comment expliquer ce changement d'opinion ?

C'est là que Read Montague eut une idée simple et géniale. Il refit l'expérience en

mettant les consommateurs dans un scanner IRM. Et là, il put constater que les deux

tests ne faisaient pas réagir les mêmes zones dans le cerveau des testeurs. Lorsque

ces derniers font le test à l'aveugle, une partie bien précise de leur cerveau, le

putamen, réagit violemment. Le putamen fait partie de notre cerveau primitif, il

serait le siège des plaisirs immédiats et instinctifs. Alors que quand les dégustateurs

connaissent la marque de la boisson qu'ils testent, la zone primitive du cerveau n'est

plus activée et c'est une autre zone dans le cortex préfrontal (c'est-à-dire la zone de

la conscience) qui est activée. Visiblement notre cerveau primitif prend des

décisions (j'aime, je n’aime pas) et finalement la conscience vient inhiber cette

décision. Toute l'imagerie Coca-Cola, tout le branding qui est fait autour de cette

marque, les publicités, vont venir changer le choix et la préférence des

consommateurs.

Quand on leur montre la marque, ils déclarent préférer Coca et le cerveau montre

qu'ils aiment moins Pepsi puisqu'il n'y a pas d'activation de la zone de plaisir. »

(Source : Cours complet de marketing, Yvan Valsecchi).

Le goût est en lien direct avec la vue sur les décisions d’achats en ce qui concerne

cette étude, Coca-Cola vs Pepsi. Les sens sont donc maîtres de nos actes d’achats,

ce qui peut s’appliquer sur tous les produits, tous les supports. Selon la marque, ou le

produit, le papier est-il préféré au numérique ?

Le neuromarketing est né.

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3.2.2. Le neuromarketing

3.2.2.1. Définition

Les neurosciences permettent de comprendre les mécanismes cérébraux liés aux

processus cognitifs et aux comportements de l’individu. Elles font donc parties à part

entière du marketing qui cherche à susciter et renouveler les besoins des

consommateurs.

Le neuromarketing se situe à la source de la stratégie marketing, puisque avant de

chercher comment agir, il permet d’en savoir plus sur l’origine des choix de

consommation, de l’acte d’achat. En utilisant le neuromarketing, les entreprises

s’adressent à l’inconscient pour pousser à l’acte d‘achat.

Trois axes de recherches ont alors été établis pour répondre aux besoins des

entreprises :

- Accroître la préférence de marque, afin de s’imposer face aux concurrents.

- Optimiser la mémorisation d’un message publicitaire

- Maximiser l’impact d’un message commercial, afin de pouvoir motiver une

réaction, une décision d’achat

3.2.2.2. La méthode

Le neuromarketing, qui est donc en relation directe avec les neurosciences va

s’appuyer sur l’imagerie cérébrale ainsi que sur le marketing sensoriel.

L’imagerie cérébrale (l’IRM) permet d’observer et de mesurer les réactions du

cerveau face aux différents stimulis. Celui-ci est « composé » de différentes

zones (présentes chez tout être humain) : le désir, la créativité, la satisfaction,

l’expérience et l’achat. L’objectif ensuite est d’adapter sa stratégie de telle façon à

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cibler directement une zone du cerveau du consommateur, afin

qu’inconsciemment il réalise un acte d’achat.

Le neuromarketing, encore récent, peut s’appliquer sur différents secteurs afin

d’analyser le consommateur. D’une part il permet d’étudier l’impact d’une publicité

sur le cerveau humain, selon si elle est sur papier, sur écran. Elle met donc en avant

les émotions ressenties à un moment donné et analyse la mémorisation de la

publicité à moyen/long termes.

D’autre part, il peut être utilisé pour l’image corporate de la marque, et comprendre

ce que ressent l’individu lorsqu’on lui propose différentes marques de même secteur.

De plus, cela peut-être par rapport à la valeur d’un produit, de son prix ou de son

packaging afin de faire évoluer la stratégie de l’entreprise dans le bon sens. La

politique aussi a pour objectif de captiver l’attention en s’appuyant et sur le

rationnel et sur l’émotionnel.

3.2.2.3. Le rapport aux émotions, un marketing sensoriel

Le neuromarketing fait parler les émotions à travers le cerveau, et celui-ci se fait à

travers nos sens :

- L’ouïe, qui est le marketing auditif. Il a un effet immédiat sur les émotions et

active la zone du cerveau des souvenirs. De plus il peut être l’identité d’une

marque, et sans avoir à utiliser un autre sens, l’individu sait qui communique. Il

peut être utilisé en même temps que la vue et rendre un support figé en

mouvement si le consommateur est sollicité par exemple par un QR code, de

plus en plus nombreux dans les magazines notamment. Dans ce cas la

marque crée un lien en faisant participer le lecteur.

- La vue, pour un marketing visuel. C’est le sens le plus « important » et

indispensable pour la mémoire, sachant que le visuelle est bien plus fort que

l’auditif.

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- Le toucher, soit le marketing tactile, permet de garder en mémoire plus

facilement ce qui est devant nous, car c’est réel. Le support va permettre de

créer un lien avec la marque, et se faire sa propre idée. Par exemple, avoir

une sensation de douceur sur un magazine, ou ressentir les reliefs de

l’impression (vernis sélectif) permet de marquer les esprits. De plus il donne

une idée sur la qualité notamment du produit vendu par la marque. Cette

sensation est importante puisque qu’elle sera toujours présente. Avec un livre

c’est l’effet de tourner les pages qui apportera une sensation de

concentration, alors que sur un écran tactile par exemple notre cerveau sait

d’avance qu’il est face à une technologie qui peut l’amener à perdre son

attention.

- L’odorat, pour le marketing olfactif. C’est le sens le plus développé pour

provoquer des émotions puisque cette zone dans notre cerveau abrite de

nombreuses connexions avec celle des émotions. Dans ce cas, le papier,

selon sa provenance, est alors un atout face au numérique. L’odorat est très

peu utilisé généralement, mais il est possible par exemple d’imbiber une page

de publicité de parfum, dans ce cas deux de nos sens les plus importants sont

activés : odorat et vue, ce qui ne serait pas possible avec un écran.

- Et le goût, le marketing gustatif peut aussi allumer la zone des souvenirs ou du

plaisir.

3.2.3. Le monde publicitaire

Le monde publicitaire change, la presse perd des parts de marché (- 7,4 % en 2012

selon l’IREP) au profit du numérique (+ 6,2 %). Elle est en difficulté, d’autant plus que

les annonceurs croient de moins en moins en ce support, particulièrement dans la

presse spécialisée (- 67% des investissements entre 2012 et 2011 –1er semestre) ainsi

que la presse gratuite (sur la même période, - 32%).

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3.2.3.1. Plutôt papier ou numérique

Millward Brown, institut d’études et de conseils stratégiques spécialisés dans la

marque et la communication, a étudié d’un point de vue neuromarketing et donc à

l’aide de l’imagerie médicale, lequel des supports (papier et numérique) génèrent le

plus d’émotions.

Cette étude a été menée pour le compte de Royal Mail qui souhaitait mettre en

place un publipostage pour l’une de ces campagnes. Celle-ci révèle clairement

que le papier a plus d’impact sur le cerveau et les émotions d’un individu que le

numérique.

Plusieurs résultats sont sortis de cette étude dont trois principaux qui répondent

parallèlement aux besoins de toutes les entreprises :

- Le papier active davantage les régions associées au traitement de

l’information visuelle et spatiale. Comme nous l’avons vu dans la première

partie, l’information visuelle est essentielle pour la mémorisation. Or une

marque, cherche à s’inscrire dans la mémoire des consommateurs, pour elle

le visuel est important, d’où toute une stratégie notamment autour de leur

nom ou de leur logo.

- Ce support papier active aussi de façon importante, la zone du cerveau qui

gère les émotions intenses, et donc laisse une fois de plus une trace dans la

mémoire. La marque ou le produit est alors associé(e) au bénéfice

émotionnel que recherche un individu. En effet, l’une des « règles

fondamentales » pour une marque, est de pouvoir créer un lien, une relation

ce qui est permis grâce aux émotions. Cela leur permettra par la suite, de

créer une préférence voire une fidélisation.

- Enfin, troisième résultat imposant le papier face au numérique, est le fait que

les zones du cerveau réservées aux sentiments personnels « s’allument ». Cela

signifie que les individus vont pouvoir relier l’information qui leur est donnée

avec leur quotidien leur vie privée, leurs préoccupations personnelles. Et une

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fois de plus, c’est un atout pour la marque, qui en plus du bénéfice

émotionnel, doit apporter un bénéfice utile et réel.

Millward Brown, a donc tenté d’expliquer ces résultats avec différentes hypothèses,

qui au final sont en lien direct avec notre première partie et le fonctionnement du

cerveau. En effet, l’institut met en avant, d’une part le fait que le papier soit réel et

mette en scène plusieurs de nos sens dont la vue, le toucher, et l’odeur ce qui

permet d’enregistrer au mieux les actions réalisées. D’autre part, le papier est un

support traditionnel côtoyé depuis que nous sommes nés, et enfant, il nous a servi

pour voir et raconter des histoires. Or les publicités qui racontent des histoires et

mettent en avant des émotions, de l’empathie pour ses personnages, peuvent

générer d’avantages d’émotions intenses et donc, un meilleur impact sur le cerveau

et le comportement de l’individu. Il existe différents outils de persuasion. Le premier

est l’utilisation des histoires. Celles-ci sont utilisées généralement dans le cadre de

l’éducation et suscitent de l’émotion. Elles permettent de créer des images, c’est ce

qu’on appelle le story telling.

Ces story telling sont nombreux sur la toile, ils sont courts mais attirent l’attention.

Cependant, le numérique a aussi son importance pour les marques, peut-être à

réserver plutôt pour les premières approches dans les stratégies. En effet, celui-ci

permet notamment un ciblage plus précis et une communication de masse.

Enfin, le fait de lier les avantages du support papier et ceux du numérique

permettent d’augmenter l’impact émotionnel sur le consommateur car en plus des

avantages du papier, il peut voir l’histoire (story telling).

De ce fait, Internet développe de plus en plus de stratégies basées sur le

neuromarketing car il peut lier et l’écrit et la vidéo mais il est encore en

développement. En effet il doit faire phase à divers obstacles, comme le fait que

l’internaute repère les espaces de publicités facilement et donc les évites

automatiquement. Pour le moment les publicités ne sont donc, en général, que des

accroches. Celles-ci ne s’inscrivent pas dans la mémoire mais peuvent pousser à

cliquer sur le lien pour trouver la publicité ou le produit, qui aura un autre impact.

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D’autre part, si l’internaute venait à retomber dessus il saurait la reconnaître car plus

celle-ci est présente sur internet plus il y a un effet visuel de matraquage.

3.2.3.2. Ils utilisent le neuromarketing …

Qui aujourd’hui n’utilise pas cette nouvelle discipline ? Des entreprises de divers

secteurs prennent à présent en compte le neuromarketing et cherchent réellement

à créer un lien émotionnel avec le consommateur.

Exemple d’application – Domtar, un fournisseur de papier québécois

C’est l’un des plus importants fabricants nord-américains de papier de bureau. Ce

fournisseur se bat contre le numérique et cherche à montrer l’apport fonctionnel et

émotionnel du support papier.

Pour cela il va mettre en place pour la deuxième année consécutive une

campagne de communication liant l’émotion au papier. Son objectif est de montrer

la place importante et la valeur que le papier apporte dans nos vies. La firme lance

une série de vidéos mettant en scène les moments ou le papier peut nous manquer

terriblement.

Les grandes idées ont pris naissance sur du papier, on apprend sur du papier, on

déclare ses sentiments sur du papier, on inscrit des données importantes sur du

papier …

Les spots vidéo qui sont des mini films de 40s, mettent en avant des scènes

totalement absurdes qui ont pu nous mettre dans l’embarras, provoquer un malaise

ou nous rendre hystérique :

- « Bridal shower » : Une femme ouvre ses cadeaux de mariage entourée de ses

amies. Elle est très heureuse et à chaque fois qu’elle ouvre un paquet,

remercie ses amies jusqu’au moment où, à l’ouverture du dernier paquet elle

se retrouve sans voix. En effet, celui-ci ne semble pas lui plaire, elle est mal à

l’aise et ne sait pas trop quoi dire jusqu’au moment où elle trouve la carte

papier qui l’accompagne, et elle montre un grand moment de bonheur.

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- « Anniversary » : Un couple dîne au restaurant pour leur anniversaire. La

femme offre une carte sous forme de papier. L’homme la trouve parfaite et

est touché. Cependant il passe directement à la commande du repas. La

femme est surprise et lui demande s’il n’en a pas une pour elle. Sa

réponse : bien sûr, tu n’as pas reçu ma e-card ? A ce moment-là, la femme "

est déçue et la magie autour de ce moment a disparu dans ses yeux ».

- « Waiter » : un serveur prend la commande d’une table de 5 personnes.

Chacune d’entre elle passe commande mais il ne note rien. L’un des clients

lui demande s’il est sûr de se souvenir de tout. Le serveur affirme que oui et

redonne la commande de chacun en se trompant. Les clients montrent leur

mécontentement. Il aurait simplement suffit de prendre des notes sur papier

La marque a voulu jouer sur l’émotionnel pour mettre en avant son produit. Cette

publicité touche directement le consommateur en le plaçant instantanément dans

des scènes du quotidien. Le papier qui semble faire partie de la vie de tous les jours,

et dont on ne se rend pas compte de son utilisation, semble bien manquer quand il

n’est plus là. Le papier va alors s’inscrire dans la longévité alors que le numérique est

de courte durée.

Cependant, pour avoir plus d’impact, Domatar a choisi de réaliser sa campagne

publicitaire avec des spots vidéo et donc sur le numérique. Cela lui permet de relier

les deux cultures, papier et numérique, ce qui lui permet de faire passer son message

avec une émotion plus forte.

Coca-Cola, joue sur l’émotion

Comme vu précédemment, Coca-Cola est l’une des premières entreprises à utiliser

le neuromarketing pour sa stratégie. Elle est notamment à l’origine de nombreuses

recherches depuis sa comparaison avec Pespsi.

Coca-Cola est innovateur et pionnier dans l’utilisation du neuro-marketing avec son

application dans toutes ses publicités. Tous les outils de la persuasion sont utilisés

avec :

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116 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

- Le story telling

- Le lien affectif entre la marque et les consommateurs : il inclut dans ses

actions le consommateur, par exemple sur leur site internet on trouve les

phrases suivantes : « Agissons ensemble », « Ensemble, recyclons », …

- Les termes émotionnels comme « ouvre du bonheur »

- La direction des messages, le but est de conduire l’individu vers un objectif,

pour la marque ce serait « Prends la vie côté Coca-Cola », car il ira

inconsciemment vers l’aspect positif des choses

- …

3.2.3.3. Influence ou manipulation, qu’en est-il du libre

arbitre

« 95% de nos achats sont guidés par des processus inconscients qui échappent aux

techniques classiques. », selon ESOMAR, cabinet d’étude.

Et pourtant il est encore difficile d’évaluer précisément l’impact de la publicité et son

influence surtout au lancement d’un projet.

Cependant, le neuromarketing permet de cibler directement le cœur des

consommateurs. Le choix du support de communication va influencer et créer de

l’intérêt pour le produit ou la marque.

Aujourd’hui, et dans la plupart des articles le neuromarketing est présenté comme

un outil manipulateur enlevant à l’individu tout libre arbitre dans nos actes d’achat.

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Conclusion de la thématique

Le cerveau humain est complexe ce qui lui permet d’évoluer en même temps que

la société. Lire est une invention de celui-ci, c’est un travail mettant en œuvre

diverses zones de notre cerveau permettant de créer un circuit de lecture.

Nous apprenons à lire enfant, car le cerveau a une meilleure « plasticité » et faculté

d’apprendre.

De nombreux scientifiques se sont penchés sur la question, quel impact à le support

de lecture sur notre cerveau ? Vaut-il mieux lire sur du papier ou sur du numérique ?

A ce jour, il n’y a pas vraiment une réponse unique qui peut répondre à cette

question. Cependant, les scientifiques s’accordent à dire que l’attention est

primordiale. De ce fait on parle plutôt d’une lecture profonde pour pouvoir stocker

au mieux les informations et donc accroître notre intelligence.

On ne peut plus vivre sans le numérique, mais il faut savoir l’utiliser à bon escient.

Pour notre génération, le papier est indispensable. Nous l’attrapons plus facilement

pour écrire par exemple une liste de course, pour regarder des photos ou pour

classer nos factures. Or la nouvelle génération, a grandi avec les nouvelles

technologies et n’a pas les mêmes reflexes que nous. A deux ans, un enfant a déjà

dans les mains un smartphone ou une tablette. Les études vont donc continuer de

nombreuses années car ces enfants grandiront et on pourra donner des résultats sur

l’intelligence, la mémoire, la compréhension, …, qui seront comparés à celle de

notre génération.

L’imagerie médicale a permis de nombreuses avancées, comme connaître le circuit

de lecture afin d’améliorer celui de l’apprentissage dès l’enfance. Il sert aujourd’hui

pour les entreprises qui étudient les consommateurs et leur comportement à travers

le cerveau.

Nous nous dirigeons de plus en plus vers un monde sans papier. En effet les

entreprises sont leaders dans les tendances, ce sont-elles qui vont pousser ou non un

achat. Elles sont donc marquées par l’arrivée du neuromarketing, nouvelle discipline

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dérivée du marketing sensoriel, qui est un grand atout pour monter leur stratégie et

minimiser les risques d’échecs.

Aujourd’hui le numérique est mis en avant et pourtant les études montrent que le

papier a un bien meilleur impact encore sur le cerveau humain pour les marques. La

mémoire joue un rôle important et les émotions y sont aussi liées.

Alors qu’en est-il vraiment de l’évolution de ces supports, l’édition va-t-elle aussi se

développer vers un univers numérique ?

NON C’était mieux avant ? La question pourrait être posée d’ici quelques

années si le papier venait définitivement à disparaitre. Cependant, il est

clair que celui-ci a encore un bel avenir devant lui d’un point de vue

neuroscientifique. Un monde en progrès doit tout de même s’appuyer sur

des bases solides, et le papier en fait partie.

En effet, même s’il existe de nouveaux supports de lecture, celle-ci peut ne

pas avoir le même impact selon si elle s’effectue sur papier ou sur écran.

Les scientifiques n’ont pas encore donné une véritable réponse sur l’avenir

du papier, mais aujourd’hui les technologies permettent d’en connaître

plus sur le fonctionnement du cerveau. L’intelligence dépend-elle

réellement du support d’apprentissage ? Aujourd’hui, il a été démontré

que le papier permet une attention plus profonde, mais des études dans le

future permettront de répondre plus clairement aux questions qui se posent

sur le véritable rôle du papier et son importance.

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4. Edition

Le livre est touché de plein fouet par le choc de la technologie numérique. La

dématérialisation fut anticipée mais c’est maintenant qu’elle se concrétise à grande

échelle. Ce phénomène remet en cause le statut même du livre et de son industrie.

D’objet, il tend à devenir service. Il n’est plus l’apanage des libraires mais des

fournisseurs d’accès, ce qui entraine des conséquences sur les droits d’auteur.

Les parties prenantes du livre font face à un bouleversement de leur activité.

Éditeurs, libraires et bibliothécaires développent de nouvelles manières de travailler

tout comme le lecteur ne tourne plus des pages mais effleure un écran.

Tout au long de la chaîne du livre, les éditeurs préconisent un encadrement légal

adapté, la sortie des monopoles techniques et commerciaux des pure players.

Par ailleurs, les sociologues s’interrogent sur les nouvelles pratiques de lecture, les

nouvelles attentes des publics et la place des lieux de lecture comme la

bibliothèque.

L’industrie du livre s’intéresse de près aux plâtres essuyés par la presse qui malgré de

lourds investissements peine à transformer son nouveau lectorat en audience

rentable.

Au final, nous verrons que l’irruption du numérique affecte plus gravement l’industrie

du livre et sa profitabilité que le lecteur qui s’est très vite imprégné de ces nouveaux

usages de plus en plus adaptés aux besoins d’une société nomade, connectée et

impatiente.

Pour aller plus loin dans notre réflexion, nous placerons cette révolution du livre dans

un cadre plus large du renouvellement « civilisationnel » dont la technologie

numérique paraît porteuse. En effet le numérique est aujourd’hui devenu une

promesse sociale qui prend tout son sens dans la gratuité d’un Wikipédia ou la mise

en ligne de livres historiques par Google Books.

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Cette confiance dans le numérique est le dernier rempart de la vieille Europe pour

affirmer sa culture globale et concevoir son Soft Power.

Le livre numérique représente donc un enjeu géopolitique pour permettre à l’Europe

de retrouver sa place dans l’économie mondiale.

Enfin, nous terminerons cette partie par un questionnement sur le devoir de mémoire.

Jamais la civilisation humaine n’a disposé d’autant de moyens de se souvenir.

Pourtant, ces moyens technologiques génèrent de nouveaux comportements

proches du zapping. On assiste à une confiance aveugle vis à vis des serveurs de

stockage de données qui se chargeraient de la conservation de l’Histoire de nos

civilisations. La peur du « grand bug » entraine donc les intellectuels à se mobiliser

pour un appel au « devoir de mémoire »

4.1. Le livre numérique et le livre papier

L’économie de l’édition est bouleversée. Le développement des réseaux, des

supports électroniques nomades et le poids des entreprises tirant leurs revenus

exclusivement du numérique, ont forcé les maisons d’édition traditionnelles à revoir

leur modèle.

Pendant que les géants de l’électronique, du web, de l’informatique et de

l’imprimerie tentent de se tailler les parts déterminantes du marché du livre

électronique, en France comme ailleurs, la question qui hante les esprits est : le livre

va-t-il disparaître comme ont disparu avant lui les disques ou le cheval comme

moyen de transport ?

La question est absurde car le livre n’est pas un dispositif technologique comme les

autres. Si la voiture, le téléphone à fil ou tout simplement la cuisinière se sont

améliorés au fil du temps, cédant la place à des modèles plus performants, moins

coûteux, plus maniables, ceci est dû à la récence de leur invention. Les objets qui

nous entourent ont à peine plus d’un siècle et ils continuent de s’adapter à nos

usages grâce à l’innovation.

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Le livre est parmi nous depuis plusieurs siècles si on considère la révolution de

l’imprimerie comme point de départ, mais depuis deux millénaires si l’on s’en tient au

papier manuscrit. Au fil de ces centaines d’années, le livre, et le papier qui le

constitue, ont subi de nombreuses mutations, d’innombrables expériences et n’ont

finalement gardé que les usages que l’on en fait aujourd’hui.

Alors pourquoi ce conflit entre le livre papier et le livre électronique ? Si ce n’est pas

du support dont il est question, alors les enjeux du conflit reposent certainement sur

le contenu. Car le livre existe en tant qu’objet singulier, vierge, sans contenu autre

que celui que l’auteur(e) va y consigner. Ce qui rend le livre précieux, c’est ce qu’il y

a dedans. Et ce contenu, numérisé systématiquement depuis plus de 20 ans, est

l’enjeu principal de la guerre du livre numérique. Car il faut se remettre en tête que

tous les contenus littéraires produits depuis l’introduction de l’informatique dans

l’imprimerie et l’édition sont issus de technologies numériques avant d’être imprimé

sur papier.

Ceux qui contrôlent, en amont, les sources numériques sont les véritables maîtres de

l’édition et donc de la diffusion du savoir, des idées, des récits, de l’histoire avec ou

sans majuscule. C’est pour détenir ce pouvoir que les géants se livrent une guerre

commerciale et industrielle totale. Il s’agit en faite d’un monopole sur la

connaissance et le divertissement littéraire. Si autrefois, les auteurs craignaient le

plagiat ou le pillage en remettant leurs manuscrits aux éditeurs, cette fois, c’est aux

éditeurs de redouter les marchands d’électroniques.

Il est clair que les puissants Amazon, Google, Barnes & Noble, Microsoft, Sony d’un

côté et les Flammarion, Gallimard, Hachette, Fnac et Cultura de l’autre vont se livrer

une guerre sans merci pour proposer des offres qui répondent aux nouveaux

comportements des lecteurs.

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4.1.1. Chiffres

Avant d'étudier la liste des indicateurs de l'édition, nous allons, grâce au schéma ci

dessus, situer les parties prenantes de l'économie de l'édition, en précisant celles qui

sont les plus touchées par le numérique et le rôle de chacune des parties de

l'industrie.

En Europe, le livre génère un chiffre d’affaires annuel d’environ 23 milliards

d’euros (selon l’enquête menée par la FEE pour l’année 2009) et plus de 500 000

nouveaux titres sont publiés chaque année. L’industrie européenne de l’édition

emploie environ 170 000 personnes à plein temps et des millions d’autres

personnes en Europe sont dépendantes du secteur, tels que les auteurs, les

illustrateurs, les grossistes et les libraires. Ces chiffres reflètent l’importance de

l’édition en termes d’innovation, de croissance et d’emploi en Europe.

Le livre, première industrie culturelle en France : 4,3 milliards d’euros en 2011

Le revenu net des éditeurs de livres (source SNE, repères et statistiques 2011) est

passé de 2,83 milliards d’euros en 2010 à 2,80 milliards d’euros en 2011 (-1,2%).

450,5 millions de volumes se sont vendus en 2011 (-0,3% à périmètre constant).

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Ce chiffre d’affaires net éditeur est à comparer au marché du livre, évalué par

GfK à partir des ventes en sortie de caisse de leur panel, à 4,3 milliards d’euros,

chiffre stable en 2011. Toujours selon GfK, le livre représente 52 % du marché des

biens culturels.

Selon les résultats de GfK (cf. tableau ci-

contre), la littérature générale (+ 0,1%)

domine le marché devant la jeunesse (- 0,6%)

et la bande dessinée (1,3%).

En 2011, d’après le classement du SNE, la

littérature générale a rapporté près de 700

millions d’euros (- 2,1% en valeur) ; les beaux

livres et livres pratiques 428 millions (- 4,3% en

valeur), l’édition scolaire 415 millions (+ 5,5%

en valeur), la jeunesse 373 millions (-7% en

valeur), la bande dessinée 226 millions (+ 4,7%

en valeur) ; les sciences humaines (+ 1%) 195

millions.

Prédictions

Dans un contexte de développement du marché dématérialisé, où apparaissent de

nouvelles difficultés pour les libraires (loyer et TVA du livre) ainsi que des polémiques

au sujet de la tarification de l’e-book, nous pourrions être tenté de conclure que

toute l'industrie du livre se porte mal. Et pourtant, les chiffres 2012 publiés par

l'Association of American Publishers démontreraient une augmentation des ventes

globales. Et la vague d'érotisme insufflée par le best-seller d'E.L. James aurait bel et

bien contribué à redresser la barre.

Sur le marché américain, l'accroissement net annuel aurait été de 7,4 %, en

comparaison à l'année précédente, ce qui équivaut à un montant de recettes

gonflé de 451 millions de dollars, qui atteindrait désormais les 6,533 milliards de

dollars. Nous pouvons remarquer que c’est ce même marché américain qui donne

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le ton de la conjoncture internationale. Parmi les best-sellers qui auraient dopé ces

résultats, sont pointés les Fifty Shades et autres Hunger Games.

Depuis l'année 2011, la vente de livres numériques aurait connu une progression de

42 %, pour un marché culminant à 1,251 milliards de dollars. Une croissance qui

tendrait néanmoins à se stabiliser, selon les estimations, autour de 20 à 25 %.

L’e-book n’aurait donc pas que des défauts si l’on en croit les chiffres. En fait,

l’industrie de livre ne connaît pas la crise des libraires. Parmi les avantages

indéniables pour une maison d’édition, qu'apporte l'e-book, on note une diminution

du budget qui partait habituellement à la destruction des stocks invendus. Selon

l'analyse de Publishers Lunch, le bilan de ce gaspillage aurait diminué de 318 millions

de dollars en 2012.

Les chiffres sont donc positifs pour cette industrie et l’on va étudier comment les

acteurs historiques tirent leur épingle du jeu de cette nouvelle distribution de la

valeur.

Les nouveaux acteurs qu’ils soient éditeurs ou distributeurs ont finalement un impact

positif sur les chiffres puisqu’ils permettent aux best seller de connaître des diffusions

exponentielles.

4.1.2. Les acteurs historiques

Qui sont les acteurs historiques ? Comment les anciens maitres de l’édition

s’adaptent aux nouveaux enjeux du numérique ?

Pour évaluer l’ensemble de la chaine de valeur traditionnelle du monde du livre, de

l’édition et de la presse, ce schéma permet de comprendre comment les parties

prenantes de ce secteur sont liées.

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En France, le paysage de l’édition est dominé par plusieurs grandes maisons au

patrimoine et à l’histoire prestigieux. Au cœur du paysage de l’édition, six grandes

maisons se détachent, caractérisées par le volume de leurs productions et leurs

tailles dues à leurs différentes acquisitions.

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Hachette Livre est le premier éditeur en France et dans le milieu francophone. Créée

en 1826, la maison fait partie du groupe Lagardère et possède aujourd’hui plusieurs

maisons d’édition : Calmann-Lévy, Fayard, Grasset, Hatier, Larousse, Le Livre de

poche, Stock. La maison assume également une importante activité dans la presse

et produit aujourd’hui les ouvrages d’auteurs aussi prestigieux que Virginie Despentes

ou Michel Houellebecq. Soucieux de proposer aux consommateurs l'offre

commerciale la plus attractive, Hachette Livre a décidé l’année dernière,

l'harmonisation, à quelques centimes d'euros près, de 2000 titres numériques, alignés

sur le prix de leur version Poche.

Editis est le dernier né des géants de l’édition puisque qu’il a été fondé en 2004 pour

se placer directement en deuxième position sur le marché du livre. La maison

possède de nombreuses autres maisons d’édition parmi lesquelles 10/18, Bordas,

Fleuve Noir, Le Robert, Nathan, Plon, Pocket, Robert Laffont.

La Martinière-Le Seuil (Minerva, L’Olivier, Le Sorbier) est issue de la fusion des deux

grandes maisons d’édition en 2004. Née en 1992, La Martinière était à l’origine

spécialisée dans les beaux livres. Sa fusion avec les éditions du Seuil, fondées en

1935, disposant d’un catalogue très généraliste a permis au groupe d’élargir ses

activités. La maison a notamment publié l’ouvrage de Yann Arthus-Bertrand, La Terre

vue du ciel, tiré à plus de 3 millions d’exemplaires et diffusé à travers le monde dans

21 pays.

Flammarion est également une maison prestigieuse, fondée en 1876, ayant publié

de grands auteurs classiques dès leur début comme Emile Zola, Henri de

Maupassant ou Jules Renard. Placée dans de nombreux domaines, parmi lesquels le

domaine du livre bon marché et de la littérature de l’enfance, la maison possède

également les éditions Casterman, J’ai lu, Père Castor, Viviane Hamy. Elle a été

rachetée par Gallimard l’année dernière et suit donc la stratégie digitale de celle-ci

Gallimard, maison fondée en 1911, est probablement l’un des éditeurs les plus

prestigieux de France. La maison est particulièrement reconnue pour son influence

et ses nombreuses publications d’auteurs majeurs du 20e siècle : Nathalie Sarraute,

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Jean Genet, Eugène Ionesco ou encore Jacques Prévert. Aujourd’hui, de

nombreuses maisons d’édition ont rejoint l’écurie Gallimard, parmi lesquelles Denoël,

Folio, POL, La Pléiade, Edition du Rocher ou encore Verticales.

Le livre numérique ne représente que 2% de son chiffre d’affaire mais le groupe

réfléchit déjà à une stratégie de conquête. Antoine Gallimard livre sa vision sur la

question dans un entretien à El Pais en mars 2011.

« La révolution numérique est une révolution technologique fondée sur la rapidité

avec laquelle nous pouvons nous procurer du contenu. L’important est de savoir si

cette révolution va transformer le comportement du lecteur ou influer sur

l’imagination de l’écrivain. [...] Le danger n’est pas le numérique : comme je l’ai dit

précédemment, l’édition numérique est une opportunité. Le vrai danger c’est la

gratuité. Il ne s’agit pas d’accuser Internet mais le piratage. [...]

Gallimard a entamé des procédures judiciaires contre plusieurs fournisseurs d’accès

tels qu’Orange, de façon à ce que ces derniers arrêtent d’héberger des sites depuis

lesquels les internautes téléchargent illégalement des livres numériques. Nous avons

réussi à faire fermer certains de ces sites, toutefois Orange nous a attaqué en retour

au nom du libre accès à Internet.

En tant que président du SNE, je lutte aujourd’hui en faveur des droits d’exploitation

numérique et pour l’établissement d’une loi qui assure le contrôle des prix du livre

numérique, de façon à préserver à la fois la valeur du livre, de la création et de

l’édition, mais aussi pour protéger les libraires et les écrivains. »

Fondées en 1900, les éditions Albin Michel éditent en moyenne 450 ouvrages par an.

Très présente sur la littérature francophone (Amélie Nothomb, Patrick Cauvin), la

maison, qui possède notamment les éditions Magnard, Vuibert ou encore De

Vecchi, édite également de nombreux auteurs étrangers à succès comme Stephen

King ou Mary Higgins Clark. Son directeur R&D Alexis Esménard espère aussi

développer chez Albin Michel des livres numériques dans la lignée de L’Herbier des

Fées, exemple d’un mariage particulièrement réussi entre les talents d'un illustrateur

de livre pour enfants, Benjamin Lacombe, et les possibilités d'interactivité offertes par

la technologie numérique. La maison espère donc une complémentarité entre les

deux types de livre.

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Pour faire face à une époque difficile où le nombre de lecteurs en France diminue,

les maisons d’éditions ont du se regrouper et parfois accepter d’être rachetées par

d’autres et de diversifier leurs activités pour continuer à exister.

La révolution numérique constitue également un nouveau défi à relever pour ces

maisons qui se préparent à de nouveaux modes de diffusion via Internet et de

nouveaux supports de lecture (tablettes, smartphones, liseuses).

En dehors des nouveautés, les maisons d’édition accélèrent le processus de

numérisation de leurs fonds. L’offre éditoriale numérique est concentrée aujourd’hui,

pour 70 % environ, sur une vingtaine de maisons d’édition et sur la littérature

française. Même si le catalogue numérique, tout éditeurs confondus, représente à

peine plus de 10 % de l’offre disponible en vente papier, il témoigne néanmoins de

l’impulsion générale vers le numérique.

Concernant la distribution, les 4000 libraires français estiment que le livre numérique

n’est pas une demande réelle pour le moment. Il faut dire que ce réseau de

distributeur commence à peine à comprendre les enjeux de la distribution en ligne.

Au salon du livre 2013, Denis Mollat, président du Cercle de la librairie (le syndicat

patronal français des industries du livre), estime que le pragmatisme n'empêche pas

l'optimisme : « Oui, Amazon est une menace, oui, le livre numérique est un défi.

Mais les libraires aussi sont capables de s'adapter », affirme-t-il, citant en exemple le

site Internet de la Librairie Mollat (Bordeaux), portail multimédia ancré sur les réseaux

sociaux et donnant accès à un catalogue de plus de 180 000 titres.

« On a transposé dans le monde du Net ce qui se passe en librairie », confie-t-il. « Je

suis convaincu que l'inverse pourrait aussi se faire : la librairie peut être un lieu

formidable pour promouvoir et vendre le numérique » et d'imaginer, de la même

manière, des clients venant prendre conseil auprès de leur libraire avant de

télécharger leurs livres sur des bornes électroniques.

Encore plus innovant, la bibliothèque virtuelle YouBoox.fr, plate-forme

communautaire offrant la lecture et le partage gratuit et illimité d’e-books sur iPad et

le Web, propose aux libraires trois nouveaux services afin de leur permettre de sauter

plus sereinement le pas vers le numérique.

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Fondé en mars 2012 par Hélène Mérillon, Fabien Sauleman et Vincent Daubry,

YouBoox.fr, met à disposition des utilisateurs un catalogue de plus de 6 000 de livres

numériques, gratuitement ou via un abonnement Premium.

Proposé à 9,99 euros par mois, cet abonnement permet aux souscripteurs de se

passer de l’incrustation de publicités dans les e-books, de consulter leurs livres hors

connexion et de disposer d’un catalogue étendu.

La start-up propose de reverser aux éditeurs 50% des revenus provenant des

abonnements et de la publicité, le tout proportionnellement au nombre de pages

lues. YouBoox.fr compterait actuellement plus de 85 000 utilisateurs, et plus de 8

millions de pages lues. La bibliothèque virtuelle propose ainsi trois nouveaux services

numériques dédiés aux librairies « en dur ». La vente d’abonnements de lecture

permettra aux libraires partenaires de commercialiser des « codes d’abonnement »

YooBoox à leurs clients. Ils bénéficieront en échange d’une commission mensuelle

sur les abonnés recrutés.

Quant aux GMS spécialisées comme la Fnac, elles observent avec inquiétude les

derniers tourments judiciaires de Virgin qui est en liquidation.

Sa stratégie consiste à s’aligner sur Amazon en proposant une tablette/liseuse sous la

marque Kobo. Les résultats sont honnêtes mais ils restent tirés par les early adopters.

Le conseil n’est plus un argument suffisant et c’est par les rencontres et les échanges

que la Fnac maintient sa crédibilité auprès des leaders d’opinion de la lecture.

4.1.3. Les nouveaux acteurs

On présente souvent les nouveaux entrants dans l’économie du livre comme les

responsables des difficultés économiques des maisons d’édition traditionnelles. Mais

va-t-on vraiment vers la fin de l’éditeur traditionnel ?

Si le livre numérique bouleverse cette économie, les coûts de création et d’édition

demeurent mais les métiers doivent évoluer. Le soutien à l’auteur, la création de

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marques, la fonction de certification ou de labellisation qui lui sont associés ainsi que

le merchandising, la diffusion et la promotion restent nécessaires.

Les nouveaux acteurs qui ont su trouver leur place dans les métiers que nous avons

cité viennent principalement des secteurs de l’informatique et des télécoms.

L’hypothèse de l’éclatement de certaines fonctions, jusque là exercées par l’éditeur,

n’est plus exclue. Internet facilitant la publication, un processus de désintermédiation

peut s’enclencher, porté par la liberté nouvelle de l’auteur qui s’émancipe de sa

relation avec l’éditeur.

Certains se prêtent au rêve de l’auto-édition (voir II.2) ; Il apporte beaucoup

d’échecs mais aussi quelques succès non négligeables. On assiste à l’émergence de

talents via des sites comme Lulu, Press-books, YouScribe, JePublie ou BiblioCrunch. Le

texte devient « élu » par les internautes, qui participent à sa production selon un

modèle de financement collaboratif, déjà testé par l’industrie musicale. Dans

l’édition, My Major Company s’est associé à XO qui édite de nombreux Best Seller.

Cette pratique du crowdfunding se répand avec Editeurauteurassocies, Les

Nouveaux Auteurs, CrowdBook, et Manolosanctis.

A côté de ces initiatives encore marginales, le numérique nécessite des

investissements de la part des éditeurs : conversion des fichiers, programmation,

stockage numérique, techniques de protection, etc. Ces nouveaux métiers

nécessitent de nouvelles compétences (développeur, administrateurs de système

d’informations, intégrateur web, web analyst en charge du référencement, etc). Si

chaque format requiert des dépenses, une fois celle-ci consenties, le coût de

reproduction devient nul. Toute la chaine de valeur en est affectée.

Le livre numérique permet d’économiser les coûts d’impression, de transport et

stockage physique. Plus précisément, c’est 72% de coûts de fabrication en moins,

87% pour la distribution et 56% pour la commercialisation (Hervé Gaymard, Pour le

livre, Rapport sur l’économie du livre et son avenir, Galllimard, 2009).

La structure du marché est telle que certains segments ont permis aux nouveaux

acteurs d’entrer plus facilement sur le territoire des maisons d’édition.

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Au Japon, les mangas représentent 22% du marché du livre papier mais 65% du

marché numérique. La migration dépend surtout du degré de technophilie des

lecteurs acheteurs. On observe d’ailleurs le même mouvement pour les documents

scientifiques et autres revues académiques.

Dans ce nouveau monde, les nouveaux géants sont autant des pure players que

des entreprises ayant choisi de se diversifier.

Les éditeurs traditionnels de taille moyenne ou grande travaillent à la conversion de

leurs fonds, ce qui est plus simple pour les livres récents que pour les anciens.

Soucieux de créer des plateformes qui répondent aux exigences des plateformes de

distribution traditionnelles, ces éditeurs se sont regroupés (Eden distribue Le Seuil,

Gallimard, Flammarion et Actes Sud), ont créé des entités propres (Hachette a

racheté Numilog, Editis a créé E-Plateforme) ou ont rejoint des structures comme

Immatériel, fondée en 2008 et qui dispose d’un partenariat avec Dilisco (filiale du

groupe Albin Michel).

Parmi les structures les plus intéressantes, Publie.net propose plus de cinq cents livres

numériques en ligne dans différents formats adaptés à la réalité matérielle (PDF pour

les ordinateurs, ePub pour les liseuses et tablettes, PRC pour Kindle). Certains de ces

livres sont même multimédias. On peut les payer à l’unité ou à l’abonnement. Les

auteurs sont repérés notamment sur des blogs.

Le phénomène ferait-il vaciller le trône des trois grands rois du numérique, à savoir

Apple, Amazon et Google ? Ces acteurs bénéficient de positions de force en aval

de la chaîne de valeur. Aucun ne vient du monde de la culture et le livre apparaît

comme un élément d’une stratégie de diversification.

Amazon et Apple déploient un modèle de verrouillage qui consiste à vendre des

matériels et à lier la possession du device à l’achat d’œuvres sur un magasin dédié

(Amazon.com, AppleStore). Le verrouillage technologique et commercial permet de

s’approprier une rente grâce à la double fonction du fournisseur de matériels et de

titres.

Amazon se positionne sur toute la chaine de valeur. La marque a déployé, dès sa

création, une stratégie très agressive de vente des nouveautés à prix cassés, en vue

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132 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

d’occuper une place dominante sur un marché naissant. La liseuse Amazon aurait

capté 70 % du livre électronique aux Etats-Unis et 90% en Grande Bretagne lors de sa

sortie (Enjeux : Les Echos novembre 2011).

Elle propose de nouveaux services : abonnement ouvrant droit à un nombre limité

de locations en ligne, service d’auto-publication (voir II.2). Elle investit dans l’édition

de livres papiers et numériques, attirant les auteurs déjà lancés et donc précieux

pour les éditeurs. La force de frappe d’Amazon peut être mesurée par son chiffre

d’affaire. Sur l'ensemble de l'année 2012, le chiffre d'affaires d'Amazon s'élève à

61,09 milliards de dollars, en croissance de 27% par rapport aux 48,08 milliards de

dollars de ventes enregistrées l'année précédente. La firme bénéficie en plus de

cela du système fiscal avantageux des Etats-Unis en faveur des acteurs du Net.

Apple s’inscrit aussi dans une stratégie de verrouillage en proposant des matériels

dotés d’une multitude d’applications et de contenus payants. Les conditions offertes

aux éditeurs relèvent du même partage que la marque réserve aux développeurs

d’applications. 30 % des revenus sont pour Apple et le reste, pour la chaine de

valeur du livre. En 2012, la marque a lancé IBooks Author (création d’ouvrages

électroniques) et IBooks 2 (application de lecture) ainsi que des partenariats avec

des éditeurs scolaires qui proposent des ouvrages à 14,99$. Le résultat est parlant

puisque Apple a réalisé 156 milliards de dollars de chiffre d'affaires sur son exercice

fiscal 2012.

Face à eux, Google est un modèle ouvert. En 2004, il lance la numérisation d’une

quinzaine de millions de livres afin de mettre en place la plus grande bibliothèque

numérique. Ses livres proviennent des fonds de grandes bibliothèques américaines,

de la bibliothèque d’Oxford et de quelques bibliothèques européennes.

Cependant, certains de ses ouvrages étaient encore sous droits et, souvent, Google

se doit de faire marche arrière, face à divers procès. Le géant du numérique n’en

propose alors que des extraits.

Le modèle économique de Google est simple. La gratuité de l’accès permet de

créer du trafic et d’affiner la connaissance des profils utilisateur, dans une logique de

marché à double face : Google propose des contenus d’un côté et vend l’espace

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133 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

publicitaire de l’autre. Le prix dépend du trafic et du nombre de requêtes associées

aux contenus en question.

L’entreprise déploie une logique de diversification d’activité dont le livre n’est

qu’une des modalités, mais joue sur l’intégration verticale à travers un

positionnement sur toute la chaine de valeur du Web. En 2011, Google ouvre sa

librairie en ligne au Canada avec des centaines de milliers de livres électroniques à

acheter et deux millions à télécharger gratuitement. Le chiffre d'affaires a progressé

de 32 % sur l'ensemble de l'année 2012 pour s'établir à 50,175 milliards de dollars.

Cette situation oligopolistique n’est pas sans contestation de la part des marchés

Européens et Asiatiques. Parmi les rebelles, citons l’Australie qui, par l’intermédiaire

de l’association nationale des libraires, propose tous les jeudis de reprendre votre

Kindle pour 50€. Une politique qui s'inscrit dans un vaste mouvement d'achat local

qui parcourt la société australienne ces temps-ci. Il s’agit d’enrayer la mainmise

d'Amazon en Océanie puisque 75% des appareils possédés sont des Kindle.

La Chine vient de punir Apple pour la mise en vente d’auteurs Chinois censurés sur

son Apple Store.

Enfin, la France conteste l’accord entre Google Books et les éditeurs américains et,

mis à part Hachette, ne veut pas de cet accord sur les copyrights dans son pays.

Cette situation oligopolistique n’est pas sans contestation de la part des marchés

Européens et Asiatiques. Parmi les rebelles, citons l’Australie qui, par l’intermédiaire

de l’association nationale des libraires, propose tous les jeudis de reprendre votre

Kindle pour 50€. Une politique qui s'inscrit dans un vaste mouvement d'achat local

qui parcourt la société australienne ces temps-ci. Il s’agit d’enrayer la mainmise

d'Amazon en Océanie puisque 75% des appareils possédés sont des Kindle.

La Chine vient de punir Apple pour la mise en vente d’auteurs Chinois censurés sur

son Apple Store. Enfin, la France conteste l’accord entre Google Books et les

éditeurs américains et, mis à part Hachette, personne ne veut pas de cet accord sur

les copyrights dans son pays.

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4.1.4. Le livre papier et son double

Il est bon ton d’avancer qu’un médium ne saurait se substituer à celui qui l’a

précédé. Aujourd’hui la télévision oublie le DVD comme elle l’a fait avec la K7. Le

livre, lui, a survécu à bien de concurrents. Les amoureux du livre papier lui inventent

une odeur et des propriétés symboliques pour nous faire douter de sa possibilité

d’éviction de l’offre culturelle. Pourtant certaines technologies finissent par

supplanter d’autres et les usages peuvent se cannibaliser. De ce point de vue, nous

sommes marqué par l’incertitude sur l’avenir du livre, de l’écriture, de la chaine de

valeur qui va de l’auteur au lecteur, des modalités de prescription et d’usage.

L’apparition du livre numérique et de son marché s’inscrivent dans un mouvement

qui combine une révolution industrielle et une révolution cognitive.

La première renvoie à la technologie et au bouleversement radical des processus de

production qu’elle induit, alors que la seconde renvoie à des pratiques, des modes

de création et d’appropriation des textes et des œuvres.

Roger Chartier y voit la mise en question de la relation ternaire établit entre l’objet,

les catégories de textes et leurs usages (Communication et langages, « La mort du

livre ?).

Lancée en 1998 et vite retirée du marché, la tablette Cyborg est sans doute arrivée

trop tôt. Par contre, les années 2000 sont marquées par l’entrée en force du

numérique dans les pratiques quotidiennes de lecture, l’échange d’informations et

l’usage des réseaux sociaux.

L’achat de l’ebook prend son envol au début des années 2010. Ils représentaient à

peine 0,6% en 2008, pour 9,4% en 2011 et 20% aujourd’hui (2013).

Barnes et Nobles vend trois fois plus de livres numériques que de livres physiques et

Amazon vend 2,42 e-books pour un livre papier (2011).

Logiquement on aurait pu croire à une migration des livres dits de consultation vers

le numérique et une résistance du roman, mais c’est la fiction qui se numérise le plus

aux Etats-Unis (Ipsos, Les publics du livre numérique mars 2010). Quant au livre de

poche, il recule alors que le marché global stagne.

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Le livre numérique demeure un objet mal identifié. On l’apparente à un

codex et une succession de typographie froide sur un écran rétro éclairé. Pourtant,

cet objet est bien plus riche que cela et on pourrait presque dire qu’il marque le

retour du Volumen ; ce grand rouleau de papier/parchemin que l’on déroulait dans

l’époque antique. L’architecture numérique bouleverse l’ordonnancement classique

et c’est sur ce point que les éditeurs numériques travaillent le plus puisqu’ils essaient

de reproduire la sensation du papier et des pages qui se tournent.

De fait, le livre numérique n’est plus un dérivé du livre papier comme l’étaient les

livres audios. Il peut être « augmenté », ou enrichi de contenus. Des liens et des

illustrations permettent au lecteur d’enrichir son expérience de lecture. Le livre cesse

d’être un objet clos disposant d’un titre brut et d’un point final.

Le contenu s’émancipe du support initial puisqu’il vagabonde de tablettes (Ipad), à

des liseuses (kobo, Kindle), aux smartphones. Le « contenu » s’émancipe du support

unique auquel il était attaché ; la lecture rompt avec la linéarité imposée par le

papier, la recherche dans le « livre » perturbant l’ordonnancement des pages.

La mise en page devient malléable et en agissant sur la taille de la police de

caractère, le lecteur s’autorise une intervention minime qui n’est que le symbole

d’une nouvelle relation avec le livre.

La lecture numérique requiert un apprentissage car les possibilités offertes par cet

outil peuvent déconcerter le béotien. Amazon va jusqu’à proposer au lecteur sur

Kindle de corner virtuellement une page avec un petit « triangle » en haut, à droite

de la page. La lecture interrompue sur Kindle peut être poursuivie sur téléphone et le

livre s’ouvre à la page cornée.

4.1.5. Chronique d’un désastre annoncé ?

Tel le pharmakon, à la fois promesse et poison, le livre numérique suscite

enthousiasme et méfiance. L’expérience de migration d’autres industriels vers le

numérique a laissé de mauvais souvenirs aux acteurs du secteur. On se souvient que

depuis 1999 et l’arrivée du mp3, les revenus de l'industrie musicale avaient en effet

baissé de 40 %. La perte de valeur de l’industrie musicale n’est pas totalement

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136 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

imputable au numérique et aux possibilités de téléchargement illégal qu’il rend

possible, mais à une mauvaise gestion de la chaine de valeur du disque.

Le monde éditorial apparaît comme tétanisé par les enjeux et les risques encourus

par la technologie. Il hésite à se lancer dans la mise à disposition d’une offre dont, il

est indéniable, peut empiéter sur les ventes du livre papier, avec des prix

nécessairement plus faibles et des coûts encore mal évalués. Il est vrai que les

modèles économiques peinent à se dessiner, montrant une pluralité de solutions qui

n’en sont pas tout à fait.

L’inquiétude vient aussi de la presse. Elle affronte le progrès technologique en ordre

dispersé, montrant par ses tâtonnements successifs à quel point le modèle

économique associant presse numérique et presse physique n’est pas encore

trouvé. Trois possibilités existent :

- modèle gratuit.

- modèle payant.

- modèle hybride.

Le modèle économique le plus viable dépend de la cible du support. Le Financial

times peut se permettre d’être 100% payant alors que Le Monde ne peut s’exclure

un certain lectorat et choisit donc de laisser des contenus en libre accès.

Certains demeurent dans des structures de financement traditionnelles associant

achat, abonnement et publicité (sachant que l’espace publicitaire numérique vaut

un dixième de celui de la presse papier) alors que d’autres cherchent une variété de

ressources, du côté des dons et des contributions volontaires (Huffington Post).

Enfin, des supports tentent de diversifier leurs activités, de coopérer avec divers titres

pour proposer des bouquets, des suppléments et des articles sponsorisés. Le journal

est déconstruit tel que nous le connaissons au fur et à mesure qu’il se cherche.

La presse crée même des journaux entièrement écrits par des bloggeurs et teste des

sites participatifs. En peu de temps, le New York Times passe du payant au gratuit en

annonçant que les pertes de revenu liées à la gratuité seront compensées par une

hausse des revenus publicitaires. La marque doit malheureusement faire machine

arrière en 2011 et retourner à une formule payante.

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137 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Pour l’éditeur de livre, la presse est un formidable exemple sur la difficulté à valoriser

des œuvres produites et la difficulté à monétiser des produits intangibles que le

consommateur n’arrive pas encore à payer puisqu’il ne le possède pas. Il faudrait

donc une valeur de compensation.

La lecture de la presse crée pourtant une familiarité avec le numérique, elle nourrit

les pratiques de sélection et de ré-editorialisation qui préfigurent certains usages

appelés à se développer pour le livre.

L’édition de livres reste (heureusement) solide. Elle est structurée par des oligopoles

qui ont la taille critique pour investir dans l’innovation tout en ayant la taille d’une

petite structure qui facilite la conduite du changement.

Le rythme de sortie des nouveautés ne cesse de s’intensifier : 20 252 en 1990, 40 021

en 2010 soit un doublement qui s’accompagne en même temps d’une chute de

20% du tirage moyen. L’importance des nouveautés (rentrées littéraires de plus en

plus fécondes) implique une prise de risque qui pourrait sembler irrationnelle. Elle

procède de la recherche de succès qui compensera la prise de risque induite sur

d’autres titres. Face à un foisonnement de l’offre, la prescription joue un rôle clé et

cela passe par la critique, les différents médias ou encore le bouche à oreille.

L’avenir économique du livre tant numérique que physique serait donc dépendant

en grande partie de l’opinion de ses parties prenantes.

4.2. De la culture du papier

4.2.1. Livre et lecture aujourd’hui

La lecture sur écran est apparue avec l’ordinateur. L’écran a considérablement

déplacé les codes de la lecture puisqu’il nous a appris à lire de haut en bas.

Aujourd’hui le livre numérique et les sites de type Flip Cover remettent le schéma de

lecture ancien (de gauche à droite en tournant des pages) pour plus de confort de

lecture.

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Il est vrai que sans être sociologue, on constate de plus en plus de personnes, les

yeux rivés sur leur téléphone ou leur tablette, qui s’adonnent à la lecture sur écran.

Que ce soit la presse ou des livres entiers, le lecteur apprécie ce nouveau format de

lecture pour son côté pratique.

La praticité de la lecture sur tablettes réside dans sa capacité à stocker plusieurs

contenus dans un micro disque dur.

On allume la machine et le texte est là ! On veut changer de livre ? Quelques

manipulations sur écran tactile et on atteint son livre. Si l’on devait transporter tous

les contenus que l’on parcourt dans une journée sur son téléphone ou sur sa

tablette, il faudrait que l’on se déplace avec une valise !

Le livre devient un objet de consommation. Plus précisément, nous sommes des

boulimiques de contenus et c’est le contenu qui est au centre de la société de

consommation.

Le lecteur n’envisage pas l’économie de ses choix grâce à l’utopie d’internet. Il est

maître de son parcours et de ses consommations littéraires grâce aux systèmes des

hyperliens.

Ce nouveau mode d’appropriation des contenus écrits a été favorisé par le culte

pour l‘économie de la gratuité.

Chris Anderson s’est intéressé à cette économie et il rappelle tout d’abord que la

gratuité s’inscrit dans un processus commercial classique, comme l’a exploré avec

succès Gillette, en offrant ses rasoirs et en faisant payer ses lames. Mais avec

l’Internet, une nouvelle gratuité s’est développée, fondée sur des coûts de

reproduction nuls du fait de la numérisation, et sous la pléthore de l’offre qui tire

encore plus les prix vers le zéro absolu. Un peu comme si Gillette devait maintenant

offrir le rasoir et la lame et percevoir son argent sur autre chose. « Il n’y a jamais eu

un marché plus concurrentiel que l’internet, et chaque jour le coût marginal de

l’information devient plus proche de rien du tout », explique l’éditorialiste du

magazine Wired.

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Selon lui, la gratuité est inexorable : « La constante diminution des coûts de

production de l’économie numérique incitera bientôt la plupart des entreprises à

donner la majorité de leurs produits. La distribution gratuite est une nouvelle forme

d’économie », explique-t-il. Cette tendance est encore plus forte dans le monde de

l’immatériel. Des albums aux jeux, en passant par les logiciels de Google, tout est

gratuit sur l’internet. La montée de cette économie de la gratuité est tirée par les

technologies qui font marcher le web. La fameuse « loi de Moore », qui prédit que la

densité des transistors sur un microprocesseur double tous les 18 mois (ou les 2 ans),

s’appliquerait également à la bande passante ou au stockage, dont le coût, à

capacité égale, se réduit sans cesse. Le coût du business en ligne tend chaque jour

à se rapprocher de zéro : ou plus précisément « le coût marginal de la technologie

dans les unités que les individus consomment est proche de zéro », comme le montre

l’évolution du coût du webmail.

Selon lui, le fossé psychologique entre « le presque zéro » et « le zéro » a sauté et il va

être impossible de revenir en arrière. C’est la raison pour laquelle le micropaiement a

échoué.

Anderson tire une conclusion en forme de leitmotiv et qui pourrait sonner comme

une alarme à destination des industries culturelles : « Il est désormais clair que tout ce

que le numérique propose évolue vers la gratuité. D’une certaine manière, le web

étend le modèle économique des médias à toutes sortes d’autres secteurs

économiques. » Il resterait juste à savoir quand cela arrivera à chaque secteur.

Encore dans Wired, Kevin Kelly a identifié huit valeurs génératives pour dépasser le

gratuit. Il explique lui aussi que l’internet est une machine à copier. Ce super système

de distribution est en train de devenir la fondation de notre économie et de notre

puissance, alors que jusqu’à présent, elles étaient fondées par la vente précieuse de

chacune de ses copies. Si la reproduction de nos meilleurs efforts devient gratuite,

comment allons nous continuer ? Comment peut-on faire de l’argent en vendant

des copies gratuites ?

Pour le livre et les contenus culturels en général, quelques pistes peuvent s’avérer

salvatrice. Il s’agit de vendre des choses qui ne peuvent pas être copiées, comme

par exemple la confiance.

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L’immédiateté : Avoir une copie au moment où elle est mise en vente ou

produite, immédiatement, sans avoir à l’attendre. Beaucoup de gens paient

pour aller au cinéma voir un film alors qu’il leur suffit d’attendre pour en avoir,

quelques mois plus tard, une copie à prix réduit, voire un accès gratuit ou quasi

gratuit en le téléchargeant. La perception du temps étant relative, cette

immédiateté peut s’adapter au produit et au public.

La personnalisation : L’aspirine est presque gratuite, mais l’aspirine adaptée à

votre ADN est très coûteuse. Bien sûr, la personnalisation requiert une

communication constante entre le créateur et le consommateur, l’artiste et ses

fans, le producteur et l’utilisateur. C’est très génératif car c’est itératif et ça

prend du temps. Vous ne pouvez pas copier la personnalisation issue d’une

relation.

L’interprétation. Comme aujourd’hui le manuel d’un logiciel libre est payant,

demain la copie de votre séquence génétique sera gratuite, mais

l’interprétation de ce qu’elle signifie, ce que vous pouvez faire avec, et

comment l’utiliser – le manuel de vos gènes finalement – sera coûteuse.

L’authenticité : Pour avoir une version fiable, certifiée, authentique et qui

fonctionne.

L’accessibilité. Garder ses copies par-devers soi n’est pas facile. Demain nous

paierons des entrepôts pour nous donner accès à des morceaux de musiques

quand et où nous le souhaitons.

L’incarnation : Pour profiter d’une copie en haute résolution, pour avoir accès à

un support, à une performance… L’incarnation de ce que nos copies

dématérialisent n’est pas gratuite.

Le mécénat : « Je suis convaincu que l’audience souhaite payer les créateurs.

Les fans veulent récompenser les artistes, musiciens, auteurs et autres à la

hauteur de leur appréciation car ça leur permet de maintenir un lien. Mais ils ne

vont payer que si c’est très facile à faire, d’un montant raisonnable et en étant

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sûr que l’argent ira directement aux créateurs. L’expérience récente très

médiatisée de Radiohead laissant les fans payer ce qu’ils souhaitent pour une

copie gratuite est une excellente illustration de la puissance du mécénat. Le lien

immatériel et insaisissable entre ce que les fans apprécient et ce que vaut

l’artiste. »

La trouvabilité : C’est-à-dire la capacité à rendre visible une copie, une œuvre

… Dans un océan de données, nous paierons les outils ou les personnes qui vont

rendent visible ou qui rendent trouvable ce que l’on cherche. Les éditeurs,

critiques, labels ont encore un rôle à jouer.

Ces solutions impliquent une compréhension de la manière dont l’abondance

engendre un nouvel état d’esprit. Ces valeurs ont cependant des limites.

L’accessibilité par exemple, dans un monde où tout est connecté et dupliqué est-

elle vraiment une valeur et jusqu’à quelle limite ?

Ces hypothèses doivent être pensées aujourd’hui, en amont de la généralisation de

la lecture numérique de masse.

Pour l’instant, des millions de personnes continuent à prendre un livre pour le train et

la majorité des enseignements se fait sur des supports papiers. Le changement de

paradigme de lecture se fera quand les jeunes générations auront pris l’habitude

d’être éduqué sur des écrans. Il est prouvé que l’on assimile mieux le savoir sur

papier mais de récentes expériences montrent que le bébés nés avec des tablettes

dans les mains recréent les connexions neuronales que nous n’arrivons pas à créer

quand nous avons été éduqué au papier.

4.2.2. Le lecteur

Le lecteur a connu trois révolutions de la lecture. Entre XVIe et XIXe siècle, la

géographie des pratiques de lecture dans le monde occidental tient, d'abord, aux

évolutions historiques qui inscrivent les rapports à la culture écrite dans des

conjonctures d'alphabétisation, des choix religieux, des rythmes de l'industrialisation

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très différents. Ces différences tracent des frontières fortes et durables : entre une

Europe tôt alphabétisée et une Europe qui l'est plus tardivement, entre les pays restés

catholiques et ceux gagnés par la Réforme, entre les aires marquées par un

développement précoce et celles qui demeurent longtemps dominées par une

économie traditionnelle. Ces écarts ont leurs traductions dans les régimes de

censure, l'activité d'édition, le commerce de librairie, le marché du livre. Ils se

marquent, aussi, dans les décalages qui caractérisent les "révolutions" de la lecture :

celles qui, entre Moyen Âge et commencement de l'âge moderne, fait de la lecture

en silence et par les yeux une norme intériorisée et une pratique commune ; celles

qui, entre XVIIIe et XIXe siècle, rendent les lecteurs familiers avec une production

imprimée plus nombreuse, mieux accessible et accueillante à de nouvelles formules

éditoriales. Au XXe siècle, la transmission des textes par voie électronique bouleverse

pour la troisième fois les pratiques de lecture.

Au XVIe siècle le livre devient l'instrument du développement intellectuel. La

première transformation qui affecte les pratiques de lecture à l'âge moderne est

technique : elle bouleverse à la mi-XVe siècle les modes de reproduction des textes

et de production du livre.

L'imprimerie favorise la circulation des textes. Avec les caractères mobiles et la

presse à imprimer, la copie manuscrite n'est plus la seule ressource disponible pour

assurer la multiplication et la circulation des textes. Parce qu'elle abaisse fortement le

coût de fabrication du livre, réparti sur la totalité des exemplaires d'un même tirage,

parce qu'elle abrège la durée de sa fabrication, qui demeurait longue au temps du

manuscrit, même après l'instauration de la copie des manuscrits à la chaîne et la

division du livre à copier en cahiers séparés. L'invention de Gutenberg permet la

circulation des textes à une échelle impossible auparavant. Chaque lecteur peut

avoir accès à un plus grand nombre de livres ; chaque livre peut atteindre un plus

grand nombre de lecteurs. De plus, l'imprimerie permet la reproduction à l'identique

des textes à un grand nombre d'exemplaires, ce qui transforme les conditions

mêmes de leur transmission et de leur réception.

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L'imprimerie modifie peu les pratiques de lecture. Jusqu'au début du XVIe siècle au

moins, le livre imprimé reste dépendant du manuscrit dont il imite les mises en page,

les écritures, les apparences. Comme le manuscrit, il doit être achevé par

l'intervention de plusieurs mains : la main de l'enlumineur qui peint miniatures et

initiales, qu'elles soient simplement ornées ou historiées ; la main du correcteur qui

ajoute marques de ponctuation, rubriques et titres ; la main du lecteur, enfin, qui

inscrit sur la page signes, notes et indications marginales. Avec l'imprimerie la

structure du livre reste inchangée.

La lecture silencieuse est une vraie révolution de la lecture. L’« oralisation » de la

lecture permettait depuis l’antiquité de rassembler et de clarifier le sens de certains

textes à des populations pas toujours éduquées. L’imprimerie permet à un plus grand

nombre de personnes, d’acquérir des livres et donc de sortir des cercles de lecture.

Mais la première "révolution de la lecture" de l'âge moderne est largement

indépendante de la révolution technique qui modifie au XVe siècle la production du

livre. Elle s'enracine sans doute plus fortement dans la mutation qui transforme, aux

XIIe et XIIIe siècles, la fonction même de l'écrit. Lorsqu'au modèle monastique de

l'écriture, qui assigne à l'écrit une tâche de conservation et de mémoire largement

dissociée de toute lecture, succède le modèle scolastique de la lecture qui fait du

livre à la fois l'objet et l'instrument du travail intellectuel. Quelle qu'en soit l'origine,

l'opposition entre lecture nécessairement oralisée et lecture possiblement silencieuse

marque une césure capitale. La lecture silencieuse, en effet, instaure un commerce

avec l'écrit qui peut être plus libre, plus secret, tout intérieur. Elle permet une lecture

rapide et habile que ne déroute ni les complexités de l'organisation de la page, ni

les relations multiples établies entre le discours et les gloses, les citations et les

commentaires, les textes et les index. Elle autorise aussi des utilisations différenciées

du même livre, lu à haute voix, pour les autres ou avec d'autres, lorsque la sociabilité

ou le rituel l'exigent, et lu en silence, pour soi-même, dans la retraite du cabinet, de

la bibliothèque ou de l'oratoire.

La révolution du lire a donc précédé celle du livre puisque la possibilité de la lecture

en silence est, au moins pour les lecteurs lettrés, clercs d'Église ou notables laïques,

très antérieure à la mi-XVe siècle. Leur façon nouvelle de considérer et manier l'écrit

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ne doit donc pas être imputée trop hâtivement à la seule innovation technique

qu'est l'invention de l'imprimerie.

De même, la seconde « révolution de la lecture » de l'âge moderne advient avant

l'industrialisation de la fabrication de l'imprimé. Selon une thèse classique, dans la

seconde moitié du XVIIIe siècle, à la lecture "intensive" succéderait une lecture

qualifiée d'« extensive ». Le lecteur « intensif » était confronté à un corpus limité et

fermé de livres, lus et relus, mémorisés et récités, entendus et sus par cœur, transmis

de génération en génération. Les textes religieux, et en premier lieu la Bible en terre

réformée, étaient les objets privilégiés de cette lecture fortement empreinte de

sacralité et d'autorité.

Le nouveau lecteur consomme des imprimés nombreux, divers, éphémères.

Le lecteur « extensif », celui de la « rage de lire » qui s'empare de l'Allemagne au

temps de Goethe, est un tout autre lecteur. Il consomme des imprimés nombreux,

divers, éphémères ; il les lit avec rapidité et avidité ; il les soumet à un regard critique

qui ne soustrait plus aucun domaine au doute méthodique. Une relation à l'écrit

communautaire et respectueuse, faite de révérence et d'obéissance, céderait ainsi

la place à une lecture libre et désinvolte.

Avec la transmission électronique des textes et les manières de lire qu'elle impose,

advient la troisième révolution de la lecture depuis le Moyen Âge. Lire sur un écran,

en effet, n'est pas lire dans un codex. La nouvelle représentation de l'écrit modifie,

en premier lieu, la notion de contexte, substituant à la contiguïté physique entre des

textes présents dans un même objet (un livre, une revue, un journal), leur position et

distribution dans des architectures logiques – celles qui gouvernent les bases de

données, les fichiers électroniques, les répertoires et les mots-clefs qui rendent

possible l'accès à l'information. Elle redéfinit, aussi, la « matérialité » des œuvres en

brisant le lien physique qui existait entre l'objet imprimé (ou manuscrit) et le ou les

textes qu'il porte, en donnant au lecteur, et non plus à l'auteur ou à l'éditeur, la

maîtrise sur le découpage ou l'apparence du texte qu'il fait apparaître sur l'écran.

C'est donc tout le système d'identification et de maniement des textes qui se trouve

bouleversé. En lisant sur un écran, le lecteur d'aujourd'hui – et, plus encore, de

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demain – retrouve quelque chose de la posture du lecteur de l'Antiquité qui lisait un

rouleau.

Avec le texte électronique, le lecteur peut soumettre les textes à de multiples

opérations (il peut les indexer, les annoter, les copier, les déplacer, les recomposer,

etc.), mais plus encore, il peut en devenir le coauteur. La distinction, immédiatement

visible dans le livre imprimé, entre l'écriture et la lecture, entre l'auteur du texte et le

lecteur du livre, s'efface au profit d'une réalité différente : le lecteur devant écran

devient un des acteurs d'une écriture à plusieurs mains ou, du moins, il se trouve en

position de constituer un texte nouveau à partir de fragments librement découpés et

assemblés. Comme le propriétaire de manuscrits, qui pouvait réunir dans un même

recueil des œuvres de nature diverses, le lecteur de l'âge électronique peut

construire à sa guise des ensembles textuels originaux dont l'existence, l'organisation

et l'apparence ne dépendent que de lui. Mais, de plus, il peut à tout moment

intervenir sur les textes, les modifier, les réécrire, les faire siens. C'est ainsi toute la

relation à l'écrit qui se trouve profondément bouleversée.

4.2.3. L’auteur entre papier et numérique

4.2.3.1. Les auteurs en chiffres

Pour évaluer le nombre de personnes impactées par les mutations numériques, il

fallait s’intéresser au nombre d’auteurs en France. Difficile d’en évaluer le nombre...

Plus qu’un métier, il s’agit d’une vocation partagée par des personnes aux situations

très diverses. Il y aura des impacts sur la manière de faire leur métier face au progrès

technologique. Les auteurs affiliés à l’Agessa s’élèvent à 12 027 dont 2 019 écrivains,

1 591 illustrateurs et 934 traducteurs. En tout, 228 000 personnes distinctes ont eu en

2008 une perception de droits d’auteur.

Ces dernières années, la part des auteurs vivant en Ile-de-France s’amenuise, avec

de fortes disparités entre les différentes catégories. Les écrivains (57,75%), et les

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traducteurs (56,64%) habitent encore majoritairement sur le territoire francilien. En

revanche, moins de la moitié des illustrateurs (39,53%) déclarent y résider.

Les auteurs franciliens assujettis (ceux qui ont perçu des droits d’auteur et sont donc

assujettis aux précomptes) étaient 84 503 en 2008. 26,33% des auteurs gagnaient

moins de 7 749 euros par an, 46,62% avaient déclaré une somme comprise entre 7

749 euros et 33 276 euros, 27,05% une somme supérieure à 33 276 euros.

Profil des auteurs affiliés (source Agessa 2011, données 2010 et 2009)

Catégories France Ile-de-France

2009 2010 évolution 2010 % du total

France

photographes 3635 3751 3,19% 2266 60,41%

Ecrivains 2038 2019 -0,93% 1166 57,75%

auteurs d’oeuvres

audiovisuelles 2098 2205 5,10% 1667 75,60%

illustrateurs 1537 1591 3,51% 629 39,53%

Auteurs compositeurs

de musique 893 893 0% 639 71,56%

traducteurs 896 934 4,24% 529 56,64%

auteurs du multimédia

interactif 351 375 6,84% 202 53,87%

auteurs de logiciels 133 130 -2,26% 61 46,92%

auteurs d’oeuvres

dramatiques 119 116 -2,52% 79 68,10%

auteurs d’oeuvres

chorégraphiques et 13 13 0% 5

38,46

%

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pantomimes

TOTAL 1713 12027 2,68% 7243 60,22

%

4.2.3.2. Droit d’auteur et rémunération.

Un article récent du Herald Tribune évoque la société suisse

Rapidshare, par laquelle transitent des fichiers numériques

de toutes sortes, y compris des livres, qui sont téléchargés

gratuitement par ceux qui le souhaitent. L'auteur de l'article,

Randall Stross, a demandé à une société américaine de

faire une enquête sur le dernier livre de Dan Brown, The Lost

Symbol. On en trouve au total sur la toile, réparties sur 11

sites, 165 versions gratuites dont 102 transitent par

Rapidshare. Selon un éditeur que nous avons pu rencontrer

à Francfort, entre 200 000 et 300 000 exemplaires de ce livre

ont été téléchargés gratuitement de la sorte.

La première source d’inquiétude pour les auteurs concerne

leur rémunération. Le copyright n’est plus respecté dans une

société de la gratuité des contenus culturels et du libre accès aux réseaux peer to

peer.

Même les géants du web le bafouent puisqu’ils numérisent à grande échelle les livres

physiques en négociant des accords de groupe (avec les maisons d’édition) qui se

soucient peu de la rémunération sur le long terme de l’œuvre de l’esprit.

Dans un colloque de la SGDL (Société des gens de lettres), Hervé Hamont s’inquiète

du comportement des nouveaux auteurs : le rapport de force auteur/maisons

d’édition « se réduit de plus en plus, avec la complaisance plus ou moins passive de

nombre d'auteurs eux-mêmes, qui considèrent que la création est plus importante

que la rémunération et qui acceptent des contrats à 4, 5, ou 6%, qui sont dangereux

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et qui plombent la profession. Mais, précisément, la « profession » n'existe pas. Il n'y a

pas pour les auteurs l'équivalent de ce qui existe par exemple pour les auteurs de

documentaires ou de films de fiction : la rémunération d'un scénario est plus ou

moins codifiée. Pour les auteurs de livres, le droit est bien plus fluctuant et l'écart est

patent entre la glorification de l'écrivain et sa marginalisation économique puisqu'il

n'existe pas en tant que travailleur ».

Le métier d’écrivain reste précaire d’un point de vue économique et l’absence

d’encadrement juridique et social encourage les auteurs à effectuer une autre

activité pour pouvoir financer leur art.

Vers de nouvelles compétences

Les nouvelles formes d’écriture font de plus en appel à l’électronique. De fait,

l’auteur n’est quasiment plus en contact avec le papier depuis les années 60, mais

surtout dès la fin des années 80 avec la démocratisation des machines à écrire et

l’apparition de la micro informatique.

Aujourd’hui l’auteur ne touche le papier que lorsqu’il lit son œuvre. Ce travail

informatique dépasse l’utilisation du traitement de texte.

Les auteurs numériques qui animent un blog par exemple deviennent des

webmaster et connaissent le système d’arborescence du web. L’auteur 2.0 connaît

le langage HTML et il devra faire preuve de présence sur la toile grâce aux réseaux

sociaux et l’animation de sa communauté virtuelle.

L’exemple le plus frappant est visible dans les rédactions des journaux. Si l’on a parlé

pendant cette décennie de web journaliste, on parle aujourd’hui simplement de

journaliste. Les écoles de journalisme ont formé leurs jeunes recrues aux enjeux du

web et à la maitrise des bases de l’intégration web.

Une étude menée par 10 yetis, une agence de RP basée au Royaume-Uni, met en

lumière les pratiques de journalistes sur les réseaux sociaux. Le panel est constitué de

2605 journalistes d’Europe (612 de France, 648 du Royaume-Uni, 522 d’Allemagne) et

des Etats-Unis (823 interrogés). Ces derniers sont issus de plusieurs secteurs : actualité,

mode, informatique, etc. En France, ce sont des journalistes du Figaro, des Echos, de

20 Minutes ou encore du Parisien qui ont été interrogés. Aucun pure-player dans la

liste cependant (Slate, Mediapart, Atlantico, etc.). Parmi la dizaine de questions

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posées, quelques unes concernent la pratique journalistique sur le web et les médias

sociaux.

Ainsi, environ 15% des journalistes de France et du Royaume-Uni utilisent les réseaux

sociaux pour sourcer leurs infos, contrairement à l’Allemagne et aux Etats-Unis qui

n’en font pas mention.

Concernant Twitter, plus de deux tiers des journalistes britanniques l’utilisent pour

trouver des sujets d’article. En France, l’utilisation concerne un tiers des journalistes.

Les USA sont partagés avec une égalité à 50/50 sur la pratique. L’Allemagne elle, est

plus timide avec seulement 17% des répondants l’utilisant.

Les résultats sont similaires pour la recherche d’informations sur Twitter, mais la

pratique est bien plus répandue pour Wikipedia. 76% l’utilise au Royaume-Uni, 73% en

France et 84% en Allemagne (91% pour les médias nationaux).

Enfin, pour rechercher des informations sur les entreprises dont ils parlent, un tiers se

fie globalement à leurs blogs et leurs comptes Twitter/Facebook.

45% des journalistes du Royaume-Uni et des Etats-Unis ont évoqué un réel

harcèlement des RP et autres référenceurs (SEO) pour avoir des liens dans leurs

articles.

Certaines rédactions poussent leurs journalistes à animer leur compte Twitter et le

New York Times à même évaluer la perte des Followers d’un journaliste licencié. En

licenciant un journaliste, le New York Times perdrait 75 000 Followers.

4.3. De la culture numérique

Le numérique n’est plus l’apanage des passionnés d’informatique. Nous baignons

chaque jour dans un quotidien de plus en plus dématérialisé. Chaque mois, un

internaute européen se connecte en moyenne pendant près de 27 heures sur

Internet, soit plus d'une journée passée rivée devant un écran d'ordinateur ou de

tablette, selon Comscore.

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Les internautes britanniques sont de loin les plus accros au Web avec près de deux

jours par mois passés en ligne, suivis par les Hollandais et les Polonais. Avec près de

30 heures de connexion par mois, les internautes français arrivent en quatrième

position.

Les Suisses et les Autrichiens sont quant à eux les Européens les moins dépendants du

Web avec respectivement 18 et 16 heures d'Internet par mois.

Parmi ces usages d’internet, il y a les réseaux sociaux. Selon une étude d’Experian,

sur chaque heure passée en ligne en 2012, 16 minutes étaient consacrées aux seuls

réseaux sociaux, soit 27 % du total. Ce total, qui concerne les internautes américains,

est en recul sur un an : la même étude estimait à 30 % le temps passé sur les réseaux

sociaux en 2011.

Les internautes américains seraient plus accros aux réseaux sociaux que leurs

homologues européens. Selon Experian, en Grande-Bretagne, le temps passé sur

Twitter, Facebook et autres Instagram atteindrait seulement 13 minutes par heure.

Outre Manche, la part du

« temps de cerveau disponible » des internautes consacrée aux réseaux sociaux est

en recul par rapport en 2011 : en un an, elle est passée de 25 à 22 %.

4.3.1. Le Blog

Chaque jour les internautes se mettent en scène sur leurs pages personnelles. Ils

cumulent les profils sur plusieurs plateformes avec leurs vraies identités ou des

avatars.

Cette nouvelle forme de socialisation amène l’internaute à rédiger sur ses opinions et

son quotidien. Jamais les Hommes n’ont eu la possibilité d’écrire avec tant de

facilité. SMS, email, Tweets, nous écrivons de plus en plus et si tout ses écrits étaient

rassemblés à la fin de notre vie, cela serait sans doute la biographie la plus

fascinante et juste qu’il soit possible d’écrire.

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Dans les liaisons numériques, Antonio A. Casilli rencontre des pionniers de cette

nouvelle forme de sociabilité. Les témoignages de part leur authenticité rendent

tangible ce besoin d’écrire et donc de communiquer avec ses semblables.

La socialisation numérique ne vient pas compléter la socialisation réelle. Elle est

même devenue le passage obligé pour les jeunes avant de se lancer dans l’arène

du réel. Les professionnels des réseaux sociaux affirment que l’on se fera plus d’amis

Online que l’on rencontrera par la suite en vrai que des amis réels que l’on continue

de côtoyer en ligne. Le monde réel vient nourrir l’expérience sociale.

Ces écrivains du quotidien alimentent leurs lecteurs quasiment quotidiennement. Les

lecteurs de blog se comportent dans l’absolu comme des lecteurs de livre. La

différence de lecture repose sur deux points :

- L’ère du zapping a considérablement raccourci le temps d’attention de la

lecture. Le format du blog (court et régulier) s’oppose au temps du livre (long

et irrégulier).

- Le star-system pousse les publics à vouloir tout savoir sur leurs idoles. La sphère

privée alimente la sphère publique et donne de la valeur aux contenus.

Grâce aux blogs, le lecteur peut espérer une relation de proximité avec son

auteur favori et échanger directement avec lui.

Si tout le monde peut désormais écrire et être lu, on peut se demander ce que les

écrivains racontent sur leurs blogs (quand ils en ont un). Qu’est ce qui pousse nos

écrivains à s’étendre sur la toile, et à inventer une nouvelle forme de

correspondance comme jadis Gustave Flaubert et George Sand, à dévoiler leurs

humeurs, voire leur rage, dans des blogs ?

François Bon s’est entretenu avec Télérama pour expliquer ces motivations :

« Les sites et blogs d'écrivains ne sont pas un phénomène. Le mot est dépassé !

J'investis l'outil Web depuis onze ans ! C'est un acte irréversible qui s'ajoute aux

fonctions de l'édition papier, les complète. Je reste dans mon rôle d'auteur,

d'éditeur, de lecteur. Peut-être n'avons-nous jamais autant écrit et lu depuis que

nous avons pris en main ce champ. Flaubert, Kafka, Beckett ont tenu des

correspondances. Elles sont publiées à grand renfort de médiatisation. Aujourd'hui,

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que faisons-nous de différent ? On lit, on écrit, on commente. Toutes les postures sont

acceptables. Aucune supériorité d'un média sur l'autre, Web ou papier. Le livre n'a

jamais été l'unique vecteur de la littérature. Certains blogs sont des lieux de

littérature autonomes, et cela est fascinant. Seuls m'insupportent les petits malins qui

tapent sur les autres. Ceux qui résistent au phénomène passent à côté de leur

époque. A nous de mettre en réflexion le langage sur le Web et de maintenir une

pression pour la survivance du livre. »

Ce vent de liberté que procure les blogs a aussi permis à de jeunes auteurs de

développer leurs styles et de l’affinité avec leurs lecteurs. Les blogs s’apparente ici à

des « web crochet » qui permette de vérifier si le futur écrivain aura de possibles

lecteurs.

Pour les maisons d’édition, il s’agit du meilleur pré-test possible et pourtant peu, en

France, ont compris l’enjeu des blogs.

A ce titre les auteurs malheureux qui désespèrent de voir leurs manuscrits rejetés sans

cesse par les maisons d’édition peuvent désormais s’émanciper des maisons

d’édition pour s’auto-éditer sur e-book. Les frais d’impression sont néants et c’est la

chance pour un auteur de diffuser ses écrits à une large échelle de population.

4.3.2. L’auto‐édition

L’auto-édition surfera sur la vague du livre numérique. L’auto-édition consiste à

publier soi-même son livre sans passer par un éditeur. Elle progresse déjà en France

au rythme soutenu de 30% par an depuis 2004, d’après les statistiques de la

Bibliothèque Nationale de France. Les livres auto-édités représentaient déjà 12% du

dépôt légal des livres français en 2011, soit un livre sur huit.

Le développement du livre numérique va contribuer à développer l’auto-édition,

car il facilite la publication et la promotion d’un livre, rendues possible en quelques

clics. Cette dynamique sera à double sens : l’auto-édition contribuera à faire

connaître le livre numérique.

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Il existe deux raisons : d’abord les auteurs auto-édités multiplient l’offre disponible,

proposant un choix plus vaste de livres aux lecteurs et contribuant ainsi à rendre les

librairies numériques plus attrayantes.

Ensuite, ils n’hésitent pas à proposer des prix de vente très bas. Les best-sellers

américains auto-édités, dont certains dépassent aujourd’hui le million d’exemplaires

numériques vendus, se vendent en général autour de 2 ou 3 dollars, parfois moins,

soit 7 à 10 fois moins cher qu’un livre papier publié par un éditeur traditionnel !

En France peu d’auteurs auto-édités ont connu des gros succès jusqu’à présent mais

quelques success stories ravivent le débat. Dans les mois et les années à venir cela

deviendra monnaie courante. Les éditeurs traditionnels, qui renâclent à considérer

l’auto-édition comme un mode de publication à part entière, seront les premiers à

courtiser ces auteurs auto-édités à succès.

Le livre numérique, accompagné par l’auto-édition, sera à n’en pas douter un

eldorado éditorial dans les prochaines années en France et en Europe.

Amazon est le premier à communiquer sur l’auto-édition. Le distributeur devient

éditeur et redistribue 70 % des recettes du livre à l’auteur.

Le programme s’appelle : Kindle Direct Publishing. En quelques heures, dans le cloud

de ses liseuses et tablettes Kindle Fire, l’auteur peut mettre son livre en ligne.

Quelques auteurs ayant utilisé le programme sont déjà millionnaires, d'autres

espèrent encore un succès fulgurant. Si l'ère numérique ne pourvoit pas à la fortune

de chacun, Jeff Bezos le PDG d'Amazon, annonçait en septembre 2012 que 27 e-

books de son top 100 sont des titres auto-édités.

Le système permet de contourner les éditeurs traditionnels. Aux États-Unis, 17 % des

ventes de livres sont auto-édités, d'après l'institut Bowker. Amanda Hocking en fait

partie, devenue millionnaire grâce à ses histoires de vampires dans la série My Blood

Approves. Amazon communique régulièrement sur le potentiel de l’auto-édition en

reprenant des citations de ses auteurs à succès (Kathryn Stockett, l'auteure du best-

seller The Help).

Kathryn Stockett a essuyé beaucoup de refus et revient souvent sur ce fait. Elle

devient un modèle pour les auteurs concernés : « Et si je m'étais arrêtée au bout de

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15, 40 voire 60 refus ? Où serais-je à présent ? Combien de grands manuscrits sont

rangés dans un tiroir ? ».

Il faut toutefois nuancer ce succès. D'après un sondage, beaucoup d'auteurs auto-

édités font peu de recettes, la moitié d'entre eux gagnent moins de 500$ à l'année,

selon un rapport publié par le Guardian. Un faible pourcentage des auteurs auto-

publiés ont rapporté des sommes de plus de 100 000$, en 2011. Les gains moyens

étaient seulement de 10 000$ par an. Pourtant, les commentaires convergent tous

dans un sens, soulignant un succès indéniable et général, partagé par les plus

grands groupes tels que Barnes & Noble, Apple, et Amazon.

Un professeur et blogueur reconnu (Bernard Starr) établit un constat simple : « Les

auteurs n'ont plus besoin d'éditeurs, de plus en plus d'écrivains s'ouvrent à l'auto-

édition et réalisent que si vous n'avez pas un profil bien précis et susceptible de

vendre, les éditeurs traditionnels ne pourront rien pour vous.» Si les espoirs sont

maigres pour les plus pessimistes, à noter qu'ils l'étaient aussi pour Hugh C.Howey et

sa série Wool lorsqu’en octobre 2011, ses ventes ont décollé : « Je prenais des

captures d'écran pour les afficher sur Facebook, au moment où les livres ont

commencé à apparaître dans le top d'Amazon ». La compilation Wool Omnibus

Edition est restée plusieurs semaines dans le Top 100 et elle pourrait être adaptée par

Ridley Scott.

Certains auteurs se sentent comme sauvés lorsqu'ils sont rachetés par une belle

maison, après avoir connu un franc succès via l'auto-édition. Cela pourrait être

comparé à la sécurité de l’emploi du fonctionnaire qui sait que chaque matin sa

place l’attend.

Hugh C.Howey reste indépendant et affirme faire confiance aux lecteurs. Il dit

vouloir continuer à s'auto-éditer malgré les nombreuses offres dont il a fait l'objet : «

Les éditeurs vont piocher dans l'auto-édition, mais les lecteurs sont juste intéressés par

de bonnes histoires ».

Quant aux Français, parmi les auto-édités, on trouve Laurent Bettoni, un reconverti. Il

ne se fait pas d'illusions sur ses manuscrits : « Je crois qu'il n'était tout simplement pas

lu. J'ai donc décidé de me confronter directement aux lecteurs » explique-t-il. Son

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thriller, Ecran total, demeuré dans le top 5 des ventes du Kindle s'est vendu à 6 000

exemplaires depuis sa sortie en février 2012.

4.3.3. Réseaux sociaux littéraires

Une nouvelle offre apparaît sur le marché à destination des bibliothèques : le

contenu de bases de données de réseaux littéraires sociaux. Actuellement, et bien

qu’ils ne soient pas seuls sur le marché, deux produits sont particulièrement « visibles »

: Babelthèque (fourni par Babelio) et LibFly (fourni par Archimed).

Ce contenu est alimenté d’une part par des accords entre ces réseaux et un

fournisseur commercial (notices bibliographiques, résumés ou présentations de

l’éditeur, photo de la couverture, etc) mais aussi, et surtout, par les internautes

membres de la communauté d’un réseau (commentaires, notes sous forme d’étoiles

et moyennes de ces notes, « tags », etc.).

La première partie, plus descriptive, intéresse peu les bibliothécaires qui ont d’autres

sources, contrairement à la seconde. Ceux-ci, après une probable réticence face à

la qualité estimée des commentaires, se rendent compte que ces données leur

permettent d’une part de compléter des zones d’information insuffisamment fournies

par eux et/ou par les fournisseurs de notices bibliographiques traditionnels, d’autre

part de conférer au catalogue une présentation plus Web 2.0. Une telle présentation

contribue à donner aux bibliothèques une image plus moderne voire plus «

branchée » (voir IV.1), notamment aux yeux de deux publics qui nous échappent :

les adolescents et les jeunes adultes.

Par ailleurs, ces réseaux proposent maintenant une distinction entre commentaires

selon qu’ils proviennent de l’internaute lambda, d’un bibliothécaire, d’un libraire ou

d’un critique littéraire ce qui aide également à lever la réticence initiale des

professionnels des bibliothèques.

Lancée début 2007, Goodreads revendique aujourd'hui plus de 16 millions de

membres et 30 000 clubs de lecture. La plateforme permet notamment de voir ce

que ses membres lisent en temps réel, de découvrir de nouveaux titres et d'entrer en

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connexion avec des auteurs. Les commentaires Goodreads alimentaient les

commentaires Amazon qui depuis a racheté le réseau social

Figment.com devrait enterrer définitivement les idées reçues sur le manque de

culture littéraire des jeunes ou leur désintérêt croissant pour la lecture au profit du

temps passé sur Internet. Figment.com est un réseau social où les jeunes échangent

et discutent de livres mais peuvent aussi écrire leurs propres fictions. Ils peuvent aussi

échanger des commentaires sur leurs écrits avec d’autres internautes et soumettre

leurs publications aux divers critiques. Le principe se démultiplie sur tous les nouveaux

supports multimédias actuels tels que le portable ou la tablette tactile.

L’industrie du livre y trouve ainsi son compte, ce genre de site pouvant l’aider à

cerner les pratiques de lecture des adolescents, leurs centres d’intérêt et les thèmes

favoris dans la fiction. Le site constitue aussi une niche pour faire émerger de jeunes

talents littéraires.

4.4. Les bibliothèques à l’heure du numérique

Avec Wikipédia, le rêve de la bibliothèque universelle devient accessible. Depuis

l'Antiquité, les hommes d'Occident ont été hantés par la contradiction entre, d'un

côté, le rêve d'une bibliothèque universelle, rassemblant tous les textes jamais écrits,

tous les livres jamais publiés, et, d'un autre, la réalité, forcément décevante, des

bibliothèques réelles qui, aussi grandes soient-elles, ne peuvent fournir qu'une image

partielle, lacunaire et mutilée du savoir universel. L'Occident a donné deux figures

exemplaires et mythiques à cette nostalgie de l'exhaustivité impossible et désirée : la

bibliothèque d'Alexandrie et celle de Babel. L'électronique, qui permet la

communication des textes à distance, annule la distinction, jusqu'ici ineffaçable,

entre le lieu du texte et le lieu du lecteur. Elle rend pensable, promis, le rêve ancien.

Détaché de ses matérialités et de ses localisations anciennes, le texte en sa

représentation électronique peut théoriquement atteindre n'importe quel lecteur en

n'importe quel lieu.

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À supposer que tous les textes existants, manuscrits ou imprimés, soient convertis en

textes électroniques, c'est l'universelle disponibilité du patrimoine écrit qui

deviendrait possible. Tout lecteur, là où il se trouve, à la seule condition que ce soit

devant un poste de lecture connecté au réseau qui assure la distribution des

documents informatisés, pourra consulter, lire, étudier n'importe quel texte, quelles

que soit sa forme et sa localisation originelles.

Face à ce constat, la bibliothèque doit se réinventer. Sa mutation a déjà

commencé avec des structures hybrides culturelles qui insufflent à ce lieu un virage

social.

4.4.1. Nouveau lieu de socialisation

Un des effets annexes du monde dématérialisé consiste à encourager les individus à

effectuer leurs activités de lecture et de recherche d’information seuls derrière leur

écran d’ordinateur.

Néanmoins la nature humaine a besoin du tisser des liens dans le monde réel pour

répondre à ses besoins de socialisation. La bibliothèque se présente donc comme le

lieu unique capable de fédérer autour d’une finalité commune : la lecture.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que les étudiants vont à la bibliothèque pour son

atmosphère studieuse, propice au travail. Les règles de ce lieu sont régies par des

codes implicites liés à la tradition estudiantine et religieuse des centres hébergeant

des livres.

La bibliothèque a encore cette aura du lieu de la connaissance. Elle pourrait donc

capitaliser pour cet aspect de sa nature pour re-donner vie à ses rayons qui furent

désertés par la micro informatique et les logiciels d’encyclopédie comme Encarta

dans les années 90. Aujourd’hui, c’est Wikipédia qui remplace l’encyclopédie et

google book qui remplace les étagères de livre.

Le conseil du bibliothécaire est supplanté par les moteurs de recherches, les

agrégateurs de contenus et les réseaux sociaux.

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Dans sa fonction traditionnelle, la bibliothèque est donc forcée à se réinventer pour

survivre.

Elle doit devenir ce « troisième lieu ». Alors que le premier lieu figure le foyer et que le

second lieu se réfère à la sphère du travail, le troisième lieu représente quant à lui un

espace consacré à la vie sociale, où les individus peuvent se rencontrer et discuter

de manière informelle à l’image de ce qu’a pu être la place du marché ou l’église

et de ce qu’incarne encore le café aujourd’hui.

Le sociologue Ray Oldenburg qui a conceptualisé cette notion dans les années

1980, en a tiré les caractéristiques suivantes dans son livre The Great, Good Place :

« Un espace neutre et vivant » où toutes les couches sociales se mêlent afin de

partager des conversations dépourvues des usages propres à la communication

entre personnes familières les unes des autres et ceci dans la convivialité. Le cadre

s’y prête d’ailleurs puisqu’il en émane une ambiance joyeuse et chaleureuse à la

fois. Une large amplitude horaire et une localisation très accessible en font un endroit

où on peut aller souvent et rester longtemps.

Un troisième lieu est un lieu d’habitués, proche de la maison qui pratique

l’œcuménisme social et fournit un cadre propice au débat.

Tous les critères du sociologue semblent donc réunis, pourtant on peut s’interroger

sur la pertinence et la validité des caractéristiques de discussion et de débat

politique. En effet, on se rend avant tout dans une bibliothèque pour lire, pour

trouver des ouvrages que l’on emportera chez soi ou bien pour travailler, effectuer

des recherches.

Or, la démultiplication de services comme l’aide à la formation professionnelle,

l’accès au multimédia, l’ouverture vers l’art mise en place notamment grâce à des

partenariats et l’organisation d’événements, font de la bibliothèque, un lieu de

rencontres et facilitent le dialogue entre les participants.

De plus, le fait de repenser l’agencement du lieu entre espaces ouverts dédiés au

rassemblement et au travail en groupe et espaces restreints et isolés pour plus de

tranquillité permettent également la conversation voire le débat entre ceux qui le

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souhaitent sans gêne pour les autres usagers. On évolue donc naturellement vers

une bibliothèque troisième lieu.

Dans cette perspective, Mathilde Servet, conservatrice à la Bibliothèque nationale

de France et auteure du mémoire qui a vulgarisé le concept de bibliothèque

troisième lieu dans l’hexagone a fait ressortir trois aspects prépondérants.

La bibliothèque troisième lieu se caractérise par une redéfinition architecturale

résolument plus moderne et design tout en invitant l’usager à s’approprier le lieu, à

l’image des Idea Stores ou des bibliothèques hollandaises. Le jeu des couleurs, le

choix du mobilier, l’agencement de l’espace créent différentes dynamiques allant

du cocooning à des sphères dédiées à l’imaginaire ou la créativité, le but étant de

séduire l’usager afin qu’il prolonge son passage dans la structure. On est loin de

l’image austère de la bibliothèque traditionnelle.

Elle aurait aussi une vocation sociale affirmée, par la déclinaison en diverses activités

et services du « vivre ensemble ». Souvent situées en centre ville et bénéficiant d’une

large amplitude horaire pour un meilleur taux de fréquentation, ces nouvelles

bibliothèques attirent des individus aux intérêts divergents mais auxquels elles

peuvent répondre puisque leur offre de services est protéiforme.

Outre des activités culturelles de plus en plus variées, les bibliothèques troisième lieu

assument aussi une mission citoyenne en mettant en place des actions d’aide à la

recherche d’emploi, d’alphabétisation, d’aide aux devoirs, de découverte de

l’environnement multimédia… Les nombreux partenariats avec des associations, des

lieux culturels ou les écoles viennent renforcer cette démarche.

Face à cette évolution, certains ont pu parler de centre culturel ou d’hyper-lieu

plutôt que de bibliothèque d’autant que les codes en sont brouillés : des cafés ont

été installés à l’intérieur de ces structures et chacun peut manger, boire et

téléphoner librement.

Il s’agit donc d’une nouvelle approche culturelle qui rompt définitivement avec

l’image de

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160 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

« temple du savoir » des bibliothèques plus préoccupées par l’accumulation de leurs

collections que par le bien-être des personnes qui viennent les consulter. On ne

s’adresse plus à une élite mais à l’ensemble de la population à laquelle on offre la

possibilité d’aller plus loin en utilisant divers supports de lectures, en proposant des

passerelles vers d’autres arts, en désacralisant la culture que l’on rapproche alors du

divertissement dans un lieu où s’invitent le marketing et les techniques commerciales.

Les britanniques sont très en avance sur ce modèle. Les Discovery Center implantés

dans le sud de l’Angleterre ont repris le modèle de la chaîne et promettent un

concept absolument novateur : « This is new, this is exciting, this is totally different ».

L’usager est appréhendé comme un client dont il s’agit de gagner les faveurs, en lui

procurant des « moments forts ». Il ne faut pas en oublier pour autant que le but de

la bibliothèque contrairement au centre commercial n’est pas le gain financier mais

d’attirer de nouveaux usagers par le biais de pratiques utilisées en marketing.

Cette vision de la bibliothèque s’accorde moins bien à la conception française de

l’acquisition des connaissances et de l’approche de la culture littéraire que l’on

perçoit comme élitiste, studieuse et silencieuse.

4.4.2. Le devoir de mémoire

Le succès de l’expression « devoir de mémoire », figure de style proprement

nationale, doit être placé dans le contexte dématérialisation.

Apparu au début des années 70 et institutionnalisé dans les années 80, le devoir de

mémoire doit être appliqué au champ de l’écrit.

Il s’agit de rendre aux livres et à l’édition son rôle sur la connaissance, la diffusion du

savoir, l’information et la vie de la fiction.

La bibliothèque deviendrait un sanctuaire d’un format et d’une culture qui a fait

avancer l’homme. La technologie ne doit oublier et donc détruire les auteurs et les

livres qui l’ont rendu possible.

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161 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

De l’imprimerie à l’édition, le livre reste et restera parmi nous, mais il risque d’être

réservé à une élite ou une niche. Le grand public sera certainement converti à

grande échelle aux supports numériques à moins que les dysfonctionnements

économiques ne creusent les inégalités et que les livres d’occasion soient l’unique

source de contenus des populations les plus pauvres.

Dans un contexte incertain, la bibliothèque a un rôle à jouer pour donner ses lettres

de noblesses à une industrie qui nous dépasse tant elle paraît naturelle à nos yeux.

A la croisée du musée et du lieu de culte, la bibliothèque deviendra ce lieu où l’on

découvrira la richesse d’écrits oubliés car elle a le mérite de ne pas établir ses rayons

en fonctions des tendances et des actualités. Elle met tous les livres sur le même pied

d’égalité alors que le monde numérique fonctionne grâce à des algorithmes de

popularité et/ou de classement qui réduit à l’offre à des « Must Read » qui s’auto

légitiment par ce système. Sur Amazon, les internautes viennent voir ce qui se vend

le plus pour décider si un livre est bon ou mauvais. La bibliothèque range par thèmes

et encourage à la redécouverte de concepts anciens.

En ce sens la bibliothèque implique une méthode de pensée qui deviendra rare et

qui fera sans doute la richesse des inventeurs de demain. Car les inventeurs sont

ceux qui réfléchissent différemment des courants dominants.

4.4.3. Stockage et échange

La bibliothèque a tout pour incarner le coffre fort de l’humanité. Face à la peur du

grand bug qui ferait perdre à l’humanité toute son Histoire, de nombreux théoriciens

s’interrogent sur les limites de la dématérialisation quant aux problématiques de

stockage et de conservation des données.

Les serveurs sont souvent stockés dans des hangars froid voir gelé (Laponie) pour

conserver des colonnes de serveurs qui dégagent plus de 60° Celsius.

Ils sont loin de nous et paraissent insaisissable. La bibliothèque pourrait être ce lieu

sécurisé garant de la sécurité de nos savoirs et de notre Histoire.

Dans le mook d’anticipation Usbek and Rica, les protagonistes sont obligés de

voyager dans le temps pour retrouver leur Histoire qu’ils ont perdu à cause du grand

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« Bug » informatique. Pour éviter que cela ne se reproduise, ils décident de graver

dans la roche les grandes lignes de l’Histoire pour éviter qu’elles ne s’évaporent à

nouveau. Et si la bibliothèque devenait ce temple de la mémoire collective ?

4.5. Le futur du papier

Le destin du papier devient de plus en plus précis. Au delà de sa

« premiumisation » due à la raréfaction des objets matériels et du prix des

matières premières le constituant, on imagine que le papier subira le même sort

que tous les objets qui nous entourent.

Il deviendra « smart » comme nous avons tendance à appeler tous nos objets qui

se connectent en réseaux. Cela ne se limite pas au réseau d’Internet mais à des

systèmes informatiques inter-connectés.

Les nanotechnologies permettront de rendre électronique la matière organique

qu’est le papier. Les détecteurs de mouvements et la convergence des supports

lui donneront une autre dimension en l’enrichissant de contenus multimédias.

4.5.1. Le papier technologique

Newsprint : le papier qui concilie deux formats antagonistes

L'entreprise Novalia a dévoilé un concept qui réussi à faire le pont entre le papier et

l’Internet. Pour ce faire, la société, 8 ans d'âge depuis sa création, a collaboré avec

les universités de Central Lancashire, de Dundee et de Surrey. Le partenariat a

abouti à la création d'un papier journal compatible avec l'information électronique.

Le « papier connecté » est rendu possible par l'utilisation d'une encre

« électroconductive ». Celle-ci devrait réagir lorsqu'on la touche, à la manière des

écrans tactiles capacitifs, mais les précisions techniques ne sont pas encore rendues

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publiques. Le procédé semble, pour l'heure, rester à sens unique, du papier vers

l'internet.

Le chercheur en design de produits de l'université de Dundee, Jon Rogers, a déclaré

: « Pour la première fois, d'une manière évolutive et manufacturable, nous allons

connecter le papier à internet. Quand vous commencez à connecter ça aux news,

nous sommes dans une mine d'or. »

Outre les journaux augmentés, cette nouvelle technologie devrait permettre

également l'impression de divertissements interactifs, des menus de restaurant ou

des posters, sans oublier des outils d'analyse des lecteurs pour les éditeurs et autres

marketeurs.

Vidéo explicative :

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=iROci7MCNZs

4.5.1.1. La puce RFID

En 2009, le trimestriel bilingue Amusement, fut le premier en France à utiliser une

puce RFID collée au centre de ses pages. Cette puce le relie à Internet et à des

contenus numériques complémentaires. Cette première mondiale, qui inaugure

dans l'univers de la presse l'ère des objets connectés, est le fruit d'une collaboration

entre la société Violet et GS1 France. Pour accéder à ces contenus, les lecteurs du

magazine doivent posséder un lecteur RFID Mirror ou un lapin Nabaztag - produits

par Violet - qui, au contact de la puce, déclenche les applications numériques.

Cette opération fut menée avec le soutien de Nike qui a équipé d'une puce RFID

des exemplaires collectors de sa basket Cortez Fly Motion renvoyant, eux aussi, vers

du contenu sélectionné par Amusement.

4.5.1.2. Le son

Un papier sonore interactif d’un nouveau genre a fait son apparition en juin 2012. Il

s’agit de : The Listening Post. Ce papier contient des composants électroniques

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imprimés pour pouvoir écouter les passages de chansons stockées sur l’interface, il

suffit de toucher simultanément quelques parties du papier. La qualité du son

meilleure que celui des cartes musicales fabriquées actuellement. Les domaines

d’applications potentielles sont nombreux. Par exemple, il serait possible d’afficher

dans la rue des posters à messages vocaux avec lesquels les passants peuvent

écouter quelques démos d’un groupe à promouvoir. Le papier pourrait également

véhiculer des messages vocaux et révolutionner les fameux post-its. The Listening Post

est actuellement au stade de prototype.

4.5.1.3. Le papier qui devient écran tactile

Les chercheurs de Fujitsu ont mis au point le « Fingerlink Interaction System », un

système qui utilise un projecteur et une caméra permettant de scanner en temps

réel tous les supports, sélectionnés d’un geste du doigt, comme si le document était

un écran. Découverte sur le site Ufunk, on peut difficilement expliquer l’ampleur de

cette technologie autrement qu’en vidéo (voir le lien en fin de paragraphe). Elle

montre comment on peut instantanément sélectionner et partager tout ou partie

d’un contenu imprimé. Fujitsu prévoit la commercialisation du système dans le

courant de l’année 2014.

Vidéo explicative :

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=I2l0qklSzks

4.5.2. Le papier multimedia : l’hyper livre

Les éditeurs de livres veulent remplacer les notes en bas de page par du contenu

multimédia. Les éditions Robert Laffont ont proposé un livre nommé « Le sens des

choses », écrit par Jacques Attali en collaboration avec 32 auteurs dont Erik

Orsenna, Philippe Solers ou Jean-Claude Trichet.

Édité à 50 000 exemplaires, il ne coûtait pas plus cher qu'un livre classique de la

même édition (21€) mais se voulait être le premier « hyperlivre » mis sur le marché,

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permettant d'accéder à des contenus multimédia additionnels. Comment ? Le long

des près de 300 pages du livre, ce sont 83 flashcodes - des code-barres 2D - qui sont

ajoutés dans certaines parties du texte.

Pour accéder à ces « hypercontenus », trois moyens étaient disponibles : en passant

par Internet via le portail hyperlivre-lesensdeschoses.com, par SMS en envoyant le

numéro de page contenant le flashcode à un numéro non surtaxé ou directement

depuis les quelques mobiles compatibles via une application spécifique. Orange se

chargeait de l’infrastructure technique du livre.

On pouvait imaginer un véritable modèle économique mais les contenus n’ont été

gratuit que 6 mois et les statistiques d’usage n’ont pas été encourageante à cause

d’un trop faible taux d’équipement de smartphone.

Il est cependant intéressant de reprendre les paroles de Leonello Brandolini sur sa

vision du livre papier le jour du lancement de l’hyperlivre. Il disait déjà que les deux

types ne doivent pas se concurrencer : « Je suis très attaché au format papier enrichi

par du contenu multimédia », précise Didier Lombard; Pour Jacques Attali, « nous

voulions aller plus loin en mariant deux objets nomades, le premier très ancien (le

livre) et le second plus récent (le mobile) »; Pour Leonello Brandolini, « nous pourrions

développer une version totalement numérique du "Sens des choses" avec du

contenu multimédia supplémentaire mais ce n'est pas ce que nous avons voulu

faire. Ce n'est pas à l'ordre du jour ».

Face à cette volonté d’enrichir le papier de multimédias, notons le concept du livre

entièrement écrit de QR Codes. Le concept imaginé par Jean-Thierry Lechein

reprend un concept déjà évoqué auparavant, mais en allant plus loin puisque les

QR Codes n'enrichissent pas la lecture mais la remplacent. L’idée est de proposer un

livre papier contenant seulement des QR codes, qui permettent ensuite d’accéder

aux éléments texte et multimédia (vidéo, musique, graphiques) depuis un

smartphone ou une tablette. Le support est ainsi totalement dissocié des contenus,

et peut ainsi évoluer à l’infini.

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Pour être en perpétuelle évolution, il s’appuie sur des contributeurs qui pourront venir

enrichir la base de données d’informations sur le sujet.

On est ainsi à on oscille ainsi en papier, multimédia, et Wikipedia, pour une

convergence pour le moins originale.

L’ergonomie de la solution reste à démontrer, puisqu’il faut scanner chaque page

pour accéder au contenu, ce qui fait finalement du papier un simple support

pratique pour stocker des “raccourcis”, et les retrouver facilement. Mais le concept

reste intéressant. Le premier numéro s’intéressait au extra terrestre pour rester

mystique et faire le pont entre la science fiction et la réalité.

La technologie est elle le messi des temps moderne ? Serait-elle l’issue du papier

face aux mutations socio-comportementales. Cette croyance aveugle au dieu

technologie à le mérite de faire l’unanimité quelquesoit les peuples et les croyances.

En ce qui concerne le papier, son avenir et sa désirabilité passera sans aucun doute

par une modernisation de sa recette.

Tel un « méta-support » ou un « hyper feuillet », le papier n’échappe à la tentation

électronique pour devenir une machine qui n’a plus rien à voir avec la matière

organique imaginé par Cai Lun.

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Conclusion de la thématique

Le livre papier ne disparaitra pas. Deux voies s’ouvrent à lui :

- A la manière du vinyle, le livre papier deviendra un objet de niche voire de

collection. Le marketing va s’emparer de ce nouveau marché et proposer

des produits qui valorisent sa sensorialité et ce besoin inexplicable qu’ont les

Hommes de posséder des objets tangibles. Les éditions Saint Père proposent

déjà ce type de livre. La maison d’édition rassemble et imprime les manuscrits

d’auteurs célèbres et ré-édite l’ouvrage sous la forme manuscrite pour plus

d’authenticité. Pour augmenter la valeur du bien, on numérote des séries qui

se vendent entre 100€ et 150€. Le succès est au rendez-vous puisque les

éditions numérotées sont parties en une semaine et la maison d’édition les

imprime au compte-goutte.

- D’autre part, la structure du marché (oligopolistique) permet aux géants du

web et de l’édition d’investir massivement dans les nouvelles technologies. Si

ce n’est pas eux qui le font, ils se contentent d’acquérir des strat-up

innovantes. D’une certaine manière, ils externalisent leur recherche et

développement. Le papier s’enrichira des technologies et deviendra une

sorte de « smart paper ». Que ce soit par la réalité augmenté (20 minutes et Le

Figaro proposent déjà des articles en réalité augmentée), de nouvelles formes

d’impression ou l’ajout de micro processeurs dans la fibre du papier, celui-ci

suivra le paradigme du XXIe siècle qui consiste à doter de cybernétique et

d’électronique l’ensemble des éléments que nous côtoyons.

Entre dématérialisation et désacralisation, le livre deviendra un objet symbolique

pour reprendre les dires de Régis Debray.

Les industriels qui s’en sortiront le mieux seront ceux qui auront compris que le livre

aura deux fonctions différentes :

- Une fonction expérientielle qui démultipliera les attributs sensoriels du livre

physique (toucher, odeur, transmission) ;

- Une fonction d’usage qui correspond à la consommation quotidienne d’écrit

que ce soit la presse, les documents administratifs et certains livres dans l’idée

du divertissement.

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Face à ces deux fonctions, l’organisation économique du marché du livre va

complètement changer et il s’agira, pour ceux qui veulent rester dans la course, de

revoir leurs investissements et d’allouer les efforts selon des stratégies qui peuvent, à

première vue, s’opposer.

Les acteurs du livre choisiront entre l’héritage historique et la premiumisation du livre

du fait de sa rareté programmée, et la mise en place d’un écosystème digital

industriel qui proposera des écrits internationaux tous supports et tous usages.

Dans tous les cas, auteurs et lecteurs ne seront que peu impactés. Ils suivront la

marche de l’Histoire et se contenteront de suivre le progrès qu’ils inspirent eux même

aux industriels. Qu’ils soient pure players ou historiques, les acteurs du livre devront

gérer le devoir de mémoire. Si les serveurs de base de données se chargeront de la

majorité du travail, quelques irréductibles continueront à travailler dans ces agoras

intellectuelles des temps modernes que seront devenues les bibliothèques. La

conservation de ce patrimoine tangible et intangible se nourrit de la peur du grand

bug pour les serveurs, et de la peur de l’incendie pour les bibliothèques.

Le discours alarmiste du début des années 2000 semble s’essouffler pour laisser place

au pragmatisme. Si les acteurs du livre avaient peur c’est qu’ils ne voyaient pas

comment créer de la valeur (perte des droits d’auteur pour les écrivains, prix faible

du livre numérique, accès gratuit aux contenus). Rassurés sur leur possible

rémunération, l’avenir du livre physique et numérique est plus que radieux et de

nombreux lecteurs continueront à starifier des auteurs qui permettront aux géants de

l’édition de reverser de confortables dividendes à leurs actionnaires.

NON L’édition n’est qu’au début du processus de dématérialisation. Le volume et la

valeur du l’industrie papier contribuent au progrès du secteur.

En fait, c’est la presse qui est le plus affectée par le déclin du papier et cela

contribue plus à sa crise qu’à son rayonnement…

L’industrie de l’information est inexorablement tirée vers un « business model » de

la gratuité.

L’édition redoute ce modèle économique qui est fortement lié au « zéro papier ».

En ce sens un monde sans papier affecterait négativement ce secteur. Il y aurait

moins de valeurs créées au profit d’une pléthore de contenus de moins en moins

qualitatif.

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5. Art

Dans cette nouvelle partie nous allons voir que cette idée de régression par

l’ablation d’une matière première suscite des interrogations et des convoitises dans

bons nombres de milieux artistiques. En effet, les évolutions sociétales ne laissent pas

sans voix les artistes qui s’intéressent à leur environnement à l’échelle

macroscopique.

Afin d’introduire cette partie, il nous semble essentiel de définir l’art.

Il est difficile de définir l’art en quelques lignes, il s’agit simplement de lui donner une

définition simple et objective. L’art prend toute sa forme à partir du moment où un

artiste engage une démarche artistique qui vise à transmettre une idée. L’art

dépend de l’interprétation que l’artiste en a. Cette définition de l’art était très

moderne, elle correspond à notre époque ; au siècle dernier, cette explication

n’aurait jamais été acceptée par les philosophes et les artistes. En effet, dire que l’art

ne dépend finalement que de l’interprétation de l’artiste est une variable quelque

peu réductrice. Pourtant, cette définition fait prendre une autre dimension à l’art et

laisse plus de place à l’émotion et l’imagination. Nous ne sommes plu dans la

prouesse artistique mais réellement dans l’émancipation de l’artiste.

La révolution numérique face au papier a permis à certains artistes d’exploiter une

nouvelle forme d’art. On peut parler d’enrichissement artistique car de nouveaux

artistes se sont lancés dans la création sans complexes.

Dans cette partie nous allons aborder profondément l’avènement de cette forme

d’art, dite art numérisé, et les conséquences de cette dématérialisation. Nous

pouvons nous demander si la création est nécessairement matérielle dans les deux

sens du terme. Matériel au sens strict du terme, c’est à dire qu’une œuvre artistique

doit se conclure sur quelque chose de palpable, physique et matériel et au sens

figuré du terme, c’est à dire qu’une création doit déboucher sur une prouesse

artistique facile à interpréter, facile à définir dans une logique purement esthétique.

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Ne sommes-nous pas en train d’assister à une nouvelle forme d’art ? Est-ce que

cette nouvelle forme d’art est suffisamment “puissante” pour porter avec elle

l’histoire ? Car l’art a toujours su servir de repère historique, a toujours permis

d’expliquer l’histoire, les civilisations, les différences de culture.

Il est possible que nous sommes dans une logique artistique beaucoup plus

individualiste, une forme d’art beaucoup moins engagée...

5.1. La création est-elle nécessairement matérielle

?

Dans cette partie, nous allons essayer de comprendre si la dématérialisation de l'art

est une forme de progrès. L'art a un réel impact sur notre société, et les

conséquences d'une nouvelle forme d'art pourraient avoir un impact sur la société

elle-même.

Est-ce que l'art peut prend sa forme habituelle en modifiant son support ? Peut-on

encore parler d'art au sens strict du terme ?

5.1.1. Les limites de la matérialisation et de la

matérialité de l'art

L’essence même de l’art est d’être un mode de communication, un langage à part

entière qui transmet des émotions. La transmission d’émotions passe inéluctablement

par la contemplation d’un objet accompli.

Dans la mesure où la communication a su évoluer en passant d’un univers très

conceptuel et réel à un univers virtuel, ne peut-on donc pas imaginer la

dématérialisation de l’art ? La transmission d’émotions doit-elle nécessairement

passer par la matérialité ?

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Depuis la fin du XX ème siècle on assiste à un art plus minimaliste, à l’introduction de

la vidéo, à la “mobilisation” des œuvres ou encore à l’apparition d’œuvres

éphémères, autant d’éléments qui seraient à l’origine de la dématérialisation de

l’art. L’art cesse de se présenter comme un objet fini. On peut donc en faire une

interprétation bien plus forte. Selon le philosophe, Théodor Adorno, dans les années

60, “l’art a perdu son caractère d’évidence”. Selon lui, cet art moderne ne présente

plus aucune histoire. L’essence même de l’art, qui est de vivre au travers de l’histoire

et de porter avec lui toutes “les souffrances accumulées”, est perdue. On peut donc

se demander, en effet, si la dématérialisation de l’art n’est pas la naissance d’une

nouvelle définition de l’art.

Sommes-nous prêts à envisager l’art autrement que comme un patrimoine

historique. N’y a-t-il pas d’autres moyens, aujourd’hui, de porter et de raconter

l'évolution de notre civilisation. On en vient à se demander si entreprendre une

nouvelle forme d’art immatériel représente réellement une forme de progrès?

Quelque part, on peut se dire qu’introduire une nouvelle forme d’art dans notre

société, c’est remettre en question l’histoire de notre monde.

L’art contemporain est étroitement lié à l’évolution de notre société. L’avancée

numérique a eu une réelle répercussion sur l’art. Dans cette nouvelle forme d’art

immatérielle, il y a un aspect paradoxal intéressant. Le composant de cet art

immatériel est purement rationnel car il repose sur des éléments techniques, alors

que ce qu’il en ressort est, dans la plupart des cas, entièrement irrationnel. La limite

de l’immatérialité de l’art se ressent dans son irrationalité. Pour les artistes de cette

période, le numérique est une nouvelle écriture, un nouveau langage.

La dématérialisation de l’art ou “art conceptuel” se traduit également par un réel

changement : l’artiste n’a plus besoin d’une toile et de la peinture. N’importe quoi

peut devenir “artistique” dans la mesure où il l’a décidé. On passe de l’art matériel,

qui porte l’empreinte et la personnalité de son artiste, à l’art conceptuel qui

démontre que l’art ne résulte pas forcément du travail manuel de l’artiste mais de la

désignation qu’il veut en faire. On remet, également en question le métier d’artiste.

Les “Ready made” peuvent-ils être considérés comme des œuvres artistiques ?

Lorsque Marcel Duchamp renomme des urinoirs “Fountain”, peut-on réellement

parler d’œuvre artistique ?

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5.1.2. Le support physique variable inaliénable à

l'artiste ?

Ce qui prime dans toutes œuvres artistiques c’est l’intention de l’artiste. A partir de

ce constat, un artiste peut faire de son œuvre ce qu’il souhaite. La complexité, pour

l’artiste, dans le cas d’une œuvre immatérielle, est de donner une âme à cette

œuvre. Par âme nous entendons définition. La variable inaliénable de l’artiste n’est

pas le papier en soit, c’est l’explication et l’interprétation qui gravitent autour d’une

œuvre. Une fois interprétée, une œuvre artistique prend tout son sens. Le papier

semble l’élément le plus évident à l’émancipation d’un artiste.

5.2. La sensorialité et la technologie comme

moyen d'expression

Alors que Michel Ange, repeignait la Chapelle Sixtine aujourd'hui les artistes utilisent

des micro-organismes ou des jets de lumière projetés sur les murs pour créer une

œuvre artistique. Les supports ont évolués, les œuvres également, et, par

conséquent, les artistes. L'évolution de ces supports offre davantage de possibilités

aux artistes, qui voient leurs moyens d'expression s'élargir. Les messages sont plus

variés, les interprétations plus diverses. Cependant, un artiste utilisant l'art numérique

comme moyen d'expression pourra-t-il connaître la même gloire que Michel Ange ?

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5.2.1. Evolution des moyens d'expressions artistiques

Quelle est la place de l’innovation technologique dans le secteur de l’art, un

marché en plein boom ?

Le Cube, lance en 2013, la première édition du Prix Cube qui récompense des

artistes surfant sur la vague de l’art numérisé. Parmi les nominés, on peut citer

l’œuvre de Matthijs Munnik, Microscopic Opera, un opéra joué en temps réel par

des micro-organismes. L’œuvre est à la fois audible et visuelle et, cela est rendu

possible par des capteurs sensoriels et des mini-caméras. Joanie Lemercier, dans son

œuvre EYJAFJALLAJOKULL, a réalisé une cartographie et un paysage filaire grâce à

des effets de lumières projetés sur un mur.

Cette forme d’innovation dans le secteur artistique a-t-elle réellement une âme ? On

est bien loin de l’art spirituel à connotation religieuse. Est-ce que l’art a

nécessairement une âme dès lors qu’il traverse les siècles ? L’art prend peut-être

forme à partir du moment où il reflète une idée, une pensée ?

L’art numérique s’inscrit dans une logique contextuelle. Tous les secteurs s’adaptent

au numérique, l’art en fait de même. Cependant, les répercutions ne sont pas les

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mêmes. Edmond Couchot et Norbert Hillaire, dans leur ouvrage “l’art numérique”

tentent de nous décrire les différents bouleversements liés à l’art numérique. Cette

nouvelle forme d’art permet une prolifération d’œuvres artistiques plus importante, le

temps de création étant souvent plus réduit.

Ces œuvres artistiques peuvent être éphémères ou bien présenter des éléments qui

apparaissent puis disparaissent ce qui nous oblige à consommer plus vite, ce que

nous faisons déjà...

L’art est de plus en plus présent dans notre société. La publicité utilise l’art comme

moyen d’expression. Le fait que l’art rencontre le numérique lui assure une longue

vie. La technologie n’a de cesse de se développer, les idées existeront toujours.

Cette rencontre est paradoxale. On part d’une idée très sensible, personnelle et on

la transmet au travers de moyens très abruptes, très terre à terre.

L’art s’est toujours adapté au monde dans lequel il vit. Numériser sa forme

d’expression apparaît comme une évidence. Comme nous l’avons déjà dit, nous

vivons dans une ère de recherche d’expérience. L’art dit “classique”, ne satisfait pas

cette demande. Il était temps d’innover, comme dans tous les autres secteurs.

Dans le cas de la 3D, par exemple, l’art ne fait pas que se “montrer” ou s’exprimer, il

offre une expérience aux spectateurs. L’art numérisé permet une réelle interaction

entre le spectateur et l’œuvre artistique et c’est sur ce point que cette nouvelle

forme d’art a de l’avenir.

L’un des procédés artistiques qui a fait parler de lui ces dernières années est l’art

interactif. Laurent Mignonneau et Christa Sommerer sont deux exemples frappants.

Ces deux artistes exposent dans le monde entier et leur exposition la plus marquante

est appelée “ Interactive plant growing”. Pour participer à cette expérience, vous

devez rentrer dans une pièce et vous approcher d’une série de plantes au-dessus

desquelles se trouve un écran géant représentant d’autres plantes, digitales cette

fois. Ces plantes digitales sont de formes et de couleurs diverses et ce mur vidéo est

directement influencé par des capteurs branchés sur les plantes végétales, qui sont

très sensibles à leurs environnement. Ainsi, devant nos yeux, nous assistons à une

œuvre interactive ou les couleurs et les formes sur l’écran digital vont évoluer en

fonction de la réaction des plantes et donc du nombre de personnes qu’il y a dans

la pièce, de leur humeur, de leurs mouvements ou encore leurs discussions.

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Pour ces artistes, le digital apporte une opportunité qui n’est pas d’utiliser des

ordinateurs pour faire des œuvres, qui pouvaient être réalisées sur papier dans les

années 90, mais plutôt d’utiliser les nouvelles technologies pour offrir des expériences

qui ne pouvaient tout simplement pas être faites avant.

Une chose est certaine : l’art est bien plus accessible qu’il ne l’a jamais été.

5.2.2. Comment développer une émotion sans

papier?

L’expérience expliquée précédemment sur les plantes démontre qu’une émotion,

même dans une œuvre artistique, peut être à la fois naturelle, transparente et dé-

matérialisée.

L’évolution technique du support peut être abordée de deux manières. Soit nous

considérons qu’il est vecteur d’une émotion à travers son évolution technique, soit

nous mettons l’emphase sur l’idée qui va véhiculer cette émotion et alors, le support

n’est qu’un outil au service de l’art et pas une partie de l’art lui-même.

Prenons le problème de la reproduction. Considérer que le support de l’art est pas

une partie de l’œuvre elle-même, c’est considérer que toutes les reproductions sont,

de fait, des œuvres d’art en soit. Si l’émotion et le message sont identiques sur Les

Tournesols de Van Gogh au National Gallery de Londres que sur un set de table d’un

bistrot parisien, le support de l’art n’a donc aucune importance.

La technologie est toujours perçue comme une évolution. Nous sommes socialement

victimes de cette tendance qui accorde crédit à toute évolution technique.

Rappelons que le nucléaire par exemple a été une technologie développée par

Einstein, qui n’imaginait pas une seule seconde que l’homme puisse être capable

d’en faire usage de bombe. Sans tomber dans la dramatisation et les clichés, il

apparait comme essentiel de montrer tous les tenants et les aboutissants d’une

évolution technique. Ce qui permet deux choses. Premièrement de prendre en

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176 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

considération les évolutions sociales, comportementales ou encore morphologiques

que cette évolution peut donner, mais aussi de se soucier avec considération de ce

que l’on perd en terme de matérialité. Un élément matériel qui disparait, c’est une

culture qui s’efface. Nous avons par exemple perdu l’usage du CD à travers les MP3

sans que l’on pose une réflexion sur les changements purement sociologiques qu’ils

opèrent. Le cas du papier retient encore plus de considération dans le sens où c’est

une matière première. Perdre l’usage du papier, ce n’est pas perdre objet, mais

perdre un ensemble d’objets constitué par ces matériaux.

Afin de nous interroger sur cette vision sociologique, nous considérons comme

judicieux de nous intéresser à l’Art, dans l’ensemble de ses fonctions matérielles, ses

modes de réflexions sur sa capacité à développer du sens sans support papier.

Comment la photographie a-t-elle vécu son immatérialité? Le support physique

accorde-t-il une légitimité à la création? Quel est la place du support dans la

création? L'homogénéisation des supports est-elle un frein ou un moteur à

l'interprétation du message de l’artiste? Qu’en est-il pour l’artiste lui-même?

Nous tenterons tout au long de cette partie de développer avec précision nos

ressentis et nos recherches sur ces questions essentielles au développement de l’art

et par filiation au développement de tout un chacun.

La question de la matière a toujours existé dans toutes formes artistiques. Par

définition l’art est le produit d’une activité cérébrale humaine. L’art comprend donc

un support, ou plusieurs supports, qui s'entremêlent mais posséde une vision

matérielle. En revanche, les supports évoluent, se divisent et se reproduisent. Prenons

par exemple la littérature. Depuis les hiéroglyphes jusqu’aux e-book, de nombreux

chemins se sont tissés. C’est ce que nous apprend Christian VANDERDOPE dans son

essai sur les mutations du texte et de la lecture Du Papyrus à l’hypertexte. Dans

l’antiquité, le support était le rouleau. Le manuscrit devait être tenu à deux mains et

devait être déroulé pour être lu. Au IV ème siècle est apparu le codex, un livre sous

forme de cahier ce qui apportait une évolution sociale considérable. Plus pratique,

portable, le codex opère un changement important: le lecteur n’a plus besoin de

ses deux mains pour lire, il peut donc se servir de sa main libre pour annoter le texte, il

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177 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

devient un lecteur actif. Par la suite l’imprimerie va introduire la numérotation des

pages, les index et les tables des matières ; le lecteur va donc pouvoir naviguer dans

le texte, le texte n’est plus un fil que l’on déroule mais une surface dont on

appréhende le contenu par des approches croisées. À cet étape, le lecteur est actif

et ne voit plus l’œuvre comme un déroulement chronologique mais comme un

contenu que l’on peut prendre à différentes étapes, et permet une vision critique

plus développée. Aujourd’hui, à travers l’ebook, le texte prend encore une

dimension différente. Le fait de pouvoir interagir avec le support en cliquant sur le

texte (hypertexte) et d'atterrir sur un contenu qui n’est pas physiquement dans sa

dimension montre un paradoxe. On est touché émotionnellement par un contenu

qui appartient à un support qui n’est pas avec soi (notion de serveur). Ces évolutions

de la matérialité des supports démontrent considérablement que la matière joue un

rôle primordial sur l'interprétation du message.

Prenons maintenant un art visuel à savoir la photographie. Roland Barthes, disait

dans son œuvre Mythologies: «Il ne suffit pas au photographe de nous signifier

l’horrible pour que nous l’éprouvions.» Cette citation met en évidence l'interprétation

que le lecteur doit avoir de l’image pour ressentir ou non, l’effet, la puissance, la

sensibilité que le photographe a voulu mettre en scène. Cette valeur est inaliénable

à l’art. L’art ne peut imposer un ressentiment à son récepteur sous peine de perdre

sa définition même d’art. Cette sensation n’est pas sans rappeler le film Orange

Mécanique de Stanley kubrick, où les sensations sur une forme d’art (la 9 ème

symphonie de Beethoven) sont imposées par un tiers et la réaction perçue par le

personnage principal à l’écoute de cette musique finit par être aux antipodes de

celle choisie par l’artiste.

Cependant, même si le ressenti ne peut être imposé par l’artiste dans le fond, nous

avons pu voir à travers la littérature que le support joue un rôle sur l'interprétation du

message. Comment les artistes gèrent-t-ils ce paradoxe qui consiste à laisser libre

court à une interprétation d’un message alors que le support qui le compose

présente déjà une forme d’expression ?

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178 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Revenons à la photographie et son évolution. La photographie présente un

paradoxe avec le numérique : au travers de l’appauvrissement de la qualité des

papiers photographiques dû à une demande de plus en plus faible, le meilleur

moyen aujourd’hui d'obtenir des textures propres a l'expansion du papier de

l’époque est de laisser les photographies au format numérique. Cette contradiction

s’ajoute aux limites que la photographie immatérielle opère sur l’image. Une image

qui passe de programme en programme, et qui ne s'affiche que de de façon

passagère peut-elle être encore considérée comme un photographie ? Les

détracteurs du numérique possèdent de nombreux arguments techniques et

artistiques pour montrer le manque de profondeur qu'opère cette technologie sur

cet art. « Alors que la continuité photographique assure au regard une vision tactile,

objectale, entre les pixels, il y a du vide. Et l'on peut se demander si une image

transparente est encore une image ». Tels sont les arguments de Louise Merzeau,

publiés dans les Cahiers de médiologie n°4 : "Pouvoirs du papier". Nous pouvons

remarquer une technophobie latente dans cet argument qui montre un amalgame

entre l’action de prendre une photographie et le support. Le numérique ne change

pas fondamentalement le mode de capture de l’image, car, contrairement à l’écrit

qui a vu apparaitre d’autres supports de création, les appareils photographiques

sont restés axès sur les mêmes variables: une vitesse, un diaphragme et une

sensibilité.

5.2.3. Les risques de l'expériences dans l’Art

C’est une machine effrayante mais bien réelle que Timo Toots, un jeune artiste

estonien à crée. En effet, cette machine dresse votre portrait digital grâce à sa toute

dernière installation appellé Memopol II. Présentée à la Gaité Lyrique à l'occasion du

festival «Mal Au Pixel», cette œuvre multimédia récolte puis affiche aux yeux de tous

l'ensemble des informations personnelles semées en ligne par une personne. Pour

activer celle-ci, le cobaye doit d'abord poser son passeport ou sa carte d'identité.

Par la suite, une recherche au sein des données gouvernementales et des

principaux réseaux sociaux ou autres flux sur internet. Petit à petit, l'ensemble des

traces numériques font surface transformant la salle de contrôle en visualisation de

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données rétro-futuriste. Memopol II va piocher partout : Adresse, salaire, parcours

scolaire, appartenances politiques, santé, casier judiciaire, goûts, amis ou encore

voyages. L'artiste cherche avec ce système à créer un questionnement sur

l'utilisation des informations en ligne et rendre accessible le système qui les mets en

œuvre. Heureusement à tout moment il est possible d'appuyer sur le "bouton rouge".

STOP

L’artiste cherche à remettre en question le système. En effet, il livre dans une

interview : «J’ai construit cette machine à partir de vos traces et j’essaie de vous les

révéler tout en questionnant leur emploi car, peut-être, elles pourraient être utilisées

contre vous.»

Il est important de noté que la machine fonctionne avec plus ou moins d’exactitude

en fonction des pays. Notamment en France, certaines données ne sont pas

accessible et ce non pas parce qu’elles n’existent pas, mais parce que le

gouvernement n’a pas laissé le libre accès à celle-ci.

En revanche, il est important de noté que le gouvernement estonien a demandé

d’en construire une version pour eux. L’artiste a décliné cette offre, mais nous voyons

ici apparaitre un système ou un gouvernement s'intéresse de près à un travail aux fins

premières artistiques, afin d’avoir un outil de contrôle. Sans dérivé dans la

technophobie, cet événement est notable lorsque l’on sait que des pays comme la

France ou les USA vendent des systèmes de contrôle de données à des régimes

dictatoriaux.

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Conclusion de la thématique

En conclusion, nous pouvons dire que nous assistons à une nouvelle forme d'art, un

art plus personnel, plus sensible où seule l'interprétation prime. L'art au sens strict du

terme, celui qui a régulé notre société, celui qui servait de marqueur historique est en

voie de disparition. Dans une logique purement individualiste, l'artiste réalise son

œuvre et y ajoute son interprétation et c'est à ce moment que l'art devient l'art

aujourd'hui. Nous ne sommes plus dans la prouesse esthétique mais dans la

communication d'un message. En fait cette forme d'art est plus adaptée à la société

actuelle en quête d'émotionnel et d'expériences. Mais l'immatérialité de l'art est-elle

une forme de progrès ou au contraire une forme de régression ? La transmission

d'interprétations et de messages au travers des œuvres n’est-elle pas le signe d'une

société qui se cherche, un signe du temps d'une société accomplissant un passage

? Le cycle du temps actuel stabilisé, l’art ne reviendra-t-il pas à son essence

originelle : la contemplation de la société qui le fait vivre ?

OUVERTURE : La rencontre de la communication et de l'art à l'instar de la

digitalisation

La communication et l’art trouvent un terrain d’entente avec les nouvelles

technologies et les nouvelles expériences nous le prouvent. En effet, le géant

"Google" a développé une application "Google Chrome Labs" qui permet d’interagir

avec le site en prenant une photo ou en jouant de la musique, et le résultat apparaît

directement dans un musée à Londres. C’est une preuve supplémentaire qui

démontre que l’art contemporain rejoint les nouvelles technologies. Cette prouesse

technique s’insère-t-elle seulement dans l’art ou est-elle une œuvre d’art en soit ? Ce

que propose le musée, de façon factuelle, ne répond pas à une problématique

artistique. En effet, le simple fait de voir s’inscrire une photo dans le sable, ou de voir

un instrument jouer de la musique, ne représente pas une certaine forme d’art. En

revanche, le fait que ces éléments soient joués à distance rend l’expérience

curieuse, convoitée et contemporaine. On analyse ici, une interaction

complémentaire entre les nouvelles technologies, la communication et l’art. Si nous

élargissons encore le sujet, nous pouvons remarquer que cette interdépendance est

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la base de la publicité. En effet, la publicité a toujours eu besoin de moyens

techniques et créatifs pour arriver à ses fins. Alors nous pouvons nous demander

quelles sont réellement les enjeux artistiques de ce projet lorsque l’on sait qu’il est

développé par "Google", l’une des entreprises les plus importantes du monde, et que

ce projet n’est pas sans impact sur l'attention portée à la marque ? Cette forme

d’art plus neuf, plus technologique, plus rapide ne serait-elle pas victime du

capitalisme au sens large du terme?

OUI et NON Au travers de cette partie, nous nous sommes introduits dans l’univers artistique afin de s’interroger sur la notion de progrès dans l’art sans papier. Il est très délicat d’en retirer un avis tranché. Nous pouvons partir du postulat que tout changement, tout mal être de la société ou toute perte est un moteur de création car cela permet aux artistes de s’interroger sur des mouvements sociétaux. Les artistes ont pour profonde vocation de tisser des liens invisibles et créatifs entre différentes idées. De plus, nous avons insisté sur le fait que l’art prend sa forme dès que l’artiste interprète son œuvre. Ainsi, ce n’est pas le papier ou un support digital qui va apporter une forme de progrès à l’art, mais la façon dont l’artiste va interpréter son œuvre et la manière de transmettre ses idées.

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6. Communication et marketing

Dans cette partie, nous allons analyser les conséquences dans le secteur de la

communication, que l’absence du papier peut engendrer. Dans le but d’être plus

en phase avec notre temps et notre cursus scolaire, nous étendrons le sujet en

apportant une réflexion sur les apports et les conséquences de la digitalisation des

supports papier. Nous verrons de façon plus large, la résistance du support papier

face au digital et nous analyserons la mesure dans laquelle ces deux supports

médias peuvent être complémentaires. En effet, dans un but d’exhaustivité par

rapport à la thématique large que regroupe ce travail de recherche, nous nous

devons d’élargir la problématique afin de gagner en pertinence d’analyse.

Alors qu’il y a quelques années très peu de moyens s’offraient dans l’élaboration

d’une stratégie de communication, aujourd’hui les annonceurs font face à une

révolution dans le secteur de la communication. Nous allons nous pencher sur cet

engouement des marques à s’orienter vers le digital alors que le papier a toujours

fait ses preuves en matière d’efficacité et de rentabilité.

Est-ce une bonne stratégie que de se jeter systématiquement sur les nouvelles

techniques qui nous sont offertes ? Est-ce que les annonceurs font cela dans l’intérêt

de la marque ou par simple « curiosité ». Ont-ils réellement le choix ? Nombre de

questions qui nous permettent d’introduire cette partie visant à nous éclairer sur la

disparition du papier au profit du digital. Sommes-nous encore dans une phase de

test ? Sommes-nous en train de subir la révolution digitale ? Alors que certains médias

disparaissent d’autres se construisent une longue vie. Ou peut-être pas... Est-il

judicieux d’abandonner le papier pour d’autres médias inconnus ? Même si

l’efficacité de la communication digitale a été vérifiée, cela ne lui assure pas une

éternité. Car, le média digital cache de nombreux vices. Médias et annonceurs

s’allient au digital, nous chercherons à comprendre leurs motivations. Cela engendre

une comparaison inévitable avec le support papier et les aspects négatifs qui en

ressortent.

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6.1. La communication est‐elle nécessairement en

corrélation avec le média qui la compose ?

6.1.1. Disparition et secteurs en crise?

Depuis ces cinq dernières années, nous assistons à une innovation sans fin qui est à

l'origine d'un réseau de communication ultra-connecté. La part du papier dans ce

nouveau réseau est nulle, à tel point que nous assistons à la disparition de certains

secteurs. La recherche de l’amélioration et de la simplification a permis énormément

de choses. Plusieurs facteurs sont à l’origine de la disparition du papier dans la

communication. Une des premières raisons, qui fait dire que tous les supports papier

vont disparaître, est le développement durable qui engendre la réduction

immédiate du papier. De plus, l’impression coûte de plus en plus cher aux

annonceurs, le numérique devient de plus en plus attractif financièrement parlant.

Le coût d’une campagne « marketing print » a, dans la plupart des cas, des coûts

bien supérieurs pour des résultats parfois moins qualitatifs.

L’évolution du comportement des consommateurs affecte l’utilisation du papier. La

génération Z, celle qui est née et a grandie avec le web 2.0 et les NTICS, mais

surtout, la génération Y, sont au cœur de cette ère numérique. Prêtes à tester toute

innovation technologique et, surtout, en demande de nouvelles technologies. La

génération Y ne jure que par l’innovation technologique considérée comme preuve

indiscutable d’une marque avant-gardiste. Cette génération laisse place à une

nouvelle génération encore plus influencée et influençable.

On distingue, également, des changements comportementaux en ce qui concerne

la consommation. De plus en plus, les consommateurs ne sont plus à la recherche

d’un simple produit mais d’une réelle expérience à vivre. La part émotionnelle prend

une place importante. Le « print » seul ne permet plus, aux consommateurs, de vivre

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une expérience...

Cette démarche a engendré la création d’un réseau de communication qui

révolutionne le monde entier. Ce réseau permet à l'homme d'interagir avec autrui.

Mais on peut constater que de plus en plus, cette démarche permet aujourd’hui à

l’homme de se créer un environnement totalement virtuel, en oubliant parfois la

place du réel. Les Smartphones permettent d’être en permanence connecté, la

réalité augmentée modifie notre environnement pour l’optimiser, les services en ligne

se multiplient et modifient les habitudes de consommation… Que d’innovations qui

engendrent des changements. En quelques mots c’est l’ultra-connection au service

de l’assistanat.

En effet, certains supports publicitaires doivent s’adapter à ces changements et

innover dans leurs prestations. Selon L’Union des annonceurs, en 2012, la presse est

en baisse par rapport à 2011 de 8,1% : la publicité extérieure (-4,2%), la PQN (-6,7%),

la PQR (-5,6%), la presse magazine (-3,5%) et la presse gratuite (-32%). En revanche

on constate que la publicité sur internet augmente de 5,5% et de 20,9 % sur les

mobiles. Même si cette augmentation majeure de la publicité sur mobile n’est pas

tellement révélatrice, car très récente et ne pouvant qu’augmenter, on note tout de

même un réel engouement des annonceurs pour ce nouveau support publicitaire.

A contrario, aujourd’hui, la presse est menacée. En janvier 2012, la Tribune clôturait

son édition papier pour se concentrer et survivre uniquement sur le web. France Soir

disparait en 2011 après 67 ans d’existence. Entre 2009 et 2011, 1089 cartes de presse

ont disparu.

Selon L’abécédaire de la presse écrite publié par Télérama : « Les quotidiens sont les

plus touchés par la crise. Par rapport aux hebdomadaires, les quotidiens sont de plus

en plus concurrencés par la rapidité du Web, plus plombés par les coûts de

fabrication et plus désertés par les jeunes lecteurs. Les quotidiens voient leur diffusion

baisser, notamment en kiosque (- 14,6 % pour Le Monde, - 2,2 % pour Aujourd'hui en

France, - 11,5 % pour L'Equipe, - 31,8 % pour Libération...). Aux Etats-Unis, l'« Audit

Bureau of Circulations » (ABC) relève entre septembre 2011 et mars 2012, 4,5 % de

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baisse pour le New York Times et 7,8 % pour le Washington Post ».

En revanche, les abonnements numériques explosent : + 73 % pour le New York

Times. Cependant, rien à l’heure actuelle ne compense l’effondrement des ventes

« print », pas même les abonnements sur les sites. La nouvelle génération n’est pas

réellement prête à payer pour accéder à l’information. L’approche de l’information

est entièrement différente, l’accès est simplifié, les références ne sont plus les mêmes.

La presse papier s’adapte petit à petit à l’ère numérique mais certains supports

échouent dans cette entreprise.

En revanche nous pouvons aussi nous demander si le numérique ne vient pas

s’adapter au papier. Nous avons pu rencontrer cette polémique lorsque il a été

demandé à l’entreprise Google de participer au développement de la presse car la

firme Moutain View tirait profit des informations recommandées sur le site. Un accord

à l’amiable a été trouvé entre le gouvernement et Google à travers un versement

de 60 millions d’euros. Google mettra à disposition de la presse écrite sa technologie

en terme d’outils de monétisation (Adexchange, Adsense...). Mais que représente

réellement cette somme et dans quelle mesure est-elle juste? Google a réalisé entre

1,25 et 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2011 en reversant à peine plus de 5

millions d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés. La « taxe Google » prévue au

préalable avait pour vocation de donner lieu à des réajustements économiques

équitables entre les producteurs de contenu et Google. Cette taxe représente un

montant dérisoire en proportion du besoin de la presse payante pour survivre. Cet

exemple nous démontre avec brio la supériorité du numérique qui est par définition

immatériel et donc volatile, intouchable et très puissant.

Par ailleurs, il est important de rappeler que la presse écrite papier continuera

d’exister tant que le besoin se fera sentir. La question fondamentale est de se

demander si les consommateurs sont réellement prêts à passer à l’ère du

numérique?

Alors que l’on prédisait la mort de certains médias, tout particulièrement la presse

écrite, ils se remettent en question pour survivre. La presse écrite de développe sur le

net, investit dans le digital, ou lance des nouveaux supports comme le « Mook »

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(« Mook » est la contraction de magazine et de book).

On invente une nouvelle forme de journalisme en répondant à une nouvelle

demande de la part des consommateurs. Ayant à la fois un style proche du

journalisme, avec un traitement de l’information peu conventionnel, le « Mook »

correspond aux attentes de ces nouveaux demandeurs d’information. Car

l’information prend une autre forme aujourd’hui, il ne suffit plus d’annoncer il faut

faire vivre l’information. France Info a lancé son « Mook 180° » le 5 avril 2013,

essentiellement destiné aux hommes.

Il est important de noter que le digital et le « print » ne sont pas toujours en

désaccord sur les modèles économiques. Nous voyons des systèmes d’informations

numériques qui utilisent des modèles économiques « print » et vice versa. En effet,

prenons notamment la presse papier telle que le quotidien 20 minutes. L’information

part d’une brève, elle est distribuée rapidement, gratuitement, à grande échelle et

est rémunérée par la publicité. C’est typiquement un modèle économique que nous

avons pu voir apparaître sur le web.

A contrario, nous avons le site Médiapart qui crée des articles journalistiques de fond,

qui investigue et classe les informations et qui fait payer un abonnement aux

internautes pour accéder au contenu.

Nous voyons donc que le « business model pure player » n’est pas nécessairement

en corrélation avec les fondamentaux du web 2.0 et à l’inverse, des systèmes

économiques qui sont dans l’ADN du web 2.0 s’insèrent dans la presse papier.

Cette analyse nous démontre qu’un média n’est pas obligatoirement en relation

avec le modèle économique qui le compose.

Par ailleurs, il nous paraît important de noter que le digital permet la création de

nombreux emplois. Ces nouveaux métiers sont en phase avec leur temps et

permettent une ouverture sur le monde de la communication de façon mondiale.

En effet, les langages informatiques sont partagés à travers le monde et le digital

permet de travailler en collaboration avec des gens géographiquement opposés.

L’évolution du digital est totalement en phase avec le monde mondialisé dans

lequel nous vivons, ce qui explique d’autant plus son expansion.

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6.1.2. Evolution des supports médiatiques

L’année 2012 est au service du digital avec le lancement de réseaux majeurs par les

plus grands acteurs économiques, dans des univers aussi divers que les aéroports, les

gares, les centres commerciaux et le métro. Au total, 2 485 mobiliers digitaux ont été

déployés en France, pour un chiffre d’affaires attendu en 2012 de 53 millions d’euros

nets, résultats en hausse de 47 % par rapport à 2011. De plus, de nouveaux mobiliers

sont prévus pour 2013 : 200 mobiliers de centres commerciaux en plus chez « Clear

Channel » ; 200 dans le métro et 150 dans les gares chez « Mediatransports ». De

nouveaux annonceurs arrivent sur le digital. « Un nouveau média premium

conjuguant puissance, créativité, flexibilité spatio-temporelle et gestion dynamique

en temps réel ou interactif », résume l'UPE (union de la publicité extérieure).

La ville de Paris a lancé en 2010 un appel à projets, le « Mobilier Urbain Intelligent »,

destiné à imaginer les équipements et services de la ville du futur, et permettant aux

candidats sélectionnés de les expérimenter en condition réelle pendant 6 à 12 mois

dans la ville. La communication s’intègre ainsi de manière simplifiée dans la

communication locale, comme information en temps réel. Ces mobiliers

expérimentaux doivent être de réelles plateformes ouvertes, dans lesquelles

n’importe quel annonceur pourra insérer un service numérique. Toute entreprise

peut donc proposer de nouveaux services numériques, plus adaptés à la vie

quotidienne des citoyens tels que des services d’information locale, de

géolocalisation, d’orientation, de communication, de jeux, des services de proximité

ou des services visant un public particulier, segmenté (vie étudiante, info SDF…). En

bref, une communication utile.

Par exemple, la société « Oxialive » lance dans le cadre de cet appel à projet une

colonne numérique située en face de la gare du nord à Paris. Elle comporte trois

écrans LED animés, qui sont destinés à la communication culturelle et citoyenne. Elle

relie le fil « twitter » de la ville en temps réel. Le dernier écran vise à faciliter la vie des

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parisiens en leur permettant d’accéder aux plans des lignes de métro, les bons plans

à proximité, etc... Le tout dans une logique d’assistanat. Car le propre du mobilier

urbain intelligent est de permettre aux annonceurs de communiquer, d’offrir plus de

services à leurs consommateurs en les assistant quotidiennement.

Un autre exemple qui va de pair avec celui-ci est le « Guide du routard ». Ce célèbre

guide qui permet d’avoir les meilleures adresses du lieu que l’on se destine à

découvrir tout en y associant des informations culturelles. Ce guide est devenu un

“Bricks and clicks” par le biais d’une application pour Smartphone. Mais comment

un outil papier aussi emblématique que le « Guide du routard », donnant l’image

vagabonde du baroudeur attaché aux valeurs que sont la nature, la culture, le

bouche à oreille, les rencontres physiques, peut envisager une évolution grâce au

digital, une évolution presque à l’opposé de l’ADN de marque ?

L'application permet de nous géolocaliser et de nous donner les meilleurs lieux qui

sont autour de nous, d’appeler directement les restaurants, les hôtels et les lieux

culturels. Elle permet aussi, via l’application de photo, de voir la distance qui nous

sépare d’un lieu et de nous donner instantanément des informations sur celui-ci,

avec les avis des gens qui y sont passés. Cet exemple est, certes un exemple parmi

beaucoup d’autres, mais il démontre que même les marques qui ont dans leurs ADN

des concepts de communication « pro-papier » peuvent se digitaliser. Mais qu’en

est-il pour les consommateurs ? Comment les régies média papier gèrent-elles le

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tournant vers le digital ?

En 1955, JC Decaux lançait les premiers placards publicitaires sur l’autoroute.

Aujourd’hui le géant de l’affichage se repositionne et cherche à adapter son offre

aux évolutions actuelles.

Le mobilier urbain jusqu’à présent proposé par JC Decaux, sont des panneaux

publicitaires grands formats ou tri-visions apposés aux maisons, visibles depuis les

autoroutes ou à l’entrée des villes, des services comme des abribus entièrement

financés par des annonceurs.

JC Decaux s’est donc renouvelé et a mis en place six nouveaux mobiliers. Le groupe

passe de simple afficheur publicitaire à créateur et innovateur de mobiliers

publicitaires. L’annonceur va, par exemple, acheter un emplacement publicitaire

dans un panneau numérique à l’heure et non à la semaine, comme c’est encore le

cas pour certains panneaux d’affichage. Ce système de consommation permet à

l’annonceur de communiquer à des heures plus pertinentes et avoir, ainsi, un réel

retour quantifiable, par rapport à son annonce. On ne paye plus pour la quantité

mais pour la qualité. Nous sommes en plein dans une ère où le retour sur

l’investissement (ROI) est à l’origine de toutes décisions commerciales. Ainsi

l’annonceur a un réel impact stratégique et sa publicité est entièrement amortie.

Selon Albert Asséraf, Directeur Général Stratégie, Etudes et Marketing : « Les usages

de ces mobiliers ont été conçus autour de cinq fonctions majeures : découvrir,

s’informer, partager, travailler et se divertir ». La question qui peut venir s’inscrire

lorsque l’on voit les fonctions décrites est d’ordre sécuritaire. Qu’en est-il de la

sécurité routière? Le défilement des images ne forcera-t-il pas le regard de

l’automobiliste ? Est-ce que, seulement, l’entreprise JC Decaux s’est posée la

question ?

Ce que met en place JC Decaux est complètement en phase avec son temps d’un

point de vue économique. Lorsque l’on voit l’ampleur investie sur le web pour les

techniques de re-ciblage, de RTB (real time bidding) et les nouveaux systèmes d’Ad-

Exange, nous ne pouvons que saluer la prouesse de JC Decaux. Mais l’entreprise a-t-

elle envisagé les risques de vandalisme ? Mais quels sont les risques

environnementaux ? Quelle consommation d’énergie cela va représenter dans les

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prochaines années ? Beaucoup de questions qui restent aujourd’hui sans réponses.

On peut y voir un autre inconvénient qui est la naissance d’une concurrence rude.

En effet, ce nouveau système de communication permet aux annonceurs, comme

nous l’avons dit précédemment, de communiquer sur certaines heures et non sur

toute la semaine, ce qui permet plus de messages. Cependant, les annonceurs les

plus influents accèderont facilement aux plages horaires attractives, alors que les

petits annonceurs ne bénéficieront que des plages horaires peu intéressantes. Il se

peut que la concurrence soit bien plus rude, alors que finalement le support est bien

plus attractif.

Les installations coûteuses de JC Decaux, notamment parce qu’il s’agit de

prototypes, nécessitent des financements entièrement fournis par la publicité. Il

existe un paradoxe entre l’aménagement de ces nouveaux services pour la ville ou

pour les citoyens et le contenu publicitaire qui vient s’intégrer à ces services et les

nuire. En effet, est-ce que les contenus publicitaires ont su s’adapter à ces nouveaux

supports ? Sont-ils à la hauteur de l’innovation de ces derniers ?

La presse papier et l’affichage papier, en disparaissant, laissent place à de nouvelles

technologies participatives ou à de nombreux services pour le consommateur.

On connait, aujourd’hui, la possibilité de consulter des offres d’emploi en attendant

sous un abribus. Exemple qui démontre notamment un rapport à l’espace différent

pour le consommateur. Le retour sur l’attention n’est plus uniquement au lieu de

présence physique de la personne, l’attention est aussi choisie par la personne dans

le sens où elle peut faire autre chose dans un autre espace grâce à son téléphone.

Cet exemple met en exergue le besoin de créativité et de pertinence des

informations sur les supports papier, dans le sens où nous avons aujourd’hui les

moyens techniques de faire abstraction de l’information publicitaire qui nous est

présentée et de se retrouver dans un autre espace via des informations stockées

dans les serveurs.

Mais ces nouveaux contenus sont-ils vraiment pertinents ? Sommes-nous prêts à

chercher un emploi dans la rue ? En proposant ce type d’installation, JC Decaux se

confronte à l’importance de la forme comme celle du fond. Le mobilier doit servir le

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contenu et le contenu doit s’adapter à ce type de mobilier.

L’affichage dynamique a de nombreux avantages contrairement à l’affichage

papier. Dans ce domaine on peut réellement parler de progrès. En effet,

l’annonceur peut agir en temps réel sur sa campagne en la modifiant directement, il

y a une réelle instantanéité de l’information, c’est bien plus écologique, les

messages sont plus dynamiques, le ciblage plus efficace grâce à la possibilité de

choisir son support au bon moment et cela est bien plus économique car le

message peut être exploité à l’infini.

L’innovation dans le secteur de l’affichage extérieur permet à JCDecaux ou Clear

Channel de sortir de la crise. Ici, la disparition du papier donne un nouveau souffle à

des groupes qui touchaient de près la phase de déclin. JCDecaux a profité de la

crise pour optimiser son réseau, comme la plupart de ses concurrents : « Une

meilleure répartition des panneaux sur le territoire et une couverture plus importante

dans les zones nouvellement plus fréquentées. » (Source : site JC Decaux).

Les réseaux d’affichage ne gardent plus que les faces efficaces et les plus

attractives pour les annonceurs. Les afficheurs ont dû également alléger leurs offres

tout comme Clear Channel a lancé il y a près d'un an une nouvelle offre : le Carré.

Ce projet s'articule autour de 4 axes : événementiel, création de trafic, visibilité et

image. Clear Channel ne s’arrête pas là et lance en début 2013, la méthode CAST

(Consumer - Audience - Smart- tracking). Cette nouvelle méthode repose sur la

qualification des parcours des consommateurs et la mesure d’efficacité d’une

campagne en partenariat avec Kantar Worldpannel. Clear Channel promet ainsi à

ses clients annonceurs de pouvoir rencontrer avec certitude et précision leurs clients.

Le message doit être délivré au bon moment et au bon endroit. On ne se contente

plus d’un réseau, il faut aller chercher la cible pour la toucher.

La communication extérieure a gagné, aujourd’hui, en interactivité et en proximité

avec les consommateurs. Selon l’Union des Annonceurs : « L’affichage extérieur

constituerait à 70%, le moyen de communication le plus efficace et le plus interactif

avec l’utilisation de la tablette. » En effet, entre écran LCD, 3D, flashcode, bluetooth,

étiquettes électroniques RFID et écrans tactiles holographiques, l’innovation est au

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rendez-vous. Cependant, les villes et agglomérations ne sont pas encore très à l’aise

avec ces types de supports qui posent encore de réelles problématiques juridiques.

Comme nous le disions précédemment, les écrans télévisés sur la voie publique sont

dangereux pour les automobilistes.

En matière de support papier et certains titres de magazines, notamment, innovent

tout en respectant leur composition initiale. En effet, l’idée, très ingénieuse, de

certains support est de combiner papier et digital. La complémentarité ne serait-elle

pas parfaite ?

Pour des raisons d’habitude ou de confort, certaines personnes vont préférer la

presse papier. En proposant de nouveaux services, il se peut qu’elle ait encore de

beaux jours devant elle. L’agence digitale Redshift est partie de cette conviction et

a développé une toute nouvelle technologie : le « paperplay ». L’idée est de

redonner vie aux supports papiers. Le « Paperplay » est une application mobile qui

permet de rendre un support presse plus interactif et créer une réelle

complémentarité entre réalité et virtualité. Par exemple, en passant son smartphone

sur un article résumant la rencontre sportive de la veille, on peut voir la vidéo

retraçant les grands moments du match. L’article n’est plus un simple article, il prend

vie et une autre dimension au travers d’un support digital. L’innovation au travers du

support papier peut considérablement ralentir la fin de la presse papier et lui donner

une seconde vie.

Cette évolution offre plus de possibilités aux annonceurs pour communiquer ce qui

laisse place à une fréquence de messages plus forte, plus de répétitions, plus de

messages mais, peut-être aussi plus de confusion pour le consommateur.

Ce qui est important de retenir, c’est que, malheureusement ou heureusement, ceux

ne sont pas les marques qui sont à l’origine de cette ère numérique. C’est l’individu

ou le consommateur qui en est à l’origine ce qui implique une réelle adaptation de

la part des marques. Comme nous l’enseigne Marco Tinelli partage cet avis dans son

livre Marketing synchronisé.

En effet il part du constat que « Internet va nous obliger à trouver d’autres modèles

marketing c’est-à-dire évidemment d’autres manières d’envisager la relation entre

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la marque et les consommateurs, mais aussi de nouvelles formes d’organisations au

sein des entreprises, de nouveaux modèles d’agences et surtout une nouvelle

organisation du marché lui-même de la communication. »

Les annonceurs sont obligés de comprendre les nouvelles technologies pour ne plus

se laisser dépasser par les innovations. Marco Tinelli pense que le marketing de

demain sera un marketing en temps réel. Il nous explique qu’il y a autant de retard

entre une évolution technologique et l’aptitude d’un consommateur moyen à

prendre cette technologie en main qu’il y a de retard entre l’aptitude d’un

consommateur moyen à prendre cette technologie en main et la stratégie d’une

marque à l’intégrer. La raison principale de ce décalage final de 7 ans, entre une

technologie et les annonceurs, et due à la raison suivante : la frilosité des

annonceurs à essayer des technologies qui ne sont pas encore reconnues comme

efficientes d’un point de vue ROI.

À travers cela, nous nous retrouvons avec des décalages considérables comme

nous avons pu le voir sur Youtube par exemple ou le format « préroll » de la publicité

display aurait été efficace dès 2006 et alors que nous voyons en apparaître

seulement en 2013.

Les marques n’ont pas anticipé cette ère numérique, elles sont encore en train de la

subir, cette ère évoluant bien plus vite qu’elles. Le consommateur oblige les marques

à évoluer, à agir différemment. La difficulté pour un annonceur est de communiquer

sur le digital tout en respectant l’ADN de marque. L’offre digitale est tellement vaste

qu’elle peut vite perdre la marque et faire oublier le véritable message à faire

passer. Il ne s’agit pas ici de répondre à une simple demande par une offre, mais de

réellement adapter sa manière d’offrir. Les marques doivent veiller à échanger avec

le consommateur. Le message n’est plus au cœur de la communication, il laisse

place à la relation.

En réalité les discours publicitaires sont de plus en plus inutiles pour les

consommateurs. Ce n’est plus la marque qui compte mais l’expérience de marque.

Comme le signale Jean-Noël Kapferer dans son dernier ouvrage Réinventer les

marques : « Une plateforme de marque sans contenu n’est jamais qu’une feuille

volante déposée sur un bureau ». Le consommateur a besoin d’actions et

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d’expériences à vivre pour s’imprégner de la marque. Il faut vivre la marque.

Aujourd’hui le consommateur a besoin de preuves. Les dires ne suffisent plus. Les

marques se confrontent à des consommateurs de plus en plus cartésiens et doivent

proposer une communication cartésienne. Quelque part, les tendances du planneur

stratégique et les conceptions des stratégiques deviennent presque obsolètes.

Aujourd’hui il faut du concret, de l’action, la relation basée sur l’imaginaire avec la

marque n’existe plus. C’est ce que les marques ne parviennent plus à faire. Car

l’imaginaire a peut-être encore une place dans l’ère du digital. En effet, la marque

peut vivre au travers d’une communauté qui la dynamise. Le tout est de savoir

contrôler l’emprise de cette communauté sur la marque. Les marques doivent savoir

agir au travers de cette dynamique communautariste. Ainsi la disparition du papier

dans la communication engendre un réel repositionnement des marques.

6.2. L'immatérialité du support va-t-elle altérer la

qualité du message?

Un annonceur anonyme a dit cela : « Il ne faut pas oublier que Gutenberg n’a pas

révolutionné l’écriture, mais simplement la mise en forme et le partage. Pour le

digital ça sera pareil. » On peut donc imaginer que le digital est une autre forme de

communication. Une forme de message, pour le même fond. Certains annonceurs

auraient encore du mal à faire cette distinction et à utiliser le digital comme fond du

message comme si l’aspect innovant du support suffisait à justifier et optimiser le

message.

On peut évoquer, ici, le déterminisme technologique qui suppose, d’une part, que

l’évolution technologie est indépendante de la société, que la société tire son

évolution d’elle-même et, d’autre part, que l’innovation technologique influence la

société.

Le digital devient de plus en plus incompréhensible tout en étant trop accessible. Il

est très difficile de prendre le pas sur la technologie, qui elle avance à grand pas. La

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grande différence avec le digital, c’est le consommateur qui a pris une réelle liberté

d’expression. Il répond aux marques, il interagit. Contrairement à la communication

sur papier, la réaction est immédiate, vive et essentielle pour les marques. Le

manque de contrôle est évident, le message est interprété deux fois plus rapidement

que sur papier. Le digital est un support fourbe. A l’inverse du papier où il suffisait de

commander un encart publicitaire pour une durée déterminée, le digital offre de

multiples possibilités de communication, peu coûteuses. Néanmoins, les retours du

consommateur et le contrôle d’une communication digitale sont très coûteux. Cela

demande du temps. Les annonceurs ont-ils le temps de prendre le temps ? N’est-il

pas un support trop dangereux, qui va réellement affecter l’image de marque et son

message ?

6.2.1. Limites et échecs de la communication digitale

Le digital est vu comme « the place to be » par les annonceurs. Comme nous l’avons

dit précédemment, les annonceurs ne se posent pas vraiment de questions, ils

utilisent fréquemment le digital à la place du papier pour des raisons d’image,

pécuniaires et, tout simplement, parce qu’il faut l’utiliser. Ils ne se posent plus de

réelles questions stratégiques mais une vision simplement opérationnelle. Certains

annonceurs ont fait les frais de leur « curiosité » abusive et de leur manque

d’expérience. La simplicité des médias digitaux attire les annonceurs. Dans le cas

des médias sociaux, nouvel eldorado pour les marques en apparence, les

conséquences peuvent être désastreuses si ce média n’est pas considéré comme

un média à part entière.

En la matière, nous pouvons prendre comme exemple la campagne de MC Donald

qui avait pour objectif d’inciter ses clients à faire part de leurs souvenirs heureux au

sein des restaurants, via Twitter. Cette initiative s’est avéré être un réel fiasco car elle

déclenché une multitude de tweets négatifs. Les médias américains surnomment

alors le Mc Chicken le « McFail ». L’objectif de cette campagne était de contrer les

aprioris négatifs de la marque concernant l’origine de ses produits et l’hygiène. On a

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pu assister à des tweets du type : « Chaque fois que je mange un Big Mac, une

partie de moi meurt à l’intérieur ». Résultat : 1600 tweets en une heure.

La communication digitale est efficace quand il y a un réel suivi de la part des

marques. Certaines marques ne sont pas encore conscientes de cet aspect de la

communication digitale. Les conséquences d’une communication digitale mal

maîtrisée peuvent être dramatiques pour l’image de marque. Les consommateurs

prennent l’emprise totale sur la marque et en sont les nouveaux dirigeants. La clé du

succès d’une campagne sociale est le « brand journalism ». C’est une technique qui

associe des contenus rédactionnels à la communication de marque. Il s’agit d’une

réelle stratégie. Si la communauté n’a rien pour critiquer la marque elle divulguera

son propre message. Le discours de la communauté vaut bien plus à l’heure

actuelle que celui de la marque. 76 % des français ne croient pas au discours des

marques dans leur campagne de publicité. Les marques doivent devenir des médias

à part entière pour affronter l’obstacle communautaire.

Les consommateurs sont aujourd’hui ultra-connectés. Ils ont accès au produit autre

part que là où ils ont l’habitude de le voir.

Dans les années 2000, le groupe Procter & Gamble a initié le concept du FMOT : First

Moment of truth. Il s’agit du moment où un consommateur va voir pour la première

fois le produit qu’il souhaitait, après qu’un « stimulus » l’ait poussé à se rendre dans la

boutique.

La communication digitale et les réseaux sociaux constituent aujourd’hui, les

« stimulus » du consommateur. Si les supports qui engendrent le stimulus ne sont pas

maîtrisés, le consommateur ne passera pas à l’acte d’achat. Ce qui est écrit sur

twitter au sujet d’une marque est désormais plus important que le site ou la brochure

d’une marque. 30% des consommateurs surfent sur le web au lieu d’aller

directement voir le site de la marque. Les retombées d’une action digitale ont bien

plus d’importance que la vitrine web bien maîtrisée d’une marque.

Pour faire face à ce problème, certaines marques digitalisent leurs points de vente,

qu’ils soient en ligne ou physiques. C’est le cas de l’enseigne Burberry, qui propose à

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ses clients de vivre la même expérience en réel que sur le web. Les vendeurs en

boutique sont équipés de tablettes qui permettent de consulter l’historique des

achats, les goûts des consommateurs et la possibilité pour les clients de créer

leur « trench » de rêve comme c’est le cas sur le site. L’idée, ici, est d’éviter au

maximum que les consommateurs se plongent trop dans l’univers digital qui entoure

la marque et qui peut avoir des conséquences néfastes pour elle.

Contrairement au papier, le digital est aussi l’ère de l’instantanéité. En effet, tout ce

qu’une marque choisit de divulguer n’est pas gravé dans le marbre, c’est

instantanément réinterprété par le consommateur. La parole du consommateur vaut

plus que celle de la marque.

Aujourd’hui une bannière vue a autant d’impact qu’une affiche dans la rue.

Pourtant seulement 30% des personnes qui ont vu une bannière s’en souviennent

(source IPSOS). Contrairement à l’affichage, la communication digitale via les

bannières est bien plus complexe, la concurrence étant bien plus présente et plus

visible.

Ainsi, l’attention est bien plus difficile à capter que lorsqu’il s’agit d’une affiche sur un

abribus.

6.2.2. Le papier permet le passage au digital

Il nous est paru important de montrer dans ce travail de recherche la

complémentarité entre le support papier et le digital dans l'environnement de la

communication. En effet, nous avons un schéma de mise en abyme classique qui se

développe à travers une communication qui se découvre via un média qui est le

papier et qui peut se redécouvrir à travers le digital. Avant de se contrecarrer, ces

deux supports medias qui sont le papier et le digital, s’entraident, se joignent, se

développent ensemble afin de donner plus de pertinence à une stratégie de

communication.

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Pour un passage au digital, le papier se révèle par différents moyens pour renvoyer

son utilisateur sur le digital. Ces moyens peuvent être le teasing : le consommateur

potentiel doit faire l’effort d’aller vers la marque ; l’URL : une stratégie plus push mais

qui oblige le consommateur à taper l’URL sur son ordinateur ou autre support

numérique ; le QR code : il permet une interaction directe mais pose deux

problèmes majeurs que de nombreux annonceurs ont tendances a aliéner par

enthousiasme sur cette technologie : le mobinaute doit avoir l’application

smartphone qui permet l’interprétation technique du QR code et plus encore, le

lecteur doit être équipé d’un smartphone.

Le QR code fait objet de nombreux attraits par des annonceurs et démontre une

créativité de plus en plus accrue. La campagne de Sushi Shop mettant en scène les

sushis qui font un QR code est intéressante sur ce sujet. Elle démontre la vocation

stratégique à insérer l'innovation technique au cœur des campagnes. Cette

campagne démontre le parallèle qu’il y a entre une innovation et sa vocation. Le

fait de mettre un QR code géant sur une 4/3 est volontairement transgressif, c’est un

outil stratégique pour donner une image avant-gardiste à la marque. Il est important

de détacher l’innovation en tant que telle et le rôle qu’elle a dans la société. Dans

ce cas, le rôle du QR code est purement stratégique et répond à une image de

marque plus qu’à un besoin technique de complémentarité entre les supports. Nous

essayons à travers cet exemple de démontrer que le besoin, qu’a la

communication, de valoriser nécessairement l'innovation trompe les statistiques sur

les valeurs que les consommateurs accordent à une technologie. La digitalisation du

support papier peut être une innovation de marque plus qu’un besoin client.

De plus, il est important de souligner que les techniques qui permettent le passage

au digital sur le papier peuvent donner une interprétation différente du message sur

simple papier. En effet, les médias imprimés permettent une interprétation différente

des informations.

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6.2.3. Le papier laisse libre court à l'imagination

Nous avons pu voir que les médias papiers et digitaux peuvent s’opposer mais aussi

se rejoindre au service de la communication. Mais qu’en est-il pour les

consommateurs ? Maîtrisons-nous un imaginaire de marque de la même manière sur

le digital qu’avec de la matière première ? Rajouter le sens du toucher est-il

nécessaire dans toutes les circonstances ?

La campagne qui illustre le mieux ce paradoxe est la campagne de Durex nommée

« Digital Love ». Cette campagne digitale, utilisant la technique du « blind

marketing », est basée sur l’idée d’une plateforme où les internautes peuvent faire

l’amour à distance. Après quelques seconde, un rire s’installe et le/la partenaire

s’écrie « Do you really think you can have sex through your computer ? » L’opération

laisse alors place à la marque, le seul moyen reste de se protéger.

En dehors de l’aspect humoristique de cette opération, nous pouvons remarquer

deux choses. Le digital a ses limites, et son interprétation ne peut pas toucher

certains sens. Alors que nous poussons les possibilités du numérique à leur paroxysme,

nous remarquons que l’interactivité numérique a ses limites. Le contact physique est,

et restera nécessaire. Nous trouvons intéressant que ce message s’insère dans un

discours de marque.

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De plus la digitalisation du papier revoit cette matière à sa fonction première de

support. Or, le papier donne lieu à de nombreuses possibilités d'interprétation. Le

grammage, le verni, le choix du mode d’impression... Tous ces éléments parlent à

leur auditoire. Ce sont des notions qui nous touchent moins aujourd’hui, mais qui ont

existées dans les années 90, dans le monde de l’entreprise de façon très poussée.

Ce n’est d’ailleurs pas sans rappeler le passage du livre American Psycho de Bret

Easton Ellis, où Patrick Bateman se voit remettre toute sa virilité et sa supériorité en

question lorsque son collègue de travail lui présente une carte de visite avec un

traitement du papier plus premium que la sienne.

Le papier communique, en lui-même, il est un support qui au toucher, à l’odeur,

peut donner de nombreuses interprétations. Grace au papier, cette interprétation

dépasse la simple problématique d’image, elle est vivante, ce qui n’est pas le cas

du digital. La mémorisation du message ne sera pas différente en fonction du

support numérique que l’on utilise.

6.3. Disparition du papier : retour à la réclame ?

On peut se demander si la disparition du papier dans la communication n’a pas un

impact négatif sur la communication en générale. On est plus dans une

communication opérationnelle que stratégique. Ainsi on est en droit de se

demander si on n’assiste pas à un retour à la réclame, une communication basée

sur la forme et très peu sur le fond.

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6.3.1. Une qualité de message altérée par une forte

concurrence

Dans un contexte où, de toute manière, la communication digitale, engendrera la

disparition du message textuel, on peut se demander s’ il y aura toujours un message

ou si ce message sera simplement altéré.

La communication digitale est synonyme d’actions. Les messages conceptuels

laissent place à l’expérience.

La communication sur papier est une communication de masse. On communique

pour toucher une masse. Aujourd’hui, on tend vers le marketing « one to one » qui

permet de mieux cibler le consommateur. On met le consommateur au centre de la

communication en le considérant comme individu, comme une personne ayant des

goûts multiples. L’ère digitale ouvre plus de portes aux annonceurs. Des portes très

tentantes et très séduisantes. Les annonceurs veulent tout tester en négligeant

l’objectif de la campagne. Cette multitude de nouvelles possibilités de

communiquer perd l’annonceur qui lui-même perd de vue son objectif.

Ces nouvelles opportunités sont abordables donc utilisées par de nombreux

annonceurs et augmente, ainsi, la concurrence. Les acteurs sur le marché de la

communication digitale sont de plus en plus nombreux, de la même manière que les

messages se multiplient, ce qui perd le consommateur.

Le digital est très attractif pour les annonceurs. Pour ceux qui ont un budget inférieur

à 50 000 €, l’affichage ou la presse s’avèrent être hors budget. Seul recours : les

réseaux sociaux. Le digital doit être considéré, par les annonceurs, comme un média

comme un autre, non comme une fin. La stratégie est la même que sur les supports

papiers. Il s’agit de définir une « big idea » ; la seule difficulté est de de faire vivre ce

message sur les supports digitaux. Mais est-ce que les annonceurs parviennent à

définir une réelle stratégie, ne sont-ils pas attirés en premier lieu par cet univers ?

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La plupart des démarches de communication sur le digital semblent être plus

tactiques que stratégique. Est-ce réellement dangereux ? Cette erreur est, dans la

plupart des cas, compensée par une réelle efficacité opérationnelle. Le digital

s’adresse à un public de masse. On joue sur la quantité, beaucoup moins sur la

qualité. L’idée est de toucher, peu importe si cela ne correspond pas à l’ADN de

marque et sa stratégie de communication initiale.

Les marques ont une tendance presque opportuniste face au digital. Il faut tester les

nouvelles techniques avant tout. Peut-être est-ce dû au fait, que ces marques,

savent que les avancées en matière de communication numérique, sont très

rapides, et qu’elles risquent, par conséquent de passer à côté.

Nous pouvons citer comme exemple flagrant le fait que les marques se sont toutes

mises à communiquer très rapidement sur les réseaux sociaux sous prétexte que leurs

cibles y étaient. Des communautés liées à des marques qui fonctionnent se font

rares. Dans ce cas, il y a Coca Cola et sa communauté Facebook, qui a laissé cette

communauté s’auto créer. La marque n’a pas cherché à tirer profit de l’outil digital

mais a su en faire une force. Aujourd’hui, l’image de marque Coca Cola n’est

absolument pas altérée par le digital. Ce qu’il faut retenir c’est que le digital n’es

pas naturel au sens strict du terme. Là où, avec le papier, on pouvait se permettre

plus de risques en terme de communication, avec le digital il faut savoir prendre son

temps.

Le digital reste un outil purement opérationnel. On fait vivre une expérience et si

cette expérience est réussie, le consommateur crée son propre message. Sur papier,

le message est direct, néanmoins les interprétations peuvent être différentes.

La communication digitale donne tous les aspects d’une communication

intelligente, respectueuse des consommateurs et en phase avec son temps. Mais si

l’on analyse de plus près les comportements de la publicité sur le web, est-ce

réellement le cas ? Dans quelles mesures le digital propose t-il une expérience plus

respectueuse du consommateur ?

La communication digitale est tributaire de son média qu’est internet. Cette

technologie à toujours subi des comportements transgressifs. Les hackers ont toujours

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été au centre des polémiques, le droit d’auteur n’a jamais autant été mis en péril, la

propriété intellectuelle et le droit à l’oubli des données sont des sujets d’actualités. Le

témoignage de Laurent Chemla est passionnant à ce sujet. Ancien voleur, premier

informaticien français à avoir été inculpé puis relaxé pour piratage informatique

depuis un Minitel en 1986, il défini les 4 raisons pour lesquelles pour lui le web 2.0 et

Facebook sont des « voleurs ». En effet, il explique que notre travail appartient à une

plateforme qui s'enrichit sur notre création, que le fruit de notre travail n’est

récompensé que par la publicité et pas par la qualité de notre travail, que pour faire

valoir notre création il faut qu’on paye de la publicité et que ces nouvelles

technologies pratiquent la vente des informations confidentielles. Comment ne pas

être tenté de voir une régression sociétale lorsque l’on sait que les budgets de

communication qui augmentent le plus, utilisent sur ce média?

Les annonceurs sont de plus en plus conscients des possibilités que le web apporte.

Les techniques utilisées pour le ciblage sont de plus en plus proches des

consommateurs et de moins en moins proches de l’éthique. La techniques de « pré

roll » et la récente autorisation de la CNIL de la récupération des données

personnelles sur les utilisateurs mobiles démontrent que nous sommes qu’en prémice

d’une intrusion de la communication digitale dans la vie privée.

En revanche comment est-elle perçue par les consommateurs et pouvons-nous nous

assurer du ROI ?

La grande différence entre le web et les autres supports média et le

conditionnement de la personne au moment où elle agit. Lorsqu’une personne

recherche une information sur le web ou veut regarder une vidéo, elle a fait le choix

d’interagir avec un support dans le but de trouver précisément ce qu’elle

recherche. Ce n’est pas le cas des journaux qui laissent le temps d’interpréter une

cession de message de la part d’un média particulier. Nous pouvons alors nous

interroger sur le retour sur attention dans les moyens numériques de communication.

De plus, l’augmentation des annonceurs et la politique de prix qui est fortement

partie prenante des actions sur le web, donnent lieu à de nombreuses créations qui

s’axent sur des stratégies « call to action ». En effet, l’internaute étant canalisé sur

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une recherche particulière, prend difficilement le temps de s’intéresser à un discours

de marque comme il pourrait le faire dans un journal. Ce comportement, lié avec les

politiques tarifaires des annonceurs, et les comportements triviaux d’internet en

général donne un comportement publicitaire proche de la réclame du début des

grandes années de la publicité.

En revanche, le discours de marque peut s’installer sur le web. La multitude des

moyens techniques qui présentent une incontestable diversité de contenus permet

d’entreprendre une démarche corportate de qualité.

6.3.2. Objectifs de fidélisation vs objectifs

commerciaux

Le digital a modifié considérablement les habitudes des consommateurs, même si

cette forme de communication apparaît comme une réelle opportunité pour

l’amélioration relationnelle entre la marque et le consommateur. Il n’en reste pas

moins que le consommateur a aussi plus de moyens pour s’orienter vers la

concurrence. En fait, le digital permet une meilleure relation mais, comme on l’a dit

précédemment, ouvre le champ de la concurrence. La fidélisation est de plus en

plus difficile à instaurer.

Les marques se rendent compte que la communication digitale est un moyen d’être

bien plus proche des consommateurs. Cette proximité est source de fidélisation. La

proximité joue un rôle majeur sur la pérennité de la relation entre le consommateur

et la marque. On peut désormais parler de “relation” entre une marque et un

consommateur. Comme dans toutes relations, il y a des hauts et des bas. On aime

puis on n’aime plus. Le risque est important mais l’objectif reste intact : fidéliser. Dans

un contexte actuel économique aussi délicat, la fidélisation est fondamentale : « un

tien vaut mieux que deux tu l’auras ». Mais une relation sur la durée est nettement

plus valorisante pour la marque.

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205 Un monde sans papier st-il un monde en progrès ?

Ainsi, nous pouvons dire que le passage de la communication papier à la

communication digitale est révélateur du passage d’un objectif purement

commercial à un objectif de fidélisation. On ne vend plus, on crée un lien. Mais

n’est-il pas plus réaliste de parler de fidélisation virtuelle ? En matière de numérique,

les marques ont su adapter leur système de fidélisation. Les cartes de fidélités qui

encombrent vos portefeuilles laissent place aux applications mobiles. Ces

applications permettent de gérer les cartes de fidélité sur une même plateforme.

Alors n’est-ce pas la simplicité des nouveaux modes de fidélisation numérisés qui

engendre plus de simplicité ? Cette fidélisation virtuelle est-elle réellement viable et

durable ? La fidélisation passe avant tout par la relation que le consommateur a

avec la marque, les valeurs qu’il y retrouve, et non par la simplicité par laquelle il

peut s’en rapprocher. Peut-être que l’avenir de la fidélisation marque /

consommateur prend une autre forme. Les clients deviennent fidèles à une

communauté rassemblée autour d’une marque.

6.3.3. La co-création comme réponse à la fidélisation

virtuelle : vers une co-création marque /

consommateur

Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, la communication numérique transmet

un discours qui est totalement indépendant de la marque. La marque choisit de

lancer une expérience ou divulgue un message et se doit d'être conscient des

répercutions que cela engendre. La propagation du message va se décupler,

atteindre une cible large. La communication sur le numérique permet d'impliquer le

consommateur dans la création de la marque, ce que ne peut permettre la

communication sur papier. Peut-être que l'innovation de la communication

numérique se trouve véritablement dans la co-création marque/ consommateur.

La stratégie de la marque n'est plus, uniquement, de se demander quelle promesse

elle peut apporter ou quelle « big idea » transmettre. Il faut également qu'elle sache

faire preuve d'anticipation, car son message va être très rapidement interprété,

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réinterprété par la cible qu'elle aura touchée.

Le jeu est dangereux. Les marques doivent donc anticiper les retours et divulguer un

message en fonction des retours qu'elles sont susceptibles d'avoir. En faisant preuve

d'un bon esprit de stratège, les résultats peuvent être excellents et la co-création

marque consommateur donner une puissance à la marque.

Prenons l'exemple de Danette. Nous sommes passés de "On se lève tous pour

Danette" à "On vote tous pour Danette". Nous avons là, l'exemple parfait qui traduit

cette co-création marque/consommateur. Pour continuer d'exister, Danette ne s'est

plus focalisée sur son produit, la Danette en elle-même, mais le consommateur.

L'idée est d'intégrer de façon directe le consommateur dans la communication de

la marque afin de le flatter et de lui donner de l’importance, comme des

indispensables à l'évolution de la marque. On fidélise le client, on le fait rentrer

émotionnellement dans le cœur de marque pour qu'il ne puisse plus en ressortir

facilement. Le consommateur est étroitement lié à la commercialisation des produits

Danette.

Danette fait aussi preuve de stratégie lorsqu'elle adapte son discours à une

génération large. Le discours, ici, est transgénérationnel.

En 2010, Danette lançait "On se lève tous pour les 40 ans de Danette". La marque

atteint dans ce cas, le point culminant de cette stratégie de co-création

trangénérationelle. Les consommateurs réalisent ainsi à quel point la marque vie au

travers de leur famille et de leur entourage. Le lien émotionnel est fort.

La co-création renforce les liens entre la marque et le consommateur car les co-

créateurs deviennent des "ambassadeurs" de la marque et parce que la marque

répond à des besoins qui correspondent mieux aux attentes de ses clients.

Le danger de la co-création sur le numérique est que la marque soit justement trop

introduite chez le consommateur. Il y a certaines limites à ne pas dépasser. La

promiscuité doit être calculée, et la marque rester à une « distance proche » du

consommateur. Une marque doit savoir garder une certaine inaccessibilité, doit

savoir continuer à faire rêver, tout en répondant très concrètement aux attentes du

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consommateur sans qu’il ne s’en rende vraiment compte.

La co-création marque / consommateur devrait, certainement, être l’essence de la

communication numérisée. C’est ce que l’on peut faire de mieux en matière de

communication numérique. Ce que le papier ne permet plus de faire, c’est-à-dire,

véritablement impliquer le consommateur dans l’élaboration d’une marque ; le

numérique permet de réaliser cette demande. Il est normal que le consommateur

soit en demande d’implication. Il est normal de vouloir se sentir ambassadeur d’une

marque lorsqu’on la consomme depuis des années.

Est-ce que la co-création est réalisable pour toutes les marques ? Pour que cette

technique soit révolutionnaire dans la communication numérique, il faut qu’elle soit

applicable à toutes les marques. Tout comme un artiste va financer son album

grâce à des co-producteurs, personnes lambda de la société, une marque peut être

co-produite. Il semblerait que ce soit le meilleur moyen de passer d’une fidélisation

virtuelle à une fidélisation profonde fondée sur l’émotion. Ici, la communication

numérique prend une autre dimension, elle respecte les changements sociétaux et

joue avec ce paradoxe de plus en plus présent qu’est « l’individualisme sociable ».

Même si des changements de la société sont à prévoir et pourront suivre diverses

tendances, l’avenir de la communication numérique du sans papier sera toujours

dans le partage et l’émotion. Ceux sont des notions qui ont été oubliées jusqu’à

présent, mais qui représentent, pourtant les valeurs essentielles auxquelles les

consommateurs aspiraient depuis longtemps. Il ne s’agit plus de communiquer des

valeurs individuelles mais de répondre aux valeurs des consommateurs.

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6.4. De la disparition du papier au développement

des sens

6.4.1. Expériences technologiques qui dépassent le

possible IRL...

La disparition du papier dans la communication fait naître la communication

sensorielle. Quoi de plus authentique que le toucher du papier, quoi de plus réel ? La

communication sensorielle tente de reproduire les mêmes sensations et surtout la

même facilité d'interprétation que peut offrir le papier.

Le marketing sensoriel utilise les 5 sens pour séduire les consommateurs potentiels et

créer le besoin. Jouer avec les sens permet de créer une émotion, une émotion

parfois plus forte que sur un simple support papier. L’utilisation des sens permet une

meilleure appropriation du produit. Les marques se mettent à développer l’utilisation

des sens dans leur communication. On parle aussi de marketing expérientiel ; l’ère

digitale se transforme en ère sensorielle. En effet, les marques dépassent le simple

possible en proposant des expériences uniques. Reste à savoir si ces expériences

technologiques ne sont pas utilisées de manière abusive. Encore une fois, le

problème est de se demander si cette expérience technologique est en cohérence

avec l’ADN de la marque.

En Italie, la société Almax fabrique des mannequins équipés d’une caméra. Cette

nouvelle technique permet aux annonceurs de voir les réactions des clients face aux

produits et de mieux définir leur clientèle. Cette technologie est parfaite pour

optimiser la stratégie « retail » des marques.

Beaucoup de marques de luxe utilisent les nouvelles technologies dans leur

communication pour apporter une image futuriste et avant-gardiste. La

communication papier apparaît presque inexistante dans ce milieu. En effet, les

marques de luxe, doivent, pour respecter leur univers, se dire « luxueuses » et « avant-

gardistes », et innover en matière d’expérience. Consommer du luxe n’est pas une

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simple consommation d’un produit mais la consommation de la marque dans sa

globalité. Ce désir expérientiel hédoniste est de plus en plus en fréquent et les

marques de luxe innovent en matière de sensorialité.

6.4.2. Les limites de la sensorialité

Le marketing sensoriel prend de plus en plus d'ampleur, de par l'évolution des

nouvelles technologies, qui donne des possibilités novatrices à ressentir des choses

profondément humaines.

Mais faut toujours appliquer ce que nous sommes capables de faire

technologiquement ?

Il nous paraît important de comprendre que la technologie en soit n’est qu’un outil.

Nous devons ne jamais oublier, nous, communicants, que la forme du support ne

doit pas être une finalité en soit mais un moyen. Un message, une stratégie, une

campagne se trouve ou se déploie à partir d’une même origine : une idée. La

matérialité ne doit être qu’un enjeu technique mais se doit de ne pas nuire à la

stratégie.

Enfin, nous ne pouvons en aucun cas considérer que la communication sans papier

serait inévitablement un progrès dans le sens ou le papier donne lieu à de nombreux

supports médias qui ont des valeurs ajoutées propres et permettent pour certains un

contact physique avec le média et indirectement à la marque. N’ayons pas peur

des mots : la communication publicitaire est un fléau qui se nourrit de l’ensemble des

moyens qui lui sont offerts. Un monde sans papier pour la communication est un

monde avec un outil de transmission en moins, ce n’est donc pas incontestablement

seulement un progrès.

Néanmoins, si nous prenons le sujet de façon plus large, la digitalisation de certains

supports physiques et notamment le papier présente une évolution réelle pour la

communication. Tout regard posé sur une information devient quantifiable,

analysable, l’information devient personnalisable et échangeable. L’évolution du

support fait nécessairement évoluer la communication tout en reprenant les codes

des médias qui ont composé ce nouveau support comme nous l’enseigne Marshall

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McLuhan à travers ses théories sur les médias. Nous pensons que toutes les

innovations sont bonnes à prendre en communication dans le sens où une évolution

technologique est déjà, en soit, un message à communiquer sous l’effigie de la

marque. En revanche, cette évolution doit s’axer dans une relation de

complémentarité entre le nouveau et l’ancien support média pour qu’il s’agisse

d’un progrès et non d’une régression.

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Conclusion de la thématique

Au travers de cette partie, nous nous sommes interrogés sur les conséquences d'une

communication sans papier et ce que cela peut engendrer pour la marque. La

question fondamentale est de se demander si le fait d'utiliser une communication

purement numérique ne fait pas oublier l'essence même de la communication. La

communication c'est, avant toute chose, transmettre une image de marque, établir

un discours qui reflète les valeurs de la marque. Il ne s'agit plus de communication

commerciale mais de communication de valeurs. Alors, nous sommes en droit de

nous interroger sur la notion de progrès dans la communication digitale ou au

contraire est-ce qu'il ne s'agit pas, plutôt, d'une forme de régression.

A l'heure actuelle, il est peut-être encore trop tôt pour avoir un avis tranché sur ce

sujet. En effet, l'engouement des marques autour du numérique est compréhensible.

Dans un objectif d'innovation, les marques souhaitent avant tout tester toutes les

nouvelles technologies pour donner une image avant-gardiste de la marque.

Cependant, nous constatons un engouement trop important des marques à vouloir

absolument se positionner comme novatrices….

Où sont passées les convictions d'une marque, les valeurs qui donnent une réelle

identité ? Ne sommes-nous pas en train d'aller vers une uniformisation des marques

entre elles ?

Etre novateur, avant-gardiste ne fait pas partie de l'ADN d'une marque. Les marques

qui utilisent le numérique ont trop tendance à oublier leurs valeurs principales. Elles

adaptent leur discours au support.

Ce qui est important de retenir, c'est que la communication numérique décuple la

propagation du message. Il est essentiel que les marques comprennent les

conséquences de la viralisation du message. Sur le web, le message est totalement

indépendant de la marque et quand la marque à la possibilité de communiquer sur

elle-même, comme en affichage numérique, elle ne le fait pas de façon pertinente.

Nous sommes dans une période où l'on assiste à la démocratisation du langage. Les

marques d'effacent derrière les nouvelles technologies. Il y a de, toute évidence, un

"allègement du discours de marque" qui se traduit par la simplification de la syntaxe,

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des dérivés de l'anglais, des onomatopées, en fait un langage destiné au

numérique. Un langage moins profond bien plus quantitatif que qualitatif. Et c'est là

où l'image de la marque est entachée.

Les marques se créent un nouveau langage focalisé sur un produit, une cible ou un

physique. La simplicité prime au travers d'une réduction de mots. L'idée est

maintenant d'appartenir à cette grande tribu qu'est le numérique.

Comme exemple, nous pouvons citer celui de Mir. La marque a créé un personnage

spécialement pour le web : Mir « Dégraiss'Boy », un personnage qui représente un

commis de vaisselle dont rêve toutes les personnes qui font la vaisselle. Ce

personnage est à l'image du numérique, très coloré, très simplifié. La marque a créé

le « buzz » en lançant un concours permettant aux internautes d'imaginer la couleur

de la deuxième édition du « Dégraiss'Boy ».

Au travers de ce dispositif, la marque véhicule une image beaucoup plus "simpliste",

un discours plus abordable, néanmoins beaucoup moins institutionnel, plus

séduisant, qui capte l'attention des internautes. Mir, en utilisant un discours

"numérisé", a gagné en jeunesse et s'est adapté à une nouvelle cible, à son canal

de diffusion.

Le langage numérisé fait donc naître de nouvelles possibilités qui, bien exploitées,

peuvent avoir un impact extrêmement positif pour les marques. Dans l'exemple de

Mir, l'impact est positif même si le discours est entièrement revisité, un discours en

apparence plus "léger".

L'évolution d'une marque reflète l'évolution de la société. Si la société est en

recherche de discours plus léger, donnons-lui ce type de discours. Est-ce la société

qui était en demande de ce type de discours ou est-ce que ce sont les marques qui

ont injecté ce type de discours dans la société ?

Alors peut-être que l'avenir de la communication se trouve bel et bien sur le

numérique, dans l'expérience que la marque a à offrir aux marques. Il est évident

que la société est désormais en recherche d'expérience, les marques trouvent une

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forme d'humanisation, plus tellement dans leurs valeurs, mais dans l'émotion qu'elles

font partager. Le contact passe avant tout par l'émotion et le consommateur

définira, de lui-même, les valeurs qu'il souhaite attribuer à la marque. La

communication sans papier permet la co-création marque / consommateur.

NON Dans cette partie, nous avons évoqué différents nouveaux outils digitaux qui ont une influence capitale sur le monde de la communication dans sa globalité. En effet, nous assistons à une certaine évolution, sans forcément parler d’une forme de progrès qui se définit par de nouvelles priorités de la part des annonceurs. Le message de fond n’est plus l’élément fondateur d’une campagne, mais l’utilisation de l’outil de communication (pas toujours en harmonie avec le positionnement de la marque). A l’inverse, le papier recentre une campagne sur son message de fond. Comme si utiliser un nouveau support faisait partie intégrante du positionnement d’une marque. Néanmoins, la communication a besoin de tous les supports pour exprimer son message. Développer les supports de communication apparaît comme une forme de progrès dans la mesure où cela permet de traiter et de présenter différemment les messages. In fine, est-ce que la remise en question la plus juste n’est pas de se dire que lorsque le « naturel » ou l’origine sont affectés et remis en question, peut-on parler d’une forme de progrès ? Est-ce que le progrès n’est pas simplement de respecter les fondamentaux de la communication ? Respecter l’ensemble des supports à leurs échelles, quelles que soient les évolutions techniques et les tendances ?

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7. Conclusion générale

Quand nous reprenons nos conclusions sectorielles, nous nous rendons compte que

le papier est encore bien présent dans notre société. Plus que ça, il est majoritaire et

son omniscience le rend presque invisible. Pourtant, la marche de l’Histoire le

malmène mais il répond aux interrogations progressistes en s’adaptant au monde

numérique et en revalorisant son expérience, sa matérialité, sa pertinence

intellectuelle, sa prégnance en terme d’éducation et sa capacité à résister aux

aléas du temps.

La technologie est la source de la dématérialisation. Aujourd’hui, la technologie

succède au scientisme comme mythe et messie pour l’humanité. Le progrès

technologique serait capable de résoudre les problèmes économiques, sociaux et

environnementaux. La croyance au progrès technologique serait par métonymie la

croyance au progrès. En ce sens, un monde sans papier participerait au progrès

mais ne serait pas dans l’absolu l’unique source de progrès.

Le papier contribue encore au progrès car le papier possède des atouts non

négligeables que nous avons répertoriés tout au long de cette recherche. De fait, le

papier va s’adapter et s’enrichir lui aussi du progrès technologique.

Un progrès technologique qui concerne autant l’impression, la distribution,

l’économie de l’édition mais aussi les nanotechnologies.

Le papier de part sa matérialité deviendrait un « méta support » supérieur capacité

de contenance d’information et de puissance d’interaction. Le papier tel que nous

le connaissons s’enrichira et aura deux directions radicalement différentes et

paradoxalement simultanées.

Tout indique que sa matérialité le rendra précieux et rare. A une époque où l’usage

supplante l’appropriation, le papier deviendra premium et un objet de convoitise.

Les spéculations iront bon train sur son origine (tendance de traçabilité), son histoire

(Possesseurs, numéro de série) et sa conservation (la montée en puissance du

concept de musée-divertissement).

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A l’opposé, le papier restera le support d’information (pédagogique, culturel,

publicitaire) le plus accessible pour les personnes ne pouvant investir dans des

tablettes, des smartphones et des liseuses de plus en plus perfectionnés et donc

chères. S’inspirant des concepts de la décroissance, le papier restera le support

privilégié d’une partie de la population refusant le diktat technologique.

De fait, la place du papier prendra des orientations sociales et s’adaptera aux

idéologies et réalités économiques des populations (montée des inégalités, fracture

technologique, clivage sur la société de consommation).

Le papier pourrait donc devenir le symbole d’une société que ne veut pas aller dans

la même direction.

Le progrès ne se résume plus à l’accumulation de richesse. La durabilité et le bien

être deviennent de nouveaux indicateurs de progrès et c’est surement ces nouvelles

croyances qui détermineront l’avenir du papier.

Pour revenir sur la dématérialisation, on pourrait conclure qu’il s’agit du meilleur

concept marketing du XXIe siècles. Il incarne une idéologie progressiste, il cible une

population extrêmement large et quasiment l’ensemble des parties prenantes

concourt à sa généralisation.

Les pouvoirs publics et les entreprises travaillent main dans la main dans sa

popularisation et c’est en cela que l’on peut dire qu’il est symbolique du progrès.

Au final nous ne pouvons pas dire si un monde sans papier serait un monde en

progrès, car le papier en encore plus que présent dans notre quotidien en cours de

dématérialisation mais bel et bien tangible. Ainsi la véritable problématique « Papier

VS Technologie » ne se pose pas. Aujourd’hui, le progrès de notre monde actuel ne

se fait pas à l’insu du papier. Même si la tendance est à la dématérialisation et donc

à l’immatérialité, le progrès technologique ne va pas dans le sens d’une disparation

totale du papier. Le papier est et restera toujours et nous assisteront à des évolutions

parallèles, et non conflictuelles, suivant le schéma « Papier + Progrès ».

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Notre point de vue personnel a évolué au fil de notre analyse. La technologie et le

progrès technique étaient selon nous le facteur dominant de progrès.

Néanmoins nos parties respectives ont mis en avant l’omniprésence du papier dans

tous les secteurs de notre économie.

Le papier comme moyen tend à s’enrichir de la technologie pour permettre aux

Hommes de contribuer à la croissance et au développement, et par conséquent

« progresser ».

La question est d’autant plus complexe que le concept de progrès définit dans

notre introduction est différent selon les civilisations.

Pour l’Europe occidentale, le progrès est pour l’instant trop dépendant du moyen

« papier ». Nous ne sommes pas prêts techniquement, mentalement et moralement

pour envisager un monde entièrement dématérialisé.

Il faudra deux à trois générations pour que l’on puisse envisager une société

entièrement dématérialisée.

On l’observe déjà chez les enfants qui ont commencé à s’éduquer via des supports

dématérialisés. Ils n’utiliseront pas de stylos mais un stylet comme notre génération

l’a fait avec les machines à écrire et les claviers d’ordinateurs.

En ce sens un monde sans papier serait un monde bancal et possiblement en déclin.

La société n’est pas prête pour de telles perspectives. La vitesse du progrès

technologique tend à nous faire croire que nous sommes déjà passés vers le sans

papier mais le simple fait de rendre cette recherche sur support organique montre à

quel point nous sommes encore attachés à ces fibres cellulosiques.

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Le papier contre le numérique : lequel nous rend plus intelligent ?

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