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TROAS Le COURRIER d’Alliances Internationales Chrétiens et Musulmans en dialogue pour construire la paix N° 67 - Mars 2015 - Trimestriel - 47 360 PRAYSSAS - ISSN 1272-9019 - 1500 exemplaires

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TROASLe COURRIERd’Alliances Internationales

Chrétiens et Musulmans en dialogue pour construire

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ASSOCIATIONALLIANCESINTERNATIONALES

60 AVENUE DU GÉNÉRAL COMPANS, 31 700 BLAGNACTÉL : 05 61 43 10 83

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NOTRE NOUVEAU SITE INTERNETHTTP://ALLIANCES-INTERNATIONALES.ORG/

TÉMOIGNAGE D’UN COUPLE MIXTE CHRÉTIEN/MUSULMAN

Monsieur et Madame C. vivent à Abidjan en Côte d’Ivoire. Moussa, l’époux, est un musul-man fervent et sa femme Nadège, une chrétienne catholique très pratiquante. Leur vie de couple n’est aucunement affectée par leur vision religieuse. Dans leur couple, chacun vit et exprime en toute liberté sa foi. L’homme tient à sa religion musulmane mais respecte la liberté de religion de sa femme et de ses enfants. Leur fils aîné Hamed est musulman, tandis que la cadette, Myriam Yvette et la benjamine, Aïssatou Eurenice,

sont des chrétiennes catholiques.

Moussa vient personnellement de temps en temps déposer sa famille au sanctuaire marial Notre Dame de Délivrance d’Issia (Côte d’Ivoire). Il passe quelques jours avec sa famille au sanctuaire avant de retourner à Abidjan. Pendant ses séjours au sanctuaire, il vient à la messe avec sa famille, se fait écouter par les prêtres et participe avec sa famille aux célébrations liturgiques de la Communauté des Béatitudes chaque vendredi.

Leur vie de couple traduit en acte ce que l’Eglise enseigne au sujet du dialogue interreli-gieux. Ils témoignent par leur vie familiale de la tolérance religieuse, de la coexistence et de la cohabitation pacifique possible entre les religions. Leur union conjugale a été aussi l’occasion de réunir leurs familles respectives qui sont issus de régions et de religions différentes, ce qui est un signe fort dans un pays qui a récemment connu des

violences interethniques.

Note : les prénoms ont été changés par souci de discrétion

SI VOUS SOUHAITEZ RECEVOIR LES PUBLICATIONS DE L’AAI PAR EMAILmerci d’envoyer votre adresse à [email protected]

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Jean-Claude Michel, directeur

L’actualité nous apporte chaque semaine son lot de (très) mauvaises nouvelles sur l’insécurité dans laquelle notre monde plonge. L’attentat de Bamako, l’exécution d’un otage par un enfant en ce mois de mars en sont de macabres exemples. Des noms sonnent comme des alarmes de terreur : Daech, Syrie, Irak, Libye, Boko Aram, décapitations, enlèvements, … La terreur est prati-quée pour susciter la peur et ainsi paralyser. Pourtant, là où les médias occidentaux parlent de nouvelles guerres de religions, particulièrement entre chrétiens et musulmans, des hommes et des femmes de bonne volonté issus de ces religions différentes, que l’on veut opposer, se lèvent, dialoguent paisiblement, travaillent ensemble pour construire la paix à leur niveau.L’Association Alliances Internationales qui est un organisme humanitaire n’est pas directement engagée dans ce dialogue, même si concrètement elle œuvre pour la paix, la réconciliation et la construction d’un monde meilleur à travers les aides qu’elle fournit. Mais il se trouve qu’elle est engagée dans des pays confrontés à des guerres « pseudo religieuses » et elle ne peut y être indifférente. Tel est le cas en République Centrafricaine, au Mali, en Côte d’Ivoire, au Liban. Dans ce numéro de Troas, nous avons voulu, de façon exceptionnelle, aller à la rencontre de ces chrétiens et musulmans qui dialoguent et travaillent de façon positive et constructive. Nous avons choisit de les « montrer » et de leur donner la parole, car il existe d’autres voies que la confronta-tion haineuse avec son cortège de violences. En ce temps de Carême nous devions le dire, en nous effaçant derrière l’audace et le courage de ces artisans de paix.

› ÉDITO

Photo de couverture: Congrès islamo-chrétien pour la citoyenneté et le vivre-ensemble'' en octobre 2014 à Notre Dame du Puits - Liban. organisé par « Adyan » en partenariat avec les institutions religieuses libanaises et avec le support de l'ONG danoise « Danmission ».TROAS - Le Courrier d'Alliances Internationales, 60 avenue du Général Compans 31 700 BLAGNACTél: 05 61 43 10 83 / Mail: [email protected]

Directeur de publication Jean-Claude MichelComité de rédaction Jean-Claude Michel, Martine Michel, Jean-Pierre Maugendre Conception graphique www.elodie-mandray.com Photogravure et imprimerie Graphic Sud, BP 44 ZAC de Rigoulet, 47 552 Boé Cedex

L’Association ne dispose d’aucun autre moyen financier que les cotisations de ses membres et les cofinancements de partenaires institutionnels, nationaux et internationaux. Les coûts de publication, d'impression et de routage postal de Troas / Le Courrier d'Alliances Internationales sont entièrement financés par la subvention de l'Association Média Développement. Ceci permet de consacrer l'intégralité du produit des dons effectués au profit d'Alliances Internationales à la réalisation des projets gérés par l'Association.

2. ÉDITO, par Jean-Claude Michel, directeur de l’AAI3. PORTRAIT : MGR DIEUDONNÉ NZAPALAINGA, Archevêque de Bangui 4/5. ENSEMBLE LA PAIX EST POSSIBLE, par le Père Jean-Elisée Béatingar, prêtre à la Communauté des Béatitudes à Bangui - RCA6. CHRÉTIENS ET MUSULMANS EN DIALOGUE, témoignage du Père Timothée Diallo, Curé de la Cathédrale de Bamako – Mali7. AU LIBAN, CHRÉTIENS ET MUSULMANS AU SERVICE DE LA CITOYENNETÉ ET DU VIVRE-ENSEMBLE par Sariah Khabsa de la Fondation Adyan8. TÉMOIGNAGE D’UN COUPLE MIXTE CHRÉTIEN/MUSULMAN

› SOMMAIRE

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Depuis le 24 Mars 2013 la République Centrafricaine (RCA) traverse une instabilité politique et sociale des plus grandes. Elle a atteint son point culminant le 5 décembre 2013, avec un conflit armé entre les ex Séléka (Coalition armée constitué de beau-coup milices du nord de la RCA) entrée le 24 mars dans la capitale et les Antibalaka (milices paysannes révolté contre les Séléka) . La RCA a été le théâtre d’un grand drame humanitaire. Le site de la commu-nauté des Béatitudes de Bangui fut un camp de déplacés pour plus de 40 000 âmes. Ce fut le deuxième plus grand camp après celui de l’aéroport où près de 100 000 personnes avaient trouvé refuge . Au cœur de ce conflit, un homme, Mgr Nzapalainga, continue de marquer les esprits par son action, ainsi que par sa lecture des événements et par son sens de la collaboration avec les autres

› PORTRAIT MGR DIEUDONNÉ NZAPALAINGAARCHEVÊQUE DE BANGUI

confession religieuses : l’Islam et les églises protestantes.Monseigneur Dieudonné Nzapalainga est né le 14 mars 1967 à Mbomou dans le diocèse de Bangassou (sud de la RCA). Il est prêtre de la congrégation des Spiritains. Titulaire d’une licence de théologie obtenue à Paris au Centre Sèvres (Jésuites), il a vécu en France entre 1998 et 2005, tour à tour aumônier des orphelins de la Fondation d’Auteuil et vicaire paroissial de l’Église Saint-Jérôme à Marseille. Il rentre ensuite en RCA prendre la direction régionale des Pères spiritains. Mais l’Église centrafricaine est secouée par une grave crise, plusieurs évêques sont démis par Rome. En 2009, Mgr Nzapalainga est nommé administrateur apostolique de Bangui après la démission du titulaire. Et le 14 mai 2012, le pape Benoît XVI le choisit pour devenir archevêque de Bangui. Moins d’un an plus tard, alors que la RCA sombre dans le chaos et la violence (l’ONU estime que 1,6 million de Centrafricains sur 4,5 millions d’habitants ont besoin d’une aide d’urgence et 206 000 sont déplacés pour fuir la violence des bandes armées), il est aujourd’hui l’une des rares personnalités à intervenir effica-cement pour le bien des Centrafricains.

« Nous voulons que les musulmans restent, et construire avec eux la paix dans un seul Etat. Les deux communautés ont réussi à vivre ensemble pacifiquement pendant des années, elles peuvent continuer à le faire. »

Déclaration conjointe de l’Archevêque et de l’Imam Oumar Kobine Layama

en janvier 2014

Mgr Dieudonné Nzapalainga.

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ENSEMBLE LA PAIX EST POSSIBLE

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« Où es tu, toi le jeune qu’on a armé, drogué et envoyé pour voler, tuer, brûler des villages ? Sors de ces groupes armés, déposes ton arme et reprends le chemin de la formation pour te construire et participer au développement de la Centrafrique ». Aux chefs de la guérilla, il demande : « Où es tu, toi le chef de milice qui manipule, t’enrichit sur le dos des pauvres en semant la peur, la mort et la désolation ? Sors de la rébellion ! Viens faire acte de contrition pour te réconcilier avec ta communauté et retrouver la paix du cœur et de l’âme ». Mais il existe également la responsabilité des femmes qui incitent à la violence : « Où es tu, toi la mère ou la soeur qui entretient le feu de la confrontation armée par tes mensonges et tes incitations à la haine et à la division ? Sors de ta colère et de ton désir de vengeance pour dire désormais les mots de la paix, du pardon et de la réconciliation. Ainsi, tu engageras tes enfants et tes frères sur le chemin du bien ». Il y a ensuite l’homme politique qui se « cache derrière le prétexte d’une crise prétendument religieuse pour assouvir son désir de vengeance personnelle et conquérir le pouvoir par la violence ». « Sors de là – exhorte Mgr Nzapalainga – revois ton projet politique et ton engagement pour un mieux être de ce peuple qui ne connaît que la brimade depuis trop longtemps déjà ». La dernière question s’adresse « à toi qui fournis les armes et te caches derrière les groupes armés pour te positionner et avoir des parts de marché ? Où es tu ? Où es tu ? Où es tu ? », des questions qui font penser à des responsabilités qui vont au-delà de la République centrafricaine et concernent différents acteurs inter-nationaux, publics et privés. « Le moment est venu de s’arrêter. De faire place à la grâce du pardon reçu aujourd’hui pour tourner la page, se revoir à nouveau dans les yeux et marcher à nouveau ensemble » conclut Mgr Nzapalainga. Dénoncer au nom de la vérité est une chose, mais Mgr

Nzapalainga a voulu faire plus dans cette crise en s’associant avec l’Imam et le pasteur, notamment pour dénoncer l’instrumentalisation des religions dans ce conflit.L’archevêque Mgr Dieudonné Nzapalainga , le musul-man Oumar Kobine Layama, Imam, président de la communauté islamique de Centrafrique, et le pasteur Nicolas Guérékoyame-Gbangou, leader religieux protestant, ont créé début janvier 2014 un groupe inter-confessionnel pour la paix. Lorsque la moitié du pays était occupée par les rebelles de la Séléka, les trois hommes ont mené des missions pour la paix. À l’inté-rieur du pays, ils ont agi comme médiateurs entre les différentes parties pour éviter que les conflits n’en-gendrent une guerre totale et ouverte.

Quand les hommes de la Séléka ont occupé Bangui et se sont emparés du pouvoir, l’Imam Layama s’est retrouvé dans une situation personnelle difficile. De nombreux musulmans centrafricains ont voulu prendre le pouvoir, et ont ouvertement coopéré avec les hommes de la Séléka. Or Oumar Kobine Layama est convaincu que musulmans et chrétiens doivent vivre en paix et dans le respect réciproque. Pour certains hommes de la Séléka, l’imam était devenu gênant, lui qui affirme dans ses prêches : « Ce que vous faites – voler, tuer, violer des femmes et terrori-ser les gens – est totalement contraire à ce que Dieu exige de nous dans le Coran ». Lorsque la violence a submergé Bangui le 5 décembre 2013, et a causé la mort de 500 personnes en trois jours, l’Imam Layama s’est réfugié chez son ami l’Archevêque. Les extré-mistes des deux partis menaçaient de le tuer. Depuis, il n’a de cesse d’appeler au calme et à la réconciliation. Oumar Kobine Layama a invité ses frères musulmans à remettre les armes s’ils en possédaient. Beaucoup d’entre eux n’ont pas compris son point de vue.Le conflit en Centrafrique n’a pas de motivation religieuse, mais constitue un affrontement social et

Mgr Dieudonné Nzapalainga que nous venons de présenter est actuellement le principal « artisan de paix » en RCA. Avec les hommes de bonne volonté qu’il sait rassembler, il garde une approche réaliste de la situation.Pour mieux comprendre sa lecture des événements, il faut se pencher sur son homélie prononcée le 8 décembre 2014, en la Solennité de la fête de l’Immaculée Conception, où il reprenait la question posée par Dieu à toute l’humanité après la transgression d’Adam et Eve « Où es-tu ? » et l’appliquait à la situation de la République centrafricaine. L’Archevêque y rappelait avec lucidité et courage la responsabilité de tous dans les violences qui ont précipité le pays dans la pire crise depuis son indépendance.

Par le Père Jean-Elisée Béatingar, prêtre à la Communauté des Béatitudes à Bangui - RCA

Mgr Dieudonné Nzapalainga et l'Imam Oumar Kobine Layama.

politique. En janvier 2014 L’Imam Oumar Layama et Mgr Nzapalainga déclaraient : « Notre présence à trois - au palais de l’Elysée - était un message fort, à la communauté internationale, pour justifier également que le conflit en Centrafrique n’est pas religieux, que nos communautés ont été prises en otage par les milices, les rebelles, qui se combattent à cause du pouvoir. Nous ne voulons pas que la fibre religieuse soit utilisée. Nous ne voulons pas non plus que les religions soient ainsi instrumentalisées, à des fins politiques dans un cycle de représailles, pour un désastre dans le pays. C’est la raison pour laquelle nous sommes là. » …. « Tous les Centrafricains n'ont pas épousé cet esprit de haine. Il y a des quartiers où les communautés ont continué à vivre ensemble ».Ils poursuivent : « Le principal défi sera celui de la réconciliation. Pour cela, ils faut créer des "lieux passerelles" : une école rassemblant des enfants protestants, catholiques et musulmans ; une structure de santé dont le personnel serait issu des différentes

confessions. Former aussi des médiateurs locaux – imam, prêtres, pasteurs –, qui puissent, comme eux, aller dans les villages encourager les communautés à se parler. Multiplier les stations radio pour faire parve-nir les messages d'apaisement "jusqu'au paysan le plus éloigné" ».Aujourd’hui une certaine normalisation est en cours avec des élections qui, en théorie, se préparent. Mais la violence et la haine restent attisées par ceux qui ont un appétit de pouvoir. Dans ces circonstances tragiques et critiques, l’Archevêque, le Pasteur et l’Imam restent trois voix courageuses qui exhortent infatigablement à la paix. Ce faisant, les trois hommes courent de grands risques.

Mais ensemble la paix est possible !

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Membres du congrès islamo-chrétien en dialogue.

Le Père Diallo accueille le ministre de la culture du Mali à la Cathédrale de Bamako.

En 2014, une initiative de cette organisation a rassemblé un groupe d’experts Chrétiens et Musulmans, religieux et laïcs, mandatés par les principales institutions religieuses libanaises que sont Dar el Fatwa (sunnite), le Haut Conseil Islamique Chiite, le Haut Conseil Druze, ainsi que le Conseil des Eglises du Moyen-Orient. Ensemble, ils ont mis au point une nouvelle approche permettant d’aborder la question des valeurs de la vie publique et de l’engagement citoyen dans le cadre de l’éducation religieuse (formelle ou non formelle), à partir des fonde-ments de foi de chaque religion. Un manuel a ainsi été publié ; il comporte des leçons d’éduca-tion religieuse chrétienne et musulmane, pour les jeunes, sur les valeurs de la diversité, de la justice et du respect des lois ainsi que des orien-tations plus théoriques qui peuvent aider les prédicateurs à aborder ces thèmes dans leurs homélies ou leurs sermons. Actuellement de nombreuses formations sont mises en place autour de ce projet pour des éducateurs qui commencent déjà à insérer ces leçons dans leur

AU LIBAN, CHRÉTIENS ET MUSULMANS AU SERVICE DE LA CITOYENNETÉ ET DU VIVRE-ENSEMBLE

programme. Il sera complété dans les années à venir par deux autres volumes sur de nouvelles valeurs communes. Ce projet, qui s’insère au cœur de la mission d’Adyan, témoigne de l’engagement et de la conviction que la diversité peut et doit être vécue comme un enrichissement, tant au niveau indivi-duel que communautaire et que le vivre-en-semble est le seul choix capable de créer une paix durable basée sur une compréhension et un accueil mutuels ainsi que sur une solidarité réelle et créatrice de développement durable. Il est surtout le signe que les religions, loin d’être un obstacle à la citoyenneté, peuvent, au contraire, œuvrer concrètement pour le bien commun et faire partie de la solution aux conflits en contribuant à résoudre les problématiques sociales dans lesquelles est enfoncée une grande partie de nos sociétés aujourd’hui.

www.adyanvillage.net

Adyan est une fondation libanaise pour les études interreligieuses et la solidarité spirituelle. Fondée en 2006, cette organisation indépendante, formée d’une équipe professionnelle et d’un réseau d’experts et de volontaires de différentes religions et confessions religieuses, travaille au Liban, mais aussi au niveau régional et international, à travers la mise en œuvre de programmes académiques, éducatifs, sociaux et culturels visant à renforcer la compréhension et la solidarité entre les religions ainsi que l’engagement social pour la citoyenneté et le respect de la diversité.

Je suis l’Abbé Timothée Diallo, curé de la cathé-drale de Bamako depuis 12 ans. Je suis d’une famille chrétienne. Du moins d’un papa et d’une maman qui se sont convertis au christianisme avant de se marier. Mon papa est issu d’une famille musulmane qui ne l’a pas accepté dans les premières années de sa conversion. C’est pourquoi il n’est pas resté dans son village. Aujourd’hui, même si un islam très modéré y est pratiqué, les gens ont du mal à comprendre le christianisme et encore moins ma vocation sacerdotale. Mais je peux me réjouir de la bonne cohabitation avec les musulmans, depuis mon enfance jusqu’à aujourd’hui. Avec mes cama-rades musulmans, nous étions toujours unis dans le combat contre tout ce qui fait obstacle à notre épanouissement. Nous partagions les joies et les peines de tous les jours. On s’accompa-gnait mutuellement dans les lieux de culte, à la mosquée ou à l’église. Cela ne posait aucun problème. C’est l’arrivée d’un certain wahha-bisme qui a apporté un changement dans les relations. Heureusement ses adhérents sont minoritaires. Depuis 2012 le Mali a connu l’occupation du nord du pays par des djihadistes. Ce ne sont pas seule-ment les chrétiens qui ont fui. Même si des églises et des écoles catholiques ont été sacca-gées par les occupants, chrétiens et musulmans ont été victimes d’exactions. Des musulmans ont protégé des chrétiens comme des chrétiens ont accueilli des musulmans chez eux au sud.Cette période pour ma part a permis un certain rapprochement des différentes confessions religieuses. A Bamako l’église catholique a accueilli des protestants au centre de formation de Nyamana pendant presque deux ans. Plusieurs parents d’élèves musulmans venus du nord m’ont appro-ché pour accueillir leurs enfants dans nos écoles catholiques. Les rencontres se sont multipliées entre leaders religieux, parfois sur l’invitation du pouvoir en place, pour trouver une sortie de crise. J’ai même été approché par un jeune musulman, président d’une association musulmane, me proposant une collaboration avec les jeunes chrétiens pour barrer la route à un certain fonmentalisme musulman. Depuis cette date la

CHRÉTIENS ET MUSULMANS EN DIALOGUETÉMOIGNAGE DU PÈRE TIMOTHÉE DIALLO

coordination des jeunes chrétiens participe à des rencontres organisées par des associations musulmanes. Certaines associations musul-manes avaient proposé l’Archevêque de Bamako comme président de la transition.

Lors des derniers évènements qui ont connu les massacres des journalistes de Charlie hebdo, quelques musulmans ont marché mais aucune menace n’a été proférée contre les chrétiens. Il est rare de trouver une famille dans laquelle il n’y a pas de chrétiens et de musulmans qui vivent ensemble.Le dernier fait, qui témoigne de la bonne collabo-ration de tous est la tournée en Europe des leaders religieux avec la société civile. Elle a eu lieu du 25 janvier au 05 février 2015. Monseigneur Jean Zerbo, archevêque de Bamako en était le porte-parole auprès des autorités européennes pour défendre les intérêts de l’Etat.

par Sariah Khabsa

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Monsieur et Madame C. vivent à Abidjan en Côte d’Ivoire. Moussa, l’époux, est un musul-man fervent et sa femme Nadège, une chrétienne catholique très pratiquante. Leur vie de couple n’est aucunement affectée par leur vision religieuse. Dans leur couple, chacun vit et exprime en toute liberté sa foi. L’homme tient à sa religion musulmane mais respecte la liberté de religion de sa femme et de ses enfants. Leur fils aîné Hamed est musulman, tandis que la cadette, Myriam Yvette et la benjamine, Aïssatou Eurenice,

sont des chrétiennes catholiques.

Moussa vient personnellement de temps en temps déposer sa famille au sanctuaire marial Notre Dame de Délivrance d’Issia (Côte d’Ivoire). Il passe quelques jours avec sa famille au sanctuaire avant de retourner à Abidjan. Pendant ses séjours au sanctuaire, il vient à la messe avec sa famille, se fait écouter par les prêtres et participe avec sa famille aux célébrations liturgiques de la Communauté des Béatitudes chaque vendredi.

Leur vie de couple traduit en acte ce que l’Eglise enseigne au sujet du dialogue interreli-gieux. Ils témoignent par leur vie familiale de la tolérance religieuse, de la coexistence et de la cohabitation pacifique possible entre les religions. Leur union conjugale a été aussi l’occasion de réunir leurs familles respectives qui sont issus de régions et de religions différentes, ce qui est un signe fort dans un pays qui a récemment connu des

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