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Iulian Boldea (Editor) - Literature, Discourses and the Power of Multicultural Dialogue
Arhipelag XXI Press, Tîrgu Mureș, 2017. eISBN: 978-606-8624-12-9
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Section: Literature
SEARCHING FOR THE RIGHT WORD: FRANCIS PONGE
Garofița Dincă Researche Assist., PhD, ”Iorgu Iordan-Al. Rosetti” Linguistic Institute of the
Romanian Academy, Bucharest
Abstract:We discuss the drama of expression that tortured the poet Francis Ponge and the solution that he found to this crisis of language: He invented new etymologies for the words that
he found in his father's Littré Dictionary. But he invented a whole world of tiny little things, and,
in this world of his, the Sign is motivated, so it results an entire etymological cosmogony. We'll show how Francis Ponge guides us to a solidarity between human beings and things by means of
words. His poems are dictionary articles, monographies for each word, in the end of which he
writes q. e. d., which is: This is the word/ my word. This clausulae make the point on each little description that he makes, such as he builds a thing by his words, and not a concept how the
dictionaries do. The volume on the whole wants to be a Text which must have the same power of
creating reality as the word that it denominates.
Keywords: etymology, nominalism, polysemy, signified, signifier
Entre les mots et les choses, de leur dispute secrète, jaillit la poésie. Elle n'est ni
dans les mots ni dans les choses, elle est dans le creux de cette dispute, où le sujet
s'acharne à s'exprimer.
1. Le cratylisme. Le recueil de Francis Ponge (1899-1988), publié en 1942, au
milieu de la confusion de la Seconde Guerre mondiale, Le parti pris des mots, témoigne
du fait que l'auteur crée des formations de mots où le langage sřaffirme à la fois en tant
que moyen de représentation et en tant quřobjet, comme sřil voulait fusionner signifiant et
signifié. La quête dřune immédiateté aussi grande que possible est, selon l'artise
photographe Arno Gisinger, la quête dřune équivalence entre le regard de lřobservateur et
la description, dřun „regard-de-telle-sorte-quřon-le-parleŗ1. Chez Francis Ponge, le mot
juste est un mot dont la définition donnée par Littré soit convenable à l'objet, à savoir qu'il
existe de la motivation pour tel ou tel choix de mot. Platon, dans Cratyle. Sur la justesse
des mots, oppose Hérmogène à Cratyle. Le premier pense que les noms donnés aux
choses sont conventionnels (cf. Saussure, qui, beaucoup plus tard, trouve que le lien
signifiantŔsignifié est arbitraire Ŕ la thèse conventionnaliste). Le dernier dit que les noms
ont une relation naturelle et nécessaire avec les choses, donc le signe est motivé, il mime/
imite la chose (la thèse nominaliste). Ponge s'en moque: Baste devient un juron dans la
bouche du Gymnaste. Il condamne un exercice trop académique de la langue, qui serait
trop facilement séduisant. Il vise peut-être Valéry, qui envisage la poésie comme une
gymnastique, en reniant sa nature, en en donnant une image charmante (v. Les Charmes).
Il veut non pas charmer, mais convaincre2, ce qui renvoie aux sophistes. Il y a des
silences, des absences, ou d'autres formules (le pronom on) pour éviter la première
personne. Ponge dit souvent qu'il voulait éviter la première personne, qu'il voulait des
formules impersonnelles: „hors de ma fausse personneŗ (v. Proêmes). Il se veut plutôt
savant que poète: „rencontrer les choses en elles-mêmesŗ(la rage de l'expression,
Méthodes).
1 v. le site http://arnogisinger.com. 2Cf. Francis Ponge, Proêmes. I. Natare piscem doces. Mémorandum, pp. 109.
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„Au milieu de l'énormeétendue et quantité des connaissances acquises par chaque
science, du nombre accru des sciences, nous sommes perdus. Le meilleur parti à prendre
est donc de considérer toutes choses comme inconnues, et de se promener ou de s'étendre
sous bois ou sur l'herbe et de reprendre tout du début.ŗ3
Loin de recommander la passivité, Ponge ne fait que marier sa culture classique
aux expériences enfantines du Midi. Les sons de la nature„are impervious to any
translation into words that one might attempt, primarly because they convey no message
whatsoever. Francis Ponge anchored most of his poems in such an experience of the
world's self-sufficiency and of its silent indifference to whatever statements we make
about it. «Le monde muet est notre seule patrie» he proclaimed famously in an essay of
this title published in his 1961 book Méthodesŗ4.
Ponge se fie aux choses, il est„plus neuf que ses confrèresŗ, il paraît que, pour lui,
„la réconciliation des sciences qui s'ignorent risque de se produire au niveau le plus
simple: telle est peut-être la tâche du poéteŗ5. Il l'avoue directement:
„Pour qu'on en finisse avec cette imposture, comment dirais-je, cette prétention de
la plupart des artistes de croire qu'il y a communication possible entre le monde extérieur
et le monde verbal. Tout cela naturellement, je le dis aussi, pour prouver que l'homme ne
peut s'exprimer qu'à l'intérieur de l'homme : «on ne peut pas sortir de l'arbre par des
moyens d'arbre». Par conséquent, j'arrive, me semble-t-il, à la fois à mettre − comme je
le fais dans tous mes textes - l'accent sur l'importance de la littérature, enfin de la parole,
si l'on veut, qu'elle soit orale ou écrite. C'est à la fois, un éloge, des lettres, de la
littérature, de ce qui est littéral, et sans illusion sur la possibilité de la représentation. On
présente un objet qui ne peut être que littéraire. Et on rejette le référent, enfin la figue,
dans lemonde, dans son monde qui est le monde de l'existence. Il faut en finir avec cet
espèce de lieu commun. Le monde de langage − que ce soit le langage littéraire, le
langage des mots pour lequel le langage de la peinture ou de la musique, passe, enfin
rend compte, représente le monde extérieur. C'est contre la représentation. [...] c'est de la
pure physique. C'est le contraire de la métaphysique. Puisqu'il s'agit de la matérialité de
la langue et de la matérialité du monde extérieur; je suis quelqu'un pour qui le monde
extérieur existe, comme disait Théophile Gautier; mais il provoque des émotions! Par
exemple j'aime les figues, mais j'ai perdu toute illusion de parler vraiment de la figue du
modèle intérieur. C'est le paradis perdu.ŗ6
2. Les méthodes de la découverte des choses 2.1Oublier l'homme et toute préoccupation humaine (oublier l'homme dans sa
préoccupation utilitaire; oublier sa subjectivité; renoncer aux idées toutes-faites, à toutes
les idées préconçues qui nous masquent les choses, il faut se méfier des mots, décrire la
chose sans la nommer qu' à la fin. Le titre est donné après coup dans beaucoup de ses
textes, beaucoup de textes commencent par des périphrases: La bougie, La mousse, La
crevette; oublier le nom donné à la chose, avoir un regard neuf, reprendre tout du début).
On fait table rase des habitudes mentales et de tout ce qui nous vient spontanément dans
la tête.
3Francis Ponge, Pages bis, dans Proèmes, pp. 177. 4Stephen Winspur, Transposing a Meadow Silence (Ponge et Guillevic) [Transposer le silence d'un pré] in French Forum. Volume 29. Number 2. Spring 2004. pp. 55. 5Roger Nimier, «Visages de la poésie» Liberté de l'esprit, mars, 1949, repris dans Journées de lecture, Paris, Gallimard,
1965, pp. 232. 6Extrait de lřentretien de Francis Ponge avec Jean Ristat, publié dans le n°14 de la revue „Digrapheŗ (avril 1978) sous le titreL’art de la Figue, in Ponge, Comment une figue de paroles et pourquoi (Flammarion 1997, pp. 275-276)[Nous soulignons].
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2.2 Renouvellement du regard. Le regard neuf s'obtient par: le changement
d'échelle (Le pain, La fin des saisons, Le coquillage); la multiplication des points de vue
sur la chose: la chose paraît extrêmement variée (Pourquoi pas les pluies, au lieu de La
pluie?). En plus, il y a des variations dans le temps: Ponge déteste la photographie, le
statisme, les natures mortes, les choses que l'on croit immobiles. (Pour Ponge, la pierre est
la seule chose qui n'est pas éternelle, puisqu'elle ne se regénère pas!)
La relation entre les choses et les mots n'est jamais simple, idillique chez Francis
Ponge. Dans Méthodes, certains textes ont plus de parti pris des choses, les autres plus de
compte tenu des mots. Puis, Francis Ponge s'autorise à favoriser tantôt les mots, tantôt les
choses. Le recueil Pages bisreprésente très bien cette crise au point où la tentation
formaliste du poète souffre un échec: on s'occupe plus du référent que des formes des
mots.
2.3 Différencier les choses. Cela se fait par: exploitation del'analogie
(comparaison et métaphore), qui lui est très chère (chère aussi aux romantiques et aux
symbolistes), non pas pour identifier les choses les unes aux autres, mais pour les
différencier (saisir la qualité différencielle): le magma analogique brute. Ponge ne file
pas une intense métaphore, il ne maintient pas longtemps une analogie, en créant ainsi,
pour le lecteur, un bousculement d'images (v. Le papillon: dans un texte très court, il y a
cinq comparaisons, qui créent un aspect caléïdoscopique de la chose). Il y a
autotextualité7 chez Ponge (L'huître rappelle la double sensation éprouvée par la gorge:
lorsqu'elle émet la voix et lorsqu'elle avale des aliments).
2.4 La recherche d'une définition. Ponge tente de limiter le caractère arbitraire
du signe linguistique. Le rôle du poète consiste précisément à explorer les richesses
graphiques et phoniques du signe linguistique pour trouver un équivalent poétique de
lřobjet. Selon la formule qu'il a adoptée, PARTI PRIS DES CHOSES égale COMPTE
TENU DES MOTS. Il trouve les définitions du dictionnaire „lamentablement dénuées de
concretŗ(Méthodes). Il y a chez lui l'illusion d'une description précise, des notions, des
concepts. Mais, „en détruisant les mots, ce ne sont ni des bruits, ni des purs élements
arbitraires qu'on retrouve, mais d'autres mots qui, à leur tour pulvérisés, en libèrent
d'autresŗ.8Il pratique cet usage inédit, de publier les brouillons de ces écrits. „Le même
geste d'écriture commande le procès de «formation» du texte et le procès de constitution,
d'agencement de l'œuvre. C'est à tous lesniveaux que Ponge nous invite à assister à
l'événement d'une structure en formation, mouvement, gestation.ŗ9
2.5 Quelles choses? Ponge fait l'éloge de l'inanimé qui a une forme bien définie
(le galet en est le pattern), en rendant ainsi un hommage à Lucrèce (De rerum natura), à
La Fontaine (qu'il a beaucoup apprécié, on voit que tous les textes du recueil finissent
avec une conclusion, une morale, chacun est une fable sui generis) et, selon Bernard
Veck, aux leçons de choses de l'école primaire, auxquelles il donne un sens poétique.
„La chose présentée par Francis Ponge n'est autre chose qu'un tissu de relations
entre les autres choses de même qu'entre elles et le speaker.ŗ10
3. De l' échec à l'Objoie
Ponge a commencé par l'amour des mots, celui des choses est venu plus tard (v.
ses premiers écrits, même Proêmes, où tous les textes sont datés). Dans Pages bis, la
révolte contre les mots ordinaires le détermine à faire des „exercices de rééducation
7 Cf. Jean-Marie Gleize et Bernard Veck, Francis Ponge. „Actes ou textes”, Presses Universitaires de Lille, coll. „Objetŗ,
pp. 111-116. 8Michel Foucault, Les Mots et les Choses, Paris, Gallimard, 1966, pp. 119. 9Cf. Jean-Marie Gleize et Bernard Veck, op. cit., pp. 71. 10 Ian Higgins, Francis Ponge, Londres, Athlone Press, 1979, pp. 75. [C'est l'auteur qui souligne.]
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verbaleŗ. On pourrait croire que Le Parti pris des chosesle sauve, mais il suit un nouveau
déséquilibre, cette fois-ci en faveur des mots.
3.1 Échec de description
Camus a oublié l'effet le plus grave de l'absurde: l'échec des moyens d'expression
Ŕ l'homme ne peut plus s'exprimer lui-même, ni exprimer les choses. Ponge entend la
„muette supplication des chosesŗ: 1. la chose en soi est inaccessible; 2. la plupart des
choses est fuyante; 3. il y a un abîme entre choses et mots.
3.1.1 Ponge veut décrire la chose du point de vue de la chose. Mais il y a toujours
des rapports à l'homme. Nous percevons les choses à travers nos sens et en fonction des
circonstances. Si nous voulons la décrire, nous y mettons des mots humains.
3.1.2 Les choses se dérobent à notre approche. Dans La Crevette, par exemple, la
chose, translucide, mobile, se confond avec les remues de l'eau, de sorte que l'œil
n'aperçoit jamais rien de sûr. et donc le désir de voir la crevette est constamment deçu. Par
conséquence, elle met la contemplation en défaut, elle déroute la vue, d'où la déception du
désir de possession du poète. Dans La Mer, toute la mer est insaisissable, et l'eau au bord
est comme des traces sur le papier.
3.1.3 Les mots ne meurent pas. Les choses et les poèmes sont irreconciliables.
Leur deux mondes sont impossible à joindre. Le monde des mots et le monde extérieur
sont étanches, sans passage, d'où l'échec de la description, donc le manque de confiance
quant au pouvoir des mots sur les choses et la conclusion qui s'impose au poète:
Occupons-nous des MOTS.
4. L'Objeu et l'Objoie L'Objeu est défini dans le dernier texte de Pièces,Le Soleil placé en abîme: „Le
soleil ni la mort ne peuvent se regarder en faceŗ (La Rochefoucauld). „L'objet de notre
émotion placé d'abord en abîme, l'épaisseur vertigineuse et l'absurdité du langage,
considérées seules, sont manipulées de telle façon que, par la multiplication intérieure
des rapports, les liaisons formées au niveau des racines et les significations bouclées à
double tour, soit créé ce fonctionnement qui seul peut rendre compte de la profondeur
substantielle, de la variété et de la rigoureuse harmonie du monde.ŗ
Le nomminalisme privilégie la langue (au Moyen Âge), en s'opposant ainsi au
réalisme et au cultisme (le gongorisme). „en abîmeŗa ici le sens de l'héraldique. L'Objeu
est à la fois cette méthode de mise-en-abîme et le texte qui en résulte. Le Soleil, c'est le
langage considéré seul, dont il faut récréer un fonctionnement analogue à celui qu'il y a
dans le monde (comme le Soleil), donc un équivalent verbal du monde. Si on ne peut pas
faire un texte qui décrive la réalité extérieure, on peut en faire un qui atteigne à la réalité
dans son propre monde. Ce texte aura un complexe de qualités, tout comme l'objet. Si
Henri Michaux veut entrer dans la pomme (v. La Pomme: „Je mets une pomme sur ma
table. Puis je me mets dans cette pomme. Quelle tranquillité!ŗ), Ponge, lui, il veut faire
un texte qui aura autant de réalité que la pomme.
L'Objeu a encore quelques rapports avec l'Objet: il en reproduit le
fonctionnement. Avec l'Objoie, le texte se libère de toute référence. Dans l'Appendice(le 5
janvier 1965), Le Savonest un objoie, c'est-à-dire un texte/ une structure qui ne renvoie à
autre chose qu'elle-même, qui doit se signifier elle-même, un système de signes qui se
signifie lui-même. Le texte est donc autoréférentiel, ce qui était aussi le programme du
groupe Tel Quel duquel Ponge se rapproche. Tout comme la peinture de l'époque, qui ne
figure plus, la littérature ne figure non plus.
5. L'union des mots et des choses
D'après Ponge, on ne peut pas passer du monde extérieur au monde des mots
(1959). Il y a quand même une communication, qui comporte trois aspects:
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5.1 Un travail sur la signification. Ponge a été fidèle toute sa vie au Littré de son
père, où il a puisé son goût pour les définitions exhaustives. Pour lui, les mots sont
propres s'ils ont de la propreté et de la propriété. Les mots sont sales puisqu'ils n'ont pas
leur sens propre. Mais, dans Méthodes, lorsqu'il décide d'écrire sur un caillou, il veut dire
au moins une seule chose juste sur la chose. Il renonce à 'exhaustivité. Auparavant, inspiré
par Littré, Ponge avait envie de donner plusieurs sens d'un mot, il voulait écrire un texte
où chaque mot soit pris en tous ses sens. L'an 1964 représente le comble de la propriété
dans les termes chez Francis Ponge, qui essaie d'employer tous les sens des mots, se
mettant ainsi plus proche de l'Objoie que de l'Objet.
Dans Littré, papillon est - (terme de marine) petit voile, d'où Ponge déduit le sens
de petit voilier // - bec d'éclairage // -flamme de certains becs de gaz. Ponge en fait
„allumette volanteŗ, „flammeŗ, „lampisteŗ (v. la fin duFeu).
5.2 Les jeux sur la matérialité des mots. l'orange est: - aspiration, contenance: 1)
reprendre contenance = faire à nouveau belle figure, après un choque etc. 2) s'emplir. // -
expression - oppresion (mots voisins dans leLittré).
la papillonne = fleur (tulipe)
Le papillon posé sur une fleur est, chez Ponge, un pétale superfétatoire
(redondant). Ponge disposait d'une édition du Littré dont on ne dispose plus aujourd'hui: il
y avait des étymologies qu'on a enlevées comme fausses:
le magma, la masse< gr. μάςα „la pâte à painŗ
l'huître<ostracon> l'âtre (de la cheminée)
lat. pilus1 „poil, cheveuxŗ
lat. pilus2 „compagnie des pilaires (soldats à javelot)ŗ. Ce sens explique les images
militaires du texteLa mousse.
crispation< lat. crispus = le bouclage des cheveux = cheveux crepus
crevette = forme normande de la chèvrette = petite chèvre. La crevette = fait des
caprices, comme une chèvrette.
Il n'y a pas des images arbitraires chez Ponge, à l'opposé des surréalistes. Ponge
nourrit le rêve de revenir à l'état originel de la langue, quand le langage était motivé, les
sons ressemblaient aux choses, ils évoquaient nos émotions: „les racines où se
confondent les mots et les formulationsŗ, „au lieu antérieurŗ.
Dans Méthodes, on apprend que „les mots sont bizzarement concrets et pour l'œil,
et pour l'oreilleŗ: orange contient une voyelle fermée (o) et une voyelle ouverte (a), en
suggérant le mouvement qui mime l'ingurgitation du liquide (le jus d'orange). Quant au
citron, le mouvement reçu par l'articulation est inverse. Dans crevette, verre d'eau, il y a
la voyelle ә qui est la plus muette, grise, comme l'eau (insipide).
Le calembour porte sur les signifiants (sons), les homophonies, la paronomase
(mots voisins). Les calembours ne sont pas gratuits non plus:
-l'amadouet Mozart paraît méchant, mais la musique adoucit les âmes, les mœurs
-les chèvres sont belles et butées, c'est-à-dire belʒébutées (diaboliques)
-„les odauradesŗ les poissons frits qui ont une odeur forte
Il ya aussi un travail sur les suggestions visuelles du signe écrit: le verre d'eau- Le
V et le U suggèrent la forme de l'objet; la cruche - la consonne C renvoie au creux du
vase; la bougie - le I renvoie à la forme de l'objet ainsi nommé; lézard - le Z renvoie aussi
à la forme de l'animal désigné par le mot ; Assiriens - les trois S renvoient à une peigne
dans une toison bouclé; abricot - Ponge voulait que l'imprimeur lui trouve un caractère
pour a qui ressemble le plus au fruit ; le gymnaste - la tête moustachue de profil; la gare -
g est la moustache d'un chat; y - porte la queue à gauche comme les tailleurs.
Même le redoublement de certaines consonnes est une démarche assumée: Ponge
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disait qu'on n'avait pas suffisamment remarqué ses doubles n (qui ne sont pas d'ailleurs
très fréquentes).
5.3L'homologie choses–textes. La toile d'araignéeest une calligramme (v.
Pièces, où cette homologie est beaucoup plus discrète que dans les Calligrammes
d'Apollinaire)
Les trois paragraphes de L'huître renvoient aux trois valves et à sla petitesse de la
perle. La Pluie: La ponctuation renvoie aux dernières gouttes: „Il a pluŗ. Le Pain: Le pain
est friable... Les points sont de petits morceaux de mie. Dans Le Lézard, il y a 17 signes
d'interrogation, suggérant le mouvement tortillard du lézard. L'Araignée, c'est plein de
tirées, es phrases sont solides et légères, formant un tissu, qui est le texte-même. Le poète
semble être l'araignée-même. La Crevette est pudique, d'où les circonlocutions qui
constituent des détours dans le message. Pour suggérer les remues de l'eau, on multiplie
les incises dans les parenthèses, ce qui renvoie aussi aux bonds de la crevette.
„Une rhétorique par poème. Une rhétorique par objet.ŗ disait Ponge dans
Méthodes. Parmi les textes métapoétiques, se détache Pluie: la phrase finale Il a plu peut
signifier soit La pluie a cessé, soit Le texte sur la pluie a fait plaisir. Ainsi, les textes
parlent des choses, mais du texte aussi (de la manière dont le texte se fait). La rencontre
entre les mots et les choses produit le plaisir de Francis Ponge et, par conséquence, le
plaisir du lecteur.
Ponge est sensible à la qualité différencielle des choses. La Pluie (p. 31) et De
l'eau (p. 61) sont, pour le sens commun, la même chose. Mais, pour lui, il y a une
différence qui n'est pas formelle, mais morale et poétique:
5.3.1 La différence formelle.Ponge insiste sur l'absence de forme, l'eau est
amorphe (c'es-à-dire apatique, sans volonté), tandis que la pluie prend des formes: un
grain de blé, un pois, une bille, des berlingots, des aiguillettes, des rouages, rangées de
boutons(végétaux). Les formes sont nettes, souvent rondes: la perle de l'huître, l'escargot,
le galet, les gouttes d'encre. Dans le texte sur la pluie, on ne trouve pas le mot eau, car
l'eau est polymorphe: elle a des formes, et Ponge insiste sur sa variété et sur sa continuité
(rideau, réseau). La pluie est donc un tout différencié, un mécanisme, un concert, ce sont
des éléments singuliers qui travaillent ensemble (v. la montre). La pluie est à l'eau ce que
le galet (v. p. 98) est à la pierre: une forme différenciée de la nature. Les gouttes sont
l'eau à l'âge de la personne, c'est-à-dire individuées.
5.3.2 Les leçons de l'eau et de la pluie. Ce sont deux visions différentes du
cosmos. Les deux textes font état de la pesanteur. Ce sont la représentation du
déterminisme, l'eau en étant la détermination contraignante, tyrannique. L'eau signifie, en
échange, les lois de la nature, qui nous envoient vers l'esthétique (l'aspect cosmétique).
Le concert signifie la monotonie et l'aspect délicat du monde. En tout, la pluie signifie la
vision mécaniciste du monde annulée par la création artistique.
Les textes sont une profusion de jugements moraux : vice, folle, hystérique,
maladif, scrupuleux, puérile. L'eau a un comportement de malade mental. Elle est surtout
perverse par sa complaisance dans l'esclavage, par son sème [+obéissance], qui suppose
deux aspects: esclave, et s'humilier. Ponge lui oppose l'armoire, qui, elle, supporte la
pesanteur, mais elle résiste.
L'employé est aussi satisfait de sa servitute, les boyaux (p. 68) signifiant la
soumission à un ordre social stigmatisé par le poète. La pluie ne contient pas de
connotations sociales, sa chute n'appelle pas de jugement moral, elle court
horizontalement, elle se suspend = résiste à la chute. tomber signifie seulement
„descendreŗ. La pluie ruisselle, coule sans grande pente, elle repart et remonte. Ce texte
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donne l'impression d'une grande fantaisie, d'une grande liberté (vs. Il y a de la bassesse
dans l'eau, elle perd toute tenue, elle n'a pas de personnalité, ni de volonté). Il y a quand
même le mot eau dansla pluie, s'abîmer „se dégraderŗ, la pluie est condamnée parce
qu'artificielle. La vraie pluie est un météore, un phénomène céleste, donc la pluie a des
affinités avec le ciel, contrairement à l'eau, qui a des affinités avec le sol, elle a l'obsession
de la terre, voir son humilité ( cf. lat. humus>humor „liquide, eauŗ). On a des
connotations disforiques dans De l'eau. Ponge envisageait le titre Les gaités de la pluie au
lieu de Pluie.
5.3.3 Du point de vue poétique, l'eau défie le poète parce qu'elle est insaisissable
(p. 63), elle échappe à toute définition. Mais l'eau laisse des traces/ des tâches sur le
papier; ce sont des traces informes, ce qui renvoie aux mots qui n'arrivent pas à
décrire. Le texte entier a une allure maladroite (échec de la description), le texte
n'arrive pas à cerner le sujet. La recherche tourbillonnante des mots en est le témoin:
féroce (sens propre : „sauvage, non domestiquéŗ); térébrant (< lat. terebrare„percer avec
une tarière, en tournantŗ) accentue le sens second de féroce („méchantŗ) „rusé, filtrant,
contournantŗ et reprend : „contournant, érodantŗ. On a de nouveau l'impression qu'il
tatonne, comme il le faisait dans Crevette. C'est une fausse impression de faute de style,
mais, comme dans Pluie, on voit que le texte a pu le dominer bien plus que l'eau (Il a plu,
le brillant appareil). Dans Végétation, il y a l'image de la pluie comme traits d'union entre
le ciel et la terre, formant un tissu végétal qui est, en fait, l'image textuelle.
6. La manifestation de l'énonciateur Il y a un jeu fonctionnel qui permet
de bâtir une observation de l'espace. Dans Pluie, le je de je la regarde n'est pas subjectif,
c'est le sujet d'un pur regard, comme l'objectif du caméra ou de l'appareil photo, pour
mettre en place l'espace, pour construire la perspective. Une fois ce quadrage fait,
l'énonciateur disparaît (v. la fin du texte: le regard surplombe).
Dans De l'eau, la présence de l'énonciateur n'est pas manifeste tout de suite. Le je
initial laisse place à on indifférencié. À la fin du texte, l'énonciateur ressurgit dans des
constatations personnelles. Le poète en fait une affaire personnelle.
Les fantasmes personnels de Ponge ont donné naissance a beaucoup d'opinions
critiques11
, dont on rappelle Jean Pierrot, qui voit en tout cela des fantasmes sexuels.
Bernard Veck souligne la qualité différencielle des rhétoriques que les choses appellent,
ainsi que de l'auteur par rapport à d'autres auteurs (comme les visions sur la pluie chez
Paul Claudel ou sur l'eau chez Paul Verlaine, très différentes de la signification que Ponge
assigne à l'eau: chez Ponge, l'eau laisse des tâches, salit les choses, étant presqu'un
cadavre). Les images de Ponge ne sont pas inventées par Ponge, ce sont dans la langue,
dans l'imaginaire collectif, et c'est pourquoi elle sont touchantes pour le lecteur,
contrairement à l'écriture automatique des surréalistes, qui ne réussissent pas à émouvoir
(et n'en a pas l'intention, d'ailleurs). Chez Ponge, quatre thèmes s'intriq.uent: 1.
L'opposition enveloppe dure/ intérieur mou (L'huître, Le pain). 2. Donner une forme à
l'informe (Le galet, Le verre d'eau). 3. Forcer la coquille (La Crevette, Les plaisirs de la
porte); 4. Rentrer dans sa coquille.
Ponge violente les choses, on l' a accusé de cela, mais en même temps il s'identifie
aux choses qui ont une coquille. Pour lui, la coquille, c'est la demeure, l'arme, la panoplie.
Ses textes forment une armure qui le cache, il n'écrit pas pour s'exposer, pour montrer son
intériorité, son œuvre d'art est une cachette pour les êtres discrets et pudiques (il craint de
montrer sa nudité12
, il préserve son quant-à-soi, qui est l'intimité sans douilletterie, mais
11 Cf. Jacques Derrida, Signéponge/ Signsponge, New York, Columbia University Press, 1984, pp. 66-67 et 138-147. 12Escargots: „L'on ne conçoit pas un escargot sorti de sa coquille et ne se mouvant pas. Dès qu'il repose, il entre aussitôt au
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plutôt supériorité). Le poète se met à la place de l'escargot, mais il ne s'imagine pas à
l'intérieur de la coquille. Comme il avait voulu préserver l'intimité de l'escargot, il ne
parle pas de sa vie à l'intérieur de la coquille. Il aurait pu le faire, mais il ne va pas le
traquer jusque là. Il va à contrecourant de toute une littérature, du romantisme jusqu'au
surréalisme. La coquille est une œuvre solide qui cache une intériorité répugnante. La
bave de l'escargot est l'expression de ses sentiments incontrôlés (colère etc.). De plus, la
bave est l'expression subjective et irréfléchie, spontanée, elle produit une œuvre
éphémère (qui dure jusqu' à la prochaine pluie). De ce point de vue, la bave seraient le
romantisme, le surréalisme, la parole orale, et la coquille serait le classicisme, l'œuvre
écrite.
Dans Proêmes, les hommes sont d'informes mollusques, dont la parole est la
sécrétion liquide, non-maîtrisée. L'œuvre - coquille n'est pas spontanée, subjective,
excessive, mais elle n'est pas non - personnelle pour autant. La coquille n'est pas un
matériau étranger, imposé de l'extérieur, elle n'est pas un vêtement, mais une forme
produite par l'individu avec sa propre substance. La coquille est authéntique puisque
naturelle. La secrétion en est l'expression-même, non pas pour abaisser l'être humain
(comme chez Sartre), mais pour réinscrire la parole dans le monde, parmi les choses.
La coquille est aussi un monument. Dans Escargots, la coquille survit aux
créateurs, elle est leur trace. moneo „je me souviensŗ;monumentum = 1. ce qui
rappelle quelque chose/ quelqu'un; 2. monument funéraire. Ponge parle de son tombeau
et on connaît l'importance des monuments chez Ponge, surtout après la mort de son père,
auquel il s'identifie: Un poète est un homme qui s'isole pour sculpter son propre tombeau,
ce n'est pas de la fatuïté, ni de la vaine gloriole, car Ponge insiste sur la disparition de
l'habitant, dont l'œuvre sera habitée par quelqu'un d'autre : les lecteurs. On décèle ici
l'influence directe de Mallarmé, qui disait: L' œuvre pure implique la disparition
élocutoire (énonciatrice) du poète, qui cède l'initiative aux mots. À la fin, la coquille aussi
va disparaître (v. p. 77), Ponge n'a pas l'illusion romantique de l'immortalitè de l'œuvre. Il
a inventé un mot entre mouvement et monument, moviment = procédé consistant à
«montrer la poésie comme événement-mouvement»13
.
„Dissémination et réécriture sans fin font la mouvance et l'ouverture de l'art
poétique pongien, sans le priver d'une cohérence faute de laquelle se dissoudrait sa
spécificité. En accentuant l'inachèvement, elles répondent à une vision relativiste, mais
non sceptique, refus de toute métaphysique de l'art et de toute téléologie: «La nature n'a
point de fins. Elle ne connaît que des moyens, la vie même, la génération, la mort ne
sont aucunement des fins, mais des moyens» (Braque litographe, 1963). Cette tension
peut être lue en termes d'échec ou considérée au contraire que ce qui donne à l' œuvre la
passion qui l'anime. Le palais diaphane n'est jamais qu'un palais utopique. «En art
poétique il faut connaître ses limites et travailler à l'intérieur.» (Souvenirs impromptus,
NRF, 1988)ŗ14
.
Il faut renoncer à la pâte du sentimentalisme pour arriver à bien cerner un concept:
„Le palais diaphane est à la fois le panthéon littéraire où s'aquitte une dette et
fructifie un héritage et la collection des choses diaphanisées dans l'atelier, c'est-à-dire
ayant cherché à atteindre la transparence cristalline d'un précepte. Fixer en même temps
l'étonnement primitif devant les choses et retrouver la fraîcheur du regard que les
présocratiques pouvaient jeter sur le monde; «Le cristal est un regard pétrifié.»
fond de lui-même. Au contraire sa pudeur l'oblige à se mouvoir dès qu'il montre sa nudité, qu'il livre sa forme vulnérable. Dès qu'il s'expose, il marche.ŗ (Le parti pris des choses, éd. citée, pp. 51). 13Jean-Marie Gleize et Bernard Veck, op. cit. pp. 56. 14Bernard Beugnot, Poétique de Francis Ponge. Le Palais diaphane, PUF, 1990, pp. 202-203 [Nous soulignons].
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(Starobinski), double émancipation à l'endroit de la «suie des paroles» et de «l'idéologie
pâteuse».ŗ15
„Il faut mourir à soi pour accéder à la perfection poétique. La mort n'est plus
envisagée comme l'échec du langage, mais comme la condition de son exercice le plus
hautŗ16
. Le poète doit en fait dépasser ses propres émotions, ses effusions et ses humeurs
changeantes, pour dévoiler son essence authentique: .
„Si je consens à l'existence c'est à condition de l'accepter pleinement, en tant
qu'elle remet tout en question; [...] à propos des choses les plus simples il est possible de
faire des discours infinis entièrement composés de déclarations inédites, enfin qu' à
propos de n'importe quoi non seulement tout n'est pas dit, mais à peu près tout reste à
direŗ17
.
Nommer et décrire ce sont les idéaux de l'être humain, mais „des millions de
sentiments, par exemple, aussi différents du petit catalogue de ceux qu'éprouvent
actuellement les hommes les plus sensibles, sont à connaître, sont à éprouver. Mais non!
L'homme se contentera longtemps encore d'être «fier», ou «humble», «sincère» ou
«hypocrite», «gai» ou «triste», «malade» ou «bien portant«, «bon» ou «méchant»,
«propre» ou «sale», «durable» ou «éphémère», etc., avec toutes les combinaisons
possibles de ces pitoyables qualités.
Eh bien! Je tiens à dire quant à moi que je suis bien autre chose, et par exemple
qu'en dehors de toutes les qualités que je possède en commun avec le rat, le lion et le
filet, je prétends à celles du diamant, et je me solidarise d'ailleurs aussi bien avec la mer
qu'avec la falaise qu'elle attaque et avec le galet qui s'en trouve par la suit créé, et dont
l'on trouvera à titre d'exemple ci-dessous la description essayée, sans préjuger de
toutes les qualités dont je compte bien que la contemplation et la nomination d'objets
extrêmement différents me feront prendre conscience et jouissance effective par la suite.
A tout désir d'évasion, opposer la contemplation et ses ressources. Inutile de
partir: se transférer aux choses, qui vous comblent d'impressions nouvelles, vous
proposent un million de qualités inédites.
Personnellement ce sont les distractions qui me gênent, c'est en prison ou en
cellule, seul à la campagne que je m'ennuierais le moins. Partout ailleurs et quoi que je
fasse, j'ai l'impression de perdre mon temps.ŗ18
„S'il est vrai que toute vocation artistique résulte d'une «sensibilité» égale «au
monde extérieur» et «au mode d'expression», nul doute que cette double «imprégnation»,
sensorielle et linguistique, prédisposait Ponge à devenir poète, à tenter d'inscrire dans
le matériau verbal la matière du monde.ŗ19
7.En guise de conclusion, restons sur ces mots de Francis Ponge, qui nous livrent
le plus sincère des arts poétiques non seulement de son époque. Lui, qui s'est efforcé toute
une vie de réécrire et réapprendre les mots, nous propose „à chacun l'ouverture des
trappes inérieures, un voyage dans l'épaisseur des chosesŗ.
La possibilité d'exprimer cette compléxité sémantique est réciproquement
déterminée par la conscience qu'il faut se fier aux choses, se laisser envahir par elles. On
peut croire qu'à ce point de sa démarche poétique, Ponge a fait la paix entre les mots et les
choses:
„O ressources infinies de l'épaisseur des choses, rendues par les ressources
15 Idem. Ibidem, pp. 208.
16Michel Collot, Francis Ponge, entre mots et choses, 2009, pp. 40-41. 17 Francis Ponge, Introduction au galet in Le Parti pris des choses, pp. 173. 18 Idem. Ibidem pp. 174-175 [Nous soulignons]. 19 Michel Collot, op. cit., pp. 17.
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infinies de l'épaisseur sémantique des mots!ŗ20
Dans une interview de 1976, Ponge avouait son rattachement à l'étymologie
comme retour à un lieu des origines, „au lieu antérieur où les choses et les mots se
confondentŗ (Comme une figue...): „On arrive au tuf, c'est-à-dire à l'endroit ou l'humus,
à l'endroit où se rejoignent les objets du monde et ceux du verbe (la terre où sont les
«racines»)ŗ21
.
BIBLIOGRAPHY
Beugnot, Bernard, Poétique de Francis Ponge. Le Palais diaphane, Paris, PUF,
1990.
Collot, Michel, Francis Ponge, entre mots et choses, Seyssel, Editions Champ
Vallon, 1991. Derrida, Jacques, Signéponge/ Signsponge, New York, Columbia
University Press, 1984.
Foucault, Michel, Les Mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966.
*** French Forum. Volume 29. Number 2. Spring 2004. pp. 55-68.
Gleize, Jean-Marie et Bernard Veck, Francis Ponge: ŖActes ou Textesŗ, Lille,
Presses Unversitaires de Lille, 1984.
Higgins, Ian, Francis Ponge, Londres, Athlone Press, 1979.
Nimier,Roger, Journées de lecture, Paris, Gallimard, 1965.
Winspur, Stephen, Transposing a Meadow Silence (Ponge et Guillevic)
Sources
[Emile Littré] Dictionnaire de la langue française, Paris, Londres, Hachette, 1873-
1883.
Ponge, Francis Le parti pris de choses. Précédé de Douze petits écrits. Et suivi de
Proêmes, NRF.Gallimard, [1999].
Ponge, Francis, Comment une figue de paroles et pourquoi, Flammarion, 1997.
20 Cf. Francis Ponge, Introduction au galet, in Le Parti pris des choses, pp. 176. 21 Ponge, Comment une figue de paroles et pourquoi, Flammarion, 1997, pp. 275-276.