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Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement Bureau d’Enquêtes et d’Analyses pour la sécurité de l’aviation civile Rapport Accident survenu le 21 octobre 2009 sur l’aérodrome de Cahors (46) à l’avion Piper PA 46 500 TP immatriculé N60910

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M i n i s t è r e d e l ’ É c o l o g i e , d u D é v e l o p p e m e n t d u r a b l e , d e s Tr a n s p o r t s e t d u L o g e m e n t

Bureau d’Enquêtes et d’Analysespour la sécurité de l ’aviation civile

Bureau d’Enquêtes et d’Analysespour la sécurité de l’aviation civile

Zone Sud - Bâtiment 153200 rue de Paris

Aéroport du Bourget93352 Le Bourget Cedex - France

T : +33 1 49 92 72 00 - F : +33 1 49 92 72 03www.bea.aero

Rapport

Accident survenu le 21 octobre 2009

sur l’aérodrome de Cahors (46)

à l’avion Piper PA 46 500 TP

immatriculé N60910

Parution : novembre 2010

N60910 - 21 octobre 2009

1

Ce rapport exprime les conclusions du BEA sur les circonstances et les causes de cet accident.

Conformément à l ’Annexe 13 à la Convention relative à l ’Aviation civile internationale, à la Directive 94/56/CE et au Code de l ’Aviation civile (Livre VII) , l ’enquête n’a pas été conduite de façon à établir des fautes ou à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives. Son seul objectif est de tirer de cet événement des enseignements susceptibles de prévenir de futurs accidents.

En conséquence, l ’util isation de ce rapport à d’autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.

Avertissement

N60910 - 21 octobre 2009

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Table des matières

Avertissement 1

GlossAire 4

synopsis 5

1 - renseiGnements De BAse 61.1 Déroulement du vol 6

1.2 Tués et blessés 6

1.3 Dommages à l’aéronef 6

1.4 Autres dommages 6

1.5 Renseignements sur le personnel 7

1.6 Renseignements sur l’aéronef 7

1.6.1 Moteur 71.6.2 Cellule 7

1.7 Conditions météorologiques 81.7.1 Situation générale 81.7.2 Prévisions fournies au pilote 81.7.3 Conditions météorologiques présumées lors de l’atterrissage 91.7.4 Coucher du soleil 10

1.8 Aides à la navigation 10

1.9 Télécommunications 101.9.1 Télécommunications relatives à la fermeturede l’aérodrome de Cahors 101.9.2 Télécommunications relatives au vol du N60910 101.9.3 Télécommunications relatives à l’accident 11

1.10 Renseignements sur l’aérodrome 111.10.1 Espace aérien et services rendus aux pilotes 111.10.2 Caractéristiques de l’aérodrome 111.10.3 Approches aux instruments et à vue 111.10.4 Utilisation de l’aérodrome pour une compétition 12

1.11 Enregistreurs de bord 12

1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact 12

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques 14

1.14 Incendie 14

1.15 Questions relatives à la survie des occupants 14

1.16 Essais et recherches 14

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1.17 Renseignements sur les organismes et la gestion 14

1.17.1 L’utilisateur de l’avion 141.17.2 La société qui a délivré le dossier de vol 151.17.3 L’administration de l’aéroport de Cahors 151.17.4 Les organismes de la circulation aérienne 15

1.18 Renseignements supplémentaires 171.18.1 Indications fournies par le pilote 171.18.2 Témoignage du gestionnaire de l’aérodrome de Cahors 171.18.3 Témoignages du Chef de la Circulation Aérienne (Chef CA)de Rodez et du contrôleur en fonction 181.18.4 Témoignage du technicien du BRIA de Toulouse 19

2 - AnAlyse 202.1 Détection visuelle des obstacles à l’atterrissage 20

2.2 Scénario de l’accident 20

2.3 Les possibilités d’actions du pilote 21

2.4 L’appui des organismes de la circulation aérienne 23

3 - ConClUsions 253.1 Faits établis 25

3.2 Causes de l’accident 26

4 - reCommAnDAtion De seCUrite 27

liste Des Annexes 28

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Glossaire

AFIS Service d’information de vol d’aérodrome

BRIA Bureau régional d’information et d’assistance aux vols

CCA Centre de contrôle d’approche

DGAC Direction générale de l’aviation civile

DSAC Direction de la sécurité de l’aviation civile

GPS Système de géolocalisation par satellite

IFR Vol aux instruments

METAR Message d’observation météorologique régulière pour l’aviation

NDB Radiophare non directionnel

NOTAM Avis aux navigateurs aériens

PPL A Licence de pilote privé avion

QFU Direction magnétique de la piste

QNH Calage altimétrique requis pour lire une fois au sol l’altitude de l’aérodrome

RSFTA Réseau du service fixe des télécommunications aéronautiques

SEP Monomoteur à pistons

SNA Service de la navigation aérienne

TAF Message météorologique de prévision d’aérodrome

VFR Vol à vue

VOR Radiophare omnidirectionnel VHF

N60910 - 21 octobre 2009

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Synopsis

Date21 octobre 2009 à 17 h 19(1)

lieuAérodrome de Cahors (46)

nature du volVoyage

(1)Sauf précision contraire, les heures figurant dans ce rapport sont exprimées en temps universel coordonné (UTC). Il convient d’y ajouter deux heures pour obtenir l’heure en France métropolitaine le jour de l’événement.

AéronefAvion PIPER PA 46 500 TP Meridian

propriétairePrivé

exploitantPrivé

personnes à bordPilote

résumé

A l’arrivée d’un vol IFR, en fin de journée, l’avion atterrit sur la piste de l’aérodrome de Cahors en heurtant divers objets destinés à l’organisation d’une manifestation non aéronautique. Le pilote disposait du NOTAM relatif à la fermeture de l’aérodrome mais ne l’avait pas lu. Les organismes de la circulation aérienne ne lui avaient pas rappelé que l’aérodrome était fermé.

Conséquences

Blessuresmatériel Autres

dommagesMortelles Graves Légères/Aucune

Membres d’équipage - - 1

Endomma-gement des ailes, du radar météo, de l’hélice et de la partie inférieure du fuselage

Barrières métalliques déformées

Passagers - - -

Autres personnes - - -

n-10091021

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1 - renseiGnements De BAse

1.1 Déroulement du volAprès avoir retardé son départ de cinquante-cinq minutes, le pilote décolle à 13 h 29 d’Odense (Danemark) pour un vol IFR vers l’aérodrome de Cahors où il doit rejoindre des amis. Au départ de ce vol, les réservoirs de l’avion sont pleins de carburant. La croisière s’effectue au niveau de vol 280.

Pendant la descente aux instruments vers Cahors, l’avion est en contact radio avec le centre de contrôle d’approche de Rodez (CCA Rodez) (voir annexe 1). Le pilote précise qu’il arrive en auto-information sur la fréquence de Cahors et qu’il n’obtient aucune réponse. Il se présente directement en finale pour la piste 13.

Le pilote indique qu’en finale, à 17  h  18, il n’aperçoit pas de croix blanche indiquant la fermeture de la piste. Lorsque les roues touchent le sol, il observe des bottes de paille et des barrières métalliques en travers de la piste. Il augmente alors la puissance pour les franchir, puis réduit pour atterrir après ces obstacles. Il observe ensuite d’autres bottes de paille mais ne peut empêcher la collision avec d’autres barrières métalliques avant de terminer sa course sur la piste non revêtue.

Le pilote roule jusqu’au parking. Il reste à bord de l’avion environ 42 litres de carburant. Le pilote rencontre alors des connaissances qui alertent le gestionnaire puis, par téléphone, il annonce à 17 h 36 l’événement au CCA de Rodez avant de prévenir ses amis.

1.2 tués et blessésIl n’y a pas eu de dommages corporels dans l’accident.

1.3 Dommages à l’aéronefLes ailes, le radar météo, la partie inférieure du fuselage et l’hélice de l’avion ont été endommagés essentiellement par des chocs avec des barrières métalliques.

1.4 Autres dommagesQuelques barrières métalliques sont déformées.

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1.5 renseignements sur le personnelHomme, 49 ans, de nationalité belge, francophone

� Licence PPL(A) obtenue le 18 janvier 2006

� Qualification SEP Terrestre validée par la France jusqu’au 31 janvier 2010

� Aptitude médicale classe 2 valide jusqu’au 31 mai 2011 assortie d’une restriction : port d’une correction optique avec lunettes de secours en cabine

� Qualification IFR obtenue aux USA

� Validation de la licence et délivrance d’un certificat médical classe 2 par les Etats-Unis d’Amérique

� Expérience :

� totale : 801 heures de vol � sur type : 390 heures � dans les trois derniers mois : 19 heures � dans les trente derniers jours : 16 heures

Au cours des douze derniers mois, le pilote avait réalisé 144 heures de vol à destination de Cahors ou d’aéroports internationaux d’Europe de l’ouest. La durée moyenne de ces vols était de l’ordre de deux heures, avec un maximum de 3 h 42 min.

1.6 renseignements sur l’aéronef1.6.1 moteur

Constructeur Pratt and Whitney Canada

Type PT6A-42A

Numéro de série PCE-RM0360

1.6.2 Cellule

Constructeur Piper Aircraft Inc.

Type PA-46-500TP

Numéro de série 4697341

Immatriculation N60910

Utilisation à la date du 21 octobre 2009 173 heures

L’avion était équipé et classé pour les vols IFR. Il disposait aussi d’un GPS. La capacité en carburant était de 643 litres, ce qui conférait une autonomie de 3 h 50 min à 4 h 17 min, selon les paramètres de fonctionnement.

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1.7 Conditions météorologiques1.7.1 situation générale

A partir de 16 h 00, une perturbation s’évacue vers l’est dans un courant dépressionnaire de sud-ouest et laisse à l’arrière une traîne peu active.

1.7.2 prévisions fournies au pilote

Seuls sont transcrits les renseignements issus du dossier de vol remis au pilote le 21 octobre 2009 et utiles à la compréhension de l’accident.

1.7.2.1 METAR

Cahors, LFCC pas de METARRodez, LFCR 211500Z AUTO12006KT 9999NDV –RA//////CB 09/08 Q1000=Toulouse, LFBO 211500Z 11004KT 070V1609999 SCT015 SCT046 14/10 Q0999 NOSIG=Clermont-Ferrand, LFLC 211500Z 15005KT 9999 –RA FEW013 SCT053 BKN063 10/09 Q0999 NOSIGBrive, LFBV 211500Z VRB03KT 9999 SCT015 BKN040 12/10 Q0999=

1.7.2.2 TAF

Cahors, LFCC pas de TAFToulouse, LFBO 211100Z 2112/2212 VRB03KT 9999 –RA SCT005 BKN010 BECMG 2112/2114 16005KT NSW SCT010 SCT040 PROB40 TEMPO2123/2206 4000 BR BKN010 BECMG 2210/2212 28010KT SCT030TCU TEMPO 2215/2218 3000 RA BKN010 SCT0230CB=Rodez, LFCR 1100Z 2112/2212 30012KT 6000 RA BKN005 BKN015 TEMPO 2112/2206 VRB15KT +RA BKN003 SCT020CB BECMG 2116/2118 18008KT 9999 NSW BKN010 BKN 020 TEMPO 2200/2206 3000 BR BKN005 BECMG 2206/2208 SCT015=Clermont-Ferrand, LFLC 211100Z 2112/2212 22008KT 9999 RA FEW020 BKN040 BKN085 TEMPO 2112/2118 6000 BECMG 2118/2120 210/15KT SCT030=Brive, LFBV 211400Z 2115/2124 14005KT 9999 SCT015 BKN030=

Les prévisions météorologiques pouvaient convenir pour l’utilisation en IFR de l’aérodrome de dégagement, Toulouse-Blagnac, ou des aérodromes de secours, Brive ou Rodez, en tenant compte toutefois de la présence possible de nuages d’orage (CB, cumulonimbus).

1.7.2.3 Cartes WIND / TEMP ou cartes WINTEM

Les cartes WIND / TEMP de 12 h 00 et de 18 h 00 mentionnent des vents :

� du 180° pour 30 à 35 kt au niveau de vol 180 ;

� du 170° pour 75 à 85 kt au niveau de vol 300.

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1.7.3 Conditions météorologiques présumées lors de l’atterrissage

Vent 130° / 2 à 10 kt, visibilité supérieure à 10 km, pas de précipitations, 1 à 2/8 de stratus à 500 pieds, 1 à 4/8 de stratocumulus à 2 000 pieds, température au sol 10 à 11 °C, température du point de rosée 9 à 10 °C, QNH 1001 hPa.

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De telles conditions météorologiques étaient compatibles avec les minimas d’approche IFR et pouvaient permettre une arrivée et un atterrissage à vue (voir annexe 2).

1.7.4 Coucher du soleil

Selon les éphémérides, le coucher du soleil s’est produit à Cahors à 17 h 00. La nuit aéronautique est donc calculée à 17 h 30.

1.8 Aides à la navigationGrâce à l’équipement de l’avion, le pilote pouvait bénéficier des moyens de navigation par satellite (GPS) ainsi que du réseau habituel des balises radioélectriques terrestres (VOR, DME, NDB). La balise Locator  CL (fréquence  348  KHz), sur lequel est basée la procédure d’approche aux instruments pour la piste 13 de l’aérodrome de Cahors, fonctionnait normalement.

1.9 télécommunications

1.9.1 télécommunications relatives à la fermeture de l’aérodrome de Cahors

Au début du mois d’octobre 2009, le gestionnaire de l’aérodrome de Cahors a demandé par télécopie la diffusion de trois NOTAM, pour la période du 20 au 27 octobre 2009, précisant les fermetures de l’aérodrome de Cahors, du service AFIS et de l’avitaillement. Le 20 octobre 2009 à 6 h 32, le gestionnaire a rappelé cette fermeture de l’aérodrome de Cahors en téléphonant au BRIA de Toulouse et au CCA Rodez.

1.9.2 télécommunications relatives au vol du n60910

Le 21 octobre 2009 à 12 h 11, le BRIA de Toulouse a notifié au gestionnaire de l’aérodrome de Cahors le plan de vol du N60910. Par télécopie, ce gestionnaire a retourné à l’expéditeur la notification en indiquant que l’aérodrome était fermé (« LFCC closed until 27 oct 1700 Z »).

Le pilote a été en contact radio avec divers organismes de contrôle aérien tout au long de son voyage. La trajectoire d’arrivée au-dessous du niveau de vol 115 s’est déroulée en espace aérien non contrôlé, à l’exception de portions de voies aériennes qui sont des espaces aériens contrôlés de classe E. Pendant cette trajectoire d’arrivée, le pilote bénéficiait du service d’information et d’alerte grâce au contact radio avec Limoges Approche, puis avec le CCA Rodez.

A 17 h 08, lors du premier contact du N60910 avec le CCA de Rodez, le contrôleur a indiqué : « N60910 contact radar, rejoignez CL altitude de sécurité, le QNH local 1001 ». A 17 h 13, il a rappelé au pilote  : « … vous penserez à clôturer votre plan de vol en arrivant à Cahors parce qu’il n’y a pas de personnel ». Ce message a bien été reçu par le pilote, mais le relief gênait le contact radio pour sa réponse. Un deuxième avion en vol dans le secteur a servi de relais entre le N60910 et le contrôleur.

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Le pilote du N60910 a rapporté qu’il avait transmis des messages d’auto-information sur la fréquence attribuée à l’aérodrome de Cahors, le service AFIS étant fermé. Les enregistrements de ces messages n’ont pas été conservés.

1.9.3 télécommunications relatives à l’accident

A 17 h 36, le pilote du N60910 a clôturé son plan de vol en téléphonant à la tour de contrôle de Rodez. Par la même occasion, il a notifié l’accident à cet organisme (voir annexe 3).

Le lendemain de l’accident, le gestionnaire de l’aérodrome de Cahors a établi une fiche de notification d’événement et il l’a transmise par télécopie au SNA Sud et à la DSAC Sud (Toulouse).

1.10 renseignements sur l’aérodrome1.10.1 espace aérien et services rendus aux pilotes

L’aérodrome de Cahors est ouvert à la circulation aérienne publique, VFR et IFR. Les installations et l’espace environnant, comprenant les trajectoires d’arrivée et d’approche aux instruments, sont situés en espace aérien non contrôlé de classe G. Le CCA Rodez assure les services d’information de vol (SIV) et d’alerte dans cet espace. L’aérodrome est pourvu d’un organisme AFIS (voir 1.17.3.1).

1.10.2 Caractéristiques de l’aérodrome

L’aérodrome de Cahors est équipé de deux bandes d’atterrissage  (voir annexe 4) :

� une piste revêtue de 1 500 x 30 m, orientée au QFU 13 selon une route magnétique 129, avec une pente montante moyenne de l’ordre de 0,5 %,

� une bande non revêtue de 1 080 x 50 m, parallèle et accolée, au nord-est de la précédente.

1.10.3 Approches aux instruments et à vue

Situé à 3 milles marins de l’aérodrome, le Locator CL permet le ralliement à l’arrivée ainsi que l’approche directe aux instruments au QFU 13. Pour l’arrivée en provenance du nord, l’altitude minimale de sécurité est de 3  000 pieds. L’hippodrome de procédure comporte une branche d’éloignement d’une minute sans vent et le dernier virage se fait à 2 400 pieds. Les pilotes peuvent ne pas suivre la trajectoire d’approche aux instruments. Pour cela, ils doivent le mentionner explicitement par radio et suivre une trajectoire d’approche à vue.

Pendant les horaires de jour seulement, l’aérodrome de Cahors est ouvert à l’arrivée aux instruments sans organisme de la circulation aérienne (fermeture de l’organisme AFIS). Pour un aéronef de la catégorie du PA 46, la réglementation impose alors une visibilité de 1 500 m et une hauteur minimale de descente de 810 pieds (voir annexe 2). Dans ce cas, les pilotes doivent obtenir le QNH auprès de l’organisme de contrôle de Toulouse-Blagnac.

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Comme ils ne peuvent pas recevoir l’information de vol propre à l’aérodrome, ils sont réglementairement tenus, après l’approche aux instruments, d’évaluer les paramètres au cours d’une manœuvre à vue pour procéder à l’examen de l’aérodrome à une hauteur supérieure au plus haut des circuits. Cet examen doit porter notamment sur l’aire à signaux et l’état de la surface de l’aire de manœuvre afin de s’assurer que la piste ne présente pas de danger apparent. Après avoir ainsi évalué les paramètres, les pilotes doivent s’intégrer dans la circulation d’aérodrome définie pour les vols VFR. Ces obligations reviennent notamment à observer les installations (état de la piste, aire à signaux, …) par un passage à la verticale au-dessus du plus haut des circuits VFR puis à s’intégrer en début de branche vent arrière pour la piste en service.(2)

1.10.4 Utilisation de l’aérodrome pour une compétition

Au début du mois d’octobre, le gestionnaire de l’aérodrome de Cahors avait demandé l’émission de NOTAM en raison de l’organisation d’une compétition « supermotard » sur la piste revêtue. Le NOTAM D6367/09 précisait « aérodrome fermé » du 20 octobre 2009 à 9 h 00 au 27 octobre 2009 à 17 h 00. Le NOTAM D6369/09 mentionnait « AFIS indisponible » pour la même période.

Dès le 20 octobre 2009 à 9 h 00, des croix blanches avaient été disposées aux deux extrémités de la piste. Ensuite, des rangées de barrières métalliques et de bottes de paille avaient été placées pour marquer les limites de l’espace réservé à la compétition, d’autres bottes de paille servaient de repères dans cet espace. La piste non revêtue ne contenait aucun obstacle.

1.11 enregistreurs de bordL’avion n’était pas équipé d’un enregistreur de données de vol ni d’un enregistreur de conversations dans le poste de pilotage. Ces enregistreurs ne sont pas exigés dans les règlements aéronautiques s’appliquant à l’aéronef ou à son exploitation.

1.12 renseignements sur l’épave et sur l’impactA chaque extrémité de la piste revêtue de l’aérodrome de Cahors étaient disposées des bandes blanches en forme de croix pour indiquer que cette piste était fermée. A environ 500  m de chacune des extrémités, un groupe de barrières métalliques matérialisait une zone réservée d’une longueur de l’ordre de 500 m pour la compétition. Le groupe de barrières métalliques placé du côté du seuil 13 était doublé par une rangée de bottes de paille.

(2)Aux Etats-Unis, l’évaluation des paramètres par un passage à la verticale des installations et l’intégration dans le circuit à vue sont des procédures qui relèvent des « règles de l’art » ou du « profession-nalisme » des pilotes.

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Les barrières et les bottes situées près du seuil 13, le premier groupe dans la sens de l’atterrissage, ne présentent pas de marque de choc ni de déplacement. Un peu plus loin, des traces semblent montrer que le pilote a roulé sur le bord droit de la piste, évitant ainsi des bottes placées sur l’axe. Le deuxième groupe de barrières est démantelé. Certains éléments, projetés à plusieurs dizaines de mètres, présentent des déformations importantes. Des traces de freinage important et de dérapage indiquent une sortie de piste vers la gauche.

De légers endommagements apparaissent sur l’avion au niveau des extrémités des pales de l’hélice, d’une trappe de visite sous le fuselage, du radar météo et de l’intrados de l’aile droite. Ces dommages correspondent à des chocs avec les barrières métalliques. Un arrachement superficiel de lambeaux d’un pneu peut être lié au dérapage ou au freinage important.

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A la mise sous tension de l’avion, les jauges indiquent qu’il reste 75 livres de carburant à bord, soit environ 42 litres (ce qui représente 15 à 18 minutes d’autonomie théorique).

1.13 renseignements médicaux et pathologiquesCe domaine n’a pas fait l’objet de recherches dans la cadre de l’enquête technique.

1.14 incendieAucun incendie ne s’est déclaré.

1.15 Questions relatives à la survie des occupantsAu cours de l’atterrissage, le pilote agit de manière à diminuer l’énergie de l’avion. Ainsi, les dommages corporels sont généralement atténués. Dans l’accident du N60910, les chocs entre l’avion et les barrières métalliques se sont produits à faible vitesse. La survie du pilote n’était pas mise en jeu.

1.16 essais et recherchesLe N60910 était équipé d’un transpondeur, ce qui a permis de déterminer la trajectoire de l’avion (voir annexe 5). Il apparaît que l’avion a débuté sa descente vers 16 h 46 pour atteindre l’altitude de 2 000 pieds QNH à 17 h 12, à environ 20 milles marins de sa destination. Il est ensuite remonté vers 3  000  pieds avant de se reporter directement en finale 13 à Cahors où il a atterri à 17 h 19 (dernière position enregistrée en début de la piste 13 à 1  100  pieds QNH). L’avion n’a pas suivi la trajectoire d’approche aux instruments ni la trajectoire d’intégration définie pour les vols VFR.

1.17 renseignements sur les organismes et la gestion1.17.1 l’utilisateur de l’avion

L’avion N60910 était exploité à titre privé. Son unique utilisateur devait se conformer aux règles d’utilisation habituelles en aéronautique civile, notamment en ce qui concerne la préparation et la réalisation d’un vol(3). Il n’avait pas l’obligation de consigner dans un manuel d’exploitation les procédures qu’il s’engageait à appliquer.

(3)Voir l’arrêté du 3 mars 2006 relatif aux Règles de l’air et aux Services de la circulation aérienne. Annexe 1, paragraphe 2.3 :… Le pilote commandant de bord est responsable de l’application des règles de l’air à la conduite de son aéronef… Avant d’entreprendre un vol, le pilote commandant de bord d’un aéronef prend connaissance de tous les renseignements disponibles utiles au vol projeté. Pour les vols hors des abords d’un aérodrome et pour tous les vols IFR, l’action préliminaire au vol comprend l’étude attentive de bulletins et prévisions météorologiques disponibles les plus récents en tenant compte des besoins en carburant et d’une solution alternative au cas où le vol ne pourrait pas se dérouler comme prévu.

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Selon les extraits des documents retenus pour l’enquête, le pilote avait l’habitude d’effectuer des vols en IFR vers des aéroports importants de l’Europe de l’ouest ou vers l’aérodrome de Cahors. Il semble qu’il entreprenait rarement des vols pour des durées aussi longues que le trajet entre Odense et Cahors.

1.17.2 la société qui a délivré le dossier de vol

Le pilote avait confié des opérations d’entretien de son avion à une société spécialisée. Cette dernière lui a remis avant le départ un dossier de vol complet comprenant :

� les éléments météorologiques, particulièrement les cartes WINTEM de prévision des vents en altitude,

� les NOTAM, notamment les NOTAM de Cahors,

� le journal de navigation, prévoyant une durée de vol sans vent de 3 h 19 min,

� le devis carburant, précisant une autonomie réglementairement nécessaire de 4 h 11 min sans vent, l’autonomie réelle de l’avion de 3 h 50 min, ainsi qu’un avertissement sur l’écart entre ces deux autonomies,

� les prévisions de masse,

� le plan de vol déposé mentionnant l’aérodrome de Toulouse-Blagnac comme aérodrome de dégagement.

1.17.3 l’administration de l’aéroport de Cahors

Le gestionnaire de l’aérodrome de Cahors dispose d’un certificat de prestataire de service de navigation arienne (AFIS). Le service est rendu par deux agents. L’ensemble des procédures et des textes relatifs à l’activité du gestionnaire d’aérodrome ou des agents AFIS est consigné dans un Manuel d’exploitation.

Pour l’information aéronautique, cet aérodrome est tributaire du BRIA de Toulouse.

1.17.4 les organismes de la circulation aérienne

Les organismes de la circulation aérienne rendent les services de la circulation aérienne qui sont :

� le service du contrôle au profit des aéronefs contrôlés dans les espaces aériens contrôlés,

� le service de l‘information de vol et le service d’alerte pour tous les vols et dans tous les espaces aériens.

Seuls sont décrits les outils, les organismes et les services de la circulation aérienne utiles à la compréhension de l’accident du N60910.

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1.17.4.1 L’organisme AFIS de l’aérodrome de Cahors

L’organisme AFIS de l’aérodrome de Cahors rend les services d’information de vol et d’alerte au profit des aéronefs dans la circulation d’aérodrome ou au sol. Après l’atterrissage d’un aéronef évoluant en IFR, cet organisme met notamment fin au service d’alerte (clôture du plan de vol). L’organisme AFIS communique généralement par téléphone avec le CCA Rodez et par téléphone, télécopie ou courriel avec le BRIA de Toulouse (station tributaire).

L’organisme AFIS est habituellement ouvert à des horaires publiés par le Service d’Information Aéronautique, par exemple de 6 h 15 à 10 h 00 et de 12  h  00 à 16 h 00 pendant les jours ouvrés. En dehors de ces horaires, l’organisme AFIS peut être ouvert sur demande. Lorsque l’organisme AFIS est fermé, un aéronef peut utiliser en IFR de jour l’aérodrome de Cahors en auto-information. Après l’atterrissage, le pilote signale lui-même son arrivée aux services de la navigation aérienne pour clôturer le plan de vol.

1.17.4.2 Le BRIA de Toulouse

Notamment parce qu’il ne dispose pas de terminal RSFTA, l’organisme AFIS de Cahors est tributaire du BRIA de Toulouse. Cela signifie qu’en ce qui concerne l’information aéronautique, le BRIA de Toulouse assure le lien entre l’organisme AFIS de l’aérodrome de Cahors et les autres organismes de la navigation aérienne, en particulier pour les actions suivantes :

� publication de NOTAM,

� transmission du plan de vol d’un aéronef dont l’arrivée est prévue en IFR à Cahors (par télécopie, téléphone ou courriel),

� recueil des renseignements en provenance de Cahors (télécopie, téléphone ou courriel) et utiles à la sécurité des vols,

� transmission de ces renseignements vers les organismes adéquats via le réseau RSFTA.

Les procédures utiles pour le fonctionnement du BRIA de Toulouse sont consignées dans un Manuel. La réglementation mentionne la liste des renseignements qui doivent obligatoirement être transmis. L’importance des autres informations ainsi que les actions qui en découlent sont laissées au jugement des personnels.

1.17.4.3 Le centre de contrôle d’approche de Rodez (CCA Rodez)

En plus du service du contrôle dans les espaces aériens desservant l’aéroport de Rodez, l’organisme de contrôle assure les services de l’information et de vol et d’alerte dans les espaces non contrôlés situés en périphérie, notamment au-dessus de la région de l’aérodrome de Cahors. L’organisme de contrôle est composé d’un chef de la Circulation Aérienne (chef CA), d’un adjoint au chef CA et de plusieurs contrôleurs dont la présence est planifiée selon un tableau de service.

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Les outils suivants sont à la disposition des contrôleurs :

� le cahier de marche. Une double page est prévue pour chaque journée. La page de gauche est remplie par le chef CA. Elle contient les renseignements utiles pour que les contrôleurs exercent efficacement leurs fonctions. Ils la lisent à leur prise de service. Les renseignements peuvent être résumés et peuvent renvoyer à un document inséré dans le classeur des consignes et notes. Au cours de leur activité, les contrôleurs notent sur la page de droite les observations ou les renseignements qu’ils désirent notifier au chef CA ;

� le classeur des consignes et notes de service. Il porte des renseignements détaillés ou complexes. Il est consulté par chaque contrôleur lors de sa prise de service ;

� une extraction journalière, composée de cinq à dix pages, contenant les NOTAM relatifs aux espaces et aux aérodromes en périphérie de Rodez. Elle constitue une référence lorsqu’un pilote demande par radio un renseignement dans le cadre du service d’information de vol.

1.18 renseignements supplémentairesEn complément des renseignements recueillis grâce à l’exploitation de documents ou d’enregistrements, plusieurs personnes ont apporté divers éléments utiles à l’explication de l’accident. Ils sont reportés dans les alinéas suivants.

1.18.1 indications fournies par le pilote

Au moyen de son avion, le pilote rejoignait fréquemment l’aérodrome de Cahors desservant une région dans laquelle il avait des amis et une résidence secondaire. Il précise qu’il s’était informé des conditions météorologiques et des NOTAM avant de rejoindre son aérodrome de départ. Il avait trop rapidement feuilleté ces documents. Ainsi, il n’avait pas pris en compte le NOTAM mentionnant la fermeture de l’aérodrome parmi les sept concernant Cahors.

Le 20 octobre 2009, la société de maintenance aéronautique achevait des opérations d’entretien. Elle disposait de matériel et de compétences utiles pour la préparation des vols, notamment pour le PA 46 500TP. Cette société a remis au pilote un dossier complet contenant le journal de navigation, le devis de carburant, les NOTAM et les prévisions météorologiques.

Le départ a été retardé de cinquante-cinq minutes en raison d’un avitail-lement tardif.

Le pilote indique avoir reçu de la part du contrôle aérien diverses instructions, consignes ou autorisations. Il a perçu l’ensemble de ces messages comme des clairances qui signifiaient, de manière plus ou moins implicite, que l’aérodrome de Cahors était ouvert. Il ajoute qu’après avoir été libéré par le CCA Rodez, il a émis un message d’auto-information sur la fréquence attribuée à l’aérodrome de Cahors : « N60910, un vol IFR en provenance d’Odense, je me reporte à CL pour une approche IFR piste 13 ».

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Dans son récit, le pilote précise également sa trajectoire  : «  Descente à la sécurité vers le Locator NDB CL (348 Mhz) / 2 400 pieds au QNH 1000 hPa, procédure, alignement sur 129° descente vers les minimas suivant procédure ».

1.18.2 témoignage du gestionnaire de l’aérodrome de Cahors

Les manifestations sportives «  supermotard  » se déroulaient régulièrement depuis au moins huit ans sur cet aérodrome. Chaque fois, l’aérodrome était fermé par NOTAM.

Comme cela est prescrit dans son Manuel d’exploitation, le gestionnaire de l’aérodrome de Cahors a demandé début octobre 2009 la publication des NOTAM relatifs à la fermeture de l’aérodrome. De plus, il indique qu’il a effectué les actions suivantes :

� le 20 octobre 2009 au matin, au début de la période de validité du NOTAM, il a averti par téléphone le CCA Rodez ainsi que le BRIA de Toulouse ;

� le jour de l’accident, à la réception de la télécopie provenant du BRIA de Toulouse et relative au plan de vol du N60910, il a retourné ce document à son expéditeur en y mentionnant la fermeture de l’aérodrome.

Le gestionnaire de l’aérodrome de Cahors n’a reçu aucune demande émanant du pilote du N60910 concernant l’accessibilité de l’aérodrome ou l’ouverture exceptionnelle du service AFIS hors des horaires habituels.

1.18.3 témoignages du Chef de la Circulation Aérienne (Chef CA)de rodez et du contrôleur en fonction

Le Chef CA indique qu’au début du mois d’octobre 2009, il n’a reçu aucun courrier relatif à la fermeture de l’aérodrome de Cahors pour la période du 20 au 27 octobre 2009. Ainsi, il n’a pas pu anticiper l’information à faire aux contrôleurs au moyen d’une note d’exploitation et de mentions dans le cahier de marche.

Le 20 octobre 2009 au matin, le Chef CA rentrait d’une semaine de congé. Il découvrait le courrier reçu en son absence et devait assurer diverses tâches liées à des modifications d’espaces aériens et de fréquences radio. L’adjoint au chef CA était absent, en congé depuis plusieurs jours. Lorsque le contrôleur a reçu la communication téléphonique du gestionnaire de l’aérodrome de Cahors relative à la fermeture de l’aérodrome, il en a informé verbalement le Chef CA. Ce dernier, préoccupé par une charge de travail importante, n’a pas demandé au contrôleur de remplir le cahier de marche et, lorsqu’il était disponible pour cette tâche, il a omis de le compléter. Ainsi, la fermeture de l’aérodrome de Cahors ne figurait pas sur le cahier de marche ni dans le classeur des consignes opérationnelles.

Le 21 octobre 2009 après-midi, le contrôleur en fonction était en contact radio avec le N60910. Il avait consulté le cahier de marche et le classeur des consignes opérationnelles, sur lesquels ne figurait aucune mention relative à la fermeture de l’aérodrome de Cahors. Les NOTAM concernant cet aérodrome étaient insérés dans l’extraction journalière. Le contrôleur ne les avait pas lus du fait que, au cours de sa vacation, aucun usager aéronautique n’avait demandé de renseignement sur l’aérodrome de Cahors.

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1.18.4 témoignage du technicien du BriA de toulouse

Le jour de l’accident, un technicien qualifié assurait les tâches habituelles du BRIA. Il savait que l’aérodrome de Cahors était fermé. Comme elle en avait l’obligation, cette personne avait transmis par télécopie le plan de vol du N60910. Le gestionnaire de l’aérodrome de Cahors l’avait retourné à l’expéditeur, assorti de la mention «  LFCC Closed …  », ce qui signifiait « aérodrome de Cahors fermé … ». A la réception de ce retour, le technicien a vérifié que le NOTAM indiquant la fermeture de l’aérodrome de Cahors avait bien été diffusé, ce qui laissait penser qu’il était à la disposition du pilote du N60910 pour la préparation de son vol, mentionné sur un tableau d’affichage la fermeture de l’aérodrome de Cahors, ce qui pouvait constituer un rappel pour un autre technicien.

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2 - AnAlyse

2.1 Détection visuelle des obstacles à l’atterrissage Même si la visibilité au sol a pu être évaluée à plus de dix kilomètres, il est fort probable qu’à l’arrivée la vision du pilote ait été gênée par le cumul de plusieurs phénomènes tels que :

� un faible éclairement, puisque le coucher du soleil avait eu lieu seize minutes plus tôt,

� une atténuation de la luminosité ou des zones d’ombre provoquées par la présence de nuages,

� un masquage possible de certains éléments du paysage tels que la piste par ces mêmes nuages.

En plus de perturbations liées à l’environnement pendant l’approche, la détection d’éventuels obstacles sur la piste par le pilote a pu être troublée par une charge de travail importante et des préoccupations nombreuses, comme expliqué dans le paragraphe 2.3. Le contrôle de l’avion à l’arrondi pour l’atterrissage impose au pilote de prendre des références visuelles extérieures précises. C’est à ce moment-là qu’il a observé les obstacles.

Avant l’atterrissage, un passage à la verticale des installations pouvait permettre d’apprécier visuellement et suffisamment tôt l’état de la piste. Les conditions météorologiques présumées étaient compatibles avec une telle manœuvre.

2.2 scénario de l’accident La société aéronautique a fourni au pilote un dossier complet de préparation de vol contenant notamment les NOTAM, les prévisions météorologiques, les calculs de masse et de carburant. Le pilote, qui avait d’abord parcouru des yeux les prévisions météorologiques et les NOTAM, puis retardé son départ de cinquante-cinq minutes, a probablement raccourci ou expédié l’examen de ce dossier. En effet, celui-ci mentionnait :

� une autonomie en carburant réglementairement nécessaire au vol supérieure à l’autonomie réelle de l’avion,

� l’existence d’un fort vent de face pendant toute la durée du vol,

� la fermeture de l’aérodrome de Cahors.

Ces trois éléments devaient conduire le pilote à envisager une escale pour l’avitaillement en carburant ainsi qu’une arrivée sur un aérodrome accessible autre que Cahors et ouvert aux opérations aériennes de nuit du fait de l’arrivée tardive.

Pendant le vol, le pilote a certainement constaté une vitesse sol faible et prévu un atterrissage tardif à destination. En évaluant l’heure d’arrivée et la consommation horaire, il a pu calculer qu’il lui resterait juste assez de carburant pour arriver quelques minutes avant la nuit aéronautique, mais qu’il n’aurait

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certainement pas la possibilité d’effectuer en sécurité la procédure d’approche aux instruments, ni une reconnaissance des installations, ni une interruption de l’approche éventuellement prolongée du trajet vers un aérodrome de dégagement. Ces présomptions étaient convenables puisque l’atterrissage a eu lieu seize minutes après le coucher du soleil et qu’il ne restait plus au parking que 42 litres de carburant pour une capacité totale de 643 litres.

A l’arrivée, le pilote a anticipé la descente et, dès qu’il a localisé visuellement l’aérodrome de Cahors, il a manœuvré afin de se placer directement en finale  13. Seul à bord, il devait alors réaliser de nombreuses actions et vérifications (extension du train d’atterrissage, braquage des volets, contrôle de la pressurisation, etc.) sur une trajectoire fortement raccourcie. A cette charge de travail relativement élevée s’ajoutait la préoccupation constante liée aux jauges à carburant se rapprochant de zéro. Alors que la pénombre envahissait l’environnement, il est fort probable que le pilote, encore loin de la piste, n’ait pas eu la disponibilité mentale suffisante pour détecter des obstacles dont il ignorait la présence.

A l’arrondi, le pilote a observé un groupe de barrières et de bottes de paille disposé en travers de la piste. Il a agi pour passer au-dessus et atterrir au-delà de l’obstacle. Pendant le roulement à l’atterrissage, il a évité quelques bottes de paille mais a heurté d’autres barrières métalliques. Il a terminé sa trajectoire sur la piste en herbe qui était totalement libre. En raison de l’obscurité et surtout d’un très bas niveau de carburant(4), le pilote n’a pas tenté une remise des gaz soit pour atterrir sur la piste en herbe, soit pour rejoindre l’aérodrome de dégagement prévu ou tout autre aérodrome de secours.

2.3 les possibilités d’actions du piloteLe pilote était un homme d’affaire très actif. Au départ de Bruxelles, il utilisait fréquemment le N60910 en IFR pour ses déplacements vers Cahors, où il disposait d’une résidence et où il avait plusieurs relations personnelles, ainsi que vers nombre d’aéroports internationaux de l’Europe de l’ouest. Ainsi, le pilote détenait une expérience consistante de l’avion, de situations météorologiques variées, des espaces aériens complexes, des aéroports internationaux au trafic dense. Une telle pratique pouvait engendrer une confiance exagérée dans ses propres compétences pour réaliser un vol vers l’aérodrome de Cahors qui lui était particulièrement familier.

Probablement parce qu’il avait parcouru des yeux des informations utiles à la préparation du vol, le pilote n’a pas examiné attentivement le dossier complet qui lui a été remis avant le départ. Ce dossier contenait le NOTAM indiquant que l’aérodrome de Cahors était fermé. La prise en compte de ce NOTAM devait conduire le pilote à choisir un autre aérodrome de destination. L’autonomie réglementairement insuffisante pour réaliser le vol devait conduire le pilote à envisager une escale pour ravitaillement et, par conséquent, une modification du plan de vol IFR. De plus, les forts vents de face prévus dans les cartes WINTEM réduisant considérablement la vitesse sol de l’avion, cette escale devenait indispensable pour prévenir un arrêt du moteur en vol par manque de carburant. Comme il est peu probable que le pilote ait entrepris le vol en

(4)Lorsqu’il reste peu de carburant à bord, une dissymétrie de vol, des assiettes fortement cabrées ou piquées peuvent occasionner un défaut d’alimentation du moteur en carburant.

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imaginant qu’une panne de carburant était vraisemblable, il semble bien que le pilote a décollé après avoir parcouru très rapidement le dossier de vol, omettant d’examiner attentivement les NOTAM et les cartes WINTEM.

Les trajets effectués couramment par le pilote duraient en moyenne deux heures (au maximum 3 h 42 min) avec une autonomie de l’ordre de quatre heures, réserves incluses (le dossier de vol indique une autonomie de 3 h 50 min). Le temps de vol sans vent calculé dans le dossier de vol était de 3  h  19  min et l’autonomie réglementaire pour entreprendre le vol était de 4  h  11  min. En décollant vers 12  h  30 comme initialement prévu, le pilote pouvait estimer qu’il arriverait certainement avant la nuit aéronautique à destination où des amis l’attendaient. Il aurait alors disposé du temps nécessaire pour avitailler en faisant escale sur un aérodrome de secours.

En retardant son départ de cinquante-cinq minutes, l’éventualité d’une escale pour avitaillement risquait de compromettre ses projets car l’aérodrome de Cahors, sans service AFIS et donc sans balisage nocturne, devenait inaccessible. Un dégagement sur un aérodrome accessible de nuit devait alors être envisagé, à moins que le pilote ne demande par téléphone à l’organisme AFIS de Cahors une extension de l’horaire d’ouverture. Dans ce cas-là, l’agent aurait alerté le pilote sur la fermeture de l’aérodrome ou, au moins, sur les obstacles qui encombraient la piste revêtue. L’utilisation de la bande non revêtue de l’aérodrome, sans obstacle mais aussi sans balisage nocturne, imposait une arrivée peu tardive.

Pendant la croisière, un suivi élémentaire de la navigation, par exemple au moyen d’un DME situé sur la route ou du GPS, a fort probablement suggéré au pilote qu’un vent de face important allongeait la durée du vol. Le pilote avait alors deux alternatives :

� atterrir sur un aérodrome de secours pour avitailler. Cela nécessiterait de changer le plan de vol IFR en cours et d’en déposer un nouveau pour la fin du voyage. Le retard pris compromettait l’arrivée à Cahors avant la nuit aéronautique et nécessitait d’utiliser un aérodrome ouvert aux opérations de nuit. Il ne pourrait ensuite rallier sa résidence que tardivement, en improvisant un problématique transport par la route.

� poursuivre le vol en surveillant avec soin le niveau de carburant et atterrir à Cahors en s’interdisant toute manœuvre qui pourrait augmenter la durée du vol, engendrer une consommation supplémentaire ou désamorcer le circuit d’alimentation.

Le pilote a choisi en cours de vol cette deuxième solution. C’est pourquoi il a raccourci au maximum la trajectoire d’arrivée en projetant d’atterrir directement sur la piste revêtue. C’est également la raison pour laquelle, à l’arrondi, il a tenté d’éviter les obstacles plutôt que de remettre la puissance pour rallier un aérodrome de dégagement ou effectuer un circuit d’aérodrome afin d’utiliser la piste non revêtue.

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2.4 l’appui des organismes de la circulation aérienneUne nouvelle fois, il convient de mentionner qu’avant d’entreprendre le vol, le pilote aurait dû examiner tous les renseignements disponibles utiles au vol prévu. L’information de fermeture de l’aérodrome de Cahors « dormait » dans le dossier de vol du pilote.

En déposant un plan de vol, le pilote s’engage à observer les règles et obligations qui y sont rattachées, il atteste qu’il est compétent et que son aéronef est approprié pour effectuer le vol projeté. En acceptant le plan de vol et en l’activant, les organismes de la circulation aérienne s’engagent à fournir les services suivants :

� service de contrôle, dans les espaces aériens et sur les aérodromes contrôlés,

� service d’information, soit sur initiative du contrôleur pour les informations qu’il détient, soit à la demande du pilote pour les informations que le contrôleur peut rechercher facilement,

� service d’alerte qui permet de déclencher des secours notamment si le plan de vol n’est pas explicitement clôturé.

L’aérodrome de Cahors et l’espace aérien environnant ne sont pas contrôlés. Au titre du service du contrôle, les organismes de la circulation aérienne n’avaient aucune raison de refuser le plan de vol ou de ne pas l’activer. Néanmoins, cette activation a pu suggérer au pilote que la totalité du vol était réalisable.

Le contrôleur de Rodez qui rendait le service d‘information au pilote à l’arrivée vers Cahors ne lui a pas spontanément indiqué que l’aérodrome était fermé car il ignorait ce renseignement pour deux raisons :

� aucun courrier n’ayant prévenu le chef CA de la fermeture de l’aérodrome de Cahors, aucune note opérationnelle n’avait été rédigée et aucune mention n’avait été portée dans le cahier de marche. Toutefois, le 20  octobre au matin, le gestionnaire de l’aérodrome de Cahors avait rappelé par téléphone cette fermeture au CCA de Rodez. Ce renseignement avait été transmis oralement au chef CA de Rodez. Ce dernier, très occupé à diverses tâches liées à son retour de congé, avait omis de transcrire ce renseignement sur le cahier de marche. A sa prise de service le 21 octobre, le contrôleur n’avait trouvé sur le cahier de marche aucune mention concernant l’aérodrome de Cahors ;

� la fermeture de l’aérodrome figurait parmi plusieurs pages de NOTAM. Comme aucun usager aéronautique n’avait demandé de renseignement sur cet aérodrome, le contrôleur n’avait pas consulté ces pages. Une tentative de mémorisation de l’ensemble des NOTAM à chaque prise de service ne garantirait pas un niveau acceptable de fiabilité.

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Enfin, au titre du service d’alerte, le contrôleur de Rodez a demandé au pilote de « clôturer le plan de vol en arrivant à Cahors ». Pour le contrôleur, il s’agissait simplement de respecter un point réglementaire afin d’éviter un déclenchement inutile des secours. Le pilote connaissait bien cet aspect de la réglementation. Cependant, il imaginait vraisemblablement que le contrôleur lui faisait une telle demande en considérant qu’il n’y avait aucune restriction à l’atterrissage.

Il apparaît donc possible qu’en début et en fin de vol, l’activation et la demande de clôture du plan de vol aient persuadé le pilote que l’atterrissage à Cahors était permis. Si la fermeture de l’aérodrome de Cahors avait été clairement mise en évidence près de son poste de travail, le contrôleur de Rodez aurait pu avertir spontanément le pilote.

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3 - ConClUsions

3.1 Faits établis � Le pilote était titulaire des titres aéronautiques valides nécessaires pour le

vol conformément aux règlements en vigueur.

� Rien n’indique qu’il y ait eu une défaillance de l’avion, des systèmes embarqués ou des installations au sol en rapport avec l’accident.

� La fermeture de l’aérodrome de Cahors était publiée par NOTAM. Le pilote de l’avion le détenait mais ne l’a pas pris en compte.

� En début de période de validité du NOTAM et lors de la réception de l’avis de plan de vol du N60910 d’Odense vers Cahors, le gestionnaire de l’aérodrome de Cahors a rappelé au BRIA de Toulouse la fermeture de l’aérodrome de Cahors.

� En début de période de validité, le gestionnaire de l’aérodrome de Cahors a rappelé au CCA de Rodez la fermeture de l’aérodrome de Cahors. Ce renseignement, non pris en compte sous la forme d’une consigne opérationnelle ou d’une mention dans le cahier de marche, était ignoré par le contrôleur.

� Le pilote détenait l’ensemble des documents utiles pour la préparation du vol.

� Après avoir retardé l’heure du décollage, le pilote a rencontré de forts vents de face.

� Les services du contrôle et d’alerte ont été rendus par les organismes de contrôle conformément à la réglementation en vigueur.

� A l’arrivée, le pilote n’a pas demandé de renseignement relatif à l’ouverture de l’aérodrome de Cahors, le contrôleur ne lui en a pas fourni au titre du service d’information de vol.

� Le N60910 a atterri à Cahors dix-neuf minutes après le coucher du soleil, dans un environnement obscurci par la présence de nuages.

� Le N60910 a atterri à Cahors sans suivre les trajectoires d’approche aux instruments et sans suivre à vue les trajectoires prescrites en l’absence d’organisme de la navigation aérienne.

� Le N60910 a atterri à Cahors avec très peu de carburant à bord, ce qui compromettait toute interruption de l’approche, toute remise des gaz ou tout dégagement vers un aérodrome de secours.

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3.2 Causes de l’accident L’accident résulte

� d’abord de la réalisation d’un vol sans prise en compte des informations déterminant sa faisabilité,

� ensuite de la poursuite volontaire de ce vol vers l’aérodrome de destination alors qu’il était prévisible que les conditions d’éclairement à l’arrivée et la faible autonomie restante ne laisseraient aucune possibilité d’évolution autre qu’un atterrissage immédiat sur la piste.

La volonté du pilote d’arriver sur l’aérodrome qui lui était familier et où ses amis l’attendaient a contribué à l’accident.

En vol, aucun renseignement relatif à la fermeture de l’aérodrome de destination n’a été transmis.

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4 - reCommAnDAtion De seCUriteRappel : conformément à l’article 10 de la Directive 94/56/CE sur les enquêtes accidents, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident ou un incident. L’article R.731-2 du Code de l’aviation civile stipule que les destinataires des recommandations de sécurité font connaître au BEA, dans un délai de quatre-vingt-dix jours après leur réception, les suites qu’ils entendent leur donner et, le cas échéant, le délai nécessaire à leur mise en œuvre.

Le NOTAM mentionnant la fermeture de l’aérodrome de Cahors avait été diffusé par le Bureau régional d’information et d’assistance aux vols, mais cette information n’avait pas été prise en compte par le contrôleur d’approche. Pendant les semaines précédentes, l’organisme de contrôle d’approche de Rodez n’avait reçu aucun message spécifique attirant son attention sur la fermeture de l’aérodrome. En téléphonant à cet organisme la veille de l’accident, le gérant de l’aérodrome de Cahors avait tenté de doubler le NOTAM au sujet de la fermeture de l’aérodrome. Le contenu de la communication téléphonique n’avait pas été transcrit ou mis en évidence à Rodez. Ainsi, le lendemain, il n’a pas été pris en compte par le contrôleur.

Les défaillances dans la fourniture de données pertinentes aisément utilisables et dans la transmission de renseignements utiles conduisent le BEA à recommander que :

� la DGAC demande à la Direction des services de la navigation Aérienne d’évaluer et, le cas échéant, de renforcer les procédures et les outils destinés à la transmission des renseignements utiles aux contrôleurs afin de faciliter la communication d’informations aux pilotes pour l’exécution sûre de leurs vols.

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Liste des annexes

annexe 1Transcription des radiocommunications avec le CCA Rodez

annexe 2Carte pour l’approche aux instruments à Cahors

annexe 3Transcription des télécommunications avec le CCA Rodez

annexe 4Carte d’aérodrome de Cahors

annexe 5Trace radar

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annexe 1transcription des radiocommunications avec le CCA rodez

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annexe 2Carte pour l’approche aux instruments à Cahors

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annexe 3transcription des télécommunications avec le CCA rodez

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annexe 4Carte d’aérodrome de Cahors

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annexe 5trace radar

Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Bureau d’Enquêtes et d’Analysespour la sécurité de l ’aviation civile

Bureau d’Enquêtes et d’Analysespour la sécurité de l’aviation civile

Zone Sud - Bâtiment 153200 rue de Paris

Aéroport du Bourget93352 Le Bourget Cedex - France

T : +33 1 49 92 72 00 - F : +33 1 49 92 72 03www.bea.aero

Rapport

Accident survenu le 21 octobre 2009

sur l’aérodrome de Cahors (46)

à l’avion Piper PA 46 500 TP

immatriculé N60910

Parution : novembre 2010