note technique opunohu version finale 2011
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MEYER et al. 2011
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NOTE TECHNIQUE
Eléments remarquables de la végétation, la flore et la faune
du domaine d’Opunohu (Mo’orea)
par
Jean-Yves MEYER (Dr.)1,6, Robin POUTEAU
2,6 , Ravahere TAPUTUARAI
3,6, Marie
FOURDRIGNIEZ4,6
& Erica SPOTSWOOD (Dr.)5,6
1 Délégation à la Recherche, B.P. 20981 Papeete, Tahiti
2 Université de la Polynésie française, B.P. 6570 Faaa, Tahiti
3 MaNature, B.P. 5819 Pirae, Tahiti
4 BioConsulting, B.P. 50902 Pirae, Tahiti 5 University of California at Berkeley
6 « Moorea Biocode Project »
Cadre, objectif et méthode
Cette note technique sur le domaine d’Opunohu à Mo’orea (Iles du Vent, archipel de la
Société) s’inscrit dans le cadre général d’un programme de recherche mené par la Délégation à
la Recherche depuis 2006, portant sur l’identification, la caractérisation et la localisation des
« Espaces Naturels d’Intérêt Ecologique et Patrimonial » (acronyme « ENIEP ») dans
l’ensemble des îles de Polynésie française.
Sa rédaction a été motivée par l’élaboration récente de projets concernant ce « domaine
territorial » -choisi comme site-pilote dans le cadre du projet de « Conservatoire Polynésien
des Espaces Gérés » par le Ministère de l’Aménagement en 2010, proposé au classement en
« Paysage protégé » par la Direction de l’Environnement-, associée à l’observation de
pressions anthropiques croissantes : « raid de Moorea » ou « raid Painapo » se déroulant
chaque année depuis 2003, aménagement d’un sentier pédestre en 2004 par le Service du
Tourisme (Hiro DAMIDE, Moorea Hiking Excursions, comm. pers. 2006), incendie au Col des
Trois Cocotiers en septembre 2004, défrichage de 33 hectares dans le cadre de la création d’un
lotissement agricole en 2010 (Fred JACQ, comm. pers. 2010), défrichage de la ripisylve sur le
littoral de la baie d’Opunohu en 2010, auxquelles s’ajoutent les perturbations d’origine
naturelle : glissements de terrain sous le mont Tamaruto’ofa en 2006, cyclone Oli en février
2010…
Nous avons donc fait une synthèse des données de terrain obtenues lors des prospections
botaniques et des études phyto-écologiques menées lors des programmes de recherche « ATI »
(« Action Transdépartementale Incitative sur les Aires Protégées ») de l’IRD entre 2005-2006
(CHEVILLOTTE et al., 2006) et « Moorea Biocode Project » entre 2007-2010 en
collaboration avec la station de recherche biologique R. Gump à Moorea (antenne de
l’Université de Californie à Berkeley). Dix parcelles permanentes (quadrats de 20 m x 20 m)
installées dans le domaine ont également fait l’objet d’un suivi en 2005-2006 et 2010 afin
d’étudier la dynamique des forêts humides de basse et moyenne altitude sur l’île (FRAISSE,
2010). Des résultats complémentaires et observations inédites sur les oiseaux terrestres et les
escargots arboricoles ont été inclus dans cette note technique.
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Description du site
Le domaine d’Opunohu mesure 5,5 km d’est en ouest et 4 km du nord au sud et
correspond à la partie occidentale d’un cratère délimité par les monts Mouaro’a (880 m) à
l’ouest, Tamaruto’ofa (916 m) et Tohi’e’a (Tohive’a), point culminant de l’île (1207 m), à l’est
(Fig. 1). Il constituerait « l’un des plus beaux sites naturels de Polynésie » (MERCERON,
1988). Un vaste ensemble de terrasses agricoles et d’habitation, de lieux de culte et de réunion
(marae, plates-formes de réunion, de tir à l’arc) y a été étudié dès les années 1920 par
l’archéologue Kenneth P. EMORY puis restauré à partir des années 1960 par Roger C.
GREEN (University of Auckland) et Yosihiko SINOTO (Bernice P. Bishop Museum,
Honolulu), témoigne d’une forte occupation humaine à l’époque pré-européenne.
Au milieu du XIXème siècle, les terres de la vallée furent réunies pour constituer un
domaine colonial de plus de 1000 hectares. Entre 1818 et 1925 on y planta une cocoteraie et on
y pratiqua l’élevage bovin ainsi que la culture du coton, de la canne à sucre, du café et de la
vanille (MERCERON, 1988). Le domaine d’une surface de 1570 ha est devenu propriété
territoriale depuis 1962, avec l’installation du Lycée d’enseignement professionnel agricole
depuis 1968, du Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement
(CRIOBE), antenne du MNHN et de l’EPHE, depuis 1981, et les bassins d’aquaculture de
l’Etablissement de Valorisation des Aquacoles (EVAAM) entre 1985 et la fin des années 90.
Le domaine est parcouru par un sentier de randonnée ré-aménagé en 2004, dit « sentier
du Col des Trois Cocotiers », partant du « Belvédère » à environ 240 m d’altitude et menant
jusqu’à un col situé à 395 m donnant sur la vallée de Vaianae au sud. Comme l’écrit Paule
LAUDON dans son ouvrage sur les randonnées à Tahiti et Moorea : « on avance dans
l’amphithéatre de la caldeira, au superbe décor, on pénètre au fond d’une vallée silencieuse
sous la végétation tropicale, on grimpe vers le col gardé par les trois cocotiers isolés,
alignés…L’atmosphère est sereine dans le domaine d’Opunohu, romantique au bord de la
rivière envoûtante dans la magnifique forêt de mape » (LAUDON, 1986) ; Les botanistes
américains ajoutent : « the scenery, viewed from such vantage points as La Belvedere (sic !), at
the head of Opunohu Valley is breathtaking” (MUELLER-DOMBOIS & FOSBERG, 1998).
Figure 1. Carte de localisation et délimitation du domaine d’Opunohu. Les principaux sommets de l’île cités dans
le texte ainsi que les sites du Belvédère et du Col des Trois Cocotiers sont indiqués.
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Flore vasculaire primaire
→→→→ Séries de végétation et types de forêts
La pluviométrie moyenne annuelle dans le domaine d’Opunohu varie entre 2600 mm au
niveau de la mer (période 1994-2009) et 3200 mm à 80 m d’altitude (période 1979-2009) et
dépasse 4000 mm à 450 m d’altitude (V. LAURENT, Météo-France, comm. pers. 2010). Dans
sa carte de la végétation de l’île, le botaniste Jacques FLORENCE (1993) y distingue, outre la
zone de cultures, une série mésophile (groupement climatique < 3000 mm/an) avec une zone
de forêt anthropique à Hibiscus tiliaceus (« purau »)-Mangifera indica (manguier) à basse
altitude et une forêt à Metrosideros collina (« puarata »)-Commersonia bartramia
(« ma’o ») sur les croupes et basses pentes ; une série hygrophile (> 3000 mm/an) largement
dominée par une forêt à Hibiscus-Etlingera cevuga (« ‘opuhi ») (cette dernière espèce étant
néanmoins peu commune dans le domaine) à basse altitude, puis en suivant le gradient
altitudinal une forêt à Neonauclea foresteri (« mara »)-Angiopteris evecta (« nahe ») avec un
faciès à Aleurites moluccana (« ti’a’iri », bancoulier), et un groupement saxicole à Tecoma
stans (« piti popa’a ») sur les falaises et les crêtes sommitales. Les autres faciès de
dégradation comprennent des forêts à Casuarina equisetifolia (« ‘aito ») et des landes à
Dicranopteris linearis (« anuhe »).
Selon Dieter MUELLER-DOMBOIS et F. Raymond FOSBERG (1998), les fonds de
vallées de Mo’orea sont occupées par un type de végétation qu’ils appellent « Valley Forest »,
souvent dominé par Inocarpus fagifer (« mape », châtaigner de Tahiti), Hibiscus tiliaceus,
Aleurites moluccana avec quelques touffes de bambous polynésiens Schyzostachyum
glaucifolium (« ‘ofe ») et parfois, en sous-bois, des massifs denses de caféiers Coffea arabica
et les arbustes ou petits arbres endémiques et indigènes Ixora mooreensis, Cyclophyllum
barbatum (« toro’e’a ») avec la grande fougère Angiopteris evecta. Les bordures de ces vallées
sont occupées par des massifs denses d’Hibiscus tiliaceus, avec Aleurites moluccana et Rhus
taitensis (« ‘apape »).
Une première carte de la végétation légèrement modifiée a été proposée (MEYER et al.,
2007) lors du programme ATI, avec l’aide de la géomaticienne Tiscar MELLADO (Université
de Barcelone) afin de mieux caractériser les forêts naturelles, en distinguant notamment les
différentes catégories de forêts hygrophiles (« low elevation wet forest », « mid elevation wet
forest » et « ridge mesic to wet forest » sur les crêtes sommitales). Enfin une carte de
végétation, plus précise, a été récemment réalisée (POUTEAU et al., 2011) par classification
d’images satellites (Quickbird et TerraSAR-X), confortée par des observations de « vérité-
terrain » : la ripisylve à Inocarpus fagifer absente des précédentes cartes, les « maquis de
crête », les « plantations de Falcataria » et « de Pinus » ont ainsi été rajoutées (Fig. 2).
Les relevés botaniques et phytosociologiques dans les dix stations permanentes
installées dans le domaine d’Opunohu entre 200 et 500 m (FRAISSE, 2010) révèlent que les
forêts sont constituées d’une mosaïque d’habitats, fortement secondarisés à basse altitude avec
la présence de nombreuses espèces d’introduction polynésienne (Aleurites moluccana,
Artocarpus altilis, Cordyline fruticosa, Inocarpus fagifer, Schizostachyum glaucifolium,
Syzygium malaccense) traduisant une ancienne occupation humaine, et une invasion plus
récente et progressive par le miconia Miconia calvescens et le tulipier du Gabon Spathodea
campanulata, la régénération de ce dernier étant apparemment favorisée par les vents violents
et les cyclones comme sur l’île voisine de Tahiti (LAITAME, 2010).
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Figure 2. Carte de la végétation du domaine d’Opunohu (hors zones de cultures)
Quatre grands types de formation végétale naturelle peuvent être distingués dans le
domaine :
(1) la forêt mésophile des basses pentes et des croupes (entre 200-400 m d’altitude) avec
les arbres Metrosideros collina, Pandanus tectorius, Wikstroemia coriacea, Tarenna
sambucina, Commersonia bartramia, Pittosporum taitense, Cyclophyllum barbatum et
Hibiscus tiliaceus, et en sous-bois les fougères Dicranopteris linearis, Davallia solida,
Nephrolepis hirsutula ;
(2) les crêtes et falaises rocheuses exposées (> 400 m) avec les petits arbres et arbustes
Pandanus tectorius, Fagraea berteroana, Tarenna sambucina, Xylosma suaveolens, Maytenus
vitiensis, Cyclophyllum barbatum, Pittosporum taitense, Allophyllus rhomboidalis, Premna
serratifolia, Grewia crenata, Celtis pacifica, Meryta lanceolata, Psydrax odorata, et les
arbrisseaux, herbacées et lianes Alyxia stellata, Melastoma denticulatum, Decaspermum sp.,
Bidens australis, Morinda myrtifolia ainsi que le rare Santalum insulare var. raiateense et la
liane herbacée Stephania japonica (Fig. 3).
(3) le forêt hygrophile de basse altitude (200-400 m d’altitude) avec les arbres Neonauclea
forsteri, Crossostylis biflora, Hibiscus tiliaceus, Rhus taitensis, Pittosporum taitense, Meryta
lanceolata, Pisonia tahitensis, et en sous-bois Ixora mooreensis, Cyclophyllum barbatum,
Zingiber zerumbet, Freycinetia impavida, Angiopteris evecta, Macropiper latifolium, la
fougère grimpante Lommagramma tahitensis et plus rarement Phyllanthus urceolatus et
l’orchidée terrestre Moerenhoutia plantaginea en bordure de rivière ;
(4) la forêt hygrophile de moyenne altitude (> 400 m) avec les arbres Weinmannia
parviflora var. parviflora, Crossostylis biflora, Myrsine ovalis, Alstonia costata, Astronidium
sp., les fougères arborescentes Cyathea affinis et C. medullaris et en sous-bois les rares
arbustes Psychotria sp., Cyrtandra spp. et les orchidées terrestres Corymborkis veratrifolia,
Calanthe spp.
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Parmi les plantes vasculaires remarquables (Tab. 1) figurent notamment trois orchidées
terrestres et le grand arbre Pouteria (syn. Planchonella) tahitensis protégés par la
réglementation en Polynésie française (arrêté n°306/CM du 20 février 2008).
Tableau 1. Liste non exhaustive des plantes vasculaires indigènes et endémiques remarquables (*espèces
protégées par la réglementation). Nom scientifique, statut biogéographique et statut de conservation à Moorea
d’après la Base de données botaniques Nadeaud (www.herbier-tahiti.pf) ; Très rare < 10 individus ; Rare : entre
10 et 100 individus ; Peu commun : entre 100 et 1000 individus ; Commun : > 1000 individus ; § = nouveau taxon
pour l’île.
Nom scientifique Famille Statut
biogéographique
Statut de
conservation
Abondance à
Opunohu
Type
d’habitat
Opunohu
Allophyllus
rhomboidalis
Sapindaceae Endémique
Polynésie orientale
LR Rare Crêtes &
pentes
Barringtonia asiatica Lecythidaceae Indigène - Peu commun Vallées
Bidens australis Asteraceae Endémique Société DD Peu commun Crêtes &
falaises
*Calanthe tahitensis
var. tahitensis
Orchidaceae Endémique Société CR Très rare Crêtes &
pentes
Calanthe triplicata Orchidaceae Indigène - Rare Vallées
Celtis pacifica Ulmaceae Endémique
Polynésie orientale
NE Rare Crêtes
Chamaesyce fosbergii Euphorbiaceae Endémique
Polynésie française
LRlc Peu commun Crêtes &
falaises
Bulbophyllum
longiflorum
Orchidaceae Indigène - Peu commun Vallées &
crêtes
Claoxylon taitense Euphorbiaceae Endémique Société DD Rare Vallées &
pentes
*Corymborkis
veratrifolia
Orchidaceae Indigène - Rare Vallées &
pentes
Cyperus macrophyllus Cyperaceae Endémique
Polynésie orientale
§ Très rare Crêtes &
pentes
Cyrtandra cf. apiculata Gesneriaceae Endémique Société DD Rare Vallées &
pentes
Cyrtandra mooreaensis Gesneriaceae Endémique Moorea LR Rare Vallées &
pentes
Decaisnina forsteriana Loranthaceae Indigène § Très rare Vallées
Decaspermum
fruticosum
Myrtaceae - Peu commun Vallées &
crêtes
Fagraea berteroana Loganiaceae Indigène LR Peu commun Crêtes
Ficus prolixa var.
prolixa
Moraceae Indigène - Peu commun Vallées &
pentes
Geniostoma astylum Loganiaceae Endémique Société DD Rare Crêtes &
pentes
Glochidion manono Euphorbiaceae Endémique IDV LR Peu commun Crêtes,
vallées &
pentes
Grewia crenata Malvaceae Indigène - Rare Crêtes
Hernandia
moerenhoutiana subsp.
Hernandiaceae - - Rare Vallées &
pentes
Huperzia cf. ribourtii Lycopodiaceae Endémique
Polynésie orientale
VU Très rare Vallées
Huperzia squarrosa Lycopodiaceae Indigène - Rare Vallées
Ipomea littoralis Convolvulaceae Indigène - Rare Crêtes
Ixora mooreeensis Rubiaceae Endémique Moorea LRlc commun Vallées
Jossinia reinwardtiana Myrtaceae Indigène - Peu commun Crêtes,
vallées &
pentes
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Lomagramma tahitensis Lomariopsidaceae Endémique Société LRlc Peu commun Vallées
Macaranga attenuata Euphorbiaceae - - Peu commun Crêtes &
pentes
Macaranga tahitensis Euphorbiaceae - - Très rare Pentes
Maytenus vitiensis Celastraceae Indigène - Rare Crêtes
*Moerenhoutia
plantaginea
Orchidaceae Endémique Société § Rare Vallées &
pentes
Meryta lanceolata Araliaceae Endémique Société LRnt Rare Vallées,
pentes et
crête
Myrsine ovalis var.
ovalis
Myrsinaceae Endémique Société LRlc Rare Crête &
pentes
Pelagodoxa henryana Arecaceae Endémique Nuku
Hiva
§ Très rare Planté bord
de route
Phaius terrestris Orchidaceae Indigène § Rare Vallées &
pentes
Octarrhena (syn.
Phreatia) myosorus
Orchidaceae Indigène § Très rare Crêtes &
pentes
Phyllanthus urceolatus Phyllanthaceae Endémique Société LR Rare Crêtes &
pentes
Pisonia tahitensis Nyctaginaceae Endémique Société VU Peu commun Vallées
Pittosporum taitense Pittosporaceae Endémique Société LRlc Peu commun Vallées,
crêtes &
entes
*Pouteria (syn.
Planchonella)
tahitensis
Sapotaceae Endémique Société - Très rare Vallées &
pentes
Psychotria sp. Rubiaceae Endémique Moorea - Rare Crêtes &
pentes
Psydrax odorata Rubiaceae Indigène - Rare Crêtes
*Santalum insulare var.
raiateensis
Santalaceae Endémique Société LR Peu commun Crêtes
Serianthes myriadenia Mimosaceae Endémique
Polynésie française
LR Peu commun Vallées &
pentes
Stephania japonica var.
japonica
Menispermaceae Indigène § Très rare Crêtes
Streblus
anthropophagorum
Moraceae Indigène - Très rare Pentes
Figure 3. Liane indigène Stephania japonica var. japonica observée en sous-bois de végétation de crête mésophile
au dessus du Col des Trois Cocotiers et nouvellement répertoriée pour l’île de Moorea (cliché : J.-Y. MEYER,
2008).
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Flore secondaire
Parmi les nombreuses plantes introduites naturalisées dans le domaine (Tab. 2), figurent
notamment 12 espèces déclarées « menaces pour la biodiversité » par la réglementation (arrêté
n°65/CM du 23 janvier 2006), ainsi que des espèces en pleine expansion comme le palmier
Chysalidocarpus (syn. Dypsis) madagascariensis ou nouvellement répertoriées sur l’île et
potentiellement envahissantes comme Cissus nodosa (Fig. 4).
Figure 4. La liane potentiellement envahissante Cissus nodosa en fruit, observée en bordure de route menant au
Belvédère et nouvellement répertoriée pour l’île de Moorea (cliché : M. FOURDRIGNIEZ, 2009).
Tableau 2. Principale espèces introduites naturalisées dans le domaine. Statut : POL = introduction polynésienne ;
EUR = introduction européenne ; * espèce menaçant la biodiversité ; Très rare < 10 individus ; Rare : entre 10 et
100 individus ; Peu commun : entre 100 et 1000 individus ; Commun : entre 1000 et 10 000 individus ; Très
commun à abondant : > 10 000 individus
Nom scientifique Famille Statut Abondance à
Opunohu
Habitat à Opunohu
Adenanthera pavonina Mimosaceae POL Commun Vallées
Ageratum conyzoides Asteraceae EUR Commun Bords de sentier
* Falcataria (syn. Albizia)
moluccana
Fabaceae EUR Très commun Crête & pentes
Aleurites moluccana Euphorbiaceae POL Commun Vallées & pentes
Blumea sinuata Asteraceae EUR Peu commun Bord de sentier
Cananga odorata Annonaceae EUR Commun Vallées
*Castilla elastica Moraceae EUR Commun Vallées
Centotheca latifolia (syn. C.
lappacea)
Poaceae POL Très commun Vallées
Chysalidocarpus (syn. Dypsis)
madagascariensis
Araceae EUR Peu commun Vallées
Cissus nodosa Rutaceae EUR Rare Bords de route
Clerondendron chinense Verbenaceae EUR Rare Bords de route
Clerodendron paniculatum Verbenaceae EUR Rare Bords de route
Clerodendrum quadriloculare Verbenaceae EUR Rare Planté au Lycée agricole et
SDR
Coffea arabica Rubiaceae EUR Commun Vallées
Conyza bonariensis Asteraceae EUR Peu commun Bords de sentier
Cordyline fruticosa Lomandraceae POL Peu commun Vallées & crêtes
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Crassocephalum crepidioides Asteraceae EUR Très commun Bords de sentier
Dioscorea pentaphylla Dioscoraceae Commun Vallées
Duranta erecta Verbenaceae EUR Très rare Planté au col
Elephantopus mollis Asteraceae EUR Très commun Bords de sentier
Emilia fosbergii Asteraceae EUR Commun Bords de sentier col
Erechtites valerianifolia Asteraceae EUR Rare Bords de sentier
*Flemingia strobilifera Fabaceae EUR Rare Bords de route
Inocarpus fagifer Fabaceae POL Très commun Vallées
*Lantana camara Verbenaceae EUR Commun Crêtes & pentes
Mangifera indica Anacardiaceae EUR Peu commun Vallées & planté au col
*Melinis minutiflora Poaceae EUR Très commun Vallées
Merremia peltata Convolvulaceae POL Très commun Vallées
*Miconia calvescens Melastomataceae EUR Très commun Vallées
*Mikania scandens Asteraceae EUR Très commun Bords de sentier
Miscanthus floridulus Poaceae POL Très commun Crêtes & pentes
Ochna thomasiana Ochnaceae EUR Rare Vallées
Paspalum conjugatum Poaceae EUR Commun Bords de sentier
Passiflora maliformis Passifloraceae EUR Peu commun Vallées
Passiflora suberosa Passifloraceae EUR Commun Bords de sentier
Pinus caribaea Pinaceae EUR Commun Crêtes & plantations
Piper nigrum Piperaceae EUR Peu commun Vallée, bords de sentier
Psidium guajava Myrtaceae EUR Peu commun Crêtes
Pueraria phaseoloides Fabaceae EUR Commun Vallées
Rhynchelytrum (syn. Melinis)
repens
Poaceae EUR Très commun Crêtes
*Rubus rosifolius Rosaceae EUR Commun Pentes
Schizostachyum glaucifolium Poaceae POL Rare Vallées & bords de sentier
Senna cf. multijuga Fabaceae EUR Rare Bords de route
*Spathodea campanulata Bignoniaceae EUR Très commun Vallées & pentes
Spathoglotis plicata Orchidaceae EUR Commun Vallées & pentes
Spondias dulcis Anacardiaceae POL Très rare Bords de sentier
Stachytarpheta cayennensis
(syn. S. urticifolia)
Verbenaceae EUR Très commun Pentes & pâturages
*Syzygium cumini Myrtaceae EUR Rare Vallées
Syzygium malaccense Myrtaceae POL Commun Vallées
*Tecoma stans Bignoniaceae EUR Commun Crêtes & pentes
*Syzygium floribundum (syn.
Waterhousea floribunda)
Myrtaceae EUR Commun Vallées
Faune
Oiseaux
L’ornithologue J.-C. THIBAULT note, lors de son séjour à Moorea entre 1972-1973
(THIBAULT, 1974), la présence d’une sous-espèce endémique de martin-chasseur vénéré
Todiramphus veneratus youngi (syn. Halcyon venerata, « ruro ») et de ptilope de la Société
Ptilinopus purpuratus frater (« ‘u’upa »), de la fauvette ou rousserolle à long bec Acrocephalus
caffer (syn. Conopoderas caffra longirostris, « ‘otatare ») alors extrêmement rare (« nous ne
localisons que deux couples sur le domaine d’Opunohu ») et qui aurait été vu pour la dernière
fois à Moorea dans un massif de bambou en 1981 (CIBOIS et al., 2008), la marouette
fuligineuse Porzana tabuensis « dans le marais d’Opunohu où plusieurs couples sont
présentes », le coucou de Nouvelle-Zélande Eudynamis taitensis (« le 15 novembre à Opunohu
en forêt secondaire »). Le domaine est également un site de nidification du pétrel de Tahiti
Pseudobulweria rostrata et du puffin d’Audubon Puffinus lherminieri sur les crêtes et
montagnes environnantes (THIBAULT, 1988).
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Nous avons observé entre 2005 et 2010 entre trois et cinq phaétons à bec jaune (ou
paille en queue à brin blanc) Phaeton lepturus nidifiant dans les falaises du mont Tamaruto’ofa
surplombant le domaine. Le coucou de Nouvelle-Zélande a été entendu en mars 2008 au Col
des Trois Cocotier, observé en avril 2008 au Belvédère dans Metrosideros collina vers 230 m
et capturé en septembre 2008 au Col des Trois Cocotiers (Fig. 5). Ptilopes, martin-chasseurs et
pétrels sont protégés par la réglementation (arrêté n°306/CM du 20 février 2008).
Figure 5. Coucou de Nouvelle-Zélande capturé au filet, bagué puis relâché le au Col des Trois Cocotier le 21
septembre 2008 (cliché : E. SPOTSWOOD, 2008).
Entre 2008 et 2010, l’abondance des oiseaux terrestres de la vallée d’Opunohu a été
estimée dans six sites (visités au minimum 10 fois) et trois types d’habitats différents en
utilisant la technique des points d’écoute. Les résultats (Fig. 6A et 6B, E. SPOTSWOOD,
données non publiées) montrent que les espèces les plus communes sont par ordre
d’importance : le zosterops à lunette ou à dos gris Zosterops lateralis, le bulbul à ventre-rouge
Pycnonotus cafer, le merle des Moluques ou martin triste Acridotheres tristis, l’astrild ondulé
Estrilda astrild la tourterelle striée Geopelia striata, tous introduits par l’homme. Les oiseaux
endémiques vus et entendus sont le martin-chasseur vénéré Todiramphus veneratus et le
ptilope de la Société Ptilinopus purpuratus.
Les espèces introduites sont plus abondantes dans les habitats modifiés par l’homme
(plantations de pins des Caraïbes et zone agricoles) alors que les endémiques sont plus
abondantes dans les forêts « mixtes » et les forêts à Inocarpus fagifer autour du Belvédère et du
Col des Trois Cocotiers.
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Figure 6A. Abondance des oiseaux terrestres introduits dans la vallée d’Opunohu en fonction du type d’habitat
(valeur médiane, premier et troisième quartiles du nombre d’oiseaux vus ou entendus pendant 7 minutes dans un
rayon d’environ 100 m).
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Figure 6B. Abondance des oiseaux terrestres endémiques dans la vallée d’Opunohu en fonction du type d’habitat
(valeur médiane, premier et troisième quartiles du nombre d’oiseaux vus ou entendus pendant 7 minutes).
Mollusques
Le malacologue H. E. CRAMPTON (1932) citait la présence d’au moins quatre espèces
d’escargots arboricoles appartenant au genre Partula (Partulidés) dans le domaine d’Opunohu :
P. taeniata, P. suturalis à basse et moyenne altitude, P. mooreana et P. mirabilis à moyenne et
haute altitude. Ces espèces étaient toutes considérées comme éteintes en 1986 suite à
l’introduction de l’escargot carnivore Euglandina rosea à Moorea (MURRAY et al., 1988).
Une petite population relique de P. taeniata a été redécouverte en 2000 par des
étudiants de l’Université de Californie à Berkeley accompagnés du prof. Carole HICKMAN
dans un vestige de ripisylve à Hibiscus tiliaceus et Acrostichum aureum située à l’embouchure
de la rivière d’Opunohu, à proximité de la ferme d’élevage de crevettes. Trois autres
populations de P. taeniata elongata localisées dans le domaine entre 180 et 240 m (vallées de
« Morioahu » et « Maramu » selon CRAMPTON) sont suivies depuis 2008-2009 (Trevor
COOTE, comm. pers. 2011).
Figure 6. Partula taeniata au Col des Trois Cocotiers (cliché : J.-Y. MEYER, 2009).
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Nous avons observé un individu adulte au niveau du Col des Trois Cocotiers vers 450
m d’altitude en 2009, en sous-bois à Freycinetia impavida, Angiopteris evecta, Macropiper
latifolium et sous un grand arbre indigène Neonauclea forsteri (Fig. 6). Un autre escargot
arboricole de la famille des Partulidés, Samoana cf. attenuata, a été observé en 2008 sur crête
rocheuse située au dessus du Col des Trois Cocotiers vers 370 m d’altitude, sur feuille de
Xylosma suaveolens. Une population importante de S. attenuata est connue de la vallée de
« Tefeo » vers 200-220 m (Trevor COOTE, comm. pers. 2011). L’ensemble des taxons de la
famille des Partulidés est protégé par la réglementation.
Conclusions
En raison de la présence de reliques de forêts naturelles mésophiles et hygrophiles de
basse et moyenne altitude et d’espèces végétales et animales (notamment oiseaux et escargots)
remarquables et protégées par la réglementation, la vallée d’Opunohu avait déjà été identifiée
comme l’un des 115 sites de conservation importants en Polynésie française, avec un degré de
menace identifié comme « fort » (MEYER et al., 2005). Elle est également reconnue comme
« Zone d’Importance pour la Conservation des Oiseaux » (ZICO) en Polynésie française
(http://www.manu.pf/PDF/IBA_PF03.PDF).
Devant les perturbations anthropiques croissantes affectant ce site naturel d’intérêt
écologique, notamment les feux (Fig. 7), en relation avec une fréquentation humaine en pleine
expansion (développement du « tourisme vert » et des « sports de nature »), une grande partie
du domaine d’Opunohu, notamment celle classée « Zone de haute montagne » ou NDF de 487
ha, et « Zone forestière » ou NCF de 295 ha selon le Plan Général d’Aménagement, JORCIN,
2003, mériterait une protection plus poussée comme un classement en « aire de gestion des
habitats et des espèces » selon le Code de l’Environnement.
Figure 7. Zone brûlée par un feu accidentel en 2004 au dessus du Col des Trois Cocotiers, vers 420 m d’altitude,
avec recolonisation par des plantes introduites envahissantes comme l’arbuste Lantana camara, les graminées
Miscanthus floridulus, Rhynchelytrum repens et l’arbre Falcataria moluccana (cliché : J.-Y. MEYER, 2006).
MEYER et al. 2011
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Remerciements
Nous remercions chaleureusement Elie POROI, membre de l’association de protection de
la nature « Te Rau Ati Ati a Taua a Hiti Noa Tu » et Julie FRAISSE (Université de Perpignan)
pour l’aide apportée sur le terrain ; l’ornithologue Jean-Claude THIBAULT (Muséum national
d’Histoire naturelle de Paris), le malacologue Trevor COOTE (« Partulid Global Species
Management Programme »), Victoire LAURENT (Météo-France, Direction Inter-régionale de
Polynésie française) et Eliot BESSON (Haut-Commissariat de la République en Polynésie
française) pour la communication de données et de documents.
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