mr china - le temps (suisse)

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I NV ES11R EN CHINE L r TEMS Tim Clissold pensait.faire fertune dans l'i ndus me de la'''ière en Chine. JI a presquetout'perdu. "raoonte ses'mésaventures dans un livre, «Mr China», dont nous publions des extraits, en deux parties,aujourd'hui et demain 1 1 Copyright: Tlm CII.. mt T ~ u c t i o n : P1larSalgadc "Ed. Robin.on. Edition fnlnÇAil H awpr.. da LlINOlIVallaAganee, il Parit veau concurrent local puissant, la bœsseric Yanjing, était appar u et devi nt notre plus roce rival. Sous la press ion grandi ssante, l'optimismejoyeuxdeLincéda la placeà tu: épuisernentmorose. Comme dan s mnt d'entreprises ê t a t i s ~ en Chin e, les ateliers disposaient de trois trop d'ouvrias qui n'avaient souvent rien il faire ets'ennuyaient donc à périr. Al'époque, les licencier était impraticable puisqu'ï n'existait pas e11çore deS)'Stbne public de sê· curité sociale. Les Jiœnr iemcn iS, ou mêmt les déplaccmeniS d'employés vers d'autre! départements, impliquaient les batailles Je plus épuisa ntes. nn'y avait auru ne ttgie Ql' s ~ t é m e de gestion des Rien n'étBiI jamais mis par écrit de manière S ~ t é m a t i q u c ouordonnée. Le eontrôle dequalilé, il va sans dire, étai' une gabegie. A la fin de Cet été-là, on me re mit plusieurs échantillons de notre bière pre. levés sur le marché pékinois. ny avait de! feuilles au fond d'une boUTeille, plusieun au tr es ne eont en aie nt que quelques centi· litr es de bière, une autr e enc ore éta it pleinl mais con ten ait du rub an adhésif. Dans ur seul cas,lcs canettes qu'onmemontra étaien parfaites, mais elles étai ent vide s. Le pire c'étailune bouteillerecyclée mal lavée sur la· quelle l'étiquette originale, à r;:ôté de celle dl Pive Star, indiquait tSIluœsojaf. Pourenrayerla chutedesparts de marché Lin changeaitsans cesse les étiquettes et lan· çaitdes nouvelles marques. Nous finîmes pm avoir un n o m b r e i n c a 1 c u l a b l e d ' ~ q u e n e s , dl nO!Il5 et de couleurs difierents - Pive Star Nine Star, Pive Star lite, Fresh Beer, Chert1 Beer, Oear Beer et même Green Beer. Mail c'ttaitexactementlamêmebiere.fessayaidl convaincre li n que ccla nu is ait à notn: marque. Je lui demand ai qudles au!reS corn· pagnies lui sembiaieJIt jouir d'une image for· te sur le marchi:. Lorsqu'il cita Coca-Cola, jl lui demandai combie n de fois il avait vu ça ne ne s de Coca-Cola bleues. n répondi simplement, tAh oui, mais la bière c'estdiffé. . ren t!i AlOLS j'insistai el lui dis, 'Bien, que pense riez-vous d'uneBudweiserverte?t -Oui, mais c'estunemarqueétrangêre. - D'acrord,etdes êtiquenes vio lett esp ou la Tsingtto? Les êtiquettes de la Tsingmt sontioujours vertes,n' est-cepas? - Oui, mais Tsingmo est dans le Shan· dong. Etcetera. Les voltunes chumnt dangereusement C' les perteS s'accurmùant, il n:y avait d'autre choix qucdcrêduireles cOl1ts. Mais lt partenaire chinois i:mittcrrifié àl'idé e deper. nuber la main-d'œuvre et recourait à de fD.ux-fuyaniS et des délais incessants. Les unions du conseil d'a dmin istr atio n dev e naient de pl us en plus pênibles. Au cours (i. l'uned'entre elles, ilyeut une énonnedisp utJ après que nomavions à nouvea uinsistêpou que la couleurde nos étiqucnes soitunifonnc etMadame Wu me ditque Je tparlais en pet: dechien!t La balail1e qui s'ensuivit ne s'apaisa qUl lorsq ue Lin, qui se retrouvait sou ven t enm nous deux, promitde cesser d'utiliser des éti qu et tes et des çapsules rouges et de SI concentrer sur la traditionnelle couleur bleuI du 10goFive Star.Je confirmai l'accordà plu sieurs reprises (eBJeu! Vous n'utiliserez qut du bleu it) et Mad ame Wu sonit avec mi deur, en grommel ant entresesdents. Deux jours plus tard, je me rendis â 1: brasserie pour une réunionavecLîn. nfaisai atro ceme nt chaud çc mat in- et la cin.:uia tion avait èpr ouv é mon humeur." Mon êta d'esp rit s'as somb rit enc ore lorsque je mar chai sur une merde surleseuil de la brasserie Furieux,;e me demand ai commentdiablew clientpouvaitsupponer Pive Star!Je me diri geai d'Wl pas lourd vers l'arrière-cour do l'immeuble. Pris d'uneimpulsion,jepassai 1: tête dansl'atelier de mise en bouteille. Et vis des rangées et des rangées de bouteilles : êtiquene rouge débitêes par les Après l'accord trouvé :Nec Lin juste deu: jours plus tôt, ce mome ntme parut la défini ti on du dêse sp oir.rappel ai Pa t d'u n quel conquebureau abandonnê durez-de--cllaus sée et je hurlai surlalignegrésillant e, fCC typo doitsetirer!. T. C QINGDAO, 1aFeVRIER 2002 personna1itê. EDe était vistblement 'compé tente dans son travail , mais elle Ilvait un style déclamatoire qui me hërissait instantBné- ment. EUe était plus so uci eus e d'é vit er de perdre la face devant son Ildv ena îre que de trouver des compromisraisonnables. Je savais qu'enplus de son caractère natu· rcl1ement survolté, elle se sentait aulOrisêe à nous lmÎter dur eme nt â cause de la façon dontIa jQinlvtntu1li'avait étê constit uée. Nous avions approché le gouvemement de Pékin, plutôt que le bureaude Madame Wu,etnous avions util:isêl'ex4léguéecommerciale des EiaI3-Unis l Carla HiJ1s, pour faire pression SUI les miniStres les pius importarm afin que notrecontrat soit approuvé. Les procédures habituelles avaient été ignorées et Je bmeau de Mad ame Wu avait appris l'existence de l'affiJire alorsqu'clIeêtaitciéjârondue. L'imbroglio ne futrésolu quelorsque je fis êtablir les documenlll lêgaux pou r po ur suivre enjusticck part enaireçh inoi s etque je les lan çai sur le bureau de Madame Wu. Je sus quenous par vie ndr ion s à un acco rd, car eUe ne m'envoya pas tou t desuite au diable. C'êta it un compromis bancal, mais au fon d de moi, j'en étais satisfait nous avions des droiiS de gestion plus étendus,un acti onn a ria t plu s importa nl et la durée de lajWn ven tlmavait été prolongée de 30 â 50 ans. La seule chose surlaquel le Madame Wu et moi êt ion s d'ac cord était que Xu devait partir. Elle Je fit venir danssonbureauetie li- cencia.Je nelercvis jamais. . Entre tempS, les affaires s'étaient rapide ment détériOI'écs. Nous avions peude temps pour engager un no uveau directeur pour remplacer l'inf ortu Xuet la pressionmon tait Après quelques semaines, Madame Wu pré sent a son candidat li n Huichen. TI pre senmît l'avantage d'être secrétaire de parti de l'une des l'llttS entreprises étatisêes de Pékin qui rnpponaient de J'argent L'inconvénien t, c'est qu'il s'agissait d'une fabrique de pianos. Mais Pat émitimpress.ionné et il n'y avaitpas vraûnerltd'aitemative.Nousl'engageâmes. Un rommença bien. L'anné e suivan te, 1997, fin en IICl: progrès, avec desventes en . hausse et des pertes réd ui tes quinous am e nèrent pre sque au seuil de rentabilité. Mais cette amélioration fut temporai re. Un no u- Madame Wu défendait l'honneur de la nation contre les ric hes étrangers, ce qui plaisait à ses supérieurs toirs po_ur ouvriers la place du terra in de la brasse rie numéro trois.Je dis que c'I:tait hors de question. .Bien, que airiez-vous a'unjar din d'enfants? dil-ene. Et il ya Wle installa tion de traitement de3eaux. Dpeut avoir de la w1eiu:si vous dnûneilamare!t. Une disp ute s'ensuivit. Nous avez accep d'acheter q û e l ~ tasses â thé, dit-dle,' dèt aÎ[ â vous âelV8ifÎtt,si elles êmient ébré chêes ou pas:t. Je r é p o n d i . ~ qve j'étBis d'ac cord, mais que si 1es tasses à thé n'existaient mèrne p ~ i 1 faudr.iit qu'elle apPQrle de rar gent liquiGe. Elle Iirorqua: .o h pon, je n'uti ' l i s e j a m a i s d e l ' i U g t ! l t p r é v u p o u r d u ~ pour aCheter de la sauce au SOJa, il n'ya pas d ' ~ t liquidé ce genre de chosesli DeUx,heures plus taro, ç'ètaitl'im pass e et nous nouslancions des regards noirs par-dessutila mble., Malgre des liunions quasi hebdoma daires, il fallut dix-huit mois harassaniS de cris, d'a1œrcations et deportes claquées pour mettredel'ordre dans cechao s. Pendant tout ce temps, Madame Wu renforça délibéf'é.. ment sOn air de reine Amazone, défendant courageusement l'honneur de la nation contre les riches êltllllgerS, ceqw eut Je don de pla ire à ses s u p ê r i ~ au sein du bllmlu. Ele aait fière de sen image et me dêclara un jour sans honte qu'dle avaiT.été rone dou ce jcwJe fille de SHanghai, mais ce que vous voyezmaintenantc'tStWlevirago de Pékin! •. Elle Etait p e t i ~ , ootpulente, les pie ds piu tôl plats el, de mon poînt de vue, oompltte ment imperméableil la raison Elle avaitune formation d ' î n g ~ et avaitgrnvi les éche lons jusqu'au posœ de diIeaeur d'usine. Elle avait rêussi à remonterune entreprise a g r o a ~ limentaire déficitaire par la ~ u 1 e force desa Les aventures d'un capitaliste américain (1) TI y avait un autre problème : Xu avoua qu'il avait des diffiC\Ùtts pour transfèrer les actifs clunoîs dans J'e ntre pris e commune. TI existait un confli t au sujet d'un immenseter rain de l'une des brasseries et cela avait crée un ênorme manque dans les actifs du parte naire chinois. que nous reg ard ion s, de nouve aux problêmes surgissaient, Je com men çai s à entrevoir les dimensions,du bour bier oU nous enfonci ns. Nos appels à l'aide à P&in ne rencontra ient qu'un silence gl ant. Notr e se ul recOW'S était de trniter avec leniveauintermédiaire-lepatron direct deXu. Niadame Wu Hong bo, ing éni euren chef du Cin qu ièm e bur eau de l'ind ustr ie lég ère du gouvernement municipal pop ulai re de Pékin,fitsonentréedanslasalle de réunion la mine renfrognée, et)eta son sac à main surla table. On lui avait assigné la tâche de mettre de l'ordredans ectte pagaille, mai s ce rravail lui inspirait ~ b l e m e n t la plus vive répu- gnm=. . Tassée de J'autre côté dela table, elle an· non ça qu' ell e com men cerait par exam iner les résuha ts de l'équipe dirigeante bJ1ls.. serie avant de traiteravec moi. .raiici, dit-die en observanr avec méfiance le malheureux Xu â travers ses lunettes démodées â épaisse monture, trois plannings avec les résulmts de chacune des grandes bnlSStries de Pêkin pour le premier trimestre et je veux savoir pourquoi vous autres êtes si loin derri èrel. Eleménageaune pause afinde1aisser âXu1e temps de saisir l'eff royable vérité - elle s'êtait armé e defajl$-puis elle éleva la voix et, le fla gella desmtistiques. .fécoutais, atterré, la rép rim ande. Mon tourvîendrait. Extrayantun petircalepin des profondetmldesonsacàmain,MadameWu me demanda ce que je pro pos ais pour ooudre"_. Je lui répondis que c'êtait le problème du partenaire chinois .• Nous avons apporté de l'arg ent liqu ide , dis-je, el noo investisseurs souhaitent savoir quand la partie chinoise poUlill sc pltsenter avec se s actifs .. Elle re pondit sèchem ent que nos investisseurn n'a vai entrien â voir avec clic et que si nous voulions mriment r ~ d r e le probléme des actifs, nous pouvions ajouter que lqu es dor- L es prerruers à amener la bière en Chi nefurent les AI1emands, qui construi sire nt une bra sse rie à Tsing mo, dans la province côtière du Sha nd ong, au dêbut du XXe siècle. La premièrefois qu'ils goûtè rent aU'nouveau brcuwge, les autochtones yirent se confumer leur soupçon que ces ~ e r s nouvelJement.arrivès êœient d ' i n ~ compréhensiblesbarbares: la bière étaitarnê re, elle envoyait des nuages dega z dans leur arrière nez et gonflait J'estomae avant de monteràlatête. Mais peu , peu la bière devînt plus popu. laire el, dans les années 1290, les Chinois ,avaient dêpassé les Allemands en devenant les deuxièmes plus gros consommateurs de piere . Les brasseurs multinationauxse b0us Culaient, hypnotisés par la per spe cti ve d'un milhardde buveursde biére assoiffés. p Er l'objectif suprême d'un investisseur ttrnnge:r sur ce m a r c i l . ~ en pleine expansi on était Five Star, la marque de bière la plusim· portante du pays. Elle semblait hors de por ree mais, après' des mois de négociations tor· tueuses, nous avons banu qua tor ze autres açquéreurs pot ent iels. Au prin temp s 1995, notre compagnie, Asian Strategic Invest meuts COipOr ati on (Asirnco), invest issai t dans les brasseries Piv e Staret dan s une pius petite brasserie concu. rrente, Thrce Ring, 0 Mon partenaire Pat et moi entrions dans le l5 businessdelabicre. ! FIls de sidèrurgisle, Pat était devenu un :( oonquier de Wall Streetplus vrai que nature: Usine Tsingtao, L'entreprisedomine le plus grand marché mondial de la bière. :ravates en soie rose, costumes bleus à fines :ayures, un rire tOlÙtruant et un Q P ~ t i t insa iBble pour les hw"tres, le champagne et1es ci" cubains. Après le dîner, il restait assis Jans des nuages de ftunèe, les, verres de vin lisséminés sur la table, à plaisantetetàhurler Je rire, sans cesser de nipote rles énonnes ro lis de ses bouton s de manchettes en or.Jel'ai mcontré après son arrivée en Chine. TI étair JOtlvaÎnru que, romme les Etats-l:Jnis 61a fin les années 1800, ce êmlt prêt pour une ~ 1 1 l l l s s i v e . fMais œr.tefOt'l, disait-il, escra plus grosetplus rapide .• Vuoe WàIl Street, il semblait J'Ame. îqu e et la Clùne ~ I l e s deux seul s pays uffisamment gran9s pour soutenirles entre rrises uniquement pe à lews mar chè s in :mes. Etla Qrine, conune J'Amérique dela n des années 1800, t:taitSUl"le poin[devoir ::sind\lSUtes se consolider. C'étaitle dern ier 'larChi: sur terre avec Wl,polcntfel aussi in royable etce dont il avait besoin, c'était de lpimlOC Beaucoup de capitaux . C'atIaque pusentrions en scène. Quelques semaines après notrelIlvestisse 'lCIlt dans la brnsseric, je reç us une no te du irecteur de l'usine de Five Star, un cer tain Ji. Xu. Dans des caractères chînois difficiJe... ;Jent déchiffrables, il semblait demander me 1 compréhension pour certains paiemenlli rgents qu'i l avail eff ectu er pendantl'ab mec à l'é tta nge r du pré sid en t PaD. Je n'y rèmi d'a bor d pas gra nde att en tio n, mais IrsqUCje demaridai â quelqu'undeme fow... le solde acti fde l'en trepr isecommune,on itréponditqu'ilnerestaitque quelquesmîl ms. Cela ne1pouvait pas ê tr e vrai Nous >'ions verséplus de 60 millionsde dollars sur : compte deux semaines auparavant, alors posai à nouveau la question. Eten effet, il 'y avai t plus maintenant quequelques mil ?11S. Environ 58 mil lionsde dollars avaient i transférês au cO\ltS des trois derniers -urs.fétais sans voix. Cornmentccla avait-il il se produire? Les docu ments dép osè s à la mque spécifiaient que tout pai eme nt rc Jénüt notre signature. Akmi que j'essayais C(lmprendrt CI: qui s'était pm, Patappe des Etats-Unis. Je lui expliquai la dispari Xl de 58 millions de do11ars. fi restll unlong lOrnent silencieux puis s'exclama: tlI faut trouver ce foutu fuç ou les investisseurs llltsetirero. ns'avêra que notre partenaire chinois de Ille Star avaitde gros cmpnmiSimpayès au 'ès d'une des banq ues de dépôiS. Les fone )Maires dela banques'inquiétaient L n - l'ils ava ient vu une grosse somme argenT liquide arriverSUI Je compte bancai de J'entreprise commune, ils avaient per I8dè Xu de reprendre les registres de s i g n a ~ res du com pte , de le remplacer par un lTre ne re quérant que sa signature et de mbourser lesemptunts. Xuavait accepté. n vintnousvoir,levisagesuinmnt la c u l p a ~ itê en nous expliquant â grand-peine les ûiS des pénalitêsde retard.Mais Jefaitêtait compli. L'arge nt ne serait jamais réropèré même si nous retrouvioll S sa valeur en le duisant de la contribution d'actifs denatte ltenaire chinois, l'affaire sc rctro t1vait 'USCIllentâ cour t de liquidités.

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