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Paolo E. Balboni Documents de didactique des langues Département des Sciences du langage Université Ca 'F oscari, V enise MODELES OPERATIONNELS POUR L’EDUCATION LINGUISTIQUE 4

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Paolo E. Balboni

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MODELES OPERATIONNELSPOUR L’EDUCATIONLINGUISTIQUE

4

Paolo E. Balboni�

ISBN 978-88-557-0065-8

Finito di stampare nel mese di novembre 2007 da Guerra guru srl - Perugia

Documents de travail sur la méthodologie de l’enseignement des langues.Directeur de collection: Prof. Paolo E. Balboni

Une publication du “Laboratorio ITALS – Italiano come lingua straniera” Département des Sciences du Langage, Université Ca’ Foscari, Venise.

Titre: Modèles opérationnels pour l’éducation linguistiqueAuteur: Paolo E. BalboniTraduction: Odile ChantelauvePublication No. 4 de la sérieAnnée de Publication: �007Imprimé par Guerra Edizioni© Copyright �007, Guerra Edizioni, Via A. Manna, �506�3� Perugia

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Table des matières

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1. Les modèles opérationnels dans l’éducation linguistique �.� Le rôle des modèles opérationnels dans le cadre épistémologique de la Didactique des langues �.� La nature et le rôle des modèles opérationnels 1.2.1 Le concept de “modèle” 1.2.2 Le concept de modèle “opérationnel” 1.2.3 Les contextes d’application des modèles opérationnels �.3 Quarante ans de recherches sur les modèles opéra- tionnels �.4 Synthèse

2. Un modèle tridimensionnel et souple de curriculum �.� Curriculum, corpus, syllabus, programme 2.1.1 L’analyse des besoins comme acte politique et social 2.1.2 La définition des finalités de l’éducation linguistique 2.1.3 L’identification des objectifs didactiques et des contenus �.� Des curricula bidimensionnels aux curricula tridimensionnels 2.2.1 La structure d’un curriculum tridimensionnel 2.2.2 Les contenus d’un modèle tridimensionnel 2.2.3 Le modèle de certification du Portfolio Eutropéen �.3 Synthèse

3. Le modèle d’interaction didactique 3.� Le modèle traditionnel: la nature des composantes 3.� Le modèle interactif: la nature des composantes et leurs mécanismes d’interaction

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3.3 Synthèse

4. Modèles opérationnels pour la didactique: le module, l’unité didactique, l’unité d’apprentissage 4.� Les trois modèles hérités du XXe siècle 4.� L’Unité d’Apprentissage et l’Unité Didactique 4.2.1 La phase d’introduction à l’UD 4.2.2 Le réseau d’UA 4.2.3 La phase conclusive de l’UD 4.2.4 La phase d’interlude 4.3 Le module 4.4 La hiérarchie entre Modules, Unités Didactiques et Unité d’Apprentissage 4.5 Synthèse

Références bibliographiques

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1. Les modèles opérationnels dans l’éducation linguistique et littéraire

Ce que nous nous proposons dans ce Document, c’est la réflexion sur des modèles (c’est-à-dire des structures économiques et simples d’uti-lisation, applicables à toutes les situations de didactique des langues) opérationnels (c’est-à-dire qui permettemt de rendre opérationnelles les indications théoriques d’une approche didactique).Cette réflexion sur les modèles opérationnels est rendue nécessaire par la tendance d’une grande partie de la recherche en didactique des langues à focaliser son attention sur la dimension de l’approche (c’est-à-dire la partie « déclarative » de la connaissance en didactique des langues : par exemple, « savoir une langue signifie posséder la compétence communicative dans cette langue »), et sur l’action didactique, sur les techniques de classe, sur les méthodologies qui les caractérisent (didactique ludique, coopérative, inductive/déductive, basée sur les tâches, sur la résolution de problèmes, etc.), négligeant la délicate pha-se intermédiaire, qui raccorde la philosophie didactique de l’approche avec l’action didactique des activités : c’est le rôle de la « méthode », vue comme ensemble de modèles opérationnels, dans le sens que nous définirons au point �.�.

1.1 Le rôle des modèles opérationnels dans le cadre épistémolo- gique de la didactique des langues

Dans le premier des Documents de didactique des langues (Balboni �006a), nous avons esquissé le cadre et la hiérarchie des connaissances en didactique des langues: il nous paraît utile de reprendre ici deux notions clés.Commençons par un schéma qui peut illustrer visuellement la complexité conceptuelle de la didactique des langues, selon une perspective que nous avons empruntée à l’étude classique d’Anthony (�97�):

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Certaines sciences théoriques (par exemple la linguistique, les neuroscien-ces, la psychologie, l’anthropologie, etc.) et certaines sciences pratiques (par exemple la pédagogie, la méthodologie, etc.) fournissent à l’univers de la didactique des langues des « théories » de référence. Comme on le voit sur la figure, elles sont extérieures au cadre qui délimite cet univers; la didactique des langues recourt aux théories, aux sciences qui visent la connaissance, non l’opérationalité, pour en tirer les informations utiles à l’accomplissement de sa fonction, c’est-à-dire « théoriser et réaliser les parcours de l’acquisition/éducation linguistique.La connaissance dans le domaine de la didactique des langues, et par conséquent ses actions, s’articulent sur trois niveaux:

a. approcheSur la base des sciences du langage et de la culture, des sciences psychologiques et de celles de l’éducation, les connaissances qui rentrent dans l’ « approche » mènent à la définition:

Paramètres de validation/invalidation

Fondée/infondée, sur la base de théories ex-térieures à l’univers conceptuel de la didactique des langues;Génératetrice/non génératrice de méthodes qui puissent la réaliser en pratique. Adéquate/inadéquate pour réaliser l’approche;Cohérente/incohérente en elle-même.

Adéquate/inadéquate et cohérente/incohérente par rapport à la méthode et à l’approche;Efficace/inefficace pour atteindre les objectifs.

THEORIES

APPROCHE

METHODE

TECHNIQUE

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----

-▲

----

----

-▲

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- d’une idée de langue et de communication; - d’une idée de culture et de civilisation; - d’une idée de la personne qui apprend, dont, selon les ap-

proches, on considère différemment les styles cognitifs et d’apprentissage, les types de motivation, le type de relations avec les compagnons de parcours, etc.;

- des finalités de l’éducation linguistique, en tant que compo-sante de l’éducation générale, et des objectifs spécifiques de l’enseignement linguistique;

- d’une idée d’enseignant, vu non seulement comme la personne qui enseigne, mais comme le système éducatif tout entier.

Une approche est donc à la fois une philosophie de la langue, de l’ap-prenant et de l’enseignant, et on l’évalue en fonction:

- du bien-fondé scientifique des théories auxquelles elle a em-prunté ses principes;

- de sa cohérence interne, c’est-à-dire de la façon dont elle respecte le principe de non-contradiction;

- de sa capacité à engender des méthodes en mesure de réaliser l’approche elle-même.

b. Méthode (et méthodologie)Une “méthode” est un ensemble de principes méthodologiques-didacti-ques qui traduisent une approche en modèles opérationnels, en matériels didactiques, en modalités d’utilisation des technologies didactiques, en modèles de relations enseignant/élèves et élèves/élèves.Une méthode n’est pas “juste/erronée”, “bonne/mauvaise”, comme on le dit souvent dans les discussions entre traditionalistes et innovateurs en didactique des langues, mais on l’évalue en fonction de sa capacité à:

- rendre opérationnelle la philosophie de l’approche qu’elle entend réaliser;

- être cohérente en elle-même; - fournir des coordonnées pour identifier les techniques didac-

tiques cohérentes avec la méthode elle-même; - fournir des coordonnées pour identifier des utilisations de la

technologie didactique intégrées avec les autres composantes de la méthode.

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Une explication est nécessaire sur le sens de deux termes différents: méthode, c’est-à-dire la traduction opérationnelle d’une approche, et méthodologie, qui a deux sens:

- d’une part ce terme décrit l’ensemble de principes et d’actions qui ont un but didactique – et en ce sens c’est un synonyme de “méthode” au sens où nous l’avons utilisé;

- d’autre part il se réfère à un aspect, à une connotation qui donne une nuance particulière à une méthode; il y a la métho-dologie humaniste-affective, qui insiste sur le rôle de l’émotion et sur la nécessité de respecter la complexité de la personne prise comme un tout (c’est une caractéristique de l’école vénitienne depuis les années Quatre-vingt-dix). À l’intérieur de cette méthodologie, un rôle particulier est attribué à la méthodologie ludique (v. le troisième Document, Caon �006a); pour l’Ecole Vénitienne sont intéressantes également la métho-dologie par ateliers, l’apprentissage coopératif, la méthodologie CLIL�.

Autrement dit, une “méthode”, dans cette hiérarchie épistémologique, est le moment de passage de la philosophie de l’enseignement linguis-tique (approche) à la réalisation opérationelle en classe (technique), alors qu’une « méthodologie » est une caractéristique particulière d’une façon d’enseigner.

c. technique Les techniques sont les actions didactiques qui sont utilisées pour atteindre un objectif; toutes les techniques ne conviennent pas à tou-tes les intelligences, à toutes les stratégies d’apprentissage, et elles doivent donc être sélectionnées de façon à ne pas pénaliser un type de personnalité par rapport à un autre (nous consacrerons à cet aspect le Document numéro 7 de la présente série); sur le plan de la réalisation, les techniques sont de deux types:

� Sur ces thèmes le groupe vénitien a produit, pour nous limiter aux volumes sans parler des nombreux essais, Coonan �00�, Cardona �00�, Balboni �00�, Serragiotto �003, Caon-Rutka �004, Caon �005, Caon �006b; un des prochains Documents, confié à Paolo Torresan, sera une ultérieure contribution vénitienne à ces méthodologies.

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- des exercices, basés surtout sur la manipulation, visant la fixation plus que l’usage de la langue;

- des activités, basées sur la créativité, sur des problèmes à résoudre en utilisant la langue étrangère, caractérisés généra-lement par un écart de connaissances à combler en utilisant la langue, ou par une différence de connaissances, d’opinions, de raisonnements d’où partir pour négocier une position partagée; la didactique basée sur les tâches privilégie les activités plutôt que les exercices.

Les techniques ne sont pas “bonnes/mauvaises”, “modernes/dépassées”; on se demande simplement si elles sont

- adéquates pour atteindre les finalités et les objectifs de l’ap-proche et de la méthode;

- cohérentes au plan conceptuel avec la méthode et l’approche dans le cadre desquels elles sont utilisées;

- efficaces pour atteindre l’objectif didactique qui est fixé. (Pour un approfondissement, v. le chapitre � du premier Document de la présente série).

1.2 La nature et le rôle des modèles opérationnels

Les modèles opérationnels sont des « modèles » qui servent pour « opé-rer », pour « agir ». Ces deux dimensions aussi méritent un approfon-dissement, avant de passer à la discussion. Nous le ferons en recourant à deux notions de la psychologie cognitive, celle de « connaissance déclarative » et celle de «connaissance procédurale ».Les connaissances déclaratives sont habituellement des affirmations basées sur le verbe être : « une langue est composée d’un corpus lexical et d’une série de grammaires », « une langue est variable dans le temps et dans l’espace », « le phonème sourd /t/ s’oppose au phonème sonore /d/ », « la phrase ‘de vertes idées incolores dorment furieusement’ est correcte au point de vue morpho-syntaxique, mais elle est dénuée de sens », et ainsi de suite.Les connaissances procédurales sont des chaînes basées sur la séquence “si … alors …”: “si une langue est variable, alors il faut décider quelles variétés insérer dans le curriculum et à quel stade de l’acquisition”: « si

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les motifs pour lesquelles les gens étudient les langues sont différen-tes, alors on devra penser à un curriculum qui réponde aux différents motifs ».

1.2.1 Le concept de modèle

Pour définir un modèle (pour un approfondissement, v. le Document numéro � de la présente série), trois « connaissances déclaratives » sont nécessaires.Un modèle:

a. est une structure qui inclut toutes les réalisations possibles du phénomène étudié: autrement dit, on doit penser des modèles universels pour l’enseignement de la langue maternelle, de la langue seconde, des langues étrangères etc. (v. �.�.3);

b. doit être en mesure de générer des comportements: un modèle comme celui de “compétence communicative” n’en est pas un s’il ne génère pas “exécution, performance communicative”. Pour utiliser les termes de la psychologie cognitive, disons que les modèles sont des formes de connaissance déclarative qui doivent générer de la connaissance procédurale;

c. doit être économique, simple à utiliser: par exemple la maquet-te d’un bâtiment inclut toutes les propriétés essentielles (les volumes, les relations entre eux et avec le contexte extérieur) et il n’est pas surchargé d’informations secondaires (la couleur, le nombre et la forme des fenêtres, des portes, etc.). Pour pou-voir être simples, les modèles sont souvent organisés de façon hiérarchisée, ce sont des hypertextes: par exemple, nous aurons un modèle général de “curriculum” et, en cliquant sur le mot “curriculum” nous trouverons des approfondissements relatifs à la langue maternelle, seconde, étrangère, etc.

1.2.2 Le concept de modèle “opérationnel”

Les modèles opérationnels sont ceux qui permettent de traduire l’appro-

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che, c’est-à-dire l’ensemble de “connaissances déclaratives” sur la nature de la langue et de la culture, de la personne qui apprend et de celle qui enseigne, en une méthode, c’est-à-dire un ensemble de « procédures” pour faire en sorte que les personnes qui enseignent (enseignants, organisateurs de cours, auteurs de matériels, etc.) puissent amener les personnes qui apprennent (étudiants adultes, jeunes, enfants, etc.) à maîtriser selon leurs buts (ou les buts de l’institution scolaire, dans le cas où on ne donne pas aux élèves la possibilité de décider) une cer-taine langue (et, pour les langues différentes de la L �, aussi la culture correspondante).Les procédures, comme nous l’avons rappelé ci-dessus, sont des chaînes basées sur la séquence “si… alors …”; “si” renvoie aux déclarations présentes dans l’approche, “alors” en tire les conséquences opération-nelles.

1.2.3 Les contextes d’application des modèles opérationnels

Un certain nombre des destinataires des présents Documents sont des spécialistes de l’enseignement des langues étrangères et secondes, d’autres s’occupent de l’enseignement de la langue maternelle: il est donc naturel que chacun lise ces Documents selon son optique propre – mais en réalité notre but, qui caractérise de l’Ecole Vénitienne de didactique des langues, est de voir ce domaine comme l’étude de l’édu-cation linguistique dans son ensemble, et les modèles opérationnels dont nous discuterons doivent être vus en pensant à tout l’éventail des langues qui peuvent faire partie de l’éducation linguistique, dont les composantes sont:

a. langue maternelle (L1) “Langue maternelle” est une notion intuitivement très claire, et en réalité très complexe; nous entendons ici celle du milieu familial dans lequel l’enfant grandit, celle dans laquelle il pense (mais il y a des per-sonnalités bilingues qui pensent en plusieurs langues), dans laquelle il jure quand il se fait mal, dans laquelle il fait un rapide calcul mental pendant qu’il joue aux cartes…La didactique de la L� a un rôle précis: systématiser et améliorer la qua-

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lité d’une langue qui, au moment où on entre dans le système formatif formel, aux alentours de six ans, est déjà acquise: nous aurons donc des modèles d’affinement de l’usage et de réflexion métalinguistique, pas des modèles d’acquisition, car celle-ci est considérée comme pré-requise.

b-c. langue étrangère (LE) et Langue Seconde (L2) La confusion dans ce domaine est très fréquente, et elle est présente aussi bien dans la conversation quotidienne entre enseignants qu’au niveau institutionnel et au niveau scientifique: le cas le plus évident est la vulgate internationale de la Second Language Acquisition Theory de Krashen, appliquée parfois, par son auteur lui-même, non seulement à des contextes de langue seconde, mais aussi à des contextes de langue étrangère. Rappelons simplement ici que:

- la LE n’est pas présente dans l’environnement dans lequel elle est étudiée (par exemple l’anglais étudié en Algérie), alors que la L� est présente dans l’environnement (l’anglais étudié par un Algérien, étudiant ou immigré, en Angleterre);

- dans la LE, l’enseignant sélectionne et gradue l’input, c’est-à-dire qu’il offre son propre modèle linguistique et celui qui est apporté par les technologies qu’il choisit d’utiliser: toute l’acquisition se produit sous la direction de l’enseignant, alors que dans le cas de la L�, l’apprenant vit en immersion dans la L� elle-même, ce qui fait que l’enseignant ne contrôle ni l’input, ni ce que l’apprenant acquiert spontanément;

- les activités didactiques de LE sont souvent des faux pragmatiques (qu’on pense à un jeu de rôles en LE entre deux élèves qui parta-gent la L�), alors que dans la plupart des cas en L� les questions sont de vraies questions, dont on ne connaît pas la réponse à l’avance, elles renvoient à la vie réelle, non simulée, de l’élève.

d. langue ethnique C’est une forme particulière de langue seconde : elle est parlée par la communauté d’origine d’une personne qui ne l’a pas acquise comme L�, mais qui l’entend quand même utiliser dans son milieu familial (qu’on pense aux enfants de couples de nationalités différentes) ou dans les communautés des immigrés ; la langue ethnique n’est presque jamais la langue standard du pays d’origine, mais c’est une variété locale ou un

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dialecte, et souvent la famille et la communauté offrent des modèles linguistiques obsolètes.

f. “lingua franca” Le latin et le grec le furent il y a deux mille ans, l’anglais l’est aujourd’hui: une “lingua franca” est une langue utilisée en général sous une forme simplifiée (sans arriver à être un pidgin) pour faciliter la communication internationale. Dans la plupart des cas, l’anglais enseigné aujourd’hui n’est pas une langue étrangère mais une « lingua franca »: l’intérêt pour la culture britannique ou américaine disparaît; on ne cherche pas une prononcia-tion et une intonation proches de celles d’un natif; le lexique se réduit et perd les synonymies; le résultat pragmatique a plus de valeur que la précision formelle.

g. langue classiqueLe grec et le latin ne sont plus utilisés en production communicative, mais ce sont des langues de réception communicative: ce sont les langues parlées par les textes littéraires, philosophiques, juridiques sur lesquels se fonde la civilisation occidentale, de même que l’arabe classique est la langue du Coran. Ce ne sont pas des « langues mortes », car l’Iliade, l’Enéide, le Coran « parlent » encore à des millions de personnes.

h. langue artificielle Au siècle dernier différentes langues artificielles ou “internationales” ont été proposées, mais il n’en reste que deux de vivantes:

- l’esperanto, qui n’est pas la L� de ceux qui le parlent; - les langues des signes utilisées pour la communication avec et

entre les sourds, et qui peuvent être les langues maternelles de leurs usagers.

Comme on le voit, cette idée d’éducation linguistique, propre à la di-dactique des langues italienne dès les années Soixante-dix, exige une réflexion forte sur les modèles opérationnels qui peuvent être utiles dans tous les contextes et ceux qui ne conviennent qu’à certains des huit contextes vus ci-dessus.

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1.3 Quarante ans de recherche sur les modèles opérationnels

La première chaire di didactique des langues en Italie voit le jour à Venise en �969, et, après avoir été confiée un an à Renzo Titone, elle est occupée par Giovanni Freddi pendant un quart de siècle, jusqu’en �994. Ce sont des figures essentielles pour le présent Document, pour l’attention que tous les deux ont portée aux modèles opérationnels, et en particulier à L’Unité Didactique, par laquelle nous commençons ce bref panorama chronologique, qui fournit les bases pour les chapitres suivants:

a. années Soixante-dix: la réflexion sur l’unité didactique (UD) En �970 Freddi publie Metodologia e didattica delle lingue (Méthodologie et didactique des langues), qui consacre sa partie centrale à un modèle opérationnel provenant de l’activisme américain, l’UD, et en �97� il approfondit la réflexion au cours d’une série de conversations télévisées pour la formation des enseignants ; deux ans plus tard, en �976, Renzo Titone (qui entretemps était passé à l’université de Rome) publie Psico-didattica (Psychodidactique), qui reconstruit l’histoire de l’UD.Au cours de la même période, Giovanni Freddi est secondé à Venise par une de ses élèves, aujourd’hui à l’Université de Rome �, Elisabetta Zuanelli: elle aussi, même si elle s’intéresse davantage à la dimension de l’approche et à la politique linguistique, elle consacre aux modèles opérationnels un volume de �983.Le modèle proposé par Freddi reste pratiquement identique pendant trente ans et il devient la base pour tous les matériels didactiques italiens de LE et de L�, mais il ne pénètre pas le monde de la langue maternelle et des langues classiques;

b. années Quatre-vingt: la réflexion sur le curriculum Au cours des années Quatre-vingt l’équipe vénitienne s’enrichit de quelques jeunes – Balboni, Bonini, Chantelauve, Coonan – que Freddi associe dans une réflexion qui mène à repenser complètement la logique du curriculum de LE pour Italiens (Freddi �987a, b, �988, �989).Dans les années qui suivent, Balboni (�995) modifie la structure “directive” des années Quatre-vingt selon une logique plus souple et modulaire;

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c. années Quatre-vingt-dix: l’attention aux techniques didactiques Après avoir exploré au cours des deux décennies précédentes les deux modèles opérationnels fondamentaux, à savoir le curriculum et l’UD, le groupe vénitien focalise son attention sur leur réalisation pratique et sur les techniques didactiques. Freddi (�990a, b) en étudie les réalisations multisensorielles possibles (faire intervenir non seulement la dimension linguistique, mais aussi le mouvement, la vue, etc.), alors que Balboni (�99�) part des objectifs indiqués dans le curriculum pour explorer les techniques qui peuvent les réaliser; dans la réédition de �998, la réflexion sur les techniques s’étend des LE à la langue maternelle et aux langues classiques.Au cours des années Quatre-vingt-dix, le groupe s’enrichit de la contribution de Roberto Dolci (aujourd’hui à l’Université pour Etran-gers de Pérouse) qui, avec Gianfranco Porcelli (un des premiers élèves de Freddi, de l’Université Catholique de Milan) fonde d’une manière nouvelle, essentiellement constructiviste et non plus transmissive et purement instrumentale, la réflexion sur l’utilisation des technologies didactiques (Porcelli et Dolci �999, Dolci �004; Dolci et Spinelli �005; Dolci �008a, b);

d. après 2000: la remise en question globale En �997 est créé le Laboratorio Itals, une structure qui s’occupe de la formation d’enseignants d’italien comme langue seconde et étrangère (mais dans Balboni �006b la recherche s’étend aussi à l’italien L�, y introduisant les modèles opérationnels élaborés au cours des trois dé-cennies dont nous avons parlé ci-dessus). L’élargissement de la vision à la dimension mondiale (Italien LE) et à l’immigration (Italien L�) conduisent tout le groupe d’enseignants et une douzaine de « docteurs de recherche »� à une révision radicale des modèles opérationnels, qui est systématisée dans Balboni �00�:

� De l’Atelier Itals sont issus des chercheurs qui aujourd’hui enseignent dans d’autres universités, tout en restant liés à l’Ecole de Venise: Mario Cardona à Bari, Paola Celentin à Vérone, Maria Cecilia Luise à Florence, Marco Mezzadri à Parme, Matteo Santipolo à Padoue, en plus de Graziano Serragiotto, qui coordonne l’Atelier à Venise; à ceux-là s’ajoutent un groupe de jeunes, dont les noms figurent parmi les auteurs de cette série de Documents.

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- le modèle didactique de base, le triangle classique élève/lan-gue/enseignant, est élargi à la fois dans les trois composantes traditionnelles et dans le rôle attribué à un quatrième facteur, la relation, la communication entre les trois pôles; nous présenterons ce modèle dans le chapitre 3;

- le curriculum, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, avait déjà été repensé à la fin des années Quatre-vingt-dix dans le sens d’une plus grande souplesse; nous en discuterons dans le chapitre �;

- le modèle base de la programmation, l’unité didactique, s’étend jusqu’à inclure dans une logique hiérarchique le module et une notion nouvelle, l’unité d’apprentissage, qui constitue une pro-position originale de la didactique des langues vénitienne (nous nous en occuperons dans le chapitre 4).

Comme on le voit d’après ce rapide survol, l’attention pour les modèles opérationnels caractérise toute la tradition de la recherche menée à Venise, et c’est un trait caractérisant laissé par son fondateur, Giovanni Freddi, à tous ses élèves de première – et maintenant aussi de deuxième génération.

1.4 Synthèse

Souvent la recherche en didactique des langues se focalise soit sur l’approche, c’est-à-dire la philosophie qui “déclare” la nature et les fins de l’éducation linguistique, soit sur les techniques, c’est-à-dire les instruments de l’action didactique qui réalise l’éducation linguistique en classe; dans ce Document nous voulons réfléchir sur la nature de la méthode, c’est-à-dire sur la série de principes, cohérents avec l’ap-proche, qui permettent d’identifier des modèles pour organiser, guider, sélectionner les démarches didactiques.Nous avons donné une définition de “modèle opérationnel” vu comme une structure économique et simple à utiliser, qui doit être:

- applicable à toutes les situations d’enseignement linguistique, c’est-à-dire les langues maternelles, secondes, étrangères, les “lingua franca”, les langues ethniques et les langues artificielles; rappelons que le même élève étudie normalement au moins une

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langue en plus de sa langue maternelle, et qu’il doit donc être exposé à des modèles cohérents, non contradictoires;

- en mesure de générer des comportements, c’est-à-dire des ac-tivités de l’apprenant pour acquérir la langue et des activités didactiques des organisateurs des cours, des créateurs de matériels didactiques, des enseignants qui opèrent en classe.

Nous avons enfin noté comment dès la création de la chaire de Di-dactique des Langues à Venise les spécialistes qui y ont travaillé, ou ceux qui se sont formés à Venise et qui aujourd’hui sont présents dans différentes autres universités, se sont systématiquement intéressés aux modèles opérationnels, pour arriver, au début des années �000, à une révision conceptuelle qui constitue l’objet de ce quatrième Document de didactique des langues.

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2. Un modèle tridimensionnel et souple de curriculum

Au cours des années Soixante-dix – Quatre-vingt il y eut dans le monde entier des réflexions sur la nature et la structure d’un curriculum de LE et, dans l’Europe du nord et au Canada, également de L�; le groupe vénitien avait travaillé pendant la première partie de la décennie à un curriculum d’anglais, de français et d’allemand pour l’école élémentaire (Freddi �987a, b); au cours des années suivantes, l’idée de « curriculum » fut repensée (qu’on se souvienne d’œuvres fondamentales comme Dubin, Olshtain �986; Hutchinson, Waters �987, Nunan �988, Johnson �989 et Corson �990) et le groupe vénitien suivit l’évolution en travaillant à des curricula pour l’italien comme langue ethnique (Balboni �989) et comme langue étrangère (Balboni �995; Mezzadri �005 et, dans l’optique du Cadre Européen Commun de Référence, �006; Luise �006: chap. 4).Aujourd’hui l’idée de curriculum du groupe vénitien se caractérise par deux adjectifs que nous avons utilisés dans le titre: « tridimensionnel » et « souple ».

2.1 Curriculum, corpus, syllabus, programme

Avant de passer à la discussion de ce modèle opérationnel il faut toutefois préciser le sens de certains termes qui sont souvent utilisés comme synonymes.

a. Corpus ou syllabus Définir le corpus d’un cours signifie faire la liste du matériel à enseigner dans un cours de langue, au moins dans les cas où ce sont les matériels et l’enseignant qui décident des contenus; dans l’enseignement de la L�, et, en partie, dans la L�, les contenus sont à la disposition des élèves à l’extérieur de l’école, dans la vie quotidienne; la fonction du corpus se transforme donc de liste exhaustive et en quelque sorte contraignante à celle de guide, de point de repère.Les résultats sont des corpora les vingt-deux Niveau Seuil du Conseil de l’Europe, et en un certain sens le Common European Framework (Cadre Européen Commun de Référence) l’est lui aussi, même si c’est de façon implicite. Un terme utilisé parfois à la place de corpus est syllabus.

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Le curriculum, dans le sens où nous l’entendons ici, est aussi un corpus (lexical, morphosyntaxique, pragmatique, etc.), mais il inclut également d’autres dimensions.

b. Programme C’est le terme typique de la tradition scolaire italienne et il renvoie aux documents officiels dans lesquels on décrit les buts et les objectifs de l’éducation linguistique, en les indiquant à grandes lignes, sans toutefois en faire une liste détaillée.En réalité, les programmes ne sont que des manifestes didactiques, dans lesquels on fait une grande place à la description de “comment les choses devraient être », et négligeant « comment elles pourront être ».Un curriculum comprend aussi, généralement en introduction, une partie programmatique générale.

c. Curriculum Dans la littérature de didactique des langues il existe de nombreuses propositions de curricula, qui ont fini par créer une notion de curri-culum de langue qui s’éloigne de celle des experts de sciences de la formation.Dans la définition de Johnson �989 le terme curriculum « includes all the relevant decision making processes of all participants ».

En reprenant cette définition de Johnson, dans les paragraphes suivants nous allons voir séparément certains de ces processus.

2.1.1 L’analyse des besoins comme acte politique et social

Définir les besoins de l’élève auquel il est destiné ou de l’entreprise qui le commande est certainement un des relevant decision making proces-ses nécessaires pour l’élaboration d’un curriculum – et si on considère la complexité des besoins actuels, on comprend la difficulté de cette opération.Tous les spécialistes et élaborateurs de curricula sont d’accord, en prin-cipe, sur la centralité de l’analyse des besoins, sans toutefois réfléchir sur la notion de “besoin” et sur sa dimension essentiellement politique,

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très délicate sur le plan social: souvent, en effet, l’nalyse des besoins semble se concentrer sur les élèves alors qu’on décrit (et qu’on impose, en réalité) les besoins d’un prototype (ou même d’un stéréotype) so-cial: comme le dit Giovanni Freddi, « fixer des objectifs [didactiques, instrumentaux] sans se référer aux buts [éducatifs] généraux équivaut à imposer à l’apprenant les besoins de la société et des systèmes pro-ductifs » (�988 : 73).Le problème est donc: qui définit les besoins?Dans les systèmes éducatifs de la tradition européenne continentale la décision sur les besoins linguistiques à satisfaire à l’école et à l’uni-versité revient à l’Etat; dans les systèmes de culture anglo-saxonne, cette définition est confiée à une Local Educational Authority qui représente plus les volontés locales et celles des familles (c’est-à-dire des électeurs) que celles de l’Etat dans son ensemble. Dans les deux cas les besoins sont analysés (ou plutôt prévus) par des professionnels de l’éducation, qui s’intéressent plus à une idée philosophique de « dé-veloppement harmonieux de la personnalité » qu’à l’analyse de ce qui se passe hors de l’école, alors qu’un curriculum devrait répondre à des besoins qui sont surtout extérieurs à l’école, c’est-à-dire qui sont ceux du monde où la langue maternelle et les langues secondes, les langues étrangères, les « lingua franca » etc. sont utilisées – à l’exception des langues classiques, dont l’usage est essentiellement scolaire.Dans les systèmes formatifs extrascolaires – des entreprises aux centres pour immigrés – les besoins sont définis à partir de la pression immédiate, des nécessités contingentes; ces dernières sont identifiées par des professionnels non de l’éducation, mais, plus simplement, de l’instruction ou de l’entraîne-ment. Dans certaines de ces situations, celui qui est chargé de l’élaboration du curriculum demande démagogiquement aux élèves eux-mêmes d’indiquer leurs besoins ; il en résulte une liste de priorités ou de fumeuses indica-tions basées sur des souvenirs scolaires et sur l’analyse superficielle de leurs expériences de communication dans le monde du travail.Dans les deux cas, il s’agit de situations faussées.A notre avis, l’analyse des besoins linguistiques doit se faire en tenant compte:

a. des besoins pragmatiques futurs, en fonction à la fois de modèles didactiques, comme par exemple celui de la compétence commu-nicative (cf. �.�.3), et de la connaissance du contexte dans lequel

Paolo E. Balboni��

sera mise en oeuvre la compétence acquise; le problème, c’est que dans des sociétés complexes et en rapide évolution comme les nôtres, il est difficile de prévoir aujourd’hui quels besoins linguistiques aura l’élève dans quelques années; c’est pourquoi il faut tenir compte également d’un deuxième besoin:

b. le besoin d’apprendre à apprendre, de devenir autonomes pour maîtriser de mieux en mieux sa propre langue, pour approfondir celles qu’on apprend à l’école, mais aussi pour en apprendre d’autres: c’est la logique connue dans l’UE comme lifelong and lifewide language learning – déclaration rhérorique et stérile si on n’y inclut pas apprendre à apprendre comme finalité essentielle d’un cours de langue.

c. des besoins présents chez l’élève en tant que tel: ce sont des be-soins cognitifs et acquisitionnels qui existent dans le cadre de la classe et qui sont souvent perçus confusément par l’élève; c’est pourtant la satisfaction de ces besoins qui le pousse à continuer, à poursuivre l’effort d’acquérir de nouvelles langues ou d’améliorer celles qu’il connaît déjà.

2.1.2 La définition des finalités de l’éducation linguistique

Dans l’enseignement des langues, à l’exception peut-être de la langue maternelle, on tend souvent à privilégier la dimension instrumentale. Avoir une finalité éducative et pas seulement instrumentale signifie poursuivre des finalités, et pas seulement des objectifs immédiats.Dans la tradition de Freddi (que nous avons approfondie dans le premier Document de la présente série) l’éducation linguistique poursuit trois finalités éducatives: dans l’ordre il s’agit de:

a. la culturisation, c’est-à-dire la découverte ou la connaissance et le respect de modèles culturels et de valeurs de la culture dans laquelle on vit (langue maternelle ou seconde) ou dont on étudie la langue (langues étrangères, ethniques, classiques) ou encore du monde globalisé et interculturel (“lingua franca” et langues artificielles); la culturisation est la condition nécessaire pour la seconde finalité éducative, la socialisation:

Modeles operationnels pour l’education linguistique �3

b. la socialisation, c’est-à-dire la possibilité d’avoir des relations so-ciales grâce à la langue; cette possibilité fait que le monde s’ouvre davantage à ceux qui maîtrisent bien leur propre langue (ce qui leur permet d’accéder à plus d’événements sociaux et d’interagir avec plus de classes sociales) et à ceux qui savent plusieurs langues en plus de leur langue maternelle, qui ont ainsi un choix plus vaste de camarades, d’amis, de collègues, de personnes à aimer – et qui réunissent les conditions pour leur réalisation personnelle, qui est la troisième finalité de l’éducation linguistique:

c. l’autoréalisation, c’est-à-dire la possibilité de réaliser son propre projet de vie en ayant une meilleure connaissance du monde et des personnes, une plus grande richesse cognitive, en ayant appris comment on apprend une langue et donc en devenant de plus en plus autonome.

En d’autres termes: perfectionner sa langue maternelle et acquérir d’autres langues n’est pas seulement une donnée instrumentale (on ne peut donc pas le définir seulement en termes d’objectifs mesurables); c’est un processus qui met l’individu en relation avec autrui, avec son propre monde et celui des autres, présent et passé, permettant la qualité et pas seulement la quantité de la communication, et permettant de s’élever et de s’auto-réaliser et pas seulement de satisfaire un besoin immédiat ici et maintenant.

2.1.3 L’identification des objectifs didactiques et, par suite, des contenus

Les objectifs didactiques doivent permettre d’atteindre des finalités, des buts de l’éducation linguistique: nous aurons donc:

a. une série d’objectifs relatifs à la compétence culturelle et à la com-pétence socio-pragmatique, c’est-à-dire aux composantes relation-nelles de la compétence communicative (cf. �.�), qui nécessitent aussi des compétences linguistiques et la maîtrise des procesus de réception et de production (les habiletés linguistiques);

b. un objectif spécifique, la métacognition linguistique et communi-cative, la réflexion sur ses propres processus d’acquisition et d’ap-prentissage linguistique, pour pouvoir continuer à mieux apprendre

Paolo E. Balboni�4

les langues, maternelle et autres encore inconnues, et à affronter à l’avenir de nouvelles tâches d’acquisition linguistique.

Ces deux groupes d’objectifs peuvent créer les conditions pour l’auto-réalisation de la personne: seule cette finalité donne son sens plein à l’enseignement linguistique, et elle ne peut être atteinte qu’à travers la relation entre personnes, enseignants et apprenants. On ne doit en effet déléguer aux batteries d’exercices, à l’ordinateur, aux documents vidéo, que quelques sections mécaniques de cet entraînement, qu’on ne peut tout de même pas éviter dans le perfectionnement et dans l’acquisition linguistiques.

2.2 Des curricula bidimensionnels aux curricula tridimensionnels

Traditionnellement le curriculum (mais aussi les épreuves de certification linguistique qui se basent sur un curriculum implicite, tracé par le Cadre Européen Commun ou par les Standards américains) a toujours été pensé comme « bidimensionnel »: sur l’axe horizontal figurent les années d’étude ou les niveaux, sur l’axe vertical les niveaux de compétence communicati-ve. Cela pouvait marcher avec les systèmes éducatifs statiques. L’habitude à ce modèle nous le fait sembler évident, naturel indiscutable.

Niveau

C2

C1

B2

B1

A2

A1 Temps

------------------------------------------

------------------------------------------

------------------------------------------

------------------------------------------

------------------------------------------

------------------------------------------

Modeles operationnels pour l’education linguistique �5

Dans cette logique chacun suit une ligne avec une courbure personnelle, due à l’input qu’il reçoit (pensons aux différents « backgrounds » fami-liaux, dans la langue maternelle ou la langue ethnique), à la distance typologique entre langue maternelle et langues secondes ou étrangè-res, aux différents styles cognitifs, à l’attitude à l’égard de la langue à acquérir, à l’aptitude, aux traits de personnalité, à la motivation, à la durée, à l’intensité du cours, à la qualité des matériels et des ensei-gnants, et ainsi de suite.

L’idée traditionnelle est que, quel que soit le parcours individuel de l’élève dans le cadran ci-dessus, les points de repère sont standardisés et que chacun, à sa manière et selon ses possibilités, doit arriver à ces points; ce qui fait que les curricula, et en conséquence les cours, sont organisés selon une logique linéaire, bidimensionnelle, rigide.

Mais la réflexion que nous avons menée en �.� sur les finalités (et pas seulement sur les objectifs) de l’éducation linguistique d’une personne (et pas seulement d’un individu) nous amène à proposer une idée de curriculum qui permette à chacun (personne ou groupe homogène) de tracer aussi bien son propre parcours que ses propres points de repère, ses marques, en sortant de la logique préconçue des niveaux standards.Pour faire cela, le curriculum doit sortir de l’espace cartésien, à deux dimensions, et il doit devenir tridimensionnel, volumétrique: les points de repère (A�, A�, etc.) peuvent être maintenus, mais ils doivent s’ap-pliquer non plus à la compétence communicative tout court, mais à un profil personnalisé (pour un élève isolé ou pour un groupe homogène) où les différentes composantes de la compétence communicative peuvent avoir des niveaux différents.

2.2.1 La structure d’un curriculum tridimensionnel

Nous pouvons donc visualiser un curriculum tridimensionnel non plus comme un plan, mais comme un cube dont la face supérieure n’est pas plane mais variable. Le cube est composé d’un faisceau de colonnes disposées l’une à côté de l’autre.

Paolo E. Balboni�6

Chaque colonne est le croisement entre une des macro-fonctions des langues et une des habiletés linguistiques, comme on le voit sur le plan du cube: par exemple,

Le curriculum tridimensionnel vu de haut

Le curriculum tridimensionnel vu en perspective

Modeles operationnels pour l’education linguistique �7

a. sur l’axe des fonctions, la fonction « interpersonnelle » peut être réalisée dans différentes colonnes selon qu’il s’agit de comprendre, de produire, de dialoguer, etc.

b. sur l’axe des habiletés, la “lecture” de textes personnels est une chose, celle de textes référentiels, ou poétiques, etc., en est une autre.

Cette structure offre un nombre infini de possibilités de “remplir” les colonnes avec des contenus linguistiques, extralinguistiques, culturels: pour une standardiste d’une entreprise, par exemple, il est utile de com-prendre, d’interagir, de prendre des notes, d’écrire sous la dictée, mais il n’est pas très utile de lire ou d’écrire, et il est tout à fait inutile de monologuer, de paraphraser, et ainsi de suite. Il devient ainsi possible de réaliser un curriculum sur mesure pour un cours pour standardistes, différent de celui d’un cours pour ingénieurs, pour élèves d’un lycée d’enseignement général, pour étudiants de la faculté de droit, et ainsi de suite. À chaque profil culturel et professionnel correspond un aspect différent de la face supérieure du cube, un curriculum différent, avec des pics dans certaines habiletés et fonctions, et d’autres colonnes réduites au ninimum indispensable pour la communication de base.La version en perspective, le groupe de colonnes, aide à comprendre visuellement le concept de curriculum souple créé en fonction du profil souhaité à l’arrivée; au moment de la rédaction du curriculum, toute-fois, la grille bidimensionnelle, celle vue de haut, suffit: à l’intérieur de chaque case – après avoir choisi les habiletés à développer – on énumère les objectifs morphosyntaxiques, lexicaux, graphémiques, les actes de communication, les modèles culturels, les registres sociolinguistiques, etc. qui sont utiles pour ce profil particulier. Voyons maintenant plus en détails à quoi correspondent les différentes colonnes.

2.2.2 Les contenus du modèle tridimensionnel Ce curriculum naît du concept de compétence communicative, sur lequel le groupe vénitien travaille depuis une vingtaine d’années, et qui peut

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être représenté comme une pyramide avec un volume minimal au début du parcours d’acquisition ou d’apprentissage, et de plus en plus grand au fur et à mesure qu’on avance; nous avons indiqué, par commodité visuelle, métaphorique, une base à la pyramide, en l’indiquant comme le niveau C�, mais en réalité le processus d’acquisition et de perfec-tionnement n’a pas de limite.

Les deux faces visibles de la compétence communicative, c’est-à-dire celles qui apparaissent dans la communication, sont les dif-férentes habiletés (savoir la langue) et l’aspect socio-pragmatique (savoir faire avec la langue, savoir agir); derrière, non visibles mais essentielles pour soutenir la pyramide de la communication, il y a les grammaires linguistiques et extralinguistiques (grammaires kinésique, proxémique, des objets, du vêtement) et les grammaires culturelles et interculturelles (décrites dans le Document numéro � de la présente série).Dans le modèle tridimensionnel de curriculum il y a les contenus suivants, qui doivent être développés selon les besoins et les désirs des élèves:

a. habiletés linguistiques Au début des années Quatre-vingt-dix (Balboni �99�) nous avons pro-posé un modèle d’analyse plus complexe que le modèle traditionnel des « quatre habiletés »:

- habiletés primaires: réceptives (écoute, lecture), productives

compétencelinguistiche etextralinguistique

habilitéslinguistiques

Niveau 0

niveau C2

compétencesocio-culturelle

compétencepragmatique

Modeles operationnels pour l’education linguistique �9

(monologue, écriture), interactives (dialogue oral, sur chat line, mais aussi en partie par SMS et par courriel);

- habiletés secondaires, qui combinent de différentes manières les habiletés primaires: résumé, dictée, prise de notes, paraphrase, traduction – habiletés qui prévoient à la fois la réception d’un texte qui peut être oral ou écrit, et la production d’un autre texte, qui à son tour peut être oral ou écrit.

Dans le modèle graphique de curriculum nous avons indiqué les prin-cipales habiletés, nous limitant pour le reste à un et coetera pour ne pas compliquer le tout. Dans un curriculum souple chaque cours, et à la limite chaque élève, décide quelles habiletés développer et à quel niveau;

b.compétence socio-pragmatique En partant du curriculum pour l’école élémentaire des premières années Quatre-vingt-dix (Freddi �987a,b; �998) on propose un modèle qui intè-gre aussi bien la tradition fonctionaliste de Cassirer, Bülher, Jakobson, Halliday, que celle qu’on appelle, de façon impropre, « notionnelle-fonctionnelle » de Trim et Wilkins.Selon ce modèle, chaque fonction se réalise selon une série d’actes de communication (en reprenant la notion d’ « acte » d’Austin et Searle, et en la substituant à celle de fonction communicative de Wilkins:

Fonction personnelle

Elle se réalise quand on révèle sa propre subjectivité et sa personnalité, quand on manifeste sentiments, émotions, pensées, impressions, sensations.Cette fonction se réalise dans les dialogues, mais aussi dans des genres tels que la lettre personnelle, le journal intime, l’interview, etc. Les principaux actes communicatifs sont:- demander/ dire son nom, son âge, sa provenance, se

présenter - parler de son état physique (bien-être, malaise, fatigue,

etc.) - parler de son état psychique (tristesse, gaité, déception,

etc.) - exprimer ses goûts - etc.

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Fonctioninterpersonnelle

Elle se réalise quand la langue sert à établir, à garder ou à clôturer une interaction aussi bien orale (dialogues, conversations téléphoniques, conférences, etc.) qu’écrite (lettres, courriels, etc.) Pour pouvoir réaliser cette fonction l’élève doit apprendre à exécuter des actes communicatifs comme: - saluer et se congédier - offrir, accepter et refuser quelque chose - remercier et répondre à un remerciement - s’excuser - etc. Les rapports interpersonnels renvoient à des règles sociolinguistiques à respecter pour faire un usage approprié de la langue.

Fonctionrégulative

le consiste à utiliser la langue pour agir sur les autres, pour régler leur conduite, pour obtenir quelque chose, pour satisfaire ses nécessités. Les genres qui relèvent de cette fonction sont les instructions orales et écrites, les règlements, les lois. Les principaux actes communicatifs sont :- donner et recevoir des instructions - donner et recevoir des conseils, des ordres, des

dispositions - demander, obliger à ou empêcher de faire quelque

chose - etc. Cette fonction renvoie à des règles socio-culturelles à respecter pour faire un choix approprié des expressions à utiliser.

Fonctionréférentielle

Elle se réalise quand la langue est utilisée pour décrire ou pour expliquer la réalité dans des genres communicatifs tels que le rapport sur un événement, la description d’une situation, le texte scientifique, et ainsi de suite. Les principaux actes communicatifs sont:- décrire des choses, des actions, des personnes, des événements - demander et donner des informations - demander et donner des explications - etc.

Modeles operationnels pour l’education linguistique 3�

Fonctionmétalinguistique

Elle se réalise quand on se sert de la langue pour réfléchir sur la langue elle-même ou pour résoudre des problèmes communicatifs typiques de l’interaction, surtout dans une langue autre que la langue maternelle:- demander le nom d’un objet - créer des périphrases pour décrire le sens d’expressions

inconnues - comprendre ou donner des explications sur la langue

et la communication Il s’agit d’une fonction de première importance dans l’enseignement de la langue, mais elle est utile aussi dans la communication extrascolaire.

Fonctionpoétiqueimaginative

Elle se réalise quand on utilise la langue pour produire des effets rythmiques particuliers, des suggestions musicales, des associations métaphoriques, etc. ou bien pour créer des mondes imaginaires. Relèvent de cette fonction tous les genres « littéraires »Il n’y a pas d’actes communicatifs spécifiques, sauf- l’ouverture d’un conte: “Il était une fois…” - la clôture d’un conte: “ils vécurent heureux et ils

eurent beaucoup d’enfants”.

Chaque groupe ou chaque élève a besoin d’une combinaison particulière de maîtrise de la langue dans les différentes fonctions, et à l’intérieur de chaque fonction il peut avoir besoin de certains actes plutôt que d’autres, de privilégier certains genres textuels et communicatifs plutôt que d’autres, et c’est cette différence qui explique la différence de hauteur des colonnes dans la représentation tridimensionnelle du modèle;

c. compétence linguistique et extralinguistique Il s’agit des contenus lexicaux et “grammaticaux” , au sens large, néces-saires pour réaliser les actes communicatifs qui « remplissent » chaque colonne fonctionnelle pour chacune des habiletés linguistiques ; si on pense au lexique pour la fonction personnelle, on trouvera les adjectifs de nationalité, les professions, les nombres pour les dates et les âges, les adjectifs qui décrivent l’état physique et l’état psychologique, et ainsi de suite.

Paolo E. Balboni3�

d. compétence culturelle La communication se produit dans

- une situation sociale, ce qui fait que toutes les grammaires so-ciolinguistiques s’ appliquent, en particulier celles relatives aux registres liés aux différentes conceptions de la hiérarchie, du status, du respect.

- un contexte culturel, qui peut être celui d’un pays ou bien, dans le monde globalisé, celui qui est décrit dans le modèle de com-pétence interculturelle que nous avons proposé dans le second Document de la présente série (Balboni �006c).

Un curriculum d’anglais pour opérateurs du tourisme, par exemple, n’a pas besoin d’une focalisation particulière sur la culture britannique, irlandaise, américaine ou australienne, mais sur la communication interculturelle au sens large, alors qu’un étudiant qui s’est inscrit à un PhD à Philadelphie a besoin de connaître la culture américaine en général, et celle de la côte atlantique en particulier, ainsi que celle des jeunes et celle du monde universitaire. Comme nous l’avons dit dans le Document sur la communication interculturelle, il n’est pas possible d’entrer dans les détails culturels, mais nous pouvons fournir à notre étudiant de PhD, en plus de quelques informations de base, aussi bien des outils d’approfondissement que, surtout, un modèle d’observation de ce qu’il verra une fois arrivé à Philadelphie: la culturisation, comme nous l’avons vu en �.�.�, c’est-à-dire la correction culturelle, est en effet une condition nécessaire pour que l’étudiant puisse socialiser à Penn University et, donc, pour qu’il puisse réaliser son projet de recherche, et plus en général, son projet de vie.

2.2.3 Le modèle de certification du Portfolio Européen

Face un modèle tridimensionnel et souple comme celui-ci, la logique du Portfolio Européen des Langues

- n’a plus de sens si on en reste au modèle bidimensionnel, dans lequel “B�” a une valeur universelle, valable pour tous, de la stan-dardiste à l’étudiant de PhD que nous avons vu dans les exemples précédents;

Modeles operationnels pour l’education linguistique 33

- a tout son sens instrumental si les niveaux A�, A�, etc. sont appliqués à chaque colonne.

Une standardiste qui doit interagir en langue étrangère n’a pas besoin, par exemple, des fonctions personnelle et poétique imaginative, et seulement d’un A� minimal de compétence métalinguistique (pour demander et donner le sens de mots inconnus ou pour épeler) ; dans la fonction régulative également une compétence de niveau A� ou A�+ peut suffire, alors qu’elle devra être au moins au niveau B� pour la fonction référentielle et B� pour la fonction interpersonnelle ; c’est en effet dans cette fonction que la standardiste doit atteindre le niveau maximum, puisque sa figure professionnelle est justement une figure interpersonnelle. Pour ce qui est des habiletés, elle devra savoir écouter et dialoguer (avec tous les problèmes spécifiques relatifs à l’interaction par téléphone, par exemple avec une mauvaise qualité sonore, sans support gestuel, etc.) ; la lecture et l’écriture ont un rôle moindre, alors que la prise de notes, à la limite du résumé, est fondamentale. La certification de la compétence communicative d’une standardiste (au-delà d’un niveau A�, qui peut être envisagé pour toute personne qui doit communiquer dans une langue autre que sa langue maternelle) a une structure totalement différente de celle de l’opérateur de tourisme ou de l’étudiant qui s’inscrit à la Penn University – et les modèles de certification n’ont de sens que s’ils s’assouplissent dans cette direction, faute de quoi ils ne sont pas en mesure de répondre à la complexité des sociétés du XXIe siècle.

2.3 Synthèse

Dans ce chapitre nous avons vu la différence entre quelques termes, qui sont souvent utilisés comme synonymes: corpus ou syllabus, programme, curriculum. Nous avons ensuite repris la définition proposée par Johnson: un curri-culum inclut all the relevant decision processes of all participants. Parmi ces décisions, deux sont importantes:

- l’analyse des besoins comme acte politique et social, qui peut, soit imposer un modèle unitaire, rigide, soit chercher à répondre

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effectivement aux besoins de chaque personne, ou de chaque petit groupe, dans une société complexe;

- la définition des finalités de l’éducation linguistique: si elles ne sont pas claires, en effet, le curriculum se réduit à une simple liste d’objectifs immédiats, purement directifs, qui conviennent à un entraînement, mais pas à l’éducation linguistique. Les buts sont la culturisation, qui est une condition nécessaire de la socia-lisation; seule une personne “culturisée” et capable de socialiser peut poursuivre le but primaire, l’auto-réalisation, c’est-à-dire la réalisation de son projet de vie.

En fonction de ces deux choix primaires, il est possible d’accomplir le choix le plus important: l’identification des objectifs didactiques et, en conséquence, des contenus. Traditionnellement objectifs et contenus sont présentés dans une logi-que bidimensionnelle: plus le niveau est élevé sur l’axe vertical (de A� à C�, en progression), plus grande est la quantité et la profondeur des objectifs et des contenus. À cette logique mécanique et rigide nous avons proposé de substituer une logique tridimensionnelle, qui convient à la complexité, mais qui surtout peut s’adapter aux besoins de chaque profil professionnel, de chaque personne ou de chaque petit groupe homogène. Dans ce schéma ouvert, souple, nous avons inséré les habiletés lin-guistiques (selon un modèle qui ne se limite pas aux quatre habiletés traditionnelles) et les fonctions pragmatiques de niveau supérieur: au croisement de chaque habileté avec chaque fonction (visualisé comme une colonne, dans le schéma en perspective) se trouve un point critique qui exige une dernière relevant decision: l’introduction des contenus linguistiques, échelonnés éventuellement selon les six niveaux du Por-tfolio Européen des Langues. Le profil définitif du curriculum est donc différent pour les différents groupes et les différentes personnes, et chacun reçoit comme ensei-gnement les contenus nécessaires, et ce sont ce profil et ces contenus qu’il fait certifier.

Modeles operationnels pour l’education linguistique 35

3. Le modèle d’interaction didactique

Une fois qu’a été défini le curriculum nécessaire pour un profil pro-fessionnel ou pour un groupe homogène de personnes qui partagent motivations, besoins et objectifs, il faut un modèle opérationnel qui organise l’interaction et produise chez tous les participants des com-portements adéquats.

3.1 Le modèle traditionnel: le rôle des composantes

La tradition des sciences de l’éducation offre un modèle de référence basé sur trois pôles:

Élève

Langue Enseignant

Le triangle qui en résulte est appelé le “champ de l’action didactique”; il doit tenir compte de trois facteurs:

a. l’objet de l’enseignement, dans notre cas la langue (et la culture, pour les langues autres que la langue maternelle) dans toute sa complexité; si on la compare à d’autres “objets” comme l’éduca-tion historique ou l’éducation scientifique, qui utilisent la langue comme outil pour décrire leur nature et leur fonctionnement, l’éducation linguistique est le seul cas où objet à apprendre et outil d’apprentissage coïncindent: on parle de la langue en se servant de la langue elle-même; c’est cette fonction métalingui-stique réflexive qui caractérise l’éducation linguistique et en fait un cas unique dans le panorama éducatif;

b. le système-enseignant, qui ne comprend pas seulement la personne

Paolo E. Balboni36

qui donne son cours physiquement, mais tout le système, qui va de ceux qui élaborent le curriculum à ceux qui préparent les matériels didactiques, de ceux qui organisent le cours à ceux qui enseignent en classe;

c. l’élève, que nous avons représenté en position dominante parce que c’est à ses besoins, à ses motivations, et à ses caractéristiques personnelles que doivent répondre les deux autres facteurs.

Ce modèle, consacré par une tradition pédagogique longue et répandue, délimite un champ d’action et habituellement il sert à définir les rôles de chacun des trois facteurs, des trois pôles.Dans des approches traditionnelles comme l’approche grammaire-tra-duction ou l’approche SGAV, par exemple, le rôle de la langue, de sa structure, était dominant, alors que le rôle de l’élève, avec ses besoins et ses traits personnels, était réduit à zéro, une tabula rasa sur laquelle inscrire les règles de fonctionnement de la langue et le lexique qui la compose. L’enseignant n’avait qu’un rôle de médiateur qui devait illustrer la langue à l’élève et guider les exercices d’application. L’enseignement des langues classiques utilise encore ce modèle, qu’on trouve souvent aussi dans les cours d’esperanto, c’est-à-dire d’une langue artificielle.Dans l’approche directe de Berlitz et dans de nombreuses versions de l’approche communicative avec enseignant d’une langue étrangère dont c’est la langue maternelle, la langue est vue comme un organisme qui ne devient vivant qu’au moment où il est présenté par l’enseignant (et par les technologies dont il se sert), et l’élève est légèrement plus actif, car il doit non seulement recevoir l’input, mais aussi, guidé par l’enseignant, inférer certains modèles de fonctionnement, faire des hypothèses, se mettre à l’épreuve en essayant de comprendre et de produire. A note avis, ce modèle est trop rigide et il focalise trop les rôles, au détriment de l’interaction entre les pôles.

3.2 Le modèle interactif: la nature des composantes et leurs mécanismes d’interaction

La réflexion sur les rôles ne tient pas compte de la nature des compo-santes du modèle et des mécanismes d’interaction entre elles: un champ

Modeles operationnels pour l’education linguistique 37

d’action se définit en effet non seulement par ceux qui y agissent, mais aussi par la façon dont ils interagissent. Le modèle opérationnel que nous proposons pour organiser l’action didactique, celle qui devra mener à acquérir la langue, est donc plus complexe d’abord pour ce qui est de la nature des agents:

a. sur la nature de la langue, nous avons déjà présenté notre hypo-thèse dans le deuxième chapitre: c’est un ensemble d’instruments de communication, verbaux et non verbaux, qui agissent dans un espace culturel et selon des règles non seulement linguistiques mais aussi sociales : chaque personne a le droit d’améliorer sa compétence communicative dans sa langue maternelle et d’ac-quérir les autres langues selon ses projets de vie, ses motivations. L’objet « langue » se plie donc aux buts de celui qui l’apprend ;

b. le système d’enseignement est au service de l’élève, avec lequel il négocie les contenus du curriculum de langue; évidemment, ce n’est pas à une négociation avec chaque élève que nous pensons, mais avec des groupes qui ont des objectifs et des be-soins homogènes; dans l’enseignement pour des groupes précis cette négociation est préalable: on offre, par exemple, des cours d’écriture journalistique en langue maternelle, ou d’anglais de l’informatique, ou d’allemand de la philosophie, et ainsi de suite. L’élève choisit parmi les différentes offres certaines orientations ou certains parcours plus spécifiques. Il peut même se voir pro-poser certaines sections personnalisées dans le parcours commun. Au contraire, dans l’enseignement obligatoire (la langue mater-nelle et les deux langues étrangères dans les systèmes scolaires, par exemple) la négociation est face à face: chaque année de nouvelles générations entrent, différentes des précédentes, et chaque classe a une combinaison particulière de motivations, de caractéristiques individuelles, qui mènent chaque année à revoir, au moins partiellement les parcours, à changer de matériels di-dactiques, à répondre à de nouvelles demandes;

c. l’élève est vu comme une personne, donc avec son propre style cognitif et une combinaison personnelle et unique des intel-ligences multiples (au sens où l’entend Gardner, auquel nous consacrerons un des prochains Documents), avec ses stratégies

Paolo E. Balboni38

d’apprentissage, ses traits de personnalité, ses motivations (v. le troisième Document, Caon �006a), et ainsi de suite. En plus de ces traits personnels, chaque élève (ou groupe homogène) a un projet de vie dans lequel la langue (ou un choix de langues) joue un rôle particulier.

Cette personnalisation du modèle didactique traditionnel a comme conséquence l’inclusion d’un quatrième élément dans le champ d’action: les mécanismes de communication et d’interaction entre les pôles:

Langue Enseignant

L’espace didactique est alors le lieu où se produit l’interaction entre

a. les élèves de la classe, pris individuellement, qui ne sont plus des monades isolées face à la langue mais des personnes qui partagent un projet (apprendre la langue avec un but et avec une motivation semblables, si ce n’est homogène), qui collaborent au lieu d’être en compétition, qui construisent ensemble leur connaissance à travers la médiation sociale, au lieu de la recevoir toute faite de l’enseignant et des manuels;

b. des groupes assez homogènes d’élèves, à l’intérieur de la classe; traditionellement on divise une classe en trois groupes de niveau (excellents, moyens, faibles) en fonction de leurs résultats, in-dépendamment du fait que ceux-ci dépendent de l’aptitude, de l’environnement familial, de motivations ou de démotivations particulières, d’une langue maternelle différente de celle de la classe, etc.; l’interaction entre ces groupes est souvent problé-matique, et elle doit donc être suivie et organisée, et pas laissée à un darwinisme relationnel; il y a également d’autres critères de

élève

Modeles operationnels pour l’education linguistique 39

formation de groupes homogènes que l’enseignant peut organiser de temps en temps pour rompre les groupes de niveau: ce sont des groupes organisés selon certaines dichotomies de base, com-me l’intelligence visuelle vs linguistique, émotive vs rationnelle, globale vs analytique, personnalité extrovertie vs personnalité introvertie, et ainsi de suite;

c. la classe / les groupes / les élèves pris individuellement et l’en-seignant, ses outils didactiques, les règlements scolaires (tests, bulletins, etc.): c’est l’interaction classique, où l’enseignant guide l’apprentissage, offre la charpente métalinguistique qui permettra de construire la compétence communicative;

d. la langue, qui communique avec les élèves à travers les différents types de technologie, avec les manuels, avec l’input et l’analyse offerte par l’enseignant: une langue qui peut être communiquée à l’élève comme un organisme rigide (qu’on pense aux déclinai-sons en latin et en grec, aux tableaux de verbes dans les langues romanes, etc.) ou comme un organisme vivant, avec ses règles qui lui permettent de vivre et de fonctionner plus ou moins effi-cacement et précisément.

Ce modèle opérationnel déplace donc l’accent d’une didactique basée sur les contenus et sur les rôles à un enseignement dans lequel contenus et rôles sont négociés, ce qui fait que les modèles de communication et de négociation à l’intérieur de l’espace didactique deviennent fon-damentaux.

3.3 Synthèse

Le champ d’action didactique est un des modèles opérationnels les plus traditionnels ; la tradition des sciences de l’éducation offre un modèle de référence basé sur trois pôles: élève, discipline objet d’étude, ensei-gnant, qui constituent les trois sommets d’un triangle, c’est-à-dire du champ de l’action didactique. Nous avons remarqué que ce modèle est trop rigide et qu’il focalise trop les rôles au détriment de l’interaction entre les pôles: cette dernière est fondamentale car elle déplace l’accent d’une didactique basée sur les contenus vers un enseignement dans

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lequel les contenus et les rôles des personnes (celui qui étudie, celui qui enseigne) sont négociés, ce qui fait que l’attention aux modèles d’interaction à l’intérieur de l’espace didactique est fondamentale.

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4. Modèles opérationnels pour la didactique: le module, l’unité didactique, l’unité d’apprentissage

La tradition nous a légué deux modèles consacrés au cours des siècles, la conversation maïeutique et le cours ex cathedra.Dans le premier modèle, Socrate s’efforçait de faire mûrir l’autonomie cognitive et critique de son élève; transposée des portiques d’Athènes ou de Rome à nos jours, la conversation peut au maximum fonctionner pour la réflexion métalinguistique sur la langue maternelle ou sur des niveaux très élevés d’autres langues: elle peut occasionnellement faire partie de nombreux parcours, mais elle ne peut pas en constituer le pivot. Le deuxième modèle, la lectio, autrement dit “la lecture à haute voix”, est typique de l’instruction religieuse: elle met le texte sacré au centre de l’attention et le prêtre-maître l’interprète et le communique de ma-nière frontale et directe aux élèves, qui accomplissent un acte de foi. Il s’agit d’une position gratifiante pour l’enseignant, et cela explique qu’elle survive même si la grammaire n’est plus un « texte sacré » et si les élèves ne sont plus disposés à accomplir des actes de foi à l’égard de leur enseignant…Ces deux modèles millénaires sont inapplicables à l’enseignement des langues aujourd’hui. Le XXe siècle nous a donné trois autres modèles opérationnels, dont un élaboré à Venise. Essayons de les synthétiser.

4.1 Les trois modèles hérités du XXe siècle

Dans la tradition de la didactique des langues, c’est depuis les années Soixante qu’on parle d’ « Unité Didactique »: l’adjectif focalise le pro-cessus d’enseignement, le processus didactique (désormais, dans ce chapitre, nous utiliserons le sigle UD).En réalité une unité didactique telle que nous la connaissons et telle qu’elle est utilisée dans les manuels, exige un grand nombre d’heures et en pratique elle est composée de “cours” isolés, de séances de travail: si nous considérons ces séances du point de vue de l’élève, nous pouvons les appeler “Unités d’Apprentissage”: c’est ce que l’élève perçoit comme

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un bloc unitaire et qui se déroule en une séance de travail (désormais dans ce chapitre, UA).Plus récemment, la diffusion des processus de certification, liés à la nécessité de faire reconnaître ses connaissances, a poussé à l’élaboration d’un autre modèle d’organisation didactique, le Module, qui permet de définir des blocs de compétences ou de connaissances et de les créditer dans un Portfolio personnel. C’est donc un modèle centré sur l’objet d’étude, sur les disciplines. Si nous reprenons le modèle d’interaction vu dans le chapitre trois, nous voyons facilement que chaque modèle focalise l’attention sur l’un des trois pôles de l’action didactique:

Élève: Unité d’Apprentissage

Langue: Enseignant: Module Unité Didactique

L’UD, proposée en �93� a Winnetka, aux Etats- Unis, pour l’instruction des immigrés et des enfants en difficulté scolaire naît de la pédagogie active de John Dewey et elle est ettayée par une littérature critique consolidée; L’UA est une proposition de l’École Vénitienne élaborée en �000; le Module, a été théorisé mais pas appliqué à la suite du Port-folio Européen des langues, et il a eu des applications concrètes dans certains secteurs de l’éducation linguistique.

4.2 L’Unité d’apprentissage et l’Unité Didactique

L’UA (nous délaissons ici la distinction que fait Krashen entre “acquisi-tion” et “apprentissage”) naît d’une interaction entre

Modeles operationnels pour l’education linguistique 43

a. une considération neurolinguistique qui se base sur deux principes fonctionnels: - la “bimodalité”, c’est-à-dire la division fonctionnelle des deux

hémisphères cérébraux, le droit préposé aux activités globales, analogiques, et le gauche, préposé aux activités rationnelles, séquentielles, logiques;

- la “directionnalité”, c’est-à-dire le fait que, bien que les deux modalités coopèrent continuellement, les modalités émo-tionnelles et globales précèdent les modalités rationnelles et analytiques;

b. une considération psychologique, en particulier de la psychologie de la Gestalt, qui voit la perception comme un processus séquen-tiel de globalité Ý analyse Ý synthèse.

C’est sur ces bases, surtout les bases psychologiques, qu’étaient nées les réflexions de Renzo Titone (sur l’enseignement en général : �976) et de Giovanni Freddi (spécifiquement pour les langues : �970, �97�, �979) sur l’UD, vue comme un parcours d’un certain nombre d’heures avec trois phases correspondant aux trois moments perceptifs vus au point « b », plus une phase initiale de motivation, et une conclusive de contrôle. Au cours des années Quatre-vingt-dix, la tendance à déplacer l’attention sur le processus d’apprentissage comme base pour l’élaboration de proces-sus d’enseignement nous a menés (en �000, puis en �00�) à subdiviser l’UD en une série d’UA, qui ont la durée d’une séance (un cours, une période: en général entre 45 et 90 minutes): c’est l’unité selon laquelle l’élève perçoit son apprentissage : « aujourd’hui j’ai étudié …, j’ai appris à … »; une unité didactique est au contraire une tranche linguistique-communicative plus complexe, réalisée avec un ensemble d’événements, d’actes, d’expressions, de structures linguistiques reliés par un contexte situationnel (et en effet, les Unités Didactiques des manuels de langue ont en général des titres situationnels : « A la gare », « Au restaurant » et ainsi de suite) ou par un contexte grammatical (les manuels pour l’approfondissement de la langue maternelle ont des UD comme « Le sujet », « Le prédicat », « Le genre des noms », etc.).Le modèle graphique suivant nous permet de visualiser l’UD:

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IntroductIon réseau d’unItés

d’apprentIssage

conclusIon

- Présentation des contenus de l’unité qui va commencer- Motivation de fond pour toute l’unité- Mise en rapport de l’unité avec les précédentes et les suivantes - Instructions opérationnelles

- Testing- Rattrapage pour les élèves les plus lents- Approfondissement spécifique pour ceux qui excellent - Déconditionement, activités non liées aux contenus de l’UD.

Cette idée d’UD se caractérise par l’extrême souplesse de l’organisation de l’enseignement; sa structure est rythmée par trois phases, que nous allons voir analytiquement dans les trois paragraphes suivants.

4.2.1 La phase d’introduction à l’UD

C’est pendant cette phase de motivation (qui peut ne durer que dix minutes, mais qui est la celef de voûte de l’UD tout entière) que se ravive la motivation de fond des élèves, qui doit opérer à long terme, et qui n’est pas liée à ce qui sera fait au cours de chaque heure en particulier.On présente les contenus du parcours qui va commencer, en les négociant en partie avec les élèves: d’un côté l’enseignant explique la logique de l’UD qu’il propose (en s’appuyant en général sur un manuel), de l’autre les élèves proposent d’éventuelles modifications ou demandent des intégrations. L’enseignant peut demander aux élèves de trouver des matériels pour réaliser les UA intégratives qu’ils ont proposées (qui, sur le schéma, sont représentées en clair, et qui peuvent ne pas être présentes).Si nous prenons le modèle typique d’analyse des travaux de groupe, cette phase introductive de l’UD correspond aux phases de « chaos »

Modeles operationnels pour l’education linguistique 45

et à celle de « négociation des règles », qui ouvrent chaque tâche du groupe de production.C’est aussi le moment des instructions spécifiques pour des activités qui doivent être programmées à l’avance: trouver des documents authen-tiques, prendre contact avec une école étrangère pour une séance en chat line, etc.

4.2.2 Le réseau d’UA

Les UA sont à la disposition de l’enseignant (sur le manuel, ou dans sa banque d’activités) qui peut présenter toutes celles qu’il avait prévues ou n’en présenter qu’une partie, ou seulement avec certains élèves, en tenant compte de la négociation initiale ou bien de son évalutation du niveau moyen de la classe; il peut aussi en renvoyer certaines à plus tard et en reprendre d’autres des UD précédentes. L’enseignant peut suivre la séquence d’UA conseillée par le matériel didactique ou bien il peut opter pour des séquences différentes, selon les besoins de la classe, les réactions des élèves, etc. Dans les cours d’auto-apprentissage l’élève lui-même peut prendre, au moins partiel-lement, des décisions sur la séquence, éventuellement en demandant conseil à un tuteur.Une UD se base sur une séquence préordonnée d’UA mais, comme le suggère Roberto Dolci, c’est un “réseau” d’UA, et par conséquent elle exige une structure souple et elle peut avoir des expansions imprévues vers des matériels non didactiques (sites internet, vidéos, journaux, etc.); les UA à insérer dans le parcours peuvent aussi être créées ad hoc par l’enseignant, par un groupe de collègues, par un groupe d’élèves excellents tandis que l’enseignant travaille avec les plus lents.Chaque UA suit en grande partie le parcours gestaltique vu ci-dessus, avec une tripartition qui en surface correspond aux « trois P » du mo-dèle anglais presentation /practice /production, mais qui en réalité est profondément différente: les « trois P » étaient le produit d’un ensei-gnement très traditionnel, avec l’enseignant qui présente les contenus ou l’input, l’élève qui fait les exercices et qui ensuite montre ce qu’il a appris; le modèle globalité / analyse / synthèse / réflexion ne vient pas de la pédagogie mais de la psychologie, et il concerne les mécanismes humains de perception et de représentation mentale ; ce modèle a été

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décrit par Chomsky, en des termes différents mais à peu près parallèles aux termes gestaltiques, comme mécanisme de fonctionnement du LAD: observation / formulation et vérification d’hypothèses sur ce qui a été observé / fixation et utilisation des « règles » qui ont été observées, ont fait l’objet d’hypothèses et ont été confirmées. Une UA est centrée sur un texte (dialogue, matériel authentique, publi-cité, texte littéraire, lecture, chanson, vidéo, courriel, page web, etc.). Au cours de cette UA

a. d’abord le texte est affronté de manière globale, avec des tâches de compréhension graduées, des plus simples aux plus complexes, qui impliquent principalement l’hémisphère droit du cerveau et qui se basent sur des stratégies comme l’exploitation maximale de la redondance du texte et la formulation d’hypothèses socio-pragmatiques basées sur la connaissance du monde;

b. ensuite il est vu de manière analytique, aussi bien pour compré-hension de manière approfondie l’input que pour élaborer des hypothèses linguistiques, socio-culturelles, pragmatiques: cette phase peut inclure quelques explications de la part de l’ensei-gnant, mais dans une optique constructiviste et coopérative il vaut mieux guider les élèves à la découverte des mécanismes de fonctionnement de la langue; pour reprendre Chomsky, c’est le Language Acquisition Device qui crée des hypothèses, et le but de l’enseignant n’est pas de se substituer au LAD des élèves, mais, selon les mots de Bruner, de fournir un LASS, Language Acquisition Support System. Cette démarche transforme les élèves d’auditeurs en acteurs;

c. on arrive à une synthèse, c’est-à-dire à une consolidation de ce qui a été inféré et analysé, qui est appliqué aussi bien dans des exercices que dans des activités plus créatives, de solution de problèmes, de simulation, de création de textes, etc.;

d. on conclut par une réflexion tant métalinguistique que – pour poursuivre l’objectif d’apprendre à apprendre – métacognitive: on réfléchit sur ce qu’on a fait, sur la démarche suivie pour découvrir le sens d’un mot inconnu, un mécanisme grammatical, une donnée culturelle implicite; on réfléchit aussi sur les modalités d’inte-raction dans la classe, sur les raisons qui ont fait qu’un groupe a

Modeles operationnels pour l’education linguistique 47

bien ou mal fonctionné, qu’une activité a pris trop de temps et ainsi de suite. Cette phase peut aussi être distribuée au cours des différents moments de l’UA, quand l’occasion se présente. C’est cette phase de réflexion qui fait dépasser le modèle des “trois P” et permet de poursuivre des finalités éducatives (s’auto-réaliser, apprendre à apprendre) et pas seulement instrumentales.

4.2.3 La phase conclusive de l’UD

Cette section a une forme en “Y”: la partie commune est la phase de contrôle des objectifs qu’on s’était fixés au début de l’UD; suivent deux parcours:

a. le groupe d’élèves qui ont eu des résultats plutôt faibles peut effectuer des activités de rattrapage, au moyen d’ UA “stratifiées et différenciées”; ce modèle a été élaboré par trois jeunes cher-cheurs vénitiens, Fabio Caon, Barbara D’Annunzio et Francesca della Puppa (publié dans Caon �006b) en pensant en particulier aux élèves étrangers qui en Italie sont insérés dans les classes en fonction de leur âge, et indépendamment de leur maîtrise de l’italien, mais on peut l’appliquer à tous les contextes de l’édu-cation linguistique. Une des caractéristiques des UA “stratifiées et différenciées” est que les activités sont organisées selon une difficulté progressive et que par conséquent chaque élève exécute les activités de façon autonome jusqu’à un certain item, et, à partir de là, travaille avec quelqu’un qui peut atteindre un niveau plus élevé; à la fin, lorsque même en tandem ou en petits groupes ils n’arrivent pas à continuer, ils complètent tous ensemble le parcours avec l’aide de l’enseignant. Il s’agit d’une tentative de réaliser de manière opérationnelle un parcours basé sur les zones de développement proximal de Vygostky, ou, avec une expres-sion plus connue, de récupérer les séquences i + 1 qui manquent dans l’ordre naturel, qui constitue la version Krashenienne des séquences acquisitionnelles;

b. le groupe d’élèves qui ont de bons résultats peut entretenir son “excellence” au moyen d’activités d’approfondissement, de jeux de langue, de recherche de matériels à proposer à tous éven-

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tuellement au cours de la séance conclusive de l’UD, que nous décrivons ci-dessous.

La classe, au cours de cette phase de rattrapage / approfondissement, se partage donc en deux, et chaque niveau peut à son tour travailler en tandems ou en petits groupes. C’est une réponse opérationnelle à la nécessité toujours ressentie mais rarement satisfaite d’adapter la didactique aux différents niveaux d’acquisition et de performance.

4.2.4 La phase d’interlude

Dans le schéma initial du paragraphe 4.� nous avons inséré cette phase à l’intérieur de l’UD par pure commodité graphique, mais en réalité cette séance de travail est hors de l’UD (même si l’enseignant peut l’y rattacher facilement, et si les meilleurs élèves peuvent trouver les ma-tériels et proposer les activités pour cette phase au cours de la phase d’approfondissement qui fait suite au contrôle (cf. 4.�.3).Cette phase d’interlude entre l’UD qui vient de se terminer et celle qui va commencer au cours de la séance suivante est en réalité une heure sans but (explicite) d’enseignement mais avec pour seul but le plaisir d’utiliser la langue: plaisir de voir qu’on apprend, plaisir de jouer avec la langue, plaisir d’écouter une chanson ou de voir une scène de film, plaisir de “chatter” avec des classes étrangères, etc: nous avons consacré à cet aspect le troisième Document de la présente série (Caon �006a), auquel nous renvoyons pour un approfondissement.

4.3 Le module

À partir des années Quatre-vingt-dix, la mobilité croissante des person-nes, la complexité des parcours de formation de plus en plus person-nalisés, la nécessité de voir reconnus ses parcours par une certification a mené à l’élaboration d’un modèle de programmation « modulaire », dans lequel chaque section est autosuffisante et certifiable. Voyons séparément ces deux qualificatifs pour comprendre si et à quel-les conditions le « module » est un modèle opérationnel valable pour l’éducation linguistique:

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a. un module est autosuffisant, conclu en lui-même Dans les langues secondes, étrangères, classiques, ethniques, il n’est pas possible de parler de portions « autosuffisantes », à moins de tomber dans l’arbitraire de modules de « survie », « seuil », etc.: des constructions dénuées de fondements socio-pragmatiques, linguisti-ques, culturels. Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas établir un seuil de maîtrise de la langue nécessaire pour tous (la partie basse des colonnes qui composent le curriculum), mais il faut comprendre qu’il s’agit de décisions arbitraires et conventionnelles: nous y reviendrons au point « b ».La modularité, au sens d’identification de sections “autosuffisantes” de connaissance et de compétence, est possible pour certains aspects de l’éducation linguistique, une fois qu’un niveau de maîtrise assez élevé a été atteint pour pouvoir travailler sur des variétés de langue particulières ou sur la description métalinguistique; par exemple, une organisation modulaire est possible:

- dans les langues spécialisées scientifiques et professionnelles: par exemple un module de base de langue de l’économie, puis des modules spécifiques pour la langue de la banque, de l’import-export, du marketing, etc.

- dans le travail sur la langue de la littérature, où on peut envi-sager un module de base d’analyse du texte littéraire et ensuite des modules par genres, par auteurs ou par périodes historiques, selon l’optique du cours (v. un exemple en 4.4);

- dans l’analyse linguistique sur sa langue maternelle ou sur des niveaux très élevés d’autres langues: on peut avoir des modules tels que “morphosyntaxe du verbe”, “les pronoms”, etc.;

b. un module est certifiable et peut donc être crédité La fragmentation des compétences d’une part, la globalisation et la mobilité des individus d’autre part imposent une sorte de “monnaie commune” pour échanger des informations sur les compétences et les connaissances: le concept de “crédit formatif”, à la base du processus de Bologne qui harmonise la formation avancée dans l’Union Européenne, est un exemple de monnaie commune qui atteste la connaissance; de même qu’une monnaie doit être certifiée par une Banque Centrale, de même un “crédit formatif”, pour circuler et être reconnu internatio-

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nalement, doit être certifié selon des logiques partagées: le projet du Portfolio Européen des Langues est une des voies possibles de la certi-fication; mais proposer une modularisation du curriculum de langue en fonction des niveaux du Portfolio, constitue un saut logique qui n’est pas justifié: dire qu’il y a six niveaux (ou dix, ou quatre, peu importe) est très utile (même si dans le curriculum tridimensionnel vu au chapitre � chaque composante peut être envisagée à des niveaux différents), mais confondre les niveaux de certification avec des modules autosuffisants et certifiables est une erreur. La compétence linguistique est un continuum, elle n’est donc pas susceptible d’être divisée en modules, même si, pour des nécessités de certification elle est subdivisée en niveaux.

Au point “a” nous avons dit que pour la langue maternelle et pour des niveaux élevés d’autres langues une organisation par modules est possible.Le problème est alors de garantir la continuité du curriculum, c’est-à-dire de relier les modules entre eux, tout en faisant en sorte qu’ils soient autosuffisants et qu’ils puissent être crédités. Les liens peuvent être de trois types:

Dans le cas à gauche, les modules sont en succession obligée: en mathé-matiques il est possible de prévoir un module “arithmétique” (les opérations et les fractions), un module “algébrique” (le calcul littéral et les équations), un module “fonctionnel” (intégrales, dérivées, etc.): ce sont des modules autosuffisants, et la preuve en est que dans les systèmes scolaires ils sont distribués entre école primaire, collège et école secondaire, et ils sont certifiables (quelqu’un qui passe de l’école primaire au collège est certifié capable de faire des additions, des soustractions, des multiplications et des divisions). Dans l’éducation linguistique, ce modèle n’est pas applicable.

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Dans le schéma au centre, on peut choisir à quel module passer après avoir suivi un module de base, propédeutique, qui doit être certifié avant de passer à un des suivants: nous avons rappelé ci-dessus le cas de l’éducation en langues spécialisées: après avoir obtenu un crédit pour un module de base d’anglais économique et commercial, on peut choisir, en fonction de ses besoins, de passer à un module de corres-pondance commerciale, ou bien à un d’anglais de la banque ou des assurances, etc.Dans le troisième cas, le schéma à droite, on peut commencer par n’im-porte quel module et passer à n’importe quel autre: cela est possible, par exemple, dans un curriculum d’éducation sportive, où aux différents modules correspondent différents sports : un curriculum peut prévoir que chaque élève suive un module de jeu d’équipe et un de sport individuel, laissant à chacun le choix du sport de chaque catégorie pour l’année scolaire; ce modèle

- n’est pas applicable à un continuum comme une langue en cours d’acquisition;

- est applicable à l’analyse linguistique: par exemple, il y a des cours universitaires qui prévoient un module de sociolinguistique (et qui laissent libre l’étudiant de choisir, par exemple, entre “histoire de l’italien”, c’est-à-dire étude des variétés diachroniques, ou bien “variétés géographiques de l’italien”, “l’italien des jeunes”) ou bien un module métalinguistique au choix, par exemple entre “le système verbal français”, “le système lexical français”, etc.

Nous pouvons donc conclure en disant qu’un module est un bloc thé-matique conclu en lui-même, autosuffisant, significatif, qui réunit les contenus qui traditionnellement étaient distribués sur plusieurs UD ; pour l’acquisition de ces contenus un « module » s’articule en une série d’UD, chacune basée sur un réseau d’UA.

4.4 La hiérarchie entre Modules, Unités Didactiques, Unités d’Apprentissage

Dans ce chapitre nous avons présenté trois modèles pour organiser l’enseignement, pour programmer la réalisation opérationnelle d’un

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curriculum. Nous avons vu aussi en 4.� qu’il y a une hiérarchie entre UD et UA: une UD est le contexte dans lequel se trouve un réseau d’UA; celles-ci peuvent n’être pas toujours présentées d’une manière séquentielle, et il est possible de renvoyer à plus tard une UA (ou de l’éliminer pour un groupe d’élèves) ou d’intégrer des UA non prévues, en fonction des demandes ou des propositions des élèves eux-mêmes ou d’événements du monde extra-scolaire qui, grâce à leur authenticité, peuvent contribuer à la motivation, au plaisir, à l’approfondissement (pour tous les élèves ou pour une partie d’entre eux).Il est évident que le Module est hiérarchiquement supraordonné à l’UD: quelle que soit la nature du Module, il s’articule en une série d’UD, à leur tour composées d’une série d’UA.Pour exemplifier la hiérarchie nous pouvons penser à un contexte où les trois modèles opérationnels peuvent être appliqués, y-compris donc le Module; prenons par exemple un Module d’introduction à l’analyse des textes littéraires, module typique d’introduction à un cours de littérature:

Le graphique n’est complet que dans la colonne des UD, alors que les UA ne sont indiquées que pour l’UD�; les UA de la UD� concerneront les écarts qui caractérisent un texte littérarire sur le plan phonologique

Module:“Introductionà l’analyse dutexte littéraire”

Présentation

UDI: l’émetteur etle destinataire

UD�: texte littéraire et texte quotidien

UD3: Les genres:poésie, prose, dialogue, multimédia

UA�: auteur vs.narrateur

UA�: narrateur omniscient, �e ouà la 3e personne, etc.

UA3: auteur qui guidele lecteur ou qui créeune ouvre “ouverte”

UA4: lecteurexplicite et implicite

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UD4: qualité littérairevs. valeur esthétique

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(rime, rythme, assonances, allitérations, etc.), morphosyntaxique, lexical (figures rhétoriques, connotations, etc.); on peut imaginer facilement les UA des autres UD.Au début du module on en fait une présentation qui doit susciter la motivation, faire émerger le besoin de savoir analyser un texte avant de commencer un cours de littérature, etc. À la conclusion il y a une épreuve de contrôle qui “certifie” que la compétence dans les procédures d’analyse textuelle est atteinte: avec ce crédit l’élève peut accéder aux modules d’éducation littéraire (qui ne concernent plus le domaine de la didactique des langues, mais l’Edu-cation Littéraire; nous approfondirons dans un Document spécifique le module d’introduction à la lecture du texte littéraire que nous avons évoqué ci-dessus).

4.5 Synthèse

Après avoir élaboré un curriculum (chap. �) et avoir défini le rôle, la fonction et les modèles d’interaction de l’action didactique (chap. 3), nous avons proposé dans ce chapitre les modèles qui traduisent le cur-riculum en action; nous avons suivi un ordre croissant:

- nous avons vu un modèle opérationnel basé sur ce qui se passe dans l’esprit de l’élève (qui est mis dans ce modèle réellement au centre de l’action didactique), c’est-à-dire l’unité d’apprentis-sage,

- nous avons ensuite proposé le modèle qui organise l’action de l’enseignant, c’est-à-dire sa programmation par unités d’ensei-gnement, unités didactiques,

- nous sommes enfin arrivés au modèle opérationnel qui intéresse le plus la structure formative, l’institution: l’articulation des parcours d’acquisition en modules.

Pour cette synthèse, il nous est plus facile de faire le parcours inver-se, du modèle qui comprend tous les autres à celui qui est compris dans tous les autres.

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Module

- autosuffisant sur le plan du contenu; - peut être certifié et crédité; - irréalisable dans l’acquisition linguistique qui est un continuum; - réalisable pour l’analyse métalinguistique, pour les langues spé-cialisées scientifiques et professionnelles au niveau général, pour l’éducation littéraire.

unité didactique

- phase initiale de motivation et de présentation; - réseau d’Unités d’Apprentissage, pas nécessairement séquentiel-les, pas obligatoirement présentées à tous, dont le nombre peut augmenter; - phase conclusive d’évaluation;- phase de pause, interlude entre l’UD qui vient de se conclure et la suivante; - un ensemble d’UD peut être relié à l’intérieur d’un Module.

unité d’apprentissage

- autosuffisante sur le plan du contenu; - complétée si possible en une séance; - basée sur la séquence d’origine gestaltique: globalité, analyse, synthèse /réflexion; - un ensemble d’UA constitue le corps d’une UD.

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Riferimenti bibliografici

Ce qui suit n’est pas une bibliographie, mais seulement la liste des référen-ces explicites dans le texte; en particulier, comme dans toute la collection, sont indiquées les études réalisées sur ce thème par des personnes du groupe vénitien, étant donné que ces Documents en sont la voix.

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