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MEN OF TODAY IN THE EASTERN TOWNSHIPS 1917 : LES NOTABLES SHERBROOKOIS À LA FIN DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE Thierry Nootens Université de Sherbrooke Le début du 20 e siècle voit l’affirmation du capitalisme de mono- pole, phase succédant au capitalisme de concurrence. 1 Or, nous dit Paul-André Linteau, « la monopolisation entraîne une concentration croissante des pouvoirs économiques et du contrôle entre les mains de la grande bourgeoisie. La moyenne bourgeoisie est peu à peu évincée de plusieurs secteurs et elle perd les instruments autonomes qu’elle s’était donnés pendant la période précédente. » 2 Cette moyenne bourgeoisie, avant le mouvement de concentra- tion de l’économie québécoise, possédait souvent une forte influence à l’échelle des régions, notamment par son implication dans « les institutions d’envergure régionale, la petite et la moyenne entreprise commerciale ou industrielle, la promotion urbaine et [certaines] voies de communication régionales. » 3 Le destin de la Eastern Town- ships Bank, absorbée en 1912 par la Canadian Bank of Commerce, constitue un symptôme du déclin de l’influence de la moyenne bourgeoisie des Cantons de l’Est. 4 Cette institution créée par l’élite locale fut obligée, selon R. Rudin, en raison de la stagnation démo- graphique des anglophones composant cette élite ainsi que de la transition vers le capitalisme de monopole au tournant du siècle, de prendre de l’expansion pour s’assurer d’une position concurren- tielle et d’une croissance en capitaux. Par conséquent, elle avait dû, avant son absorption, supporter une participation et un contrôle de plus en plus grands d’individus étrangers à sa région d’origine. 5 Toutefois, si les prises de contrôle par des intérêts extra-régionaux d’entreprises représentent de bons indices de la perte d’influence d’une moyenne bourgeoisie régionale au début du siècle, il est pos- sible de mieux cerner le moment de cette importante transition. L’examen des activités, durant cette période, des notables de la prin- cipale ville de la région, Sherbrooke, pourrait se montrer fort utile.

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MEN OF TODAY IN THEEASTERN TOWNSHIPS 1917 : LES NOTABLES SHERBROOKOIS À LA FINDE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALEThierry NootensUniversité de Sherbrooke

Le début du 20e siècle voit l’affirmation du capitalisme de mono-pole, phase succédant au capitalisme de concurrence.1 Or, nous ditPaul-André Linteau, « la monopolisation entraîne une concentrationcroissante des pouvoirs économiques et du contrôle entre les mainsde la grande bourgeoisie. La moyenne bourgeoisie est peu à peuévincée de plusieurs secteurs et elle perd les instruments autonomesqu’elle s’était donnés pendant la période précédente. »2

Cette moyenne bourgeoisie, avant le mouvement de concentra-tion de l’économie québécoise, possédait souvent une forte influenceà l’échelle des régions, notamment par son implication dans « lesinstitutions d’envergure régionale, la petite et la moyenne entreprisecommerciale ou industrielle, la promotion urbaine et [certaines]voies de communication régionales. »3 Le destin de la Eastern Town-ships Bank, absorbée en 1912 par la Canadian Bank of Commerce,constitue un symptôme du déclin de l’influence de la moyennebourgeoisie des Cantons de l’Est.4 Cette institution créée par l’élitelocale fut obligée, selon R. Rudin, en raison de la stagnation démo-graphique des anglophones composant cette élite ainsi que de latransition vers le capitalisme de monopole au tournant du siècle,de prendre de l’expansion pour s’assurer d’une position concurren-tielle et d’une croissance en capitaux. Par conséquent, elle avait dû,avant son absorption, supporter une participation et un contrôlede plus en plus grands d’individus étrangers à sa région d’origine.5

Toutefois, si les prises de contrôle par des intérêts extra-régionauxd’entreprises représentent de bons indices de la perte d’influenced’une moyenne bourgeoisie régionale au début du siècle, il est pos-sible de mieux cerner le moment de cette importante transition.L’examen des activités, durant cette période, des notables de la prin-cipale ville de la région, Sherbrooke, pourrait se montrer fort utile.

Un très précieux recueil de biographies d’hommes importants desCantons de l’Est parut à une époque que l’on peut considérer commecruciale dans les transformations de l’économie régionale, soit la finde la Première Guerre mondiale : c’est le Men of Today in the EasternTownships 1917.6

Au Québec, peu de chercheurs ont analysé ce genre de répertoire.J.-C. Robert s’en est servi d’un pour étudier les notables montréalaisde la seconde moitié du 19e siècle.7 G. Bouchard, s’inspirant de sadémarche, a tracé un portrait des individus prestigieux du Sague-nay au siècle suivant.8 Si ces deux auteurs ont fait la preuve de la pos-sibilité d’utiliser les recueils biographiques comme sources valables,des questions demeurent. Qu’étudie-t-on, en fait? Qu’est-ce qu’unnotable? Qu’est-ce que l’élite?

Élite, bourgeoisie et notables

M.B. Katz définit le groupe d’entrepreneurs d’Hamilton au milieudu siècle dernier comme « an overlapping elite, governing all themajor activities within the city. »9 W. Glazer, cité par Katz, affirmeque « the “scope of a leader’s activity” is the best indication of hisrelative power, and that the proportion of leaders with multiple, or“overlapping” areas of activity is the best comparable index of elit-ism. »10 E. Bloomfield reprend cette idée dans son étude de deuxvilles ontariennes au tournant du siècle : « the community leadersof Berlin and Waterloo were defined by their economic, political andassociational roles, and the extent to which individuals combinedtwo or more of these roles. »11 Cumul de rôles, étendue des activités :voilà deux repères pour cerner l’élite d’une communauté. Le conceptde bourgeoisie se définirait plutôt par deux éléments, le capital et lapropriété.12

J.-C. Robert, dans son article « Les notables de Montréal au XIXe siè-cle » , précise que son échantillon « n’est pas nécessairement la bour-geoisie ou l’élite montréalaise, pas plus qu’il n’est toute la classedirigeante » , préférant s’en tenir, en raison de la nature particulière desa source, à la définition un peu floue de notables, de gens socialementimportants.13 F. Guérard affine cette définition en présentant les nota-bles comme des « personnages en vue, prestigieux et occupant une sit-uation sociale avantageuse, […] en mesure d’exercer un pouvoir appré-ciable à l’échelle locale ou régionale. »14 Les notables doivent donc êtreidentifiés par d’autres méthodes que celles qui révèlent des groupescomme les bourgeois ou l’élite, puisque « était notable celui qui, danssa localité, était perçu comme tel. Une étude sur les notables renvoie[…] à la perception des différences sociales. »15

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L’utilisation du concept de notables, comme l’a défini F. Guérard,apparaît bel et bien appropriée dans l’examen de recueilsbiographiques, ceux-ci résultant d’une sélection effectuée de façonpresque instinctive, peut-on avancer, par des compilateurs d’indi-vidus en vue, socialement supérieurs à la moyenne. Néanmoins, aumoment d’essayer de mesurer la puissance de certains de ces per-sonnages, il sera bon de retenir deux notions relatives au conceptd’élite, soit l’étendue des champs d’activité et le cumul de rôles.

Le cas d’une métropole régionale : Sherbrooke

Le Men of Today permet d’examiner les notables sherbrookois dela fin de la Première Guerre mondiale. Quelles étaient les caractéris-tiques sociales et économiques de ce groupe? Ses lieux de rencontre?Dans quelle mesure trahissait-il, surtout au chapitre de ses activitésprofessionnelles, l’impact crucial de l’affirmation du capitalisme demonopole dans une région développée au départ par une moyennebourgeoisie autochtone?Sherbrooke, ville en pleine croissance à la veille du conflit mon-

dial,16 se trouvait sûrement en 1916–1917 aux mains de leadersanglophones du monde des affaires et de l’industrie. Par contre, desévénements comme l’absorption de la Eastern Townships Bank en1912 et la perte du contrôle régional sur le capital de la Paton Millsdans les années 189017 se présentent comme autant de signes del’effacement d’une moyenne bourgeoisie régionale au tournant dusiècle. Cette fleur du monde des affaires et de l’industrie devait doncêtre principalement composée en 1917 de subordonnés, de gérants,d’administrateurs et de petits marchands plutôt que de propriétairesd’entreprises manufacturières ou de commerces de grande envergure.

Le recueil de V.E. Morrill et E.G. Pierce

Le Men of Today in the Eastern Townships 1917 de V.E. Morrill etE.G. Pierce indique habituellement, pour chacun des individusrecensés, la profession en titre, le lieu de résidence, la date et le lieude naissance, l’ethnie, les études effectuées, les activités profession-nelles tant présentes que passées, les associations fréquentées,l’allégeance politique, la religion et, le cas échéant, le nom del’épouse, la date du mariage et les noms des enfants du couple.On ne peut plaider en faveur de la représentativité de cette source

exceptionnelle pour l’ensemble des notables des Cantons de l’Est en1917 sans quelques remarques préalables. J.-C. Robert avance enfaveur de la validité pour l’historien de ce genre d’ouvrage que le

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contenu d’un répertoire qui s’adressait à des notables devait nor-malement se conformer à la perception de sa clientèle, donc à l’idéecommune de qui était notable et de qui ne l’était pas.18 Sans pré-tendre qu’il est possible, à partir du Men of Today, d’étudier trèsexactement l’ensemble du groupe de citoyens « importants » de lacité, on peut tout de même affirmer que ce recueil constitue au min-imum un échantillon assez représentatif de ces privilégiés.Néanmoins, l’appartenance des auteurs à un groupe socio-culturel

particulier a pu éventuellement influencer le choix des personnagesinclus dans l’ouvrage. V.E. Morrill et E.G. Pierce, deux anglophonesd’ethnie anglaise, occupent en 1917 de hautes fonctions au journalSherbrooke Record. Le premier, auteur des chapitres d’introduction duMen of Today, est alors gérant général de la Sherbrooke Record Pub-lishing Company, poste qu’il détient depuis 1909, après avoir étéassocié au Record depuis les débuts de celui-ci en 1897.19 Le second,compilateur de la section biographique du recueil, au même journaldepuis 1903, est en 1917 shareholder and director de la SherbrookeRecord Company20 et circulation manager.21

Si une plus grande attention a pu être accordée aux notablesanglophones, le fait que V.E. Morrill et E.G. Pierce appartiennent aumonde journalistique et soient nés dans la région permet de croireque leur connaissance du milieu sherbrookois et de ses notables étaitplus grande et plus équilibrée que celle du milieu montréalais parJ.D. Borthwick, le ministre du culte auteur du répertoire utilisé parJ.-C. Robert.22 Autre point à signaler, la qualité de leur travail. Bienque la méthode d’échantillonnage utilisée soit inconnue, la con-stance des renseignements donnés laisse supposer que la cueillettedes informations a été effectuée à l’aide d’un questionnaire précis.Enfin, qualités supplémentaires du Men of Today, l’immense majoritédes individus recensés étaient vivants et les informations montrentune grande fraîcheur.23 Il devient dès lors possible d’associer les résul-tats d’une analyse de cet ouvrage à un moment extrêmement précisde l’histoire régionale. Cependant, les notices devaient avoir une longueur plus ou moins

limitée, ce qui engendra quelques omissions.24 Quelques préjugésévidents apparaissent par ailleurs au fil des pages. Le contexte de laGrande Guerre eut vraisemblablement pour effet d’accentuer la miseen valeur des militaires. Les biographies témoignent également d’uncôté apologétique : l’accent est mis sur l’ascension professionnelledes individus, et les études faites à l’étranger sont mises en évidence.Enfin, nombre de notices traduisent une attention particulièreaccordée au fait d’être le descendant de premiers défricheurs de la

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région (auxquels le recueil est dédié),25 de loyalistes ou de colonsvenus en Nouvelle-Angleterre au 17e siècle. À ces origines anciennesdans les Townships ou à ce côté British bon teint les Canadiensfrançais ne pouvaient évidemment pas prétendre. Par contre, l’insis-tance sur des origines prestigieuses à l’intérieur de biographiesn’impliquait pas nécessairement une représentation excessive de cesdescendants illustres parmi l’ensemble des notices de notables. Malgré ces quelques petites distorsions, en raison de la nature des

répertoires de ce genre, destinés à des notables et par conséquent trai-tant de notables reconnus, de la profession des auteurs et de la qual-ité de leur travail, il est raisonnable de considérer le Men of Todaycomme une source historique des plus valables.Chaque individu décrit dans l’ouvrage habitant à Sherbrooke et

dont la résidence en ville fut confirmée par l’annuaire de la cité de1917–191826 fut considéré. Ceux dont la résidence dans la cité ne putêtre établie ont été exclus, à l’instar des quelques militaires sher-brookois (une dizaine, approximativement) qui se trouvaient alorsau front. Les 156 hommes ainsi recensés, tous vivants en 1917,représentent bel et bien des gens alors présents et actifs au sein dela métropole régionale.27

L’analyse des notices mena dans un premier temps à l’élaborationd’un tableau d’ensemble de cette galerie de personnages prestigieux.Par la suite, dans le but d’identifier d’éventuels membres d’une bour-geoisie régionale, ce sont l’examen des catégories professionnellesoù oeuvraient ces individus, de même que les phénomènes de cumuld’activités professionnelles différentes ou de postes de direction, quiretinrent notre attention. La mesure de l’implication de certainsd’entre eux au conseil de ville et au conseil du Sherbrooke Board ofTrade put également être prise. Enfin, comme V.E. Morrill et E.G.Pierce mirent beaucoup d’emphase sur la participation des Men ofToday à des associations de toutes sortes, les sociétés et clubs où seretrouvaient les gens en vue se virent identifiés.

Âges, lieux de naissance, langues, ethnies et familles : quelques traits distinctifs des notables de la cité

L’histoire particulière des Cantons de l’Est eut une incidence cer-taine sur les possibilités d’accession à la notabilité à Sherbrooke audébut du siècle. Les anglophones, longtemps majoritaires dans larégion et sans contredit les dirigeants de l’économie des Townshipsd’alors, possédaient une bonne longueur d’avance sur les Canadiensfrançais, établis plus récemment à l’ombre des Appalaches.28

Pour les 152 individus dont nous connaissons la date de nais-

Thierry Nootens 89

sance, l’âge moyen s’établit à 48,9 ans.29 Les leaders sherbrookoissont des hommes d’âge mûr. Le cadet des notables, John GreenerWatson, occupe à 24 ans le poste de manager de district pour unecompagnie d’assurances. L’aîné, Edward Hargrave, âgé de 85 ans,est comptable de profession.30

La répartition des notables selon leurs lieux de naissance (tableau1) montre que le gratin de la société sherbrookoise, d’après le Menof Today, était issu en bonne partie de la région.Les notables sherbrookois, dans leur très grande majorité, provi-

ennent du Québec, les catégories 1 à 4 regroupant 73,0 % d’entreeux. Fort peu sont originaires de lointains pays, du reste du Canadaou des États-Unis, sauf un petit groupe (12) ayant vu le jour dansles îles Britanniques. Par ailleurs, Sherbrooke et les Cantons de l’Estont conjointement donné le plus fort contingent de notables à lacité, les catégories 1 et 2 représentant 53,8 % des membres dugroupe : l’élite de la ville possède une teinte fortement indigène. Laforte croissance que vient de connaître Sherbrooke31 en fait peut-êtreun lieu d’accession à la notabilité, de promotion sociale pour les gens

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Source : MT. Le Répertoire des municipalités du Québec 1994 (Sainte-Foy, Les Publications duQuébec, 1994, 926 p.) fut d’un grand secours pour la localisation de certains lieux de naissance.

TABLEAU 1 : LIEUX DE NAISSANCE

Lieux de naissance Nombre % des notables

1. Sherbrooke 2717,3 %

2. Cantons de l’Est sans Sherbrooke 5736,5 %

3. Montréal 10,6 %

4. Province de Québec sans les Cantons de l’Est et Montréal 2918,6 %

5. Ontario 85,1 %

6. Canada sans le Québec et l’Ontario 21,3 %

7. États-Unis 53,2 %

8. Îles Britanniques 127,7 %

9. Europe continentale et Russie 42,6 %

10. Autres ——

11. Non mentionnés 42,6 %

12. Endroits non localisés 74,5 %

Total 156 100,0 %

(Source : MT, p. 228.)

des cantons environnants d’abord, puis du Québec hormis Montréal.Un seul notable est originaire de la métropole, signe intéressant deslimites du pouvoir d’attraction que peut posséder un centre région-al comme Sherbrooke. Mis en parallèle avec les données du recensement de 1921 pour

cette cité,32 les résultats du tableau 1 ne montrent pas une très grandespécificité. 88,9 % des habitants de la ville sont nés au Canada con-tre 79,4 % des membres de notre groupe (catégories 1 à 6); 5 % dansles îles Britanniques, contre 7,7 % de nos notables; 4,6 % aux États-Unis, contre 3,2 % des nôtres. Du reste, les gens nés au Québeccomptent pour 87,0 % des citadins, contre 73,0 %, comme on le sait,des membres de notre échantillon.33 Les leaders choisis par V.E. Mor-rill et E.G. Pierce s’avèrent donc un peu plus British et moins « cana-diens » , « américains » et « québécois » que l’ensemble des citadins.Les origines québécoises des trois quarts de nos notables, du reste,

ne doivent pas nous leurrer sur la présence des francophones àl’intérieur de ce groupe. Les patronymes ont guidé la distribution desindividus selon les deux grands groupes linguistiques (tableau 2). Lesquelques noms d’une origine autre que britannique ou française ontété ajoutés au bloc des anglophones.34

Les « anglophones et autres » dominent nettement parmi les Sher-brookois du Men of Today, et leur poids dans ce groupe équivautpresque au rapport inverse de leur représentation dans la populationde la cité en 1921. On pourrait, pour expliquer ce déséquilibre, invo-quer la langue et l’ethnie des auteurs du répertoire qui devaiententretenir bien plus de contacts avec leurs apparentés en raison ducloisonnement socio-culturel de la société à l’époque.35 Mais d’autresfacteurs n’ont-ils pas pu entrer en ligne de compte? On peut sedemander, notamment, si les familles canadiennes-françaises, plusnombreuses et composant la masse de la population de la ville,

Thierry Nootens 91

Source : MT et Sixième recensement du Canada, 1921, vol. I, Population, Ottawa, F.A. Acland,1924, p. 543. Le pourcentage de citadins des deux groupes linguistiques fut établi d’après les originesdes habitants, c’est-à-dire que les gens d’origine britannique ou autre ont été considérés comme des

anglophones et autres et les gens d’origine française comme des francophones.

TABLEAU 2 : GROUPES LINGUISTIQUES

Groupes % des % des citadins,linguistiques Nombre notables 1921

Angl. et autres 9963,5 % 29,0 %

Francophones 5736,5 % 71,0 %

Total 156100,0 % 100,0 %

n’offraient pas en proportion moins de chefs de famille suscepti-bles d’être reconnus comme notables. Le rôle d’évaluation de 1919révèle que cette année-là, 36,7 % des chefs de famille sont anglo-phones et 63,3 % canadiens-français. Les chefs de famille proprié-taires, parmi lesquels les notables figuraient fort probablement, serépartissent comme suit : 40,1 % d’anglophones contre 59,9 % deCanadiens français. L’argument, donc, ne tient pas. En regard dunombre de chefs de famille, propriétaires ou non, dans la cité en1919, les anglophones demeurent représentés de façon dispropor-tionnée parmi les Men of Today.Mais si en revanche les individus de langue anglaise dominaient

l’industrie, le commerce et l’administration, et si les Canadiensfrançais formaient le gros des contingents d’ouvriers et de jour-naliers, ce qui était probablement le cas, alors le déséquilibre remar-qué reflète peut-être tout simplement la réalité sherbrookoise de1917…Le tableau 3 dévoile les différentes origines ethniques déclarées par

les notables.Le club très sélect des gens les plus en vue de la société sher-

brookoise se distingue par une certaine homogénéité. Il y a absenced’individus d’ascendance autre que canadienne-française et/ouanglo-saxonne. Seule exception, quatre Juifs qui réussissent à se fau-filer dans le groupe.36 Les Canadiens français forment l’ethnie lamieux représentée, suivis successivement par les Anglais, les Écossaiset les Irlandais. Comme les mariages inter-ethniques (lignes 5, 6, 8,et 10 à 15) semblent avoir été signalés de façon assez rigoureuse, onpeut remarquer le nombre peu élevé d’occurrence de ce phénomène(19 cas recensés sur les 140 notables dont les origines ethniques sontconnues).En regard de la distribution ethnique de la population de la ville

en 1921, les Canadiens français demeurent sous-représentés, alorsque les Anglais, si on leur ajoute la plupart des cas inconnus, mon-trent une représentation excédant plus nettement leur poids réeldans la population de la cité. Par contre, ce sont les Écossais et lesIrlandais « pure laine » qui se signalent par leur capacité plus grandeà accéder au statut de notable, les premiers occupant notammentune place chez les leaders de la ville presque trois fois plus considérable, en proportion, que leur présence réelle au sein de lamétropole des Cantons de l’Est.Maintenant, d’intéressantes corrélations peuvent être faites entre

la langue parlée, toujours établie d’après les patronymes, et les lieuxde naissance, en prenant exemple sur la démarche de J.-C. Robert37

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(tableau 4). Voilà une façon parmi d’autres d’aborder certains mou-vements migratoires.Les quatre premières lignes du tableau 4 en contiennent les don-

nées les plus significatives. Les anglophones constituent le gros ducontingent des notables nés à Sherbrooke et dans la région (voir lespourcentages de ces lieux de naissance, lignes 1 et 2) alors que,

Thierry Nootens 93

Source : MT et Sixième recensement du Canada, 1921, vol. I, Population, p. 543. Les individusayant des patronymes francophones dont l’ethnie n’est pas spécifiée ou désignés comme des « French »furent classés parmi les Canadiens français. Les noms de consonance anglophone sans mention au

plan de l’ethnie ont été comptés comme des « inconnus ». Ainsi, ce sont des anglophones qui composent en majorité cette dernière catégorie. Toutefois, ceux dont le lieu de naissance est l’Angleterre,

l’Irlande ou l’Écosse et dont l’ethnie n’est pas mentionnée ont été catalogués respectivement comme des gens d’origine anglaise, irlandaise ou écossaise, notre impression étant que l’indication semblait

suffisante aux yeux des auteurs.

TABLEAU 3 : ORIGINES ETHNIQUES

Origines % de la citéethniques % des de Sherbrookementionnées Nombre notables en 1921

1. Canadienne-fr. 5132,7 % 71,0 %

2. Anglaise 3522,4 % 18,3 %

3. Écossaise 1710,9 % 3,8 %

4. Irlandaise 106,4 % 4,3 %

5. Irlandaise + écoss. 53,2 % —

6. Anglaise + écoss. 42,6 % —

7. Juive 42,6 % 1,1 %

8. Française + angl. 31,9 % —

9. Américaine 31,9 % —

10. Française + irl. 21,3 % —

11. Française + écoss. 10,6 % —

12. Irlandaise + can. 10,6 % —

13. Holland. + angl. 10,6 % —

14. Anglaise + amér. 10,6 % —

15. Éc., irl. + angl. 10,6 % —

16. Canadienne 10,6 % —

17. Inconnue 1610,3 % —

Total 15699,8 % 98,5 %

94 REVUE D’ÉTUDES DES CANTONS DE L’EST

Sources: MT. Le R

épertoire des m

unicip

alités du Québec 1994

se montra encore ici d’une aide indispensable pour la localisation de certaines localités.

La catégorie «inconnus

» rassemble les individus dont le lieu de naissance n’est pas m

entionné et les endroits non localisés.

TABLEAU4: G

ROUPESLINGUIST

IQUESETLIEUXDENAISSA

NCE

Lieu

x de

Nom

bre

Anglop

h.

% du gr.

% du lieu

Franco-

% du gr.

% du lieu

naissan

cetotal

+ autres

linguist.

naissan

cephon

eslin

guist.

naissan

ce1. Sh

erbrooke2716

16,2 %59,3 %

1119,3 %40,7 %

2. Cantons de l’Est

– Sherbrooke

574242,4 %

73,7 %1526,3 %

26,3 %3. M

ontréal

111,0 %

100,0 %——

—4. Prov. Q

uébec– Cantons de l’Est

et Montréal

2977,1 %

24,1 %2238,6 %

75,9 %5. O

ntario

877,1 %

87,5 %11,8 %

12,5 %6. C

anada –

Québec et O

ntario

222,0 %

100,0 %——

—7. États-U

nis

544,0 %

80,0 %11,8 %

20,0 %8. Îles Britan

niques

121212,1 %

100,0 %——

—9. Eur. c. et R

ussie44

4,0 %100 %

——

—10. In

connus

1144,0 %

36,4 %712,3 %

63,6 %Total

1569999,9 %

—57

100,1 %—

comme on l’a vu, ce sont ces deux endroits qui ensemble ont donnéle plus de notables à la cité. Les quarante-deux anglophones origi-naires des Cantons de l’Est à l’exclusion de Sherbrooke (ligne 2) for-ment d’ailleurs le groupe le plus important de toutes les sous-caté-gories combinant un lieu d’origine et une langue. Sherbrooke, entant que ville la plus populeuse et la plus active de la région, a attirévers elle par sa forte croissance38 les anglophones des Townships restésplus ruraux. Se voit également établi ici l’un des principauxparamètres expliquant la primauté des individus d’expressionanglaise parmi la notabilité de la ville vers la fin du premier conflitmondial : l’ancienneté de la présence individuelle ou familiale dansla région. Le concept de notable faisant référence à des mécanismesde reconnaissance, de perception, de visibilité d’individus ou defamilles, les hommes d’affaires, professionnels et administrateurs nés« dans le coin » possédaient bien plus de chances d’être reconnus ouassociés à des noms illustres, et ainsi d’être classés parmi les notables.Bien plus de chances, certainement, que le Canadien françaisfraîchement débarqué dans une zone longtemps britannique…39

Nombre de francophones ont tout de même vu le jour dans larégion (lignes 1 et 2 : 45,6 % des francophones), mais la forte pro-portion d’entre eux qui sont nés ailleurs au Québec (ligne 4 : 38,6 %des francophones) est symptomatique d’arrivées plus tardives dansles Eastern Townships. Enfin, les lieux de naissance hors Québec(lignes 5 à 9) révèlent, bien sûr, que les anglophones montrent desorigines géographiques bien plus diversifiées que les Boucher,Lacroix et Panneton.Partir des cantons de Compton ou de Stanstead pour s’établir à

Sherbrooke entraînait peut-être la modification de certaines con-duites plus traditionnelles. L’urbanisation accélérée de la fin du 19e

siècle et du début du 20e siècle fut le cadre de transformations sub-stantielles des comportements matrimoniaux et de la fécondité. B. Bradbury a bien démontré, pour deux quartiers de Montréal, ledéclin parmi toutes les ethnies de la taille des familles durant la sec-onde moitié du 19e siècle.40 Notre échantillon nous donne l’occasionde traiter de cette réalité telle que vécue à Sherbrooke à la fin desannées 1910.Le mariage représente l’état civil habituel des gens en vue de cette

ville en 1917. Des 156 membres de cette tranche supérieure de lasociété, seulement 17 (dont trois membres du clergé catholique)n’ont pas convolé en justes noces. 89,1 % d’entre eux sont donc mar-iés. Quant à la taille des familles, le mode de vie urbain a-t-il aplani,dans une tendance généralisée à la baisse, les différences culturelles

Thierry Nootens 95

entre anglophones, protestants pour la plupart, et francophonesd’obédience catholique?41 Non, car les anglophones (et autres) onten moyenne 2,3 enfants, contre 3,2 pour les francophones, soitune différence appréciable de presque un enfant par famille enmoyenne.42 Et dans l’ensemble, les familles de notables tendent àêtre d’assez petite taille, de quatre ou cinq personnes en incluantles parents. Les familles nombreuses, disons de huit enfants et plus,sont même dans le cas des francophones franchement exception-nelles. Saluons cependant au passage la fertilité du couple JoséphineAlphonsine et Louis Joseph Codère, marchand quincailler et père dedouze enfants vivants.43

1917 : trop tôt pour enterrer une moyenne bourgeoisie régionale

La répartition des notables d’après leurs activités professionnellesest susceptible d’offrir des indications sur l’impact qu’aurait pu avoirsur les leaders économiques natifs de la ville la transition au capi-talisme de monopole.Cependant, l’élaboration d’un tableau présentant, d’après les

activités professionnelles, la hiérarchie ou la structure socio-économique d’une communauté, ou pis, la hiérarchie ou la structured’une seule classe, pose un certain nombre de problèmesméthodologiques. Premièrement, il n’est pas possible, au sein d’unmême classement, d’établir des catégories dont chacune représen-terait le même rang, tant pour le processus de production que pourla répartition de la richesse et pour le prestige. M. Katz a montré ledanger d’une association trop rapide en une même unité de ces troiséléments (occupation, richesse et prestige), car les corrélations entreeux n’étaient pas assez fréquentes.44 De surcroît, à l’échelle des indi-vidus, le même auteur nous dit : « …if we compared the economicstanding of an individual, the economic standing of his occupation,and the status of his occupation, we would find even less agree-ment. »45 Et il ajoute :

[D]ifferent scales measure different things, and the scale deter-mines, beforehand, the results. It is simply not enough to saythat a man was mobile because he moved, for instance, from amanual to a nonmanual occupation. If that is all that is known,then it is hard to conclude more than that he improved his sta-tus. To complete the picture, it is necessary to find out whetheror not he moved to an occupation which offered greater finan-cial rewards as well as more prestige.46

96 REVUE D’ÉTUDES DES CANTONS DE L’EST

La même prudence est de mise tant à Hamilton au milieu du siè-cle dernier qu’à Sherbrooke en 1917. Ainsi, le critère régissant leclassement des individus s’avère crucial à définir. Nous avons choisiles occupations, rassemblées en quelques grands groupes, pourobtenir un aperçu de la structure économique de la notabilité sher-brookoise à la veille des années vingt.47 En vertu de ce choix, il esttout à fait possible que le pouvoir, la richesse et le prestige socialaient pu varier sensiblement entre individus d’une même catégorie.Dans notre classement, le groupe affaires rassemble les présidents etpropriétaires d’entreprises manufacturières, les manufacturiers asso-ciés, les marchands propriétaires de leur commerce et les marchandsassociés. Dans les professions libérales figurent les médecins et lesautres professionnels à caractère médical (dentistes, pharmaciens,vétérinaires), les architectes et ingénieurs, les avocats (et autres fonc-tions juridiques équivalentes) et les notaires. Les cols blancsregroupent les gérants (managers) et directeurs de toutes sortes, lessecrétaires-trésoriers et trésoriers, les fonctionnaires, les comptables,commis, clercs, agents locaux et employés, de même que lesvendeurs et représentants commerciaux. Enfin, dans la section autreson trouve les éditeurs et journalistes, les membres du clergé, lesprofessions diverses et les cas indéterminés.En raison de la multiplicité des activités professionnelles de

plusieurs des notables, il a fallu établir quel était l’emploi principalde chacun. Cet emploi principal correspond à la mention suivantle nom de l’individu dans l’annuaire de la cité de 1917–1918 ou, encas de doute ou d’imprécision, à l’activité professionnelle mise enévidence dans le Men of Today. Le tableau 5 expose à la fois la distri-bution des notables selon les catégories énumérées plus haut et lacomposition de chacune d’entre elles selon les ethnies, réduites àdeux ensembles, Canadiens français et anglophones (Anglais, Écos-sais, Irlandais et autres).48

Les groupes affaires, professions libérales et cols blancs ont chacunreçu de la part des auteurs presque autant d’attention avec respec-tivement 32,1 %, 31,3 % et 27,6 % des notables. Les catégories desmarchands (propriétaires ou associés), des médecins (dentistes, phar-maciens et vétérinaires compris), des avocats, des notaires et des colsblancs de tout genre réunissent la majorité des personnes en vue,avec 81,4 % des effectifs (127 individus). Les notables de la citéoeuvrent donc dans les services et l’administration. Peut-on par con-séquent conclure à la disparition d’une moyenne bourgeoisierégionale, maîtresse de capitaux et de moyens de production?Non, car un groupe de ce genre existe bel et bien. Dans la première

Thierry Nootens 97

98 REVUE D’ÉTUDES DES CANTONS DE L’EST

Sources : MT et Annuaire de la cité de Sherbrooke et du village de Lennoxville pour 1917–1918.

TABLEAU 5 : CATÉGORIES PROFESSIONNELLES

Catégories %professionnelles Nombre notables « Ethnies »

A) Affaires

1. Présidents d’entreprises manufacturières, manufacturiers 74,5 %C. fr. : 10 / Angl. : 17

2. Manufacturiers associés 53,2 % C. fr. : 10 / Angl. : 15

3. Marchands propriétaires 2113,5 % C. fr. : 17 / Angl. : 14

4. Marchands associés (et équivalents) 1710,9 % C. fr. : 17 / Angl. : 10

Total A 5032,1 % C. fr. : 14 / Angl. : 36

B) Professions libérales

1. Médecins, dentistes, pharmaciens, vétérinaires 2214,1 % C. fr. : 12 / Angl. : 10

2. Architectes et ingénieurs 31,9 % C. fr. : 12 / Angl. : 11

3. Avocats et équivalents 1811,5 % C. fr. : 19 / Angl. : 19

4. Notaires 6 3,8 % C. fr. : 16 / Angl. : 10

Total B 4931,3 % C. fr. : 29 / Angl. : 20

C) Cols blancs

1. Gérants, managers, directeurs de toutes sortes et équivalents 2012,8 % C. fr. : 11 / Angl. : 19

2. Secrétaires-trésoriers et trésoriers 42,6 %C. fr. : 10 / Angl. : 14

3. Fonctionnaires 95,8 %C. fr. : 14 / Angl. : 15

4. Comptables, commis, clercs, agent local du C.P.R., employé, etc. 63,8 %C. fr. : 11 / Angl. : 15

5. Vendeurs, voyageurs de commerce, représentants 42,6 %C. fr. : 11 / Angl. : 13

Total C 4327,6 % C. fr. : 17 / Angl. : 36

D) Autres

1. Éditeur, journaliste 21,3 %C. fr. : 11 / Angl. : 91

2. Membres du clergé 42,6 %C. fr. : 13 / Angl. : 91

3. Divers 53,2 %C. fr. : 12 / Angl. : 93

4. Activité professionnelle indéterminée, retraités 31,9 %C. fr. : 11 / Angl. : 92

Total D 149,0 %C. fr. : 17 / Angl. : 97

Total A, B, C, et D 156 100,0 % C. fr. : 57 / Angl. : 99

catégorie (présidents d’entreprisesmanufacturières, manufacturiers)figurent les entrepreneurs CharlesH. Fletcher, président de la Fletch-er Pulp and Lumber Co.;49

William R. Webster, manufacturi-er et fondateur de la Queen CigarFactory, employant 135 person-nes;50 George D. Mackinnon, pro-priétaire de la Mackinnon Holmesand Co., compagnie fondée en1909 produisant des structuresd’acier et des obus;51 Benjamin C.Howard, fondateur en 1906 de lafirme B.C. Howard and Co.(industrie du bois) et président etgérant de la St. Lawrence LumberIndustrial Co.;52 Edwin J.L. Page,fondateur de la Page Printing andBinding Company, « conceded to be one of the most up-to-dateplants in Canada » ;53 Norman B. Prichard, manager et seul proprié-taire de la Dominion Metal Co.;54 et enfin Frank N. McCrea, députémais surtout président de la Brompton Pulp and Paper Co.55 CommeSherbrooke n’a probablement jamais accueilli des dizaines et desdizaines d’entreprises indépendantes de bonne taille, ces septpatrons oeuvrant dans les industries du bois, du tabac, de la métal-lurgie et de l’imprimerie indiquent qu’en 1917 une moyenne bour-geoisie maîtresse de ses entreprises habitant la cité56 est toujours bienvivante.L’absence des Canadiens français chez les manufacturiers ou leur

présence insignifiante parmi les cols blancs (un seul gérant oudirecteur!) n’auront pas surpris, pas plus que leur concentrationparmi les marchands et les professions médicales et juridiques,créneaux traditionnels de la petite bourgeoisie francophone. Lesmédecins (et équivalents), les avocats (et équivalents) et les notairesreprésentent du reste 47,4 % du contingent canadien-français (27 cassur 57). Dernier détail, l’association paraît très fréquente dans le com-merce.57

Cumuler des postes : une stratégie de pouvoir?

L’appartenance à l’élite implique, comme on l’a vu, une multi-plicité des champs d’activité, une présence simultanée dans plusieurs

Thierry Nootens 99

(Source : MT, p. 161.)

secteurs. Le cumul de rôles économiques de natures différentes(tableau 6) peut donc constituer un bon indice pour mesurer l’influ-ence de certains notables, et même, croyons-nous, s’avérer une façond’identifier d’autres membres éventuels d’une moyenne bourgeoisielocale.Dans l’ensemble, le cumul de catégories professionnelles est un

phénomène assez peu courant. Un quart des membres des profes-sions libérales (12 sur 49, cf. tableau 5) ne voient, par contre, pasd’inconvénients à une implication dans un autre secteur d’activité.Le Dr J.-O. Camirand agit comme l’un des directeurs58 de la St.Lawrence Lumber and Industrial Co.;59 le dentiste Ludger Forestfait partie du conseil d’administration de la Beauce Electric Co.;60 lenotaire E. Sylvestre, maire de la ville, est aussi directeur à la Strath-cona Fire Ins. Co. et au Crédit Canadien;61 et un avocat, H.D.Lawrence, agit également comme directeur auprès de quatre entre-prises distinctes.62 Ces médecins-directeurs et avocats-directeursjouissaient probablement d’une influence sensiblement supé rieureà la moyenne.C’est en revanche du côté des neuf personnalités combinant les

catégories affaires et cols blancs qu’il nous faut chercher des indi-vidus réellement influents sur le plan économique. Ceux qui présen-tent cette combinaison sont à la fois chef ou associé dans une entre-prise manufacturière ou un commerce, et administrateur haut placédans une ou plusieurs affaires. Leur influence était, peut-on croire,de beaucoup supérieure à celle des autres notables. Frank N. McCrea, personnage de toute évidence considérable,

100 REVUE D’ÉTUDES DES CANTONS DE L’EST

Source : MT. Avantage certain sur le corpus de J.-C. Robert, on peut déduire assez facilement avec leMen of Today quels sont les postes effectivement détenus en 1917. Voir J.-C. Robert, loc. cit., p. 69.

Les catégories professionnelles en question représentent les quatre grands groupes définis dans la section précédente.

TABLEAU 6 : LE CUMUL DE CATÉGORIES PROFESSIONNELLES

Combinaisons de Nombre catégories professionnelles de notables1. Affaires et professions libérales 02. Affaires et cols blancs 93. Affaires et autres 14. Professions libérales et cols blancs 115. Professions libérales et autres 16. Cols blancs et autres 17. Pas de cumul 133Total 156

combine huit postes d’impor-tance. Désigné comme député etlumber dealer dans l’annuaire dela cité, McCrea est en fait prési-dent de la Brompton Pulp andPaper Co., de la SherbrookeLumber Co., de la Devon Lum-ber Co., de la Stanstead andSherbrooke Mutual Fire Insur-ance Co. et de la FederalAsbestos Co., vice-président del’Urban Land Co. (Fort William,Ont.), directeur du MassawippiValley Railway Co. et vice-prési-dent de la Lotbinière LumberCo.63 Les autres leaders de cegenre sont : L.A. Bayley, marc-hand d’importance et directeurd’une compagnie minière;64

Robert A. Ewing, d’Ewing et Cross, marchands de bois (quatre autrespostes : deux directions, une présidence et une trésorerie);65 CharlesH. Fletcher (trois postes : deux présidences et une direction);66 sonfils, Harold Bruce Fletcher (quatre postes : une présidence, deuxdirections et une gérance);67 Benjamin C. Howard (au moins septpostes :68 trois présidences, une vice-présidence, trois directions);69

son fils, Charles Benjamin (trois postes : deux directions, une prési-dence et d’autres participations);70 James Simpson Mitchell, marc-hand d’envergure (trois autres directions);71 et David J. Salls, mem-bre de la firme B.C. Howard and Co., que l’on dit « intéressé » danssept autres compagnies.72

Bien que le poids relatif des entreprises dans lesquelles ceshommes s’investissent nous soit parfois inconnu, la plupart sem-blent assez puissants et autonomes pour être classés dans la moyennebourgeoisie. Hormis la présence de deux familles, les Howard et lesFletcher, l’implication de sept de ces neuf têtes d’affiche dans l’indus-trie du bois et du bois de pâte mérite d’être soulignée. Ewing, lesFletcher, les Howard, McCrea et Salls possèdent tous des intérêts ouremplissent des fonctions dans ce secteur. Quatre d’entre eux gravi-tent même autour de la St. Lawrence Lumber and Industrial Co., soitEwing, comme trésorier de ladite compagnie, Howard père, commeprésident et general manager, ainsi qu’Howard fils et Salls qui y ontdes « intérêts. » Voilà peut-être un petit réseau fort puissant à

Thierry Nootens 101

(Source : MT, p. 161.)

l’époque. Ces gens d’affaires allaienttoutefois être confrontés à l’épuise-ment de la forêt régionale et à lachute conséquente des activités de cesecteur au début des années vingt.73

En outre, une remarque s’imposequant au rapport des champs d’activ-ité de ces notables, de prime abord lesplus influents, à la structure indus-trielle de la cité de Sherbrooke à lamême époque. Le recensementfédéral de 1921 nous apprend que,dans le secteur manufacturier, l’indus-trie du bois et du papier n’occupe àcette époque que 190 personnes, soitbien moins que les secteurs du textile(1 456 personnes), du fer et de l’acier

(810 personnes), et même des produits végétaux (aliments, alcools,boissons, caoutchouc et tabac : 237 personnes).74 Le bois n’occupaiten 1921 de toute évidence qu’une place marginale parmi les autresindustries sherbrookoises : ces sept patrons ne tenaient donc pas lesrênes de l’économie de la cité. Il demeure possible que ceux-cimenaient leurs activités en dehors de la métropole régionale. Tou-jours est-il que les gérants des grosses entreprises textiles et métal-lurgiques installées en ville, gérants ayant à diriger des nombres trèsimportants d’employés, détenant par le fait même une influence con-sidérable dans leur milieu, ne font pas partie des Men of Today rési-dant à Sherbrooke. Or, ils devaient habiter sur place. Ces absencestémoignent de façon éloquente de la subjectivité inhérente au con-cept de notabilité. Font partie d’un recueil de personnes en vue lesgens d’affaires du milieu qui ont « réussi » , et non les administrateurs,probablement venus de l’extérieur, de très grosses entreprises dontle contrôle n’est plus régional.75

Le tableau 6, on l’aura remarqué, ne tient pas compte des possi-bles cumuls de postes à l’intérieur d’une même catégorie profes-sionnelle. Un examen des notices n’a révélé que quelques cas decumuls semblables qui peuvent à leur tour trahir un certain pou-voir économique. James Mackinnon occupe un poste, on ne saitlequel, à la Canadian Bank of Commerce, en plus d’agir commedirecteur d’une compagnie d’assurances et comme vice-président del’Empire Trust Co.;76 W.S. Dresser, manager et associé d’une firmed’assurance, combine cinq autres postes comme col blanc (quatre

102 REVUE D’ÉTUDES DES CANTONS DE L’EST

(Source : MT, p. 188.)

directions et une présidence);77 William Farwell est directeur à laCanadian Bank of Commerce, à la Canadian Rand Drill Co. et à laJenckes Machine Co.;78 John H. Walsh, director et general-manager duQ.C.R., cumule la vice-présidence et la présidence de deux autresentreprises ferroviaires;79 et le fabricant de cigares William R. Web-ster occupe deux présidences dans le domaine des affaires.80

D’étonnantes absences au conseil de ville et au conseil du Board of Trade

Cumuler des postes d’administrateur ou posséder une grosseentreprise ne constituaient évidemment pas les seules avenues pourexercer une quelconque ascendance sur la communauté sher-brookoise. Une implication au conseil municipal ou dans l’organi-sation regroupant les gens intéressés au développement de la cité,très active par son lobbying, le Board of Trade,81 pouvait permettreà certaines personnes, sans être nécessairement les plus fortunées,d’influer concrètement sur l’évolution de Sherbrooke. Ainsi, chosesurprenante, on ne retrouve en 1917 au conseil de ville82 et au con-seil du Board of Trade83 aucun des neufs leaders économiques desnotables (identifiés par la combinaison des catégories profession-nelles affaires et cols blancs dans le tableau 6), ni aucun des septprésidents d’entreprises manufacturières et manufacturiers (indiquésdans le tableau 5),84 hormis N.B. Prichard, membre du conseil duBoard of Trade. Ces patrons, que nous associons à une moyennebourgeoisie régionale, trop occupés à des échelons supérieurs, sesont-ils désintéressés du con-trôle des instances les plusinfluentes au niveau local pourlaisser la place à des gens decondition plus modeste? Une telle évolution a déjà été

relevée par E. Bloomfield autournant du siècle dans deuxvilles ontariennes, Berlin/Kitch-ener et Waterloo.85 Il y a fort àparier que les professions del’ensemble des gens actifs dansles deux instances montreraientune étroite parenté avec cellesde la grande majorité des nota-bles qui gagnaient leur vie, rap-pelons-le, comme cols blancs,

Thierry Nootens 103

(Source : MT, p. 220.)

membres des professions libéralesou marchands. Les politiques de laville et les actions du Board ofTrade risquaient, si c’était le cas, demontrer un fort degré de parentéavec les intérêts de cette majorité.

Se retrouver au St. George’s Club

Une vie associative développées’impose comme une autre carac-téristique de nos notables. Au total,les anglophones sherbrookois duMen of Today présentent un éven-tail de 78 associations différentes,contre 47 chez les francophones. Laplus grande diversité des groupesauxquels participaient les premiersest-elle le signe d’une sociabilité

urbaine plus complexe, plus développée? Certaines associationscomme le Sherbrooke Chess Club possédaient certainement uneaudience très limitée. Mais ce n’est pas tant la diversité des clubs,sociétés et cercles qui se montre la plus intéressante, mais plutôt ladécouverte des lieux où, en dehors du travail, les personnalités dela ville entretenaient leurs relations. Le tableau 7 présente la liste dessept associations les plus populaires selon la langue. Autre signe du cloisonnement socio-culturel, aucune association

d’envergure ne réunit les deux groupes linguistiques. Près de lamoitié des francophones (26 sur 56) font partie des Chevaliers deColomb, société « secrète » catholique et « rendez-vous de l’élitecanadienne-française sherbrookoise. »86 Quatorze des membres decette élite participent d’autre part à l’Union St. Joseph, société de sec-ours mutuel,87 soit légèrement plus qu’au club Tuque Rouge, club deraquette, sport apparemment très prisé à l’époque comme le montrel’affection des anglophones pour le Sherbrooke Snowshoe. Pendantinformel du Board of Trade et « lieu de rencontre très exclusif ethuppé » des WASP, le St. George’s Club a été décrit comme un lieuessentiel du pouvoir à Sherbrooke au tournant du siècle.88 D’après letableau 7, il a certainement joué le rôle de lieu de rendez-vous desnotables anglophones de la ville. Finalement, outre la présence dedeux clubs sportifs, on remarquera chez ces derniers le nombreappréciable de membres des deux sociétés fraternelles, A.F. and A.M.(les Maçons) et I.O.O.F. (les « Odd Fellows »).89

104 REVUE D’ÉTUDES DES CANTONS DE L’EST

(Source : MT, p. 272.)

Conclusion

Le Men of Today, malgré la prudence qui est de mise dans l’emploide ce genre de source, s’est avéré assez rigoureux pour nous donnerun tableau, pris sur le vif, du groupe rassemblant les individus perçuscomme socialement prestigieux à Sherbrooke en 1917. Ces hommesd’âge mûr, anglophones aux deux tiers, issus de la région et de Sher-brooke pour la plupart, côtoyaient des Canadiens français venus plussouvent de l’extérieur des Cantons et sous-représentés parmi lesnotables eu égard à leur poids dans la population totale et dans lapopulation active de la cité. Si l’on considère le contexte socio-économique et historique particulier des Cantons de l’Est d’alors,rien ne nous laisse croire que cette sous-représentation relève d’unparti pris des auteurs. Les Britanniques ont pu profiter de l’avan-tage certain, dans le processus de reconnaissance du prestige socialà l’origine de l’obtention du statut de notable, de racines régionalesplus anciennes, au détriment des Canadiens français arrivés plus tar-

Thierry Nootens 105

Source : MT. Probablement dans le but d’éviter des notices trop longues, des énumérations d’associa-tions auxquelles certains individus appartenaient ont été tronquées (présence de « etc. »). Le tableau 7

ne peut prétendre ainsi à être d’une rigueur parfaite. Le classement entre les deux grands groupes linguistiques fut effectué d’après les patronymes. Le Board of Trade n’a pas été considéré ici, à l’instardes associations de partis politiques et des associations professionnelles obligatoires comme le barreau

ou le collège des médecins. Les autres associations professionnelles n’ont constitué qu’une seule catégorie, de même que les associations militaires. L’Union St. Joseph rassemble les appellations

« St. Joseph », « St. Joseph Society », « St. Joseph de Sherbrooke » et « Union St. Joseph de Sherbrooke ».L’Alliance Nationale regroupe aussi les membres de l’« Alliance Club » de même que ceux du cercle

d’Youville, branche de l’Alliance Nationale. Cf. l’Annuaire de la cité de Sherbrooke et du village deLennoxville pour 1917–1918, p. 22.

TABLEAU 7 : LES ASSOCIATIONS LES PLUS POPULAIRES SELON LA LANGUE

Anglophones Francophones

Associations Membres Associations Membres

St. George’s Club 39 Chev. de Colomb 26

A.F. and A.M. (Maçons) 30 Union St. Joseph 13

Sherbrooke Snowshoe 22 Associations professionnelles 13

Sherbr. Curling Club 19 Alliance Nationale 12

I.O.O.F. (Odd Fellows) 17 Tuque RougeSnowshoe Club 10

Sherbrooke Hospital 13 Armée 9

Y.M.C.A. 12 C.O.F. 8

divement dans les Townships. Au plan professionnel, ceux quitenaient le haut du pavé à Sherbrooke en 1917 oeuvraient générale-ment dans les domaines des services et de l’administration commemarchands, médecins, avocats, notaires et cols blancs. C’est au St.George’s Club que se rencontraient informellement une bonne partdes leaders de la cité. À cet endroit furent peut-être prises des déci-sions concernant la ville entière…Et même si l’impact du capitalisme de monopole s’est fait sentir

dans la région avant la Première Guerre mondiale, il faut repousserau-delà de 1917 la disparition d’une moyenne bourgeoisie régionaledont des représentants comme les Mitchell, Webster et McCrea,présidents de grosses entreprises, témoignent encore de la présenceà la veille des années vingt. Du reste, l’examen du phénomène decumul de postes au sein d’entreprises différentes a permis d’identi-fier neuf leaders économiques probablement alors assez influents.Sept d’entre eux appartenaient au secteur du bois et du bois de pulpe.Ces patrons auraient laissé à des individus au statut socio-économique s’apparentant davantage à celui de la masse des nota-bles le soin de s’impliquer au sein des institutions influentes locale-ment, soit le conseil de ville et le conseil du Board of Trade.Toutefois, comme les lendemains du premier conflit mondial

furent les témoins d’une deuxième phase du mouvement de con-centration de l’économie90 et d’une dégringolade des activitésforestières en région, V.E. Morrill et E.G. Pierce nous renverraientl’image d’une notabilité un peu traditionnelle, en sursis, à la veillede transformations qui la laisseront défigurée, du moins dans seséchelons supérieurs.

106 REVUE D’ÉTUDES DES CANTONS DE L’EST

ABSTRACT

Through an analysis of the contents of V.E. Morrill’s and E.G.Pierce’s biographical dictionary Men of Today in the Eastern Townships1917 (Sherbrooke: Sherbrooke Record Company, 1916), this articlelooks at the social and professional characteristics of Sherbrooke’sleading citizens at the end of the First World War. Members of thisgroup were predominantly English-speaking natives of Sherbrookeor the Eastern Townships. A further finding is that the region’s mid-dle bourgeoisie, which controlled capital and the means of produc-tion, did not disappear from the scene until after 1917. The mostinfluential of the prominent citizens, however, were involved in thelumber and pulp industry, which was soon to go into decline.

NOTES1 P.-A. Linteau, « Quelques réflexions autour de la bourgeoisie

québécoise 1850–1914 » , RHAF, vol. 30, no 1 (juin 1976), p. 63.Le présent article a bénéficié d’une lecture attentive et de sugges-tions de la part de Peter Southam, professeur d’histoire à l’Univer-sité de Sherbrooke. L’auteur tient à le remercier.

2 Ibid., p. 63 et 64.

3 Ibid., p. 60.

4 R. Rudin, « Naissance et déclin d’une élite locale : la Banque desCantons de l’Est, 1859–1912 » , RHAF, vol. 38, no 2 (automne1984), p. 165-180.

5 Idem, « The Transformation of the Eastern Townships of RichardWilliam Heneker, 1855–1902 » , Journal of Canadian Studies/Revued’études canadiennes, vol. 19, no 3 (automne 1984), p. 37.

6 V.E. Morrill et E.G. Pierce, Men of Today in The Eastern Townships1917, Sherbrooke, Sherbrooke Record Company, 1916, 297 p.Dorénavant cité MT.

7 J.-C. Robert, « Les notables de Montréal au XIXe siècle » , Histoiresociale/Social History, vol. VIII, no 15 (mai 1975), p. 54–76.

8 G. Bouchard, « Les notables du Saguenay au 20e siècle à traversdeux corpus biographiques » , RHAF, vol. 39, no 1 (été 1985),p. 3–23.

9 M.B. Katz, The People of Hamilton, Canada West: Family and Classin a Mid-Nineteenth-Century City, Cambridge, Harvard UniversityPress, 1975, p. 184–185.

10 Ibid., p. 185.

11 E. Bloomfield, « Community Leadership and Decision-Making:Entrepreneurial Elites in Two Ontario Towns, 1870–1930 » , dans

Thierry Nootens 107

G.A. Stelter et A.F.J. Artibise (éd.), Power and Place: CanadianUrban Development in the North American Context, Vancouver, University of British Columbia Press, 1986, p. 85.

12 P.-A. Linteau, loc. cit., p. 57.

13 J.-C. Robert, loc. cit., p. 55.

14 F. Guérard, « Les notables trifluviens au dernier tiers du 19e

siècle : stratégies matrimoniales et pratiques distinctives dans uncontexte d’urbanisation » , RHAF, vol. 42, no 1 (été 1988), p. 28.

15 Ibid., p. 29.

16 J.P. Kesteman, « La condition urbaine vue sous l’angle de la con-joncture économique : Sherbrooke, 1875 à 1919 » , Urban HistoryReview/Revue d’histoire urbaine, vol. XII, no 1 (juin 1983), p. 18.

17 R. Rudin, «The Transformation of the Eastern Townships ofRichard William Heneker, 1855–1902 » , p. 37.

18 J.-C. Robert, loc. cit., p. 56.

19 « Mort de M. V.E. Morrill du “Record” » , La Tribune, 22 octobre1928, p. 3, et voir MT.

20 La Sherbrooke Record Publishing Company et la SherbrookeRecord Company ne désignent probablement qu’une seule etmême entreprise.

21 « E.G. Pierce Passed Away at Noon Today » , Sherbrooke DailyRecord, 8 septembre 1930, p. 1, et voir MT.

22 J.-C. Robert, loc. cit., p. 55.

23 Si le copyright du Men of Today indique 1916, certaines informa-tions dans les biographies relatent des événements qui se sontdéroulés en 1917.

24 À la suite d’énumérations de postes occupés ou d’associationsfréquentées se trouvent parfois des « etc. » C’est en revanche trèsrare.

25 MT, pages liminaires.

26 Annuaire de la cité de Sherbrooke et du village de Lennoxville pour1917–1918, Sherbrooke, La Société de Publication de l’Annuairede la cité de Sherbrooke, 1916, 370 p. La date d’édition de cetannuaire est 1916, soit la même année que le copyright du Men ofToday.

27 Le Men of Today compte au total près de 1200 biographies.

28 Concernant l’évolution démographique de la population fran-cophone dans les Cantons à la fin du siècle dernier, voir R. Rudin,« The Transformation of the Eastern Townships of RichardWilliam Heneker, 1855–1902 » , p. 39. Se référer au même articlepour un aperçu du leadership économique des anglophones.

108 REVUE D’ÉTUDES DES CANTONS DE L’EST

29 L’âge de chacun des individus fut établi par le calcul 1917 moinsl’année de naissance.

30 MT, p. 288, 289 et 182.

31 La cité de Sherbrooke passe de 11 765 habitants en 1901 à 16 405en 1911 et à 23 515 en 1921. (Sixième recensement du Canada,1921, vol. I, Population, Ottawa, F. A. Acland, 1924, p. 221.)

32 On ne peut présumer de la concordance des limites de la cité util-isées dans le recensement de 1921 avec celles considérées par lesauteurs du Men of Today.

33 Sixième recensement du Canada, 1921, vol. II, Population, Ottawa, F. A. Acland, 1925, p. 244, 245 et 362.

34 Il n’y a en fait que quatre ou cinq noms à consonance étrangèrecomme « Echenberg, Moses » ou « Vineberg. »

35 P.-A. Linteau, Histoire de Montréal depuis la Confédération, Montréal, Boréal, 1992, p. 48, 49, 164 et 165.

36 Menassa B. Echenberg, son frère Moses, Joseph R. Rosenbloom etThomas Vineberg, tous marchands. Les Juifs représentent legroupe ethnique le mieux représenté après les gens d’origines bri-tannique et française dans la cité en 1921. (Sixième recensement duCanada, 1921, vol. I, Population, p. 542 et 543.)

37 J.-C. Robert, loc. cit., p. 63.

38 Voir note 32.

39 R. Rudin, « The Transformation of the Eastern Townships ofRichard William Heneker, 1855–1902 » , p. 39.

40 B. Bradbury, Familles ouvrières à Montréal. Âge, genre et survie quoti-dienne pendant la phase d’industrialisation, Montréal, Boréal, 1995,p. 72–83, et plus particulièrement p. 77.

41 Fait à noter, l’avocat Jacob Nicol était protestant.

42 On parle ici d’enfants vivants en 1917. Les couples sans enfantsont bien sûr été considérés. S’il y a eu remariage, les enfants desdeux lits ont été additionnés et la somme comptabilisée commeune seule unité ou ménage.

43 MT, p. 134.

44 M. Katz, « Occupational Classification in History » , The Journal ofInterdisciplinary History, vol. III, no 1 (été 1972), p. 69 et 86.

45 Ibid., p. 86.

46 Ibid.

47 Ces catégories sont de notre cru.

48 Comme on l’a vu plus haut, les gens d’ethnies autres que canadi-enne-française ou britanniques représentent une infime minoritédes notables.

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49 MT, p. 160–161.

50 Ibid., p. 289–290.

51 Ibid., p. 213.

52 Ibid., p. 188.

53 Ibid., p. 241.

54 Ibid., p. 252.

55 Ibid., p. 219–220.

56 Trois ou quatre d’entre eux sont, de plus, nés dans la région.

57 Voir la catégorie « marchands associés » du tableau 5.

58 Il faut entendre le mot director, tel qu’employé dans le Men ofToday, au sens de membre d’un conseil d’administration.

59 MT, p. 125.

60 Ibid., p. 162–163.

61 Ibid., p. 272.

62 Ibid., p. 202-203.

63 Ibid., p. 219–220.

64 Ibid., p. 100 et 101.

65 Ibid., p. 156.

66 Ibid., p. 160 et 161.

67 Ibid., p. 161.

68 L’énumération des postes détenus par Howard se termine par« etc. »

69 MT, p. 188.

70 Ibid.

71 Ibid., p. 228–229.

72 Ibid., p. 260.

73 J.D. Booth, Changing Forest Utilization Patterns in the Eastern Town-ships of Quebec, 1800–1930, Thèse (Ph.D.), Université McGill,1971, p. 241.

74 Sixième recensement du Canada, 1921, Volume IV, Occupations,Ottawa, F. A. Acland, 1928, p. 72–80.

75 Pour une synthèse des transformations de la structure industrielledes Cantons de l’Est, voir J.-P. Kesteman, « Spécificités etdynamismes d’une trajectoire industrielle » , dans Un patrimoineindustriel régional, Sherbrooke et les Cantons de l’Est, Actes du 7e

congrès de l’Association québécoise pour le patrimoine industriel,Montréal, Aqpi, 1995, p. 5–16.

76 MT, p. 212–213.

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77 Ibid., p. 147–148.

78 Ibid., p. 158.

79 Ibid., p. 286.

80 Ibid., p. 289–290.

81 Il suffit pour s’en convaincre de lire le President’s Report-1921 duBoard of Trade. On peut y lire, p. 6, « that the interests of theBoard are the interests of the city. » Un document de 1929, intit-ulé tout simplement The Sherbrooke Board of Trade, nous dit :« [O]wing to intermittent joint meetings between the Board ofTrade and the Municipal Authorities, close cooperation has beenfostered between these two bodies. This in turn creates a feelingof bonne entente for which Sherbrooke is reputed. Thus mutualproblems are settled with an expediency and satisfaction that isunknown in other big centers. » Ces deux documents se trouventdans le fonds du Board of Trade conservé au Centre de l’Estrie desArchives nationales du Québec.

82 La liste complète des échevins en 1917 a pu être vérifiée grâce àl’annuaire de la ville.

83 D’après les indications du MT.

84 Seuls trois notables font à la fois partie des ces deux groupes, soitB. C. Howard, F.N. McCrea et C.H. Fletcher. Ce sont probable-ment les individus de notre groupe dotés du plus d’influence surle plan économique.

85 E. Bloomfield, « Community Leadership and Decision-Making:Entrepreneurial Elites in Two Ontario Towns, 1870–1930 » ,p. 92–93.

86 R. Choquette, Les associations volontaires et le changement social :Sherbrooke, 1855–1909,Mémoire (M.A.), Université de Sher-brooke, 1987, p. 102.

87 S’il s’agit de la même association que l’Union St-Joseph des arti-sans mentionnée par R. Choquette, op. cit., p. 135.

88 R. Choquette, op. cit., p. 136–137.

89 Annuaire de la cité de Sherbrooke et du village de Lennoxville pour1917–1918, p. 22–23.

90 P.-A. Linteau, R. Durocher et J.-C. Robert, Histoire du Québec con-temporain. De la Confédération à la crise (1867–1929), Montréal,Boréal Express, 1979, p. 384.

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