memoire_marché financiers
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UNIVERSITE DE LAUSANNE SESSION DOCTOBRE 2005
FACULTE DES SCIENCES
SOCIALES ET POLITIQUES
Limpact des marchs financiers sur
la gestion des entreprises suisses.
Le cas de Swissmetal Boillat
Reconvilier
Mmoire en Sciences politiques
Prsent par Alexandre BeuchatDirecteur Andr Mach
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Sommaire
1. Introduction .......................................................................................................... 2
2. Cadre thorique.................................................................................................... 3
2.1. La corporate governance : dfinition et volution....................................... 3
2.2. Limpact des marchs financiers...................................................................... 5
2.3. Approche par les varits du capitalisme ......................................................... 7
2.4. Caractristiques de la corporate governance suisse.....................................10
2.5. Cadre thorique dAguilera & Jackson ............................................................11
2.6. Le partenariat social en Suisse .........................................................................17
3. Problmatique.......................................................................................................19
3.1. Mthode employe ..........................................................................................21
4. Historique de lentreprise.....................................................................................22
4.1. Cration et dveloppement de lusine : 1855-1955...........................................22
4.2. Modernisation de lentreprise : 1955-1985.......................................................23
4.3. Cration de UMS Usines Mtallurgiques Suisses en 1986 ...............................25
5. Caractristiques de lentreprise Swissmetal Boillat ............................................26
6. Restructurations au sein de Swissmetal : 1996-2005 ...........................................29
6.1. Difficults financires......................................................................................29
6.2. Nomination de Martin Hellweg .......................................................................31
6.3. Plan de refinancement du groupe.....................................................................32
6.4. Restructurations : nouvelle stratgie de la direction gnrale ........................... 33
7. La grve de Reconvilier : un conflit pas comme les autres..................................38
7.1. Rappel des vnements....................................................................................39
7.2. Retour sur le dclenchement du conflit............................................................42
7.3. Un dfi pour le syndicat Unia ..........................................................................43
7.4. Rle des autorits politiques ............................................................................50
7.5. Mobilisation et soutien rgionale.....................................................................52
7.6. Revendications des grvistes et donnes immatrielles .................................... 53
8. Retour aux hypothses et principaux rsultats....................................................58
9. Conclusion.............................................................................................................66
10. Bibliographie.......................................................................................................70
11. Annexes ...............................................................................................................74
11.1. Chronologie de lentreprise ...........................................................................74
11.2. Schmas........................................................................................................76
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1. Introduction
La grve de lusine Swissmetal Boillat Reconvilier napparat pas du tout comme un
conflit normal. Ce conflit de dix jours, en novembre 2004, a braqu les projecteurs sur
ce petit village du Jura bernois et sa fonderie jusque-l inconnue du grand public. Le
conflit de Reconvilier nest pas un cas isol en Suisse, les grves de lusine Filtrona de
Crissier en 2004 ou de Sapal Ecublens en 2000 constituent dautres exemples de
conflits de travail rcents. Ces diffrents cas se rejoignent dans le sens o non seulement
il sagissait de grves entames par les employs en opposition aux restructurations
mises en place par la direction, mais encore parce que ces restructurations mettaient en
danger la prennit de ces entreprises face des stratgies que daucuns estimaient
suivies dans une logique de shareholder value , de rentabilit court terme. Ces
exemples nous interrogent quant limpact des marchs financiers sur les entreprises
suisses.
Le conflit de travail de Reconvilier est exceptionnel sur plusieurs points, le fait de la
grve, tout dabord, dans une entreprise du secteur des machines soumise la paix du
travail de 1937, lextraordinaire mobilisation rgionale de soutien aux grvistes ainsi
que la revendication principale de ceux-ci, le dpart de leur directeur gnral. Aussi,
plus de six mois aprs la fin du conflit, il ma sembl lgitime de minterroger sur les
causes de la grve, aussi bien les causes conjoncturelles du conflit que les causes
profondes qui nous ramnent des annes en arrire. En effet, le droulement proprement
dit de la grve, lampleur des mobilisations, la tenue des ngociations ne prennent sens
quen lien avec les annes prcdant la grve, annes marques par dimportantes
difficults financires, des projets de restructuration en pagaille et de nombreux
changements la tte de la direction du groupe. Le cas de Reconvilier mrite dtre
tudi dans le sens o il nous ramne aux volutions actuelles de la gouvernance
dentreprise, limpact de la shareholder value , la financiarisation des entreprises, les
modifications au sein de lactionnariat. Ainsi, il sagira dans ce travail de sinterroger
sur les changements au sein de Swissmetal (le holding qui regroupe lusine Boillat
Reconvilier) dans une approche qui met laccent sur les trois principaux
stakeholders que sont les actionnaires, les managers et les employs. Dans cette
optique, je stipule que le groupe Swissmetal en mettant en place un nouveau directeur
gnral a dcid de suivre une logique proprement financire.
Je procderai de la faon suivante, en exposant dabord les grandes lignes de mon cadre
thorique, ma problmatique, les caractristiques propres de lusine Boillat, son
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dveloppement historique, avant de mintresser la situation de lentreprise ces
dernires annes, les difficults financires rencontres, les restructurations mises en
place, puis le droulement de la grve proprement dite, avant de tenter en dernier lieu de
rpondre mes hypothses de recherche.
2. Cadre thorique
Tout dabord, il est indispensable de dvelopper un cadre thorique cohrent pour
comprendre les logiques inhrentes au conflit de Swissmetal Boillat. A cet effet, il
convient en premier lieu de prciser les caractristiques et les grandes phases de la
corporate governance , volutions qui peuvent se retrouver dans le cas de
Reconvilier. Il serait tout fait prjudiciable de traiter cette tude de cas en mentionnant
des lments historiques sans la relier des changements un niveau plus macro.
Ensuite, il sagira de prciser les volutions rcentes de la corporate governance ,
notamment limpact de la shareholder value , et lintroduction dune logique
purement financire dans la gestion des entreprises. Le prochain point consistera
donner les caractristiques du capitalisme suisse dans cette volont dinsrer le cadre de
Reconvilier dans une ralit plus large, avant de dvelopper deux propositions de
modle danalyse de la corporate governance : premirement, lapproche par les
varits du capitalisme de Hall et Soskice1 et ensuite lapproche de Aguilera et
Jackson2, que je transposerai pour le cas de Swissmetal Boillat, approche qui se base sur
trois groupes dacteurs, actionnaires, managers et employs. Enfin, il me semble
pertinent de rappeler brivement les caractristiques du partenariat social en Suisse pour
tenter de montrer, par la suite, en quoi le cas de Reconvilier soppose au modle
traditionnel de relations patronat/syndicats et annonce peut-tre des mutations
importantes de ce modle.
2.1. La corporate governance : dfinition et volution
La corporate governance peut se traduire en franais par gouvernance dentreprise,
autrement dit le mode de gestion de lentreprise. Il est en effet ncessaire de saisir dans
les grandes lignes lvolution de la gouvernance dentreprise durant le XXe sicle.
1HALL Peter A. et SOSKICE David, Les varits du capitalisme , inLanne de la rgulation, vol. 6,
p. 47-124, 2002.2
AGUILERA Ruth et JACKSON Gregory, The Cross-National Diversity of Corporate Governance :Dimensions and Determinants , inAcademy of Management Review 28(3), p. 447-466, 2003.
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Laurent Batsch nous dit que lexpression recouvre pour lessentiel, lorganisation des
relations entre les actionnaires, dune part, et les dirigeants de lentreprise, dautre
part. 3 Le premier modle de corporate governance est ramener au dbut du XXe
sicle. Le modle du capitalisme familial se caractrise notamment par une distance
rduite entre la famille actionnaire de lentreprise et les dirigeants gestionnaires. Il y a
donc une vritable convergence dintrts entre le capital et les managers, puisquil
sagit souvent des mmes personnes. Ce modle va tre mis mal par louverture du
capital des socits anonymes, qui va conduire la dispersion de lactionnariat. Etant
donn labsence dun actionnaire assez influent pour nommer la direction oprationnelle
de lentreprise, les dirigeants smancipent du contrle de leurs mandants et imposent
une logique de contrle managrial ou contrle interne. 4
Ainsi, le second modle de
corporate governance apparat et marque lmergence sur le devant de la scne de la
figure du dirigeant, lequel demeure lacteur dominant relguant lactionnaire dans
lombre, victime du grand nombre et de lanonymat. 5 Cest aux Etats-Unis, ds le
dbut des annes 80, que ce modle va tre remis en cause par les actionnaires. La
conjonction du dclin de lindustrie amricaine remettant en cause les stratgies des
dirigeants et lmergence dune idologie base sur les bienfaits de la rgulation par le
march marquent lapparition dun nouveau capitalisme dit financier. Ainsi, tous les
moyens de contrle sont utiliss pour surveiller laction des managers. Lactionnaire
redevient lagent conomique central. Son retour saccompagne de lapparition des
investisseurs institutionnels qui deviennent progressivement des acteurs omniprsents
au sein de lactionnariat des grands groupes, ce phnomne sobservant dans tous les
pays capitalistes, mais diffrents degrs. Cette pression actionnariale est dsormais
exerce par des grants de fonds professionnels qui surveillent activement les managers.
Batsch nous informe que les institutionnels tentent de combiner trois objectifs : la
minimisation des risques, la liquidit du portefeuille et la rentabilit des
investissements. 6 Cependant, limpact de ce nouveau mode de gouvernance nest pas
partout identique, cest pourquoi il est primordial, une fois dveloppes les mutations
subies par la corporate governance ces dernires annes, de prciser les deux
3BATSCH Laurent, Le retour de lactionnaire , in L. BATSCH, Le capitalisme financier, Paris, La
Dcouverte, 2002, p. 6.4
Ibid. , p. 8.5Ibid. , p. 10.
6Ibid. , p. 21.
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modles de capitalisme de Hall et Soskice et les caractristiques du modle suisse afin
de montrer les diffrences qui peuvent exister entre conomies de march.
2.2. Limpact des marchs financiers
La corporate governance a subi ces dernires annes dimportantes mutations quil
convient de rsumer de manire bien saisir le contexte qui prvaut actuellement. Une
nouvelle logique financire sest affirme aux Etats-Unis, principalement durant les
annes 90, marque par larrive fracassante des investisseurs institutionnels. Il sagit
d institutions qui grent ou font grer professionnellement les fonds dont ils
disposent. 7
Cette monte en puissance des investisseurs institutionnels a modifi
lquilibre qui existait entre le pouvoir managrial (puissance qui dcoule du contrle
managrial de lentreprise) et le pouvoir capitaliste (puissance qui dcoule de la
proprit du capital) en faveur des actionnaires.8
La proccupation premire devient la
liquidit du capital, autrement dit sa grande circulation. Les investisseurs institutionnels
poursuivent un objectif de diversification des portefeuilles, notamment pour minimiser
les risques. Andr Orlan estime que
lobjectif poursuivi est clair : maximiser la richesse des actionnaires en valorisant au
maximum le prix de leurs actions et en augmentant les dividendes. Cest alors la
cration de valeur qui est impose la direction de lentreprise comme finalit
stratgique de la gestion. On ne peut imaginer conception plus boursire de
lentreprise : elle est un actif aux mains des financiers. 9
Orlan est davis que ces modifications de la corporate governance saccompagnent
de lmergence dune dfinition de lentreprise aux seuls intrts des actionnaires,
oubliant par l mme les acteurs de lentreprise que sont les employs, les cranciers,
les fournisseurs ou les autorits locales. Les investisseurs institutionnels cherchent
dsormais tablir un certain nombre de procdures pour assurer que les agissements
des managers suivent la volont des actionnaires. Orlan nhsite pas parler de
financiarisation des entreprises au sens o on redessine lorganisation interne pour
quelle se plie aux contraintes de la rentabilit boursire. 10 Cest ainsi que le terme de
7ORLEAN Andr, Le gouvernement dentreprise (chap. 4, partie 1) , in A. ORLEAN, Le pouvoir de
lafinance, Odile Jacob, Paris, p. 194-235, 1999, p. 211.8
Ibid. , p. 194.
9Ibid. , p. 214.
10Ibid. , p. 215.
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shareholder value est devenu trs la mode. A vrai dire, il existe plusieurs
dfinitions de la shareholder value , quon peut traduire en franais par valeur
actionnariale. Le caractre polysmique de ce terme rside dans le fait que nous avons
affaire un concept thorique, mais galement une idologie. Tandis que certains
estiment quil sagit dun concept visant mesurer la cration de valeur dune
entreprise, dautres sont davis quil sagit dune idologie destructrice pour le tissu
industriel puisquelle suit le seul principe de la valorisation de laction en bourse sur le
court terme. Michel Aglietta et Antoine Rebrioux, auteurs de louvrage Drives du
capitalisme financier, se sont attachs dmonter les fondements de la valeur
actionnariale. Ils estiment que lmergence de ce paradigme ne se base gure sur une
rationalit conomique, mais sur un certain nombre de postulats idologiques. Selon
eux, la reprsentation du capitalisme financier qui prvaut dans les milieux acadmiques
et politiques se rsume en deux propositions :
Lapprofondissement de la logique financire permet une meilleure rpartition du
risque et une meilleure efficacit conomique dans lallocation du capital.
La suprmatie des actionnaires met fin aux usurpations de pouvoir du capitalisme
managrial. Elle rtablit le respect de la proprit prive, pivot du capitalisme.11
Les auteurs soulignent que la shareholder value propose une vision errone de
lentreprise, en ne se focalisant que sur la satisfaction des intrts des actionnaires. La
direction de la firme doit sexercer dans lintrt de lentit elle-mme, et non pas dans
lintrt de lune de ses constituantes. 12
Quen est-il en Suisse ? Une publication de la
FTMH13 sinsurgeait contre limpact de la shareholder value sur le tissu conomique
suisse. A travers le cas de cinq grandes entreprises suisses, Rieter, ABB, Algroup,
Ascom et Sulzer, cette publication mettait en avant un vritable processus dedmantlement industriel. Leur analyse stipule que le rendement des fonds propres sert
de rfrence pour la cotation actuelle des actions en bourse. Selon eux, les rendements
accrus des fonds propres sobtiennent par divers mcanismes comme des licenciements,
la rduction des charges de personnel, labandon des branches au rendement infrieur
11AGLIETTA Michel et REBERIOUX Antoine,Drives du capitalisme financier, Albin Michel, Paris,
2005, p. 9.12
Ibid. , p. 70.13
SYNDICAT FTMH, Shareholder value. Cinq cas dans lindustrie suisse des machines : Rieter, ABB,Algroup, Ascom et Sulzer. Stratgies syndicales contre le dmantlement industriel, Publication de la
FTMH, 2000.
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la moyenne ou la ralisation de fusions. Le rendement des fonds propres augmente alors
de manire artificielle, ce qui permet de raliser dimportantes plus-values boursires.
Nanmoins, cette mesure ne rvle en rien la situation relle de lentreprise. Cette
manire de procder influence directement la structure des entreprises cotes en bourse.
Le syndicat FTMH la rsum en quatre pisodes. Premirement, des raiders achtent
massivement des actions, indiquant une tendance gnrale suivie par dautres financiers.
Deuximement, ils imposent immdiatement une shareholder value accrue.
Troisimement, les grands actionnaires imposent des regroupements dentreprise, des
restructurations qui saccompagnent de licenciements et dune augmentation importante
du rendement des fonds propres. Enfin, les raiders ralisent dimportantes plus-values
boursires avant de revendre la plus grande partie de leurs actions. Catherine Sauviat
considre que ce nouveau modle dentreprise montre une fragilit endogne, car trs
fortement corrl la performance boursire et au fonctionnement des marchs
financiers, et porteur dune instabilit plus ou moins long terme. 14
2.3. Approche par les varits du capitalisme
Il convient prsent denvisager les faons dapprhender la corporate governance .
La littrature consacre la corporate governance met souvent en avant lexistence
de deux grands modles de gouvernance. Le modle dconomie libral, ou anglo-
saxon, se caractrise par
de nombreuses socits cotes, une base dactionnaires nombreux et disperss, un
march des capitaux liquide o la proprit et les droits de contrle sont frquemment
ngocis, la clart et la transparence des droits des actionnaires, une sparation de la
proprit et du contrle, peu de participations croises, un environnement o les
rachats hostiles ne sont pas rares et un pouvoir bancaire faible. 15
Le modle dconomie coordonne, ou modle rhnan, se caractrise par
un faible nombre de socits cotes, une base dactionnaires faibles et concentrs,
un march des capitaux peu liquide o la proprit et les droits de contrle sont
14
SAUVIAT Catherine, Nouveau pouvoir financier et modle dentreprise : une source de fragilitsystmique , inRevue de lIRES, No 40, 30p., 2002, p. 26.15
ORLEAN Andr, Le gouvernement dentreprise , op. cit. , p. 203.
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faiblement ngocis, une clart et une transparence des droits des actionnaires
beaucoup moins nette, un systme de participations croises relativement complexe,
un environnement peu favorable aux rachats hostiles et un pouvoir bancaire fort. 16
Lapproche des varits du capitalisme de Hall et Soskice marque la volont de crer un
modle danalyse qui mettrait laccent sur les diffrences, les spcificits propres
chaque pays. Ce cadre danalyse fait une distinction nette entre les conomies de
march librales et les conomies de march coordonnes. A la base de cette dmarche,
il y a la constatation que certaines caractristiques des Etats rendent parfois plus
difficiles la mise en uvre de certaines politiques conomiques, ainsi les institutions
comptent et lEtat joue un rle cl dans des domaines comme les systmes de
rglementation de la main-duvre, lducation, la formation professionnelle ou la
gouvernance des entreprises. Les auteurs dfendent une approche centre sur
lentreprise et considrent celle-ci comme lacteur fondamental de lconomie
capitaliste. Les entreprises sont les principaux agents de lajustement face aux dfis du
changement technologique ou de la concurrence internationale. 17 Hall et Soskice
placent lentreprise dans une perspective relationnelle, cest--dire que lentreprise doit
tablir des relations de qualit avec un certain nombre dacteurs, tant au niveau interne
avec ses propres salaris, quexterne, avec un ventail dautres acteurs incluant
fournisseurs, clients, collaborateurs, actionnaires, syndicats, organisations patronales et
gouvernements. 18 A cet effet, ils identifient cinq sphres dactivit primordiales pour
lentreprise, les relations industrielles (ngociations avec les salaris de lentreprise, les
organisations reprsentatives de ceux-ci et les autres employeurs), la formation
professionnelle et lducation, la gouvernance des entreprises (financement de
lentreprise et exigence des investisseurs), les relations inter-entreprises (les relations
avec dautres firmes) et enfin les relations avec leurs propres salaris. Ainsi, partir desmanires dont sont rgles les relations avec ces cinq sphres dactivit, Hall et Soskice
identifient deux idaux-types dconomie de march.
Dans les conomies de march coordonnes, dont lAllemagne serait lexemple type, le
financement des entreprises se fait par des mcanismes relativement indpendants de
linformation financire standard, le problme tant ds lors daccder des sources
dinformation viable pour valuer la situation de lentreprise. Dans cette optique, le
16
Ibid. , p. 203.17HALL Peter A. et SOSKICE David, Les varits du capitalisme , op. cit. , p. 53.
18Ibid. , p. 53.
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critre de rputation et la prsence de rseaux inter-entreprises sont censs assurer un
partage dinformation suffisant et viable. Une autre caractristique du modle allemand
est le fait que les dirigeants ne peuvent pas prendre des dcisions de faon unilatrale,
des instances de contrle runissant des reprsentants des salaris et des principaux
actionnaires doivent donner leur accord en dernire instance pour toute dcision
majeure. Ce modle favorise ainsi le consensus par lintgration des employs dans la
stratgie de lentreprise. A cela sajoute le fait que certaines entreprises font appel
une main-duvre hautement qualifie bnficiant dune large autonomie dans son
travail, encourage partager linformation acquise afin de gnrer des amliorations
continues dans les lignes de produits et les procds de production. 19 Ainsi, dans ce
cadre, les entreprises sont dpendantes dun systme dducation et de formation
professionnelle apte former une main-duvre dote de qualifications spcifiques un
domaine de production.
Par contre, dans le cas des conomies de march librales, dont lexemple type serait les
Etats-Unis, les entreprises ont plus recours au march pour rsoudre les problmes de
coordination avec les cinq sphres cites prcdemment. Le systme financier
encourage les entreprises prter une grande attention aux rsultats de lexercice
courant et au cours de leurs actions sur les marchs boursiers. 20
Au niveau des
relations industrielles, on constate que les dirigeants ne sont pas soumis une instance
de contrle et peuvent donc imposer leurs dcisions unilatralement, que les syndicats
ont peu de pouvoir et que les relations avec la main duvre sorganisent entre le salari
individuel et lemployeur. La main-duvre est donc moins protge face aux
licenciements, tandis que le systme de formation professionnelle contribue
lacquisition de qualifications gnrales. Les relations inter-entreprises, quant elles,
sont moins denses que dans le cas des conomies de march coordonnes, elles se
limitent des relations de march standardises.
En conclusion de cette prsentation de lapproche par les varits du capitalisme, il
parat ncessaire de sinterroger sur la pertinence actuelle de cette distinction entre
conomies de march coordonnes, dun ct, et librales, de lautre, sachant limpact
rcent des marchs financiers et les mutations subies par la corporate governance
dans le sens dune convergence des modles vers le modle anglo-saxon. Nanmoins, il
19HALL Peter A. et SOSKICE David, Les varits du capitalisme , op. cit. , p. 75.
20Ibid. , p. 79.
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convient de prendre en compte les spcificits de chaque nation de manire maintenir
un certain degr de complexit dans lanalyse de la corporate governance .
2.4. Caractristiques de la corporate governance suisse
Lemodle suisse est inscrire dans le modle dconomie coordonne. Cependant, il
possde des caractristiques propres qui le rendent uniques bien des gards. Il est donc
ncessaire de prciser les spcificits du capitalisme suisse, avant de mettre en exergue
les sources de tension, les pressions auxquelles il est soumis. Thomas David, Andr
Mach et Gerhard Schnyder21 ont tabli un bon rsum des caractristiques gnrales de
la corporate governance suisse et des volutions subies par celle-ci. La Suisse est
donc classer parmi le modle dconomie coordonne, notamment du fait des fortes
relations qui existent entre les banques et lindustrie, du systme de proxy voting qui
permet aux banques de reprsenter les intrts dactionnaires privs lors de lassemble
gnrale des actionnaires, de la forte concentration de lactionnariat et de la faiblesse
des droits des actionnaires minoritaires. Tous ces lments rapprochent le cas suisse du
cas allemand. Nanmoins, le cas suisse possde des caractristiques propres, comme la
haute densit des participations croises ( interlocking directorates ) et des
mcanismes de protection prservant les entreprises suisses dune prise de contrle
trangre. Les auteurs parlent ainsi de protectionnisme slectif, notamment par des
mcanismes qui permettent un actionnaire de contrler une entreprise alors quil ne
possde quun nombre limit de ses actions, renforant et stabilisant, par ce biais, la
concentration de la proprit. Par consquent, this system allows a small group of
owners, very often family owners, to retain the control of the firm and the right to
determine their strategy independently, even when they float their companies on the
market to raise funds from the public. 22 Une autre caractristique de la corporate
governance suisse est le relatif laxisme, au niveau lgislatif, quant aux exigences de
prsentation des comptes des entreprises. Cette faible transparence a permis aux
entreprises laccumulation dimportantes rserves caches, that were supposed to
preserve the long term development of the companies in times of recession and
crisis. 23 Cependant, la prsence de ces rserves caches, rendues possibles par un droit
21DAVID Thomas, MACH Andr et SCHNYDER Gerhard, Swiss corporate governance in a changing
world : challenges and reactions , in NOLLERT Michael, SCHOLT Hanno et ZILTENER Patrick (ds.),
Die gesellschaft der Wirtschaft (Sammelband Wirtschaftssoziologie), p. 151-172, 2004.22Ibid. , p. 6.
23Ibid.
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dune perspective avant tout descriptive pour crer un cadre cohrent apte expliquer
les caractristiques propres chaque nation. Despite the rich description found in this
research literature, the challenge remains to conceptualize cross-national diversity and
identify the key factors explaining these differences. 27
Ainsi, ils expliquent les
diversits de fonctionnement entre les nations in terms of institutional configurations
that shape how each stakeholder group relates to firm decision making and control over
resources. 28 Nanmoins, les institutions ne sont pas vues comme des dterminants
absolus, elles sont considres avant tout comme des cadres qui influencent les
processus politiques et sociaux et la construction des intrts de chaque stakeholder.
Lintrt dune telle approche est de mettre en avant les conflits qui peuvent intervenir
entre ces trois groupes dacteurs, conflits qui mettent au jour une certaine complexit
dans les relations existant au sein de la gouvernance dentreprise. Nous pouvons
distinguer trois sortes de conflits. Premirement, et il sagit sans doute du type de conflit
le plus connu, le conflit dit de classe, entre dun ct les employs, et de lautre, les
actionnaires et les managers. Les auteurs restent assez brefs sur les formes que prennent
ces conflits mais mettent en valeur le fait que le capital et le management peuvent
sopposer en plusieurs points et, malgr leurs nombreuses accointances, on ne saurait
les envisager comme un groupe entirement homogne partageant les mmes valeurs et
les mmes intrts. Les auteurs dsignent deux autres types de conflit, tout dabord,
celui quils nomment insiders/outsiders . Ce type dopposition, de rapports de force,
sera passablement dvelopp par la suite puisquil fait partie dune des principales
hypothses de mon travail. En effet, les intrts du labor et du management
( insiders ) peuvent sopposer aux intrts du capital ( outsiders ). Le capital, dans
cette optique, suivrait une voie dite financire contraire aux intrts du management,
lequel est dsireux dassurer le dveloppement long terme de lentreprise et de rester en
place par divers subterfuges ( vinkulierung ). Enfin, le troisime type possible de
conflit est nomm accountability conflicts , il dsigne la coalition surprenante qui se
forme entre le labor et le capital face au management dans leur volont, soit de
slever face une direction quils estiment peu performante, soit dexiger davantage de
transparence quant la prsentation des comptes de lentreprise. On peut parler de
coalition en finalit dans le sens o celle-ci porte sur un certain nombre de
revendications, de points qui se recoupent, mais elle ne saurait apparatre comme une
27Ibid. , p. 447.
28Ibid. , p. 448.
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coalition entirement homogne puisque des zones dombre existent, des conflits ont
lieu au sein mme de ces coalitions. Cest l un des grands intrts de ltude de cas sur
Swissmetal Boillat, dans le droulement de la grve, tant donn que des difficults
importantes (insurmontables ?) sont intervenues lors de la stratgie mise en uvre par la
coalition grviste entre cadres dun ct et ouvriers de lautre. Larrive du syndicat,
dans ce cas prcis, soulve la problmatique rencontre. Comment se mobiliser et
mettre en place un vrai dialogue pour aboutir un ensemble de revendications formelles
au sein de la coalition sans que les conflits internes ninterfrent dans leur combat ?
Il est incontestable que le cadre thorique dvelopp par Aguilera et Jackson demeure
tout fait pertinent dans notre tude de cas, dans le sens o une analyse de science
politique peut apporter un regard spcifique certains phnomnes conomiques o
apparaissent clairement des rapports de force entre acteurs aux intrts et valeurs
fondamentaux divergents.
Les auteurs prcisent les dimensions de la corporate governance affectant les
groupes dacteurs mentionns prcdemment ainsi que les domaines institutionnels qui
les influencent (mais ne dterminent pas)29
. Tout dabord, concentrons-nous sur les
dimensions de la corporate governance qui ont le mrite de mettre en lumire les
diffrences existant au sein dun mme groupe dacteurs. Les managers sont dfinis
comme the stakeholders occupying positions of strategic leadership in the firm and
exercising control over business activities. 30 Une premire distinction est faite entre
autonomy vs. commitment . Les managers autonomes disposent dune plus grande
indpendance envers leur entreprise, tandis que les managers committed sont plus
dpendants de relations spcifiques leur entreprise pour poursuivre leurs intrts. La
seconde dimension est la distinction faite entre une orientation financial et
functional . Lorientation financire se traduit par une stricte sparation entre la
direction stratgique et oprationnelle et le contrle de lentreprise par des mcanismes
financiers, tandis quune direction fonctionnelle induit une plus grande intgration des
fonctions oprationnelles, soit travers une spcialisation technique, soit par le biais
dune forte implication personnelle et dun leadership. De l parler de deux
conceptions antagonistes de lentreprise, il y a un pas que je ne franchirai pas, mais il
convient de souligner la justesse de cette distinction pour mon tude de cas, puisque le
29
Les schmas dimensions of corporate governance et institutional domains shaping corporategovernance sont disponibles dans les annexes en fin de travail.30
Ibid. , p.457.
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CEO tant dcri Martin Hellweg a russi concentrer un maximum de pouvoir entre ses
mains, en restant quasiment seul la direction gnrale de Swissmetal, aprs avoir
russi vincer Franois Dupont COO, directeur oprationnel. Cependant, ces points
seront autrement plus dvelopps dans les parties 6 et 7 de mon travail, cest--dire dans
le rsum des restructurations qui ont eu lieu au sein de Swissmetal ces dernires annes
et dans mon analyse des principaux rsultats de la recherche.
Aprs avoir mentionn les dimensions de la corporate governance pour le
management, il est ncessaire de prciser les domaines institutionnels pertinents pour
lanalyse. Lidologie est utilise dans notre approche to show how managers
legitimate their authority, perceive organizational members with a frame of reference
from action. 31
Les idologies peuvent se diffuser travers des processus de
mimtisme ; la formation suivie, le passage dans des groupes professionnels ou la
coercition exerce par des agences externes comme lEtat jouent un rle cl. Les auteurs
nous prcisent en quoi lidologie est tout fait importante. Ideology is an
institutional variable that influences management both by imposing constraints as taken-
for-granted world views and by creating normative expectations that become focal
points for firm decision making. 32 Ainsi, la sociologie des lites a pour dmarche de
base danalyser les CV desdites lites. Cest par ce biais-l quil a t constat que la
plupart des tops managers actuels sont passs par la case MBA (master in business
administration) aux Etats-Unis. Ces enseignements contribuent la propagation
didologies spcifiques quant la gestion dentreprise, notamment au dveloppement
du paradigme de la shareholder value . Lautre dimension institutionnelle est le
carrer patterns qui renvoie la mobilit de ces tops managers. En effet, une
distinction centrale peut tre faite entre marchs du travail ouverts et ferms. Dans le
cas de marchs ferms, comme au Japon, les managers ont tendance rester fidles la
mme entreprise et peuvent en gravir au fur et mesure les chelons. Tandis que dans le
cas dun march plus ouvert, comme aux Etats-Unis, les managers tendent tre
employs par plusieurs entreprises durant leur carrire, et par consquent tre plus
autonomes.
Dans le cas du capital, les auteurs identifient trois domaines institutionnels, les droits de
proprit, les rseaux inter-entreprises et le systme financier. Premirement, il faut
faire une distinction au sein du capital. Capital is the stakeholder that holds property
31Ibid. , p. 458.
32Ibid.
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rights, such as shareholders, or that otherwise makes financial investments in the firm,
such as creditors. 33 La premire dimension identifie est la distinction faite entre
intrts financiers et intrts stratgiques. Les intrts financiers sont poursuivis quand
un investissement est avant tout motiv par le retour sur investissement, tandis que les
intrts stratgiques sont prdominants quand un investissement est motiv par des buts
non financiers, comme le contrle de lentreprise, cest typiquement le cas lorsque les
shareholders sont des autres entreprises. Une seconde dimension identifie est le degr
de liquidity ou de commitment . Liquidity refers to the ability of owners to exit
by selling their stakes without a loss of price. 34 Dans cette optique-l, les actionnaires
prfrent donc suivre la stratgie de l exit . Au contraire, la stratgie de
commitment revient privilgier la voice , le droit de vote lors des assembles
gnrales des actionnaires, dans des structures o lactionnariat est plus concentr, ce
qui correspond plus des engagements de long terme. Enfin, la troisime dimension
concerne la debt et l equity , cest--dire le recours soit aux banques, soit aux
actions pour se financer. Parmi les domaines institutionnels, les droits de proprit
jouent un rle non ngligeable. Les institutions, les cadres lgislatifs exercent une
influence importante, cest pourquoi il est ncessaire de connatre les bases du cadre
lgislatif de chaque nation tudie. Property rights define mechanisms through which
shareholders exert control, such as information exchange and voting rights, and how
control is balanced with managerial discretion. 35 Les droits des actionnaires sont plus
ou moins dvelopps et protgent donc plus ou moins les petits actionnaires. Le systme
financier renvoie aux sources de financement des entreprises. Les entreprises peuvent se
financer directement depuis le march financier ou recourir des arrangements hors
march, soit en recourant aux banques, soit aux fonds propres. In sum, financial
systems influence corporate governance through their capacity to provide different
sources of capital and to affect the relationship with the firm. 36 Finalement, les auteurs
mentionnent limportance du rseau inter-entreprises. En effet, des rseaux plus ou
moins denses et contraignants peuvent exister, le cas des participations croises, trs
dveloppes en Suisse, est un bon exemple des relations qui peuvent exister entre les
entreprises, des relations qui peuvent tre de loyaut, soumises dimportants
mcanismes dinterdpendance.
33Ibid. , p. 450.
34
Ibid. , p. 451.35Ibid. , p. 453.
36Ibid. , p. 454.
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Pour finir ce point, nous nous devons de prciser les dimensions et domaines
institutionnels cls du troisime stakeholder, le labor (les employs). Ce stakeholder
est souvent omis dans lanalyse de la corporate governance. Pourtant, il joue, maints
gards, un rle trs important, particulirement frappant dans mon tude de cas du fait
de la grve. Les auteurs conceptualisent le rle des employs dans la corporate
governance in terms of their ability to influence corporate decision making and to
control firms resources. 37 La premire distinction est faite entre une stratgie de
contrle externe ou une stratgie de participation interne. Le contrle externe se rfre
des situations o la prise de dcision reste la prrogative du management, dans ce cas-
l, les employs cherchent influer sur les dcisions prises par lentreprise de manire
externe, notamment par des mcanismes daction collective (grve). Au contraire, les
employs peuvent participer la prise de dcision, dans des schmas de dmocratisation
de la prise de dcision. Ce modle tend renforcer lintgration au sein de lentreprise
ainsi qu privilgier le consensus et la coopration entre employs et direction. La
deuxime distinction renvoie aux aptitudes, qualifications (skills) des employs. Quand
ces skills sont spcifiques, les employs se trouvent dans une situation de plus
grande dpendance envers leur entreprise, si bien quils prfrent viter la stratgie de
l exit , tandis que des skills plus gnrales rendent les employs plus autonomes
par rapport leur entreprise. Ensuite, les auteurs identifient trois domaines
institutionnels qui peuvent influencer le labor . Les droits de reprsentation au niveau
de lentreprise concernent un droit fondamental, celui de sorganiser au sein de
lentreprise pour faire valoir ses droits et dfendre ses intrts. Celui-ci peut prendre de
nombreuses formes. Deuximement il est fait mention du type dorganisation des
salaris. Celui-ci peut se faire sur la base de la classe, du domaine ou encore des
modles dentreprise. Ce type dorganisation des employs va influencer la stratgie
suivie, cest--dire les stratgies de participation interne ou de contrle externe. Enfin,
les auteurs mentionnent un dernier lment susceptible dtre important, the skill
formation , qui ramne au niveau de qualification des employs, aux formations
suivies, avec comme consquence leur grande mobilit (ou pas) au sein du monde du
travail.
Ainsi, ce cadre thorique a le mrite de rtablir une certaine complexit au sein de la
corporate governance en privilgiant une approche qui part du niveau de
37Ibid. , p. 455.
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lentreprise, qui souligne le rle des institutions, qui met en exergue les diffrents types
de conflit potentiels et qui vite lcueil dune approche dichotomique modle libral
(anglo-saxon) vs. modle continental (allemand). La suite de ma dmarche consiste
rappeler les spcificits du partenariat social en Suisse, avant de dvelopper les
caractristiques propres de lusine qui nous intressent, Swissmetal Boillat partir de la
base thorique dveloppe prcdemment.
Ce rapide survol doit nous permettre de lier le cas de Swissmetal des volutions plus
larges quant la gouvernance dentreprise. Mme si ltude de cas ne permet pas de
gnraliser de manire trs schmatique les changements qui sont intervenus un
niveau plus macro, on ne saurait considrer le cas de Reconvilier comme un cas unique,
dissoci dune ralit conomique plus large.
2.6. Le partenariat social en Suisse
Il est indispensable dvoquer les spcificits du partenariat social en Suisse pour rester
cohrent avec le cadre thorique de Aguilera et Jackson qui insiste sur le rle des
employs. Si les caractristiques principales du capitalisme suisse ont t mentionnes,
rien na t dit propos du partenariat social suisse. Il est pourtant ncessaire de sy
rfrer pour saisir le contexte de lentre en grve des employs de Swissmetal Boillat.
Andr Mach nous donne de bonnes informations sur les relations industrielles et les
rglementations du march du travail en Suisse.38 Cest durant les annes 30 que
commencent sinstitutionnaliser les relations industrielles en Suisse. Le dbut du
sicle a t marqu par de nombreux conflits de travail qui atteignirent leur apoge avec
la grve gnrale de 1918 ; par la suite, on a assist une pacification progressive des
relations industrielles, qui se concrtisa notamment avec les accords de paix du travail
de 1937 dans les deux principales branches industrielles (horlogerie et industrie des
machines). 39 Aussi, il apparat que le processus de pacification des relations
industrielles a suivi des logiques sectorielles en fonction des branches. Durant la priode
des annes 30 et de laprs-guerre, les syndicats vont commencer adopter une ligne
plutt rformiste qui supprime lide de renverser lconomie de march. Cependant,
linfluence syndicale restera assez faible comparativement dautres pays europens.
La priode de croissance, les trente glorieuses, va saccompagner de la consolidation
38MACH Andr, La Suisse entre internationalisation et changements politiques internes. La lgislation
sur les cartels et les relations industrielles dans les annes 90, Thse de science politique de lUniversitde Lausanne, 2001.39
Ibid. , p. 244.
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des CCT, mais sans amener une croissance importante du taux de syndiqus. En ce
qui concerne lorientation des syndicats, limportance acquise par le principe de la paix
du travail auprs des dirigeants syndicaux, de la FTMH, en particulier, a conduit les
syndicats dlaisser le travail de mobilisation sur le terrain. 40
Bref, le caractre
fortement dcentralis des syndicats et des associations demployeurs a pes sur
lvolution des relations industrielles en Suisse, aboutissant la prgnance des logiques
sectorielles et un syndicalisme modr. Andr Mach identifie deux caractristiques
principales du partenariat social et des relations industrielles en Suisse :
Premirement, les diffrents niveaux dinstitutionnalisation et dinteraction entre
acteurs syndicaux et patronaux, savoir principalement l arne politique nationale
et l arne conventionnelle des branches ; et deuximement, lasymtrie de pouvoir
entre les acteurs organises, trs largement favorable aux employeurs que ce soit dans
larne politique ou conventionnelle. 41
Ainsi, il faut faire une distinction entre larne nationale qui soccupe de la lgislation et
larne conventionnelle qui produit des normes conventionnelles. Il sagit ds lors
dtablir de quelle arne dpendent les rglementations du march du travail.
Cependant, l encore, il faut souligner le caractre trs dcentralis des relationsindustrielles en Suisse. La majeure partie des normes organisant le fonctionnement du
march du travail relve de la comptence des organisations des salaris et des
employeurs, qui ngocient entre eux au niveau de la branche voire de lentreprise, les
dispositions lgales ne formant quune protection minimale des travailleurs. 42 Cest
dans cette optique dune asymtrie de pouvoir en faveur du patronat quil convient donc
denvisager le partenariat social suisse.
Au niveau des ngociations collectives de branches, si les syndicats sont devenus
des partenaires sociaux reconnus par les associations demployeurs, leur faible taux
dorganisation et implication sur les lieux de travail, de mme que leur maigre
capacit de mobilisation pour faire aboutir leurs revendications font des organisations
syndicales un acteur peu puissant par rapport aux employeurs. 43
40Ibid. , p. 52.
41
Ibid. , p. 257.42Ibid. , p. 259.
43Ibid. , p. 260.
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3. Problmatique
Laxe fondamental de mon travail, sil faut le rsumer de manire lapidaire, est lentre
dune logique purement financire dans la gestion du groupe Swissmetal. En effet, le
holding Swissmetal, Usines Mtallurgiques Suisses, a t soumis de fortes pressions
ces dernires annes suite dimportants problmes financiers qui ont failli coter la vie
lentreprise. De nombreux changements au sein de la direction gnrale, des projets de
restructuration enpagaille ont maill la vie du groupe spcialis dans les mtaux non
ferreux. Aussi, pour comprendre les enjeux des modifications abruptes intervenues ces
dernires annes, il est ncessaire de revenir de manire assez prcise et schmatique
sur la vie de lentreprise, sur ses caractristiques propres et sur les grandes phases de
son dveloppement historique. Cependant, il est primordial dabord de poser les bases
de la problmatique du travail, cest--dire les hypothses de recherche qui
constitueront la cl de lecture de la suite de la recherche.
Dans le cas de ce travail, je stipule que la comprhension de la grve ne passe pas
seulement par ltude des mobilisations lors du conflit, mais aussi par les volutions
quont subies le groupe notamment les restructurations entreprises ces dernires annes,
bref, les causes profondes de la mise en place de Martin Hellweg en 2003 la tte de
Swissmetal. Il est donc obligatoire de passer par un rappel des grands moments du
holding pour comprendre les causes profondes des changements, et pas seulement les
causes factuelles court terme. Bien sr, la grve est un vnement majeur, aussi bien
pour Swissmetal que pour lindustrie suisse. Le droulement de la grve, lampleur des
mobilisations ainsi que les ngociations pour le rglement du conflit dpassent le simple
cadre des consquences de la mauvaise gestion du groupe depuis 20 ans, cest pourquoi
ces lments constituent un chapitre invitable de ce travail.
Laxe danalyse que jai rapidement rsum se prte bien, mon avis, une analyse de
gouvernance dentreprise base sur les trois stakeholders que sont les actionnaires, les
managers et les employs.
Cest ainsi que je pose la question de dpart suivante :
Dans quelle mesure la nomination dun nouveau directeur gnral aux comptences
largies la tte du groupe Swissmetal par le conseil dadministration traduit la volont
de mettre en place une nouvelle stratgie dentreprise ?
Je pose par consquent lhypothse de base suivante :
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1- La nomination de Martin Hellweg la tte du groupe Swissmetal traduit la
volont du conseil dadministration, non seulement dassurer le refinancement
de lentreprise, mais surtout dintroduire une nouvelle stratgie dentreprise, une
nouvelle gouvernance aux exigences de rentabilit accrue.
Nanmoins, Hellweg nest pas le premier manager parachut de lextrieur ; cest
pourquoi il convient de se demander pourquoi la politique quil a entreprise a suscit un
tel concert doppositions, en dfinissant les options stratgiques et les dcisions
concrtes quil a choisi de suivre.
Cette hypothse gnrale amne dautres interrogations, dautres hypothses plus
spcifiques :
2- Cette exigence de rentabilit accrue se traduit par laffirmation de la
shareholder value comme principe de base de gestion de lentreprise, cest-
-dire que la bonne marche de lentreprise est avant tout considre par le biais
de la satisfaction des intrts des actionnaires.
3- La mise en place de cette nouvelle stratgie dentreprise affecte le
fonctionnement interne de lentreprise de Reconvilier, ce qui se traduit par
dimportantes restructurations autant pour les cadres (licenciements,
concentration de services) que pour les ouvriers (flexibilisation accrue, perte
dacquis sociaux). Une logique quon peut qualifier de financire entre en conflit
avec une logique industrielle, aux visions de lentreprise et aux objectifs
diamtralement opposs.
4- La grve de Reconvilier constitue un bon exemple dun nouveau type de conflit,
entre dune part, la direction gnrale reprsentant la position du conseil
dadministration et dautre part, les cadres et les employs de Reconvilier
(conflit outsiders/insiders ).
Il sagira donc de mettre au jour les logiques de constitution de ces coalitions, les
valeurs qui les sous-tendent ainsi que les sources de tension potentielles au sein mme
des coalitions.
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3.1. Mthode employe
Les principaux rsultats de ce travail sont le fruit dun certain nombre dentretiens que
jai entrepris avec diffrents interlocuteurs, pour la plupart employs ou anciens
employs de Boillat. En effet, les sources crites sont nettement insuffisantes ; il sagit
avant tout de rapports de gestion, de communiqus de presse et darticles de presse. De
plus, mon approche, qui se veut qualitative, me semble bien convenir une srie
dentretiens. Ceux-ci donnent des informations importantes sur les valeurs des
interlocuteurs, leur conception, leur vision de lentreprise ou les causes de la grve. Jai
ainsi eu six entretiens.44 Jai rencontr tout dabord Flavio Torti, maire du village de
Reconvilier, par lentremise de Jacqueline Henry-Bdat, co-prsidente de la chambre
dconomie publique du Jura bernois, qui ma donn son point de vue sur le conflit de
novembre dernier et ma suggr les personnes que je pourrais rencontrer dans le cadre
de ma recherche. Jai rencontr par la suite Franois Dupont, ancien cadre de Boillat,
qui a t durant quelques mois COO avant dtre licenci par Hellweg. Le troisime
interlocuteur fut Paul Sonderegger, directeur de Boillat de 1989 1998 et aujourdhui
retrait, qui ma parl de lentreprise dans une perspective historique. Ensuite, jai
rencontr Philippe Oudot, co-rdacteur en chef du Journal du Jura, ce qui ma permis de
discuter du suivi mdiatique de la grve, et Hung-Quoc Tran, ingnieur dapplication
chez Boillat, dmissionnaire en juin de cette anne, qui sest mont trs disponible.
Enfin, jai eu un entretien avec Mario Grnenwald, prsident de la dlgation ouvrire,
pour avoir lavis dune personne qui nest pas cadre.
Les entretiens ont t mens de faon semi-directive, en recourant un protocole
dentretien qui contenait un certain nombre de questions sur les points importants
aborder. Cette manire de procder permet de ne pas oublier les dimensions essentielles
du travail tout en laissant une certaine marge de manuvre aux interlocuteurs dans la
discussion. Les entretiens, dune dure comprise entre une et trois heures, ont t
enregistrs, except le premier, avec Flavio Torti. Ce faisant, jai pu me concentrer sur
la discussion durant lentretien et massurer de ne pas oublier certaines informations
fournies par mes interlocuteurs en rcoutant les entretiens. Nanmoins, ceux-ci nont
pas t retranscrits. Dautres entretiens auraient pu tre mens, notamment avec
Madame Blanc-Khn, membre du comit directeur dUnia, que je nai pas pu
rencontrer, avec des membres du conseil dadministration, et bien sr, avec la direction
44La liste des entretiens est disponible dans la bibliographie.
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gnrale de Swissmetal. Dans le cas de Madame Blanc-Khn, jai pu mappuyer sur son
tmoignage dans louvrage Quand la Boillat tait en grve45 ainsi que sur ses nombreux
tmoignages dans la presse. Quant la direction gnrale, je me suis avant tout appuy
sur les rapports de gestion, les communiqus de presse ainsi que surs ses interventions
dans la presse pour recueillir le point de vue du CEO Martin Hellweg. Nanmoins,
malgr le petit nombre des entretiens, il est intressant de constater que de nombreux
points se recoupent, reviennent plusieurs fois. Avant den venir aux principaux rsultats
de mon travail, il est ncessaire de faire un bref historique de lentreprise Boillat et de
prciser les caractristiques de lusine mme, et ce partir du cadre thorique de
Aguilera et Jackson.
4. Historique de lentreprise
4.1. Cration et dveloppement de lusine : 1855-1955
Lusine Boillat clbre cette anne ses 150 ans dexistence. Lentreprise fut cre en
1855. Cette anne-l quatre personnalits rgionales, dont Edouard Boillat, ngociant
Reconvilier, prennent la dcision de crer une fonderie de laiton Reconvilier,
lpoque un village de quelques centaines dhabitants, situ au cur du Jura bernois.
Trois ans plus tard est fonde la socit anonyme Boillat SA afin de donner plus
dextension leur tablissement pour la fabrication de laiton en planches et fils et afin
de rendre cette industrie plus importante, tout en lui assignant un caractre national. 46
A lpoque, les produits dvelopps par lentreprise, des planches, des bandes, des
rondelles, des barres et des fils en laiton et en cuivre taient destins presque
exclusivement la fabrication des bauches de montres et lindustrie de la bote
musique. 47
Les annes qui suivirent ont vu la fonderie sagrandir ainsi que se
dvelopper ses installations techniques. En 1917, Edouard Boillat, fils du cofondateur
de lentreprise, nayant lui-mme pas de fils, dcide de se retirer des affaires en
remettant son affaire un groupe dindustriels, amis et clients. Ainsi en 1917 tait
fonde une nouvelle socit, Fonderie Boillat SA. 48 Les quatre principaux actionnaires
taient la maison Appareillages Gardy SA Genve, la maison Edouard Dubied &
Cie Couvet, le holding de la famille Schwob la Chaux-de-Fonds et la fabrique
45NOVERREAZ Pierre et al. , Swissmetal Reconvilier. Quand la Boillat tait en grve, Editions
LEvnement syndical, Lausanne, 2005.46
COLLECTIF, Fonderie Boillat SA 1855-1955, Ouvrage publi loccasion du centime anniversaire
de la fonderie Boillat S.A., 1955, p. 23.47Ibid. , p. 30.
48Ibid. , p. 43.
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sources que jai pu me procurer sont plutt maigres. Cest pourquoi, pour ce bref
compte-rendu, je me baserai principalement sur les informations donnes par Paul
Sonderegger, jeune employ de commerce lors de son entre dans lentreprise en 1960,
qui gravit tous les chelons jusqu occuper la direction de lusine de 1989 jusquen
1998, anne de son dpart en retraite. M. Sonderegger ma avou quil est entr
Boillat un moment fondamental de lentreprise puisque tout a t restructur. Avant,
on avait une entreprise de type patriarcal o tout tait dcid par les deux directeurs
gnraux en place, la nouvelle quipe a contribu rendre lentreprise plus ouverte. 53
Lentreprise tait de type familial dans le sens o tout le monde se connaissait dans
lusine et quil existait un fort attachement des employs lentreprise. Les quatre
grands actionnaires voqus prcdemment sont rests en place jusque dans les annes
70. Lentreprise Boillat a fait partie dun cartel qui a dur jusqu la fin des annes 70.
Selon Sonderegger, il sagissait dun cartel assez braconnier o les entreprises
staient partag de manire prcise le march. 54 Des pnalits taient mme prvues
si les conditions du cartel ntaient pas suivies, ce qui dsavantageait Reconvilier qui
tait lentreprise la plus rentable. Il me confirme les caractristiques propres du site de
Reconvilier. Lentreprise tait au dpart trs ferme et na commenc donner des
informations sur la bonne marche des affaires qu partir des annes 75/76. Il
minforme du fait que lentreprise a t historiquement peu syndique jusqu
rcemment, les conflits potentiels qui pouvaient intervenir loccasion taient rgls
linterne, cest--dire entre la direction et les employs sans prsence syndicale. Il me
confie mme lanecdote quun dlgu syndical stait vu interdire laccs une
runion durant les annes 70. Bref, la priode en question voit Boillat considrablement
modifier ses structures, avec une direction plus ouverte, un dveloppement important de
la production qui voit venir lentreprise devenir un acteur cl au niveau du tissu
conomique rgional ainsi que dans des rgions comme la Fort Noire ou la Haute-
Savoie. Enfin, cest durant cette priode que Boillat acquiert son statut particulier, par
sa spcialisation dans les produits de dcolletage, la production de niche, haute valeur
ajoute, par sa fiabilit question qualit, par ses dlais de livraison ainsi que par la
disponibilit de ces services de vente. Au dbut des annes 80, Boillat est devenu un
vritable patrimoine industriel, lentreprise suisse la plus rentable dans les mtaux non
ferreux.
53Entretien avec Paul Sonderegger.
54Ibid.
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4.3. Cration de UMS Usines Mtallurgiques Suisses en 1986
La cration de Usines Mtallurgiques Suisses intervient en 1986. Ce holding regroupe
trois sites de production, Reconvilier, Dornach, localit situe dans le canton de
Soleure proximit de la frontire allemande, et Selve, entreprise se situant Thoune. Il
semble que la cration de ce holding sinscrivait dans la logique du dveloppement de
lindustrie du cuivre, quelle suivait le dbut dintgration initi par le cartel du cuivre.
Cette intgration sest droule sous lgide du clbre financier Werner K. Rey55, qui
avait auparavant rachet lentreprise de Selve. Elle correspondait aux souhaits de toutes
les parties contractantes. Les propos de Franois Dupont le confirment : La cration
du holding tait logique dans une volont de rorganisation du groupe et doptimisation
de la production. 56 Cest ainsi que les cadres de Selve ont pris le contrle du groupe.
Selon les dires de Paul Sonderegger, la fusion ne posait pas de problmes
Reconvilier, une concentration devait tre bnfique. Reconvilier tait lentreprise la
plus rentable, ce qui nous donnait une certaine assurance. 57 Le holding Swissmetal est
fond proprement dit en 1989, les usines fusionnant et perdant ainsi vritablement leur
indpendance juridique. A ce moment, les principaux actionnaires sont les trfileries de
Cossonay, les Ateliers de construction mcaniques de Vevey et la Socit de Banque
Suisse.58 Le groupe va rapidement rencontrer de graves problmes financiers, suite
leffondrement de lempire de Werner K. Rey. La dcision est prise, en 1991, de fermer
le site de Selve. A lpoque, il y eut hsitation sil fallait fermer Dornach ou Selve. Si
Boillat tait spcialise dans la petite dimension, Dornach concevait majoritairement
des produits standards, tandis que Selve disposait de quelques spcialits comme des
articles dcriture. Selve se situait au cur de la ville de Thoune, mais disposait dune
fonderie obsolte avec des btiments vtustes et mal entretenus. A la mme poque, une
usine fut conue Uentendorf, dans la banlieue de Thoune. Globalement, on peut dire
que le site de Reconvilier tait peu impliqu dans ces dbats, puisquil navait jamais t
question de sa fermeture. La seule implication importante de Boillat fut de transfrer les
clients de Selve chez eux, ce qui constituait pour eux un march intressant. Ainsi,
55Werner K. Rey est devenu clbre pour tre le responsable de lune des plus retentissantes faillites que
la Suisse a connues. La socit quil a cre, Omni, va brusquement seffondrer au dbut des annes 90,
en laissant une ardoise de plusieurs milliards de francs. K. Rey stait fait le spcialiste dune technique
qui consistait blouir ses partenaires en embellissant ses propres affaires, grce des procds
comptables sans rapport avec la ralit.56
Entretien avec Franois Dupont.57Entretien avec Paul Sonderegger.
58Lhistoire de Swissmetal, www.swissmetal.ch.
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malgr dimportantes pressions financires, le groupe Swissmetal tint bon. De
nombreux changements intervinrent galement dans la structure de lactionnariat
puisque les trfileries de Cortaillod et de Cossonay fusionnrent. Aussi, on peut
vritablement parler dun rseau entre ces usines spcialises dans les mtaux non
ferreux. Les usines mtallurgiques de Dornach avaient rachet, sur ordre des trfileries
de Cossonay, les participations de Boillat de la maison Dubied, qui avait rencontr
dimportants problmes financiers dans les annes 70. Ainsi, la fermeture de Selve avait
oblig le groupe un amnagement complet de leur situation financire. Cest ainsi que
de nouveaux acheteurs furent recherchs par le groupe, qui opta finalement pour des
petits placements (caisses de pension, etc.) qui donnrent de bons rsultats. Le groupe
russit donc assurer son avenir au dbut des annes 90, malgr la fermeture de Selve.
Aussi, il est clair qu cette priode les entreprises de Reconvilier et de Dornach
suivaient des chemins assez indpendants. En 1996, la bourse lectronique suisse SWX
souvrit Zurich. A cette occasion, le capital-actions fut redistribu. La Socit de
Banque Suisse (plus tard UBS), Arlington Capital Management Ltd. (GB) et Alcatel
(succession de Cossonay) devinrent les actionnaires principaux.59
5. Caractristiques de lentreprise Swissmetal Boillat
Il convient prsent de sintresser aux caractristiques propres de lusine Boillat de
Reconvilier, notamment, selon laxe danalyse propos par Aguilera et Jackson, son
type de production, aux spcificits de son actionnariat, sa place dans le tissu
conomique rgional et la place des employs dans lentreprise. Il me semble
pertinent de commencer par son type de production. Lentreprise a tir grand bnfice
de sa spcialisation au niveau de la production, spcialisation initie ds les annes 60,
en se focalisant sur des produits, dits de niche, haute valeur ajoute, dans des secteurs
comme llectronique, llectrotechnique et les ateliers de tournage. Ainsi, Boillat sest
spcialis dans le dcolletage, certains nhsitant pas parler de production sur mesure,
tandis que le site de Dornach consacre environ 70% de sa production des produits
standards. Pour appuyer ces propos, le tmoignage de Francis Jeanneret, directeur de
lentreprise de dcolletage Codec Dombresson et un des dix principaux clients de
Boillat, est tout fait parlant : Je suis dans un domaine o la pression sur les prix est
norme. Jai souvent des clients, dans lautomobile ou la connectique, qui me suggrent
59Ibid.
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daller vers des fournisseurs meilleur march, en Italie, en Orient ou aux Etats-Unis. On
a tout essay, mais on est toujours revenu chez Boillat ! 60 Et cela, avant tout pour des
raisons de qualit : Pour les alliages spciaux, lusine de Reconvilier fournit des
mtaux dune stabilit que les concurrents narrivent tout simplement pas galer. 61
Cest ainsi que Boillat est devenu leader mondial dans certains secteurs, notamment
dans les articles dcriture (les stylos bille) et dans laronautique o un ancien cadre
me confiait que Boeing parlait de la norme Boillat.
Les propos de Hung-Quoc Tran, ingnieur dapplication Reconvilier, sur la culture
dentreprise de Boillat permet de faire le lien avec leurs types de production. Celui-ci
tablit une distinction entre philosophie et culture dentreprise. Cette philosophie se
veut tre au service de la clientle au maximum, a induit des efforts normes pour
satisfaire les demandes des clients. Cest la vente qui tire tout le monde vers sa
philosophie, et puis, si le 100% des employs accepte cette philosophie et travaille avec
cette orientation, a devient une culture. 62
Un autre point quil convient de souligner est que cette culture est avant tout familiale,
non pas dans le sens o la mme famille a toujours dirig lentreprise, puisque Edouard
Boillat a vendu ses actions ses quatre plus grands actionnaires en 1917, mais plutt
dans celui o tout le monde se connat au sein de lentreprise, laquelle occupe environ
400 personnes dans un village de quelque 2000 habitants. Ainsi, la majorit des
employs viennent de la rgion et y sont tablis, ce qui suscite un trs fort attachement
lusine. Nous sommes dans une optique bien diffrente de celle des salaris de lusine
de Dornach, qui sont en majorit des frontaliers sans un mme lien affectif pour leur
entreprise.
Aussi convient-il de sintresser la place des employs au sein de lentreprise. Nous
avons dj parl de paternalisme, puisque la direction historique du dbut du 20me
sicle avait cr un certain nombre duvres dentraide pour les employs. Ces
structures, qui ont t incontestablement paternalistes, ont-elles perdur travers les
annes, voire jusqu aujourdhui ? A ce propos, les avis divergent. Avant larrive de
Martin Hellweg, les salaris de Boillat disposaient dun certain nombre dacquis
sociaux, certains de longue date. On peut citer notamment la prsence dun service de
ressources humaines Reconvilier, des prix plus avantageux au niveau de lessence,
60
LHebdo, 2 dcembre 2004, p. 64.61Ibid.
62Entretien avec Hung-Quoc Tran.
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une infirmire dentreprise, une participation aux frais mdicaux et dentaires. Nombre
de ces acquis ont t supprims de manire plutt radicale. Faut-il y voir la cause de la
grve ? Je reviendrai sur ce point lors de la discussion des principaux rsultats.
Cependant, la suppression de ces acquis semble plutt sinscrire dans le cadre de
revendications plus gnrales, notamment la quasi-disparition du dialogue et de la
confiance entre la direction gnrale et les employs. Tous les cadres rencontrs ont
corrobor les mmes lments, Boillat tait, jusqu ces dernires annes, une entreprise
o les conflits se rglaient linterne, autrement dit une entreprise peu syndique, o les
syndicats taient souvent mme absents des principales ngociations. Larrive massive
des syndicats et laugmentation importante des syndiqus au sein de lentreprise
correspond au durcissement de la situation et la disparition progressive du dialogue
entre salaris et direction.
Il existe deux commissions du personnel au sein de Swissmetal Boillat. Tout dabord, la
commission du personnel, qui reprsente le personnel administratif dont des cadres
intermdiaires, mais aussi la commission ouvrire qui reprsente tout le personnel de
production.63
Cette deuxime commission a t cre dans les annes 70, durant la crise
horlogre, pour dfendre les intrts propres aux ouvriers. Quant lactionnariat de
Swissmetal, il a subi dimportantes volutions depuis les annes 70. En effet, il est
pass de compact, constitu par un nombre limit de gros actionnaires qui formaient un
bloc pour maintenir les structures en place, un actionnariat dispers, o dsormais les
plus grands actionnaires possdent environ 5% des actions. Cette dispersion de
lactionnariat sest encore accentu lors de laccord de refinancement de juin 2003.
Afin de bien saisir les caractristiques principales de lentreprise, il me parat lgitime
de rcapituler de faon systmatique et synthtique les spcificits de Boillat, dans son
modle classique64, en suivant le cadre thorique dAguilera & Jackson.
La direction se caractrisait par un fort engagement envers lentreprise puisque les
dirigeants restaient en place durant de nombreuses annes. Le cas de Paul Sonderegger
est parlant puisque celui-ci a pass presque 40 ans au sein de Boillat en y franchissant
tous les chelons pour devenir directeur du site. Le capital se caractrisait, quant lui,
par la poursuite dintrts stratgiques, de buts non financiers qui visaient la stabilit, le
dveloppement long terme de lentreprise. Lactionnariat de Boillat tait ainsi concentr
63
NOVERREAZ Pierre et al. , Swissmetal Reconvilier. Quand la Boillat tait en grve, op. cit. , p. 44.64Par modle classique, jentends le modle dentreprise tel quil apparat dans la phase de
dveloppement de Boillat avant la cration du holding, autrement dit dans les annes 70.
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autour des quatre grands actionnaires mentionns prcdemment (la maison
Appareillages Gardy SA Genve, la maison Edouard Dubied & Cie Couvet, le
holding de la famille Schwob la Chaux-de-Fonds et la fabrique dbauches de
Fontainemelon SA, reprsente par la famille Robbert.) Ceux-ci privilgiaient la
voice l exit comme stratgie et se montraient prudents sur les dcisions
prendre quant lavenir de lusine.
Enfin, les employs sorganisaient au sein des commissions du personnel, lesquelles
avaient pour mission de rgler les conflits linterne avec la direction. Les syndicats
jouaient donc un rle relativement marginal tant donn la faible conflictualit. La
gestion de lentreprise tait paternaliste puisque la direction encadrait les employs
tous les niveaux par la mise en place dun certain nombre dacquis sociaux. Cela a
contribu renforcer lattachement des employs leur entreprise, attachement dj fort
tant donn la place particulire de lentreprise, aussi bien dans le village de Reconvilier
que dans la rgion.
6. Restructurations au sein de Swissmetal : 1996-2005
6.1. Difficults financires
Lorsquon parle des difficults financires rencontres par Swissmetal au cours des
vingt dernires annes, une dcision controverse est immdiatement pointe du doigt :
le rachat par le groupe, au dbut des annes 90, de lentreprise allemande Busch Jaeger.
Tous les interlocuteurs que jai rencontrs insistaient pour dire que a t une grave
erreur, lourde de consquences. Cette entreprise, semble-t-il assez vtuste, avait t
achete pour deux raisons principales : tout dabord pour manger ce concurrent qui
faisait du tort en cassant les prix, mais aussi pour avoir un pied en Europe dans le
march commun. Juste aprs, le groupe dcide de mettre en place une nouvelle presse
en Allemagne, alors que celles de Reconvilier et de Dornach taient plus anciennes.
Aussi, tous les cadres interviews considraient que la direction et le conseil
dadministration de lpoque navaient pas su dvelopper une stratgie de
dveloppement pour les trois sites, avec comme consquence des conflits importants
entre les sites de production non complmentaires. On est ainsi arriv au stade o des
sites de production dun mme groupe taient en concurrence. M. Sonderegger estime
qu on a trop laiss faire et quon na pas cr une politique de groupe. La direction de
Busch Jaeger a t laisse en place et lintgration dans le groupe ne sest jamais
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faite. 65
M. Hung-Quoc Tran souligne le mme tat de fait : Dun point de vue
commercial, si vous avez trois sites de production qui ne sont pas compltement
complmentaires, si le conseil narrive pas mener des politiques claires, au moins quil
mandate la direction pour quelle fasse le boulot leur place, pour dcider qui fait quoi
de manire claire, pour quil ny ait pas de concurrence entre sites du mme groupe. 66
Or, il apparat que ce problme na jamais t rsolu par les diffrentes directions en
place. Pour certains, 1996 est une date cl dans lhistoire de Swissmetal puisquun
nouveau directeur, Peter Schneuwly, est nomm la tte de Swissmetal en
remplacement de Joseph Flach, parti en retraite. 1996 voit aussi lentre de Swissmetal
en bourse, ce qui pour certains a eu dimportantes consquences, un intrt accru
saffirmant pour lvolution du cours de laction Swissmetal en bourse et pour les
rapports trimestriels du groupe. Lentre en bourse de Swissmetal a, semble-t-il,
renforc la fragilit du groupe face la conjoncture, rendant plus ardu pour les
diffrentes directions llaboration dun dveloppement long terme de lentreprise. De
plus, elle a contribu disperser davantage lactionnariat au risque de signifier
labsence dactionnaires suffisamment forts pour dvelopper le groupe. Peter
Schneuwly est remplac en 2000 par la Franaise Nadine Minnerath. Ces annes avant
la venue de Martin Hellweg apparaissent assez chaotiques avec llaboration de
nombreux projets de rorganisation du groupe sous lgide de McKinsey, projets qui
naboutiront pas. Ainsi, les deux prcdents directeurs gnraux, Nadine Minnerath et
Peter Schneuwly, ne russiront pas donner un rle clair, une stratgie spcifique
chacun des trois sites de production, ce qui plongera le groupe dans de graves
problmes financiers.
Lanne 1999 est mitige pour le groupe, en effet il enregistre un recul du chiffre
daffaires de prs de 10% 303,7 millions.67 Swissmetal veut dsormais se concentrer
davantage sur ses spcialits, qui ne reprsentent quune partie du volume daffaires, les
marchs viss sont lindustrie lectronique et les biens de consommation durables
(horlogerie, instruments dcriture, lunetterie). Il apparat que les produits standards
(barres mtalliques, profils), destins la construction et aux transports, souffrent
toujours dune demande cyclique, les marges tant plus faibles que pour les produits de
niche. Swissmetal redresse la barre en 2000, le bnfice oprationnel est en hausse de
65
Entretien avec Paul Sonderegger.66Entretien avec Hung-Quoc Tran.
67Dpche de presse, 4 mai 2000.
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plus de 30% 41,5 millions (1999 : 31,1 millions) et le bnfice net a dcupl 13,7
millions (1,3 millions).68 Cependant, le groupe saffirme extrmement vulnrable face
aux variations conjoncturelles, notamment lvolution du prix du mtal. Lanne 2001
est particulirement catastrophique pour Swissmetal qui enregistre un recul de 8% de
son chiffre daffaires brut, 170 millions. Sur lensemble de lanne 2001, les livraisons
ont atteint 55'000 tonnes, soit un recul de 15% par rapport lanne prcdente69
, si
bien que lanne suivante le groupe licencie environ 200 employs sur ses trois sites de
production durant lanne et introduit mme le chmage partiel70. Lanne 2003 voit
lobligation de changer de cap pour viter la faillite. Cest ainsi que lentreprise
allemande Busch Jaeger est mise en faillite au dbut de lanne 2003.
6.2. Nomination de Martin Hellweg
En mai 2003 Swissmetal annonce avoir conclu un accord avec un consortium de
banques lui assurant son financement jusquau 30 juin 2004. Lan dernier, le groupe
avait plong dans le rouge, accusant alors une perte aprs impt de 55 millions de
francs. Cet accord provisoire sign avec les banques est cens permettre Swissmetal
de trouver un plan pour assurer son refinancement, et donc sa survie.71 Un nouveau
directeur gnral est mis en place en juin 2003, lAllemand Martin Hellweg, qui
remplace avec effet immdiat Nadine Minnerath la tte de Swissmetal, qui a perdu en
un an le tiers de ses effectifs, suite la faillite de Busch Jaeger notamment, pour les
ramener quelque 750 employs au total. Il convient galement de noter que Hellweg
est second dans sa tche par un directeur gnral adjoint Franois Dupont. Il est utile
de sintresser rapidement au parcours, la formation de Martin Hellweg pour montrer
quel genre de manager il appartient.
N en 1967, il tudie lconomie et le business administration la Ruhruniversitt de
Bochum avant de passer par la William E. Simon Graduate School of Business and
Administration de lUniversit amricaine de Rochester. Par la suite, il passera par
ArthurD. Little Inc., puis par le Ally Management Group avant dentrer Swissmetal en
2003.72 Auparavant, il avait fait partie de lquipe qui avait opr les restructurations
68Dpche de presse, 18 avril 2001.
69Dpche de presse, 21 fvrier 2002.
70
Dpche de presse, 25 octobre 2002.71Dpche de presse, 8 mai 2003.
72Communiqu de presse de Swissmetal, CV de Martin Hellweg.
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des cramiques de Laufon en 199973
. Martin Hellweg, spcialiste du turnaround 74
,
est entr Swissmetal pour assurer une mission spcifique qui est celle de son
refinancement. A lorigine, il ntait donc gure prvu quil reste en place une fois le
refinancement assur. Cependant, celui-ci a russi se montrer indispensable,
notamment en centralisant de nombreux pouvoirs autour de sa personne. Ds juillet,
Hellweg reprend la responsabilit des finances avec effet immdiat avec comme objectif
damliorer lefficacit de 10 20%75. En novembre, Swissmetal simplifie dans le cadre
de sa restructuration sa hirarchie. Les fonctions les plus importantes de lentreprise
seront dsormais directement rattaches Hellweg. Le poste de directeur oprationnel
(chief operating officer, COO), occup par Franois Dupont passe la trappe. En
quelques mois, Martin Hellweg se constitue un pouvoir important, bien suprieur aux
anciens directeurs, puisquil est en mme temps CEO et membre du conseil
dadministration. Ce spcialiste de la restructuration financire a russi, par un certain
nombre de mcanismes quil convient dinterroger, asseoir son pouvoir dans une
entreprise o il tait cens rester pour une priode dtermine avec une mission
spcifique.
6.3. Plan de refinancement du groupe
La nomination de Martin Hellweg la tte de Swissmetal a donc t entreprise avec
pour objectif dassainir lentreprise et dassurer son plan de refinancement. Le plan
propos par Hellweg a t approuv lors de lassemble gnrale des actionnaires le 30
juin 2004 Berne. Ce plan de refinancement amena en outre une augmentation de
capital de 51,3 millions76. Ce plan de refinancement sest fait sur la base de labandon
de crances de CHF 6,3 millions par les banques crditrices, dune rduction de capital
par le biais dune rduction de la valeur nominale en deux tapes de CHF 100,00 CHF
9,00 par action au porteur. Hellweg a donc russi sa mission, assurer lassainissement
de la situation financire du groupe par une dvalorisation de laction et recapitaliser le
groupe autour de 50 millions de francs.77 Un autre point souligner est lnorme
73Hellweg faisait partie de lquipe emmenene par Ueli Roost, prsident du conseil dadministation duAlly Management Group, qui a restructur lentreprise Keramik Laufen en 1999, en la vendant au groupe
espagnol Roca. Roost, Hellweg et Jan Lipton ont touch environ 3,9 millions en guise de
ddommagement. (cf. Cash du 29 septembre 2000)74
Terme utilis pour dsigner les restructurations dentreprise.75
Dpche de presse, 2 juillet 2003.76
Communiqu de presse de Swissmetal,Adoption du plan de refinancement, 30 juin 2004.77Communiqu de presse de Swissmetal, Solution de refinancement de Swissmetal Assemble gnrale
du 30 juin 2004, 9 juin 2004.
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circulation des actions Swissmetal. En effet, les trois plus gros actionnaires du groupe,
lUBS, lentreprise Relag et European Renaissance Fund Ltd nont pas suivi le plan de
refinancement. Les plus grands actionnaires, au 31 dcembre 2004, taient European
Renaissance Fund Ltd, Julius Baer Multistock SICAV et OZ Bankers78
avec chacun
autour de 5%. Nous avons donc affaire un actionnariat extrmement dispers.
Reste savoir comment Hellweg a russi rester en place une fois sa mission acheve.
Le conseil dadministration a-t-il dcid de le maintenir en place, enthousiasm par sa
gestion de la situation et la conviction de ses propos, ou Hellweg a-t-il russi se rendre
indispensable auprs des nouveaux actionnaires ? Une chose est sre : Hellweg a russi
rester en place en se constituant le maximum de pouvoirs possibles. Cependant, il est
incontestable que Hellweg a russi avec succs la mission qui lui avait t confie. Il a
assur lavenir du groupe, pass tout prs de la faillite. Comment expliquer ds lors son
maintien la tte du groupe ? Swissmetal a connu des annes difficiles au cours
desquelles les prcdentes directions gnrales nont gure russi amliorer la
situation du groupe. De nombreux projets de restructuration nont pas abouti. Il est
possible de penser que le conseil dadministration sest laiss abuser par la russite du
refinancement et quil a dcid ainsi daccorder une confiance aveugle en Martin
Hellweg, en oubliant que celui-ci ne connaissait rien au domaine de production de
Swissmetal, navait pas dexprience au niveau organisationnel et quil tait avant tout
un financier.
6.4. Restructurations : nouvelle stratgie de la direction gnrale
Il convient de sintresser la politique entreprise par Martin Hellweg une fois laccord
de refinancement vot et lavenir moyen terme du site assur. Bref, il sagit dans cette
partie de voir quelles sont les causes conjoncturelles de la grve de novembre 2004 du
site de production de Reconvilier. Comment les employs de lentreprise, jusque-l peu
habitus aux conflits de travail, sont arrivs ce stade o la grve est apparue comme la
dernire possibilit, comme lunique moyen pour faire entendre ses droits? Martin
Hellweg sest rendu trs rapidement impopulaire auprs des employs de Boillat cause
des dcisions quil a prises. En effet, si de nombreux cadres estimaient que la grve tait
la consquence des erreurs de gestion du conseil dadministration et de la direction
gnrale, Hellweg a jou un rle cl dans le dclenchement du conflit. Une chose est
78Swissmetal.ch, structure de lactionnariat.
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sre : on ne peut lui reprocher davoir maintenu le statu quo, lui qui a toujours affirm
vouloir unifier la culture Swissmetal en intgrant davantage les sites de production de
Dornach et de Reconvilier. Hellweg insiste sur cet tat de fait : en fait si les deux sites
de Reconvilier et de Dornach ont t regroups depuis plusieurs annes au sein de
Swissmetal, les deux entits ont continu chacun de leur ct. 79 Les propos de Sam V.
Furrer, responsable des ressources humaines et plus proche collaborateur de Hellweg
vont dans le mme sens : Avec la globalisation, le monde est en constant changement
et il faut savoir ragir trs vite. Et pour pouvoir le faire, il faut une structure de direction
intgre et simplifie. Cest justement la stratgie que nous sommes en train
dappliquer. 80 Parmi les premires dcisions prises, il a y le point quon a dj
mentionn prcdemment, Hellweg a russi en quelque sorte sarroger les pleins
pouvoirs du groupe, en devenant CEO dune direction gnrale trs pure. De plus, il
est devenu membre du conseil dadministration lors du vote du plan de refinancement
de juin 2004 qui a vu llection dun nouveau conseil constitu de cinq nouveaux
membres. Outre la prsence de Martin Hellweg, les nouveaux membres sont Walter
Hasermann, conseiller indpendant, Dominik Koechlin, notamment membre du