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  • Universit Paul Czanne Aix Marseille III Facult de Droit et de Science Politique

    Les Terminaux conteneurs portuaires

    Mmoire de Master II de Droit Maritime et des Transports

    Prsent par Axelle JOUVE

    Sous la Direction de Me SCAPEL

    ANNEE UNIVERSITAIRE 2007 / 2008

  • 1

    Abstract

    While terminal operators have become an essential link to the international transport chain, international legislations have yet to recognize and define the importance of this activity. In most cases, operators are limited to incompatible and restrictive national legislations.

    In France, the terminal exploitation in harbour areas is constrained by the application and notion of public services. European Union legislations have permitted great improvements for terminal operators, nevertheless, the activity remains characterized by a lack of flexibility as well as a lack of judicial security.

    Although operators around the world offer identical services, the notion of a common liability is non-existent. The Vienna Convention on the responsibility of transport exploiters, attempted to harmonize this responsibility on an international level which was then rejected by the international community. So far the existing texts only offer fragmented answers, borrowed from the judicial regimes of different transport actors.

    Clarification of terminal operators legal status is wished.

    Loprateur de terminal est devenu un maillon essentiel de la chane de transport international. Pourtant, aucun texte international ne reconnat clairement son activit. Ne bnficiant ni de dfinition lgale, ni dun statut propre, les oprateurs sont soumis des lgislations nationales souvent mal adaptes et contraignantes.

    En France, lexploitation de terminal, implante sur en zone portuaire, est soumise un ensemble de contraintes dont la plupart sont lies lapplication du rgime de la domanialit publique, encore trop largement rattach la notion de service public. La lgislation communautaire a notamment permis damliorer la situation de lexploitant de terminal mais lactivit reste caractrise par un manque de souplesse et de scurit juridique.

    Alors que les oprateurs ralisent des prestations identiques dans le monde entier, il nexiste aucun rgime impratif de responsabilit qui soit commun tous. Les textes actuels napportent que des rponses fragmentaires, empruntant aux rgimes juridiques des diffrents auxiliaires de transport. Le rgime de responsabilit harmonise initi par la Convention de Vienne sur la responsabilit des exploitants de terminaux de transport dans le commerce international a t rejet par la communaut internationale.

    Nous ne pouvons quesprer une clarification rapide du statut de loprateur de terminal.

  • 2

    Remerciements

    Je tiens dabord adresser mes plus sincres remerciements mes professeurs, Christian Scapel et Pierre Bonassies, pour leur soutien et la qualit

    de leur enseignement.

    Je remercie tout particulirement Mr Robert Rzenthel, pour son aide et sa disponibilit tout au long de la rdaction de ce mmoire.

    Je remercie galement lquipe du service juridique de la Compagnie Maersk France Marseille, pour mavoir permis, lors de mon stage, daborder sous un angle pratique et juridique les problmatiques de transport et pour mavoir donn lopportunit de visiter le Terminal conteneurs de Fos-sur-Mer.

  • 3

    Sommaire

    Abstract ................................................................................................................................... 1

    Remerciements ........................................................................................................................ 2

    Sommaire ................................................................................................................................ 3

    Introduction - Lexploitation de terminaux conteneurs portuaires, une activit conomique prise .................................................................................................................. 4

    Titre 1 - Le rgime dexploitation du terminal conteneurs portuaire .................................... 10

    Chapitre 1- Lexploitation du terminal conteneurs dans le respect des rgles de la domanialit portuaire ........................................................................................................... 11

    Section 1- Lexploitation du terminal conteneurs dans son contexte portuaire ............. 11

    Section 2- les rgimes doccupation privative du domaine public portuaire .................... 24

    Chapitre 2- Lexploitation du terminal conteneurs dans le respect dun environnement portuaire comptitif et plus sr ............................................................................................ 39

    Section prliminaire- Loccupation du domaine public portuaire et lapplication du droit communautaire .................................................................................................................. 39

    Section 1- Quelle scurit pour loprateur de terminal conteneurs ? ........................... 40

    Section 2- Accroissement de la scurit et de la sret sur le terminal conteneurs ....... 53

    TITRE 2 Le rgime de responsabilit de loprateur de terminal conteneurs pour les dommages causs aux marchandises ........................................................................................ 60

    Chapitre 1- Ltendue de la responsabilit de loprateur de terminal conteneurs portuaire ............................................................................................................................... 60

    Section 1- La phase de responsabilit ............................................................................... 61

    Section 2- Les prestations ralises par loprateur sur le terminal .................................. 70

    Chapitre 2- Ltendue de la responsabilit de loprateur de terminal .............................. 77

    Section 1 Les rgimes actuels de responsabilit ............................................................ 77

    Section 2- La Convention de Vienne pour un rgime juridique unifi de responsabilit des oprateurs de terminaux .............................................................................................. 91

    Conclusion .......................................................................................................................... 100

    Bibliographie ...................................................................................................................... 101

    Annexes ............................................................................................................................... 105

  • 4

    Introduction -

    Lexploitation de terminaux conteneurs portuaires, une activit

    conomique prise

    La croissance du commerce mondial nourrit les promesses dun dveloppement toujours plus soutenu de la conteneurisation, suscitant ainsi un fort mouvement de construction de nouveaux terminaux. Tous les grands ports maritimes ont leur projet de terminal conteneurs portuaire. Ces nouveaux amnagements devront rpondre la croissance du trafic conteneuris et disposer dinfrastructures adaptes aux navires porte-conteneurs de plus en plus gros.

    Le matre mot est la ralisation dconomies dchelle et la maitrise du temps, incitant les industries se doter de navires et de terminaux de plus en plus gros1. Dans ce nouveau contexte maritime, lobjectif est doptimiser et matriser les mouvements et flux de conteneurs. Lavnement de la logistique a permis dy parvenir en adoptant une vue globale de la chane de transport. De Lorganisation de vritables rseaux logistiques a rsult la concentration des investissements et des innovations dans les plus grands ports maritimes, qui bnficient seuls du dveloppement des trafics.

    Depuis la fin de la priode de construction des zones industrialo-portuaires dans les annes 1990 en Europe, les constructions des terminaux conteneurs reprsentent les projets damnagement les plus importants. Ils marquent une nouvelle tape dans le dveloppement des zones portuaires rpondant une nouvelle problmatique des flux mer/territoire. Les ports doivent aujourdhui rpondre aux exigences des armateurs et des mga manutentionnaires, alors que le budget public qui lui est consacr diminue et que les critres environnementaux et sociaux salourdissent.

    Autrefois, les chargeurs ou leurs reprsentants choisissaient leur port et leur armateur.

    Aujourdhui, ils veulent un transport complet de leur entrept celui de leur client, peu important les modes de transport et le routing . Cest ce que la pratique qualifie de service porte--porte (ou door to door ), larmement prenant en charge lorganisation du pr et post-transport terrestre, dit carrier haulage . Les taux de fret tant aujourdhui assez bas et les prestations de transport maritime quivalentes dune compagnie maritime une autre, cest sur les maillons terrestres que peuvent se raliser les plus importants gains financiers et

    1 Les terminaux repoussent leurs limites , Journal Le Marin, N3163, 22 fvrier 2008, p.3

  • 5

    de productivit. La bataille entre les armateurs se joue donc terre. Les ports sont leur tour mis en concurrence.

    La fiabilit et la qualit des services terre sont des facteurs dcisifs du choix des armateurs pour tel port. Les armateurs exigent une manutention scurise, capable de mettre en uvre le plus grand nombre possible de portiques compte tenu de la taille du navire et de son plan de chargement ainsi que des temps dattente quai minimums. Le but est de rationaliser les transbordements et de garantir au mieux la performance du transport. Autre facteur important, le cot de la manutention dans un port. Quelques dizaines de dollars dcart par conteneur feront basculer le choix entre deux ports, par exemple entre Marseille et Malte.

    Dans ce contexte de dveloppement soutenu du trafic conteneuris, lexploitation de terminaux conteneurs est devenue une activit de premier plan2.

    La concurrence seffectue aujourdhui autant entre les oprateurs de terminaux quentre les ports3. Cette concurrence qui ne concernait que certaines rgions asiatiques sest

    gnralise lchelle du globe4.

    Dans les annes 1990, on assista lmergence de groupes de manutention internationaux spcialiss dans le trafic de conteneurs assurant leur manutention et leur garde. Leur dveloppement initial et leur originalit en termes de techniques de gestion ont t rendus possible par leur rglementation portuaire nationale souple et ouverte aux investissements privs. Ils ont, par la suite, export progressivement ce modle. Les groupes asiatiques tirent ici leur pingle du jeu aux cts dentreprises europennes et amricaines.

    Les stratgies de croissance des manutentionnaires mondiaux sont diverses. Elles restent principalement axes sur limplantation dans des zones fort potentiel de dveloppement, notamment en Asie du Sud-est, zones appeles devenir des plaques tournantes des trafics mondiaux ou rgionaux. Mais les grands groupes maintiennent aussi leurs investissements dans les ports dj plaques tournantes des trafics, situs sur les grandes routes maritimes, car ils reprsentent une valeur sre . Leur stratgie peut galement passer

    par lacquisition de la gestion de nouveaux terminaux conteneur par le rachat de groupes

    2 Journal de la Marine Marchande du 29 juin 2007, N4567/4568, Les quipementiers profitent de la

    mondialisation , Loc Salmon, p.23 3 Wang and Slack, The evolution of a regional container port system: the Pearl River Delta, Journal of

    Transport Geography n8, 2000, p. 263 - 276 4 Par exemple, en Chine mridionale, Hutchinon Port Holdings (HPH) et Modern Terminals Limited (MTL) ont

    des intrts concurrentiels dans plusieurs ports du delta de la Rivire des Perles et lintrieur du port de Hong Kong.

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    concurrents qui jouissent dj de lexploitation de terminaux ou encore par un partenariat avec un autre oprateur pour la gestion en commun dun terminal.

    La tendance actuelle est la concentration des grands oprateurs mondiaux, par le jeu dacquisitions, de partenariats et dexpansions. Le secteur est structur autour des grands oprateurs de terminaux, aux premiers rangs desquels on trouve Hutchinon Port Holdings (HPH), Port of Singapore Authority (PSA), APM Terminals (groupe AP Moller), Peninsular & Oriental Ports (P&O Ports) et Eurogates5.

    On notera que les entreprises de manutention sont entres depuis peu dans une nouvelle phase dexpansion de type organisationnelle. A lheure de la logistique et du management de la supply chain , les oprateurs souhaitent, eux aussi, se diversifier en offrant de plus en plus des services logistiques et deviennent organisateurs de transport6.

    Face ce schma de couverture mondiale des principaux sites portuaires par les oprateurs de terminaux les plus importants, on peut sinterroger sur la relle indpendance des entreprises de taille plus rduite, manutentionnant des volumes moins importants et de chiffres daffaires moins colossaux7,8.

    La venue de ces groupes leaders dans un port constitue un rel avantage pour ce dernier. Les grands groupes ninvestiront sur un site que lorsquils seront srs de pouvoir dgager des profits en sappuyant sur la massification des trafics. Ceci explique quils recherchent toujours une position dominante dans un port. Au-del de la position stratgique dun port, leur implantation sur un site dpendra largement de leur certitude de pouvoir contrler le plus de paramtres de gestion possibles dans lexploitation du terminal, partir notamment dune concession sur le long terme. Les oprateurs veulent pouvoir maitriser la fois leurs prix et les technologies de manutention, pour augmenter les cadences et avoir un service de qualit. De cette manire, ils ralisent des conomies dchelle et augmentent la rentabilit de leur activit en intgrant des logiques industrielles.

    De nombreux Etats en ont bien pris conscience de cet enjeu et ont engag des rformes portuaires pour permettre le transfert vers le secteur priv dune partie des investissements et

    5 Cornier J-C Oprateurs : les trois premiers psent plus de 60 millions dEVP , Journal Le Marin, hors-srie

    novembre 2002, p.12 6 Lacoste Romuald et Terrassier Nicolas La manutention portuaire conteneurs : les oprateurs internationaux

    perspectives europennes , Synthse ISEMAR n39, novembre 2001, p.2 7 Cornier J-C Terminaux : ct des trs grands groupes , Journal de la Marine Marchande, N4586 du 16

    novembre 2007, p.30 8 Citons lexemple du groupe PSA qui a acquis la majorit du capital de HNN, premier manutentionnaire de

    conteneurs dAnvers, lui-mme fruit dune fusion entre deux oprateurs locaux (Hessenatie et Noord Natie

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    des comptences du secteur portuaire. Certains Etats, comme le Royaume-Unis dans les annes 1980, sont alls jusqu engager des procdures de privatisations des ports. La France semble bien aujourdhui dcide sengager dans ce mouvement de rforme portuaire pour attirer les oprateurs en leur permettant de contrler tous les paramtres de leur activit et de dvelopper leur industrie dans les mmes conditions quune entreprise prive. Les autorits publiques semblent maintenant prtes investir massivement dans les installations portuaires9.

    Paralllement au dveloppement de ces grands groupes spcialiss sur les sites portuaires, les armateurs de lignes rgulires sintressent eux aussi, et de plus en plus, aux terminaux conteneurs10. Lavnement du conteneur a chang la comprhension du transport maritime de lignes rgulires. En peu de temps, les armateurs ont d adapter leurs mthodes de travail et investir diffremment, dans des navires coteux, des flottes de conteneurs et dans des installations adquates au trafic conteneuris.

    Paradoxe des volutions de la pratique maritime, les armateurs, autrefois actionnaires de nombreux terminaux, avaient dcid de recentrer leur activit sur le transport maritime pur. Les terminaux regagnent aujourdhui leur faveur. Pressentant la tendance prochaine, le transporteur maritime Sea-Land investit, ds 1972, dans un terminal Hong Kong, ce qua rcemment fait la CMA-CGM sur le site de Marseille Fos en devant loprateur de terminal pour la gestion de Fos 2XL11, et encore plus rcemment en concluant un accord portant sur la construction et lexploitation pour une dure de 50 ans dun futur terminal conteneurs dans le port de Tanjin12.

    Les raisons qui poussent les armateurs rinvestir dans le maillon portuaire et en particulier dans les terminaux conteneurs sont multiples.

    Plusieurs raisons poussent les armateurs rinvestir dans le maillon portuaire et, en particulier, dans les terminaux conteneurs.

    Investir dans ces structures, cest dabord garantir leurs clients chargeurs une meilleure prestation globale de transport. Les armateurs sassurent une gestion plus efficace du passage portuaire, un gain de temps et partant, une fidlisation des chargeurs de plus en

    9 Dossier de presse, Plan de relance des ports, 8 avril 2008, publi par le Ministre de lEcologie, de lEnergie,

    du Dveloppement durable et de lAmnagement du territoire 10

    Journal Le Marin, hors srie novembre 2002, Compagnies : intgrer ou non le terminal portuaire , p.2 11

    Journal Le Marin, hors srie novembre 2002, Jean-Franois Mah de la CMA-CGM : Nous avons tout intrt influer sur la manutention , Pierre Graves, p.9 12

    Accord du 21 aot 2008, Communiqu de Presse de la CMA CGM CMA CGM investit dans le port de Tanjin , 21 aot 2008

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    plus exigeants. Investir dans les terminaux, cest aussi marquer un site portuaire de sa prsence et sassurer une indpendance vis--vis des grands groupes de manutention qui investissement massivement dans ces zones stratgiques. A lheure o les prestations maritimes des transporteurs se valent, la matrise du maillon portuaire peut clairement faire la diffrence et constitue une marge potentielle de bnfices. Les armateurs qui sassurent de la productivit de la chaine portuaire, viabilise et stabilise par la mme, leurs investissements nautiques.

    Ce phnomne dintgration portuaire rpond davantage une logique maritime qu une volont de diversification de leurs activits, le secteur tant dj fortement structur par les grands groupes de manutention.

    Pour disposer de terminaux ddis, les grands armements constituent des filiales avec les grands manutentionnaires ou dveloppent des contrats dexclusivit1314. Certains armements pourront aussi sappuyer sur des filiales de leur groupe comme cest le cas dAPM Terminal, filiale de AP Mller auquel appartient Maersk Line. Reste que les terminaux ddis, bien qutant en augmentation, ne sont ralisables que par les grands armateurs, car la chose est coteuse. Ainsi, les partenariats sont frquents15. Dans certains pays comme la France, les acteurs locaux auront leur mot dire dans la constitution des exploitations de terminaux ddis16.

    Cest ainsi quune tendance la privatisation saccentue vivement.

    Cet aperu de lenvironnement conomique de lactivit dexploitant de terminaux conteneurs portuaires, dmontre bien lenjeu que constitue le maillon terrestre pour les acteurs du transport maritime en termes de dveloppement et de productivit de la chane de transport mais aussi plus largement pour les ports et leurs Etats.

    Comment la lgislation envisage-t-elle cette activit ?

    Nous le verrons, lactivit de terminaux conteneurs portuaires reste encore largement tributaire des lgislations nationales. Ainsi, nous nous attacherons principalement ltude de la lgislation franaise.

    13 Cornier J-C Prsence accrue des armateurs dans la manutention , Journal Le Marin, hors srie, novembre

    2002, p. 6 et 7 14

    On citera en exemple le cas de Maersk-Sealand qui dispose de ses terminaux Algesiras et Tanjung Pelapas 15

    Par exemple, APM Terminal et loprateur de manutention Terminaux de Normandie (TN) du groupe Perrigault ont sign avec Maersk une convention pour la cration, la gestion et lexploitation du deuxime terminal conteneurs (Terminal de la Porte Ocane) de Port 2000 16

    Ainsi, CMA-CGM a sign une convention avec un oprateur local la Gnrale de Manutention Portuaire pour exploiter le terminal de France Port 2000 ddi la CMA CGM

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    Notre mmoire sattachera envisager deux aspects juridiques de lactivit.

    Sera dabord aborde la problmatique du terminal conteneurs dans son contexte portuaire. Ds lors quune activit simplante en zone portuaire, un certain nombre de contraintes seront observer, et en particulier, les rgles domaniales, les rgles de concurrence, de scurit et de sret (Titre 1). Quelle scurit juridique et quelle libert, loprateur de terminal conteneurs peut-il escompter en simplantant dans un port franais ?

    Si lexploitation dun terminal conteneurs cre en premier lieu des relations de nature publique entre lexploitant et le gestionnaire de lautorit portuaire, le propre mme du terminal est de crer des relations commerciales entre lexploitant et ses clients. Cest sous cet angle ci que le terminal sera ensuite envisag (Titre 2). Dans le cadre de ses relations contractuelles avec ses clients, lexploitant sengage raliser un certains nombres de prestations. Si des dommages sont causs la marchandise alors quil en avait la garde, la question du rgime de responsabilit qui lui sera applicable se pose.

    La rponse ces questions nous permettra dapprcier lopportunit de ces rgles au regard du contexte actuel dconomie de march et de voir en quoi elles sont adaptes ou non aux logiques du commerce international, de la conteneurisation et de la libralisation des changes. Il est clair aujourdhui que le terminal doit tre envisag comme un maillon intgr de la chane de transport et quil devra sadapter aux logiques du transport mondialis. Il ne doit plus caractriser un lieu de rupture dans la chane de transport.

    Nous le verrons, cette activit souffre dun grand nombre dincertitudes, tant en ce qui concerne ses modes dexploitation quen ce qui concerne son rgime de responsabilit.

  • 10

    Titre 1 - Le rgime dexploitation du terminal conteneurs

    portuaire

    Lexploitation dun terminal portuaire constitue un labyrinthe juridique dans lequel on y entre avec prudence, muni du fil dAriane tir de la robe de Thmis 17

    La pratique maritime exige aujourdhui des ports quils soient munis dinstallations spcifiques, dun outillage et dun personnel adapt pour recevoir et traiter les marchandises qui leurs arrivent quotidiennement.

    La conteneurisation quant elle, exige que les ports recevant des conteneurs disposent au moins de terre-pleins aux abords des quais, sur lesquels pourront tre entreposs les conteneurs, avant quils ne soient chargs bord du navire ou aprs quils aient t dchargs.

    Les ports de plus grande envergure possdent des terminaux portuaires. Ils ncessitent des installations techniques la fois pour la manutention et pour la prise en charge de conteneurs avec, en fonction de la nature des marchandises transportes, des installations lectriques auxquelles les conteneurs frigorifiques pourront tre branchs.

    En France, lamnagement et lextension des infrastructures portuaires se trouvent cependant limits par des contraintes domaniales et un nombre restreint de modes dexploitation auxquels les oprateurs pourront recourir (Chapitre 1). Le manque de souplesse de ces rgles aura pour consquence directe le ralentissement de la croissance du trafic conteneuris en France. Une rforme apparat donc ncessaire.Si loprateur de terminal manque de scurit dans sa relation avec lautorit portuaire, le droit de la concurrence, les lgislations en matire de scurit et de sret rendent lexploitation des terminaux plus sre (Chapitre 2).

    17 Rzenthel R. Le rgime dexploitation des terminaux portuaires , Etudes de droit maritime laube du 21me

    sicle, Mlanges offerts P. Bonnasies, d. Moreux 2001, p. 291

  • 11

    Chapitre 1- Lexploitation du terminal conteneurs dans le respect des rgles de la domanialit portuaire

    Si lon peut affirmer que lexploitation dun terminal est une activit de type industrielle et commerciale, son implantation en zone portuaire, la contraint composer avec les rgles de la domanialit publiques qui sattachent protger lintgrit du domaine public (Section 1). En France, la lgislation permet aux oprateurs de conclure avec lautorit portuaire un certain nombre de conventions, qui demeurent, somme toute, encore assez mal adaptes eu gard lobligation de service public qui est souvent corrlative (Section 2).

    Section 1- Lexploitation du terminal conteneurs dans son contexte portuaire

    Il convient en premier lieu denvisager les notions de terminal et d oprateur de terminal (I) qui, linstar de la notion de port , sont des concepts imprcis de notre droit positif et pour lequel une unit de conception fait clairement dfaut. Autre incertitude, celle de la consistance de la domanialit publique dans la ralit portuaire daujourdhui (II).

    I. Le terminal conteneurs et loprateur en charge de son exploitation

    Notions pourtant omniprsentes dans le jargon maritime, le terminal (A) et l oprateur de terminal (B), restent des ralits difficiles dfinir juridiquement. Ce manque de prcisions est un obstacle vident ltablissement dun rgime juridique clair dexploitation de terminal portuaire.

  • 12

    A. Dfinition du terminal

    1. Labsence dunit de conception de la notion

    La notion de terminal , bien que traditionnellement invoque en droit maritime et droit portuaire, souffre dune relative imprcision en droit positif. En effet, elle ne bnficie pas dune dfinition lgale gnrique. Ni les conventions internationales, ni le droit communautaire, ni le droit national, ne sentendent sur la signification et les limites de ce concept18.

    Ce terme gnrique, import des Etats-Unis, est n de la pratique. Il est avant tout le fruit de la logistique et de lconomie portuaire. Sil ne fait lobjet daucune dfinition prcise, ce terme usuel du vocabulaire propre au monde des transports, est partie intgrante du paysage portuaire, et des chanes de transport et de logistique19.

    Au dtour des textes et des dcisions judiciaires, se dessinent des dfinitions mais qui ne sont, malheureusement, quparses et relatives.

    2. Des rfrences textuelles parses

    Larticle R 115-7-III du Code des ports maritimes, voquant la convention dexploitation de terminal, dfinit le terminal comme () comprenant les terre-pleins, les outillages et les amnagements ncessaires aux oprations de dbarquement, d'embarquement, de manutention et de stockage lies aux navires . On retrouve dans cette analyse pragmatique du terminal, les lments constitutifs essentiels de son exploitation.

    Quand il est envisag sous un angle structurel, labsence dunit de la notion est particulirement vidente. Si le terminal est considr comme une installation extrieure aux ports20, ou encore comme un quipement distinct des quipements portuaires 21par certains

    18 Pour une tude complte de la dfinition de terminal , voir la thse de Laurent Fedi Le cadre juridique de

    lexploitation des terminaux ptroliers , thse de droit maritime, Facult de droit Universit Paul Czanne, chap. I, p. 30 37 ; L. Fedi La notion de terminal : entre incertitudes de jure et certitudes de facto , DMF n692, mai 2008, p. 455 19

    Journal Le Marin du vendredi 16 mars 2007, Dossier Logistique , p.17, 18 et 19 20

    Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 sur la responsabilit civile pour les dommages dus la pollution par hydrocarbures (publie par le dcret n75-553 du 26 juin 19751 J.O. du 3 juillet 1975 p.6716) 21

    Accord multilatral relatif lAnnexe V des rgles relatives la prvention de la pollution par les ordures des navires telles que modifie par le protocole de 1978, sign le 17 fvrier 1978 publi par le dcret n89-115 du 21 fvrier 1989

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    textes internationaux, il est pourtant implicitement reconnu lment dun port par la Commission des Communauts dans une dcision en date du 9 juin 1989 22ainsi que par plusieurs arrts23 de la Cour de Justice des communauts qui visent le terminal portuaire .

    Parfois, le terminal est simplement dcrit dun point de vue fonctionnel. Ainsi, la Convention de Genve du 25 juin 197924, dans une approche soucieuse de la scurit des hommes et des biens, lenvisage comme un amnagement o seffectue la manutention des marchandises dans le respect des prescriptions rglementaires. Le Parlement europen a galement pu caractriser le terminal de station de dchargement 25.

    Aucune des dfinitions ne pourra prtendre avoir valeur universelle ; chacune delles ne vaut que pour lapplication du texte quelles dictent. Dans cette logique, chaque rglementation adopte une dfinition en fonction du type de trafic concern.

    Ainsi, la Convention de Bruxelles du 18 dcembre 1971, portant cration dun fonds international dindemnisation pour les dommages dus la pollution par hydrocarbures, vise sous le terme installation terminale , tout emplacement de stockage dhydrocarbures en vrac permettant la rception dhydrocarbures transports par voie deau, y compris toute installation situe au large et relie cet emplacement 26.

    Certains textes communautaires adoptent aussi cette mme approche. La Directive communautaire sur ltablissement des exigences et des procdures harmonises pour le chargement et dchargement des vraquiers qualifie de terminal , toute installation fixe, flottante ou mobile quipe et utilise pour le chargement et dchargement de cargaisons sches, en vrac dans les vraquiers 27.

    22 Dcision de la Commission des Communauts europennes n89/408/CEE du 9 juin 1989 relative la

    procdure dapplication de larticle 85 du Trait CEE - J.O.C.E. n L 190 du 5 juillet 1989 p.22 23

    CJCE 18 mars 1997, Diego Cali & Figli Srl affaire n C-343/95 Rec. p. I-1580 ; CJCE 12 fvrier 1998 Silvano Raso e.a. affaire n C-163/96 Rec. p. I-570 24

    Art 31-1 de la Convention de Genve du 25 juin 1979 qui concerne la scurit et lhygine du travail dans les manutentions portuaires (publie par le dcret n86-1274 du 10 dcembre 1986 J.O. du 3 juillet 1975 p.6716) 25

    Rsolution du Parlement europen du 21 avril 1993 sur les industries maritimes J.O.C.E. n C 150 du 31 mai 1993 p. 76 26

    Convention de Bruxelles du 18 dcembre 1971 portant cration dun fonds international dindemnisation pour les dommages dus la pollution par hydrocarbures publie par le dcret n96-774 du 30 aot 1996 J.O. du 7 septembre 1996 p. 13307 27

    Directive 2001/96/CE du Parlement Europen et du Conseil du 4 dcembre 2001, tablissant des exigences et des procdures harmonises pour le chargement et le dchargement sr des vraquiers

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    Le Livre vert de la Commission europenne relatif aux ports et aux infrastructures maritimes fait de mme et traite des terminaux comme des postes de manutention spcialiss28.

    Pour aller au-del de ces controverses sur la notion de terminal, il parait judicieux de se reporter la dfinition tablie par la doctrine qui se veut unificatrice. Le terminal y est envisag comme un espace portuaire amnag, () mais galement un concept technique dsignant un ensemble douvrages (quais, terre-pleins, silos, hangars) et doutillages (portiques, grues, passerelles de manutention horizontale) dans un primtre portuaire dtermin et affect au transit de trafics spcialiss 29.

    Cette approche a le mrite de prsenter le terminal comme tant affect spcialement un trafic spcifique, comme ayant un oprateur exclusif et comme ayant pour fonctions

    essentielles, le transit, la manutention et le stockage.

    Le terminal trouve ici sa place au sein des concepts du droit maritime. Il recouvre des ralits diffrentes, lui permettant de la sorte de sadapter aux logiques logistiques et conomiques. Le lgislateur a bien compris les enjeux qui se profilent derrire ce terme quil ne vaut mieux ne pas figer dans le marbre.

    Si la dfinition du terminal nest pas aise trouver, il en est de mme pour celle de l oprateur de terminal .

    B. Comprhension de la notion d oprateur de terminal

    1. Une notion incertaine

    Il nexiste pas, prsentement, de statut doprateur de terminal conteneurs portuaire. Terminologie ne de lavnement des terminaux, l oprateur de terminal correspond davantage une fonction plutt qu une profession clairement tablie et rglemente.

    La notion sappliquera aux organismes portuaires, parfois privs, souvent encore

    publics, tenus de prendre en charge la marchandise avant ou aprs le transport maritime.

    28 Livre vert, du 10 dcembre 1997, relatif aux ports et aux infrastructures maritimes [COM (97) 678 final - Non

    publi au Journal officiel] 29

    R. Rzenthel Le rgime dexploitation des terminaux portuaires , Etudes de droit maritime laube du 21me sicle, Mlanges offerts P.Bonassis, d. Moreux 2001, p. 291

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    Si son intervention a lieu lissue du transport maritime, loprateur de terminal est celui qui reoit dun entrepreneur de manutention, agissant pour le compte du transporteur maritime, un ou plusieurs conteneurs, en vue de leur livraison ultrieure au destinataire ou son reprsentant.

    Si son intervention a lieu avant le transport maritime, loprateur de terminal reoit du chargeur ou de son reprsentant, un ou plusieurs conteneurs en vue de leur livraison ultrieure une entreprise de manutention agissant pour le compte du transporteur maritime qui la choisi.

    Le seul texte faisant rfrence la notion d exploitant de terminal est la Convention de Vienne du 19 avril 1991, dont lobjet est prcisment de dterminer le rgime de responsabilit appliquer aux exploitants de terminaux de transport30. Elle le dfinit dans son article 1er a) comme toute personne qui, dans lexercice de sa profession, prend en garde des marchandises faisant lobjet dun transport international en vue dexcuter ou de faire excuter des services relatifs au transport en ce qui concerne ces marchandises dans une zone place sous son contrle ou sur laquelle elle a un droit daccs ou dutilisation. Toutefois, cette personne nest pas considre comme un exploitant ds lors quelle est un transporteur en vertu des rgles juridiques applicables au transporteur .

    Cette dfinition, si elle reste ce jour dnue de toute application - le texte ntant ce jour pas encore entr en vigueur - a le mrite dopter pour une approche claire et globale de loprateur de terminal, qui rompt avec une approche compartimente des diffrents auxiliaires de transport en fonction des prestations fournies par eux31. On note ici lexclusion formelle de la dfinition du transporteur, donc a priori, mme les consignataires sont concerns par cette lgislation.

    2. La comprhension de la notion dans le systme franais de la manutention

    Le droit franais ne connait pas le terme d oprateur de terminal mais uniquement le terme d entreprise de manutention , qui est amen raliser les mmes prestations que celles ralises par loprateur de terminal.

    30 Convention des Nations Unies sur la responsabilit des exploitants de terminaux de transport dans le

    commerce international du 19 avril 1991, non entre en vigueur ce jour. 31

    Martin Ndend, Regards sur une Convention internationale mconnue la Convention de Vienne du 17 avril 1991 sur la responsabilit des exploitants des terminaux de transport , Revue de droit des transports n4, Mai 2007, Etude 6

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    Lentreprise de manutention est dfinit comme l'entreprise () qui effectue un certain nombre d'oprations matrielles de manipulation des marchandises, et son rle consiste principalement effectuer les oprations de chargement et de dchargement, d'arrimage et de mise quai ou en entrept 32. Dune ncessit imprieuse, elle intervient en phase de transit, chaque rupture de charge, quand il faut dcharger puis recharger. Sa position stratgique dans les ports ainsi que la difficult et complexit des oprations quelle ralise font la particularit de la manutention maritime.

    Les activits et le rgime juridique des entreprises de manutention sont rglements par la loi de 1966 33relative aux contrats daffrtement et de transport maritimes.

    Traditionnellement, on distingue deux types de manutentionnaires dans les ports franais. Dans les ports de la faade Nord-Manche-Atlantique, les stevedores assurent le chargement et le dchargement des navires. Dans les ports de la faade Mditerrane, ce sont les acconiers qui assurent ces phases de chargement et dchargement, ainsi que la garde des marchandises quai avant le chargement et aprs le dchargement. Dans la plupart des cas, ils agissent pour le compte du transporteur maritime.

    Comment loprateur de terminal intgre-t-il cette logique ?

    La notion d entreprise de manutention a le mrite dune grande souplesse. Elle sappliquera quelque soit la qualification professionnelle de lentreprise, ds lors que cette entreprise effectue les oprations de chargement, dchargement et de garde quai de la marchandise prvues aux articles 50 et 51 de la loi franaise de 1966. Cette prcision a t apporte par le lgislateur franais, dans la loi du 3 janvier 1969, tant pour le consignataire du navire (art 13), que pour le consignataire de la cargaison (art 15). Le rgime de la manutention pourrait sappliquer toute autre entreprise, par exemple un transitaire 34.

    La loi du 18 juin 1966 distingue les oprations ralises titre principal des oprations dites accessoires, uniquement ralises par les acconiers.

    32Lamy Transport Tome 2, Commission de transport, Mer, fer, air, Commerce extrieur, Editions Lamy, 2008, n 972 33

    Loi N 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats daffrtement et de transport maritimes, Titre IV Entreprises de manutention , articles 50 et suivants et Dcret N 66-1078 du 31 dcembre 1966 sur les contrats daffrtement et de transport maritimes, Titre IV Entreprises de manutention , articles 80 et suivants 34

    Bonassies Pierre et Scapel Christian, Trait de droit maritime, dition L.G.D.J 2006, p. 440, n 679

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    Lentreprise de manutention ralise titre principal toutes les oprations qui ralisent la mise bord et le dbarquement des marchandises, y compris les oprations de mise et de reprise sous hangar et sur terre-plein, qui en sont le pralable ou la suite ncessaire 35. Si elle se limite ces oprations, elle interviendra comme stevedore .

    Les oprations accessoires que pourra en outre raliser lentreprise de manutention36, consistent dune part, en la reconnaissance des marchandises et dautre part, en leur garde sur des emplacements quai appropris37. Dans ce cas, lentreprise de manutention intervient en qualit d acconier .

    Lavnement des terminaux et la naissance du terme doprateur de terminal, perturbe le schma classique de la manutention portuaire franaise. La distinction entre stevedores et acconiers tend sestomper et les aspects logistiques et conomiques prennent le devant. La flexibilit du terme d entreprise de manutention , bien quimparfaitement adapt, permet nanmoins aux oprateurs de terminaux de bnficier dune certaine existence lgale.

    Les difficults de dfinitions et de concepts ne sarrtent pas l, puisque le terminal se trouve lui-mme englob dans une autre entit mal dfinie et au rgime peu clair, le port .

    II. Le port et le rgime de domanialit portuaire

    Lieu dinterface entre les modes de transport maritime et terrestre et lieu de massification des trafics, le port est au premier plan concern par les enjeux que reprsentent les infrastructures portuaires, notamment les terminaux, en termes de dveloppement, de complmentarit des modes de transports et de contribution aux objectifs de croissance. Il reste une ralit complexe, juridiquement mal dlimite(A).

    Rel enjeu conomique de la croissance contemporaine, loccupation du domaine portuaire par les industries cratrices de richesse demeure soumise au rgime bien particulier et relativement archaque de la domanialit publique, en dcalage apparent avec le dveloppement conomique des ports et la libralisation du commerce38 (B).

    35 Article 50, Loi n 66-420, 18 juin 1966

    36 Article 51, loi n 66-420 18 juin 1966

    37 Art. 80, dcret 31 dc. 1966

    38 Intervention du Professeur C. Lavialle, cit par R. Rzenthel, Colloque de droit compar, Limplantation des

    entreprises prives sur le domaine public affect aux transports , DMF n 595, juillet-aot 1999, p. 682

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    A. La complexit de la ralit portuaire

    Le monde portuaire est un monde complexe qui mle public et priv, rendant ainsi difficile sa pleine insertion dans un contexte pleinement concurrentiel.

    Si le rgime de la domanialit publique sapplique logiquement , il doit trouver concilier la logique de march et la gestion et lexploitation des installations portuaires. Les ports maritimes ne doivent plus tre considrs uniquement comme un lieu dexercice dun service public portuaire mais plutt comme un ple de dveloppement conomique.

    Etablissements publics de lEtat, les ports assurent, concurremment, une mission de service public caractre administratif, avec notamment lamnagement, lentretien, la police des amnagements et laccs au port, et galement une activit de nature industrielle et commerciale, avec en particulier lexploitation des outillages portuaires39. Do la rfrence qui a t faite au double visage 40 du domaine public portuaire.

    Historiquement, lintervention de lEtat dans le domaine portuaire a toujours t importante en France. Nombre de ports sont ns de linitiative de la puissance publique. Le rle de lEtat demeure aujourdhui encore prpondrant. Les politiques portuaires dcident des investissements faire et des rformes adopter. LEtat exerce galement la tutelle des ports autonomes maritimes et gre les ports dintrt national. Il y consacre chaque anne entre 100 et 150 M de crdits budgtaires depuis 199941.

    Aujourdhui, lEtat nest plus le seul acteur de ce secteur qui est dsormais ouvert la concurrence. Depuis les lois de dcentralisation, les collectivits territoriales contribuent aussi de plus en plus au financement des investissements des ports et de leurs dessertes. Depuis plusieurs annes, les grands armements et les oprateurs de la manutention sengagent galement dans les stratgies de dveloppement des ports maritimes. Ils ont investi, depuis 1980, plus de 4 Md dans des oprations de modernisation et de dveloppement finances hauteur des deux tiers par des fonds publics.

    39 Larticle L111-2 du Code des ports maritimes dfinit les missions des ports autonomes en ces termes : Le

    port autonome est charg, l'intrieur des limites de sa circonscription, et dans les conditions dfinies ci-aprs, des travaux d'extension, d'amlioration, de renouvellement et de reconstruction, ainsi que de l'exploitation, de l'entretien et de la police, au sens des dispositions du livre III du prsent code, du port et de ses dpendances et de la gestion du domaine immobilier qui lui est affect. . 40

    J. Rosgovas, Lutilisation du domaine public portuaire , mmoire sous la direction de Me C. Scapel, Aix Marseille III, 2005, p. 4 9, Le double visage du domaine public portuaire 41

    Chiffre donn par la Cour des comptes dans son rapport public thmatique sur Les ports franais face aux mutations du transport maritime : urgence de laction , juillet 2006, p.1

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    A la complexit ne de lintervention dacteurs multiples, sajoute la complexit ne de labsence de dfinition claire des notions cls de port , de domanialit publique portuaire .

    A linstar de la notion de terminal , la notion de port est absente de la loi franaise42, exception faite des dlimitations administratives de la zone portuaire mentionnes larticle R 151-1 du Code des ports maritimes43. La rfrence nest malheureusement pas dune grande aide et se rvle ntre quune prsomption simple 44. En effet, la jurisprudence ajoute aux hsitations en adoptant une position fluctuante dans la dfinition du port dont les critres ne sont pas clairement fiables.

    Par exemple, le Conseil dEtat a pu juger que lamnagement de quais de dchargement sur lune des berges dun canal existant pouvant recevoir jusqu cinq pniches constitue un port45, alors que dans une autre affaire, il a qualifi un ouvrage ne pouvant recevoir que quelques embarcations de plaisance, de petite installation portuaire 46. La Haute Assemble a galement pu qualifier dquipement portuaire des installations tablies dans le cadre dune concession de plage artificielle et destines tre utilises par des moyens nautiques lgers voile47.

    On notera que la Convention de Genve des Nations Unies du 9 dcembre 1923 portant statut international des ports maritimes les dfinit comme des zones daccueil des navires affectes titre principal au trafic maritime.

    La Commission europenne, par lintermdiaire de son groupe de travail portuaire, a dfini le port comme une superficie de terrain et deau comprenant des amnagements et des installations permettant principalement la rception des navires de mer, leur chargement et leur dchargement, le stockage des marchandises par des moyens de transport terrestre et

    42 R. Rzenthel Le port maritime la recherche dune identit , Revue Espaces et ressources maritimes 1998,

    n12, p. 167 (d. Pdone) 43

    Article R 151-1 du Code des ports maritimes, modifi par Dcret n83-1244 du 30 dcembre 1983 - art. 1 JORF 3 janvier 1984, modifi par Dcret n83-1244 du 30 dcembre 1983 - art. 9 JORF 3 janvier 1984 : Il est procd la dlimitation des ports maritimes relevant de la comptence de l'Etat, du ct de la mer ou du ct des terres, par le prfet sous rserve des droits des tiers. 44

    R. Rzenthel, La gestion privatise des terminaux dans les ports maritimes , JMM, 3 dcembre 1993, n 3859, p. 2969 45

    CE, 13 juillet 1965, Min. int. et prfet Meurthe-et-Moselle, et Synd. de dfense des copropritaires exploitants et non-exploitants, fermiers, horticulteurs de Fleuville-devant-Nancy, Ludres, Houdemont, Laneuville et Richardmesnil et a. : Rec. CE 1965, p.438 46

    CE, 14 mars 1986, n40105, St du domaine des Barbaresques c/ Ferrari 47

    CE, 4 novembre 1987, secr. DEtat Mer c/ Paz : Rec. CE 1987, p. 345

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    pouvant comporter galement des activits dentreprises lies aux transports maritimes 48. Ce texte a une approche plus pragmatique et fonctionnelle quorganique. Tout comme la

    jurisprudence franaise, il ne retient pas le critre administratif. Comment donc ne pas apprhender cette notion sans une certaine circonspection. Seul trait commun lensemble de ces approches, le port est considr comme un espace plutt que comme une institution.

    En droit franais, lexploitation de terminal, comme celle des autres activits portuaires, est largement dpendante des rgimes juridiques de la domanialit publique et du service public, ce qui nest pas pour encourager la venue de capitaux privs.

    B. La domanialit publique

    Le domaine portuaire sest jusqu rcemment caractris par lappartenance majoritaire de ses terrains portuaires au domaine public et par une conception extensive du service public virtuel. Les terrains privs sur lesquels on peut de rencontrer des terminaux purement privs restent peu nombreux.

    Dans la tradition franaise, les terminaux portuaires relevaient logiquement du droit public, le port appartenant par dfinition, au domaine public et tait spcialement amnag pour satisfaire lintrt commun.

    Lancien article 538 du Code civil, abrog par lOrdonnance du 21 avril 2006 instituant le Code gnral de la proprit des personnes publiques, incorporait les ports dans le domaine public49. Lensemble des ouvrages portuaires tait considr comme tant soumis au rgime de la domanialit publique.

    Les rgles de la domanialit publique ont longtemps constitu un rel obstacle pour les oprateurs portuaires. Trs contraignantes, elles engendrent une grande prcarit pour loccupant du domaine. Parmi ces rgles, on trouve le principe dinalinabilit, dimprescriptibilit et de prcarit.

    48 Commission europenne ESPO, Report of an enquiry into the current situation in the major community sea-

    ports, Rapport, publication ESPO, Bruxelles, 1996, p. 7 49

    Art. 538 du Code civil abrog : Les chemins, routes et rues la charge de lEtat, les fleuves, rivires navigables ou flottables, les rivages, lais et relais de la mer, les ports, les havres, les rades, et gnralement toutes les portions du territoire franais qui ne sont pas susceptibles dune proprit prive, sont considrs comme des dpendances du domaine public

  • 21

    Lautorisation doccupation du domaine public est prcaire en ce quelle est toujours rvocable par lautorit portuaire et non cratrice de droits au profit de son bnficiaire50, qui ne peut revendiquer un droit au renouvellement de son autorisation dexploitation51. Loccupant doit galement supporter les frais de modification ou de dplacement de ses installations et doit fondamentalement respecter la destination52 et la spcialit53 du domaine public quil occupe. Ces restrictions lusage constituent des restrictions lexercice des activits des occupants du domaine public.

    Cette grande prcarit est accrue par une dfinition incertaine de la notion de domanialit publique qui reste largement tributaire de la jurisprudence. La jurisprudence en matire portuaire a largement contribu la comprhension de la notion de domaine public 54, comme elle a dailleurs consacr celle de domanialit publique portuaire 55. Si ce dernier terme marque la spcificit du contexte portuaire, il nen demeure pas moins en principe entirement soumis au rgime classique de la domanialit publique.

    La jurisprudence retient traditionnellement trois critres pour dfinir le rgime domanial de lespace portuaire : lappropriation par une personne publique, lamnagement spcial et laffectation au service public ou lusage du public.

    Le concept de domanialit publique a connu une trs forte extension au gr des jurisprudences jusqu la conscration dune domanialit publique globale dont larrt Socit Le Bton est fondateur56. La jurisprudence a appliqu gnreusement, pendant plusieurs annes, la thorie du service public virtuel 57, appliquant le rgime de la domanialit publique un amnagement futur, ou encore qualifiant la manutention portuaire dlment du service public58.

    50 CE 24 novembre 1993 socit anonyme Atlantique btiments, construction req. n124933

    51 CE 22 octobre 1971 socit des ateliers et chantiers de Bordeaux req. n 77608, 77611 et 77613 ; CE 23

    avril 2001 syndicat intercommunal pour lassainissement de la valle de la Bivre req. n 187007 52

    CE 3 juin 1988 EDF GDF req. n 41918 ; Cons. Const. Dcis. n 94-346 DC du 21 juillet 1994 JO 23 juillet 1994 p. 10635, RFDA 1994 p. 1119 53

    CE 9 juin 1972 Ministre du dveloppement industriel et scientifique c/ port autonome du Havre req. n 82828 54

    CE 19 octobre 1956, Socit Le Bton, Rec. p. 375, D. 1956, J, p. 681 55

    CE 22 juin 1984, secrtaire dEtat auprs du ministre des transports, charg de la mer, Req. n53630 ; CE 15 juin 1987, socit navale des chargeurs Delmas-Vieljeux, Req. n 39250,39291 et 39308. 56

    CE 19 octobre 1956, Socit Le Bton, Rec. p. 375, D. 1956, J, p. 681 : Dans cette espce, lamnagement spcial rsultait de la situation gographique de la parcelle, tandis que laffectation au service public portuaire dcoulait naturellement de lensemble form par le port 57

    CE 23 juin 1939, Ch. Synd. des entrepreneurs arrimeurs de chargements et dchargements des navires, Rec. CE 1939, p. 429 58

    CE Sect, 5 mai 1944, Cie maritime de lAfrique Orientale, Rec. CE 1944, p. 129

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    Cette extension souvent injustifie, en particulier lorsquelle sapplique aux parcelles portuaires accueillant des entreprises prives, a eu pour consquence pratique daggraver les sujtions lgard des oprateurs conomiques et des gestionnaires de terminaux. La jurisprudence a alors entrepris de restreindre la consistance du domaine public. Il a t jug par le Conseil dEtat des terrains qui appartiennent un port maritime autonome mais qui ne sont pas amnags en vue de laffectation au service public ne relvent pas du domaine public59.

    Le droit de dclassement du domaine public a ensuite t reconnu par le Conseil runi en Assemble60. Lamnagement ultrieur qui ne serait pas directement li au fonctionnement du service public ne peut entraner de rintgration dans le domaine public. Il semble bien que la Haute Assemble carte lapplication de la thorie du domaine public virtuel pour les ports maritimes et limite ainsi la porte de la jurisprudence Socit Le Bton 61. Envisageant le dclassement du domaine public aroportuaire, le Conseil Constitutionnel a prcis que le dclassement dun bien ne saurait avoir pour effet de priver de garanties lgales les exigences rsultant de lexistence et de la continuit de services publics auxquels il est affect62. Dsormais, le service public peut, dans certains cas particuliers, tre exerc sur des biens ne faisant pas partie du domaine public.

    Les notions de domaine public et de service public se trouvent donc dconnectes lune de lautre et bnficient de rgimes autonomes. La Cour de Justice des communauts a considr que le critre de la domanialit publique est insuffisant dterminer le rgime juridique de lactivit qui y est exerc63. Abondant dans le mme sens, le Conseil dEtat a reconnu loccupant du domaine public propritaire des ouvrages quil exploite pendant le temps de loccupation, sauf servir directement le service public64.

    Les exigences lgales dexistence et de continuit de service public pourront tre assures par la participation majoritaire de lEtat dans la socit65, ou encore par linsertion dobligations de service public un cahier des charges.

    59 CE 30 mai 1951, Sieur Semp, Rec. p. 297 ; CE 11 avril 1986, ministre des transports c. Daney, Mme Giret,

    syndicat des pilotes de la Gironde et M. Nebou, Rec. p. 88, RFDA, 1987, p. 44, note Ph. Terneyre 60

    Avis CE Ass. 16 octobre 1980, Revue de droit immobilier 1981 p. 309 61

    R. Rezenthel, La libert de gestion du domaine des ports autonomes , DMF, juin 2000, n605, p. 588 62

    Cons. Const. Dcision n 2005-513 DC du 14 avril 2005 JO 21 avril 2005 p. 6974 63

    CJCE 14 dcembre 2000, Fazanda publica, aff. n C-466/98 64

    CE 23 juin 1993, St industrielle de construction et rparations, req. n 111.569 65

    Conformment au neuvime alina du Prambule de la Constitution de 1946

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    Le Professeur C. Lavialle appelle mme de ses vux que les espaces affects aux services publics caractre industriel et commercial soient placs sous le rgime de la domanialit prive. Citant lexemple du port autonome de Strasbourg, il dmontre que le recours la domanialit publique nest pas ncessaire une bonne gestion de lespace portuaire66.

    Mesurant les rpercutions que la domanialit publique a ncessairement sur le mode de gestion des terminaux et partant sur la comptitivit des ports, le lgislateur a engag une rflexion sur la domanialit publique qui aboutit lmergence du Code gnral de la proprit des personnes publiques67 en 2006. La volont de repenser et de rduire la consistance du domaine public, pour se soucier davantage des intrts des oprateurs portuaires, a clairement t affiche ds lexpos des motifs de lOrdonnance du 21 avril 200668. Le domaine public portuaire possde dsormais la terminologie nouvelle de domaine public maritime artificiel , ainsi quune dfinition nouvelle donne larticle L 2111-1 de ce code69. La domanialit publique sappuie toujours sur le service public, mais le amnagement indispensable est dsormais requis.

    Un mouvement de fond semble bien stre engag en faveur dune conception renouvele de la domanialit publique et du service public.

    Cependant, et contre toute attente, le Tribunal de Marseille a rendu, le 11 juin 200870, une ordonnance qui sinscrit clairement contre courant de cette tendance. Les juges y adoptent une conception extensive de la notion doutillage public loccasion dun rfr pr-contractuel portant sur la mise disposition dune forme radoub et de terre-pleins adjacents. Alors que cette activit ne saurait tre considre en tant que telle comme activit de service public, la juridiction administrative a retenu quil sagissait ici dune concession doutillage

    66 Intervention de C. Lavialle, cit par R. Rzenthel, Colloque de droit compar, Limplantation des

    entreprises privs sur le domaine public affect aux transports , DMF n 595, juillet-aot 1999 67

    Code gnral de la proprit des personnes publiques institu par lOrdonnance n2006-460 du 21 avril 2006 68

    Rapport au Prsident de la Rpublique relatif lOrdonnance n 2006-460 du 21 avril 2006 relatif la partie lgislative du Code gnral de la proprit des personnes publiques, J.O. du 22 avril 2006, p. 6016 : Il sagit de proposer une dfinition qui rduit le primtre de la domanialit publique. Cest dsormais la ralisation certaine et effective dun amnagement indispensable pour concrtiser laffectation dun immeuble au service public, qui dterminera de faon objective lapplication ce bien de la domanialit publique. De la sorte, cette dfinition prive deffet la thorie de la domanialit publique virtuelle . 69

    Larticle dispose : Sous rserve de dispositions lgislatives spciales, le domaine public dune personne publique mentionne larticle L. 1 est constitu des biens lui appartenant qui sont soit affects lusage direct du public, soit affects un service public pourvu quen ce cas ils fassent lobjet dun amnagement indispensable lexcution des missions de ce service . 70

    Ordonnance du Tribunal Administratif de Marseille du 11 juin 2008, Observations Claire Merlin-Merrien et Robert Rzenthel, DMF 694, juillet-aot 2008, p. 674 683

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    public, en raison des quipements et outillages publics qui avaient t mis sa disposition. Laffaire fait lobjet dun pourvoi en Cassation.

    Quels sont prsent les principaux types de contrats doccupation du domaine public que loprateur de terminal peut conclure avec lautorit portuaire ?

    Section 2- les rgimes doccupation privative du domaine public portuaire

    Maillon essentiel du paysage portuaire, le terminal est galement un maillon essentiel de la chane de transport et du business plan des grands groupes de manutentionnaires. A partir de cette ralit, lenjeu majeur qui se pose aux oprateurs de terminaux et aux autorits portuaires est celui de trouver linstrument juridique qui rpondra le mieux leurs attentes respectives. Il devra la fois concourir au dveloppement du port et tre compatible avec les mcanismes dune gestion commerciale.

    La difficult de mettre en place linstrument juridique idal rsulte de lantagonisme premier qui existe entre lexploitation de terminal, envisage comme prrogative de puissance publique et lexploitation de terminal, envisage comme une activit lucrative. La viabilit dun contrat et partant celle de linfrastructure elle-mme, dpendra de sa capacit concilier logique de service public et logique conomique.

    Initialement, on avait recours aux conventions traditionnelles doccupation domaniale (I). Si leur application perdure, elle se rvle plutt inadapte. A alors merg une nouvelle convention mieux adapte aux ralits de lactivit, la convention dexploitation de terminal portuaire (II). Consacre par les textes, elle se trouve aujourdhui au centre de la rforme portuaire venir.

    I. Ds rgimes classiques doccupation domaniale inadapts la cration dun rgime doccupation propre lexploitation des terminaux

    Les rgimes des concessions doutillage public et des autorisations doutillage prive avec obligation de service public ont largement t utiliss (A), avant dtre carts par les praticiens au profit de la convention dexploitation de terminal portuaire (B).

  • 25

    Larticle R 115-7 du Code des ports maritimes consacrent ces trois modes dexploitation.

    A. La concession doutillage public et lautorisation doutillage priv avec obligation de service public

    1. Le rgime de la concession doutillage public

    La jurisprudence a reconnu lapplication de ce rgime un ensemble dexploitations doutillages divers, sans gard limportance de loccupation domaniale. La notion d outillage public ne possde pas de dfinition lgale. Le Code des ports maritimes nen dfinit que sa procdure dinstruction pralable et ses conditions dusage.

    En pratique, seront notamment considrs comme des outillages publics, les grues, portiques, hangars, silos et chemins de roulement. La jurisprudence a tendu la notion un grand nombre de biens mobiliers, par application de la thorie de laccessoire. Le Conseil dEtat a mme reconnu que la construction dun ouvrage permanent pouvait se faire en application dune concession doutillage publique, ce qui se rvle trs intressant pour la ralisation de terminaux de transport71.

    On notera que lavnement de la notion de terminal nest pas sans causer de difficults dans la comprhension de la notion doutillage public. Alors que les juges ont refus au port de commerce la qualification doutillage public, elle a t reconnue au terminal qui, pourtant selon larticle R 115-7 du code des ports maritimes dispose lui aussi de terre-pleins, doutillages et damnagements ncessaires aux oprations de dbarquement, dembarquement et de stockage lies au navire, linstar dun port.

    Selon une jurisprudence constante, la gestion et lexploitation de loutillage public constitue une dlgation de service public72 caractre industriel et commercial73 en raison du contrle de lactivit par une personne de droit public et de son utilit pour lintrt gnral. Tout contrat pass par une autorit publique qui aurait pour objet de confier un tiers la

    71 Exemple de la construction du Centre multivrac au Port autonome du Havre sous le rgime dune concession

    accorde la Compagnie industrielle des pondreux havrais, cit par M. Mdend, Les mcanismes juridiques dexploitation des terminaux portuaires (Essai de synthse et approches compares) , Annuaire de droit maritime et ocanique, Universit de Nantes, tome XXIII, 2005, p. 205 72

    Conseil d'tat 20 dcembre 2000 CCI du Var Requte n 217639 73

    CE 15 dcembre 1967, Level, AJDA 1968, II, p. 230 concl. G. Braibant ; CE 5 avril 1978, socit X, Rec. p.176 ; Trib. Confl. 12 janvier 1987, socit navale des chargeurs Delmas-Vieljeux c/ port autonome de Dunkerque, req. n 2449, D. 1987, J, p. 707 note Rzenthel ; CE 24 juillet 1987, socit Carfos, Rec. p. 274

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    gestion du service public doit tre considr comme une convention de dlgation de service public et ce, quelque soit sa dnomination. Cette approche a t consacre par larticle L. 1411-1 du Code gnral des collectivits territoriales, qui ajoute le critre dune rmunration du cocontractant substantiellement lie aux rsultats de l'exploitation du service 74.

    Ce mode de gestion indirect de service public par lautorit publique apporte lassurance que les outillages publics exploits seront en priorit affects aux besoins des usagers du service public.

    Un cahier des charges fixe les droits et obligations de lautorit portuaire et de loprateur concessionnaire. Support de lexploitation dun service public, il comporte un ensemble de clauses rglementaires portant essentiellement sur la mise en uvre du service public concd. Ces clauses pourront faire lobjet dun recours pour excs de pouvoir. La jurisprudence reconnat cependant sa nature contractuelle75. De nature hybride, il demeure un bon outil de rgulation et de contrle des concessions passes avec lautorit portuaire.

    2. Lautorisation doutillage priv avec obligation de service public

    Lexploitation est ici de type privatif, assortie dune obligation de service public. Elle sentend comme la mise disposition de ses quipements aux usagers du service public qui le demandent, une fois ses besoins propres satisfaits76. Ainsi, lexploitation dquipements privs se concilie avec la possibilit de mise disposition du public.

    Lobligation de service public nest donc pas permanente mais seulement occasionnelle. Lautorisation doutillage priv avec obligation de service public demeure nanmoins une vritable dlgation de service public, avec les exigences qui en dcoulent.

    On peut sinterroger sur la possibilit pour lautorit portuaire dautoriser lexploitant sexempter de lobligation de service public. La rponse sera variable selon les cas despce. Un exploitant qui ne parvient pas satisfaire ses besoins privs propres, sera de droit exempt

    74 Article L 1411-1 du Code des collectivits territoriales tel quissu de la loi n 2001-1168 du 11 dc. 2001

    75 CE 13 juin 1997, socit des transports ptroliers par pipe-line, AJDA 1997, p. 794 concl. Bergeal ; CE 20

    dcembre 1933, Chambfrault, Rec. 1202 76

    Art. R 122-11 du Code des ports maritimes

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    de lobligation de service public. En revanche, il en sera exempt de fait lorsquil sagit, par exemple, de lexploitation dun terminal qui ne concerne que lexploitant77.

    Pour la concession doutillage public comme pour lautorisation dexploitation doutillage priv avec obligation de service public, la loi du 29 janvier 1993 relative la prvention de la corruption et la transparence de la vie conomique et des procdures publiques, dite loi Sapin78, impose une procdure de publicit pour la mise en concurrence des offres. Un appel la concurrence est ainsi ncessaire lattribution du droit dexploiter un terminal dans le cadre dune occupation du domaine public avec obligation de service public.

    Le Code des ports maritimes impose lui un tarif public pour lusage des outillages publics et quipements exploits selon le rgime dautorisation doutillage priv avec obligation de service public. Ces redevances constituent des redevances pour service rendu. Avant 1999, leur barme tait approuv par lautorit portuaire aprs procdure dinstruction. Depuis le dcret du 9 septembre 199979, un certain assouplissement a eu lieu, et larticle R115-17 prvoit dsormais que les procdures dinstructions80 relatives aux tarifs et conditions d'usage des outillages publics concds ou afferms et des outillages privs, lorsqu'ils sont utiliss dans le cadre de l'obligation de service public, ne sont pas applicables aux tarifs dabonnement ou tarifs contractuels .

    Mais le principe mme de la dtermination des tarifs publics indpendamment du jeu naturel de la concurrence, nest-il pas contraire larticle 1 de lOrdonnance du 1er dcembre 1986 relative la libert des prix et de la concurrence qui prne le principe de la libert des prix par le jeu de la concurrence ?

    B. Lavnement dun nouvel instrument juridique, convention dexploitation de terminal

    Jusqu la fin des annes 1990, les diffrents cadres juridiques et financiers existants privaient les oprateurs de leur libert tarifaire et ne les incitaient pas investir dans les terminaux quils exploitaient dans le cadre, prcaire, des conventions doccupation du domaine public.

    77 M. Ndend, Les mcanismes juridiques dexploitation des terminaux portuaires (Essai de synthse et

    approches compares) , Annuaire de droit maritime et ocanique, Universit de Nantes, tome XXIII, 2005, p. 206 et 207 78

    L. n 93-122, 29 janvier 1993, JO 30 janvier relative la prvention de la corruption et la transparence de la vie conomique et des procdures publiques 79

    Dcret n 99-782 du 9 septembre 1999, art. 11 JORF 11 septembre 1999 80

    Art R 115-15 et R 115-16 du code des ports maritimes

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    En pratique, ces dispositifs ont connu des amnagements dans des secteurs dactivit tels que les hydrocarbures ou les pondreux, pour lesquels des concessions usage exclusif ont t octroyes. Ces exemples ont jusqualors bnfici des secteurs faiblement consommateurs de main duvre, ou fort pouvoir de ngociation vis--vis du port bnficiant de trafics forte valeur ajoute et dont les rsultats compensaient les dficits dautres secteurs dactivit.

    La volont marque des armateurs de disposer de terminaux ddis leurs trafics conteneuriss, a rendu ncessaire un nouveau cadre juridique et financier dexploitation des terminaux. Lide tait de parvenir simplifier les relations entre usagers et gestionnaire des installations portuaires, et dapporter plus de souplesse lactivit dexploitant de terminal.

    Ainsi, la convention dexploitation de terminaux portuaire (CET) est ne de la ncessit de pallier la rigidit et linadaptation des autorisations dexploitation classiques, et celle de crer un instrument propre lexploitation de terminal. Elle est avant tout un contrat n de la pratique. Le port de Dunkerque a t le premier port appliquer un tel rgime et ce sans texte. Cette innovation a t rendue possible car le droit franais pose comme principe la libert, sauf interdiction expresse.

    Lobjectif clairement affich est doffrir une gestion intgre du domaine portuaire dans un cadre juridique permettant le transfert de personnel de lautorit portuaire lexploitant de terminal.

    Aprs lexprience russie Dunkerque pour ses terminaux charbonniers et conteneurs, elle a t introduite dans le Code des ports maritimes larticle 115-7-III81, par un dcret du 9 septembre 199982. La convention dexploitation est conforme une convention type approuve par le Conseil dEtat dans un dcret du 19 juillet 200083, texte qui reprend ce qui avait t fait Dunkerque. On y trouve notamment des dispositions relatives aux objectifs de trafic du terminal et aux sanctions qui les accompagnent en cas de non respect de ces

    81 Art R. 115-7, III : Le port autonome peut galement conclure avec une entreprise une convention

    dexploitation de terminal. Cette convention porte exclusivement sur la gestion et, le cas chant, la ralisation dun terminal spcifique certains types de trafics et comprenant les terre-pleins, les outillages et amnagements ncessaires aux oprations de dbarquement, dembarquement, de manutention et de stockage lies aux navires. Le recours ce mode de gestion, qui ne peut concerner quune partie du domaine portuaire, doit tre compatible avec le maintien en nombre suffisant doutillages publics ou doutillages privs avec obligation de service public. 82

    Article 115-7-III du code des ports maritimes, modifi par le dcret n 99-782 du 9 septembre 1999 ; art. 11, Journal Officiel du 11 septembre 1999 83

    Dcret n 2000-682 du 19 juillet 2000 approuvant la convention type d'exploitation de terminal dans les ports autonomes maritimes et modifiant le Code des ports maritimes, JOFR 21 juillet 2000

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    objectifs. La convention est soumise au conseil dadministration et approuve par arrt du ministre en charge des ports maritimes et du ministre charg du budget.

    La convention que chaque terminal passe avec lautorit portuaire est un acte

    contractuel assorti de clauses rglementaires, portant sur lorganisation du service public ou en dfinissant les obligations. Si lexploitation porte sur le domaine public, le contrat est de nature administrative et donne comptence aux juridictions administratives.

    Le CE a jug que la convention dexploitation de terminal ne portait pas atteinte aux intrts syndicaux et que partant, le recours pour excs de pouvoir dun syndicat contre le dcret approuvant la convention type irrecevable84.

    Les ports de Marseille et du Havre ont aujourdhui choisi de gnraliser le modle conomique de la convention dexploitation pour lexploitation de leurs terminaux. Au Havre, la CMA CGM GMP pour le Terminal de France, Maersk TN pour le terminal de la Porte Ocane et MSC TN pour le terminal Bougainville ont sign des CET avec lautorit portuaire. A Marseille, cela a t fait par MSC et Portsynergy (filiale de CMA CGM) pour le terminal Fos2XL85.

    Nouvel instrument de management portuaire 86, la CET est un contrat supplmentaire qui sajoute aux contrats classiques doccupation domaniale, sans aucunement se substituer eux.

    II. Le contenu de la convention dexploitation de terminal

    Conues sur le modle des conventions doccupation du domaine public, les conventions dexploitation de terminal se composent la fois de dispositions traditionnelles visant protger laffectation du domaine public et de dispositions innovantes dont le but est daugmenter le trafic et la qualit du service notamment par le jeu dincitations financires (A).

    84 CE 14 juin 2002, n 225113, Fd. Gnrale des transports et de lquipement CFDT

    85 Journal Le Marin, N 3095, du 3 novembre 2006, p. 11 Convention signe pour Fos2XL ; Journal Le

    Marin, N 3152, du 7 dcembre 2007, p. 14 Appel projet pour Fos3XL et Fos4XL lanc 86

    Lexploitation des terminaux portuaires face aux enjeux maritimes du 21me sicle , L. Fedi et R. Rzenthel DMF octobre 2007, p.828

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    Si ces rgles sont lvidence signe dun progrs dans le secteur, leur impact reste limit en pratique (B).

    A. Les apports de la convention dexploitation de terminal

    Le rgime de la CET marque une nouvelle tape dans la relation entre lautorit portuaire et lexploitant de terminal. Elle offre plus de souplesse lexploitation des terminaux portuaires.

    Premire prcision apporte par la convention son article 1, la convention type

    dexploitation prcise que le terminal mis disposition de lexploitant doit tre spcialis. On entend par l, quil doit tre affect un trafic spcialis et non au trafic gnral dun port. Cette prcision vite la redoute privatisation des ports.

    Dans cette mme logique, larticle R 115-7 III du Code des ports maritimes dispose que le recours ce mode de gestion, qui ne peut concerner quune partie du domaine portuaire, doit tre compatible avec le maintien en nombre suffisant doutillages publiques ou doutillages privs avec obligation de service public . Aucun droit dexclusivit ne saurait tre reconnu loprateur qui conclut une CET. Cette convention ne saurait crer de monopole. Lautorit portuaire est libre de conclure dautres conventions avec des entreprises concurrentes. Cette disposition marque son attachement au respect des rgles communautaires.

    Pour chaque exploitation, sont prvus des objectifs de trafic87. Les objectifs prvus au contrat sont assortis de pnalits ou de bonus selon les rsultats obtenus. On peut trs bien envisager que leur non-respect entrane la rsiliation de la CET, puisque les juges reconnaissent que le non-respect des objectifs dactivit prvus au contrat puisse entraner rsiliation du contrat88. Dans ce cas, aucune indemnit ne sera verse lexploitant. La clause de trafic reste une clause excessive car la maitrise parfaite dun trafic est impossible et ne dpend pas uniquement des conditions dexploitation du terminal89.

    Apport important de la CET, lexploitation peut porter la fois sur le domaine public et sur le domaine priv. La convention ne fait aucune distinction entre domaine public et

    87 Art. 2 de la convention type dexploitation

    88 CE, sect., 13 juillet 1968, n 73.161, St Ets Serfati , Rec. CE p. 1 ; CE, 27 novembre 1974, n 91.137, St

    Internationale Commerciale et Industrielle, Rec. CE, p. 593 89

    Lamy Manutention, Activits de manutention, Rgimes spciaux, Section IV, n 345-58

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    domaine priv. Traditionnellement, la jurisprudence90 considre que lorsquun terminal est implant la fois sur les deux domaines, seul le rgime de la domanialit publique sapplique. Dornavant, les biens appartenant au domaine priv conservent ce rgime malgr la lexploitation de terminal. Cest donc une situation mixte qui est ici reconnue91. Lintrt de cette position est notamment de permettre de remdier au flou qui existe concernant ltendue de la priorit dembauche des dockers sur le domaine public. Si larticle 511-2 du Code des ports maritimes rserve cette priorit aux postes publics, la pression sociale demeure forte pour revendiquer cet avantage sur lensemble du domaine public portuaire92.

    Dans la dtermination des droits et obligations des parties, la CET confie loprateur de terminal la charge de lexploitation technique et commerciale du terminal. A ce titre, il bnficie dune priorit permanente dusage des quais et gre les installations et services pour son propre compte93.

    Larticle 5 de la convention type dexploitation prcise les moyens que le port mettra disposition de loprateur. Il pourra sagir de terrains, terre-pleins, damnagements et doutillages publics selon des conditions financires diffrentes de celles de la procdure dinstruction applicables aux redevances dusage des outillages publics94. La mise disposition nentrane en aucun cas transfert de proprit ou constitution de droits rels 95. Cependant, on peut trs bien imaginer la vente de terrains ou outillages, par acte distinct, loprateur, sils appartiennent au domaine priv du port.

    Pour motif de vtust, de scurit ou tout motif dintrt gnral, lautorit portuaire peut toujours dcider de mettre fin la mise disposition. Le retrait partiel peut tre prononc aprs expiration dun pravis de deux mois compter de la notification de la dcision lexploitant. Dans ce cas, larticle 16.3 de la convention type exclut le droit indemnit pour lexploitant.

    Notons que la convention type prvoit que le port autonome puisse effectuer des prestations de services la demande de lexploitant. Une convention particulire est alors conclue. Elle prcise les modalits et conditions de fourniture de ces prestations. Lobjet de

    90 CE 11 dcembre 1957, sieurs Buffire et autres Rec. p.666

    91 Le rgime dexploitation de terminal dans les ports maritimes : un progrs significatif , R. Rzenthel

    Journal de la Marine Marchande du vendredi 4 aot 2000, p. 1460 92

    Lamy manutention, Activits de manutention, Rgimes spciaux, Section IV, n 545-63 93

    Art. 3.1 Lexploitation technique et commerciale du terminal de la convention type dexploitation 94

    La liste des terrains et terre-pleins indiquant leur superficie et leur nature publique ou prive ainsi que la liste des amnagements et celle des outillages sont annexes la convention 95Art.5 in fine de la convention type dexploitation

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    cette disposition, prvue larticle 3.3 de la convention type, est de rassurer le personnel des ports maritimes autonomes qui redoutent la privatisation de lexploitation et maintenance des outillages publics. Juridiquement non contestable, cette disposition ne doit cependant pas aboutir crer un abus de position dominante en crant un tat de dpendance conomique lgard dune entreprise cliente qui ne disposerait pas de solution quivalente.

    Linnovation principale de la CET est le rquilibrage des pouvoirs entre autorit publique et exploitant de terminal et son volution vers un vritable contrat synallagmatique.

    Pour une gestion optimise, loprateur est libre de choisir les membres de son personnel. La seule exception notoire la rgle est lobligation faite lautorit portuaire, ou loprateur qui succde lexploitation, de maintenir le personnel du terminal dans ses fonctions lexpiration de la convention dexploitation ou dans le cas de son retrait. Cette apparente restriction la libert de loprateur a pour but dassurer la protection des droits du personnel et de permettre au nouvel oprateur de se retrouver dans la mme situation que son prdcesseur vis--vis des charges salariales.

    Sagissant de la stratgie commerciale et de la politique tarifaire, loprateur de terminal a aussi un large pouvoir de dcision.

    Les conditions tarifaires de la mise disposition des outillages publics sont dtermines par la CET96. Les montants, les conditions de versement et les conditions de rvision sont fixs selon des modalits propres chaque convention dexploitation et ce par drogation aux articles R. 115-15 R. 115-8 du Code des ports maritimes, applicables aux outillages publiques concds ou afferms ainsi quaux outillages privs utiliss dans le cadre de lobligation de service public.

    La CET implique un commandement unique du terminal. Lide est que loprateur doit pouvoir disposer du pouvoir de gestion de lensemble des activits du terminal et de tous les personnels. Bien que la CET ne rgle pas la question du transfert de total des agents de conduite et personnels de maintenance des ports vers les entreprises de manutention, elle reprsente un modle convenable pour engager la modernisation et la comptitivit de nos ports 97.

    Dans cette logique renouvele des contrats dexploitation, loccupation du domaine public a elle aussi t assouplie. Il est dsormais possible pour lexploitant de prendre

    96 Art. 11.2 de la convention type

    97 ISEMAR, Note de Synthse n92, fvrier 2007, De nouvelles pistes pour la politique portuaire franaise

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    linitiative de rsilier le contrat, sous rserve de respecter un pravis de trois mois et du versement dune indemnit lautorit portuaire. Dans le mme sens, larticle 20 de la convention type prvoit quen raison de la nature essentiellement commerciale des relations entre loprateur et lautorit portuaire, un recours larbitrage pourra tre dcid. Cette disposition fait entrer la transaction dans les relations entre lautorit portuaire et loprateur de terminal.

    La CET est un instrument juridique que lon pourrait qualifier d quitable , en ce sens quil fait entrer une nouvelle logique contractuelle dans les relations entre lautorit portuaire et loprateur, laissant place une conception renouvele du partenariat public/priv. Partant, elle permet une plus grande responsabilisation des acteurs98.

    La question majeure qui se pose prsent est celle de savoir si la CET constitue une dlgation de service public.

    Dun point de vue formel, on notera que larticle R 115-7-III du Code des ports maritimes voque uniquement le terme de domaine portuaire , ne distinguant pas entre le domaine public et le domaine priv et ne maintenant les obligations de service public que pour les outillages privs. La domanialit ne semble plus se justifier.

    Autre lment, labsence de visa de la loi du 29 janvier 1993, dite Loi Sapin , dans le dcret de 2000 approuvant la convention type dexploitation de terminal99. Loctroi dune autorisation dexploitation de terminal parat dispenser dun appel doffre, comme cest dailleurs le cas des autorisations doccupation temporaire qui nimpliquent pas lexploitation dun service public.

    La rfrence au service public semble avoir t volontairement omise dans la CET. Il faut donc considrer que lexploitation de terminal sous CET est une activit purement commerciale.

    La CET dmontre quelle est un nouvel instrument juridique davantage conforme aux ralits du commerce. En cohrence avec la jurisprudence du Conseil dEtat qui met en avant la libert du commerce et de lindustrie et le droit de la concurrence que le gestionnaire de lautorit portuaire doit sengager respecter100, elle semble aussi fortement sinspirer du

    98 Intervention de Mme Claire Merlin-Merrien, Directrice des Affaires Juridiques du Port Autonome de

    Marseille, colloque INFO DROIT organis par lIMTM du lundi 23 juin 2008 99

    La CET reste soumise la procdure dinstruction du Code des ports maritimes et devront tre appliques les procdures relatives aux travaux portuaires, article L 155-1 et sv du Code des ports maritimes 100

    CE Sect. 26 mars 1999, socit EDA, AJDA 1999 p. 427 concl. J-H Stahl et note M. Bazex

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    droit communautaire, selon lequel, la manutention nest pas considre comme un service dintrt conomique et gnral101.

    B. Les limites linnovation

    La naissance de ce nouveau contrat ne fait pas pour autant table rase du pass. Plusieurs des limites classiques loccupation du domaine portuaire imposes lexploitant se retrouvent dans la CET. Il faut ajouter cela, un ensemble de rserves mises par la doctrine quant la viabilit de ce contrat sur le long terme.

    1. Les limites classiques des conventions doccupation du domaine public

    Comme toute occupation du domaine public, la CET a un caractre personnel. Larticle 3.2 dispose Lentreprise est tenue dexploiter directement en son nom le terminal objet de la prsente convention. Elle est tenue doccuper elle-mme et sans discontinuit les biens immobiliers dans lemprise du terminal . Loprateur qui confie un tiers une partie de lexploitation du terminal, demeure tenu par les obligations imposes par la convention envers le port et les tiers. La cession totale ou partielle de lexploitation exerce par loprateur de terminal nest possible quavec laccord du port, sous peine de rsiliation du contrat. Lexploitant de terminal informera le port de tout changement dans sa situation susceptible de modifier le contrle de lentreprise102.

    De la mme manire que pour les concessions doutillage public, larticle 7 de la convention type impose, pour la ralisation de travaux de rnovation, modification ou renouvellement des terre-pleins, amnagements et outillages mis disposition, laccord pralable de lautorit portuaire. Les modalits de financement sont prvues par la convention. Lexcution des travaux est galement soumise laccord du port103.

    Concernant les dpenses dentretien des terre-pleins, amnagements et outillages, la convention type dtermine lequel de loprateur ou de lautorit portuaire en supportera le cot et dans quelle mesure. Les responsabilits de chacun des cocontractants en dpendront.

    101 R. Rzenthel Le rgime dexploitation de terminal dans les ports maritimes : un progrs significatif ,

    Journal de la Marine Marchande du vendredi 4 aot 2000, p. 146 ; CJCE 10 dcembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova Spa, aff. C-179/90, Rec. CJCE, I, page 5889 102

    Au sens de lart. L. 233-3 du Code de commerce 103

    Art. 32 du rglement gnral de police des ports maritimes de commerce et de pche

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    Lexploitant maintiendra en bon tat de fonctionnement lensemble des ouvrages et outillages mis sa disposition pendant tout le temps de la convention. Il sagit l dune obligation habituelle laquelle sont soumis les occupants du domaine public, afin que les prestations de services soient assures de manire satisfaisante jusquau terme de la convention.

    Larticle 17.2 de la convention type fait tat dun droit de premption de port sur les biens mobiliers appartenant lexploitant et installs sur le terminal. Si lautorit portuaire nexerce pas son droit, lexploitant devra remettre les lieux dans leur tat initial.

    Sagissant des biens immobiliers, larticle 17.3 retranscrit la thorie des biens de retour et dispose quune fois la convention venue terme, les biens immobiliers qui ont t amnags par loprateur reviennent de plein droit et gratuitement lautorit portuaire si elle laccepte, dfaut, les biens devront tre remis dans leur tat initial.

    Au titre des obligations imposes lexploitant, on retrouve plusieurs obligations de service public, bien quaucune rfrence au service public ne soit directement faite. Loprateur devra occuper sans discontinuit le terminal, se conformer aux objectifs de trafics prvus, ralisation des investissements selon un calendrier, payer une redevance, assurer lentretien des ouvrages et installations et supporter sans contre ddommagement le retrait partiel de terre-pleins, amnagements et outillages. Si la rsiliation de la CET intervient, lexploitant sera tenu de verser une indemnit lautorit portuaire, sauf rsiliation pour motif dintrt gnral.

    Enfin, lautorisation doccupation du terminal est ncessairement limite dans le temps. Il appartient aux parties de sentendre sur ce point. Larticle 13 de la convention type, reprenant larticle L 34-1 al.3 de code du domaine de lEtat, prcise que la dure est apprcie au regard des de la dure damortissement des investissements la charge de lentreprise. Cest ici une volont plutt claire de ne pas voir les droits de loprateur devenir le jeu normal de la concurrence104.

    104 Le rgime dexploitation de terminal dans les ports autonomes maritimes : un progrs significatif , R.

    Rzenthel, Journal de la Marine Marchande, du vendredi 4 aot 2000, n 1460

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    2. Les faiblesses propres la CET

    Le rle de la CET se trouve dabord limi