l'inquietante rupture tranquile de monsieur sarkozy

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INTRODUCTION ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 5 CHAPITR E 1 :NICOLAS SARKOZY OU L’APOLOGISTE DU MODELE COMMUNAUTARISTE RELIGIEUX …… 9 Son proj et : réguler la société par les religions ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 10 Une stratégie de marketing politico-religieuse ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 11 Un projet de société d’inspira tion américaine …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 12 Le retour des religions dans la vie publique française ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 12 Les religions comme solution aux problèmes des banlieues …………………………………………………………………………………………………………………………… 12 Les religions comme légiti mation du retour de l’ordre moral ……………………………………………………………………………………………………………………… 13 Les religions comme substitut à l’Etat-prov idence ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 13 Les religions comme gara nt de la bonne éducation des jeunes ………………………………………………………………………………………………………………… 13 Les dérives de cet activisme communautariste ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 14 La remise en cause de la loi de 1905 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 14 La remise en cause du modèle laïque français …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 16 Le risque de promotion des sectes ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 18 La promotion des intégristes musulmans français ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 20 Première erreur d’analyse : l’UOIF serait représen tative des musulmans de France …………………………………… 20 Deuxième erreur d’ analyse : l’UOIF serait seulement fondamen taliste mais pas int égriste …… 21 Troisième erreur d’ analyse : l’UOIF se modérerait au sein du CFCM ………………………………………………………………………………………………… 22 La rupture avec le modèle français républicain ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 23 CHAPITRE 2 :NICOLAS SARKOZY OU LE SECURITAIRE DANGEREUX ET INEFFICACE ………………………………………………………………… 25 Sa pensée : une conception manichéenne de la sécurité …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 25 La sécurité au dessus des libertés ou la crispation sécuritaire ………………………………………………………………………………………………………………………………… 25 Le tout répressif ou la prévention abandonnée ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 26 Le tout carcéral ou le choix de la solution américaine ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 28 Le tout policier ou le pouvoir judiciaire inféodé au ministère de l’intérieur ……………………………………………………………………………… 29 Son action : un activisme législatif pour rassurer… ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 30 La loi sur la sécurité intérieure ou de nouveaux délits censés régler l’insécurité …………………………………………………………… 30 Le délit de stationne ment dans les halls d’immeub les ou la stigmatisa tion des jeunes …………………… 30 Le racolage passif ou la transformation des prostituées en délinqu antes ………………………………………………………………………… 31 Le délit de mendicité ou le retour aux solutions du 19ème siècle …………………………………………………………………………………………………………… 31 Les lois sur l’immigration ou la production assurée de clandestins ……………………………………………………………………………………………………………… 32 La loi du 26 novembre 2003 ou un échec reconnu à demi- mot ……………………………………………………………………………………………………………………… 32 La loi du 24 juillet 2006 ou le faux alibi de l’immigration choisie …………………………………………………………………………………………………………… 34 Le projetde peine automatique pour les multirécidivistes ou la volonté de toujours copier les États-Unis ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 35 Sommaire

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  • INTRODUCTION 5

    CHAPITRE 1 : NICOLAS SARKOZY OU LAPOLOGISTE DU MODELE COMMUNAUTARISTE RELIGIEUX 9Son projet : rguler la socit par les religions 10

    Une stratgie de marketing politico-religieuse 11Un projet de socit dinspiration amricaine 12Le retour des religions dans la vie publique franaise 12

    Les religions comme solution aux problmes des banlieues 12Les religions comme lgitimation du retour de lordre moral 13Les religions comme substitut lEtat-providence 13Les religions comme garant de la bonne ducation des jeunes 13

    Les drives de cet activisme communautariste 14La remise en cause de la loi de 1905 14La remise en cause du modle laque franais 16Le risque de promotion des sectes 18La promotion des intgristes musulmans franais 20

    Premire erreur danalyse : lUOIF serait reprsentative des musulmans de France 20Deuxime erreur danalyse : lUOIF serait seulement fondamentaliste mais pas intgriste 21Troisime erreur danalyse : lUOIF se modrerait au sein du CFCM 22

    La rupture avec le modle franais rpublicain 23

    CHAPITRE 2 : NICOLAS SARKOZY OU LE SECURITAIRE DANGEREUX ET INEFFICACE 25Sa pense : une conception manichenne de la scurit 25

    La scurit au dessus des liberts ou la crispation scuritaire 25Le tout rpressif ou la prvention abandonne 26Le tout carcral ou le choix de la solution amricaine 28Le tout policier ou le pouvoir judiciaire infod au ministre de lintrieur 29

    Son action : un activisme lgislatif pour rassurer 30La loi sur la scurit intrieure ou de nouveaux dlits censs rgler linscurit 30

    Le dlit de stationnement dans les halls dimmeubles ou la stigmatisation des jeunes 30Le racolage passif ou la transformation des prostitues en dlinquantes 31Le dlit de mendicit ou le retour aux solutions du 19me sicle 31

    Les lois sur limmigration ou la production assure de clandestins 32La loi du 26 novembre 2003 ou un chec reconnu demi-mot 32La loi du 24 juillet 2006 ou le faux alibi de limmigration choisie 34

    Le projet de peine automatique pour les multircidivistes ou la volont de toujours copierles tats-Unis 35

    Sommaire

  • Linquitante rupture tranquille de Monsieur Sarkozy

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    Ses rsultats : des checs derrire une communication triomphaliste 37Le succs de la lutte contre linscurit ou lillusion mdiatique de lefficacit 37

    La lutte conte le terrorisme ou le succs de la spcificit franaise 37Le renseignement ou la myopie face aux crises de notre socit 38La baisse de la dlinquance ou le discours mystificateur 38

    La ralit cache ou les checs derrire la communication triomphaliste 40Les violences contre les personnes : + 27 % 40Les infractions aux stupfiants : + 58 % 41Sangatte ou lembourbement aprs la fermeture 41La crise de la canicule pendant lt 2003 ou un ministre de lintrieur miraculeusement pargn par les mdias 42

    CHAPITRE 3 : NICOLAS SARKOZY OU LE VRAI LIBERAL SOUS COUVERT DUN FAUX PRAGMATIQUE 45Un pitre bilan conomique et social 45

    Un libral pur et dur camoufl derrire un pragmatisme de faade 48Derrire une impression tenace dimprovisation 48des convictions empruntant au libralisme le plus dbrid 49Une France volontairement dcrie, prlude une thrapie de choc 50

    Les dangers dune rvolution librale le volet conomique 55Orchestrer leffacement de ltat 55Permettre aux riches de senrichir davantage 61Rhabiliter le travail ? Le prcariser plutt ! 62

    Les dangers dune rvolution librale le volet social 64Gommer les mcanismes de redistribution verticale 65Aider davantage les familles et les classes moyennes aux dpens des plus pauvres 66Placer les plus dmunis sous surveillance et les aides auxquels ils prtendent sous conditions 66

    Llection de Sarkozy, une menace pour la scurit conomique des personnes 69

    CHAPITRE 4 : NICOLAS SARKOZY OU LE CLONE DE BUSH 73Le rve amricain et le rve europen 73

    Le reniement du modle europen 74

    Ladhsion au modle amricain 75Un modle aux fondements fragiliss 75Un modle aux performances contestables 76

    Un ascenseur social bloqu 76Un march du travail artificiellement efficace 76Une intgration faussement performante 76

  • Sommaire

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    Une socit malade 77Un systme social rduit aux acquts 77

    Ladhsion au conservatisme de Bush 78Nicolas Sarkozy, lamricain 78Nicolas Sarkozy, latlantiste convaincu le soutien inconditionnel la guerre en Irak 79Nicolas Sarkozy, le conservateur 80

    Un mme style 80Un mme discours moral dessence essentiellement religieuse 80Une mme tentative de redfinition du crdo-conservateur 81

    CONCLUSION 85

    BIBLIOGRAPHIE 89

  • Linquitante rupture tranquille de Monsieur Sarkozy

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  • 5Linquitante rupture tranquille de Monsieur SarkozyLa France est elle prte voter en 2007 pour unno-conservateur amricain passeport franais ?Les partisans du candidat de lUMP jugeront laquestion provocatrice et y verront, lapproche, dellection prsidentielle, une caricature injuste, exa-cerbe par lapproche de llection prsidentielle.Alors, convenons-en demble. Nicolas Sarkozy sera,pour la gauche, un adversaire redoutable mme sison palmars lectoral est bien moins riche quonne limagine.Lhomme ne manque ni dides, ni de force deconviction, ni de capacit de sduction. Son nergie,son culot, son aplomb, son ambition, sa soif inextin-guible de reconnaissance sociale et de pouvoir, sarsistance ladversit sont lgendaires.Son suppos parler vrai (parfois son parler crmais lorsque Sarkozy est grossier, il dit parlercomme les Franais), son sens de la formule, soninsolence tonnamment juvnile en font un bonclient pour les mdia audiovisuels.Avec Nicolas Sarkozy, ils capteront toujours un mot,une image, un clin dil, une provocation pour lesacro-saint 20 heures .Orfvre en communication(1) mthodique et parfoisimpudique, lhomme a, de plus, su draper son impla-cable et froide qute du pouvoir dans une toge gla-mour (Nicolas-la-star-amie-des-stars y compris de

    celles dont lexemplarit est discutable) sanslaquelle il ne saurait nous dit-on y avoir de sagapolitique digne de ce nom.Ce sarko-show est une arme de dissimulationmassive, car celui qui ne cesse de prtendre vouloir tre jug sur ses rsultats na pas son pareilpour masquer les pitres bilans de son action. Ceuxdun mdiocre ministre de lconomie et des finan-ces ou ceux dun ministre de lIntrieur survoltmais peu efficace : les violences faites aux person-nes nauront cess daugmenter en dpit de sescommuniqus triomphants.Mais lchec natteint que rarement notre hros.Le plus souvent parce quil le noie dans le mouve-ment perptuel : chaque fois quil se trouve endifficult ou se voit oblig de se justifier de sonaction, le candidat de lUMP se saisit dun faitdivers pour enfiler la combinaison quun Le Penlaisse parfois au vestiaire de celui qui dit touthaut ce que les Franais pensent tout bas . Unjugement lemporte-pice, une provocation sui-vie dune polmique, le tout conclu par un son-dage qui dmontrerait que Sarkozy a les litescontre lui mais le peuple avec lui et le tour estgnralement jou.En cas de ncessit, si provocation et cran defume ne suffisent pas, Nicolas Sarkozy actionne leparachute de secours, celui de la dfausse. Car celuiqui se dcrit comme un pieux catholique naime

    IntroductionRIC BESSON

  • Linquitante rupture tranquille de Monsieur Sarkozy

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    rien tant que battre sa coulpe sur la poitrine desautres : il nest, par essence, jamais responsable. Seserreurs, ses checs ? Cest toujours la faute desautres. Non Voltaire, rarement cit, mais Chirac, Raffarin, Villepin etc, cibles sarkozyennes donton se gardera cependant ici de prendre la dfensevhmente. Ou en dernier ressort la faute auxjuges. Glissements progressifs du volontarisme duMinistre de lIntrieur. En 2002, il suffisait de luidonner les rnes de la police et de le laisser libre demettre en uvre une rpression salutaire pour quelinscurit soit enraye. En 2006, le Ministre delIntrieur confesse son impuissance : son actionremarquable est entrave par le laxisme des juges.Une seule conclusion simpose : la vraie vie, celle deNicolas Sarkozy bien sr, mais aussi celle de laFrance, ne commencera quaprs son accession lElyse. Ce document a le grand dfaut de sint-resser encore la France davant , celle o Nico-las Sarkozy peut encore tre jug sur ses actes etsur ses intentions dclares, alors que lui ne seconsacre plus qu la France daprs , celledaprs le sacre selon lui annonc.Concurrent redoutable, donc, mais aussi respecta-ble, citant ses sources dinspiration, assumantjusqu lautomne 2006 tout la fois son ambitionet sa volont de rupture avec un modle fran-ais suppos exsangue, quil na cess de caricatu-rer pour mieux le vilipender.Le fait quau moment dentrer en campagne lecto-rale, lucide quant aux craintes que son tempramentet son improbable oxymore de rupture tranquille fait natre, Monsieur Sarkozy ait choisi de brouillerles pistes et de sadresser la France qui souffre ne doit pas faire illusion. Linflchissement des dis-cours indique seulement quaprs avoir t, aveclappui (qui let dit !) de Franois Fillon le fossoyeurdu gaullisme social, le candidat de lUMP sest atta-ch provisoirement la plume au demeurant talen-tueuse dun Henri Guaino que lon avait dj connuardent dnonciateur de la fracture sociale en1995. Le vernis ne tiendra pas. Car lhomme qui se ditpragmatique est dabord un idologue.Respecter Nicolas Sarkozy, cest se frotter ses mots, ses concepts, leurs racines.Lhomme nest avare ni de

    discours, ni dcrits. Lexplorateur devra daborddbroussailler laccessoire : une littrature abondanteconsacre au culte de soi, caractristique dun ego lar-gement plus dilat que la moyenne dj leve de ceuxdes hommes politiques ; il ne se laissera pas davantageabuser par ses revirements tactiques : le pragma-tisme sarkozyen se nourrit de revirements spectacu-laires comme en tmoigne son reniement dans ledossier de la fusion Suez-GDF : aprs avoir stre trssolennellement engag ce que ltat ne privatisejamais GDF, le prtendant de la droite lElyse naurapas attendu deux ans pour se rvler parjure !Il nous faudra donc prendre Nicolas Sarkozy auxmots, aux ides, sans jamais nous livrer des atta-ques personnelles ce document nen contient pas et nous cartant des caricatures rductrices : Sarko-facho est un slogan la fois stupide etcontre-productif, car sil est un danger pour une cer-taine conception de la Rpublique franaise laqueet sociale, Sarkozy nest pas un danger pour ladmocratie franaise en dpit dune relation aussi amicale quintresse et exigeante avec les pro-pritaires des grands mdias franais et duneconception trs particulire de la fonction minist-rielle : Sarkozy na-t-il pas justifi auprs de ses pro-ches au printemps 2004 son retour au Ministre delIntrieur par souci de se protger des attaquesde sa propre famille politique en vue de sa futurecampagne prsidentielle ?Disons le clairement : le procs objectif que lonpeut instruire contre lidologue engag en politi-que quest Nicolas Sarkozy est suffisamment lourdet digne de dbats passionns pour quil ne soitbesoin de laffubler et laffaiblir de fantasmesou de procs dintention.Ce que cet ouvrage cherche dmontrer est quenon seulement, ne lui en dplaise, Nicolas Sarkozyest bien libral, atlantiste et communautariste mais quil est devenu une sorte de filiale franaisede la Bush Cie, un no-conservateur amricain passeport franais.Libral, il lest assurment depuis toujours et profon-dment. Mais contrairement la lgende quil entre-tient le candidat ne lassume pas franchement etprfre se retrancher derrire des mythes.

  • Introduction

    7

    Plutt que de dire explicitement quil souhaite reve-nir sur la dure lgale du travail et remettre en causele droit du travail, Nicolas Sarkozy prfrera affirmerquil souhaite, par exemple, que celui qui veut tra-vailler plus et gagner plus puisse le faire . Ce qui,pris au pied de la lettre signifie que ce ne serait plusle chef dentreprise mais le salari qui fixerait sontemps de travail ou que tout salari temps partielserait en droit dexiger de travailler plein temps !Sarkozy-le-libral sait que la France ne lest pas. Ouplus exactement il a tir de lexprience de la campa-gne prsidentielle de Balladur en 1995 la convictionque le libralisme pur ne pourrait jamais concernerplus dune dizaine de pourcents dlecteurs.Le libralisme de Sarkozy sest donc mu en libra-lisme populaire . Georges W. Bush, Nicolas Sar-kozy ne sest pas content demprunter les slogansou la mise en scne (ah, cette intronisation du pr-sident de lUMP avec un dcor calqu sur celui de lacampagne de Bush). Il lui a pris la mthode : par-ler des problmes des gens , dfaut davoir lamoindre ide de la faon de les rsoudre. Se servirdes mots pour prtendre panser les maux. Dcrirece que lon est incapable de gurir. Diagnostic clai-ronn , inefficacit moiti pardonne. Ainsi, en2003, lphmre Ministre de lEconomie et desFinances se targue t-il de prendre en charge la menace des dlocalisations et de rpondre langoisse -relle- des Franais. Un plan de relo-calisations est annonc en grande pompe, ilnaura aucun effet, lemploi industriel restera legrand perdant de la lgislature mais peu lui chaut :Nicolas Sarkozy estime quil a prempt le dbat et que les Franais savent dsormais quavec luiles dlocalisations trouveront qui parler W , le trs libral Nicolas Sarkozy aura aussiemprunt lobsession de la fin de limpt progres-sif. Lemballage parat toujours frapp au coin dubon sens : viter la fuite des capitaux pourdmanteler limpt de solidarit sur la fortunedont la suppression est pourtant trangementabsente du programme de lUMP, permettre ceux qui travaillent den tirer les fruits pour por-ter une rduction de limpt sur le revenu quinaura pleinement profit quaux 10 % des Fran-

    ais les plus aiss, accder au vu des Franais de transmettre leur patrimoine leurs enfants lafin dune vie de labeur pour mettre en uvre larforme de la taxation des donations et succes-sions la plus ingalitaire jamais conue !Le libralisme de Nicolas Sarkozy nest ni la facette laplus originale tous les libraux du monde tiennentson discours ni la plus inquitante : on plaideravolontiers quune dmocratie moderne a besoin dedeux ples, libral-conservateur dun ct, rfor-miste-progressiste de lautre et que Nicolas Sarkozy,en dpit de ses faux-semblants partiels a le mritede redessiner une ligne de clivage claire entre ladroite et la gauche sur le plan conomique et social.Son atlantisme forcen, sa trs grande complai-sance pour ne pas dire sa fascination lgard dela politique extrieure de Georges Bush sont autre-ment plus graves.Nacceptons pas lcran de fume que dresse Sar-kozy lamricain , formule quil revendique et dontil sest dit fier lors de deux voyages aux tats-Unis, en 2004 et en 2006.Sarkozy se veut lami des amricains . Pourquoipas ? Qui se voudrait lennemi des amricains ? Quinprouve de la reconnaissance pour lengagementqui fut le leur pour nous dlivrer du joug nazi ? Quirefuse de lutter contre le terrorisme ? Qui nest pasorphelin des Twin Towers ? Qui chappe la dialecti-que attirance-rejet que suscite en chacun de nous un American way of life dont nous avons appris connatre la grandeur autant que les servitudes ?Mais ce qui pose problme, et qui doit faire dbat encette anne 2007, cest lallgeance aveugle unepolitique dite de lutte contre le terrorisme absurdeet inefficace dont la guerre en Irak est la plus san-glante illustration.On verra plus loin que ds 2004 les silences de Sar-kozy sur lintervention amricaine en Irak autantque ses dclarations damour aussi naves quedplaces envers la musique et les films amri-cains avaient sem de trouble.Mais ce ntait rien au regard de lextravagantvoyage du Ministre de lIntrieur en septembre2006. Le spectacle dun candidat la prsidentiellesuppos issu de la famille gaulliste qumander un

  • Linquitante rupture tranquille de Monsieur Sarkozy

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    rendez-vous dans un bureau attenant celui du Pr-sident des tats-Unis, dans lespoir finalementexauc, de rencontrer quelques minutes le grandhomme, lui arracher une photo immortalisant lins-tant et lexhiber comme un trophe est un spectaclepnible pour tout Franais nourri au lait de la gran-deur de la France et de son message universel .Mais entendre un candidat majeur la Prsidencede la Rpublique critiquer aux tats-Unis la politiquetrangre -en lespce justifie- et larrogance deson pays est proprement insupportable.Tous les journalistes amricains ont alors soulignla tonalit tonnamment farouchement pro-amricaine et pro-Bush des propos de Mon-sieur Sarkozy, certains faisant remarquer non sansmalice que le Ministre de lIntrieur franais staitrvl plus ardent dfenseur de la politique deBush que beaucoup de parlementaires rpublicainseux-mmes, troubls par les checs rptitiondes initiatives de leur dirigeant sur la scne ext-rieure, checs quaprs une svre dfaite lecto-rale Bush lui-mme devra reconnatre fin 2006.Dans une dpche du 13 septembre 2006, lAFP rap-porte que selon un expert de la Brookings Institu-tion cit par le Washington Post, Sarkozy a eu legenre de rhtorique que lon aurait attendu dunresponsable de ladministration Bush !Quant au Canard Enchan du 20 septembre 2006,il prte Jacques Chirac -exceptionnellement citici les propos suivants Sarkozy a multipli lesmaladresses aux tats-Unis. Il sest totalement ali-gn sur la politique amricaine et sur Bush ( ) Bienloin du gaullisme et mme des grandes traditionspolitiques et diplomatiques franaises .Libral, atlantiste et, toujours plus grave, com-munautariste.Cest une vidence. Nicolas Sarkozy ne croit pas au modle rpublicain dintgration. De ses lacu-nes ou de ses checs malheureusement incontes-tables il veut profiter pour non pas rformer ce modle , pour le rendre plus efficace, mais pourle dmanteler. On verra plus loin, citations prcises lappui, en dpit de ses dngations rcentes que

    le modle que le patron de lUMP a en tte est com-munautariste et confessionnel.De ce point de vue le bilan du ministre en chargedes cultes est lourd de menaces pour lavenir :non content de mettre mal la loi de 1905 et lesfondements de la lacit la franaise , NicolasSarkozy aura pactis avec les islamistes de lUOIF,favoris lascension mdiatique de Tarik Ramadan,fait preuve dune trange bienveillance lgarddes sectes allant jusqu recevoir en grande pompelun des proslytes le plus clbre de lglise deScientologie, lacteur Tom Cruise.Coupables carts ! Erreurs isoles ? Non. Nicolas Sar-kozy ne se contente pas de se livrer un cynique mar-keting confessionnel vise lectorale. CommeGeorges Bush, son action est thorise : il compte surles religions, toutes les religions y compris fonda-mentalistes et souvent intgristes pour rguler lavie en socit, encadrer les jeunes et ramener lordredans les quartiers.On verra donc, tout au long des chapitres qui suivento est la vraie source dinspiration du candidat Sarkozy.Elle nest pas, ce serait respectable, authentique-ment librale (le libralisme de Sarkozy empreinte Hayek ou Friedman, pas Tocqueville ou Aron).Elle enterre le gaullisme autant que lhritage la-que et rpublicain.La vraie Bible de Nicolas Sarkozy rside dans la pen-se no-conservatrice amricaine.Son vrai modle ? Georges W Bush.Plusieurs journalistes franais ayant accompagn leMinistre de lIntrieur aux Etats-Unis en septembre2006, ont racont lanecdote suivante. On demande Nicolas Sarkozy en quoi il se diffrencie de Geor-ges Bush. La rponse fuse, mlange dhumour lamricaine, de fausse modestie et de provocation : il a t lu deux fois Prsident. Moi pas .Il sagit certes, dune boutade. Rvlatrice, cepen-dant. Spontanment, Nicolas Sarkozy ne voit rienqui le distingue de Georges Bush. Sauf que lun agagn deux fois une lection prsidentielle. Et lau-tre pas. Pas encore ? Nous voil prvenus

    ric Besson

    (1) Dans leur remarquable Les habits neufs de la froite franaise , Alain Bergounioux et Caroline Werkoff-Leloup (Fondation Jean Jaurs 2006) notent juste titre que cette communication permanente est aussi une communication sous tension qui cultive le conflit .

  • 9Beaucoup nontretenu de louvrage de Nicolas Sarkozyconsacr la question religieuse, La rpublique,les religions, lesprance, que sa suggestion demodifier la loi du 9 dcembre 1905 concernant lasparation des glises et de ltat. Peu nombreuxsont ceux qui ont observ que son ambition relleest bien plus vaste et quelle consiste faire desreligions le nouvel outil de rgulation de nossocits.Exagration de notre part ? Absolumentpas ! Il suffit de le lire : Je suis convaincu que les-prit religieux et la pratique religieuse peuventcontribuer apaiser et rguler une socit de libert .Et dajouter,pour tre certain dtre bien compris,qu on aurait tort de cantonner le rle de lgliseaux seuls aspects spirituels (1) .Il puise en faitdirectementson inspiration des tats-Unis.On dit souvent que ltat y est laque mais quela socit y est religieuse. Les Amricains, trs atta-chs leur libert individuelle,ont toujours prfren appeler la charit chrtienne plutt que dac-corder trop de pouvoirs ltat.Ainsi les racines pro-fondment religieuses de lAmrique associes son individualisme directementhrit de la conqutede lOuestontpermis de limiter le poids de ltatdansla socit amricaine. On comprend mieux alors lafascination de Nicolas Sarkozy pour le modle am-

    ricain : substituer la solidarit nationale de nou-velles solidarits,essentiellementcommunautaires,estle moyen de rduire le poids de ltatetde la scu-rit sociale dans lconomie franaise.Le prsident de lUMP plaide donc pour une trans-formation radicale des relations entre les gliseset ltat et un retour en force des religions dans lesaffaires publiques.On la vu proposer de construiredes lieux de culte pour rsoudre les problmes desbanlieues ! Mais pourquoi alors ne pas dlguer auxprtres,aux imams et aux pasteurs un rle de main-tien de la concorde dans les quartiers ? Et pourquoialors sarrter aux seuls problmes des banlieues ?Les religions peuvent lgitimer un retour lordremoral dans les domaines de la sant publique etde lthique ou se substituer progressivement notretat Providence.Cette relgitimation du rle politique et social desglises prne par Nicolas Sarkozy nest pas sansdanger.Elle sest tout dabord traduite par lintronisation delUOIF une organisation musulmane intgriste etminoritaire comme reprsentant officiel de lIslamde France.Nicolas Sarkozy se revendique comme lamiexigeant des musulmans,il est en fait devenu lavo-cat de lUOIF.

    1Nicolas Sarkozy

    Lapologiste du modle communautariste religieuxPIERRE BAYARD

  • Linquitante rupture tranquille de Monsieur Sarkozy

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    Cette politique de relgitimation fragilise ensuitelautonomie des cultes car en accordant des droitsetdes obligations aux religions,Nicolas Sarkozy pro-pose en fait de renouer avec le rgime bonapartistedu concordat de 1801 qui avait organis un rgimede cultes reconnus par ltat. Revenir sur la lacit,cest en effet amener ltat faire le tri dans les phi-losophies, les croyances et les opinions !Cette politique organise enfin,et de fait,la promo-tion des mouvements sectaires et des intgristes.En effet,en octroyantun statutaux religions,NicolasSarkozy pose invitablement la question de la dfi-nition de la religion. Quelles sont les religions quipourront prtendre ce statut ? Que faire avec lesmouvements fondamentalistes et avec les sectesqui revendiquent le statut de religion ? On sait queles tmoins de Jhova ont dores et dj obtenu destribunaux franais le statut de religion.qui le toursous lempire des ides sarkozystes ? Lglise de lascientologie, les Raliens, ou encore lOrdre duTemple Solaire ? Attardons nous donc, tout au long de ce chapitre, dissquer les ides du prsident de lUMP,vrita-ble apologiste du communautarisme religieux.Cetexercice estaujourdhui dautantplus utile que,fidle sa nouvelle stratgie de la rupture tranquille ,le prsident de lUMP veut rassurer et attnuer lescraintes et les peurs que son discours a fait natreparmi les Franais.Il se fait donc aujourdhui le chan-tre de notre Rpublique laque et le premier rem-part contre le communautarisme : il dnonce Prigueux,le 12 octobre dernier, la Rpublique (qui)sabme dans le communautarisme et en appelle cette France qui ne veut pas de la confusion entrele spirituel et le temporel .Mais cette nouvelle pos-ture ne doit pas nous induire en erreur, elle nestque le camouflage dun projet de socit directe-ment import des tats-Unis et tendant rgulerla socit par les religions. Un projet qui inquite, juste titre, et quil lui faut donc dsormais, letemps de la campagne lectorale, mettre en sour-dine. Mais un projet quil est facile de dbusquercar Nicolas Sarkozy y avait consacr une bonnepart de son nergie et de ses discours au cours desdernires annes.

    SON PROJET : RGULER LA SOCIT PAR LES RELIGIONSLe modle europen comporte une spcificit biensouvent tue,quoique dj mise en vidence,ds ledbut du 20me sicle, par le sociologue allemand,Max Weber.Cest celle dun dsenchantement pro-gressif du monde, cest--dire de sa lacisation aufur et mesure quil avance dans la modernit.Lestats-nations europens se sont mancips de lau-torit pontificale cest toute lhistoire du gallica-nisme en France, de langlicanisme en GrandeBretagne ou du Kulturkampf en Allemagne et lespeuples europens loigns des croyances reli-gieuses.Ce phnomne sest traduit en France de deuxmanires.Toutdabord,par le choix de la lacit,ltatnexerantaucun pouvoir religieux etles glises aucunpouvoir politique.Ensuite par le recul des pratiquesetdes croyancesreligieuses.Les sans religion repr-sentent ainsi 27 % de la population franaise de plusde 18 ans.Parmi les catholiques,ils ne sont que 12,8% tre pratiquants,cest--dire frquenter la messeau moins une fois par mois ; 24,6 % sont des pra-tiquants occasionnels et 62,6 % ne sont pas prati-quants(2). Ce phnomne de recul des pratiquesreligieuses ne concerne pas seulement la religioncatholique.Pour les musulmans,les proportions sontles mmes selon une enqute ralise par SylvainBrouard et Vincent Tiberj(3) : 21 % de pratiquantsrguliers contre 79 % de non pratiquants ou de pra-tiquants pisodiques. Ces donnes corroborentdes enqutes antrieures et notamment celle ra-lise par Ipsos pour le Figaro en avril 2003 et selonlaquelle 44 % des musulmans ntaient pas pra-tiquants.Par consquent,le rapport lIslam sem-ble, en France, peu diffrent du rapport aucatholicisme.Cest pourquoi, les dbats sur la lacit avaientquitt le devant de la scne depuis de nombreusesannes. Seule la grande tourmente du dbat surlcole prive les avait temporairement ravivs en1984. Ils connaissent toutefois depuis quelquesannes un regain de vigueur avec les interrogationssur la place de lislam en France et les controversessur les sectes et les religions mergentes.Et,comme son habitude,Nicolas Sarkozy y participe avec vigueur,

  • Nicolas Sarkozy ou lapologiste du modle communautariste religieux

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    tout son souci dapparatre porteur dun nou-veau message. Et quel message ! Il sagit ni plus nimoins que de promouvoir en France un nouveaumodle de rgulation des problmes sociaux parles religions dans la plus pure tradition des tats-Unis,rcemment ravive par les vanglistes no-conservateurs amricains.Ce projet est porteur detrs lourds dangers :il implique den finir avec notretradition de sparation des glises et de ltat, ilconduit invitablement renforcer les sectes quirevendiquent le statut de religion et saccompagnedores et dj dun accroissement de linfluence desintgristes musulmans de lUOIF.Rarement, dans notre Rpublique indivisible,laque, dmocratique et sociale selon larticle 3de notre Constitution, un ministre de lintrieuret des cultes se sera autant intress aux affairesreligieuses.

    Une stratgie de marketing politico-religieuseOn pourrait croire que, tout son ambition de pr-sidentiable et fidle sa rputation dattrape tout,Nicolas Sarkozy conduit une classique oprationde marketing lectoral. Et quil importe des tats-Unis une stratgie de marketing communauta-riste et religieux.Aucune communaut religieuse nest en effetoublie.La communaut juive fait lobjet de toutes sesattentions ce qui est bien normal quand elle estfrappe dans sa chair loccasion dattentats tou-chant ses coles et ses synagogues mais NicolasSarkozy nhsite pas en manipuler les souffran-ces des fins partisanes :le mercredi 28 avril 2004,il indique lAssemble nationale qu aprs cinqannes du gouvernement de M. Jospin, on taitarriv faire croire aux tats-Unis que la France taitun pays antismite ! . Peut-tre et-il fallu effec-tivement un geste politique plus fort de la part deLionel Jospin dont chacun connat les convictionsprofondes sur ce sujet pour dnoncer les agressionsrptes dont les juifs de France taient victimesmais quelle ignominie de la part de Nicolas Sarkozyque de laisser entendre que le gouvernement

    Jospin aurait eu une quelconque complaisance lgard de lantismitisme. Cet homme est prt tout pour sduire chacune des communauts reli-gieuses de France.Il entreprend lgard de la communaut musulmaneune intense campagne de sduction : il participe aucongrs de lUOIF en 2003 et 2005,refuse dapportersa caution la loi sur linterdiction du port du voiledans les tablissements scolaires, valorise plus quilnaffaiblit Tarik Ramadan lors de lentretien quil luiaccorde en novembre 2003,propose de modifier la loide 1905 pour autoriser le financementdes mosquespar les pouvoirs publics.Un prsidentiable ne sauraitse dsintresser des 5 millions de musulmansEnfin,il noublie pas la communaut catholique quilrassure en rappelant dans son ouvrage laRpublique, les religions, lesprance quil est deculture catholique,de tradition catholique,de confes-sion catholique .Encore un peu et notre Rpubliqueaura non plus un ministre des cultes qui parle sesconcitoyens mais un catholique qui sadresse desmusulmans et des juifs.Seule la communaut protestante est oublie,pro-bablement parce quil la considre comme acquisehistoriquement la gaucheBref, quand on coute Nicolas Sarkozy, on croiraitentendre Georges W.Bush lvangliste sadressantaux hispaniques de tradition catholique lors de ladernire campagne lectorale amricaine

    Un projet de socit dinspiration amricaineMais ce serait se mprendre sur les intentions rellesde Nicolas Sarkozy que de croire quil se contente demener une simple opration de marketing lectoral.Son ambition est bien plus vaste, il cherche un nou-veau mode de rgulation de la socit et croit lavoirtrouv dans les religions.L encore, il puise son inspiration aux tats-Unis.Le peuple amricain est le peuple le plus profon-dment religieux de tous les pays industriels avan-cs du monde : 98 % des amricains croient enDieu, 61 % assistent un office religieux au moinsune fois par mois etprs de la moiti (45 %) au moinsune fois par semaine. Leur interprtation littraledes critures est encore plus surprenante :68 % de

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    la population amricaine croit au diable, plus dutiers des Amricains prend la Bible au pied de la let-tre. 93 % dentre eux ont une Bible chez eux. 40 %des Amricains croient que le monde sachvera parla bataille ultime entre Jsus et lAntchrist.Aujourdhui,la religion vanglique ne cesse de sten-dre aux tats-Unis. partir dune thologie chr-tienne assez vague, elle se fonde sur la conversionpersonnelle,voire la reconversion permettant auxfidles de renatre. On sait que Bush est lun de ces born again .Les racines profondmentreligieuses de lAmriqueassocies son individualisme directement hritde la conqute de lOuest expliquent la prolifra-tion dorganisations issues de la socit civile. LesAmricains consacrent en effet normment detemps au service de leurs communauts traversles associations dtudiants,les clubs de jeunes,lesassociations de quartiers etdu citoyen,les clubs artis-tiques pdagogiques, les activits sportives etrcratives.Ayant toujours rencl accorder tropde pouvoirs ltat en raison de leur conception dela libert individuelle, ils prfrent donc mainte-nir des impts un niveau relativement faible,limiter lintervention du gouvernement dans lacollectivit et en appeler la charit chrtienne etindividuelle.On comprend mieux alors la fascination de NicolasSarkozy pour le modle amricain.En Europe,et enFrance en particulier, la socit civile est beaucoupplus laque desprit,beaucoup moins lie la notionchrtienne de charit individuelle et beaucoup plusproche de lide socialiste de responsabilit collec-tive lgard du bien-tre de tous. Raviver les sen-timents communautaires et la religiosit dans uncontexte de progression de lindividualisme permet-trait de substituer la solidarit nationale des soli-darits communautaires et ainsi de rduire le poidsde lEtat et de la scurit sociale dans lconomie.

    Le retour des religions dans la vie publiquefranaiseCest sous cet clairage que les lignes crites parNicolas Sarkozy dans son ouvrage la Rpublique,les religions,lesprance prennent toute leur signi-

    fication. Je suis convaincu que lesprit religieux etla pratique religieuse peuvent contribuer apaiseret rguler une socit de libert (4). Maintenantque les lieux de culte officiels et publics sont si absentsde nos banlieues,on mesure combien cet apport spi-rituel a pu tre un facteur dapaisement et quel videil cre quand il disparat (5). Et pour ceux qui nau-raient pas encore compris,il ajoute encore Au boutdu compte,lesprance dans un au-del meilleur estun facteur dapaisement et de consolation pour lavie aujourdhui (6).

    Les religions comme solution aux problmes des banlieuesLa consquence de cet appel la rsurrection desreligions est vidente : On aurait tort de canton-ner le rle de lglise aux seuls aspects spirituels (7).Comme aux tats-Unis, il faut en appeler aux reli-gions pour rgler nos problmes. Ceux de la Corsepar exemple(8) mais plus encore ceux de nos ban-lieues. Quel est le problme de nos banlieues ? Cestquelles se sentent abandonnes, y compris parltat (9). Fort de ce constat, Nicolas Sarkozy pr-conise-t-il un retour de ltat dans ces quartiers ?Pas du tout ! Les cadres de lglise en France pour-raient susciter une grande rflexion sur la ncessitde construire des synagogues,des glises et des mos-ques dans les banlieues. mon sens,il estaussi impor-tant douvrir des lieux de culte dans les grandeszones urbaines que dinaugurer des salles de sport,elles-mmes trs utiles ! Ce qui doit nous proccu-per, cest ce que vont tre les idaux de la jeunessequi vient.Tous ces jeunes qui ne croient plus grandchose, voil un dfi pour toutes les religions ! Ellespourraient soccuper de crer des lieux de paix, derencontres,de dialogue multiconfessionnels (10). Etdinsister encore : Je pense donc utile que soitcre une grande mosque dans celles de nos gran-des villes qui en sont dpourvues. Je vois quil man-que des glises dans certaines banlieues de laSeine-Saint-Denis, que des communauts juives ouprotestantes souffrent de ne pas avoir assez de syna-gogues ou de temples (11).La construction de lieux de culte comme solutionaux problmes des banlieues, voil le projet du

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    prsident de lUMP. La dlgation aux prtres, auximams et aux pasteurs du maintien de la concordedans les quartiers ! Nest- ce pas dailleurs ce quelon a dores et dj parfois observ lors des violen-ces doctobre et novembre 2005 ?Lintrt gnral exigerait donc que ltatconstruise,comme avant 1905,des lieux de culte.Mais alors, combien dglises, de mosques et desynagogues ? Et ltat devra-t-il galement finan-cer des lieux de cultes pour les tmoins de Jhovah ?Le Conseil dtat, la Cour de cassation et la Coureuropenne des droits de lhomme leur ont djassur la libert de conscience et garanti le libreexercice du culte Et que penser de la connexionqui existe entre ce projet de Nicolas Sarkozy etlambition de lUnion des organisations islami-ques de France (UOIF) de promouvoir lislamcomme un moyen de lutter contre la dlinquance ?Lun de ses dirigeants, Amar Lasfar, qui anime lamosque de Lille, ne cesse en effet dinsister surce rle de pacification des relations sociales quiincomberait lIslam. Et Farid Abdelkrim, lunedes figures emblmatiques des jeunes musulmansde France,est encore plus explicite : Lislam,cestun Krcher qui permet de nettoyer les comporte-ments les plus tordus qui soient. Avec lislam, jaiarrt de fumer, jai arrt de boire, jai arrt devoler, jai respect mes parents, jai voulu faire destudes. Cest pas grce au centre, cest grce lis-lam. () Je dois tout dieu . Voil qui fait tran-gement cho aux projets et mme aux propos tenuspar Nicolas Sarkozy ! Mais quel paradoxe : lordrerpublicain sauv par des islamistes qui refu-sent de respecter la loi rpublicaine !Et pourquoi alors sarrter aux seuls problmesdes banlieues ? Car nul ne sait o sarrteront lesprtentions politiques et sociales des religionsainsi relgitimes.

    Les religions comme lgitimation du retour de lordre moral Les croiss des fondamentalismes investiront natu-rellement le domaine de la sant publique et delthique. Le droit lavortement sera plus quejamais menac et les grands dbats thiques de

    notre temps hypothqus par le retour dune sortedInquisition. Souvenons-nous de la situation decette amricaine de 41 ans, plonge depuis plusde 15 ans dans un coma vgtatif,et qui tait deve-nue le symbole dune bataille juridique et politi-que entre partisans et adversaires de leuthanasie.George Bush avait alors clairement choisi soncamp en promulguant durgence, en mars 2005,une loi vote spcialement par le Parlement et auto-risant la justice fdrale faire ralimenter lajeune femme.

    Les religions comme substitut ltat-providenceMais lemprise des religions sur la socit irait bienau-del de ces seules questions de sant publiqueet dthique. Elle stendrait tout dabord la pro-tection sociale. Pourquoi en effet ne pas en appe-ler la charit religieuse pour rgler le problmedu financement de la scurit sociale en France eten Europe ? Il sera facile Nicolas Sarkozy de rap-peler que la moiti des hpitaux et les deux tiersdes organisations dassistance sociale relvent auxtats-Unis du secteur priv but non lucratif. Larelgitimation du rle social et politique des reli-gions laquelle il procde est en fait la premiretape de la dlgitimation de ltat Providence etdonc du dmantlement de la scurit sociale.Adapter notre systme de scurit sociale est unencessit, le dmanteler un retour lEurope desannes 30.

    Les religions comme garant de la bonne ducation des jeunesEt aprs la scurit sociale viendra le tour de len-seignement.Quoi de plus normal dailleurs puisquilfaut rhabiliter les valeurs religieuses au sein denotre jeunesse : On ne peut pas duquer les jeu-nes en sappuyant exclusivement sur des valeurstemporelles, matrielles, voire mme rpublicai-nes ().La dimension morale estplus solide,plus enra-cine,lorsquelle procde dune dmarche spirituelle,religieuse, plutt que lorsquelle cherche sa sourcedans le dbat politique ou dans le modle rpubli-cain. () La morale rpublicaine ne peut rpondre toutes les questions ni satisfaire toutes les aspira-

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    tions. () (12). Lducation nationale doit donc for-mer des croyants et non des citoyens Nul douteque Nicolas Sarkozy proposera bientt que,commeaux tats-Unis depuis 1954, les coliers prtentchaque matin un serment dallgeance aux insti-tutions et Dieu.Que lenseignementreligieux figureparmi les enseignements obligatoires.Que se dve-loppent les tablissements scolaires communau-taristes.Que se multiplient les universits prives.Le projet sarkozyste rjouira lUOIF dont le repr-sentant lillois, Amar Lasfar, a cr le premier lycepriv musulman fondamentaliste,le lyce Averros.Aprs avoir soutenu les jeunes filles voiles dansles collges et lyces publics, cette organisation adsormais lambition de crer des tablissementsislamistes pour les accueillir. Elle compte bien surle ministre de lintrieur pour obtenir le classe-ment de son premier tablissement scolaire souscontrat dassociation aprs cinq ans de fonction-nement. La Rpublique contrainte dassurer larmunration denseignants intgristes,voil lunedes consquences du projet social de NicolasSarkozy !Il ny a pas jusqu la politique montaire qui pour-rait tre place sous la protection de Dieu.Pourquoine pas crire sur les billets de la banque centraleeuropenne la devise figurant sur les dollars : nousavons confiance en Dieu ?Et pourquoi ne pas confier aux glises la tenue deltat civil comme sous lAncien rgime ? La ques-tion nest pas aussi anachronique quelle en a lair.En Italie, six communauts religieuses ont signdes accords avec ltat qui leur confrent le droitde clbrer des mariages civilement valables(13).La cohrence de cette politique de renouveau dupouvoir social et politique des religions devraitconduire Nicolas Sarkozy instituer, comme auxtats-Unis depuis 1952, une journe nationale deprire et la fixer comme l-bas au premier jeudi dumois de mai ! Il ne la pas encore propos mais celane saurait tarderHier, lEurope importait des tats-Unis le jean, lecoca-cola, le rock n roll ou encore son cinma.Aujourdhui, Nicolas Sarkozy nous propose dim-porter Dieu !

    LES DRIVES DE CET ACTIVISME COMMUNAUTARISTELa relgitimation du rle politique et social des gli-ses prne par Nicolas Sarkozy nest pas sans dan-ger : elle repose sur la remise en cause de la loi de1905, elle sape le modle rpublicain franais desparation des glises et de lEtat, elle organise defait la promotion des mouvements sectaires et lamain mise des intgristes de lUOIF sur lIslam deFrance.

    La remise en cause de la loi de 1905Dans La Rpublique,les religions,lesprance ,NicolasSarkozy suggre de modifier la loi du 9 dcembre1905 relative la sparation des glises et de ltat.Le point de dpart de sa rflexion :la situation tout fait particulire de la communaut musulmaneen France. Alors que ltat a construit, avant 1905,de nombreuses glises et quil contribue encoreaujourdhui leur entretien, lislam, en raison deson implantation tardive, se trouve dans lobliga-tion de financer seul ses propres mosques.Il seraitdonc juste,selon Nicolas Sarkozy,de contourner largle de la sparation des Eglises et de ltat afinde permettre la seconde religion de France de dis-poser dun nombre suffisant de lieux de culte.Si le constat effectu par Nicolas Sarkozy est juste,son analyse est, comme bien souvent, partielle etpartiale,et surtout,ses intentions relles vont bienau-del dun simple toilettage de la loi de 1905.Son constat est juste, incontestablement. La pra-tique du culte musulman est encore trop souventrelgue dans des foyers ramnags, des appar-tements privs quand ce nest pas mais cestheureusement devenu lexception - dans les cavesmmes de certains immeubles. Cette situationnest pas digne de notre Rpublique. Aucun rpu-blicain ne peut et ne doit se rsoudre choisir entredes mosques finances par des pays trangers repr-sentatifs du fondamentalisme le plus archaqueet des lieux de culte insatisfaisants et source defrustration. Cette situation nest pas non plusconforme lesprit de la loi de 1905,et notammentde son article 1er selon lequel La Rpublique assurela libert de conscience. Elle garantit le libre exer-cice des cultes .

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    Mais lanalyse de Nicolas Sarkozy est partielle etpartiale.Elle insiste exclusivementsur lidentit reli-gieuse des communauts trangres installes surle territoire franais.Elle lude la ghettosation decertains quartiers de nos banlieues, la discrimina-tion lentre des botes de nuit, la rcurrence descontrles didentit, les diplms duniversitexclus du march de lemploi pour dlit de facis,les lycens de lenseignement professionnel ne trou-vant pas de stages faute dentreprise pour lesaccueillir,les candidats locataires dorigine africaine,antillaise ou maghrbine recals par des propri-taires racistes ou la politique des quotas des orga-nismes HLM.Ne pas parler de ces situations,limiterlanalyse la seule question des lieux de culte,cestocculter les vrais dfis poss aujourdhui notrepolitique dintgration, dont lchec, ne nous ytrompons pas, ne pourrait que continuer faire lejeu de tous ceux qui souhaitent prner le repli iden-titaire au sein de la Rpublique.Fondamentalement et cest l quest notre dif-frence avec Nicolas Sarkozy nous voulons toutdonner aux enfants de limmigration en tant quecitoyens. Car ils sont citoyens beaucoup plus etbien avant que dtre musulmans.Cest,au mieux,se donner bonne conscience que de rduire lin-tgration au fait religieux, de rduire nos conci-toyens leur religion hrite : pour reprendre ledcompte paroissial de M.Sarkozy,il ny a pas cinqmillions de musulmans pratiquants. Langoisseexistentielle sur la perte de sens du vivre ensem-ble est bien relle mais la rponse apporte parle candidat de lUMP ignore que le lien social etle sens de la solidarit se nourrissent autant,voiredans les faits beaucoup plus, des engagementsau service des autres qui apportent du sens, delespoir et de la convivialit dans les quartiers que de la religion.La rponse au malaise qui sestinstaur entre la Franceet les immigrs ou supposs tels,est donc ailleurs :dans la ralisation de lidal rpublicain dintgra-tion.Un idal constitu de devoirs pour les intres-ss et la Rpublique.De devoirs pour les intresss car nul ne peut chap-per aux lois de notre Rpublique quelles concer-

    nent la lacit, lgalit des droits ou le statut de lafemme, gal celui de lhomme. Cela a justifi levote de la loi sur linterdiction des signes religieuxdans les tablissements scolaires.De devoirs pour la Rpublique car chacun a le droitde revendiquer son gard lapplication des valeursrpublicaines de libert, dgalit et de fraternit.Trois mesures doivent tre prises de manire ds-ormais urgente.La premire : accorder enfin aux trangers le droitde vote chaque fois que la souverainet nationalenest pas en cause,cest--dire pour les rfrendumslocaux, les lections municipales, cantonales etrgionales. Ainsi mettrions nous fin ce paradoxequi autorise un lithuanien en France depuis sixmois participer une lection municipale alorsquun algrien ou un sngalais prsents sur notreterritoire depuis 25 ans ne se sont toujours pas vusreconnatre ce droit !La deuxime mesure consiste gnraliser lex-prience de discrimination positive socio-co-nomique conduite Sciences Po toutes lesgrandes coles (polytechnique,lENA,lcole natio-nale de la magistrature, lcole normale sup-rieure, HEC). Cette discrimination positive est laseule solution conforme notre idal rpublicainqui permette de relancer lascenseur social,aujourdhui en panne, au profit des jeunes vivantdans les banlieues dites difficiles.La Rpublique doitenfin etcestla troisime urgence permettre aux musulmans dexercer dignementleur religion en favorisant le bon fonctionnementde la fondation dutilit publique rcemment creet charge de financer la construction de mosques.Cres par dcret, les fondations dutilit publi-que sont des personnes morales de droit privdotes dun patrimoine affect une uvre. Leurfinancement est majoritairement priv mais ltatapprouve toutefois leur statut et veille leur fonc-tionnement dmocratique et la transparence deleurs comptes.Ainsi,la Rpublique franaise aurait-elle rsolu la question lancinante des lieux deculte musulman sans rviser la loi de 1905.NicolasSarkozy,de retour place Beauvau,na pu interrom-pre ce projet de fondation promu par Dominique

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    de Villepin, lorsquil tait ministre de lintrieur,mais il na tout fait pour que la fondation ne puissepas fonctionner. Et de fait, elle ne fonctionne tou-jours pasEt pour cause, Nicolas Sarkozy ne veut pas seule-ment rgler le problme des lieux de cultes musul-mans.Ses intentions vont bien au-del :il veut nonpas toiletter la loi de 1905 mais rouvrir la ques-tion du financement des religions par les pouvoirspublics pour lensemble des religions et pas seule-ment pour lislam : On peut faire voluer le texte.Il restera notamment une question rgler,qui nestpas conjoncturelle, qui nest pas anecdotique : cestcelle du financement des grandes religions deFrance (14). Son ambition va donc bien au-del duseul culte musulman. Et dinsister : Quelles sontles difficults auxquelles nous nous heurtons ? Demon point de vue, elles concernent toutes les reli-gions et sont de deux types :toutes ont un problmede recrutement, de formation et de rmunrationdes ministres du culte,toutes ont galement une dif-ficult de financement des lieux de culte .Sa relleambition est donc bien de bouleverser lquilibreentre les religions et ltat issu de la loi de 1905.

    La remise en cause du modle laque franaisEn effet, la France en particulier, et lEurope demanire plus gnrale,diffrent considrablementdu modle amricain.outre-Atlantique,la religiona prcd ltateta cr la socit politique.Etmmesi ltatfdral amricain estconstitutionnellementlaque, les tats-Unis sont sociologiquementempreints de religiosit. Ltat est laque mais lasocit pas du tout ! linverse, lEurope a t marque par un profondconflit entre lEglise et les Etats. De ce conflit estn un modle europen dorganisation des relationsentre les religions et lEtat selon lequel la religionest une affaire totalement prive dans laquelle lasphre publique ne doit interfrer quavec dinfi-nies prcautions. Ce modle europen sestdclin de manire diffrente selon les traditionsnationales. Selon Jean-Baubrot et FranoiseChampion,on peut distinguer deux logiques dau-tonomisation de la socit et du politique lgard

    de la religion : une logique de scularisation danslaquelle cette autonomisation seffectue par lebas, partir de la socit civile elle-mme, et unelogique de lacisation dans laquelle elle seffectuepar le haut, partir de ltat. La premire concerneles pays dominante protestante qui connaissentune mutation interne de leurs glises, la secondetouche les pays dominante catholique beaucoupplus marqus par le conflit entre les ordres tati-que et religieux. La religion a donc cess sur len-semble du continent europen de structurerlorganisation,les sources et les finalits de nos soci-ts dmocratiques.En ce sens,tout le continent estlaque mais seules les nations dans lesquelles la logi-que de lacisation fut loeuvre ont instaur unesparation stricte de lglise et de ltat.Cest notamment le cas de la France. Elle est sortiede laffrontemententre la Rpublique etlglise catho-lique en organisantune sparation stricte entre dunepart lglise et dautre part la socit et ltat. Celasest fait en deux temps.Celui tout dabord de la lacit de combat. Le cl-ricalisme, voil lennemi scrie Gambetta laChambre le 4 mai 1877. Une srie de lois est adop-te dans les annes 1880 afin dmanciper lcoleet la socit de lemprise de lglise catholique : laloi du 12 juillet 1880 supprime lobligation du reposdominical ;celle du 15 novembre 1881 abolit les dis-tinctions de croyances dans les cimetires ; celledu 5 avril 1884 rglemente les processions ; la loiNaquet du 27 juillet 1884 rtablit le divorce ; la loidu 14 aot 1884 supprime les prires publiquesdans les assembles ; la loi du 21 dcembre 1800cre un enseignement secondaire public de jeunesfilles ; la loi du 6 juin 1881 instaure la gratuit delenseignement primaire public et celle du 9 mars1882 son caractre laque et obligatoire ; la loiGoblet du 30 octobre 1886 lacise le personnel descoles publiques, elle exclut galement lEglise ettoute rfrence religieuse des lieux o ils taienttraditionnellement prsents : la famille, les fun-railles, lenseignement ou encore lhpital.Vient ensuite le temps de la lacit de libert avecla loi de 1905 de sparation de lglise et de ltat.Car lorsque la lacit devient une qualit de ltat,

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    elle se modifie. De lacit de combat, elle devientalors une lacit de libert.CestAristide Briand,le rapporteur de la loi la Chambredes dputs, qui saisit le mieux la transformationde la lacit lorsquelle devient la qualit de ltat : Quel est le but que vous poursuivez ? Voulez-vousune loi de large neutralit, susceptible dassurer lapacification des esprits ? (15) . Vous reprenezvotre libert ; il nest que justice que vous laissiez lglise la sienne et que vous lui permettiez den jouirdans les limites o lordre public nen sera pasmenac (16).La loi de 1905 est donc avant tout uneloi de pacification car elle est une loi non seulementde neutralit de ltat mais galement dorganisa-tion de la libert de religion,elle permet de rint-grer dans la Rpublique ceux qui sen sont faitexclure, et tout dabord les catholiques. Jaurs nesy taitdailleurs pas tromp.Il voulaitclore la ques-tion religieuse pour pouvoir enfin traiter de la ques-tion sociale. Ctait le leitmotiv de ses discours en1905 : il est urgent de le faire pour passer la ques-tion sociale .Nicolas Sarkozy poursuit un sicle plustard un objectif diamtralement oppos : rouvrirla question religieuse pour ne pas traiter la ques-tion sociale.Nayant rien proposer pour rsoudreles problmes sociaux de notre socit, si ce nestdonner les pleins pouvoirs au march,il prend argu-ment de la diversit de notre socit pour rhabi-liter les identits communautaires et revenir surla loi de 1905 et chacun des trois piliers de la lacitfranaise :lautonomie des cultes,la libert religieuse,et le respect de lordre public.Premier pilier de la lacit franaise, lautonomiedes cultes rsulte de la sparation de ltat et desglises.Elle est proclame ds larticle 2 de la loi de1905 : la Rpublique ne reconnat, ne salarie, ni nesubventionne aucun culte .En accordant des droitsetdes obligations aux religions,Nicolas Sarkozy bafouele principe de sparation de ltat et des glises etfragilise lautonomie des cultes. Sous le prtextefallacieux dactualiser la loi de 1905, il propose enfait de revenir au rgime bonapartiste du concor-dat de 1801 et des articles organiques de 1802.Avecses textes,Bonaparte avait organis le clerg catho-lique.Certes,il nen avait pas fait une religion dtat

    puisquil avait galement dot dun statut les cul-tes luthrien, calviniste et isralite mais il avaitorganis un rgime de cultes reconnus par ltat.Cest exactement ce que Nicolas Sarkozy proposeaujourdhui aux Franais en revenant sur les prin-cipes de la loi de 1905. Une administration des cul-tes qui octroiera le statut de religion et donc lesprivilges qui y sont associs.Deuxime pilier de la loi de 1905,la libert religieuseest la consquence de la sparation de lglise etde ltat. Au terme de larticle 1er de la loi de 1905, La Rpublique assure la libert de conscience. Ellegarantit le libre exercice des cultes sous les seulesrestrictions dictes ci-aprs dans lintrt de lor-dre public mais elle ne peut le faire que parce quele principe de sparation libre ltat de touteapprciation ou qualification concernant les convic-tions religieuses ou philosophiques.Comme la ditAndr Philipp,alors prsident de la commission dela Constitution, devant lassemble constituantele 29 aot 1946, la lacit nest pas une philoso-phie,ni une doctrine,cest simplement la coexistencede toutes les philosophies,de toutes les doctrines, lerespect de toutes les opinions et de toutes les croyan-ces .Revenir sur la lacit,cest amener lEtat fairele tri dans les philosophies,les croyances et les opi-nions ! En fait,Nicolas Sarkozy propose aux Franaisun retour la tradition du gallicanisme de lAncienrgime, une tentative dappropriation de lglisepar ltat,ou, tout le moins,un contrle politiquedes glises de France.Le respect de lordre public, troisime pilier de lalacit franaise,est la seule limite la libert reli-gieuse (comme dailleurs aux autres liberts). LaRpublique garantit la libert des cultes sous lesseules restrictions dictes ci-aprs dans lintrtde lordre public selon les termes mmes de lar-ticle premier de la loi de 1905.Aucune libert nestabsolue et pas plus la libert de conviction religieuseou philosophique que les autres.Cette libert peuttre source de danger pour la socit et pour lesindividus ainsi que nous le rappelle le dveloppe-ment des mouvements sectaires. Or la lacit deltat facilite en France le traitement juridique dela question des sectes.En effet,ltat na pas qua-

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    lifier certaines doctrines de secte ou de religion,il se contente dapprcier si les activits des grou-pes sectaires peuvent tre poursuivies devant lestribunaux.Cette approche a fait les preuves de sonefficacit. Nicolas Sarkozy propose den saper lesfondements,cest--dire le principe de sparationdes glises et de ltat.

    Le risque de promotion des sectesNicolas Sarkozy souhaite doter les religions dun vri-table statutqui leur confrera certes des obligations et notamment celle de participer la rgulationsociale de la socit mais surtout des droits vis--vis de la puissance publique qui participera leurfinancement et facilitera le recrutement,la forma-tion et la rmunration des ministres du culte. Decette manire, il pose invitablement la questionde la dfinition de la religion. Quelles sont les reli-gions qui pourront prtendre ce statut ?En 1905, les cultes taient clairement identifis,on recensait en mtropole les cultes catholique,rform,luthrien et isralite et,en outre mer,lis-lam. Aujourdhui, la situation est bien plus com-plexe :les catholiques peuventappartenir plusieursrites,sans mme compter les intgristes fidles dudfunt Mgr Lefebvre ; les orthodoxes relvent dediffrentes coles ;de nouvelles glises protestan-tes sont apparues ct des luthriens et des rfor-ms :les Anglicans,les Baptistes,les Pentectistes,les vanglistes de toute nature ; il y a encore lesbouddhistes, les hindouistes et bien videmmentles musulmans Cette numration montre com-bien lentreprise de Nicolas Sarkozy est aujourdhuichimrique Ralisable dans le contexte religieuxsimplifi du dbut du 20me sicle, il ne lest plusun sicle plus tard au temps de la multiplicationdes rites et de lindividualisation des pratiques etdes croyances. Nicolas Sarkozy sest tout simple-ment tromp de sicle.Et que faire en premier lieu avec les mouvementsfondamentalistes ? Des intgristes catholiques,desglises vanglistes les plus fondamentalistes,des Juifs orthodoxes ou encore des fondamenta-listes islamistes qui encouragent le port du voiledans les coles ? On sait que Nicolas Sarkozy est

    particulirement bienveillant leur gard : Quedes hommes de foi croient fondamentalement ,fondent leur vie sur la foi et veuillent respecter lesfondements de leur religion, quoi de plus nor-mal ? (17). Il semble ignorer que le fondamenta-lisme peut tre parfois incompatible avec la libertde conscience et certaines des lois de la Rpublique.Jean Louis Langlais, prsident de la mission inter-ministrielle de vigilance et de lutte contre les dri-ves sectaires jusquen aot 2005,remarquait dansune interview donne au Nouvel observateur(18) :qu une lecture littrale du dogme religieux peutconduire des pratiques qui mutilent la libertindividuelle .Et que faire, ensuite, des sectes qui revendiquentle statut de religion ? Cette revendication procdedune stratgie globale visant obtenir une recon-naissance officielle. Elle se heurte aujourdhui auprincipe de la sparation des glises et de ltat quirenvoie les pratiques religieuses la sphre prive,et ne reconnat aux pouvoirs publics aucune com-ptence pour dfinir ce qui est religieux et ce quine lest pas.Mais quand un statut des religions exis-tera,les pouvoirs publics serontcontraints de rpon-dre aux sollicitations des sectes et on peut craindre juste titre quelles ne parviennent que trop sou-vent obtenir satisfaction.Les expriences trangres le prouvent.En Autriche,une loi de 1998 a cr un statut de communautconfessionnelle qui permet,au boutdune priodede dix ans, daccder la catgorie des religionsreconnues.Les Tmoins de Jhovah bnficientdoresetdj de ce statutetil estfortprobable quils serontconsidrs comme une religion reconnue au boutde ces dix annes (en 2008). En Italie, les commu-nauts religieuses peuvent signer des accords avecltat afin dentretenir des aumneries, dassurerlinstruction religieuse des lves dans les coles publi-ques, de clbrer des mariages civilement valableset de bnficier des mmes financements publicsque lglise catholique. Les Tmoins de Jhovah ontsign un accord avec ltat. Au Qubec, le statut de corporation religieuse ,qui permet de bnficierdexonrations fiscales, a t accord au mouve-ment Ralien en 1994.

  • Nicolas Sarkozy ou lapologiste du modle communautariste religieux

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    La France a dj fait lexprience de cette tendanceirrsistible la reconnaissance des sectes lorsquilsexistentdes avantages accords aux communautsreligieuses. Cette situation se rencontre heureuse-mentrarementpuisque le principe de sparation delglise et de ltat a prcisment pour objet de lib-rer ltat de toute apprciation ou qualificationconcernant les convictions religieuses ou philoso-phiques. Elle se rencontre pourtant car la suppres-sion du service public des cultes dcide en 1905 aconduit le lgislateur prvoir le remplacementdestablissements qui en avaient la charge par desassociations cultuelles.Ces associations sinscriventbien videmment dans le cadre des associationsdclares prvues aux articles 5 et 6 de la loi de 1901.Toutefois,au fil des ans,plusieurs avantages,notam-ment fiscaux, leur ont t accords. Obissant unrgime de droitcommun destin organiser la spa-ration des glises et de ltat, les associations cul-tuelles ontt ainsi dotes dun rgime drogatoire.Elles bnficientdune exonration de taxe foncirepour leurs difices affects lexercice dun culte,depuis la loi du 14 juillet 1909 complte par larti-cle 112 de la loi du 29 avril 1926.Depuis la loi du 13 jan-vier 1941, cette exonration sapplique tous lesdifices cultuels, y compris ceux qui ont t acquisou construits postrieurement 1905.Contrairementaux associations de droitcommun,elles peuvent,depuisune loi du 25 dcembre 1942, recevoir des librali-ts testamentaires et entre vifs destines laccom-plissementde leur objetou greves de charges pieusesou cultuelles . Elles bnficient dun rgime defaveur en matire de droits de mutation titre on-reux depuis ladoption dune ordonnance du30 dcembre 1958. Enfin, depuis la loi du 23 juillet1987,les dons consentis aux associations cultuellespeuvent ouvrir droit des dductions fiscales pourles donateurs,dans la limite de 5 % du revenu impo-sable pour les personnes physiques, et de 3,5 duchiffre daffaires pour les personnes morales.On comprend mieux pourquoi la principale offen-sive juridique mene par les sectes sur le terrain dela reconnaissance religieuse porte sur le rgime delassociation cultuelle prvu par la loi du 9 dcem-bre 1905. Les Tmoins de Jhovah ont ainsi engag

    une bataille juridique de grande envergure,en inci-tant leurs associations locales contester devantle juge administratif les dcisions dassujettissement la taxe foncire dont elles font lobjet. Et ils ontfini par la gagner !Loin de renforcer la lutte contre les drives sectai-res, lambition de Nicolas Sarkozy de doter les reli-gions dun vritable statut risque daboutir aursultat inverse :la lgitimation par le droit de cer-taines sectes se prvalant du statut de religion !Alors que ltat laque peut sans difficult luttercontre les drives sectaires au nom des troubles lordre public,il sera contraint,dans la logique sar-kozienne, de financer des sectes et de leur assu-rer des privilges fiscaux !Et cette pente dangereuse sera dautant plus rapi-dement et facilement dvale que les Etats-Unis,au nom de la libert de conscience, militent pourloctroi du statut de religion certains groupessectaires. Le dpartement dEtat amricain, dansles rapports annuels quil consacre la libert dereligion dans le monde,a dj mis, plusieurs repri-ses, la France lindex. Ds 2000, il dnonait la stigmatisation de certaines religions en les associant tort des cultes ou sectes dangereux et dplo-rait qu un rapport de lAssemble nationale de1996 de mme quun rapport parlementaire de suivide 1999,tiquettent173 groupes comme "sectes",dci-sions qui ont contribu une atmosphre dintol-rance envers les minorits religieuses.Quelques unsdes groupes de cette liste sont dvidence dangereux,mais la plupart sont seulement mal connus ou impo-pulaires . Un an plus tard, il qualifiait lesScientologues, les Raliens, les adeptes du VajraTriomphant et ceux de lOrdre du Temple Solairede groupes religieux minoritaires ! Dans ce contexte,Nicolas Sarkozy pourra-t-il rsis-ter lamicale pression amricaine, lui qui se veutle plus amricain des hommes politiques franais,lui qui veut rompre avec le modle social europenau profit du modle amricain ? Il ne pourra plus,pour rcuser les prtentions amricaines, se rfu-gier derrire la sparation organique entre ltatet les glises puisquil laura fragilise afin de lgi-timer lintervention de ltat dans la sphre reli-

  • Linquitante rupture tranquille de Monsieur Sarkozy

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    gieuse. Parions quil finira par cder au nom de lalibert des consciences et de lamiti transatlanti-que ! Il le fera sa manire, de faon habile, sanssexposer directement,en laissant les juges se pro-noncer en lieu et place du pouvoir politique. Et cequi est dj arriv avec les tmoins de Jhovah enFrance se reproduira avec dautres mouvements sec-taires ! Le statutde religion leur sera accord et ltat,dans son nouveau rle de promoteur des religions,participera leur financement et facilitera le recru-tement,la formation et la rmunration des minis-tres de ces cultes sectaires !Nul doute que les scientologues seront les pre-miers bnficier de ce nouveau statut ! On se sou-vient en effet que Nicolas Sarkozy a pris le tempsde recevoir Bercy et de djeuner longuement avecTom Cruise le 30 aot 2004 alors que Jacques Chiracavait refus de recevoir lacteur membre de lglisede scientologie.Le ministre de lconomie, des finances et de lin-dustrie ne pouvaitignorer la vritable nature de lglisede la scientologie. Cest une organisation manipu-latrice, uniquement proccupe par la rentabilitfinancire, qui joue sur la culpabilit des adeptespour les retenir,en sacrifiantleur vie familiale etrela-tionnelle,en leur soutirant des sommes astronomi-ques pour des prestations qui ne semblent jamaisapporter les rsultats escompts.Elle figure parmiles 173 sectes recenses ds 1996 par lAssemblenationale et la commission de lAssemble natio-nale constitue en 1999 pour enquter sur la situa-tion financire, patrimoniale et fiscale des sectesainsi que sur leurs activits conomiques et leursrelations avec les milieux conomiques et finan-ciers.Ces rapports citent la Scientologie comme lemeilleur exemple de secte ayant bti sa fortunesur la vente et linvestissement dans le monde delentreprise ! Le prsident de lUMP ne pouvait pas non plus igno-rer lengagement de Tom Cruise en tant que scien-tologue. Lacteur fait en effet preuve dun fortproslytisme et parlait ouvertement de la scien-tologie dans le texte de linterview quil a fait dis-tribuer juste avant son entrevue Bercy. Les deuxprotagonistes auraient dailleurs,selon Tom Cruise,

    parl de tout, de scientologie, de cinma, de viefamiliale .Voil qui donne du crdit lhypothsevoque lors dune mission 90 minutes de Canal +selon laquelle le premier passage au Ministrede lIntrieur de Nicolas Sarkozy aurait abouti unebaisse de la surveillance de la scientologie et lamise lcart dun policier en charge du dossier.Entout cas,et sans aller aussi loin dans la mise en causedu prsident de lUMP, il est clair que cette entre-vue a bien plus servi les intrts de lglise de la scien-tologie que ceux de la lutte contre les drivessectaires !

    La promotion des intgristesmusulmans franaisLa cration du Conseil franais du culte musulman(CFCM) est gnralement prsente comme unsuccs mettre lactif de Nicolas Sarkozy.Il auraitrussi organiser lislam de France l o tant deministres en charge des cultes auraient choudepuis 20 ans. Mais cela est inexact. La politiqueconduite par Nicolas Sarkozy est en ralit un chectotal.Tout dabord,le fonctionnement du CFCM est tota-lement chaotique. Certes des lections ont torganises les 6 et 13 avril 2003 puis le 19 juin 2005mais les trois grandes tendances qui le composent lUOIF, la FNMF et la grande mosque de Paris -ne sontjamais parvenues travailler ensemble.Ellesnont pas mme pu se mettre daccord sur la datedu ramadan en 2004 et aucune de ses commissionsde travail ne fonctionne.Le CFCM nest plus quunecoordination fantoche.Ensuite,Nicolas Sarkozy a intronis lUOIF - une orga-nisation musulmane intgriste et minoritaire -comme reprsentant officiel de lIslam de France.Comment en est-on arriv un pareil gchis ? Parlambition dmesure dun homme,Nicolas Sarkozy,qui, trop press dengranger les succs, a commistrois graves erreurs danalyse.

    Premire erreur danalyse : lUOIF seraitreprsentative des musulmans de FranceAux yeux de Nicolas Sarkozy,la lgitimit de lUOIFtient sa reprsentativit : LUOIF reprsente une

  • Nicolas Sarkozy ou lapologiste du modle communautariste religieux

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    partie de la jeunesse musulmane franaise ;que celaplaise ou non, cest une ralit. Compte tenu decette ralit, qui aurait pu comprendre que lUOIFne soit pas membre du CFCM ? (19). Mais quen est-il vraiment ? Selon Fiammetta Venner, chercheuseau CNRS, qui enqute depuis 15 ans sur les mouve-ments intgristes,cette prtendue reprsentativitest le rsultat dune mystification.LUOIF comptaitquelques centaines de membres dans les annes80 et son premier congrs au Bourget,en 1992,affi-che peine 2 000 participants.Un an plus tard,unedpche de lAFP titre soudainement : 30 000 per-sonnes attendues au congrs de lUOIF au Bourget .Ce chiffre ne repose sur rien mais il lgitime lUOIF.En 2002, lorganisation revendique 70 000 visi-teurs mais les sources de police cites par lAFP par-lent de 8 000 visiteurs. En 2003, Nicolas Sarkozysy prcipite et intronise ce congrs aux yeux de laNation entire comme lun des grands rendez-vousde lanne.

    En fait,lUOIF ne doit pas son intronisation en qua-lit de reprsentant officiel de lIslam en France sa prtendue reprsentativit mais lempresse-ment de Nicolas Sarkozy daboutir un accord entreles musulmans.Car,pour lhomme press de lUMP,la fin justifie les moyens !

    la fin de lanne 2002, les ngociations entre lesdiverses composantes de lIslam en France piti-nent. Nicolas Sarkozy dcide alors de vendre lefutur conseil franais du culte musulman (CFCM)aux plus radicaux :le 8 dcembre,il se rend lUOIFetconclutun pacte avec son secrtaire gnral,FouadAllaoui : lUOIF accepte la cration du CFCM etobtienten contrepartie la certitude de disposer,avecla Fdration nationale des musulmans de France,lautre branche de lIslam radical en France,de 80%des lus dans la future instance. Laccord est ent-rin : 80 % de lislam de France est vendu aux radi-caux. La procdure est simple : le CFCM ne sera paslu par les centaines de milliers de musulmanspratiquants mais par les dlgus de 1376 mosquesdont le nombre varie non en fonction de la frquen-tation des mosques mais de leur surface.Le rsul-

    tat est sans appel : les nombreux hangars aux troisquarts vides de lUOIF lui permettent de se mesu-rer au seul difice de grande taille dfendant un islamlibral, la mosque de Paris (20).Lislam libral est sacrifi sur lautel des ambitionsde Nicolas Sarkozy.Pour Kamel Katbane, le recteurde la mosque de Lyon, nous avons t sacrifispour permettre M.Sarkozy daller vite (21).Les ngo-ciations sont organises sans dlai, les 19 et 20dcembre 2002, Nainville-les-Roches dans unchteau appartenant au ministre de lintrieur.Le 11 fvrier 2003,Madame Btoule Fekkar-Lambiottedonne sa dmission pour protester contre la placedonne lUOIF. Elle naccepte pas que le ministreparle de lunion issue des frres musulmans commedune organisation dfendant un islam simple-ment orthodoxe. Le mufti de Marseille, SoheibBencheik, dclare le 26 avril 2003, tout le mondeest reprsent au CFCM, sauf lessentiel, lislam deFrance, qui a cru lintgration, la scularisationde la socit et la privatisation de la foi .LUOIF reprsente au mieux 40 000 sympathisantssur 3,5 millions de Franais possiblement musul-mans .Grce Nicolas Sarkozy,elle a acquis un sta-tut dsormais incontournable auprs desmusulmans(22) de France.

    Deuxime erreur danalyse : lUOIF seraitseulement fondamentaliste mais pas intgristeLUOIF estassurmentune organisation fondamen-taliste mais est-elle intgriste ? Le fondamenta-lisme consiste vivre conformmentaux fondementsde lislam,il correspond une dmarche personnellequi peut mais pas toujours tre conforme auxlois de la Rpublique.linverse,lintgrisme est unprojet politique qui refuse la sparation de lgliseetde ltatetplace au-dessus des lois de la Rpubliquecelles du droit divin.Nicolas Sarkozy sest forg son jugement : les diri-geants de lUOIF ont toujours tenu un discours res-pectueux de la Rpublique et (qu) ils ne sereconnaissent pas dans limage radicale quon leurprte. Jai choisi de les croire (23). Il ny a pas plusaveugle que celui qui ne veut pas voir ! Car toutdmontre linverse.

  • Linquitante rupture tranquille de Monsieur Sarkozy

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    Le fondateur de lUOIF tout dabord.Abdallah Ben Mansour na pu tre naturalis fran-ais et le rejetdes autorits franaises a t confirmpar le Conseil dtat au motif que M.Ben Mansourtait en 1995 lun des principaux dirigeants dunefdration laquelle taient affilis plusieurs mou-vements extrmistes prnantle rejetdes valeurs essen-tielles de la socit franaise (24). Quatre ans plustard, en 2003, il accueillera en personne le minis-tre de lintrieur au congrs de lUOIF.

    Les thoriciens de lUOIF ensuite.LUOIF se rattache lcole de pense des frres musul-mans fonde en gypte par Hassan al-Banna.Celui-ci avait pour objectif non de moderniser lislam maisdinstaurer un rgime fond sur un islam fonda-mentaliste et intgriste,un islam totalitaire,miroir,dans les annes 30, des totalitarismes occiden-taux.Dans lune de ces brochures,critres pour uneorganisation musulmane,lUOIF cite en modle lesthoriciens islamistes les plus radicaux :Ibn Taymiyyaqui est le penseur mdival auquel se rfrent tousles intgristes prnant le djihad contre les chr-tiens ;Mahamed Ibn Abdelwahab qui est le fonda-teur du wahabisme ; Sayyid Quotb qui sert derfrence tous ceux qui prvoient de recourir laviolence contre les gouvernements en place.

    Les propos tenus par les leaders de lUOIF.Au congrs du Bourget en 2002, Ahmed Jaballahsest laiss aller crier le Coran est notre consti-tution .Pour le prdicateur vedette de lUOIF,HassanIquioussen, le voisin musulman a sans doute plusde droits que le voisin non musulman (25). Dansune cassette audio intitule la Palestine,histoiredune injustice , il se rpand en propos antijuifsdurant plus dune heure : Les sionistes ont tde connivence avec Hitler. Il fallait pousser les juifsdAllemagne, de France quitter lEurope pourla Palestine. Pour les obliger, il fallait leur faire dumal . Heureusement, le Hamas, avec sa bran-che arme, fait du bon boulot . Lun des thori-ciens de lUOIF,Hani Ramadan,justifie,la lapidationcomme une punition mais aussi une forme de puri-fication et le sida comme un chtiment divin(26).

    Les publications de lUOIF enfin.En 2003, alors que lUOIF reoit le ministre de lin-trieur son congrs,deux prospectus rdigs parHani Ramadan sont loquents. Dans le sens lasoumission , on y lit quun bon musulman doit sesoumettre aux lois de Dieu et non celle des hom-mes.Le deuxime prospectus intitul islam etdmo-cratie insiste sur lincompatibilit entre lislametla dmocratie laque : lislam comprend une notionqui est trangre la dmocratie moderne : lobis-sance de tous les citoyens musulmans va dabord la loi divine.Cest elle,la charia,qui constitue la rf-rence normative de lensemble de la communaut .Ces documents figurent aux cts de lirremplaa-ble best-seller du Bourget :les protocoles des sagesde Sion ou les mythes fondateurs de la politiqueisralienne, un faux imaginant un complot juifmondial.Voil le vrai visage de lUOIF que Nicolas Sarkozy aprfr occulter. Dominique de Villepin qui fut untemps son successeur place Beauvau,ne sy est pastromp :il a refus de se rendre en 2004 au congrsdu Bourget.

    Troisime erreur danalyse :lUOIF se modrerait au sein du CFCMCest lultime argument du prsident de lUMP : Je suis [] convaincu que lorsquun radical est int-gr dans une structure officielle, il perd de sa radi-calit car il devient partie prenante du dialogue (27).Mais cet argument, apparemment frapp au coindu bon sens, ne rsiste pas lanalyse.Et Nicolas Sarkozy le savait car une tentative simi-laire avait dj chou au milieu des annes 90.Enavril 1993, Dalil Boubakeur, le nouveau recteur dela mosque de Paris, avait en effet cr une coor-dination nationale des musulmans de France aveclUOIF, la FMMF et lAEIF. Cela navait pas empchlUOIF dadopter en 1994,dans la deuxime affairedu voile islamique, la mme attitude quen 1989 !LUOIF ne change pas et la troisime crise du voileen 2003 et 2004 le montre encore.

    Selon Fiametta Venner, la mobilisation islamistetendant prsenter la lacit comme une violation

  • Introduction

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    de libert na jamais t aussi forte (28). Lyon,NadjetBen Addallah, contrleur du travail des transportsde la ville, est condamne par le conseil de disci-pline de la fonction publique territoriale un ande suspension sans salaire parce quelle porte le voile.Lassociation qui paie son avocat reoit une subven-tion de lUOIF. Auchan, une caissire syndiquerefuse dter son voile. Elle milite lUOIF.

    Le 1er juin 2004,lUOIF publie une lettre aux musul-mans de France concernant lapplication la ren-tre scolaire de septembre 2004 de la loi du 15 mars2004 relative linterdiction des signes religieuxdans les tablissements scolaires: nous leur recom-mandons de se prsenter dans les tablissements dansles tenues quelles auront choisi de porter . Si leurstenues devaient poser problme ,lUOIF assure cesjeunes filles du soutien de ses associations loca-les.Le 29 juin,lorganisation promet aux jeunes fil-les une assistance juridique et lorganisation de soutien scolaire en cas dexclusion. Le disposi-tif de rsistance la loi est en place.Le numro vertmis en service pendant lt (puis interrompu lan-nonce de lenlvement le 20 aot 2004 de deux jour-nalistes franais, Christian Chesnot et GeorgesMalbrunot en Irak) est rinstall.

    Ni le CFCM,ni mme la crise des otages nont per-mis de modrer lUOIF. Et cest mme le contrairequi se produit : le CFCM devient une agence delobbying au profit de lintgrisme musulman.Avec parfois lappui explicite de Nicolas Sarkozy! Ainsi, le 17 juillet 2003,alors que le CFCM est pres-que prt dmarrer, le ministre de lintrieurinsiste pour que la commission audiovisuelle soitaccorde lUOIF et plus prcisment FaridAbdelkrim. Boubakeur est oblig de menacer dediffuser des extraits de son livre maudite soitla France pour que cette ide soit abandonneet que la mosque de Paris conserve lmissiondu dimanche.Nicolas Sarkozy offre un cadeau deconsolation lUOIF en lui confiant la responsa-bilit de laumnerie dans les prisons,cest--direla mainmise sur le proslytisme dans le milieucarcral !

    Nicolas Sarkozy se revendique comme lami exigeantdes musulmans,il esten faitdevenu lavocatde lUOIF.

    La rupture avec le modle franais rpublicainEn demandant la rvision de la loi de 1905, en pr-nant la discrimination positive, Nicolas Sarkozyveut en fait rompre avec le modle rpublicainfranais. Il veut tre lhomme politique le plus enprise avec la France de nos jours, celui qui la com-prend le mieux et donc celui qui sait le mieuxlcouter, lui parler et agir pour elle : En vrit, etcest bien l tout le problme, la France est deve-nue multiculturelle, multi-ethnique, multi-reli-gieuse...Et on ne le lui dit pas crit le ministre dansson livre dentretien La Rpublique, les religions,lesprance .

    Il croit le modle rpublicain en faillite et le phno-mne communautaire invitable.Etse prsente alorscomme le reprsentantdu volontarisme en politique.Il nest en fait que celui de la rsignation. Sa ruptureest un abandon !

    Quand Nicolas Sarkozy regrette labsence de prfet musulman et dit vouloir nommer unmusulman ,M.Aissa Dermouche,prfet du Jura,il se mprend sur ce quest un prfet : un hautfonctionnaire dont les croyances religieuses nesauraient tre un critre de promotion. Nommerdes prfets parce quils sont musulmans, juifs,bouddhistes ou athes,cest adapter la Rpubliqueau fait religieux et transformer la sphre publi-que en une juxtaposition de communauts reli-gieuses. Ce nest nullement faire preuve devolontarisme !

    Prner,comme il le fait, le dveloppement des dis-criminations positives en faveur des minorits visi-bles, cest abandonner les principes de notreRpublique et compter les habitants de notreRpublique par race ou ethnie. Ce que la Francena fait quaux pires moments de son histoire,ceux de lesclavage,de la colonisation ou du rgimede Vichy.

  • Linquitante rupture tranquille de Monsieur Sarkozy

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    Quand,sous linfluence de cette pense aujourdhuireprise par Nicolas Sarkozy,les diverses communau-ts composant la France cessent de se penser fran-aises, les juifs se mobilisent pour les juifs, lesArabes pour les Arabes et les noirs pour les noirs.Quand la peste communautariste se propage,le Front national prospre ! Car celui-ci nest que lavariante gauloise de cette maladie qui attaquele corps de notre Rpublique.

    Aujourdhui, plus que jamais, i l est tempsnon de rompre avec notre modle rpublicainmais den restaurer l eff icacit . On ne luireproche pas ses principes mais son incons-quence. La Rpubl ique doit conser ver sesprincipes mais surtout les appliquer. Cestce quoi i l faut dsormais satteler. Et nonpas la diffusion des tentations communau-taires !

    (1) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, page 47, Cerf.(2) Sondage CSA La Croix, dcembre 2004.(3) Sylvain Brouard, Vincent Tiberj, Franais comme les autres ? Enqute sur

    les citoyens dorigine maghrbine, africaine et turque, Presses de Sciences Po,Paris, dcembre 2005.

    (4) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, Cerf.(5) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, page 18, Cerf.(6) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, page 35, Cerf.(7) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, page 47, Cerf.(8) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, page 47, Cerf.(9) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, page 130, Cerf.(13) Mission interministrielle de vigilance et de lutte contre les drives sectaires,

    Rapport 2004.(10) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, pages 54 et 55, Cerf.(11) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, page 130, Cerf.(12) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, page 163, Cerf.(14) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, page 122, Cerf.(15) Aristide Briand, dbats du 10 avril 1905, cit par J. M. Mayeur, La sparation de

    lglise et de ltat, Julliard, 1996, page 65.(16) Aristide Briand, dbats du 10 avril 1905, cit par J. M. Mayeur, La sparation

    de lglise et de ltat, Julliard, 1996, page 82.

    (17) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, page 87, Cerf.(18) Le nouvel observateur, 9 juillet 2005.(19) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, page 83, Cerf.(20) Fiammetta Venner, OPA sur lislam de France, Calmann-Levy.(21) AFP, 10 dcembre 2002.(22) On ne connat pas en fait prcisment le nombre de musulmans en France.

    Nicolas Sarkozy parle souvent de 5 millions de musulmans. Fiammetta Vennervoque le chiffre de 3,5 millions. Selon lenqute CSA La Croix, on compteraiten France 2 millions de musulmans de plus de 18 ans.

    (23) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, page 83, Cerf.(24) Extrait de la dcision du Conseil dtat du 7 juin 1999, numro 178 449,

    Ben Mansour.(25) Hassan Iquioussen, Le voisinage, 20 juillet 2000, oumma.com, tir

    de sa confrence du 11 juin 2000 lUOIF.(26) Hani Ramadan, Le Monde, 10 septembre 2002.(27) Nicolas Sarkozy, La Rpublique, les religions, lesprance, page 84, Cerf.(28) Fiametta Venner, OPA sur lislam de France, Calmann-Levy.

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    En 1997, le gouvernement de Lionel Jospin avaitlanc, lors du colloque de Villepinte, une politi-que nouvelle de scurit fonde sur une appro-che globale de la dlinquance et sur le triptyqueprvention rpression rparation. Elle s'ac-compagnait d'une dmarche de proximit, enrupture avec la conception traditionnelle du main-tien de l'ordre, et de partenariat associant lescommunes dans le cadre des contrats locaux descurit.Des budgets consquents avaient t mobi-liss pour la police et la justice. Malgr ce bilan etcet effort de refondation de la politique de scu-rit, la gauche n'a pas pu ou su ter de l'espritdes Franais le prjug selon lequel la scurit mobi-lise moins la gauche que la droite.Et pourtant,plusde quatre ans aprs le 21 avril 2002, linscuritest toujours prsente,la droite et Nicolas Sarkozyn'ont rien rgl. Sappuyant sur une conceptionmanichenne et utilitariste de la scurit,NicolasSarkozy n'a fait que multiplier les chantiers lgis-latifs afin d'entretenir l'illusion mdiatique d'unflchissement de la dlinquance.

    SA PENSE : UNE CONCEPTION MANICHENNEDE LA SCURITDs sa nomination comme ministre de lintrieur,Nicolas Sarkozy prne le tout rpressif, le tout car-cral et le tout policier.

    La scurit au dessus des liberts ou la crispation scuritaireLa dclaration des droits de l'homme et du citoyendu 26 aot 1789 range,dans son article 2,parmi lesdroits naturels et imprescriptibles de l'Homme lalibert,la proprit,la sret,et la rsistance l'op-pression . Elle place ainsi la sret, cest--dire lascurit des biens et des personnes,au mme rangque la libert. Il y a alors deux manires darticulerla scurit et la libert.Dans une premire acception, lune et lautre serenforcent. Cest celle de la gauche(29) et dunepartie de la droite, sa frange librale au sens poli-tique. Il n'y a pas de libert sans ordre, c'est--diresans norme,sans coutume et sans loi.Comme l'in-diquait Lionel Jospin dans son dernier ouvrage Le monde comme je le vois , l'ordre est consubs-tantiel la libert et la Rpublique, soucieuse del'intrt gnral,s'attache concilier l'ordre publicet la libert du citoyen.La scurit,garantie des liber-ts, est un droit fondamental de la personnehumaine . Si la scurit est un droit, l'inscuritest alors une ingalit sociale de plus. Car l'ins-curit frappe en premier lieu les plus dmunis.Toutdabord parce quils rsident dans les zones les plusexposes.Ensuite parce que plus le patrimoine estrduit, plus la prdation ou le vandalisme sontdifficiles supporter. Enfin parce que les vols, lespetites agressions et les incivilits fabriquent,au-

    2Nicolas Sarkozy

    Ou le scuritaire dangereux et inefficaceCAROLINE LAURENT

  • Linquitante rupture tranquille de Monsieur Sarkozy

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    del des prjudices qu'ils entranent, des attein-tes la dignit et des humiliations. C'est, fort dece constat, que le gouvernement de Lionel Jospina agi de manire rsolue de 1997 2002 pourgarantir la scurit laquelle chacun a droit.Lautre acception de larticulation de la scurit etde la libert est celle de la droite autoritaire fran-aise et des conservateurs amricains. Elle opposela scurit et la libert. Lune ne peut se renforcerquau dtriment de lautre. Il faut choisir entre plusde libert etplus de scurit.Les implications concr-tes de cette conception sontfaciles percevoir :cestla relgation au second plan des liberts fonda-mentales comme la libert dexpression, la libertdassociation ou encore le droit un procs quita-ble.Rien ne soppose alors leur restriction au nomde limpratif de la scurit intrieure On sait quels abus a conduit,outre-Atlantique,cetteconception de la scurit ! la suite des attentatsdu 11 septembre qui exigeaient bien videmmentde la part des Etats-Unis et de leurs allis une actionferme et rsolue, Georges W. Bush a tourn le dosaux principes essentiels de nos dmocraties.Ladoption du Patriot Act,le 26 octobre 2001,consti-tue un revirementspectaculaire par rapportaux rglestraditionnelles de procdure judiciaire, et notam-ment par rapport au respect de l'habeas corpus ; ladcision du Prsident Bush de soustraire les prison-niers d'Afghanistan la justice amricaine, de lesretenir et de les faire juger par des tribunaux mili-taires Guantanamo ;les tortures infliges par dessoldats amricains aux prisonniers irakiens dte-nus Abou Ghraib ou encore les vols affrts par laCIA pour des restitutions extraordinaires, c'est--dire lenvoi de suspects vers des pays tiers afin quilsy soient interrogs, le cas chant sous la torture.Veillons ce que la France nemprunte pas la mmepente sous la houlette de Nicolas Sarkozy. Il enprend le chemin en prnant le tout rpressif,le toutcarcral et le tout policier.

    Le tout rpressif ou la prvention abandonneL'opposition entre prvention et rpression estaujourd'hui dpasse.Lefficacit impose d'tre dur

    avec le crime et dur avec les causes du crime selonla clbre formule de Tony Blair. Mieux prvenir,mieux punir, mieux rparer, tels doivent tre lestrois axes d'une politique efficace de lutte contrela dlinquance.La droite n'a toutefois jamais accept cette analyse.Tout dabord parce quelle pense encore que le dis-cours sur les responsabilits collectives attnue lesresponsabilits individuelles. Or il nen est rien. Lagauche le sait, les atteintes aux biens et aux per-sonnes ne sont pas la manifestation de rvoltessociales, elles ne sont que des crimes et dlits. Larflexion et le travail sur les causes sociales de ladlinquance nontjamais signifi limpunit des res-ponsables ! Ensuite et plus fondamentalement parce que ladroite ne cherche pas vraiment sattaquer aux cau-ses profondes de la dlinquance ; elle sait que ledsordre est le meilleur servit