les media sociaux, la marque et le consommateur

86
Executive Master Communication Promotion 2012/2013 Ollivier Pascal Paris, le 21 septembre 2014 Mémoire professionnel Les media sociaux, la marque et le consommateur Document de travail

Upload: pascal-ollivier

Post on 21-Aug-2015

455 views

Category:

Social Media


0 download

TRANSCRIPT

Executive Master Communication

Promotion 2012/2013

Ollivier Pascal

Paris, le 21 septembre 2014

Mémoire professionnel

Les media sociaux, la marque et le consommateur

[Les media sociaux peuvent-ils reconnecter les marques et les consommateurs ?]

Document de travail

SommaireRemerciements

Sommaire

Remerciements................................................................................................................................................. 4

Introduction...................................................................................................................................................... 5

1 Le divorce : de la société de consommation à la « société de contestation ».....................................7

1.1 Communication de masse en question...................................................................................................................7

1.1.1 Théories des communications de masse ou l’efficacité en question........................................7

1.1.2 L’ère de l’individu ou la disparition du concept de cible..........................................................12

1.1.3 De Palo Alto à Palo Alto :.......................................................................................................15

1.2 Remise en question du pouvoir incontesté des marques et de leur position........................................................16

1.2.1 De l’émetteur au récepteur : une révolution des media..........................................................17

1.2.2 L’ère de l’émotionnel et de l’individu Roi................................................................................18

1.2.3 Risque d’opinion accru...........................................................................................................20

Cas British Airways : le temps réel est clef !......................................................................................20

Cas Kit Kat : l’émotion au service d’une cause !................................................................................21

Cas Gap : L’interactivité positive........................................................................................................22

Cas Numéricâble : le buzz à rebond !................................................................................................22

1.3 Le Divorce est réel................................................................................................................................................23

1.3.1 2/3 des marques ne sont pas « Meanningful » pour les consommateurs...............................24

1.3.2 Déconnexion entre les marques et consommateurs...............................................................26

2 Repenser la communication : des codes de communication à revoir pour épouser les nouveaux comportements et recréer du lien social...........................................................................................................28

2.1 L’utilisation des réseaux sociaux est une préoccupation majeure pour les responsables de la communication…mais pour quoi faire ?................................................................................................................28

2.1.1 Le social media : un outil de communication clef mais encore mal maitrisé...........................29

2.1.2 Des études divergentes sur les rôles des réseaux sociaux et la mesure du ROI...................31

2.1.3 Agent-Based-Modeling : vers une nouvelle approche de mesure de l’efficacité appropriée au Social Media....................................................................................................34

2.2 Face aux divorces des marques et des consommateurs, quelles solutions ? Des tentatives pour recréer du lien.......................................................................................................................................................37

2.2.1 Le système publicitaire classique ne fonctionne pas sur les media sociaux...........................37

2.2.2 Comment les marques doivent utiliser les medias sociaux pour recréer les liens de confiance avec les consommateurs : les communautés de marques.....................................38

2.2.3 Etre a l’écoute des consommateurs est clef pour les marques...............................................42

2.3 La solution : le « Marketing réciproque », le donnant-donnant.............................................................................44

2.3.1 Le client doit être au centre des préoccupations des marques, encore plus sur les réseaux sociaux...................................................................................................................... 45

2.3.2 Quelques règles de base pour reconstruire une vraie relation marques-consommateurs...................................................................................................................... 47

3 De la communication 2.0 à l’entreprise 2.0........................................................................................................50

3.1 Consumer-centric : l’utilisation du big data...........................................................................................................50

3.1.1 « Chief Executive Customer », la data permet de remettre le consommateur au centre des décisions de l’entreprise..................................................................................................50

3.1.2 Le social data, une nouvelle révolution...................................................................................53

3.2 « Social Business» une nouvelle approche de l’entreprise...................................................................................54

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 2/65

SommaireRemerciements

3.2.1 Prise en compte des retours client : co-design, co-creation…et personnalisation des produits de masse.................................................................................................................. 54

3.2.2 Le social-working, une nouvelle forme de management des entreprises...............................57

3.3 Revoir les organisations : le social est l’affaire de tous........................................................................................58

3.3.1 Une autre façon de faire du management et d’innover en entreprise.....................................58

3.3.2 Fédérer les clients et les salariés autour de l’entreprise et ses marques...............................61

3.3.3 Best Buy l’entreprise « Social » absolue................................................................................62

Conclusion...................................................................................................................................................... 64

Bibliographie.................................................................................................................................................. 65

Table des illustrations................................................................................................................................... 67

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 3/65

Remerciements

A ma mère, qui m’a permis d’avoir, sur les choses, un autre regard que celui du commun des mortels.

A ma femme, qui m’accompagne, me soutient et me supporte depuis 30 ans.

A ma fille, ma « petite poucette », qui a sur son Smartphone 11 applications sociales, qu’elle utilise quotidiennement et qui confirme l’analyse de Michel Serres.

A mes fils, qui par leur curiosité m’ont permis de ne pas être totalement décalé face à la révolution digitale et sociale.

Et bien évidement à la Formation Continue Sciences PO et Havas sans qui ce mémoire n’aurait jamais vu le jour.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 4/65

Introduction

Tout le monde est d’accord pour dire que le « divorce » entre marques et consommateurs n’a jamais été aussi grand et que celui-ci s’est accéléré avec l’arrivée d’Internet et encore plus fortement avec les medias sociaux, qui ont redonné le « pouvoir au peuple ». Il y a une méfiance qui s’est accentuée depuis que la relation n’est plus seulement verticale (Top/Down) , les media sociaux ont permis une relation horizontale entre les internautes qui communiquent entre eux, comparent, critiquent, commentent et se font leur propre idée des marques, de la qualité de leurs produits et de leurs services. On peut faire aussi l’analogie avec le divorce entre les politiques et les citoyens qui n’ont plus confiance et qui s’informent, comparent, vérifient les messages des émetteurs (fact-checking).

Comme dit Dominique Wolton il y a décalage entre l’émetteur et le récepteur : « Informer n’est pas communiquer. L’information, c’est le message, la communication la relation. C’est-à-dire la question du récepteur et la découverte que l’autre n’est pas en ligne avec l’émetteur » (Wolton,2012). Ce décalage s’est accéléré avec l’arrivée d’Internet et l’augmentation de la quantité d’informations. La question à laquelle je vais tenter de répondre est : comment reconnecter l’émetteur et le récepteur, les marques et les consommateurs ? Je n’étudierai pas ici le sujet des politiques et des citoyens qui est un sujet à part entière.

Je parle bien de media sociaux (comme le définit Fred Cavazza1) dans leur globalité et non pas seulement de réseaux sociaux. Les réseaux sociaux ne sont qu’un des éléments qui composent les medias sociaux dans leur ensemble. Définition : “Les médias sociaux désignent un ensemble de services permettant de développer des conversations et des interactions sociales sur internet ou en situation de mobilité”

L’utilisation de ces nouveaux moyens de communication peut permettre de redéfinir le « contrat social » à condition de respecter certaines règles fondamentales qui s’appuient sur un principe, le Marketing Réciproque, et une valeur, la sincérité. En effet les marques doivent jouer sur ce registre si elles veulent retrouver le lien de confiance avec les consommateurs.

Mais cela pose une question fondamentale : lorsque les marques disent qu’elles sont « consumer centric », sont-elles sincères ou bien est-ce un artifice de la fonction marketing et communication ? Elles disent qu’elles le sont, mais en réalité c’est ce qu’on appelle du « social washing ». Seule une minorité d’entre elles ont réellement intégré ces notions et on construit leur communication autour de ces principes.

Les medias sociaux peuvent les y aider à condition d’accepter l’idée que le récepteur est intelligent et qu’il faut respecter ce qu’il est en tant qu’individu. Comme dit Bernard Cathelat(Cathelat, 2013): «la marque doit donner le sentiment au client qu’il est unique, qu’il fait partie du «premier cercle» de leur clients».

Sur Internet, on ne peut plus tricher ou mentir. La connaissance est globale, « tout le monde sait que les autres savent » comme dit Serge Soudoplatoff. (Soudoplatof, 2012)

Nous allons aborder ces questions en trois parties. Tout d’abord nous étudierons les origines de ce divorce et comment depuis 50 ans nous sommes passés d’une société de consommation à une société de contestation, passage facilité par la montée des novelles technologies. Ensuite

1 http://www.mediassociaux.fr/2012/02/20/panorama-des-medias-sociaux-2012/

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 5/65

nous aborderons la nécessité de repenser la communication dans ce nouveau contexte. Enfin, nous montrerons en quoi la montée du social impose aux entreprises de repenser leurs organisations. Au travers de ces trois parties, nous allons tenter de démontrer en quoi les media sociaux peuvent être une opportunité pour les marques et les entreprises à condition de changer fondamentalement leur façon de penser la relation aux consommateurs.

Figure 1 : la communication "sociale"

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 6/65

1 Le divorce : de la société de consommation à la « société de contestation »

« La théorie de l’information stipiule que, derrière des messages atténués et partiels, la fraicheur de la source peut, à certaines conditions, demeurer accessible : les données

fragmentaires de Facebook, si elles n’encodaient pas les vies humaines en totalité, constituaient encore des marqueurs d’individualité assez puissants pour qu’il n’existe,

derrière chaque suite de 0 et de 1 émise, qu’un seul être accessible »

(Bellanger, 2012)

L’apogée de la société de consommation a été les années 1960, où ce nouveau mode de vie s’est développé jusque dans les années 1980. La publicité et la communication ont accompagné cette tendance lourde créant les conditions de réussite de celle-ci. Depuis, la crise a remis en question ce modèle de la consommation de masse, la méfiance, voire la défiance, vis-à-vis des marques s’est accrue. L’apprentissage et « l’apprentissage de l’apprentissage » comme disait Gregory Bateson (Mattelart, 2009) ont fonctionné à plein et aujourd’hui la communication entre les marques et les consommateurs s’est fortement complexifiée. Les consommateurs ont appris à décrypter les messages que les marques leur envoyaient et sont passés à un mode critique. Ils ne sont plus dupes. Ils ont les moyens, avec les media sociaux, de comparer, commenter, critiquer et partager avec leurs « amis ». La question est donc de savoir comment les marques doivent elles prendre en compte cette nouvelle donne.

1.1 Communication de masse en question

L’histoire de la communication depuis 60 ans n’a cessé de passer de théories technicistes aux théories humanistes. Les chercheurs en sciences « dures » ont été les premiers à théoriser la communication en essayant de traduire en équations mathématiques, la relation entre le récepteur et l’émetteur, de façon quantitative : c’est la communication dite du « télégraphe ». En parallèle, les chercheurs en sciences « molles » (sociologues, psychologues, anthropologues…) ont apporté une composante humaine et qualitative pour tenter de comprendre la complexité de cette relation.

1.1.1 Théories des communications de masse ou l’efficacité en question

Les théories de la communication de masse héritées des théories mathématiques de Shannon et Lasswell ont imposé un mode de communication linéaire, mécaniste et unidimensionnel, qui partait du principe qu’un message répété de façon systématique à une cible produisait des effets en termes de ventes. Ces théories considéraient les cibles visées comme des groupes aux comportements identiques, qu’il suffisait d’identifier, d’analyser, pour savoir quels étaient leurs attitudes et leurs comportements. Ces théories, simplistes ne tenaient compte finalement que de l’émetteur et assez peu du récepteur ou du contexte socio-psycho-économique dans lequel il était et qui pouvait influer sur la réception et l’interprétation du message.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 7/65

« Ce modèle mécanique, qui ne s’intéresse qu’au tuyau, renvoie à un concept behavioriste (stimuli-réponse) de la société, parfaitement cohérent avec celui de progrès infini se diffusant du pôle central vers les périphéries. Le récepteur est voué, en quelque sorte, au statut de clone de l’émetteur. La construction du sens ne figure pas au programme de l’ingénieur. La notion de communication est coupée de celle de culture » (Mattelart, 2009)

Plusieurs écoles ont tenté de démontrer que finalement les choses étaient plus complexes. Que se soit l’école de Francfort d’obédience Marxiste, de Palo Alto inspirée par la psychanalyse et la philosophie orientale, Mac Luhan qui donnait au media (support) un rôle dans la réception du message… (McLuhan, 1970) et bien d’autres sur lesquelles je ne reviendrais pas en détail. Mais elles ont ponctué les recherches sur la communication depuis ½ siècle et préfigurent l’ère de l’individu roi dans laquelle nous nous trouvons plongé, avec la montée du digital, du social et des smartphones.

Globalement, durant cette période, ce sont les théories mécanistes qui ont dominé et façonné le monde la communication.

Les lessiviers comme Procter, Unilever ont définit depuis le début du siècle les grands principes de la communication grand public pour vendre leurs produits. Ils ont mis en place des systèmes de communication basés sur les caractéristiques des produits appelés FMCG2, dont l’objectif était de vendre aux consommateurs des produits de première nécessité sur un rythme et une base hebdomadaire. Pour cela, ils se sont appuyés sur les théories de la communication de masse élaborées dans les années 1940 (Mattelart, 2009).

Théories basées sur le principe d’un message envoyé (stimuli) de façon répétitive à une cible pour obtenir une réaction systématique d’achat du produit. Ces systèmes ont montré leur efficacité grâce aux études américaines de JP. Jones (Jones J. P., (1995)) aux Etats Unis dans les années 1990, qui mettent en relation la part de voix et la part de marché des marques et montrent une corrélation assez forte entre les deux. (cf. graphique ci-dessous)

Ces études ont été menées aux Etats Unis, dans les années 90, par John Philip Jones (Jones J.P., 1990) et démontrent que l’effet d’un investissement publicitaire s’effectue, certes sur le court terme, mais aussi sur le long terme « Long term effect » : grâce à un soutien de la part de voix sur plusieurs années, on note un maintien voire une progression de la part de marché.

2 Fast Move Consumer Good

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 8/65

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 1213 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 2526 27 28 29 30 3102468

1012141618202224262830

SOV/SOM CURVE

SOM

SOV

Figure 2 : Courbe de JP Jones Share Of Voice/Share Of Market – 1990

Ces théories ont aussi permis de montrer la relation entre l’exposition à la publicité et la réaction sur les ventes. Elles ont mis en évidence deux types de courbes : les courbes en S et les courbes convexes.

La théorie de la courbe de réponse en S est instaurée comme règle d'or par Colin Mc Donald(Donald, 1971) dans les années 1970, et a permis de montrer que 3 contacts au moins sont necessaires pour obtenir un effet sur les ventes, mais qu’au-delà de 7-8 contacts, il y a saturation et un effet decroissant sur les ventes (cf graphique ci-dessous). Ceci milite pour une concentration des investissments publicitaire. Cette théorie a été renforcée par la théorie pshychologique de l’apprentissage de H.E. Krugman qui dit, en résumé, que trois contacts suffisent : 1er contact, je découvre ; 2ème contact, je comprends ; 3ème contact, j’achète ou je me détourne définitivement de la marque ou du produit. (Krugman., (1972)).

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 9/65

Figure 3 : Courbes de réponses

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 10/65

D’un autre coté les théoriciens de la courbe convexe, dont J.P. Jones en 19953 et C. Mc Donalds, sont revenu sur leurs propres conclusions des années 70, en disant : « il n’y a pas de règle universelle » (McDonald, 1995). Ils ont démontré que la publicité fonctionne a court terme (JonesJ. P., (1995)) des le premier contact et que ce dernier est le plus efficace. Ceci milite plutôt pour un étalement des campagnes publicitaire TV. C’est la théorie appelée Recency Planning qui part de l’hypothèse que pour déclencher un acte d’achat à court terme, chaque semaine, il faut que le contact publicitaire soit le plus récent.

Ces théories s’appliquent principalement à la télévision et partent du principe que la communication publicitaire est avant tout réactive et se base sur la théorie des grands nombres, que les media de masse ont permis de déployer. Même si tout le monde ne réagit pas de la même façon, en moyenne le résultat sera positif et l’efficacité publicitaire

(Naples, January 11, 1979) sera prouvée à condition qu’une majorité de la cible réagisse positivement aux stimuli.

On voit donc bien que beaucoup d’études fondamentales ont montré l’efficacité de la publicité dans les media de masse que sont la télévision, la radio, la presse et l’affichage. Ces théories qui datent des années 1970, puis remisent à jour dans les années 1990, ont été fortement questionnées à la fin des années 90 avec l’arrivée d’Internet. La montée des réseaux sociaux et du mobile, au milieu des années 2000, ont réintroduit la notion d’individu et de la complexité.

Le Purchase Funnel4 ou Consumer Journey est fondamentalement remis en question. Hier, c’était simple. Le Purchase Funnel était décomposé en cinq étapes linéaires: notoriété, considération, préférence, action et fidélité, entre le message envoyé par les marques et l’acte d’achat du consommateur. A chaque étape correspondait des actions et des leviers de communication qui permettaient de répondre aux objectifs associés. Les professionnels de la communication étaient capables de garantir une certaine efficacité des actions menées.

On voit bien que, dans la figure n°4, le parcours de décision s’est fortement complexifié puisque ce processus de décisions d’achat n’est plus linéaire. Grâce à Internet et aux réseaux sociaux,

3 Nielsen single source- US data - + de 1000 marques étudiées4 Parcours de décision d’achat

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 11/65

les consommateurs comparent avec leurs pairs, peuvent accéder en un clic à des offres concurrentes. Ils génèrent eux même leurs propres contenus, commentaires et analyses sur leurs expériences utilisateurs (cf les comparateurs, les sites de notations type Tripadvisors…). Ils se regroupent pour créer des offres alternatives et concurrentes: www.airbnb.fr sur la location de vacances chez l’habitant, www.laruchequiditoui.fr sur la consommation de produits alimentaires venant directement du producteur, des sites de partage, de dons, d’échanges, de troc, de covoiturage , de crowdfunding… qui viennent concurrencer les offres des entreprises traditionnelles: distributeurs, banques, tour-opérateurs, groupes hôteliers…C’est un phénomène qui prend de l’ampleur et que les marques ne doivent pas négliger.

Toute cette transformation du monde de la communication « nous conduit à une question cruciale à laquelle se sont heurtées beaucoup de sciences : comment pouvons-nous dire que l’information a été transmise et perçue ? » comme disait Albert Scheffen dans Système de la Communication Humaine (Winkin, 1981, 156). Plus largement les marques arrivent-t-elles encore à se faire entendre ? Les messages publicitaires traditionnels, qui s’adressent à des cibles de masse, ont-ils encore un impact sur les consommateurs ?

1.1.2 L’ère de l’individu ou la disparition du concept de cible

Aujourd’hui, l’individu est le cœur du sujet et c’est bien la satisfaction des intérêts individuels qui est à la source des inventions techniques des trente dernières années. L’individualisation de la consommation est l’aboutissement de la société du même nom et de sa réussite.

En 2006, le Time titrait: «Person of the year: you. Yes you. You control the information age. Welcome in your world». Pourtant les réseaux sociaux naissaient à peine. On a bien le sens profond de ce que les marques vivent depuis prêt de dix ans. L’individu est roi, il contrôle ses choix, sa consommation media. Nous sommes passés des comportements de masse (cibles) aux comportements individuels. Dominique Wolton résume parfaitement cette problématique: «Internet et plus particulièrement les réseaux sociaux sont devenus le symbole de la liberté individuelle. Notamment par rapport aux logiques dites standardisées des media de masse.» (Wolton, 2012)

Le terme Personal Computer et plus récemment le smartphone ou la tablette en sont la forme la plus aboutie. C'est-à-dire la possibilité donné à chacun de consommer individuellement des informations, des media, de la musique…, d’avoir accès à tout type de connaissance, de pouvoir se connecter avec n’importe qui dans le monde, à tout moment sans quasiment aucune limite5. C’est une révolution totale qui remet fortement en question les théories de la communication de masse et de leur efficacité.

Avec les media de masse la notion de cible allait de paire. L’idée que des comportements homogènes d’une population pouvaient être décrits par des critères sociodémographiques était

5 En «Main–tenant» comme dit Michel Serres dans la Petite Poucette qui traduit la notion d’immédiateté et de contrôle

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 12/65

Figure 4 : Purchase Funnel is dead

parfaite pour les «marketeurs», qui ainsi pouvaient identifier les populations, qu’ils cherchaient à «toucher» de façon relativement simple.

La montée en puissance des media individuels (PC, smartphone, tablette) rend caduque ces notions et la possibilité qu’offrent les media de masse de les toucher de façon simultanée pour leur délivrer un message. La dé-linéarisation des media, la fragmentation des audiences et surtout le tracking des données (big data), ont en effet obligé les gens de marketing a repenser l’ensemble de ces théories et notamment la notion de cible. Cette remise en question des théories traditionnelles de la communication bouscule toutes les certitudes et évidences et s’avère être une véritable opportunité, à condition de modifier les habitudes de la communication publicitaire installées depuis plus de cinquante ans.

Bien évidement, les media traditionnels et la notion de cible existent toujours, mais elles ont du plomb dans l’aile et il va falloir réinventer en urgence une notion qui sera plus appropriée, que celle de cible. Le concept de Personae est une première approche.

La technique des Personae, inventée en 1999 par Alan Cooper, permet de déterminer des profils qualitatifs. La description d'une Personae inclut le nom, le prénom, le genre, l'âge, les profils de consommation dans différents secteurs, un mode de vie et bien d'autres attributs en fonction du domaine étudié. Cette description est le fruit de recherches ou d'entrevues de clients existants. Grâce à la Personae, les équipes donnent un visage humain au groupe cible, ce qui permet de répondre aux multiples questions que posent la conception, la promotion et la distribution d'un produit ou d'un service. (Wikipedia)

Nous avons la possibilité aujourd’hui, comme le dit très justement Marco Tinelly (Tinelly, 2012) dans son livre le Marketing Synchronisé, de connaitre précisément le comportement des individus sur Internet et au-delà. Grace aux cookies6, il est possible de reconstituer des cibles individu par individu, en fonction de leur comportement et d’identifier, en temps réel les sites sur lesquels cet individu est présent pour pouvoir lui adresser automatiquement une publicité. Nous n’avons plus besoin d’avoir recours à des cibles sociodémographiques, qui étaient de toute façon très imparfaites. Elles regroupaient des individus, qui en moyenne avaient des comportements identiques. Mais les moyennes sont trompeuses. C’est la garantie de l’efficacité de la publicité puisque la déperdition est quasiment nulle. On peut vraiment parler d’audience utile7 et d’efficacité publicitaire.

«On passe donc d’un modèle statistique approximatif fondé sur la données de CSP à un modèle d’échange de données réelles et mesurables» (Tinelly, 2012).

Cette efficacité ne se limite pas seulement au digital puisque qu’avec le big data8 nous avons aujourd’hui des capacités de calcul et de stockage qui ont été démultipliées. Nous pouvons donc compiler des données online et offline et en tirer des «learnings» pour optimiser les stratégies de communication. Le point clef est que nous sommes passés de la notion de la

6 Cookies : une ligne de codes déposée sur le navigateur par les sites web visités qui permet de publier des publicités ciblées. Ceux ci sont récoltés, classés, analysés, agrégés et ensuite revendus. Ils servent à identifier chaque internaute ainsi que ses habitudes de surf et de consommation.

7 L’audience utile est la partie de l’audience d’un media qui appartient à la cible visée. Si l’audience totale d’un support est de 400 000 personnes et est composée pour 75 % d’hommes et si le message publicitaire vise exclusivement les hommes, alors l’audience utile du support est de 300 000.

8 Nous reviendrons sur la question du Big Data dans la 3eme partie

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 13/65

moyenne9, sur-laquelle le marketing d’hier était basé, faute de moyens, à la notion d’individus puisque nous avons aujourd’hui à la fois des capacités de calcul démultipliées et surtout des données individuelles laissées par les internautes, les cookies. Nous allons pouvoir personnaliser la communication, ce qui la rendra plus efficace. Mc Kinsey l’a démonté dans son Livre Blanc. (MCKinsey, Avril 2013)

Il explique très clairement comment la notion de «big data» c'est-à-dire la quantité de données accumulées sur Internet par le parcours des internautes, va transformer de façon radicale le marketing, digital d’abord et dans sa globalité ensuite. La méthode permet, via l’utilisation des données de «profiling» collectées sur Internet, d’augmenter l’efficacité de la publicité de 250% en comparaison des méthodes classiques. Elle s’articule autour de quatre étapes :

1- Profil des utilisateurs: grâce aux cookies collectés au travers des tracking, il est possible de définir des profils d’utilisateurs basés sur des critères de comportements. Par exemple, ces profils reliés à des algorithmes et des analyses sémantiques vont permettre de classer un utilisateur «haut» sur le sport si ce mot revient souvent dans son historique de recherche sur Internet.

2- Lien avec le produit: grâce à l’analyse des comportements de consommation et la corrélation avec les profils d’utilisateurs, il est possible de déterminer des taux de conversion sur les ventes selon les types d’utilisateurs web et de comparer ceux qui ont été exposés à la publicité en comparaison de l’ensemble de la population et de faire des classements en fonction de ces critères.

3- Publicité sur mesure: ensuite il sera possible de délivrer la bonne publicité à la bonne personne en fonction des deux étapes précédentes et de garantir l’efficacité de cette dernière.

4- Algorithme intégré: finalement l’algorithme ainsi identifié sera intégré dans les outils d’ad serving10 et pourront servir au quotidien pour cibler automatiquement les utilisateurs web avec un taux de conversion maximum sur une catégorie de produits.

On a bien là, l’aboutissement de l’individualisation des comportements et de la possibilité qu’offre Internet de les identifier et de les tracker de façon précise. Le marketing de masse, dont était emprunt la communication des cinquante dernières années, est en train de passer, grâce au digital, à un marketing individualisé, permettant de délivrer de façon certaine un message publicitaire à la personne la plus appropriée, avec une garantie de retour sur investissement et d’efficacité publicitaire. L’étape suivante consistera à intégrer ces informations aux media offline que sont la télévision, la presse et la radio. Ces derniers ont pris un sacré «coup de vieux» sur ce registre, mais la digitalisation en cours permettra rapidement d’appliquer ces méthodes.

La télévision connectée11 est déjà en place et va se développer dans les années qui viennent, pour remettre en question la notion d’audience et de GRP12, pour passer à la méthode déployée sur Internet, de clic et de lead, direct ou indirect. On pourra désormais

9 « Raisonner sur la moyenne quand on fait du marketing, c’est aussi absurde qu’un vendeur de jeans qui dirait qu’il ne propose que des tailles 42 dans sa boutique parce que c’est la taille moyenne la plus vendue. » Bruno Whalter (Whalter, 2013)

10 Outils permettant de placer la publicité sur les pages des sites et de tracker les résultats en termes d’impression(PAP) et de clics11 Une TV connectée embarque une connectivité réseau : ethernet et /ou WIFI (intégrée ou optionnelle selon les modèles) permettant de la raccorder à un réseau informatique local par exemple, ou encore à internet.12 Gros Rating Point, indicateur de mesure de l’audience TV

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 14/65

savoir, de façon précise, qui a été exposé, à quelle publicité et si la réaction attendue (ventes, rendez-vous, abonnements…) a été obtenue. C’est une véritable révolution que va vivre la télévision.

L’individu est donc devenu le centre de toutes les préoccupations de la communication et les nouvelles technologies offrent la possibilité de le connaitre véritablement. On est passé de la communication de masse, utilisant des media de masse, à une consommation individualisée où la communication sur mesure et ultra ciblée est enfin possible. Faut-il encore prendre en compte l’avis des consommateurs, qui ont maintenant la possibilité, grâce aux media sociaux, de faire du «feedback», de donner leur avis sur cette publicité, cette communication, qui est certes plus ciblée mais toujours à sens unique.

1.1.3 De Palo Alto à Palo Alto :

« Les média sociaux concernent la psychologie et la sociologie plus que la technologie » Brian Solis

Les théories psychanalytiques des années 1960-70, développées via l’école de Palo Alto à San Francisco préfigurent l’ère de l’Internet 2.0 et de la révolution digitale. Fred Turner (2012) dans son livre  Aux sources de l’utopie numérique va même encore plus loin puisqu’il démontre qu’Internet prend ses racines dans la culture hippie installée à San Francisco dans les années 1960: méditation, LSD, vie communautaire, développement personnel... «Les hippies plaçaient l’individu au cœur de leur projet d’émancipation: plutôt que de prendre (ou d’agir sur) le pouvoir, c’est en se réinventant soi-même que les individus, localement et de façon expérimentale, parviendront à construire des liens authentiques avec les autres et avec le cosmos» (Turner,2012)

Ce n’est donc pas un hasard si aujourd’hui on appelle Palo Alto, la Mecque d’Internet où vivent (vivait) Steve Job, Mark Zukerberg ainsi que Larry Page et Serguey Brin fondateurs de Google. On peut y voir ce qu’on appelle finalement l’ironie de l’histoire. C’est à Palo Alto que les théoriciens du «collège invisible», qui se sont appuyés sur leur analyse de la schizophrénie, ont déterminé des théories de la communication beaucoup plus complexes, une approche systémique, avec l’idée que finalement la communication n’est pas linéaire mais circulaire. C’est la notion de «communication orchestrale», où chaque individu interagi volontairement ou involontairement sur cet ensemble complexe (Winkin, 1981). Ces concepts ont préfigurés ce que sont les media sociaux aujourd’hui. C’est ce que décrit Fred Turner (2012) dans son livre : «Dans le prolongement des réflexions de Norbert Wiener du début des années quarante, la cybernétique et les théories systémiques associées offraient une vision du monde dans lequel chaque élément pouvait être perçu comme étant connecté à tous les autres, et dans une certaine mesure comme étant le reflet de tous les autres. Les êtres humains, la nature, les systèmes technologiques, les institutions - ces éléments étaient tous à la fois des exemples particuliers et des assemblages conçus à l’intérieur de ce que Gregory Bateson désignera par «la structure qui relie»…une vision d’un monde uni, inextricablement connecté…».

L’idée d’intéraction est fondamentale dans les théories de l’école de Palo Alto. La notion de «feedback» est développée par Bateson au sein du MRI avec les autres chercheurs comme Watzlawick et Jackson, qui développeront des concepts de cybernétiques et de théorie des systèmes. (Winkin, 1981). Cette idée est déterminante, car elle impacte de façon radicale la communication interpersonnelle, mais aussi la communication globale. C’est la clef du comportement sur les réseaux sociaux. Chacun s’exprime en attendant/espérant une réaction

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 15/65

de ses amis. Les messages sont considérés comme pertinents s’ils suscitent des interactions (likes, commentaires, shares), stimulent la communication, l’envie de s’exprimer.

«Dans le language de tous les jours, nous disons que l’amour propre d’une personne est rehaussé ou diminué par les reactions des autres. Ou encore, nous disons qu’il se voit de facon différente. En termes communicationnels, on peut traduire ceci en déclarant que les règles même de la perception de soi, les règles qui gouvernent la formation d’une image de soi, sont modifiées pa r la facon dont les autres recoivent nos messages. » (Winkin, 1981, 134, Gregory Bateson). C’est exactement ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux.

L’«orchestre» et l’interaction sont bien les définitions de ce que l’on appelle aujourd’hui l’Internet 2.0 et les réseaux sociaux qui se définissent par ces deux notions élaborées dans les années 1960 par le MRI avec Gregory Bateson et l’ensemble des chercheurs. On peut donc dire qu’ils sont à l’origine de ces outils d’un point de vue conceptuel.

«Un individu ne communique pas, il prend part à une communication ou il devient un élément. Il peut bouger, faire du bruit…mais il ne communique pas. En d’autres termes, il n’est pas l’auteur de la communication, il y participe. La communication en tant que système ne doit donc pas être concue sur le modèle élémentaire de l’action et de la réaction, si complexe soit son énoncé. En tant que système, on doit la saisir au niveau d’un échange. » (Winkin, 1981 citant Birdwhistell)

On a bien là la définition de la forme de communication existante sur les réseaux sociaux où l’individu est un élément d’un ensemble constitué. Il prend part à une conversation entre plusieurs individus et son intervention génère d’autres commentaires qui viennent s’additionner. Le fait d’être regardé par d’autres influe et stimule l’individu dans son mode de communication et sa façon de s’exprimer. On a bien là une transformation fondamentale de la communication qui n’a plus rien de linéaire. Les marques doivent prendre en compte ce nouveau phénomène, pour elles-mêmes faire partie de la conversation et en tirer des bénéfices. Mais nous reviendront sur ce point dans la deuxième partie.

1.2 Remise en question du pouvoir incontesté des marques et de leur position.

La tendance de fond, qu’est la personnalisation de la communication, est un «graal» que nous pouvons enfin atteindre, mais simultanément, les consommateurs ont acquis un pouvoir en contrepartie, qui leur permet de réagir aux stimuli que leur envoient les marques autrement que par la consommation. Ils peuvent émettre, commenter, critiquer, aimer, partager. Les media sociaux leur ont donné un pouvoir que jamais ils n’avaient eu. Ce pouvoir a été encore accru avec le mobile, qui introduit la notion de temps réel et d’immédiateté. Nous sommes passés d’une société pyramidale à une société en réseaux. Grace aux réseaux sociaux nous sommes passés des technologies de l’information aux technologies de la communication.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 16/65

1.2.1 De l’émetteur au récepteur: une révolution des media

«Un nouveau médium ne s'ajoute jamais aux média antérieurs et ne les laisse jamais intacts. Il les bouscule sans cesse et leur trouve de nouvelles formes et de nouveaux

emplois.» (McLuhan, 1970)

La donne a changé. De récepteurs, les consommateurs sont devenus aussi des émetteurs qui peuvent aider la communication des marques mais aussi la détruire. La relation verticale, bilatérale entre émetteur et récepteur n’existe plus. On est passé à une communication horizontale et multilatérale où chacun s’exprime et les internautes communiquent entre eux. C’est bien l’arrivée des media sociaux qui a créé cette situation. C’est une véritable révolution media a laquelle nous avons assisté, dans le sens où ils transforment totalement ce que l’on entendait par media.

Christian Vandendorpe (2006) appelle Internet le «Media Ultime». Il explique que loin d'être un simple «tuyau», Internet est un média polyvalent qui se prête à d'innombrables façons d'entrer en contact avec des groupes sociaux et de les influencer, notamment par les blogs, les réseaux sociaux qui ont connu une croissance foudroyante. «Internet offre des outils informatiques qui lui (le blogueur) permettent de s’établir facilement comme écrivain-éditeur-maquettiste-imprimeur-distributeur, soit de faire seul ce qui, dans les médias classiques, exige du personnel et des capitaux considérables. Surtout, le Web est un espace de liberté, où chacun peut s’exprimer à sa guise, sans être à la merci d’un rédacteur en chef, d’un éditeur ou d’un impresario.»

Media : procédé permettant la distribution, la diffusion ou la communication d'œuvres, de documents, ou de messages sonores ou audiovisuels (presse, cinéma, affiche, radiodiffusion, télédiffusion, vidéographie, télédistribution, télématique, télécommunication). Dictionnaire Larousse

Selon cette définition les « media sociaux » sont donc bien des media. Mais la particularité des media tel que la radio, la télévision, la presse, l’affichage, le cinéma et Internet est que l’émetteur et le récepteur sont deux entités clairement distinctes, que les émetteurs sont peu nombreux alors que les récepteurs sont des millions. Une industrie media s’est créée, composée de journalistes, d’animateurs, de professionnels des media qui conçoivent et diffusent des contenus à destination du grand public, qui n’a pas son mot à dire. La seule information qu’il transmet aux professionnels des media c’est son audience, via des outils de mesure assez sophistiqués et basés sur des panels représentatifs pour les media offline et traqués en temps réel pour les media online. Les marques utilisent cette audience pour diffuser leur message publicitaire moyennant des sommes importantes en fonction de l’audience (CGRP13).

Alors qu’avec les «media sociaux» la situation est totalement différente. Le grand public est à la fois l’émetteur et le récepteur puisque chacun peut diffuser et partager des contenus avec les membres de sa communauté. C’est ce qu’on appelle le User-Generated-Content. Il se charge sur Youtube, par exemple, l’équivalent de 3 jours de vidéo chaque minute. C’est un phénomène sans précédent.

13 Cout du Gross Rating Point: cout du point d’audience sur la cible visée exprimée

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 17/65

UGC : Le contenu généré par les utilisateurs (en anglais User-generated content, ou UGC) se réfère à un ensemble de médias dont le contenu est principalement, soit produit soit directement influencé par les utilisateurs finaux. Il est opposé au contenu traditionnel produit, vendu ou diffusé par les entreprises de média traditionnels. Le terme devint populaire pendant l'année 2005, dans les milieux du Web 2.0, ainsi que dans les nouveaux media. Ce mouvement reflète la démocratisation des moyens de production audiovisuelle grâce aux nouvelles technologies. Parmi ces moyens de plus en plus accessibles à un large public, on peut citer la vidéo numérique, les blogs, le podcasting, la téléphonie mobile ainsi que les Wikis. (Wikipedia)

Les professionnels des media traditionnels essaient aussi de s’intégrer dans ces «media sociaux» en créant leur propre page sur Facebook ou fil sur Twitter, mais ils n’ont plus l’exclusivité de l’émission de contenus. Ce sont des émetteurs de contenus parmi des milliers d’émetteurs. Les marques essaient elles aussi de s’intégrer dans ces «media sociaux» avec plus ou moins de succès (la publicité ciblée a montré son efficacité mais reste marginale), pour la simple et bonne raison qu’elles ont commencé par appliquer la bonne vieille recette des media traditionnels (j’envoie un message unique à une cible donnée via un media). Mais les marques et leurs agences se sont vite aperçues que cela ne fonctionnait pas et que le ROI était quasiment impossible à déterminer.

Cette modification du rapport de force entre émetteur et récepteur est fondamentale. Elle structure les mécanismes de fonctionnement et de motivation des consommateurs sur les «media sociaux». La question qui nous anime ici est de savoir comment les marques peuvent entrer dans la conversation. Elles doivent accepter d’être au même niveau que les consommateurs, leur offrir ce qu’ils viennent chercher sur les media sociaux: échanger et partager avec ses amis, être au cœur de l’actualité, élargir son cercle de connaissance, donner son avis… Mais la véritable motivation est de pouvoir se montrer sous son meilleur jour, montrer qu’on est «hype» à l’inverse de ceux qui viennent uniquement pour voir. Les marques doivent intégrer ces motivations dans leur façon de communiquer sur les media sociaux.

1.2.2 L’ère de l’émotionnel et de l’individu Roi

«Sur les réseaux sociaux, c’est l’entièreté de l’être et les émotions qui jouent le rôle majeur, et non plus simplement la raison. L’impact émotionnel joue un rôle de plus en plus important» (Malfesoli, Octobre

2012)

Cette phrase résume bien la situation nouvelle dans laquelle se situe la communication sur les réseaux sociaux. Le comportement des internautes sur ces media est motivé par des stimuli émotionnels. Pour Michel Malfessoli, les trois caractéristiques des réseaux sociaux sont:

1. Je n’existe que par l’autre. Soit selon le principe de «l’exhibitionnisme», soit selon celui du «voyeur».

2. La deuxième tendance, c’est la tribu. Le tribalisme, sous ses diverses formes, façonne le monde de demain. Il faut savoir le repérer et l’accompagner. Internet en est aujourd’hui l’outil, et même la caractéristique essentielle.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 18/65

3. Enfin, la troisième est liée à l’importance de l’émotionnel.

Le raisonnement rationnel n’est plus de mise, mais c’est bien l’émotionnel et le subjectif qui opèrent. L’individu met sur les réseaux sociaux ses informations personnelles, ses pensées, ses avis, ses émotions…Il ne vient pas seulement y chercher des informations. Il est en phase de véritable communication au sens littéral du terme, la vraie communication, pas seulement la transmission d’information comme dit Dominique Wolton (2012), mais l’échange, la conversation, la négociation.

On le voit dans le nombre de likes14 ou de retweets15 qui atteignent leur maximum lorsque les contenus partagés (commentaires, photos ou vidéos) sont personnels ou l’expression d’une émotion. L’exemple de la page Facebook qui a récolté plus d’un million de likes en quelques jours (2,5 millions à date), suite à l’affaire du bijoutier de Nice en septembre 2013, en est la preuve évidente. Les likes sont bien là l’expression d’une émotion face à un fait divers. Ce type d’expressions est épidermique, rapide et peut prendre des ampleurs sans comparaison. Elle n’a pas forcément de signification profonde. C’est une réaction spontanée.

C’est aussi ce qu’Eric Sadin appelle la « machine à flatter l’individu roi» en parlant de Facebook et des réseaux sociaux dans leur globalité où chacun vient s’exprimer en espérant être « liké » en retour. Plus le nombre de likes est important et plus il est flatté. Cela signifie que le post qu’il a partagé avec ses « amis » est vraiment intéressant. « Ce mécanisme qui veut que chaque texte ou image est appelé à être redoublé par un principe sommaire d’approbation qui, par sa seule signification favorable “j’aime”, comble l’ego lors de chacune de ses récurrences, contribuant à confirmer indéfiniment la valeur de sa propre personne, suivant une conviction sans équivoque – puisque validée par sa communauté de contacts. » (Sadin, février 2014)

Or, on s’aperçoit vite que les raisons du like sont beaucoup plus complexes que le simple intérêt du post. La personne qui poste est tout aussi importante. Un même contenu partagé par un inconnu ou par une personne reconnue socialement n’obtiendra pas le même nombre de likes. Et cela pour deux raisons simples : flatter cette personne et être vu en train de liker le post de cette personne peut aussi avoir un effet sur mon image personnelle. En likant, je dis ce que je suis, ce que j’aime, mes centres d’intérêt. Par conséquent, je ne like pas n’importe quoi. Il en va de même pour les marques. Si je like une marque c’est pour que mes « amis » voient que j’aime cette marque et non pas pour m’adresser à la marque. A moins que j’y trouve un intérêt matériel : réductions, gains, offres, services…

Il faudra donc pour les marques, qui veulent utiliser les media sociaux, intégrer cette particularité. Si elles souhaitent que les consommateurs interagissent avec leur pages Facebook ou leur fil Twitter elles devront jouer sur l’émotion qui leur fera échanger, partager cette expérience avec leurs communautés. Elles devront entrer dans la conversation, entrer en communication avec les internautes. Nous développerons les règles de bases pour entrer en conversation avec les consommateurs, de façon efficace, dans la deuxième partie.

14

15 Facon de partager un contenu qu’on apprécie sur Twitter

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 19/65

1.2.3 Risque d’opinion accru

67% des internautes disent qu’Internet a profondément transformé la manière dont ils s’informent sur les entreprises et les marques.

44% aiment utiliser Internet pour tenter de peser sur le comportement des entreprises.

50% des consommateurs n’ayant pas eu de réponse à leur plainte déclarent qu’ils n’achèteront plus la marque16

Ces chiffres illustrent bien la nouvelle situation que vivent les marques en particulier et les entreprises en général. Une situation à haut risque où les internautes sont en mesure de connaitre et de savoir quelle est la face cachée de celle-ci. Il n’y a plus de frontière entre les cibles (de grand public à leader d’opinion) tous ont accès (si ils le veulent) à la même information. Ils veulent savoir quelle est la réalité des messages envoyés par la marque. La communication est fortement impactée puisque le récepteur est devenu actif et non plus passif ou au mieux réactif. L’ère de la communication auprès d’une audience captive et localisée au travers d’un media (télévision) n’existe plus. Les sources d’information du consommateur sont multiples et s’entrechoquent, créant des effets que nous ne sommes pas encore en mesure d’appréhender.

Le retour de flamme existe. C’est ce qu’on appelle, dans le jargon publicitaire, le « bad buzz ». Chaque semaine, les marques à la recherche de buzz (positif) déclenchent un buzz négatif. Un certain nombre de marques se sont prises les pieds dans le tapis, n’ayant pas intégré les nouvelles données des réseaux sociaux : émotion, temps réel, personnalisation, interactivité et honnêteté. Voici quelques exemples symptomatiques :

Cas British Airways : le temps réel est clef !

Début 2014, un internaute s’est offert un tweet sponsorisé17 pour se plaindre du service de la British après avoir perdu sa valise.

La compagnie a juste répondu qu’elle s’excusait du délai de réponse, leur service de community management n’étant ouvert que de 9h00 à 17H00. Ce qui n’a fait qu’amplifier le problème, alors que leur activité est prévue 24/7. On a là un cas flagrant de non intégration de la notion de temps réel par la compagnie, pour des raisons financières, ou en tout cas, l’application des anciennes méthodes à un environnement de communication qui lui a fondamentalement changé. Une entreprise qui assure un service 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, doit pouvoir répondre via les réseaux sociaux à tout moment.

16 (Source : TNS World Panel – 2012)

17 Un tweet payant qui permet a chacun de diffuser son tweet à un public élargi

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 20/65

Cas Kit Kat : l’émotion au service d’une cause !

Le 1O mars 2010, La marque Kit Kat a été attaquée par une campagne parodique sur Youtube, menée par Greenpeace, pour dénoncer l’utilisation d’huile de palme dans la composition du produit. De nombreux messages ont ensuite été envoyés à Nestlé via Twitter, Facebook et Youtube pour que la marque retire l’utilisation de ce produit dans le processus de fabrication. Le phénomène fut d’une telle ampleur que deux mois plus tard Nestlé annonce le retrait de l’huile de palme dans la fabrication du produit. Les tentatives de réponse par Nestlé, via les media sociaux pour stopper cette campagne de boycott, n’ont pas eu d’effet, voire même n’ont fait qu’amplifier le « buzz » négatif (retraits des messages sur la page Facebook, réponses agressives).

On a là un cas d’utilisation de l’émotion au service d’une cause via les réseaux sociaux qui peut prendre une ampleur sans contrôle possible. Depuis, Nestlé a tiré les enseignements de cet échec et revu totalement sa stratégie sociale.

Ce dispositif s’est concrétisé par le doublement des budgets consacrés aux médias sociaux et la création d’une équipe d’une vingtaine de personnes entièrement dédiées à ce domaine. Implantée au cœur même du siège mondial de Nestlé à Vevey en Suisse, l’équipe surnommée « Digital Accelerators» est branchée 24 heures sur 24 sur les conversations qui se déroulent sur le Web à propos de Nestlé, de ses activités et de ses produits.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 21/65

Cas Gap : L’interactivité positive

Le cas Gap est emblématique de la pression qu’exercent les media sociaux sur les marques. En octobre 2010, la marque a souhaité modifié son logo. La pression des media sociaux, Facebook et Twitter principalement, a été telle que celle-ci a du faire marche arrière pour éviter le pire. Plusieurs milliers de commentaires ont été publiés sur la page Facebook de Gap, sur Twitter des comptes ont été créés afin de regrouper les avis des internautes et des sites comme http://99designs.com/ ont proposé des concours de design pour « aider Gap à refaire son logo ». Finalement les réseaux sociaux ont permis à Gap de tester (involontairement) son nouveau logo. Ayant su réagir rapidement en écoutant ce qui se disaient sur les réseaux sociaux, Gap a transformé un danger en opportunité. C’est là une leçon à tirer.

Figure 5 : Le fameux logo Gap et celui qui devait le remplacer

Cas Numéricâble : le buzz à rebond !

Début 2014, Numéricâble lance une nouvelle campagne publicitaire avec un visuel quelque-peu sexiste (à gauche). Immédiatement, les réseaux sociaux s’en emparent et critiquent cette publicité de façon assez virulente et drôle. Très vite Numéricâble sort le deuxième visuel (à droite) pour respecter la parité et contrebalancer. Etonnamment le buzz s’est arrêté. Finalement Numéricâble a su réagir vite en assumant un ton décalé et humoristique. Certain disent que le coup était préparé pour justement obtenir ces retombées « médiatiques » gratuites. Si c’est le cas, c’est risqué, mais cela a marché.

On peut donc utiliser les réseaux sociaux pour amplifier une campagne de publicité. C’est ce que tentent de faire beaucoup de marques. C’est ce que l’on appelle du « Earned media18 » : faire parler de la marque sur les media sociaux de façon gratuite. En ces temps de crise beaucoup recherchent à maximiser ce « Earned media » et à faire parler d’eux.

On voit surtout que la voix de retour existe réellement et les gens de marketing et de communication ne peuvent plus ne pas en tenir compte. On note une évolution par rapport à il y

18 Le Earned Media désigne les expositions dont bénéficie gratuitement une marque sur les réseaux sociaux et autres espaces personnels, avis et commentaires des consommateurs. Cette exposition est "gagnée" (earned) par la marque.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 22/65

a quelques années où la peur de ce retour négatif était dominant et empêchait les marques d’être présentes sur les media sociaux. Aujourd’hui, ce phénomène a été intégré et a obligé les annonceurs à se remettre en question face à ce nouveau pouvoir des consommateurs. Mais est-ce suffisant ? Non, certainement pas. Il va falloir aller un cran plus loin pour retrouver la confiance des consommateurs, qui sont devenus au fil des années très méfiants. C’est ce que nous allons voir maintenant.

1.3 Le Divorce est réel

Le présupposé de ce mémoire est que les marques et les consommateurs ont divorcé et que cette distance s’est accrue avec l’arrivée du digital. En effet, la défiance vis-à-vis des institutions en général et des marques en particulier est réelle. Cette défiance est liée à la défiance vis-à-vis des entreprises. On le voit très clairement au travers de l’étude Havas Meaningfull Brand mais aussi illustrée au travers de l’étude de Council & Lithium sur la fracture entre les gens de marketing et les consommateurs.

D’après TNS Sofres, seuls 36% des Français jugeaient, en 2012, la publicité comme respectueuse des consommateurs, alors qu’ils sont 70% à considérer que le respect est clef pour qu’une publicité leur plaise.19

L’excellent film de Microsoft, The Break Up20 illustre parfaitement cette situation de décalage total entre le discours de l’annonceur sur lui-même (le mari) et les consommateurs qui ont le sentiment de ne pas être entendus, respectés (l’épouse). L’un déclare son amour à travers la publicité, à coup de millions dans les media, l’autre a le sentiment qu’il ne s’agit pas exactement d’un dialogue. L’un offre des promotions alors que l’autre veut des preuves d’amour. Pour finir le consommateur dit qu’il a changé et pas l’annonceur, mais se dernier ne comprend pas.

1.3.1 2/3 des marques ne sont pas « Meanningful » pour les consommateurs

Une étude internationale21 menée entre 2011 et 2013 par Havas démontre que pour la majorité des consommateurs, 73% des marques pourraient disparaitre sans que cela ne change leur vie et cette tendance s’est accrue en trois ans (66% en 2011). La relation entre les consommateurs

19 Etude TNS Sofres 2012 pour l’Agence Australie : Grandes entreprises et consommateurs : le malentendu ? (Australie, 2012)20 www.youtube.com/watch?v=D3qltEtl7H8

21 Havas Meanningful Brand - 700 marques, plus de 134 000 consommateurs, 23 pays

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 23/65

et les marques s’est cassée. Une grande partie de la confiance, le respect et la fidélité que les consommateurs avaient pour beaucoup de marques ont disparu. En réalité, le cynisme, le scepticisme et l'indifférence des consommateurs envers de nombreuses marques dominent : la confiance dans les marques, à travers le monde, est en baisse depuis les trois dernières décennies. La cause principale est que nous faisons face à la plus grande récession financière depuis la Grande Dépression.

Il ressort de cette étude, que les marques ne délivrent pas ce que les consommateurs veulent. Ils aspirent à des marques qui ont du sens, des marques qui améliorent leur bien-être, leur vie de manière tangible, significative et enrichissante.

Cette étude met en place le Meaningful Index22 (classement des marques qui ont un sens). D’après cette étude, seules 20% des marques ont du sens, c'est-à-dire qu’elles ont un effet positif sur le bien être de la population à travers le monde. Ce qui fait que 80% n’en n’ont pas. C’est inquiétant.

Figure 6 : Meanningful Brand Index

Des nuances sont à apporter selon les zones géographiques. Nous voyons des différences importantes en fonction du niveau de développement des pays : 92% des marques ne sont pas considérées comme « Meaningful » dans les pays développés (Europe, Etats Unis) ; 58% en Amérique Latine; 49% en Asie. Dans les pays émergents, les consommateurs sont six fois plus attachés aux marques que dans les pays développés. L’accès à la consommation dans ces pays fait partie intégrante de l’amélioration du bien être, ce qui n’est plus le cas, pour la majorité des gens, dans les pays riches. A cela vient s’ajouter l’accès à l’information via Internet dans les pays riches qui a permis aux consommateurs de relativiser leur vision des marques, plus réelle et moins idéalisée.

22 The Meaningful Brand Index (MBI) qui utilise la perception des consommateurs pour comparer et suivre l’impact des marques sur nos vies

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 24/65

Figure 7 : Classement des Marques selon MBI au niveau mondial

Ce qui est intéressant dans ce classement (figure 7) c’est que parmi les cinq premières marques, quatre sont issues des Nouvelles Technologies de l’Information et le la Communication. Ce secteur est devenu clef pour les consommateurs, qui voient dans ces marques une valeur ajoutée réelle dans le service qu’elles leur apportent au quotidien. Dans cette perspective, il y a bien sûr une marque alimentaire, Nestlé, en 4eme position considérée comme vraiment utile par les consommateurs.

Ce classement ne correspond en rien au classement des marques influentes sur les réseaux (ci-dessous) à l’exception de Samsung, Google et Nike, qui sont dans le top 10 des deux classements. Il n’y a pas forcément de corrélation entre ces deux classements, mais il nous semble enrichissant de creuser ce point pour éventuellement dessiner une direction à suivre, dans la bonne utilisation des media sociaux, afin de reconnecter les marques et les consommateurs. En effet, il est pertinent de relier les deux concepts d’utilité et d’engagement afin de voir s’il y a corrélation entre la présence sur les media sociaux et la perception de l’image des marques en termes d’utilité.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 25/65

12 MERCEDES

13 SPRITE

14 VOLKSWAGEN

15 HONDA

16 LEROY MERLIN

17 UNILEVER

18 L'OREAL

19 STARBUCKS

20 ACTIVIA

21 COCA-COLA

22 TOYOTA

23 H & M

24 AUDI

25 APPLE

TOP 25 MARQUES

1 GOOGLE

2 SAMSUNG

3 MICROSOFT

4 NESTLE

5 SONY

6 IKEA

6 DOVE

7 NIKE

7 WALMART

8 DANONE

9 PHILIPS

10 P & G

11 ADIDAS

Figure 8 : Classement des marques les plus influentes sur les réseaux sociaux selon Starcount23

1.3.2 Déconnexion entre les marques et consommateurs

La fracture et l’incompréhension entre marques et consommateurs n’a jamais été aussi grande. Les media sociaux ont totalement perturbé la communication, qui même si elle n’était efficace qu’à 50% (dixit David Ogilvy) avait le mérite de donner des résultats en terme d’efficacité sur les ventes. Aujourd’hui, plus personne ne sait quel est l’impact de la communication sur les réseaux sociaux et pourtant les directeur marketing veulent y être présents, sans vraiment savoir pourquoi, parce que c’est dans l’air du temps. Une marque moderne ne peut pas ne pas être sur Facebook, Twitter, Instagram…

D’après une étude de Council & Lithium, parue en 2011, Il y a dissonance totale entre ce que les « marketeux » pensent que les consommateurs veulent et ce qu’ils veulent réellement.

Les consommateurs sont connectés avec des marques sur les media sociaux parce qu’ils attendent quelque chose en retour : cadeaux, offres promotionnelles…

« 67% déclarent liker des marques sur Facebook pour obtenir des offres exclusives », c’est l’espoir de gagner quelque chose qui les fait aimer ou suivre les marques.

« 60% des directeurs marketing pensent que les gens likent leur marques parce qu’ils aiment les contenus, les trouvent agréables et seulement 33% que c’est pour les offres ».

Ces chiffres remettent en question la notion de fans ou de followers. Depuis 2012, on est donc passé à la notion d’engagement. La course aux fans est dépassée, ce qui compte c’est l’engagement, c'est-à-dire de taux d’interaction sur les actualités de la marque (commentaires, partages…). Ceci n’empêche pas les marques de continuer à se classer en terme de nombre de

23 Le classement des 10 meilleures marques sur les réseaux sociaux, réalisé par Starcount et révélé ce début de semaine par le site Mashable.com, met à l’honneur les marques qui ont été les plus actives et les plus suivies sur Facebook et YouTube principalement.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 26/65

fans, même si elles savent parfaitement que cela n’a aucune signification. Néanmoins, De nouvelles études ont démontré que ces « engagements » n’avaient pas non plus une réelle signification pour les consommateurs. (cf charts ci-dessous).

Pour 49% les professionnels du marketing, le fait de partager un contenu est signe de l’engagement alors que c’est le cas pour seulement 15% des consommateurs.

Figure 9 : (Forbes Insights)

La question que l’on peut se poser, c’est de savoir si les consommateurs sont les mieux placés pour mesurer l’efficacité des actions sur les media sociaux relatives à leur propre comportement. Seules des mesures de ROI des actions de communication sur les media sociaux permettraient de trancher. A date, il n’y a pas d’étude fondamentale, à ma connaissance, ayant permis de démontrer l’efficacité de ces actions.

Au final, les interactions des consommateurs avec les marques sur les media sociaux se font par l’intermédiaire des produits et des services. Si ces derniers sont pertinents, les consommateurs reviennent, si non ils vont voir ailleurs. Les marques profitent de ces phénomènes. L’engagement avec les marques se fait donc de façon indirecte, via leurs produits et leurs services, sauf quelques exceptions qu’on appelle les Love Marques (Chanel, Apple, Nike..).

Les consommateurs ont le pouvoir de dire non, si ce que leur proposent les marques n’est pas pertinent. Ils sont très impliqués et ne s’engagent auprès des marques que parce que cela leur est utile ou valorisant. Ceci est aussi le cas des marques, qui ne s’intéressent aux consommateurs, que parce que ce sont des clients potentiels. C’est un divorce objectif et rationnel où l’intérêt de chacun prime. Si cela est bien compris, alors la communication des marques sur les media sociaux sera beaucoup plus simple et efficace. C’est ce que nous allons développer dans la deuxième partie.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 27/65

2 Repenser la communication : des codes de communication à revoir pour épouser les nouveaux comportements et recréer du lien social

« Les réseaux sociaux créés en 2005 sont devenus des « amis » indispensables des marques, car pour les consommateurs ils facilitent la vie, ce qui est désormais le premier

critère d’une grande marque », (Georges Lewi et Jerome Lacoeuilhe24).

Nous avons là un premier enseignement de ce qu’il faut faire pour que les media puissent recréer du lien avec les consommateurs, se rendre utile, donner du sens à leur action, ne plus être simplement des marques dont le but absolu est de développer leur part de marché et de faire des ventes. Les media sociaux leur offrent une opportunité d’engager la conversation avec les publics, de créer des communautés autour de thématiques surlequelles les marques pourront être actives. Pour que cela soit réellement efficace, il faut revoir les règles de communication traditionnelles. En effet, diffuser de l’information sur les marques et les entreprises est une chose, créer des communautés, de l’engagement et du lien social, en est une autre.

2.1 L’utilisation des réseaux sociaux est une préoccupation majeure pour les responsables de la communication…mais pour quoi faire ?

Depuis quelques années maintenant l’utilisation des réseaux sociaux est devenue le centre des préoccupations des directeurs marketing et communication et ils tournent leurs investissements (10% du budget digital) vers le « social », majoritairement vers Facebook, comme le montre le graphique ci-dessous :

Figure 10 : Average Digital Budget Breakdown 2013 - http://technoratimedia.com/

Et pourtant, seules 20% des entreprises française25 sont présentes sur les media sociaux. Sur l'année 2013, 20 % des entreprises détenaient un compte ou un profil lié à au moins un média

24 Auteur de « Branding Management : la marque, de l’idée à l’action »25 Source : Insee 2014

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 28/65

social. Elles sont donc en retard par rapport au reste de l'Union européenne, dans laquelle 30% des entreprises sont présentes sur ces supports.

2.1.1 Le social media : un outil de communication clef mais encore mal maitrisé

Afin de mieux appréhender l’usage et le rôle des réseaux sociaux dans la communication, j’ai lancé, en septembre 2013, une étude auprès de 50 responsables de la communication de marque26.

Le principal enseignement que j’en tire c’est que la majorité des responsables de la communication ont la conviction que les medias sociaux sont clef dans leur stratégie de communication et ils les utilisent. Mais au final leur connaissance de ces leviers reste limitée et les budgets alloués sont faibles.

J’en ai tiré les leçons suivantes :

1. 85% déclarent utiliser les réseaux sociaux comme outils de communication

Nombre de réponses

Parmi les réponses négatives, un laboratoire pharmaceutique, Daiichi Sankyo27.

2. Mais la majorité reconnait avoir une connaissance moyenne de ces outils. Un apprentissage qui se fait de façon empirique. Mettre en place des cessions de formation sur l’utilisation des media sociaux est une nécessité.

Nombre de réponses

Si oui diriez-vous que vous avez une bonne connaissance des media sociaux ?

3. Pour la majorité, les investissements sur ces media sont inférieurs à 10%. La principale raison est que l’utilisation de ces media se fait sans investissement et uniquement avec

26 Etude réalisée avec le questionnaire Google Doc envoyée auprès de 50 responsables de la communication dont j’ai pu analyser les réponses de 15.27 Les entreprises du médicament sont soumises à des contraintes légales strictes. Il est ainsi interdit de parler produit (de prescription) au grand public. A partir du moment où un produit est cité, il y a publicité, et donc le commentaire doit être retiré immédiatement. Il y a de plus, des posts qui peuvent évoquer un effet secondaire d'un médicament. Là encore c'est réglementairement une obligation de remonter un cas de pharmacovigilance. Cette réglementation du code de la santé publique oblige à un contrôle très strict des posts et est donc difficilement envisageable. Catherine Kutner Directrice de la communication Daiichi Sankyo

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 29/65

les pages propriétaires des marques (Owned/Earned Media) et par les commentaires qui y sont associés. Les coûts de production représentent alors l’investissement.

Part des media sociaux dans vos investissements de communication ?

4. Pour la majorité, ces media sont utilisés pour faire du branding et diffuser des contenus afin de nourrir leur marque. Finalement très peu l’utilise pour faire du e-commerce, du CRM ou même constituer une base de données.

Dans quels objectifs utilisez-vous les media sociaux en priorité ?

5. Les indicateurs de mesure sont mixtes, avec une majorité qui utilise plutôt des critères de visibilité (fans, impressions, vues…) c'est-à-dire une utilisation du media de façon traditionnelle, comme on utilise les media non-sociaux. Finalement, la recommandation, l’engagement et la tonalité ne sont pas majoritaires, alors qu’ils devraient l’être.

Quels indicateurs vous permettent de dire si les objectifs ont été atteints ?

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 30/65

Visibilité : Nombre de Fans/Nombre d’impressions / Vues / Part de voix / Profil démographique.

Acquisition : Quantité / Coût / Conversions.

Recommandation : Nombre de partages / Taux de viralité / Net Promoter Score.

Engagement : Pages vues par visite / Durée de la visite / Nombre de “J’aime”, votes, commentaires, RT / Taux d’engagement.

Tonalité : Mentions positives / neutres / négatives

Cette étude28 montre que la majorité des responsables de la communication sont convaincus qu’il faut utiliser les media sociaux, mais que leur façon de s’en servir est encore artisanale et empirique. Finalement, les travaux de fond sur le Social Media sont assez limités et nous ne sommes vraiment qu’au démarrage de cette réflexion. Les analyses faites sur ce sujet datent de plus de deux ans et rien de véritablement nouveau n’a été dit sur le sujet et surtout il n’y a pas de véritable prise de conscience des entreprises sur le rôle majeur que représentent ces nouveaux leviers de communication.

A date, très peu d’études ont été menées de façon sérieuse et scientifique sur le rôle et l’effet des media sociaux. Il devient urgent de lancer une étude de fond sur le sujet afin de pouvoir en tirer des enseignements.

2.1.2 Des études divergentes sur les rôles des réseaux sociaux et la mesure du ROI

Etre sur les médias sociaux pour quoi faire : branding, ventes, CRM, fidéliser, recruter, constituer une base de données… ? Les raisons sont multiples et à date les études sur le sujet arrivent à des conclusions différentes. La mesure du ROI est une question centrale mais qui n’est peut être pas adaptée à ces media de la relation. En effet, la mesure s’avère complexe et surtout nécessite une approche nouvelle adaptée aux caractéristiques des media sociaux et aux objectifs assignés à cette nouvelle forme de communication.

Pour l’étude FanZ29 menée en 2011 par MillwardBrown, “ en moyenne, les fans dépenseront quatre fois plus que les non-fans pour leurs marques préférées, dans une catégorie de produits donnée”. Les questions que l’on peut se poser immédiatement : est ce que cette conclusion signifie que le fait d’être fan d’une marque favorise la consommation de celle-ci ou bien est-ce que ce sont les gros consommateurs, fidèles, qui deviennent fans de leurs marques préférées ? C’est un vrai sujet, qui aujourd’hui n’a pas été tranché à ma connaissance. Il y a corrélation entre les deux phénomènes mais pas forcément raison.

De même, cette étude permet de démontrer qu’il n’y a pas de conclusions universelles quant à l’utilisation des media sociaux. L’utilisation des media sociaux par la marque (FanZ score30) varie selon trois critères : le pays dans lequel la marque se situe, la catégorie de produits et la force de la marque.

Critères Commentaires Illustration

28 Elle nécessiterait d’être déployée sur un plus grands nombre d’annonceurs et de trier les réponses en fonction de leur secteur d’activité. En effet, une étude quantitative permettrait de valider ces conclusions ou en tous cas de les affiner.29 MillwardBrown - BrandZ data based: a total of over 100,000 consumer interviews and over 8,000 brand cases. These interviews were carried out across more than 20 countries with an average of more than 18 categories per country.30 Le score FANZ est calculé sur la base du pourcentage de consommateurs d’une catégorie qui sont fans de la catégorie en général ou fans d’au moins une marque de la catégorie.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 31/65

Pays L’utilisation d’une page Facebook internationale obtient des résultats différents selon le pays. Corée, Suède, USA, Pologne ont des bases de fans plus importantes, alors que la Thaïlande, le Mexique, la Hongrie et l’Inde sont des pays plus difficiles. On note une corrélation avec la pénétration d’Internet dans ces pays.

Catégories Selon la catégorie, le FanZ score varie. Automobiles, IT, Mobile sont des secteurs qui génèrent des discussions et de l’adhésion aux pages sociales pour avoir des informations. Contrairement aux secteurs Détergents, Eau Minérale, Déodorant qui sont difficile à faire adhérer. Conforme au bouche à oreille offline.

Force de la marque Valeur de marque et personnalité sont corrélées avec le nombre de fans. Plus une marque est désirable et plus elle génère des fans en quantité. De même, les marques avec de nombreux fans sont perçues comme créatives, crédibles et désirables. Il y a un effet d’entrainement.

On a bien là la démonstration, que toutes les marques ne sont pas égales faces à la capacité de générer des fans, de l’engagement et de la conversation. Certains sujets suscitent plus de conversation, naturellement, que d’autres. De même, s’il y a corrélation avec la force de la marque, le fait d’avoir une grande quantité de fans a aussi un effet sur l’image que celle-ci renvoie. Plus votre marque est désirable, plus elle attire des fans et plus elle a de fans plus elle est désirable. Il y a un « effet boule de neige ».

Un excellent mémoire de Thibaut Hamon (2013) sur le « ROI du Social Media », analyse en profondeur le sujet du ROI et le besoin, par les directions marketing et communication, de mettre en place des outils de mesure, pour justifier leurs investissements sur les media sociaux. Il démontre, avec de nombreux cas à l’appui, que depuis quatre à cinq ans les marques se sont emparées de ce sujet et ont développé des outils permettant de mesurer l’impact de la présence sur les réseaux sociaux. « Nous avons donc pu constater une réelle prise de conscience, que ce soit du point de vue de l’annonceur mais aussi des plateformes dans la recherche de retour sur investissement et que celle-ci était au cœur des préoccupations ».

Que ce soit la visibilité, les ventes, le CRM ou l’e-réputation, des mesures ont été mises en place pour mesurer l’effet des actions de communication sur les réseaux (cf. tableau de synthèse ci- dessous).

Objectifs Notoriété/ Ventes CRM E-reputation BtoB

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 32/65

Marques visibilité

La Redoute A l’occasion d’événements, offres promotionnelles avec code permettant de mesurer l’effet des actions

Redbull Saut de Félix Baumgartner

50 millions de connections sur YouTube, 16 fois plus que la cérémonie d'ouverture des JO de Londres

Patrick Hayat Hôtels

Gère son Yield Management en fournissant à ses fans les disponibilités en chambre et possibilité de réserver

Dell Twitter Dell Outlet dédié aux promotions & offres spéciales.

IBM Social Business

Propose des webinars à des cibles pro et leur propose des devis par la suite.

Nestlé Annonce qu’en investissant £1 sur Facebook, son retour sur investissement avait été de £1.34.

General Mills General Mills imputait quant à lui 27% de ses ventes de produits Old El Paso à une campagne de promotion sur les réseaux

Orange Utilise les RS pour gérer son SAV et répondre aux insatisfactions clients ce qui génère une économie vs les SAV traditionnelle

Même, s’il arrive à quantifier les actions sur media sociaux, pour autant, il n’arrive pas à en tirer de conclusions sur l’efficacité de ces derniers. Chaque cas est particulier, comme on l’a vu avec l’étude ci-dessus de MillwardBrown et les points de vue des experts Social Media varient, allant de « on ne peut rien mesurer » à « on peut tout mesurer ». Du coup, il raisonne par la négative en développant le concept de RONI31, c'est-à-dire le risque de ne pas être présent sur les réseaux sociaux, le risque de ne pas pouvoir réagir en cas de « bad buzz » et de perdre le contact avec les consommateurs, qui eux sont présents, de façon très active, sur les pages des marques sur les media sociaux32.

31 Return On Non-Investment32 59% des internautes déclarent consulter un espace de marques sur les réseaux sociaux - Etudes Performics Social Highlights 5 de juin 2012

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 33/65

On voit donc que les méthodes de mesure simples, par effet direct, ne sont pas totalement satisfaisantes, ou, en tous cas, ne permettent pas de tirer des conclusions générales sur l’efficacité des media sociaux. Il faut rechercher de nouvelles approches pour appréhender leur efficacité. Celles-ci doivent prendre en compte les comportements individuels qui complexifient toutes les analyses statistiques, qui s’appuient sur des tendances lourdes, des régressions multiples, des coefficients de corrélation et surtout la loi des grands nombres.

2.1.3 Agent-Based-Modeling : vers une nouvelle approche de mesure de l’efficacité appropriée au Social Media

Face à un environnement complexe, la seule façon de mesurer l’efficacité des actions de différents leviers de communication est de mettre en place des modèles économétriques. En effet, si vous avez simultanément plusieurs actions de communication (télévision, web, social…) il est très difficile d’attribuer, même avec du tracking et des codes, la responsabilité de chacune des actions au résultat final. C’est pourquoi la modélisation économétrique a été développée. Elle permet d’isoler l’effet de chacune des actions (variables endogènes et exogènes) et la contribution de chaque levier de communication.

Dans le contexte qui nous occupe, le Social Media, les analyses de corrélation statistique ne fonctionnent plus et il faut introduire une nouvelle méthode qui appréhende la complexité de l’environnement social où les effets des actions interagissent les unes sur les autres. C’est finalement la somme de comportements individuels qui constitue l’ensemble de la « symphonie», comme nous l’avons analysé dans la première partie à propos de la « communication orchestrale » (Winkin, 1981).

Une nouvelle33 approche économétrique tente depuis quelques années d’intégrer ces concepts. Le principe de l’Agent-Based-Modelling est inspiré du modèle biologique de développement de la maladie, de la propagation des virus et de la démographie. Ces théories mathématiques visent à quantifier et à simuler des actions et interactions d’agents autonomes. Les modèles simulent les opérations et les interactions de plusieurs agents simultanément, dans une tentative de recréer et de prédire l'apparition de phénomènes complexes. Ils combinent des éléments de la théorie des jeux, des systèmes complexes, de la sociologie de calcul, des systèmes multi-agents, et de la programmation de l'évolution.

Peter Van Maanen et Bob Van der Vetch (Vetch, 2013) ont, publié un papier où ils appliquent les techniques de la modélisation ABM à la propagation d’un message sur les réseaux sociaux, en particulier Twitter. L’objet de cette étude est de comprendre l’influence sociale sur les réseaux en appliquant les techniques des modèles comportementaux. Le modèle comportemental utilise des principes psychologiques quantifiés pour analyser le phénomène Twitter autour d’un show télévisé aux Pays Bas : The Voice Kids.

Pour être précis, ils ont modélisé les six comportements qui guident l’influence sociale34 online et la propagation sur les réseaux sociaux :

1. Réciprocité : les gens ont tendance à retourner une faveur.2. Engagement et cohérence: si les gens s’engagent ils sont susceptibles d'honorer

cet engagement.3. La preuve sociale: les gens vont suivre ce que les autres font (conformité).

33 Pas si nouvelle, puisque les premiers modèles intégrant ABM datent des années 70 et 80.34 Théorie sociale développée par Cialdini R. B. Cialdini, Influence: Science and practice, 4th ed. Boston: Allyn& Bacon, 2001

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 34/65

4. Autorité: les gens ont tendance à obéir à des figures d'autorité.5. Liking: les gens se laissent facilement convaincre par d'autres personnes qu'ils

aiment.6. La rareté: rareté perçue va générer la demande.

Je ne rentrerai pas dans le détail des formules mathématiques, ni des hypothèses du modèle, mais celui-ci a été testé et validé. Les six comportements ci-dessus ont été confirmés dans ce cas, mais le modèle nécessiterait d’être testé sur d’autres situations.

Cette analyse démontre, de façon explicite, la complexité de compréhension des phénomènes sur les réseaux sociaux et des comportements des individus et de leurs réactions, comme on le voit sur la figure ci-dessous. En effet, chaque action individuelle entraine des réactions en chaines qui sont difficilement prévisibles. C’est pourquoi, il est très complexe, encore aujourd’hui, de mesurer de façon précise l’efficacité des actions des communications sur les media sociaux. La seule façon est de mettre en place des modèles économétriques de type ABM pour intégrer toutes les variables individuelles et leurs effets multiples.

La figure 11 ci-dessous illustre parfaitement la difficulté d’appréhender les interactions multiples dans ce type d’évenement. C’est ce que l’on appelle l’effet de résonance où telles des ondes un mesage rebondit d’individu en individu, de facon désordonnée et aléatoire, pour au final produire un effet global de communication, qu’il est difficile de maitriser, d’organiser et de canaliser.

Figure 11 : Exemple de cartographie des hastags Twitter lors d’une conférence http://www.gisagents.org/

Cette théorie et méthode est la transfiguration mathématique de ce que nous avons décrit dans la première partie, démontrée de façon scientifique. Il s’agit d’un changement de paradigme, du passage de la notion de cible à celle d’individu dont la somme des comportements constitue l’ensemble cet ensemble pouvant être supérieur à la somme des partie35, de la modification de la relation émetteur-récepteur et l’ère de l’individu roi. C’est surtout la démonstration qu’il est

35 « Un autre principe fondamental est que le tout est plus que la somme des parties. Les agents individuels sont généralement caractérisés comme ayant une rationalité limitée, présumés agir en fonction de leurs propres intérêts, comme la reproduction, l'avantage économique ou le statut social, en utilisant des règles de décision heuristiques ou simples. Les agents peuvent vivre "l'apprentissage", l'adaptation et la reproduction. » (Wikipedia)

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 35/65

devenu difficile de créer des effets de communication pour les marques et de les garantir avec certitude. La complexité est en jeu et nous ne sommes qu’au début de la compréhension de ces phénomènes, somme toute, assez nouveaux.

Seule une approche pluridisciplinaire, combinant la sociologie, la psychologie, l’écologie et les mathématiques pourrait permettre de comprendre les phénomènes en jeux et de pouvoir quantifier les interactions entre les maques et les consommateurs.

En attendant de pouvoir lancer cette étude, nous allons proposer quelques pistes pour créer du lien entre les marques et les consommateurs.

2.2 Face aux divorces des marques et des consommateurs, quelles solutions ? Des tentatives pour recréer du lien.

« La leçon la plus évidente du web social est que les individus veulent avoir des relations avec des individus, pas avec des marques…Grace aux outils sociaux, même les grandes entreprises ont la possibilité de revenir aux jours où l’on commerçait autour de la table, les yeux dans les yeux où l’on connaissait et comprenait chaque client et ses attentes. »

(Fred Jarvis, 2011)

On l’a bien compris, créer des liens pérennes avec les consommateurs suppose que les marques réinventent la façon de communiquer avec leurs publics. Les media sociaux sont une réponse, à condition de ne pas appliquer les recettes publicitaires classiques mais de réinventer la communication. En effet, le social media c’est la possibilité de s’adresser à chacun de façon massive et de dire à tous ce que la marque fait pour chacun et inversement. Ceci n’était pas possible jusqu’alors. Des tentatives existantes peuvent nous indiquer la direction à suivre ou les écueils à éviter.

2.2.1 Le système publicitaire classique ne fonctionne pas sur les media sociaux

Il y a un rejet du public qui veut pouvoir communiquer avec sa communauté sans être perturbé par des messages publicitaires sans valeur ajoutée. Ce phénomène était déjà présent sur les media traditionnels. Lorsque vous interrogiez les téléspectateurs ou les lecteurs, ceux-ci déclaraient être publiphobes, pour une grande partie - 85% affirment encore maintenant qu’il y a trop de pub dans les media – source (Australie, 2012), mais cela n’empêche pas pour autant l’efficacité et le retour sur investissement de ces media. En effet, il faut distinguer l’effet conscient de la communication de l’effet inconscient. Or, sur les média sociaux aucune étude n’a encore pu prouver l’efficacité garantie des actions de communication (comme nous l’avons vu ci-dessus – 2.1.2).

L’étude Ifop, ci-dessous, montre effectivement, qu’il y a un rejet de la publicité sur les réseaux sociaux, en particulier la publicité qui vante les mérites de l’entreprise ou de ses produits, sans aucune valeur ajoutée pour le consommateur.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 36/65

l’Ifop pour Generix36 :

83% des Français espèrent  que la publicité prendra moins de place à l’avenir sur les réseaux sociaux. Parmi les reproches faits à la publicité sur les réseaux sociaux, le mauvais ciblage est invoqué par 59% des interrogés.

19% d'entre eux déclarent avoir déjà effectué un achat en ligne après avoir vu une publicité sur les réseaux sociaux.

10% des interrogés reconnaissent utiliser les réseaux sociaux systématiquement ou de temps en temps pour faire part de leurs achats à leur communauté.

Donc, il faut repenser la façon de communiquer sur les media sociaux. Les vieilles recettes ne fonctionnent plus. Il faut arrêter de crier pour que les gens entendent, mais plutôt leur parler dans le creux de l’oreille.

2.2.2 Comment les marques doivent utiliser les medias sociaux pour recréer les liens de confiance avec les consommateurs : les communautés de marques.

Il est possible de faire de la visibilité grâce à la publicité (ex. Facebook ads) sur les réseaux sociaux, mais est-ce le bon objectif et le bon moyen ? La constitution de bases de fans a aussi été décriée car elle est parfois fictive (achat de faux fans à bas prix). La constitution de bases de «vrais» fans passe par un discours de vérité et un réel apport pour le fan lui-même.

L’intérêt de développer sa communauté de «vrais» fans est de pouvoir ensuite diffuser à cette communauté des posts sans avoir à payer à nouveau (Owned media) et ensuite que ces fans partagent ou commentent (Earned media). On voit donc bien l’intérêt économique pour les marques. Mais au-delà de l’aspect financier, il y a la constitution sur le long terme d’une communauté de fans (fidélisation), qui peuvent, le cas échéant, devenir des ambassadeurs et recommander la marque et ses produits à ses amis et sa famille. C’est surtout un travail de fidélisation de la clientèle.

Le schéma ci-dessous montre la complexité de l’eco-system dans lequel la nouvelle communication doit trouver son chemin pour atteindre le consommateur :

36 Echantillon de 1006 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Les interviews ont eu lieu par questionnaire auto-administré en ligne (CAWI - Computer Assisted Web Interviewing) du 12 au 14 juin 2013.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 37/65

Figure 12: Un nouvel écosystème media

Le concept de communauté

Tout d’abord, j’aimerais revenir sur le concept de communauté. Qu’est ce qu’une communauté ? Comment se définit-elle ? Quels sont les critères d’appartenance ?

La meilleure définition est celle de l’écologie : « une communauté est un ensemble d'organismes appartenant à des populations d'espèces différentes constituant un réseau de relations »37. On est tout à fait dans ce cas pour les communautés de marque où les individus sont à la fois indépendants et interdépendants. Le point commun des membres de ce type de communauté est le centre d’intérêt qui peut s’avérer être une marque ou une thématique à laquelle la marque s’est associée. (Exemple : le chocolat, la nature, la cuisine, la course automobile…).

De nombreux exemples de communication intercommunautaire existent et constituent une réelle opportunité pour les marques en quête de séduction et de fédération de fans. Par exemple, RedBull a su fédérer sa communauté autour des sports extrêmes via son application téléchargée depuis tout type de terminaux. De même, sur Youtube la chaine Red Bull (3,7 millions d’abonnés) est une des plus fréquentées par les jeunes qui s’intéressent à ce type de sports et qui du coup voient dans cette marque un miroir d’identification qui les pousse à la consommer : « si je consomme Red Bull, je fais partie de la communauté et je m’attribue les valeurs associées à la marque : le courage, l’aventure, le risque» déclare un jeune consommateur.

Ce n’est pas pour rien que l’on parle de Community Manager, c'est-à-dire d’animateur de communauté. Paul Cardino et David Fayon (2013) dans leur livre du même nom, donnent des conseils très précis, illustrés de nombreux cas, sur comment fédérer des communautés sur les media sociaux et surtout les faire vivre dans le temps : impliquer les fans, valoriser les membres actifs… On a là des solutions très pratiques qui ont fait leurs preuves pour des marques comme Nestlé, Danone, La Poste, Air France…

37 Wikipedia

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 38/65

David Jones (2012) CEO d’Havas en est convaincu, les media sociaux sont une opportunité pour les entreprises à condition de lâcher prise et de créer des contenus que les gens ont envie de partager « une association authentique peut offrir à une marque l’espace nécessaire pour nouer une relation privilégiée avec ses clients. Lesquels éprouveront alors un sentiment d’appropriation et d’implication qui, lui, ne s’achète pas.»

Voici quelques exemples de marques qui ont développées des outils permettant de constituer et de faire vivre leur communauté. On voit qu’on est là encore dans du « test and learn ». La solution miracle n’existe pas à ce jour, mais des pistes de réflexion intéressantes existent pour le sujet qui nous occupe.

L’E-com-newsity38

Un nouveau concept e-commerce est né en 2012, aux Etats Unis : l’e-com-newsity vise à créer des communautés autour d’un contenu, avec comme objectifs d’intégrer des marques à cette communauté et ensuite de se tourner vers le e-commerce (les 3Cs : contenu, communauté et commerce). Le principe est que le contenu est le point de départ de toute communauté sur Internet et ensuite seulement les marques peuvent venir se greffer autour de cette communauté à condition de respecter un principe : l’apport de services aux consommateurs. Il faut absolument intéresser les consommateurs par les contenus avant de leur vendre quelque chose. Devenir fan d’une marque et appartenir à cette communauté dépassent le simple fait d’être client. C’est une implication et un engagement pour le consommateur qui doit signifier quelque chose, faire sens. Cela nécessite de la part de l’entreprise d’animer cette communauté dans le temps. La présence sur les réseaux sociaux est le moyen le plus efficace pour créer et animer ces communautés.

Quelques règles de fonctionnement à respecter selon Geraldine Martin Coppola39 pour réussir :

1. Convergence : intégrer les trois niveaux : contenu, social et commerce, ne pas les séparer.

2. Le contenu est au service du social et ensuite au service du commerce et non l’inverse.

3. Tester les contenus en temps réel quant à leur efficacité. Les résultats sont parfois contre intuitifs.

Trois exemples de communautés de marques qui appliquent ces trois règles et créent du lien avec les consommateurs dans la durée :

http://greenhotelparis.com/ est une communauté d’échange de conseils autour de l’hôtellerie écologique. Comme son nom l’indique, cette communauté est très active et regroupe plusieurs hôtels.

http://www.mylittleparis.com/ est une communauté de bons plans à Paris créée en 2008 et qui a aujourd’hui plus d’un million de membres.

http://www.villaschweppes.com/ est un site de contenus sur les bons plans pour sortir à Paris : bars, concerts, soirées…

Le contenu est clef pour fidéliser

38 Concept inventé par CCM Benchmark 39 Geraldine Martin-Coppola is Chief Operating Officer for ShoeDazzle https://www.youtube.com/watch?v=YL68tiutuIs

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 39/65

Les Social Players ou readers ou viewers sont aussi un moyen de constituer des communautés pour les medias et de les faire vivre avec une possibilité de « Reach40» très élevée. A partir de là il est possible de constituer des bases de données que l’on peut enrichir avec les goûts des membres pour ensuite recibler ces derniers de façon contextuelle. Par exemple, pousser des offres ou des informations foot aux fans de foot, et des offres ou des informations cinéma aux fans de cinéma.

C’est ce que fait Canal+, depuis peu, avec le lancement de son social players intégré à Facebook. Cette application permet aux membres de créer leur propre chaine en sélectionnant les programmes qu’ils préfèrent, de suivre l’actualité des programmes et de faire des commentaires en direct sur le second écran et surtout de partager les informations sur Facebook ou Twitter. Grâce à cela, Canal+ cherche à constituer une base de fans pour ensuite pouvoir les fidéliser. En effet, Canal+ fait face actuellement à un taux de « churn41 » très important. Cette technique a été aussi beaucoup utilisée par les titres de presse. Le premier a été le Washington Post, suivi ensuite par les organes de presse du monde entier. Leur objectif est le même que celui des marques : créer des communautés et fidéliser leurs membres. Et ca marche.

Constituer votre propre communauté

En 2012, Samsung a fait basculer sa base Facebook sur son portail, pour transformer ses fans en amis grâce à un programme de Social CRM, « Samsung Friends », un club de privilégiés. Samsung a pu constituer un noyau dur de vrais fans de la marque dont les données sont sa propriété et non celle de Facebook.

40 Couverture41 Le taux d’attrition (churn rate en anglais) est un indicateur qui permet de mesurer le phénomène de perte de clientèle ou d’abonnés et par corrélation, l’espérance de vie d’un client et la fidélité aux offres.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 40/65

Faites participer vos clients

Uniclo a développé une expérience sur Twitter, dans le cadre d’une opération de promotion organisée juste après le re-lancement de son site de e-commerce. L’idée

Autres exemple, Ikea a mené une campagne simple qui exploitait l’engagement des consommateurs via les media sociaux. Il a téléchargé son catalogue sur une page Facebook, et chacun pouvait se « taguer »

On a bien des exemples de constitution de communauté en utilisant la mise en avant de contenus ou d’offres et la participation des internautes. Certes, la motivation des membres des communautés n’est pas toujours désintéressée, mais pour aller plus loin, il faut que les marques déploient elles des actions qui sont désintéressées, ce qui n’est pas encore le cas. Néanmoins, on voit que la constitution de communauté et leur animation est véritablement le point de départ d’une nouvelle forme de communication/relation avec les clients. Mais nous verrons dans la troisième partie que les entreprises peuvent et doivent aller encore un cran plus loin dans l’intégration « sociale » des

2.2.3 Etre a l’écoute des consommateurs est clef pour les marques

Les consommateurs sont intéressés par les pages sociales des marques pour plusieurs raisons : informations, actualités, concours et offres (cf. figure 13).

Les marques peuvent répondre à leurs attentes à condition d’être à l’écoute, en veille pour piloter ce que l’on appelle la réputation et offrir grâce aux réseaux sociaux des services et des communications réellement pertinents.

Depuis toujours, les communicants se demandent ce que les consommateurs pensent, aiment, veulent, désirent consciemment ou inconsciemment. Des budgets énormes étaient engloutis dans des études qualitatives et quantitatives pour sonder les publics (analyse de cibles comportementales et socio-demographiques, Usage &Attitudes, typologie, segmentation...). Or, ils ont aujourd’hui la possibilité de savoir ce qui plait ou pas aux consommateurs et d’ajuster en temps réel leur communication.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 41/65

Figure 13 : Bénéfices des pages fans -(MillwardBrown, 2011)

SOCIAL MEDIA INTELLIGENCE

Des outils existent qui permettent de suivre l’e-réputation des marques en temps réel. C’est simple et peu coûteux, mais riche d’enseignements pour piloter sa stratégie sociale. Chaque responsable de la communication peut simplement suivre ce qui se dit sur son secteur, sa marque, ses concurrents et être au courant avant tout le monde du positif ou du négatif.

Grâce à Netvibes ou Google vous pouvez créer un Social Dashboard42 pour suivre toute l’actualité sociale sur votre marque d’un seul coup d’œil. Ce type de dashboard peut intégrer des widgets, des flux RSS, des fils RS, des outils de pilotages…

Figure 14 : Exemple de Social Dashboard Peugeot

Outils d’analyse de la réputation :

L’analyse de la réputation se fait aussi en profondeur en fonction de ce qui se dit sur la toile aux travers d’outils assez sophistiqués, type Linkfluence43. Cet outil permet de cartographier et d’identifier les communautés de bloggeurs qui parlent de la marque en positif et en négatif. Cela donne une photographie de la présence des marques sur Internet et de leur influence. Il permet aussi de suivre dans le temps l’évolution des discussions et de réalisée une analyse sémantique de celles-ci. Il existe une bonne douzaine d’outils permettant d’analyser les communautés de bloggeurs sur Internet.

42 Outil que j’ai développé pour mes clients chez Havas : Flux RSS : recherche de termes dans des blogs (Google Search, Wordpress, Yahoo), suivi de blogs spécifiques, actualités, presse web…, Widgets: Twitter Search: recherche des termes sous Twitter, Trendistic : Courbe de comparaison du volume de tweets de votre marque vs ses concurrents , Twitter: votre compte twitter ou celui de votre marque, Alexa : comparaison de trafic du site web d’une marque et de celui de ses concurrents (configuration de votre marque dans « Editer » de votre widget en haut à droite) , SocialBakers : évolution du nombre de fans, Icerocket : Suivi du volume de publications blogs sur votre marque et/ou celles de vos concurrents sur l’ensemble du web , Google Actualités : alertes sur votre marque, Google Insights : Suivi des volumes de recherche Google sur sa marque et ses concurrents , BroadReader : Suivi des conversations sur les forums, SocialMention : classification en opinion et popularité automatique des Blogs

43 Leader Européens de la Social Media Intelligence. Ces cartographies permettent de déterminer les zones d’influence des communautés autour d’une marque, d’une catégorie ou d’un centre d’intérêt.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 42/65

Frederic Cavazza résume les choses de la façon suivante : «gérer le quotidien d’une marque présente sur les médias sociaux implique ainsi de nombreuses de tâches :

Écouter ce qui se dit sur les médias sociaux pour repérer les citations et les “départs de feu” éventuels ;

Analyser les conversations et en déduire des indicateurs chiffrés (« social media analytics ») ainsi qu’un niveau d’appétence du marché («sentiment analysis ») ;

Centraliser les publications sur les différents comptes et les échelonner dans le temps (accessoirement mesurer leur viralisation) ;

Centraliser les réponses et actions de modération sur les différents comptes et les attribuer aux personnes de l’équipe ;

Planifier et analyser l’impact des campagnes de social marketing ;

Assurer l’interface entre les clients s’exprimant sur les médias sociaux et la plateforme CRM (accessoirement en mesurant la satisfaction, les temps de réponse…) ;

Agréger, dédoublonner et segmenter les bases de fans / clients / prospects… puis les réinjecter dans l’interface de gestion de campagnes ;

Concevoir et mettre en œuvre des développements spécifiques sur les plateformes sociales.

Aujourd’hui les grandes marques l’ont compris et mettent en place des cellules de veille :

cas Nestlé développé en première partie ;

Kodack a nommé il y a déjà quelques années un « Directeur de l’écoute » qui répond aux clients en temps réel ;

la SNCF utilise les réseaux sociaux pour connaitre le mécontentement des usagers et y répondre en temps réel ;

Carrefour a récolté en 2013 plus de 35 000 avis de clients de produits « bruns » pour améliorer ses services, son référencement et la conversion de ses offres sur le site carrefour.fr.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 43/65

L’écoute c’est bien, la réponse c’est mieux. Il est clair que les internautes ont leur mot à dire, mais faut-il encore que les marques en tiennent compte. Certaines le font, mais pas la majorité et pourtant c’est la seule façon de fidéliser les clients, de créer la confiance, de ne pas les décevoir. Il s’aget de les accompagner dans leur relation à la marque, leur offrir des privilèges qui font d’eux des clients particuliers et surtout des clients satisfaits, donc des clients fidèles.

2.3 La solution : le « Marketing réciproque », le donnant-donnant.

Les consommateurs l’ont bien compris (eux aussi), si les marques s’intéressent à eux c’est bien par intérêt, pour en faire des clients fidèles qui achètent toujours plus. Par conséquent, il doit y avoir contrepartie, pour que les consommateurs acceptent de donner leurs informations personnelles, leurs goûts, leurs habitudes. C’est ce qu’on appelle le « marketing réciproque »

Laurent Solly44 déclare que «plus de 60% des internautes qui «likent» des marques le font pour obtenir quelque chose en retour » c’est du «like» intéressé qui ne peut pas être réellement associé à du lien marque/consommateur. Et pourtant il y a là une autre piste de réflexion à creuser, l’échange, le partage, la réciprocité, le donnant-donnant, que ce soient des promotions ou des contenus enrichissant.

Voici quelques verbatim issu de mon étude, en réaction à la phrase ci-dessus, auprès des Directeur de la Communication de grandes marques, qui confirment cette idée du « marketing réciproque » que nous développerons plus loin.

«Liker une marque, c'est un acte engageant, qui intervient dans le perso, mais en plus qui est "vu" par l’entourage. C'est cher payé pour en savoir plus sur la marque»

«Il est naturel de donner à ses fans du contenu exclusif qu'il s'agisse de contenu ou d'offre en échange de son engagement.»

«Je pense que si une marque attend quelque chose de la part du consommateur (notamment sur ses données personnelles) elle doit donner des privilèges en retour.»

«C'est pourquoi nous ne travaillons pas le recrutement de fans sous forme massive car ce sont

alors des fans non qualitatifs. Le recrutement doit être naturel.»

« Les internautes ont bien compris qu'ils avaient le pouvoir sur les RS (Ex : Logo Gap, Film Guerlain...), ils demandent de plus en plus aux marques sous peine d'en changer au prochain achat. Les marques doivent faire face de plus en plus aux consommateurs opportunistes car ils ont le choix.»

«Les marques aujourd'hui doivent apporter ''un plus'' pour se différencier.»

«Mais surtout prendre le consommateur au sérieux…»

2.3.1 Le client doit être au centre des préoccupations des marques, encore plus sur les réseaux sociaux

44 DG Facebook France

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 44/65

Bernard Cathelat45, grand gourou de l’analyse des comportements et mentalités des consommateurs français, est très clair sur le sujet. Les consommateurs veulent être considérés comme des clients VIP pas comme les autres. C’est après avoir étudié l’évolution des mentalités des Français sur plusieurs décennies qu’il est arrivé à cette conclusion. Or, cette demande de considération s’est accrue avec l’arrivée des réseaux sociaux et du mobile, qui leur ont donné le pouvoir d’écarter une marque si celle-ci ne correspond pas à leurs attentes et plus encore, si ils ont l’impression d’être un client parmi des milliers.

D’après Bernard Cathelat46, deux types de phénomènes sont à prendre en compte pour bien comprendre les enjeux de la relation marques/consommateurs :

1. Les consommateurs ont changé avec la montée des technologies :

- Ils sont blasés. Face aux nouvelles technologies, qui hier étaient très excitantes pour répondre à leurs attentes (callcenter, sites internet…) ils ont commencé à découvrir les inconvénients (attentes, informations pas adaptée…)

- Avec la crise, les consommateurs sont fragiles et ont besoins d’assistance, d’être accompagnés. Ils ont peur d’être abandonnés ;

- Il faut distinguer deux familles de consommateurs : les plus et les moins de 35 ans, dont les attentes et l’adoption des nouvelles technologies varient. Les moins de 35 ans, digital native, pour qui les nouvelles technologies sont une évidence et les plus de 35 ans qui ont besoins de relation, d’humain de la part des entreprises.

2. Les entreprises font face à trois défis :

- La technologie ne résout pas tout. Il faut renforcer la dimension humaine de la technologie. Elle doit servir à mieux connaitre et mieux comprendre les attentes des consommateurs (exemple : l’analyse du langage naturel pour comprendre les conversations écrites sur les réseaux sociaux…)

- Le consommateur a besoin d’accompagnement jusqu’à ce que sont problème soit résolu. Il a besoin d’être rassuré sur le fait que l’entreprise peut lui apporter des solutions. L’expérience négative avec une marque est souvent rédhibitoire. (Problem solving)

- Fair Play : installer la confiance face à l’utilisation des données (privacy). Les consommateurs ont besoin de garantie de la part de l’entreprise quant à l’usage qu’elle fait des données qu’elle récupère.

Les consommateurs d’aujourd’hui veulent être aimés par les marques, que celles-ci leur donnent des preuves d’amour. Le consommateur est devenu capricieux. Il peut zapper une publicité mais, surtout avec les réseaux sociaux, il peut zapper une marque, ce qui est beaucoup plus grave. Il doit pouvoir leur faire confiance, et cela passe par la mise en place d’un contrat ou chacun est gagnant dans la relation et pas uniquement les entreprises.

45 Il est spécialisé depuis 1972 dans l’étude des tendances de style de vie. Docteur (3e cycle) en Psychologie Sociale, il fut un

des cofondateurs du CCA|CCA (Socio-Styles de Vie) et codéveloppeur des études de Prospectives et Socio Styles de Vie : détection et suivi des tendances dans le corps social, et typologie des modes de vie et de pensée, dont il a publié la méthode originale du Socio-Styles Système.

46 http://www.youtube.com/watch?v=ZD6Sb6krJ-Y Prosodie Capgemini

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 45/65

Il est donc nécessaire que les marques pensent et mettent en place des programmes de Social CRM pour tisser des liens forts avec les consommateurs afin que ceux-ci aient le sentiment et la conviction qu’ils sont des clients important pour la marque et qu’elle prenne leurs attentes et leurs besoins en considération.

Ils peuvent certes détruire la réputation d’une marque (cf. chapitre précédent) mais ils peuvent aussi encenser une marque.

Thierry Jadot (Jadot, 2014), Directeur Général de l’agence media Aegis, explique bien dans son livre paru cet été, que le consommateur-citoyen deviendra le gendarme de la réputation des marques-entreprises. Il cite, entre autre, l’exemple de la publicité « Shalimar de Guerlain décriée parce que trop longue, au cinéma en 2013, et même sifflé par un grand nombre de spectateurs mais qui a donné lieu a des échanges passionnés sur les réseaux sociaux parce que la marque a su utiliser ses fans pour défendre le parfum ». Cette défense a été possible par un long travail de la marque sur ces fans depuis de nombreuses années, qu’elle a su fédérer et animer et qui, du coup le jour venu, se sont transformés en ambassadeurs.

Un autre exemple est intéressant, c’est celui d’Yves Rocher et la façon dont il a su créer une relation de confiance avec ses clients et qui fait de l’entreprise, la préférée des Français depuis plusieurs années. Cette relation est à double sens en créant dès le début une relation directe et interactive avec ses clients. Du coup, la confiance s’est instaurée au fil des années pour faire de cette marque-entreprise ce qu’elle est aujourd’hui. Elle a su prolonger cette action sur les réseaux sociaux et les utiliser pour amplifier encore cette relation marque/consommateurs. Un programme de Social CRM, sur Facebook, a été mis en place, qui tient compte des avis des clients-fans en intégrant leurs remarques dans le développement des produits. Les réseaux sociaux ont été dans ce cas de figure un outil puissant pour la marque pour poursuivre sa stratégie de proximité avec ses clients, mais le point de départ a bien été la construction sur la durée d’une relation équilibrée entre la marque et ses consommateurs.

On a là deux exemples qui montrent clairement que les réseaux sociaux, lorsqu’ils sont bien utilisés, en cohérence avec la stratégie de la marque, sont un levier efficace pour travailler en profondeur la relation marque-consommateur, à condition de respecter certaines règles.

2.3.2 Quelques règles de base pour reconstruire une vraie relation marques-consommateurs.

Le social permet "re-créer" du lien avec les consommateurs, voire même plus, il enrichit ce lien, le spécifie, creuse un sillon. En fonction des objectifs, il faut mettre les moyens en place pour que ce lien avec le consommateur, l'intéresse, l'enrichisse.

Par exemple: une vraie offre, qui est relais de la vente doit s’accompagner de vrai « story telling » via des anecdotes exclusives, si on veut creuser le sillon de la marque. Ce n'est pas tant une action de communication de masse (couverture, recrutement massif). C'est surtout un travail sur la profondeur et la qualité du contact. Ces actions répondent, dans la façon que nous avons de les construire, avant tout à des enjeux d'image et de trafic très qualifié. On ne peut pas avoir une approche "commerciale", "roi" uniquement. Il faut apporter du contenu. Cela peut être un moyen de recréer des liens même si le terme de lien est un peu fort, lorsque nous évoquons les réseaux sociaux. Tout dépend du contenu proposé. Il faut qu'il y ait une forte valeur ajoutée pour le consommateur, sinon il n’y a aucune raison d'envisager un relai avec les réseaux sociaux. Dans le cas contraire, cela peut même s'avérer contre-productif et destructeur pour une marque.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 46/65

Il est impératif d’avoir un bon contenu, de qualité, une façon différente de communiquer avec le consommateur, plus à l'écoute pour qu’il ait envie de partager. C’est ce que l’on appelle l’engagement, la transparence, l’esprit donnant-donnant entre la marque et ses consommateurs. Il faut mettre en place un modèle de communication plus personnalisé, plus adapté à chaque type de consommateur, et prendre en compte les besoins exprimés. La réactivité de la réponse et l'actualisation permanente des contenus est déterminante.

L’exemple de la campagne Coca-Cola, « share a coke » qui vend 150 prénoms sur les bouteilles et permet de personnaliser les produits, copié par Nutella avec un ajout significatif (la possibilité de commander sur Facebook, sa propre étiquette, envoyée par courrier, que l’on peut coller sur son pot de Nutella) est le symbole de cette volonté de mettre le consommateur au cœur de la stratégie de la marque et de personnaliser le produit. Ce type d’action fonctionne et crée du lien entre la marque et le consommateur. Les réseaux sociaux accélèrent cette possibilité parceque le consommateur y trouve un intérêt (pas uniquement financier).

Nescafé a aussi compris ce phénomène de partage entre amis sur les réseaux et en a fait son thème de communication en rendant réel une expérience virtuelle : aller à la rencontre de vos amis, là ou ils sont et partager un café avec eux. Cette campagne a été un succès et a permis à la marque de retrouver une modernité qu’elle avait perdue au fil des années, auprès des jeunes.

Une compagnie aérienne, Asian Airlines, a elle aussi développé ce type d’opération en proposant via un concours de gagner la possibilité de retrouver un de vos amis Facebook à l’autre bout du monde. Ce type de communication permet de créer de la sympathie pour la marque. La question qui reste posée, c’est si cela permet de développer les ventes.

Nous sommes maintenant entrés dans l’ère de la relation. Le « social » offre de réelles opportunités pour construire et renforcer cette relation à condition de respecter certaines règles. « Le digital a rendu plus fréquente, plus riche et plus complexe la relation entre les marques et les consommateurs » (Jadot, 2014). Le constat est que les consommateurs se comportent avec les marques comme avec leurs amis. Par conséquent, les marques sont des personnes et doivent être considérées comme telles et inversement les personnes sont des marques (Personal Branding) et doivent aussi être considérées comme telles.

Si les médias sociaux sont devenus si puissants, c’est parce qu’avant même d’évoquer la notion de média, on parle de "social", donc de relation. Le nouvel environnement économique met en exergue la qualité de la relation et d’autres facteurs tel l’humour, l'éducation et la surprise.  Ainsi, pour être performante, une marque doit-elle atteindre ce que Carl Rogers appelle la Congruence à l’échelle d’un plus vaste système de valeur.  Par conséquent, il est important que les marques repensent leur stratégie et, plus encore, réfléchissent à la mise en œuvre d’une culture d’entreprise pertinente, en s’appuyant sur les méthodes et outils adaptés. Il donne une recette simple, qui peut servir de règle de ce qu’on a appelé le « marketing réciproque », les 5E

qui définissent la communication sur les réseaux sociaux, si l’on souhaite que celle-ci soit acceptée par les internautes : Engagement, Echange, Emotion, Expérience, Essence.

Je vois donc 5 règles déterminantes dans la façon de gérer la communication sur les réseaux :

1. L’engagement ne se décrète pas, il s’acquière. Les marques doivent proposer à leurs publics des contenus réellement intéressants ou en tous cas qu’ils auront envie de lire et de partager. Ou des services qui aient une réelle valeur ajoutée pour les consommateurs (cf Nutella ci-dessus)

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 47/65

2. Ne pas tricher. Pour acquérir la confiance des consommateurs, les entreprises doivent jouer franc-jeu, ne pas tricher, ne pas mentir sur ce qu’elles sont réellement. Les consommateurs s’aperçoivent toujours de la supercherie. Ils peuvent « fact-checker » les informations. C’est une révolution culturelle qu’on demande aux annonceurs.

3. Le partage est clef. C’est ce qu’on appelle le « marketing réciproque ». Il faut donner pour recevoir. Ce qu’on entend par donner n’est pas forcément financier, il peut s’agir de services, de contenus à valeur ajoutée.

4. Le temps réel est déterminant. Hier un plan de communication se décomposait en plusieurs actions dans le temps. Aujourd’hui, le digital accélère les interactions marques-consommateurs. Il n’y a pas d’interruption, c’est 24/24 et 7/7. Ce qui est beaucoup plus complexe et couteux à mettre en place.

5. Traiter les consommateurs d’égal à égal avec les marques. C’est la clef de réussite d’une relation. Etre à l’écoute des consommateurs. Considérer ces derniers comme des sources d’amélioration des produits et des services.

Pour conclure cette deuxième partie, je citerai Stéphane Fouks DG de Havas WW, qui résume bien ce concept de vérité/transparence en communication, qui est à mon sens la clef du succès de la communication dans cette nouvelle ère : « Les réseaux sociaux sont aussi une formidable opportunité de communication. Les marques peuvent donc réagir en ayant une exigence : celle de la vérité. Je ne suis pas un apôtre de la transparence totale. Une marque, comme un média, doit hiérarchiser ses messages. Il ne s'agit pas de tout dire mais tout ce qui est dit doit être vrai car le mensonge finit toujours par être démasqué et par se retourner contre le menteur, et c'est encore plus vrai et plus immédiat avec les réseaux sociaux. Les entreprises ont toujours été confrontées à l'exigence légale de dire la vérité sur leurs comptes. Elles ont donc été éduquées. Elles savent également que le client sanctionne le mensonge et que l'on peut détruire en un instant la confiance que l'on aura mis des années à gagner.»

Nous pouvant ajouter la citation de Habermas dans Théorie de l’Agir Communicationnel, chapitre III, qui va dans le même sens : « La communication idéale ou du moins la communication qui peut permettre l’agir doit impérativement comporter trois aspects : une action langagière juste à effectuer au regard d’un contexte normatif donné, un énoncé vrai à produire, des opinions, intentions, sentiments… à exprimer de façon véridique. Vérité, justesse et véracité sont les trois moteurs de la communication pouvant mener à l’agir »

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 48/65

3 De la communication 2.0 à l’entreprise 2.0

« Dans les années qui viennent, la plupart des secteurs et de nombreuses entreprises devront se réinventer et accomplir leur mue pour devenir des entreprises sociales »

Mark Zuckerberg47

Les questions que nous avons abordées dans les deux premières parties sont des enjeux qui dépassent largement la communication. Les marques doivent repenser leurs business modèles et leurs relations aux consommateurs. Les media sociaux remettent la communication/relation au cœur de l’entreprise alors qu’elle a trop longtemps été considérée comme une activité marginale. Ceci a des implications sur les organisations, la façon de penser, de travailler, la gestion de la data…

3.1 La connaissance consommateur comme au cœur de l’entreprise

Une révolution est en marche. C’est le développement des informations sur les consommateurs, ce que l’on appelle le big data ou mégadonnées (en français). La bonne utilisation de cette donnée doit permettre à l’entreprise de répondre à toutes les questions qu’elles se posent sur leurs clients depuis des années. Le consommateur va enfin pouvoir devenir le centre, le cœur de l’entreprise. IBM a résumé cette idée en développant une réflexion poussée autour du « Social Business »48(que nous développerons plus loin) avec une accroche explicite : « Chief Executive Customer ». Les données générées par les réseaux sociaux (notamment Facebook) sont beaucoup plus riches et plus fines que celles accumulées via le surf des internautes. En effet, au-delà d’informations sur le comportement, on a la possibilité de connaitre ce que les gens aiment, pensent, préfèrent et de leur proposer exactement ce qu’ils souhaitent.

La difficulté pour les entreprises est aujourd’hui est de réussir à compiler ces megadonnées, les analyser et mettre en œuvre, en temps réel, les enseignements tirés. C’est l’enjeu des cinq prochaines années et seules les entreprises qui réussiront à mettre en œuvre ce programme de « Social Business » gagneront la confiance des consommateurs.

3.1.1 « Chief Executive Customer », la data permet de remettre le consommateur au centre des décisions de l’entreprise

Nous créons toutes les dix minutes autant de données que durant toute l’histoire de l’humanité. C'est-à-dire 1 800 milliards de gigabits de data au niveau mondial en 2011, soit la multiplication par neuf au cours des cinq dernière années selon une étude publiée en 2011 par John Gantz et David Reinsel49. C’est la confirmation de la loi Moore qui dès les années 1960 prédisait le

47 Web 2.0 Summit 2010 « Conversation wtih Mark Zuckerberg” youtube.com/watch?v=czw-dttP6ou48 Concept développé par IBM avec l’aide de Bryan Kramer président fondateur de Purematter qui a écrit en 2014 « Human to Human : H2H » à ne pas confondre avec la théorie développée par Mohamed Yunus Prix Nobel afin de résoudre les problèmes de pauvreté par le Business.49 IDC Digital Universe Study/EMC, « Extracting Value from Chaos », Juin 2011

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 49/65

doublement de la puissance de stockage des matériels informatiques tous les dix-huit mois, elle même dépassée.

Les entreprises vont devoir se plonger dans cet océan d’informations pour les collecter, les analyser, les « cruncher » et surtout en tirer des enseignements stratégiques sur les consommateurs qu’elles veulent séduire. Elles ont la possibilité aujourd’hui et encore plus demain de définir leur stratégie en intégrant ces données à condition de revoir considérablement leur organisation. Il est urgent de faire disparaitre les organisations en silo où la direction commerciale, la direction marketing, la direction informatique, la direction financières taveillent en travaillent en commun et partagent les enseignements tirés de ces données afin d’en tirer de la valeur pour les entreprises. C’est une révolution culturelle qui consiste à mettre le consommateur au centre de l’entreprise afin que les décisions stratégiques, qui seront prises, le soient en fonction de ce dernier et non pas en fonction des uns et des autres. C’est ce que IBM appelle « Chief Executive Customer », qui impose à toute l’entreprise de regarder à l’extérieur pour comprendre les enjeux de demain.

Elles auront besoin pour cela de recruter des statisticiens, des mathématiciens et surtout des analystes capables d’intégrer ces données et surtout de les faire parler. On parle de « torturer » la data pour la faire « parler », c’est bien de cela dont il s’agit. Pour cela, il faut de nouveaux profils au sein de l’entreprise, qui puissent aider à déterminer les orientations stratégiques de l’entreprise (data analysts). Mais plus que cela, il faut donner à l’entreprise la capacité d’ajuster ses orientations stratégiques en temps réel. En effet, la caractéristique de cette big data, c’est qu’elle est vivante, elle évolue chaque jour. Par conséquent, la décision d’hier est peut déjà erronée au regard de l’évolution des consommateurs. C’est une véritable remise en question de l’entreprise telle qu’elle a été conçue au XIX et XXème siècle, où le temps long prédominait, où les investissements en infrastructure des entreprises s’amortissaient sur des décennies. La question posée est de savoir comment réconcilier ces deux unités de temps ? C’est une vraie question à laquelle sont confrontées toutes les entreprises aujourd’hui.

Cela nous amène à la question de l’innovation. Comment celle-ci pourra-t-elle jaillir des données collectées ? On sait que les comportements passés des consommateurs ne font pas l’innovation de demain. Qui aurait pu prévoir, parmi les usagers, les révolutions digitales que nous vivons actuellement, tel que l’iPhone, l’iPad et autres produits connectés qui ont (et vont) encore totalement révolutionner nos comportements, et habitudes vis-à-vis des media, pour ne prendre qu’un exemple. Par conséquent, en plus des data-analysts, l’entreprise devra intégrer des personnes capables d’anticiper les évolutions à venir, les tendances de fond, comme des sociologues, des visionnaires qui pourront imaginer le futur et surtout des gens de communication qui sauront convaincre les consommateurs que ces inventions sont faites pour eux. En effet, ses derniers ont d’autres problèmes bien plus important que d’écouter ce qu’essaient de leur dire les marque-entreprises, sauf si elles font partie des quatre ou cinq marques qui ont leur préférence.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 50/65

L’intelligence artificielle des ordinateurs (ère cognitive) pourra très bientôt aider les chefs d’entreprise à prendre des décisions. C’est déjà le cas avec ces outils de diffusion de publicité sur Internet qui utilisent ce que l’on appelle l’achat programmatique50 et le Real Time Biding. Cette méthode permet, grâce à l’analyse des comportements passés, de prévoir ceux à venir. Ces logiciels de diffusion de la publicité sont « auto-apprenant », c'est-à-dire, que plus ils gèrent de campagnes sur une cible donnée, plus ils affinent les résultats de celles-ci afin de maximiser le ROI, de façon itérative. Ce sont les mêmes outils utilisés sur les marchés financiers pour prévoir l’évolution du court des actions, avec les dérives que cela entraine (cf. crise des SubPrimes en 2008). Ces outils de programmation ne fonctionnent aujourd’hui que sur des campagnes publicitaires mais pourront demain travailler sur des quantités de données plus importantes et prévoir les tendances de consommation à venir et guider les entreprises dans leurs décisions.

L’information collectée sur les consommateurs et le profiling de ces derniers doit permettre de remettre celui-ci au cœur des décisions de l’entreprise (Chief Executive Customer). Les réseaux sociaux offrent la possibilité aux entreprises de mettre en place des programmes de relation avec les consommateurs hyper-personalisés (Social CRM). Le consommateur dirige l’entreprise par l’expression de ses désirs au travers des réseaux sociaux à condition que cette dernière prenne le temps d’écouter ce que ce dernier a à lui dire. C’est la clef de la réussite.

D’après Social Baker51, en 2013, « les entreprises ont enfin compris qu'elles ne devaient pas uniquement publier des informations sur les réseaux sociaux mais converser avec leurs clients. 63% des questions obtiennent à l'heure actuelle une réponse au niveau mondial surtout sur Facebook, contre 5% en 2011». En France, Air France et Bouygues tiennent le haut du pavé en ce qui concerne l'attention portée aux clients. Même si les compagnies aériennes sont la cible du mécontentement des voyageurs sur les réseaux sociaux, elles ont appris à réagir. KLM publie, sur sa page Twitter, son temps de réponse moyen aux messages (voir capture ci-jointe). Mise à jour toutes les 5 minutes, les équipes répondent en moins d'une heure, ce qui est loin d'être le cas de toutes les marques. « En général, le temps de réponse n'est pas très bon. Il avoisine souvent un jour ou une demi-journée » assure Jan Rezab,

PDG et co-fondateur de SocialBakers. Figure 15 : Fil Twitter de KLM

Hollande

Il y encore du chemin à parcourir avant que les entreprises adoptent ces comportements et intègrent complètement les possibilités offertes par les media sociaux pour construire une relation de proximité avec leurs clients.

Nous ne sommes encore qu’aux prémisses de la révolution de la data. L’utilisation des données provenant des comportements des « socionautes » devrait nous apporter des informations encore plus riches sur les consommateurs.

50 Le terme d’achat programmatique désigne le processus d’achat automatisé d’espaces publicitaires Internet sur les ad exchanges en temps réel selon le principe du "real time bidding", c'est-à-dire d’enchère en temps réel.51 Social Baker est une société qui a mis en place des outils de mesure de la présence des marques sur les réseaux sociaux.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 51/65

3.1.2 Le social data, une nouvelle révolution

La social data n’en est qu’à ses débuts. La capacité de collecter de la donnée des comportements intimes sur les réseaux sociaux offre des possibilités de compréhension des individus qui seront exceptionnelles pour le marketing et pour les entreprises en général. Hier, on connaissait les comportements qui se traduisaient par des profils socio-démographiques et les habitudes de consommations produit et media. Aujourd’hui, avec l’accès aux données sociales et par la constitution de bases de données propres à chaque communauté organisée autour d’une marque, nous pouvons rentrer dans l’inconscient du consommateur et connaitre ses préférences. Nous avons là une approche plus qualitative que quantitative.

C’est ce qu’a essayé de faire Bernard Cathelat avec le CCA52 pendant de nombreuses années avec le concept de Socio Styles, qui cherchait a comprendre et a anticiper les mentalités des Français au travers d’enquêtes sur des panels à qui on faisait remplir un questionnaire. On a aujourd’hui la possibilité de connaitre ces tendances de fond grâce aux réseaux sociaux, à condition de se pencher sur ces données.

Socio Styles du CCA :

Trois décennies d’auscultation de la société française

Analyse des courants lourds qui influencent les attitudes, les motivations et les comportements des consommateurs.

Outil opérationnel de ciblage marketing /communication /media.

Une base quantitative

Une étude fondamentale (tous les 5 ans) : 2000 interviews, 913 questions, + 3 700 variables sur tous les chapitres de vie, psychologie, comportements actuels et prospectifs.

Une actualisation annuelle via SIMM (étude media) : 10 000 interviews (socio-styles, socio-démo, consommation, habitudes médias,…)

Depuis mars 2014, les réseaux sociaux et plus particulièrement Facebook, vont beaucoup plus loin, puisque sans passer par des échantillons et avec des populations connectées en permanence, ils peuvent suivre leurs mouvements, ce qu’ils écoutent (musique, radio, télévision), leurs « sentiments » grâce à l’icône feeling que les internautes peuvent intégrer à leurs messages (plus de cinq milliards de messages intégraient cette fonction dans l’année écoulée sur Facebook). En d’autres termes, Facebook peut suivre l’humeur des gens sans avoir à leur demander ni même sans qu’ils aient besoin de la partager. Cela est très inquiétant, même si Facebook prétend ne pas commercialiser ces données, elle finira par le faire.

Le consommateur laisse sur les réseaux sociaux et avec son mobile des informations non pas seulement sur ce qu’il fait mais sur ce qu’il pense, ce qu’il aime et ses désirs. La social-data doit permettre d’apporter un peu d’humanité dans ce monde aseptisé. La technologie et l’humain

52 CCA, Centre de Communication Avancée est un institut d’étude qui a développée le concept de Socio Styles.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 52/65

doivent se rejoindre pour offrir au consommateur des services qui soient réellement adaptés à ses attentes. Mais à nouveau, cela suppose la mise en place d’équipes capables de suivre, d’analyser et de répondre à ce qui se dit sur les réseaux sociaux.

3.2 « Social Business» une nouvelle approche de l’entreprise

« Lorsqu'elles regardent au-delà des médias sociaux et étudient la façon dont les technologies collaboratives génèrent une vraie valeur métier, les entreprises franchissent une étape : elles ne se contentent plus de "liker" sur les réseaux sociaux, mais prennent

les choses en main. Du marketing et des ventes à l'innovation dans les produits et les services, les médias sociaux transforment nos connexions les uns avec les autres et la

nature du business des entreprises »

IBM

Qu’est ce qu’on appelle le « social business » ? C’est la nouvelle façon d’intégrer la fonctionnalité de ces réseaux au sein de l’entreprise pour associer à la fois les salariés et les clients au business de l’entreprise. On a sous la main les outils qui vont permettre aux entreprises 2.0 d’engager cette révolution. L’utilisation des technologies sociales doit permettre d’accélérer la transformation des entreprises et surtout de leur faire gagner en pertinence et en productivité.

L’objectif est de mettre au centre de l’entreprise les individus afin d’accroître la valeur des connexions humaines. Le principe de base repose sur l’écoute et le partage et parie sur l’intelligence collective.

Deux axes peuvent être développés :

1. Les clients que l’on peut intégrer dans la conception des produits et des services. C’est ce que l’on appelle le co-design ou la co-création ;

2. Les salariés de l’entreprise afin de développer l’innovation et la créativité. C’est ce que l’on appelle le co-working qui nécessite de repenser totalement les façons de travailler en entreprise.

3.2.1 Prise en compte des retours client : co-design, co-creation…et personnalisation des produits de masse

Au delà de la connaissance client, demander leur avis pour créer des produits et des services adaptés est enfin possible grâce aux réseaux sociaux. C’est le rêve des industriels qui est devenu réalité. Il est possible de demander aux internautes quel serait pour eux le produit ou service idéal dans telle ou telle catégorie de produit. Il suffit pour cela de créer une page Facebook et de demander aux fans d’apporter leur contribution à la création d’un produit/service. Il est ensuite possible de tester ces produits/services sur plusieurs groupes d’internautes représentatifs des cibles clients et d’analyser leurs réactions et ensuite de faire évoluer la conception et la réalisation de ces produits/services. On a la possibilité de faire ce que l’on appelle des groupes « qualis » en live.

Grâce à une plateforme sociale correctement structurée et animée, des entreprises (américaines) réussissent à proposer à leurs clients des produits toujours adaptés à leurs attentes en les faisant interagir.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 53/65

Xavier Comtesse, consultant Suisse, cité par Francis Pisani dans « Comment le web change le monde » (Pisani, 2011), parle lui d’économie directe où finalement le consommateur se voit impliqué par les entreprises dans le processus de production. Il parle de « consomm-acteurs » pour qualifier le nouveau consommateur actif. On a bien là un changement de modèle économique qui s’est accéléré avec les possibilités qu’offre le digital. Il précise : « on quitte en quelque sorte une économie fondée sur les savoirs du producteur pour une économie des savoirs clients…si le vrai pouvoir est donné aux consommateurs, c'est-à-dire de finir le produit, supprimer les intermédiaires, changer les modèles et fixer les prix, ne sommes nous pas en train de changer les fondements de l’économie ? »

C’est bien de cela dont il s’agit et les entreprise 2.0 doivent intégrer ce nouveau paradigme qui s’est encore accéléré avec la montée du social, du mobile et de la data. On est entré dans l’ère du « social business ».

Dans son livre Blanc, Deloitte53 quantifie le résultat de l’intégration des réseaux sociaux dans la relation que l’entreprise entretient avec ses clients pour résoudre les problèmes. Elle estime à 20% la réduction des délais de traitement, des réclamations par rapport à la situation antérieure, grâce à l’apport d’informations contextuelles/conversationnelles à chaque étape et à la participation proactive des acteurs du processus dans le traitement du dossier.

Quelques exemples qui montrent que la co-création n’est pas si simple :

Decathlon une expérience difficile (2014)

Décathlon a ouvert sa plateforme de co-création en avril 2014. Cette plateforme doit pouvoir permettre d’améliorer les produits (couture mal placée, fermeture qui coince…). Ils ont rencontré de nombreuses difficultés. « La vraie difficulté c’est de connaître les réels besoins des utilisateurs, et on laisse la parole pour qu’ils disent ce qu’ils désirent, ce dont ils ont besoin » déclare Vincent Textoris. Ce type de plateforme pose de nombreuses questions quant à l’organisation, la propriété intellectuelle, la rémunération des participants et au travail avec les équipes internes. Si on peut tirer un enseignement de cette expérience, c’est qu’il faut absolument rester en contact avec les communautés, les tenir informés de l’avancée des projets sur lesquels ils ont travaillé.

Lego Factory

Avec son programme d’ambassadeurs, Lego a développé un outil informatique téléchargeable qui permet à chacun de construire son propre jouet (Lego Mindstorms 2008). Il était ensuite possible de le commander et de l’échanger sur une galerie en ligne. Au départ, l’outil était contraint, mais face au tollé des utilisateurs, il a été développé en « open source » ce qui a été un franc succès. Ensuite, Lego a lancé Lego Factory pour personnaliser les briques traditionnelles. Plus de 300 000 créateurs ont été actifs de part le monde et la firme a même proposé de rémunérer les participants au développement de nouveau produits. Le programme a finalement été interrompu en 2012 car pas rentable.

53 Un livre blanc du Social Business a aussi été publié en 2014 par Deloitte sur la « Socialisation des process » ou comment s’affranchir des contraintes héritées au XIXème siècle qui reprend ce concept de Social Business.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 54/65

NikeID

Nike ID reste l’exemple le plus réussi de co-design et de mass-personnalisation des produits. C’est une idée qui fonctionne bien. Le ressort c’est le caractère unique du produit et les consommateurs sont prêts à payer cher pour avoir le produit de leur choix. Et c’est très bénéfique pour l’entreprise qui en standardisant la fabrication de produits uniques, vendu 50% plus cher a su développer ses marques et garder un temps d’avance. Addidas a aussi développé ses produits personnalisables, depuis.

On le voit au travers de ces exemples, plus que la co-création, qui en est encore qu’à ses balbutiements, c’est la personnalisation qui caractérise notre époque. Les entreprises rivalisent de solutions pour proposer à chacun le produit qui lui correspond (Fiat, Apple, Addidas et même Coca-Cola avec les prénoms…). On a bien deux phénomènes en parallèle : l’homogénéisation de la consommation avec les grandes marques mondiales et la personnalisation grâce au digital et plus particulièrement aux réseaux sociaux. Appartenir à une communauté de marque est une chose mais chacun veut conserver son individualité, du moins en apparence. Thierry Jadot (2014) le résume ainsi : « La personnalisation généralisée apparait comme l’envers du décor d’un monde globalisé. Les « consommateurs-citoyens » sont plus que jamais à la recherche d’une offre qui leur est destinée afin d’échapper à l’anonymat d’une consommation mondialisée. »

L’aboutissement, encore en devenir, de cette personnalisation devrait atteindre son paroxysme avec la technologie de l’impression 3D, qui permettra de produire un produit unique à moindre coût. Ceci marque la fin du Fordisme et de la Taylorisation apparu au début du XXème siècle. La connexion, au travers de la data, des plateformes sociales et de la fabrication 3D sera l’aboutissement absolu de cette tendance où chacun pourra faire sa propre liste au Père Noel et commander ses produits et ses services sans que cela ne lui coute plus cher.

3.2.2 Le social-working, une nouvelle forme de management des entreprises

L’autre pan du « Social Business », c’est l’utilisation des réseaux sociaux d’entreprise pour fédérer les talents et permettre à chacun d’être plus intelligent au sein de l’entreprise et par conséquent de permettre à l’entreprise d’être plus performante grâce à ses gains de productivité.

L’application des techniques « social » dans l’entreprise permet de partager les informations et la vision de l’entreprise de façon instantanée et simultanée. Ce travail de collaboration nécessite la mise en place d’outils de collaboration sophistiqués, transformant les modes de fonctionnement dans l’entreprise. On passe d’une logique de stock à une logique de flux, d’une circulation de l’information unidimensionnelle à une circulation multidimensionnelle. Cela signifie que chacun est au même niveau d’information et doit partager son activité.

Bryan Kramer résume cette idée de la façon suivante : « dans un contexte économique de plus en plus complexe et de plus en plus social, un changement doit s’opérer. Les personnes ne

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 55/65

doivent plus être dirigées par les systèmes mais les systèmes doivent être dirigés par les hommes. C’est essentiel. »

Or les réseaux d’entreprise offrent cette possibilité, à condition d’être gérés correctement. En effet, pour beaucoup de salariés, les réseaux sociaux sont considérés comme appartenant à la sphère privée – ce qui est totalement illusoire – et donc n’ont rien à faire dans l’entreprise. A cela s’ajoute le fait que les comportements constatés sur les réseaux sociaux (privés) type Facebook, Twitter ou Instagram ne se reproduisent pas à l’identique sur un réseau d’entreprise. Il y a une méfiance des salariés vis-à-vis de l’entreprise qui se sentent jugés par leur hiérarchie et qui par conséquent ne partagent pas aussi facilement leur activité professionnelle, aux yeux de tous, que dans la sphère privée. Néanmoins, c’est un apprentissage nécessaire qui prendra du temps et qui deviendra naturel au fil des années, à condition que cela ne soit pas perçu par les salariés comme un nouveau système de surveillance.

Si cette organisation « sociale » est correctement gérée, les bénéfices sont de l’ordre de cinq (Deloitte, 2014) :

a. Amélioration de la qualité des livrables grâce à une meilleur collaboration ;

b. Amélioration du partage et de la transmission des connaissances en facilitant la circulation des informations sur tous les axes ;

c. Un renforcement de l’expertise grâce au partage des bonnes pratiques ;

d. Un meilleur suivi de l’exécution des processus, échanges informels ;

e. Gestion des talents, remise de l’humain au cœur du travail, détection des profils.

Le travail collaboratif, en mode projet, prenant appui sur les réseaux sociaux est une expérience qu’il faut tenter. Elle nécessitera des méthodes sur mesure en fonction du type d’entreprise. Les ajustements se feront au fur et à mesure pour trouver la solution idéale et fonctionnelle qui impactera les organisations dans leur ensemble.

3.3 Revoir les organisations : le social est l’affaire de tous.

« Social Network enterprise will be the new production line »

Ginni Romitty IBM CEO

Passer d’une organisation verticale à une organisation horizontale est nécessaire et est la voix de la réussite pour les entreprises. Ce n’est pas simplement une question de technologie mais aussi de culture d’entreprise qui est à revoir.

Les principaux freins à une digitalisation réussie sont culturels et humains : « dans l’économie de l’immatériel, la question de l’accessibilité est centrale. La digitalisation fait le présupposé d’une accessibilité sans obstacle, alors qu’il y a des limites culturelles, sociales, cognitives. La

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 56/65

technique est inutile sans codes sociaux, sans civilité. » explique Francois Hubault, professeur d’ergonomie.

Il faut casser les silos qui structurent les entreprises, casser la culture hiérarchique du chef, faire appel à l’autonomie, la responsabilisation et le travail en réseau. La créativité et l’agilité sont clef pour l’entreprise d’aujourd’hui, c'est-à-dire la capacité à réagir en temps réel aux évolutions du marché. La connexion aux réseaux sociaux externes et internes est la possibilité pour les dirigeants et aussi pour les salariés d’être informés en temps réels des tendances et des évolutions des consommateurs. Plus besoin d’étude de marché.

Il faut acquérir de l’agilité, de la vitesse dans les réactions afin d’épouser celles des individus qui grâce au digital et au social ont eux même acquis un accès total à l’information. Par exemple, on sait, avant même qu’il sorte, les forces et faiblesses de l’iPhone 6. Les commentaires, tests et vidéos ont déjà circulées sur internet et sur les réseaux sociaux, initiés semble-t-il par Apple elle-même.

3.3.1 Une autre façon de faire du management et d’innover en entreprise

L’entreprise 2.0 va devoir repenser ses méthodes de management et de créativité en s’inspirant des quatre techniques apparues sur le digital et les media sociaux : « design thinking » pour plus de créativité, la « gouvernance agile » pour plus de réactivité, l’ « open culture » pour plus de connaissance, le « reverse mentoring » pour plus de partage.

Le Design Thinking

L’engouement dans les cours de management pour le « design thinking » est un signe de l’intérêt pour la nouvelle technique de création, de management, de collaboration et de mélange des compétences.

Inventé dans les années 1950 et remis au gout du jour depuis peu, le Design Thinking54 est une approche qui s’inspire beaucoup de ce qui se passe sur les réseaux, et surtout applique des techniques de créativité utilisées par les designers pour résoudre des problèmes d’innovation par une approche multidisciplinaire.

Cette approche doit être intégrée au sein des entreprises avec la participation des salariés, mais aussi des clients. Elle permet au travers de techniques de créativité de tirer le meilleur de chacun. Cette méthode doit faire partie intégrante de ce que l’on appelle l’entreprise 2.0 qui s’inspire du nouvel environnement social qui les entoure.

Parmi les marques les plus «designfull», qui intègrent le « design thinking » au cœur du processus d’innovation, on peut citer Apple, Dyson, Samsung, Swatch ou encore Décathlon. Ces marques recherchent l’innovation pour séduire leurs consommateurs. Elles intègrent aussi les commentaires, les remarques de ces derniers pour améliorer leur produit, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent.

Histoire du « design thinking » :

54 http://frenchweb.fr/le-design-thinking-un-nouvel-avantage-competitif/122936#c82xWqemdTFmukve.99

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 57/65

Années 1950: Le publicitaire américain Alex Osborn, en mettant au point la technique du brainstorming, sensibilise le monde de l’entreprise à la pensée créative.

Années 1960: Création d’un premier programme inter-départemental à l’université de Stanford. Ce programme se veut centré sur l’humain.

1987: Peter Rowe publie son ouvrage «Design Thinking» aux presses du MIT 1991: A Palo Alto David Kelley fonde l’agence de design IDEO, qui met au point un

nouveau mode de résolution des problèmes. Décloisonnement, dynamisme et remise en question sont les maîtres-mots des concepteurs du «design thinking» chez IDEO.

1999: Suite à un défi lancé sur la chaîne ABC News, IDEO crée un nouveau caddie de supermarché en 5 jours, en appliquant ses méthodes de résolution de problème complexe, avec l’aide de plusieurs professions: designers, médecins, logisticiens…

2001: IDEO passe de 20 à 500 collaborateurs, et s’étend à une dizaine de sites dans le monde

Années 2000: Multiplication des publications, des colloques et des cours sur le Design Thinking dans les plus grandes universités du monde.

2012: Création de 3 écoles de Design Thinking, aux Ponts et Chaussées à Paris, à Pékin, et à Tokyo.

La gouvernance agile

L’agilité est clef pour les entreprises d’aujourd’hui. C'est la capacité de s’adapter aux évolutions quotidiennes des consommateurs qui sont sollicités en permanence par de nouvelles innovations. Cela suppose de revoir les organisations et modes de fonctionnement, de retrouver l’esprit start up. Ce n’est pas simple pour des grands groupes mais indispensable.

Ces méthodes peuvent s’inspiré du Manifeste Agile55 développé en 2001 par 17 experts en développement d’applications informatiques, qui considéraient que les méthodes en cascade

55 En février 2001, aux États-Unis, dix-sept spécialistes du développement logiciel se sont réunis pour débattre du thème unificateur de leurs méthodes respectives, dites méthodes agiles. Les plus connus d'entre eux étaient Ward Cunningham l'inventeur du Wiki via WikiWikiWeb, Kent Beck, père de l'extrême et cofondateur de JUnit, Ken Schwaber et Jeff Sutherland, fondateurs de Scrum, Jim Highsmith, prônant l'ASD, Alistair Cockburn pour la méthode Crystal clear, Martin Fowler, et Dave Thomas ainsi qu'Arie van Bennekum pour DSDM (Dynamic System Development Method) la version anglaise du RAD (développement rapide d'applications). Ces 17 experts venant tous d'horizons différents réussirent à extraire de leurs concepts respectifs des critères pour définir une nouvelle façon de développer des logiciels.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 58/65

n’étaient plus adaptées à un environnement en perpétuel mouvement. Ce manifeste de l‘agilité est composé de quatre valeurs et douze principes fortement inspirés de la culture digitale : la satisfaction clients est une priorité, les individus et l’échange plutôt que des systèmes, l’adaptation au changement, la simplicité, l’auto-régulation des équipes…dont peuvent s’inspirer les entreprises qui souhaitent retrouver cette agilité.

Open culture

« Open source », « open innovation », « open data »… Ce concept de liberté d’accès à la connaissance et à l’information trouve ses fondements dans la culture originelle du web, c’est-à-dire une culture libertaire-libérale qui donne accès à tous à toutes les informations. C’est ce que revendiquent les entreprises des nouvelles technologies telles que Google, Amazon, Apple ou Microsoft : la transparence absolue et l’ouverture sur l’extérieur. Mais cette fois ci, contrairement à l’esprit communautaire des origines du web, c’est pour servir leur propre intérêt. Cela fonctionne puisque Google, Apple et Microsoft sont dans le top cinq des entreprises mondiales en termes de capitalisation boursière.

Reverse Mentoring

La fracture digitale existe entre les digital natives qui ont moins de 35 ans et les autres. Il est donc nécessaire d’établir des échanges entre les générations. Les plus jeunes peuvent former les plus anciens sur les techniques digitales et les plus anciens sur les méthodes acquises au cours de leur carrière. C’est la garantie d’une transition en douceur, sans rupture, pour les entreprises de l’ancien monde vers le nouveau monde.

Ce sont des méthodes qui ont fait leur preuve et que les entreprises qui veulent être 2.0 doivent impérativement mettre en place pour s’adapter au monde social qui les entoure.

3.3.2 Fédérer les clients et les salariés autour de l’entreprise et ses marques

« Les salariés, les clients, les usagers, les blogueurs, les influenceurs, les fans, tous les publics engagés dans une liaison avec les entreprises et ses marques s’en sentent les

copropriétaires, au même titre que les actionnaires »

(Jadot, 2014)

Les réseaux sociaux ont cassé les murs entre l’extérieur et l’intérieur de l’entreprise. Il n’y a plus de frontière ou du moins celles-ci sont devenues poreuses. Tout le monde peut donner son avis sur l’entreprise. Les consommateurs sont d’accord pour donner leur avis, partager leurs informations même les plus privées, mais en contrepartie, il faut que l’entreprise respecte cette confiance et ne profite pas de la situation. La relation avec l’entreprise est une expérience totale qui peut transformer les clients en ambassadeurs motivés ou, s’ils se sentent abusés, en détracteurs qui exprimeront leur mécontentement sur les réseaux sociaux.

C’est un enjeu majeur pour les entreprises et les marques qui peuvent transformer leurs clients, en fans, en media qui donneront à la marque une visibilité et crédibilité auprès des non-clients. Il n’y a pas plus efficace que les recommandations faites par les clients-fans auprès de leur communauté (amis, famille, relations…).

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 59/65

D’un autre coté, les salariés peuvent aussi devenir les meilleurs ambassadeurs, si leur confiance dans l’entreprise est totale. Grâce aux réseaux sociaux, il est possible de fédérer les membres de la société, autour d’un projet collectif. Ils deviendront les porte-paroles de l’entreprise à l’extérieur.

L’exemple de Monoprix qui a mené sa digitalisation sur l’impulsion du Comex est révélateur : ses membres se sont demandés comment apporter à leurs clients une expérience relationnelle remarquable, à chaque rencontre. Cela a commencé par un premier travail d’interviews sur le thème « parlez-moi d’enseignes qui le font bien ». Cela a permis de parler d’une même voix. Ils ont aussi fait des ateliers avec les vingt managers sur l’expérience client cross-canal réussie. Ensuite, un comité de pilotage des gens de l’entreprise qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble, s’est réuni. C’était une façon de casser physiquement les silos.

Un autre exemple est celui du groupe Accor qui a revu son organisation en créant Accor Store (distribution) et Accor Client (relation). Les silos traditionnels, par service et par marque ont été abattus, au profit de la mutualisation des ressources dans des pôles multimarques. Une filière d’expertise digitale, en central, a pour ambition d’attirer les talents et de former l’interne. Avant, 250 personnes au sein du groupe achetaient des mots clés. Aujourd’hui, 5 personnes en central négocient directement avec Google. Une Académie Digitale a été mise en place pour former les salariés, des franchisés jusqu’au conseil d’administration. Le prochain enjeu c’est les réseaux sociaux. « Une des réflexions, c’est de faire de notre réseau d’hôtels un réseau social. On peut commencer l’accueil avant l’arrivée à l’hôtel et le poursuivre après» déclare le directeur marketing.

Ces entreprises françaises, n’en sont qu’à leur début de la «socialisation» de leur organisation. Poussées par le réel, des expérimentations sont menées pour casser les frontières. Certaines fonctionnent d’autres moins. La culture française du management des entreprises ne favorise pas ce type de pratiques. Nous allons regarder de l’autre coté de l’Atlantique pour voir quelles pratiques sont utilisées pour « socialiser » l’entreprise en s’attardant sur un exemple symptomatique.

3.3.3 Best Buy56 l’entreprise « Social » absolue

Best Buy distributeur américain de produits électroniques a mis en place les grands principes du « social business », à savoir une connexion avec ses clients au travers de réseaux sociaux et l’utilisation des salariés comme relais de la bonne parole de l’entreprise auprès des clients.

La première chose a consisté à mettre en place un compte Twitter (@twelpforce), au nom étrange contrôlé par les 3000 « chemises bleues », réparties sur tout le territoire, des commerciaux chargés de répondre aux questions des clients. Ces questions sont parfois extrêmement techniques et l’accompagnement des vendeurs est total et très précis. Des renseignements personnalisés en fonction des besoins de chacun, selon leur type de consommation sont données. Quel est le bon produit, ses caractéristiques techniques ? Quelle télévision pour regarder telle série ? Quel casque audio pour écouter de la musique classique ?

Selon Best Buy, @twelpforce a fait baisser les réclamations de 20% en un an, mais surtout contrairement au conseil one to one en magasin, tout le monde a pu profiter des échanges sur le compte Twitter. Il est possible sur bbyfeed.com de suivre toutes les conversations et notamment

56 Etude développée par Fred Jarvis dans « Tout Nu sur le web » (Jarvis, 2011)

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 60/65

les réponses apportées par les vendeurs. Il est aussi possible de converser avec le PDG de Best Buy, toujours au travers de son compte Twitter.

Best buy a su mettre en place un mode de fonctionnement basé sur la transparence et l’ouverture. « C’est une façon de travailler très différente que lorsque j’étais jeune » explique Barry Judge, CEO. « A l’époque, c’était un peu comme si on était en guerre. Chacun avait ses secrets et le silence était une bonne chose ».

Best Buy a mené cette révolution avec ses employés. Chaque lundi matin, ils se réunissent et passent en revue les moments où les clients les ont pris en défaut. « Depuis que j’ai acheté un ordinateur chez eux, je suis cliente à vie. Le lendemain, je recevais un mail de Johan, mon vendeur, espérant que j’étais contente de mon achat, m’indiquant les autres magasins où je pourrais l’échanger et me pointant sur les réseaux sociaux de la marque», déclare une cliente fidèle.

C’est l’autre facette de cette pratique, faire confiance aux collaborateurs pour interagir avec les clients dans le monde entier. Les salariés, par la confiance que l’entreprise leur donne, deviennent des intermédiaires entre les clients et l’entreprise. Ces salariés ont aussi la possibilité d’échanger en eux et avec les spécialistes de l’entreprise pour apporter des réponses techniques aux clients. Des tablettes connectées ont été confiées aux « chemises bleues » pour obtenir des informations complémentaires. Barry Judge, déclare même que dans avenir proche des applications sur mobile vont être développées pour que les clients se renseignent directement auprès des experts. On se dirige là vers l’étape ultime du « social business », la désintermédiation de l’entreprise.

En parallèle, Best Buy à ouvert ses data. Des particuliers ou des entreprises à l’extérieur peuvent créer des applications propres sur les plateformes Best Buy. Par exemple, une banque a créé une boutique où ses clients peuvent utiliser des points pour acheter des produits Best Buy. Un autre exemple, Camelbuy.com signale, à ses abonnés, les baisses de prix chez Best Buy. Ce principe de transparence va jusqu’à la transparence des prix.

L’ouverture de l’entreprise Best Buy est une démarche sans précédent qui semble donner des résultats positifs. C’est une démarche qui préfigure ce que sera l’entreprise de demain qui pourra être totalement ouverte sur l’extérieur grâce aux réseaux sociaux et au mobile, au bénéfice des consommateurs. C’est une démarche dont devrait s’inspirer de nombreuses entreprises.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 61/65

Conclusion

Nous l’avons démontré dans la première partie, avec les réseaux sociaux, nous sommes passés de l’ère des technologies de l’information à celle des technologies de la communication au sens littéral, la relation.

On l’a bien compris, cela a fondamentalement changé la donne pour les marques et les entreprises et leur façon de communiquer avec leurs clients. On vit en parallèle un double phénomène : d’un coté, grâce aux media sociaux, les consommateurs ont acquis une autonomie sans précédent, de l’autre, ces mêmes media sociaux permettent aux entreprises de communiquer avec eux de façon très intime, à condition de revoir leur façon de penser, de communiquer, de travailler et d’opérer une véritable révolution afin d’appliquer les règles du « Social Business ».

On est passé d’une situation où les entreprises avaient le pouvoir à une situation où les consommateurs l’ont. La question est de savoir comment les entreprises doivent s’y prendre pour transformer ce risque de rupture en opportunité et se reconnecter avec les consommateurs. Finalement les pistes que nous avons évoquées, qui donnent la direction à suivre, ne sont appliquées que par un petit nombre d’entreprises.

Aujourd’hui, nous ne sommes qu’au printemps de cette nouvelle révolution « social ». Les consommateurs eux mêmes n’ont pas encore mesuré la portée de ce nouveau pouvoir que leur confèrent les medias sociaux. En fin de compte, très peu d’actions sont menées pour boycotter telle ou telle marque et les cas que nous avons évoqués dans la deuxième partie sont assez limités dans leur portée.

C’est pourtant la direction que les marques-entreprises doivent prendre pour renouer avec les consommateurs. Avec la désintermédiation du système économique, l’économie collaborative, le crowdfunding, la montée du social business est en marche et elles ne pourront pas y échapper. Des réseaux au-delà des entreprises se créent qui remettent en question le rôle même des entreprises. Des connexions se font de plus en plus entre les consommateurs, création d’outils d’échange, de partage, de particuliers à particuliers, qui contournent le système économique classique. A cela vient s’ajouter l’impression 3D et les « doeurs57» ou chacun pourra fabriquer ses propres produits. Tout cela nous amène à nous poser une question : peut-on se passer de l’entreprise ?

La réponse est oui, sauf si les entreprises adoptent totalement les nouvelles règles du « social business » et du coup, créent une relation porteuse de valeur ajoutée avec leurs clients, grâce aux réseaux sociaux. Elles ne seront pas écartées et les consommateurs verront en elles des partenaires privilégiés.

57 Terme inventé par Joel de Rosnay dans Surfer la Vie (Rosnay, 2012)

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 62/65

Bibliographie

Australie, T. S. (2012). Grandes Entreprises et consommateurs : le malentendu ?

Bellanger, A. (2012). La Théorie de l'information. Paris: Gallimard.

Bessede, P. (mars 2014). Le "digital relationship" ou l'humanisation de la relation marques-consommateurs. Strategies n° 1759 , 4.

Deloitte. (2014). Livre Blanc : socialisation des processus. Neuilly.

Donald, C. M. (1971). What is the short-term Effect of advertising ? Marketing Science Insittute.

Fayon, P. C. (2013). Community Management : fédérer des communautés sur les media sociaux. Pearson.

Forbes Insights, M. (s.d.).

Hamon, T. (2013). ROI DU SOCIAL MEDIA. Mémoire « Master en Management » ESC Clermont .

Jadot, T. (2014). L'été numérique. Débats Publics.

Jarvis, F. (2011). Tout Nu sur le web : pladoyer pour une transparence maitrisée. Les temps changent - Pearson.

Jones, D. (2012). On a tous à y gagner : La révolution des medias sociaux, bien faire et faire le bien. Pearson.

Jones, J. P. (1990). “Ad Spending: Maintaining Market Share.” , : . Harvard Business Review 68 , pp. 38-41.

Jones, J. P. ((1995)). When Ads Work. Lexington Books.

Krugman., H. E. ((1972)). “Why Three Exposures May Be Enough.”. Journal of Advertising Research , 11-14.

Malfesoli, M. (Octobre 2012). Le Monde selon Miche Malfessoli. Récupéré sur soonsoonsoon: http://www.soonsoonsoon.com/le-monde-de-demain-selon-michel-maffesoli

Mattelart, A. (2009). Histoire de la société de l'information. La découverte.

McDonald, C. (1995). Advertising Reach and Frequency: maximizing advertising results through effective frequency. Association of National Advertisers Inc, New York (NTC Business Books) .

MCKinsey. (Avril 2013). Leveraging "big data" to optimize digital marketing.

McLuhan, M. (1970). Pour comprendre les média. Montréal: HMH.

Mellet, É. p. (s.d.).

MillwardBrown. (2011). How your brand should capitalize on social media.

Naples, M. J. (January 11, 1979). Effective Frequency. McGraw-Hill.

Pisani, D. P. (2011). Comment le web change le monde. Paris: Pearson Education.

Rosnay, J. d. (2012). Surfer la vie : comment survivre dans une société fluide. Paris: Les liens qui libèrent.

Sadin, E. (février 2014). Facebook, la machine a flatter. Inrockuptible .

Soudoplatof, S. (2012). Le monde avec internet. Paris: Editions FyP.

Tinelly, M. (2012). Le marketing Synchronisé. Eyrolles.

Turner, F. (2012). Aux sources de l'utopie numérique. C&F Editions.

Vandendorpe, C. (mars-avril 2006). Internet, le media ultime. Publié dans Le Débat , pp. no 139, p. 135-145.

Vetch, P. V. (2013). “An Agent-Based Approach to Modeling Online Social Influence”. Applied Scientific Research - Vrije Universiteit Amsterdam, The Netherlands .

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 63/65

Whalter, B. (2013). Le Big Bang de la Big Data. Doc News .

Wikipedia. (s.d.).

Winkin, Y. (1981). La nouvelle communication. Points.

Wolton, D. (2012). Indiscipliné. Odile Jacob.

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 64/65

Table des illustrations

Figure 1 : la communication "sociale".............................................................................................................6Figure 2 : Courbe de JP Jones Share Of Voice/Share Of Market – 1990.......................................................9Figure 3 : Courbes de réponses................................................................................................................... 10Figure 4 : Purchase Funnel is dead..............................................................................................................11Figure 5 : Le fameux logo Gap et celui qui devait le remplacer....................................................................22Figure 6 : Meanningful Brand Index..............................................................................................................24Figure 7 : Classement des Marques selon MBI au niveau mondial..............................................................25Figure 8 : Classement des marques les plus influentes sur les réseaux sociaux selon Starcount...............26Figure 9 : (Forbes Insights).......................................................................................................................... 27Figure 10 : Average Digital Budget Breakdown 2013 - http://technoratimedia.com/.....................................28Figure 11 : Exemple de cartographie des hastags Twitter lors d’une conférence http://www.gisagents.org/36Figure 12: Un nouvel écosystème media......................................................................................................38Figure 13 : Bénéfices des pages fans - (MillwardBrown, 2011)....................................................................42Figure 14 : Exemple de Social Dashboard Peugeot.....................................................................................43Figure 15 : Fil Twitter de KLM Hollande........................................................................................................52

Reproduction interdite sans autorisation préalable Mémoire professionnel - Page 65/65