les incitations à la violence...

123
Face à trop grande abondance de mots désignant les violences verbales, discriminer les femmes en les tenant à l'écart Afin de cerner le phénomène dans ses aspects multiformes, Ces expressions constituent des incitations à la violence sexiste par beaucoup de mépris envers les femmes Comment faire un sujet accrocheur ? Le jouer caustique, satirique, provocateur, et s’assurer le concours d’une chroniqueuse médiatisée manipuler les unes et les autres pour les rendre les plus ridicules possibles et les moins crédibles possibles dénaturer des propos pertinents, bien ridiculiser des « anciennes Les femmes insultées, discriminées, battues, violées ? Il ne faut pas les victimiser il en appelle à l'intelligence et à la conscience de l'autre. C'est pourquoi le féminisme est un véritable humanisme.» Là encore, nous sommes dans un rapport de domination. cette partie de l’anatomie qui se situe entre les membres inférieurs. les femmes soient sous-protégées, sous-défendues, sur-insultées, et sur agréssées. sans dénigrer, moquer, manipuler, détourner et déformer leurs propos. Etre une femme indépendante Etre une femme fière de ses droits autonomie matérielle et indépendance ! Ca signifie être consciente des formidables progrès de l’émancipation féminine et des droits acquis de haute lutte grâce, en particulier, à des féministes qui se sont battues pour ces droits depuis des années ! être « exaspérée ! » n’a pas fait la plus petite investigation sur l’histoire pas la moindre recherche au sujet Les insultes et le chantage affectif ou les menaces se conjuguent différemment selon la position sociale des femmes. Les femmes issues des catégories les plus défavorisées se déclarent plus souvent insultées, tandis que menaces et chantage s'observent dans tous les milieux. Ces injures ne sont pas les seules formes d'humiliations.

Upload: others

Post on 25-Mar-2021

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Face à trop grande abondance de mots désignant les violences verbales,discriminer les femmes en les tenant à l'écart

Afin de cerner le phénomène dans ses aspects multiformes,

Ces expressions constituent des incitations à la violence sexiste par beaucoup de mépris envers les femmes

Comment faire un sujet accrocheur ? Le jouer caustique, satirique, provocateur, et s’assurer le concours d’une chroniqueuse médiatiséemanipuler les unes et les autres pour les rendre les plus ridicules possibles et les moins crédibles possibles dénaturer des propos pertinents, bien ridiculiser des « anciennesLes femmes insultées, discriminées, battues, violées ? Il ne faut pas les victimiser 

il en appelle à l'intelligence et à la conscience de l'autre. C'est pourquoi le féminisme est un véritable humanisme.»

Là encore, nous sommes dans un rapport de domination.

cette partie de l’anatomie qui se situe entre les membres inférieurs.

les femmes soient sous-protégées, sous-défendues, sur-insultées, et sur agréssées.

sans dénigrer, moquer, manipuler, détourner et déformer leurs propos.

Etre une femme indépendante Etre une femme fière de ses droits autonomie matérielle et indépendance !Ca signifie être consciente des formidables progrès de l’émancipation féminine et des droits acquis de haute lutte grâce, en particulier, à des féministes qui se sont battues pour ces droits depuis des années !être « exaspérée ! »

n’a pas fait la plus petite investigation sur l’histoire pas la moindre recherche au sujet

Les insultes et le chantage affectif ou les menaces se conjuguent différemment selon la position sociale des femmes. Les femmes issues des catégories les plus défavorisées se déclarent plus souvent insultées, tandis que menaces et chantage s'observent dans tous les milieux.

Ces injures ne sont pas les seules formes d'humiliations.

Face à la pléthore (: trop grande abondance) de mots désignant les violences verbales,

les violences, définies comme les atteintes à l'intégrité physique et psychique de la personne, Essentiellement vécues dans la vie quotidienne, fondées sur un rapport de force ou de domination, les violences restent la plupart du temps de l'ordre du privé, circonscrites à des affaires personnelles. Elles sont souvent occultées, voire déniées par les victimes elles-mêmes.

Page 2: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Les agressions physiques - constituées des vols avec violence, coups et blessures et tentatives de meurtre

Les agressions physiques et sexuelles peuvent être considérées dès leur première occurrence comme une atteinte à l'intégrité de la personne. Pour d'autres agressions, comme les insultes, le dénigrement, le mépris, les actions de contrôle et les autres pressions psychologiques,

le " harcèlement moral ", est constitué d'actes insidieux, de paroles humiliantes, qui sont répétés

brimades, critiques ou dénigrement,les insultes, le dénigrement, le mépris, les actions de contrôle et les autres pressions psychologiquesfixe la limite du domaine imparti aux femmes.

‘’vas te faire baiser, salope’’‘’retourne à tes casseroles, bonniche’’

Sorcières "pute" ou de "salope"

la fonction d’une insulte sexiste?La capacité à dominer et contrôler les femmes

"sale gouine" ou de "tarlouze" deviendrait une injure aggravée au regard du code pénal, tandis que la traiter de "pute" ou de "salope" ne sera pas autant sanctionné, ni la diffamation.

chaque jour des milliers de femmes sont insultées en tant que femmes et parce que femmes, impunément. Ce n'est pas en tant qu'êtres humains qu'elles sont ainsi discriminées et agressées, mais spécifiquement en raison de leur sexe.

la voie de la victimisation et de la guerre contre les hommes,

en la réduisant à son sexe, en affirmant qu’elle n'est que ça, il confirme une idée chère au sexisme: les femmes n’ont pas de cervelle. Il dit tu n’existes pas, ou plutot tu n’existes que là ou je te laisse exister. Et gare à toi si tu sors du territoire que je définis. L’insulte fait partie intégrante de l’arsenal de la misogynie. Elle en est la première étape. Le stade verbal avancé. Le panel d’insultes spécialement destinées aux femmes est extraordinairement riche dans notre beau langage. C’est qu’on a besoin de beaucoup de ciment pour consolider le mur de mépris qui tient les femmes en place siècle après siècle. Et quand les mots ne suffisent pas, il suffit de passer à l’étape suivante. L’ordre masculin est bien gardé. Les résistantes auront affaire à des violences de moins en moins symboliques. Entre l’inflation verbale et la brutalité physique, le chemin est parfois extrêmement court. Et la violence physique, étape après étape, ne connaît qu’une limite: la mort. Entre ‘’salope’’ et le coup ultime qui arrache la vie, il y a certes

Page 3: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

une énorme différence de degré, mais pas de nature. C’est la logique de la loi du plus fort, qui comme chacun sait, est sinon la meilleure du moins la plus efficace pour qui veut imposer à autrui sa vision du monde.

Elle la réduit toute entière à son sexe et à ses attributs ou fonctions supposés.

Nommer et compter les violences envers les femmes : une première enquête nationale en France

Avec l'aimable autorisation de la rédaction de la revue, que nous remercions vivement, nous reproduisons ici, sous une présentation un peu différente mais dans son intégralité, le texte de

synthèse que Maryse Jaspard et l'équipe de l'Enveff a publié dans

Population et Société (n° 364, janvier 2000).

Sommaire

L'espace sexiste des grandes métropoles

Au travail : entre les insultes des clients et la compétition rofessionnelle  

Le huis-clos conjugal, haut lieu des violences

Environ 50 000 femmes de 20 à 59 ans victimes de viol en un an

Introduction : Envers les femmes d'âge adulte, quel qu'en soit l'auteur. Les femmes ont été interrogées au sujet des violences verbales, psychologiques, physiques ou sexuelles subies au cours des douze derniers mois dans l'espace public, au travail, au sein du couple ou dans les relations avec la famille et les proches. La violence n'était jamais nommée mais repérée à travers des actes, faits, gestes, paroles.

Les agressions physiques et sexuelles peuvent être considérées dès leur première occurrence comme une atteinte à l'intégrité de la personne. Pour d'autres agressions, comme les insultes, le dénigrement, le mépris, les actions de contrôle et les autres pressions psychologiques, c'est la répétition de faits apparemment anodins quand ils sont pris isolément qui finit par engendrer une situation d'emprise sur la personne. C'est pourquoi il faut recourir à des indicateurs combinant le nombre, la nature des faits cités et leur fréquence pour obtenir une mesure graduée des violences. Ainsi, dans la vie de couple ou au travail, le degré maximal de contrainte psychologique, le " harcèlement moral ", est constitué d'actes insidieux, de paroles humiliantes, qui sont répétés

L'enquête Enveff, commanditée par le Service des Droits des femmes et le Secrétariat d' ,tat aux Droits des femmes* répond aux recommandations faites aux gouvernementsة

Page 4: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

lors de la Conférence mondiale sur les femmes à Pékin en 1995, " de produire des statistiques précises concernant les violences faites aux femmes ". Coordonnée par l'Institut de démographie de l'université Paris I (Idup), elle a été réalisée par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs appartenant au CNRS, à l'Ined, à l'Inserm et aux universités.

L'enquête a été réalisée par téléphone de mars à juillet 2000, auprès d'un échantillon représentatif de 6 970 femmes âgées de 20 à 59 ans, résidant en métropole et vivant hors institutions. Afin d'établir une relation de confiance, les questions sur les actes de violence ne venaient qu'à l'issue d'un module recueillant des données contextuelles (caractéristiques familiales, économiques, sociales, résidentielles, etc.), des éléments biographiques et des informations sur l'état de santé. Le questionnaire a été conçu pour faire émerger progressivement les situations de violence et favoriser la remémoration d'événements parfois très anciens. La violence n'était jamais nommée, chaque module recueillant, pour les douze derniers mois, l'occurrence de faits non qualifiés de violents. L'enquête a aussi porté sur les violences les plus graves subies au cours de la vie.

Dans les déclarations des enquêtées, des différences de sensibilité entre les générations et entre les groupes sociaux se manifestent notamment au sujet des violences psychologiques. Ainsi, d'après une étude qualitative réalisée auprès des enquêtrices, les répondantes avaient dans l'ensemble tendance à minimiser les situations vécues ; les résultats montrent cependant que les femmes jeunes et les plus diplômées déclarent plus facilement ces faits.

Parmi les femmes qui ont échappé à l'enquête, un groupe est certainement très touché par les phénomènes de violence quels qu'ils soient : les femmes hébergées en foyer et dans les centres d'accueil d'urgence ou sans domicile ; l'évaluation maximale de leur nombre est de l'ordre de 14 000 à 15 000 pour la France métropolitaine. Les résultats présentés sont redressés par calage sur les données de l'enquête Emploi de l'Insee (1999) à partir des structures par âge, catégorie socioprofessionnelle, statut d'activité, état matrimonial et type de ménage des femmes résidant en France métropolitaine.

* En partenariat avec l'ANRS, la CNAF, le FAS, l'IHESI, l'OFDT, le Conseil régional d'خle-de-France, le Conseil régional de PACA et la mission de recherche Droit et Justice.

Comment quantifier les violences, définies comme les atteintes à l'intégrité physique et psychique de la personne ? Essentiellement vécues dans la vie quotidienne, fondées sur un rapport de force ou de domination, les violences restent la plupart du temps de l'ordre du privé, circonscrites à des affaires personnelles. Elles sont souvent occultées, voire déniées par les victimes elles-mêmes. Or, pour compter les violences, il faut les dire, et pour les dire, il faut les nommer : deux impératifs qui nécessitent la mise au point d'une méthode appropriée.

L'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff, cf. encadré) est la première enquête statistique réalisée en France sur ce thème. Afin de cerner le phénomène dans ses aspects multiformes, elle prend en compte l'ensemble des violences

Page 5: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

L'espace sexiste des grandes métropoles

Indice global de violence conjugale (4)

15,3

(1) Avoir, au moins une fois, été suivie ou en présence d’un exhibitionniste, ou avoir subi des avances ou une agression sexuelle. (2) Parmi les trois composantes de cet indice (brimades, critiques ou dénigrement, mise à l’écart), l’une au moins a une occ

Champ : * ensemble des femmes de 20 à 59 ans ; ** femmes de 20 à 59 ans ayant exercé une activité professionnelle au cours des 12 mois précédant l’enquête ;*** femmes de 20 à 59 ans ayant eu une relation de couple au cours des 12 mois précédant l’enquête

Source : enquête Enveff, 2000.

Dans la rue, les transports en commun ou les lieux publics, l'agression la plus fréquente est l'insulte ou la menace verbale (tableau 1). 13 % des femmes interrogées disent en avoir été victimes au cours de l'année ; pour plus de la moitié d'entre elles, cet affront s'est répété. Dans 25 % des cas, les femmes connaissent la personne qui a proféré l'insulte. Ceci résulte du caractère dual de l'espace collectif qui est à la fois un lieu de contacts ponctuels et un lieu de rencontres et d'échanges habituels. Connus ou non, les trois quarts des auteurs sont des hommes. L'agression verbale est plus fortement répandue dans les grandes villes et surtout en région parisienne, en liaison sans doute avec l'usage plus généralisé des espaces collectifs et des transports en commun.

Tableau 1 - Proportion de femmes ayant déclaré avoir subi des violences au cours des 12 derniers mois selon l'âge (en %)

Type de violence 20-24 ans 25-34 ans 35-44 ans 45-59 ans Ensemble

Dans l’espace public*(n=717) (n=1 934) (n=2 122) (n=2 197) (n=6 970)

Insultes et menaces verbales24,9 15,2 11,7 8,6 13,2

Agressions physiques2,8 1,6 1,2 1,7 1,7

Page 6: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

tre suivie 12,4 5,8 2,8 5,2

Exhibitionnisme 8,9 3,3 1,7 1,2 2,9

Avances et agressions sexuelles6,5 2,6 0,9 0,5 1,9

Indice global de harcèlement sexuel (1) 21,9 9,9 5,9 3,9 8,3

Au travail** (n=335) (n=1 409) (n=1 596) (n=1 408) (n=4 748)

Insultes et menaces verbales11,7 10,1 8,8 6,2 8,5

Pressions psychologiques20,2 18,6 15,2 15,7 16,7

dont harcèlement moral (2)5,2 4,7 3,6 3,1 3,9

Destruction du travail, de l’outil de travail 3,6 2,8 2,3 1,3 2,2

Agressions physiques0,6 0,6 0,6 0,5 0,6

Harcèlement sexuel 4,3 2,8 1,9 0,7 1,9

Violences conjugales***(n=464) (n=1 707) (n=1 872) (n=1 865) (n=5 908)

Insultes et menaces verbales6,1 4,1 4,3 3,9 4,3

Chantage affectif 2,7 1,4 2,3 1,6 1,8

Pressions psychologiques51,2 40,1 35,4 32,6

dont harcèlement moral (3)12,1 8,3 7,5 6,5 7,7

Agressions physiques3,9 2,5 2,5 2,2 2,5

Page 7: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Viols et autres pratiques sexuelles imposées 1,2 0,9 0,6 0,9

Les agressions physiques - constituées des vols avec violence, coups et blessures et tentatives de meurtre - (2 %) ont été déclarées plus fréquemment par des femmes jeunes, en situation de précarité sociale ou d'isolement (chômeuses, femmes vivant seules). Les agresseurs sont en majorité des hommes (plus de 80 %). Le fait d'avoir été suivie (5 %), qui a des connotations sexuelles, ou d'avoir été confrontée à un exhibi- tionniste (3 %) concerne en priorité les femmes jeunes, indépendamment de leur position sociale, et ces incidents augmentent avec la taille de l'agglomération.

Les atteintes sexuelles subies dans l'espace public, déclarées par 2 % des femmes, sont principalement constituées d'avances sexuelles et de pelotage. Les attouchements sexuels, les tentatives de viol et les viols sont nettement moins fréquents. Sous l'expression indice global de " harcèlement sexuel ", on a regroupé l'ensemble des " atteintes sexuelles " (1). Dénoncé par 8 % des répondantes, cet indice rend compte du climat sexiste qui règne dans certains lieux publics ; particulièrement prégnant dans la région parisienne (15 %) (figure 1), il est spécialement évoqué par les jeunes femmes (22 % des 20-24 ans).

Figure 1 - Indice global de harcèlement sexuel à l'encontre des femmes dans l'espace public selon la taille de l'agglomération

(1) Face à la pléthore (: trop grande abondance) de mots désignant les violences verbales, la pauvreté du vocabulaire relatif aux " atteintes sexuelles " révèle le déni social du phénomène.

Au travail : entre les insultes des clients et la compétition professionnelle

Dans l'univers professionnel, deux phénomènes doivent être distingués : l'un touchant l'ensemble des salariés et sans doute lié à des formes de gestion du personnel dans un environnement fortement concurrentiel, l'autre à plus forte connotation sexuelle.

Les insultes et les menaces verbales, déclarées par 8 % des femmes, sont principalement le fait d'usagers ou de clients, pour l'essentiel de sexe masculin. Ces injures ne sont pas les seules formes d'humiliations repérables dans le cadre de l'activité professionnelle. Un indicateur de pression psychologique a été construit en regroupant les réponses positives à au moins une des trois situations suivantes : " se voir imposer des horaires, des tâches, des services dont personne ne veut " ; " faire l'objet de critiques répétées et injustes " ; " être mise à l'écart ". 17 % des femmes déclarent ainsi avoir fait l'objet de pressions psychologiques dans leur travail au moins une fois dans l'année écoulée ; celles-ci - de même que les insultes - s'exercent plus fortement sur les femmes d'âge et de niveau de diplôme extrêmes : sur les femmes jeunes de niveau inférieur au baccalauréat (29 %) et, dans une moindre mesure, sur les femmes âgées de plus de 45 ans de formation supérieure (20 %). L'accent étant aujourd'hui mis sur le harcèlement moral, un second indicateur prend en compte la multiplicité des faits et leur intensité afin de distinguer les critiques occasionnelles des critiques chroniques (4 %).

Page 8: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

La violence physique proprement dite est rare dans la sphère professionnelle (0,6 %) et toujours d'origine masculine. En revanche, la destruction du travail ou des outils de travail (2 %), autre forme d'atteinte relativement fréquente, est un acte perpétré par des collègues des deux sexes.

Enfin, en matière de contraintes sexuelles, le code pénal et le code du travail contiennent depuis 1992 des dispositions relatives au harcèlement sexuel : " pour une personne abusant de l'autorité que lui confère sa fonction, est puni le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle ". Cependant, en conformité avec l'approche générale des atteintes sexuelles, la définition a été ici élargie au fait " d'obliger à voir des images pornographiques " et à tous les auteurs possibles - "supérieurs hiérarchiques, collègues, subordonnés, clients et usagers, autres personnes "- et non aux seuls détenteurs d'autorité.

La plus grande partie des faits de harcèlement sexuel rapportés consistent en avances sexuelles et pelotage, la tentative de viol et le viol étant relativement rares à l'échelle d'une année. Au cours des douze derniers mois, environ 2 % des femmes ont subi avances et agressions sexuelles au travail et, dans un cas sur cinq, leur auteur était un supérieur hiérarchique. Le phénomène dépasse ainsi largement le rapport d'autorité défini par la loi

Le huis-clos conjugal, haut lieu des violences

Indice global de violence conjugale 9,5 30,7

(1) Avoir subi plus de trois faits constitutifs des pressions psychologiques dont l’un au moins a une occurrence fréquente.(2) Avoir subi du harcèlement moral ou des insultes répétées, ou du chantage affectif, ou des violences physiques ou sexuelles.

Champ : femmes de 20 à 59 ans ayant eu une relation de couple au cours des 12 mois précédant l’enquête.

Source : enquête Enveff, 2000.

C'est dans l'intimité de l'espace conjugal que sont perpétrées le plus de violences de toutes natures. Les agressions et menaces verbales incluent les insultes, les menaces et le chantage affectif (s'en prendre aux enfants, menacer de se suicider). Les pressions psychologiques comprennent les actions de contrôle (exiger de savoir avec qui et où l'on a été, empêcher de rencontrer ou de parler avec des amis ou membres de la famille), d'autorité (imposer des façons de s'habiller, de se coiffer, ou de se comporter en public), les attitudes de dénigrement, de mépris ; l'indicateur de " harcèlement moral "

Page 9: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

correspond aux situations où plus de trois de ces faits ont été déclarés comme étant fréquents. Enfin, les agressions physiques, outre les tentatives de meurtre, les coups et autres brutalités, prennent en compte la séquestration ou la mise à la porte. Les agressions sexuelles se limitent ici aux gestes sexuels imposés et au viol.

Les résultats relatifs aux violences conjugales concernent les femmes qui ont eu une relation de couple, avec ou sans cohabitation, au cours des douze derniers mois. Les pressions psychologiques y occupent une place prépondérante, mais l'importance des violences sexuelles a été dévoilée par les déclarations des enquêtées (1 %). Les deux tiers des femmes contraintes par leur conjoint à des pratiques ou rapports sexuels forcés en ont parlé pour la première fois en répondant au questionnaire. Les femmes qui ne sont plus avec leur partenaire au moment de l'enquête, en particulier les divorcées avec ou sans enfants, ont déclaré trois à quatre fois plus de violences que les autres, notamment pour le harcèlement moral (respectivement 27 % et 7 %) (tableau 2).

Tableau 2 - Proportion de femmes ayant déclaré avoir subi des violences conjugales au cours des 12 derniers mois selon la situation de couple au moment

de l'enquête (en %)

Type de violence En couple(n=5 793)Plus en couple(n=115)Ensemble(n=5 908)

Insultes et menaces verbales 14,8 4,3

dont répétées 1,6 8,1 1,8

Chantage affectif 1,7 8,2 1,8

Pressions psychologiques 36,5 59,4

dont répétées 23,5 52,4 24,2

dont harcèlement moral (1) 7,3 27,3 7,7

Agressions physiques 2,3 10,2 2,5

dont répétées 1,3 6,9 1,4

Page 10: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Viols et autres pratiques sexuelles imposées0,8 1,8 0,9

Les insultes et le chantage affectif ou les menaces se conjuguent différemment selon la position sociale : les femmes issues des catégories les plus défavorisées se déclarent plus souvent insultées, tandis que menaces et chantage s'observent dans tous les milieux.

Pour toutes les formes de violences conjugales, les femmes les plus jeunes (20-24 ans) ont déclaré nettement plus de violences que leurs aînées ; dans une moindre mesure, les chômeuses semblent également plus exposées que les femmes ayant un emploi. Les violences physiques sont perpétrées dans tous les milieux sociaux mais parmi les femmes de plus de 25 ans, les cadres rapportent nettement plus d'agressions physiques, répétées ou non : 4 % en déclarent au moins une, contre 2 % des employées ou professions intermédiaires. La pression psychologique occasionnelle est plus fréquemment dénoncée par les étudiantes et les femmes les plus diplômées.

L'indice global de violence conjugale s'appuie sur le constat établi par les acteurs sociaux qui aident les victimes : les violences psychologiques et verbales répétées seraient aussi destructrices que les agressions physiques. Une femme en couple sur dix vit cette situation et trois femmes sur dix la vivaient, parmi celles qui se sont séparées récemment. Dans l'ensemble, les violences conjugales sont aussi fréquentes (environ 9 %), que les femmes exercent une activité professionnelle ou qu'elles soient au foyer. En revanche, les chômeuses (14 %) et les étudiantes (12 %) - plus jeunes et quelquefois dans des situations de relative instabilité ou de précarité économique - déclarent plus souvent des relations de couple violentes.

Environ 50 000 femmes de 20 à 59 ans victimes de viol en un an

Un indicateur global d'agressions sexuelles a été construit en tenant compte des violences sexuelles subies au cours des douze derniers mois quel qu'en ait été le cadre. Il mesure la proportion de femmes qui ont déclaré avoir subi au moins une fois des attouchements sexuels, une tentative de viol ou un viol ; ces faits concernent 1,2 % des femmes interrogées. Les viols affectent 0,3 % des femmes.

Si l'on applique cette dernière proportion aux 15,9 millions de femmes âgées de 20 à 59 ans vivant en France métropolitaine (lors du recensement de 1999), ce sont quelque 48 000 femmes âgées de 20 à 59 ans qui auraient été victimes de viol dans l'année (2). Cette estimation est à rapprocher des déclarations faites à la police et à la gendarmerie : 7 828 viols en 1998, dont 3 350 concernaient des personnes majeures. Seuls environ 5 % des viols de femmes majeures feraient ainsi l'objet d'une plainte. Les premiers résultats de l'enquête Enveff montrent que c'est dans leur vie de couple que les femmes adultes subissent le plus de violences psychologiques, physiques et sexuelles. Les coups et les autres brutalités physiques sont majoritairement le fait des conjoints ; toutefois, le terme de " femmes battues " couramment utilisé ne rend pas compte de la totalité des violences conjugales puisque le harcèlement moral y tient une grande place.

Page 11: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Un des enseignements de l'enquête Enveff a été de mettre en évidence l'ampleur du silence et l'occultation des violences par les femmes qui les subissent. L'interrogation des femmes dans un cadre neutre et anonyme a contribué à lever le voile qui masquait les violences sexuelles : un grand nombre de femmes ont parlé pour la première fois au moment de l'enquête des violences sexuelles dont elles ont été victimes. Le secret est d'autant plus fort que la situation se vit dans l'intimité ; il relève probablement d'un sentiment de culpabilité, voire de honte éprouvé par les victimes, et souligne une certaine carence de l'écoute, tant des institutions que des proches.

(2) L'estimation est comprise entre 32 000 et 64 000 (intervalle de confiance à 95 %).

Maryse Jaspard et l'équipe Enveff : Elizabeth Brown, Stéphanie Condon, Jean-Marie Firdion, Dominique Fougeyrollas-Schwebel, Annik Houel, Brigitte Lhomond, Marie-Josèphe Saurel-Cubizolles, Marie-Ange Schiltz

Qu’est ce qu’une injure sexiste?

Les chiennes de garde refusent les injures sexistes. Elles ne le font pas par respect des bonnes manières ou parce qu’elles tiennent à la politesse. Les femmes sont bien placées pour savoir qu’un certain type de courtoisie galante ne fait que masquer une profonde misogynie. La réaction des Chiennes de garde est le fruit d’une analyse politique. Qu’est ce qu’une insulte sexiste? Quelle est sa fonction? Quelles sont ses conséquences?

Qu’est ce qu’une injure sexiste?

Une injure sexiste fonctionne exactement de la même manière qu’une insulte raciste ou antisémite. Elle s’inscrit forcément dans un rapport dominant-dominé. Elle renvoie son objet au seul aspect de son existence qui intéresse le dominant. Dans le cas de l’injure raciste, traiter un Noir de sale nègre, c’est le réduire tout entier au seul aspect de sa personne perceptible par le raciste: la pigmentation de son épiderme. La couleur de sa peau devient opposable à un individu, le déconsidère, l’anéantit aux yeux de son insulteur. A partir de là, le raciste décline à l’infini ce qu’il prétend pouvoir reprocher au Noir, à savoir son infériorité supposée qui justifie l’insulte. La boucle est bouclée. Imaginons le processus d’insulte au ralenti, à partir du moment de l’impact sur l’insulté-e :-L’insulteur-dominant réduit l’insulté-e à sa différence. La richesse et la complexité de l’insulté-e disparaît. Le Noir est réduit à son épiderme. Cette réduction équivaut à une mutilation. L’insulteur n’a pas à faire preuve d’imagination: il s’appuie tranquillement sur l’idéologie dominante, il se permet de définir l’autre. Première phase, de destruction. -L’insulté est partiellement détruit. L’insulteur se porte comme un charme. Il éprouve même cette certaine qualité de satisfaction propre à qui vient de se défouler sur autrui.

Page 12: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Il constate les dégâts sur l’autre, et cette constatation elle même lui sert à justifier sa propre supériorité. Deuxième phase, de justification-confirmation.

Ça roule tout seul. Celui qui est traité de sale juif subit le même traitement. Aux yeux de l’antisémite, le mot juif (même pas sale!) est en soi une insulte. Qui est juif ne saurait être à égalité avec un être humain normal, à savoir un non juif. Il suffit donc d’affirmer le mot juif pour anéantir l’autre. Dans cette galère, le Noir et le juif se retrouvent dans la même situation, à savoir du mauvais côté d’un rapport de domination. Pour leur soulagement, ils bénéficient dans notre beau-pays-champion-du-monde-de-foot-et-des-droits-de-l’homme, des effets d’une loi qui réprime les insultes racistes et antisémites. Ça ne supprime pas le problème, mais ça permet et de le faire reconnaître, et de se défendre.

Venons-en aux injures sexistes, qui ne se basent ni sur la couleur de la peau, ni sur la culture religieuse, mais sur cette partie de l’anatomie qui se situe entre les membres inférieurs. Là encore, nous sommes dans un rapport de domination. C’est même le plus profondément enraciné. Quand on est de surcroit et Noire, et Juive et lesbienne, on est pas sortie de l’auberge. Qu’oppose t’on à une femme quand on l’insulte? On lui oppose le simple fait d’être une femme. C’est à dire, avant tout, de ne pas être un homme. L’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit toute entière à son sexe et à ses attributs ou fonctions supposés.

L’insulteur, vis à vis des femmes, décline à l’infini le thème maman ou putain. De ‘’vas te faire baiser, salope’’ à ‘’retourne à tes casseroles, bonniche’’ il fixe la limite du domaine imparti aux femmes. Au passage, en la réduisant à son sexe, en affirmant qu’elle n'est que ça, il confirme une idée chère au sexisme: les femmes n’ont pas de cervelle. Il dit tu n’existes pas, ou plutot tu n’existes que là ou je te laisse exister. Et gare à toi si tu sors du territoire que je définis. L’insulte fait partie intégrante de l’arsenal de la misogynie. Elle en est la première étape. Le stade verbal avancé. Le panel d’insultes spécialement destinées aux femmes est extraordinairement riche dans notre beau langage. C’est qu’on a besoin de beaucoup de ciment pour consolider le mur de mépris qui tient les femmes en place siècle après siècle. Et quand les mots ne suffisent pas, il suffit de passer à l’étape suivante. L’ordre masculin est bien gardé. Les résistantes auront affaire à des violences de moins en moins symboliques. Entre l’inflation verbale et la brutalité physique, le chemin est parfois extrêmement court. Et la violence physique, étape après étape, ne connaît qu’une limite: la mort. Entre ‘’salope’’ et le coup ultime qui arrache la vie, il y a certes une énorme différence de degré, mais pas de nature. C’est la logique de la loi du plus fort, qui comme chacun sait, est sinon la meilleure du moins la plus efficace pour qui veut imposer à autrui sa vision du monde.

Quelle est la fonction d’une insulte sexiste?La capacité à dominer et contrôler les femmes est la base même de tout système patriarcal, dont le nôtre. Dans ce contexte, une insulte sexiste sert à maintenir l’ordre établi. Une insulte est comme un CRS qui n’a pas encore chargé: il est là pour empêcher de passer. Plus une petite fille comprend tôt la place qui est la sienne, plus elle se soumet aux règles qu’on lui impose, plus elle donne satisfaction au système. Et plus le piège se refermera sur elle. On lui signifie qu’obtenir l’approbation du dominant est la

Page 13: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

règle de survie numéro un. La fonction de l’insulte c’est de signifier qu’au delà de cette limite on risque un coup de matraque sur les clavicules et un jet de lacrymos dans les narines. Ça calme les plus audacieuses, ça paralyse celles qui suivent.

Quelles sont ses conséquences ?Evidemment, une femme qui accepte de n’exister que là ou elle est censée exister accepte de vivre en prison. C’est tous les jours, sans arrêt, tout le temps et partout que les femmes sont confrontées à des insultes qui détruisent leur image d’elles mêmes. Ça crée un contexte non pas encore de terreur, mais d’une peur banalisée, d’un contrôle constant de soi même. Etre sûre de soi après un tel traitement relève de l’exploit. Jour après jour les femmes résistent. Mais l’énergie passée en permanence à ne pas se laisser submerger par la déconsidération, c’est autant de force qu’on ne place pas ailleurs, c’est autant d’espace envahi par nos détracteurs.Heureusement, les rapport dominants dominés ne sont pas des rappports stables. Bien sur il y a le poids de la culture, de la tradition qu’il est difficile de déplacer, mais aucun pouvoir n’est ni acquis ni éternel, il se déplace constamment.

Chiennes d’arrière-garde ?

résumé de l’émission proposée par arte

(((((Documentaire, 45’ (((((Réalisé par Sophie Jeaneau

À l’origine de ce film, il y a un coup de gueule. Celui de Sophie Jeaneau, jeune femme indépendante et fière de ses droits, exaspérée par les Chiennes de garde et celles qu’elle appelle les "pseudo-féministes". Le string à l’école, les publicités sexistes, les mannequins en vitrine... est-ce vraiment cela les combats d’une femme d’aujourd’hui ? Comment les féministes peuvent-elles être aussi déconnectées des réalités ? Se sont-elles embourgeoisées ? Pourquoi ne les entend-on pas sur des sujets comme la vie des filles dans les banlieues, l’inégalité des salaires, l’absence de parité dans les tâches domestiques ou le problème des crèches ? La réalisatrice décide d’aller sur le terrain. D’abord à l’Assemblée nationale, où elle demande des comptes aux politiques. Puis à la rencontre d’anciennes figures du Mouvement de libération des femmes : Anne Zelenski, Antoinette Fouque, Yvette Roudy... Où donc est passée la révolution glorieuse des années 70 ?, leur demande Sophie Jeaneau. Où sont les féministes de la grande époque ? Ont-elles abandonné la lutte ? Pourquoi n’ont-elles rien transmis aux nouvelles générations ? La disparition des féministes en France est d’autant plus frappante qu’outre-Rhin, la grande figure historique, Alice Schwarzer, est indéboulonnable. Celle qui a importé les idées du MLF en Allemagne a même fait de son pays l’un des plus féministes d’Europe. Là-bas, il existe un parti politique féministe, mais aussi des parkings, des hôtels et des sex-shops réservés aux femmes... En France, les féministes auraient-elles fait fausse route en prenant la voie de la victimisation et de la guerre contre les hommes, comme le suggère Élisabeth Badinter ?

ce résumé est présenté sur le site d’Arte ici http://www.arte-tv.com/emission/emission.jsp ?node=-54&lang=fr

NOUS CHIENNES DE GARDE ET FIERES DE L’ETRE :

Nous défendons la liberté de parole, y compris lorsqu’elle est critique envers notre engagement féministe : encore faut-il qu’elle soit honnête !

Page 14: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Une soirée-Thema autour du féminisme (des féminismes) serait un choix judicieux pour aborder les nouvelles problématiques du sexisme omniprésent et récurrent en plus violent, dans la société française de nos jours !

Cela implique une bonne connaissance historique des combats des femmes depuis quelques siècles, cela nécessite une approche journalistique impartiale, claire et honnête : En donnant la parole aux diverses intervenant-es, sans dénigrer, moquer, manipuler, détourner et déformer leurs propos.

Cela oblige à écouter les un-es et les autres, à faire une synthèse de leurs opinions, à respecter leurs convictions sans a-priori négatif, et à reproduire leurs témoignages sans volonté de leur nuire !

C’est en principe le travail d’un-e journaliste possédant une certaine éthique, plus préoccupé-e d’informer, de susciter la réflexion et le débat d’idées, que de faire une pochade satirique pour se faire mousser personnellement !

...Sophie Jeaneau, jeune femme indépendante et fière de ses droits, exaspérée par les Chiennes de garde...

Etre une femme indépendante  : C’est bien : C’est ce que nous souhaitons à toutes les femmes : autonomie matérielle et indépendance !

Etre une femme fière de ses droits : C’est bien aussi : Ca signifie être consciente des formidables progrès de l’émancipation féminine et des droits acquis de haute lutte grâce, en particulier, à des féministes qui se sont battues pour ces droits depuis des années !

Ca peut aussi vouloir dire : « Je suis fière de mes droits : donc les autres femmes doivent aussi en être fières et cesser de se plaindre ! »

Exaspérée par les Chiennes de garde  ?

Je pourrais comprendre : Supposons :

Après des investigations profondes sur les féministes, des recherches poussées sur les Chiennes de Garde, les interviews de plusieurs membres de l’association, de son ex-présidente et de sa nouvelle présidente, après avoir lu sur le site des cdg les articles du bureau, nos réactions virulentes, les actions entreprises, les communiqués des présidentes, etc. etc. : On pourrait commencer, si vraiment on est réfractaire au féminisme, à être « exaspérée ! »

Mais, et il y a un MAIS, Sophie Jeaneau, n’a pas fait la plus petite investigation sur l’historique du féminisme, pas la moindre recherche au sujet du mouvement CDG, pas lu le plus court article sur notre site, pas vu ni voulu remarquer nos indignations, nos réactions, nos actions !

Même pas, j’en suis sûre, jeté un œil sur la richesse du forum CDG lieu d’expression féministe exceptionnel sur le web !

RIEN !

Ni surtout demandé à rencontrer les membres du bureau, ni la nouvelle présidente ! Même pas un coup de fil pour connaître, nos projets, nos arguments, nos priorités d’action ! Rien de rien !

Sur quoi se base t-elle pour décréter que "nous sommes embourgeoisées" ? Comment ose-t-elle enfiler comme des perles, les lieux communs, les confusions, les calomnies, les inexactitudes ?

Exaspérée de naissance apparemment ! Tellement imbue de sa suffisance, de son hostilité de petite personne formatée et fière de l’être : Cassons du sucre sur le dos des féministes, ça me fera bien voir de mes patrons !

Page 15: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Comment faire un sujet accrocheur ? Le jouer caustique, satirique, provocateur, et s’assurer le concours d’une chroniqueuse médiatisée comme Isabelle Alonso : Piéger Isabelle Alonso, en lui faisant croire que l’on ne veut « que son avis personnel », qu’elle aura bien sûr un droit de regard sur son interview, et n’en pas tenir compte !

Puis manipuler les unes et les autres pour les rendre les plus ridicules possibles et les moins crédibles possibles : Couper par-ci, faire un gros plan par-là, mettre une voix off pour dénaturer des propos pertinents, bien ridiculiser des « anciennes combattantes du féminisme", mais valoriser au contraire le libéralisme, dans l’air du temps, de nanties réactionnaires, donner en exemple le féminisme allemand, pour qui le combat essentiel est d’avoir des sex shops féminins, certainement réservés aux 45% de femmes inactives professionnellement, cantonnées au foyer ! ! !

Cerise sur le gâteau : intituler le tout : Chiennes d’arrière garde pour descendre un peu plus gras dans le crapoteux ! Détourner un nom déposé fièrement, signifiant Vigilance Pour en faire un vulgaire jeu de mot sentant la ringardise ! !

Se servir, plutôt que servir !

C’est ça, la vocation d’une journaleuse ?

Belle mentalité de « femme indépendante et fière de l’être » !

Plantons le décor :

Sur une chaîne bénéficiant d’une certaine crédibilité culturelle :

Imaginez que l’on fasse une émission bien caustique moquant les associations antiracistes ou anti-homophobie ?

Des plans de Malek Boutih en grand angle par ex., Le tournant en ridicule, faisant de ce militant engagé, un guguss allumé et ringard... Entrecoupant ses propos de commentaires acerbes, lui coupant la parole avec des réflexions agressives, et faisant un montage complètement surréaliste de sa prestation.

Pour illustrer l’homophobie, pourquoi pas, un reportage uniquement tourné dans le marais, à Paris, quartier plutôt gai, signifiant : voyez comme c’est grotesque, ces allégations d’homophobie : les homos sont respectés, heureux, épanouis, intégrés !

Pourquoi pas fabriquer des interview-blagues et rigoler sur ces militants-out qui continuent de se battre alors que, comme chacun le sait, on vit dans un monde formidable ! Plus de racisme et jamais de discrimination homophobe !

On peut aussi se moquer des gens qui continuent à se mobiliser contre les enfants battus, contre l’exclusion, la pauvreté, etc. .

Non ? ? ?

On ne peut pas les tourner en dérision ? Leurs luttes sont justes ? Légitimes ? D’actualité ? ? ?

Ça ne va pas faire ricaner de parler de "vieux militants antiracistes" complètement « d’arrière garde » ?

Et le sexisme ? C’est quoi ça ?

Pfff ! Ça n’existe plus, ni dans les beaux quartiers, ni dans les cités, ni dans le monde professionnel ou politique, et encore moins au niveau du couple ! Enfin ! C’est ringardos comme combat !

Page 16: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Les femmes insultées, discriminées, battues, violées ? Il ne faut pas les victimiser ! Elles n’ont qu’à bosser et devenir pédégères !

Ha bon ? Il y a aussi des pédégères insultées ? Battues ? Violées ?

Non ? ? ?

Les seules gugusses qui refusent les inégalités liées au genre, ce sont les féministes : Et ça, c’est dépassé ! Faut en rigoler à gorge déployée ! !

Quand Théroigne de Méricourt militante féministe osait dire en pleine assemblée : "Je retire ma confiance à Robespierre !" : Elle provoquait l’hilarité générale : et elle était illico internée (sur la demande de sa famille) !

Quand Olympe de Gouges proposait une « déclaration des droits de la femme » et l’abolition de l’esclavage, ça déclenchait des crises générales de fou rire... Jusqu’à l’échafaud !

Quand les suffragettes défilaient le chapeau de travers et le parapluie vindicatif, pour réclamer le droit de vote : Elles faisaient les frais de tous les dessins satiriques des quotidiens de l’époque !

Je passe sur les furies osant, beaucoup plus tard, réclamer le droit de disposer de leur corps avec la contraception et l’i.v.g. : Tout ce que certains ont retenu c’est que ces femelles hystériques "brûlaient leur soutien-gorge" ! Mythe absurde et anecdotique ! Mais Super rigolo ! Et tellement plus important que leurs victoires acquises pour TOUTES les femmes ! Quelles gugusses !

Quand les chiennes de garde s’insurgent contre les insultes envers les femmes publiques : Comme c’est marrant ! Ridicule ! Quel combat inutile ! Elles se trompent : Ce n’est pas grave ! C’est de l’humour de traiter une ministre de p... !

Maintenant ces furies clownesques continuent de susciter la rigolade en se prononçant contre la prostitution ? Ce métier si cocassement utile !

Elles parlent de backlash et on pouffe, elles dénoncent la violence conjugale, on s’esclaffe : Allons, allons ! Les hommes aussi sont battus ! Ces fantaisistes se trompent de cible !

Vraiment il faut brocarder dans une émission télé, la ringardise de ces comiques ubuesques qui donquichottent depuis des siècles, devant des pseudo-inégalités genrées : Si en plus, ça peut faire de l’audience auprès des machos et machottes de tout poil : c’est tout bénéfice !

Suivant l’adage médiamétrique : "Caressons, caressons la démagogie dans le sens du poil !"

Espérons que l’auteuse de ce pamphlet nullissime et méprisant n’ouvre jamais trop grand sur le monde ses petits yeux de femme-formatée-moi-je-m’en-sors-donc-tout-va-bien !

Imaginez, qu’elle découvre que son patron n’en voulait qu’à son c.., qu’elle est payée deux fois moins que son collègue masculin, que son mec fréquente les prostituées, qu’il est prêt à la cogner si elle tient tête, que sa fille a subi un viol collectif sans oser en parler, et qu’elle est sur le point d’être virée parce qu’il y en a une avec de plus gros seins qui arrive dans le service ..Ce serait dur hein ?

Parfois ce n’est pas juste, hein ! La vie d’une femme ! ET ce n’est pas toujours si comique !

Mais si on veut vraiment faire rigoler, faut pas être intervieweuse : faut être féministe !

Page 17: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Le féminisme : comprendre, agir, changer Conférence, mai 2003 par Florence Montreynaud, historienneFlorence Montreynaud, historienneFlorence Montreynaud est l'auteure de dix ouvrages, dont l'encyclopédie Le XXe siècle des femmes

est fondatrice de plusieurs mouvements féministes : les Chiennes de garde, la Meute contre la publicité sexiste et Encore féministes.

Vous m'avez invitée à prendre la parole en tant qu'historienne et aussi en tant que féministe. Je vais développer des raisonnements fondés sur des faits vérifiables, mais je dirai parfois « nous », car je fais partie de l'objet étudié.

Le féminisme est un projet politique mixte porté par le rêve d'un monde où femmes et hommes seraient égaux en dignité et en droits, et où ces droits seraient appliqués. C'est une aspiration à un changement radical, fondée sur une exigence de respect de la dignité humaine.

Pour transformer ce monde, il importe de prendre d'abord conscience qu'il repose sur un système machiste de violences, d'inégalités et d'injustices s'exerçant principalement au détriment des filles et des femmes, même si des garçons et des hommes en sont eux aussi victimes, par exemple ceux qui ne sont pas conformes aux stéréotypes.

Le féminisme est le contraire d'une culture de résignation à l'ordre machiste établi, d'exaltation masochiste d'une souffrance rédemptrice, d'attente naïve que « les choses s'arrangent d'elles-mêmes », par la magie de l'évolution.

Il est une école de lucidité et d'exigence personnelle, une démarche volontaire, progressiste et solidaire. Il est aussi et depuis toujours une pratique non violente, ce qui est d'autant plus extraordinaire et admirable qu'il répond à un système parfois d'une extrême violence. S'il y a moins d'hommes que de femmes engagés dans le féminisme, c'est qu'il est plus difficile pour eux - et plus original - de s'élever contre un système fonctionnant apparemment à leur bénéfice.

Si le féminisme part le plus souvent d'une révolte individuelle, il veut aboutir, par une démarche collective, à une révolution au sens politique fort du mot : un bouleversement des fondements de violence et d'injustice sur lesquels repose notre monde.

Dans son principe, le féminisme ne peut être que révolutionnaire puisqu'il met en cause non seulement les mentalités, mais les structures qui produisent l'oppression des femmes.

Je vais analyser les trois temps d'une dynamique féministe, à la fois individuelle et collective. Ils concernent autant le féminisme individuel que le féminisme dit d'État, dans les rares pays, dont le vôtre, où il a pignon sur rue et quel magnifique pignon au Québec que le Conseil du statut de la femme dont nous fêtons les 30 ans !

Page 18: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Je vous propose donc de réfléchir à trois notions : comprendre, agir, changer. Autrement dit, l'intelligence, le travail, le résultat de l'action, le moteur de l'ensemble restant le rêve d'un monde d'égalité, de justice et de paix.

Lire le document intégral en PDF sur le site du Conseil du statut de la femme.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 15 octobre 2003

© Sisyphe 2002-2004 Imprimer [Envoyer Article Lien] Traduire/Translate | Commenter l'article

DANS LA MEME RUBRIQUE : La face visible d'un nouveau patriarcat Humanisme, pédocriminalité et résistance masculiniste Concours de textes Sisyphe/Remue-ménage 2005 De nouveaux freins à l'émancipation des filles au Québec et ailleurs Quelle alternative au patriarcat ? Le projet de loi du gouvernement Raffarin "relatif à la lutte contre les propos

discriminatoires à caractère sexiste et homophobe" est indéfendable L'influence des groupes de pères séparés sur le droit de la famille en Australie L'Église catholique et la rhétorique féministe

mardi 10 août 2004

L'Église catholique et la rhétorique féministe par Marie-Hélène Blanc, Fédération des ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du

Suite à la parution cette semaine d'un extrait de la Lettre aux évêques de l'Église catholique*, la Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec souhaite émettre quelques commentaires au nom des 37 maisons membres réparties sur l'ensemble du territoire québécois.

Dans sa « Lettre aux évêques », l'Église affirme, entre autres, qu'une des tendances actuelles pour affronter la question de la femme « souligne fortement la condition de subordination de la femme dans le but de susciter une attitude de contestation » . On y lit également que « parmi les valeurs fondamentales qui sont rattachées à la vie concrète de la femme, il y a ce qui est appelé sa « capacité de l'autre ». La femme garde l'intuition profonde que le meilleur de sa vie est fait d'activités ordonnées à l'éveil de l'autre, à sa croissance, à sa protection, malgré le fait qu'un certain discours féministe revendique les exigences « pour elle-même ». Il semble bien que ce soit là que le bât blesse, cette prétention des femmes de définir leurs choix dans les sphères familiales,

Page 19: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

économiques, politiques et, ce faisant, bousculant et remettant en question des rapports sociaux inégalitaires et des siècles de traditions et d'habitudes.

Rappelons simplement que le féminisme est un mouvement social qui s'est donné pour objectif de changer les rapports qui créent les inégalités entre les hommes et les femmes. Le féminisme est un mouvement dynamique, diversifié et multiple. Il est, en soi, un mouvement contestataire mais, entendons-nous bien, il conteste des systèmes, des idéologies et des injustices, et les avancées dont bénéficient les femmes profitent incontestablement à l'ensemble de la société ( services de garde, congés parentaux, accès à l'égalité, planning familial, éducation, etc.).

Des voix se font de plus en plus entendre pour affirmer que les femmes devraient cesser leurs revendications, que tout est réglé puisque nous avons, au Québec du moins, des lois, des chartes et même « trop » de droits ! Comment se fait-il alors que tous ces droits, ces lois et avantages « innés ou acquis » n'ont pas fait disparaître, comme par magie, les multiples formes de violence dont sont victimes les femmes et notamment la violence conjugale. En 2000, au Québec, plus de 10 000 femmes et près de 7 000 enfants ont séjourné dans une centaine de maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence. En 2003-2004, 35 maisons membres de la Fédération ont accueilli près de 4 000 femmes et plus de 2 000 enfants. Quel genre de féminisme doit interpeller l'ensemble de la société sur cette question ? N'y a-t-il pas lieu de contester les causes profondes de la violence au sein de la famille et dans la société et d'offrir sécurité et protection aux victimes ? Demande-t-on aux syndicats d'arrêter de contester des situations jugées inéquitables, injustes ?

Lorsqu'on fait état, dans la « Lettre aux évêques », de la « capacité de l'autre » comme étant une valeur innée fondamentale attribuée à la femme, on ajoute : « C'est elle enfin qui, même dans les situations les plus désespérées - et l'histoire passée et présente en témoigne -, confère une capacité unique de faire face à l'adversité, de rendre la vie encore possible même dans des situations extrêmes, de conserver avec obstination un sens de l'avenir et enfin de rappeler, à travers les larmes, le prix de toute vie humaine. » Pour qui connaît bien la dynamique de la violence conjugale et les facteurs qui incitent une femme à demeurer avec un conjoint violent, nul doute que cette « capacité de l'autre » est présente mais qu'elle tend également à maintenir le statu quo et peut grandement compromettre la sécurité des victimes.

La philosophie des membres de la Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec s'inscrit dans une vision féministe de la société basée sur les valeurs suivantes : l'égalité des droits, la justice, la solidarité, le partage et la démocratie.

L'approche féministe est à la fois connue et méconnue, elle n'est pas orientée contre quelqu'un ( l'homme ou les hommes) mais vers quelqu'un (la femme ou les femmes) et s'applique à redonner du pouvoir aux femmes, en commençant par le pouvoir sur leur propre vie et ensuite du pouvoir dans leur collectivité. Les maisons d'hébergement ne travaillent pas en vase clos bien que leur adresse soit confidentielle afin d'assurer sécurité et protection pour les femmes et les enfants ; elles initient ou s'associent à des recherches, siègent sur des Tables de concertation, établissent des protocoles d'ententes avec les services de police, les CLSC et aussi avec des organismes offrant des services aux conjoints violents. Les intervenantes des maisons d'hébergement sont des

Page 20: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

femmes engagées, motivées qui accompagnent les femmes victimes de violence à leur rythme et à leur convenance, ce sont des femmes de coeur, de passion et d'action.

La « Lettre aux évêques » ne peut nous surprendre lorsqu'on connaît les positions institutionnelles de l'Église sur plusieurs questions relatives aux femmes. Cependant, elle mérite d'être analysée et commentée et de se tailler une place parmi tous les discours de la dernière décennie qui tendent à discréditer le mouvement féministe et, donc, ses acquis.

Marie-Hélène Blanc, Fédération de ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec

Site Internet Courriel

Sources

* Lettre aux évêques de l'Église catholique sur la collaboration de l'homme et de la femme dans l'Église et dans le monde* Communiqué résumant cette lettre aux évêques

Victoires incomplètes, avenir incertain : les enjeux du féminisme québécois Retrouver l'élan du féminisme Le droit d'éliminer les filles dans l'oeuf ?

mercredi 2 juin 2004

Le droit d'éliminer les filles dans l'oeuf ? par Liliane Blanc, historienne et écrivaine

"La femme n'est qu'un ventre ! " - Napoléon

Dans le quotidien montréalais "La Presse", en date du 27 mai 2004, on peut lire avec stupéfaction ceci : "Vif plaidoyer pour le droit d'éliminer les filles dans l'œuf". S'en suit un compte-rendu, écrit par la journaliste Louise Leduc, du Congrès mondial sur la fertilité et la stérilité qui se tient en ce moment à Montréal.

Comment conserver sa sérénité, quand on lit que l'un des membres du comité d'éthique de la Fédération internationale de gynécologie et d'obstétrique, un certain gynécologue égyptien, Gamal Serour, affirme qu'"éliminer la fille dans l'œuf et détruire les embryons femelles, peut être tout à fait éthique", que cette pratique "aiderait les femmes qui, autrement, sont victimes d'immenses pressions sociales quand elles donnent naissance à des filles" et, ainsi, les empêcherait de commettre des infanticides. Et que cette "sélection du sexe des enfants" va, en fait, dans le même sens que ce "contrôle de leur

Page 21: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

vie reproductive" que les féministes mettent, toujours selon ce docteur, de l'avant pour "s'affranchir de la domination des hommes". Pincez-moi, je rêve.

À lire des articles comme celui-ci, je serais tentée de régresser à un stade purement végétatif afin de ne pas désespérer davantage de certains humains. Que de telles méthodes de contrôle de la population féminine, semblables à l'eugénisme pratiqué par Hitler sur les juifs et les noirs, soient non seulement envisagées, mais déjà pratiquées et passent pour être "tout à fait éthique(s)", c'est purement scandaleux ! Il est vrai que l'élimination d'un œuf est certainement plus "propre" et laisse moins de traces que des cadavres.

Ces détraqués de laboratoire, sans conscience, ne sont pas des personnages fictifs. Ils agissent en toute impunité. En poussant à fond la réflexion tordue de ce "gynécologue" égyptien, on pourrait supputer, après tout, que le jour n'est peut-être pas si lointain où quelques spécimens humains, de sexe féminin, parqués dans des laboratoires et des lupanars, suffiront amplement pour fournir les œufs nécessaires à une reproduction essentiellement masculine et à l'assouvissement sexuel des seuls êtres dignes de vivre librement sur la "Terre des Hommes" ! Mais la réalité a déjà dépassé la fiction, puisque l'on apprend, dans le même article, que l'Inde est une fervente praticienne de cette nouvelle sélection de race, et que 50 millions d'embryons féminins ont ainsi été éliminés. Et qu'aux USA, certains instituts de fertilité et de fécondation jouent déjà là-dedans.

Pourquoi ce genre d'intervention en plein congrès mondial ? S'agit-il d'un ballon-sonde lancé afin d'évaluer les limites de notre tolérance, dans ce monde qui se déglingue, et où l'éthique, justement, en prend plus que pour son rhume ? Jusqu'où se répercutera cette onde de choc, provoquée dans la salle, par ce charmant docteur Folamour ? Réagirons-nous massivement à pareille aberration ?

Pour moi, œuf chanceux qui a encore eu le temps de devenir femme, je crois que ce genre de nouvelle est loin d'être rassurante pour l'avenir. Au fil des siècles, les pratiques sociales et les lois ont écarté les femmes de la place publique, jusqu'à les réduire au silence et à une discrétion qui pouvait s'apparenter à la clandestinité. L'évolution des mentalités est chose lente et, dans certains milieux, les préjugés masculins, tenaces, ont du mal à se réformer. La chasse à ces œufs encombrants serait-elle, pour d'aucuns, la solution finale enfin trouvée pour exercer le contrôle absolu sur ce mal nécessaire, la femme ? Hélas, les sentiments, l'amour, encore moins que l'éthique, n'ont pas leur place, dans les laboratoires de ces praticiens maléfiques. Et c'est surtout cela qui est grave.

Si personne ne s'oppose, dès aujourd'hui, à ce genre de bricolage sélectif des sexes, ce n'est plus contre des inégalités et "pour leur affranchissement des hommes" (dixit le bon docteur) que les filles de demain exerceront leur vigilance, mais pour leur survie, tout simplement. Quand on sait à quel point, dans certains pays, la venue au monde d'une fillette est une calamité, on n'est pas loin, avec ce genre de manipulations, des quotas imposés pour la production des poulets et des porcs.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 28 mai 2004

Le système patriarcal à la base des inégalités entre les sexes Des nouvelles des masculinistes

Page 22: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Masculinisme et système de justice : du pleurnichage à l'intimidation Nouvelle donne féministe : de la résistance à la conquête Les masculinistes : s'ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs besoins Nouvelles Questions féministes : " À contresens de l'égalité " S'assumer pour surmonter sa propre violence Un choix parental féministe et subversif : donner le nom de la mère Université féministe d'été 2004, Université Laval Sisyphe, que de rochers il faudra encore rouler ! Coupables...et fières de l'être ! Procès du féminisme Un rapport de Condition féminine Canada démasque un discours qui nie les inégalités

de genre De la masculinité à l'anti-masculinisme : penser les rapports sociaux de sexe à partir

d'une position sociale oppressive Les courants de pensée féministe Quelques commentaires sur la domination patriarcale Chroniques plurielles des luttes féministes au Québec Le féminisme, une fausse route ? Une lutte secondaire ? À l'ombre du Vaaag : retour sur le Point G L'identité masculine ne se construit pas contre l'autre Les hommes et le féminisme : intégrer la pensée féministe La misère au masculin Le Nobel de la paix 2003 à la juriste iranienne Shirin Ebadi Hommes en désarroi et déroutes de la raison Le « complot » féministe Christine de Pisan au coeur d'une querelle antiféministe avant la lettre Le féminisme, chèvre émissaire ! L'autonomie de la FFQ, véritable enjeu de l'élection à la présidence Les défis du féminisme d'aujourd'hui Nouvelle présidente à la FFQ : changement de cap ? Féminisme et masculinisme : ressources documentaires La stratégie masculiniste, une offensive contre le féminisme C'est le 8 mars, mais trop tôt pour chanter victoire Deux cents participantes au premier rassemblement québécois des jeunes féministes

Les arguments du discours masculiniste

2003

Les arguments du discours masculiniste

Page 23: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Il s'agit ici d'illustrer les arguments sur lesquels les masculinistes fondent leur discours de revendication et comment ils tentent de convaincre le public, en passant par les médias, que le mouvement des femmes a fait des hommes les victimes d'un nouveau système social dominé par les valeurs féministes. Les extraits ont été choisis parmi les 374 articles parus dans la presse canadienne francophone et anglophone et retenus pour la recherche.

On constate que la féminisation du système scolaire est le principal cheval de bataille des masculinistes, mais d'autres problématiques sont invoquées pour démontrer la discrimination et le sexisme que les hommes subiraient sur le plan scolaire, dans la famille, sur le marché du travail et dans les cours de justice.

Les arguments du discours masculiniste

Pour s'établir, ce discours affirme que le mouvement des femmes a réalisé l'égalité des sexes et que, grâce à la lutte menée par les féministes, en quelques décennies les femmes ont rattrapé les hommes dans pratiquement tous les domaines. Elles auraient toutefois dépassé les limites de l'équité et relégué les hommes au second rang, même dans les champs qui leur étaient traditionnellement réservés. La situation entre les hommes et les femmes serait donc totalement renversée au profit des femmes.

Voici deux exemples de ce genre de propos qui laissent entendre que partout les filles ont déclassé les garçons. Le premier extrait est tiré de l'article " Pitié pour les garçons ", publié dans l'Actualité (février 1992), et le second est paru dans The Vancouver Sun (1er mars 2000) : " Être un homme n'est vraiment plus quelque chose de très intéressant", constate un sexologue à la clinique de psychologie Hochelaga et professeur à l'Université du Québec à Montréal. Aux filles, tout semble désormais possible. On leur demande, on les supplie même de faire une carrière scientifique. D'être pilotes d'avion, pompiers, policiers. […] Pour les garçons, rien ne va plus ! Ils semblent appelés à jouer désormais les seconds violons. Être petit garçon semble complètement "out" aujourd'hui. De plus en plus, la société québécoise n'en a plus que pour ses filles, espoirs de demain, incarnations vivantes d'un monde meilleur et d'un avenir radieux, alors que le garçon est dénoncé comme l'héritier coupable de siècles de violence, de guerre et de destruction " [920201a]14.

" Et voilà que d'un seul coup, le portait a changé. Le profil entier de la victime a changé de sexe. Les garçons piétinent, disent les recherches. Dans toute l'Amérique du Nord, ils ont du retard sur les filles dans la plupart des sujets. Ils abandonnent plus jeunes l'école, ils sont accusés d'être à l'origine de la flambée de violence dans les écoles, ils gobent Ritalin et Prozac et ils se suicident à un rythme alarmant. Et les filles ? C'est la vie en rose, depuis la maternelle jusqu'aux études supérieures, écoles publiques ou privées, écoles mixtes ou non - le monde leur appartient " [traduction, 000301vs].

Le message est clair, à défaut d'être convaincant : pendant que les femmes jouissent d'une vie absolument sans problèmes, tout va terriblement mal pour les hommes.

Dans la famille

Selon le discours masculiniste, le féminisme a renversé " les valeurs essentielles et fondamentales qui concernent la famille " [910724p], donnant encore une fois l'avantage

Page 24: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

aux femmes. Pendant que celles-ci affirmaient leur autonomie et accédaient à de nouveaux rôles, les hommes, eux, se voyaient privés même de leur identité de père.

" Cette perte d'identité glisse facilement vers le sentiment que le mâle lui-même est devenu inutile. Même son rôle de reproducteur devient très aléatoire... Pendant ce temps, la femme, elle, reste "indispensable" dans son rôle de mère, car le clonage généralisé n'est sûrement pas pour demain. Perçant en même temps dans plusieurs champs d'activités autrefois réservés aux hommes, elle enrichit même son sens de l'identité " [990705dr].

Ce déclassement social de l'homme, amorcé au sein de la famille, se transporte aussi dans le champ des études et du marché du travail.

Dans le champ des études

À l'université, par exemple, il n'y a qu'au doctorat que les hommes ont encore une avance sur les femmes, ces dernières étant devenues majoritaires aux deux premiers cycles : " La Conférence des recteurs rapporte que, depuis 1994, les étudiantes sont devenues majoritaires aux études du second cycle universitaire : l'an dernier, elles ont formé 51,2 % des inscrits à la maîtrise. Au doctorat, les hommes sont cependant en surnombre, occupant 59,8 % des places. Par contre, la tendance montre qu'année après année, les femmes gagnent du terrain. Comme à tous les niveaux des études universitaires. Tendance "implacable, mais pas inquiétante", glisse avec humour, un recteur " [960928s].

Est-ce vraiment de l'humour ? L'inquiétude semble plutôt bien réelle, car certains proposent une restructuration de l'école pour mieux servir les intérêts des garçons et la mise en place de quotas15 pour ralentir la progression des filles maintenant majoritaires dans des domaines autrefois réservés aux hommes, tels le droit et la médecine. Ce n'est qu'en sciences pures et en génie qu'il leur reste un retard à rattraper. " Sans une restructuration de l'école qui respecterait mieux les particularités et les intérêts des garçons, les hommes vont se faire de plus en plus rares à l'université. […] "S'il n y a pas de changement, je serai favorable à l'instauration de quotas […]. On prendrait les 50 meilleurs gars et les 50 meilleures filles." Verra-t-on les hommes exiger à leur tour des programmes de discrimination positive ? " [940222d].

Devant le constat de la bonne performance des filles, certains y vont de leurs commentaires, comme dans l'article " La misère scolaire des garçons " publié dans La presse : " où sont les femmes parmi les grands inventeurs, les grands architectes, les grands philosophes, les grands explorateurs ? Il faut admettre qu'elles brillent par leur absence dans tous ces domaines " [991025p(3)]. Des propos qu'on pourrait qualifier à tout le moins de mesquins.

Sur le marché du travail

Il faut s'inquiéter de la situation économique des hommes, affirment les masculinistes, car même s'ils dominent encore l'économie, ils en sont en fait les premières victimes : " Ahuris, certains découvrent que, oui, les hommes dominent encore le paysage économique, mais qu'ils en payent le prix : les hommes enregistrent des taux d'alcoolisme et d'abus des drogues plus élevés que les femmes, ils souffrent davantage

Page 25: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

que les femmes de maladies liées au stress. Leur taux d'abandon des études au niveau collégial est plus haut et, finalement, la synthèse de tout ça, ils meurent sept ans plus jeunes que les femmes " [980531p].

Les hommes, du point de vue masculiniste, seraient nettement désavantagés par rapport aux femmes, car la somme de leurs privilèges est annulée par le fait qu'elles vivent plus longtemps qu'eux. Ce qui inquiète en fait les masculinistes, c'est que le succès scolaire des filles - ils ne font pas de nuances - risque de leur valoir les meilleurs emplois : dans un contexte de rareté, ce sont ceux et celles qui se distinguent par leurs diplômes et leur formation qui seront avantagés. Ce que les filles semblent avoir saisi, mais pas les garçons.

" Pour compléter le portrait, il faut des données sur les attitudes respectives des jeunes hommes et des jeunes femmes à l'égard de l'utilité des études.

Des recherches récentes révèlent que les adolescents ne semblent pas faire le rapport entre les études et la réussite professionnelle. […] Ces attitudes s'opposent à celles des adolescentes et des jeunes femmes, qui sont beaucoup plus susceptibles de considérer qu'une scolarité solide est tout à leur intérêt, à longue échéance " [traduction, 990504GM].

Les masculinistes font alors peser la menace du chômage et du déclassement des garçons décrocheurs pour appuyer leur discours de victimisation :

" Depuis 1990, les femmes, au Québec, chôment moins que les hommes […] Depuis cette date encore, la présence des hommes sur le marché du travail (le "taux d'activité") a continué de chuter (de 75 % à 70 %), tandis que la présence des femmes se maintenait (environ 54 %). […] Quant à l'avenir, si l'on en juge par les indicateurs du ministère de l'Éducation du Québec, il appartient davantage aux femmes qu'aux hommes. […] Ne serait-ce pas plutôt le sort des hommes qui devrait nous inquiéter ? " [990315a].

Que dire de l'écart entre 54 p. 100 et 70 p. 100 ? Poursuivant leur stratégie de victimisation des hommes, les groupes masculinistes laissent entendre que si les femmes ont tellement de succès dans tout ce qu'elles entreprennent, c'est que toute l'attention, au cours des dernières décennies, a été tournée vers les filles à qui l'on a pavé le chemin de la réussite. Soit que les mesures en faveur du sexe féminin avaient un effet démobilisateur sur le sexe masculin, soit qu'on ne faisait absolument rien pour s'occuper des garçons.

" "Nous avons songé à ce qu'il fallait changer pour les femmes, et des changements ont été faits, mais rien n'a changé pour les hommes. C'est comme si nous avions oublié l'autre part de l'équation", déclare une directrice du Calgary Counselling Centre et mère de deux garçons. "Si la situation demandait à être rectifiée pour les filles et les femmes, on a supposé que c'était parce qu'elle était favorable pour les garçons et les hommes. C'est faux." Enlever les limitations pour un sexe semble en avoir ajoutée pour l'autre " [traduction, 991112ej].

" Le système scolaire a-t-il laissé tomber les garçons ? Les aurait-il oubliés, durant ces deux décennies où, dans la foulée du mouvement féministe, on a surtout mis l'accent sur

Page 26: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

la promotion sociale des filles ? C'est en tout cas ce que pensent nombre de parents, dont certains vont jusqu'à dire que l'école entretient, consciemment ou non, un préjugé défavorable envers les garçons... " [991121p].

Ces deux commentaires font sentir la pression de plus en plus forte qui s'exerce sur les décideurs afin que des mesures soient prises en faveur des garçons et pour analyser les raisons de leur triste performance : " les petits garçons ont été les grands oubliés, il est temps de s'y intéresser, de revoir leur éducation, d'admettre leur différence et de favoriser leur développement émotionnel " [980620p(2)]. On a accordé trop de temps et d'espace aux filles.

Les responsables du désarroi des hommes

Pour les masculinistes, qui prétendent bien sûr parler au nom de tous les hommes, les femmes sont les premières responsables de l'infériorisation des hommes. Qu'elles soient mères, épouses, ex-conjointes, enseignantes, administratrices ou intervenantes, elles sont individuellement et collectivement la cause de tous les maux qui accablent le sexe " fort ", elles sont les artisanes du recul des hommes, de leur crise d'identité, de la perte de leurs droits parentaux, etc. Mais pire encore que " les femmes ", il y a les féministes, que les groupes masculinistes démolissent sans ménagement. Ils dénoncent en particulier le " complot " que les féministes, agissant de connivence avec l'État, les juges, les policiers et les médias, trameraient contre les pères et les hommes accusés de violence.

La faute des femmes

Le discours masculiniste accuse le mouvement des femmes d'être la principale cause du désarroi des hommes. D'abord, dans le rapport amoureux, l'homme ne saurait plus comment se comporter devant l'autre sexe, comment être un homme, et cela parce que les femmes ne sauraient plus elles-mêmes ce qu'elles attendent d'un homme, comme l'expriment cet extrait : " l'identité masculine est touchée. "Les gars disent : <=Que faut-il être : rose ? Mauve ? Macho ? On ne sait plus ce que les femmes veulent." "La psychologue et la conseillère d'orientation sont habituées à ce genre de discours" " [000217s].

Dans les relations familiales, les femmes prendraient trop de place. Depuis leur émancipation, accusent les masculinistes, elles ont dépossédé les hommes de leur rôle parental et de leur responsabilité sacrée de pourvoyeur. Ce qui, selon certains, pourrait contribuer à l'augmentation du taux de suicide chez les adultes de 20 à 44 ans. C'est du moins ce que soulève une journaliste dans un article du quotidien Le Soleil publié à l'occasion de la Semaine de la prévention du suicide, en février 2000 :

" Et ce sont les hommes, statistiquement parlant, qui sont le plus lourdement affectés. Certains auteurs y voient un lien avec les gains du féminisme. "Depuis que les femmes ont pris le contrôle de leur fécondité, la place de l'homme dans la famille est devenue facultative, accessoire, écrit-elle. Les rôles sont devenus maintenant quasi interchangeables et l'on ne sait plus très bien s'il subsiste un rôle, autre que biologique, spécifique aux hommes." Le pourvoyeur est en voie de disparition " [000217s].

Page 27: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Dans les cas de divorce et de séparation, dénoncent les masculinistes, le père est privé de son droit de paternité pour ne devenir " qu'un géniteur et une machine à sous " [950215p], les mères s'acharnant à éloigner les enfants de leur père en se réservant la garde des enfants avec la complicité des juges. C'est là un des thèmes bien couverts dans la presse canadienne, et le même type de commentaires revient, année après année : " dans cette société, les pères "perdent leurs garçons cinq minutes après l'accouchement" " [910625p] ; " […] ils sont oubliés, perdus dans le chambardement causé par les droits des femmes et un appareil judiciaire biaisé qui est largement perçu comme favorable à l'octroi à la mère de la garde des enfants " [traduction, a940608TS] ; " on oublie souvent que les pères […] n'ont plus de rôle à jouer auprès de leurs enfants. Qu'ils ne se sentent plus utiles […] la garde partagée est accordée par la mère " [960612dr] ; " ces hommes se sentent dépossédés de leur "parentalité" " [971015a].

Éloigner les pères de leurs enfants a un effet dramatique sur la façon dont les jeunes hommes définissent leur masculinité, soulignent les masculinistes, d'autant plus que, élevés par des femmes en contexte de monoparentalité, les garçons, déjà privés de modèles masculins dans leur univers familial, se retrouvent " dans un monde essentiellement féminin " [950308s] lorsqu'ils fréquentent l'école primaire et secondaire.

La faute des féministes

Les féministes auraient trahi les hommes en manquant à leurs promesses de justice et d'équité entre les sexes. C'est ce qu'affirme le discours masculiniste qui s'applique à miner les acquis du féminisme afin de revaloriser les valeurs masculines traditionnelles de l'avant-féminisme. On trouve plusieurs exemples de la critique du féminisme dans l'ensemble de la presse canadienne, la presse francophone y accordant beaucoup de place. " Le féminisme ne visait-il pas l'élimination du "deux poids, deux mesures" " [traduction, 980307GM], lit-on dans The Globe and Mail. Dans des journaux francophones, on parle d'" un certain féminisme primaire et radical qui a engendré le mépris des valeurs masculines " [991016p] ; des " effets castrants d'un féminisme agonisant " [991231dr] et d'" un féminisme exacerbé et antimasculin " [001024s].

De façon plus concrète, la critique du féminisme s'organise en grande partie autour des reproches adressés aux systèmes scolaires " féminisés ", mais elle se consacre également à la dénonciation du prétendu complot féministe dirigé contre les hommes.

La féminisation de l'école

Les féministes auraient imposé à l'école leurs valeurs et leur vision du monde, rejetant et reniant du même coup tout ce qui est masculin. Un tel système scolaire n'étant pas adapté aux garçons, ces derniers vivent des troubles d'apprentissage qui ont pour conséquence de diminuer leur intérêt pour les études. Les extraits de journaux et revues qui suivent donnent un aperçu des reproches qui sont faits au système scolaire, l'idée centrale étant de recréer une école où les garçons pourraient de nouveau décider des règles du jeu.

  Les méthodes d'enseignement et les programmes féminisés ne correspondent pas à la nature masculine. Les garçons s'ennuient et décrochent : " à mon avis - que partagent bien des experts - bien des adolescents s'ennuient dans les écoles publiques. Je ne

Page 28: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

pense pas que ce soit forcément de leur faute. Les programmes d'études actuels peuvent être plutôt assomants pour des jeunes hommes virils " [traduction, 000208vp].

  L'approche de coopération et d'entraide que favorisent les enseignantes féministes ne peut donner aux garçons la motivation dont ils ont besoin pour " performer ". Pour réussir, ils ont besoin de compétition et d'une discipline spartiate : " un psychologue se demande aussi si les garçons, plus turbulents, n'auraient pas besoin d'une supervision plus étroite, d'une discipline plus musclée. "Les garçons sont-ils bien servis par la manière dont on encadre les enfants aujourd'hui ?" demande-t-il " [990316d(3)].

  Les classes mixtes ne permettent pas aux garçons d'extérioriser leur masculinité et les mettent en présence de filles plus avancées dans leur processus de maturation. Ces classes sont faites sur mesure pour les filles qui sont " naturellement " dociles, obéissantes, conformistes et qui aiment plaire, alors qu'elle contredisent la " nature " des garçons qui est de bouger, de se chamailler et d'ignorer les consignes qui bloquent leur épanouissement créatif : " aux dires d'un professeur, les filles s'accommodent mieux du milieu scolaire qui exige le conformisme, la discipline, la minutie, etc.. "Il y a une énergie instinctive des garçons qui est réprimée à l'école", pense-t-il " [940222d].

  Lors des évaluations en classe, les enseignants, des femmes en grande majorité, feraient preuve d'un préjugé sexiste envers les garçons. On avance même que " les questions des examens semblent systématiquement biaisées en faveur des filles " [990610p] et que les chercheurs soupçonnent " l'existence d'un préjugé défavorable aux garçons dans les salles de classe " [991121p].

  Parmi les matières qui font l'objet d'examens provinciaux, ceux qui portent sur la langue maternelle, le français ou l'anglais, auraient un effet discriminant sur les garçons. Si ces derniers prennent du retard sur les filles à l'école, ce serait en partie parce qu'ils auraient tendance à considérer que la langue, l'écriture et la littérature sont des activités féminines. Au lieu de reconnaître là l'effet d'un stéréotype sexiste, les masculinistes rétorquent que les livres choisis par les enseignantes correspondent plus aux goûts des filles, et que les professeurs manquent d'équité dans la correction des travaux d'écriture.

" Pour ce qui est de l'écriture, une recherche a montré que les enseignants tendaient à donner plus de poids à la forme et moins au contenu lors de la correction d'écrits produits par les filles, et à faire le contraire pour les textes des garçons. Selon un professeur, […] le contenu des textes qu'on fait lire aux élèves intéressent davantage les filles " [990610p].

  Le fait qu'il y ait très peu d'enseignants masculins au primaire et au secondaire désavantage les garçons. Non seulement ils sont placés dans un environnement presque entièrement féminin, mais l'absence de modèles masculins risque de diminuer d'autant l'intérêt des garçons pour les études : " l'exode professionnelle des hommes dans le corps enseignant pourrait, à la longue, voler à nos enfants la possibilité d'observer des modèles masculins très divers ainsi que la saine collégialité entre les sexes dans le tout premier milieu de travail que la majorité des élèves voient quotidiennement de l'intérieur - l'école " [traduction, 990901tsun].

Tous ces éléments sont rassemblés en un urgent appel pour un système scolaire qui n'avantagerait plus les filles, mais laisserait les garçons être des garçons, quoique cela

Page 29: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

veuille dire : " nous ne voulons pas que nos garçons décrochent, nous voulons que nos garçons soient compris, acceptés comme des garçons. Nous ne voulons pas que les écoles en fassent des hommes roses, des peureux, des faux garçons " [991113p].

Le complot féministe

Les masculinistes aimeraient bien que la famille retourne aux valeurs traditionnelles et que l'homme y retrouve la place qu'il y occupait jadis. Mais sous la pression du féminisme, disent-ils, les lois ont changé au détriment des hommes, et bien des hommes sont accusés faussement de violence et d'abus, et privés injustement de leurs droits. Ici le discours tourne surtout autour de la définition abusive que les féministes auraient donnée de la violence, de l'affirmation que les femmes seraient aussi violentes que les hommes, du sexisme de l'appareil judiciaire et du partage inéquitable des ressources entre victimes et agresseurs dans les cas de violence conjugale.

  Lorsqu'elles définissent la violence, les féministes charrient, affirment les masculinistes. La méthodologie qu'elles adoptent dans leurs recherches pour démontrer la violence des hommes est contestable et elles généralisent les comportements violents à l'ensemble de la classe des hommes. La généralisation abusive est pourtant une caractéristique du discours masculiniste, comme nous le verrons au chapitre 5. Les féministes confondraient la force et l'agressivité " naturelles " des hommes avec la violence, ce qui fait qu'elles en voient partout. Même le crime de Marc Lépine, selon certains tenants du discours masculiniste, ne devrait pas être traité avec tant d'exagération :

" Elles affirment régulièrement que la leçon la plus saillante de la tuerie à l'École polytechnique est que notre societé est trop violente et que nous - c'est-à-dire vous les hommes et les garçons - devons apprendre dès notre plus tendre enfance à être doux et gentils. […] Le geste posé par Lépine est horrible non parce qu'il est violent, mais parce qu'il est criminel. Pourquoi les féministes ne veulent-elles pas le reconnaître ? " [traduction, c941210fp] ?

  Les hommes et les femmes sont aussi violents les uns que les autres, affirment les masculinistes, et il serait temps que les chiffres qu'affichent les féministes dans leurs recherches incluent les hommes victimes de violence conjugale : " "une femme sur cinq serait victime de violence conjugale […] Mais plusieurs études universitaires concluent qu'un homme sur cinq l'est aussi !" Si ces chiffres sont exacts, comment ont-ils pu ne jamais être dévoilés ? Deux obstacles majeurs expliqueraient le phénomène, d'après les masculinistes : le complot féministe - évidemment ! - ainsi que l'indifférence des médias et des gouvernements " [9807CHAT].

  Les hommes accusés à tort ou à raison de violence conjugale sont présumés coupables et deviennent les victimes d'un " véritable terrorisme judiciaire fondé sur le sexisme " [000916d]. Les juges ont tendance à croire les femmes et, malgré toute la bonne volonté des pères, ils décident toujours en faveur des mères, privant les hommes de leurs droits parentaux. Pour un homme, la bataille judiciaire est perdue d'avance : " pour un homme, ça ne sert à rien de se battre contre le système. Il risque de se retrouver au criminel. Quand un homme apprend que sa conjointe a enclenché le processus du divorce, il ne lui reste plus qu'à mettre son linge dans des sacs verts et louer un petit logement dans un sous-sol " [970425s].

Page 30: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

  Le refus de la part du gouvernement d'accorder les mêmes ressources aux hommes en détresse psychologique qu'aux femmes de victimes de violence conjugale est considéré comme une mesure sexiste et appuie l'idée d'un complot.

" Derrière chacun des 24 hommes, il y aurait donc autant de meurtrières ! Non seulement ces chiffres permettent de remettre en question l'actuelle répartition inégale des fonds publics entre les hommes et les femmes dans la lutte contre la violence, mais aussi toute la politique actuelle d'arrestations arbitraires, appliquée pratiquement seulement aux hommes, et le traitement judiciaire des hommes, qui frise la parodie : les policiers menacent l'homme pour que l'ex-conjointe puisse s'accaparer sa maison ; les procureurs de la Couronne représentant le ministère public cachent à l'accusé la déclaration écrite de la plaignante pour qu'il ne puisse se défendre, ce qui est quasiment illégal […] " [980410d].

Pour terminer cette partie sur les responsables de la misère des hommes, citons ces paroles du président du Groupe d'entraide aux pères et de soutien à l'enfant qui, très sûr de lui et comme s'il parlait au nom de tous les hommes, affirme : " les féministes de la fin des années 1990, c'est nous autres. Parce qu'on réclame l'égalité des sexes ! " [970129s].

La justification des hommes et des garçons

En plus d'expliquer les problématiques masculines par l'oppression dont ils seraient victimes de la part des femmes et des féministes, les groupes masculinistes s'appuient sur des arguments d'ordre culturel et sociobiologique pour rendre compte des difficultés que connaît le sexe masculin lorsqu'il est confronté à des femmes de plus en plus accomplies et sûres d'elles. Dans une société où la violence fait constamment la une des journaux et qui accuse les hommes d'en être les premiers porteurs, il leur faut justifier les comportements agressifs du sexe masculin. Ils ont alors recours à des types de justifications qui permettent de déculpabiliser l'homme et de rejeter toute faute sur des aspects inchangeables de son être, puisqu'au fondement de la " nature " masculine.

Les arguments d'ordre culturel

Parmi les arguments d'ordre culturel les plus souvent repris par le discours masculiniste, on retrouve l'expression particulière de la souffrance des hommes et les effets de la socialisation à des rôles sociaux particuliers.

La souffrance des hommes ne serait ni comprise ni acceptée. La société s'attendrait à ce que les hommes cachent leur souffrance, se montrent forts. Ce qui rendrait très difficile pour les hommes de demander de l'aide lorsqu'ils ressentent de la détresse. Le lien est alors fait avec le suicide comme solution efficace à la douleur : " "la société valorise l'autonomie et l'indépendance au masculin et elle stigmatise l'expression de la souffrance et la demande d'aide". En fait, les hommes expriment mal ou peu leurs sentiments, alors "la souffrance se manifeste par l'"agir"". Ainsi, le suicide serait souvent l'ultime tentative pour reprendre le contrôle sur sa vie, sa douleur " [000214d].

Les femmes en particulier refuseraient d'entendre la souffrance des hommes, de reconnaître qu'eux aussi souffrent lors d'un divorce ou quand ils sont séparés de leurs enfants : " les hommes séparés ou divorcés souffrent, dit-on, plus durement que les

Page 31: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

femmes. Ça dépend de "leur faible niveau de soutien social". Souvent, a-t-on noté, c'est la conjointe, l'épouse, qui était leur "seule source d'affection et d'intimité". D'où la solitude, qui concourt à la vulnérabilité " [000217s].

Par ailleurs, les hommes exprimeraient mal leur souffrance. Lorsqu'ils expérimentent la détresse, le rejet, plutôt que de chercher de l'aide, ils préféreraient passer à l'action, que ce soit par une violence tournée contre eux-mêmes, comme le suicide, ou par des gestes violents dirigés vers d'autres : " tout le modèle masculin commande le refoulement des émotions. Ils doivent régler leurs problèmes tout seuls sous peine de renier leur virilité. Survient un drame familial, les hommes refusent souvent l'intervention d'un médiateur et se suicident après avoir nié l'aide qu'on leur offrait " [981027d].

Au Québec, la souffrance de l'homme serait encore moins acceptée qu'ailleurs, selon un chercheur et professeur de service social à l'université McGill :

" L'image de l'homme québécois renvoie non seulement à l'idée de pouvoir et de privilèges, dit-il, mais elle renvoie aussi au père absent, au batteur de femmes, au pédophile, au prédateur sexuel et au violeur, bref au mâle complètement immoral, au bourreau qui ne saurait souffrir. "[…] C'est une souffrance qui n'est pas accueillie, qui n'a pas d'espace" " [000218s].

La socialisation à des rôles masculins est de plus en plus problématique, soutiennent les masculinistes, du fait de l'absence d'hommesdansl'environnement quotidien des garçons, que ce soit dans la famille où un nombre croissant d'enfants vivent sans leur père, ou à l'école où les enseignants masculins se font toujours plus rares. Refusant de calquer leur agir sur leur mère membre de " l'autre sexe ", les garçons se tournent vers leurspairs pour découvrir ce qu'est la masculinité et combler " le grand vide " laissé par l'absence du père : " Pour les enfants, leur modèle est d'abord celui de leurs parents. Pour un garçon, ce modèle est le père. Son absence crée un grand vide que le jeune garçon a beaucoup de difficulté à combler. Je crois que l'absence du père a une relation directe sur la non-performance du garçon " [991025p].

Les arguments reliés à la biologie

Le discours masculiniste a de plus en plus recours à ce type d'arguments par lesquels il voudrait bien prouver que les hommes sont vraiment différents des femmes, qu'on ne pourra jamais changer la nature masculine et qu'il faut simplement laisser les garçons être des garçons, comme ils le répètent souvent. Nous ne donnons ici que quelques extraits de ce type d'arguments afin d'illustrer brièvement la forme que prend cette justification des comportements masculins.

 Les effets de l'évolution pour " expliquer " la violence et les " abus de pouvoir " de l'homme :

" Comme si deux millions d'années d'évolution n'avaient laissé aucune trace dans les circuits neuroniques du cerveau mâle. […] Si l'homme primitif était devenu l'homme émotif, personne aujourd'hui ne serait ici pour en parler, la race humaine serait simplement disparue. Cela peut expliquer une foule d'abus de pouvoirs (physiques) de l'homme, même si ça ne les justifie pas " [991231dr].

Page 32: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

  Le chromosome XY, pour rendre compte du fait que les garçons expriment différemment leurs émotions :

" Selon un thérapeute familial américain, Michael Gurian, auteur de l'ouvrage The Wonder of Boys, cela commence au moment de la conception - selon lui, les garçons vivent des émotions différentes en raison de l'effet du chromosome XY sur la structure du cerveau et du taux de production de cette "infâme" hormone, la testostérone. Peu importe, partout dans le monde, les chercheurs ont brossé un tableau remarquablement uniforme de la vie émotive des filles et des garçons, et ils sont aussi différents que Barbie et l'Incroyable Hulk " [traduction, R9908Chat].

  La faiblesse des garçons sur le plan neurologique expliquerait les difficultés d'apprentissage des garçons : " une légère différence dans la capacité neurologique de traiter l'information verbale ou non verbale peut faire toute la différence. Or, les garçons sont plus fragiles sur le plan neurologique " [970104d].

  La testostérone explique pourquoi les garçons ont un comportement plus aggressif que les filles : " l'hormone mâle, la testostérone, influence aussi probablement le comportement. […] L'agressivité étant en partie innée, peut-on réussir, comme certains le désirent, à l'éliminer du comportement humain ? " [920201a].

  Fonctionnement différent du cerveau, différents types d'intelligence et différences cognitives :

" En se basant sur des études en sciences de l'éducation, le Conseil supérieur de l'éducation dit aussi que les styles cognitifs y sont pour quelque chose, c'est-à-dire la façon qu'ont les garçons et les filles d'emmagasiner et utiliser les informations qui leur sont transmises. Par exemple, les garçons seraient davantage enclins à l'analyse de situations parce qu'ils sont confrontés à leur milieu physique dès la petite enfance. Les filles, qui sont plus poussées à l'exploration du monde social, développeraient une pensée plus holistique " [991014JQ2].

  Un processus plus lent de maturation chez les garçons que chez les filles :

" Pourquoi les gars ne réussissent-ils pas à l'école ? Une des composantes les plus simples : parce que la croissance de la fille et du gars n'arrive pas en même temps. Les filles ont leur poussée de maturité plus tôt que les gars. Cela met des petits gars en compétition avec des grandes filles. De plus, comme les filles sont plus grandes, elles donnent le ton à 1a classe et la pédagogie s'axe sur celles-ci " [991021s].

Le recours aux théories sociobiologiques permet de soutenir que les hommes et les garçons sont victimes de discrimination à cause de leur nature particulière, de faire valoir que le système scolaire féminisé n'est pas adapté aux styles d'apprentissage des garçons et de justifier la violence et l'agressivité en invoquant des facteurs sur lesquels ils n'exercent aucune maîtrise.

Comparaison qualitative entre la presse anglophone et francophone

Comme nous l'avons vu lors de la compilation des données d'interprétation, l'analyse qualitative des journaux et des revues de la presse anglophone et francophone permet

Page 33: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

d'abord de constater que le discours masculiniste est à peu près le même partout au Canada. En 10 ans, il a pris beaucoup de vigueur et ajouté de nouveaux arguments à sa stratégie de victimisation du sexe masculin. De la simple dénonciation de situations jugées inacceptables par les masculinistes, on est passé à un discours plus " construit " qui vise à gagner l'appui d'un nombre grandissant d'individus et d'institutions qui se laissent convaincre des soi-disant abus du féminisme. Qui aime penser que " son " fils est sur la pente de l'échec ?

Anglophones et francophones se servent des mêmes événements locaux, régionaux ou nationaux comme tremplins pour leurs revendications, se gardant toujours de parler des avantages et des privilèges des hommes et des garçons à l'échelle internationale. Il serait sans doute risqué pour les masculinistes de reconnaître les faibles taux d'alphabétisation et la pauvreté des femmes dans la plupart des pays du monde. Le ton pris par les masculinistes dans la presse anglophone est parfois moins agressif que chez les francophones dans la critique qui est faite de la féminisation de l'école. Le discours se concentre sur la dénonciation d'un système scolaire sexué qui ne répondrait pas aux besoins spécifiques des garçons, risquant ainsi, à court et à long terme, de nuire à l'insertion des garçons dans le marché de l'emploi.

Ce qui frappe le plus, chez les francophones québécois, c'est la façon dont les groupes masculinistes se portent à la défense du sexe masculin. Comme s'ils étaient les seuls à pouvoir affronter les femmes et les féministes, ils dénigrent leur propre sexe :

" […] ils sont devenus des moumounes fugitives, un trait par ailleurs prédominant au Québec. Vérifiez-le auprès de n'importe qui : les hommes du Québec sont pires que les autres, ils démissionnent à la première contrariété et draguent comme des sous-carpettes. Cela est dû, paraît-il, à un mélange de complexe du colonisé et d'héritage matriarcal castrateur que le féminisme et la hausse du taux de chômage (le pourvoyeur étant maintenant dépourvu) ont achevé d'exacerber " [991021d].

Ce discours peut sans doute plaire à des hommes qui ne demandent qu'à se considérer comme des victimes, mais comment pourrait-il convaincre ceux qui reconnaissent que le mouvement des femmes a contribué à les libérer des valeurs traditionnelles et patriarcales que les masculinistes défendent.

Constatons enfin que les groupes masculinistes anglophones et francophones savent profiter au maximum de l'espace que leur offrent les médias. Une meilleure utilisation de cette force médiatique pourrait, selon un porte-parole du mouvement masculiniste rempli de confiance et d'espoir, " signifier l'émergence d'un mouvement social ou au moins d'une prise de conscience face à un féminisme exacerbé et antimasculin " [970131p]. Très conscients du pouvoir de persuasion qu'a la presse écrite sur les esprits, dans un monde où le savoir et l'information se transmettent au public de plus en plus par la voix des médias, les masculinistes optent pour l'expression politique et sauteront sur toutes les occasions de voir publier leurs propos. Hey et al. (1998, p. 129) rapportent que certains virages en faveur des garçons n'avaient pas été possibles avant, en Grande-Bretagne, " parce que les travaux antérieurs n'avaient pas engendré une expression politique - doublée d'activisme - au sujet de l'équité qui allait au-delà de simples revendications concurrentielles sur l'oppression " [traduction].

(Fin des extraits)

Page 34: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

On peut télécharger le document intégral en format html ou PDF sur le site de Condition féminine Canada.

Si vous préférez, vous pouvez télécharger ce texte en format word en cliquant sur l'icône ci-dessous ou bien lire l'article

en version imprimable pleine page.

Qu'il est difficile de partir ! Le discours masculiniste dans les forums de discussion

Florence Montreynaud

Le féminisme n'a jamais tué personne

C'est avec des méthodes pacifiques et souvent avec humour que les féministes demandent, depuis 1848, l'égalité des droits entre hommes et femmes. Organisé à l'échelle internationale depuis plus d'un siècle, le féminisme a suscité presque partout la critique, le mépris, et même parfois des haines meurtrières.

Par sa contestation de la domination masculine et de la soumission féminine, le féminisme touche aux fondements de l'organisation sociale et des relations entre les sexes. Pourtant, il se distingue des autres mouvements sociaux par son caractère de résistance active et sans violence, car il en appelle à l'intelligence et à la conscience de l'autre. C'est pourquoi le féminisme est un véritable humanisme.»

Historienne, Florence Montreynaud est aussi une féministe pratiquante. Elle a publié notamment l’encyclopédie Le XXe siècle des femmes (Nathan, 5e édition, 2001). Engagée dans le Mouvement des femmes depuis 1970, elle a lancé en 1999 le mouvement des Chiennes de garde, pour défendre des femmes insultées en public, et en 2000, La Meute, réseau féministe international contre la publicité sexiste.

 

Depuis plus d'un siècle, le féminisme a suscité presque partout la critique, le mépris, et même parfois des haines meurtrières.Il n’ y a pas de domination masculine ni de soumission féminine

Page 35: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

avec des méthodes pacifiques, L’islam gère fondements des relations entre les sexes et de l'organisation sociale en général. Sans résistance et sans violence. il en appelle à l'intelligence et à la conscience de chacune et de chacun.un véritable humanisme

le féminisme a suscité de critiques, de mépris, et même de haines meurtrières

Mes lectures 000815L’Art d’avoir toujours raison

[et de se faire détester de tous]par Schopenhauer

Éditions mille et une nuits © 1983––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

BASE DE TOUTE DIALECTIQUE.............................1

STRATAGÈMES

1. EXAGÉRER.......................................................12. JOUER SUR LES MOTS......................................13. GÉNÉRALISER (1).............................................14. CACHER SON JEU.............................................15. LES FAUX ARGUMENTS DE L’ADVERSAIRE.......16. AFFIRMER PÉREMPTOIREMENT........................17. NOYER LE POISSON.........................................18. SUSCITER LA COLÈRE DE L’ADVERSAIRE.........19. BROUILLER LES PISTES....................................110. PAR L’ANTITHÈSE..........................................111. L’INDUCTION.................................................112. TITRE RONFLANT...........................................113. CONTRASTE ENGAGEANT..............................114. TRIOMPHE PROCLAMÉ...................................1

Page 36: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

15. SE DÉCOINCER..............................................116. INCITER À SE COMMETTRE, À COHÉRENCE...117. INTRODUIRE UNE DISTINCTION.....................118. DÉTOURNER LA CONVERSATION...................119. GÉNÉRALISER (2)..........................................120. CONCLURE....................................................121. À QUESTION STUPIDE, RÉPONSE STUPIDE....122. PÉTITION DE PRINCIPE...................................123. RÉFUTER LES EXAGÉRATIONS.......................124. FORCER LA THÈSE.........................................125. TROUVER UNE EXCEPTION............................126. RETOURNER SON ARGUMENT CONTRE LUI.. .127. EMPIRER LA COLÈRE DE L’ADVERSAIRE........128. RIDICULISER D’AUTORITÉ EN TABLANT SUR LA NAÏVETÉ DE L’AUDITOIRE 129. FAIRE DIVERSION (semblable à 18.)..............130. MYSTIFIER (Name Dropping).........................131. SE DÉCLARER INCOMPÉTENT........................132. FAIRE UNE ASSOCIATION DÉGRADANTE.......133. OPPOSER THÉORIE ET PRATIQUE..................134. INSISTER SUR LE POINT QU’IL DÉTOURNE.....135. FAIRE VOIR QU’IL SE TIRE DANS LE PIED.......136. ÉTOURDIR PAR LA PAROLE............................137. RÉFUTER EN DÉNONÇANT LA PREUVE..........138. ULTIME STRATAGÈME : INJURIER...................1

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

BASE DE TOUTE DIALECTIQUETout d’abord, l’essentiel de toute controverse est le fait qu’une thèse soit posée par

l’adversaire (ou nous-mêmes, peu importe). Pour la réfuter, il y a deux méthodes possibles :

1. Les modes :a. ad remb. ad hominem ou ex concessis

c'est-à-dire que nous démontrons soita. que cette thèse n’est pas en accord avec la nature des choses, la

vérité objective absolueb. soit qu’elle contredit d’autres affirmations ou concessions de

l’adversaire, c'est-à-dire la vérité subjective relative. Dans ce dernier cas, il ne s’agit que d’une preuve relative qui n’a rien à voir avec la vérité objective.

2. Les méthodes :a. réfutation directeb. et indirecte.a. La réfutation directe attaque la thèse dans ses fondements,b. l’indirecte dans ses conséquences.a. La directe démontre que la thèse n’est pas vraie,b. l’indirecte, qu’elle ne peut pas être vraie.

Page 37: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Voilà la base de toute controverse. Mais tout cela peut se passer réellement ou seulement en apparence. Et comme en la matière il n’est pas facile d’avoir des certitudes, les débats peuvent être longs et acharnés. On ne peut savoir avec certitude qui a objectivement raison et cela ne peut être décidé que grâce à la controverse.

Du reste, dans toute controverse ou argumentation, il faut que l’on s’entende sur quelque chose, un principe à partir duquel on va juger le problème posé : on ne saurait discuter avec quelqu’un qui conteste ces principes.

STRATAGÈMES

1. EXAGÉRERÉtirer l’affirmation de l’adversaire au-delà de ses limites naturelles, l’interpréter de la

façon la plus générale possible. Ceci est particulièrement aisé avec des gens qui font des assertions généralisantes.

Ex : Les Chinois…Les femmes… , les hommes…Les jeunes…Les homosexuels…

À l’inverse, pour assurer la victoire de sa propre affirmation, il faut la restreindre, parler de cas particuliers.

2. JOUER SUR LES MOTSUtiliser l’homonymie pour étendre également l’affirmation à ce qui, à part le même

mot, n’a pas grand-chose ou rien du tout en commun avec l’objet du débat, puis réfuter de façon lumineuse et se donner ainsi l’air d’avoir réfuté l’affirmation elle-même.

Ex. : — Vous n’êtes pas encore initié aux mystères de la philosophie kantienne.— Ah, quand il est question de mystères, cela ne m’intéresse pas.

3. GÉNÉRALISER (1)Prendre l’affirmation posée relativement comme si elle l’était de façon générale, ou du

moins la concevoir dans un rapport tout à fait différent et la réfuter dans ce sens.

Ex. : — Certains homosexuels peuvent avoir des comportements pervers.— Les homosexuels sont des gens normaux et non pas pervers.

Page 38: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

4. CACHER SON JEUQuand on veut arriver à une conclusion, il ne faut pas la laisser prévoir mais obtenir

discrètement qu’on en admette les prémisses en disséminant celle-ci au cours de la conversation. Il faut faire approuver les prémisses dans le désordre de façon à cacher son jeu et éviter que l’adversaire tente toutes sortes de manœuvres pour contrer notre thèse. On peut même utiliser des prémisses sans rapport avec le thème pour brouiller les pistes.

5. LES FAUX ARGUMENTS DE L’ADVERSAIRELe vrai peut réfuter de fausses prémisses, alors que le faux ne peut jamais découler de

vraies prémisses. C’est ainsi que l’on peut réfuter des propositions fausses de l’adversaire au moyen d’autres propositions fausses qu’il considère comme vraies ; car c’est à lui que nous avons affaire et il faut utiliser son mode de pensée.

Ex. : Si notre interlocuteur est adepte d’une secte quelconque que nous n’approuvons pas, nous pouvons utiliser contre lui les préceptes de cette secte.

6. AFFIRMER PÉREMPTOIREMENTTout discours s’appuie sur des prémisses. Pour élaborer une thèse, il faut s’entendre

sur un certain nombre d’affirmations. En s’appuyant sur une « vérité d’évidence », en postulant ce que l’on aurait à prouver, on peut conduire l’interlocuteur à reconnaître la validité de notre thèse.

La répartie à ce stratagème consiste à réfuter systématiquement chacune des prémisses de notre interlocuteur.

Ex. : Affirmer l’incertitude de la médecine en affirmant l’incertitude de tout savoir humain.

7. NOYER LE POISSONPoser beaucoup de questions à la fois et élargir le contexte pour cacher ce que l’on

veut véritablement faire admettre. En revanche, exposer rapidement son argumentation à partir de concessions obtenues, car ceux qui sont lents à comprendre ne peuvent suivre exactement la démonstration et n’en peuvent voir les défauts et les lacunes éventuelles.

Ex. : Tout débat à la Chambre des communes en fournit d’abondants exemples.

8. SUSCITER LA COLÈRE DE L’ADVERSAIRE

Page 39: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Mettre l’adversaire en colère, car dans sa fureur il est hors d’état de porter un jugement correct et de percevoir son intérêt. On le met en colère en étant ouvertement injuste envers lui, en le provoquant et, d’une façon générale, en faisant preuve d’impudence. Si on le connaît personnellement, on peut exhiber son point faible. En parlant ouvertement ce dont il a honte on va brouiller son esprit et il sera incapable de formuler un jugement cohérent.

Ex. : Sachant que notre interlocuteur a déjà été condamné pour un délit au criminel ou au civil, on peut le mentionner ouvertement dans la discussion pour discréditer son intégrité.

9. BROUILLER LES PISTESNe pas poser les questions dans l’ordre exigé par la conclusion qu’il faut en tirer, mais

dans toutes sortes de permutations ; il ne peut savoir ainsi où on veut en venir et ne peut se prémunir. On peut aussi utiliser ses réponses pour en tirer diverses conclusions, même opposées, en fonction de leur nature. Ce stratagème est apparenté au quatrième dans la mesure où il faut dissimuler sa manière de procéder.

Ex. : L’inspecteur de police, durant son interrogatoire, va poser toutes sortes de questions sans rapport apparent entre elles afin, plus tard, de pouvoir en tirer des conclusions qui vont dans le sens de son enquête sans que le prévenu ne l’ait vu venir.

10. PAR L’ANTITHÈSEQuand on se rend compte que l’adversaire fait exprès de rejeter les questions qui

auraient besoin d’une réponse positive pour soutenir notre thèse, il faut l’interroger sur la thèse contraire, comme si c’était cela que l’on voulait le voir approuver ; ou tout du moins, lui donner le choix entre les deux de telle sorte qu’il ne sache plus quelle est la thèse à laquelle on souhaite qu’il adhère.

Ex. : L’important est de prendre le dessus sur l’adversaire, lui montrer qu’il a tort et que nous avons raison. Nous pouvons donc feindre momentanément adhérer à sa thèse, l’appuyer avec nos propres arguments, pour ensuite le trouver en défaut sur un point qui la fasse s’effondrer.

11. L’INDUCTIONFaire croire à l’adversaire qu’il a reconnu lui-même une « vérité générale admise » en

lui faisant concéder plusieurs cas particuliers par induction.

Ex. : L’acier est un métal solide à la température ambiante. L’or aussi est un métal solide à la température ambiante. De même que l’aluminium, le bronze etc. Donc, on peut dire que tous les métaux sont solides à la température ambiante.

Page 40: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

12. TITRE RONFLANT

Choisir une désignation flatteuse pour désigner notre thèse, notre fonction, notre titre. Ou à l’inverse, utiliser des termes orduriers pour désigner une thèse que l’on cherche à discréditer. Un orateur trahit souvent à l’avance ses intentions par les noms qu’il donne aux choses.

Ex. : Désigner la personne atteinte de la maladie du SIDA comme « sidéen » plutôt que comme « sidatique » , le premier terme s’apparentant à l’habitant d’un pays plutôt que le second qui désigne celui qui est affublé d’une maladie. Désigner les protestants comme « L’Église Unie » alors que les catholiques les considèrent comme des « hérétiques ». Parler des cols bleus comme des « fiers à bras » ou parler des intellectuels comme des « pousseux de crayon » pour discréditer leur fonction sociale.

13. CONTRASTE ENGAGEANTPour faire en sorte qu’il accepte notre thèse, nous devons lui en présenter le contraire

et lui laisser le choix, ayant pris soin de mettre en évidence l’aspect péjoratif de cette antithèse. L’adversaire, sous peine qu’on croit qu’il cultive l’art du paradoxe, ne pourra faire autrement que de se rallier à notre manière de penser.

Ex. : C’est comme quand on met du gris à côté du noir : on dirait du blanc ; alors que si on le met à côté du blanc, on dirait du noir.

14. TRIOMPHE PROCLAMÉUn tour pendable consiste, quand il a répondu à plusieurs questions sans que ces

réponses soient allées dans le sens de la conclusion vers laquelle nous tendons, à déclarer qu’ainsi la déduction à laquelle on voulait aboutir est prouvée, bien qu’elle n’en résulte aucunement. Il faut le proclamer triomphalement.

L’interlocuteur se retrouvera complètement déstabilisé du fait que, ne trouvant aucun lien entre le discours et la conclusion, on laisse entendre qu’il n’est pas assez subtil pour l’avoir saisi. Il a donc le choix entre perdre la partie ou paraître lent d’esprit. Il y a toutes les chances qu’il choisisse d’être perdant pour faire croire qu’il a compris le lien bidon et sauvegarder sa réputation « d’intelligent ».

Ce stratagème fonctionne admirablement avec les timides et les lents d’esprits mais il peut générer la haine et la vengeance sournoise.

15. SE DÉCOINCERSi nous avons posé une thèse paradoxale que nous avons du mal à démontrer, il faut

présenter à l’adversaire n’importe quelle proposition exacte, mais d’une exactitude pas tout à fait évidente, afin qu’il l’accepte ou la rejette. S’il la rejette par méfiance, nous le confondons par l’absurde et triomphons ; mais s’il l’accepte c’est que nous avons tenu

Page 41: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

des propos raisonnables et nous pouvons ajuster notre tir en conséquence. Ou bien nous ajoutons le stratagème no 14 et affirmons alors que notre paradoxe est démontré. Il faut pour cela être d’une extrême imprudence, mais il y a des gens qui pratiquent ceci très adroitement de façon instinctive.

16. INCITER À SE COMMETTRE, À COHÉRENCEQuand l’adversaire fait une affirmation, nous devons chercher à savoir si elle n’est pas

d’une certaine façon, et ne serait-ce qu’en apparence, en contradiction avec quelque chose qu’il a dit ou admis auparavant, ou avec les principes d’une école ou d’une secte dont il a fait l’éloge, ou avec les actes des adeptes de cette secte, qu’il soient sincères ou non, ou avec ses propres faits et gestes. Ce stratagème est très facile à appliquer puisque, n’ayant pas eu l’opportunité de faire le « ménage » dans leurs idées reçues, la plupart des gens sont des paradoxes ambulants.

Ex. : S’il prend parti en faveur du suicide, lui demander aussitôt : « Pourquoi ne te suicide-tu donc pas? » Ou bien s’il dit que Montréal est une ville désagréable, s’écrier aussitôt : « Comment se fait-il que tu y habites? » etc.

17. INTRODUIRE UNE DISTINCTIONSi l’adversaire a une parade qui nous met dans l’embarras, nous pourrons souvent

nous tirer d’affaire grâce à une distinction subtile à laquelle nous n’avions pas pensé auparavant — si tant est que l’objet du débat admette une double interprétation ou deux cas distincts.

18. DÉTOURNER LA CONVERSATIONSi nous nous rendons compte que l’adversaire s’est emparé d’une argumentation qui

va lui permettre de nous battre, nous devons l’empêcher de parvenir au bout de sa démonstration en interrompant à temps le cours de la discussion, en nous esquivant ou en détournant le débat vers d’autres propositions.

Ex. : Lorsque l’adversaire vous dit que vous avez tort, faites-lui remarquer que son lacet de soulier est détaché.

19. GÉNÉRALISER (2)Si l’adversaire exige expressément que nous argumentions contre un certain aspect

de son affirmation, et que nous n’ayons rien de valable à dire, il faut se lancer dans un débat général et la contrer.

Page 42: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Ex. : Si nous devons dire pourquoi une certaine hypothèse physique n’est pas fiable, nous parlerons du caractère fallacieux du savoir humain et l’illustrerons par toutes sortes d’exemples.

20. CONCLURESi nous lui avons demandé les prémisses et qu’il les a admises, il faut, non pas lui

demander en plus la conclusion, mais la tirer nous-même ; et même s’il manque l’une ou l’autre des prémisses, nous la considérerons comme admise et tirerons la conclusion. Nous donnerons ainsi l’illusion à l’adversaire qu’il approuve de fait cette conclusion puisque ce sont ses prémisses qui la soutiennent.

21. À QUESTION STUPIDE, RÉPONSE STUPIDEEn cas d’argument spécieux ou sophistique de l’adversaire dont nous ne sommes pas

dupes, nous pouvons certes le démolir en expliquant ce qu’il a d’insidieux et de fallacieux. Mais il est préférable de lui opposer un contre-argument aussi spécieux et sophistique afin de lui régler son compte. Car ce qui importe, ce n’est pas la vérité mais la victoire.

Ex. : Si l’adversaire avance un argument ad hominem1[1] il suffit de le désarmer par un contre-argument ad hominem ; et d’une manière générale, au lieu d’avoir à discuter longuement de la vraie nature des choses, il est plus rapide de donner une argumentation ad hominem quand l’occasion se présente.

22. PÉTITION DE PRINCIPES’il exige que nous concédions une chose d’où découlerait directement le problème

débattu, il faut refuser en prétendant qu’il s’agit là d’une pétition de principe2[2] ; car lui et les témoins du débat auront tendance à considérer une proposition proche du problème comme identique à ce problème ; nous le privons ainsi de son meilleur argument.

23. RÉFUTER LES EXAGÉRATIONSLa contradiction et la querelle incitent parfois l’adversaire à exagérer notre

affirmation. En le contredisant, nous pouvons donc le pousser à tirer une affirmation, éventuellement exacte dans les limites requises, au-delà de la vérité ; mais une fois que nous avons réfuté cette exagération, il semble également que nous ayons réfuté la thèse originelle.

1[1] Un argument ad hominem est un argument qui porte sur la personne même de l'adversaire plutôt que sur ses idées ou positions politiques.2[2] Raisonnement erroné consistant à tenir pour vrai ce qu’il s’agit précisément de démontrer

Page 43: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

À l’inverse, nous devons nous garder de nous laisser entraîner par la contradiction à exagérer ou à élargir le champ de notre thèse. Souvent aussi, l’adversaire lui-même essaiera directement de faire reculer les limites que nous avions fixées : il faut immédiatement y mettre un terme et le ramener aux limites de notre affirmation.

Ex. : « Voilà ce que j’ai dit, et rien de plus ».

24. FORCER LA THÈSEOn force la thèse de l’adversaire en en tirant de fausses conclusions et en déformant

les concepts, pour en faire sortir des propositions qui ne s’y trouvent pas et qui ne reflètent pas du tout l’opinion de l’adversaire car elles sont au contraire absurdes ou dangereuses. Comme il semble qu’il découle de sa thèse des propositions qui, soit se contredisent elles-mêmes, soit contredisent des vérités reconnues, ce stratagème passe pour une réfutation indirecte, une apagogie (démonstration par l’absurde).

25. TROUVER UNE EXCEPTIONIl faut faire une apagogie au moyen d’une instance. Si l’adversaire procède par

l’induction, il requiert un grand nombre de cas pour poser sa thèse générale. Nous n’avons besoin que de poser un seul cas en contradiction avec la proposition pour que celle-ci soit renversée.

Ex. : La thèse « tous les ruminants ont des cornes » est réfutée par l’instance unique des chameaux.

26. RETOURNER SON ARGUMENT CONTRE LUIUne technique brillante consiste à retourner son propre argument contre l’adversaire,

quand l’argument qu’il veut utiliser à ses fins peut être encore meilleur si on le retourne contre lui.

Ex. : — C’est un enfant, il faut être indulgent avec lui.— C’est justement parce que c’est un enfant qu’il faut le punir pour l’empêcher de prendre de mauvaises habitudes.

27. EMPIRER LA COLÈRE DE L’ADVERSAIRESi un argument met inopinément l’adversaire en colère, il faut s’efforcer de pousser

cet argument encore plus loin : non seulement parce qu’il est bon de le mettre en colère (voir le stratagème no. 8), mais parce qu’on peut supposer que l’on a touché le point

Page 44: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

faible de son raisonnement et qu’on peut sans doute l’attaquer encore davantage sur ce point qu’on ne l’avait d’abord pensé.

28. RIDICULISER D’AUTORITÉ EN TABLANT SUR LA NAÏVETÉ DE L’AUDITOIRE

Ce stratagème est surtout utilisable quand des savants se disputent devant des auditeurs ignorants. Il consiste à avancer une objection non valable mais dont le seul spécialiste reconnaît le manque de validité. Celui qui est le spécialiste, c’est l’adversaire, pas les auditeurs. À leurs yeux, c’est donc lui qui est battu, surtout si l’objection fait apparaître son affirmation sous un jour ridicule. Les gens sont toujours prêts à rire, et on a alors les rieurs de son côté. Pour démontrer la nullité de l’objection, il faudrait que l’adversaire fasse une longue démonstration et remonte aux principes scientifiques ou à d’autres faits, et il lui sera difficile de se faire entendre.

Ex. : L’adversaire dit : « Au cours de la formation des montagnes primitives, la masse à partir de laquelle le granit et tout le reste de ces montagnes s’est cristallisé était liquide à cause de la chaleur, donc fondu. La chaleur devait être d’environ 200˚Réaumur et la masse s’est cristallisée au dessous de la surface de la mer qui la recouvrait. » Nous avançons l’argument que : « à cette température, et même bien avant, vers 80˚, la mer se serait mise à bouillir depuis longtemps et se serait évaporée dans l’atmosphère. » Les auditeurs s’éclatent de rire. Pour nous battre, il lui faudrait démontrer que le point d’ébullition ne dépend pas seulement du degré de température mais tout autant de la pression de l’atmosphère et que celle-ci, dès que par exemple la moitié de la mer serait transformée en vapeur d’eau, elle aurait tellement augmenté qu’il n’y aurait plus d’ébullition, même à 200˚Réaumur. Mais il ne le fera pas car avec des non-physiciens, il y faudrait une véritable conférence.

29. FAIRE DIVERSION (semblable à 18.)Si on se rend compte que l’on va être battu, il faut faire une diversion, c’est-à-dire

qu’on se met tout d’un coup à parler de tout autre chose comme si cela faisait partie du sujet débattu et était un argument contre l’adversaire. Cela se fait avec discrétion si la diversion a quelque rapport avec le thème discuté ; avec imprudence si elle ne concerne que l’adversaire et n’a rien à voir avec l’objet du débat.

Toute dispute entre des gens du commun montre à quel point ce stratagème est quasi instinctif. En effet, quand l’un fait des reproches personnels à l’autre, celui-ci ne répond pas en les réfutant mais en faisant à son tour des griefs personnels à son adversaire, laissant de côté ceux qu’on lui a faits et semblant donc reconnaître leur bien-fondé. Dans les querelles, une telle diversion ne vaut rien parce qu’on laisse tomber les reproches reçus et que les témoins apprennent tout le mal possible des deux parties en présence. On peut l’utiliser dans la controverse faute de mieux.

Ex. : — Tu as un grand nez!— Moins grand que le tien!

Page 45: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

— Tu pues!— T’é fou!— Toi aussi!— Non, c’est toi!Paf! Pif! Paf! [ J ]

30. MYSTIFIER (Name Dropping)Au lieu de faire appel à la raison, il faut se servir d’autorités reconnues en la matière

selon le degré des connaissances de l’adversaire. « Chacun préfère croire plutôt que juger » a dit Sénèque. On a donc beau jeu si l’on a de son côté une autorité respectée par l’adversaire. Cependant, il y aura pour lui d’autant plus d’autorités valables que ses connaissances et ses aptitudes sont limitées. Si celles-ci sont de tout premier ordre, il ne reconnaîtra que peu d’autorités ou même aucune. À la rigueur, il fera confiance aux gens spécialisés dans une science, un art ou un métier qu’il connaît peu ou pas du tout, et encore ne le fera-t-il qu’avec méfiance. En revanche, les gens du commun ont un profond respect pour les spécialistes en tout genre. Ils ignorent que la raison pour laquelle on fait profession d’une chose n’est pas l’amour de cette chose mais de ce qu’elle rapporte. Et que celui qui enseigne une chose la connaît rarement à fond car, s’il l’étudiait à fond, il ne lui resterait généralement pas de temps pour l’enseigner. Mais pour le profane, il y a beaucoup d’autorités dignes de respect. Donc si on n’en trouve pas d’adéquate, il faut en prendre une qui le soit en apparence et citer ce que quelqu’un a dit dans un autre sens ou dans des circonstances différentes. Ce sont les autorités auxquelles l’adversaire ne comprend pas un traître mot qui font généralement le plus d’effet. Les ignorants ont un respect particulier pour les figures de rhétorique grecques et latines.

On peut aussi en cas de nécessité, non seulement déformer mais carrément falsifier ce que disent les autorités, ou même inventer purement et simplement ; en général, l’adversaire n’a pas le livre sous la main et ne sait pas non plus s’en servir.

Ex. : Un curé français qui, pour ne pas être obligé de paver la rue devant sa maison, comme les autres citoyens, citait une formule biblique : paveant illi, ego non pavebo (Qu’ils tremblent, moi, je ne tremblerai pas). Ce qui convainquit le conseil municipal.

Il faut aussi utiliser en matière d’autorités les préjugés les plus répandus. Car la plupart des gens pensent avec Aristote : « Ce qui paraît juste à une multitude, nous disons que c’est vrai » (Éthique à Nicomaque) : il n’y a en effet aucune opinion, aussi absurde soit-elle, que les hommes n’aient pas rapidement adoptée dès qu’on a réussi à les persuader qu’elle était généralement acceptée. L’exemple agit sur leur pensée comme sur leurs actes. Ce sont des moutons qui suivent le bélier de tête, où qu’il les conduise : il leur est plus facile de mourir que de penser. Il est très étrange que l’universalité d’une opinion ait autant de poids pour eux puisqu’ils peuvent voir sur eux-mêmes qu’on adopte des opinions sans jugement et seulement en vertu de l’exemple. Mais ils ne le voient pas parce qu’ils sont dépourvus de toute connaissance d’eux-mêmes. Seule l’élite dit avec Platon : « à une multitude de gens, une multitude d’idées paraissent justes, c'est-à-dire le profane n’a que bêtises en tête, et si on voulait s’y arrêter, on aurait beaucoup à faire. Si on parle sérieusement, le caractère universel

Page 46: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

d’une opinion n’est ni une preuve ni même un critère de probabilité de son exactitude. [Il n’y a qu’à penser à tous les dogmes jadis reconnus officiellement par des sociétés entières et qui par la suite se sont avérés complètement faux. Par exemple, Ptolémée contre Copernic].

Ce que l’on appelle l’opinion commune est, à y bien regarder, l’opinion de deux ou trois personnes ; et nous pourrions nous en convaincre si seulement nous observions comment naît une telle opinion. [Comme pour le ragot], nous verrions alors que ce sont deux ou trois personnes qui l’ont admise ou avancée ou affirmée, et qu’on a eu la bienveillance de croire qu’elles l’avaient examinée à fond ; préjugeant de la compétence suffisante de celles-ci, quelques autres se sont mises également à adopter cette opinion ; à leur tour, un grand nombre de personnes se sont fiées à ces dernières, leur paresse [ou séduction] les incitant à croire d’emblée les choses plutôt que de se donner le mal de les examiner. Ainsi s’est accru de jour en jour le nombre de ces adeptes paresseux et crédules [et séduits] ; car une fois que l’opinion eut pour elle un bon nombre de voix, les suivants ont pensé qu’elle n’avait pu les obtenir que grâce à la justesse de ses fondements. Les autres sont alors contraints de reconnaître ce qui était communément admis pour ne pas être considérés comme des esprits inquiets s’insurgeant contre des opinions universellement admises ou comme des impertinents se croyant plus malins que tout le monde. Adhérer devint alors un devoir. Désormais, le petit nombre de ceux qui sont capables de juger est obligé de se taire ; et ceux qui ont le droit de parler sont ceux qui sont absolument incapables de se forger une opinion et un jugement à eux, et qui ne sont donc que l’écho de l’opinion d’autrui. Ils en sont cependant des défenseurs d’autant plus ardents et plus intolérants. Car ce qu’ils détestent chez celui qui pense autrement, ce n’est pas tant l’opinion différente qu’il prône que l’outrecuidance qu’il y a à vouloir juger par soi-même — ce qu’ils ne font bien sûr jamais eux-mêmes, et dont ils ont conscience dans leur for intérieur. Bref, très peu de gens savent réfléchir, mais tous veulent avoir des opinions ; que leur reste-t-il d’autre que de les adopter telles que les autres les leur proposent au lieu de se les forger eux-mêmes? Puisqu’il en est ainsi, que vaut l’opinion de cent millions d’hommes? Autant que, par exemple, un fait historique attesté par cent historiens quand on prouve ensuite qu’ils ont tous copié les uns sur les autres et qu’il apparaît ainsi que tout repose sur les dires d’une seule personne.

Néanmoins, on peut, quand on se querelle avec des gens du commun, utiliser l’opinion universelle comme autorité.

D’une manière générale, on constatera que quand deux esprits ordinaires se querellent, ce sont des personnalités faisant autorité qu’ils choisissent l’un et l’autre comme armes, et dont ils se servent pour se taper dessus. Si une tête mieux faite a affaire à quelqu’un de ce genre, le mieux est qu’il accepte de recourir lui aussi à cette arme, en la choisissant en fonction des faiblesses de son adversaire. Car, comparée à l’arme des raisons, celle-ci est, par hypothèse, un Siegfried blindé, plongé dans les flots de l’incapacité de penser et juger.

Au tribunal, on ne se bat en fait que par autorités interposées, à savoir, l’autorité bien établie des lois : la tâche du pouvoir judiciaire est de découvrir la loi, c'est-à-dire l’autorité applicable dans le cas en question. Mais la dialectique a suffisamment de champ d’action car, si c’est nécessaire, le cas traité et une loi, qui ne vont en réalité pas ensemble, peuvent être déformés jusqu’à ce qu’on les juge concordants ; ou l’inverse.

Page 47: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

31. SE DÉCLARER INCOMPÉTENTSi on ne sait pas quoi opposer aux raisons exposées par l’adversaire, il faut, avec une

subtile ironie, se déclarer incompétent. De cette façon, on insinue, face aux auditeurs qui vous apprécient, que ce sont des inepties.

Ex. : « Ce que vous dîtes-là dépasse mes faibles facultés de compréhension ; c’est peut-être tout à fait exact, mais je n’arrive pas à comprendre et je renonce à tout jugement. » C’est ainsi qu’à la parution de la Critique de la raison pure, ou plutôt dès qu’elle commença à faire sensation, de nombreux professeurs de la vieille école éclectique déclarèrent : « nous n’y comprenons rien », croyant par là lui avoir réglé son compte. Mais quand certains adeptes de la nouvelle école leur prouvèrent qu’ils avaient raison, et qu’ils n’y comprenaient vraiment rien, cela les mit de très mauvaise humeur.

Il ne faut utiliser ce stratagème que quand on est sûr auprès des auditeurs d’une considération nettement supérieure à celle dont jouit l’adversaire.

Ex. : Quand un professeur s’oppose à un étudiant.

À vrai dire, cette méthode fait partie du stratagème précédent et consiste, de façon très malicieuse, à mettre sa propre autorité en avant au lieu de fournir des raisons valables.

La contre-attaque est alors de dire : « Permettez, mais vu votre grande capacité de pénétration, il doit vous être facile de comprendre ; tout cela est dû à la mauvaise qualité de mon exposé », et de lui ressasser tellement la chose qu’il est bien obligé, bon gré mal gré, de la comprendre, et qu’il devient clair qu’il n’y comprenait effectivement rien auparavant. Ainsi on a rétorqué. Il voulait insinuer que nous disions des « bêtises » nous avons prouvé sa « sottise ». Tout cela avec la plus parfaite des politesses.

32. FAIRE UNE ASSOCIATION DÉGRADANTENous pouvons rapidement éliminer ou du moins rendre suspecte une affirmation de

l’adversaire opposée à la nôtre en la rangeant dans une catégorie exécrable, pour peu qu’elle s’y rattache par similitude ou même très vaguement.

Ex. : C’est du communisme, c’est de l’athéisme, c’est de la tyrannie, c’est du banditisme etc.

Cette affirmation suppose deux choses :1. Que l’affirmation en question, « c’est bien connu », est réellement identique

à cette catégorie, ou au moins contenue en elle.2. Que cette catégorie est déjà totalement réfutée et ne peut contenir un seul

mot de vrai.

Page 48: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

33. OPPOSER THÉORIE ET PRATIQUE« C’est peut-être vrai en théorie, mais en pratique c’est faux. » Cette affirmation pose

une impossibilité : ce qui est juste en théorie doit aussi l’être en pratique ; si ce n’est pas le cas, c’est qu’il y a une erreur dans la théorie ; par conséquent, c’est également faux en théorie

34. INSISTER SUR LE POINT QU’IL DÉTOURNESi un adversaire ne donne pas une réponse directe à une question ou à un argument,

mais se dérobe au moyen d’une autre question ou d’une réponse indirecte, ou même essaie de détourner le débat, c’est la preuve évidente que nous avons touché un point faible de sa part (parfois sans le savoir) : c’est une façon relative de se taire. Il faut donc insister sur le point où nous avons mis le doigt et ne pas laisser l’adversaire tranquille, même lorsque nous ne voyons pas encore en quoi consiste au juste la faiblesse que nous avons décelée.

35. FAIRE VOIR QU’IL SE TIRE DANS LE PIEDSi l’on peut faire sentir à l’adversaire que son opinion, si elle était valable, causerait un

tort considérable à ses intérêts, il la laissera tomber aussi vite qu’un fer rouge dont il se serait imprudemment emparé.

Ex. : Un ecclésiastique soutient un dogme philosophique. Il faut lui faire remarquer que celui-ci est en contradiction directe avec un dogme fondamental de son Église.

En général, une once de volonté et de conviction pèse plus lourd qu’un quintal d’intelligence et de raisonnement. Ce qui nous est défavorable paraît généralement absurde à l’intellect. Ce stratagème pourrait s’intituler « attaquer l’arbre par la racine ».

36. ÉTOURDIR PAR LA PAROLEDéconcerter, stupéfier l’adversaire par un flot insensé de paroles.

Ex. : Débiter d’un air très sérieux des bêtises qui ont un air savant et profond.

En contrepartie, celui qui ne s’y laisse pas prendre pourra puiser dans ce flot de paroles les confusions et les dénoncer en démontrant en quoi ces arguments sont hors contextes et incohérents.

37. RÉFUTER EN DÉNONÇANT LA PREUVE(Ce stratagème devrait être l’un des premiers). Si l’adversaire a raison et qu’il choisit

une mauvaise preuve, il nous est facile de réfuter cette preuve, et nous prétendons alors

Page 49: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

que c’est là une réfutation de l’ensemble. Si aucune preuve plus exacte ne lui vient à l’esprit, nous avons gagné.

Ex. : Par exemple, contrer quelqu’un qui, pour prouver l’existence de Dieu, avance la preuve ontologique qui est parfaitement réfutable. C’est le moyen par lequel de mauvais avocats perdent une juste cause : ils veulent la justifier par une loi qui n’est pas adéquate, alors que la loi adéquate ne leur vient pas à l’esprit.

38. ULTIME STRATAGÈME : INJURIERSi l’on s’aperçoit que l’adversaire est supérieur et que l’on ne va pas gagner, il faut

tenir des propos désobligeants, blessants et grossiers. Être désobligeant, cela consiste à quitter l’objet de la querelle (puisqu’on a perdu la partie) pour passer à l’adversaire, et à l’attaquer d’une manière ou d’une autre dans ce qu’il est. Mais quand on passe aux attaques personnelles, on délaisse complètement l’objet et on dirige ses attaques sur la personne de l’adversaire. On devient donc vexant, méchant, blessant, grossier. C’est un appel des facultés de l’esprit à celles du corps ou à l’animalité. Ce stratagème est très apprécié car chacun est capable de l’appliquer, et il est donc souvent utilisé.

La question est de savoir maintenant quelle parade peut être utilisée par l’adversaire. Car s’il procède de la même façon, on débouche sur une bagarre, un duel ou un procès en diffamation.

Ce serait une grave erreur de penser qu’il suffit de ne pas être soi-même désobligeant. Car en démontrant tranquillement à quelqu’un qu’il a tort et que par voie de conséquence il juge et pense de travers, ce qui est le cas dans toute victoire dialectique, on l’ulcère encore plus que par des paroles grossières et blessantes. Pourquoi? Parce que, comme dit Hobbes, « Toute volupté de l’esprit, toute bonne humeur vient de ce qu’on a des gens en comparaison desquels on puisse avoir une haute estime de soi-même. » Rien n’égale pour l’homme le fait de satisfaire sa vanité, et aucune blessure n’est plus douloureuse que de la voir blessée. Cette satisfaction de la vanité naît principalement du fait que l’on se compare aux autres, à tout point de vue, mais surtout au point de vue des facultés intellectuelles. C’est justement ce qui se passe effectivement et très violemment dans toute controverse. D’où la colère du vaincu, sans qu’on lui ait fait tort, d’où son recours à ce dernier expédient, à ce dernier stratagème auquel il n’est pas possible d’échapper en restant soi-même poli.

Toutefois, un grand sang froid peut être là aussi salutaire : il faut alors, dès que l’adversaire passe aux attaques personnelles, répondre tranquillement que cela n’a rien à voir avec l’objet du débat, y revenir immédiatement et continuer de lui prouver qu’il a tort sans prêter attention à ses propos blessants, donc en quelque sorte, comme le dit Thémistocle à Eurybiade : « Frappe, mais écoute ». Mais ce n’est pas donné à tout le monde.

La seule parade sûre est donc celle qu’Aristote a indiqué dans le dernier chapitre des Topiques : ne pas débattre avec le premier venu, mais uniquement avec les gens que l’on connaît et dont on sait qu’ils sont suffisamment raisonnables pour ne pas débiter des absurdités et se couvrir de ridicule. Et dans le but de s’appuyer sur des arguments

Page 50: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

fondés et non sur des sentences sans appel ; et pour écouter les raisons de l’autre et s’y rendre ; des gens dont on sait enfin qu’ils font grand cas de la vérité, qu’ils aiment entendre de bonnes raisons, même de la bouche de leur adversaire, et qu’ils ont suffisamment le sens de l’équité pour pouvoir supporter d’avoir tort quand la vérité est dans l’autre camp. Il en résulte que, sur cent personnes, il s’en trouve à peine une qui soit digne qu’on discute avec elle. Quant aux autres, qu’on les laisse dire ce qu’elles veulent car c’est un droit des gens que d’extravaguer, et que l’on songe aux paroles de Voltaire : « La paix vaut encore mieux que la vérité ».

Toutefois, en tant que joute de deux esprits, la controverse est souvent bénéfique aux deux parties car elle leur permet de rectifier leurs propres idées et de se faire aussi de nouvelles opinions. Seulement il faut que les deux adversaires soient à peu près du même niveau en savoir et en intelligence. Si le savoir manque à l’un, il ne comprend pas tout et n’est pas au niveau. Si c’est l’intelligence qui lui manque, l’irritation qu’il en concevra l’incitera à recourir à la mauvaise foi, à la ruse et à la grossièreté.

3[1] Un argument ad hominem est un argument qui porte sur la personne même de l'adversaire plutôt que sur ses idées ou positions politiques.4[2] Raisonnement erroné consistant à tenir pour vrai ce qu’il s’agit précisément de démontrer.

L’Art d’avoir toujours raison[et de se faire détester de tous]

par Schopenhauer3

4

Page 51: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Éditions mille et une nuits © 1983––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

BASE DE TOUTE DIALECTIQUE.............................1

STRATAGÈMES

1. EXAGÉRER.......................................................12. JOUER SUR LES MOTS......................................13. GÉNÉRALISER (1).............................................14. CACHER SON JEU.............................................15. LES FAUX ARGUMENTS DE L’ADVERSAIRE.......16. AFFIRMER PÉREMPTOIREMENT........................17. NOYER LE POISSON.........................................18. SUSCITER LA COLÈRE DE L’ADVERSAIRE.........19. BROUILLER LES PISTES....................................110. PAR L’ANTITHÈSE..........................................111. L’INDUCTION.................................................112. TITRE RONFLANT...........................................113. CONTRASTE ENGAGEANT..............................114. TRIOMPHE PROCLAMÉ...................................115. SE DÉCOINCER..............................................116. INCITER À SE COMMETTRE, À COHÉRENCE...117. INTRODUIRE UNE DISTINCTION.....................118. DÉTOURNER LA CONVERSATION...................119. GÉNÉRALISER (2)..........................................120. CONCLURE....................................................121. À QUESTION STUPIDE, RÉPONSE STUPIDE....122. PÉTITION DE PRINCIPE...................................123. RÉFUTER LES EXAGÉRATIONS.......................124. FORCER LA THÈSE.........................................125. TROUVER UNE EXCEPTION............................126. RETOURNER SON ARGUMENT CONTRE LUI.. .127. EMPIRER LA COLÈRE DE L’ADVERSAIRE........128. RIDICULISER D’AUTORITÉ EN TABLANT SUR LA NAÏVETÉ DE L’AUDITOIRE 129. FAIRE DIVERSION (semblable à 18.)..............130. MYSTIFIER (Name Dropping).........................131. SE DÉCLARER INCOMPÉTENT........................132. FAIRE UNE ASSOCIATION DÉGRADANTE.......133. OPPOSER THÉORIE ET PRATIQUE..................134. INSISTER SUR LE POINT QU’IL DÉTOURNE.....135. FAIRE VOIR QU’IL SE TIRE DANS LE PIED.......136. ÉTOURDIR PAR LA PAROLE............................137. RÉFUTER EN DÉNONÇANT LA PREUVE..........138. ULTIME STRATAGÈME : INJURIER...................1

Page 52: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Réponse aux insultes d’un féministepar François Brooks

Bonjour M. Martin Dufresne Quelqu’un qui pensait qu’il serait peut-être opportun que je sois informé sur vos

propos à mon endroit (dans votre texte intitulé « Faut-il saper le féminisme québécois au nom de la "condition masculine" » que vous avez publié ici : http://sisyphe.org/breve.php3?id_breve=138 ) a eu la délicatesse de me faire parvenir ce que vous n’avez pas eu le courage de faire.

 La liberté de penser est un droit sacré défendu par Voltaire à qui nous sommes

tous deux redevables. Chacun a droit à ses opinions. La vôtre est claire et s'alimente abondamment d'injures à mon endroit. Voltaire était cependant plus raffiné dans ses propos mais vous ne l’avez probablement jamais lu et ceci vous excuse d’en bricoler une référence à Sisyphe (http://sisyphe.org/rubrique.php3?id_rubrique=3) dont votre site Internet porte le nom. (Je vous recommande le Traité sur la Tolérance, de Voltaire édité chez Folio #3870. Il n’est jamais trop tard pour corriger des références erronées).

 Vous êtes donc d’opinion que je suis un mauvais querelleur, un réactionnaire de

droite, un 'vieux jeu', (j'avais oublié cette expression dont on se servait pour injurier nos parents il y a de cela... 35 ans), un revanchard et peut-être même supporteur du meurtrier Marc Lépine. Et c'est vous qui félicitez Le Courrier de St-Hyacinthe d’avoir dénoncé un discours haineux (!?!).

 Je suppose qu’avant de me les refiler, ces injures ont dû d’abord vous être

adressées par le passé, et, n’ayant su comment vous en défaire, vous n’avez rien trouvé de mieux que de passer le relais. Peut-être n’en croyez-vous pas un mot mais vous me les servez uniquement pour que ma réponse vous inspire pour vous en délivrer lorsque ceux-ci vous seront servis à nouveau. Si c’est le cas, je vous propose deux alternatives :

 1- Si vous aimez mettre de l’huile sur le feu, laissez moi vous aider.Vous trouverez ici un condensé de L’art d’avoir toujours raison de

Schopenhauer..2- Dans le cas contraire, vous serez probablement davantage intéressé par mes

Stratagèmes pacificateurs. Ceux-ci vous aideront à gagner des gens à votre cause qui, même si elle était louable, avec votre approche actuelle, ne fait qu’irriter vos adversaires et peut-être même certaines féministes.

 Je suis fort aise que mes propos vous aient fait rigoler. C’est dommage que les

vôtres n’aient pas eu le même effet sur moi. Mais peut-être ai-je tort de vous prendre au sérieux.

 Dommage que vous n'ayez pas d'arguments plus solides que l'injure, le parti pris

et le lieu commun ; je suis toujours disposé à changer d'avis lorsqu'on me démontre le bien fondé d'un raisonnement.

 

Page 53: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

À moins que vous ne considériez que vos opinions doivent suffire à ceux qui vous lisent, je vous invite à donner une chance à vos lecteurs de se faire une opinion par eux mêmes en leur permettant l'accès au texte qui a suscité votre réaction injurieuse à mon endroit. Vous seriez donc le bienvenu de publier ce lien dans votre texte « Faut-il saper le féminisme québécois au nom de la "condition masculine" ».

Mais il se peut que je me trompe à votre sujet et que la liberté de parole que vous semblez défendre ici http://sisyphe.org/rubrique.php3?id_rubrique=3, ne vous soit valable que pour ceux qui partagent vos opinions.

 Cependant, si vous êtes prêt à affirmer comme Voltaire :"Vous proférez, Monsieur, des sottises énormes,Mais jusques à la mort, je me battrais pour qu'onVous les laissât tenir. Attendez-moi sous l'orme !"5[1],

j’accueillerai votre critique sur mes propos avec joie et je m’engage à me ranger à votre avis pour peu que celui-ci me démontre les failles de mon raisonnement. (Attention : Pour donner des forces à vos arguments, éviter les injures personnelles, celles-ci ne démontrent que votre faiblesse. En effet, une personne solide ne ressent pas le besoin de s’attaquer à la personne qui est son adversaire, ses arguments seuls lui suffisent. L’injure est l’arme du faible, c’est bien connu.)

 Je vous laisse sur cette question : À quoi peut-on distinguer une opinion d’un fait? Je vous adresse mes salutations distinguées. François Brookswww.philo5.com

----------------------------------------------Suite à cette lettre ouverte j’ai reçu de nombreux courriels de sympathisants. Voici la réponse que je leur ai adressé :

----------------------------------------------

Bonjour Merci pour votre courriel que j’ai lu attentivement et avec grand intérêt. Vous êtes

nombreux à m’avoir manifesté de l’animosité pour M. Martin Dufresne, ou tout au moins, à me prévenir que je perdais mon temps avec lui. Vous avez peut-être raison.

 Les injures et le mépris ciblé d’une personne cache, personne n’est dupe, le désir

qu’on s’occupe d’elle. En lui renvoyant le même mépris qu’elle projette, on joue son jeu et elle va revenir à la charge tant et aussi longtemps que l’on va se laisser prendre à son piège. Je refuse de me laisser dominer par le mépris de qui que ce soit. Descartes disait que le bon sens est la chose la mieux partagée au monde parce que personne ne se plaint d’en manquer. M. Dufresne doit donc croire honnêtement en son for intérieur que ses raisonnements sont bien fondés. Je ne peux donc lui donner raison en emboîtant le

5[1] Georges Brassens citant Voltaire dans sa chanson « Ceux qui ne pensent pas comme nous sont des cons »

Page 54: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

pas et en lui retournant son mépris. Si je suis libre, je dois accepter de l’écouter et le questionner sur ses raisons. Mais c’est à lui de m’en démontrer la cohérence. S’il est un être souffrant et incohérent, c’est de notre pitié qu’il a besoin, pas de notre mépris. Où est ma liberté si je me laisse aller à ma pulsion qui me commande de renvoyer les mêmes coups, les mêmes injures, le même mépris qui me parviennent?

 Je comprends votre réaction envers lui mais s’il est représentatif d’un féminisme

dur qui s’est aveuglé lui-même, est-ce en nous aveuglant dans une position dure et fermée que l’on va changer les choses? Je pense que l’honnêteté intellectuelle doit primer. J’ai peut être tort, mais c’est ma manière, et elle a en tout cas le mérite de refuser de blesser qui que ce soit.

 Une dernière chose mais peut-être la plus importante. Est-ce qu’une féministe a

déjà pris la peine de le remettre à sa place? Cette question est de toute première importance, voilà pourquoi : Si j’avais un être méprisant comme lui à mes côtés pour combattre, j’aurais peur que son comportement nuise à ma cause. Il me semble donc évident que M. Martin Dufresne sert la cause masculiste. En effet, ses raisonnements absurdes et haineux sont une démonstration évidente de l’impasse où nous mène le féminisme outrancier envers les hommes. À ce seul titre, M. Martin Dufresne nous est très précieux. Loin de le mépriser, j’estime qu’il sert notre cause.

 Amicales salutations François Brookswww.philo5.com  

Page 55: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

----------------------------------------------Fort à propos, une sympathisante masculiste m’a ensuite adressé la note suivante qui a suscité chez-moi une nouvelle réflexion :

----------------------------------------------

Bonjour

Les groupes féministes pensent la même chose de moi que vous pour Martin Dufresne. C'est quand même étonnant. Elles me disent que je fais pitié, que je méprise ma race, que je suis une « butch » inavouée, que je dois être mal baisée etc... alors que je ne fais que prendre la part de certains hommes.

Bonne journée

Francine A.

----------------------------------------------

Chère Francine Je suis étonné que vous fassiez un tel rapprochement entre ce que je dis de M.

Dufresne et les insultes dont les groupes féministes vous abreuvent. Il me semble avoir fait attention pour éviter de faire mousser les insultes et le mépris qu’il suscite autour de moi. Toutefois, si je le considère comme un adversaire qui, par ses incohérences et sa haine, aide la cause masculiste, j’estime que vous, contrairement à lui, ne nuisez pas à notre cause, bien au contraire. Une femme peut-elle avoir tort d’aimer les hommes et de reconnaître que leur rôle de père est nécessaire à notre équilibre social? De même qu’un homme pourrait-il avoir tort d’aimer les femmes et de vouloir favoriser leur épanouissement nécessaire à l’harmonie des familles?

 Je dois vous avouer mon malaise lorsque des hommes se servent de l’orientation

sexuelle lesbienne de certaines féministes pour se défendre ou les accuser. Je sens le même malaise quand les féministes vous reprochent d’être « mal baisée », ce qui me semble une projection évidente. J’ai pour mon dire que ce qui se passe dans la chambre à coucher des gens ne regarde qu’eux, entre adultes consentants. Lorsque ça déborde sur la place publique, c’est un signe de la frustration personnelle de celui d’où provient l’injure et non de celui ou celle sur qui elle est projetée.

 J’essaie de ne « prendre la part » ni des hommes ni des femmes. Je pense que la

stupidité n’a pas de sexe ni de nation et qu’elle est susceptible de s’infiltrer partout où on n’y fait pas attention. Je pourrais moi-même défendre une féministe si ses propos sont imbus d’humanité et de cohérence même si je ne partageais pas son opinion et qu’elle faisait l’objet d’attaques vicieuses ; non pas pour lui donner raison, mais pour ne pas faire partie de ceux qui ont tort. Il faut savoir distinguer l’honnête militant qui, sans blesser personne cherche à faire valoir ses idées, du combattant blessé qui reconnaît dans tous ses adversaires un agresseur vicieux à abattre. La victoire seule ne suffit pas. L’histoire du Christ en est une belle illustration : il est effectivement mort mais ses idées ont mieux survécu que celles de tous ses bourreaux. Ne comptez pas sur moi pour fabriquer un nouveau Christ ou une nouvelle victime, et surtout pas M. Martin Dufresne.

Page 56: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

 Selon une information provenant d’un correspondant américain, M. Martin

Dufresne aurait déclaré il y a quelques années sur des forums de discussion qu’il aurait été abusé physiquement et possiblement sexuellement par son beau-père, étant enfant. Avons-nous affaire à un féministe ou à une personne blessée qui aurait besoin d’aide pour guérir une période de sa vie qui a laissé des traces qui lui sont très personnelles? (Où était son véritable père au moment de ces agressions? Sa mère s’en état-elle débarrassé? Dans ce cas, l’idéologie féministe ne lui aurait-elle pas nui? Est-il possible que dans sa position d’enfant maltraité par son beau-père il n’ait pas eu le discernement de distinguer celui qui le maltraitait de la cause de son malheur : l’idéologie féministe qui traite les hommes en amour comme du « jeter après usage » et qui a éloigné son père dont il aurait eu bien besoin? Bien sûr, je peux me tromper sur toute la ligne ; toutes ces questions ne sont que spéculation… mais je me demande si son véritable père a eu toutes les chances de jouer son rôle sans entrave féministe?)

 Le jour où vous vous mettrez à insulter les femmes en bloc comme le fait Martin

Dufresne pour les hommes, je vous mettrai dans le même sac que lui. Pour le moment, je ne vois vraiment pas pourquoi j’aurais « pitié de vous ». Ces féministes ont d’abord jugé bon de projeter sur vous des saletés pour ensuite dire que vous faisiez pitié. Votre situation est très différente de celle de M. Dufresne.

 Je reconnais que votre position particulière fait de vous une cible de choix pour les

féministes tout comme un homme féministe est une cible toute désignée pour les masculistes. Mais ne pourrions-nous pas mettre en évidence toute la noblesse de la pensée féministe-masculiste justement en respectant un honnête débat qui pourrait aussi bien se tenir entre une femme masculiste et un homme féministe? … Et peut-être même toute la stupidité de faire d’un problème qui concerne tout un chacun, une bête histoire de guerre des sexes. C’est pourquoi j’en appelle à la philosophie comme chien de garde pour nous ramener lors de nos égarements. Nous avons besoin des philosophes pour nous enrichir des ressources de la dialectique et de leur sagesse séculaire. Tout combattant, féministe ou masculiste, doit, s’il veut gagner la bataille, commencer par reconnaître la respectabilité de son adversaire du simple fait que, dépendant de l’issu du combat, celui-ci détient peut-être le pouvoir divin de l’anéantir. La féministe du film « Cube », aurait bien eu besoin de la force du macho au moment opportun pour survivre. Qui l’a véritablement tuée?, l’homme qui a lâché sa main ou sa propre haine pour l’homme sur qui elle projetait tous ses clichés féministes? Cet homme aurait bien eu besoin d’un peu d’amour pour lui donner l’énergie nécessaire à la tirer d’affaire. Commencer un combat par le mépris est une étourderie que La Fontaine avait illustrée dans « Le lièvre et la tortue ». Les sumo japonais nous donnent une leçon éloquente : deux lutteurs obèses et disgracieux font appel à toutes les ressources de leur raffinement pour déséquilibrer un adversaire qu’ils commencent d’abord par saluer respectueusement. Ce salut de départ n’est pas qu’un protocole vide de sens ; il permet au perdant de conserver tout son honneur et au besoin, l’aide de celui qui le domine.

 Je salue les femmes et les hommes qui décident de s’élever au dessus des

chamailleries sexistes pour essayer d’installer dans leur vie l’amour et l’harmonie et qui, comme vous Francine, ont dû essuyer des injures qui ne salissent que ceux qui les adressent. Mais si nous devons débattre n’oublions pas que nous devrons ensuite vivre ensemble, quelle que soit l’issue du débat.

 

Page 57: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Amicales salutations à vous Francine François Brookswww.philo5.com

Ã

Stratagèmes pacificateurspar François Brooks

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––Dans un débat, si les 38 stratagèmes de Schopenhauer6[1] sont appliqués systématiquement, vous pourrez toujours sortir gagnant. Cependant, ceci aura tôt fait de vous faire une réputation peu enviable et de vous faire détester de tous. Pour que l’adversaire ne se détourne pas, ou pour éviter de faire fuir tout candidat à la conversation, j’essaie de mettre en pratique cette liste de stratagèmes, et ainsi tenter que le débat reste convivial sans risquer qu’une haine destructrice n’en naisse. ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. POLITESSE.......................................................12. APPEL À LA NOBLESSE.....................................13. PARLER LE MÊME LANGAGE.............................14. MAÏEUTIQUE.....................................................15. PARLER EN JE...................................................16. ÉCOUTER ATTENTIVEMENT..............................17. L’INITIÉ ET LE SPÉCIALISTE..............................18. DISTINGUER PENSÉE ET PERSONNE................19. BON JOUEUR DIPLOMATE.................................110. AVOUER NOTRE IGNORANCE.........................111. UTILISER L’HUMOUR......................................112. ACCEPTER SES TORTS...................................113. DONNER LE DERNIER MOT............................114. OBSERVER LE SILENCE..................................115. ÇA NE M’INTÉRESSE PAS...............................116. JE SUIS FATIGUÉ............................................117. FIN DE LA PARTIE...........................................118. LOGIQUE IMPLACABLE...................................119. TENDRE L’AUTRE JOUE..................................120. LE POUVOIR DE LA VICTIME...........................121. QUI PERD GAGNE..........................................122. RIEN QU’UN JEU.............................................1

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––6[1] Schopenhauer, L’Art d’avoir toujours raison, Éditions Mille et une nuits, © 1983

Page 58: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

1. POLITESSEJe suis toujours surpris de constater la goujaterie de notre époque. Le débat oral est,

comme tout combat, une affaire d’honneur. Les formules de politesse impliquant le respect sont un cadre nécessaire. Il faut vouvoyer son adversaire, l’appeler Monsieur, ou bien Madame. Même si le débat s’envenime, l’observation de cette règle de principe nous rappelle continuellement que nous choisissons délibérément de rester convivial. Le déshonneur est la première faiblesse à esquiver. Ce point d’honneur devrait nous indiquer dès le départ avec qui nous ne devons pas engager la conversation.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

2. APPEL À LA NOBLESSEIl faut tout de suite dénoncer les insultes comme inadmissibles dans un débat. Le

stratagème qui consiste à « diminuer » l’autre afin de prendre le dessus sur lui ne sert pas notre cause. Les insultes sont les armes du faible. En effet, quelle est la gloire à vaincre une vermine? Nous serons d’autant plus glorieux dans un débat que nous aurons su reconnaître sincèrement la valeur de notre adversaire, quitte à la surestimer. Surestimer notre adversaire nous apportera davantage de gloire à le combattre. Il est plus glorieux de perdre un combat devant un adversaire estimable que de le gagner face à un adversaire minable.

Ceci vaut tout aussi bien pour le mépris et le harcèlement. Quelle peut être l’intérêt à engager un débat avec une personne méprisable?

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

3. PARLER LE MÊME LANGAGEJ’ai souvent été surpris de constater combien efficacement le jeu peut se dégonfler

dès le départ en entendant répondre dans une autre langue à une question visiblement provocatrice. Un débat passe par la parole. Si nous ne nous entendons pas dès le départ sur la signification des mots, il tombe à plat. Il n’y a rien pour désamorcer l’hostilité comme d’être incapable de comprendre son interlocuteur. Pour débattre, il faut être compris.

C’est d’ailleurs le plus solide ciment dans ma relation amoureuse. Ma langue maternelle est le français québécois et celle de ma compagne est le taïwanais. Nous communiquons le plus souvent en français et parfois en anglais mais, à chaque fois que l’irritation me gagne envers elle, je ne peux aller plus loin. En effet, comment pourrais-je être certain que ce qu’elle a dit est véritablement ce que j’en ai compris? Cette barrière de langage m’incite au respect.

Je ne peux confronter celui dont je doute qu’il ait voulu dire autre chose que ce que j’aie compris sans démontrer ma propre mauvaise foi.

Page 59: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Si nous pouvions seulement nous apercevoir que, même en parlant la même langue, la signification des mots que nous utilisons est souvent si différente qu’en réalité nous ne parlons pas de la même chose, ça nous éviterait la familiarité qui engendre le mépris. Comment mépriser ce que nous ne connaissons pas? Le respect s’imposerait alors de lui-même.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

4. MAÏEUTIQUEPourquoi ne pas faire confiance à la capacité des gens de raisonner par eux-mêmes?

N’est-il pas ennuyant de se faire imposer des jugements tout faits par des affirmations qui ne nous laissent pas le plaisir d’avoir réfléchi par nous-mêmes? Dans un débat, ne vaut-il pas mieux se montrer intéressé à la façon de penser des autres que de discourir en soliloque? Si nous détestons nous faire imposer des idées toute faites, comment se fait-il que nous en soyons si prodigues? L’observateur sera-t-il davantage impressionné par un débatteur qui, par des questions, reste ouvert à son interlocuteur ou par celui qui ne cesse d’affirmer péremptoirement ses opinions?

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

5. PARLER EN JEJe dois parler uniquement à la première personne du singulier et n’exprimer que mes

sentiments personnels. Il est impossible de contredire une position personnelle puisque le point de vue individuel est inaliénable. Je suis ce que je suis, et personne ne peut me contredire puisqu’il n’y a rien de plus authentique que ma sincérité envers moi-même.

Il se peut que je mente délibérément ou que je me mente à moi-même. Mais si je suis sincère et que mon interlocuteur ne cesse de me diaboliser avec sa suspicion et son scepticisme, je saurai alors que ces mauvais sentiments habitent en lui, et qu’il cherche à les exorciser en les projetant sur moi. Dans ce cas, il est plus à plaindre qu’à blamer.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

6. ÉCOUTER ATTENTIVEMENTComme il est difficile de faire taire notre discours intérieur alors que nous sommes sur

la défensive et que chaque argument avancé par notre adversaire est perçu comme une attaque personnelle! Comme s’il était sacrilège d’énoncer des paroles qui sont contraires à nos positions, nous refusons de laisser profaner notre esprit par des « croyances impies »! C’est ici que la plupart des débats s’arrêtent et deviennent des dialogues de sourds, des soliloques. Chacun répète son dogme pour se convaincre lui-même.

Pourtant, la répartie sera d’autant plus judicieuse si l’on prend l’attitude d’écouter attentivement l’adversaire. Les dialogues de sourds ne servent personne. En effet, comment oser prétendre avoir démontré son point de vue si l’adversaire fait la sourde

Page 60: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

oreille et divague dans sa propre direction? Il importe donc d’être attentif sinon vous serez disqualifié parce que vous ne serez pas pertinent dans vos répliques.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

7. L’INITIÉ ET LE SPÉCIALISTEDeux positions opposent souvent les débatteurs :

1. Affirmer que l’opinion de notre interlocuteur n’a aucune crédibilité parce qu’il a trempé dans le domaine, donc, en tant qu’initié, son affirmation (ou opinion) est nécessairement biaisée par un parti pris subjectif.

2. Et à l’opposé, affirmer que notre interlocuteur, ne peut parler en connaissance de cause puisqu’il n’est pas un spécialiste. Étranger au domaine dont il est question dans le débat, il n’y connaît donc rien. Sa position n’est qu’une opinion personnelle invalide.

Refuser au non spécialiste de se prononcer sur un sujet qui le concerne serait aussi odieux que de faire taire un spécialiste sous prétexte que ses connaissances l’empêchent d’avoir un regard objectif sur le sujet débattu.

Chaque position n’a-t-elle pas le droit de s’affirmer? Faire état de cette double réalité aide à resituer le débat dans le contexte relatif des connaissances limitées ou spécialisées de chacun des adversaires.

Ex : « Le fait que vous travailliez dans le domaine discrédite votre position puisque celle-ci est nécessairement biaisée. Votre manque d’objectivité vous discrédite »et« Vous n’êtes pas un spécialiste. Votre ignorance des aléas du métier vous met dans l’impossibilité de parler en connaissance de cause »donc« Tout ce que nous pouvons affirmer est inscrit dans le cadre des limites de nos connaissances respectives lesquelles sont forcément subjectives ou limitées.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

8. DISTINGUER PENSÉE ET PERSONNEPour éviter de blesser, il faut distinguer l’idée de la personne qui l’émet. Une personne

est intègre et son être est immuable. Sa pensée, de même que ses actions sont changeantes. On peut influencer la pensée de quelqu’un ou sa manière de se comporter. On ne peut jamais changer la personne elle-même. Les gens ont tendance à s’identifier à leurs idées et leurs réalisations de telle sorte qu’ils se cristallisent autour d’une manière d’être alors qu’ils sont tout à fait libres de changer d’idée ou de comportement.

Page 61: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Dans un débat, il faut s’attaquer aux idées et non à la personne. L’adversaire admettra volontiers que, sur le plan des idées, puisque l’expérience varie d’une personne à l’autre, chacun a droit à son opinion ; mais à juste titre, il se vexera facilement s’il est attaqué personnellement.

Ex. : Il faut spécifier : « Je m’oppose à ce que vous dites, je ne suis pas d’accord avec votre idée » et non « Je m’oppose à vous, je ne suis pas d’accord avec vous. »

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

9. BON JOUEUR DIPLOMATEJ’ai toujours besoin, dans un débat, de me rassurer sur l’opinion que l’adversaire a de

sa propre force. Je veux savoir à quel point il se sent à l’aise ou menacé par ce jeu. Je veux aussi savoir ce qu’il pense de moi. Me voit-il comme un adversaire nul, amical, redoutable ou mortel.

Je donne alors un mauvais argument à l’adversaire pour lui donner le plaisir d’avoir raison. Cette feinte peut nuire à ma crédibilité mais sa réaction m’est alors très instructive sur sa position face au débat. S’il est bon joueur, il tournera la chose en boutade et j’aurai compris que ce débat nous amuse tous les deux et qu’il y prend plaisir en même temps que moi. S’il le démolit rapidement, fier d’avoir pu l’écraser si facilement, c’est que j’ai affaire à un adversaire sérieux qui est sur la défensive ; il est fragile et a besoin de mes erreurs pour vaincre. S’il s’en sert ad nauseam pour appuyer sa thèse démontrant par celui-ci que « toute » ma pensée est invalide, je sais alors que j’ai affaire à un croyant dont la foi est si précieuse qu’il ne peut admettre un débat ; il se sent très menacé par ma position ; pour lui, il faut que le perdant se rallie à sa manière de penser ; il n’y a pas de place dans le monde pour nos deux manières de le concevoir.

Ce mauvais argument peut aussi avoir pour effet de le stimuler à participer plus avant. Il ne faut donc pas hésiter à se tromper en faisant croire de bonne foi que nous ne sommes pas infaillible et que notre adversaire est brillant d’avoir eu l’adresse de déceler cette faille dans notre raisonnement. Cette attitude le mettra à l’aise à son tour de continuer et ce débat sera peut-être fécond.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

10. AVOUER NOTRE IGNORANCEIl est stupéfiant de constater combien vous désarmerez votre adversaire en avouant

tout simplement votre ignorance. Je me suis toujours interrogé à savoir si l’ignorance n’a pas une quelconque forme de supériorité sur la connaissance. On peut reprocher à quelqu’un de mal connaître, d’expliquer maladroitement, de trafiquer l’information, mais comment lui reprocher tout simplement de ne pas savoir?

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Page 62: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

11. UTILISER L’HUMOURIl arrive parfois que l’on rencontre un adversaire qui prenne le jeu trop au sérieux,

s’emporte facilement et devienne menaçant. Nous pourrons alors utiliser l’humour pour essayer de désamorcer le conflit. Il ne faut pas hésiter à ironiser sur soi-même puisque c’est une tactique gagnante. Ceci aura l’avantage de détendre l’atmosphère et de remettre les adversaires dans le contexte de cette polémique : un jeu de mots, rien qu’un jeu.

Il faut bien sûr à tout prix éviter d’ironiser sur le dos de notre adversaire. Ceci aurait l’effet inverse de celui recherché.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

12. ACCEPTER SES TORTSSavoir encaisser les coups fait partie des qualités d’un bon combattant. Vouloir les

éviter systématiquement dénote une certaine fragilité. Avoir toujours raison est l’apanage du faible. On le reconnaît lorsque l’adversaire examine chacune de nos phrases et trouve à les disqualifier toutes. Ce genre d’adversaire nous informe qu’il se met en position défensive maximale puisqu’il considère chacune de nos pensées, chacun des termes de la construction de notre pensée, comme une menace.

Comme une personne très méticuleuse perd trop de temps à s’attarder sur chaque détail, l’hyper défensif perd de vue l’ensemble du débat et court à sa perte. Il vaut mieux encaisser quelques pertes mineures et gagner la bataille.

Cette attitude permet le plus souvent un rebondissement favorable en notre faveur.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

13. DONNER LE DERNIER MOTCurieusement, la plupart des participants à un débat cherchent à avoir le dernier mot

et pourtant, ils restent sur leur faim après l’avoir obtenu. C’est que nous voulons gagner, et l’absence de répartie indique tout simplement que l’adversaire s’est retiré du jeu mais non pas qu’il nous donne raison. Avoir le dernier mot ne dit rien sur les nombreuses raisons qui peuvent avoir incité l’adversaire à se retirer. Nos arguments l’ont-ils convaincu? Est-il simplement à court d’arguments ou définitivement « bouché »? A-t-il un autre rendez-vous? Est-t-il simplement las d’une discussion stérile qu’il juge, après tout, futile? Etc. Il sera d’autant plus médusé que si vous lui avez donné une solide répartie, il se doutera que vous pourriez trouver d’autre arguments et refusera de croire que vous lui ayez véritablement donné le dernier mot.

Si nous appliquons avec trop d’emphase les stratagèmes de Schopenhauer pour avoir toujours raison, l’adversaire se lasse et s’éclipse.

Page 63: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

L’embêtant, c’est que l’issue d’un débat fait presque toujours deux perdants puisque, la plupart du temps, on ne recherche pas à faire émerger la vérité sur une situation donnée mais à gagner sur l’autre. Alors, vaut mieux donner le dernier mot avant que le débat ne s’envenime inutilement.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

14. OBSERVER LE SILENCEIl arrive parfois que la seule stratégie possible soit d’observer le silence avant même

que le débat ne commence. Cette attitude éteignoir gagne sur l’adversaire avant même qu’il ne s’enflamme. Avec certaines personnes trop friandes de polémiques, il faut parfois utiliser ce stratagème régulateur. Sans répartie, le maître de l’éristique ne pourra jamais avoir raison de vous.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

15. ÇA NE M’INTÉRESSE PASTout dialecticien cherche à nous faire croire que le débat qu’il nous propose est vital et

sera étonné de constater que nous acceptons très bien de vivre sans aucun intérêt pour le sujet qui le préoccupe. L’éristique est un jeu parmi tant d’autres. Avouer notre manque d’intérêt pour la polémique nous met à l’abri des argumentations stériles.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

16. JE SUIS FATIGUÉUn débat suscite souvent une montée d’adrénaline et nous stimule énormément. Quel

plaisir que d’échanger nos idées avec les autres et de se sentir intelligent! Débattre d’un sujet apporte et demande une grande quantité d’énergie. Cette activité est aussi épuisante. Il faut parfois demander à notre partenaire d’arrêter le jeu pour simple cause de fatigue.

À l’opposé, si on rencontre un partenaire particulièrement coriace qui cherche le moindre pou et ne veut concéder sur rien, il « bouffe notre énergie ». Au contraire de nous stimuler, il nous fatigue. De guerre lasse, vaut mieux abandonner.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

17. FIN DE LA PARTIESi la partie est jouée avec noblesse, équité et respect de notre partenaire, on ne peut

nous reprocher d’avoir toujours raison. Cet aveu de l’adversaire sonne le glas de la fin de la partie.

Ex. : « On sait bien, tu as toujours raison ».

Page 64: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Peut-on avoir tort d’avoir raison?

L’embêtant, c’est que cette fin de partie laisse les deux adversaires sur un sentiment mitigé. Celui qui a perdu porte la rancœur et celui qui a gagné ne sait jamais véritablement à quelle profondeur il a blessé l’autre et comment celui-ci va se venger.

J’ai souvent remarqué que la sagesse populaire nous portait spontanément à terminer une discussion par une boutade pacificatrice. Après tout, n’est-il pas plus important de savoir apprécier celui qui nous a permis de deviser avec lui que de gagner sur lui? Quel que soit l’issue de la partie, c’est grâce à ce partenaire que j’ai pu tester mes idées. Je dois donc trouver une façon de lui dire mon estime.

Ce stratagème pacificateur correspond pour moi au salut respectueux de fin de combat pratiqué dans les arts martiaux. Ce salut rappelle à notre adversaire que quelle que soit l’issue du combat, nous ne serions rien sans lui. Il a donné vie à nos idées et il nous a permis de mieux se connaître soi-même.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

18. LOGIQUE IMPLACABLELa première règle implicite dans un débat, c’est que les adversaires s’entendent sur

l’observation des principes de la logique dans l’argumentation. Mais celle-ci peut elle garantir la vérité et l’issue d’un débat?

Certains adversaires s’attaquent systématiquement à la validité de la logique de nos arguments. Kant nous a démontré que l’existence de Dieu est tout aussi irréfutable qu’indémontrable. La logique a ceci de paradoxal qu’elle peut tout aussi bien démontrer sans faille (ou tout au moins en apparence) une chose et son contraire.

Certains arguments relèvent davantage de la foi que de l’aboutissement d’un raisonnement cohérent même si nous prétendons être convaincus (!!!) du contraire. Le bon sens ne va pas toujours de pair avec la logique. Bon nombre d’arguments sont basés sur une reconnaissance initiale de certains faits qui n’ont pas à être prouvés. Dans sa démarche, Descartes a d’abord eu besoin de « prouver » l’existence de Dieu avant de pouvoir aller plus loin. Sans cette prémisse, tout son système philosophique s’effondre. Si un adversaire est pris en défaut dans sa logique, il pourra toujours remonter en amont dans les prémisses de la discussion pour remettre en cause ces « évidences » initiales.

Mettre en cause systématiquement tous les faits ne vaut pas mieux que d’admettre d’emblée, sans preuves valables, des prémisses douteuses. La logique implacable nous enferme dans un système de réflexion où rien d’autre n’existe qu’une parfaite mécanique sans faille, nous faisant oublier qu’elle est avant tout une prison dans laquelle nous sommes notre propre geôlier, gardien de la « foi » en cette logique.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Page 65: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

19. TENDRE L’AUTRE JOUEOn peut donner délibérément raison à son adversaire quitte à lui fournir des

arguments sans valeur pour qu’il ait le plaisir de les démolir. Ceci aura pour effet de nous faire perdre la partie mais d’attirer la sympathie de l’observateur humaniste qui, bonne âme, cherche toujours à consoler le faible. Ce stratagème aide à annuler l’empressement du joueur qui cherche toujours à gagner sur l’autre. Mieux vaut accepter de perdre une joute éristique pour que la paix règne que de risquer d’en venir aux coups. La paix vaut mieux que la vérité, disait Voltaire.

N’oubliez jamais que l’animal trop blessé n’a plus rien à perdre, c’est à ce moment que ses forces décuplent et qu’il peut vous assener un coup mortel. Cyrano de Bergerac est l’exemple type du maître de la polémique qui a eu tort de toujours avoir raison. N’admettant jamais le bien-fondé de la position de ses interlocuteurs, on ne pouvait jamais le trouver en défaut dans ses assertions. Mais il a semé la haine dans le cœur de ceux avec qui il exerçait sa dialectique et il a fini par être sournoisement assassiné.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

20. LE POUVOIR DE LA VICTIMEDans certains débats, la victime attirera d’avantage de sympathie que le bon

rhétoricien qui écrase systématiquement les arguments de son adversaire. Les observateurs humanistes ont un penchant naturel envers le faible. Gagner une joute oratoire est une chose. S’attirer la sympathie des témoins peut être un gain préférable. On peut alors exhiber une blessure « victorieuse », celle-ci témoignant de la méchanceté de notre adversaire.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

21. QUI PERD GAGNESi l’échange vous a appris quelque chose vous n’êtes pas perdant. En ce sens, le

perdant gagne toujours davantage que le gagnant. Il trouvera dans un autre débat le moyen d’ajuster son tir et de se déprendre des pièges qui l’ont mené à sa perte dans les discussions précédentes.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

22. RIEN QU’UN JEUAprès tout la dialectique n’est qu’un jeu. Rien de vital n’est en jeu. C’est « parler pour parler » comme disent les Québécois. Il est inutile de s’en servir pour détruire les autres et se détruire soi-même. Comme pour le sport, les jeux de hasard ou l’alcool, si ce jeu ne vous amuse plus, cessez de jouer, faites autre chose. À ce jeu, certains sont plus doués. Le reconnaître et tirer votre révérence vous permet de vous en sortir honorablement et de chercher une activité pour laquelle vous avez davantage de talent. Et si vous gagnez

Page 66: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

systématiquement à ce jeu, prenez soin de vos adversaires. Sans eux, vous n’auriez pas pu développer cette habileté. Ils sont complémentaires et indispensables à votre adresse.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

POUR TERMINER

Bien entendu, chacun de ces stratagèmes pacificateurs peuvent être considérés comme des feintes de mauvais aloi. Jamais aucun bon joueur ne pourra convaincre un malicieux qu’il est de bonne foi. Puisque le joueur malicieux ne peut voir le monde autrement qu’à travers le filtre de sa propre malice, il est incapable de reconnaître la bonne foi.

Ã

Machine à broyer les hommes7[1]

par François Brooks

IMPASSE POUR LE JUGE

Lorsqu’un (ou une) juge décide à qui, du père ou de la mère, accorder la garde des enfants, après un divorce, il se trouve dans une situation bien pénible, presque insoluble. Pour le bien des enfants, il doit choisir le « meilleur » des deux parents. Mais qui peut être considéré comme un bon père, ou une bonne mère, quand les deux partis sont en chicane? Comment peut-on statuer sur la « bonté » d’une personne incapable de trouver l’harmonie avec son conjoint?

Le juge, coincé, se rabat donc sur une jurisprudence commode et prend pour acquis qu’une mère est une « bonne » maman. Quant au père, il doit démontrer en cour qu’il est un « bon » papa. Comment peut-on prendre pour acquis qu’un père n’est pas un bon papa?

7[1] Texte inspiré du documentaire de Serge Ferrand , Machine à broyer les hommes diffusé à Radio-Canada le 8 février 2005 dans le cadre de l’émission Enjeux.

Page 67: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Ceci me fait penser au lieu commun qui veut que le prince charmant doive démontrer ses mérites par, entre autre, sa bravoure, alors que la princesse n’a qu’à être belle, et c’est tout. Sommes-nous aussi féministes que nous le prétendons?

Dans ce cliché qui décide de la raison et du tort dans la vie conjugale, rien ne tient compte de la grande complexité des rapports humains. Alors que l’on sait d’expérience que le « bon » et le « méchant » sont des catégories simplistes qui ne rendent pas compte de la réalité, comment se fait-il que les juges soient si enclins à « prendre parti »? Ne devraient-ils pas plutôt prendre pour acquis que les parents sont bon papa et maman, et ordonner la garde partagée automatique en cas de séparation? D’ailleurs, ce parti pris n’y est-il pas pour quelque chose dans le déclenchement des drames familiaux qui s’en suivent parfois? Dépressions, suicides, meurtres et autres écarts indésirables n’auraient-il pas davantage de chance d’être évités si le père n’était pas aussi injustement traité? Quelle est la responsabilité du juge et de tout le système judiciaire dans un tel cas?

IMPASSE POUR L’ENFANT

Lorsque le litige matrimonial éclate, il faut donner priorité au bien-être des enfants. De prince charmant qu’il était, l’homme se transforme alors en vilain crapaud. Si madame accuse faussement son conjoint de violence conjugale, d’inconduite sexuelle ou autre, la force policière arrête l’être déchu de manière préventive, et ceci en infraction avec l’article # 33 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne8[2]

qui statue que toute personne doit être considérée comme innocente jusqu’à preuve du contraire. Il semble pourtant aller de soi que, en vertu du principe de la protection du plus faible9[3], on se permette d’enfreindre sans remord cet article. Mais justement, si l’image du père est importante dans la construction psychologique d’un enfant, ne devient-il pas alors la première victime lorsque cette image est détruite en lui, alors qu’il voit son père arraché injustement du domicile familial les menottes aux mains? Et à ce titre, comment se fait-il que l’on ne cherche pas à protéger les enfants de cette blessure puisque c’est précisément ce qu’on prétend vouloir faire en se permettant d’enfreindre l’article 3310[4]?

IMPASSE POUR L’HOMME

On fait grand état de la vie brisée des femmes qui, parfois même après plusieurs décennies, décident de poursuivre l’homme qui les a « agressées » sexuellement pendant leur enfance. Pourquoi la vie brisée d’un homme n’a-t-elle pas autant de valeur? Verrons-nous un jour la possibilité équivalente pour l’homme d’avoir accès à cette « réparation psychologique » en leur permettant de poursuivre au criminel les femmes qui ont injustement ruiné leurs vies?

8[2] Article 33 : Présomption d'innocence : Tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce que la preuve de sa culpabilité ait été établie suivant la loi.

9[3] Article 39 : Protection de l'enfant : Tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l'attention que ses parents ou les personnes qui en tiennent lieu peuvent lui donner.

10[4] Ibid.

Page 68: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Les féministes nous donnent un exemple à suivre. Il faut maintenant que les hommes réclament et obtiennent dans les faits, que leurs droits et leur dignité soient protégés équitablement.

Le masculisme ouvre la voie à des perspectives que les féministes nous ont préparées : liberté, égalité, dignité, équité. Il n’en tient maintenant qu’à nous de faire valoir nos droits. Poursuivons le combat.

Pour les autres, bonne Saint-Valentin... J

Ãhttp://www.philo5.com/Feminisme-Masculisme/050214MachineABroyerLesHommes.htm http://www.philo5.com/Textes-references/020727%20Blackmore%20-%20L'evolution%20des%20machines%20memetiques.htm

L'identité d'une femmepar François Brooks

Il fut un temps où les femmes avaient une identité propre. Elles étaient fières de leur différence. Elles savaient faire la cuisine, tenir maison, mettre des enfants au monde et les élever. Depuis l'avènement des féministes, elles se sont identifiées aux hommes et ne cessent de vouloir faire pareil à eux. Je me demande ce qu'elles ont trouvé de si admirable en ceux-ci qu'elles aient eu honte d'être femme pour abandonner tout ce qui pouvait constituer leur identité propre.

 Si elles cherchent tant à devenir « égales » aux hommes n'est-ce pas parce

qu'elles se considèrent inférieures à eux? Mais pourquoi donc? Qui a bien pu être assez ratoureux (ou ratoureuse) pour leur faire croire qu'elles avaient tant à envier aux hommes? Est-ce si difficile d'accepter d'être une femme? Comment les féministes peuvent-elles prétendre militer en faveur des femmes alors qu'elles n'idéalisent que les rôles masculins?

 Être une femme avait autrefois une signification valorisante puisque ça voulait dire

s'identifier à des rôles exclusifs et au modèle féminin. Aujourd'hui, ça ne veut plus rien dire puisqu'elle ne s'identifie plus à rien qui lui soit propre. Comment peut-on être fière d'être ce que tout le monde peut être? Ne faut-il pas se distinguer pour être fier de soi?

 Dieu merci, il y a encore bien des femmes qui s'en rendent compte. Quand les

autres se réveilleront, elles comprendront tout le tort que les mirages féministes leur ont fait miroiter après les avoir incité à réclamer « l'égalité ». Elles ont perdu les privilèges rattachés au fait d'être femme. Si bien que, ne faisant plus d'enfants, elles ne deviendront jamais femmes. Oui car seul le fait d'avoir un enfant permet de devenir

Page 69: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

femme. Sinon, on reste fille, jeune ou vieille. En toute « égalité » ces filles sauront ce que c'est que d'être un homme. Femmes, elles ne le seront jamais.

 

Ã

Mélange d’amourspar François Brooks

1. L’amour hédoniste est celui d’Aristippe qui nous dit : « Fais-toi plaisir ». C’est le premier type d’amour. Il vise essentiellement la satisfaction des sens. Il fascine l’œil par les belles formes qui attirent son attention ; il envoûte le corps lorsqu’il exulte, mais il apporte l’ennui lorsqu’il se retire. Lorsqu’il est narcissique et addictif, il nous rend dépendant, rien d’autre ne peut distraire notre volonté réduite à néant dans la déchéance autodestructrice.

2. L’amour romantique est celui de Cyrano de Bergerac qui nous dit : « Je t’aime ». Ce type d’amour crée les passions, enflamme l’âme, nous transporte au paradis. Mais il comporte un côté désastreux lorsqu’il se retire : il peut nous projeter en enfer. Cupidon le personnifie bien : Un bébé ange adorable prêt à blesser à tout moment par les flèches qu’il décoche aveuglément. Il nous torture de manière insupportable quand il génère la jalousie, cet étonnant sentiment irrationnel qui peut conduire à la haine et au meurtre, antithèses de l’amour.

3. L’amour stoïque est celui de Marc Aurèle qui nous dit : « Fais ton devoir ». C’est celui qui vise l’éducation et l’instruction loin des bonheurs mielleux, et qui veut que l’autre devienne responsable et autonome. Son côté déplaisant apparaît dans l’ingratitude qu’il génère lorsque celui qui le reçoit s’attend au narcissique hédonisme ou cherche un Je t’aime romantique. C’est celui de Confucius qui dit : « Sois exigeant avec toi-même et indulgent avec les autres ». Mais c’est aussi le plus fanatique et le plus destructeur, lorsqu’il prend la forme d’un prosélyte activiste qui s’est mis en tête d’instaurer le paradis sur terre en nous imposant son Dieu sanctificateur.

Corps, cœur et esprit, divin ou malin, de quel mélange d’amour assaisonnez-vous votre vie?

Ã

Les trois féminismespar François Brooks

Il y a trois féminismes : le politique, le personnel et le familial.

Le premier fut fondé par Olympe de Gouges dans la foulée de la Révolution Française. Écrivaine et dramaturge connue, elle avait vu tout de suite que la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » laissait les femmes en plan tout

Page 70: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

comme la démocratie grecque de l’antiquité voyait ses prétentions entachées par la pratique de l’esclavage. En 1791, De Gouges a donc produit la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ». Cette déclaration est le fondement du féminisme politique. L’originalité de cette charte ne tient pas tant à son contenu, puisqu’elle reprend principalement la transcription de celle de « l’homme », mais au fait qu’elle annonce la naissance d’une nouvelle catégorie politique, celle de la moitié du genre humain : « la femme ». Les hommes avaient détrôné le roi pour instaurer de plein droit une démocratie qui, désormais, tiendrait compte de chaque citoyen par le biais d’un suffrage universel et d’une représentation politique proportionnelle. Olympe de Gouges faisait remarquer que les femmes, en appuyant ce geste, n’en avaient pas moins l’intention d’en retirer les mêmes bénéfices.

On s’en débarrassa rapidement en 1793 en la guillotinant. Mais, ce faisant, on lui a donné pleinement raison dans son article dix (X) où elle déclare que : si « la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ». Les cent cinquante ans qui suivirent furent un lent et laborieux combat visant la reconnaissance des droits de la femme dans le milieu politique. Du droit à l’instruction publique, on passe au droit de la femme mariée à gérer ses biens, pour bientôt obtenir le droit de vote, et finalement, en 1947, le droit de monter à la tribune avec Germaine Poinso-Chapuis, première femme nommée ministre en France, et en 1961, Claire Kirkland-Casgrain, pour le Québec.

Le deuxième féminisme commence avec Simone de Beauvoir qui, fort de l’existentialisme sartrien, revendique la pleine autonomie personnelle de la femme, non seulement au niveau des droits politiques mais au niveau individuel. « On ne naît pas femme, on le devient » dit-elle. Il s’agit maintenant pour les femmes de congédier toute « ingérence » dans leur vie privée et de s’approprier la liberté de devenir ce qu’elles veulent, autant du point de vue professionnel que personnel : enfanter ou refuser d’enfanter ; choisir librement le moment d’enfanter ; accéder librement à n’importe quelle carrière choisie sans aucune contrainte. En un mot, le projet de Simone de Beauvoir consiste à redonner à la femme le droit de disposer de son propre corps et de choisir sa destinée en toute liberté.

Bien sûr, de nombreux détracteurs ont voulu invalider cette thèse surtout en s’appuyant sur les récentes découvertes génétiques XY qui démontrent « scientifiquement » les bases biologiques de la spécificité male et femelle mais ces démonstrations n’invalident en rien le fait que les comportements sociaux de la femme adulte sont fortement influencés par l’éducation et les valeurs qu’on lui a inculquées. Simone de Beauvoir revendique pour la femme l’affranchissement des valeurs sociales traditionnelles au profit du libre choix de ce que celle-ci veut devenir.

Ainsi naît en 1949, avec la parution de son livre « Le deuxième sexe », un féminisme nouveau qui sort des limites de ses revendications politiques pour réclamer son droit à l’autonomie. C’est le deuxième féminisme, un féminisme existentiel ou individualiste. Les cinquante années suivantes vont contribuer à son achèvement. La mise en marché de la pilule anticonceptionnelle, l’avortement sur demande, l’instruction unisexe dispensée dans les écoles mixtes et l’accession de la femme à tout type de travail sans discrimination eu égard à son sexe feront de celle-ci un être humain pleinement autonome, libéré de quelque rôle social prédéterminé que ce soit. Pour paraphraser Simone de Beauvoir, on pourrait dire qu’après elle, les femmes n’auront

Page 71: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

plus appris à devenir femme, et je serais tenté d’ajouter : elles seront devenues des hommes comme tout le monde.

Le troisième féminisme est le féminisme familial. C’est celui qui est en train de naître (dans la douleur) et que j’appelle féminisme-masculisme. La redéfinition du rôle de la femme a chambardé les valeurs et coutumes familiales traditionnelles à un tel point que chacun est prêt à reconnaître aujourd’hui que la famille est en crise. Retour du balancier, ce sont maintenant les hommes qui commencent à revendiquer la parité sur certains droits que la femme s’est octroyée depuis l’avènement du deuxième féminisme. Quand l’homme est impliqué, il veut maintenant avoir son mot à dire. La femme ne saurait faire cavalier seul quand il s’agit des droits d’un homme à choisir de devenir père ou non. La cause récente de M. Gary Bourgeois11[1] nous montre clairement où le féminisme de Simone de Beauvoir fait naître la « cause des hommes ». L’acquisition de la libre disposition de son corps donne-t-elle à la femme le droit d’imposer à un homme responsable la paternité sans son consentement? L’homme peut-il être écarté des projets d’une femme si ceux-ci concernent sa progéniture, de la même manière qu’autrefois, celle-ci se voyait imposer d’enfanter sans son consentement?

Quand il s’agit de liberté politique ou de liberté individuelle, le féminisme a le champ libre. Simone de Beauvoir ne vivait pas avec son conjoint et avait choisi de ne pas fonder de famille. Olympe de Gouges est tombée veuve rapidement et a choisi de ne pas se remarier pour pouvoir se donner entièrement à sa carrière.

Le féminisme n’est pas achevé. Il doit maintenant rentrer dans sa phase la plus délicate. Celle du partage du pouvoir en vue de fonder une famille. Ce féminisme-masculisme aura à définir les règles auxquelles un homme et une femme accepteront de se soumettre pour fonder famille. Quand il s’agit de droits politiques ou de droits individuels, on se réfère à une charte et on tranche chaque cas en fonction des règles établies pour tous. Quand il s’agit d’un projet familial, dans une société individualiste, tout est à négocier. Et les confrontations sont d’autant plus à craindre que la lune de miel fera place aux dures réalités de la vie commune. Les conditions d’accès à une progéniture sont désormais complètement différentes. Devenir parents n’est plus chose facile.

Doit-on considérer la famille comme une institution sociale ou un projet personnel? Dans le premier cas, c’est la société qui impose un cadre auquel les conjoints doivent se conformer. Le féminisme a fait voler en éclat cette conception familiale. Dans le deuxième cas, tout est à négocier par chacun des conjoints, et rien ne peut être obtenu que par consensus des partis, celui-ci étant d’autant plus difficile à obtenir qu’à mesure que les enfants grandissent, ils exigent une légitime reconnaissance de leurs revendications personnelles. Comment des parents qui ont tout fait pour s’affranchir d’une autorité traditionnelle peuvent-ils convaincre leurs enfants de se plier à la leur? Sur quoi peuvent-ils fonder leur autorité puisque chaque nouvelle génération a désormais pour but de réinventer le monde, coupée des enseignements ancestraux?

Ce troisième féminisme aura-t-il l’inventivité de trouver des solutions viables pour relancer l’attrait du rôle de père et de mère ou va-t-il nous faire la démonstration qu’il mène à l’impasse? En redéfinissant le rôle de la mère, les féministes ont imposé une

11

Page 72: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

vision de la famille qui oblige l’homme, s’il veut participer à cette entreprise, à redéfinir son rôle de père. Comme à la veille d’une révolution, toutes les idées sont admises. Chacun a son opinion sur le « vrai rôle du père » et celle-ci est d’autant plus variable qu’elle ressemble le plus souvent à une « réparation » des frustrations que chacun a vécues face au sien. Comme ce n’est pas le propre de l’individualisme d’amener un consensus facile, j’ai fort à parier que le rôle traditionnel du père pourrait reprendre du service. J’ai même senti récemment que bien des femmes aimeraient retrouver chez les hommes leurs qualités traditionnellement reconnues que sont la force, l’ingéniosité, la vision, le gros bon sens et la protection.

Réponse aux insultes d’un féministepar François Brooks

Bonjour M. Martin Dufresne Quelqu’un qui pensait qu’il serait peut-être opportun que je sois informé sur vos

propos à mon endroit (dans votre texte intitulé « Faut-il saper le féminisme québécois au nom de la "condition masculine" » que vous avez publié ici : http://sisyphe.org/breve.php3?id_breve=138 ) a eu la délicatesse de me faire parvenir ce que vous n’avez pas eu le courage de faire.

 La liberté de penser est un droit sacré défendu par Voltaire à qui nous sommes tous

deux redevables. Chacun a droit à ses opinions. La vôtre est claire et s'alimente abondamment d'injures à mon endroit. Voltaire était cependant plus raffiné dans ses propos mais vous ne l’avez probablement jamais lu et ceci vous excuse d’en bricoler une référence à Sisyphe (http://sisyphe.org/rubrique.php3?id_rubrique=3) dont votre site Internet porte le nom. (Je vous recommande le Traité sur la Tolérance, de Voltaire édité chez Folio #3870. Il n’est jamais trop tard pour corriger des références erronées).

 Vous êtes donc d’opinion que je suis un mauvais querelleur, un réactionnaire de

droite, un 'vieux jeu', (j'avais oublié cette expression dont on se servait pour injurier nos parents il y a de cela... 35 ans), un revanchard et peut-être même supporteur du meurtrier Marc Lépine. Et c'est vous qui félicitez Le Courrier de St-Hyacinthe d’avoir dénoncé un discours haineux (!?!).

 Je suppose qu’avant de me les refiler, ces injures ont dû d’abord vous être adressées

par le passé, et, n’ayant su comment vous en défaire, vous n’avez rien trouvé de mieux que de passer le relais. Peut-être n’en croyez-vous pas un mot mais vous me les servez uniquement pour que ma réponse vous inspire pour vous en délivrer lorsque ceux-ci vous seront servis à nouveau. Si c’est le cas, je vous propose deux alternatives :

 1- Si vous aimez mettre de l’huile sur le feu, laissez moi vous aider.Vous trouverez ici un condensé de L’art d’avoir toujours raison de Schopenhauer..2- Dans le cas contraire, vous serez probablement davantage intéressé par mes

Stratagèmes pacificateurs. Ceux-ci vous aideront à gagner des gens à votre cause qui, même

Page 73: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

si elle était louable, avec votre approche actuelle, ne fait qu’irriter vos adversaires et peut-être même certaines féministes.

 Je suis fort aise que mes propos vous aient fait rigoler. C’est dommage que les vôtres

n’aient pas eu le même effet sur moi. Mais peut-être ai-je tort de vous prendre au sérieux. Dommage que vous n'ayez pas d'arguments plus solides que l'injure, le parti pris et le

lieu commun ; je suis toujours disposé à changer d'avis lorsqu'on me démontre le bien fondé d'un raisonnement.

 À moins que vous ne considériez que vos opinions doivent suffire à ceux qui vous

lisent, je vous invite à donner une chance à vos lecteurs de se faire une opinion par eux mêmes en leur permettant l'accès au texte qui a suscité votre réaction injurieuse à mon endroit. Vous seriez donc le bienvenu de publier ce lien dans votre texte « Faut-il saper le féminisme québécois au nom de la "condition masculine" ».

Mais il se peut que je me trompe à votre sujet et que la liberté de parole que vous semblez défendre ici http://sisyphe.org/rubrique.php3?id_rubrique=3, ne vous soit valable que pour ceux qui partagent vos opinions.

 Cependant, si vous êtes prêt à affirmer comme Voltaire :"Vous proférez, Monsieur, des sottises énormes,Mais jusques à la mort, je me battrais pour qu'onVous les laissât tenir. Attendez-moi sous l'orme !"12[1],

j’accueillerai votre critique sur mes propos avec joie et je m’engage à me ranger à votre avis pour peu que celui-ci me démontre les failles de mon raisonnement. (Attention : Pour donner des forces à vos arguments, éviter les injures personnelles, celles-ci ne démontrent que votre faiblesse. En effet, une personne solide ne ressent pas le besoin de s’attaquer à la personne qui est son adversaire, ses arguments seuls lui suffisent. L’injure est l’arme du faible, c’est bien connu.)

 Je vous laisse sur cette question : À quoi peut-on distinguer une opinion d’un fait? Je vous adresse mes salutations distinguées. François Brookswww.philo5.com

----------------------------------------------Suite à cette lettre ouverte j’ai reçu de nombreux courriels de sympathisants. Voici la réponse que je leur ai adressé :

----------------------------------------------

Bonjour Merci pour votre courriel que j’ai lu attentivement et avec grand intérêt. Vous êtes

nombreux à m’avoir manifesté de l’animosité pour M. Martin Dufresne, ou tout au moins, à me prévenir que je perdais mon temps avec lui. Vous avez peut-être raison. 12[1] Georges Brassens citant Voltaire dans sa chanson « Ceux qui ne pensent pas comme nous sont des cons »

Page 74: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

 Les injures et le mépris ciblé d’une personne cache, personne n’est dupe, le désir

qu’on s’occupe d’elle. En lui renvoyant le même mépris qu’elle projette, on joue son jeu et elle va revenir à la charge tant et aussi longtemps que l’on va se laisser prendre à son piège. Je refuse de me laisser dominer par le mépris de qui que ce soit. Descartes disait que le bon sens est la chose la mieux partagée au monde parce que personne ne se plaint d’en manquer. M. Dufresne doit donc croire honnêtement en son for intérieur que ses raisonnements sont bien fondés. Je ne peux donc lui donner raison en emboîtant le pas et en lui retournant son mépris. Si je suis libre, je dois accepter de l’écouter et le questionner sur ses raisons. Mais c’est à lui de m’en démontrer la cohérence. S’il est un être souffrant et incohérent, c’est de notre pitié qu’il a besoin, pas de notre mépris. Où est ma liberté si je me laisse aller à ma pulsion qui me commande de renvoyer les mêmes coups, les mêmes injures, le même mépris qui me parviennent?

 Je comprends votre réaction envers lui mais s’il est représentatif d’un féminisme dur

qui s’est aveuglé lui-même, est-ce en nous aveuglant dans une position dure et fermée que l’on va changer les choses? Je pense que l’honnêteté intellectuelle doit primer. J’ai peut être tort, mais c’est ma manière, et elle a en tout cas le mérite de refuser de blesser qui que ce soit.

 Une dernière chose mais peut-être la plus importante. Est-ce qu’une féministe a déjà

pris la peine de le remettre à sa place? Cette question est de toute première importance, voilà pourquoi : Si j’avais un être méprisant comme lui à mes côtés pour combattre, j’aurais peur que son comportement nuise à ma cause. Il me semble donc évident que M. Martin Dufresne sert la cause masculiste. En effet, ses raisonnements absurdes et haineux sont une démonstration évidente de l’impasse où nous mène le féminisme outrancier envers les hommes. À ce seul titre, M. Martin Dufresne nous est très précieux. Loin de le mépriser, j’estime qu’il sert notre cause.

 Amicales salutations François Brookswww.philo5.com  ----------------------------------------------

Fort à propos, une sympathisante masculiste m’a ensuite adressé la note suivante qui a suscité chez-moi une nouvelle réflexion :

----------------------------------------------

Bonjour

Les groupes féministes pensent la même chose de moi que vous pour Martin Dufresne. C'est quand même étonnant. Elles me disent que je fais pitié, que je méprise ma race, que je suis une « butch » inavouée, que je dois être mal baisée etc... alors que je ne fais que prendre la part de certains hommes.

Bonne journée

Francine A Chère Francine 

Page 75: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Je suis étonné que vous fassiez un tel rapprochement entre ce que je dis de M. Dufresne et les insultes dont les groupes féministes vous abreuvent. Il me semble avoir fait attention pour éviter de faire mousser les insultes et le mépris qu’il suscite autour de moi. Toutefois, si je le considère comme un adversaire qui, par ses incohérences et sa haine, aide la cause masculiste, j’estime que vous, contrairement à lui, ne nuisez pas à notre cause, bien au contraire. Une femme peut-elle avoir tort d’aimer les hommes et de reconnaître que leur rôle de père est nécessaire à notre équilibre social? De même qu’un homme pourrait-il avoir tort d’aimer les femmes et de vouloir favoriser leur épanouissement nécessaire à l’harmonie des familles?

 Je dois vous avouer mon malaise lorsque des hommes se servent de l’orientation

sexuelle lesbienne de certaines féministes pour se défendre ou les accuser. Je sens le même malaise quand les féministes vous reprochent d’être « mal baisée », ce qui me semble une projection évidente. J’ai pour mon dire que ce qui se passe dans la chambre à coucher des gens ne regarde qu’eux, entre adultes consentants. Lorsque ça déborde sur la place publique, c’est un signe de la frustration personnelle de celui d’où provient l’injure et non de celui ou celle sur qui elle est projetée.

 J’essaie de ne « prendre la part » ni des hommes ni des femmes. Je pense que la

stupidité n’a pas de sexe ni de nation et qu’elle est susceptible de s’infiltrer partout où on n’y fait pas attention. Je pourrais moi-même défendre une féministe si ses propos sont imbus d’humanité et de cohérence même si je ne partageais pas son opinion et qu’elle faisait l’objet d’attaques vicieuses ; non pas pour lui donner raison, mais pour ne pas faire partie de ceux qui ont tort. Il faut savoir distinguer l’honnête militant qui, sans blesser personne cherche à faire valoir ses idées, du combattant blessé qui reconnaît dans tous ses adversaires un agresseur vicieux à abattre. La victoire seule ne suffit pas. L’histoire du Christ en est une belle illustration : il est effectivement mort mais ses idées ont mieux survécu que celles de tous ses bourreaux. Ne comptez pas sur moi pour fabriquer un nouveau Christ ou une nouvelle victime, et surtout pas M. Martin Dufresne.

 Selon une information provenant d’un correspondant américain, M. Martin Dufresne

aurait déclaré il y a quelques années sur des forums de discussion qu’il aurait été abusé physiquement et possiblement sexuellement par son beau-père, étant enfant. Avons-nous affaire à un féministe ou à une personne blessée qui aurait besoin d’aide pour guérir une période de sa vie qui a laissé des traces qui lui sont très personnelles? (Où était son véritable père au moment de ces agressions? Sa mère s’en état-elle débarrassé? Dans ce cas, l’idéologie féministe ne lui aurait-elle pas nui? Est-il possible que dans sa position d’enfant maltraité par son beau-père il n’ait pas eu le discernement de distinguer celui qui le maltraitait de la cause de son malheur : l’idéologie féministe qui traite les hommes en amour comme du « jeter après usage » et qui a éloigné son père dont il aurait eu bien besoin? Bien sûr, je peux me tromper sur toute la ligne ; toutes ces questions ne sont que spéculation… mais je me demande si son véritable père a eu toutes les chances de jouer son rôle sans entrave féministe?)

 Le jour où vous vous mettrez à insulter les femmes en bloc comme le fait Martin

Dufresne pour les hommes, je vous mettrai dans le même sac que lui. Pour le moment, je ne vois vraiment pas pourquoi j’aurais « pitié de vous ». Ces féministes ont d’abord jugé bon de projeter sur vous des saletés pour ensuite dire que vous faisiez pitié. Votre situation est très différente de celle de M. Dufresne.

 

Page 76: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Je reconnais que votre position particulière fait de vous une cible de choix pour les féministes tout comme un homme féministe est une cible toute désignée pour les masculistes. Mais ne pourrions-nous pas mettre en évidence toute la noblesse de la pensée féministe-masculiste justement en respectant un honnête débat qui pourrait aussi bien se tenir entre une femme masculiste et un homme féministe? … Et peut-être même toute la stupidité de faire d’un problème qui concerne tout un chacun, une bête histoire de guerre des sexes. C’est pourquoi j’en appelle à la philosophie comme chien de garde pour nous ramener lors de nos égarements. Nous avons besoin des philosophes pour nous enrichir des ressources de la dialectique et de leur sagesse séculaire. Tout combattant, féministe ou masculiste, doit, s’il veut gagner la bataille, commencer par reconnaître la respectabilité de son adversaire du simple fait que, dépendant de l’issu du combat, celui-ci détient peut-être le pouvoir divin de l’anéantir. La féministe du film « Cube », aurait bien eu besoin de la force du macho au moment opportun pour survivre. Qui l’a véritablement tuée?, l’homme qui a lâché sa main ou sa propre haine pour l’homme sur qui elle projetait tous ses clichés féministes? Cet homme aurait bien eu besoin d’un peu d’amour pour lui donner l’énergie nécessaire à la tirer d’affaire. Commencer un combat par le mépris est une étourderie que La Fontaine avait illustrée dans « Le lièvre et la tortue ». Les sumo japonais nous donnent une leçon éloquente : deux lutteurs obèses et disgracieux font appel à toutes les ressources de leur raffinement pour déséquilibrer un adversaire qu’ils commencent d’abord par saluer respectueusement. Ce salut de départ n’est pas qu’un protocole vide de sens ; il permet au perdant de conserver tout son honneur et au besoin, l’aide de celui qui le domine.

 Je salue les femmes et les hommes qui décident de s’élever au dessus des

chamailleries sexistes pour essayer d’installer dans leur vie l’amour et l’harmonie et qui, comme vous Francine, ont dû essuyer des injures qui ne salissent que ceux qui les adressent. Mais si nous devons débattre n’oublions pas que nous devrons ensuite vivre ensemble, quelle que soit l’issue du débat.

 Amicales salutations à vous Francine 

François Brooks www.philo5.com Ã

Allatoyah féministepar François Brooks

Lettre ouverte à M. Serge Ferrand

Cher Serge J’ai vu sur le site « Condition Féminine Canada » un extrait de ta BD, Les

vaginocrates, publié pour illustrer un exemple de soi-disant propagande haineuse orchestrée par « L’Après-rupture »13[1].

 

13

Page 77: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Il me semble que ce soit un cas type de boucle de pensée qui me fait bien rigoler en philosophie et que j’illustre par l’exemple de l’affiche sur laquelle il est écrit : « Interdit d’afficher ». Il s’agit de déterminer qui a le pouvoir de dicter le code moral auquel on doit se conformer, pour qu’ensuite celui-ci soit le seul à détenir le privilège de l’enfreindre en toute immunité.

Au Québec, notre société est régie par une sorte d’Allatoyah féministe qui interdit toute critique du comportement féminin mais encourage fortement une abondante critique des comportements masculins. La femme doit prendre sa place et l’homme doit lui laisser le champ libre. Elle a le droit de reconstruire la société sur un ordre qui lui convient et répondant à ses besoins égotiques personnels. L’homme a le devoir de participer à cette transformation et de se changer lui-même pour fonctionner adéquatement dans ce nouvel ordre social conçu d’abord pour répondre à des impératifs féministes.

 Cette propagande a atteint l’extrême limite qui consiste à s’établir comme une

dictature qui, pour prendre le pouvoir, a créé une réalité médiatique à laquelle toutes les publications sont tenues de se conformer sous peine de se voir accuser de « propagande haineuse contre toutes les femmes ». Avec ces lunettes extrémistes, (et attention les masculistes de ne pas tomber dans le panneau) bientôt, il ne sera plus permis d’illustrer qui que ce soit sans généraliser la particularité de son comportement à l’ensemble du groupe auquel il appartient. Par exemple, sitôt que l’auteur donne à son personnage un rôle de « méchant », on l’accuse de dénigrer tout le groupe auquel il appartient. Et on peut étendre cette vision à tous les types de groupes possibles : les femmes, les homosexuels, les noirs, les handicapés, les prêtres, et bien sur, les mâles.

 Hannah Arendt, brillante philosophe juive, avait mis en évidence les mécanismes qui

agissent dans ce phénomène politique et social. Dans le cas qui nous concerne, certains parlent de « féminazisme » et, avec Hannah Arendt, je suis tenté de leur donner raison puisqu’une des caractéristique de ce type de despotisme est qu’il est presque impossible de dénoncer des coupables puisque c’est un mouvement de masse qui le propage. La mémétique explique ceci par une thèse qui démontre que les idées (le mèmes) ont leur vie propre et se servent de nous comme véhicules pour se propager sur le modèle viral.

 Le féminisme a transformé notre espace médiatique en champ de bataille où il est

devenu difficile de réfléchir sur la place publique sans toujours se référer au modèle qu’elles ont imposé depuis 40 ans. Notre liberté d’expression est menacée : on ne peut plus dire ce que l’on pense. Va-t-on bientôt s’attaquer directement à notre liberté de penser?

Que certaines personnes expriment leur opinion, quelle qu’elle soit, ne m’inquiète guère. Ce qui m’inquiète ici, c’est que ce type d’opinion contamine une institution gouvernementale comme « Condition féminine Canada ». C’est Voltaire qu’on assassine de façon institutionnelle. On s’empare de notre liberté de penser et d’expression pour lui commander de se conformer à la mode dominante actuelle, tenant celle-ci comme modèle ultime sacré, incritiquable. On voit le féminisme, qui au départ proposait de donner une place légitime aux femmes, peu à peu se munir de crochets qui assure à ses positions un ancrage qui ne permet plus de le considérer comme un modèle de société parmi d’autres librement choisi par une majorité démocratique. On stoppe ainsi l’évolution pour nous imposer un modèle fixe, dogmatique, le modèle même qu’on s’est tant battu à défendre pour se débarrasser jadis d’un clergé écrasant. C’est la trahison du marxisme de Marx par les communistes soviétiques qui

Page 78: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

se répète. On a remplace le Tzar par le Parti Communiste, on remplace l’Église par le Féminisme.

 Nous sommes des êtres humains à peine sortis de l’Inquisition. Nous fonctionnons

encore sous les mêmes mécanismes cérébraux que nos récents ancêtres du Moyen Âge. Les philosophes des Lumières les ont combattus avec succès mais pour que la lumière brille, il faut travailler à la garder allumée. L’époque me semble investir très peu d’énergie dans cette entreprise.

 Au nom de tous ces hommes émasculés par un féminisme castrant, et qui manquent de

mots pour exprimer leur mutilation, je salue ta BD Les vaginocrates et ton stoïcisme à la défendre. Merci pour ces couilles que tu nous offres.

 François Brookswww.philo5.com

Mème14[1]

par François Brooks

Pascal Jouxtel15[2] nous explique le mème ainsi :

La sélection naturelle se réalise non pas dans l’intérêt des espèces impliquées ni des groupes ni même des individus mais simplement dans l’intérêt des « réplicateurs ». En biologie, les réplicateurs sont les gènes. Le mème est un réplicateur culturel, un élément d’une culture qui peut se transmettre par des moyens non génétiques, notamment par imitation. Le point central du concept de mème est qu’il s’agit d’une information copiée d’une personne à une autre. Les mèmes sont tout ce qui est copié ; ils sont en concurrence entre eux pour l'occupation de notre espace culturel, et de ce fait, ils évoluent. Dans l'histoire de l'homme, les gènes ont répondu en améliorant l’imitation sélective. Ceci a conduit à accroître les capacités cérébrales et le volume du cerveau. Nos volumineux cerveaux sont des dispositifs d’imitation sélective construits par et pour les mèmes, autant que par et pour les gènes. L'hominisation est une co-évolution mème-gène.

Le mème (« meme » en anglais) est une notion nouvelle en philo introduite par R. Dawkins en 1976. Elle désigne une idée qui est considérée comme autonome et qui se sert des humains pour se reproduire à la manière d’un virus, qu’il soit biologique ou informatique. Tout comme Skinner considérait l’environnement comme le principal responsable du comportement humain, Dawkins explique, s’appuyant sur le darwinisme, que les mèmes ont davantage d’influence sur nos comportements et nos pensées que le libre arbitre ou notre animalité.

De notre point de vue, nous les humains, le plaisir est notre motivation, notre salaire, tout comme l’énergie fournie au cheval par la pomme qui noue avec celui-ci un contrat de

14[1] Lire le texte de la brillante conférence de Susan Blackmore intitulée L’évolution des machines mémétiques : http://www.philo5.com/Textes-references/020727%20Blackmore%20-%20L'evolution%20des%20machines%20memetiques.htm 15[2] Pascal Jouxtel est président de la Société Francophone de Mémétique : http://www.memetique

Page 79: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

transport de graines. Mais du point de vue du mème, c’est le pépin de la pomme qui va se multiplier, c’est le mème qui va se multiplier (ou non) en échange du plaisir qu’il donnera aux humains (ou non).

La mémétique a ceci d’intéressant qu’elle déplace le « centre de décision » chez l’humain tout comme Copernic avait déplacé le centre de l’Univers de la Terre au Soleil. Non pas que le mème « décide » de par sa volonté propre, mais, comme démontré par le darwinisme, par son aptitude à se faire copier. La volonté est une illusion propre à l’humain, le mème n’en a que faire. Bien sûr, le soleil nous donne toujours l’impression qu’il tourne autour de la terre tout comme les mèmes que sont nos idées nous laissent toujours croire que c’est nous qui décidons…

La question de savoir qui de l’œuf ou de la poule engendre d’abord l’autre sera-t-elle jamais résolue? Cet après-midi, j’ai vu dans la vitrine d’un antiquaire un syntoniseur FM Sony hi-fi en tout point identique à celui qui avait bercé mes découvertes musicales d’adolescent de 15 ans. Je n’ai pas revu cet appareil depuis 33 ans mais, instantanément, une foule de souvenirs se sont activés dans mon esprit. Mais où sont donc ces souvenirs? Contenus dans l’appareil ou dans mon cerveau? Sans l’appareil, jamais je ne me serais souvenu de ceux qui s’y rattachent.

Pour mon ami Gilbert Natan, les choses sont bien plus simples : nous sommes des animaux qui agissons sous l’emprise de 5 sensations motrices principales : La peur, la faim et la soif, la fatigue, la colère et le plaisir. Henri Laborit parlait de pulsions et de stress.

Sommes-nous des machines à mèmes, des animaux instinctifs ou jouissons-nous d’un libre arbitre? Shakespeare nous dirait à raison qu’il y a plus dans le ciel et sur la terre que dans ces philosophies, mais sans elles, ne nous manquerait-il pas un point de vue important sur notre perspective des choses?Ã

L’évolution des machines mémétiques16[1]

par Dr. Susan Blackmore(traduction originale, Pascal Jouxtel, revue par F. B.)17[2]

16[1] Traduit de « The Evolution of Meme Machines », essai présenté au Congrès International sur l’Ontopsychologie et la Mémétique, Milan 18-21 mai 2002.

Bibliographie R. A. Aunger, (Ed) (2000) Darwinizing Culture: The Status of Memetics as a Science, Oxford University PressS. J. Blackmore, (1999) The Meme Machine, Oxford, Oxford University PressR. Dawkins, (1976) The Selfish Gene Oxford, Oxford University Press (new edition with additional material, 1989) D. Dennett, (1995) Darwin’s Dangerous Idea, London, Penguin

Page 80: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

La science de la mémétique fait face à un sérieux problème. Le concept de « mème »

dérive de la biologie évolutive et de la « théorie des duplications ». Dans ce contexte, il est

bien compris même s’il est fortement débattu. Mais sur l’Internet et dans le discours courant,

le mot « mème » est terriblement maltraité. Il est confondu avec « idée » ou « concept » ou

encore, il est employé comme quelque chose qui oscille entre « l’éthéré » ou « l’immatériel »,

très séparé des comportements et des objets fabriqués.

Personne ne peut empêcher monsieur Tout-le-monde d’employer le terme « mème »

avec d’autres significations mais on court ainsi le risque de perdre le réel pouvoir de l’idée

originelle et on produit beaucoup de confusion. Alors j’espère qu’il me sera utile d’exposer

les grandes lignes aussi bien sur les origines de la « mémétique » que sur le concept basilaire

de « mème » en tant que duplication dans un processus évolutif. Dans cet exposé j’emploierai

ce concept pour explorer l’évolution des « machines humaines » et des toutes nouvelles

« machines à mèmes » qui ont évolué à partir de nous.

L’histoire commence en 1976 avec la publication du livre très populaire « Le gène

égoïste  » de Richard Dawkins, biologiste travaillant sur la théorie de l’évolution.

Ce livre répandit l’opinion de plus en plus partagée parmi les biologistes selon laquelle

la sélection naturelle se réalise non pas dans l’intérêt des espèces impliquées ni des groupes

ou ni même des individus mais simplement dans l’intérêt des gènes. Bien que la sélection se

réalise principalement au niveau du l’individu, c’est l’information possédée par les gènes qui

sera copiée. Ces derniers sont des répliques et c’est la compétition entre eux qui conduit à

l’évolution du design biologique.

En expliquant ceci, Dawkins voulait mettre l’emphase sur le principe du Darwinisme

Universel. L’intuition fondamentale de Darwin fut brillante  ; une idée si renversante et d’une

telle simplicité qu’elle fût considérée comme « la meilleure idée de tout les temps jamais

conçue par un être humain ». La voici : si � êtres vivantes varient de telle manière que ceci

affecte leurs chances de survivre adéquatement, ‚ si elles produisent davantage de rejetons

17[2] Afin de le rendre plus clair et plus fidèle à l’esprit de l’auteur, (si tant est que ça puisse être possible), j’ai vérifié et légèrement modifié le texte français de la traduction initiale de M. Pascal Jouxtel. Mais vous trouverez sa nouvelle excellente traduction à cet URL :http://www.susanblackmore.co.uk/Conferences/OntopsychFr.htm. Merci M. Jouxtel pour votre gracieuse collaboration.

Page 81: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

qu’il ne peut en survivre ƒ et si les quelques survivants transmettent leurs caractéristiques à la

génération suivante, alors les caractéristiques qui les ont aidés à survivre seront plus

répandues dans la prochaine génération. Ainsi, les membres de la prochaine génération auront

évolué d’une façon ou d’une autre par rapport à la génération précédente — ils seront mieux

adaptés au milieu dans lequel la sélection s’est produite. Ceci, comme Darwin l’avait vu, est

un processus inévitable qui doit simplement se produire si les conditions sont favorables.

Dennett l’a défini comme « l’algorithme évolutif » : si vous conjuguez de la variation,

de l’hérédité et de la sélection, on devra alors obtenir de l’évolution. Vous obtenez un

« Design à partir du chaos, sans l’aide de l’Esprit » (Dennett, 1995, p. 50) (à partir d’une

situation aléatoire, une création déterminée, non chaotique, sans le concours d’une intention

volontaire).

On doit noter deux caractéristiques importantes au sujet de ce processus :

1. Il va obligatoirement se produire de façon naturelle si les trois conditions se

retrouvent. Il n’y a ici aucune magie ni aucune théories incompréhensibles.

Une fois qu’on a compris les effets de variation produits par copie sélective, le

résultat est évident — c’est merveilleusement simple.

2. Le processus ne demande ni « designer » ni plan préétabli. Il ne se dirige pas

inexorablement vers quelque chose de particulier parce que tous les

changements sont le produit du hasard et de la nécessité. Cela se produit parce

que le processus de sélection n’est ni planifié par un être vivant ni par une

intention ou un projet pensé mais réglé par le vent et la météo, par le besoin

de nourriture et d’oxygène, par l’appétit des prédateurs. La biologie n’a pas

besoin d’aucun Dieu. L’évolution n’a pas d’intention. C’est ce que Dennett

appelle « la dangereuse idée de Darwin ». On dit souvent qu’en biologie rien

n’a de sens sauf ce qui est éclairé par cette théorie de l’évolution.

Nous connaissons tous le fonctionnement de ce processus pour les gènes mais pour

approfondir la notion de « Darwinisme universel », Dawkins se demanda s’il pouvait exister

d’autres types de répliques sur notre planète. Depuis lors, on a découvert beaucoup d’autres

exemples, y compris le système immunitaire et le processus neural. Mais Dawkins a soutenu

Page 82: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

que sous nos yeux, bien qu’il erre encore maladroitement dans son bouillon de culture

primitif, il existe un autre « réplicant » — une unité d’imitation. Il l’appela meme [traduit en

français par mème], (rimant avec « cream » ou « seem ») [le son français rime avec « même »]

en faisant dériver du grec ancien le concept de « ce qui est imité » Il donna comme exemples

« les ritournelles, les idées, les phrases toutes faites, les vêtements à la mode, les

arrangements floraux ou les façons de construire les arches. »

Vers 1998, le terme est passé dans la langue anglaise et apparut d’abord dans le

Oxford English Dictionnary défini ainsi :

← Meme (mi:m), n. Biol. (shortened from mimeme ... that which is imitated, after

GENE n.) “An element of a culture that may be considered to be passed on by

non-genetic means, esp. imitation”. [« un élément d’une culture qui peut se

transmettre par des moyens non génétiques, plus particulièrement par

l’imitation ».]

Cela veut dire que tout ce qui est copié d’une personne à l’autre est un mème. Tout ce

que vous avez appris en le copiant de quelqu’un d’autre est un mème  ; chaque mot de notre

langage, chaque rengaine ou manière de parler. Toute histoire que vous avez déjà entendue,

toute chanson que vous connaissez est un mème. Le fait que l’on conduise la voiture à gauche

ou à droite, que l’on boive de la bière blonde, que l’on pense que les tomates séchées au soleil

sont avariées, que l’on mette un jean ou un tee-shirt pour travailler, sont des mèmes. Le style

de votre maison et de votre vélo, le tracé des routes dans votre ville et les couleurs des

autobus – tout ça sont des mèmes.

Il n’y a rien d’éthéré dans ces mèmes. Ce sont de vrais comportements et de vrais

artefacts qui remplissent nos vies. Ils sont tout ce qui est copié.

Nous pouvons constater qu’une grande partie de la culture est constituée de mèmes.

Toutefois il est facile de déborder en concevant toute expérience comme des mèmes mais ceci

nous berne. Nous avons besoin, au contraire, de nous référer à une définition claire. Le point

central du concept de mème est qu’il s’agit d’une information copiée d’une personne à une

autre. En outre beaucoup de ce qui se passe dans l’esprit de l’homme n’a rien à voir avec les

mèmes :

Page 83: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

1. La perception et la mémoire visuelle se passent des mèmes. On peut regarder

une belle scène ou goûter une nourriture délicieuse et s’en rappeler dans les

détails sans pour cela y impliquer des mèmes (à moins d’associer des mots à

cette expérience).

2. Ce ne sont pas tous les exercices d’apprentissage qui impliquent des mèmes.

Ce que vous apprenez tout seul dans des conditions classiques (associations),

ou par conditionnement opérant (tentatives et erreurs), se passe de mémétique.

Beaucoup d’autres créatures exercent ces processus et sont capables

d’apprentissage approfondi mais elles n’ont pas de mèmes, car elles ne peuvent

transférer ce qu’elles ont appris à une autre. Une capacité limitée d’imitation

peut exister chez les oiseaux, les dauphins, et probablement chez certains

primates. Les chimpanzés et les orangs-outans peuvent être capables de formes

très limitées d’imitation mais il n’y a que les hommes qui sont capables du

type d’imitation générale et très répandu qui rend possible un deuxième

« réplicant » et ainsi, mène à l’évolution mémétique.

Nous devons nous rappeler que ce nouveau type d’évolution ne s’effectue ni dans

l’intérêt des gènes ni dans celui des individus qui portent les mèmes, mais dans l’intérêt

exclusif des mèmes. Voilà pourquoi les mèmes, tout comme les gènes, sont dits « égoïstes ».

Les « réplicants » ne sont pas égoïstes dans le sens qu’ils auraient des désirs ou des intentions

comme peuvent en avoir les êtres humains — ça leur est impossible — ils sont seulement des

bits d’information, ou bien codés dans le DNA ou bien copiés par imitation. Ils sont égoïstes

dans le sens qu’ils seront copiés si l’occasion se présente à eux. Dans le cas des mèmes, ils

nous utiliseront pour se faire copier sans se préoccuper des effets qu’ils auront sur nous ou sur

nos gènes ou sur notre planète.

Nous pouvons maintenant commencer à parler du « point de vue du mème » et dans

cette perspective, la question importante est pourquoi certains mèmes survivent et sont copiés

dans de nombreux cerveaux ou objets fabriqués alors que beaucoup d’autres ne le sont pas. Le

principe général pourrait être conçu ainsi : Certains mèmes réussissent à se faire copier parce

qu’ils sont bons, utiles, vrais ou beaux, alors que d’autres le sont quand même bien qu’ils

soient faux et inutiles.

Page 84: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Du point de vue des mèmes, cela est sans rapport. Si un mème a l’occasion de survivre

et d’être répliqué, ça se produira. Généralement, nous les humains, nous essayons de

sélectionner les idées vraies plutôt que les fausses, les bonnes plutôt que les mauvaises ; après

tout, notre biologie nous a organisés pour ne faire que ça, mais nous le faisons d’une façon

imparfaite, et nous laissons toutes sortes d’opportunités à d’autres mèmes de se copier —

nous utilisant comme leur machine à se copier.

Examinons quelques exemples de mèmes égoïstes qui survivent bien, en dépit de leur

inutilité, leur fausseté et même leur nuisance. Le plus simple consiste en une série de phrases

virales qui s’autoreproduisent, de simples groupes de mèmes. Un groupe de mèmes qui

travaillent ensemble est appelé « complexe co-adapté de mèmes » ou « mèmeplexe ». Par

exemple, il y a le virus courant reçu par courriel qui vous presse de transmettre une mise en

garde urgente à tous vos amis. Ces messages souvent vous avertissent d’un danger bidon,

comme un virus qui détruira tout ce qui est contenu dans votre disque dur. Si vous les croyez

et transmettez le message, ce petit mèmeplexe peut continuer de se faire copier de nombreuses

fois. En fait, c’est le message lui-même qui est le virus. Non seulement ce type de virus

bouche-il complètement les systèmes, mais lorsque les personnes comprennent leur erreur,

elles envoient souvent de nouveaux messages disant à leurs amis précédemment contactés de

ne pas y croire, ce qui congestionne à nouveau le système. Certains de ces virus ont duré

pendant plus de cinq ans ou même plus encore.

La structure de base de ce type de virus est une instruction du type « copie-moi » qui

s’appuie sur des menaces et des promesses. Une structure analogue peut se trouver aussi dans

d’autres mèmeplexes encore plus importants. Par exemple, Dawkins utilise le Catholicisme

comme exemple d’un groupe de mèmes qui existe avec succès depuis des siècles, même s’il

est faux. Pendant la sainte messe, le vin est supposé se transformer littéralement en sang du

Christ. Ceci est de toute évidence un non-sens puisque le vin sent et goûte toujours pareil

comme avant et n’a d’aucune façon les caractéristiques du sang du Christ dans un test de

DNA. Malgré tout, des millions de personnes croient toujours ces prétentions, tout comme ils

croient au paradis et à l’enfer, dans un Dieu invisible et tout-puissant, au Christ née d’une

vierge et à la Sainte Trinité.

Page 85: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Pourquoi ? Une partie de la réponse est que ces mèmeplexes ont la même structure des

simples mèmes viraux. Mais la religion emploie aussi d’autres expédients mémétiques. L’idée

d’un Dieu nous séduit à cause de notre désir de comprendre nos origines et notre raison d’être

sur terre et d’avoir un être suprême qui nous protège. Si Dieu avait comme attribut la

visibilité, de toute évidence on verrait qu’il n’existe pas. On ruse alors en prétendant qu’il est

invisible. Dieu peut voir tous nos péchés et nous punira mais nous n’aurons la preuve de cela

qu’après notre mort. Et si l’on a la curiosité de vouloir vérifier les choses, on nous rappellera

que la foi est une bonne chose alors que poser des questions n’est pas bon (à l’opposé de ce

qui se passe en science). En outre les mèmes poussent à épouser un Catholique et à mettre au

monde de nombreux enfants dans la foi, ou de convertir les autres. En donnant son argent aux

pauvres on s’assure d’une meilleure place au paradis, tout comme en contribuant à la

construction et à l’entretien de grandes églises, de cathédrales et de monuments qui

inspireront d’autres porteurs de mèmes. Dans ce stratagème, l’argent et l’effort sont investis

en vue de propager les mèmes. Les mèmes nous font travailler à leur propagation.

Les mèmes comme la religion, les cultes, les manies et les thérapies inefficaces ont été

décrits comme des virus de l’esprit car ils infectent les personnes et exigent leurs ressources

en dépit de leur fausseté. Certains auteurs ont mis en exergue ces types pernicieux de mème et

ils ont même prétendu que tous les mèmes sont viraux. Toutefois, les mèmes peuvent varier à

l’intérieur d’une ample gamme. D’une manière générale, nous pouvons dire que certains

mèmes subsistent parce qu’ils sont bons, vrais, utiles ou beaux, alors que d’autres subsistent

même s’ils n’ont aucune de ce qualités.il y a des virus, les religions, les cultes, et les fausses

croyances. D’autres ne font que prétendre être bons ou utiles. D’un côté il y a les virus, les

religions, les cultes et les fausses croyances. De l’autre il y a nos plus précieux outils de survie

(tel notre langage, la technologie et les théories scientifiques). Sans les mèmes, nous ne

pourrions pas parler, écrire, jouir des contes et des chansons ou faire la plupart des choses que

nous associons à l’être humain. Les mèmes sont les instruments avec lesquels nous pensons et

notre esprit est une masse de mèmes.

Notez que les mèmeplexes qui se reproduisent avec succès n’ont pas été créés

intentionnellement par qui que ce soit mais seulement par le processus de sélection

mémétique. Vraisemblablement, d’innombrables mèmes compétitifs ont toujours existé —

que ce soit les religions, les théories politiques, les façons de guérir le cancer, les modes

vestimentaires ou les styles musicaux — l’important au sujet de l’évolution mémétique est

Page 86: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

que ceux qui nous submergent actuellement, sont ceux qui ont survécu dans la compétition à

se faire copier. Ils étaient dotés de ce qui leur était nécessaire pour être un bon « réplicateur ».

La théorie de la mémétique nous présente une manière totalement nouvelle concevoir

le monde, et tout particulièrement l’évolution humaine. Par exemple, elle nous fournit de

nouvelles explications aussi bien pour l’évolution de l’énorme cerveau humain que pour celle

du langage — tous deux difficilement explicables à partir de la simple hypothèse

évolutionniste.

La taille du cerveau humain est un curieux mystère. Coûteux à construire et à

entretenir, et périlleux à accoucher, sa grosseur est à la limite de ce que les gènes peuvent

fabriquer de viable. Comparativement aux grands singes, il est trois fois plus volumineux en

proportion du poids du corps. Mais pourquoi ? Les théories traditionnelles l’expliquent par les

avantages génétiques produisant une facilité accrue pour la chasse, ou pour l’habileté à

creuser, ou encore sa capacité de maintenir la cohésion de vastes groupes avec des habiletés

sociales complexes. La mémétique fournit une explication complètement différente.

Le moment décisif s’est produit avant la découverte des outils de l’âge de pierre et

l’expansion du cerveau, peut-être y a-t-il deux millions et demi d’années, lorsque les premiers

hominidés commencèrent à imiter. L’imitation authentique se produit lorsque l’habileté ou le

nouveau comportement d’un autre animal est copié. Ceci est difficile à faire et demande un

grand pouvoir cérébral. Son équivalent est plutôt rare dans le règne animal. Mais une fois

surgi, nous pouvons imaginer que nos premiers ancêtres imitèrent de nouvelles capacités

utiles à la chasse, à la cueillette et à la préparation de la nourriture, aussi bien qu’à allumer le

feu ou confectionner des vêtements.

En même temps que ces premiers mèmes se diffusèrent, il devint de plus en plus

important de pouvoir les acquérir. Ainsi les humains qui furent les meilleurs à imiter ont

prospéré. Les gènes qui leur ont donné cette habileté et les plus gros cerveaux en résultant, se

diffusèrent. Chacun devint meilleur à imiter, accroissant toujours davantage la grosseur du

cerveau.

Quand chacun commença à imiter, les mèmes furent libérés et purent commencer à

entrer en compétition entre eux pour être copiés. Parallèlement à certaines habiletés utiles

Page 87: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

comme allumer le feu, se diffusèrent aussi d’autres mèmes moins utiles comme la décoration

corporelle et d’autres plutôt coûteux comme par exemple l’énergique mais futile danse de la

pluie. Du point de vue des gènes les humains devaient être exigeants sur le genre de choses à

imiter  ; les gènes permettant une imitation sans discrimination étant éliminés. Mais comment

les gènes peuvent-ils s’assurer que leurs porteurs ne copient que les mèmes utiles lorsque les

mèmes changent continuellement ? Une bonne stratégie pourrait être de copier les meilleurs

imitateurs parce qu’ils sont tout probablement porteurs des versions fidèles des mèmes les

plus couramment utiles. Ceci donne une meilleure position aux meilleurs imitateurs, améliore

leurs chances de survie et ainsi aide à diffuser les gènes qui en ont fait de bons imitateurs —

les gènes pour imiter les danses de la pluie tout comme les habiletés utiles. Si cette évolution

mémétique va trop loin, les gènes répondront avec des améliorations dans l’imitation

sélective, mais leur réponse sera toujours subséquente à la compétition mémétique. De cette

façon, les mèmes tiennent toujours les rênes. Ceci est le processus que j’ai nommé « poussée

mémétique » : Les mèmes sont en concurrence entre eux et évoluent dans une direction. Les

gènes répondent ensuite en améliorant l’imitation sélective. Ceci conduit à accroître les

capacités cérébrales et le volume du cerveau.

Finalement, les gens ont avantage à s’accoupler avec les meilleurs imitateurs parce

que, dans l’ensemble, ils ont davantage d’habiletés à survivre. Cela signifie qu’une sélection

sexuelle, guidée par les mèmes, pourrait avoir joué un rôle dans la création de nos cerveaux

volumineux. En choisissant le meilleur imitateur pour s’accoupler, les femmes aident à

propager les gènes nécessaires pour copier les rituels religieux, les vêtements colorés, le

chant, la danse ou la peinture, selon la direction que l’évolution mémétique prend. Par ce

procédé, l’héritage de l’évolution mémétique passée s’emboîte dans nos structures mentales et

nous devenons des créatures musicales, artistiques ou religieuses. Nos volumineux cerveaux

sont des dispositifs d’imitation sélective construits par et pour les mèmes, autant que pour les

gènes.

L’origine du langage peut s’expliquer avec le même mécanisme. Les questions

concernant les origines et la fonction du langage ont été si controversées qu’à partir d’aussi

loin que 1866, la Société de Linguistique de Paris bannit toute ultérieure spéculation sur le

problème et aujourd’hui encore, il n’existe en général aucun consensus. Les théories les plus

populaires se rallient généralement à un probable avantage génétique. La théorie de la

« poussée mémétique »  se démarque puisqu’elle est basée sur l’avantage des mèmes.

Page 88: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

Pour comprendre son fonctionnement, nous devons nous demander quel type de

mèmes aurait le mieux survécu et se serait diffusé dans le groupe émergeant des mèmes de

nos premiers ancêtres ? La réponse générale pour tout « réplicateur » est ceux qui possèdent

une grande fidélité, fécondité, et longévité — en d’autres mots, ceux qui font de nombreuses

copies d’eux-mêmes, des copies soignées et durables.

Les sons peuvent être copiés par plus de gens en même temps que les gestes ou

d’autres actions physiques. Certains sons peuvent avoir été copiés plus soigneusement et plus

fréquemment que d’autres selon leurs significations ou selon les capacités auditives, vocales

ou mémorielle de chacun. Les sons eux-mêmes peuvent avoir des rôles concurrentiels quand à

leur signification et, dans cette compétition, les meilleurs « réplicateurs » auraient prospéré.

Les salves sonores hachées en mots détachés seraient copiées plus fidèlement puisque cette

forme de numérisation permettrait une reproduction plus efficace. L’utilisation de différents

agencements de mots [manières de parler] en diverses circonstances aurait ouvert de

nouveaux créneaux pour plus de mèmes. Dans cette compétition, les sons reproductibles avec

la plus haute qualité auraient submergé les plus pauvres.

Maintenant examinons l’effet sur les gènes. Les meilleurs imitateurs sont plus aptes à

survivre, obtiennent les meilleures positions et s’allient les meilleurs partenaires. Par

conséquent les gènes qui possèdent l’habileté d’imiter les sons « gagnants » se multiplient

dans leur groupe. Je propose que, à travers ce procédé, ces sons aient graduellement poussé

les gènes à créer un cerveau spécialement habile à les copier. Le résultat fut la capacité

humaine d’élaborer le langage. Celle-ci fut conçue par la compétition mémétique et la

coévolution mèmes-gènes.

L’ensemble du processus de « poussée mémétique » est un exemple de « réplicateurs »

coévoluant avec leur « machinerie à copier ». Tout comme le DNA a dû jadis évoluer

parallèlement avec son appareillage cellulaire de reproductions, les mèmes ont coévolué avec

les cerveaux humains qui les ont copiés. Mais l’imitation humaine peut être imprécise.

Contrairement au processus d’imitation chez les autres espèces, l’imitation humaine est

nettement suffisante pour soutenir l’évolution mémétique, mais il y a beaucoup de place pour

l’amélioration. Ainsi nous pourrions nous attendre à ce qu’un meilleur appareillage de copie

soit apparu — comme ce fut le cas. Du crayon à l’imprimerie, du téléphone au fax et des

Page 89: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

ordinateurs à l’Internet, les machines à copier se sont améliorées et davantage de mèmes sont

en train de se répandre de plus en plus rapidement.

Prenons un exemple simple : l’invention du fax. Quand les fax devinrent disponibles,

les gens ont réalisé qu’ils pourraient s’échanger l’information plus rapidement. Ils se sont

donc acheté un fax. Cela les encouragea à envoyer plus de messages fax et encouragea leurs

amis et collègues à s’acheter un fax aussi. Les mèmes envoyés et les machines qui les

copiaient se sont multipliés ensemble — et vu que les messages fax se rendaient plus

rapidement que les lettres, tout le processus des échanges mémétiques s’est accéléré. Ce

même procédé eut lieu avec l’Internet. Une fois le courriel rendu possible, de plus en plus de

gens l’ont demandé… et ils envoyèrent de plus en plus de messages. « L’info-sphère » se

répandit rapidement.

De notre point de vue, nous avons pensé que l’Internet était une merveilleuse

technologie que nous avions créée pour notre plaisir et pour nous faciliter la vie. Du point de

vue des mèmes, nous les humains, nous sommes les machines mémétiques primitives qui les

ont aidé à créer de meilleures machines mémétiques au profit des mèmes eux-mêmes. Quand

on voit un bureau plein de gens esclaves du déluge des mèmes avec lesquels ils doivent traiter

— tapant des données à la journée longue — se dépêchant en vue de traiter encore davantage

de données — on peut raisonnablement se demander pour qui fait-on tout cela. Selon la

mémétique, tout ceci est un vaste processus évolutionniste qui se déroule au profit de la

reproduction des mèmes. L’explosion d’information à laquelle nous assistons n’est que ce à

quoi nous devrions nous attendre.

----------

Un des intérêts particuliers de la mémétique est qu’elle considère la créativité humaine

comme une nouvelle forme que prend l’évolution. C’est-à-dire, tout comme le monde

biologique fut projeté par la compétition entre les gènes, le monde culturel est projeté par la

compétition entre les mèmes. Dans les deux cas il n’existe ni planificateur, ni plan, ni projet

dans l’esprit d’un créateur. Il n’y a pas de Dieu qui nous a projetés, tout comme il n’y a pas de

« moi » qui a projeté de cultiver « mon » jardin, d’écrire « mes » livres ou de créer « mes »

tableaux. Il peut nous sembler qu’il en est ainsi mais c’est seulement une illusion.

Du point de vue de la mémétique les plans et les projets dérivent de nouveaux mèmes

provenant de la « recombinaison » d’anciens mèmes. Toute la créativité consiste en cela : la

Page 90: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

sélection créative le « réemploi » et la « recombinaison » des choses qui se sont déjà produites

auparavant.

----------

Pour terminer, la mémétique a des implications sur notre propre nature. Selon Dennett,

une personne est « une forme particulière de singe infestée de mèmes ». Nous recueillons tous

d’innombrables mèmes du début à la fin de notre vie et ceux-ci (tout comme nos gènes et le

milieu dans lequel nous vivons) font de nous les individus uniques que nous sommes. Mais

n’existe-t-il pas un réel « soi » qui a une conscience et un libre arbitre ? Je dirais non. Le

« soi » n’est qu’un mot autour duquel les mèmes se greffent. Tous les types de mèmes

profitent du fait que nous ayons la fausse idée du « soi-même » ancrée en nous. Ainsi, le

concept du « soi » n’est qu’un mèmeplexe compliqué, créé par et pour les mèmes eux-mêmes,

et destiné à assurer leur propre protection et multiplication.

Comment alors pouvons-nous vivre nos vies avec l’idée réductrice que nous ne

sommes que des « mèmeplexes »? Certains philosophes ont soutenu qu’il ne pourrait en

résulter qu’un inutile fanatisme ou une terrible dépression. En réalité il est possible

d’abandonner l’idée d’un « soi » intérieur et de vivre simplement sa vie avec l’idée que c’est

« une mèmeplexe ». Assez étrangement, cela ne semble pas rendre les personnes pires ou plus

misérables, mais plutôt être comme une sorte de libération. Dawkins conclut son livre « The

selfish gene » ainsi : « Nous sommes les seuls sur terre à pouvoir nous rebeller contre la

tyrannie des ‘réplicants égoïstes’ ». Je dirais plutôt que nous sommes des « machines à

mèmes » créées par et pour les ‘réplicants égoïstes’ que sont les mèmes. Notre seule vraie

liberté ne se réalise pas lorsque nous nous rebellons contre la tyrannie des ‘réplicants égoïstes’

mais au contraire, lorsque nous réalisons qu’il n’y a personne contre qui se rebeller. Ã18[1] Traduit de « The Evolution of Meme Machines », essai présenté au Congrès International sur l’Ontopsychologie et la Mémétique, Milan 18-21 mai 2002.

Bibliographie R. A. Aunger, (Ed) (2000) Darwinizing Culture: The Status of Memetics as a Science, Oxford University PressS. J. Blackmore, (1999) The Meme Machine, Oxford, Oxford University PressR. Dawkins, (1976) The Selfish Gene Oxford, Oxford University Press (new edition with additional material, 1989) D. Dennett, (1995) Darwin’s Dangerous Idea, London, Penguin

18

Page 91: les incitations à la violence sexistesab00n.free.fr/disk%20dur/Mes%20documents/2007-2008/st%E... · Web viewL’insulte salit et rabaisse celle qui en est l’objet. Elle la réduit

19[2] Afin de le rendre plus clair et plus fidèle à l’esprit de l’auteur, (si tant est que ça puisse être possible), j’ai vérifié et légèrement modifié le texte français de la traduction initiale de M. Pascal Jouxtel. Mais vous trouverez sa nouvelle excellente traduction à cet URL :http://www.susanblackmore.co.uk/Conferences/OntopsychFr.htm. Merci M. Jouxtel pour votre gracieuse collaboration.

19