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INT J TUBERC LUNG DIS 18(2):128–133 © 2014 The Union PERSPECTIVE [Traduction de l’article : « Chronic inactive pulmonary tuberculosis and treatment sequelae: chest radiographic features » Int J Tuberc Lung Dis 2014; 18(2): 128–133. http://dx.doi.org/10.5588/ijtld.13.0360] La tuberculose pulmonaire chronique inactive et les séquelles du traitement : caractéristiques de la radiographie pulmonaire A. Hicks,* S. Muthukumarasamy, D. Maxwell, D. Howlett * Department of Respiratory Medicine and Allergy, Kings College London, London, Department of Radiology, Eastbourne District General Hospital, Eastbourne, Department of Respiratory Medicine, Eastbourne District General Hospital, Eastbourne, UK Auteur pour correspondance : Alexander Hicks, Department of Respiratory Medicine and Allergy, Kings College London, Guy’s Hospital, Great Maze Pond, London SE1 9RT, UK. Tel: (+44) 207 188 1943. Fax: (+44) 207 403 8640. e-mail: [email protected] La radiographie pulmonaire est un outil clé dans le diagnostic initial des problèmes pulmonaires, notamment la tu- berculose (TB). Grâce aux antituberculeux, la TB peut être traitée efficacement et les modifications radiologiques sont donc généralement limitées. Cependant, les antituberculeux n’ont pas toujours été disponibles et dans certains cas n’ont pas été mis en œuvre assez tôt dans le cours de la maladie. Dans ce cas, l’infection a pris le dessus et a causé des dommages radiologiques visibles tels que des calcifications et une fibrose. Avant l’utilisation des antituberculeux, différentes techniques chirurgicales ont été utilisées fin de contrôler l’infection pulmonaire, comme la collapsothéra- pie par différentes substances, l’écrasement du nerf phrénique et la thoracoplastie. Chacun de ces traitements avait une traduction radiologique particulière. Cet article vise à décrire les signes radiologiques de la maladie chronique et de leur traitement chirurgical parce que leur rareté croissante au fil du temps peut compliquer leur interprétation. Ce- pendant, avec l’augmentation de l’espérance de vie et la survenue de résistances aux antibiotiques qui relance leur uti- lisation, la reconnaissance des signes radiologiques demeure importante. MOTS-CLÉS : chirurgie thoracique ; plombage ; oleothorax ; Ghon LA TUBERCULOSE (TB) est l’un des plus anciens fléaux de l’humanité et le séquençage du génome suggère qu’un ancêtre précoce de la TB était présent il y a 3 millions d’années, chez les premiers homini- dés d’Afrique de l’Est. 1 Des preuves historiques ulté- rieures du fléau de la TB au fil des siècles incluent des signes sur les squelettes chez des momies égyp- tiennes âgées de 5000 ans et des documents écrits émanant d’Inde et de Chine il y a respectivement 3300 et 2300 ans. 2 Au cours du XIXe siècle, la mala- die avait atteint des proportions épidémiques, avec environ une personne sur quatre en Europe et en Amé- rique du Nord mourant de TB. 2 A cette époque, le traitement était relativement basique et inefficace, les patients confinés en sanato- rium pour un traitement basé sur le repos au lit et le bon air. La compréhension du processus de la maladie a fait un progrès significatif en 1882 quand Robert Koch a identifié Mycobacterium tuberculosis comme agent causal. 3 Dès le début du XXe siècle, l’incidence de la TB a commencé à chuter. 2 Les raisons de ce dé- clin sont complexes, mais incluent probablement un degré de sélection génétique, amenant une immunité RÉSUMÉ AH et SM ont contribué de manière équivalente à la rédaction de cet article. de groupe, et une amélioration des conditions de vie. 4 A cette époque, le traitement continuait à être basé sur l’admission en sanatorium, qui montrait quel- ques preuves d’efficacité. 5 Les procédures chirurgica- les étaient également préconisées comme méthode de fermeture des cavités et de négativation des crachats. Ces procédures incluaient une large gamme de tech- niques, comme le pneumothorax provoqué, l’écrase- ment du nerf phrénique, la thoracoplastie, le plom- bage et l’oléothorax. Ces techniques apportaient une certaine amélioration, 2 et certains patients de cette époque continuent à se présenter à l’hôpital avec toute une gamme de signes radiologiques. Les options thérapeutiques ont connu un dévelop- pement spectaculaire au milieu du XXe siècle avec la découverte des médicaments antituberculeux, ini- tialement la streptomycine en 1944, aboutissant à l’étude randomisée pionnière réalisée par le Profes- seur Bradford-Hill. 6 Ce médicament a été suivi par l’isoniazide (INH) en 1952, 7 et la rifampicine (RMP) plus tard au cours de cette décennie. Ces agents phar- macologiques efficaces ont significativement réduit le recours à la chirurgie et les taux de TB ont régulière- ment diminué. Il a même été suggéré dans les années 1960 que la TB pourrait être éradiquée. Ceci ne s’est manifestement pas produit et en 2012, le rapport de

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INT J TUBERC LUNG DIS 18(2):128–133© 2014 The Union

PERSPECTIVE

[Traduction de l’article : « Chronic inactive pulmonary tuberculosis and treatment sequelae: chest radiographic features » Int J Tuberc Lung Dis 2014; 18(2): 128–133. http://dx.doi.org/10.5588/ijtld.13.0360]

La tuberculose pulmonaire chronique inactive et les séquelles du traitement : caractéristiques de la radiographie pulmonaire

A. Hicks,* S. Muthukumarasamy,† D. Maxwell,‡ D. Howlett†

* Department of Respiratory Medicine and Allergy, Kings College London, London, † Department of Radiology, Eastbourne District General Hospital, Eastbourne, ‡ Department of Respiratory Medicine, Eastbourne District General Hospital, Eastbourne, UK

Auteur pour correspondance : Alexander Hicks, Department of Respiratory Medicine and Allergy, Kings College London, Guy’s Hospital, Great Maze Pond, London SE1 9RT, UK. Tel: (+44) 207 188 1943. Fax: (+44) 207 403 8640. e-mail: a [email protected]

La radiographie pulmonaire est un outil clé dans le diagnostic initial des problèmes pulmonaires, notamment la tu-

berculose (TB). Grâce aux antituberculeux, la TB peut être traitée effi cacement et les modifi cations radiologiques

sont donc généralement limitées. Cependant, les anti tuberculeux n’ont pas toujours été disponibles et dans certains

cas n’ont pas été mis en œuvre assez tôt dans le cours de la maladie. Dans ce cas, l’infection a pris le dessus et a causé

des dommages radiologiques visibles tels que des calcifi cations et une fi brose. Avant l’utilisation des antituberculeux,

différentes techniques chirurgicales ont été utilisées fi n de contrôler l’infection pulmonaire, comme la collapsothéra-

pie par différentes substances, l’écrasement du nerf phrénique et la thoracoplastie. Chacun de ces traitements avait

une traduction radio logique particulière. Cet article vise à décrire les signes radio logiques de la maladie chronique et

de leur traitement chirurgical parce que leur rareté croissante au fi l du temps peut compliquer leur interprétation. Ce-

pendant, avec l’augmentation de l’espérance de vie et la survenue de résistances aux antibiotiques qui relance leur uti-

lisation, la reconnaissance des signes radiologiques demeure importante.

M O T S - C L É S : chirurgie thoracique ; plombage ; oleothorax ; Ghon

LA TUBERCULOSE (TB) est l’un des plus anciens fl éaux de l’humanité et le séquençage du génome suggère qu’un ancêtre précoce de la TB était présent il y a 3 millions d’années, chez les premiers homini-dés d’Afrique de l’Est.1 Des preuves historiques ulté-rieures du fl éau de la TB au fi l des siècles incluent des signes sur les squelettes chez des momies égyp-tiennes âgées de 5000 ans et des documents écrits émanant d’Inde et de Chine il y a respectivement 3300 et 2300 ans.2 Au cours du XIXe siècle, la mala-die avait atteint des proportions épidémiques, avec environ une personne sur quatre en Europe et en Amé-rique du Nord mourant de TB.2

A cette époque, le traitement était relativement basique et ineffi cace, les patients confi nés en sanato-rium pour un traitement basé sur le repos au lit et le bon air. La compréhension du processus de la maladie a fait un progrès signifi catif en 1882 quand Robert Koch a identifi é Mycobacterium tuberculosis comme agent causal.3 Dès le début du XXe siècle, l’incidence de la TB a commencé à chuter.2 Les raisons de ce dé-clin sont complexes, mais incluent probablement un degré de sélection génétique, amenant une immunité

R É S U M É

AH et SM ont contribué de manière équivalente à la rédaction de cet article.

de groupe, et une amélioration des conditions de vie.4 A cette époque, le traitement continuait à être basé sur l’admission en sanatorium, qui montrait quel-ques preuves d’effi cacité.5 Les procédures chirurgica-les étaient également préconisées comme méthode de fermeture des cavités et de négativation des crachats. Ces procédures incluaient une large gamme de tech-niques, comme le pneumothorax provoqué, l’écrase-ment du nerf phrénique, la thoracoplastie, le plom-bage et l’oléothorax. Ces techniques apportaient une certaine amélioration,2 et certains patients de cette époque continuent à se présenter à l’hôpital avec toute une gamme de signes radiologiques.

Les options thérapeutiques ont connu un dévelop-pement spectaculaire au milieu du XXe siècle avec la découverte des médicaments antituberculeux, ini-tialement la streptomycine en 1944, aboutissant à l’étude randomisée pionnière réalisée par le Profes-seur Bradford-Hill.6 Ce médicament a été suivi par l’isoniazide (INH) en 1952,7 et la rifampicine (RMP) plus tard au cours de cette décennie. Ces agents phar-macologiques effi caces ont signifi cativement réduit le recours à la chirurgie et les taux de TB ont régulière-ment diminué. Il a même été suggéré dans les années 1960 que la TB pourrait être éradiquée. Ceci ne s’est manifestement pas produit et en 2012, le rapport de

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l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sur le fl éau de la TB a fait état d’une incidence mondiale de 8,7 millions de cas en 2011, avec un total de 1,4 mil-lion de décès associés.8 Ces cas frappent principale-ment l’Inde, la Chine et l’Afrique sub-saharienne. Parmi ces cas, 310.000 étaient des TB multirésistantes (TB-MDR, défi nies comme une résistance au moins à l’INH et à la RMP).8

La TB pharmaco résistante a été rapportée dans les années 1940, mais en raison des systèmes de soins de santé chaotiques et d’une adhésion médiocre au traitement dans de nombreuses régions du monde, la TB-MDR augmente, ce qui a amené au moins en par-tie l’OMS à déclarer une urgence sanitaire mondiale en 1993.9 La TB-MDR pose des défi s signifi catifs en matière de soins de santé et le traitement antitubercu-leux standard, qui a été le pilier thérapeutique, n’a plus qu’un taux d’effi cacité de 48% dans ces cas.8 De-vant l’expansion de la TB ultra-résistante, un nombre limité de traitements chirurgicaux a à nouveau été en-visagé dans des cas individuels afi n de lutter contre l’augmentation et les progrès de la maladie.10,11

BUT

Cet article vise à fournir un guide des signes radiolo-giques vus soit en cas de TB chronique inactive, soit en cas de conséquences à long terme du traitement chirurgical. Bien qu’ils ne soient pas forcément spéci-fi ques à la TB, ils constituent une aide utile au dia-gnostic, surtout dans un contexte de ressources limi-tées où l’on ne dispose pas toujours d’imagerie plus élaborée. Grâce à la disponibilité de traitements anti-tuberculeux effi caces au cours des 60 dernières années, la majorité des signes radiologiques les plus étendus a été perdue, ce qui rend leur interprétation plus diffi -cile pour des médecins moins expérimentés. Cepen-dant, en raison du vieillissement de la population, d’une immigration accrue émanant de pays à risque élevé et d’une résistance croissante aux médicaments antituberculeux, ce type d’images est encore observé et doit être interprété avec exactitude. Un accent par-ticulier sera mis sur les conséquences radiologiques de la chirurgie, étant donné leur relative rareté hors des centres spécialisés au cours des dernières années.

Radiologie de la tuberculose chronique inactive Foyer de Ghon calcifi éUn foyer de Ghon est une lésion pulmonaire où l’in-fection et la consolidation sont à l’origine survenues après une infection tuberculeuse chez un individu im-munocompétent.12 Cette zone d’infl ammation granu-lomateuse est classiquement décrite soit dans la partie inférieure du lobe supérieur, soit dans la partie supé-rieure du lobe inférieur. Cependant, les études sem-blent suggérer qu’il n’y a pas de prédominance régio-nale en dehors d’une apparition plus fréquente dans le poumon droit.13,14 Il peut se développer davantage

avec une zone de nécrose centrale et s’étendre aux ganglions locaux (complexe de Ghon). Finalement, sans traitement, la zone devient fi breuse et calcifi ée, et est appelée à ce stade complexe de Ranke (Figure 1, également visible sur la Figure 2 comme l’indiquent les fl èches). Ce sont des foyers de Simon, c’est-à-dire des nodules apicaux, souvent calcifi és, qui résultent également de l’infection initiale suivant une diffusion hématogène.15

Calcifi cation parenchymateuseLes calcifi cations parenchymateuses (Figure 2) ap-paraissent quand le granulome original consécutif à

Figure 1 Un foyer de Ghon calcifi é (fl èche) vu dans la périphé-rie de la zone gauche moyenne et des adénopathies hilaires cal-cifi ées, également appelées complexe de Ranke.

Figure 2 A) Calcifi cations bilatérales apicales et B) hilaires droites ; C) foyers apicaux nodulaires de calcifi cations de Simon résultant d’une infection initiale suivant une propagation hé-matogène. Il y a également des signes de perte de volume du lobe supérieur vus chez ce patient de 78 ans.

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l’infection guérit et, dans 20–30% des cas, se calci-fi e.16 Ce processus peut survenir dans n’importe quel endroit du corps où se forme un granulome et il n’est pas limité aux poumons.

Calcifi cation pleuraleLes calcifi cations pleurales (Figure 3) de la TB attei-gnent généralement la plèvre viscérale et surviennent après disparition de l’empyème (la persistance d’une maladie active est probable chaque fois qu’il reste du liquide au sein des couches calcifi ées). La calcifi cation peut avoir un aspect de plume ou de dentelle, ou être linéaire quand elle se trouve autour d’une effusion enkystée ou empyème. La décalcifi cation peut surve-nir si l’infection redevient active. La calcifi cation du diaphragme est vue plus souvent en cas d’exposition à l’amiante ; il faut cependant envisager la possibilité de coexistence de la TB avec une asbestose.17 La cal-cifi cation peut être bilatérale, mais elle est générale-ment unilatérale. Le diagnostic différentiel de toute calcifi cation pleurale devrait inclure l’exposition à l’amiante, un hémothorax préalable et d’autres infec-tions à l’origine d’empyème. Des degrés variés de cal-cifi cation peuvent être observés (Figure 3). Cependant, ils ne représentent pas forcément l’impact clinique sur le patient, car ces calcifi cations resteront souvent asymptomatiques en dépit de modifi cations étendues à la radiographie.

Calcifi cation péricardiqueDes calcifi cations péricardiques peuvent également apparaitre, soit comme le résultat d’une infection anergique primaire, ou à la suite de la rupture d’adé-nopathies médiastinales étroitement associées (Fi-gure 4). Le degré d’impact clinique de cette calcifi ca-

tion varie, mais comme les deux couches du péricarde sont atteintes, de multiples adhérences peuvent se former, aboutissant à une péricardite constrictive im-portante.17 La tomodensitométrie peut accroitre le taux de diagnostic. L’échocardiogramme est souvent utile pour quantifi er le degré de fi brose et d’adhérence qui sont apparues, refl étant ainsi l’impact symptoma-tique probable.

FibroseLe processus naturel de guérison de la TB aboutit à des modifi cations fi breuses à mesure que les granulo-mes originaux sont remplacés par du tissu fi breux pulmonaire plus mature (Figure 5). Cet effet cica-trisant peut induire un aspect fi brotique à la radio-graphie. La cicatrisation peut être extrême, ce qui fait de la TB la cause non-infl ammatoire la plus fréquente

Figure 3 Calcifi cations pleurales extensives ressemblant à une plaque dans l’hémithorax gauche avec perte de volume asso-ciée. Les modifi cations sont secondaires à une pleurite due à un empyème tuberculeux.

Figure 4 Calcifi cations péricardiques denses chez une femme de 96 ans avec une tuberculose préalable résultant d’une infec-tion anergique ou d’une rupture d’adénopathies médiastinales étroitement associées.

Figure 5 Fibrose apicale bilatérale et épaississement pleural avec une élévation des deux hiles chez un homme de 60 ans avec une tuberculose préalable.

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de sténose bronchique.18 Chez des patients qui ont une fi brose pulmonaire idiopathique préexistante, le risque de développer une TB est quatre fois plus élevé. Ces cas peuvent également constituer un défi diagnos-tique, car ils sont plus susceptibles d’avoir une appa-rence nodulaire atypique qui imite les signes radio-logiques associés à la malignité.19

Modifi cations cavitaires dans la maladie chronique La TB pulmonaire aigüe induit la formation de cavi-tés pulmonaires dans environ 40–45% des cas dans la phase post-primaire.20 L’apparition des cavités est sans rapport avec le diagnostic, avec à la fois des pa-rois lisses et fi nes et des parois nodulaires épaisses.15 Des boules fongiques (ou bactériennes) (Figure 6) dé-couvertes dans des cavités préexistantes dans le pou-mon sont souvent appelées mycétomes. Bien que des boules fongiques puissent se développer dans n’im-porte quelle cavité, les séries de cas ont montré que la morbidité et la mortalité étaient plus élevées en cas de cavités dues à la TB à cause du risque majoré d’hé-morragie.21 Il faut également envisager la possibilité de malignité et de réactivation de la maladie.

Modifi cations chirurgicalesAvant le développement de la chimiothérapie ciblant spécifi quement Mycobacterium tuberculosis dans les années 1940, la chirurgie a été largement utilisée dans le traitement de la TB pulmonaire. Le but théra-peutique était d’obtenir un collapsus du poumon afi n de réduire l’environnement aérobie nécessaire à la croissance des bactéries. Une grande variété de tech-niques a été utilisée dans la première moitié du XXe siècle. Quelques techniques, comme la pneumonecto-mie ou la lobectomie, sont en voie de réintroduction pour la TB pharmacorésistante, mais d’autres tech-niques peuvent encore être vues occasionnellement chez les personnes les plus âgées de la population pré-sentant des problèmes pulmonaires. Ces signes peu-vent souvent être initialement reconnus par les clini-ciens ou les radiologues sur les radiographies ; nous présentons ci-dessous des cas avec lesquels le clini-cien devrait être familier.

Pneumothorax artifi cielEn 1880, le médecin français Emile Toussaint a constaté les effets bénéfi ques du pneumothorax spon-tané chez des patients tuberculeux. Inspiré par ceci, Carlo Forlanini a été le premier à décrire une mé-thode d’introduction du pneumothorax artifi ciel dans un but thérapeutique en 1888.22 Sa technique impli-quait de faire pénétrer de l’azote dans la cavité tho-racique grâce à une pleurocentèse et de collaber le poumon en l’absence d’adhérences pleurales. Cette méthode est vite devenue populaire, et dans les années 1940, les patients étaient suivis pendant plusieurs an-nées pour évaluer la progression de la maladie, avec traitement de recharge au besoin. Les signes radiolo-giques de cette procédure tombée en désuétude sont souvent inapparents, et la majorité des pneumothorax iatrogènes ont disparu dans la cohorte actuelle de pa-tients se présentant à l’hôpital.

Ecrasement du nerf phrénique L’avulsion ou l’écrasement du nerf phrénique a été décrite par Stuertz en 1911, quand il a eu recours à cette méthode pour traiter une TB du lobe inférieur. Les résultats ont été variables et cette méthode a sou-vent été utilisée comme adjuvant d’un pneumothorax ou d’un pneumopéritoine artifi ciel et d’une thoraco-plastie.23 Les effets résiduels d’une blessure du nerf phrénique peuvent durer de 6 mois à 2 ans et de fa-çon permanente dans 20% des cas (Figure 7).24

ThoracoplastieLa thoracoplastie a été utilisée pour réduire le volume de l’hémithorax et, dans le cas de la TB, pour compri-mer les cavités pulmonaires (Figure 8). Elle a souvent été réalisée en deux étapes impliquant de multiples résections des côtes, qui permettaient un collapsus pulmonaire, et l’apposition de la plèvre viscérale et

Figure 6 Cavité à parois épaisses dans l’apex droit, avec un croissant aérique autour d’une boule fongique à aspergillus, conforme à un mycétome.

Figure 7 Un patient de 75 ans avec des antécédents de para-lysie du nerf phrénique bilatéral. On voit le faible volume pul-monaire alors que le cliché est en inspiration forcée. Des calcifi -cations intrapulmonaires bilatérales étendues sont conformes à des antécédents de tuberculose.

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pariétale. En 1925, John Alexander, qui souffrait lui-même de TB spinale, a développé la technique utilisée de nos jours pour la thoracoplastie. Une procédure en deux étapes impliquait souvent la résection d’un maximum de cinq côtes, tandis qu’une procédure en trois étapes allait jusqu’à la résection de huit côtes, en fonction du degré de collapsus requis.25

PlombageLa technique de plombage a émané de techniques e xtrapleurales et extrafasciales visant à induire un collapsus pulmonaire (Figure 9). Plombe est un mot danois signifi ant « joint de plomb ». Avant cette tech-nique, divers matériaux comme l’huile, la graisse, le sang et la paraffi ne ont été utilisés. En 1945, Wilson

et al. ont utilisé des sphères de méthyle méthacrylate insérées dans l’espace extrapleural. Elles étaient sem-blables à des balles de ping-pong et étaient insérées dans des sacs en plastique pour éviter leur migration. Cette procédure était souvent réalisée en une seule fois et pouvait être utilisée des deux côtés. Elle bénéfi -ciait souvent aux patients trop malades pour envisa-ger une thoracoplastie.26

La première indication d’un plombage est une ca-vité apicale < 4 cm. Des complications tardives peu-vent survenir en cas de plombage, qui peuvent être évidentes en imagerie. Ce sont notamment une infec-tion (dont la tuberculose), une cancérisation autour du site de plombage (notamment de nature sarcoma-teuse), ainsi qu’un effet de masse locale dû à la migra-tion de la balle et pouvant à son tour entrainer des complications comme une obstruction de la veine cave supérieure, une irritation du plexus brachial et une fi stule bronchopleurale et cutanée.26

OléothoraxL’oléothorax était une méthode d’expansion théra-peutique qui impliquait une injection d’huile intra- ou extra-pleurale, généralement de la paraffi ne ou une huile minérale. La procédure était censée être effi cace pendant 18–24 mois, l’huile étant ensuite retirée. Ce-pendant, la majorité des patients restait asymptoma-tique et le retrait de l’huile n’était pas fait. Cette pro-cédure a été largement abandonnée dans les années 1950.27 La Figure 10 montre un oléothorax de l’es-pace pleural gauche et des calcifi cations pleurales vi-sibles à droite, probablement un résultat d’un em-pyème préalable.

CONCLUSION

Devant une population vieillissante et la survenue de la TB-MDR, cet article revisite les signes visibles sur les radiographies pulmonaires montrant à la fois

Figure 8 Une thoracoplastie unilatérale chez une femme de 90 ans. On voit également des calcifi cations parenchymateuses droites hautes typiques d’antécédents de tuberculose.

Figure 9 Un patient de 76 ans avec un antécédent de procé-dure de plombage unilatéral pour la tuberculose.

Figure 10 Oléothorax du côté gauche. Le côté droit dé-montre des antécédents de pleurite secondaire à un empyème tuberculeux.

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une TB pulmonaire chronique inactive et les séquelles du traitement. Les manifestations de cette maladie sont variables et les cliniciens et les radiologues devraient en être conscients, surtout dans une population âgée chez qui on peut encore observer des signes résiduels de procédures chirurgicales historiques. Enfi n, le far-deau de la tuberculose est aggravé dans le monde en-tier par la pharmacorésistance aux antituberculeux.

Confl it d’intérêt : aucun confl it déclaré.

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