julien gracq l'attente

342
! " #$ % & % ' ()' *+,,- !"#$ %& ' ())* '+ $! , -./ 0 / "1 ( / 0 / $ + ( 23/ 0 / $ + ( 4 '+5 , 63./ 0 / (

Upload: mikiman-miki

Post on 02-Jan-2016

75 views

Category:

Documents


0 download

DESCRIPTION

Julien Gracq l'Attente

TRANSCRIPT

Page 1: Julien Gracq l'Attente
Page 2: Julien Gracq l'Attente
Page 3: Julien Gracq l'Attente
Page 4: Julien Gracq l'Attente
Page 5: Julien Gracq l'Attente
Page 6: Julien Gracq l'Attente
Page 7: Julien Gracq l'Attente

Au terme de cette recherche, je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à Monsieur leProfesseur Jean-Yves Debreuille pour sa direction attentive et bienveillante. Qu'il soit vivementremercié pour avoir accepté l'accompagnement de cette recherche, pour l'avoir soutenue par sesencouragements et pour l'avoir enrichie de ses conseils et de ses remarques toujours stimulantes.Cette thèse n'aurait pas davantage vu le jour sans le travail de recherche antérieur réalisé encollaboration avec Jean-Pierre Gerfaud, au cours duquel ont pu se préciser et se formuler uncertain nombre d'hypothèses sur l'œuvre littéraire et sur le rapport entre littérature et culture: qu'iltrouve ici l'expression de ma gratitude. Mes remerciements vont enfin à mon épouse qui m'aaccompagné tout au long de ce travail et qui a rendu moins austère l'effort de sa relecture…

Page 8: Julien Gracq l'Attente
Page 9: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Page 10: Julien Gracq l'Attente
Page 11: Julien Gracq l'Attente
Page 12: Julien Gracq l'Attente
Page 13: Julien Gracq l'Attente
Page 14: Julien Gracq l'Attente
Page 15: Julien Gracq l'Attente
Page 16: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Page 17: Julien Gracq l'Attente
Page 18: Julien Gracq l'Attente

"en ce sens, l'interprétation «rapproche», «égalise», rend «contemporain etsemblable», ce qui est véritablement rendre propre ce qui d'abord était étranger.Mais, surtout, en caractérisant l'interprétation comme appropriation, on veutsouligner le caractère «actuel» de l'interprétation: la lecture est commel'exécution d'une partition musicale; elle marque l'effectuation, la venue à l'acte,

Page 19: Julien Gracq l'Attente

36

37

des possibilités sémantiques du texte. Ce dernier trait est le plus important car ilest la condition des deux autres: victoire sur la distance culturelle, fusion del'interprétation du texte à l'interprétation de soi-même. En effet, ce caractèred'effectuation, propre à l'interprétation, révèle un aspect décisif de la lecture, àsavoir qu'elle achève le discours du texte dans une dimension semblable à cellede la parole."" 36

"Tension entre les éléments de l'œuvre d'art, au lieu d'être un simple existant suigeneris, l'esprit de l'œuvre d'art – tout comme, par conséquent, l'œuvre d'artelle-même – est un processus. Comprendre l’œuvre signifie appréhender ceprocessus. […] En dégageant l’esprit des configurations des œuvres et enconfrontant les moments les uns aux autres, et également à l’esprit apparaissanten elles, la critique s’approche de la vérité par-delà la configuration esthétique" 37

.

Andreea
Highlight
Page 20: Julien Gracq l'Attente
Page 21: Julien Gracq l'Attente
Page 22: Julien Gracq l'Attente
Page 23: Julien Gracq l'Attente
Page 24: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 25: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 26: Julien Gracq l'Attente

54

55

"les stations du train enchanté qu’était pour moi chaque année le wagon qui nousemmenait à Pornichet, leur liste connue par cœur, immuable comme une litanie,donnaient à ce chemin de plaisir, dans la gradation de l’attente progressivementcomblée, une solennité qui n’était guère inférieure pour l’enfance à ce que peutêtre, dans la gradation de l’angoisse, celle des stations d’un chemin de croix."54

"Et lorsque Heide et Albert arrivent au bord des parapets de pierre, voici qu'uneémotion bizarre les étreint au même instant. Comme baignées de la lueur d'unerampe, les têtes rondes des arbres émergent partout des abîmes, serrées ensilence, venues des abîmes du silence autour du château comme un peuple quis'est rassemblé, conjuré dans l'ombre, et attend que les trois coups résonnentsur les tours du manoir. Cette attente muette, obstinée, immobile, étreint l'âmequi ne peut pas ne pas répondre à cet insensé, ce merveilleux espoir." 55

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 27: Julien Gracq l'Attente

59

61

"Les rayons du soleil descendant au milieu de l’autel vide et désolé, le son deslourdes gouttes d’eau sur les dalles, l’obscurité humide du lieu, le chant del'oiseau par la brèche de la voûte, plus perçant que s'il eût éclaté dans l'oreillemême, et comme le battement régulier de l’horloge de fer emplissaient son âmede visions glorieuses et mélancoliques, l’épuisaient d’une attente impérieuse quile consumait tout entier […]"59

"Quand Grange se réveilla, un jour blanc et sans âge qui suintait de la terrecotonnait sur le plafond l'ombre des croisées; mais sa première impression futmoins celle de l'éclairage insolite que d'un suspens anormal du temps: il crutd'abord que son réveil s'était arrêté; la chambre, la maison entière semblaientplaner sur une longue glissade de silence – un silence douillet et sapide decloître, qui ne s'arrêtait plus" 61 .

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 28: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 29: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 30: Julien Gracq l'Attente

75

"Derrière cette beauté timide et encore dorée, cette paix fileuse d'arrière-saison,on sentait le froid monter et gagner la terre, un froid mordant qui n'était pas celuide l'hiver; la clairière était comme une île au milieu de la menace vague quisemblait monter de ses bois noirs." 75

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 31: Julien Gracq l'Attente

80

"La feuille est la beauté de l'arbre, me répétait-il, et la dépense profuse etéclatante de sa vie – elle respire dans le jour et connaît les moindres souffles duvent, elle oriente la croissance du tronc selon les impressions subtiles qu'ellereçoit à chaque instant de la lumière et de l'air. Et pourtant la vérité de l'arbrerepose peut-être plus profondément dans la succion aveugle de sa racine et sanuit nourrissante" 80 .

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 32: Julien Gracq l'Attente

88

"Je rivais mes yeux à cette mer vide, où chaque vague, en glissant sans bruitcomme une langue, semblait s'obstiner à creuser encore l'absence de toute trace,dans le geste toujours inachevé de l'effacement pur. J'attendais, sans me le dire,un signal qui puiserait dans cette attente démesurée la confirmation d'unprodige." 88

Andreea
Highlight
Page 33: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 34: Julien Gracq l'Attente

101

"Devant soi, on avait les bois jusqu'à l'horizon, et au-delà ce coin de Belgiqueprotecteur qui retombait en pan de rideau…" 101

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 35: Julien Gracq l'Attente

105

108

"Assis sur un des créneaux de la forteresse, par une de ces matinées sans ridesqui font la beauté de l'automne des Syrtes, je pouvais observer d'un côté la mervide et le port désert, comme rongé sous le soleil par la lèpre de ses vasières, etde l'autre Marino chevauchant dans la campagne à la tête de quelquedétachement de bergers de louage" 105 .

"Grange faisait quelques pas vers le brutal trou de lumière qui éveillait cettechambre noire, et s'allongeait quelques secondes à la place du pointeur, le longdu canon anti-char. Par l'embrasure resserrée, on voyait seulement l'enfilade dela laie qui montait vers l'horizon en pente très douce…" 108

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 36: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 37: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 38: Julien Gracq l'Attente

123

"Le Graal m'a rejeté. […] Le pain des forts, la lumière des anges, la substance etla joie de l'âme sont perdus pour moi à jamais. Mais j'ai eu ma revanche tu le sais,et ma revanche grâce à toi. La sainteté m'était refusée: il me restait la force de lahaine et la pénétration de l'esprit." 123

Page 39: Julien Gracq l'Attente

124

"les ponts-levis s'abaisseront, et les femmes du château le laveront, leparfumeront et le vêtiront de samit, de soie d'Orient et de fourrures de Varangie etle roi le priera au soir dans la grand' salle." 124

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 40: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 41: Julien Gracq l'Attente

135

137

138

"Quand le souvenir me ramène – en soulevant pour un moment le voile decauchemar qui monte pour moi du rougeoiement de ma patrie détruite – à cetteveille où tant de choses ont tenu en suspens, la fascination s'exerce encore del'étonnante, de l'enivrante vitesse mentale […]" 135

"On croit voir ce qui sera un jour, continua-t-elle dans une exaltation illuminée,quand il n'y aura plus de Maremma, plus d'Orsenna, plus même leurs ruines, plusrien que la lagune et le sable, et le vent du désert sous les étoiles." 137

"Heureux qui sait se réjouir au cœur de la nuit, de cela seulement qu'il sait qu'elleest grosse, car les ténèbres lui porteront fruit, car la lumière lui sera prodiguée."138

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 42: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 43: Julien Gracq l'Attente

144

"As-tu remarqué, me dit-elle d'une voix plus basse en me saisissant au poignet,quand une chose va naître, comme tout change brusquement de sens?" 144

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 44: Julien Gracq l'Attente
Page 45: Julien Gracq l'Attente

160

"Souvent, le dimanche, le capitaine Varin, qui commandait sa compagnie,l'invitait à déjeuner à Moriarmé. Quelquefois il descendait avec la camionnette;les jours de beau temps, plutôt que d'emprunter une bicyclette aux Falizes et detressauter pendant trois lieues sur le lit de torrent des pierres concassées, ilpréférait descendre à pied…" 160 .

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 46: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 47: Julien Gracq l'Attente

"Au travers de l'atmosphère saturée de ce pays des eaux, le fourmillement desétoiles par la fenêtre ne scintillait plus; il semblait que de la terre prostrée ne pût

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 48: Julien Gracq l'Attente

167

168

désormais se soulever même le faible souffle qui s'échappe d'un poumoncrevé[…] On eût dit que ces nuits à la douceur trop moite couvaientinterminablement un orage qui ne voulait pas mûrir – je me levais, je marchais nudans les enfilades de pièces aussi abandonnées qu'au cœur d'une forêt, presquegémissantes de solitude, comme si quelque chose d'alourdi et de faiblementvoletant m'eût fait signe à la fois et fui de porte en porte à travers l'air stagnant deces hautes galeries moisies…" 167

"Je rivais mes yeux à cette mer vide, où chaque vague, en glissant sans bruitcomme une langue, semblait s'obstiner à creuser encore l'absence de toute trace,dans le geste toujours inachevé de l'effacement pur. J'attendais, sans me le dire,un signal qui puiserait dans cette attente démesurée la confirmation d'un prodige.Je rêvais d'une voile naissant du vide de la mer." 168

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 49: Julien Gracq l'Attente

169

170

"à laisser glisser tant de fois mes yeux dans une espèce de conviction totale aulong de ce fil rouge, comme un oiseau que stupéfie une ligne tracée devant luisur le sol, il avait fini par s'imprégner pour moi d'un caractère de réalité bizarre."169

"La princesse me recevra-t-elle à pareille heure? – Dieu soit loué, dit-elle en mesaisissant les mains d'un geste exalté. Elle vous attend depuis deux jours" 170 .

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 50: Julien Gracq l'Attente

174

175

"Perceval se débarrasse de sa lance et de son casque avec des mouvementsd'enfant, s'assied, puis guigne de l'œil une gourde suspendue à une cheville debois. Si j'osais!... TRÉVRIZENT Quoi donc? PERCEVAL C'est cette gourde… J'aiaussi terriblement soif. TRÉVRIZENT Prends donc. Mais c'est de l'eau pure…(Perceval renverse la tête et boit goulûment) Comme tu bois!... (Perceval luicoupe la parole de petits gestes de la main, en continuant de boire). Tu tètes cettegourde comme un nourrisson affamé."174

"Mais c'est le tourbillon qui comprend le mieux. Il comprend, lui, parce qu'iltournoie, que l'air s'est raréfié insensiblement et qu'il y a un vide qui appelle à luin'importe quoi" 175 .

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 51: Julien Gracq l'Attente

180

181

"Montsalvage est comme un fruit qui pourrit par le cœur. Tout le château, tout,jusqu'aux pierres de ces murs, empeste la maladie." 180

"Mais je sais que vous aimez mieux les histoires tristes. Celles qui finissent bien,vous m'interrompez toujours avec un éclat de rire et vous me commandez dejouer de la guitare." 181

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 52: Julien Gracq l'Attente

182

184

"VOIX DE KAYLET Qui bat des mains dans l'enthousiasme Oh! Quelle pièce! Oh!Quel monstre! Il a des écailles comme de l'argent! Il brille comme la cotte duchevalier! VOIX D'AMFORTAS "Paix! Mon imbécile." 182

"A mesure que j'approchais de la ville, j'avais appréhendé davantage cetteentrevue avec mon père; connaissant son sang vif et son attachement à lapolitique d'inertie officielle de la ville, j'avais craint que le vieillard, qui ne pouvaitplus rien ignorer de mes écarts de conduite, n'éclatât en reproches furieux; mesdents s'agaçaient d'avance au pathétique légèrement théâtral qu'il savait mettredans ses remontrances…" 184

"Le froid tombait et il passait dans la lumière oblique une nuance de tristessesoucieuse. Mona frissonnait sous sa courte veste fourrée: elle s'embrumait tout à

Andreea
Highlight
Page 53: Julien Gracq l'Attente

185

186

187

coup aussi vite qu'un ciel de montagne, tout entière ouverte aux avertissementsde la saison. – Je n'aime pas les fins de journée, faisait-elle en secouant la têtequand il l'interrogeait. Et, quand il lui demandait à quoi elle pensait: – Je ne saispas. A la mort…" 185

"Je n'aime pas ce château, Ilinot! Je ne m'y sens pas à l'aise. Je n'aime pas cessalles hagardes, ces couloirs vides, comme les rues d'une ville aspirée par unefête. Je n'aime pas cette somnolence qui rêve, ces fenêtres murées par lesfeuilles, ces armures de sommeil… ces dalles sur lesquelles le pas glisse commel'huile… ces ombres des branches qui bougent sans cesse le long des murs. Lecœur me bat sans raison comme par un après-midi d'orage." 186

"tintements de casques et de gamelles, choc des semelles cloutées contre lecarreau: à l'ouïe, pensa Grange, si on ferme les yeux quelques secondes, lesarmées modernes tintinnabulent encore de toutes les armures de la guerre deCent Ans" 187 .

Page 54: Julien Gracq l'Attente

188

190

"Vers la mi-janvier, après des chutes de neige qui rendirent les chemins tout àfait impraticables, le temps s'éclaircit, et un avion de reconnaissance allemand, àl'heure du déjeuner, remonta la vallée de la Meuse. Ce n'était qu'une minusculepaillette argentée, très ralentie par la distance, qui brillait par instants dans lesoleil; une traînée languide de flocons globuleux le suivait à bonne distance, quivenaient éclore l'un après l'autre dans son sillage avec un «plop» cotonneux etmou. Le spectacle ne parut à Grange nullement guerrier, plutôt ornemental etgracieux…" 188

"Ils regagnèrent le blockhaus d'un bond et firent claquer derrière eux la porteblindée. Il y eut un moment de panique: leurs doigts tremblaient, s'agaçaient surla fermeture des caisses. Quand cessaient un moment les cliquètements del'acier graissé, on n'entendait plus que le souffle long des nez, qui soufflaientcomme sur la soupe. La tête tournait un peu à Grange, les yeux lui cuisaient…" 190

Andreea
Highlight
Page 55: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 56: Julien Gracq l'Attente

196

"J'erre tout seul, sans amis, dans les bois sauvages – je n'ai pour compagnie quele cliquetis de mon baudrier et le hennissement de mon cheval" 196 ?

Andreea
Highlight
Page 57: Julien Gracq l'Attente

197

200

"ILINOT Ce sont les branches. C'est cette forêt étouffante qui gagne comme unelèpre, qui emmure le château. GORNEMANZ C'est le silence du Graal. Nos yeuxs'éteignent, notre oreille s'endort, notre souffle se raccourcit et se gèle depuisqu'il n'est plus que pierre froide pour nos cœurs, et pain chiche et amer pour labouche. Depuis la faute d'Amfortas. Un silence. ILINOT La mort est sur lechâteau. Mais que je ne meure pas avant d'avoir vu Amfortas guéri, etMontsalvage relevé dans sa splendeur." 197

"Ah! Qu'il vienne vite, le sauveur, le Simple! Qu'il vienne! Qu'il vienne fermer labouche d'Amfortas!" 200

"J'attends le vainqueur. J'attends le jour qui me prouvera que je ne suis jamaisnée – le jour qui explosera dans la joie et dans le désir sept fois comblé! Au prix

Page 58: Julien Gracq l'Attente

201

203

204

206

de mon sang – au prix de ma vie. J'attends le triomphe du Graal." 201

"Laisse le Graal. Les voies du Seigneur te sont fermées. Ce sont là des abîmesdéfendus, des vertiges où l'âme se perd, entre dans une solitude terrible commela mort." 203

"Le Graal m'a rejeté. Je vis, misérable, loin de sa lumière, au Château Noir. Lepain des forts, la lumière des anges, la substance et la joie de l'âme sont perduspour moi à jamais. Mais j'ai eu ma revanche tu le sais, et ma revanche grâce àtoi." 204

"CLINGSOR Criant presque Je ne veux pas que le Graal revive! Je ne veux pasretourner à mon enfer!" 206

Page 59: Julien Gracq l'Attente

207

"Suis-je à ce point malade de corps et d'âme que la tentation la plus vile m'aitparlé par la bouche d'un enfant?" 207

Page 60: Julien Gracq l'Attente
Page 61: Julien Gracq l'Attente

218

"KUNDRY Perceval, il est un jour plus clair que la connaissance du mal.PERCEVAL Que veux-tu dire? KUNDRY La pitié… L'amour… N'as-tu pascompris que Montsalvage est peuplé de fantômes? La vie nous a quittés.Amfortas les envoûte. Tu peux les réveiller, Perceval. Tu peux leur rendre la vie,la joie. Ne le veux-tu pas? (Avec un grand élan). Perceval, Montsalvage t'attend –t'attend depuis des années – ce soir entre tous les soirs. Le déserteras-tu?N'aurais-tu pas honte de le déserter? PERCEVAL Touché." 218

Page 62: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 63: Julien Gracq l'Attente

223

224

226

"Le service du Graal nous promettait l'éternelle jeunesse. Et maintenant chaqueminute d'attente me retire une goutte de sang du cœur." 223

"…les ponts-levis s'abaisseront, et les femmes du château le laveront, leparfumeront et le vêtiront de samit, de soie d'Orient et de fourrures de Varangie etle roi le priera au soir dans la grand' salle. Et les chevaliers siègeront à leur rangsur les lits de brocart d'or. Et les portes d'ivoire s'ouvriront, et les trompettessonneront, et Montsalvage, jusqu'aux plus creux de ses pierres ne sera plusqu'un seul souffle suspendu." 224 .

"Et le Graal sera porté par des vierges de haut lignage sur un plateau de pierresprécieuses, et il sera lumière, musique, parfum et nourriture. Et le Graal seraporté devant le Très Pur, et les lèvres du Très Pur murmureront la question quibrise les charmes: «Quel nom est le tien, plus éclatant que la merveille?» Et laColombe descendra sur les airs, le Graal éclatera dans la splendeur, la plaied'Amfortas guérira, la vie coulera aux veines dans toute sa force, et le Très Purrègnera avec honneur sur Montsalvage." 226

Page 64: Julien Gracq l'Attente

228

"Ils sont partis pourtant, laissant tout derrière eux, emportant de leurs coffres lejoyau le plus rare, et ils ne savaient à qui il leur serait donné de l'offrir.Considérons maintenant, comme un symbole grand et terrible, au cœur du désertce pèlerinage aveugle et cette offrande au pur Avènement. C'est la part royale ennous qui avec eux se met en marche sur cette route obscure, derrière cette étoilebougeante et muette, dans l'attente pure et dans le profond égarement." 228

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 65: Julien Gracq l'Attente

230

"Heureux qui sait se réjouir au cœur de la nuit, de cela seulement qu'il sait qu'elleest grosse, car les ténèbres lui porteront fruit, car la lumière lui sera prodiguée.Heureux qui laisse tout derrière lui et se prête sans gage; et qui entend au fondde son cœur et de son ventre l'appel de la délivrance obscure, car le mondesèchera sous son regard, pour renaître. Heureux qui abandonne sa barque au fortdu courant, car il abordera sur l'autre rive. Heureux qui se déserte et s'abdiquelui-même, et dans le cœur même des ténèbres n'adore plus rien que le profondaccomplissement…" 230

Page 66: Julien Gracq l'Attente

235

236

"Le souvenir que je garde de cette traversée est celui de ces jours de plénitudeoù la flamme chaude de joie qui brûle en nous dévore et résume en ellepaisiblement toutes choses, semble s'allumer, comme au foyer d'une immenselentille, à la seule transparence du ciel et de la mer. 235 ".

"Il me semblait que nous venions de pousser une de ces portes qu'on franchit enrêve. Le sentiment suffocant d'une allégresse perdue depuis l'enfance s'emparaitde moi; l'horizon, devant nous, se déchirait en gloire; comme pris dans le fil d'unfleuve sans bords, il me semblait que maintenant tout entier j'étais remis – uneliberté, une simplicité miraculeuse lavaient le monde: je voyais le matin naîtrepour la première fois" 236 .

Page 67: Julien Gracq l'Attente

240

"à lire ces pages qui en traquaient l'imprévisible de virgule en virgule, on sesentait inexprimablement rassuré: on eût dit que la guerre avait déjà eu lieu" 240 .

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 68: Julien Gracq l'Attente

241

242

"Il ne se sentait pas tendu, ni anxieux: c'était plutôt une rivière dans l'ombre desarbres, à midi. «Comme un poisson dans l’eau, se disait-il – j’ai trouvé mon bien;c’est facile – je suis bien là pour toujours.»" 241

"«Tu es un paradis!» fit-il avec une espèce de stupéfaction paisible; et ils’étonnait lui-même de ce qu’il disait" 242 .

Page 69: Julien Gracq l'Attente

247

248

"La clairière était comme une île au milieu de la menace vague qui semblaitmonter de ses bois noirs. «Voilà. Je suis le dernier estivant de la saison: c’estfini», pensait Grange avec un pincement au cœur, en regardant autour de lui latable si fraîchement peinte, le parasol, le châtaignier, la prairie ensoleillée. «Dixannées de jeunesse au Pays des vacances: les années de vaches grasses.Maintenant, c’est fini»." 247

"Ces contrées de la fausse guerre étaient vivables, et même très vivables,seulement on y vivait comme si la teneur de l'air en oxygène avait un peu baissé,comme si la lumière était devenue imperceptiblement plus pauvre: c'était unmonde où il n'y aurait plus de bonnes nouvelles: on n'y respirait qu'entre chien etloup, pelotonné dans une espèce de ruse sagace qui donnait le change, minuteaprès minute, à la pensée de ce qui pouvait venir. Le monde des maladiesindolores, mais fâcheusement évolutives – du pronostic réservé." 248

Page 70: Julien Gracq l'Attente

249

251

252

"en 1939 ils savaient au fond d'eux-mêmes qu'ils ne reverraient qu'une terre oùserait passé le feu; à peine quittée, la vie qui n'avait pas cessé de les envelopperencore toute chaude paraissait touchée d'un rapide, d'un irrémédiablevieillissement – séchée sur pied toute vive, déjà blanche pour la moisson" 249 .

"Cette machinette qu'on vous a louée en forêt, savez-vous comment j'appelle ça?Sans vouloir vous vexer, j'appelle ça un piège à cons. Vous serez fait là-dedanscomme un rat." 251

"on pensait plutôt à ce monde qui avait dételé aux approches de l'an mil, la mortdans l'âme, lâchant partout la herse et la charrue, attendant les signes. Non pas,songeait Grange, qu'on guettât cette fois le galop de l'Apocalypse: à vrai dire, onn'attendait rien, sinon, déjà vaguement pressentie, cette sensation finale de chutelibre qui fauche le ventre dans les mauvais rêves et qui, si on eût cherché à lapréciser – mais on ne s'en sentait pas l'envie – se fût appelée peut-être le bout durouleau" 252 .

Page 71: Julien Gracq l'Attente

253

254

255

"La gaieté de Belsenza tombait quand on lui amenait – et c'était souvent – unecartomancienne aux prédictions apocalyptiques, ou un de ces «missionnés»chevelus (c'était le nom que leur donnait le peuple) à l'œil fuyant et à la tournuresubalterne, qui prophétisaient maintenant sur les quais à la tombée de la nuit etattroupaient le menu peuple des bateliers." 253

"Ce qui m'inquiète, continua-t-il, c'est qu'Orsenna ne dit rien. Au surplus, ce quenous faisons ici ne sert pas à grand'chose. Cela ne m'amuse pas de faire fouetterdes petites filles. Et d'ailleurs… Il eut un geste désabusé et tourna les yeux versla fenêtre – …Peut-être que ce qu'ils disent est vrai. Que ça finira mal." 254

"Quand je songeais à l'instruction que j'avais reçu d'Orsenna, et aux échoscomplaisants qui me revenaient de là-bas aux bruits qui enfiévraient la ville, il mesemblait parfois qu'Orsenna se lassait de sa santé endormie, et sans oser sel'avouer eût attendu avidement de se sentir vivre et s'éveiller tout entière dansl'angoisse sourde qui gagnait maintenant ses profondeurs. On eût dit que la citéheureuse, qui avait essaimé de toutes parts sur la mer et laissé rayonner silongtemps son cœur inépuisable dans tant de figures énergiques et d'espritsaventureux, au sein de son vieillissement avare appelait maintenant lesmauvaises nouvelles comme une vibration plus exquise de toutes ses fibres." 255

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 72: Julien Gracq l'Attente

256

257

"Je regardais Maremma s'ensevelir, et en même temps, les yeux blessés, giflé parle vent furieux qui mitraillait le sable, il me semblait sentir la vie même battre plussauvagement à mes tempes et quelque chose se lever derrière cetensevelissement." 256

"La lumière baissait déjà sur le large, et il me semblait sentir en moi qu'un désirmontait, d'une fixité terrible, pour écourter encore ces journées rapides: le désirque les jours de la fin se lèvent et que monte l'heure du dernier combat douteux:les yeux grands ouverts sur le mur épaissi du large, la ville respirait avec moidans le noir comme un guetteur sur qui l'ombre déferle, retenant son souffle, lesyeux rivés au point de la nuit la plus profonde." 257

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 73: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Page 74: Julien Gracq l'Attente

260

"Ils regardaient l'horizon, et le soleil brillait sur leurs casques, et j'ai cru qu'ilscouraient après le soleil, et que cette lueur ne s'éteindrait jamais si seulement ilsne s'arrêtaient pas de marcher avec ce regard levé, de chevaucher, et d'avoir soif.J'ai tout quitté! Je les ai suivis." 260

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 75: Julien Gracq l'Attente

263

"Tu marchais vers ton soleil, les yeux dans la lumière, et tu n'as jamais bronchésur ton cheval, et le monde et ta vie t'ont paru jusqu'ici comme une page blanche,une lumière qui dansait devant tes yeux dans le vent" 263 .

Page 76: Julien Gracq l'Attente

272

273

275

"Tu as tout tué et Celui-là même que tu prétends servir, tu l'as desséché avec toidans sa racine" 272 .

"Ici-bas – maintenant – je ferai éclater de blancheur cette chair punie, – je laveraidans le feu du Graal les prunelles de mes yeux." 273

"Le sacré est ce qui donne la vie et ce qui la ravit, c'est la source d'où elle coule,l'estuaire où elle se perd." 275

Page 77: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Page 78: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Page 79: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 80: Julien Gracq l'Attente

297

"il y a une échelle des actes qui contracte brutalement devant l'œil résolu lesespaces distendus par le songe. Le Farghestan avait dressé devant moi desbrisants de rêve, l'au-delà fabuleux d'une mer interdite; il était maintenant unefrange accore de côte rocheuse, à deux journées de mer d'Orsenna. La dernièretentation, la tentation sans remède, prenait corps dans ce fantôme saisissable,dans cette proie endormie sous les doigts déjà ouverts". 297

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 81: Julien Gracq l'Attente

301

"Il me semblait que soudain le pouvoir m'eût été donné de passer outre, de meglisser dans un monde rechargé d'ivresse et de tremblement. Ce monde était lemême, et cette plaine d'eaux désertes où le regard se perdait la plusdésespérément semblable qui fût partout à elle-même. Mais maintenant une grâcesilencieuse resplendissait sur lui." 301

"Ma blessure est mon lien avec les autres hommes, avec Montsalvage.Quelquefois il me semble que je n'existe que par elle, que c'est elle qui me rendvisible. […] – Amfortas guéri me déroute… Guéri, j'ai presque peur de disparaître,de devenir invisible, comme une méduse qu'on replonge dans l'eau." 304

Page 82: Julien Gracq l'Attente

304

305

306

"C'était bien le vrai Marino que j'avais devant moi et que j'allais combattre: deconnivence avec les choses familières, appuyé sur elles et les étayant de samasse protectrice – un barrage d'obstination douce et tenace à l'inattendu, ausoudain, à l'ailleurs." 305

"Les chevaliers vivent à petit bruit… ils se dorlotent… ils vieillissent, c'est vrai!mais ils ont leurs rondes, leurs offices… Ils s'y font. Ils prient pour moi. C"estleur grande affaire. Je les occupe. C'est une grande occupation qu'un maladedans une maison." 306

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 83: Julien Gracq l'Attente

307

310

"Le dîner d'arrivée était servi, par exception, dans l'une des casemates de laforteresse; la routine quotidienne s'en écartait d'instinct et n'osait plus endéranger les songes" 307 .

"Les déjeuners et les dîners de la forteresse étaient maintenant toutbourdonnants de projets et de décisions, de chiffres de devis et de discussionsde service, qui faisaient hocher de temps en temps la tête de Marino, fatigué, dugeste mécanique dont on chasse un essaim de mouches" 310 .

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 84: Julien Gracq l'Attente

311

312

313

"Le capitaine semblait préoccupé, et il me parut que le nuage d'indifférence et denoire songerie qui le défendait depuis quelques semaines contre une approcheplus intime s'était encore assombri". 311

"AMFORTAS Je ne vous ai jamais vu que je sache en ce monde. Mais il est vraique je vous regarde. Il est rare qu'un étranger s'égare par ici, et un peu decuriosité m'est permise. PERCEVAL Très à l'aise Bien sûr. Je n'ai pas de raisonde cacher ce qui m'amène. (Un temps). Je cherche le Graal. Vous avez entenduparler du Graal? AMFORTAS On en fait mille contes. Il n'est pas de jongleur quine brode sur ses mystères à la veillée." 312

"C'est en toi qu'était la nuit, Perceval. Tu vivais dans un songe, le plus simple detous les hommes" 313 ?

Andreea
Highlight
Page 85: Julien Gracq l'Attente

314

315

"Tu es jeune, et je te comprends. J'ai été comme toi, plein de zèle pour le service.Plein de zèle très égoïste, plutôt. J'ai pensé comme toi qu'il devait m'arriver deschoses singulières. […] J'en ai connu d'autres avant toi, tout jeunes comme toi,qui se levaient la nuit pour voir passer des navires fantômes. Ils finissaient parles voir. Nous connaissons cela ici: c'est le mirage du Sud, et cela passe." 314

"Il y a un comble d'inertie qui tient depuis trois siècles cette ruine immobile, lamême qui fait crouler ailleurs les avalanches. C'est pourquoi je vis ici à petit bruit,et retiens mon souffle, et fais de cette coquille le lit de ce sommeil épais detâcheron qui te scandalise. Je ne te reproche pas, comme Fabrizio, de t'agitercomme un jeune chien sevré de sa laisse. Il y a ici de la place pour s'ébattre et ledésert en a usé de plus vigoureux. Je te reproche de ne pas être assez humblepour refuser les rêves au sommeil de ces pierres." 315

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 86: Julien Gracq l'Attente

"Les durs alignements à l'équerre des tombes sans fleurs, la nudité froide desallées sans arbres, l'entretien méticuleux et pauvre de cette nécropoleréglementaire mettaient sur ces fosses perdues un surcroît de tristesse morne etrevêche que n'ont pas les tombes isolées du désert. Une nausée serrait le cœurdevant ce vide administré, où l'idée même de la mort eût fait surgir quelque chosede trop vivant; on sentait que trois siècles de corvées anonymes s'étaient

Page 87: Julien Gracq l'Attente

321

relayées, absorbées à leur tour dans l'anonymat des sables, pour égaliser là lelieu du parfait effacement". 321

Page 88: Julien Gracq l'Attente
Page 89: Julien Gracq l'Attente

330

"On les voyait ressortir des couverts au déclin de l'après-midi, secouant autourd'eux le fumet de la sauvagine et la buée lourde des chiens mouillés, lesmusettes pleines de gibier tué, de bouteilles vides et de cigarettes belges." 330

Page 90: Julien Gracq l'Attente

333

"Ce qui s'est trouvé avec «Un balcon en forêt», c'est que l'histoire pendantquelques mois a ressemblé à la situation imaginaire dans laquelle j'aime metrouver." 333

Page 91: Julien Gracq l'Attente

340

341

"Comme il levait les yeux vers la perspective, il aperçut à quelque distancedevant lui, encore à demi-fondue dans le rideau de pluie, une silhouette quitrébuchait sur les cailloux entre les flaques. La silhouette était celle d'une petitefille enfouie dans une longue pèlerine à capuchon et chaussée de bottes decaoutchouc; à la voir ainsi patauger avec hésitation entre les flaques, le dos unpeu cassé comme si elle avait calé contre ses reins sous la pèlerine un sac decuir, on pensait d'abord à une écolière en chemin vers sa maison, mais, demaisons, Grange savait qu'on n'en voyait pas à moins de deux lieues, et il sesouvint tout à coup que c'était dimanche; il se mit à observer la petite silhouetteavec plus d'attention." 340

"Maintenant qu'il s'était un peu rapproché, ce n'était plus tout à fait une petitefille: quand elle se mettait à courir, les hanches étaient presque d'une femme" 341 .

Page 92: Julien Gracq l'Attente

343

"Sur la carte d'état major qui traînait au bord de la table, il pouvait apercevoir deson lit l'itinéraire de repli défilé que le capitaine Vignaud avait tracé au crayonrouge, et qu'il devait reconnaître dès aujourd'hui. Mais, à ces événementsimprobables, l'imagination ne s'accrochait pas. Devant soi, on avait les boisjusqu'à l'horizon, et au-delà ce coin de Belgique, on avait cette guerre quis'assoupissait peu à peu, cette armée qui bâillait et s'ébrouait comme une classequi a remis sa copie, attendant le coup de clairon de la fin de la manœuvre. Il nese passerait rien." 343

Page 93: Julien Gracq l'Attente

350

"A cinq cents mètres de l'embrasure, la laie plongeait lentement derrière unmouvement de terrain; la chaussée plate et la double palissade des taillis élaguésdécoupaient en plein ciel sur le vide un créneau blanc, d'un dessin pur, sinettement coupé que le bord en paraissait argenté. Quand on mettait l'œil à lalunette de pointage, on distinguait clairement sur les bords du créneau chacunedes branchettes, et chacune des pierres de la route avec leur cassure aiguë et lesminces sillons écrasés qu'y avaient creusés les roues. Grange manœuvraitmachinalement la vis de pointage: il amenait lentement la mince croix noire desfils de visée au centre du créneau, un peu au-dessus de l'horizon de la route.Dans le cercle de la lunette qui les rapprochait, le ciel blanc et vague, le vide de laroute ensommeillée, l'immobilité des plus menues branchettes devenaientfascinantes: le gros œil rond avec les deux fins traits de rasoir de son œillèresemblait s'ouvrir sur un autre monde, un monde silencieux et intimidant, baignéd'une lumière blanche, d'une évidence calme." 350

Page 94: Julien Gracq l'Attente

351

"Le vide des longues perspectives de ses haies, les voûtes des branches quitrouaient les futaies et s'enfuyaient parfois pour des lieues à l'horizon vers un œilde jour mystérieux, n'étaient pas faits pour la petite vie falote de bûcherons et decharbonniers qui avait végété là en attendant que le rideau se lève. La forêtrespirait, plus ample, plus éveillée, attentive jusqu'au fond de ses forts et de sescaches soudain remués aux signes énigmatiques d'on ne savait quel retour destemps – un temps de grandes chasses sauvages et de hautes chevauchées – oneût dit que la vieille bauge mérovingienne flairait encore dans l'air un parfumoublié qui la faisait revivre." 351

Page 95: Julien Gracq l'Attente

357

"Grange trouva que la nouvelle faisait peu d'effet sur ses hommes. La brume dela fausse guerre se levait maintenant, découvrant à moitié une perspective sansagrément, trop prévisible. Mais il restait une marge d'inconnu, où tout pouvaitencore s'engluer, s'amortir. On vivrait dessus. La Belgique, la Hollande, c'étaitbeaucoup plus près que la Norvège. Mais, avec un peu d'ingéniosité, on pouvaitencore se fabriquer du vague." 357

Page 96: Julien Gracq l'Attente

358

"Non, c'était autre chose. Ce qui lui rappelait le mieux l'exaltation dans laquelle ilvivait aux Falizes, et où il lui semblait respirer comme il ne l'avait jamais fait,c'était plutôt lorsqu'il était tout enfant, le débarquement des vacances dans legrand vent au bord de la plage, – cette fièvre qui s'emparait de lui dès que par laportière du train, à plusieurs kilomètres encore de la côte, on voyait les arbrespeu à peu rabougrir et se rapetisser – l'angoisse qui lui venait soudain à la gorgeà la seule pensée que sa chambre à l'hôtel, peut-être, ne donnerait pasdirectement sur les vagues. Et le lendemain, il y aurait aussi ces châteaux desable où le cœur battait plus fort qu'ailleurs de seulement se tenir, parce qu'onsavait, et en même temps on ne croyait pas, qu'y battrait bientôt la marée" 358 .

Page 97: Julien Gracq l'Attente

362

"Sur tout le rebord du Toit, une main rapide venait de courir, allumant la rampe. –Le théâtre de la guerre… songea Grange. Le mot n'est pas si mal trouvé.»" 362

Page 98: Julien Gracq l'Attente

364

"Il regardait de sa fenêtre, perplexe, l'horizon des fumées, dont deux ou trois déjàs'effilochaient, mourantes. Cependant qu'il regardait, une idée remuait dans sacervelle, encore confuse – une mauvaise petite idée, entêtante comme une odeur.Il avait remarqué, assez surpris, qu'aucune troupe n'était passée vers la Belgique,après le bataillon des fantassins. Depuis la veille au soir, la laie restait vide:derrière la cavalerie, on eût dit que l'infanterie ne suivait pas. – C'est bizarre, sedisait-il, pensif. Qu'est-ce qu'ils peuvent bien attendre? Puis… Peut-être queVarin, et le bataillon, ont encaissé. Avec sa boussole, il cherchait à repérer ladirection de Moriarmé, qui semblait engraisser derrière les bois une des plusnotables fumées, mais à sa surprise, il s'aperçut que c'était par acquit deconscience, presque distraitement. L'horizon sensible se rétrécissait: à cela aussion pouvait comprendre que la guerre était venue." 364

"De part et d'autre de la trouée du chemin, les murailles de la forêt cachaient lesrares fumées: quand Grange un instant se bouchait les oreilles de ses doigts,

Page 99: Julien Gracq l'Attente

366

369

l'allée entière n'était qu'une coulée printanière et douce, tiède déjà sous sa brumedorée, qui fuyait merveilleusement vers les lointains bleus. A mesure que letemps passait, Grange sentait grandir en lui un sentiment de sécurité irréelle, nébizarrement de ce pas de géant de la bataille qui les avait enjambés." 366

"De temps en temps, il donnait un coup de pied dans les cailloux du chemin. «Laforêt…pensa-t-il encore. Je suis dans la forêt.» Il n'aurait su en dire plus long…"369

" – Fantastique! se disait Grange, médusé. De toucher du doigt le videincompréhensible qui s'élargissait autour de lui lui donnait de l'enthousiasme: ils'y jetait. Tout au fond de lui-même, il sentait bien qu'il y mettait un peu decomplaisance: il combattait l'angoissant par l'inouï." 371

Page 100: Julien Gracq l'Attente

371

374

"– Vas-y! souffla-t-il. Le coup partit, d'une roideur si brutale que Grange, allongécontre le canon, crut sentir l'impact lui meurtrir l'épaule. Un hoquet sombresecoua la voiture, qui vomit tout à coup par le haut un bouquet de longs filamentsde papiers…" 374

Page 101: Julien Gracq l'Attente
Page 102: Julien Gracq l'Attente
Page 103: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Page 104: Julien Gracq l'Attente

382

387

"lors leva sa destre main en haut et fist sour lui le signe de la sainte croix, ke eleli fust escus et deffendemens encontre le pardurable decheveor, ch'est encontrele dyable, qui ne bee ke seulement a dechevoir cheus et cheles qui de l'amour etde la creanche Damedieu sont espris et entalenté" 382 .

"La montée de la lune, la lune distante, décevante, […], la lune qui trompe lesattentes, celle dont s'alarme Roméo […]." 387

Page 105: Julien Gracq l'Attente

393

"En signe de foi dans la Promesse, en ce jour d’amère déception, j’offriraimoi-même le sacrifice" 393 .

Page 106: Julien Gracq l'Attente
Page 107: Julien Gracq l'Attente

397

"Plaise à lui! Il vient en conquérant. Il a tué Méliant. Il vient. Ce qui l'arrête, il lebrise. Il va devant lui, merveilleux, et l'accomplissement de son désir est lamesure de sa journée." 397

Page 108: Julien Gracq l'Attente

400

"KAYLET Étonné. Mais non, rien, Kundry… je t'assure… Il n'a pas parlé…Kundry s'affaisse. Qu'est-ce qu'il y a? … Qu'est-ce qu'il y a? Kaylet dégringole

en hâte de la fenêtre et s'empresse autour de Kundry. Qu'est-ce que tu as,Kundry? Il faut que j'appelle? KUNDRY N'appelle pas. Personne ne peut plusrépondre, puisque lui n'a pas répondu. KAYLET Mais moi je suis là, Kundry…Parle-moi… Tu es malade, je t'assure! KUNDRY Il y a longtemps, Kaylet, et je leserai longtemps encore. C'est une maladie qui ne se guérit pas." 400

Page 109: Julien Gracq l'Attente

403

404

"Il y a là-dessus trois siècles de patine, une vraie crasse de siècles. Je la gratte,je l'étrille. J'enlève la patine. Dans quinze jours je fais cadeau à Marino d'uneforteresse flambant neuve. Mon triomphe!" 403

"je commençai à craindre très sérieusement que Fabrizio ne soulevât pas toutl'enthousiasme qu'il avait espéré." 404

Page 110: Julien Gracq l'Attente

405

"Quelque chose de jamais vu, et pourtant de longuement attendu, comme unebête monstrueuse et immobile surgie de son attente même à sa place marquéeaprès d'interminables heures d'affût vaines, quelque chose au bord de la lagune,longuement couvé dans le noir, avait jailli à la fin sans bruit de sa coque rongéecomme d'un énorme œuf nocturne: la forteresse était devant nous." 405

Page 111: Julien Gracq l'Attente

411

"Elle contemple des merveilles d'art, elle sait tout, elle comprend tout, elle estdéfinitivement la bien-aimée de Dieu, comme elle le dit: «Tout est fini.»" 411

Page 112: Julien Gracq l'Attente

415

417

" – Drôle de turne!... fit le lieutenant avec une grimace. Il frissonnait dans lafraîcheur stagnante et reniflait l'air mou. Il tâta de la main le mince tube du canonet souleva le capuchon de toile de la culasse… Ça fait assez caveau de famille,vous ne trouvez pas? Excusez une plaisanterie qui n'est peut-être pas de saison,dit-il avec un sourire à peine gêné. – On s'habitue, fit Grange sèchement, enhaussant les épaules. Il ne se sentait plus de très bonne humeur: il commençait àregretter d'avoir invité les cavaliers… Dans vos engins, quand l'huile se met àchauffer…" 415

"Il posa la main légèrement sur l'épaule de Grange, et le fixa d'un regard qui neplaisantait plus. – Un bon conseil pour votre bonne bouteille. Je m'arrangeraispour changer d'air. Cette machinette qu'on vous a louée en forêt, savez-vouscomment j'appelle ça? Sans vouloir vous vexer, j'appelle ça un piège à cons.Vous serez fait là-dedans comme un rat." 417

Page 113: Julien Gracq l'Attente

421

" – Je brûlerai du soufre dans le bloc, pensa Grange, malcontent et furieux.Heureusement personne n'était là. Il se sentait moins inquiet que floué: il étaitcomme un homme qui vient de prêter tout son argent à un escroc." 421

"Le Graal m'a rejeté. Je vis, misérable, loin de sa lumière, au Château Noir. Lepain des forts, la lumière des anges, la substance et la joie de l'âme sont perdus

Page 114: Julien Gracq l'Attente

422

pour moi à jamais. Mais j'ai eu ma revanche tu le sais, et ma revanche grâce à toi.La sainteté m'était refusée: il me restait la force de la haine et la pénétration del'esprit. Je me suis fait magicien. Tu m'as servi – tu m'as bien servi! Amfortas lechaste, le pur entre les purs, le roi de leur Graal, par mes bons soins tu l'asséduit, tu l'as pris, tu l'as repu de la joie de ton ventre – et maintenant le Graals'est vengé – et il saigne, l'imbécile! – il saigne! – il barbouille Montsalvage deson pus, comme un porc qui vomit sur sa litière." 422

Page 115: Julien Gracq l'Attente
Page 116: Julien Gracq l'Attente

431

"Si vous aviez appris dans vos voyages telle formule magique qui pût me délivrerde mon tourment, je jugerais vous faire peu d'honneur que de vous donner lamoitié de mes biens.» Le chevalier – son coeur était ouvert à la charité – lui dit:«J'ai tel pouvoir, et volontiers ainsi ferais-je, et je n'en demande pointrécompense, car c'est grande joie de l'âme que guérir tel tourment.»" 431 .

Page 117: Julien Gracq l'Attente

434

435

"AMFORTAS Comme perdu dans une rêverie. Dure pénitence!... C'est une bientriste histoire – qui te l'a apprise, mon Kaylet?" 434

"Amfortas, toujours dans sa rêverie, répète machinalement les mots de Kaylet.«…S'il ne vient la délivrer, mon âme languira dans mon corps et je laisserai fuirma vie, – mais s'il la délivre, si cher après sera-t-il au coeur de ma princessequ'elle n'aura plus souci de moi.» Il cherche Kaylet du regard. Il est parti jouer!...(Un silence). Suis-je donc à ce point malade de corps et d'âme que la tentation laplus vile m'ait parlé par la bouche d'un enfant?..." 435

Page 118: Julien Gracq l'Attente

440

"Je veux oublier mon mal avec toi. A moi qui n'ai plus rien à espérer sur terre, ilme semble que je revivrai à t'entendre me conter la grande épreuve. Il y alongtemps que tu as quitté la cour d'Arthur?" 440

AMFORTAS […] "Tu veux le savoir et tu le sauras, Perceval. Kundry ne soigneque les blessures qu'elle a faites…Ce que tu as désiré, je l'ai fait. (Avec un riresauvage). Je suis là pour qu'on voie! Je suis celui par qui le scandale arrive!... Etmaintenant regarde!... regardez tous! – et baigne tes yeux dans ce sang si tu n'as

Page 119: Julien Gracq l'Attente

442

446

448

pas peur d'être changé en statue de sel. Kundry regarde Perceval et se relève, lesyeux fixes. PERCEVAL Comme étourdi, après un silence. Je quitterai le châteaudès maintenant – dès ce soir." 442

"Je crains que tu ne sois plus très blanche aux yeux de cet ange de pureté…C'est dommage, – il y prenait goût." 446

"Tu touches à l'heure de la plus grande épreuve… (Un temps). Perceval, si tu leveux, tu seras tout à l'heure roi du Graal." 448

Page 120: Julien Gracq l'Attente

451

453

"je te cède un trône de péril – un glaive sans pardon – un manteau lourd auxépaules d'un homme" 451 .

"Tu n'auras plus d'aventures. Il n'en est plus à qui possède tout. Ton aventurefinit ce soir, Perceval! Tu verras l'étrange chose que c'est de lui survivre." 453

Page 121: Julien Gracq l'Attente

"Je l'ai traité mieux qu'un messie, mieux qu'un élu, mieux qu'un prophète. Je l'ailaissé choisir. Tu le poussais au Graal les yeux bandés, comme le bétail glorieux

Page 122: Julien Gracq l'Attente

458

461

du sacrifice. J'ai préféré le traiter comme un homme." 458

"Tu me perces de mon bonheur comme d'une lance! Amfortas!... Ce n'est paspossible! ... Tu me tends un dernier piège, n'est-ce pas? Tu me trompes encore!...Ah! dis-moi que tu me trompes!... Sauve-moi!... Guéris-moi!... Fais cesser cevertige!... Tu portes le Graal à ma bouche comme un calice de fiel..." 461

Page 123: Julien Gracq l'Attente

466

"J'ai retourné toutes les cartes, Perceval, je ne t'ai pas tendu de piège. C'était unautre que moi qui t'en tendait." 466

Page 124: Julien Gracq l'Attente
Page 125: Julien Gracq l'Attente
Page 126: Julien Gracq l'Attente

477

" – N'allons pas plus loin, me dit Fabrizio, en me saisissant le poignet d'un gestebrusque. Je n'aime pas ce volcan qui se met en frais pour notre visite [...] –...Qu'est-ce que va dire? – ... Marino, n'est-ce pas? achevai-je d'une voix tropdouce. Tout à coup je sentis monter en moi une colère froide. Fabrizio venait detoucher à la hache, et je compris soudain avec quelle ruse acharnée, sans trêve,ce nom, je n'avais fait que le conjurer toute la nuit." 477

Page 127: Julien Gracq l'Attente

482

"Maintenant, je l'avais renié; maintenant seulement tout était dit, la route libre, lanuit ouverte. Fabrizio comprit tout, et il se passa une chose singulière: il lâcha uninstant la barre, et tout à coup, comme s'il eût été seul, il se signa, ainsi qu'ondétourne un blasphème." 482

Page 128: Julien Gracq l'Attente

486

487

"Et une singulière exaltation du sentiment de ma puissance se faisait jour à monapproche: entre tous les actes, celui que je commençais d'entrevoir, celui auquelpersonne ne pensait plus, était l'acte que je pouvais faire." 486

"Je t'ai suivi de loin, Aldo. Je savais ce que tu avais en tête, et que seulementlâcher la bride était suffisant. Il y avait devant moi cet acte – pas même un acte, àpeine une permission, un acquiescement – et tout le possible à travers luis'écoulant en avalanche, tout ce qui fait que le monde sera moins plein, si je ne lefais pas." 487

Page 129: Julien Gracq l'Attente
Page 130: Julien Gracq l'Attente
Page 131: Julien Gracq l'Attente

497

498

"Sur les voitures, on voyait les hommes, sans tourner la tête, sans parler, releverseulement le coin de la bouche avec le rictus ralenti, âgé, d'un boxeur quis'accroche aux cordes" 497 .

"il ne songeait pas à rechigner à la besogne possible, mais il ne participait pas –d'instinct, chaque fois qu'il le pouvait, il gardait son quant à soi et prenait durecul." 498

Page 132: Julien Gracq l'Attente

503

" – Ne fais pas l'idiot. File. Tu te ferais pincer ici sans servir à rien. C'est un ordre,ajouta Grange, d'un ton qu'il sentit malgré lui vaguement parodique. De nouveau,le sentiment le traversa que cette guerre, jusque dans le détail, singeait quelquechose, sans qu'on pût au juste savoir quoi." 503

Page 133: Julien Gracq l'Attente

508

"Son corps se rassemblait peu à peu dans ce silence noir – ses forces luirevenaient. – Quelle histoire! pensa-t-il. Il se sentait encore un peu hébété, mais ilessayait de rassembler ses idées; il comprenait que la porte claquée sur lui avaittiré un trait, s'était refermée sur un épilogue: sa courte aventure de guerre avaitpris fin." 508

Page 134: Julien Gracq l'Attente

509

"À titre posthume, songea-t-il. La formule tournait dans sa tête mécaniquement:elle lui paraissait un peu abstruse, mais importante, imposante, comme cessceaux des vieux parchemins officiels qui pincent le bout d'un ruban de soie." 509

Page 135: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Page 136: Julien Gracq l'Attente

513

514

"Wagner est un magicien noir – c'est un mancenillier à l'ombre mortelle – desforêts sombres prises à la glu de sa musique il semble que ne puisse pluss'envoler après lui aucun oiseau" 513 .

"Il reste pourtant que cette matière n'est pas épuisée, et que ce serait vraimentfaire peu de confiance au pouvoir de renouvellement indéfini de la poésie la pluspure –la plus magique – que de le croire." 514

Page 137: Julien Gracq l'Attente

518

"Il semble qu'en réalité il est advenu à cette «matière de Bretagne» unemalchance insigne: après de longs siècles de sommeil, un génieexceptionnellement vigoureux est apparu qui d'un seul coup a fait main basse surle trésor et de cette vendange semble d'un coup avoir extrait tout le suc. [...]Reste au centre, au coeur du mythe et comme son noyau, ce tête à tête haletant,ce corps à corps insupportable – ici et maintenant, toujours – de l'homme et dudivin, immortalisé dans «Parsifal» par la scène où le roi blessé élève le feu rougedu Graal " 518 .

Page 138: Julien Gracq l'Attente
Page 139: Julien Gracq l'Attente

526

528

"Ne pleure pas. La folie du Graal n'est pas éteinte... Un autre viendra..." 526

"Et Le Rivage des Syrtes, jusqu'au dernier chapitre, marchait au canon vers unebataille navale qui ne fut jamais livrée." 528

"je croyais marcher au milieu de l'agencement bizarre et des flaques de lumièreégarantes d'un théâtre vide – mais un écho dur éclairait longuement mon cheminet rebondissait contre les façades, un pas à la fin comblait l'attente de cette nuitvide, et je savais pour quoi désormais le décor était planté." 530

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 140: Julien Gracq l'Attente

530

Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 141: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Page 142: Julien Gracq l'Attente

546

"Il resta un moment encore les yeux grands ouverts dans le noir vers le plafond,tout à fait immobile, écoutant le bourdonnement de la mouche bleue qui secognait lourdement aux murs et aux vitres. Puis il tira la couverture sur sa tête ets'endormit." 546

Page 143: Julien Gracq l'Attente

548

"ce concept préstructure le rôle à assumer par chaque spectateur, et ceci restevrai même quand les textes semblent ignorer leur récepteur potentiel ou l'exclureactivement." 548

Page 144: Julien Gracq l'Attente

550

551

"Je l'attends, et même # oui # je le désire. J'en suis amoureux. S'il ne devait venir,je serais… comment te dire?…déçu." 550

"Notre attente a été déçue. Le chevalier étranger n'assistera pas ce soir àl'office... Il n'était pas celui que la Promesse désigne. Il a refusé l'hospitalité deMontsalvage..." 551

Page 145: Julien Gracq l'Attente
Page 146: Julien Gracq l'Attente
Page 147: Julien Gracq l'Attente
Page 148: Julien Gracq l'Attente

570

"En cette nuit même, il y a des siècles, des hommes veillaient, et l'angoisse lesserrait aux tempes; de porte en porte ils allaient, étouffant les nouveau-nés àpeine sortis du sein de leur mère. Ils veillaient pour que l'attente ne s'accomplîtpoint, ne laissant rien au hasard afin que le repos ne fût point troublé et que lapierre ne fût point descellée." 570

Page 149: Julien Gracq l'Attente

571

"Car il est des hommes pour qui c'est chose toujours mal venue que lanaissance; chose ruineuse et dérangeante, sang et cris, douleur etappauvrissement, un terrible remue-ménage – l'heure qu'on n'a point fixée, lesprojets qu'elle traverse, la fin du repos, les nuits blanches, toute une tornade dehasards autour d'une boîte minuscule, comme si l'outre même de la fable venaitde se rompre où l'on avait enfermé les vents." 571

Page 150: Julien Gracq l'Attente

574

"Heureux qui sait se réjouir au cœur de la nuit, de cela seulement qu'il sait qu'elleest grosse, car les ténèbres lui porteront fruit, car la lumière lui sera prodiguée.Heureux qui laisse tout derrière lui et se prête sans gage; et qui entend au fondde son cœur et de son ventre l'appel de la délivrance obscure, car le mondesèchera sous son regard, pour renaître. Heureux qui abandonne sa barque au fortdu courant, car il abordera sur l'autre rive. Heureux qui se déserte et s'abdiquelui-même, et dans le cœur même des ténèbres n'adore plus rien que le profondaccomplissement…" 574

Page 151: Julien Gracq l'Attente

580

" – ... Si tu savais comme on est ligoté là dedans! – J'ai accroché mes fils partout,et me voilà roulé dans mon cocon, voila ce qui est. Amarré, ligoté, empaqueté. Mevoilà là, à ne plus pouvoir remuer bras ni jambes; crois-tu que c'est la maladie,Aldo? [...] Voilà ce que c'est de vieillir, Aldo; ce que j'ai fait retombe sur moi, je nepeux plus le soulever... Il répéta d'un air pénétré: – ... Quand on ne peut plussoulever ce qu'on a fait, voilà le couvercle de la tombe." 580

Page 152: Julien Gracq l'Attente

581

"Le vieillard sembla réfléchir avec difficulté. – ... Je pense que c'est énervant, lesgens qui croient trop dur que les choses seront toujours comme elles sont. Ilferma à demi les yeux, et se mit à hocher la tête, comme s'il allait s'endormir. – ...Et peut-être ce n'est pas une bonne chose, que les choses restent toujourscomme elles sont." 581

Page 153: Julien Gracq l'Attente
Page 154: Julien Gracq l'Attente

587

"La guerre ne s'installait pas vite, mais par petites touches, insensiblement, elleprenait possession de la terre à la manière d'une saison grise" 587 .

"Pour ces excursions de nuit, tous les hommes étaient volontaires; que le servicedevînt plus actif leur plaisait; un calme trop plat ne présageait rien de bon, maiscet affût de nuit les installait officiellement dans une guerre inoffensive: il lesrassurait." 588

Page 155: Julien Gracq l'Attente

588

590

"Peut-être le pays allait-il pour de longues années transplanter, sécréter à sesfrontières un peuplement de luxe, une caste militaire paresseuse et violente, s'enremettant de son pain quotidien aux civils, et finalement l'exigeant, comme lesnomades armés du désert lèvent le tribut sur les bordures cultivées. Des espècesde rôdeurs des confins, de flâneurs de l'apocalypse, vivant libres de soucismatériels au bord de leur gouffre apprivoisé, familiers seulement des signes etdes présages, n'ayant plus commerce qu'avec quelques grandes incertitudesnuageuses et catastrophiques, comme dans ces tours de guet anciennes qu'onvoit au bord de la mer." 590

Page 156: Julien Gracq l'Attente

591

593

"De nouveau, le sentiment le traversa que cette guerre, jusque dans le détail,singeait quelque chose, sans qu'on pût au juste savoir quoi." 591

"Mais maintenant je touche le fond, se dit-il avec une espèce de sécurité. Il n'y arien à attendre de plus. Rien d'autre. Je suis revenu." 593

"Une faible ombre grise semblait venir à lui du fond de la pièce et lui faire signe; illeva la main: l'ombre dans le miroir répéta le geste avec une lenteur exténuée,comme si elle flottait dans des épaisseurs d'eau; il se pencha en avant jusqu'àcoller presque le nez contre le miroir – mais l'ombre restait floue, mangée departout par le noir: la vie ne se rejoignait pas à elle-même: il n'y avait rien, que cetête à tête un peu plus proche avec une ombre voilée qu'il ne dévisageait pas." 595

Page 157: Julien Gracq l'Attente

595

597

"C'est ainsi que la chose m'apparut, dis-je, mais telle elle n'était pas. C'était monadversaire, – c'était Wilson qui se tenait devant moi dans son agonie." 597

Page 158: Julien Gracq l'Attente

603

"En moi tu existais, – et vois dans ma mort, vois par cette image qui est la tienne,comme tu t'es radicalement assassiné toi-même!" 603

Page 159: Julien Gracq l'Attente
Page 160: Julien Gracq l'Attente
Page 161: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 162: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Page 163: Julien Gracq l'Attente
Page 164: Julien Gracq l'Attente
Page 165: Julien Gracq l'Attente

617

618

"Montsalvage est comme un fruit qui pourrit par le coeur. Tout le château, tout,jusqu'aux pierres de ses murs, empeste la maladie!" 617

"Rien n’était vacant et ouvert, accueillant au piéton, comme les routes de laFrance occupée – désertées, on eût dit, par l’effet d’un charme, engourdies etrêveuses comme je ne les ai jamais vues [...]: les restrictions pesaient de tout leurpoids, la pénurie ingénieusement contournée rendait son nerf et sa saveur à lafaim, à la soif, à la fatigue." 618

Page 166: Julien Gracq l'Attente

620

621

"Tout en bénéficiant d'un statut quasi unique dans l'Europe occupée, puisque lasouveraineté française était maintenue sur une fraction du pays alors que celui-ciavait été vaincu, le régime de Vichy allait se retrouver, pour le plus grand malheurdes Français, prisonnier d'un système de relations franco-allemandes singulièreset piégées." 620

"Non seulement la zone sud, dite «libre», est envahie le 11 novembre 1942 par laWehrmacht et devient «zone d'opérations», mais le régime perd ses principauxmoyens d'échange ou de marchandage: le gros de sa flotte de guerre se sabordeà Toulon" 621 .

Page 167: Julien Gracq l'Attente
Page 168: Julien Gracq l'Attente
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Andreea
Highlight
Page 169: Julien Gracq l'Attente

637

"Sais-tu pourquoi les arbres ne peuvent grandir dans nos Syrtes? Le printempss'y déchaîne comme une bourrasque dès mars, et le dégel est d'une brutalitésans exemple. La verdure se déploie comme les drapeaux sur une émeute, et tirela sève comme un nourrisson qui prend le sein – mais le dégel n'a pas touché laterre dans ses profondeurs, la racine dort encore dans la glace, les fibres ducœur se rompent et l'arbre meurt au milieu de la prairie qui fleurit." 637

Page 170: Julien Gracq l'Attente

639

"il émanait de sa forme je ne sais quelle impression maléfique, comme del'ombelle retournée au-dessus d'un cône renversé qui s'effile, que l'on voit àcertains champignons vénéneux. Et, comme eux, elle semblait avoir poussé,avoir pris possession de l'horizon avec une rapidité singulière; soudain elle avaitété là; son immobilité même, décevante sur la grisaille du soir, avait dûlongtemps la dérober au regard." 639

Page 171: Julien Gracq l'Attente

"Mona frissonnait sous sa courte veste fourrée: elle s'embrumait tout à coup

Andreea
Highlight
Page 172: Julien Gracq l'Attente

647

649

aussi vite qu'un ciel de montagne, tout entière ouverte aux avertissements de lasaison. – Je n'aime pas les fins de journée, faisait-elle en secouant la tête quand ill'interrogeait. Et, quand il lui demandait à quoi elle pensait: – Je ne sais pas. A lamort…" 647

"Les civilisations sont les états les plus extérieurs et les plus artificiels […]. Ellessont une fin; elles succèdent au devenir comme le devenu, à la vie comme lamort, à l'évolution comme la cristallisation, au paysage et l'enfance de l'âme,visibles dans le dorique et le gothique, comme la vieillesse spirituelle et la villemondiale pétrifiée et pétrifiante. Elles sont un terme irrévocable, mais auquel onatteint toujours avec une nécessité très profonde." 649

Page 173: Julien Gracq l'Attente
Page 174: Julien Gracq l'Attente
Page 175: Julien Gracq l'Attente

658

"PERCEVAL Vous parlez comme par énigmes. Il me semble que je n'y vois plusclair. AMFORTAS C'est que tu es encore un enfant. Tu pourrais être mon fils.PERCEVAL Je n'ai jamais connu mon père. Ma mère m'a élevé seule. Il était roi.AMFORTAS Sombre. Mieux vaut pour toi ne l'avoir jamais connu. Tous les filsrêvent de la mort de leur père. Et pourtant il est doux d'avoir un fils. (Un temps).Mais qu'importe! Tu es beau et jeune, tu siègeras à ma droite ce soir àMontsalvage, et tu seras traité comme mon enfant." 658

Page 176: Julien Gracq l'Attente

662

"PERCEVAL On dirait qu'il y a tant de choses derrière votre nom, derrière vosyeux. Comme derrière la voix d'Amfortas. Tant de choses – et si peu de tempspour savoir! Comme les yeux de ma mère qui savaient tellement plus de chosesque moi. KUNDRY Touchée. Il sied donc que je veillesur vous à sa place etqueje vous conduise au château. Le roi a donné ordre qu'on vous traite comme sonfils." 662

Page 177: Julien Gracq l'Attente

667

668

"PERCEVAL C'est vous qui lavez tout ce sang... Avec ces mains si blanches.Vous devez être si bonne, si tendre... pour soigner... pour guérir. Il faut que voussoyez si dévouée! Si dévouée à lui..." 667

"AMFORTAS Moi. Tu m'as déjà reconnu. Rappelle-toi le bord du lac. Nos ombresse mêlaient dans l'eau. «Il me semblait que ma route passait par vous» (Il ritamèrement). Tu as beaucoup d'esprit quand tu ne réfléchis pas. Et à chevaucherdroit devant soi, on ne réfléchit guère. J'ai eu plus de loisir et je sais, moi, que situ te retournais maintenant pour regarder ton ombre, (Il se lève en face dePerceval)...c'est moi que tu reconnaîtrais, et tu comprendrais que je te suivraitoujours. PERCEVAL J'ai horreur et dégoût de ce que j'entends, et cependant tume fais trembler de tous mes membres. Il y a un charme maudit sur toi, et je leconnaîtrai!... et je te l'arracherai... Il s'avance vers Amfortas avec un geste demenace et le pousse brutalement. Amfortas retombe lourdement sur sa litière. 668

"si le Nom-du-Père est un concept fondamental dans la psychanalyse, cela tient

Page 178: Julien Gracq l'Attente

670

au fait que ce que le patient vient chercher dans la cure est le trope de son destin,c'est-à-dire, ce qui de l'ordre de la figure de rhétorique, vient commander sondevenir." 670

"Il s'avance vers Amfortas avec un geste de menace et le pousse brutalement."

Page 179: Julien Gracq l'Attente
Page 180: Julien Gracq l'Attente
Page 181: Julien Gracq l'Attente
Page 182: Julien Gracq l'Attente

693

695

"Cette façon qu'affectait Vanessa de prendre les choses en main me déplaisait; jene pouvais m'empêcher de réfléchir qu'elle escamotait Marino comme un maritrompé, et d'en être humilié pour lui. Les apartés où elle m'entraînait me rejetaientd'instinct vers le capitaine: je ne sentais jamais plus vivement mon amitié pour luiqu'au moment où elle me témoignait cette désinvolture dans la préférence etl'exigence dont elle avait le secret." 693

"Vanessa posa sa main sur mon front et me regarda d'un air fixe et sérieux. –...Comme tu es resté enfant, ajouta-t-elle avec une inflexion presque tendre." 695

"Un seul angle de la pièce émergeait dans une lumière faible, mais je fus frappédès l'entrée, malgré l'éclat oriental des tapis et la richesse des revêtements demarbre, d'une impression intime de délabrement. Dans cette salle taillée à lamesure d'une vie oubliée, l'existence revenue semblait se recroqueviller, flottercomme dans un vêtement trop large. Un étang de vide se creusait au milieu de la

Page 183: Julien Gracq l'Attente

698

pièce; comme une cargaison qui se tasse aux coups de roulis d'une coquegéante, les meubles dépaysés, trop rares, se réfugiaient peureusement contre lesmurs." 698

Page 184: Julien Gracq l'Attente

702

705

"Pendant que la maigre assistance s'écoulait du cimetière, je vis devant moi lecapitaine s'attarder entre les tombes, comme s'il m'attendait" 702 .

"Tout à coup, j'éprouvai une impression de raideur dans la nuque, qui gagnait lesépaules, comme si on y eût braqué le canon d'une arme, en même temps qu'unesensation brutale et imminente de danger me bloquait la poitrine. D'une détente jeme jetai à terre, m'agrippant à la murette basse au bord même du vide. Quelquechose au même instant trébucha contre ma jambe avec un souffle lourd, puisbascula au-dessus de moi en raclant la margelle" 705 .

Page 185: Julien Gracq l'Attente

708

"Si tu t'ennuies trop, […] je vais te donner à mon tour un conseil d'ami et de père.Car je t'aime bien, Aldo, tu le sais." 708

Page 186: Julien Gracq l'Attente
Page 187: Julien Gracq l'Attente

725

"La première fois qu'il avait dormi avec elle, pendant qu'ils se reposaient dans lenoir, elle s'était mise à lui raconter tout à trac, avec une espèce de grâceenfantine, l'histoire de saint Benoît et de sa sœur Scolastique, heureuse qu'unetempête ait retenu près d'elle son frère et lui permette de jouir encore de saconversation et de ses leçons. Dehors, la pluie lourde de l'Ardenne battait la forêtsur des lieues. C'était si inattendu, et pourtant si charmant. Le ton,extraordinairement enfantin, était celui de jeunes écolières blotties dans unecachette contre la grosse pluie, qui se racontent des histoires en attendant quepasse l'orage." 725

Page 188: Julien Gracq l'Attente

729

"Une très faible clarté grise se diluait maintenant dans la pièce, découpantl'imposte et les cœurs des volets. La courtepointe cédait mollement sous sonpoids; il se sentait blotti là comme dans un ventre" 729 .

Page 189: Julien Gracq l'Attente
Page 190: Julien Gracq l'Attente

739

"A mesure que j'approchais de la ville, j'avais appréhendé davantage cetteentrevue avec mon père; connaissant son sang vif et son attachement à lapolitique d'inertie de la ville, j'avais craint que le vieillard, qui ne pouvait rienignorer de mes écarts de conduite, n'éclatât en reproches furieux" 739 .

Page 191: Julien Gracq l'Attente

742

"... J'ai pensé qu'on désirait sans oser le dire que j'aille voir là-bas, lui jetai-jedans une contraction de gorge. Les yeux gris ne cillèrent pas, mais une ébauchede sourire passa sur le visage à demi éclairé. – Calmez-vous, asseyez-vous...Votre sang est vif, c'est celui d'un très jeune homme. Là! là! ajouta-t-il avec uneironie et une douceur presque gracieuse, en se penchant vers moi légèrement. Jen'ai pas dit que je dormais bien. Un poids énorme tout à coup me glissa de lapoitrine, et je compris que depuis de longs jours je n'avais pas vraiment respiré.Celui qui était en face de moi avait le pouvoir de lier et de délier. Une envie folleme traversa: celle de baiser la main sèche et longue qui pendait devant moi dansl'ombre au bord du fauteuil." 742

Page 192: Julien Gracq l'Attente

744

745

"Il était pendu à une potence ou à une branche élevée, en tout cas à une grandehauteur – il faisait soleil – et cette posture, au moins inconfortable, ne semblaitpas entraîner d'inconvénient immédiat [...] Au-dessous de lui – si court que sespieds nus par moments effleuraient presque les cheveux blonds – Mona étaitpendue elle-même par le cou à une corde mince qui lui serrait les chevilles." 744

"Mona, comme sortant de lui par en-bas au bout de son «mince» cordonombilical, figurerait le rêveur émergeant du corps maternel, et inversementl'homme tiendrait la place de la mère." 745

Page 193: Julien Gracq l'Attente

752

"Ainsi l'homme surmonte la mort qu'il a reconnue dans sa pensée. On ne peutconcevoir triomphe plus éclatant de l'accomplissement du désir. On choisit là où,en réalité, on obéit à la contrainte, et celle qu'on choisit n'est pas la terrifiante,mais la plus belle et la plus désirable" 752 .

Page 194: Julien Gracq l'Attente
Page 195: Julien Gracq l'Attente
Page 196: Julien Gracq l'Attente

"Le Rouge et le Noir a été en littérature mon premier amour, sauvage, ébloui,exclusif, et tel que je ne peux le comparer à aucun autre" 763 .

Page 197: Julien Gracq l'Attente

763

764

766

767

769

"Je le lisais contre tout ce qui m'entourait, contre tout ce qu'on m'inculquait, toutcomme Julien Sorel avait lu le Mémorial contre la société et contre le credo deVerrières." 764

"Chaque fois que je retrouve, au hasard d'une lecture, cette impression de lâcheztout 766 , c'est avec la même secousse. Les personnages de Stendhal, parexemple, ont toujours une façon royale, magnifique de liberté, de se mettre enroute." 767

"Cette prose n'est jamais une prose parlée; elle n'a rien du vocabulaire et destournures de la conversation familière, de l'entretien qui va à l'aventure. Mais elleen a presque constamment le dé-lié, la désinvolture, la liberté denon-enchaînement quasi-totale. Aucune prose où la phrase qui s'achève laissemoins prévoir celle qui va suivre." 769

Page 198: Julien Gracq l'Attente

776

"Balzac, quand il est optimiste, [n'est plus que] le romancier de la réussiteplanifiée" 776 .

"L'histoire est close avant de commencer, et le ton noué de l'Histoire romancée

Page 199: Julien Gracq l'Attente

778

780

d'ailleurs perce partout. Éducation sentimentale ou Bovary d'un côté, etSalammbô de l'autre, c'est tout un, et c'est toujours le même timbre: «C'était àMégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar»... On vient à peined'aérer la resserre funèbre, d'escamoter les bâches, les tréteaux, les scalpelsd'une exhumation: un des assistants, rétrospectivement, raconte." 778

"Le tempo de Flaubert, dans Madame Bovary comme dans l'Éducation, est, lui,tout entier celui d'un cheminement rétrospectif, celui d'un homme qui regardepar-dessus son épaule – beaucoup plus proche déjà de Proust que de Balzac, ilappartient non pas tant peut-être à la saison de la conscience bourgeoisemalheureuse, qu'à celle où le roman, son énergie cinétique épuisée, deprospection qu'il était tout entier glisse progressivement à la ruminationnostalgique." 780

Page 200: Julien Gracq l'Attente

"Le hasard d'une Maison de la presse peu achalandée m'avait réduit l'autre jour àouvrir un volume de la série romanesque 785 d'Anatole France: L'Orme du mail. Jene connaissais rien du livre; au bout d'une soixantaine de pages, il me vint uneréflexion bizarre: «Tiens! Alain.» Non pas, bien entendu que rien en lui rappelâtl'envergure intellectuelle et les coteaux très modérés du «bon maître» de La

Page 201: Julien Gracq l'Attente

785

786

788

Béchellerie. Mais je sentais vivement que ce monde des romans d'Anatole Franceavec ses figures emblématiques comme des figures de jeu de cartes: le Général,le Duc, l'Évêque, le Préfet, le Député de la rente foncière, l'Enseignant laïque,c'était tout de même le monde étriqué de sa jeunesse, la donne qu'il n'avait pascherché à changer et dont, pour cadre de sa réflexion pourtant si libre, il avaitaccepté les limites sans plus guère les remettre en question." 786

"le nom de Rimbaud venant à être prononcé, le visage de Barrès se ferma net: ilvoulut bien ne pas cacher son étonnement de ce qu'on fît cas de ce galopin sansconséquence." 788

Page 202: Julien Gracq l'Attente

790

791

"Dis-moi qui tu hantes... 790 [...] Dans son cabinet de travail, le portrait de Taine, laphotographie de Monsieur Renan. Sur les instantanés pris au long de sa vie, desdéputés moustachus, des quêteuses du Bazar de la charité, des aumôniersmilitaires, des bonnes sœurs alsaciennes, des généraux, des missionnaires –Rostand, Déroulède, Anna de Noailles, Maginot, Castelnau, Gyp, Paul Bourget,Jacques-Émile Blanche, Marie Bashkirtseff: le dessus du panier de la BelleÉpoque pour lecteurs de l'Illustration, c'est-à-dire le second choix partout... Pasune figure vraiment haute de l'époque avec laquelle – lui devant qui toutes lesportes s'ouvraient – il ait lié amitié ou entamé un débat; on dirait qu'il a employé àles éviter toute la subtile canne blanche des aveugles. Ni Proust, ni Claudel, niValéry, ni Gide, ni Apollinaire, ni Breton n'ont jamais croisé son chemin. " 791

Page 203: Julien Gracq l'Attente

793

794

"Barrès, avec son nationalisme, était bien éloigné d'Un Homme libre et desaudaces de sa jeune pensée. Loti modulait des lassitudes qui étaient devenuesde vieilles rengaines, et France exerçait un mandarinat où le culte classique de laforme, l'ironie parisienne et les générosités humanitaires formaient un alliageséduisant pour un vaste public." 793

"L'aventure, c'est ce qui advient, c'est-à-dire ce qui s'ajoute, ce qui arrivepar-dessus le marché, ce qu'on n'attendait pas, ce dont on aurait pu se passer.Un roman d'aventure, c'est le récit d'événements qui ne sont pas contenus lesuns dans les autres. À aucun moment on n'y voit le présent sortir tout à fait dupassé; à aucun moment le progrès de l'œuvre n'est une déduction." 794

Page 204: Julien Gracq l'Attente

797

800

"Au travers des paysages, d'avance inimaginables, que sa seule mise en routefait affluer vers lui, le romancier n'a jamais le droit de perdre de vue le Nordordonnateur qui lui est spécifique. Ce magnétisme directeur joue-t-il aussiimpérieusement d'un roman à l'autre? Je ne doute pas une seconde que, pourdeux romanciers aussi différents que Stendhal, dans la Chartreuse, etAlain-Fournier, dans Le Grand Meaulnes, la matérialisation d'une musiqueintérieure impossible à capturer autrement que dans le déploiement d'un amplerécit ait été leur souci unique." 797

"Je n'ergote en rien sur l'admiration que je porte comme tout le monde à laRecherche du Temps perdu, si je remarque que la précision miraculeuse dusouvenir, qui de partout afflue pour animer ses personnages, leur donner lerendu du détail vrai avec lequel aucune imagination ne peut rivaliser, les prive enmême temps de ce tremblement d'avenir, de cette élation vers l'éventuel qui estune des cimes les plus rares de l'accomplissement romanesque..." 800

Page 205: Julien Gracq l'Attente

801

"Toute la Recherche est résurrection, mais résurrection temporaire, scènerejouée dans les caveaux du temps, avant de s'y recoucher, par des momies quiretrouvent non seulement la parole et le geste, mais jusqu'au rose des joues et àla carnation de fleur qu'elles avaient en leur vivant. Seulement Eurydice, qui s'estmise en marche vers nous toute respirante, et qui déjà revoit presque le jour de laterre, ne reviendra pas des Enfers: cette jeunesse toujours en devenir, cettepoussée d'avenir en eux que rien ne peut figer, et qui fait que nous mêlons enimagination les personnages de nos romans préférés à nos rencontres, à nosamours, à nos aventures, le peuple du Temps perdu n'y a pas part." 801

Page 206: Julien Gracq l'Attente

806

808

"Un compact sans solution de continuité de rues, de salons, de visages,d'éclairages, de souvenirs, de paysages, de timbres de voix, de conversations,pousse à rechercher, dans le domaine des équivalences gastronomiques, pour ladégustation du Temps perdu, les types de mets remarquables à la fois par leurhétérogénéité intime et leur consistance entièrement solidifiée, comme lespuddings et les gelées." 806

"Je l'admire. Mais l'émerveillement qu'il me cause me fait songer à ces sachetsde potage déshydratés où se recompose dans l'assiette, retrouvant même safrisure, soudain un merveilleux brin de persil. J'admire. Mais je ne sais pas sij'aime ça."

"La masse centrale du livre, impérieusement, rabat et plaque contre elle-même,par une force de gravité toute-puissante, tout ce qui tend à se projeter hors d'elle,y compris la production imaginative du lecteur qui, privée d'air et privée demouvement par la jungle étouffante et compacte d'une prose surnourrie, n'arrivejamais à s'élancer hors d'elle, à jouer à partir d'elle librement..." 808

Page 207: Julien Gracq l'Attente

812

"Purger le roman de tous les éléments qui n'appartiennent pas spécifiquement auroman. On n'obtient rien de bon par le mélange " 812 .

Page 208: Julien Gracq l'Attente
Page 209: Julien Gracq l'Attente

"L'histoire comme obsession et comme cauchemar achève avec Malraux deculminer dans notre ciel à la manière d'un soleil noir. [...] Le fond, la toile de fond,fixe et immobile, c'est la planète, une planète étrangère à l'homme, grisâtre,indifférente, d'une inertie sidérale, d'un éloignement d'étoile: les paysages, dansles romans de Malraux, sont toujours par grande préférence vus d'avion. À partirde ce monde qui a cessé de parler à l'homme, un premier décollement s'opère,qui est la marche perceptible, orageuse, de l'histoire, à la manière de lourdesnuées glissant sur un fond de désert." 823

Page 210: Julien Gracq l'Attente

823

828

"Dans les romans de Malraux [...], il n'y a que Malraux [...]. Le seul et unique typevivant [qu'il mette] au monde, au monde de la fiction, c'est [son] moi distribuésous diverses espèces et permanent sous d'innombrables hypostases" 828 .

Page 211: Julien Gracq l'Attente

831

"La mythomanie de Malraux me glace, moins parce qu'elle est mythomanie queparce qu'elle est gravité calculée, et quelquefois spéculation payante, parce qu'ila tiré sur elle bien d'autres traites que des traites littéraires..." 831

Page 212: Julien Gracq l'Attente

838

"Nul doute que Breton, en intitulant son premier ouvrage proprement surréalisteLes Champs magnétiques, nous ait livré beaucoup plus qu'une conceptionpurement contemplative du monde – une dominante imaginative, un schémamoteur inné, vital, qui intervient à chaque instant chez lui pour dynamiser lescontacts, substituer au rapprochement l'attirance et au chaos apparent desimpulsions le jeu de forces ordonnatrices invisibles." 838

Page 213: Julien Gracq l'Attente

844

"Il est passionnant d'observer Breton prosateur aux prises avec cette doubleexigence: d'avoir à disposer les mots selon un ordre convaincant, et en mêmetemps d'avoir (faute de quoi il avoue se désintéresser du langage) à leur laissercourir leur chance entière, à les laisser jouir jusqu'au bout de leur pouvoir uniquede suggérer et de découvrir." 844

"À la limite, un tel type de phrase peut même finir par se trouver à ce pointpétrifié par la considération de sa fin, que le premier jet de caractère spontanés'en trouve entièrement exclu: le dessin de la phrase se trouve alors conditionnéde toutes parts par le contour rigide et pressenti de ses voisines et ne chercheplus qu'à s'imbriquer dans le contexte – à résoudre un problème mécaniqued'emboîtement." 846

Page 214: Julien Gracq l'Attente

846

850

"Son utilisation consiste – à la manière de ces «surf-riders» qui se maintiennentportés en équilibre vertigineux sur une planche à la crête d'une vague jusqu'àl'écroulement final – à se confier les yeux fermés à l'élan de vague soulevée quiemporte la phrase, à se maintenir coûte que coûte «dans le fil», à se cramponnerà la crinière d'écume avec un sentiment miraculeux de liberté, [...] pour émerger,le moment venu, au moindre dommage de la catastrophe finale" 850 .

Page 215: Julien Gracq l'Attente

851

"Dans cette œuvre incontestablement forte, et même un moment percutante,mais consacrée tout entière à l'expectoration active, immédiate, de la masse dudonné sensible, on chercherait en vain un temps de repos, une rémission àl'allergie généralisée, aux phénomènes aigus d'intolérance." 851

"M. Mauriac trouve même ce va-et-vient si naturel qu'il passe de Thérèse-sujet àThérèse-objet au cours de la même phrase: «Elle entendit sonner neuf heures. Ilfallait gagner un peu de temps encore, car il était trop tôt pour avaler le cachetqui lui assurerait quelques heures de sommeil; non que ce fût dans les habitudes

Page 216: Julien Gracq l'Attente

854

856

858

859

de cette désespérée prudente, mais ce soir elle ne pouvait se refuser cesecours.» Qui juge ainsi Thérèse une«désespérée prudente»? Ce ne peut êtreelle. Non, c'est M. Mauriac, c'est moi-même: nous avons le dossier Desqueyrouxentre les mains et nous rendons notre arrêt." 854

"Le Manuel de l'Inquisiteur et l'Index figurent dans le matériel de bureau de maintcritique encore à la mamelle. Ce qui m'ennuie, pendant que la théologie s'installe,c'est l'impression que j'ai que c'est plutôt la foi qui s'en va." 856

"Je me souviens du temps – si lointain déjà, me semble-t-il – où Sartre faisaittriomphalement la leçon à Mauriac: «Voulez-vous que vos personnages vivent?Faites qu'ils soient libres» 858 (sans que personne osât d'ailleurs à l'époquerelever cette inconséquence de fort calibre)." 859

Page 217: Julien Gracq l'Attente
Page 218: Julien Gracq l'Attente

865

866

"Puisque nous étions situés, les seuls romans que nous pussions songer à écrireétaient des romans de situation, sans narrateurs internes ni témoinstout-connaissants; bref il nous fallait, si nous voulions rendre compte de notreépoque, faire passer la technique romanesque de la mécanique newtonienne à larelativité généralisée [...]." 865

"Pour l'écrivain pris dans l'étau d'une situation historique datée qui semble pourSartre une véritable hantise, le nez collé à l'événement, plus de supercherie dugenre «valeurs éternelles», plus de tricherie permise, plus d'espoir de durée etd'universalité, plus d'autre activité possible qu'une sorte de journalismesupérieur [...]. Je ne suis pas pour ma part insensible à ce qu'a de sincèrementhonnête et de responsable l'exposé de Sartre dont la vertu est pour moi d'être undissipateur d'illusions, mais je me demande s'il ne se laisse pas manœuvrer parl'adversaire, et si l'extrême modestie du rôle qu'il assigne à l'écrivain n'est pasune réaction involontaire contre les ambitions démesurées qu'affichait lesurréalisme; je me demande si le surréalisme, qui n'habite plus guère enapparence la littérature actuelle, ne continue pas à la hanter sous forme despectre accusateur; je me demande si, changeant de signe, il n'est pas devenuquelque chose comme la mauvaise conscience de l'écrivain d'aujourd'hui". 866

Page 219: Julien Gracq l'Attente
Page 220: Julien Gracq l'Attente
Page 221: Julien Gracq l'Attente
Page 222: Julien Gracq l'Attente

880

"AMFORTAS Laissant retomber ses mains comme dans un profond égarementC'est lui!... La Promesse est remplie. Un long silence, puis on entend une fanfare

faible et lointaine de cor. CLINGSOR Son cor! Il cherche son chemin dans lesbois de Montsalvage. Il... AMFORTAS Il l'arrête du geste. Pendant tout cepassage, il paraît complètement absorbé, absent. Laisse-moi écouter ce cor quifait bondir les pierres de Montsalvage. La fanfare s'achève. Ainsi, attendue àtravers les années et les siècles, c'était seulement – berçante et calmante etvague, et si bien apprivoisée – la Promesse... et maintenant c'est venu... etmaintenant pour jamais nous savons que c'était ainsi que cela devait venir..." 880

Page 223: Julien Gracq l'Attente

884

885

"Faire l'expérience de l'art signifie prendre conscience autant de son processusimmanent que de sa fixation dans l'instant" 884 .

"PERCEVAL [...] (Il regarde Trévrizent qui depuis quelques instants fixe avecstupeur un rayon de soleil qui se glisse dans la cabane). Tu ne m'écoutes mêmeplus. Adieu! (Il se lève et s'arme) Tu m'as promis de me montrer un chemin horsde ces bois. TRÉVRIZENT Toujours absorbé. Le soleil! (Il lève les yeux sur lui,comme absent). Adieu! Ta route est par ici. (Il désigne le lacet disparaîtbrusquement dans l'intérieur de la cabane [...])." 885

Page 224: Julien Gracq l'Attente

888

"Mais tout ce qui est éclairé porte une ombre, Perceval, et Montsalvage te forceseulement à tourner la tête. Il n'y a pas d'autre charme sur Montsalvage quecelui-ci, c'est qu'on n'y regarde plus le soleil. Montsalvage tourne le dos au soleil.Il baigne ses yeux sans cesse dans les ombres géantes que font sur la terre desgens tout pareils à toi." 888

Page 225: Julien Gracq l'Attente

892

"Par l'autonomie de leur forme, les œuvres d'art s'interdisent de s'incorporerl'absolu comme si elles étaient des symboles. Les images esthétiques sontsoumises à l'interdiction des images." 892

Page 226: Julien Gracq l'Attente

894

"Je m'asseyais sur la culasse du canon. Mon regard, glissant au long de l'énormefût de bronze, épousait son jaillissement et sa nudité, prolongeait l'élan figé dumétal, se braquait avec lui dans une fixité dure sur l'horizon de mer. Je rivais mesyeux à cette mer vide, où chaque vague, en glissant sans bruit comme unelangue, semblait s'obstiner à creuser encore l'absence de toute trace, dans legeste toujours inachevé de l'effacement pur. J'attendais, sans me le dire, unsignal qui puiserait dans cette attente démesurée la confirmation d'un prodige. Jerêvais d'une voile naissant du vide de la mer. Je cherchais un nom à cette voiledésirée. Peut-être l'avais-je déjà trouvé." 894

Page 227: Julien Gracq l'Attente

900

"Je regardais passer sous mes yeux dans une rêverie ce décombre de mer, pareilaux délivres d'une grande ville charriées à la côte par une inondation. Des canauxabandonnés montait une odeur stagnante de fièvre; une eau lourde et gluantecollait aux pelles des avirons. Par-dessus un pan de mur croulant, un arbremaigre penchait la tête vers l'eau morte qui fascinait ces ruines. [...] Vanessam'accueillait dans son royaume. Je me souvenais du jardin de Selvaggi, et jesavais quel appel l'attirait vers ce repaire de vases moisies. Maremma était lapente d'Orsenna, la vision finale qui figeait le cœur de la ville, l'ostensionabominable de son sang pourri et le gargouillement obscène de son dernier râle.[...] Sa puanteur était un gage et une promesse." 900

Page 228: Julien Gracq l'Attente

908

"Quand je reviens en pensée sur ces journées unies et monotones, et pourtantpleines d'une attente et d’un éveil, pareilles à l’alanguissement nauséeux d'unefemme grosse, je me rappelle avec étonnement combien Vanessa et moi noussemblions avoir peu à nous dire." 908

Page 229: Julien Gracq l'Attente

909

"– Je ne crois pas que la métaphore architecturale soit tout à fait acceptable pourla fiction. Un livre naît d'une insatisfaction, d'un vide dont les contours ne serévèleront précis qu'au cours du travail, et qui demande à être comblé parl'écriture." 909

Page 230: Julien Gracq l'Attente
Page 231: Julien Gracq l'Attente

"Quand le souvenir me ramène – en soulevant pour un moment le voile decauchemar qui monte pour moi du rougeoiement de ma patrie détruite – à cette

Page 232: Julien Gracq l'Attente

916

919

veille où tant de choses ont tenu en suspens, la fascination s'exerce encore del'étonnante, de l'enivrante vitesse mentale qui semblait à ce moment pour moibrûler les secondes et les minutes, et la conviction toujours singulière pour unmoment m'est rendue que la grâce m'a été dispensée – ou plutôt sa caricaturegrimaçante – de pénétrer le secret des instants qui révèlent à eux- mêmes lesgrands inspirés". 916

"à cause de cela les plaies lui arriveront en un jour, mort, deuil et famine, et ellesera brûlée au feu [...]Ils pleureront sur elle les rois de la terre qui se sontprostitués et livrés au luxe avec elle, quand ils verront la fumée de son incendie."919

Page 233: Julien Gracq l'Attente

920

"entre tous les actes, celui que je commençais d'entrevoir, celui auquel personnene pensait plus, était l'acte que je pouvais faire. Il baptisait le monde. Au lieu qu'ilfût un aboutissement, tout partait de lui à neuf." 920

Page 234: Julien Gracq l'Attente

922

924

"ils ne sortaient plus de leur mutisme que pour prononcer sans convictionquelques bribes de phrases toutes faites, qui constituaient comme le leitmotivinepte de leur prédication grossière" 922 .

"Au surplus, ce que nous faisons ici ne sert pas à grand chose [...] Peut-être quece qu'ils disent est vrai. Que ça finira mal". 924

Page 235: Julien Gracq l'Attente
Page 236: Julien Gracq l'Attente
Page 237: Julien Gracq l'Attente

943

"Magnifique celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de cette prophétie etgardent ce qui y est écrit, car l'instant est proche" 943 .

Page 238: Julien Gracq l'Attente

950

952

"En cette nuit même, il y a des siècles, des hommes veillaient, et l'angoisse lesserrait aux tempes; de porte en porte ils allaient, étouffant les nouveau-nés àpeine sortis du sein de leur mère. Ils veillaient pour que l'attente ne s'accomplîtpoint, ne laissant rien au hasard afin que le repos ne fût point troublé et que lapierre ne fût point descellée." 950

"Car il est des hommes pour qui c'est chose toujours mal venue que lanaissance; chose ruineuse et dérangeante, sang et cris, douleur etappauvrissement, un terrible remue-ménage". 952

Page 239: Julien Gracq l'Attente

953

957

958

"Elle est enceinte, elle crie dans les douleurs en tourment d'enfanter" 953 .

"ils n'ont pour guide que le signe de feu qui brille indifféremment dans le cielquand va se répandre le sang des grappes ou le sang des désastres" 957 .

"La cuve a été foulée hors de la ville et, de la cuve, il est sorti du sang jusqu'auxmors des chevaux sur mille six cents stades" 958 .

Page 240: Julien Gracq l'Attente

960

961

"Je vous invite à entrer dans leur Sens et à vouloir avec eux aveuglément ce quiva être [...], je vous invite à leur suprême Désertion" 960 .

"Heureux qui sait se réjouir au cœur de la nuit, de cela seulement qu'il sait qu'elleest grosse, car les ténèbres lui porteront fruit, car la lumière lui sera prodiguée.Heureux qui laisse tout derrière lui et se prête sans gage; et qui entend au fondde son cœur et de son ventre l'appel de la délivrance obscure, car le mondesèchera sous son regard, pour renaître. Heureux qui abandonne sa barque au fortdu courant, car il abordera sur l'autre rive. Heureux qui se déserte et s'abdiquelui-même, et dans le cœur même des ténèbres n'adore plus rien que le profondaccomplissement…" 961

"Heureux qui sait se réjouir au cœur de la nuit, de cela seulement qu'il sait qu'elleest grosse, car les ténèbres lui porteront fruit, car la lumière lui sera prodiguée?"

Page 241: Julien Gracq l'Attente

966

969

"Je vous parle de Celui qu'on n'attendait pas, de Celui qui est venu comme unvoleur de nuit" 966 .

"Je vous apporte la nouvelle d'une ténébreuse naissance. […] O puissions-nousne pas refuser nos yeux à l'étoile qui brille dans la nuit profonde […]. Ma penséese reporte avec vous, comme à un profond mystère, vers ceux qui venaient dufond du désert adorer dans sa crèche le Roi qui apportait non la paix, mais l'épée,et bercer le Fardeau si lourd que la terre a tressailli sous son poids." 969

Page 242: Julien Gracq l'Attente
Page 243: Julien Gracq l'Attente
Page 244: Julien Gracq l'Attente

982

"J'appelle apollinienne désormais l'âme de la culture antique qui a choisi le corpsindividuel présent et sensible comme type idéal de l'étendu. […] Apolliniens lastatique mécanique, […]. Apollinienne la peinture limitant les corps individuelspar des lignes, […]. Apollinien est l'être grec, qui appelle son moi un soma etignore l'idée d'évolution intérieure et donc de l'histoire réelle, intérieure ouextérieure" 982 .

Page 245: Julien Gracq l'Attente

988

"Hé! Ho! Gardiens du bois / Gardiens plutôt du sommeil / Veillez du moins àl'aurore." 988

Page 246: Julien Gracq l'Attente

990

"je vous invite à lire, frères et soeurs, une signification cachée, et à retrouverdans le tremblement ce qu'il nous est permis de pressentir du profond mystèrede la Naissance. C’est au plus noir de 1'hiver, et c'est au coeur même de la nuitque nous a été remis le gage de notre Espérance." 990

Page 247: Julien Gracq l'Attente

994

1000

"Il semblait que la création même pesât à la fin de toute sa masse comme unepierre écrasante sur le souffle scellé de son Créateur" 994 .

"et je savais pourquoi désormais le décor était planté" 1000 .

Page 248: Julien Gracq l'Attente
Page 249: Julien Gracq l'Attente

1008

"Comme on veut: le lecteur reste libre, de toute façon, si le héros du livre seréveille, c'est une autre saison de sa vie qui commencera" 1008 .

Page 250: Julien Gracq l'Attente

1012

"La production du discours comme «littérature» signifie très précisément que lerapport du sens à la référence est suspendu. La «littérature» serait cette sorte dediscours qui n'a plus de dénotation, mais seulement des connotations." 1012

Page 251: Julien Gracq l'Attente
Page 252: Julien Gracq l'Attente
Page 253: Julien Gracq l'Attente

1026

"Il n'y a de paradoxe que par la conjonction de raisons solides et de cette rupturepar rapport à l'opinion commune" 1026 .

Page 254: Julien Gracq l'Attente

"Selon les textes, leur sens relève de la vie et de la mort, de la régulation de lacommunication, des tabous fondateurs, de la relation avec les forcestranscendantes, […] etc." 1030 .

Page 255: Julien Gracq l'Attente

1030

1031

1032

"PERCEVAL Ma vie ne sera plus qu'une aventure de lumière, – au grand soleil –dans la splendeur… […] Ma vie sera autour de moi comme un champ moissonné.Ma tâche sera faite. […] Montsalvage revivra! Montsalvage reverra le soleil! Sesbrouillards se dissiperont – son éternel hiver finira. […] Je ferai de Montsalvageun paradis sur terre." 1031

"Tu n'auras plus d'aventures. Il n'en est plus à qui possède tout. Ton aventurefinit ce soir, Perceval! Tu verras l'étrange chose que c'est de lui survivre. […] Lesfeuilles ne tomberont plus jamais à Montsalvage. […] Là où tu entres finit l'espoiret commence la possession. Tu verras comme elle accable. La terre sera pour toipleine comme un œuf – chaque chose à sa place – et plus une place à ychanger." 1032

Page 256: Julien Gracq l'Attente

1036

"Yahvé ton Dieu te bénira dans le pays où tu entres pour en prendre possession"1036 .

Page 257: Julien Gracq l'Attente

1038

"Détacher notre désir de tous les biens et attendre. L'expérience prouve que cetteattente est comblée. On touche alors le bien absolu." 1038

Page 258: Julien Gracq l'Attente

1039

1042

"Les choses ont abouti pour moi, tu vois, Aldo. Mon travail a été béni, comme ondit, et tout cela, tu vois, c'est de la terre bien acquise. Je m'en vais accablé debiens légitimes." 1039

"On charge les hommes, dès l'enfance, du soin de leur honneur, de leur bien, deleurs amis, et encore du bien et de l'honneur de leurs amis. On les accabled'affaires, de l'apprentissage des langues et d'exercices, et on leur fait entendrequ'ils ne sauraient être heureux sans que leur santé, leur honneur, leur fortune etcelle de leurs amis soient en bon état, et qu'une seule chose qui manque lesrendrait malheureux. [...] Voilà, direz-vous, une étrange manière de les rendreheureux!". 1042

Page 259: Julien Gracq l'Attente
Page 260: Julien Gracq l'Attente

1050

"On eût dit qu'il retenait à chaque instant à grand' peine des gestes brusques etun peu fous, et je sentis que je m'étais trompé sur son impatience; il était contentde me voir: dans l'œil possessif qu'il promenait sur moi de temps à autre, il yavait une satisfaction savourée, comme si une pièce précieuse de ses collectionsvenait de réintégrer sa vitrine. – Il me semble qu'on parle beaucoup de toi, Aldo,en ce moment, dit-il enfin, et ses yeux se plissèrent, réprimèrent à grand' peineune jubilation enfantine." 1050

Page 261: Julien Gracq l'Attente

1055

"Je fus frappé de sa pâleur, une pâleur presque ostentatoire, qui n'était pas cellede la fatigue ou de la maladie, bien qu'il fût visible que depuis longtemps ellen'avait guère dormi; cette pâleur descendait plutôt sur elle comme la grâce d'uneheure plus solennelle: on eût dit qu'elle l'avait revêtue comme une tenue decirconstance. Elle portait une robe noire à longs plis, d'une simplicité austère:avec ses longs cheveux défaits, son cou et ses épaules qui jaillissaient trèsblancs de la robe, elle était belle à la fois de la beauté fugace d'une actrice et dela beauté souveraine de la catastrophe; elle ressemblait à une reine au pied d'unéchafaud." 1055

Page 262: Julien Gracq l'Attente

1060

"Au-dessus de lui, un reste de clarté verdâtre traînait encore entre les branches;sur la forêt tombait le calme stupéfié du premier moment de la nuit, avant ques'éveillent les passées des nocturnes. À cette heure-ci, c'était le bois seul quivivait encore, non les bêtes: de temps en temps, une branche se détendait dansle taillis après la chaleur de la journée, traînant derrière elle un frôlement depalme languide et plumeux qui était celui des jardins après la pluie. – Quelleabsence! pensa-t-il. Des souvenirs tournaient dans sa tête, qui étaient ceux d'uneétrange terre sans homme – souvenirs de randonnées dans la forêt d'hiver,d'après-midi dans la maison forte où l'on voyait seulement par la fenêtre, sous lesoleil brumeux, les gouttes tièdes du dégel grossir une à une les pointes desbranches." 1060

Page 263: Julien Gracq l'Attente

1061

"En effet ils furent rois toute une matinée […] et toute l'après-midi, où ilss'avancèrent du côté des jardins de palmes." 1061

Page 264: Julien Gracq l'Attente
Page 265: Julien Gracq l'Attente

1071

"Il semblerait, intuitivement, qu'un tel discours met en corrélation, au niveauprofond, deux catégories sémantiques relativement hétérogènes qu'il traitecomme si elles étaient deux schémas d'un seul micro-univers, et que sa syntaxefondamentale consiste à asserter alternativement comme vrais les deux termescontraires de cet univers de discours." 1071

Page 266: Julien Gracq l'Attente

1077

"Il a des écailles comme de l'argent! Il brille comme la cotte du chevalier!" 1077 .

Page 267: Julien Gracq l'Attente
Page 268: Julien Gracq l'Attente
Page 269: Julien Gracq l'Attente
Page 270: Julien Gracq l'Attente

1089

"Il fixait une croix de pierre plantée un peu à l'écart des autres, et selon toutes lesapparences, quoiqu'on n'en pût juger exactement à cause des progrès inégauxdu sable, d'une notable façon plus élevée. Mais ce qui sembla à Albert à touségards plus troublant dans la situation de cette croix était qu'aucun desrenflements encore visibles du terrain, qui rendaient si lugubrement explicable ence lieu désert la présence des emblèmes de la rédemption, n'apparaissait dansses environs immédiats, où seuls ondulaient les plis irréguliers du sable, de sorteque l'âme hésitait longuement à prononcer si cette croix figurait encore ici lesigne de la Mort couchée à son pied dans le sol, ou au contraire affrontait lepeuple endormi des tombes pour lui présenter l'image orgueilleuse de la Vieéternelle présente encore au milieu des plus funèbres solitudes." 1089

Page 271: Julien Gracq l'Attente
Page 272: Julien Gracq l'Attente

1097

1103

"Ils ne pouvaient se rassasier de leurs yeux inexorables, dévastants soleils deleurs cœurs, soleils humides, soleils de la mer, soleils jaillis trempés des abîmes,glacés et tremblants comme une gelée vivante où la lumière se fût faite chair parl'opération d'un sortilège inconcevable." 1097

"Et lorsqu'il passait devant la porte close de la chambre d'Herminien, derrièrelaquelle le choc timide d'un verre, l'accent musical et surprenant d'un soupirisolé, au sein du silence tendu, empruntaient les accents mêmes, majestueux etincertains, de la vie et de la mort" 1103 .

Page 273: Julien Gracq l'Attente

1106

"Alors un poignant sentiment de mystère ramenait Albert devant sa chambre auxvolets toujours clos et comme sanctifiée par l'énigme de sa résurrection – etlonguement il en contemplait la porte secrète, et hésitait sur le seuil avec unsourire insensé." 1106

Page 274: Julien Gracq l'Attente

1111

1112

1113

1114

"Ce décor d'église, dans cette église qu'est déjà un théâtre, auréolait pour moi lamélancolie profane d'une espèce de retentissement religieux" 1111 .

"Le dernier acte me bouleversa, c'était la vie au sein de la mort, une vie levéederrière le tombeau, un chant de triomphe de l'amour au-delà même du coup degrâce." 1112

"C'était une représentation de matinée, en hiver: quand nous sortîmes, la nuitétait tombée, ma tête bruissait, je me cognais sottement aux murs, désorientée,comme une ivrogne. La ville avec ses lumières chavirait sous de noiresavalanches, dans les trouées irrespirables de ses avenues rougeoyantes, sous leclaquement triomphal d'un drapeau de mort." 1113

"Dans cette tragédie de l'époque enfantine, cette tragédie dont la catastrophefinale est seulement la vie, la vie courante, désenchantée, il devinait déjà trèsclairement le dernier acte – comme plus tard arrivé à l'âge d'homme il devaitpar-dessus tout ressentir d'avance sa dernière péripétie: la mort." 1114

Page 275: Julien Gracq l'Attente

1115

1117

"Longtemps après, il m'a parlé de cette «heure inoubliable» où il avait vu l'aubese glisser dans la pièce mortuaire, et le visage figé au milieu des remous épaisdes fleurs et des couronnes «revenir au jour», «comme si l'ordre du temps s'étaitinversé». Mais ce qu'il entendait par là, quelles conclusions il tirait de cesimpressions si vives, c'est ce qu'il ne sera donné à personne de savoir." 1115

"Je suis quelqu'un pour qui le mythe n'a pas de sens. […] On ne peut se rassasierdes lieux où a vécu un héros de légende. Thomas a bien touché les plaies deJésus, et le christianisme, c'est dérisoire à dire, n'aurait jamais pris forme surcette terre si le Christ ne s'était incarné. Pour que le christianisme fût, il a falluque le Christ fût, naquît dans ce village, à cette date, montrât ces mains percées àl'incrédule, et s'envolât du tombeau d'une façon tout autre que métaphorique. […]La quête du Graal fut une aventure terrestre. […] De quels yeux autres que cesyeux de chair pourrais-je jamais appréhender la merveille?" 1117

Page 276: Julien Gracq l'Attente

"Ce qui me touche par-dessus tout dans l'histoire du Christ, c'est cette courtepériode, surprenante de mystère, qui s'écoule entre la Résurrection etl'Ascension, ce sont ces apparitions fuyantes, douteuses, crépusculaires, siirrémédiablement les dernières, si poignantes d'une lumière de départ […]. Unmystère fou, une enivrante atmosphère de chasse au météore habite toute unevaste contrée. […] Mais une petite troupe fraternelle, ivre de soif, nuit et jour,court les champs et les bois comme les Ménades, ivre d'une soif que rienn'étanche, s'interroge aux carrefours nocturnes […]." 1123

Page 277: Julien Gracq l'Attente

1123

1126

"On croit entendre marcher à pas de loup dans ce livre, déblayé à grands coupsde pelle comme le cimetière d'Hamlet – […] où l'on entend longuement craquersous les pas les brindilles sèches dans les chemins gelés de l'hiver. Quelquechose s'approche: quelle surprise! C'est la Mort? Ce n'est que la mort. Livreentièrement fait d'harmoniques, comme d'une harpe exténuée qui ne résonneplus que par une sympathie engourdie, à demi gelée, assourdie. C'est bien leNunc dimittis le plus pathétique de notre littérature." 1126

Page 278: Julien Gracq l'Attente
Page 279: Julien Gracq l'Attente

1138

"Tu me perces de mon bonheur comme d'une lance! Amfortas! […] Tu portes leGraal à ma bouche comme un calice de fiel..." 1138

Page 280: Julien Gracq l'Attente

1142

"Non, Kundry. Je l'ai traité mieux qu'un messie, mieux qu'un élu, mieux qu'unprophète. Je l'ai laissé choisir. […] J'ai préféré le traiter comme un homme." 1142

Page 281: Julien Gracq l'Attente

1148

"Les durs alignements à l'équerre des tombes sans fleurs, la nudité froide desallées sans arbres, l'entretien méticuleux et pauvre de cette nécropoleréglementaire mettaient sur ces fosses perdues un surcroît de tristesse morne etrevêche que n'ont pas les tombes isolées du désert." 1148

"Il n'y avait rien ici qui parlât du repos dernier, mais au contraire l'assuranceallègre que toutes choses sont éternellement remises dans le jeu et destinées

Page 282: Julien Gracq l'Attente

1151

ailleurs qu'où bon nous semble" 1151 .

"Grange manœuvrait machinalement la vis de pointage: il amenait lentement lamince croix noire des fils de visée au centre du créneau, un peu au-dessus del'horizon de la route. Dans le cercle de la lunette qui les rapprochait, le ciel blancet vague, le vide de la route ensommeillée, l'immobilité des plus menuesbranchettes devenaient fascinantes: le gros œil rond avec les deux fins traits de

Page 283: Julien Gracq l'Attente

1155

1158

rasoir de son œillère semblait s'ouvrir sur un autre monde, un monde silencieuxet intimidant, baigné d'une lumière blanche, d'une évidence calme. Grange uninstant retenait malgré lui son souffle, puis il se relevait en haussant les épaules."1155

"Mona attachait toujours la luge au pylône, comme un cheval: c'était une de sesbizarreries – avec celle des portes ouvertes et des brusques signes de croixtracés avec le pouce – sur lesquelles Grange n'osait l'interroger; dans sesmoments d'enthousiasme, il n'était pas loin de croire qu'elle détenait le secret decertaines pratiques à moitié magiques de la vie sauvage." 1158

Page 284: Julien Gracq l'Attente

1160

1161

"il apercevait le carreau rouge et nu, le bois du lit de noyer veuf de sa literie, etsur les murs enfumés, les rectangles plus clairs des miroirs piqués de moucheset des photographies de famille qu'on avait décrochées; parfois, au-dessus du lit,la tache avait la forme d'une croix; le rameau de buis bénit, encore frais, étaitresté accroché au clou, ou traînait sur le sommier de toile à bandes grises.C'étaient surtout ces taches pâles sur le mur qui donnaient une impressionparticulière de délabrement." 1160

"Toute la première partie du Balcon en forêt a été écrite dans la perspective d'unemesse de minuit aux Falizes, qui devait être un chapitre très important, et quiaurait donné au livre, avec l'introduction de cette tonalité religieuse, une assiettetout autre. Et Le Rivage des Syrtes, jusqu'au dernier chapitre, marchait au canonvers une bataille navale qui ne fut jamais livrée." 1161

Page 285: Julien Gracq l'Attente
Page 286: Julien Gracq l'Attente
Page 287: Julien Gracq l'Attente

1164

1165

"Mode d'expression incluant les écrits qui ne limitent pas leur objet à la simplecommunication mais manifestent des exigences d'ordre esthétique" 1164 .

"En fait, le poète s'est retiré d'un seul coup du langage-instrument; il a choisi unefois pour toutes l'attitude poétique qui considère les mots comme des choses etnon comme des signes." 1165

Page 288: Julien Gracq l'Attente

"La tradition littéraire est le système synchronique des textes littéraires, toujoursen mouvement, se recomposant au fur et à mesure que des œuvres nouvellesapparaissent." 1173

Page 289: Julien Gracq l'Attente

1173

1179

"Ces propriétés-là, parfaitement descriptibles, ne sont pas, [là non plus]spécifiquement artistiques; il s'agit de propriété esthétiques dont le propre est dene trouver qu'une illustration parmi d'autres dans les réalisations de l'art." 1179

Page 290: Julien Gracq l'Attente

1181

"Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd'hui être considérée commel'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs,qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts etles lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, lessystèmes de valeurs, les traditions et les croyances." 1181

"La culture est l'ensemble des comportements, savoirs, et savoir-fairecaractéristiques d'un groupe humain ou d'une société donnée, ces activités étantacquises par un processus d'apprentissage, et transmises à l'ensemble de sesmembres." 1182

Page 291: Julien Gracq l'Attente

1182

1183

"Toute culture poursuit un but à l'insu des individus. […] Les institutions (et enparticulier les institutions éducatives – familles, écoles, rites d'initiation –) visent– inconsciemment – à ce que les individus se conforment aux valeurs qui sontcelles de chaque culture." 1183

"Le style est une manifestation de la culture comme totalité; c'est le signe visible

Page 292: Julien Gracq l'Attente

1187

1188

1190

de son unité. Le style reflète et projette la «forme intérieure» de la pensée et dusentiment collectifs." 1187

"Même si nous ne savions rien de la société chinoise archaïque, la seuleinspection de son art permettrait donc d'y reconnaître la lutte des prestiges, larivalité des hiérarchies, la concurrence des privilèges sociaux et économiques,toutes fondées sur le témoignage des masques et sur la vénération des lignées."1188

"Le cycle peint par Giotto avait pour destination de montrer à la foule despèlerins les scènes les plus fameuses de la vie de saint François; […] on voulaitd'abord prouver que ses actions s'étaient toujours trouvées en accord avecRome." 1190

Page 293: Julien Gracq l'Attente
Page 294: Julien Gracq l'Attente

1198

"Nous vivons encore sur l'idée, entretenue par les programmes universitaires etpar les sommaires des manuels, que notre culture pousse toujours sur cetteracine, à la fois très longue et très étroite, qui plonge à travers trois mille ans detradition gréco-romaine jusque dans l'époque homérique. Nous gardons cetteidée en nous sans la vérifier; mais prenons garde qu'une rupture brutale est entrain de se produire dans ces temps mêmes que nous traversons." 1198

Page 295: Julien Gracq l'Attente

1203

"Pour l'enfant, apprendre sa langue maternelle, c'est à la fois se constituercomme personne distincte et s'identifier à une culture" 1203 .

Page 296: Julien Gracq l'Attente
Page 297: Julien Gracq l'Attente
Page 298: Julien Gracq l'Attente

1215

1216

"Cette qualité inconnue d'un monde unique et qu'aucun autre musicien ne nousavait jamais fait voir, peut-être est-ce en cela, disais-je à Albertine, qu'est lapreuve la plus authentique du génie, bien plus que le contenu de l'œuvreelle-même. «Même en littérature? me demandait Albertine. – Même en littérature.»Et repensant à la monotonie des œuvres de Vinteuil, j'expliquais à Albertine queles grands littérateurs n'ont jamais fait qu'une seule œuvre ou plutôt réfracté àtravers des milieux divers une même beauté qu'ils apportent au monde." 1215

"Je ne peux pas vous parler comme cela en une minute des plus grands, maisvous verriez dans Stendhal un certain sentiment de l'altitude se liant à la viespirituelle: le lieu élevé où Julien Sorel est prisonnier, la tour au haut de laquelleest enfermé Fabrice, le clocher où l'abbé Blanès s'occupe d'astrologie et d'oùFabrice jette un si beau coup d'œil." 1216

Page 299: Julien Gracq l'Attente

1220

"L'horizon de la langue et la verticalité du style dessinent donc pour l'écrivainune nature, car il ne choisit ni l'une ni l'autre. […] Or toute Forme est aussiValeur; c'est pourquoi entre la langue et le style, il y a place pour une autre réalitéformelle: l'écriture. Dans n'importe quelle forme littéraire, il y a le choix générald'un ton, d'un éthos, si l'on veut, et c'est ici précisément que l'écrivains'individualise clairement parce que c'est ici qu'il s'engage." 1220

Page 300: Julien Gracq l'Attente
Page 301: Julien Gracq l'Attente

1226

"Comme telle, elle tend sans cesse à écarter le discours de son sujet, dans unincessant «appareillage». Mais le mouvement est compensé par la reprisethématique, qui agit rhétoriquement comme surdétermination: celle-ci ramène la«dérive» dans le mouvement d'un cercle, et cette conjonction donne au texte […]cette allure caractéristique d'une orbe en révolution lente autour d'un centreabsent qui est l'objet même du discours." 1226

Page 302: Julien Gracq l'Attente
Page 303: Julien Gracq l'Attente

"On est certes en droit de dire – et c'est trop évident – en suivant le fil des

Page 304: Julien Gracq l'Attente

1229

1230

courants de pensées les plus aigus, les plus conscients qui la traversent, que ledésespoir de notre époque est fait de ce qu'à la certitude de la «mort de Dieu»survit paradoxalement et même s'alimente le sentiment poignant de la chute del'homme." 1229 ?

"Pour déceler la mue actuelle du catholicisme, Huysmans est une bonne pierrede touche. Ce à quoi il s'est converti, c'est tout ce que l'Église vient de larguer, etrien que ce que l'Église vient de larguer. On peut d'ailleurs penser que lesconversions d'écrivains et d'artistes vont se faire rares, mais le pape s'en moque,et mise pour l'avenir sur des races moins énervées: «Faites entrer les Noirs» isthe motto – les civilisés de la vieille Europe sont en passe de lui devenir le poidsmort que furent vite les premiers chrétiens juifs par rapport aux Gentils." 1230

"S'il y a une constante dans la manière que j'ai de réagir aux accidents de l'ombreet de la lumière qui se distribuent avec caprice tout au long de l'écoulement d'unejournée, c'est bien le sentiment de joie et de chaleur, et, davantage encorepeut-être de promesse confuse d'une autre joie encore à venir, qui ne se séparejamais pour moi de ce que j'appelle, ne trouvant pas d'expression meilleure,l'embellie tardive – l'embellie, par exemple, des longues journées de pluie quilaissent filtrer dans le soir avancé, sous le couvercle enfin soulevé des nuages,

Page 305: Julien Gracq l'Attente

1231

un rayon jaune qui semble miraculeux de limpidité– l'embellie mouillée etnordique de certains ciels de Ruysdaël – l'embellie crépusculaire au ras del'horizon, plus lumineuse, plus chaude, que je vais revoir quelquefois au Louvredans un petit tableau de Titien qui me captive: La Vierge au lapin. Une impressionsi distincte de réchauffement et de réconfort, plus vigoureuse seulementpeut-être pour moi que pour d'autres en de telles occasions, n'est pas sans lienavec une image motrice très anciennement empreinte en nous et sans doute denature religieuse: l'image d'une autre vie pressentie qui ne peut se montrer danstout son éclat qu'au-delà d'un certain «passage obscur», lieu d'exil ou vallée deténèbres." 1231

Page 306: Julien Gracq l'Attente

1239

"Le soleil se couchait derrière la muraille de forêt d'un noir d'encre; une brumecouvrait déjà les pentes basses du jardin et montait comme une marée vers notreobservatoire; dans une immobilité tendue, je fixais jusqu'aux dernières lueurs lessilhouettes des arbres sombres qui se découpaient sur la bande lumineuse del'horizon. Là s'était fixé le dernier regard de Vanessa; j'attendais de voir paraîtrece qu'il m'avait mystérieusement désigné." 1239

Page 307: Julien Gracq l'Attente

1244

"Plus d'une fois, [cette œuvre] renvoie au paysage spirituel du christianismeaussi fidèlement que le relief de la médaille au creux du moule. La religion deJésus – et son climat affectif surtout – fût-elle oubliée, qu'on s'en ferait encorequelque idée d'après le négatif que sont ses livres tout comme on peut esquisserla carte des anciens glaciers rien qu'au relevé des portions de continent qui sesoulèvent. L'après-christianisme ne pourrait commencer vraiment qu'après la finde ces mouvements que les géophysiciens appellent eustatiques, presque aussilents que les pesées séculaires qu'ils tendent à compenser. Même si Nietzsche araison, un Dieu mort règne longtemps encore par les contre-pousséeséquilibrantes dont il impose et règle la distribution." 1244

Page 308: Julien Gracq l'Attente

1248

"Les mythes du Moyen Age ne sont pas des mythes tragiques, mais des histoires«ouvertes» – ils parlent non pas de punitions gratuites, mais de tentationspermanentes et récompensées (Tristan: la tentation de l'amour absolu – Perceval:la tentation de la possession divine ici bas) vus sous un certain angle, ils sont unoutil forgé pour briser idéalement certaines limites." 1248

Page 309: Julien Gracq l'Attente

1256

"Reste au centre, au cœur du mythe et comme son noyau, ce tête à tête haletant,ce corps à corps insupportable – ici et maintenant, toujours – de l'homme et dudivin, immortalisé dans «Parsifal» par la scène où le roi blessé élève le feu rougedu Graal dans un geste de ferveur et de désespoir qui figure un des symboles lesplus ramassés que puisse offrir le théâtre – un instantané – des plus poignantsque recèle l'art – de la condition de l'homme, qui est, seul entre tous les êtresanimés, de sécréter pour lui-même de l'irrespirable, et, condamné à ce tête à têtefascinant et interminable avec ce que de lui-même il a tiré de plus pur, de nepouvoir faire autre chose que de répéter l'exaltante et désespérante formule: «Jene puis vivre ni avec toi, ni sans toi.» 1256

Page 310: Julien Gracq l'Attente
Page 311: Julien Gracq l'Attente

1264

"Il resta un moment encore les yeux grands ouverts dans le noir vers le plafond,tout à fait immobile, écoutant le bourdonnement de la mouche bleue qui secognait lourdement aux murs et aux vitres. Puis il tira la couverture sur sa tête ets'endormit." 1264

Page 312: Julien Gracq l'Attente

1265

"Je ne crois pas avoir l'esprit religieux: les questions qui passent pour obséderles esprits de ce genre, je ne me les pose à peu près jamais. En revanche –dépourvu que je suis de croyances religieuses – je reste, par une inconséquenceque je m'explique mal, extrêmement sensibilisé à toutes les formes que peutrevêtir le sacré, et Parsifal, par exemple, a pris pour moi sans qu'il y aitdéperdition de tension affective – au contraire – la relève d'une croyance et d'unepratique qui se desséchait en moi." 1265

Page 313: Julien Gracq l'Attente
Page 314: Julien Gracq l'Attente
Page 315: Julien Gracq l'Attente
Page 316: Julien Gracq l'Attente
Page 317: Julien Gracq l'Attente
Page 318: Julien Gracq l'Attente

1273

"L'aventure, c'est ce qui advient, c'est-à-dire ce qui s'ajoute, ce qui arrivepar-dessus le marché, ce qu'on n'attendait pas, ce dont on aurait pu se passer."1273

Page 319: Julien Gracq l'Attente

1277

"un pas à la fin comblait l'attente de cette nuit vide, et je savais pour quoidésormais le décor était planté." 1277

Page 320: Julien Gracq l'Attente

1280

1283

"prenons garde qu'une rupture brutale est en train de se produire dans ces tempsmêmes que nous traversons". 1280

"Autrement dit encore, notre culture repose sur des œuvres élaborées déjà dansle souci de la technique: comment s'étonner que le souci de la technique soitdevenu ce qu'il est pour la littérature de notre temps, une préoccupation qui tendà prendre le pas sur toutes les autres, et presque une obsession?" 1283

Page 321: Julien Gracq l'Attente
Page 322: Julien Gracq l'Attente

1289

1291

"Il n'y a rien à attendre de plus. Rien d'autre" 1289 .

"Recevoir un récit religieux comme un mythe, [n'est-ce pas] à peu près du mêmecoup le recevoir comme un texte littéraire, ainsi que le montre abondammentl'usage que notre culture a fait de la «mythologie» grecque" 1291 ?

Page 323: Julien Gracq l'Attente

1294

"Ce que l'art veut affirmer, c'est l'art. Ce qu'il cherche, ce qu'il essaie d'accomplir,c'est l'essence de l'art" 1294 ?

Page 324: Julien Gracq l'Attente

1296

1297

"Ce qui se passe là devant tout un chacun est pour lui à tel point éloigné ducours commun du monde et si clos en un univers indépendant de significations,que personne n'a aucune raison de vouloir en sortir pour atteindre quelque autreavenir ou réalité. Le spectateur est relégué dans une distance absolue qui luiinterdit toute participation à la poursuite de buts pratiques. Or, cette distance estdistance esthétique au sens véritable du terme, distance requise par la vue quirend possible la participation véritable et complète à ce qui est représenté." 1296

"Contaminer l'art par la révélation signifierait répéter de façon irréfléchie dans lathéorie son inévitable caractère fétichiste. Extirper la trace de révélation qu'ilcontient le rabaisserait au niveau de la répétition indifférenciée de ce qui est." 1297

Page 325: Julien Gracq l'Attente

Au château d'Argol. - Paris: José Corti, 1938

Un beau ténébreux. - Paris: José Corti, 1945

Le roi pêcheur. - Paris: José Corti, 1948

Le Rivage des Syrtes. - Paris: José Corti, 1951

Un balcon en forêt. - Paris: José Corti, 1958

Page 326: Julien Gracq l'Attente

André Breton quelques aspects de l'écrivain. - Paris: José Corti, 1948

Préférences. - Paris: José Corti, 1961

Lettrines. - Paris: José Corti, 1967

Lettrines 2. - Paris: José Corti, 1974

Les Eaux étroites. - Paris: José Corti, 1976

En lisant en écrivant. - Paris: José Corti, 1980

La Forme d'une ville. - Paris: José Corti, 1985

Autour des sept collines. - Paris: José Corti, 1988

Carnets du grand chemin. - Paris: José Corti, 1992

AMOSSY (Ruth). "Julien Gracq Questions de lecture (En lisant en écrivant)" in JulienGracq actes du colloque international d'Angers. - Angers:Presses de l'Universitéd'Angers, 1982. - pp 16-25. -

BAUDRY (Robert). - "Julien Gracq et la légende du Graal", in Julien Gracq, Actes ducolloque international d'Angers. - Angers: Presses de l'Université d'Angers, 1982. -pp. 251-252.

BAUDRY (Robert). - "Sur la valeur illuminatrice du Graal: les lumières sacrées duGraal" in Herméneutiques sociales n° 2, (Cercle d'Études Normand d'Anthropologie).Paris: Teraedre éditions, 1999. - pp. 93-106.

BELLEMIN-NOEL (Jean). - Une ballade en galère avec Julien Gracq. – Toulouse:Presse universitaires du Mirail, 1995. - 128 p.

BOIE (Bernhild). - "Introduction Chronologie et notes" in Gracq (Julien), Œuvrescomplètes, I et II, Bibl. de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1989/1995.

COGEZ (Gérard). - Julien Gracq Le Rivage des Syrtes. – Paris: PUF, 1995. - 128 p.

COELHO (Alain), LHOMEAU (Franck), POITEVIN (Jean-Louis). - Julien Gracq écrivain.– Paris: Le Temps Singulier/Siloé, 1988. - 162 p.

COMPAGON (Antoine). - "Julien Gracq entre André Breton et Jules Monnerot" in Lesantimodernes de Joseph de Maistre à Roland Barthes (pp. 372-403). - Paris,Gallimard, 2005. - 468 p.

COUFIGNAL Robert). - "La Bible dans l'œuvre romanesque de Julien Gracq", in JulienGracq, actes du colloque international d'Angers. - Angers: Presses de l'Universitéd'Angers, 1982. - pp. 27-39.

DEBREUILLE (Jean-Yves). - "La poétique romanesque de J. Gracq à partir du «Rivagedes Syrtes» et d'«Un balcon en forêt»", in Julien Gracq, Actes du colloqueinternational d'Angers, Angers: Presses de l'Université d'Angers, 1982. - pp. 202-211.

Page 327: Julien Gracq l'Attente

DEBREUILLE (Jean-Yves). - "La quête inachevée: Chrétien de Troyes et Julien Gracq"in L'école des lettres, n°6, janvier 1996. - pp 175-193.

EIGELDINGER (Marc). "La Mythologie de la forêt dans l'œuvre romanesque de JulienGracq", in Leutrat (Jean-Louis) (sous la direction de), Julien Gracq, Paris: Éditionsdel'Herne, 1972. - pp. 236-245.

ERNST (Gilles). - "Fines transcendam ou la mort dans les romans de M. Julien Gracq",in Actes du Colloque international d'Angers. - Angers: Presses de l'Universitéd'Angers, 1982. - pp. 311-324.

ERNST (Gilles). Article "Julien Gracq", in Dictionnaire des Lettres Françaises, (sous ladirection de Martine Bercot et d'André Guyaux). - Paris: Librairie Générale Française,1998. - 1172 p.

Givre. - «Julien Gracq» (textes réunis par Hervé Carn, Paul-Marie Péchenant et PierrePruvot). - n°1, mai 1976, Charleville-Mézières.

HADDAD (Hubert). - Julien Gracq, la forme d'une vie. - Paris: Zulma, 2004. - 320 p.

LE GUILLOU (Philippe). - Julien Gracq Fragments d'un visage scriptural. – Paris: LaTable Ronde, 1991. - 150 p.

LEUTRAT(Jean-Louis) (sous la direction de). - Julien Gracq. – Paris: Éditionsdel'Herne, 1972. - 406 p.

LEUTRAT(Jean-Louis). - Julien Gracq. – Paris: Le Seuil, 1991. – 288 p.

LEUTRAT (Jean-Louis), Au château d'Argol/Un balcon en forêt. - Paris, Nathan, 1992, -128 p.

LIGOT (Marie-Thérèse). - "L'image de la femme dans les textes romanesques de JulienGracq" in Julien Gracq Actes du colloque international d'Angers. - Angers: Pressesde l'Université, 1982, pp. 337-344.

MURAT (Michel). - «Le Rivage des Syrtes» de Julien Gracq Étude de style (I, Le romandes noms; II, Poétique de l'analogie). - Paris. José Corti, 1983. - 140 p. et 182 p.

MURAT (Michel). - Julien Gracq. - Paris: Belfond, 1991. - 284 p.

SION (Georges). - "Julien Gracq au théâtre ou le retrait de Perceval", in Julien Gracq(sous la direction de Jean-Louis Leutrat). - Paris: Éditions de l'Herne, 1972. - pp.165-167.

GADAMER (Hans-Georg). - Vérité et Méthode (1960) (édition intégrale revue et

Page 328: Julien Gracq l'Attente

complétée par Pierre Fruchon, Jean Grondin et Gilbert Merlio). – Paris: Le Seuil,1996. - 544 p.

HALLYN (Fernand). - "L'herméneutique", in Méthodes du texte. Introduction aux étudeslittéraires (sous la direction de Maurice Delcroix et Fernand Hallyn). -Paris-Gembloux, Duculot, 1987. – 392 p.

RICŒUR (Paul). - Le conflit des interprétations Essais d'herméneutique. - Paris: LeSeuil, 1969. - 512 p.

RICŒUR (Paul). - La métaphore vive. - Paris: Le Seuil, 1975. - 416 p.

RICŒUR (Paul). - Du texte à l'action Essais d'herméneutique, II. – Paris: Le Seuil,1986, - 416 p.

RICŒUR (Paul). - Temps et récit. 1. L'intrigue et le récit historique (1983). - Paris: LeSeuil, 1991. - 404 p. - (Points Seuil.)

RICŒUR (Paul). - Temps et récit. 2. La configuration dans le récit de fiction (1984). -Paris: Le Seuil, 1991. - 304 p. - (Points Seuil.)

RICŒUR (Paul). - Temps et récit. 3. Le temps raconté (1985). - Paris: Le Seuil, 1991. -538 p. - (Points Seuil.)

SPITZER (Léo). - Etudes de style (traduit de l'anglais et de l'allemand par Alain Coulon,Michel Foucault et Eliane Kaufholz). - Paris: Gallimard, 1970. - 536 p.

ARISTOTE. - Poétique, (traduction de Michel Magnien). - Paris, Belles Lettres/LibrairieGénérale Française, 1990. - 256 p. (Le Livre de Poche classique.)

ADORNO (Theodor Wiesengrund), - Théorie esthétique (1970) (traduit par M. Jimenezet E. Kaufholz). - Paris: Klincksieck, 1995. – 520 p.

BLANCHOT (Maurice). - L'Espace littéraire (1955). - Paris: Gallimard, 1988. 380 p. -(Folio essais.)

BLANCHOT (Maurice). - L'entretien infini. - Paris, Gallimard, 1969. - 644 p.

COLLOT (Michel. - La poésie moderne et la structure d'horizon (1ère édition: 1989). -Paris: PUF: 2005. - 264 p.

COMETTI (Jean-Pierre). - "L'art est une passion inutile" in Évaluer l'œuvre d'art, Revuefrancophone d'esthétique, n° 01, novembre 2003-avril 2004. - pp. 85-100.

FERRIER (Jean-Louis). La forme et le sens Éléments pour une sociologie de l'art. -Paris: Denoël/Gonthier, 1969. - 219 p.

HUYGHE (René). - Les signes du temps et l'art moderne. - Paris: Flammarion, 1985. -220 p.

JIMENEZ (Marc). - Qu'est-ce que l'esthétique? Paris, Gallimard, 1997. - 448 p. -(Folio/essais.)

JOUFFROY (Alain). - article "Duchamp" in Encyclopædia Universalis VII. - Paris:Encyclopædia Universalis France S.A., 2002. - 1048 p.

JOUFFROY (Alain). - article "Brancusi" in Encyclopædia Universalis IV. – Paris:

Page 329: Julien Gracq l'Attente

Encyclopædia Universalis France S.A., 2002. - 1056 p.

KANT (Emmanuel), Critique de la faculté de juger, in Œuvres philosophiques II. - Bibl.de la Pléiade (texte traduit par Jean-René Ladmiral, Marc B. de Launay et Jean-MarieVaysse). – Paris: Gallimard, 1985. 1606 p.

LEVINSON (Jerrold), - "Le plaisir et la valeur des œuvres d'art", in Évaluer l'œuvre d'art.- Revue francophone d'esthétique, n° 01, novembre 2003-avril 2004. – 128 p.

LÉVI-STRAUSS (Claude). - "Le dédoublement de la représentation dans les arts del'Asie et de l'Amérique" in Anthropologie structurale. - Paris: Plon, 1958. - 452 p.

MALRAUX (André). - La Métamorphose des dieux Le Surnaturel (1977) in Écrits surl'art II, (Œuvres complètes, V). -Bibl. de la Pléiade, Paris: Gallimard, 2004. - 1856 p.

PINSON (Jean-Claude). - Habiter en poète Essai sur la poésie contemporaine. -Seyssel: Champ Vallon, 1995. - 282 p.

PLATON. - La République (traduction de Léon Robin) in Œuvres complètes I. - Bibl. dela Pléiade, Paris, Gallimard, 1940. - 1472 p.

SCHAPIRO (Meyer). - "La notion de style" (1953), in Style, Artiste et Société (1982 pourla traduction française). - Paris: Gallimard, 1990. - 446 p. - (Tel.)

BAKHTINE (Mikhaïl). - Esthétique de la création verbale (traduit du russe par AlfredaAucouturier). - Paris: Gallimard, 1984. - 408 p.

BARTHES (Roland). - Sur Racine (première édition: 1963) in Œuvres complètes tome I,1942-1965, Paris, Le Seuil, 1993. - 1436 p.

BELLEMIN-NOËL (Jean). - Vers l'inconscient du texte. - Paris: PUF, (nouvelle éditionrevue et augmentée), 1996. - 278 p. - (Quadrige.)

BELLEMIN-NOËL (Jean). - La psychanalyse du texte littéraire. Introduction aux lecturescritiques inspirées de Freud. - Paris: Nathan Université, 1996. - 128 p.

BÉNICHOU (Paul). in Todorov (Tzvetan). - Critique de la critique. - Paris: Le Seuil,1984. - 208 p.

BONNEFOY (Yves). - "Poésie et vérité" in Entretiens sur la poésie (1972-1990). - Paris:Mercure de France, 1990. - 381 p.

BOURDIEU (Pierre). - Les règles de l'art Genèse et structure du champ littéraire. -Paris: Le Seuil, 1992. - 492 p.

BREMOND (Claude). - Logique du récit. – Paris: Le Seuil, 1973. – 352 p.

BRUNEL (Pierre). - Mythocritique. Théorie et parcours. - Paris: PUF, 1992. - 294 p.

CHARLES (Michel). - Introduction à l'étude des textes. - Paris: Le Seuil, 1995. - 192 p.

COLLOT (Michel. - La poésie moderne et la structure d'horizon (1ère édition: 1989). -Paris: PUF: 2005. - 264 p.

COMPAGNON (Antoine). - Le Démon de la théorie Littérature et sens commun (1998).- Paris: Le Seuil, 2001. - 338 p. - (Points Essais.)

Page 330: Julien Gracq l'Attente

DUBOIS (Jacques). - "La sociologie de la littérature", in Méthodes du texte Introductionaux études littéraires (sous la direction de Maurice Delcroix et Fernand Hallyn). -Paris/Gembloux, Duculot, 1987. 392 p..

ECO (Umberto). - L'œuvre ouverte (1962). - Paris: Le Seuil, 1965 (pour la traductionfrançaise). - 320 p. - (Points.)

ECO (Umberto). - Lector in fabula ou la coopération interprétative dans les textesnarratifs (texte traduit de l'italien par Myriem Bouzaher). - Paris: Grasset, 1985. - 324p.

GENETTE (Gérard). - Figures III. – Paris: Le Seuil, 1972. – 290 p.

GENETTE (Gérard). - Fiction et diction. – Paris: Le Seuil, 1991. - 160p.

GOLDMANN (Lucien). - Le dieu caché. Étude sur la vision tragique dans les "Pensées"de Pascal et dans le théâtre de Racine (1956). - Paris: Gallimard, 1976. - 462 p. -(Tel.)

GREEN (André). - Un œil en trop Le complexe d'Œdipe dans la tragédie. - Paris:Éditions de Minuit, 1969. - 288 p.

GREIMAS (Algirdas Julien) et Courtès (Joseph). - Sémiotique Dictionnaire raisonné dela théorie du langage. – Paris: Hachette, 1979. 456 p.

GREIMAS (Algirdas Julien). - Du Sens II. - Paris: Le Seuil, 1983. - 256 p.

GROUPE D'ENTREVERNES. - Analyse sémiotique des textes. - Lyon: Presseuniversitaires de Lyon, 1979. - 208 p.

ISER (Wolfgang). - L'Acte de lecture: théorie de l'effet esthétique (traduction françaised'Evelyne Sznycer). - Bruxelles: Mardaga, 1985. - 405 p.

JAKOBSON (Roman). - Essais de linguistique générale. - Paris: Éditions de Minuit,1963. - 260 p.

JAUSS (Hans Robert). - Pour une esthétique de la réception (traduit de l'allemand parC. Maillard). - Paris, Gallimard, 1978. - 336 p.

LEJEUNE (Philippe). - Le pacte autobiographique (1975). - Paris: Le Seuil, 1996. - 384p. - (Points/essais.)

METZ (Christian). - Essais sur la signification au cinéma (tomes 1 et 2). - Paris:Klincksieck, 1968/1972. - 224 p. et 219.

MOLINIÉ (Georges). - Dictionnaire de rhétorique (1992). - Paris: Librairie GénéraleFrançaise. 1997. - 352 p. - (Livre de Poche.)

PICON (Gaëtan). "La littérature du XX° siècle" in Histoire des littératures 3. -Encyclopédie de la Pléiade, Paris: Gallimard, Gallimard, 1958. - 2058 p.

POUILLON (Jean). - Temps et Roman (1946). - Paris: Gallimard, 1993. - 336 p. - (Tel.)

RAIMOND Michel). - La crise du roman, des lendemains du Naturalisme aux annéesvingt. - Paris: José Corti, 1966. - 542 p.

RAYMOND (Michel). - Le roman depuis la Révolution. – Paris. Armand Colin, 1971. –414 p.

RIVIÈRE (Jacques). - Le Roman d'aventure (1913). - Paris. - Éditions des Syrtes, 2000.- 128 p.

Page 331: Julien Gracq l'Attente

ROBERT (Marthe). - Roman des origines et origines du roman (1972). - Paris:Gallimard, 1977. - 364 p. - (Tel.)

SARTRE (Jean-Paul). - "M. François Mauriac et la liberté" (1939) Critiques littéraires(Situations, I). - Paris: Gallimard, 1993. - 320 p. (Folio/essais.)

SARTRE (Jean-Paul). - Qu'est-ce que la littérature? (1948). - Paris: Gallimard, 1993. -314 p. - (Folio/essais.)

STAROBINSKI (Jean). - L'œil vivant. - Paris: Gallimard, (1ère édition: 1961), 1999. -310 p. (Tel.)

TADIÉ (Jean-Yves). - Le roman au vingtième siècle. - Paris, Belfond, 1990. - 230 p. -(Agora/Pocket.)

TODOROV (Tzvetan). - Symbolisme et interprétation. - Paris: Le Seuil, 1978. - 170 p.

UBERSFELD (Anne). - Lire le théâtre. - Paris: Scandéditions/Éditions sociales, 1993. -304 p.

BALZAC (Honoré de). - La duchesse de Langeais, in La Comédie humaine, V (éditionde Pierre Georges Castex) Bibl. de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1977. - 1584 p.

BARRÈS (Maurice). - Romans et voyages II. - Paris: Robert Laffont, 1994. - 1160 p. -(Bouquins.)

BAUDELAIRE (Charles). - Œuvres complètes I (édition de Claude Pichois). - Bibl. de laPléiade, Paris: Gallimard, 1975. - 1664 p.

BIBLE. - Le Nouveau Testament (textes traduits par Jean Grosjean et Michel Léturmy).- Bibl. de la Pléiade, Paris: Gallimard, 1971. - 1088 p.

BRETON (André). - Œuvres complètes, I. - Bibl. de la Pléiade, Paris: Gallimard, 1988. -1872 p.

CALDERON - La vie est un songe (traduit de l'espagnol par Antoine de Latour). - Paris,Librairie générale française, 1996, - 164 p.

GIDE (André). - Romans Récits et Soties Œuvres lyriques. - Bibl. de la Pléiade, Paris:Gallimard, 1958. - 1164 p.

GIRAUDOUX (Jean). - Théâtre complet.- Bibl. de la Pléiade, Paris: Gallimard, 1982. -

Page 332: Julien Gracq l'Attente

1904 p

HOMÈRE. - Odyssée, (traduction par Victor Bérard), Bibl. de la Pléiade. - Paris:Gallimard, 1955. - 1152p.

LA FONTAINE (Jean de). Fables in Œuvres complètes I (édition de René Gros etJacques Schifrin). - Bibl. de la Pléiade, Paris: Gallimard, 1954. - 876 p.

MALLARMÉ (Stéphane). - Œuvres complètes (édition de G. Jean-Aubry et HenriMondor). - Bibl. de la Pléiade, Paris: Gallimard, 1945. - 1696 p.

NERVAL (Gérard de). - Les Chimères, Exégèses de Jeanine Moulin. - Genève-Paris:Droz-Minard, 1969. - 96 p.

PASCAL (Blaise). - Œuvres complètes (édition de Jacques Chevalier). - Bibl. de laPléiade, Paris: Gallimard, 1954. - 1568 p.

POE (Edgar Allan). - William Wilson, in Nouvelles histoires extraordinaires, (traductionde Charles Baudelaire) Œuvres en prose. - Bibl. de la Pléiade, Paris: Gallimard,1951. - 1168 p.

PROUST (Marcel). - À la recherche du temps perdu, III, Bibl. de la Pléiade, (éditionétablie par Pierre Clarac et André Ferré). - Paris: Gallimard, 1954. - 1328 p.

RIMBAUD (Arthur) - Œuvres complètes,(édition établie par Antoine Adam). - Bibl. de laPléiade, Paris: Gallimard, 1972. - 1312 p.

SAINT JEAN. Apocalypse in La Bible Nouveau Testament, (textes traduits par JeanGrosjean), Bibl. de la Pléiade, Paris: Gallimard, 1971. - 1088 p.

Scènes du Graal. - (textes traduits et présentés par Danielle Buschinger, Anne Labia etDaniel Poirion). - Paris, Stock, 1987. - 252 p.

SOPHOCLE. - Œdipe-roi in Tragiques grecs, Eschyle Sophocle, Bibl. de la Pléiade(traduction de Jean Grosjean). - Paris: Gallimard, 1967. - 1552 p.

VIRGILE. - Les Bucoliques Les Géorgiques (traduction de Maurice Rat). - Paris: Garnierfrères, 1967. - 254 p. - (Garnier-Flammarion.)

VORAGINE (Jacques de). - La légende dorée (traduit du latin par Alain Boureau,Monique Gouillet et Laurence Moulinier). - Bibl. de la Pléiade, Paris: Gallimard, 2004.- 1664 p.

WAGNER (Richard). Parsifal in Guide des opéras de Wagner (sous la direction deMichel Pazdro). - Paris: Fayard, 1988. - 894 p.

ABITEBOUL (Olivier). - Le paradoxe apprivoisé. - Paris: Flammarion, 1998. - 222 p.

AGERON (Charles-Robert). - article "Décolonisation" in Encyclopædia Universalis,tome 7. - Paris: Encyclopædia Universalis France, 2002. - 1048 p. 12.

AMOSSY (Ruth). - Les idées reçues, sémiologie du stéréotype. - Paris: Nathan, 1991. -215 p.

ARIÈS (Philippe). - Essais sur l'histoire de la mort en Occident du Moyen Age à nosjours (1975). Paris: Le Seuil, 1977. - 242 p. - (Points Histoire.)

Page 333: Julien Gracq l'Attente

AUGÉ (Marc). - Pour une anthropologie des mondes contemporains. - Paris: Aubier,1994. - 196 p.

AZÉMA (Jean-Pierre). - article "Régime de Vichy", in Encyclopædia Universalis, tome23. - Paris: Encyclopædia Universalis France, 2002. – 1006 p..

BACHELARD (Gaston). - La psychanalyse du feu (1949). - Paris: Gallimard, 1985. -192 p. (Folio/essais.)

BALADIER (Charles). - article "Culpabilité" in Encyclopædia Universalis tome 6. Paris,Encyclopædia Universalis France, 2002. - 1056 p.

BENVENISTE (Émile). - Problèmes de linguistique générale, 2 (1974). – Paris:Gallimard, 1980. – 294 p. - (Tel.)

BLOCH (Marc). - La société féodale. - Paris. Albin Michel, (1ère édition 1939), 1968. –704 p.

BOUTINET (Jean-Pierre). - Anthropologie du projet. - Paris: PUF, 1990. - 310 p..

CAILLOIS (Roger). - L'homme et le sacré (1950). - Paris: Gallimard, 1988. - 256 p.(Folio/essais.)

CHALLIER (Catherine). (sous la direction de) - La patience, passion de la duréeconsentie. - Paris: Editions Autrement, série Morales n° 7, 1992. – 224 p.

DUBY (Georges). - Histoire de la France Naissance d'une nation des origines à 1348(première édition:1970). - Paris: Larousse, 1991. – 418 p.

DURAND (Gilbert). - Les structures anthropologiques de l'imaginaire. - Paris: Dunod,1992. - 536 p.

DUVAL (André). - article "Ordres religieux" in Encyclopædia Universalis, XVI. - Paris:Encyclopædia Universalis France S.A., 2002. - 1056 p.

ELIADE (Mircea). - Le sacré et le profane (1ère édition française: 1965). - Paris:Gallimard, 1988. – 192 p. - (Folio essais.)

FREUD (Sigmund). - L'inquiétante étrangeté et autres essais (traduit de l'allemand parBertrand Féron). - Paris: Gallimard, 1985. - 346 p. - (Folio essais.)

GAUCHET (Marcel). - Le désenchantement du monde (1985). - Paris: Gallimard, 2005.- (Folio/essais.)

GEERTZ (Clifford), - Bali. Interprétation d'une culture (trad. Fr. 1973). - Paris: Gallimard,1983. - 255 p.

GEERTZ (Clifford). - "La religion comme système culturel" (1966) in Heusch (Luc de)Essais d'anthropologie religieuse. - Paris: Gallimard, 1972. - pp. 19-66.

GIRARD (René). - Mensonge romantique et vérité romanesque (1961). – Paris:Grasset, 2001. 380 p. - (cahiers rouges.)

GIRARD (René). - La Violence et le Sacré. - Paris: Grasset, 1972. - 534 p. (Pluriel.)

HILTENBRAND (Jean-Paul). - article "Nom-du-Père" in Dictionnaire de la Psychanalyse(sous la direction de Roland Chemama et Bernard Vandermersch). - Paris:Larousse-Bordas, 1998. - 464 p.

JANET (Pierre). - De l'angoisse à l'extase. Etudes sur les croyances et les sentiments.Un délire religieux. La croyance 2 volumes (1ère édition en 1926). - Paris: SociétéPierre Janet et laboratoire de psychologie pathologique de la Sorbonne, 1975. - 431

Page 334: Julien Gracq l'Attente

et 479 p.

LACAN (Jacques). - Écrits. - Paris: Le Seuil, 1966. - 926 p.

LAO-TSEU. - Tao-tö King in Philosophes taoïstes. - Bibl. de la Pléiade, Paris:Gallimard, 1980. - 896 p.

LAPLANTINE (François) - L'Anthropologie. - Paris: Seghers, 1987. - 224 p.

LEDRUT (Raymond). - "L'homme et l'espace", in Histoire des mœurs, I, Encyclopédiede la Pléiade, (sous la direction de Jean Poirier), Bibl. de La Pléiade. - Paris:Gallimard, 1990. - 1738 p.

LEDURE (Yves). - La détermination de soi, Anthropologie et religion. - Paris: Descléede Brouwer, 1997. - 154 p.

LÉVI-STRAUSS (Claude). - Anthropologie structurale deux. - Paris: Plon, 1973. - 450 p.

LÖWITH (Karl). - Histoire et Salut Les présupposés théologiques de la philosophie del'histoire (traduit de l'allemand par M. C. Challiol-Gillet, S. Hurault et J. F. Kervégan). -Paris: Gallimard, 2002. - 288 p.

MIQUEL (Pierre). - "La République de la Libération" in Histoire de la France. -Paris:Fayard, 1976. - 644 p. (547-579).

MORIN (Edgar). - "Identité culturelle", Actas del V Congreso "Cultura Europea", Elcano(Navarra), Aranzadi, 2000. - pp. 31-38.

PASTOUREAU (Michel). - "Les couleurs de la Pentecôte" in Herméneutiques socialesn° 2, (Cercle d'Études Normand d'Anthropologie). - Paris: Teraedre éditions, 1999. -pp. "39-43.

PRIGENT (Pierre). - L'Apocalypse de Saint Jean. - Genève: Labor et Fides, 2000. - 508p.

RASTIER (François). - "Anthropologie linguistique et sémiotique des cultures", inRastier (François et Bouquet (Simon) (sous la direction de) Une introduction auxsciences de la culture. - Paris: PUF, 2002. - 290 p.

RESWEBER (Jean-Paul). - Le transfert Enjeux cliniques, pédagogiques et culturels. -Paris: L'Harmattan, 1996. - 238 p.

RICŒUR (Paul). - Soi-même comme un autre. - Paris: Le Seuil, 1990. - 430 p.

ROSOLATO (Guy). - Essais sur le symbolique (1969). - Paris, Gallimard, 1969. - 364 p.(Tel.)

SARTRE (Jean-Paul). - L'être et le néant Essai d'ontologie phénoménologique. – Paris:Gallimard, 1943. - 685 p. (Tel.).

SAUSSURE (Ferdinand de). - Cours de linguistique générale (1972) (édition critique deTullio de Mauro). - Paris: Payot, 1985. - 520 p.

SMITH (Pierre). - article "Mythe" in Encyclopædia Universalis, XV. - Paris:Encyclopædia Universalis France S.A., 2002. - 1006 p.

SPENGLER (Oswald), Le Déclin de l'Occident I et II (1923/1931), (traduit de l'allemandpar M. Tazerout), Paris, Gallimard, 1948. - 888 p.

VERNANT (Jean-Pierre). - L'univers, les dieux, les hommes (1999). - Paris: Le Seuil,2002. - 256 p. (Points.)

VERNANT (Denis). - "Dialogisme et culture", in Une introduction aux sciences de la

Page 335: Julien Gracq l'Attente

culture, (sous la direction de François Rastier et Simon Bouquet). - Paris, PUF, 2002.- pp. 203-214.

VINCENSINI (Jean-Jacques). - "D'une définition préalable à la définition desstéréotypes anthropologiques" in Ethnologie française, 1995/2. - Paris: Armand Colin.- pp. 257-263.

WEBER (Max). - "Considération intermédiaire: théorie des degrés et des orientations durefus religieux du monde" (1920) in Sociologie des religions (textes réunis, traduits etprésentés par Jean-Pierre Grossein). - Paris, Gallimard, 1996. - 548 p. - (Tel.) p.

WEIL (Simone). - "Détachement" in La pesanteur et la grâce (1947). - Paris: Plon, 1988.- (Agora/Pocket.). - 210 p.

ARRIVÉ (Michel) GADET (Françoise) et GALMICHE (Michel). - La grammaired'aujourd'hui: guide alphabétique de linguistique française. - Paris: Flammarion, 1986.- 720 p.

BAILLY (Anatole). - Dictionnaire Grec Français. - Paris: Hachette, 1950. - 2230 p.

CARRIER (Hervé). - Lexique de la culture. - Tournai/Louvain-la-Neuve: Desclée, 1992.- 442 p.

CHARAUDEAU (Patrick). - Grammaire du sens et de l'expression. - Paris: Hachette,1992. - 928 p.

ERNOUT (Alfred) et MEILLET (Antoine) - Dictionnaire étymologique de la langue latine(1ère édition: 1932). – Paris: Klincksieck, 2001. – 814 p.

GAFFIOT (Félix). - Dictionnaire Latin Français. – Paris: Hachette, 1934. - 1720 p.

Grand Larousse de la langue française (sous la direction de Louis Guilbert, RenéLagane et Georges Niobey), Paris, Larousse, 7 vol, 1989 - 6730 p.

GRIMAL (Pierre). - Dictionnaire de la Mythologie grecque et romaine. - Paris, PUF,1951. - 576 p.

REY (Alain),TOMI (Marianne), HORÉ (Tristan), TANET (Chantal). - Dictionnairehistorique de la langue française (sous la direction d'Alain Rey). Paris: DictionnairesLe Robert, 1992-1998. 3 tomes, 4304 p.

Trésor de la langue française. – Paris: CNRS/Gallimard, 1971-1994. - 21568 p.

Page 336: Julien Gracq l'Attente
Page 337: Julien Gracq l'Attente
Page 338: Julien Gracq l'Attente
Page 339: Julien Gracq l'Attente
Page 340: Julien Gracq l'Attente
Page 341: Julien Gracq l'Attente
Page 342: Julien Gracq l'Attente