guy debord cette mauvaise reputation

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  • 8/15/2019 Guy Debord Cette Mauvaise Reputation

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    y   GuyJ)ebord 

    "Cette mauvaise:   ~   .   "" reputatlOn ....

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    GuyDebord"Cette mauvaise réputation ..."

    «Spéeialistes   homologués   par   d es autorités inconnues,

    ou   sim ples supplétifs,   les ex perts   r évelent   et commen-

    tent d e tr es   haut toutes   mes sottes err eurs,   détesta bles

    talents,   gr and es   infamies,   mauvaises intentions ... »

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    Guy  Debord 

    "Cette mauvaise~   .   "reputatlon ...

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    «J'es père ... m'être   tenu à la r ègleque je m'étais f ixée au commence-

    ment d e   mon discour s. J'ai tentéd 'annuler   l'injustice de  cette   mau-vaise r é putation   et l'ignorance   d el'o pinion.   »

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    En mai dernier, à l'occasion de la rééditiond'un livre de 1985 dans lequel j'avais été

    amené à nier, assez aisément d'ailleurs, madouteuse culpabilité dans un assassinat,j'esti-mai qu'il convenait déjà d'évoquer la moder-nisation de la critique que ce temps a pu des-tiner à me contredire (il est vrai que j'ai eutoutes sortes d'aventures, et je conviendraiqu'aucun genre n'a pu venir pour améliorer les autres. Je n'ai pas cherché à plaire).

     j'écrivais donc d'une telle critique toujoursmieux complétée:   «Désormais, pour mefaire une mauvaise réputation, elle va accu-muler, sur chaque sujet, les dénonciations

     pér emptoires. Spécialistes homologués par des autorités inconnues,   ou simples supplé-tifs, les experts révèlent   et commentent detrès haut toutes mes sottes erreurs, détes-

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    tables talents, grandes infamies, mauvaisesintentions.» Je vais maintenant en apporter assezde preuves.

    faillitbien réussir». Il ne dit pas comment j'aifait, ni si l'idée était bonne.

    En janvier 1988, le tr ès vulgaire magazineillustré   Globe   me range parmi d es «GrandsSilencieux », qui se tiendraient   à l'écart d es

    vulgarités médiatiques; dans l'étrange com- pagnie, notamment, d 'un génér al FrançoisMermet, alors chef d es services secrets fran-çais, et de Jacques Focart, si longtemps«homme de l'ombr e»   pour les menées capi-talistes en Mrique. Il révèle que  ce Debord,«seul rivaldu mar xisme r égnant,jeta la géné-ration de 68 à l'assaut du Vieux Monde et

    Dire que j'ai bien failli réussir me paraîtchoquant. La réussite sociale, sous quelque

    forme que ce soit, n'a pasfiguré dans mespro- jets. D'un autre,côté,je pense qu'il m'était, enquelque sorte, impossible d'échouer, puisque,ne pouvant faire rien d'autre, j'ai certaine-ment fait ce que je devais. Pensant, presquesur tous les points, le contraire de ce que

     presque tout le monde pensait, j'ai réussi à ledire assez publiquement, et la catastrophe

    annoncée   de toute une société a depuisdémontré que je ne manquais pas d'esprit. Jene crois quand même pas avoir été, en plus,astreint à l'obligation de réussir à convaincrede mes bonnes raisons des gens qui étaient

     profondément attachés à des perspectivescontraires, ou au moins stipendiés pour fairesemblant d'y croire. j'ai réellement essayé,

    mais pas au delà de mon talent, ni desjourshistoriques. Un trait de caractère m'a,je crois,

     profondément distingué de presque tous mescontemporains, je ne l'aur ai pas dissimulé:  jen'ai jamais cru que rien dans   le monde avait étéfait dans l'intention pr écise   d e   me faire plaisir.   Lescaves, pour dire le vr ai, raisonnent toujours àl'inverse.Je ne pensais pas non plus que nous

    Je me limiterai aux plus étourdissantesséries d'exemples évoqués dans les proposdes médiatiques de mon pays, durant lesannées 1988 à 1992; etje publierai avec pré-cision les documents en suivant l'ordre chro-nologique, qui est plus impartial. Dante disaitque c'est plutôt avecle couteau qu'il faudraitrépondre à des arguments d'une telle bestia-

    lité. C'était un autre temps. Je   fer ai parfoisquelques observations mod érées: sansjamais penser à me   fair e   passer moi-même pour meilleur que je ne suis.

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    étions là pour réussir de bonnes   affaires; jedoutais même fort   d e leur agrément. Je n'aiété le rivalde personne.

    masse ment ou se trompe sur tout ce   qui peut   se rapprocher d'un commencementd'intérêt.   Et ce n'est pas par un regr ettablehasard :c'  est sa fonction comme cultur e   demasse. C'est seulement dans un tel contexte

    que l'historien Pascal Dumontier ,   qui a écr iten 1990 Les S i.tuationnist es et Mai   1968, estamené à fair e cette   r emarque   :  «Eff ective-ment,   il faut   r appeler   que seules les sour cesissues de l'1.S. ou d e ceux qui leur furent

     proches nous permettent d 'en parler un tantsoit peu.}) Cette étonnante absence d e touteautr e source   ind é pendante,   touchant l'I.S.,

    dans   l'information contemporaine, ne peutêtre attr i buée au succès de  la conspirationsituationniste; mais plutôt   au changementde l'état du mond e. C'est ainsi que d é jà vers1960 en Eur ope occid entale,   «la police   dela pensée»   médiatique pouvait traiter desrevues et d es livr es qui par aissaient   légale-ment, et qui étaient tr ès lus.

    En mai   1988, la r evue  Le   Dé bat  ,   dans unerubrique   intitulée   Dictionnair e   d e notr e é  poque,me   d éfinit ainsi   : «L'homme   le plus secret

     pour   l'un des sillages publics les plus signifi-catif s d es vingt-cinq d ernièr es années ... àl'âge   d e   la culture de masse, De bord et sescompagnons situationnistes   auront fourni

    l'exemple  achevé des r essour ces d e la mino-rité active, auréolée d e son mystèr e et tr ans-for mant son absence même en pr inciped'influence.»   Ici, on voudrait pr étendr e   se

     placer plus haut, à l'étage   d e la pensée histo-rique, mais  en réalité   aujour d'hui elle ne

     peut plus êtr e, là, rien d e mieux que le d es-sus du panier d'une néo-université se coop-

    tant avec l'aid e d es  med ia.   Comment peut-ontransformer   son absence  même en principed 'inf luence? C'est   idiot. Peut-on imaginer quel puéril   rituel conspir atif   pourrait   êtr e

     propre à aur éoler d e   mystèr e   un quidam?Ceux   qui ont eux-mêmes  tout cru pensenttout croya ble. Ils savent tr ès pertinemment,mais ne   doivent   pas dir e, que  la cultur e   de

    Ce même   Dé bat   a d 'ailleurs vite comprisque j'avais a jouté, à la déplaisante aventure,quelques d éfauts qui m'étaient per sonnels:«Ce qui a fasciné chez De bord , c'est un style.Son impact: le résultat électr ique d 'une   apo-logie du dérèglement d e tous les sens couléedans la fermeté fr oid e d 'une prose classique,

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    quelque   part entre R etz, Saint:Just et le Marx pam phlétair e.»   On   est facilement coupabled'avoir  du style,là où il est d evenu aussi rar ed e   le rencontrer que   la  personnalité   elle-même. N'est-ce pas  avouer   son manque d e

    consid ération pour l' es pr i t d émocratique-s pectaculair e? J'ai   été assur ément   allergiqueaux méthod es   de dér èglement d es sens quiont   été fa briquées par   l'industrie   d es tempsr écents,   mais je ne   m'étonne   pas   d 'êtr eintempor ellement r é puté vouloir  encour ager au d érèglement d e   tous   les   sens,   avec cevoyou d e   Rimbaud,   aux yeux d e   mod estes

    fonctionnair es qui se sont toujours et partoutcrus obligés d e   respecter le moindr e   règle-ment d es modes d e   l'instant. L'évocationindignée  d e la clarté du langage paraît  char-gée   d e ra ppeler l'offensante ar istocratie,et donc   d 'odieux temps   moins   scolarisés,c'est-à-dire   moins   riches en diplômes. Lesexemples des auteur s   classiq ues cités,   et ils

    n'ont   pas été choisis innocemment,   ont   ététous tr ois d es gens dangereux: ilsont du sangsur les mains, ayant par tici pé à  d es guerr esciviles.  Ils   ont   donc fait   figur e, en diver smoments,   d 'ennemis   du Consensus. Ces pré-

     paratifs bien cond uits,  Le  Dé hat  peut alors pro-duir e avec assurance  l'ex plication d éfinitived 'un per sonnage qui, au pr emier instant, lui

    avaitparu digne de si gr aves méfiances:   «Oùl'on   voit l'as piration radicale  à  la pur eté semettre   i jouer à   l'intér ieur contr e   l'entre-

     pr ise r évolutionnair e et en défair e la possi bi-lité concrète au nom même de la sublimité

    d e ses f ins.» Le mot dit beaucoup. Cela estécr it en 1988. .1 1   faut donc   que   l'auteur àce moment pense encor e   que   «l'entr e priser évolutionnaire   ...  concr ète»   existait   bel   et

     bien chez les bur eaucrates  gouver nant la Rus-sie et divers États satellites. L'imposture ned evait tomber  en poussièr e que dix-huit mois

     plus tard .

    En mai 1988, vient le   tour d 'un pam- phlet d e 35 pages ser rées intitulé   Échecs si-t uationnist es   (B.P. n°   357 - 75968 Par isCEDEX 20). Les auteur s,   Laura Romild   etJacques Vincent, sem blent avoir cher ché à ne

    rien oublier   d e tout   ce qui ser ait susce ptibled'éta blir   la pertinence  du titr e. On ne sait quiils sont, ce qu'ils ont f ait, ce qui cause encor eleur  vive passion pr ésente. Ils y v ont si gaie-ment qu'il d evient   vite dif ficile   d e com-

     pr endre comment leur   ouvrage a pu   rester nécessaire pend ant une si longue pér iod e, vule  malheur eux sujet.   Qu'est-ce   d onc   qu'un

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    mond e   où d e   tels échecs  ne s'oublient pasd 'eux-mêmes;   laissent de si tenaces jalousies?Ils paraissen t vouloir fair e   penser que leur motivation principale,   c'est la pitié qui les aémus quand ils ont pu mesurer les r avagesentr aînés, sur tant d e pauvr es gens, par cette«id éologie », qui les aura d onc   si f acilementd étr uits : «Elle fut d éterminante   d ans   la vied e  milliers d e   personnes, qui fond èr ent sur ces théories critiques implaca bles d es espoir sd émesur és,   et qui se lancèr ent à cause d'ellesdans d es entr e prises a berrantes!   »

    d e son livre :  "tout ce qui  était dir ectementvécu s'est  éloigné  dans une   r e pr ésentation",est faux. Il amalgame d ans le même terme dere présentation   d es choses diff érentes et incom-

     patibles.   Il mélange la re pr ésentation poli-

    tique, la d élégation d e pouvoir , avec ses homo-n ymes  que sont la re pr ésentation-s pectacle ...»On m'en  dira d es plus incompatibles   encore,mais ce ser a peine perdue.

    Et pour quoi donc?   «À la lutte réelle,   lessituationnistes pr éfèr ent l'aff ectation d 'uncombat solitaire et d ésespér é  contre  le "s pec-tacle" ér igé par leur s soins en mal or wellien,alor s que ce "totalitar isme" inventé d e toutes

     pièces est un pur ef f et d 'autosuggestion.»   On pouvait savoir qu'Orwell   aussi était sus pect:on voit d 'où   il venait   « <   Les   anar chis   tes

    avaient toujours   effectivement la haute   mainsur   la   Catalogne et la   r évolution battaitencore   son plein»). Il n' avait donc usur  pésa   gloir e rétr os pective   que   d e   la   d escrip-tion d 'un totalitar isme   imaginair e.   Et moi,d e   quelle r use encor e   plus   tr iviale? «Le

     pr ésupposé   philosophique et psychologiqued e De bord , avancé dans la pr emièr e   "thèse"

    «Achar né   à se bâtir une   gloire  r étr os pec-tive, De bor d fut le chef  d e parti le plus mau-vais du   siècle.   Il n'a réussi   en   tr ente ans

    d'autor ité   incontestée   qu'à   discr éditer   com- plètement sa   cause   et   sa per sonne.»   Oùaur aisje ainsi mené d e   telles foules obéis-santes? On pr étend donc, assezcyniquement,que j'ai r echerché,   ou exercé, une   autor it é .   Enfait, j'ai   veillé, on le sait, à  ce que le f ameux« pr estige   d e   l'I.S.»   ne   s'exer ce   ni trop,   nitr o p longtemps.   Une seule fois dans ma vie,

    le 14 mai 1968,j'ai signé une   circulair e   lan-cée d e   Paris  Au x   membr es   d e   1I .S . ,   aux   cama-rad es qui   se sont d éclar é s en accor d  avec   nos t hèses ,q ui disait ce qu'il fallait fair e maintenant. Je

     pense   que   c'était juste, et   aussi le justemoment.   Mais on  croirait   que j'ai déchaîné

     plutôt le feu nucléair e en voyant de tels excèsd'horr eur   vingt ans plus tar d .

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    «De bord considèr e   le monde comme unéchiquier , et ceux qui gouvernent ne font pasautrement. (...) Il a montr é   autr ement sonmanque d 'humanité, croyant montr er làdela

    f or ce, particulièrement   à chaque occasion oùil a honteusement d énigr é les exclus du situa-tionnisme, qu'il avait bel   et bien acce ptésaupar avant,   tels qu'ils étaient... » Il faut donc

     penser   que même   à ne consid ér er que ceuxqui ont eu l'occasion d e par ticiper   à cette 1.5.volontair ement   si r estr einte, j'en   avaisencor e bien trop séduit! (Mais, «tels qu'ils étaient»,

    avaient-ilssu tous r ester ?)   «Le langage d e laséduction, lorsqu'il sert à communiquer unethéorie   par surcroît,   est le   langage d e   lavente,   c'est-à-dire d e   la   pr ostitution.» Onr econnaît   à d e   tels buts d es « bour geois   »,   etmême d es «rentier s   » .

     politique.)   «Alor s que  les hommes   politiquesd e n'importe   quelle tend ance passent leur  vieà détourner d es  f ond s   d e   n'importe   quelle

     provenance  au profit d e leur propagand e,   lesterribles   situationnistes   qui n'ont même   pas

    eu à se salir les mains pour   en avoir  autantqu'ils   voulaient   n'ont su   en fair e   que   d escocottes   en papier !»   Il faut r emarquer   queces deux-là   paraissent les deux   d er nier s enFrance à   cr oir e   niaisement que   l'ar gentd étourné   par   les  politiciens aur ait   réelle-ment pour but, civiquement nécessair e ensomme, le financement d es partis politiques,

    «sans   enrichissement personnel   »,   commes'expriment toujour s les amnisties. Par tant d ece faux exemple, ilsm'inventent, pour me ler e procher dans   le même instant,   l'imbécile

     projet, mû par  on ne saitquel incroyable scru- pule, d e   n'avoir peut-être rien r echer chéd 'autr e   que la publication de livres.

    «Le slogan d e ce   bluff, c'est   "Ne   tra-

    vaillez jamais". » Est-ceun bluff si facile à sou-tenir? Contr adictoirement,   les auteurs d e ce

     pamphlet éclair é pr étend ent   m'a ppr endr e àarnaquer    mieux. j'aurais   d û faire   meilleur usage d e   tout l'argent soustrait,   ou plutôt   siscand aleusement   taxé, chez Le bovici, disent-ils comme s'ils pouvaient   savoir d e près toutce qui car actérise l'opération.   (je ne f ais   pas   d e

    Je connais tr ès bien mon temps. Ne jamaistr availler d emand e   d e   grands talents. Il estheureux   que je   les  aie eus. Je n'en aur aismanifestement eu   aucun besoin, et n'enaur ais   certainement pas f ait usage,   d ans   le

     but d'accumuler    d es sur  plus, si j'avais   étéoriginellement riche, ou si même   j'avaisau moins bien voulu m'employer dans un d es

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    quelques   ar ts   d ont j'étais   peut-êtr e   plusca pable   que   d'autr es, en consentant uneseule fois à tenir le moindr e   compte d es goûtsactuels du public.   Ma vision personnelle   dumond e   n'excusait d e  telles pr atiques autour de l'ar gent que   pour garder   ma complèteind é pendance;   et donc sansm'engager eff ec-tivement à r ien en échange. L'é poque où toutse dissolvait a beaucoup   f acilité mon jeu à cetégard.  Le ref us du «tr avail» a pu être incom-

     pris et blâmé chez moi. Je   n'avais cer tes  pas prétendu   em bellir cette attitud e par  quelq ue justif ication éthiq ue.   Je voulais tout simple-ment faire ce que j'aimais le mieux.   En f ait,

     j'ai cher ché à connaître,   dur ant   ma vie, bonnombr e   d e   situations   poétiques,   et aussi lasatisfaction de   q uelq ues-uns de mes vices,annexes mais im por tants.   Le pouvoir ny f igu-rait pas. j'aime   la liberté,   mais sûr ement pasl'argent.   Comme disait   l'autre:   «L'argentn'était pas un d ésir  d e l'enf ance.»

    Romild et Vincent ajoutent maladroitementcette seule ex plication que l'on   sente r éalisteq uant à la nécessité d e ce libelle:   «De bord etles situationnistes   sont nos dernièr es photos-souvenirs d e   mai 68, quand tous les autres

     protagonistes   de l'af f air e   se sont   rangés, sesont vendus, ont tout oublié.» Voilà pourquoion   peut, si tar divement,   mériter   enfin queLaur a R omild  et Jacques Vincent se mettent   àl'.ouvrage pour vous tresser   des laur iers s pé-Claux.

    Je pense  qu'on ne   peut   croir e, avec cela,que je  me soisjamais montré   trop séduisant,dans la société   présente, puisque je   n'ai   enaucun   cas d issimulé q uel mé pris me   par ais-saient   mériter    ceux   qui,   à tant   d e   sujets,avaient si tranq uillement r ampé dans les illu-sions établies.

    Dans  Le   Monde   du 22juillet 1988, Roger-Pol Droit écr it:   «Par temps de tapages, il f autq uelque fer meté   pour   cultiver l'ombr e.   GuyDebor d  est d evenu célè br e en secr et. Critiqueradical d e   la   société actuelle,   il   s'emploiede puis   trente   ans à d éf aire le système géné-ral d 'illusion qui englue l'Est comme l'Ouest.Membr e   d e   l'Internationale   situationnisted ont il fut l'un des fond ateur s,   il a notam-men t pu blié   La Socié t é du   s pectacle. Il a signé

     plusieurs   f ilms, et dif fusé   bon   nom br e d etextes   sous   divers   pseud onymes,   pas  tousidentif iés.   La  plupart n'en savent pas beau-coup   plus. De bord   est en effet passé maître

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    dans l'art de brouiller les pistes et de semer des silences au creux des phrases, sans laisser de traces.   On le reconnaît seulement   à   desformules effilées comme un scalpel,   à   une prose froide,   d'une dureté exemplaire.   Àcet égard, pas de doute : ces   Commentairessur la société du spectacle   sont bien de GuyDebord, ayant adopté pour une fois son nomcomme pseudonyme. Vingt ans après, lediagnostic qui a fait sa renommée et assuréson influence   -   considérable en certainsmilieux -   paraît largement confirmé par lesfaits. »

    Je n'ai jamais rien publié sous un pseudo-nyme.  C'est précisément parce que la véritése trouve être telle que ce médiatique doitévoquer   divers   pseudonymes,   et qui ne sont«pas tous identifiés   ».   C'est pour donner trompeusement   à  penser qu'il aurait par lui-même r éussi  à   en id entifier au moins un,   et plutôt six ou huit.   Mais non, ce  n'est qu'unmensonge. On souhaite, bien sûr, ajouter 

     beaucoup   à   mon genre interlope.   Ces pseu-donymes imaginaires pourraient peut-êtreétablir   que j'aurais bel et,bien consenti   à   tra-vailler; et alors  à quoi? A moins que l'on ne prévoie, en édition posthume,   d'illustrer dequelques faux utiles de tels pseudonymes

    enfin révélés. Et alors M. Droit passant pour connaisseur, ce grossier maspérisateur se

     proposerait peut-être pour les authentifier?Il touche   à   une sorte d'humour métaphy-sique en apportant cette preuve absolue,selon laquelle, cette fois - on sent bien quel'on ne pourrait pas dire cela de n'importequi   -, j'en serais même venu   à   adopter mon propre nom comme pseudonyme   : ensomme, ce n'est plus r ien d'autre qu'unequestion de terminologie. Je ne sais ce quel'on prétend insinuer en rappelant que j'aiacquis une influence considérable   «en cer -tains milieux ».   Dequels milieux peut-il s'agir?Il ne faut s'attendre   à   rien de recomman-dable,je présume.

    «Ces faux-fuyants et ces propos codés peuvent irriter ou faire rire.  À  force de voir des espions partout, serait-ce que Debord, aulieu de démonter la machine façon Kafkaqui

     broie l'humain, a finalement sombré dans un brouillard façon John Le Carré? Il semble. »L'ignorance a toujours tort de faire connaîtreson avis; l'incompétence   dans le jugementdes ouvrageslittéraires d e son époque est tout

     particulièrement ridicule. On admet facile-ment, depuis plus de soixante ans, et mêmesans l'avoir lu, que K afka annonçait une

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    grande part sinistre de l'espr it d e c e siècle. Demême que l'on   s'est   d epuis   plus longtempsrefusé à ad mettre q ueJarry en annonçait une

     part beaucou p  plus énorme. Ce sont ceux q uisavent ce q ui se passe dans  le mond e, q uigoûtent ceux qui savent en parler. André Bre-ton, dans   l'Anthologie   d e   l' humour noir  ,   avaitsur -le-champ montré dans Jarry  la préfigura-tion des d iscour s d es «procès d e Moscou ».Etd e puis nous avons pu voir , par tout sur la pla-nète,   du Kremlin à Bucarest, en passant par Pék in et le bur eau politique du Parti commu-niste yéménite, les r èglements d e com ptes ouremplacements soudains d es pouvoirs totali-taires modernes menés d ans le styleexact d esexécutions putschistes d ' Ubu  roi  (

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    été parcourue. M. Droit sera peut-êtr e  encor e plus irrité; mais rira deux foismoins. L'Ouesten est presque arrivé à être dans un aussimauvais état. Au chapitr e   VII   des mêmes   Co m-mentaires , j'avais dit qu'il fallait ajouter   unrésultat négatif central «à cette liste   d estr iomphes du pouvoir », au moment où lasociété du spectaculaire-intégré   croyaitn'avoir plus qu'à téléguider sans répliq ue   unseul monde consensuellement unifié   d ansl'illusion:   «Un   État, dans la gestion duquels'installe   dur a blement un grand   déf icit   d econnaissances   historiq ues,   ne peut   plus êtr econduit   stratégiquement.   »

     L'É vé nement du Jeudi   écr it le   15 dé-cembre 1988, sous la signatur e   d'un   AndréClavel:   «Fair e un   por trait d e De bor d r elèvedonc d e   la   gageur e. Il mé pr ise   la   presse,r efuse toute  inter view, entretient   de machia-véliques énigmes autour   de sa personne.   Pasun mot le concer nant   sur   la couverture d eson dernier essai...» On voit ce qui est d evenula norme   d'au jourd'hui,   non sans beaucoupde raisons for t utilitair es, mais qu'il était d é jàen fait si extr aordinair e   d e penser,  avant untr ès récent conditionnement   de  telles sortes

    de réflexes. Quel besoin a-t-on de «fair e  un por trait» d e moi? N'aije pas fait moi-même,dans mes écrits, le meilleur portrait que l'on

     pourra jamais   en f aire, si le portrait en ques-

    tion pouvait avoir la plus petite nécessité? Enquoi d'autre pourr aisje davantage intéresser mes contempor ains qu'en exposant ceq u'étaient, selon   moi, certains aspects cru-ciaux et terribles d e la vie qui leur était faite,et dont génér alement les responsa bles ducour s d es choses ne voulaient pas qu'ils aientla tentation de les r egard er d e   tr op près? Je

    méprise la pr esse, j'ai raison;   et voilà pour-quoije  refuse d e puis toujours toute inter view.Je  la mé pr ise   pour   ce qu'elle   dit,  et pour   ceq u'elle est.Je ne suis évidemment pas le seul,mais sans doute celui qui peut le dire le plusfr anchement, sans aucune gêne:   c'est parceq ue je   me trouve   peut-être le seul qui neme   soucie aucunement de ses méprisables

    éloges, et pas davantage de ses blâmes. Voilàd onc ce qui   est appelé, dans la vision inver-sée   du spectacle,   entretenir    «de machiavé-liques énigmes autour d e sa personne» (c'estce q ue l'homme du Mond e-   tant pis sije metrompe   - trouvait  être « passé maître dansl'art d e   br ouiller les pistes et de semer d essilences au creux d es phr ases ...») .

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    consensus  et  l'oublier   avec elle en l'accusantd'ar chaïsme   (c'est l'esquive la plus moder-ne); on   peut enfin,   convaincu par l'auteur que son livre traite de  "questions gr aves", selaisser aller à   en discuter le contenu,   mais

    alor s on r isque d'écr ire d'après   lui et non plus  surlui   (et c'est là, bien sûr , le danger ).»

     pr écisément formés pour n'adhér er qu'à ceq u'ils entendent redire de tous les côtés d ansla chambre   d'échos   d e  l'instant même,   et  àr éagir avec horreur contr e ce qu'ils soup-çonnent   de n'être plus agréé par  la dernière

    mod e   médiatique.   Tout   se passe comme siGoya ou Turn~r n'étaient admirables   l'unou l'autre, mais pas simultanément, qu'aux

     jours où sont organisées leurs grandes expo-sitions. M. Mouton n'est pas dupe de tellesniaiseries. Il sait que ce Consensus bientôtmondialisé ne fera figur e d 'aboutissement dumond e,   et même, dans   la pensée nippo-

    américaine, d'heur euse «fin d e   l'histoire",que   pendant très peu de trimestres.   C'est pourquoi,   convaincu que «l'esquive   la plusmod erne" va être aussi celle qui se d émoderale plus vite, il ne la cite qu'en troisième posi-tion. La plus funeste, et il a raison de la pros-crir e par -dessus tout, ce serait «se laisser aller à en discuter le contenu".   Par un tel recours

    à la barbarie du  XIXe

      siècle on risquer ait   eneffet «d'écrire d'après   lui et non plus  sur  lui(et c'est   là, bien sûr, le danger )".   L'histoireavaitcent foismontré, dans lestemps pré-spec-taculair es, et   de puis que  les vieilles censuresavaient été s'a bolissant, quelles difficultés etquels troubles   risquaient d e   surgir dans  lessociétés q uand on avait l'archaïque ha bitude

    On ne   peut contester    à   M.  Mouton unegrande   lucidité,   une bonne connaissance   dusujet, une   vr aie maîtrise de son métier. Jecrois qu'il a vu et a dit l'essentiel,   dans l'ordr ede pr éférence   qui   doit êtr e ef f ectivement

    choisi. La solution la plus recommandable, etla plus sûr e,   est naturellement que   l'on ne puisse pas me lir e (les maisons d 'édition sontmortelles),   et que ceux qui encor e   se mêlentd 'écrir e   sur moi   aient   été   intégr alementinformés sur   d'autres sources, plus r espon-sables.   La solution psychiatrique   est sansdoute plus expéditive,   et faisait grand usage

    dans la Russie dite si longtemps et sifallacieu-sement   «soviétique,,; mais   elle   n'est passûre. Déclar er plutôt toute ma problématiquethéorique a bsolument pér imée, parce qu'elleétait dé jà formée dans les tem ps primitifs eto bscur s qui pr écédèrent de plus d'une   d écen-nie   le lumineux consensus,   voilà qui est de

     bonne guerre:   les êtres consensuels ont été

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    d'écrire quelquefois   d'apr ès   ce qu'avaient   ditcer tains auteurs, qui   étaient peut-être mal-veillants.

    M. Mouton a eu le tort, dans la suite d e son

    étude, de se laisser aller à cer taines de cesimpr udences,   que pourtant le rappor t Mou-ton   lui-même avait   très clairement condam-nées: il entre dans d e trop dangereux d étailssur ma pensée et ce qu'il en pense lui-même.Et il est patent   qu'il se rallie d'abord   à l'ex pli-cation principale   par la paranoïa,   alors qu'ilavait avoué en commençant son peu d e goüt

     pour un tel choix.   Il est vrai que c'est   au prixd'une importante révision du conce pt mêmede paranoïa.   Ainsi que   M. Roger -Pol Droitavait apporté   en mon honneur    une   sor te   d erévolution   spatiale anti-euclidienne d ans lavieille distinction-opposition du pseudonymeet du nom authentique, la par anoïa   n'est plusce qu'elle était   avant M. Mouton. C'était une

    attitud e   mentale   qui justifiait par d es rationa-lisations une erreur   qui éloignait visiblementde la  compr éhension r éelle du monde.   La

     paranoïa d es temps moutoniens   est inverse:elle   par aît    tomber plus près d 'une compré-hension   exacte   que la déficiente explicationofficielle   d u monde actuel,   qui n'est   autr eque l'explication spectaculair e.   J'en ai vu par -

    tout la fai blesse, et   M. Mouton la déploreaussi.   C'est cet   incontesta ble et paranoïdemalheur du monde réel   ainsi changé qui estvenu appor ter    à   l'intelligence paranoïaqueune si grandiose   et inattendue   mutation

     brusque.   Il suffisait d e le savoir .,

    «   On l'a com pr is, Debord   est une intelli-gence paranoïaq ue.   Or, face à l'obscuritérationnelle dont s'enveloppent   les sociétés"post-industrielles", face   à   l'étrange   miroite-ment que  réfractent en permanence tous leurséléments,   il semble q u'une intelligence para-

    noïaq ue   réussisse mieux...» Ou bien:   «   cou péede son ob jet   par une sorte d e   méfiancehéroïque,   l'intelligence paranoïaque est forcéede fair e dans la solitude un effort de logique   ».Qu'est-ce   q ui peut vraiment assur er M. Mou-ton d e ma   «   solitude»?   Le simple fait que  lui-même vienne de me gar antir   paranoïaq ue.   Ilrelève ce détail q ue j'ai   annoncé   dès l'ouver tur e

    de ce livre  (mais l'ai je effectivement   réalisé? peut-être était-ce un leurre?   peut-êtr e   le seul?)que j'allais y mêler quelq ues   leur r es, et   s'enétonne:   «   Quel pr océdé   bar oque   que d'aver tir les gens qu'on va   se moquer d 'eux!» Etailleurs, il croit pouvoir d ire que   «  Debor d   nefait   plus donner    la   d ialectique   qui tenaitune place si im por tante dans La S ociét é  d u   spec-

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    tacle».   C'est que M. Mouton ne reconnaît pas partout la dialectique, dont il a dû avoir une approche assez rassurante et très schéma-tique. Je pense que M. Mouton n'aime pas laliberté.

    En mars 1989, parmi une grande quantitéde ragots inventés,   Actuel,   qui veut résumer 

    l'histoire de l'Internationale situationniste,note:   «   En mars 1962, le grand lessivage setermine. Il aura fallu moins de deux ans pour que Debord mette les quelque vingt artistes àla porte de l'LS.» Un tel résumé vient juste

     pour soutenir le point de vue nashiste du néo-musée appelé   «   Centre Pompidou» ; lequel aessayéde démontrer que le temps qu'avait en

    vérité duré l'LS. s'était limité aux cinq ans dela période 1957-1962. Les dix années sui-vantes, dont il avait été fait un trop mauvaisusage, se voyaient en ce risible   Wonderland 

     barrées d'un trait de plume muséographique-historique. Il ne s'agit pas de nuancer ladurée des périodes glaciaires. On peut rayer les deux tiers d'une période qui s'est dérou-

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    lée il Ya seulement trois décennies.   Ce côtédu spectaculaire sent fortement   le «concen-tré », comme il était   pratiqué autour deStaline.

    Cet Actuel   prétend en outre que des capita-listes italiens, de Benedetti, Berlusconi,   ainsiqu'un nommé Car lo Freccer o auraient apprisdes situationnistes   le meilleur de leur s   mal-tôtes. Mais est-ce q ue c'est seulement vrai? Etsi  c'était   vr ai, à quoi cela pourr ait-il   lesmener? Il  est dans l'essence du capitalismetardif que   les mieux instruits d e ses aventu-

    rier s   ne vont tir er d es avantages per sonnels passagers qu'en   tant que   leurs meilleurscoups ser ont aptes à accélér er encor e   la dis-solution patente   d e   l'ensemble   du   système.«Des chefs d'entr e prise   et des banquiers d ela "génér ation   68" -   ilsveulent gard er   l'ano-nymat -   ont monté  une cellule d e r éf lexion,

     A mardi.   Ils sont formels: Car lo de Bened etti

    a aussi   bien lu Censor   que De bord .»   Quisont-ils pour  juger d e   qui a   bien lu?   Je   peuxêtr e tout   aussi for mel: je   ne connais rien d eCarlo de Bened etti.  Aucun du reste des ban-q uiers cités n'a bénéficié   d e mes conseils, etn'a pas davantage été victime d 'une d e  mes

     belles escroqueries. On souhaite encor e   f air erêver sur mes r elations   louches. «Et Gérard 

    Lebovici?   (...)   l'ami intime de Guy De bord (...) assassiné en 1984. Pour quoi? On ne saittoujours   pas.   Il   reste   d es   zones d 'ombr eautour des situs.» Au moins, maintenant,   ilsne savent pas: je préfère.

    Dans   le livre publié par Serge Quadrup- pani au d é but de 1989 aux Éditions de LaDécouverte,   L'  A ntiter r or isme en   France,   il  n'ya qu'un détail   qui me concerne,   mais c'estun truquage   parfaitement extr avagant, une

    sorte de cuvée r éservée aux objectifs spé-ciaux: «Et quand G. De bord assure que Moroétait d étenu dans un bâtiment impénétrable(sous-entendu, sans doute: l'ambassade d esÉtats-Unis),   on peut êtr e   interloq ué   (...)   Ilest   seulement   d ommage qu'il faille croir el'auteur de   La Socié t é  d u s pect acle  sur parole. »

     j'avais montré,   et c'est  réellement un traitassezr écent dans la d escr i ption de la sociétédémocratique: «Il y a toujour s un plus gr and nombr e   d e   lieux, d ans   les  gr and es villescomme dans quelques espaces réservés de lacampagne,   qui sont inaccessibles, c'est-à-dir egard és   et protégés   d e tout regard   (...)  sansêtre tous proprement militaires,   ils   sont

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    sur ce modèle placés au d elà de tout risquede contrôle par des passants ou des habi-tants...» Désireux de me faire passer pour unarchaïque imbécile, Quadruppani croit qu'il

     peut confondre cette triste nouveauté avecle

    vieux statut de l'extraterritorialité diploma-tique, aux caves du Vatican, ou à cette exces-sive ambassad e   des États-Unis, si habituée àtout faire en Italie qu'elle  irait même  se char-ger d e séquestr er   Aldo Moro. Il a l'a berranteaud ace   d e   r egr etter que l'on doive   croireseulement «sur parole» une   niaiserie   que jen'ai pas dite, il le sait bien; puisqu'il d écid e,

    tout seul, que je   l'ai «sans doute» pensée!On   peut tr ouver pr esque également sus-

     pecte, quand    c'est   un Quadr uppani quil'emploie, sa tournur e exagér ément pom- peuse q ui   évoque «l'auteur d e   La   S ocié t é   duspectacle».   Voudr ait-on   aussi m'en   attr ibuer la responsa bilité? Les vér ita bles   auteurs d ela société   du spectacle, il me   semble   que

    c'est bien   plutôt vous autres,   em ployés auxétranges travaux.

     Libération   du 29juin 1989 rapporte   que leTimes  de Lond res venait de publier   cette r évé-lation plus directe  : «Guy De bord, le philo-

    so phe   et l'intellectuel héros révolutionnair    ,a été, dans les d erniers mois, éclairé d'un jour tout nouveau. Le mois dernier, un article d efond du   Village Voice révélait que Debord avaitété recruté par la C.LA. dans les toutes   pre-

    mièr es   années d e   l'LS., et recevait des paie-ments   r éguliers,   de ses bureaux parisiens.Cette information longtemps dissimulée vientseulement d'être déterrée par hasar d, au coursdes la bor ieuses r echerches dans les documentsde la Sécur ité américaine r écemment   ouvertsau public...» Le héros jour nalistique   qui avait«d éter r é»  un fait si bien caché s'a ppelait pour 

    cette f oisAdrian Dannat. Quelques per sonnesd e Londr es qui avaient l'innocence d e s'inté-r esser à   ce   que   l'on pourr ait lir e   dans «lesd ocuments d e la Sécurité américaine   »,   ou à ceque le Times de Londr es peut vomir à mon pro-

     pos d e puis qu'il a été racheté   par   Mur d och-   et parmi elles on comptait l'histor ien amé-r icain Gr eil Marcus -, ayant bronché, Dannat

    se borna à les rassurer sur le fait que ce n'étaitqu'une   f a brication «imaginair e, une blague ».Il peut le pr ouver en aff irmant que r ien de teln'avait paru dans le   Village Voice. Et  Libérationassur e d e   son côté: «Au   Village Voice à NewYork, Scott Samuelson confirme qu'il n'a

     jamais lu d ans son hebdomadaire d 'article qui parle   d e liens entre De bord et la C.LA.» On

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    voit donc que Samuelson   est   posItIVementd 'une tr ès pr udente modér ation sur cet aspectde la question. Et Libération   même a l'air de ne

     pas approuver    l'allégation non réellementdémontr ée «contre   un   homme qui a déjà eu

     plus que sapar t  de diffamation». Ceux qui ontseulement eu   ce q ue ce scrupuleux   journalsemble   considérer comme leur juste part ded iffamation ne sont jamais que ceux qui n'ont

     pas extraordinairement déplu à tout le monde.Comment on acquiert un tel genr e  de mérite,

     je   laisse mes lecteurs  y  penser par eux-mêmes.C'est un fait que je   me suis trouvé si souvent

    «éclairé d'un jour tout nouveau », et d e puis silongtemps, que je  crois me trouver placé sim-

     plement au-d essus d e   toute calomnie -   et je pèse mes mots -   par la seule var iété d e leursabus accumulés. En tout cas, c'est ainsi que jeme consid èr e, moi, à sijuste titr e.

    On peut   relever en cette matièr e   quelques

    techniques pr écises qui sont d ésor mais pla-cées   à   la disposition d es déf enseurs d  esvaleurs d e  notre é poque.   Un jeu d e  mir oirsd'ordinateurs bien programmés se renvoie   àl'infini les citations qui se sont une  fois mar -quées dans la   machine   de la r é pétition. N'importe qui, appartenant à ces secteur s d esemplois sociaux responsables d e la vérité, ou

    du moins de l'information, pourra relancer lafausse nouvelle au jour qui lui conviend r a,dans n'importe q uel journal de Singapour oude Bogota, en citant le  Times  de Londres, ouaussi bien   Libér at ion ,   ou peut-être même   le

    V illage Voice.

    L'autre fait notable, c'est qu'un médiatiquea désormais le droit de plaisanter avec sonoutil prof essionnel, en cer tains   cas. Un géné-ral, par exemple, n'avait pas le droit de plai-santer à la tête d e ses troupes,   ou un juge en

     prononçant ses sentences,   etje ne sais même pas s'il est encor e  tout à f ait permis au respon-sable d'une centrale  où l'on produit l'énergienucléair e   d e   plaisanter, au sens pr opr e   dumot, à l'instant où il fait connaître ses direc-tives. Mais il est littéralement hors d e  doutequ'un médiatique ne peut   êtr e   privé   d e   ced r oit.   C'est un salarié remarquablement spé-

    cial, qui ne r eçoit d 'ordre de personne,  et quisait tout sur  tous les su jets dont il veut parler .Il por te donc, suivant sa  déontologie, qu'il nesaur ait trahir sans hideuse concussion, littéra-lement toute   la conscience de l'époque.   S'iln'avait pas le   d r oit   de plaisanter, où seraitdonc la li berté   d e   la presse et,   partant, ladémocr atie   elle-même?

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    La pittoresque plaisanterie du   Times,   qui peut être corrigée un jour (on croyait d'abord que c'était une plaisanterie, mais on s'estaperçu depuis que c'était précisément la véri-

    té...), ne cache pas que c'est par simple appâtdu gain que j'en serais venu «dès les pre-mières années d e l'LS.» à faire quelque chosed'aussi ouvertement contraire à mes goûts

     bien connus, et assez hautement proclamés. Ilsemble que la même intention r e par aisse sousune   autr e   figur e:   confirmer   que je   n'avaisvraiment aucun meilleur moyen d e me procu-

    r er plus honora blement d es r essources, avantde tomber sibas. On peut dir e que, pour   prou-ver   que j'aur ais   été   une   fois le   mercenair ed'une   mauvaise cause, on iraitjusqu'à   la plai-santerie. J'en acce pte   le risque. Je ne suis pasquelqu'un qui pourrait   êtr e conduit   au sui-cid e, comme Roger  Salengro, par d'imbécilescalomnies; et encore moins aur aisje   un car ac-

    tèr e à m'aff ecter d'une   quelconque   r évélationqui tr ouverait   coupa ble   quelque   chose  que j'aurais f ait r éellement. Je suis sûr d'avoir toutfait pour le mieux.

    Larevue   Critique   d'octobre 1989a confié latâche à quelqu'un qui signe Laurent Jenny.Celui-ci est prêt aussi à témoigner que,   «demégalomane, le situationnisme est devenu

     paranoïaque». La preuve, c'est que mainte-

    nant je me méfie de la moitié de mes lec-teurs : ce qui pour rait bien être accorder uneexcessiveconf iance à toute l'autre moitié. Oùavait-on rien vu de par eil? Le monde achangé ainsi. «Là où la vie réelle devait adve-nir  dans le sans image d 'une pratique histo-rique, une  conspiration comploteuse   a pris sa

     place. Fantôme   d e   la tyr annie,   elle   hante

    toutes les appar ences sociales sans jamais ya ppar aîtr e elle-même.» Cette conspirationm'échappe   donc tellement qu'elle   semble nem'avoir laissé plus rien à dire. Ce qui évoqueau sensible et moderne Jenny «le mond e   du

     Riva ge des Syrtes deJulien Gracq, sa somptuosité poussiér euse et vide». Ce médiocre littéraire vamaintenir l'image jusqu'à la fin, tant il est ravi

    d'avoir trouvé, lui, une pareille richesse d'argu-mentation, une   si éclatante force de convic-tion : «Aux avant-postes d'une Amirauté per-due,   Guy De bord guette un ennemi d'autant

     plus infigur a ble   que cet ennemi s'identifie àla totalité des apparences. Scrutant l'horizon,il y décèle   d'imperceptibles indices sans ja-mais pouvoir  en d émontrer l'évidence à autrui

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    avec assezde sûreté.  D'ailleurs, à qui se confie-rait-il? L'ennemi n' a-t-il pas ses ramifications

     jusque dans la forteresse chargée de le guetter?Le guetteur ne doit-il pas sedéfier de lui-mêmeen tout premier lieu?  À   défaut d'amis sûrs, il

    livre au papier des pensées sans d estinataires plausibles.   Ses Commentaires sont de  ceuxqu'on écrit, le soir, dans une humide chambredes   cartes, pour tromper l'ennui et le "mal-heur des temps".  Les citations qu'il   s'autoriseconfir ment l'austérité d e la bibliothèque   dontil dis pose  : Clausewitz, Machiavel, Thucyd id eou Gr acian (ce sont d e ces livr es qu'on   aime à

    méditer   d ans un exil volontair e,   a près une   vied'intr igues de cour  et de batailles per dues).   Lestyle même du guetteur se r essent d e son exil:o bséd é   d e   d étails peut-être   insignifiants, il agagné en froid eur   classique et en distance hau-taine,   mais c'est   aussi qu'il   est contr aint   à   laréserve et   à   la r use   par l'omnipr ésence   d esespions. Écrir e,  ce n'est pour lui qu'une   autr e

    façon d'arpenter   un rivage d ésolé en tir ant ver sl'infigur a ble   ennemi les d ernièr es   cartouchesd e la métaphysique.   »

    Pour  son malheur, le cr itique   n'avait   pas sulire non plus le   roman d e Gracq.   Dans Le Rivage des  S  yrtes,   l'attente   s'est r éellementter minée par l'invasion   et la d estruction d e la

    R épublique d'Orsenna. Ce ne peut laisser aucun doute   à qui l'a lu. Le héros,   marchantà   la dernière page, parmi les lumières d e   laville endormie,   comme dans un théâtre vid e,dit: «Je savais pour quoi désormais le décor 

    était planté.» Précédemment,   à un tiers de laf in du livre, il avait par avance évoqué le «cau-chemar qui monte pour moi du rougeoie-ment de ma patrie   détruite   ».   Mais peut-êtrea-t-on négligé de faire informer l'ordinateur d e ces d eux   f ugitif s détails? Il fallait  avoir luGracq dans l'original.

     Les T emps mod ernes   d e   novembr e   1989,  etcette f ois sous la plume   d e Marc Le biez, vont

     philosophant, comme si l'on avait  été   cou-ramment apte   à le faire aupar avant d ans cetterevue.   On y appr ouve avec vingt années der etard    La   S ociété du spectacle:   «Relu aujour-

    d'hui, hors du contexte de l'Internationalesituationniste,   La Société du spectacle   apparaîtcomme   un gr and   ouvrage théorique, extrê-mement intelligent et stimulant...» Hegel plaît toujours beaucoup moins quand lesr évolutions paraissent revenir; et le «con-texte de l'Internationale situationniste »,c'était mai 1968. «On s'étonne que ce texte

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     philosophique   ...   ait pu susciter   des   r éac-tions aussi violentes que celles de F. Châtelet

     par lant   "d 'exclur e   purement   et   simplement"d e "sembla bles énoncés (qui) d écouragentd 'avance   toute critique".»   Quel dommage!

    Voilà donc   que j'ai si vite et si malheur euse-ment perdu   la si récente   estime de ces excel-lentes têtes hégéliennes,   qui me voient main-tenant a band onner dialectique et révolutionen   ayant l'inconvenante id ée  d e décrire   lestad e s pectaculaire-intégr é ou le gouverne-ment parallèle   d'And reotti.   «Si la totalité dumond e est r enversée, alors ce r enver sement

    d evient la seule réalité et ne   peut plus êtr e pr ésenté comme   une f alsif ication.» On voitla f orce   du sophisme.   C'est tout simple-ment comme si l'on   me blâmait   de  ne plusêtr e héraclitéen, puisque Héraclite avait posécet axiome   que «le   langage est   ce  qui   estcommun»; alors   que   notr e   temps   l'aur aconnu   entièr ement   ex pr o prié   par   ceux   qui

    en contr ôlent   désor mais   l'emploi média-tique.   Où n'en arr ive-t-on pas? Mais est-cemême une chose à dire? «Quand   Thucydid e

     pr end la place  d e   Marx,   le changement   estaussi politique:   Thucydid e   n'a jamais   passé

     pour un r évolutionnaire.»   Cette sorte   d e pr euve par   la notoriété antérieure   manquede sérieux,   comme   tout le reste.   Comment

    nous   appar aîtra   exactement,   d ans   les luttesde demain,   Thucydid e?

    Le   14  novembr e   1989, au moment oùGor  batchev se l~nce dans sa pér illeuse  fuiteen avant,  Le  Quotidien d e Paris , sous la plumedu   néo- philosophe   Jean-Mar ie   Benoist, écritq ue «Gorbatchev  vér ifie les analyses d e GuyDebord  ». Ainsi, d ans la ligne d e tout  ce quenous avons d é jà vu ici, on me suppose encor ecapa ble   d e   tirer   d 'autr es ressour ces   d e   mes

    com pétences; et cette  fois en acce ptant d ed evenir  le conseiller du tyran. Et l'on insinue,en   surplus, que j'aurais tr ahi d élibér émentmon client, puisque j'aur ais   poussé l'imbéciled ans une voie où je sais avec la plus indiscu-table certitud e   qu'il   est cond amné à perd retout, d ans le plus br ef d élai. Aucun bon ana-lyste str atégique   ne peut ignor er, depuis  plu-

    sieur s siècles, que   le moment   le plus d ange-r eux,   pour   un mauvais  gouvernement, est justement   celui où il entr e pr end de se r éfor -mer . Et q ue  les car tes sur lesquelles Gorbat-chev comptait jouer tout son sort étaient pr é-cisément les plus illusoires d e toutes.

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    Enjanvier 1990, le numéro 12 d 'un bulle-tin intitulé   Les  mauvais jours finiront   ...   r evientune fois d e plus sur son su jet favor i. C'est latr ibune d'un   certain GuyFargette, q ui sembletrès averti de tout   ce que  l'on doit savoir dela question;   et notamment d e nombreux dos-siers italiens. Il se f ait fort d e connaîtr e   nonseulement   les plus tragiques de mes er reur s,mais aussi d 'où  elles sont venues. Il d iscer ne,d e puis toujours, les plus lointaines de leurs

    or igines   et les plus   f unestes de leurs sûresconséquences;   comme aussi, du reste, lesplussecr ètes intentions.   Il assur e q ue «G. Debord a joué   un méchant tour   à  ses admirateurs;alor s qu'il n'a jamais su prendre la mesur e dur ef lux social apr ès 1968, il ne voit désormais

     plus que lui. Son tard if  r éveil sur des phéno-mènes qu'il avaitignor és d e puis trente ans lui

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     procure une   illusion assez compr éhensible:les choses lui paraissent encore plus terr i blesqu'elles ne le sont en réalité.  Mais en se per -dant   d ans  la d escription fascinée  des procé-d és du pouvoir (qui   ont été inventés   en

    Europe  centrale d ans l'entre-deux-guerr es,   et parfois même d ès avant la Premièr e   Guerremondiale),   il sombre dans un  d éfaitisme à lafois scandaleux   et éclairant sur le sens detoute   son activité. Répondant sans  en   avoir l'air à ma   note   du numéro 9 d  es   Mauvais

     jours ... ,   l' E ncyclopé die   d es Nuisances   affirmeque le s pectaculair e-intégr é   d écrit une   situa-

    tion d e   bureaucratisation r éussie.   Mais   la"théorie   du spectacle" d es années soixanteexcluait par  postulat une  telle éventualité his-torique. En r evenant là-d essussans s'en expli-quer ,   la   théorie situationniste f r anchit son point d e d ésintégr ation.   La position d e GuyDe bord pr ésente   une   inconséquence   plusr emarquable encor e:   on n'avait jamais vu d e

    "r évolutionnair e"   (c'est-à-d ir e   d e   gens se pr étendant tel) d écrir e   la contr e-révolution pour   la d éclar er d'avance victorieuse.   Cetteétrangeté est   étroitement   liée   au style   deG. De bord, puisqu'il   r e pose   sur un tond e   "prophétie s'auto-accomplissant".   Sa d é-marche apparaît nécessair ement   comme   undésir  d 'avènement de la catastrophe.

    Son attitude est conforme aux paroles d ucommandant Schill, héros d e l'insurr ectionmanquée contre Napoléon en 1809 et fusilléquelq ue temps plus tard: "Mieuxvaut une f in

    d ans   l'horr eur que   l'horreur sans fin." Un passage d'un autre livrerécent   d e G. Debord,Pané gyrique,   tome l (1989),   décrit avec uneadmiration révélatr ice,   nihiliste,   les assautsmilitaires désespér és. Il est clair que la catas-trophe historique   constituerait pour   lui unesecr ète r evanche sur une   humanité qu'il   acomprise  d e façon tr ès aléatoire.   L'attention

    qu'il   accordait à   l'ex pr ession des  émotions pour rendr e   vivants les actes et les par oles ad égénér é en un irrationalisme morbid e.   »

    Le   magazine   Globe d e févr ier 1990 par-vient à établir   que je   loge « pr esq ue cland es-

    tinement au cœur   d e Paris,   d ans un   belimmeuble   bourgeois»   dans   la rue   du   Bac,et plusieurs faits annexes dont son  ingénio-sité   habituelle   lui permet de fair e   les plussymptomatiques usages. «Le cofondateur d el'Internationale   situationniste,   l'enragé   de1968,vit au jour d ' hui d es jours paisibles dansson appar tement confortable d u   tr oisième

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    étage, à la porte fraîchement blindée.  Et éter-nellement fermée.   Guy Debord est de touteévidence un homme mystérieux.   Ceux avecq ui il s'est brouillé ne veulent pas en parler. »On se plaît à conclure que je  vis des jours

    apaisés, voire même embourgeoisés; mais onrappelle quelques signes de  la violence   du

     passé,   et notamment que ceux qui ont étéamenés en d 'autr es temps à se compr omettreavec moi ne se sentent pas autorisés à en par -ler . And ré  Breton avait été souvent en butteaux faux témoignages d e   vérita bles sur r éa-

    listes r e pentis de tout ce qu'ils avaient fait d egr and. Rien d e tel ici. À  quoi bon, autrement,êtr e un homme   mystér ieux? On n'aura   d onctr ouvé   personne   pour   s'y risq uer .   Deux outrois imposteurs sous-médiatiq ues ont par f ois

     pr étendu m'avoir connu   autr ef ois, mais ilsn'avaient   naturellement   rien   à dire.   Et moi,

     je n'avais justement   r ien   à r é pondre à ceux-

    là; me réser vant   pour  nuire à un authentiqueq ui oserait  un jour   s'essayer à ce jeu.   Aucund e ceux d ont les noms avaient paru d ans l'1.S .n'est jamais   venu rien r évéler clair ementd epuis.   On   sait ce   que   peuvent or dinair e-ment  devenir les pr éférences   d e beaucoup d egens, q uand vingt-cinq  ans ont   passé. Mais ilfaut se souvenir   que même  d ans la pur e I.S.

    de 1967,ilYavait dé jà deux provocateur~ iIlf  i1 -trés, trois peut-être.

    «De toute façon, son ad r esse n'est connud e  personne. Ou presque.   Guy Debor d   ne se

    cache pas:  il refuse. »On peut le dire. Et G lobea pu savoir aussi que l'I.S., entre juillet   1957(Conférence de fondation   à Cosio d 'Arros-cia)   et   1969, n'a   jamais compté «que 70membres. Quarante-cinq seront exclus»;   etq uelques autr es   en surplus contraints à lad émission.   C'est   donc   beaucou p   plus de lamoitié   d e   l'ef f ectif .   Quel mépris des   Droits

    d e l'Homme! Mais aussiil est plus facile, con-sid érant une   si f ine   équipe, d e   prévoir   quetout le mond e   va devoir  préfér er garder sonnez pr o pr e.   «En 1957, De bord avec son film H ur lements en faveur d e S ad e  annonce   la fin ducinéma   : on y voit une   séquence   de vingt-q uatr e minutes pendant laquelle l'écran restenoir .» Je   l'ai même f ait  encor e   un   peu plus

    tôt,   et la pr euve   s'en est f ait attendre cinq années   d e  plus puisque   l'aff reux exploit, envérité, a of f ensé l'année   1952. Et le titre seuln'avait-il pas suf fi à faire voir   la mentalitéd 'une   sinistre   jeunesse?   La suite s'en   estmontrée   digne. «Aujourd 'hui, Guy Debor d ne possèd e pas le   téléphone   et déclarecomme résidence  princi pale saferme de Bel-

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    levue-Ia-Montagne, où il passe quelques   moisl'été.»   Je  peux pr étend re élir e là mon domi-cile   parce que, entre   les  nombreuses rési-d ences   où s'est par tagé mon  temps   dans   lesvingt d er nières années, celle-là est  eff ective-

    ment la plus ancienne et, sur   l'ensemble   d ece temps, celle qui a été, relativement,   la plussouvent occupée.

    «Il  est   toujours mar ié avec Alice  Beck er -Ho, d e   dix   ans sa  cad ette. Il boit   toujours

     beaucoup,   d éclar e tr ès peu d 'impôts.»   Toutesces bonnes   nouvelles n'ont r ien de très éton-

    nant:   on sait que les salar iés sont seulsà payer  beaucoup d 'impôts.

    Claud e R oy parle  un  peu d e moi d ans sonlivr e   L' É t onnement du   voyageuT    (Gallimard ,1cr   tr imestr e   1991). Il dit que «Guy Debord 

    est   allègrement mégalomane». Il dit   aussiqu'il   a lui-même écr it, voilà bientôt   vingt ans,q u'il   r econnaissait   en moi une  

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     parfois son devoir ) est tout bonnement maca-ronique, je   crains que le conce pt ne soit aussiembr ouillé  que le style. »   Qui aur ait l'injusticede tr aiter  Claud e Royd e «vieil im bécile»? Letemps ne f ait rien  à l'affair e.

    Au pr intem ps   d e 1991, une  r evue q ui s'a p- pelle glorieusement   Maint enant,   le commu-

    nisme se pro pose   d'en   arriver enf in à la néces-saire «cr itique   d e   1'1.S.»: «L'LS.  a véhiculésuf f isamment d 'illusions et de mythes autour d 'elle   pour a ppar aîtr e comme   le point d er éf érence   obligé d e la théorie cr itique.   Il nes'agit pas d e   la d é passer  au sens où  l'ar ticled 'ouver ture   d u   numéro 12 -   en plein pas-tiche hégélien -l'entend ait ("Nous sommes

    d ésormais sûr s   d'un   a boutissement satisf ai-sant d e nos activités:  l'1.S.ser a d é passée").   Sil'LS.   r este   un mouvement impor tant dans

     bien d es domaines (cr itiq ue du s pectacle, d ela notion   d e rôle,   d e l'urbanisme,   etc.), ellene possèd e r ien de communiste.   (...) Ainsi lesouvrier s   ne sont pas  d evenus dialecticiensmais   les événements d e Mai 68 fur ent   la

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    chance   historique de l'I.S. qu'elle a su saisir au bond. (...) La dénonciation de la sociétémarchande n'a jamais été le monopole d el'I.S.» Peut-être avaient-ils, en effet, un peutrop surestimé cette affolante I.S.?

    nants, personne n'avait vu les films d e   De/)m'(l.C'était presque vrai».

    Il me   semble   que   c'est plutôt moi qui aientr aîné, vingt   ans  avant eux,   la dissolutionde   l'I.S.,   et écrit: «Que   l'on cesse d e   nousad mir er...» Ils maspérisent : «Qui parle   d e"t'ad mirer",   De bord?»   On annonce, sous

     peu,   dès le pr ochain numéro,   une démystif i-

    cation qui n'avait que   trop tar d é:   C ontr e Debord : la magie situationniste ne constitue   pasla thé or ie r é volutionnair e   d e notr e   t emps.

    Je  dois convenir qu'il y a toujours eu dansmon esthétique négative quelque chose q ui

    se plaisait à aller jusqu'à   la néantisation.   Est-ce que   ce   n'était pas tr ès authentiquementreprésentatif d e   l'art moderne? Quand on«annonce la fin du cinéma» d e puis si long-temps, n'y a-t-il pas comme d e   la cohérenceà faire dispar aître   les films? Il faut sans doutevoir là une   sorte  d e succès d'une   nature peucour ante. Je crois que je n'aur ais jamais

    im pr essionné   personne, sinon par   cette   sin-cér ité tranquille, qui n'a douté   d e rien.

    À   l'hiver d e 1991, dans   la r evue   ' T ra- f ic ,   Ser ge   Daney   signale   qu'au f estival   d e

    Taor mina où l'on   pr ésentait   en bancs-titr esq uelques photos tir ées   d e   mes films faute,fort heur eusement, d'avoir pu dis poser    d eco pies d e   ces films disparus,   «une   séanceétait consacrée à Guy Debor d et d es discourssavants y fur ent tenus.   La scène,  vite, d evintd igne   d e Mor etti lor sque   quelqu'un d ans lasalle f it remarquer que   même   che z les int erve-

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    Les r évélations sont fa buleusement   nom- br euses d ans les souvenir s d e M. Gérar d Gué-

    gan,   qui   s'intitulent   U n   cavalier à l a mer (F.Bourin,janvier   1992). Ilveut nous parler d esavie. Tout le fait penser  à moi. Et chaque f oisqu'il pense  à moi, j'ai   tort. Le secr et le mieuxocculté sous cette fausse rhétorique   d e l'indi-gnation per sonnelle,   c'est q ue je   n'ai jamaisaperçu   M.   Guégan q u'une seule   f ois,   autemps où il se trouvait êtr e em ployé chez mon

    éd iteur .   Ce  br ef   instant   lui   a donné   l'occa-sion   d e   pr od uire   un   faux   témoignage,   tr èsr e présentatif d e sa manièr e,   sur ma pr emièrer encontr e avec Le bovici,   où il s'est trouvér éellement pr ésent,   et muet, mais q ui ne r es-semblait   en   r ien   à   ce  q u'il en   rap por te:«De bor d   command e   d e la bièr e,   et nous d escaf és. Son plan était d es plus simples. Puisqu

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    Buchet-Chastel   n'assurait   pas à son   livre larenommée   qu'il   mér itait,   il   estimait   avoir rempli   ses   d evoirs envers cette maison,   etnous autorisait par conséquence à le rééditer .Il s'agissait ni plus ni moins d 'un   piratage, car 

     pour rompre   un   contr at il faut   être   d eux.Gér ard Le bovici   en acce pta par   br avad e   le

     pr inci pe.   »

    ce détail f âcheux  q ue je   prétend ais manif 's-tement me faire   justice   moi-même;   r é pu-gnant à porter sur  le terrain d es vulgaires chi-canes jud iciair es   un conf lit d e pr incipe q ui yétait si évidemment su périeur .

    Ce Guégan arrange   tou jours les chosesselon d e tr ès instructives intentions, et cached 'a bord l'essentiel   de ce  qui   est.   L'éd iteur Buchet,   dont   le succès d u   Spectacle   avait assez

    tourné   la tête, et qui croyait peut-être avoir làune occasion de r entabiliser   encore   un peu plus tout cela, a jouta au tr oisième   ou   qua-trième   tirage   d e   ce   livr e,   et à mon   insu,un faux sous-titre qui   prétend ait marq uer qu'il   s'agissait  tout simplement   d e «la théo-rie   situationniste   ».   Dès qu'un   exemplair eainsi  maspér isé   me vint sous les yeux, j'écr i-

    vis à   Buchet, un peu   comminatoir ement jel'avoue,   par une simple   lettr e   r ecomman-d ée, qu'il   n'était plus mon   éditeur .   Le bovicil'ap pr it,   et se proposa aussitôt pour me r éédi-ter .Je   n'avais donc rien eu à lui d emander ce

     jour -là; d e   même   que   mes raisons d'agir étaient d es   plus sér ieuses. Je   n'ignorais pasq ue la seule fai blesse d e ma position tenait à

    Je  note d'ailleur s   que j'avais affirmé, dansle tome premier, paru en 1989, de mon  Pané -gyr ique ,   à propos de l'ensem ble d e   la li bertéavec laquelle   j'ai   pu me conduire,   en d estermes explicites:   «Cela n'a pu  êtr e   mené à

     bien que parce que je ne suis jamais allé cher -cher personne,   où que ce soit.  Mon entou-

    rage n'a   été   composé   que   de ceux q ui  sontvenus d 'eux-mêmes,   et ont su se fair e acce p-ter . Je   ne sais pas   si un seul   autr e a osé  seconduire comme moi,   d ans   cette é poq ue?»Cette   seule constatation   suffirait à montr er comment   était impossi ble la scène   imaginée

     par  Gérard Guégan. Ceci est une autre f açond e  montr er la gr and e   utilité   d 'un livre q ue

     j'avais pr écisément   destiné à r éta blir la vér itécomplète sur beaucou p de cir constances   peucommunes d e   ma conduite;   qui  sont   pour -tant aussi tr ès r ar ement   citées.

    C'est   donc   ce jour -là   q ue Gérard Lebovicientra dans   la voie d u   cr ime,  qui   l'a mené siloin depuis, séd uit qu'il   f ut  au  premier   ins-

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    tant par  le styledu voyou, et sans plus vouloir considér er    rien   d 'autr e.   Pour défend re samauvaise cause,   Buchet fit  saisir en   réf érél'éd ition de «Champ   Libr e».   Quand le pro-cès vint, lesjuges de Paris, qui se souviennent

    encor e   du ridicule qu'ils se sont donné encondamnant jadis Baudelair e et Flau bert,   etqui   d e puis répugnent   à   donner tort auxauteur s, conclur ent,   consid érant   la gravité dumanquement de Buchet,   que   son contratavait  été   dissous d ès l'instant   d e   ma lettr er ecommand ée,   et le titre resta tr ès longtempsà Le bovici;   apr ès même   sa mort.   Voici donc

    ce qu'a  été cette af f air e, et l'on admirera l'artd e   Guégan pour r éussir   à m'y donner unemauvaise figure, alor s que c'est peut-êtr e, detoute   ma vie, le cas où je fus le plus justif -ié.Je crois q u'il   n'a pas menti là où il dit que je buvais de  la bière dans je   ne   sais plus   quelcaf é.

    Debor d   aurait-elle pu me tenter? Et d  'sBOildarel, autour d e   De bord,   il  n'en   manqu',il pas... »   «Tr ès vite,   il  s'imposa comme   Ilseul  leader ,   et tous ceux q ui pensaient   q ul'art n'était pas mor t   avec Dad a d ésertèr ent,

    déconf -itsou dégoûtés, une organisation quifonctionna d ès lor s comme n'im por te quela ppareil politique. Avecson catéchisme et sesexclusions.   R este   que   pour avoir lu, mêmed 'assez loin,   Stir ner,   Cravan et Castoriad is,les situationnistes d é ployèr ent en quelquesoccasions des qualités d 'analyse qui   man-quèr ent  à leurs concurr ents ...» «Je m'en étais

    ouver t   à Jacques Baynac, q ui s'en souvintlor sque le conf lit avec Le bovici d éboucha sur notr e d émission collective, q ue nous transfor -mâmes   en licenciement économique, car  nous n'avions pour   vivre que nos maigressalair es et non un beau-frère antiquair e   àHong Kong comme GuyDe bord .   »

    M. Guégan semble f -ierd'avoir connu d ansle stalinisme la seule sor te  d e gr and eur qu'ilait cru avoir unjour   a ppr ochée, et en tout cassait nous faire voir qu'il   en  a retenu d e sonmieux les leçons   pour   simplif -ier avec gr âcel'histoir e   de   l'Internationale situationniste   :«Je connaissais le stalinisme dans son formatgéant; en q  uoi la version mesquine d 'un

    Il   se   tr ouve   que   je   n'ai pas d e   beau-frèr e   antiquair e à  Hong Kong. Mais enf -in,dir ait   Guégan,   pour quoi   pas? Et   s'il l'était,n'en   ser ais je   pas évid emment   coupable? Quiignor e les immenses traf -icsqui tr ansitent par Hong Kong?   On   en plaisante   jusq u'à laB.E.R .D.!  Il suf f it d 'ailleurs que   q uelq u'unsoit riche   pour que   l'envie contem poraine

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    en d éduise   mathématiq uement que j'auraislevé sur son amitié   l'impôt or dinair e, et   lesextraord inaires   en sur  plus. Pour quoi s'en pr i-ver? A pr ès tout,   personne n'a   ignoré   ce que

     je pensais de   l'ar gent; et ne   pouvait pas

    s'attendr e   à fair e avecmoi d e bonnes   affair es.

    nécessair ement pauvr e. Rien n'étaitjam·.isgar anti.   «Le temps  était sorti   d e ses gond    », pour   le dir e en termes shakespeariens,   lcette fois c'était   véritablement partout:   d anla société, d ans l'art,   d ans l'économie, dans la

    f açon même   d e penser   et de ressentir   la vie.Rien n'avait plus d e   mesur e.   J'ai   été   avanttout quelqu'un d e ces temps-là, mais sans en

     par tager   les  illusions. Je   me   flatte   d 'avoir avant tout raisonné selon le principe:   «Àche-val donné,   on   ne   r egar d e pas la br id e.»   J'ai pratiqué   le   potlat ch   avec assez d e grandeur  pour ne  pas m'inquiéter   d e quelques   d élica-tesses excessives.

    Je viens de voir que   l'on par lait   à pr ésentde financier s   italiens   qui paraissent   vouloir se f latter d e   me connaître; et à   quel pr ix?Mais   q ue   n'avait-on pas  d é jà   dit d e Gian-fr anco Sanguinetti? Et, beaucoup plus extra-ordinair ement,   du   stalinien   Giangiacomo

    Feltr inelli   à   qui   pour tant j'avais   r efusé   d em'éditer, en ter mes outr ageants? Je   n'ai

     jamais   d étesté   d es r iches pour   la seule raisonqu'ils   l'aur aient   été.  Il leur   suf fisait d e savoir se conduire avec assez d e tact;   et   d e   style.

     N'aurais je   pas été   beaucoup plus  blâmablesi la r ichesse d e tel ou tel ind ividu  avait par um'im pressionner?   lui   avait d onné à   penser 

    qu'il pouvait,   par   ce   seul   d étail,   m'influen-cer ?   ou   seulement pouvoir   me   par ler   d 'un

     peu plus haut? Je crois qu'ils   ont bien vuque non.   En   tout   cas, c'est   ce  que j'avaiscontinuellemen t pensé, e t j'ai   agi en   consé-quence,   comme je le d evais.Je n'ai jamais   étéquelqu'un d e   riche; et je   n'ai   pas eu non plus à me reconnaître comme   quelqu'un   de

    Ce remarqua ble Guégan a en   outre   men-tionné, sur   l'ensemble,   un autr e   d étail   vrai.C'est là où il dit,   mais sans a jouter   aucunesorte   d e commentair e:   «Il   a   aujourd 'huisoixante ans.» Il est tr ès invr aisembla ble   q u'il

    ait reconnu d ans l'événement quelq ue chosequi   serait r are et ad mir a ble.   Peut-êtr e   par-tage-t-il ici les opinions   d e   Balzac sur   les ré-flexions que   peut   inspir er   «un voleur con-sommé, qui, d e puis longtemps, a r ompu avecla société,  qui veut r ester voleur   toute   sa vie,et  qui d emeure   fid èle   quand même  aux   loisd e   la   haut e   pègr e...   Quel   aveu d 'impuissance

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     pour la justice que   l'existence de voleurs sivieux!  ».

    «Ce fait  o blige  à   rechercher l'o bstacle aud évelop pement d e la théor ie situationniste   àl'origine   d e cette théor ie,  dans la valorisationdu changement   permanent   comme   moteur  passionnel d e   la subver sion,   l'idée d e   la r i-chesse infinie d'une vie sans œuvr e,  et le dis-

    cr édit conséquemment jeté sur le  caractère par t ielde   toute r éalisation positive. Parler  à  cesujet d'er r eur serait f utile, puisq u'il faut sur -tout voir que cette "erreur"   était inévita ble,imposée   par les besoins   de la négation del'ar t   et de la politique.   Ce travail de démoli-tion, avec sa valorisation   conséquente   d 'unevie vouée  à l'é phémèr e,   était histor iquement

    nécessaire;   et il cor respondait   pleinem   nl   'Illgénie personnel de Debor d   (...)   En fail   1." but des situationnistes", "la par ticipationimmédiate   à une abondance passionnelle d ela vie", à  travers le changement   de moments

     périssables déli bérément   aménagés   (Debord,T hèses sur    la   r évolution   cult urelle ,   1. S.   n°1,

     juin   1958),   ce but a bien été atteint, mais par le seul Debord, comme aventure individuelle brillamment   menée, et ré,affirmée contre lad ébâcle   collective de l'LS. (...) il serait plusintér essant et concret de dire,  non pas pour -quoi l'LS. a échoué   (si l'on reste  à  ce niveau

    d e généralité, on peut se contenter d'incrimi-ner  la faiblesse du mouvement social dans sonensemble), mais pourquoi   elle a échoué   decet te manière-là ,   par mi toutes les   manièresd'échouer possibles.   Cela  est d 'autant plusdigne d 'attention   q ue l'LS. est eff ectivement par venue   à éviter la fin ha bituelle des avant-gard es,   le vieillissement confortable   (..,)  En

    fait lajustification historique suf f isante d e ladissolution d e   l'I.S. était, comme   celle de bien d es exclusions aupar avant,   d e constituer une mesur e  déf ensive  obligée : d ans la positionà  la fois très af f aiblie et très ex posée   où ellese trouvait en  1970-1971.   C'était sans doute lameilleur e manière d e limiter  les dégâts. Il fal-lait  décrocher, vite et bien,   sous peine de finir 

    En avril 1992,   le numéro   15 de  l'Encyclopé -die des N uisances   (Directeur de la publica-tion :Jaime Semprun, 20 rue d e Ménilmon-tant, Par is 20e)   a donné, sous le titr e  Abrégé,une sorte  d e conclusion historique   génér alesur l'Inter nationale   situationniste,   ou plutôt,sans plus hésiter  à envisager les choses en f aced'un r egard désabusé,   sur mes propr es aven-

    tur es.

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    honteusement.   Mais comment en était-onarrivé là? (...) Debord a sans aucun d oute sin-cèrement   cherché à faire que   1'1.S. soitl'organisation   anti-hiérarchique et démocra-tique qu'elle avait dit être:   ses interventions

    de 1966  et   1972 manifestent qu'il n'étaitd'aucune  façon soucieux de perpétuer sapr é-éminence, bien au contraire,   et qu'il avait sur le moment mieux que quiconque compris cequi était enjeu. L'explication d e son échec àcet  égard doit donc être r echer chée d ans  lecar actèr e   même de son génie, tel que l'avaitformé   son histoire singulièr e,   et dans le ra p-

     port changeant d e "cet élément actif qui meten br anle des actions universelles", avec lesconditions elles-mêmes mouvantes où il a pu s'exercer    (...)   Cette   mise en perspec-tive, dont il   s'agit seulement ici   d e   don-ner quelques éléments,   permettra en mêmetemps d e  r emettre à leur place exacte   d euxf aits qui ont jusqu'à maintenant d issuad é del'entreprendre,   en figeant l'I.S. dans un passéadmirable:   d'une   part le fait que De bord lui-même   ait assez r emarqua blement r éussi àtr ansformer   la part d e succès historique   del'opération collective d e   l'I.S.  en un   nouvelenjeu   individuel   (c'est-à-dire   qu'il soit par -venu, selon ses propr es termes, à ne pas plus"d evenir une autorité   d ans la contestation de

    la société que   dans   cette société mêm   ,Il)   ;d 'autre part   le fait qu'il   ait ensuite,   en fou '-tion d e   cette "r éussite"   personnelle   d 'ungenre assurément original- un peu commesi Marx apr ès la Commune et l'effondrement

    d e la Premièr e   Internationale avait écr it d es Mé moir es   d'outr e-tombe   d e sa façon  -,   eu ten-dance à négliger r étrospectivement la partd'échec de  l'1.S. qu'il avait pour tant r essen-tie plus vivement que   quiconque   sur le mo-ment...   »

    Je   ne  sais pas ce q ue   croient d écouvrir detelles consid érations amères. ]' étais comme j'étais;   et r ien d e très d ifférent ne pouvait envenir .Je ne d is pas que d 'autres n'auraient pas pu aboutir à d e meilleur s résultats; mais quim'aur aient sans doute   moins bien  convenu.L'I.S. a  d'ailleurs peut-êtr e   plus gagné à cer -tainsd e mes incroya bles d éfauts qu'à plusieurs

    d e mes qualités assezcourantes. Les aventuresd eshommes doivent se d érouler   en par tant d ece qui est là. La str atégie même, chacun le sait,d evient beaucoup plus f acile  quand l'heur ed es choix est passée. C'est exactement à pro- pos d e la d estr uction d e Paris q uej'ai   qualifiéles années 70 d e   «r é pugnantes   ».   Il  ne  fautrien pr étendr e en d éd uir e   d e  plus  universel

    l ê i i

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    Quels talents nécessaires ont-ils par f ois faitd éfaut aux gens qui avaient le mér ite   d 'êtr e

    là? Durant   plusieur s  récentes  années,   on a vuun seul   d é sinformat eur    se  montrer    capa bled 'exercer la plus ridicule influence sur toutecette  tr ès savante E ncyclo pédie.   Quelqu'un quisait vivr e reconnaît toujour s vite un d ésinfor-mateur, r ien qu'à remarquer ses thèmes f avo-r is; et saur a pr évoir  expérimentalement d ansquels   r aisonnements   on le   fer a facilement

    tomber   d ans   l'instant   qui suivr a:   car lesmachines obéir ont   toujour s aux mêmes  loismécaniques   (bien sûr , je   n'évoque   ici que led ésinformateur d e   désta bilisation,   qui   agit

     pour soutenir   certains   intérêts.   Car le d ésin-formateur qui   peut r ester   dor mant    est d e cefait même   indétecta ble   pendant la   même pér iod e).   C'est un d  omaine où   l'erreur,

    même br ève, n'est littér alement pas permise.On peut   en mourir .   Il f aut donc y d é ployer une sorte   d 'art;   et le d ernier peut-êtr e   qu'ilsoit nécessair e   d e   pr atiq uer. L'I.S., en toutcas, n'en   a pas manqué.

    Dans la même   petite   revue   Act uel   q 1I icontinuait encore d e paraîtr e  en mai 1992, Bi-zot déconne   d e son   mieux.   «Finissons p'lr Guy Debord et sa mod e r enouvelée.   Debor d qui  écr it comme   le cardinal de Retz n'avait

     pas forcément prévu ce qu'on trouve aujour-d'hui   dans   son   œuvre.   Pourquoi   s'est-il mis~ l'écar t   et de façon presque   prémonitoire?A l'é poque   de R etz, on pouvait   se fair e   em- bastiller. Aujourd'hui Debord s'est embastillétout  seul.   En  plus on ne trouve   même   plusses livr es d e puis que Champ Libr e, son éd i-teur, a d es pr oblèmes.   De bord  les a r etirés d u

    circuit. »

    sur ce que j'ai pensé de la périod e   :j'ai princi- palement dit q ue je n'étais plus à Paris.

    Il n'y a pas d e  «mode r enouvelée» à mon pr o pos:   c'est d'une   façon   tr ès   constanteet   tr ès naturelle   que je   d é plais.   Je   n'écris

     pas comme  le cardinal   d e R etz. j'avais for cé-ment pr évu ce que j'allais   mettr e   dans mon«œuvre» avant de l'écr ir e,  puisqu'elle se vou-

    lait un d ésagr éable   por trait de la société pr é-sente,   et qu'elle a été reconnue   r essemblant e.Je   ne   me suis pas à partir d 'un   certain jour «mis à l'écart»   ;c'est littér alemen tjamais q ue

     je ne me suis laissé convaincr e, ou appr ocher, par  ce qui m'a r é pugné,   sous ce seul mauvais pr étexte   que   cela se faisait or dinairement.   Jene   me   suis   «embastillé»   à aucun   point de

    j' i l tôt bi d it j L et n'en pronostiquer au surplus ri n (Iv

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    vue; j'ai   plutôt   bien   conduit mon jeu. Lesseuls problèmes   qu'eut en 1991mon éditeur,Lebovici, lui sont venus d e moi. À  la suite d uchangement   de génération dans la pro pr iétéde cette maison, j'ai retiré ma confiance à la

    famille Le bovici;j'ai   fait savoirq ue je les quit-tais en tout cas. Ils ont promptement été ame-nés à conclure   q u'ils n'avaient plus qu'à semettr e en liquid ation. J'ai  fait pilonner   tousmes livr es parce que je  ne voulais pas laisser des suspects tirer  un profit de prestige du seulfait d 'a pparaître encore liésà moi, et d'autantmoins   y   tr ouver   l'occasion de manipuler 

    encor e  des sommes incontrôlées: je   consid é-rerais que   le mond e serait trop scand aleu-sement à l'envers,   si pour f inir  je   laissaisd es bourgeois s'enhardir    jusqu'à   r êver d e   mevoler. Quand   «on ne r etrouve même plus meslivr es" comme s'exaltait tr op vite cet imbéciled e  Bizot, il serait plus logique   d'en déduir eque cela ne va probablement   pas durer trop

    longtemps.

    et n en   pronostiquer au sur  plus ri n   (Iv bon:   «Affir mer son moi, dans un mond e   L Itout cons pire à liquid er les identités, est d é jàun acte salutaire au plus haut   point, et  c'e   Lla pro péd eutique   de  toute révolte authen-

    tiq ue.   Dire   ' '  je' ' . Voilà un ind ivid u pour   lemoins exceptionnel dans la société française.(...) N'est-il pas urgent de pléiad iser Debord,n'est-il pas urgent   de  l'empailler ,   d e   le mo-mifier, à l'heure même où,   d e l'autr e   côtéde  l'ex-Rid eau d e  fer, se sont écroulés desrégimes   (voir  La Socié té du spect acle)   que   cemême Debord consid érait comme   les adver -

    sair es ou pseudo-adversaires les plus utiles d el'ordre ca pitaliste, d ès lor s qu'ils   s'en appro- priaient   s pectaculair ement la négation. (...)Le situationnisme a besoin de son antidote:les "pro-situs".Car le Pouvoir -   tel qu'il s'ins-taur e à l'échelle du monde,   réduit à la basse-cour d'un   "villageplanétaire" médiatisé -,   lePouvoir , donc, veut avoir en main toutes les

    cartes: introniser lui-même, et ceux q ui luitiendront   lieu d'alliés,   et ceux q ui   lui tien-dront   lieu d 'ennemis.   Les autres - les "out-sid ers", les moutons noir s,   les inassimilables(quand ce seraient   les allumés islamistes) -,il les étouff era d ans son silence ou saura fort

     bien "mettr e en scène" leur  d estruction, sousle r egard de ses caméras: et sous l'œil passif 

    Dans les Lettr es françaises   d 'octobre 1992,l'écrivain Mor gan Sportès, sans doute mieuxinstruit   que   tant d 'autr es sur   les affaires dutemps, sem ble par tir du cœur d e la question;

    du citoyen spectateur et téléspectateur entre ouvriront pour la première fois ces ci 'II

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    d u citoyen-s pectateur, et téléspectateur   entr eautres ... » Il  se peut q ue ce pessimisme   d eMorgan Sportès soit à plusieurs égard s justi-fié. Et qu'en d evr ait-on penser? Derr ière   ler e proche plutôt   d élirant   d 'écr ire comme  les

    c1assiques,je sais que l'on m'a envié plus sou-vent d e   les avoir  lus et  d 'avoir   eu  parfois  lali berté  de raisonner  comme eux   ( 

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     principaux   il aura f acilement charmé   ce fauxauteur .   Le bénéfice   annexe,   pour Cr é pu, estd e fair e  oublier   un   instant q ue je   « prophé-tise»   sur un indiscuta ble   présent;   et c'étaitdé jà vrai en 1967.

    d émocratie s pectaculaire.   Les yeux d    hf )ileur en comptent les mer veilles.

    «En gr os une   chose, une seule   : q ue   toutest d ésor mais soumis à la loi du "spectaculaireintégr é" : com prenons simplement que   plusrien n'écha ppe   d ésormais à une techniq ue  d egouver nement   d es êtr es  et d es choses entiè-r ement   r églée par une sorte  d e  "one huma-nit y show".   Hor s   du   spectacle où tout   ser ésume et s'annule, point d e salut. R econnais-

    sons que ce n'est pas d e l'eau   q ui va au mou-lin d e Guy De bor d , c'est un tor rent.»   Mais cen'est q uand   même pas une raison pour   aller tom ber dans   l'excès. Les chr étiens recycléssur ce mod ule,   on le compr end, ne vont pasêtr e d es Bloyou d es Ber nanos.   Le conciliairea été   le nom d e   leur   pr o pr e   «spectaculaireintégr é ». Ils se  sont   f ièrement r alliés à   la

    «Àce glacial constat d 'une aliénation géné-

    ralisée, on oser a   toutefois   une   pr emièr e   r e-mar que:   ce n'est  cer tes point la pr emièr e  f oisqu'un homme   d e  plume  pr étend voir  mieuxq ue tout le mond e   d ans quel genr e   d e galèr echacun s'agr ippe