ECSTASY

TOME1WITHOUTYOU

©2016NCLÉditionsTousdroitsréservésISBN:979-10-92634-26-6

E-mail:ncl.editions@gmail.comSiteinternet:www.nathalie-charlier.com

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NathalieCHARLIER

ECSTASY

WITHOUTYOUTOME1

ROMAN

ÀNathalie,maNathy,Tasensibilitéestuneforce

donttun’aspasconscience…Tonamitiém’esttrèsprécieuse.

No,Ican'tforgetthiseveningOryourfaceasyouwereleaving,

ButIguessthat'sjustthewaythestorygoesYoualwayssmile

butinyoureyesyoursorrowshowsPeteHam/TomEvans

1

Madie—Alors,pastropstressée?demandemamère,ensetournantversmoi.Jel’observeavectendresse,toutenluisouriant.Denousdeux,jenesaispaslaquelleestleplussurlesnerfs.— Laisse-la tranquille, chérie, murmure mon père, après m’avoir fait un clin d’œil dans lerétroviseur.—Maiselleesttellementjeune!Ets’illuiarrivequelquechose?Ousiellesefaitagresser?Tuyaspensé?Puis,pivotantànouveau,ellem’observe,avantdereprendre.—Tusais, lepostedesecrétaireà l’agencebancairen’est toujourspaspourvu.Jesuissûreque tupourraisencorepostuler.Çayest,c’estreparti.Cesdeuxdernièressemaines, iln’yapaseuunseul jouroùellenem’apasservicediscours.Bienentendu,jenelablâmepas.Elles’inquiètepourmoietadumalàaccepterquejequittelenid.Toutefois,j’aidix-huitans,elledoitmelaisserfairemespropreschoix.Etjeregrette,maisjen’aijamaisaspiréàdevenirsecrétairededirectiondansunebanque.—Arrêtedepaniquer,rétorquepapa.Dieuprendrasoind’elle.Voilà. En quelques mots, il a résumé ce qu’est notre existence.Dieu prendra soin d’elle. C’est laréponseàtout.Pourtant,mesparents,quej’observeàladérobée,sontdesgensformidables.Droits,honnêtesetaimants.Touteleurvie…non…toutenotrevieestaxéesurlareligionetl’enrichissementspirituelqu’elleapporte.Oh,n’allezpascroirequ’ilssontintégristesouquelquechosedanscegenre,ce serait une erreur grossière.Mais, comme tous lesmembres dema famille, la foi tient unepartimportante,voireprimordiale.J’ai grandi et j’ai passé toute mon enfance à Rochesson, petite ville des Vosges. Mon père y estemployémunicipaletmamèretravailledansunebanquedeGérardmer,situéeàquelqueskilomètres.Jecroisquecequiadominémonquotidien,detouttemps,c’estl’ennui.C’estqu’iln’yapasgrand-choseàfairelà-bas!Biensûr,ilyaleskienhiveretlesbaladesautourdulacenété.Maisenfin,c’estquandmêmelimitéetonenavitefaitletour.Personnellement,çanemedérangepasdutoutdenepasavoird’occupationparticulière.Àvraidire, j’aime rêvasser. Jepenseàmonavenirprocheoulointain,àcequejevoudraisfairedemavie.EtsiRochessonpeutêtreconsidéréparcertainscommele trouduculdumonde, ily aunaspect rassurant àvivredansunepetite communautéoù tous seconnaissent.Mafamilleyestrespectéeetappréciée.D’abord,nousensommesoriginaires.Ensuite,monpèreyestégalement diacre. Dans lamesure où il était fou amoureux demaman, il n’est pas entré dans lesordrespourdevenirprêtre,mais sa ferveurestdemeurée intacteet sapiété force l’admiration.Mamère, toutcommemonfrèreetmasœuraînés,partagesesconvictionsetest trèsactivedansnotreparoisse.Moi, j’ai toujours fait preuved’unpeuplusde recul,même s’ilme semble important de

croireendesvaleurs.Celadonneunsensàl’existence.Sansdoute,est-celiéàmonjeuneâgeetaufait que j’ai envie de vivre une multitude d’expériences avant de me poser. Quand je parled’expériences,jefaisévidemmentréférenceàunavenirprofessionnel.Pourlapartintime,leschosessontautrementpluscompliquées.Outre le fait que j’ai été éduquée de manière traditionnelle et surtout assez conformiste, moncaractère réservé n’aide pas franchement à nouer des contacts.Alors, les relations amoureuses, jepeux lediresans rougir,cen’estvraimentpasmon truc. Jen’ai jamaiseudepetitami,hormisungarçon au collège quim’a embrassée à la sauvette un jour. J’avais quinze ans et l’expériencem’atellementécœuréequejen’aipaseuenviedelarenouveler.C’estvraiça,cettelanguegluante,quisefourraitdansmabouche,mefaisaitpenseràunelimace.Dégoûtant!—Madeleine,nousarrivons.Jemeredressesurmonsiègeetémergedemarêverie.NoussommeseffectivementauxabordsdeStrasbourg. En cette fin de mois d’août, l’air est chaud et lourd. Au moins, chez nous, dans lamontagne,ilyatoujoursunebriseagréable.Là,c’estloind’êtrelecasetjemedemandecommentjepourraisupportercela.Je connais déjà l’appartement où je vais résider. Enfin, quand on parle d’appartement, on devraitplutôtdireunstudio.C’esticiquemasœuralogédurantsesétudes.ElleestmaintenantinstitutriceàÉpinal,oùellevitavecsonmariquiestcommercial.Puis,monfrèreaprislerelai,letempsdefaireune licence en théologie catholique, qu’il a validée au printemps dernier. Il vient d’intégrer leséminaire et se destine à devenir prêtre. Alors, plutôt que de chercher une chambre en citéuniversitaire,mesparentsontprolongélebailpourmoi.Dèslundi,j’entameraidesétudesdelettresmodernes.Papaauraitpréféréquej’optepourleslettresclassiques,sansdouteàcausedulatinquiluiestsicher,maisjen’airienvouluentendre.J’aimelalittérature,mais jen’ai aucungoûtpour les languesmortes.Cetteannée, j’aiobtenumonbacavecmentionet jesupposequ’ils imaginentque jemedestineà lamêmecarrièrequemasœur.Pour lemoment, je ne les ai pas détrompés.Mais je sais enmon for intérieur que ce n’est pas ce à quoij’aspire. Dans l’absolu, j’aimerais devenir romancière. Ceci dit, bosser dans un journal ou unemaisond’éditionserait,jepense,unbondébut.Entoutcas,l’enseignementnefaitpasdutoutpartiedemesprojets.Lorsquenousentronsdanslepetitlogementquiseradésormaislemien,iln’yaquequelquesaffairesàramener.Lasemainedernière,mamanetmoisommesvenuespourfaireleménageàfond,remplirle frigo et déposer lamajorité demes effets personnels. L’endroit a étémeublé pourma sœur et,depuis,toutestrestéenl’état.Jen’ai jamaisvraiment comprispourquoi ilsvoulaient à toutprixquenousayonsunappartementbienànous.C’estvrai,unechambreencitéuniversitaireauraitcoûtétellementmoinscher.Toutefois,jesoupçonnemonpèred’avoireuunapriorinégatifenapprenantquelacuisine,lesdouchesetlestoilettesétaientcommunes.Remarquez,moi,çam’arrange.Commeje l’aidéjàexpliqué, jen’aimepas tropmemélanger.J’aiparfaitement conscience que, cette fois, les choses sont différentes. La solitude, la vraie, je vaisréellementl’expérimenteràpartirdecesoir.Parceque,quoiquej’endise,jusqu’àprésent,lorsquejesortaisdemachambre,ilyavaittoujoursquelqu’unpourmetenircompagnie.Pourdesraisonspratiquesetpécuniaires,jeferaicommemonfrèreetmasœur,jenerentreraipaslesweek-endsà lamaison. Jen’y retourneraiquedurant lesvacances. Ilvadonc falloirque jemedébrouille toute seule.Heureusement que je disposed’uneboursequi, si elle n’est pas très élevée,m’exonèredesdroitsd’inscriptionàlafacetmepermetdepayerlerestaurantuniversitaire.Pourle

reste,mesparentsmeversentunepetitesomme,enplusduloyerqu’ilsprennentencharge,etj’aideséconomies, puisque je travaille depuis deux étés à la boulangerie du village et que j’ai toujoursscrupuleusementmisdecôtél’argentquejerecevaisdelafamilleàNoëlouàmonanniversaire.Depuisquejesuisenfant, ilsm’expliquentquesi jeveuxfairedesétudessupérieures,c’estunmalnécessaire.Jecomprendsmaintenantàquelpointça leurpèseet ilmesembleparfaitementnormalqueleseffortssoientpartagés.Leurdemanderdetoutpayerestpurementetsimplementimpossible.Après mon installation, nous nous rendons dans une petite pizzeria des environs et mangeonsensemble.L’instantestimportant,c’estnotredernierrepasencommunavantplusieurssemaines.Ànotreretour,monpèremetendunpaquet,aprèsavoiréchangéunsourirecompliceavecmaman.—Qu’est-cequec’est?questionné-je,enfronçantlessourcils.—Ouvreettuverras…Avecunecertainefébrilité,jedoisl’admettre,jedéballelecarton.—Oh!Cesontlesseulessyllabesquisortentdemabouche,tantjesuissurprise.Àl’intérieurdelaboîtesetrouventunnetbooketuntéléphoneportable.Pourbiencomprendremonétonnement,vousdevezsavoirunechosetrèsimportanteàproposdemafamille. Si nous ne sommes pas totalement arriérés, à la maison, il n’y a absolument aucunéquipement high-tech. À une époque où, dès l’école primaire, les gamins ont des Smartphones,personne chezmoi n’enpossède. Il n’y a pas d’ordinateur, pas d’accès internet et la télévision, unvieuxmodèlenoiretblanc,n’estalluméequ’enderaresoccasions.Quantàl’antenneduposte,c’estuncintre,quinepermetpasdecaptergrand-chose.N’allezpaspenserquej’ensuismalheureuse,carcen’estpaslecas.Onnepeutpasregrettercequel’onneconnaîtpas.Etsi,pourunmotifouunautre,j’avaisàfairedesrecherchessurleweb,ilmesuffisaitdemerendreàlabibliothèquedulycée.Voilàégalementlaraisonpourlaquellej’aimetantleslivres.Lireestunepassionetmonloisirfavori,quandd’autrespassentleursjournéesdevantdesjeuxvidéo.—Papa!Maispourquoi?Jet’assure,jen’enaipasréellementbesoin.—Écoute,Madeleine, il y a un réseauWiFi dans l’immeuble et nous t’avons pris un abonnementminimal pour que tu puisses nous contacter en cas de problème. Si ce type d’option avait existé àl’époquede ta sœur, nous aurions fait lamêmechose.Nous serons soulagésde te savoir toujoursjoignable.—Oui,mais…—Machérie,jet’assurequetunousrendsservice.Tuestellementjeune…Je réalise à quel point ils sont inquiets deme laisser seuledansunegrandeville, alors que je n’yconnais personne. Il est vrai que quand ma frangine s’est installée ici, elle avait vingt-et-un ans,puisqu’elleavaitfaitunepartiedesoncursusàNancy,cequiestbeaucoupplusprèsdelamaison,etqu’ellelogeaitchezmatantelà-bas.Pourmonfrère,lasituationétaitégalementdifférente,carc’estun garçon. Tandis que moi, j’ai dix-huit ans à peine et je n’ai jamais rien vu d’autre que macambrousse. Je comprends qu’ils ne soient pas tranquilles,mais il faut qu’ils se rassurent. J’ai untempéramentonnepeutpluscalmeetraisonnable,etjesuistoutàfaitdignedeconfiance.Lorsqu’ils reprennent la route, aprèsm’avoir embrassée avec effusion, je prends conscience qu’àpartirdemaintenantleschosesvontréellementchanger.J’espèresimplementquetoutsepasserapourlemieux.

2Enm’installant seule à une table de la cafétéria du restaurant universitaire, je pousse un profondsoupirdedécouragement.Celavafairedeuxsemainesquejesuisicietriennesedérouleréellementcommejel’avaisespéré.D’abord, au niveau de mon cursus. J’aurais mieux fait de me renseigner un peu plus, car je meretrouveaveclelatinenoptionobligatoire,alorsquejedétestecettematière.J’aisommetouteassezpeud’heures de cours,mais le travail demandé est conséquent et je passe énormément de temps àpotasser,lireetétudier,seulechezmoi.Encela,lenetbookconstitueuneaideprécieuse.Donc,pourlemoment,riendecatastrophique,medirez-vous?Oui,sansdoute.Seulement,ilyaautrechose.En quatorze jours, et hormis les personnels administratifs et les profs, je n’ai adressé la parole àpersonneet,surtout,personnenem’aparlé.J’ail’impressionqu’ilyadesclansquisesonttoutdesuite formés ou qui l’étaient peut-être déjà auparavant, et ilme paraît particulièrement compliqué,voireimpossible,dem’intégrer.Deplus,monnaturelméfiantn’arrangerienàl’affaire.Trèsdiscrètement, je ferme lesyeuxetdis lebénédicité, avantde signermonpetitpain. Je sais, jesais,cen’estpascourant,maisjen’ypeuxrien,c’estplusfortquemoi.Jenepeuxpasmangersijen’aipaspriéuninstanteteffectuélesignedelacroixsurlepain.Afindenepasmefaireremarquer,j’essaiedefaireleschosessansenavoirl’air.Jen’aipashontedemareligion,loindelà.Mais,ilmesemblequemesconvictionsneregardentquemoietdoiventresterdudomainedelasphèreintime.Alors,mêmesijeprendssouventlepetitcrucifixenorquiestpenduàmoncouentremesdoigts,ildemeurelaplupartdutempssagementdissimulésousmontee-shirt.Lorsquej’ouvrelesyeux,jerelèvelatêtepouruneraisonquej’ignore.Àl’autreboutdelasallesetrouveungarçonquim’observeenplissantlespaupières.Ilestentourédetouteunebandeetilsontdéplacédeuxtablespourlescollerensemble,afindepouvoirseregrouper.Précipitamment,jebaisselenezsurmonplateauenrougissant.Mapeauclairedeblondeatendanceàvirertrèsfacilementaucramoisi,lorsquejesuisgênée.Pourquoisuis-jetroublée,d’abord?Sansdoute,parcequec’estuncanoncommej’enairarementvu.En fait, on dirait James Dean, mais en mieux. Grand, du moins c’est l’impression qu’il donne,châtain,avecunecoupetrèsà lamode, legenrelongdessusetunpeupluscourtsur lescôtés, ilaquelquechosedemystérieux.C’estsonregardquidonnecetteimpression,j’ensuispersuadée.D’oùjesuis,jenepeuxpasdistinguerlacouleurexactedesesyeux,maisilssonttrèsclairs.Jebaisselatête,unefoisdeplus,malàl’aise,etquandjel’observeànouveau,ils’estdétourné.Pff!Àquoiest-cequejem’attendais?Cegenredemecnevoitmêmepaslesfillescommemoietc’esttantmieux!

***Deboutdanslafiled’attente,StellaGérardnepouvaitdétachersonregarddugarçonassisunpeuplusloin.Oh,ellesavaitexactementdequiils’agissait.Àvraidire,elleétaitaufaitdetoutcequ’ilyavaità connaître à propos deNahelElkhouri. Il était le fils d’un diplomate libanais, qui résidait àNewYork, et d’une ancienne actrice suédoise.Étudiant enmaster demusicologie, il ne vivait que pourtroischoses.Lamusique,ladrogueetlesnanas.Etdanscetordre…

Cela ne l’empêchait pas d’être raide dingue de lui depuis qu’elle l’avait vu pour la première fois,l’année passée. Elle avait fait des pieds et des mains pour intégrer sa bande, mais avaitlamentablementéchoué.Impossibled’enfairepartie.Ilsétaientsix,desgarçonsetdesfilles,maisilsnesemélangeaientpasauxautres.Jamais.Pourtant,avecsonlooksexy,elleavaitcruavoirtoutesseschancesaveclui.Malheureusement,elles’était trompée. Il ne la calculait même pas. C’en était désespérant et, surtout, ça la rendaitcomplètement folle. Seul Vince, un de ses copains, semblait vaguement s’intéresser à elle. Etencore…Enl’observantattentivement,elleremarquaquesonregardétait fixésurunepetiteblonde,assiseàunetable.Çacommencetoujourscommeça,songea-t-elleaveccynisme.Il laregarde,ellesourit, ill’inviteàboireunverre,etlesoirmêmeelleestdanssonlit.Demain,ilneserappelleramêmepassonprénom,tellementilauraétédéfoncé.Nahelavaittoutdubadboy,del’angedéchu,avecsoncharmequiagissaitsurlesnanascommeunaimant, et ses vices qu’il était incapable de contrôler. Le pire étant une addiction particulièrementprononcéeàlamarijuanaetàl’ecstasy.D’aprèslesragots,etelles’intéressaitdetrèsprèsàtouslespotinsqui circulaient sur lui, il avaitd’ailleursquitté lesÉtats-Unispourvenir ici à causedecela,après un passage dans la capitale. Elle savait aussi qu’il avait un frère qui était médecin à Paris.Toutefois,ilavaitchoisiStrasbourg,parcequesonpèreavaitautrefoisfaitsesétudesdanscetteville.Reportantsonattentionsurlafillequ’ilreluquait,elleréalisaavecsurprisequ’ellelaconnaissait.Ils’agissaitdeMadeleineGrangier,surnomméepartousleslycéens:lafilleduvicaire.Aussitôt,elleéclatad’unrirenerveux.Nahelavaittoutintérêtàjetersondévolusuruneautregonzesseetvitefait.Car,s’ilyenavaitbienunequ’ilnepourraitenaucuncasavoir,c’étaitcelle-là.SavertuétaitgardéecommeletrésorduGraalet,àmoinsdel’épouser,ilnelamettraitjamaisdanssonlit.Deplus,elleétaitmortellementennuyeuse.Elles étaient toutesdeuxétaient issuesdeRochessonet avaient, par conséquent, fréquenté lemêmelycée.Simplement,StellaavaitunandeplusqueMadeleine,sibienquecesderniersmois,ellel’avaitperduedevue.D’ailleurs,ellenesesouvenaitpasqu’ellesaientdiscutéouriensembleuneseulefois.La blondinette n’était pas très liante et lui semblait bien trop terne pour qu’elle ait envie des’acoquineravecelle.Stella la scruta avec attention, avant de conclure que celle-ci était à peine jolie. Jamaismaquillée,toujoursvêtued’unjeanetdeconverses,ellen’avaitpasgrand-chosedeféminin.Àcontrecœur,elledutcependantadmettrequ’elleavaitunvisageharmonieux,avecdegrandsyeuxbleus,etdescheveuxblonds particulièrement longs, toujours maintenus en tresse, ce qui ne les mettait aucunement envaleur.Effectivement,ellen’étaitpastropmal.Enfin,sionaimelegenregaminesansformes.StellasavaitqueMadeleineavaitdix-huitans,mêmesielleenparaissaitquinze.Une nouvelle fois, son regard se porta sur Nahel. Celui-ci s’était détourné. Avec un soupir desoulagement,ellesupposaqu’ill’avaitobservéecommeill’auraitfaitavecn’importequi.Seulement,l’instantd’après,ilétaitànouveauentraindelamater,commes’ilétaitincapabledes’enempêcher.Semordillantlalèvre,lajeunefillesemitàréfléchirrapidement.Madeleineallaitpeut-êtrel’aideràsefairesaplacedanscettebande,quifaisaitrêvertouslesétudiantsetsurtoutlesnanas.NuldoutequequandelleauraitrévélélavraienaturedelablondinetteàNahel,celui-cin’auraitplusdutoutenviedes’intéresser à cette petite pimbêche. Alors, avec un peu de chance, regarderait-il enfin dans sadirection.

3

Madie—Hey!Maisonseconnaît,non?Étonnée, je lève les yeux vers la personne qui vient dem’apostropher. Oh,merde ! Estelle StellaGérard. Une pétasse de première et, encore, je suis super sympa, parce qu’en réalité, c’est unevéritable salope. Si elle s’imagine que j’ignore comment elleme surnommait l’an dernier, elle sefourre ledoigtdans l’œil jusqu’au trouducul.Oui,oui, je saisque jenedevraispas réagirainsi,mais c’est plus fort que moi. Cette nana me hérisse le poil. N’empêche que si mon père pouvaitdeviner ce qui se passe dans ma tête, nul doute qu’il m’engueulerait sévèrement. Il déteste lagrossièretéetjecomprendstoutàfaitcela.C’estpourcetteraisonquejemegardebiend’exprimeràvoixhautecequejepensetoutbas.D’ailleurs,qu’est-cequ’ellemeveut,cetteconne?—Estelle,murmuré-je,malàl’aiseSansmedemandersijesuisd’accord(etjenelesuispas),elles’installeprèsdemoiàlatable.Jesaisquejevoulaisparleràquelqu’un,maisfranchement,jen’étaispasdésespéréeàcepoint!—Stella,jepréfère…Commesijen’étaispasaucourant.Jel’aifaitexprès,pardi!— J’ignorais que tu étais à la fac, cette année, lance-t-elle avec une sympathie qui n’a rien denaturelle.—Commetuvois.Ettoi?Oùenes-tu?—Jerefaismapremièreannéededroit.Maisj’enbave.Unsilencegênés’installe.Ça,j’auraispuleprédire.Nousn’avonsjamaisétéprochestouteslesdeux,il n’y a, par conséquent, aucune raison pour que nous le devenions aujourd’hui. Jésus fait desmiracles,maisilaseslimites.L’appétitsoudainementcoupé,jerelèvelatête.Cettepintadeestentraindereluquermonplateauavecdesyeuxdemerlanfrit.Quoiencore?—Ehbien,jeconstatequetunetelaissespasaller!s’exclame-t-elle,enledésignant.Cen’estplusune bouche que tu as, c’est un four ! Deux entrées, deux desserts et des frites. Tu devrais faireattention,mavieille,turisquesdet’empâter.Déjàquet’espastrèsgrande.Peaudevache!Tuverrascequejevaistefairesitunelabouclespastoutdesuite!Qu’est-cequejevousavaisdit?C’estunesaletédeteigne,cettefille!—Jene…Àvraidire,j’hésiteentreluibalancer«jenedînepaslesoir,doncjemangebienàmidi!»et«jenetepermetspasdet’occuperdemonplateau,bouffetasaladeverteet ferme-la!».Enmêmetemps,c’est la première personne qui me parle depuis deux semaines. Mais que vaut-il mieux ? Êtreaccompagnéed’unenunuchepareilleoucontinueràmemorfondredansmoncoin?Jedoisavouerquepourlecoup,jesuispartagée.Parceque,toutecrétinequ’elleest,ellealemérited’êtrelà.Alors,peut-êtrequejepeuxmettreunpeud’eaudansmonvin.Avecunsérieuxeffort,jepourraisfinirpar

l’apprécier.Euh,non…fautquandmêmepasexagérer.—Stella!appelleunevoixmasculine,aumomentoùjem’apprêteàrépliquer.Nousrelevonstouteslesdeuxlatêteenmêmetemps,pourapercevoirunmec,assisàlamêmetablequeletypequimedévisageaittoutàl’heure,nousfairedessignes.Enfin,pasexactement.C’estàmavoisinequ’ils’adresse.Elleest,dureste,déjàdebout.Ehbien,lagrandeamitién’auraduréquetroisminutesetauraétébriséeaussisecparlepremierbouffonvenu!Celui-làn’estd’ailleurspasmal.Entoutcas,ilal’airsympa.Rouquin,barbuavecdescheveuxlongsquisontattachésparuncatogan,ilsouritdansnotredirection.Jeletrouveassezmignon,sionaimelegenretatouécostaud.Stella s’est précipitée vers lui, son plateau avec une ridicule salade en main. Dépitée, je sors unbouquindemonsacetleposeprèsdemoi.MieuxvautquejemeplongedansThérèseRaquin,plutôtqued’entendresonrirefaux,provenantd’unpeuplusloin.Toutefois,l’instantd’après,ellesetientdeboutdevantlatable.Qu’est-cequ’elleveutencore?—Oui?Tuasoubliéquelquechose?demandé-je,enmetournantverslaplacequ’elleaquittéesiprécipitamment.—Non,ilsaimeraientsavoirsituaccepteraisdetejoindreànous.J’ouvredegrandsyeux,incapabledecachermastupeur.Puis,jeregardedansleurdirection.Letypedetoutàl’heureestànouveauentraindemedévisager.Maisqu’est-cequej’ai?Ilm’estpousséunecornecettenuit?—Jenepensepasquecesoitunebrillanteidée.Detoutefaçon,jeparsdansdixminutes,murmuré-jeavecunpetitsourired’excuse.—Oh,c’estbon…Tunevaspas faire tamijaurée,maintenantque tuesà la fac !Déjàque tumeregardaisdehautquandtuétaisaulycée.Jecroisquejesuissurlepointdem’étrangleravecunefrite.Moi,jelasnobais?Maisçanevapaslatête !Enfin, peut êtreque si, finalement.Mais enmême temps, elle et ses copines étaient tellementnazesavecleursgloussements,quej’avaispeut-êtred’excellentesraisonsdenepasvouloirmemêleràelles.Je jetteànouveauuncoupd’œilendirectiondela table.Ilssontcinq.Deuxnanasavecdeslooksgothiqueset troismecsqui ressemblent tous fort àdesmauvaisgarçons, commediraitmonpère.—Sijesuisunemijaurée,grogné-jeentrelesdents,tudevraisêtreraviequejenet’imposepasmaprésence.—Ouais,exactement,assène-t-elle,visiblementvexée.Maisilsinsistent.—Etalors?Cen’estpasmonproblème…—Situnevienspas,jeraconteàtoutlemondecommentontesurnommaitaulycée.Jesuissûrequeçalesferabienmarrer.—Connasse!Cettefois,j’aiparlétropvite,maisqu’est-cequeçasoulage!Stellamefusilleduregard.—Grouille, c’est l’histoire de cinqminutes.Après, tu pourras retourner à tes chers bouquins. Enattendant,tuvasm’aideràintégrercegroupe.Çafaitunanquejerêved’êtreunedesleurs.Mêmesicen’estpaslemoment,jenepeuxpasm’empêcherderire,memoquantouvertementd’elle.—Parcequetuasbesoindelafilleduvicairepourfairepartied’unebandeducampus?Çacraint,non?—Ouais,ouais,c’estça.Pensecequetuveux,jem’entape.Bon,tuviens?Je crois qu’elle ne me fichera pas la paix, tant que je n’aurai pas fait ce qu’elle attend de moi.Rapidement, je consultemamontre.De toute façon, jedoispartirdansmoinsdedixminutespourarriveràl’heureencours.Alors,aprèstout,pourquoipas?

Etpuis,en toutehonnêteté, je refusequ’elleparledemoidansmondos. Je saiscomment lesgensréagissentquandilsblablatentsurnotrecompte.Onnoustrouveoriginaux,voiremarginaux,etonsemoquedenosconvictionsreligieuses,parcequ’onlesjugeextrêmes.Mêmesijenesuisabsolumentpas d’accord avec cette vision des choses, j’ai appris depuis longtemps à ne plus débattre sur laquestion. Mes parents ne nous ont jamais rien imposé. Ces critiques sont donc aussi injustesqu’infondées.Mais, iln’enrestepasmoinsquej’ensuistoujoursprofondémentblessée.J’aimemafamilleet j’ai tropentendudevacheriesgratuitesàleursujet.Alors,cettefois, jenepourraipasletolérer,surtoutpasvenantdecettecruche.Àcontrecœur,jerangemonbouquin,hissemonsacsurmonépaule,prendsmonplateauetlarejoins.Durant tout ce temps, le regard du type ne m’a pas quittée. Cette manière de me fixer me metparticulièrement mal à l’aise. Je n’aime déjà pas être matée, en règle générale, mais aussiintensément,c’esttrèsdéstabilisant.Vraiment.Lorsque j’approche du groupe, je sens une sensation de malaise m’envahir, comme quand on setrouveenprésenced’undangerimminent.J’aibeautenterdemeraisonner,jen’arrivepasàcontrôlercettesensationfortdérangeante.—Salut,murmuré-jed’unetoutepetitevoix,enm’asseyantsurlaseulechaiselibre,justeenfacedumec.Lerouquinm’adresseunsourireamical.—Moi,c’estVince.Ettoi?Tut’appellescomment?Querépondre?Jedétestemonprénom.—Madie,murmuré-je,rougissante,parcequejesensleregardmoqueurdeStellasurmoi.—Ahbon?demande-t-elle,l’airparfaitementinnocent.Quandjevousexpliquaisquec’étaitunepouf,jenementaispas,vouspouvezleconstaterparvous-même!—Madie, ravide teconnaître.Voici labande. IlyaFred, indique-t-ilendésignant legarçonassisprèsdelui.Ça,c’estSophieetSteph.Etl’abrutienfacedetoi,c’estNahel.Bon,jedisquoi?J’aisipeul’habitudedecegenredesituationquejenesaispasoùmemettre.Enmême temps, ilsn’ontpas l’airméchants, justeunpeuoriginaux. Jenemesuis jamaisarrêtéeauxapparences. J’ai tropsouffertpar lepassédes jugementsà l’emporte-piècepouravoir,neserait-cequ’uneseuleseconde,enviedefairepareil.Ducoup,çamecalmeetjemedisqueceseraitquandmêmesympaderencontrerdenouvellestêtes,histoiredecommuniqueravecd’autrespersonnesquecettepétassedeStella.Arborantmonplusjolisourire,jemedétends.—Raviedefairevotreconnaissance.Tousme font, soit un signe de lamain, soit unemimique rigolote et, finalement, j’éclate de rire,totalementrassurée.C’estvraiqu’ilsontl’aircool.—Pourêtretoutàfaitfranche,sonprénomn’estpasMadie,maisMadeleine,lanceStellaavecuneironiequimeglace.Etsielleveutunsurnom,ellepeuttoujoursutiliserceluiqu’onluiavaittrouvéaulycée:lafilleduvicaire!Là,jesuismortifiée.Cettefilleestvraimentuneconnedepremière.Oui,oui,jedevraisfairepreuved’unpeuplusdecharitéchrétienne,mais j’ensuisparfaitement incapableet je l’assumetotalement.Merde ! Pour quelle raison se sent-elle obligée de me rabaisser ainsi, en me collant une hontepareille?C’estjustedégueulasse!Lorsquejerouvrelesyeux,quej’avaisfermés,submergéeparlagêne,jevoisquetouslesregardssontbraquéssurmoi.Toutefois,contrairementàcequej’imaginais,ilsnesontpasdutoutmoqueurs.

Pourrésumer,jediraisqu’ilyadelasympathieetunecertainecompassion.C’estcequimepousseàluirépondre,plutôtqu’àm’enfuiràtoutesjambescommej’avaisd’abordprévudelefaire.— Je te remercie,Estelle. C’est très aimable de ta part dememettre un bon vent. Ceci dit, deuxchoses. Mon père n’est pas vicaire, il est diacre. Ce n’est pas pareil et si tu ne sais pas faire ladifférence,apprendsàteservird’undictionnaire.Puis,metournantverselle,jelafusilleduregard.—La deuxième : je t’interdis de parler de lui. Ta bouche n’est pas assez propre pourmentionnerseulement sonnom.Etpuis, entrenous, jepréfèrecent fois le sobriquetdont tum’asaffubléequeceluiquiétaitletienaulycée.—C’estquoi?demandeVince,enriant.—Ilvautmieuxquetunelesachesjamais,répliqué-je,sansquitterStelladesyeux.Ellen’apasvuvenirmarépliqueet,pourtant,depuisletempsquej’avaisenviedelaluibalancer,jedoisavouerqu’unsentimentdesatisfactionintensem’envahit.Monpèrem’engueuleraitsûrementausujetdemonespritrevanchard,maisjeregrette,jerefusedetendrel’autrejouequandonm’abaffée.—Allez,Madie,soispasvache!Onaimeraitbiensemarrerunpeuetellel’abiencherché.Pasvrai,Nahel?Jemeraidisunpeuàl’évocationdeceprénometrelèvelatêteverslebelinconnupourcomprendrecequisepasse.Ilsouritdetoutessesdents,attendantaveclamêmeimpatiencequesesamisquejecrachelemorceau.Or,jeneleferaipas.J’enveuxàStelladem’avoircollélahonte,maisjerefusedem’abaisseràsonniveauenagissantexactementcommeellel’afait.Mesyeuxseposentmachinalementsurmamontreetjem’aperçoisaveceffarementquejesuisdéjàenretard.Sansprendrelapeinederéfléchir,sansmêmeentamermesdesserts,jemeredresseàtoutevitesseetenfilemaveste.—Siquelquechosevoustente,jen’yaipastouché,alorsfaites-vousplaisir,indiqué-je,endésignantmonplateau.Avantmêmequej’aieeuletempsdesaisirmonsac,ilssesontprécipitéssurlesramequins.Celamefaitrire.VinceetSophiesontdéjàentraindesebâfreretmeremercientlabouchepleine.—Aurevoir,toutlemonde.Bonaprès-midi.D’uneseulevoix,tousmesaluent.Alorsquejem’apprêteàpivoterpourprendreladirectiondelasortie,Fredm’interpelle.—Eh,Madie,c’estquoisonsurnom,alors?—Han,han,fais-jeenbalançantmonindexdegaucheàdroite.Situveuxlesavoir,ilfaudraleluidemander.Puis,surunpetitsigne,jefileverslaporte.Arrivéesurlepas,jemetourneunedernièrefoisverseux.Etlà,quellen’estpasmasurprisededécouvrirNahelentraindem’observer.Unefoisdeplus...Lorsqu’il sourit, je baisse vivement la tête et quitte la pièce. Ce type est troublant et, sans doutecomme la plupart des filles, je réagis bizarrement en sa présence.C’est la première fois que celam’arriveetjesenslapaniquemegagner.Pasparcequejesuisexcitéecommeunepuceparceregardperçant, mais ce garçon dégage quelque chose de mystérieux et, surtout, surtout, de diablementdangereux.

4Val jeta un rapide coup d’œil à la jeune femme blonde qui descendait l’escalier en souriant. S’iln’avaitpasétédansunesituationnécessitantqu’ilvoiesesamistoutdesuite,ilseseraitbienarrêtépourl’inviteràboireunverre.Enentrantdanslacafet,ilfitsigneàNahel.L’heureétaitgraveetilfallaitàtoutprixqu’ilsaientunediscussion.Celui-ciseleva,aussitôtimitéparFredetVince.Lesfillesrestèrentassises,commesiderienn’était.Une jolie brune tenta de leur emboîter le pas, mais Fred se tourna vers elle et la rembarra sansménagement.Rougedeconfusion,ellerepritsaplaceetbaissalatête.Ils n’échangèrent aucune parole tant qu’ils ne furent pas derrière le bâtiment, à l’abri des oreillesindiscrètes.—Alors?interrogeaNahel.—Tuavais raison.Tues suivipar les flics. Ils se relaientet jemedemandecomment tuaspu lesrepérer.Maisilsnem’ontpasvu.—Merde!s’exclamaFred.Qu’est-cequ’onfaitmaintenant?Ilesttroptardpourannulerladernièrecommande.—SicetteimbéciledeRosienes’étaitpasfaitpincer, jamaisonn’auraitétédanscettemouise!fitremarquerVal,furieux.—Arrête,l’interrompitVince.Pourlemoment,aucundenousnesaitsielleabalancéounon.Nahelestpeut-êtrejustedansleurcollimateur,parcequ’ilsortaitavecelle.—Jenesortaispasavecelle,jelasautais,intervintl’intéresséavecunsourireironique.—Cen’estpascequ’ellepensaitettuesaucourant.—Oui,mais enmême temps, il abaisé lamoitiéducampus, fit remarquerFredaveccynisme.Etl’autremoitié,cesontlesmecs.—Qu’est-cequ’onfait?—Onlaissetouttomber?suggéraVince.Ceseraitplusprudent.—Certainementpas.Sionfaitça,labandeàAmorosnouspiqueralemarché.—Danscecas,ilfauttrouverunesolutionetsansperdredetemps.—Laquelle?—SeulNahelestsuivi,jevousl’aidit.Alors,nousallonsprendrelaprochainelivraisondecameencharge,pendantquetuterachètesuneconduite.—Comment?S’ilscommencentàgratter, ils saurontviteque je suis fichécommedélinquantauxÉtats-Unisetquec’estpourcetteraisonquemonpèrem’aenvoyéenFrance.Toutcommej’aieudesennuisàParis.Monfrèrem’ademandédepoursuivremoncursusàStrasbourg,parcequejevenaisdemefairepincerunenouvellefois.—Déjà,ilfaudraitquetutetrouvesunenana,suggéraValenobservantsonami.—C’estfacile,ça,maisjenevoispaslerapport.D’ailleurs,jen’aipasdegonzesse.Jetiredescoups,c’estpaspareil.—Tun’aspascompris.Tudoissortiravecunemeufetuniquementcelle-là.—Ouh,çasecorse, fit remarquerFreden riant.Nahelest toutà fait incapabledes’en teniràune

seulenana.—Etilfautquelafillesoitau-dessusdetoutsoupçon.Uneblanchecolombe,dugenredecellequiétaitassiseànotretableàmidi,poursuivitVince,sanstenircomptedel’interventiondesonami.—Tuparlesdelafilleduvicaire? interrogeaFred,enriantfranchement.Elledoitêtred’unennuimortel.C’estunegamine,toutdroitsortiedesaputaindecambrousse.Jesuissûrqu’elleestencorepucelle!—Peut-être,maissi lesflics lesvoientensemble, ilssedirontqueNaheln’estpasceluiqueRosieleur a décrit. À savoir, un baiseur compulsif qui n’aime rien tant que sauter une nana en étanttotalementdéfoncé.Etsiçasetrouve,onpourraitmêmeplanquerlacamechezelle.—Non,c’estunetrèsmauvaiseidée.Jerefusedefaireunechosepareille,murmuralejeunehomme,toutenregardantsesamisdanslesyeux.Noussommesdestrafiquantsdedrogueet…—Oh,petits…nous sommesdepetits trafiquants, crutbondepréciserFred.Onne revendquedel’herbe,delamarijuana,etquelquesmisérablescachets.Çanefaitpasdenousdesbanditsdegrandchemin.Etpuis,onn’obligepersonne.Ceuxquiachètentsontmajeursetétudiants.Onnefaitpaslessortiesdescollègesetdeslycéescommecertains.Onadesprincipes.—Desprincipes?Maismonpauvreami,lesflicsn’enontrienàsecouerdetesprincipes!Onvendde lacame.Douceoudure, cen’estpas leurproblème.Toutcequ’ilsverront, c’estqu’on faitdesaffaires illicitesetqu’onrisque la taulepourça.Donc,nousdevonsnousmontrermalinsetnepasnousfairecoincer.—Justement,Nahel.Ilnefautpasqu’ilstechopent.Alors,tuvasteteniràcarreau,répliquaValensortantunjointdesonpaquetdecigarettesetenl’allumant.Cettefillepourraittepermettredefairediversionpendantquelquetemps,suggéra-t-ilànouveau,enluitendantlecône.Nahelaspiraunelonguebouffée.Ohbonsang,queçafaisaitdubien!Lehaschischétaitetresteraitlegrandamourdesavie.C’étaitpourpouvoirenfumerlepluspossiblequ’ilprenaitautantderisquesetqu’ilavaitbasculédansl’illégalitéendevenantdealer.Avecsespotes,ilsavaientmontéunbusinessflorissantquileurassurait,outreleurconsommation,desrevenusconséquents.Maispourlui,leschosesétaientbienpluscompliquées.Ilétaittotalementaddictetnepouvaitpass’enpasseruneseulejournée.Toutauplusquelquesheuresetc’étaitdéjàtroplongpourlui.Depuissixans,ilfumaitdesjointscommed’autresdescigarettes.Toutcommesaconsommationd’ecstasy,quiprenaitdesproportionsalarmantes,mêmes’ils’enfichaitcommedesapremièrepairedechaussettes.Ni son père ni son frère n’avaient réussi à le faire décrocher. Alors, ils avaient purement etsimplementbaissélesbras.Cen’étaitpaspourlefunqu’ilenconsommaitàoutrance.Non,celaluipermettaitdesupportersavie,desesupporter.Iln’yavaitquelorsqu’ilétaitdéfoncéquetoutluiparaissaitacceptable.S’iln’avaitpaseucettebéquille,àunmomentdifficile,ilseseraitprobablementtiréuneballedanslatête.Vuedel’extérieur,sonexistenceétaitpourtantplaisante.Unefamilledeprivilégiésquivivaitdanslesquartiers chicsdeManhattan, avecde l’argent tantqu’ils envoulaient et la certituded’appartenir àl’élite.C’étaitsansdouteainsiquesesfrèresetsœursconsidéraientleursituation.Paslui…Une blessure profonde et indélébile le minait depuis l’adolescence. Il n’avait jamais réussi à lasurmonter,alorsilavaitessayédetrouverundérivatifpournepasdevenirfou.Etleseulremèdequiaituntantsoitpeufonctionné,c’étaitlacame.Audébut,ilavaitrapidementbasculéversdesdroguesplusdures,tellesquelacocaïne.Mais,quandilavaitvusonrevendeuretamienmourir,suiteàunesurdose,ils’étaitquelquepeucalmé.Finalement,lecannabiss’étaitrévélébienplusefficaceetavaitl’avantaged’êtrenettementmoinsdangereux.Songeur, il repensa àMadeleine, la jolie blonde qui l’avait tant intrigué à la cafétéria. En temps

normal, ilne l’auraitprobablement jamais remarquée.Mais il l’avait surpriseen traindeprier,dumoins,ilenétaitpresquesûr.Celal’avaitétonné,parcequeraresétaientlesétudiantsquitentaientendouce de bénir leur repas, hormis quelques mystiques. Et pour ces derniers, ce n’était justementjamaisdiscret.En l’observant plus attentivement, il s’était aperçu qu’elle était vraiment très belle avec ses longscheveuxd’oretsasilhouettefluette.Etlorsqu’ilavaitcroisésonregard,ilavaiteuunchoc.Ilyavaitlutantdedignité,decandeuretdepureté,quecelal’avaitremuésacrément.Madieétaitunangeetilétait un démon. Elle représentait à ses yeux une blanche colombe, l’exacte opposée de son âmesombreettorturée.Elleétaitlalumièrequandilétaitlesténèbres.Ilavaitdemandéàsonamid’intervenir,parlebiaisdeStella,pourqu’ellelesrejoigne.Lorsqu’elles’étaitapprochée,ilavaitétécommehypnotiséparcequ’elledégageait,malgréunecertaineréserve.EtquandStellal’avaithumiliée,ilavaitétésurlepointdeprendresadéfense.Maiselleavaitsortilesgriffesetl’avaitrembarrée,sansjamaisfairepreuvedeméchancetégratuite.Oui,Madeleine était une fille bien et cela faisait très longtemps qu’il n’en avait pas rencontré desemblable.Dans lemilieuoù il évoluait, lesnanas étaient toutesplus faciles et plus intéressées lesunesquelesautres.C’enétaitfatigant,mêmes’ilreconnaissaitenavoirpleinementprofité.Alors,mêmesilasuggestiondeVincen’étaitpasdénuéedebonsens,jamaisiln’adhèreraitàcetteidée. Elle était au-dessus de cela et il refusait de la tirer vers le bas, de la rabaisser à son propreniveau.Ilétaitpeut-êtreunenfoiré,maisiln’étaitpasencoredevenuunsalauddécadentetjamaisilnepervertiraitunecréatureaussimerveilleusequecelle-là.

5

MadieAvecunepointed’excitation, jemedépêchederejoindrelacafétéria.Depuishier, jen’aipaseudenouvellesdeStellaet,d’ailleurs,jen’enespéraisaucune.Aprèsyavoirréfléchilonguement,jen’aitoujourspascomprispourquelleraisonelleestvenues’installeràcôtédemoi.Enfait,jem’enficheroyalement. Par contre, s’il y a une personne qui ne m’a pas laissée indifférente, c’est bien lui.Nahel…Toutelasoirée,j’airêvasséenchantonnant.Etça,cen’estpasbonsigne.Jemefaisl’effetd’êtreunemidinetteenextaseetilyaunaspectassezagaçantàcetteréaction.Alors,aujourd’hui,jeveuxenavoirlecœurnet.J’aieulesentimentqu’ilsepassaitquelquechosedetrès intenseentrenous.Maispeut-êtreque toutcelaest juste le fruitdemon imaginationenfiévrée.Durantmonadolescence,j’airéussiàéviterdetellessituationsetjepensaissincèrementquetouscessalamalecs ne m’intéressaient pas. J’aimemon indépendance nouvelle, le fait de ne rien devoir àpersonne,quecesoitsurleplanaffectifoupratique.Or, tomberamoureused’unmeccommeceNahelest,àmonsens, laconnerieànepasfaire.Ilesttrop beau, trop mystérieux, trop sulfureux. Ce genre de type est synonyme d’ennuis. Quand bienmêmejel’attirerais,unerelationavecluiseraitvouéeàl’échec.Pasbesoind’êtrevoyanteextralucidepourlecomprendre.Je souris en songeant aux filles du lycée qui gloussaient comme des oies quand les garçons leurparlaient,puisqui,quelquesjoursplustard,semorfondaientaumomentoùellessefaisaientlarguercommedevieilleschaussettes,avantdejeterleurdévolusurlesuivant.Soudain,jemefige,grimaçante.Enquoisuis-jedifférented’elles,aujourd’hui?N’ai-jepasappliquédumaquillagesurmesyeux,faitattentionàmacoiffureetàmatenue,allantjusqu’àmechangertroisfoisavantdesortir?C’estpitoyable!En arrivant sur le pas de la porte, je le repère immédiatement, entouré de sa bande, en grandeconversationavecunejolieroussequejen’aijamaisvue.Aussitôt,jesensunpincementdejalousieme traverser.Maisàquoiest-ceque jem’attendais?Àcequ’ilmeguette?Àcequ’il sautede sachaisepoursedirigerillicoversmoietm’embrasserpassionnément?Sincèrement,jenemesavaispasaussiconne.Çam’apprendraàgambergerausujetd’unmec,quin’afaitquemeregarderdeuxoutroisfois.Iln’yavaitaucuneraisondemevoircommel’héroïned’unfilmromantique,dignedescomédieshollywoodiennes.Jemedétournerapidementetattendsmontour.Unefoismonplateauenmain,jem’installeseuleàunetable,lapluséloignéepossibledelaleur.Ilvautmieuxcoupercourttoutdesuite,plutôtquedem’asseoir avec eux, pourm’apercevoir quemaprésence est indésirable. J’ai unpeuplus d’amourproprequecettetanchedeStella,quiveutàtoutprixintégrerleurgroupe.Commeàmonhabitude,jefermelesyeuxetfaisdiscrètementmaprière.Lorsquejelesrouvre,uneombremecacheunepartiedelalumière.C’estNahel.Désinvolte,ilprendplaceenfacedemoietsemetàpicorerdesfritesdansmonassiette.

—Salut,Madie.Tufaisbandeàpart?—Euh,non.Pourquoidis-tuça?demandé-je,necomprenantpaspourquelleraisonilmefaitcetteremarque.—Tuauraispuvenirànotretable,précise-t-il,labouchepleine.— Surtout, ne te gêne pas, fais comme chez toi, ne puis-je m’empêcher de lancer, en le voyantprendremafourchettepourentamermonentrée.—Pardon?—Çanetedérangepasquejeteregardemangermonrepas?—Pasdutout,s’esclaffe-t-il.Maiscommejesuisunmecgénéreux,jet’enlaisseraipeut-êtreunpeu.—Tabontéteperdra,murmuré-je,pince-sans-rire.—J’adoretonhumour.Alors,tuviens?fait-il,enseredressantetensaisissantmonplateau.Puis,sansmedonnerletempsdeprotester,ilpivotesurlui-mêmeetretourneverssatable.N’ayantpas réellement le choix, je prendsmes affaires etme lève. C’est à cemoment-là que je sens unedouleurfamilièremevrillerlebas-ventre.Ohnon!Pasdéjà!Commepourmecontredire,manuqueseraiditetlamigrainecommenceàpointerleboutdesonnez.Dansmoinsd’uneheure,jeseraidansunétatlamentable,jelesais.C’estainsichaquemois.L’appétitcoupé,jeprendsplaceàcôtédelui.Unbraspasséderrièremoi,reposantsurledossierdema chaise, il s’est remis à manger, tout en discutant avec ses amis. Je me force à sourire, maisintérieurementjepanique.Il faut que jeme calme, peut-être que cette fois les chosesdene sedérouleront pas aussimal qued’habitude.Hélas,jesaisdéjàquec’estfauxet,l’instantd’après,j’ensuisàcalculerletempsqu’ilmefaudrapourrentreràmonappartement.—Çanevapas?interrogeNahel,lessourcilsfroncés.—Tum’étonnesqu’elle fasse la tronche ! s’exclameFred,en riant.Tuesen trainde t’enfiler sondéjeuner.—Non,cen’estpasgrave.Detoutefaçon,jen’aipasfaim.—Tuessûre?—Absolument.Mangeetfais-toiplaisir.Je ne mens pas, vous savez. En ce moment, même si j’ai attendu impatiemment de le revoir, jepaieraischerpourêtre tranquillementchezmoi.Pourvousexpliquer, j’aieumespremièresrèglestardivement, à environ seize ans.Audébut, les choses étaient tout à fait supportables.Mais avec letempset,surtoutdepuisquelquesmois,lorsquesurvientmoncycle,jesuismaladecommeunchien.Etencore,jecroisquejeminimisebeaucoup.Concrètement,jeneparviensplusàmarcher,àmangerouàfairequoiquecesoit.Jesuisprisedemauxdetêtequimefonttellementsouffrirqu’ilm’arrivefréquemmentd’envomir.Quantauxcrampespelviennes,ellessontàproprementparlerterribles.Unnouvelélancementm’obligeàfermerlesyeux.—Madie,qu’est-cequetuas?questionneànouveauNahel,l’airinquiet.Quepuis-jerépondre?Quej’aidesrèglesdouloureuses,siaffreusementpéniblesquec’estunréelhandicap?Allons,aucunefilleneseraitassezstupidepourraconteruntrucpareilàungarçonqu’elleconnaîtàpeine!—J’aimalàlatête,jesuisdésolée,bafouillé-jepitoyablement.Ça, je suppose que je peux le dire, non ? Si je ne leur donne pas d’explication plausible, ils vontimaginerquec’estleurprésencequim’indispose,alorsquejeneveuxsurtoutpasqu’ilspensentça.—Tuasdescachets?—Non,maisjevaisrentrerchezmoiet…

—Ilyaunepetiteplacepourmoi?nousinterromptStella,dontlavoixcriardemefaitgrincerdesdents.Ohpitié,paselle!—Désolé,ditVince,enluifaisantface.Toutestoccupé.—Vouspourriezvouspousser,non?—Euh,non,mademoisellegorgeprofonde,ironiseVal.Instantanément, ils éclatent tous de rire. Même moi, mal foutue comme je suis, je ne peux pasm’empêcherdesourire.Ladouleurentremes jambescommenceàdevenirpénible.Fébrilement, jefouilledansmonsac,pourtenterdetrouverlesmédicamentsquelemédecinm’aprescrits.Maisbienévidemment,ilsn’ysontpas.Detoutefaçon,pourquoilesaurais-jeemmenés,puisqu’ilsmerendentsomnolentechaquefoisquej’enprends?—C’esttoiquileurasdit,hein?m’invectiveStella,d’unevoixquiestmontéedanslesaigus.—Biensûrquenon,protesté-je.—C’estça,tuimaginesquejetecrois,espècedesalope?T’esvraimentunepouffiassedepremière!Maistuvasmelepayeretje…—Çasuffit!intervientNahel,suruntonquimeglacelesang,tellementilestdur.Sacolèreestperceptibleetjepensequ’ellel’asentiégalement,carellesetaitimmédiatement.—Madien’ariencafté,c’estmoiquileuraidit.Tuasfaitunepipeàplusieurstypesquejeconnais,dans les toilettes de la fac de droit. Cette réputation, tu te l’es faite toute seule.Dans la promo deSophie,ilyaunemeufquivientdumêmevillagequetoietquileluiaraconté,quandellet’avueàunefête.Alors,maintenant,tufermestagueuleettudégages!—Mais,mais…—T’essourdeouquoi?—Pourquoi?insiste-t-elleencore.—TuasmislahontehieràMadeleine,alorsqu’ellenet’avaitrienfait,justepourtelapéterdevantnous.C’estuncomportementdemerdeetjedétestelesgenscommetoi.Puis,alorsquejenem’yattendspasdutout,samainpassedelachaiseàmonépaule,pourremonteretentourermanuque.Lecreuxdesoncoudeestcolléàmonoreilleet jesenssapaumefrôlermamâchoire. Aussitôt, des frissons agitent mon corps. Pourtant, je fais tout pour ne pas le montrer,tandisquejeregardeStellapartir,latêtebasse,dépitée.Envoyantlascène,elleaeuunegrimacededégoûtetd’enviemêlés,avantdenoustournerledos.—Nahel,tuyesalléunpeufort,non?Ilsourit,resserresonétreinteetembrassematempedroite.Bonsangdebonsoir,quec’estagréable!—Jem’en tamponnecomplètement !Tucroisque jen’aipas remarquésonmanègepour intégrernotrebande?Çafaitunanqueçadureetçamesoule.Elleintriguedansmondos,ragotesurmoi,interrogetouteslespersonnesquimeconnaissentetc’estlegenredetrucquimegonfleauplushautpoint.—Pourquoil’avoiradmiseàvotretable,hier?questionné-je,étonnéeparcerevirementdesituation.—Parcequetuétaisavecelle.Sonsouffleeffleuremajoueetjesensmapeauprendreuneteintecramoisie.Ilesttellementprèsdemoi que je ne peux qu’être troublée. Son visage approche du mien et je pressens qu’il vam’embrasser.C’estàcemomentprécisqu’unétudiantpasse justeàcôtédemoi.Sonplateauestchargédefrites.Leurodeurarrivelasecondesuivanteàmesnarines,provoquantunhaut-le-cœur.Nevoyantpasceque je peux faire pour ne pas risquer de vomir sur la chemise de mon beau brun, je me lèvebrusquement,saisismesaffairesetmediriged’unpasrapideverslasortie.

—Àbientôt,balbutié-je,toutenleurfaisantunpetitsignedelamain.Si je ne me dépêche pas de rentrer, je vais être malade devant tout le monde et c’est le genred’expériencequej’aimeautantnejamaisvivre.J’arrive inextrémisà lamaisonet, tout juste ai-je le tempsdemeprécipiterdans la salledebain,avantderendre lepeuque j’aimangé.Avecdifficulté, jemedéshabille,mecoucheetmerésousàprendrelescachets.C’estpartipourquatrejoursd’enfer…

6

NahelLorsquejequittecetappartement,surlapointedespieds,ilestcinqheuresdumatin.Sanstraîner,jemedirigeversmavoitureetm’installederrière levolant.Toutefois, jenedémarrepas,prenantuninstantpourréfléchiràlasituation.Cettefois,jesuisvraimentdanslamerde.Jemesuistoujourscruplusmalinqueleskeufs,maisjedoisreconnaîtrequej’aitoutfauxsurcecoup.Depuishier, je tombedeCharybdeenScylla.C’étaitvraimentune journéeà lacon!Pourtant, toutavaitplutôtbiencommencé.J’avaisréussi,parjenesaisquelmiracle,àm’extirperdemonpaddockpourassisteràmescours.Puis,àmidi,avecl’impatienced’unadoboutonneux,jem’étaisprécipitéverslacafetpourrejoindrelesautres.Ettoutça,enn’ayantfuméquedeuxminablespétards,l’unauréveil et le second sur le trajet vers le restaurant universitaire. Pour qui me connaît, on peutconsidérerquec’estunréelexploit.À vrai dire, je ne voulais pas déjà être totalement défoncé, des fois que je rencontrerais la belleMadeleine.Cettefille,quin’ad’ailleursriendeparticulier,necessedetournerdansmatête.Ouais,ouais,jesais,jem’étaisfaitlesermentdenepasm’enapprocher.Maisforceestdecroirequejenesuispasassezmotivépourm’enteniràmesrésolutions.Etpuis…lespromessesn’engagentquelesidiotsquilesgobent.Combiendefois,ai-jejurésurtouslessaints,àmonpèreetàmonfrère,quejenetoucheraisplusàladrogue?Descentaines.Etàpeineavaient-ilsledostourné,quejereplongeaisjoyeusementdansmes travers.Personnene réussira jamais àmeguérirde cette addiction.Elle esttropprofondémentancréeenmoi,depuistroplongtemps,pourquecelasoitseulementenvisageable.Outoutel’histoiredemavie,celled’unloser.Bref, je l’ai attendue avec impatience, intriguépar sa réserve et par ce respect qu’elle impose auxautres,sansenavoirl’air.Ah,elleestvraimentforte…Quandelles’estinstalléeleplusloinpossibledenotretable,jen’aipastoutdesuitepigécequiluiarrivait.C’estalorsqueFredm’afaitremarquerquej’étaisengrandeconversationavecunenana,aumomentoùelleestentréedanslapièce.Selonlui,elleenavaitsansdouteconcluqu’iln’yavaitrienàattendredemoi.Surlecoup,j’aifroncélessourcils,necomprenantpaspourquelleraisonelleauraitpusupposerunechosepareille.Mais,trèsvite,j’aipercuté.Jetraîneuneréputationépouvantabledemecvolage,voiredebaiseurcompulsif.Etlarumeurestbienendeçàdelavérité.Monsurnomdechaudlapin,jenel’aipasvolé,c’estunfait.Jesuisunqueutarddanstoutesasplendeur.Seulement, pour la première fois, j’en étais presque gêné. En fait, je suis dépité depuis que j’airéalisé, hier àmidi, que ce qu’elle pensait demoi comptait vraiment àmes yeux.C’est inédit, cardepuis fort longtemps,mêmel’opiniondemonpèrem’est totalement indifférente.Alors,commentcette petite souris blonde, qui n’a pas prononcé trois phrases, pouvait-elle avoir un tel impact surmoi?Bref,pourenreveniràhier,aprèslesparolesdeFred,jemesuislevéillicoetsuisallélarejoindre.

Quel plaisir de la voir rougir comme une pivoine ! C’était si rafraîchissant. Puis, j’ai découvertqu’elleavaitdel’humouretmaniaitl’ironiecommepersonne.Encoreunbonpointpourelle.Sansluilaisserl’opportunitédeprotester,j’aiprissonplateauetl’airamenéànotreQG,compreneznostables.Bienentendu,ellem’asuivi.Mais,étrangement,dèsqu’elleaprisplaceàcôtédemoi,soncomportement a changé du tout au tout. J’ai d’abord supposé que c’était à cause des autres et,franchement,jen’aipasapprécié.Pourtoutdire,j’étaisdéçu.Jusqu’à ce que jememette à l’observer plus attentivement. Et là, j’ai compris que quelque choseclochait physiquement.Elle a vaguement fait référence àunemigraine,mais je penseque ça allaitbienau-delà.Elle étaitvraimentmalade.Lapreuve : ellen’apas touchéunalimentde sonplateau.Alors,quandStellaestarrivéeavecsamini-jupeetsalanguedevipère,j’aipétéunplomb.Entempsnormal, jene luiauraispasprêtéuneseuleseconded’attention.Maisunefoisdeplus,elles’enestpriseàMadeleineetdemanière totalement injustifiée,quiplusest.Après tout,monbelangeblondn’avaitriencafté.Etpuis,sionneveutpasavoirpoursurnomgorgeprofonde,onsecomporteavecunpeuplusdedécenceetonnesucepaslamoitiédelapopulationmasculinedel’université.Perso,jeleconnaissaisdepuisunmoment.C’estd’ailleurspourcetteraisonquejenemesuisjamaisintéresséàelle.Prendrelesrestesdemespotes,me taperunenymphomanequi saute sur tout cequi bouge, trèspeupourmoi.Bref, j’ai euenviedefairechiercetteconneenenlaçantMadeleine.Maistrèsvite,celle-cis’estredresséeets’estenfuieencourant.Jen’aimêmepaspuluidemandersonnumérodetéléphone,histoiredem’assurerqu’elleallaitbien.Enmedirigeantversmonappartement,préoccupéparl’attitudeétrangedemapetiteblondeettentantdecomprendrecequiavaitbienpudéclenchercettefuite,jen’aipasfaitattentionauxdeuxtypesquiattendaientdevantl’entrée.J’aitoutjusteeuletempsdeleverlatête,quedéjàj’avaislesmenottesauxpoignets.Monlogementétait en train d’être perquisitionné et,moi, jeme suis retrouvé au poste pour un interrogatoire enrègle.Ce n’est, bien évidemment, pas le premier et j’ai été assez malin pour ne rien cacher chez moi,réalisantquej’étaissoussurveillance.Deplus,parunheureuxhasard,j’aifaitleménageàfondhiermatin, si bien qu’il n’y avaitmême pas unmégot de pétard ou de clope qui traînait, comme c’estsouventlecas.Jen’avaispasdeshitsurmoietétaissurlepointd’allerenchercherdansmaplanque,situéedanslacaved’unevoisine,quim’enalaissél’usagesanssavoircequej’enfaisais.Cesconsdekeufssontjustearrivéstroptôt.Unquartd’heureplustardetj’étaisgrillé.Celanelesapasempêchésdem’embarquer.Unefoissurplace,j’aivitecomprisqu’ilsn’avaientpasgrand-chosecontremoi.Ilsmesoupçonnentdetrafiquer,maisn’ontaucunepreuve.Monexpériencedanscedomainefaitdemoilecerveaudelabande.Toutefois,lesrisquessontpartagés,toutcommeles bénéfices. Nous fonctionnons la plupart du temps par texto, et les nouveaux clients doiventimpérativementêtrerecommandéspardespersonnesfiablesavecquinoustraitonsrégulièrementetquin’ontjamaiscréédeproblèmes.Lacamen’estpasdonnéeenmainpropre.L’argentestdéposéàunendroit(casier,toilettes…)etuneheureplustard,lematosestmisàdispositionailleurs.Sibienqu’onn’ajamaispunousprendreenflagdedistribution,puisquenousneprocédonspasainsi.Nousavonschacunaumoinsdeuxoutroisportables avec des numéros différents, tous acquis sous de faux noms et toujours par desintermédiaires.Iln’yajamaisd’abonnements,maisuniquementdesforfaitsprépayés.Toutétaitdoncparfaitementbienrodé, jusqu’àcequ’unedenosanciennesclientessefassegoaler.J’ai étéun tempsavecelle,mais jene suispasdugenreàme fixer et,mêmesi jedevais changer

d’opinionsurlesujet-cequin’arriverapasdemain-,ceneseraitpasavecellequejemestabiliserais.Rosieétaittropdinguedanssatêtepourcela.Audébut,ellesecontentaitdesquelquespétardsquesonmecsuivantluioffrait,maiselleatrèsvitevoulupasseraustadesupérieur.C’est aujourd’huiune junkie, prête à tout pourunedosed’héroïne, que son jules a larguéedepuisbellelurette,etquivientdesefaireserrerparlesflics.C’est elle qui m’a dénoncé, affirmant que son ancien petit ami lui avait révélé que j’étais la têtepensanteduréseau.Jenemesuispasdémontéfaceauxtrois inspecteurs.Dansle lot, ilyavaitunenana,plutôtpasmaldesapersonne,latrentaine,etquirougissaitdèsquejelaregardais.J’ai donc expliqué à tout ce petit monde que Rosie était une ex, que j’avais virée depuis fortlongtemps,etquesonmecsuivantétaitétudiantenartscommemoi.J’aiégalement indiquéqu’elleavaitfaittoutcequ’ellepouvaitpourmerécupérer,maisquej’avaissystématiquementrepoussésesavances,lajugeanttropinstablementalement.Elleaurasansdoutevoulusevenger.La fille a acquiescé. Histoire de leur donner un os à ronger, j’ai quand même admis être unconsommateuroccasionnel(tuparles!).Eneffet,s’ilsavaientdécidédemefaireuneprisedesangouun prélèvement d’urines, j’aurais eu l’air fin en prétendant que je n’avais jamais fumé dema vie,alorsquetouteslesanalysesauraientdémontrélecontraire.Monpasséaussi,d’ailleurs.Auboutdetroisheuresd’audition, ilsm’ontrelâché,fautedepreuves.Enquittant lecommissariat,j’aicroisélafliquetteprésenteàl’interrogatoire.Nousavonsdiscuté,jel’aidraguée,ellem’ainvitéchezelleetnousavonsbaisé.Ce n’est pas tant qu’elle me plaisait, mais j’avais besoin de savoir exactement où j’en étais.Évidemment,audébutellen’apasvouluparlerdel’affaireencours,maisaprèsunepartiedejambesenl’airquiparaissaitl’avoirenchantée,elleacrachélemorceau.Il semblerait que mon nom circule chez les flics depuis un certain temps déjà. Après quelquesrecherches, ils ont découvert sur mes antécédents à Paris ainsi qu’aux États-Unis, ce qui les aconfortésdansleurssoupçons.Celaétant,ilsn’ontpourlemomentaucunélémentàchargetangible,hormisletémoignaged’unejunkiequiavaitentendudireque…Àmoi,maintenant,dememontrerencoreplusfutéetplusprudent.Toutefois,jenerenonceraipas.Cebusinessesttroplucratifpourquejelaissetomber.Ilm’apportedufricenpagaille,mepermetdefumerautantquejeleveuxgratuitementetfinancemaconsod’ecstasy.Ainsi,aucunmembredemafamillenepeutsavoirquejen’ai jamaiscessédemedroguer.Jesaisquemonpaternelscrutemescomptesàlaloupe,attendantlemomentoùjedéraperaietoùilpourraunefoisdeplussedirequejesuis lebouletde service.Mais,grâceàmesaffaires juteuses, je n’ai pasbesoinde lui.Deplus, lerisque de me faire choper augmente considérablement l’intérêt de la chose. L’adrénaline, laclandestinité, ledanger :voilà toutceque j’aime,parcequeçaapportedupimentàmavie.Çamedonne lesentiment intensed’êtrevivant,denepasêtre totalementmortà l’intérieur,commeje l’aicrutrèslongtemps.Sans perdre un instant, je tourne la clé du contact etm’extrais de l’emplacement sur lequel j’étaisgaré.C’estmonpèrequim’aoffertcetteAudiA3pourmesvingt-et-unansetpourmesdix-huitmoisd’abstinence.J’aifaillipleurerderire,maisj’aiquandmêmeprislabagnole.Iln’yaqueluiquiveutàtoutprixcroirequetoutvabiendanslemeilleurdesmondes,quittepourcelaàs’enfermerdanssespropresillusions.Enarrivantchezmoi,jeranged’abordlegrosbordelquecescharlotsontlaissé.C’estétrange,toutjunkiequejesuis,jenesupportenilebazarnilacrasse.Pirequ’unegonzesse!Cen’est qu’après, que je sors les portables demaplanque. Il s’agit d’unedalle deplafondqui estdécolléeetsimplementposéesurlesfixations.J’enextraislestroisappareils,etenvoiedestextosà

Fred,VinceetValpourunconseildecrise.Puis,jeprendsunebonnedoucheetpréparemonsacpourles cours. Je n’ai aucune envie de m’y rendre, mais ce serait le meilleur moyen d’éveiller lessoupçons.Ilfautque,danslesprochainstemps,jedevienneassidu.Finielasèche!Jecommencepardeuxheuresd’anglais,pendantlesquellesjemefaischierroyalement.Merde!JesuisnéauxÉtats-Uniset j’yaivécudurantlesdix-huitpremièresannéesdemavie.C’estdiresi jemaîtriselalangue!Pourtant,etétonnamment,chezmoi,onatoujoursparléfrançais.C’estmonpèrequiy tenaitpar-dessus toutet commepersonnenevoulait lecontrarier,on s’yest tousmis.Sur lecoup,c’étaitsuperbarbant.Maisaujourd’hui,jel’enremercie,carçam’apermisdepoursuivremesétudesenFranceetd’éviterainsi lesennuisquimependaientaunez.Cecidit,nousavons tousétéélèvesdutrèschiclycéefrançaisdeNewYorketavonsobtenuunbaccalauréatinternational.Mêmetotalementshooté,oupeut-êtregrâceàcela,j’airéussiàdécrocherunemention.Lesdeuxheuressuivantessontconsacréesauxtravauxpratiques.Etlà,clairement,jem’éclate.J’aimecomposerdelamusique,créerdesparoles.Maisplusquetout,j’adoreprendredevieilleschansonsringardesetlesmixerdemanièreàenfairedesairssurlesquelsonaenviededanser.Ouais,c’estçamondomainede prédilection. Je rêvede devenirDJ et de passermesnuits dans des night-clubs àfairebougerlesgens.Detempsentemps,principalementlesamedisoir,j’officiedéjàencettequalitédansunediscothèquedelaville.Engénéral,çamarcheplutôtbien,maisjenem’encontentepas.Jeveuxdel’international,desvoyages,etfairepartiedumondedelamusiquesiéloignédeceluidemesparents.Ilfautquejetermine mon master et ensuite j’aviserai. J’aimerais bien passer un an ou deux à Londres, où setrouveunesuperécoleTherecordingworkshop.Intégrer cet établissement me permettrait sans aucun doute d’apprendre quelques trucssupplémentaires,même si jemaîtrise déjà un sacré paquet de techniques.Mais ce quim’intéressevraimentlà-bas,c’estdemedémarquerdesautres,demefairerepérerparsondirecteurquiestundesplusgrandsDJdelaplanète.Jesuispersuadéquegrâceàsescontactsdanslemilieu,jepourraitoutdéchirer.Monpèren’estpasopposéàceprojet,mêmesijen’ignorepasquecelanel’enchanteguère.Laseuleobligation pour moi, avant de candidater, est de finir mon master. Si je ne me plie pas à cettecondition,ilnefinancerarien.Or,cetteécoleestprivéeetvautlapeaudesfessesrienqu’encoûtsdescolarité.Etlà,iln’estpasencorequestiond’appartementetdetouslesfraisannexes.Londresestunevillehorriblementchère,sibienquej’aivraimentbesoindelui.C’estpourcetteraisonquejenepeuxen aucun casme permettre deme faire choper pour deal. Je sais que, cette fois, il sera nettementmoinsindulgent.Ilm’aprévenuetmelaisserasurlecarreausijedéconne,jen’aiaucundouteàcesujet.Lorsquejequittelestudio,misàdispositiondesétudiants,ilestdéjàmidi.Commed’habitude,jen’aipas vu le temps passer.Chaque fois que je suis en train demixer, c’est lamême chose.Résultat :maintenant,jesuisàlabourreetj’aiuneputaind’enviedefumerunpétard!Jen’airienprisdepuishieraprèmetçacommenceàmemanquersérieusement.Pourtant,jenepeuxpasallerchezmoi,jen’aipasdematosàlamaison.Ilfautd’abordquejepassevoirlesautres.JesorsmontéléphonedelapochedemonjeanetenvoieuntextocodéàFred.Laplusgrossepartiedelacameestplanquéedansunendroitsûr.Enfait,nousgraissonslapatteduconcierged’undesbâtimentsdesenvirons,chaquemois.Encontrepartie, ilnous laisseutiliserunepièce située près de la chaufferie, dans le sous-sol. Toutefois, aumoment de la distribution, noussommessouventobligésd’enrécupéreretd’enavoirsurnous.C’estunvéritablemiracledenepasenavoirtransportéhier.Enfin,non,ils’agitjusted’unconcoursdecirconstancesquim’aservi.Nous

sommesquasimentenrupturedestocketilyaeuunretarddelivraisonpourladernièrecommande,quiarriveranormalementdemain.Ducoup,lepeuqu’ilnousreste,nouslegardonspournotreusage.Deplus,chaquejour,celuiquivadéposerlamarchandisechange,toutcommeceluiquirécoltelefricetdonnelefeuvert.Lesrisquessontdoncnonseulementlimités,maisenpluscen’estjamaisuneseulepersonnequilesprend.C’estpluséquitabledecettemanière.Noussommesquatredansl’affaire:Fred,Val,Vinceetmoi.Quatrepotes,presquedesfrères,quipartagentlemêmeviceetlamêmemanièredevoirlavieetl’avenir.Iln’yajamaiseudemalentendusetc’estaussibienainsi.JesaisqueVinceetValfinancentleursétudesgrâce à l’argent gagné, tandis que Fred etmoi avons la chance d’être tous deux issus de famillesaisées qui pourvoient à nos besoins.Nous, c’est plus pour le fun et la fumette à l’œil.Le goût durisqueégalement.Jen’aipasletempsdemeroulerunpétardetjen’enaipasd’avance,doncjerongemonfreinenmedisant qu’après le repas, il sera encore meilleur. J’ai hâte de revoir Madeleine, afin de savoirexactementcequiluiestarrivéhier.Saminedéfaiteetsapâleursoudainem’ontinquiété.Brusquement, jem’arrête, scotchéparcettedernièrepensée.Depuisquandest-ceque jeme faisdusoucipourunemeuf?Etque jenesautemêmepas! Il fautcroireque jesuissalementramolliducerveaupourréagirdecettefaçon,celameressemblesipeu.Maisjedoisenconvenir,j’aidéveloppéuninstinctdeprotectionaussiinattenduqu’exclusifencequilaconcerne.Jel’accepte,enmedisantquejelaconsidèresansdoutecommelapetitesœurquejen’aijamaiseue.Saufqu’onnedésirepassafrangine,onn’apasenviedel’embrasseroudelacaresser,onnes’enivrepasdesonparfumetonn’estpasenvoûtéparsesyeuxbleusetseslongscheveuxd’or.Il faut que j’arrête de jouer les hypocrites, cette fillemeplaît et pas qu’unpeu.Depuis le premierregard.C’est d’autantplus étonnantque, jusqu’àprésent, seules les salopesm’attiraient.C’est vrai,plusunenanaestcochonneetplusellemebotte.Maispeut-êtreque j’enaimarreetque j’aspireàautrechose.J’aspireàautrechose?Oh,maisfautquejemecalme,moi!C’estdudélire.Enarrivantàlacafet,jenepeuxm’empêcherdejeteruncoupd’œilàlaronde.Ellen’estnullepart.Jem’installeànotretableetFred,quiaoubliéd’êtrecon,confirmeensemarrant.—Tonpetitangen’estpasencorelà.—Tagueule,ducon,jerépondsensouriant.Toutefois,uneheureplustard,jenerisplus.Jefaismêmecarrémentlagueule.Ellen’estpasvenue.Putain,ildoitsepasseruntrucchelou,c’estpaspossibleautrement.Siseulementj’avaissonnumérodeportable, je pourrais l’appeler etm’assurer que tout vabien.Enmême temps, je ne suis pas sababy-sitter,fautpasdéconner.Lemieux,c’estencoredemelasortirdel’esprit.Entournantlatêteversmagauche,jeconstatequ’unesuperjoliepépéeestentraindemematerenbavant.Voilàcedontj’aibesoin.Detoutefaçon,Madeleinen’estpaspourmoietneleserajamais.Elleestbeaucouptropbienpourleminableratéquejesuis.

7

MadieEn arrivant aux abords du restaurant universitaire, je ne peux empêcher un frisson d’excitation deparcourirmonéchine.Celavafairecinqjoursquejen’yaipasmislespieds,clouéeaulitparunecrisesansprécédent.De tout temps, j’ai toujours eu des règles douloureuses et compliquées à gérer, mais ces deuxderniersmoisontétébienpiresquetoutcequej’avaispuvivre.Jenesaispasexactementcequisepasse avecmon corps et ilm’est très difficile d’en parler. Je n’ai pas d’amie proche etmamèren’accepteraitjamaisquenousayonsuneconversationàcesujet.Il y a quelques semaines, elle m’a emmenée voir notre généraliste. Ce dernier a suggéré que jeprennelapilule,afinderégulermoncycle.J’aicruqu’elleallaitfaireunecrisecardiaque,tellementelleétaitindignée.Elle,vivante,celan’arriveraitjamais.Avecdesparoleslapidaires,elleaexpliquéànotrebonmédecinque les femmesdemafamillen’utilisaient jamaisdecontraceptifet sedevaientd’êtrepuresàleurmariage.OK,jetrouvecediscoursrétrogradeetjen’approuvepasfranchement,même si je comprends ses motivations. Elle veut nous préserver et fait toujours valoir que lavirginité,c’estcommelesallumettes,çanesertqu’unefois.Cen’estpasfaux,medirez-vous,maiselle devrait quand même évoluer et vivre avec son temps. Bref, quand nous sommes sorties ducabinet,ellem’asimplementlancé.—Dieunenousinfligerienquenousnepouvonssupporter.Sic’estsavolontéquetuaiesuncyclecompliqué,alorsqu’ilensoitainsi.J’aidûmeretenirdeluibalancerdeuxoutroisvéritésbiensenties,sinonnousnousserionsfâchéesetsévèrement.Car,mêmesij’aimeleSeigneuretavectoutlerespectquejeluidois,c’estunhomme.Qu’est-ce qu’il y connaît aux ragnagnas ? Et puis, franchement, il a mieux à faire que de sepréoccuper de mes ovaires. Le toubib, en voyant la réaction de maman, m’a donc prescrit untraitementassezcostaud,àprendredurantlesrègles.Effectivement,ilyauneaméliorationetjesouffremoins.Lereversdelamédaille,c’estquejesuistotalementdanslesvapesdurantplusieursjours,sibienquec’estpresquenormalsijeneressensplusla douleur aussi intensément. J’ai parfaitement conscience que ce n’est pas la solution à monproblème,maisjetienstropàmesparentspouravoirenviedelescontrarier.Alors,jesouffreensilenceetorganisemonemploidutempsenfonctiondecesquelquesjoursoùjenepeuxpasbougerdechezmoi.Jusquelà,l’affaireparaîtsimple,saufquedepuisdeuxmois,jesuisprisedevomissementsquisesontajoutésauxautressymptômes,déjàbienassezhandicapants.Ainsi,j’ailatêtequiestsurlepointd’exploser,tellementellemefaitmal,desdouleursabdominalesàmerouler par terre, des saignements particulièrement abondants, et en plus je rends le peu que jeparviensà ingurgiter.Etàentendremamère, jedois supporter toutcelaavecstoïcisme,parcequec’estlavolontédeDieu.C’estunpeurude,non?Engrimpant lesmarchesquatre àquatre, je souris toute seule à l’idéede retrouver lebeauNahel.

Peut-on considérer qu’on sort ensemble ? Sans doute, puisqu’il m’a tenue par l’épaule, m’aembrassée à plusieurs reprises sur la joue etm’a défendue quand cette connasse deStella s’en estpriseàmoi.Lapremièrepersonnequejevoisenarrivantàl’entréedelapièce,c’estlui.C’estunpeunormal,sionconsidèrequemesyeuxsesontimmédiatementportéssurleurtable.Maiscequejen’auraispasimaginé,c’étaitqu’unejolieblondeseraitinstalléesursesgenoux.Benmerdealors,sijem’attendaisàuntrucpareil!Monpremierréflexeestdefairedemi-touretdequitterlacafetsur-le-champ.MaisSophiem’adéjàaperçueetesten traindemefairedessignes.Difficiledem’enaller,sansdonnerl’impressiondefuir.Etpuis,dans le fond, c’estmoiqui suis ridicule.Bien sûrque jenedevaispas imaginerquenousétions ensemble ! Il n’y a qu’une tanche dans mon genre pour se monter le bourrichon de cettemanière.Faut-il êtrebête comme sespiedspour croire à ces conneries !Nahel est tropbeau, tropattirant,pourunefillecommemoi.Pourquelleraisons’intéresserait-ilàunenanacoincéedansmonstyle, quand il peut avoir toutes les autres qui doivent être, sans aucun doute, nettement moinsfarouches.Cemecestunfantasmeambulant,iln’aquefairedelagaminequejesuisencore.Tandis que j’attends mon tour dans la file, je me demande ce que je dois faire. Faut-il que jem’installe à leur table ou que je reste à l’écart ? Il ne viendra pasme chercher chaque fois, c’estévident.Surtout,occupécommeill’estàlorgnerledécolletédesadernièreconquête.Etpuisquoi,flûte? Ilnes’estabsolument rienpasséentrenous, iln’yaquemoipouravoirpenséquequelquechoseétaitpossible.Chargéedemonplateau,jetentetantbienquemaldedominerletracquim’envahit,pourmedirigervers leur table. S’il n’y a pas de place, ce sera tant mieux.Mais au moins, je n’aurai pas donnél’impressiondejouerlessnobs.Hélaspourmoi,ilssontdéjàentraindesepousseretderajouterunechaise.Jem’approchedonc,endéglutissantavecdifficulté,etfigeunsourirefacticesurmonvisagecrispé.—Bonjour,toutlemonde,murmuré-je,enm’asseyantsurlesiègequem’indiqueVince.—Tiens,tiens,unerevenante,s’exclameVal.Qu’est-cequit’estarrivé,blondinette?Depuisquandest-cequ’ilm’appellecommeça,lui?Jen’aimepasparticulièrement,maisjenerelèvepas.Aprèstout,celan’ariendeméchant.—J’étaismalade.—Riendegrave,j’espère?demandeNahel,quimetémoigneenfinunpeud’intérêt.Jedoisavouerquec’esttrèsdéstabilisantdelevoiraussiproched’uneautrefille,alorsquej’étaisàsa place, il y a quelques jours de cela. Et surtout, quand je donnerais n’importe quoi pour m’yretrouver en cet instant.Néanmoins, jepréfèreraismourir, frappéepar la foudre, plutôtquede luipermettredecomprendrecela.—Unegrippe,jeréponds,évitantpartouslesmoyensdeleregarder.—Çavamieux?Maisqu’est-cequ’ilaàm’interrogerainsi?Ilestmédecinouquoi?—Oui,merci.Puis,sansplusm’intéresseràlui,jecommenceàmangerenécoutantlesautresjacasseràproposdeleurs cours. Ils me font rire avec leurs anecdotes sur certains professeurs et, finalement, je medétends,profitantpleinementdeleurcompagnie.Toutiraitdoncpourlemieuxdanslemeilleurdesmondes,sijenesurprenaispasleregardperçantdeNahelfixésurmoi,àplusieursreprises.Mêmesacopines’enrendcompteetleluireproche.J’ensuistellementmalàl’aisequejefinispardistribuerlesdeuxdessertsquimerestentàStephetVal,avantdemeleverenprétextantmoncoursdelatin.Ce

n’estd’ailleurspasunmensonge,seulementiln’alieuquedanstroisheures.Aprèslesavoirsaluésàlacantonade,jem’éloignerapidement,sansmeretourner,mêmesijesenslesyeuxdemonbeaubruntoujoursfixéssurmoi,malgrélascènequesagonzesseestentraindeluifaire. Les autres se marrent en se foutant d’elle et en arguant, avec bon sens, que jamais il nes’intéresseraitàunemômedansmongenre.Cesderniersmots,balancésparFredavecladiscrétiond’unchard’assaut(traduisezquetoutelasalleadûenprofiter),meblessentbienplusquejeneveuxl’admettreetjememordsfurieusementlajouepournepaspleurerdedépit.Jamais,enarrivant,jen’auraisimaginéqueleschosessepasseraientainsi.Siçacontinue,etmêmesijelestrouvetoussympathiques,jevaisdevoirmerendredansunautrerestaurantuniversitairepourprendremesrepas.Ilesthorsdequestionquejesoisauborddelacrisedenerfschaquefoisquejedéjeune.

8En sortantdemoncoursde latin, jepousseun soupirdedécouragement et de soulagementmêlés.Troisheuresdecettemauditelanguemorteontréussiàm’achever.Iln’yadécidémentrienàfaire,jen’ypigequedalle.C’estterriblementfrustrant,parcequejesuisplutôtàl’aiseetassezbonne,jedoisl’admettresansfaussemodestie,danslesautresmatières.N’empêchequ’ilestimpératifquejevalidel’unité d’enseignement de latin, si je veux passer en année supérieure.Et franchement, au train oùvontleschoses,cen’estpasgagné.D’ailleurs,demainmatin,j’aiundevoirnotédanscettesaletédematièrequejedétestetant.Ils’agitd’un thèmeet d’uneversion, nous avons tous été prévenus. Il faudrait doncque je potasse ce soir.Mais par où commencer quand on n’y comprend rien de rien ?Depuis la dernière réforme, noussommessoumisaucontrôlecontinu.Cen’estpasunemauvaisechoseensoi,saufquandonestunechèvredansledomaineenquestion,etce,depuislecollège.—Salut,Madeleine,lanceunevoixquejereconnaîtraisentremille.Lentement,jemetourneversNahelquial’airdem’attendre,adosséaumursituéenfacedelasallede latin.Maisqu’est-cequ’il fiche là ?Etquemeveut-il ?N’a-t-il pasmieuxà faire avec samissmonde?Toutefois, la plus élémentaire des politesses m’oblige à le saluer en retour. Après tout, il s’esttoujoursmontrésupergentilavecmoietcen’estpasdesafautesijemesuisimaginédestrucs.Jem’approcheettentedeluifairemonplusjolisourire.—Salut,Nahel.Quefais-tuici?—Jet’attendais.Tun’aspasremarqué?Querépondreàcela?Jepréfèreneriendire,plutôtquedeprendrelerisquedemeridiculiser.—Jepeuxfairequelquechosepourtoi?demandé-je,l’airderien.—J’aimeraisqu’ondiscuteunpeu.—Oh,maisje…je…enfin…jesuisunpeupressée.J’aiuncontrôledemainetseulementlasoiréepourespérerrattrapersixansderetard.Tout en parlant, je commence àmediriger vers le bout du couloir où se trouvent les escaliers. Ildécolle son grand corps du mur et me suit, marchant à mes côtés, sans sembler remarquer montrouble.Parceque,bienévidemment,jesuisdanstousmesétats,mêmesijetentedeledissimuler.Cemecesttropbeau,tropattirant,pourlaisserquiconqueindifférent,ycomprismoi.Alors,aprèslabaffedecemidi,jen’imaginepasuninstantqu’ilesticipourmedéclarersaflamme.Cequimefichelafrousse,c’est qu’il pourrait avoir remarqué que j’ai le béguin pour lui. S’il est venu pour m’expliquergentimentquejamaisrienneserapossibleentrenous,parcequejenesuispassontypedefille, jejure de me jeter par la fenêtre. Mon amour-propre n’y survivrait jamais. Ou bien, je pourraism’installer à Paris ouMarseille. Et encore, je ne suis pas sûre que ce serait assez loin pour quej’oublie une honte pareille. S’ilme balance un truc du genre qu’ilme considère comme sa petitesœur,alorslà,jerentreraidèscesoirdanslesVosges,àpieds’illefaut!—Maispassivite!Qu’est-cequit’arrive?Ondiraitquetuaslefeuauxfesses!Nous sommes, à présent, dans le hall d’entrée du bâtiment qui abritema faculté. Brusquement, je

m’arrêteetpivotepourluifaireface.Aprèstout,autantcreverl’abcèsetentendretoutdesuitecequimevautl’insignehonneurdesaprésence.Çam’éviterademerefairedesfilmsàlacon.D’ailleurs,jusqu’àmaintenant,onnepeutpasdirequeçam’afranchementréussi.—Qu’est-cequ’ilya,Nahel?Etd’abord,commentsavais-tudansquellesallejemetrouvais?Ilsouritavecinsolenceetunesacréeformed’arrogance.Pourtant,ilal’airfatigué,sesyeuxsonttoutrouges.Malgrécela,ilparaîtdebonnehumeur,puisqu’iln’arrêtepasdesemarrer.—Onpeutsortir,s’ilteplaît?Jen’aipasforcémentenviedepartagernotreconversationavectouslesétudiantsquisontici.Effectivement,nousne sommespas seuls etmonpetit coupd’éclat a attiré l’attention surnous,ouplus précisément sur lui. Je soupçonne d’ailleurs que cela doit souvent lui arriver, même s’il nesemblepasyaccorderlamoindreimportance.Baissant la tête et enfonçantmon cou dansmes épaules, je prends aussitôt la tangente et quitte lebâtimentd’unpaspressé.Alors que nous nous retrouvons sur le trottoir, je ferme ma veste et frissonne légèrement. Latempératures’estrafraîchieetlessoiréessontdevenuesnettementplusfroidesencedébutd’octobre.—Alors?demandé-je,ànouveau.Je n’ai aucune envie de faire le piquet ici. Le jour ne va pas tarder à décliner et, même si monappartementestsituéauboutdelarue,jen’aipasl’intentionderesterdeboutdesheurespourécoutercemecmefairegentimentlamorale,alorsquejedoismeretenirdeluisauterdessuspourcollermaboucheàlasienne.C’estdinguecequeStrasbourgpeutavoircommeeffetsurlesgens.Ilyaunbonmoisencore,jamaisjen’auraispenséquecegenred’idéemetraverseraitl’esprit.Simamèrepouvaitliredansmoncerveau,ellem’attraperaitparlescheveuxpourmetraînerauconfessionnal,c’estsûr.Etjen’osemêmepasimaginerlaréactiondemonpère.Enattendant,ilsnesontpaslà,contrairementausplendidespécimenquisetientdevantmoi.—T’espressée?demande-t-il,unefoisdeplus.Siçanetedérangepas,jeteraccompagne.—Euh,d’accord,jerépondsencommençantàmarchertranquillementverslebâtimentoùsetrouvemonstudio.Nousrestonssilencieuxdurantquelquesinstants,puisjeposeànouveaulaquestion.Cen’estquelatroisièmefois!—Donc,tuvoulaismeparlerdequelquechose…—Oui.Écoute,çamegêneunpeu.Merde,çadébutemal,vraimentmal.—Arrêtedefairedesmanières,commediraitmamère,etexplique-moitonproblème.—Voilà,j’aicrucomprendrequetuneconnaissaispersonneici.—C’estfaux,jeprotesteaussitôt.Ilyamonfrère,mêmesijenepeuxpaslevoirtrèssouvent.—Ahbon?—Euh,oui.Engénéral,nousdînonsensemblelesamediouledimanche.Ilesttrèsoccupé.—Quefait-il?Une fraction de seconde, jeme demande si je vais lui dire la vérité. Puis, je décide que cela vautmieux.D’abord,jenesuispasunementeuseet,ensuite,jen’aipashonte.—Ilestentréauséminaire.Ilveutêtreprêtre.—Oh…Alors,c’estvrai?—Quoi?—Tupriesavantchaquerepas.Audébut,jen’enétaispassûr.Maintenant,jen’aiplusaucundoutesurlaquestion.

Merde!Jenepensaispasqu’ilavaitfaitgaffeàça.J’essaietoujoursd’êtrelaplusdiscrètepossible,mais il faut croire que ce n’est pas assez. Rougissante, je relève la tête. Ses yeux gris-verts, sitroublants, sont en train deme sonder. Étrangement, et contrairement à ce que j’imaginais, je n’ydécèlenulletracedemoquerie.— Je ne vois pas en quoi c’est un problème, jemurmure, en détournant le regard. Je n’en ai pashonte.—Etiln’yaaucuneraison,admet-il,toutensouriant.Chacunsontruc.Letout,c’estdes’accepterlesunslesautres,telsquenoussommes.—Exactement!dis-jeavecunsoulagementintense.Maisçanem’expliquetoujourspasoùtuveuxenvenir.—Jedoisavouerquequandtuasétémalade,nousnoussommestousinquiétésàtonsujet.—Vraiment?Jesuisparticulièrementétonnéeparcetteremarque.Aprèstout,ilsnemeconnaissentquedepuistrèspeudetemps,etcen’estpasparcequejem’assiedsaveceuxaudéjeunerquel’onpeutconsidérerquejesuisunedes leurs.Nousn’avonsaucuncontactendehorsdeces rencontresà lacafet.Et leplussouvent,jemesuisenfuieencourant.—Oui,vraiment.Jenevoispascequ’ilyadesurprenantàcela.—Ehbien,jenefaispaspartiedevotregroupe.Alors…—Peudepersonnes,endehorsdesmembres,sontautoriséesàs’installerànotretable.Toi,tuenasledroit.Onpeutdoncconsidérerquenoust’apprécions.—Et?Nahelsemblemalàl’aiseetjemedemandebienàquoiilpense.Habituellement,ilestplutôtlestyledemecàêtreassezsûrdelui.—J’aimeraisquetumecommuniquestonnumérodeportableetjetedonnerailesnôtres.Ainsi,sicegenredechosesereproduit,tuaurasquelqu’unàcontacter,quipourrasedéplacerimmédiatementett’aider.Delamêmemanière,sijeveuxtejoindrepourmerassurer,jepourrailefaire.Jeme retiens de rire nerveusement.Comment pourrais-je l’appeler si je suismalade comme je lesuis, tous les mois ? Comment pourrais-je lui expliquer que le fait d’avoir mes règles relève ducalvaire?Nécessairement,dansmoinsdetroissemaines,celarecommenceracommechaquefois.Ilyadeschosesqu’unefemmenepeutpasdire,c’esttabou.Etjenesaispaslaquelledemescongénèresseraitassezconnepourfaireuntrucpareil.Pourcachermonmalaise,jechoisisl’ironie,mêmesijesuisplutôtmalàl’aise.Sansdoute,est-cedûau fait que cela part d’un bon sentiment et queNahel semontre tellement gentil avecmoi, que jepourraisfondreenlarmes.—Tusais,situdésiraismonnuméro,tupouvaisparfaitementmeledemanderàlacafet,sansavoiràm’attendre à la sortie des cours et à trouver toutes sortes deprétextes, commed’avoir été inquiet,parcequej’aiétémalade.Àcesmots,ilpilenet,m’attrapeparlebrasetmetourneverslui.Sursonvisageetdanssonregard,jelisdelacolèreetuneformedetristessequimevrillel’estomac.—C’estçaquetucrois?Quejet’airacontédesconneries,parcequejevoulaistedraguer?Sa voix est montée d’un cran et je sens qu’il a du mal à conserver son sang-froid. J’ai honte,vraiment.—Sij’avaiseuenviedetesauter,ceseraitfaitdepuisunmoment.Jemeratatineunpeuplussurmoi-même,rougedeconfusion.Samainnem’atoujourspaslâchée,aucontraire, elle se resserre sur mon bras. C’est certain, demain, j’aurai des marques s’il continue

commeça.—Merde,Madeleine!s’écrie-t-ilassezfortpourattirerl’attentiondesbadaudssurnous.Pourquimeprends-tu?—Jesuisnavrée,murmuré-je.—Quoi?Lesalaud!Ilm’obligeàrépéterpourbienenfoncerleclou.—J’aiditquej’étaisdésolée,fais-jeplusfort.—Dequoies-tudésoléeaujuste?—De t’avoirmal jugé,d’avoirpenséque tuvoulaisautrechose.Etaussid’avoirétéassezstupidepoursupposerquejepouvaisteplaire!Lesmotssesontéchappésdemabouche,avantquejen’aieréussiàlesretenir.Ehbien,maintenant,c’estfait.Jemesuisofficiellementridiculiséeetpasqu’unpeu.—Oh!rétorque-t-ilavecunsourireamusé.Jenediraispasquetun’espasàmongoût.Simplement,tun’espasassezcochonnepourquejem’intéresseàtoi.Cettefois,c’estsûr, jesuismortedehonteetchoquéeàunpointquejenepeuxmêmepasdécrire.C’estdégueulassedeparlercommeça!Faceàmonairahuri,Naheléclatederire,m’enlaceparlesépaulesetreprendnotremarche.Saproximité,lachaleurdesonbrasquejesenssurmanuqueetdesahanchequifrôlelamiennemetroublentcommejenel’aiquetrèsrarementété.C’estincroyable,quand on pense que j’ai dix-huit ans. Mes joues chauffent, mes mains tremblent, mais cela nem’empêche pas de saisir sa taille pour me rapprocher de lui. Il ne s’écarte pas. Au contraire, ilresserresonétreinteetposeseslèvressurmonfrontpourunbisouchaste.N’importequelpassantpourraitnousprendrepouruncoupled’amoureux.Maismoi,jesaisquecen’estpasvrai.Etlepiredanstoutça,c’estquej’ensuisdéçue.Vraimenttrèsdéçue.—Nefaispascettetête,madouce.Lesnanas,jelesbaiseetjelesoublieaussivite.Toi,tuesunangeetjenepeuxpasmecomportercommeçaavectoi.Tuméritestellementmieux…—Alors?—Tuserascommemapetitesœuretjeteprotégerai.Pourquoiest-cequejel’aisentivenir,lecoupdelapetitesœur?Bordel,jerefused’êtresafrangine,jeveuxêtresonamoureuse!Cellequ’ilattendraàl’issuedesescours,cellequ’ilembrasseradevanttout lemonde, celle que les autres filles envieront, parcequ’elles sauront que le soir, c’est auprèsd’ellequ’ilsecouchera.Ohlà!Ilfautvraimentquejemecalme,moi!Qu’est-cequejefaisàoublierlesprincipesquemesparentsm’ont si souvent serinés ?Pour eux, il est impératif d’arriver vierge aumariage.C’est enquelquesortelecadeaudenoces.EncequiconcerneMarie,masœur, touts’estpasséainsietpourJosephlaquestionneseposepas.Personnellement, j’ai toujours pensé qu’il fallait vivre avec son temps et que ce n’était pas unemauvaisechosequed’avoiruneoudeuxexpériences,puisdesecaser.Saufque,bienévidemment,j’imaginais fréquenter le garçon pendant plusieurs mois avant que cela n’arrive. Or, je saisparfaitementqueNaheln’estpaslegenredetypeàattendreaussilongtemps.Lui,ceseraitplutôt,jeviens,jeprendsetjemebarre.Mêmesijemesensgagnéepard’intensesregrets,jedoisreconnaîtrequesesparolessonttoutàfaitsensées. Je n’aimerais pas être l’objet sexuel d’un mec. Un joujou dont on se sert et qu’on jetteensuite. C’est ce quim’arriverait, à n’en pas douter, et c’est surtout le genre d’expérience dont jeseraisincapabledemerelever.Alorsoui,ilaraison,centfoisraison,millefoisraison.Jepréfèredeloindevenirsonamie,comptervraimentdanssavie,plutôtqued’êtreunpetitcoupd’unesoirée.

—C’estici,dis-je,enindiquantmonimmeuble.Nousnousdirigeonsversl’entréedubâtimentensilence.Arrivésdevantlaporte,ilmelâcheenfin,maisnesemblepasdécidéàpartir.Jenesaispassijedoisl’inviteràboireunverre.Celameparaîtinconvenantetsimamèreapprenaitça,elleferaituneattaque,riendemoins.—Alors?demande-t-il,m’observant,lesourireauxlèvres.—Alorsquoi?—Tonnumérodetéléphone,mabiche.—Oh…biensûr.Attends,jevaisteledonner.Jefouilledansmonsac,maisbienévidemmentcemauditappareilnes’ytrouvepas.C’estlàquejemesouviensavoirchangédevestecematin,avantdemerendreencours.Ildoitêtredanslapochedemontrench-coat.—Est-cequejepeuxtelecommuniquerdemain?jem’enquiersenrelevantlatête,lamainplongéedansmabesace.Montéléphoneestenhaut,dansmonappartement,etcommejeneconnaispasencorelenuméroparcœur,jenepeuxpastel’indiquer.—Pasdeproblème.Jet’accompagnecheztoiettupourrasmeledonnertoutdesuite.Si je suis réticente, il n’a pas l’air de vouloir en tenir compte, puisqu’ilme prend la clé et ouvretranquillement.Ilestunpeusansgêne,cemec,songé-je,enlesuivantdanslehalljusqu’àl’ascenseur.—Neuvièmeétage,jel’informe,unsourcilironiquelevé.Ilappuiesurleboutonetlacabines’élèvedoucement.Sidesoncôté,ilsembleparfaitementàl’aise,je suis tendue commeun arc. J’aimerais tellement qu’il se passe plus entre nous et je ne peuxpasm’empêcherd’êtreprofondémenttroubléeensaprésence.Maisilnelesouhaitepas,alorscommentallercontrecela? Il faudraque jemecontentedecequ’il estprêt àmedonneretque je jetteauxoubliettesmesespoirsinsensés.L’instantd’après,noussommesdevantmonappartement.Jamaisjen’ailaisséungarçonentrerchezmoietcetteproximitémefaitpresquepeur.Ensilence,jedéverrouillelaporteetpasselapremière,afind’allumerlalumière.Heureusementquecen’estpastroplefoutoirdansmonstudio!Engénéral,jem’arrangepourrangerunpeu,avantdepartirencours.Ducoup,s’ilneregardepastropdanslescoins,çadevraitlefaire.Après l’avoir prié deme suivre, je file versmonplacardpour fouiller les poches demon trench.Effectivement,monSmartphones’ytrouve.Flûte,ilyaunappelmanquédemamère!Ilvafalloirquejeluitéléphonetrèsvite,sijeneveuxpasqu’ellealertemonfrère.—Euh,c’estbonpourtoi?jedemande,cherchantmonnumérodanslescontactspourleluidicter.—Laisse,jem’enoccupe,décrète-t-il,ensaisissantmonportableavecautorité.Maisqu’est-cequ’ilfiche?Jenecomprendspaspourquoiilagitainsi.Toutefois,quandils’appelleàpartirdemonappareil,touts’éclaire.Quelquesinstantsplustard,ilmeletendensouriant.—OK.J’aimismon06danstescontacts,sousmonprénom.Jet’aiaussiindiquéceluideSteph,deFredetdeVal.Pourlesautres,onferaçaàlacafet,laprochainefoisqu’onseverra.—ÀconditionquetunesoispastropoccupéavecTAmissFrance.Moncommentaireacideluifaitredresserlatêteetplisserlesyeux.Bonsang,est-cequepourunefoisje nepourrais pas la fermer ?Çadevient pénible, à la fin, dene jamais être capable de filtrer lesconneriesquisortentdemabouche.— Tu as de la chance que je t’aime bien, petite greluche. Alors, pour cette fois, je tolèrerai taremarque.Maislaprochainefois,ceseradifférent.Jenetelouperaipas.—Ahbon?Etqu’est-cequetuvasmefaire?demandé-je,enriant.—Jetebotterailesfessesetculnu,s’ilteplaît!

—Mêmepaspeur,ledéfié-je,enhaussantlesépaulesetenmetournantversmakitchenette.—Tudevraisquandmêmeteméfier,monange.Jenesuispasungentil,tusais.Jepréfèrenepasrépliquer.D’ailleurs,qu’est-cequejepourraisdire,sansmeridiculiserunefoisdeplus ? Il va vraiment falloir que je me détende en sa présence. Simplement, parce que je l’aimevraimentbeaucoupet jesensquec’est réciproque.Celameferaitvraimentde lapeine,si jedevaisperdresonamitié,àdéfautd’autrechose.—Tuveuxboireuncafé?—Tun’aspasfaim?Jeconsulterapidementmamontre.Ilestdix-neufheureset,effectivement,monestomaccriefamine,mêmes’ilétaittropcrispéjusqu’àprésentpourquejem’enrendecompte.—Tuproposesquoi?jem’enquiers,metournantànouveauverslui.Il est déjà en train de pianoter son téléphone. Prêtant attention à la conversation, je comprendsimmédiatement qu’il commande des pizzas. Couvrant sonmicro, il veut savoir ce que je souhaitemanger.Mieuxvautnepasprendrederisques.—Unereine.Jambon,champignons,tomates,sansolives.Aussitôt,ilrépètemademandeetyajouteunemexicainepourlui.Puis,ilm’interrogesurl’adresseexactedemonappartement,quejeluiindique,avantderaccrocher.—Livraisondansunedemi-heure.Alors,c’estquoicettehistoiredecontrôlepourdemain?—Disdonc,tuneseraispasentraindeteprendrepourmonpère,parhasard?—Euh,non.Jesuistropjeuneettropoccupépourça.Parcontre,j’aifaitdulatinpendantplusieursannées au lycéeet j’étaisplutôtbon.Si ça tebranche, jepeux tedonneruncoupdemainpour tesrévisions.—Toi?Tuasfaitdulatin?Jecroyaisquetuétaisférudemusique!J’aiappriscelaenentendantSophieendiscuteravecVince.—Celanem’apasempêchédesuivreuncursustoutcequ’ilyavaitdeplusclassique.J’aieuunbaclittéraireetilyavaitégalementdulatin,majolie.—C’étaitilyalongtemps,non?Naheléclatederireàcetteréflexion.—Oh,çava,oui?T’aspasunpeulalanguetroppendue?Jenesuispascroulantquejesache!À nouveau, je rougis furieusement. Je ne m’étais pas rendu compte que ma remarque était aussimaladroitequ’inconvenante.—Désolée,jesuisnulled’avoirbalancéça.C’étaitdésobligeantet…—Ettrèsmarrant,coupe-t-il,toutens’approchantdemoi.Arrêtedet’excuser.Franchement,c’étaitdrôleettun’aspasdutoutàt’enfaire,jenemesuispasvexé.Arrivéàmonniveau,ilprendmonvisageentresesmainsetposeunbaisersurmonfront.J’aimececontact,mêmes’ilyaunaspectpaternalistequimegêneunpeu.Ondiraitmonfrère.Maisj’yvoiségalementuncôtérassurantquimemanquetellementdepuisquejenevispluschezmesparents.Jeleréaliseseulementmaintenant.—Bon,est-cequetuasunPC?demandeNahel,aprèss’êtreécartérapidement.—Oui,oui…Quand je lui désigne mon netbook, il ouvre de grands yeux et me regarde comme si j’étais unmembredelafamillePierrafeu.—C’estquoi,cebidule?—Euh,benmonordinateurportable.Pourquoi?—Commentparviens-tuàbossersuruntrucsipetit?C’estbienpourêtreutiliséenvoyageoupour

dépanner.Vraiment,ilfautt’enacheterunautre.Tontéléphoneaussi,c’estdeladaube!—Écoute,Nahel, j’aiconsciencequetunepensespasàmalquandtudisça,maisc’est leseulquemesparentsontréussiàm’offrir.Ilsnegagnentpasdesfortunesetfontbeaucoupdesacrificespourquejepuisseeffectuermoncursusdansdebonnesconditions.Grâceàleuraideetàmabourse,j’aiunstudiopourmoiet,surtout,jen’aipasl’obligationdetravaillerenplusdemesétudes.Beaucoupn’ontpascettechance,tusais…—C’estvrai. Jesuisdésolé, jenevoulaispasdénigrer.Peut-être,pouvons-nous lebranchersur tatélé?—Jen’enaipas.—Hein?Tun’aspasdetélévision?Commentest-cepossible?—Jen’enaipasbesoin.D’ailleurs,chezmoi,danslesVosges,nousn’avonsqu’unvieuxpostequenousn’allumonsjamais.Jecomprends,àsonairahuri,qu’ilestscotchéparcetterévélation.Ceseraitmarrant,sijen’étaispasaussivexéeparcejugementquej’estimearbitraire.Mafamilleatropsouventétéconsidéréecommemarginale,parcequenousnenouscoulonspasdanslemoule.Lasonnettedel’entréerésonne,interrompantnotreconversation,etmetfinaumalaisequejeressens.L’arrivéedespizzassembleluifaireoublierl’histoiredelatélévision.Nous nous installons àmapetite table ronde et commençons àmanger.C’estNahel qui a réglé lerepas et quand je veux lui en rembourser la moitié, il refuse. Alors j’insiste, mais il se vexe etm’explique,avecbonsensjedoisl’admettre,quevutouteslesfoisoùluietsespotesseserventsurmon plateau, il peut bien m’inviter ce soir. Je me promets de prendre une ration de fritessupplémentairepourluidèsdemain.Aprèslerepas,ilcherchedesexemplesdethèmesetversions,pendantquejepréparelecafé.C’estmonpéchémignon,j’adorecetteboissonetj’ailachanced’avoiruneSenseo.Jecroisquec’estmonseulluxedanscetappartement.Durant lesdeuxheuresquisuivent,noustravaillonsd’arrache-pied.Nahelm’indiquecommentm’yprendre.Ilfautimpérativementquej’évitedeprocédermotàmot.Jedoistrouverlasignificationsurlaglobalité,afind’encomprendrelesensexact.Mêmesijecontinueàpatauger,j’ail’impressionquesonaidepeutserévélerprofitable.Ensuite,ilmefaitrevoirlesverbes,lesdéclinaisons,merappelantcommentm’enservirselonlecontexte.Jesuisbombardéed’informations,aupointdem’encollerundébutdemigraine,maisj’aiconsciencequecesrévisionssontloind’êtreinutiles.Pour être tout à fait honnête, je suis littéralement hypnotisée par sa voix, par lemouvement de sabouchequandilparle,etparleseffluvesquejeperçoislorsqu’ilsepencheversmoi.Mince,jamaisjen’aiétédanscetétat!J’ail’impressiondem’êtretransforméeenunevéritablebouledenerfsetjenecomprendspascequim’arrive.Versvingt-troisheures,ilfinitparseleveretparremettresonblousondecuir.Jen’aiaucuneenviede levoir s’enaller,mêmesi jenepeuxpas réfrénermesbâillementsdepuisquelquesminutes. Jecroisquec’estàcausedeçaqu’ilpart.C’estconquandmême,parcequej’auraispul’écoutertoutlerestedelanuit.Unefoisdeplus,ilsebaissepourm’embrassersurlefront.Puis,levantlamain,ilcaressemajoue.Jenepeuxpasm’empêcherdepressercelle-cicontresapaumesichaude,sidouce.Alors,d’unevoixétonnammentsérieuse,ilsepenchesurmoietdéclare.—Tudevraism’éviter,petitefille.Jenesuispasbonpourtoi.Tuasl’impressionquejesuisunmecsupercool,maisc’estfaux.Jesuispourri,pourrijusqu’àlamoelle.Sesparoles,tellementdures,mefontsursauter.Jerefusedecroireàcequ’ilvientdedire.Ilestdoux,

gentiletprévenant.C’esttoutcequejeveuxretenir.Maisaprèstout,jeneleconnaispasréellement.Ilyaundictonquiprétendquel’amourrendaveugle.Etsic’étaitmoncas?Sij’étaissimplemententraindelevoirtelquej’aimeraisqu’ilsoit?Enmêmetemps,sijesuisirrésistiblementattiréeparlui,onnepeutpasparlerdesentimentsàcestade.C’estimpossible.Alors,pourquelleraisonest-cequejerefusederegarderlaréalitéenface,detenircomptedesoncôtésombre?Cethommeestunséducteurcompulsif,c’estévident.Mais,ilyaautrechoseenluidedangereux, de trouble, que je n’arrive pas à cerner. Il constitue une réelle énigme pour lapsychologueàtroissousquej’essaied’être.S’ils’étaitagiden’importequid’autre, j’auraisévitétoutcontactet jel’auraisfuicommelapeste.MaisNahelElkhouriestsidifférentdeceuxquej’aipurencontreroucôtoyer.Ilestmystérieux,c’estunfait.Mais ilestégalementd’unebeautééclatante,d’une intelligenceremarquable,etsoncharmevoustouchedèsquevousêtesencontactaveclui.Seslèvresapprochentànouveauet,pendantuneseconde,jemeplaisàimaginerqu’ilestsurlepointde me donner un baiser, comme un amant embrasserait sa maîtresse. Mais il n’en fait rien, secontentantd’effleurerlecoindemabouche,avantdeseredresseretdes’enallersansunregardenarrière.Enrefermantlaporte,jem’yadosse.Durantcettesecondeoùils’estpenchésurmoi,j’aisentimoncœur battre la chamade, mes tempes bourdonner et ma gorge s’assécher. Jusqu’à aujourd’hui, jen’avaisjamaisressentidesensationsaussiintenses,siviolentes.J’entrembleencore.C’estterrifiantetexaltantàlafois,etjenesaisabsolumentplusoùj’ensuis.Parcontre,cequejesensclairement,c’estquejesuisdanslamouise.Unemerdenoirepourêtreplusprécise,puisquejemeconsumepourunmecquinevoitenmoiqu’uneamieetqui,detouteévidence,n’estpasattirélemoinsdumonde.

9Lorsquej’arriveàlacafétéria,lelendemainàmidi,jesuisfolled’impatiencederetrouverNahel.Jen’aipasarrêtédepenserà luipendant toute lanuitet j’aivraiment,vraiment,vraimentenviede lerejoindre.Jevoisbienqu’ilnemeregardepascommeunedecespoupéesqu’ilaffectionnetant,maisjem’enfiche.Cequ’ilyaentreluietmoiestvraimentspécialetvabienau-delàd’unesimpleamitié.C’estdumoinsainsiquejeleressens.Commej’aioubliéd’êtrebête,j’airéaliséquejeletroublais.Sesyeux,quandils’estpenchésurmoi,étaientbrillantsd’unéclatincroyable,etsonexpressionétaitcelled’unloupaffamé.Commej’étaislaseuleprésente,c’estdoncmoiquiluifaisaisceteffet.Remarquez,ilm’afalludesheuresd’introspection,àmetriturerlesméninges,pourparveniràcetteconclusion.Ilrefusejustedeseservirdemoi,parcequ’iladelaconsidérationàmonégard,etc’estuneexcellentechose.Oui,Nahelmerespecte,cequinesemblaitpasêtrelecasavecsesprécédentesconquêtes.Dumoins,c’estainsiquej’aiperçuleschoses.Après,siçasetrouve,jesuisentraindemevautrerlamentablement.Lerisque,c’estd’interpréterlesévènements et son attitude comme j’aimerais que ce soit le cas, et de prendre mes rêves pour laréalité.Celanesignifiepasnécessairementquejesuisdanslevrai.Maismoninstinctmehurlequejesuissurlabonnevoie.Alors,pourunefois,jevaisl’écouter.Toutefois,depuiscematin,j’aibeaucouprepenséàsesdernièresparoles.Jedevraisquandmêmememéfier,non?Mais,aprèsyavoirlonguementréfléchi,durantunepartiedemescours,jesuisarrivéeà la conclusion que tout ça, c’est des conneries. Moi, ce que je veux, c’est lui. Je sais que c’estquelqu’undebien,malgrécequ’ilapuprétendreenpartant.Surlepasdelaporte,jevoisqu’iln’estpasencorelà.Jeprendsdoncmaplacedanslafileet,unefoismonplateauenmain,jerejoinsceuxquisontprésents.IlyaSophie,StephetVal.Jelessalueetcommenceàmanger.Depuisquejedéjeuneaveceux,j’aipourhabitudederajouteruneentréeetundessert.Eneffet,ilspassentleurtempsàpiochermesvictuailles.C’esteffectivementlecas,puisqueValestdéjàentraind’avancerlesdoigtsverslasaladedecarottes.—Baslespattes,jeunehomme!m’exclamé-je,entapotantsapalucheavecmafourchette.Tiens,jet’enaiprisune.Alors,tufaiscommelesgenscivilisésettut’ensers.Maisinterdictiondebarbotercequiestsurmonplateauavectesmainspleinesdedoigts.—Eh,maist’espascool!ÀNahel,tuneluidisjamaisrien!— Je ne voudrais pas avoir l’air de le défendre, enchéris-je,mais il nemange pas la salade sanscouverts.Ilpiquejustedesfriteset,ça,c’esttoléré.— Je comprends pourquoi il t’aime bien. T’es marrante comme fille. Si ça se trouve, je vaist’apprécierbeaucoup,parcequ’enplust’esmignonneetçafaitquelquetempsquejen’aipaseudemeuf.Jerougisfurieusementsoussonregardamusé.Biensûr,sesparolesétaientintentionnellesetvisaientàmechoquer.Or,cen’estpascequiafaitrosirmesjoues,maisplutôtlefaitqu’ilpuisseindiquerquesonamim’aimebien.Celasignifiequ’illuienaparlé.C’esttoutbonpourmoi,ça!Pourlereste,jecommenceàm’habitueràleurlangageimagé.—Faisgaffe,Val.TusaiscequeNaheladit?Pastouche!faitSophie,enlefusillantduregard.Cette fois, jenepeuxpascachermonétonnement.C’estquoi,cettehistoire? Il fautque j’enaie le

cœurnet.—Jerêveouonparledemoi?jemurmure,metournantverslesfilles.—T’asgaffé,So,chuchoteSteph,toutenluidonnantdescoupsdecoude.—Alors?demandé-je,aprèslesavoirregardés,touslestrois.—Nahelaexpressémentinterditauxgarsd’avoirdesvuessurtoietdetedraguer,admetSophieàcontrecœur.Mais,s’ilteplaît,neluienparlepas,çaferaittoutuntasd’histoires.JepivoteversValetl’observeattentivement.C’estbizarre,maisluietStephontl’airsuperfatigués,leursyeuxsontdrôlementrouges.Toutefois,commeilsn’arrêtentpasderire,ilfautcroirequetoutvabien.—D’accord,motusetbouchecousue.Àunecondition.—Laquelle?—Vousmeditespourquoiilaexigéça.Jesuislapremièreconcernée,j’ailedroitd’êtreaucourantdecequisepasse.—Ben,pourêtrefranche,onnepigepasbiencequiluiarrive,explique-t-elle.Onacomprisqu’ilt’aimaitbeaucoup,maisc’estpascommeaveclesnanasqu’ilfréquentehabituellement.Jesaispas…ondiraitquec’estpasamoureux,quec’estautrechose.—Sijeneluiplaispas,alorspourquoiinterdireauxmecsdemedraguer?questionné-je,perplexe.—Aucuneidéeetilarefusédenousledire.C’estcommeçaetiln’yapasàdiscuter.Voilàcommentilnousaprésentélachose.Alorsquej’entamemonplat,jefroncelessourcils.—Aufait,Nahelnevientpasaujourd’hui?—Non,ilbosse,répondVal,enjetantunerapideœilladeauxdeuxfillesassisesenfacedemoi.Je suis peut-être unenaïvequi sort tout droit de sa cambrousse,mais je ne suis pas complètementdemeurée non plus et je remarque très bien leur échange silencieux. Cela m’intrigue, aussi jepoursuis,prenantl’aird’uneparfaiteidiote.—Ahbon?Iltravaille?Queltypedejob?Là,clairement,j’aijetéunfroid.Ilmesemblequ’ilabesoind’uneéternitépourrépondre.—Commerce.—Commercedequoi?—Euh,import-exportouuntrucdecegenre.Jesaisparfaitementqu’ilmeracontedessalades,çasevoitsursonvisage.Etjesaisqu’ilsaitquejesaisqu’ilment.Celaselitsurlemien.—Aufait,qu’est-cequetufaisdemainsoir?veutsavoirSteph,sansdoutepourchangerlecoursdecetteconversationquilesmetmanifestementmalàl’aise.Clignantdesyeux,jeluifaisface.—Euh,riendeparticulier.Pourquoi?—Nahelmixedansunclub,commechaquesamedi.Situveux,jepassetechercher.Çapourraitêtresympa,non?Pourquoi ai-je le sentiment qu’elle a proposé cela en espérant que je refuserais et juste pourdétournermonattentiondeVal?D’ailleurs,lessignesqueluifaitcederniermeconfortentdanscetteidée.Ilfaudraitquandmêmequ’ilapprenneladiscrétion,c’esttellementflagrantquejel’airemarquéaupremiercoupd’œil.Toutefois,j’aicommel’impressionqu’ilsmeconsidèrentcommeunegaminetotalementstupideetqu’ilss’imaginentquejesuisdupe.Or,grandenouvelle,cen’estpaslecas.Monpèrem’asouventreprochéd’êtretropobservatrice,etd’avoiruneexcellentemémoire,enplusd’unespritparticulièrementcritiqueetacéré.C’estclairquecelanesegoupillepas forcément très

bienavecnosconvictions,maisc’estainsi.Jesuisuneferventepartisanedelalibrepensée.Maispourme faire mon opinion, j’ai besoin d’avoir toutes les cartes en main. Et là, présentement, je suiscertainequequelquechosem’échappeou,plusprécisément,qu’onmedissimuledestrucs.—Avecplaisir.Tuveuxquejet’indiquemonadresse?Àsonairconsterné,jecomprendsqu’ellenes’attendaitpasdutoutàcela.VallafusilleduregardetSoestentraindeseretenird’éclaterderire.—Cachezvotrejoie,touslestrois!Vousallezfinirparmevexer,fais-jeremarquer,enterminantlamousseauchocolatque jedestinaisàNahel.Sivousnevouliezpasque jevienneavecvous, ilnefallaitpasm’inviter!—Non,non…Excuse-nous.MaisNahelrâlera,c’estsûr.—Aucasoùvousneseriezpasaucourant,jesuisunegrandefilleetvotreamin’estpasmonpère.—C’estpasfaux,admetSteph.Ellesemblehésiter,puiscède.—Trèsbien.Jepassetechercherdemain,àvingt-et-uneheures.Maispromets-moiunechose.Sontonsolennelm’interpelle.—Quoi?—Turesterasavecmoi,pendant tout le tempsoùnousseronslà-bas.Tunemequitteraspasd’unesemelle.—Disdonc,tunem’emmènespasnonplusdansl’antredudiable.Arrêtededramatiser!—CequeStephessaiedet’expliquer,intervientVal,c’estqu’ilyadesmecschelousdanscegenredesoiréesetqu’onn’aimeraitpasqu’ilt’arrivedesbricoles.Nahelnenouslepardonneraitjamais.—Louches,comment?Cettefois,jenepeuxempêcherunsoupçond’inquiétudedepercerdansmavoix.Çaveutdirequoiaujuste?Àquoiest-cequejedoism’attendre?—Ben,bourrésoushootés.Soupirdesoulagementdiscret.Sicen’estqueça!—Oh.Maistusais,onpeutrencontrerdesgensdanscetétatàtouslescoinsderue.—Bienentendu.Maispasensigrandnombreetdemanièreaussiconcentrée.Cecidit, si tu restesavecSteph,ilnedevraitpasyavoirdesoucis.–Évidemmentqu’iln’yaurapasdeproblème,décrété-je,toutensaisissantmonsacetenmelevant.Bon,ilfautquej’yaille.J’aiuncoursdelittératureanglaisedansdixminutes.—Maisjecroyaisquetuétudiaisleslettresmodernes!—C’estlecas,maisj’aichoisicettematièreenoption.Jefileversletapisroulant,situédansuncoindelapièceetydéposemonplateau.Discrètement,jeleur jetteuncoupd’œil,pourmerendrecomptequ’ilssontengrandeconversation.Valsembleentrain d’engueuler Steph qui râle également.De l’endroit où jeme trouve, je ne peux pas entendreleursparoles,maisjesuisprêteàpariermachemisequ’ilsparlentdemoi.J’aimeraisbienêtreunemouche pour apprendre ce qui a l’air de leur poser un tel cas de conscience.Après tout, ce n’estqu’unesoiréeetpersonnenepeutsavoirque jenemesuis jamais rendueàuneboumoudansunediscothèque,detoutemavie.JenesuispascertainequeNahelapprécieradem’yvoir.J’aimêmel’intimeconvictionquec’esttoutl’inverse qui se produira. Mais je suis déterminée et rien ne me fera changer d’avis. Je veux leconnaîtremieux,découvrircettefacesombrequ’ils’échineàmecacher.Pourautant, jerisquedem’exposeràunecruelledésillusion, j’enaiparfaitementconscience.Maisc’estplusfortquemoi,jedoissavoir.

Soudain,quelquechosemechoque.J’aioubliédedirelebénédicitéavantdemanger.Merde!Celanem’est jamais arrivé. Depuis que je suis en âge de prier, je ne l’ai jamais omis. Si mon pèrel’apprenait,ilenferaituneattaque.Heureusementquej’airendez-vouspourledîneravecmonfrère,cesoir.Jepourraimeconfesser,mêmesijesaisdéjàquejeneluiraconteraipastout.

10Tandis que lesminutes s’égrènent, je sens une boule d’angoissemevriller l’estomac.Dansmoinsd’uneheure,Stephdoitvenirmechercher.Jesuis tellementstresséeque jen’aipas réussiàavalerquoiquecesoitdepuis lepetit-déjeuner,cequinemeressemblepas.Toutcommelerefletquemerenvoielemiroir.Afindenepasfairehonteàmesnouveauxamis(etencore,amisestuntermesurfait),j’aiachetédumaquillageetaipassémonaprès-midiàvisionnerdestutossurYouTubepoursavoircommentfaire.Lerésultatestassezsurprenant,mêmesijenesuispassûred’aimer.J’airassemblémescheveuxenunchignonstrictretenuparunegrossepince,carilmesemblequelesboîtesdenuitsontdesendroitssurchauffés. Ensuite, après trois essais infructueux, je suis enfin parvenue à quelque chose deconcluantencequiconcernelemake-up.Ainsigrimés,mesyeuxparaissentplusgrands,plusbleus.Etquediredemeslèvres,soulignéesparunrougeflamboyant?Privilégiant leconfort, j’aioptépourunetenuesimpleetpratique.Unepairedeballerines,unjeanmoulant,undébardeurclair,surlequelj’aienfiléunelargechemiseàcarreauxnoirsetblancs.Lorsquelasonnerierésonne,jesuisentrainderongermonfrein,medemandantencoresijeveuxvraimentyalleroupas.J’actionnel’interphoneetlesvoixdesfillessefontentendre.Apparemment,Sophieestégalementvenue.Quelquesminutesplustard,ellesdéboulentdevantmaporte.Àleurairinterloqué,quandjeleurouvre,jecomprendsqu’ellesnes’attendaientpasàmevoirainsi.Pour leurpart,ellessont toutesdeuxvêtuesdemini-jupesavecescarpinspour l’uneetDrMartenspour l’autre. Si ça se trouve, je n’ai pas la tenue adéquate et elles refuseront dem’emmener.Celaauraitaumoinsleméritedemettreunpointfinalàmessempiternelleshésitations.—Bordel,mais t’esunvraicanonsurpattes!s’exclameSo,enmetoisantdehautenbas.J’auraisjamaispenséquet’étaisaussibelle,unefoismaquillée.Vafalloirqu’ontegardeàl’œil,sionneveutpasqueNahelnousfasseunejaunisse.—Donc,tuterappellesbien,hein?Turestestoujoursavecmoi.—Oui,maman,dis-je,enenfilantmoncaban.Le trajet semble se dérouler trop vite,même si dans les faits, ce n’est pas très loin de chezmoi.Volontairement, je n’ai pas pris de sac. Simplement ma carte d’identité, un peu d’argent et montéléphoneportablequisontglissésà l’intérieurdemonduffle-coat.Dehors, il faitnuitnoire,alorsqu’enmoi sedisputentdeux sentiments confus. J’appréhende la réactiondeNahel et jene suispascertainequ’elleserabonne.D’aprèscequej’aicrucomprendre,niSoniStephnel’ontcroisédepuishier,sibienqu’ilignoretoutdemavenue.Ensuite,jesuisexcitéecommeunepuce,parcequec’estmatoutepremièresortie.J’ai toujourspenséque lavieque jemenaisàRochessonmeconvenait. Jem’aperçoisqu’elleétaitfinalementasseztristeetqu’iln’yapasdemalàfairelafêtequandonestjeune.Aprèstout,cen’estplusàcinquanteansqueçam’arrivera.L’endroit,situésurLaPlainedesBouchers,aumilieud’anciennesusinesdésaffectées,nepaiepasdemine,vude l’extérieur.Le style est industriel,mêmesion sentune rénovation récente.Sansgêne,Stephsegaresurunemplacementréservéauxlivraisons.Lorsquenousémergeonsdelavoiture,lebruitdelabasses’entenddéjàdel’endroitoùnoussommes

et je constate, enapprochantde l’entrée,quec’estbondé.Nouspayons,déposonsnosmanteauxauvestiaireetpénétronsdansunhallgigantesqueoùtoutuntasdejeunesgenssetrémoussentaurythmedelamusiqueélectro.—IlyatroissoiréesparmoisetNahelestlastardesDJ,s’époumoneSo.Ilmixeendébutdenuitpourmettredel’ambiance,puisunpeuplustard.Tiens,justement,quandonparleduloup.Jepivotevers l’autreboutde lasalleetsens immédiatementmoncœurbattreplusvite.Deboutsuruneestradeenhauteur,derrièrelesplatines,legarçonquiestlacausedecetroublesembletotalementabsorbéparlamusique.—Oniralevoirtoutàl’heuredanslesloges.Viens,dansons.Alors quenousnousdirigeonsvers la piste, unemain enserremonbraspourme tirer en arrière.Quand jeme tournepour savoir qui en est à l’origine, je constate qu’il s’agit d’un typeque je neconnaispas.Ilsemble,dureste,passablementéméché.Direqu’onn’estqu’endébutdesoirée!—Salut,beauté.Ch’t’aijamaisvueici.Çatebrancheraitqu’onboiveunverre,avantquejetemontrelegrandméchantloup!vocifère-t-il,enayanttouteslespeinesdumondeàgarderl’équilibre.Ils’estapprochédemoietsonhaleinepestilentiellemedonnejusteenviedevomir.Toutefois,jen’aipasbesoinderépondre,carStephquinoussuivaitletireimmédiatementenarrière.—Baslespattes,ducon.Elleestavecnousetc’estlapetiteamieduDJ,hurle-t-elle,ens’interposantentrenous.—Putain,faitchier,rétorquel’autrevisiblementdégoûté.Maisqu’est-cequ’ellesluitrouventtoutesàcejeunebranleur?—Dégage,connard,lance-t-ellesuruntonquim’effraieunpeu.Sansplusnousporterattention,ilrepartendirectiondubaretsemetimmédiatementàdragueruneautrenanaquivientdes’yinstaller.—Hé,poulette,murmureStephàmonoreille,ilfautquetuapprennesàenvoyerlesmecsbouler.J’aicommel’impressionquetunevaspascesserdetefaireharceler,cesoir,etjenepourraipastoujourstedéfendre.Enfin,dèsquetuserasavecNahel,pluspersonnen’oseras’approcherdetoi.—Pourquoia-t-ilditqu’ellesenavaienttoutesaprèslui?Elleéclatederire,puissepencheetmerévèleàl’oreille.—ParcequeNahel estunaimant àgonzesseset ilva falloir t’enaccommoder.Regarde toutes lesnanasprèsdesplatines,ellesnesontlàquepourlui.Ilajusteàleverlepetitdoigtetellesrappliquentventreàterre,prêtesàsatisfairelemoindredesescapricessexuels.—Ettoi?demandé-je,suruncoupdetête.Je la sens aussitôt se raidir,mais je ne la quitte pas des yeux. Elle semble particulièrementmal àl’aise.—Tu veux savoir si j’ai couché avec lui ?La réponse est oui.Mais j’ai vite réalisé que j’aimaismieuxêtresonamie,plutôtquedemefairejetercommeunemerde!—Alors,tuesamoureusedelui?Apprendrequ’elleaétédansunpieuouailleursavecmonbeauDJmeperturbedéjà.Jenecomprendspascebesoindémoniaquequimepousseàmerenseignersurluiengénéral,etsursaviesexuelleenparticulier.C’est vachementmalsain,mais c’est vraiment plus fort quemoi.Steph éclate de rire etm’enlaceparl’épaulepourmerépondre.—Non et heureusement pourmoi.Mais je l’ai cru à unmoment. Il faut dire qu’au lit, c’est unebombe,cemec!Etsaqueue!Elleestmagique.Ouais,c’estça…ilaunebaguettemagiqueentrelesjambesetilsaits’enservirpourfairedesmiracles.Cettefois, jevireécarlateetmanouvellecopinesemarredeplusbelle,avantdemefaireunebise

sonoresurlajoueetdemeserrergentimentcontreelle.Mesyeuxsontrivéssurlesoletjen’osepluslaregarderenface.—Allezviens,blondinette.Onestlàpours’éclateravanttoutet,après,onretrouveratonchéri.Durantlesdeuxheuresquisuivent,nousnousdéhanchonsetpouffonscommedesfolles.Parcequejenesaispasdanser,audébut,jemesensmalàl’aise.Pournepasparaîtretropgourde,jelesobserve.Ellesbougentleurscorpsausondelamusique,maisleurspiedsrestentfixésausol.Bon,celadevraitêtredansmescordes.Ducoup,jemelaisseporterparlerythme,pourfinirparm’amuservraiment.Commentai-jepupasseràcôtédeça?Jen’enveuxpasàmesparents,parcequejesaisqueleurbutétaitavanttoutdemepréserver,maisfinalementjetrouveçadommage.Enfin,ilvautmieuxtardquejamais.Jerelèvemachinalementlatête,sentantsansdoutequ’ilyauntruc.C’estlàquejevoisSoetStephsefaireunpetitsigne, toutenregardantendirectiondesplatines.L’instantd’après,ellesmejettentuncoupd’œil,visiblementgênées.Parquoi?Jen’enaiaucuneidéeetjen’aimepasleursmessesbasses.Jefaiscommesijen’avaisrienremarqué,maisenobservantàmontourlepodium,jeconstatequeNahelnes’ytrouveplusetqu’untype,quejeneconnaispas,aprissaplace.Sophiemetireparlebrasetmefaitsignedelessuivre.Nousnousdirigeonsversl’autreboutdelasalleoùungorilleestentraindemonterlagardedevantunebarrièrequibloquel’accèsàuncouloir.NulletracedeNahel.Ildoitêtredanslesloges.—Attends-nouslà,Madie.OnpartchercherFred.C’estluiquiseraauxplatinesensuite,m’apprend-elleenpointant ledoigtvers leDJ.Etonvaenprofiterpourprévenir tonchérique tuesvenue levoir.—Maisjenepeuxpasvousaccompagner?demandé-je,n’ayantaucuneenviedefairelepieddegrueici.—Sophieaunpassetellenepeutemmenerqu’unepersonneavecelle.Detoutefaçon,iln’yenapaspourplusdecinqminutes.—Bon,d’accord.Maisnetraînezpastropquandmême.—T’inquiète,meditSteph,enposantunpetitbisousurmajoue.Unétrangesentimentd’insécuritém’envahit.C’estcarrémentbizarre,parcequejenel’aipasressentiquandj’étaisavecelles.Entendantlecou,jelesvoisfrapperàuneporte,l’entrebâilleretlarefermerpresque aussitôt, avant de toquer à celle d’à côté.C’est Fred qui leur ouvre. Elles s’engouffrent àl’intérieur, après un dernier signe de lamain.Unmouvement au fond du couloir attire alorsmonattention,tandisquecommencel’attente.Ohnon,merde,paselle!Faceàmoi,uneStellagoguenardes’approche,juchéesurdestalonsdequinzecentimètres.Elleparadecommesielleétaitàundéfilédemode.Quelleconne,cettegonzesse!Avecunsourireaussi fauxqu’elle,Stella s’avancedansmadirection.Merde,pourvuque les fillesreviennent vite, parce que j’ai comme l’impression qu’elle n’a pas digéré la rebuffade de Nahel,l’autrejour.Etcommec’étaitpourmedéfendre,elledoitm’envouloiràmort.D’autantque,d’aprèscequej’aientendu,ilsembleraitquedepuisplusd’unan,ellefaitdespiedsetdesmainspourintégrerleurbande.Enpureperte.Alorsquemoi,jesuisarrivéeetj’aiétéadmisetoutdesuite,etsansrienfairepourcela.C’estsansdouterageantpoursonegosurdimensionné.—Tucherchestonbeaubrun?demande-t-elle,lorsqu’ellesetrouvefaceàmoi,del’autrecôtédelabarrière.—Passpécialement,jeréponds,peudisposéeàdiscuteravecelleet,parvoiedeconséquence,àm’enprendrepleinlagueulepourpasunrond.—Àd’autres!s’exclame-t-elle,avecunsourirefielleux.Jesaistrèsbienquetueslàpourlui,tout

commelestroisquartsdesnanasquisontici.—Ycompristoi?—Ahnon,jesuispasséeàautrechose,susurre-t-elleensecollantauvideur,deboutprèsd’elle.Pincez-moi,jerêve!Cettepétassesetapeletypepatibulairedelasécurité,justepouravoiraccèsauxloges.Etneditespasquejesuisunemauvaiselangue!Satroncheferaitpeuràn’importequi.Enlesimaginantensembledansunlit,jenepeuxretenirunfrissondedégoût.Commesiellel’avaitperçu,moninterlocutriceplisselesyeux.Elleestencolère,çaseremarquecommelenezaumilieudelafigure.Pourtant,elleravalelarépartiequisemblaitluibrûlerleslèvres,pourmurmurersuruntondoucereuxquiéveilleaussitôtmaméfiance.—Viens, je t’emmènejusqu’àsaloge.Çamefaitdelapeinedeteregarderpoireauter ici,commeunevulgairepotiche.Benvoyons!Situt’imaginesquejevaisgobercemensongeaussigrandquetoi, tutefousledoigtdansl’œiljusqu’autrouducul,songé-je,mecrispantunpeuplus.Jesaisqu’elleprépareunmauvaiscoup,çasevoitàlajoiemalsainequisembleémanerd’elle.Cequej’ignore,c’estcequ’ellepourraitmefaire,danslamesureoùNaheln’estpastrèsloin.Legorillepousselabarrièrepourmelaisserpasser.Jem’avance,méfiante.—Tonboncœurteperdra,murmuré-je,acerbe.C’estplusfortquemoi,cettefillemedonneunefurieuseenviedeluimettredesbaffes.Jen’oubliepasdequellemanièreelleaessayédem’humilier, justepoursefaireremarquerparmonbeauDJ.J’ai la rancune tenace, même si je sais qu’il faudrait que je sois plus magnanime et donc que jepardonne pour être en phase avecmes convictions.Mais il y a des personnes avec qui c’est toutbonnementimpossible.Meprécédant,elleindiquelatroisièmeportesurmadroite,duboutdudoigt.—Voilà,ilestici.Boncourage,lance-t-elleenriant,maissanss’arrêter.C’est là que Sophie et Steph ont frappé, avant de rebrousser aussitôt chemin.Àma gauche, il y amonsieurmuscles, qui neme quitte pas des yeux, et en tournant la tête de l’autre côté, j’aperçoisStella,deboutcontrelemuraufondducouloir.Cequime sertdebon sensme souffledenepasentrer etde repartirpourattendremescopinesàl’endroitoùellesm’ontlaissée.Maisenmêmetemps,lesregardsdecesdeux-làmemettenttellementmalàl’aisequejen’aiqu’uneenvie,m’ysoustraireetretrouvermonbelétudiantenmusique.Tendantl’oreille,jeperçoisdesmurmures.Savoixsemêleàd’autres.Rassurée,jetournelapoignéeetpasselatêtedansl’entrebâillement.La scènequi sedéroule sousmesyeuxme fait basculer enplein cauchemar.Lapièce est petite et,hormisunetableetunechaise,ilyauncanapéclic-clacquiestplacédeprofilparrapportàlaportequejeviensd’ouvrir.Affalésurcedivan,Nahelparaîtparticulièrementoccupé.Àvraidire,iln’estpasseul.Ilestmêmeengalantecompagnie.Deuxnanassetrouventaveclui.Jevoislapremièredeprofil,sibienquejeneparviens pas à distinguer son visage. Penchée entre les jambes de celui que j’avais décidé deretrouver,ellesembleparticulièrementaffairée,puisqu’elleestentraind’engloutirsonpénisdanssabouche.Lapremièrechosequimevientàl’esprit,c’estdemedemandercommentelleréussitàlefaireentreraussiprofondément.C’estsansdoutelegenredenanaqu’onqualifiedegorgeprofonde.Nahelalepantalonbaissésur lescuissesetn’apasremarquémaprésence.Normal, ilesten traindesucer lesein de l’autre, samain bougeant dans la culotte de la fille.Cette dernière, penchée sur lui, la têterejetéeenarrière,gémitdeplusenplusfort.

Toutefois,commeellefaitfaceàlaporte,elledoitpercevoirunmouvementou,dumoins,quelquechosequicloche,parcequebrusquementelleouvrelesyeuxavantdemesourire.—Salut,tuveuxtejoindreànous?Plusonestdefous,plusonrit.L’autren’atoujourspasréagi,occupéeàlepomperfurieusement.Soudain,Naheltournelatêtedansmadirection.Iln’apasl’airdanssonétatnormal,maisjem’encontrefoustotalement.Cequejevoism’écœureauplushautpoint.C’estimmondeettrèsloindel’imagequejemefaisaisde lui. Il fautcroireque jedoisêtreuneabrutiedepremièrepouravoirpensé,neserait-cequ’uneminute,qu’ilpouvaitêtremonprincecharmant.Unporcabject,voilàcequ’ilest!Lefaitdecroisermonregardrévulsésemblecependantledégriser.Aussitôt,ilrepousseviolemmentcelle qui était en train de lui tailler une pipe. Elle en tombe d’ailleurs à la renverse. Pour un peu,j’auraispresquepitiéd’elle,enlavoyantassisesurlesfesses,lesquatrefersenl’air.—Maisçavapas!T’esconouquoi?Nahelnel’écoutedéjàplus,ilremonteprestementsonjeanets’avanceversmoi.Maisjeneluilaisseletempsderien,puisquejefaisdemi-tourillicopourrepartirensensinverse.Aumomentoùj’arriveauboutducouloir,j’entendsunesecondeportes’ouvrirsurStephetSoquinepeuventfaireautrementquedeconstaterledésastrequ’ellesontvouluéviteràtoutprix.—MADIE!hurle-t-il,enfinissantdeserajusterpourselanceràmapoursuite.Toutefois, comprenant son intention, je détale comme un lapin, bousculant au passage monsieurpatibulaire,cequejen’auraisjamaiscrupossible.Ayantpratiquél’athlétisme,jesaiscourirviteetlongtemps.Deplus,lafouleestdeplusenplusdenseet jem’yperds avecune facilitédéconcertante, tandisqueNahel,So,StephetFred essaientdemesuivre.Maisjesuisagileetjeparviensàtraversercettemaréehumaineenuntempsrecord.Rassemblantmesdernièresforceset,justemaintenuedeboutparmesnerfs,jerécupèremonmanteauetmedirigesansattendreverslasortie.Unefoisàl’extérieur,jem’arrêteuninstant,tentantderéfléchirposémentàlamanièredontjevaisdevoirprocéderpourrentrerchezmoi.C’estalorsqu’unevoiturestoppeàmonniveau.—Eh,tuveuxqu’onteraccompagneenville?demandeuntype.Onsecasse!Jemepenchepourjugerdesamine.Iln’apasl’airdangereux,maisonn’estjamaistropprudent.Àl’arrière,ilyaunmecetunenanaentraindesebécoter.Jenesaispasquoifaire.J’aiconsciencedufaitquejenedevraispasmonterdanscettebagnoleavecdesgensquimesonttotalementinconnus.Seulement,j’ignorecommentrentrerchezmoi,jen’aiaucuneidéeducheminàprendrepourquittercequartier,composéd’usinesfermées,quinemeparaîtguèreplussûr,sijedoisleparcouriràpied.Jescrutelesalentoursrapidement,ettoutcequejevoiscesontdesmecsetdesnanascomplètementtorchésquidéambulenticietlà.Certainsdégobillentdanslescoinsetd’autresfumentdestrucsquinesont,detouteévidence,pastrèsnets.Parconséquent,entrelapesteetlecholéra,ilmesemblequelavoitureseratoujoursmoinsdangereuse.D’autantquejeseraiassiseàl’avantetquejepourraidoncmefairelamalleaupremierfeurouge.Malgrécela,jen’arrivepasàtrancher.—Benalors,tutedécides,beauté?Jenevaispasattendrejusqu’àdemainmatin!—Vousvousrendezoù?—Aurétro,c’estunediscothèquequisetrouveaucentre-ville.Là, çame parlemieux, parce que cela signifie qu’ils pourront forcémentme rapprocher demonappartement.Enentendantlaportes’ouvriravecfracas,jesursauteetpivotesurmoi-même.Nahelestàquelquesmètresetsesyeuxlancentdeséclairs.

—Madeleine!Qu’est-cequetufous?Aussitôt, et sansprendre le tempsd’y réfléchir à deux fois, je saute dans la voiture et ordonne auchauffeur:—Fonce!Il semble avoir compris le message, car il enclenche immédiatement la première pour quitter leparking sur les chapeaux de roues. Heureusement qu’il n’y a personne devant nous, parce qu’àl’allure où il roule, il serait incapable de s’arrêter. Par le rétroviseur de la portière, je peuxapercevoirNahelnouscouriraprès.Toutefois,iln’estpasassezrapide.Laseulechosequ’ilparvientàfaire,c’estdetapersurlecoffre,maisnousavonsdéjàprisdelavitesse.—Tu t’es engueulée avec ton jules ?m’interroge le chauffeur, tout en s’engageant sur la longueroutequipermetdequitterLaPlainedesBouchers.—Mmmm.—C’estpasleDJ?s’enquiertlafilleàl’arrière.Lecoupleainterrompusonétreinteensursaut,quandilacognélacarrosserie.—Mmmm.— Remarque, je te comprends. Chaque fois que je l’ai vu, il s’envoyait en l’air avec une nanadifférente,voireplusieursdanslamêmesoirée!s’exclame-t-elleencore,avantd’êtrestoppéenetparuncoupdecoudedesonmec.—Benquoi,c’estlavérité!C’estpaspourrienqu’onlesurnommechaudlapinsurlecampus.Sit’ascruauprincecharmant,tut’esbiengourée.Ils’esttapélamoitiédemescopines!Àcesmots,jemeratatineunpeuplussurmonsiège.Chaqueparoleestcommeuncoupdepoignarddansmonpauvrecœurquisaignedéjàbienassez.Mafiertéaussienprendpoursongrade.Commentn’ai-jepaspuvoircequiétaitpourtantsiévident?Faut-ilêtrestupideau-delàdesmotspouravoirétéaveugleàcepoint!Nousarrivonsmaintenantauniveaudelaplacedel’Étoileetsommesarrêtésàunfeurouge.—Ben, dis donc, t’as pas l’air très bavarde,murmuremonchauffeur, enposant sapaume surmacuisse.Cecontact,quimedégoûte,mefaitsortirdelaléthargiedanslaquellej’aiplongé,depuisquecettefilleacessédeparlerpourreprendrelàoùelles’étaitinterrompuequandnousavonsdémarré.Inspirantungrandcoup,jesaisissesdoigtsdelamaingauchepourlerepousser,pendantquedeladroite,jetâtonnepourdéverrouillerlaportière.Aumomentoùils’apprêteàenclencherlapremière,jedébouclemaceintureetouvredemoncôté,l’obligeantàpiler.—Hé,maisqu’est-ce…Jenel’écoutedéjàplusetsautedelavoiturepourfileràtouteallure.Néanmoins,jenesuispasassezrapidepournepasl’entendrelorsqu’ils’écrie.—Espècedeconnasse!Sansmedétourner,jecoursaussivitequejelepeuxetm’éloigneinexorablementdanslanuit.

11Jenesaispascommentj’aifaitpourarriverjusqu’àmonstudio.J’aicouruetcouru,sansm’arrêter.Au fond de moi, j’ai compris que si je ralentissais, je m’effondrerais. Entendre mon téléphoneportablevibrerdanslapocheintérieuredemonmanteaum’apousséeàaccélérerencoreunpeuplus.Lorsqu’enfinjerefermelaportedemonappartement,jen’aimêmepluslaforced’avancerpourallerjusqu’à mon lit. Je me laisse glisser le long du battant de bois, les poumons en feu, les tempesbourdonnantes et les yeux brûlants. Là, les larmes arrivent, amères, douloureuses, mais tellementsalvatrices.Je suismalade, tout enme rappelant la scène immonde, digne d’unmauvais porno, à laquelle j’aiassisté.Jesuisterriblementtristeensongeantàtouteslesidéesquejem’étaisfaitessurNaheletquisesonteffondréesenl’espaced’uneseconde.PasétonnantquecetteconnassedeStellaaittoutfaitpourquejevoieça.Elledevaitsavoircequisepassaitdanscettelogesordide.Et puis, je suis en colère. Contre lui, c’est indéniable, parce que je vis cela comme une véritabletrahison.Mais surtout contremoi-même.Moi, qui ai été assez stupide de ne pas vouloir le croirequand ilme disait que je devais l’éviter.Moi, qui ai eu la naïveté de penser que je réussirais à lechanger,justeparlaforcedemonamourpourlui.Ehoui,jelesaismaintenant,jesuisraidedinguede lui, follement, irrémédiablement.Si cela n’avait pas été le cas, je n’aurais pas aussimal. Jemeficheraisdecequ’ilpeutfairedesesfesses.Or,c’estloin,loin,loindecequisepasseencemomentmême.Bon sang, je découvre l’amour de la pire des manières, dans la douleur et le chagrin. Et c’esthorrible.Maisjesupposequ’onnechoisitpaslespersonnesqu’onaime,toutcommeonnepeutpascombattre ses sentiments.Pour autant, j’ai parfaitement le droit dedécider que je neveuxpas êtreridiculiséeparunplay-boyà lanoix, incapabledegarder saqueuedanssonpantalonplusdecinqminutes.Commentest-ceque jeparle,moi?Jamais jenemesuisexpriméedecettemanière.Jen’aimêmejamaispenséainsi.Ilfautcroirequesoninfluenceestplusimportantequejenel’avaissupposé.Maiselleestnociveetcemecesttoxique.J’aibeaumesavoirforte,jenesuispasdetaille.Quem’a-t-ilditl’autrejourdéjà?Ahoui,ilestpourri,pourrijusqu’àlamoelle.Ilavaittellementraison.J’auraisétébienplusaviséedel’écouter,aulieudel’admirerbéatement,commelapauvrecruchequejesuis.J’ignorecombiende temps jeresterecroquevilléeainsi,dansmonpetitvestibule.Desminutes,desheures,jen’arrivepasàmerendrecompte.Leslarmessontintarissablesetmelaissentdansunétatd’épuisementquejen’aijamaisconnu.Lasonneriedemaported’entréemefaitsursauterviolemment.Quelleheureest-il?Machinalement,jeconsultemamontre.Ilesttroisheuresdumatin.Pasbesoind’êtrevoyante-extralucidepoursavoirquis’amuseàs’acharnerainsi,aurisquederéveillertoutl’immeuble.C’est ensuite au tour demon téléphone qui vibre à nouveau. Cette fois, je ne peux pas l’ignorer.Quandjel’extirpedelapochedemonmanteau,jedécouvrequ’ilyaeutroiscoupsdefilenabsencedeSophie,huitdeStéphanie,sixdeFredettrente-septdeNahel.Trente-septappels?Merde!Maisilestcomplètementdingue,cetype!Unvéritablepsychopathe.Ilm’alaisséunequinzainedemessages,ainsiquedouzeSMS.Maparole,c’estduharcèlement!

—Madeleine!hurleunevoix,tandisqu’iltapeàlaportedemonstudio,mefaisantfaireunbond.Commenta-t-ilfaitpourentrerdansl’immeuble?Jeneluiaipourtantpasouvert.Iln’estpasseul,carj’entendsunmurmure,quej’identifiecommeétantFred,luiparlerdoucement.—T’essûrqu’elleestlà?Siçasetrouve,elleestchezdesamis.—Putain de bordel demerde, s’écrieNahel, elle ne connaît personne ici, à partmoi !S’il lui estarrivéquelquechose,jevaisfaireunmalheur!—Écoute,monpote,ondevraitpartir.Elleneveutpeut-êtrepastevoir,toutsimplement.Enfin,paspourlemoment…Sielleesttellequetumel’asdécrite,elleauraétéprofondémentchoquée.Onpeutlacomprendre.Tusais,onatouspigéquec’estlegenredefillequinecouchepas.Siçasetrouve,elleestencorepucelle!—Tagueule,Fred!Situaslemalheurdeluimanquerderespect,jetepètelepif.—Maisbordel,mec!Qu’est-cequecettenanat’afaitpourquetutemettesdanscetétat?Putain,jet’aijamaisvucommeça!—Tunepeuxpascomprendre.—Jepourraisessayersitum’expliquais…Tusaisquejesuistonami.Jepeuxtoutentendre.—Jenepigepasmoi-mêmecequim’arrive.Commentveux-tuque je t’enparle?Cen’estpasunsujetdedissertation.—Alors,dis-moijustecequ’ellet’inspire.Commenttulatrouves…Jeretiensmonsouffle,attendantdepouvoirenfinapprendrecommentilmeperçoitetcequisepasseréellementdanssatête.—Madeleine,c’estcommeunepetitefille.C’estlalumièreaumilieudemanuit,c’estlabontéàl’étatpur. Elle peut vous paraître arriérée avec ses croix sur le pain et ses prières.Mais pas pourmoi.J’admiresesprincipes,quifontqu’ellerestetoujoursdroitedanssespompes.Toutescessaloperiesaveclesquellesnousvivonsetqu’elleneconnaîtpas,certainsjours,c’estjusteuncalvaire.Madieestpureetbelle.C’estunangeetelleilluminemesténèbres.Parcequepourtouttedire,desprincipes,jenesaispassij’enaieuunefoisdansmavie.Alors,tuvois,quandjesuisavecelle,j’ail’impressionqu’elle éclaire mon âme sombre par sa seule présence. J’ignore comment t’expliquer çadifféremment et de quelle manière elle s’y prend. Elle est si pure que j’ai le sentiment qu’à soncontact,jedeviensunhommemeilleur.Savoixsebriseet,de l’autrecôtéde laporte, jesuisàdeuxdoigtsdemesentirmal.J’enfonce lepoingdansmabouchepourétouffermessanglots.Biensûr,ilsnesaventpasquejepeuxlesécouter.—Dans ce cas, pourquoi tu ne temets pas avec elle, au lieu de te taper toutes ces pétasses qui seressemblent?Tuluiplais,cen’estunsecretpourpersonne.—Non,Val.Jenepeuxpas…—Maispourquoi?Ilabaisséleton,sibienquejedoiscollermonoreilleaupanneaudeboispourentendrelasuitedeleurconversation.—Sijelatouchais,jelasalirais,jelapervertirais.Jesaisquejelatraiteraismal,parcequec’estplusfortquemoi.Jeluimentirais,jelatromperais,j’aitoujoursétécommeça.Elleesttropjeune,tropbienpourmoietjesuistropmerdiquepourelle.Etpuis…—Quoi?—Jenepourraijamaisluidonnercequ’elleespèredemoi.Jenepourraijamaisl’aimeretc’estcequ’elleattendrait.C’estinévitable.—Pourquelleraisonenserais-tuincapable?—Parcequ’onnepeutaimerpersonnequandonsedétestesoi-même.

Unlongsilencesuitcettephrase,siamèreetsilourdedeconséquencespourmoi.Moncœursebrise,dumoinscequ’ilenrestait.C’estvraimentlafin.—Àtonavis,oùest-elle?demandeNahel.Ilsembletellementinquietquejesuisàdeuxdoigtsd’ouvrir.—Elleestjustedel’autrecôtédelaporte,jeviensdel’entendrerenifler.—Madeleine?Ilest,cettefois,colléaubattant,sibienquej’aipresquel’impressionqu’ilestentraindemesouffleràl’oreille.—Madie,situeslà,réponds,s’il teplaît,réponds.Jesuistellementdésolé,jen’aijamaissouhaitéqueleschosessepassentainsi.Tudoismecroire,jenevoulaispasquetuvoiesceàquoituasassistécesoir.Jet’enprie,ouvre.— C’est pas bientôt fini ce vacarme ? s’époumone mon voisin de palier. Y en a marre de vosconneries!Onbossedemain,nous!Foutezlecampouj’appellelesflics.—Viens,Nahel.Onsecasse.Detoutefaçon,elleneterépondrapas.Allezmonpote…J’entendsleurspass’éloigner,incapabledebouger.Pourtant,jevoudraislerassurer,leprendredansmesbras,mais jen’yparvienspas, tropprofondémentblesséepar les évènementsde cettenuit.Sij’avais pu prévoir que les choses tourneraient aussimal, jamais je ne serais allée là-bas.Ceci dit,j’aurais dû voir venir. Je sentais bien que Steph n’avait aucune envie de m’y emmener. Il y aégalementautrechose.Jenepeuxpasoublierqu’ilm’aprévenue,l’autresoir,et trèssérieusement.Seulement,jemesuiscrueplusmalinequetoutlemondeetsurtoutquelui.Ilfautquej’arrêtetoutdesuitel’autoflagellation.FréquenterNahelElkhouri,c’estuneimmersionenenfer, quelque chose que je ne peux pas gérer. J’en suis incapable. Ilme tirerait vers le bas, c’estévident, et je n’en ressortirais jamais indemne. Oui, je vais couper court immédiatement. C’est laseuledécisionsenséeàprendre.

12Cela fait plus de deux semaines que je ne l’ai pas revu.Deux semaines quim’ont paru durer uneéternité.Depuiscefameuxsamedi,jevisreclusedansmonstudio.Lespremiersjours,ilvenaitchaquesoirsonneràmaporte.Combiendefois,ai-jeeuledoigtsurleboutonpour lui ouvrir ?Mais, systématiquement, jeme suis dégonflée. J’ai trop la froussedemeretrouverfaceàlui.Jusqu’àtrèsrécemment, ilmetéléphonaitunedizainedefoisparjour.Depuismercredi, iln’aplusappelé.Sijevousexpliquaisquesescoupsdefilmemanquent,mecroiriez-vous?Vousdevezvousdirequej’aiunpetaucasqueetvousavezsansdouteraison.Lavérité,c’estquejesuisincapabledemedétacherdelui,mêmesij’aiencorepluspeurdelerevoir.Mesrésultatsenpâtissentetjevaisdevoirmebougersérieusement,sijeneveuxpasavoird’ennuis.Hier,unprofm’aconvoquéepourmedemandercequim’arrivait.J’aiprétextéunproblèmefamilial,mêmesijesuiscertainequ’iln’apasétédupe.Deplus,ilafalluquejefassedespiedsetdesmainspour intégrerungroupedifférentetéviterainside lecroiserà la sortiedecertainscours.Leplusrisible dans tout ça, c’est qu’à l’épreuve de latin pour laquelle il m’a aidée, j’ai eu un 15. Mameilleurenotejamaisobtenuedanscettematière.L’autre jour, je l’aiaperçude loin,mais ilnem’apasvue.Alors, jemesuiscachéeet j’aiattenduqu’iltourneledos,pourretournermeterrerdansmonstudio.Jesuissanscessesurlequi-viveetjedoisadmettrequec’estexténuant.Bienentendu,jenemangeplusaurestaurantuniversitaire.Jem’achèteunsandwichquejegrignotechezmoi.Le soir, jeme contente d’unepommeoudequelques pâtes.Endeux semaines, j’ai déjàperducinqkiloset,sijepersiste,jefiniraiparneplusressembleràrien.Ilvaquandmêmefalloirquejetrouvelecouragedel’affronter,parcequej’aibienconsciencequejenepourrai pas continuer àmecacher commeçapendant tout le restedemoncursus.Cen’est pasviableetc’estmalsain.L’ennui, c’est que j’ai attendu trop longtemps. J’aurais dû lui ouvrir, ce soir-là, ou j’aurais dûrépondre à l’un de ses appels le lendemain.Maintenant, il est trop tard et je ne vois pas commentrevenirenarrière,sanspasserpourunesalegossecapricieuse.Oui,c’estexactementça:jenesaispluscommentfairepourrevenirenarrière.Jepourrais,non,jedevraismerendreàsonappartementetluiexpliquertoutçadevivevoix,maisjen’enaipaslecran,enbelletrouillardequejesuis.Desfois,jetrouvequejesuisbonneàbaffer.Jepensequej’attendraimonretourdesvacances.Dimanche,mesparentsdoiventmechercheret jepasseraiunesemaineàlamaison,puisquedèsvendredilescongésdenovembredémarrent.Celameferaleplusgrandbiend’êtrechouchoutéeparmamère.Jesuispersuadéequeçam’aideraàprendredu recul et àme donner la force nécessaire d’aller à sa rencontre. Parce que, pour tout dire, sonamitiéetsagentillessememanquentterriblement.Rienquedel’avouermedonneenviedepleureretjesensdéjàmesyeuxpiquer.

***

Marchant sansbutdans les alléesdu supermarché, jeme force à effectuerquelques courses, en cesamediaprès-midi.Ilabienfalluquejemeressaisisse,parcequemonappartementressemblaitàunevéritableporcherie,jen’avaisplusrienàmemettreet,enplus,monfrigoétaitvide.Untellaisser-allerestinadmissible.Deplus,mesparentsarriventdemainetjenepeuxdécemmentpasleurmontreràquelpointmaviepartenvrille.Alors, cematin, je me suis levée tôt, j’ai fait le ménage et ce n’était pas superflu. J’ai la chanced’avoir un lave-linge dansma salle de bain, du coup, je ne suis pas obligée de passer par la caseLavomatic,cequiestlesummumduluxeparrapportàd’autresétudiants.Et me voilà donc, traînant mon spleen entre les yaourts et le fromage. Alors que je m’apprête àprendreladirectiondelacaisse,mesdeuxpanierschargésàbloc,unepetitepressionsurmonépauleme fait sursauter.Depuis des jours, je n’ai pas rencontré de visage ami, je n’ai parlé à personne,hormis àmes parents quime téléphonent une fois par semaine.Heureusement pourmoi quemonfrèreétaitparti enpèlerinage,parceque s’ilm’avaitvuedanscet état,nuldoutequ’il aurait alertétoute la famille. J’aivécuassezde situationsgênantes, cesderniers temps,pour lesdixprochainesannées.Pasquestiondemêlermesparentsàcettehistoire,ceseraitunevéritablecatastrophe.Surprise,jepivotepourmetrouvernezànezavecSteph.Ellenesemblepastrèsàl’aise,sibienquenous sommes deux. Je suis étonnée de la croiser ici, mais plus encore qu’elle soit venue à marencontre. Après tout, elle a tenté à plusieurs reprises de me contacter et j’ai toujours refusé sesappels.—Salut,murmure-t-elle,l’airpeusûred’ellePourmapart,jen’enmènepaslargenonplus.J’auraisdûlarappeler,aulieudecoupercourtaussibrutalement.Stephatoujoursétésupergentilleavecmoietiln’yavaitaucuneraisonpourquejemecomporte ainsi. Prendre conscience de l’irrationalité de mes actes, ces dernières semaines, meperturbe unpeuplus encore.Elle n’était responsable de rien et a pensé bien faire enm’emmenantavecelle,mêmesi j’avaistoutduboulet.Jecroisqu’ilestgrandtempsqueje luidemandepardon.C’estleminimum.—Écoute,Steph,jesuis…—Non,laisse-moiparler,m’interrompt-elle.Jesuispasséedevantcheztoietjet’aisuiviejusqu’ici.Sij’aifaitça,c’estparcequejetiensàm’excuserdecequiestarrivél’autrejour.Jen’auraispasdût’emmener,jen’auraispasdûtequitterdelasoiréeet…—Non,c’estmoiquisuisdésolée,fais-je,enlevantlamainpourluicouperlaparole.C’estmoiquiaiinsistépourvenir,alorsquej’avaistrèsbienremarquéquecelan’enchantaitaucundevous.Tun’yesvraimentpour rienet jemesuiscomportéecommeune idioteen refusant tesappels,donc je tedemandepardon.Ellepousseunintensesoupirdesoulagementetmesaisitparlesépaulespourm’enlacer.Moiaussi,jemesensmieuxd’uncoup.Pendantprèsdedeuxsemaines,jemesuisfocaliséesurNahel,alorsquec’esttoutelabandequimemanquait.M’isoler,commejel’aifait,étaitunetrèsmauvaiseidée.Sansdoutelapirequej’aieeuedetoutemavie.Durantdelonguesminutes,nousrionsetnouspleurons,raviesdenousretrouver.C’estl’arrivéedeSophiequinous interrompt.Ellem’embrasse,meserrecontreelle,et s’excusevaguementpourcequis’estpassé,maisjelasensbeaucoupplusdétachée.Jedevinemêmeunepointederancunequimedéstabilise.—Commentteportes-tu?s’enquiertalorsSteph.Unpremierréflexemepousseraitàprétendrequetoutestpourlemieuxdanslemeilleurdesmondes.Or,c’est faux. Je lesaisetvous lesavezaussi.Etpuis, j’enaimarredemeraconterdessaladesà

moi-même,maiségalementdementirauxautres.C’estnul.Etpuis…çavaàl’encontredetoutceenquoi je crois, de tout ce que mon père m’a enseigné. Il est peut-être temps que je revienne auxfondamentaux.Celam’aideraitsûrementàmesentirmieux.—Bof,j’admets,toutenbaissantlesyeuxpouradmirerobstinémentleboutdemesbottines.—Luinonplusn’estpasbien, fait remarquermacopine, sanscesserdemedévisager.Tudevraisessayerdeluiparler.Ceseraitbiend’éclaircirleschoses,non?Àcesmots,unprofonddésarroim’envahit.Jen’aijamaisvoulufairedepeineàNahel,c’estmêmetoutlecontraire.J’aicru,àtortsemblerait-il,qu’ilpasseraitrapidementàautrechose.Aprèstout,oùestl’intérêtpourluideperdresontempsavecunegaminemaldégrossiedansmongenre?Celamedéchirelecœurd’apprendrequ’ilestmalheureuxetquej’ensuislacause.—Appelle-le.Parle-lui,insiste-t-elle,memettantdeplusenplusmalàl’aise.Car,au-delàdufaitquesonchagrinestentraindedevenirlemien,ilyaaussicettepeurpaniqueàl’idéedelerevoir.Jen’ainilaforcenilecouragedeladomineretjesuisterroriséeparlepouvoirque ce garçon a sur moi. Il pourrait me mettre à terre en deux temps trois mouvements, et j’aiconsciencequejeseraisincapabledegérerànouveauuneépreuvecommecellequejeviensdevivre.Or,sijerecommenceàlefréquenter,c’estcequiarriverainévitablement.Alors,danscesconditions,ilfautquejemeblindetoutdesuite,endécidantdenepluslerevoir.C’estplussimplecommeçaetc’estmieuxpour tout lemonde,surtoutpourmoi.Latristesseet lemal-êtrefinirontparpasser.Letempsguérittouteslesblessures,dumoins,c’estcequej’aientendudire.—Jeregrette,chuchoté-je,ensecouantlatête.—Pourquoi?Jet’aiexpliquéqu’ilétaitmal.—Jeregrette.Soudain,Soseplacedansmonchampdevision.Elleestfurieuseetpointeundoigtaccusateurdansmadirection.—Tuneregrettesriendutout!Alors,arrêtedementir!Çateplaîtqu’ilsoitdanscetétatàcausedetoi ? Tu sais ce que je pense ? Je crois que sous tes airs de sainte nitouche, tu es une garce depremière!—So!s’exclameSteph,scandalisée,tandisquejegardelesilence,déglutissantavecpeine.—Quoi?Maisc’estvrai,bordel!Naheln’arienfaitdemal.Ilétaitsonamietellel’alaissétombercommeunemerde,dèsqu’ellel’avuavecd’autresfilles.Maisbonsangàlafin,ilsn’étaientmêmepasensemble.Est-cequenous,onajugésesbondieuseries?Non.Onl’aacceptéecommeelleétait,avecsoncôtécoincéet sesprièresà lacon.Ellen’a rienà reprocheràaucund’entrenous !Onatoujoursétésympaavecelleetonl’aprisesousnotreaile,cequ’onn’avaitjamaisfaitpourpersonne.Oui,Nahels’estenvoyédeuxfillesenmêmetemps.Etalors?Çaregardequi?Luietcesdeuxnanas.Personne d’autre. Et certainement pas toi ! s’emporte-t-elle, en pivotant à nouveau versmoi. À taplace,Madeleine,j’arrêteraisdecouriràl’égliseetdejouerlesgrenouillesdebénitier.Ilmesembleque tonJésusaprôné labonté, lepardonet lacharité.Et toi, tun’as fait riende toutça,danscettehistoire. Alors, c’est bien facile de prier et de prêcher, mais si ton comportement n’est pas enadéquationavectesconvictions,celanerimeàriendutout.—Onvarepartir,murmureSteph,toutentirantsacopineversl’extérieurdumagasin.Etmoi,jerestelà,debout,enlarmes,tétanisée.LacritiquedeSoétaitdureetacerbe,maistellementjuste.J’aihontedemoiàunpointquejenepeuxmêmepasdécrire.Naheln’ajamaisfaitderemarquedéplacéesurmesconvictionsreligieusesetlamanièredontjelesapplique.Ilnem’ajamaisjugée.Ils’estcontentédem’acceptertellequej’étaisetdegratterunpeulasurface,pourtenterdedécouvrirquij’étaisvraiment,maistoujoursavecdélicatesseetuneextrêmegentillesse.

Acontrario,àlapremièreoccasion,j’aiprovoquéunmélodrameaussiridiculequepathétique.Jel’aicondamnésansmêmelelaissersejustifier.Etc’estencorepirequeça,cariln’avaitaucuncompteàmerendre,puisquejen’étaispassapetiteamie.La vérité, c’est que j’étais jalouse à en êtremalade. J’aurais voulu être ces filles,même si je n’aijamais fait ce genre de chose et que je n’imaginais pas pouvoir agir ainsi. Cependant, si je suisvraimenthonnête,jedoisreconnaîtrequejen’aipassupportéquecenesoitpasdansmabouchequesonsexesetrouvait,quecenesoitpasdansmaculottequesamaintrifouillaitetquecenesoitpasmonseinqueseslèvresembrassaient.Cespenséesmefontrougirdegêne,maisc’estlavérité,crueetbasique.Alors,quefaire?Jenesaispasauboutdecombiendetempsjereviensàlaréalité,maiscommeuneautomate,jesaisismes paniers, posés àmes pieds, avant deme diriger vers la sortie.Mes larmes coulent toujours,même si je n’en ai pas véritablement conscience. Je dois avoir l’air d’une folle avecma tignasse,vaguementattachéeenchignon,etdesmèchesquipartentdanstouslessens.Sansparlerdemonnezrougeetdemesyeuxbouffis.Aumomentoùjedoispayer,lacaissièrefinitparmedemandersijemesensbien,enm’observant,unsourireapitoyéauxlèvres.Jesecouenégativementlatêteetreprendsmesachats.Lesupermarchén’estpastrès loindemonappartement.Moinsdedixminutesàpied.Pourtant, j’ail’impression qu’il va me falloir des heures pour rentrer. Je suis maintenant saisie de pleursincontrôlables qui m’obligent à me poser près d’un banc situé à proximité du rond-point del’Esplanade,sousleregardperplexedespassants,mêmesiaucunnefaitminedes’arrêter.Jetrembletellementquejenesuispluscapabledemarcher.Lessanglotsquejetentederetenirsefontpluspressants,medonnantlasensationd’étouffer.Monnezcoule,maisjem’enfiche.Laseulechosequim’interpelle,c’estcequej’aifait,cequej’aiprovoqué.Jemefaisl’effet,pourlapremièrefoisdemavie,d’êtreunepersonnemauvaise,bornéeetaigrie.Jerefusededevenircommeça,jeveuxjusteNahel.Alors,mueparuneforcequejenecontrôlepas,jesorsmontéléphoneetcomposesonnuméro,lapeurauventre.Ildécrocheàladeuxièmesonnerie.—Madeleine?Savoixsemblerauque,maisc’estlastupeurquidomineclairement.Jepensequ’ilnes’attendaitplusàmonappel.—Na…Nahel?hoqueté-je,avantd’éclatervraimentensanglots.—Oùes-tu?—Jesuistellementdésolée,tellement,tellementdésolée.J’aiétéarchinulleavectoi.Je…je…je…—Dis-moioùtues.—Jesuisassisesurunbanc,aurond-pointdel’Esplanade.—Nebougepas,j’arrive.Tuascompris?Surtout,turestesoùtues!Il raccroche, sansme laisser le temps de prononcer unmot supplémentaire. Je n’irais pas jusqu’àprétendrequejesuismoinstriste,carcen’estpaslecas.Maisjesuisunpeupluscalme.J’enprofitepourmemoucheretessuyermesyeuxquinepeuventtoujourspass’arrêterdecouler.Mespleursnes’estompentpas,ilss’intensifientenréalité.Toutefois, et pour la première fois depuis près de deux semaines, je ressens une forme desoulagement qui me fait me sentir instantanément mieux. Comme si ce poids qui comprimait mapoitrineétaitentraindeseretirer.Puis,jelevoisquiarriveencourant.Ils’arrêteunesecondepourscruterlapetiteplace,avantdemerepéreretd’avancerimmédiatementdansmadirection.Pourtant, alors qu’il se tient à moins d’un mètre de moi, il se fige, incertain. Je fixe son torse,

incapabledeleregarderenface.J’aitrophonte.Quand,enfin,jetrouvelecouragedelefaire,ilmesouritetjenepeuxqueleluirendreàtraversmeslarmes.Alors,iltendlesmains,commes’ildésiraitm’étreindre.Jen’attendspasunesecondeetmeprécipiteverslui.Avecl’énergiedudésespoir,jemejettedanssesbras.Aussitôt,illesrefermesurmoietmeserrecontreluiavecuneforcequimedonnelasensationd’étouffer.Iln’yaaucunautreendroitaumondeoù jevoudraisêtre.Leneznichédanssoncou, jehumesonodeur,celledesoneaudetoilettecitronnéeetaussicelleplussubtiledesoncorps.Pendantcetemps,les mains glissées dans mes cheveux, il ne cesse de m’embrasser le front et les joues. J’ignorecombiendetempsnousrestonsainsi,maiscequejesais,c’estqu’àunmoment,celanemesuffitplus.Alors, je lève la têteetposemes lèvressur lessiennes.S’ilacceptecetteétreinte,dansunpremiertemps,ill’esquivetrèsrapidement.Pourtant,jesuiscertainedel’avoirsentifrémiraucontactdemabouche.Jen’aipasrêvé.—Non,Madeleine.Cen’estpasunebonneidée.Viens,allonscheztoi.Jemetourneverslebanc,afinderécupérermesachats,etpournepasluimontreràquelpointjesuisdépitée.Sanstenircomptedemesprotestations,Nahelsaisitmespaniersetnousprenonsladirectiondemonappartement.Jen’oseriendire,ilvautmieuxattendred’êtreaucalmepourcela.Eneffet,iladroitàdesexcusesenbonneetdueforme.Lefaitqu’ilsoitarrivéimmédiatementmedonneunréelespoir,mêmesijemériteraisamplementunmanqued’indulgencedesapart.Enfin,jerefermelaportedemonstudioderrièrelui.Contrairementàlapremièrefoisoùilétaitchezmoi,jen’éprouveaucunegêne.En silence, je range les courses qu’il déballe tranquillement. Puis, nous nous installons à la table,devantuncaféquejeviensdepréparer.Auboutdeplusieursminutesdeblanc,jemerendscomptequ’ilnemefaciliterapaslatâche.Ilm’enveut,c’estévident,etàsaplace,jeréagiraissansdoutedelamêmemanière.J’aiétéminablesurcecoup.Alors,depeurdemedégonfler,jemelance.—J’aimeraisteprésentermesplusplatesetmesplussincèresexcusespourmoncomportementdecesdeuxdernièressemaines.Jecomprendraisparfaitementquetunemepardonnespas.—Jesuisici,non?Savoixn’estpasàproprementparleragressive,maisjesensqu’ilyadelarancœur.Sitelestlecas,pourquoiest-ilvenuencourant?—J’aimalréagietj’ensuisdésolée.—Qu’est-cequetufaisaislà-bas?Commentsefait-ilquetuaiesétédanscetteboîtedenuit?—J’avaissimplementenviedetefaireunesurprise.—Tuparlesd’unesurprise!Bordel,dessurprisescommecelles-là,jem’enpasseraisvolontiers!—Arrête,Nahel.Jet’aiditquejeregrettaisetc’estsincère.Qu’est-cequetuveuxquejefasse?Quejemerouleparterre?—Dequoies-tudésoléeaujuste?Ça,c’estlaquestionpiègeet,pendantuninstant,j’hésite,avantdedécréterquelavériténepeutpasêtrepirequen’importequelmensonge.—Jeregrettedet’avoirrejeté.J’aiétéchoquéeparcequej’aivu,c’estindéniable.Maispourautant,jen’avaispasàjugertaconduite.Cen’estpascommesinousétionsencouple,n’est-cepas?Tuesmonamietjedoist’acceptertelquetues,avectagentillesseettestravers.—Mestravers?J’ai l’impression qu’il est sur le point de s’étrangler. Les yeux grands ouverts, il me fixe avecconsternation.Mince,jecroisquej’aiencoregaffé.Précipitamment,jetentederectifierletir.— Ce n’est pas ce que je voulais dire. C’est juste que j’étais terriblement peinée, avoué-je, en

détournant le regard. J’ai conscience que je ne dois pas espérer autre chose que ton affection, quim’est très précieuse,mais c’est plus fort quemoi. J’aimerais t’avoir pourmoi toute seule. Je l’airéaliséquandjet’aivuaveccesfilles.Il ne répond pas et, cette fois, je suis mortifiée. Je viens de lui avouer à demi-mot que j’étaisamoureusedelui,maisilneréagitpas.Jecommenceàpenserquejeneluiplaisvraimentpas.—Tuterendscomptedurisqueinsenséquetuasprisenmontantdanscettevoiture?s’emporte-t-ilsoudain,enselevantetenmarchantdelongenlargedanslapièce.—Oui,je…jesuisdésolée,admets-je,têtebaissée.—J’étaisfouentevoyantpartiraveccesinconnus.Tuestropnaïvepourêtredansuntelendroit!Etqu’est-cequit’aprisd’agirainsi?Lechauffeurétaitàmoitiébourré,commelaplupartdeceuxquiserendentdansceclub.—Mais…—Ilauraitputevioler,ilauraitputetuer,ilauraitpu…jeneveuxmêmepaspenseràtoutcequ’ilauraitputefaire!assène-t-il,ensepassantnerveusementlamaindanslescheveux.—Pourquoiest-cequetuvasimaginerdesscénarioscatastrophes?Arrête,Nahel…—Parcequelesmecssonttousdegrosporcs,voilàpourquoi!—Sauftoi,jesuppose,rétorqué-jeavecironie,piquéeparsesreproches.—Moi,jesuislepiredetous.Jecroyaisquetul’avaiscompris.Biensûr,ilaraisonetj’aiconsciencequejen’aipasététrèsprudentel’autresoir.Mais,j’étaisdansuntelétatdedétresse,quejenesavaisplusexactementcequejefaisais.—Aucasoùtuneseraispasaucourant,jen’aipascinqans.Jenesuispasunegamineet,toi,tun’esnimonfrèrenimonpère.Alors,oui,ilm’afaitdesavancesetjelesairepoussées.Aupremierfeu,jesuissortiedelavoitureetjesuisrentréechezmoiencourant.Voilà,tuescontent?—Cequisignifiequetuétaischeztoiquandj’aitoqué.La résignation que je perçois dans sa voixme fait peur.C’est comme si tout était fini entre nous,commesienapprenantcela, ilavait subitement fait ledeuildenous,dece trucsi spécialquinousunit.Jesaisquenousnesommesquedesamis,ilnem’amêmejamaisembrassée.Pourtant,quandjepenseàluietmoi,c’estuncouplequejevoisetdesliensquivontbienau-delàdel’affection.Pourmoi, ilestévidentquec’estdel’amour.Seulement, iln’apasl’airdeleconsidérersouscetœil.Ettantqu’ilcontinueraàsecomporterengrandfrère,onn’avancerajamais.—Oui,j’étaislàetj’aitoutentendu.—Maistun’aspasouvert…—Non,mêmesij’enavaisenvie.Vraiment…—Alors,pourquoinepasl’avoirfait?—Parcequejet’envoulais.Jesaisquejen’enaipasledroit,quetueslibredefairecequitechante,avecquituveux.Maisj’étaischoquée,encolèreet…—Et?Cettefois,ilfautquejemejetteàl’eau,jedoisluirévélerlavérité.—Surtout,j’étaisjalouse.Oui,c’estexactementça.J’étaismaladedejalousie.À cet aveu, Nahel sursaute violemment et se fige. Quand il pivote vers moi, il a l’air totalementdésemparé.—Non,Madeleine!Tunedoispaspenseràmoidecettemanière.Jetel’aidéjàdit,jenesuispasbonpourtoi.Jeteferaidumaletjenesupportepascetteidée.Depuisquejel’aiappelé,j’avaisl’impressiond’êtresurmonpetitnuage.Maislà,l’atterrissageestbrutal.Mêmesijeluiplais,ilnetientpasàmoi,entoutcaspasassezpourdéciderdechangerson

modedevie.Etilsemblerésoluàgardersesdistances.Ilestd’accordpourjouerlesgrandsfrèresparprocuration,maispasautrechose.«Putain,c’estlamerde»,commediraitFred.Cetteconstatationmedonneànouveauenviedepleurer.—Trèsbien.Puisque tuneveuxpasdemoi, il n’ya rienàajouter, accepté-je enfin, lamortdansl’âme.—Arrête,Madie.Tusaisquetumeplais,maisjenepeuxpast’entraînerdansmonmonde.Etjenepourraijamaistedonnercequetuattendsdemoi.—C’est-à-dire?—Jeneseraijamaisamoureuxdetoi.Jen’aimepersonneetjerefusedet’infligerça.—Oh…Cettedéclaration est brutale et vise àme rebuter,mais ilm’en fautplus et j’ai de la suitedans lesidées.—Qu’est-cequetufaiscesoir?J’ail’intentiondel’inviteràdîner,deluimitonnerunbonrepasetdetenterdeleséduire.Toutefois,saréponsecoupeimmédiatementcourtàmesbeauxprojets.—Jemixe.Maisonpeutseretrouverdemain,situenasenvie.Jepensequecettepropositionveutavanttoutmedétournerdufaitqu’ilestauclubcesoir.C’estbienentenduliéàcequej’yaivu,maisjem’inquiètebienplusdecequ’ilpourraityfaire.C’estalorsquejemerappelledevoirretourneràlamaison,danslesVosges,demainmatin.Flûte,mesparents!Jelesavaistotalementoubliés.— Non, impossible. Mon père vient me chercher. Je resterai la semaine prochaine chez moi, àRochesson.Uninstant,jeréfléchis.Ilfautàtoutprixquej’agisse.Ilestsurlepointdes’enalleretjeneleverraiplusavantplusieursjours.Jerefusequeleschosessepassentainsi.— J’ai compris et je ne t’ennuierai plus avec mes avances maladroites.Mais, avant que je parte,j’aimeraisquetum’accordesunefaveur,uneuniqueetdernièrefaveur.—Toutcequetuveux.—Jesouhaiteraisquetum’embrasses.—Quoi?Non,Madie!Tun’asrienécouté?C’estpasvrai!—Sietjet’aiparfaitemententendu.Parcontre,jedésireunbaiser.Ceseraleseulentrenous,maisj’ytiens.—Pourquoi?C’estlàqu’ilvafalloirquejebiaise.Nahelesttrèsmalinetjedoistrouverunargumentquiporte.—Pourmeprouverquetun’esqu’unami,etquel’importancequejet’accordeestexagérée.Mêmes’ilsemblesedétendre,sonregardsoudaintristedémontrequemesparolesl’onttouché.—C’estvraimentcequetuveux?—Oui,vraiment.—Etaprès,c’estterminé,onnereparleraplusjamaisdetoutça?—Absolument.—Vienslà,murmure-t-il,avecunsourirecharmeur.Nahel paraît sûr de lui,mais c’est factice, je le remarque tout de suite.Ses yeux sont brûlants, sespommettesontlégèrementrosietsamaintremblequandilmefaitsignedelerejoindre.Avecunepromptitudequilefaitpouffer,jem’approche.Toutefois,ilavance,m’obligeantàreculerjusqu’à ce que je sois bloquée par le bar qui sépare le coin cuisine du reste de la pièce. Il nemepousse pas à proprement parler,mais la pression de son corps est de plus en plus insistante et je

commenceàensentirlescontours,cequimetroubleterriblement.Sonvisagedescenddélicatementvers lemien, tandisquesesmainsseplacentdepartetd’autredemoi,agrippantleplandetravail.Lesyeuxfixéssursoncou,jelevoisdéglutiravecdifficulté,puisplusrien.Mespaupièressesontfermées,dansl’attentedecetteétreintequej’espèredepuislepremierjour.Le premier contact de sa bouche sur la mienne est léger, presque timide. Il embrasse ma lèvresupérieure,puiscelledubas.Quandilrelèvelatête,j’aperçoistoutessortesd’émotionstraversersonregardincroyable.Ilsepencheànouveauetsaisitcettefoismalèvreinférieureentrelesdentspourlatirerdoucement.Cegeste,quipourraitparaîtreanodin,déclencheunetempêtedesensationsaucreuxdemon estomac.Ma peau se couvre de chair de poule et une part demon corps, dont j’ignoraisl’existence, située entre mes cuisses, se crispe douloureusement. De fait, je ne peux empêcher ungémissementrauquedem’échapper.C’estétrange, jenereconnaismêmepasmavoix.Pourtant,ceson semble lui faire perdre pied, car l’instant d’après, il presse furieusement sa bouche contre lamienne.Laseuleexpériencedubaiserque j’aieuem’a laissée indifférenteetplusdégoûtéequ’autrechose.Sauf que, cette fois, c’est différent. Mes lèvres s’entrouvrent d’elles-mêmes et ma langue vientimmédiatementàlarencontredelasienne.Lorsqu’ilcommenceàl’enroulerdoucementautourdelamienne,jeperdspied.Unouraganémotionnelestentraindesedéchaînerenmoi,mefaisantperdretoutenotiondel’endroitoùjesuis.C’estjuste…extraordinaire.Jeprésumaisqu’avecNahelceseraitquelquechose,maiscertainementpasaussiintense,aussiviolent.Il semble partager ce feu, car très vite, son corps se colle plus rudement contre lemien. Samainagrippemescheveux,lestireenarrièrepourm’obligeràleverlatêteetaccéderpluscommodémentàmabouche.L’autreseglissesousmontee-shirtetcaresselebasdemondos,avantdesaisirmesfessesetde lespressercontresonentrejambe.Jepeuxpercevoir,à traversnospantalons,sonsexeduretépais.Nouvelaffluxd’adrénaline.Cequ’ildéclencheenmoiesttellementincroyablequej’enaipresquepeur.Etpourtant,l’exaltationquicourtdansmesveinesestplusfortequen’importequoid’autre,dévastanttoutsursonchemin.Alors,àmontour,jeposemesmainssursonderrièrepourlesentirencoremieux.Entremesjambes,c’estunvéritablefeud’artifice.Nahelrelèvemacuisseetlapasseautourdesataille.Puis,ilcommenceàsefrottercontremonpubis.Oh,lasensationestjustedélicieuse,siexcitantequej’ensuisconfuse.Sabouchefinitparquitterlamiennepourseperdredansmoncouqu’ilsemetàlécherdoucementsansjamaiscesserdebouger.Jegémisànouveau,incapabledecontenirlesfrissonsquiravagentmoncorps.Ildoitaimercemurmure,caraussitôt,ilmesaisitparleshanches,mesoulèveetm’assiedsurleplandetravail.Puis,alorsqu’ilécartemescuissespourselogerentreelles,ilreprendmeslèvrespourunbaiser plus violent, plus dévastateur encore. Presque par automatisme, mes jambes se refermentautourdesatailleetleserrenttoujoursplusfortcontremoi.Sa main passe à nouveau sous mon pull et remonte vers mon torse, qu’il effleure doucement, àtraversladentelledemonsoutien-gorge.Durantuninstant,j’aipeurdesaréaction,carmapoitrineestloind’êtrevolumineuse.Jenesuispasàproprementparlerplate,maisenfin,j’aidepetitsseins,c’estunfait.Toutefois,celanesemblepasréellementluiposerproblème,puisqu’ilenempoigneunet lemassevoluptueusement.Aussitôt,monsangse rueentremescuisses,provoquantunedouleurpresque insupportable dans mon ventre. Ma culotte est trempée et le seul moyen d’apaiser montourmentestdeme frotterencoreplus fort, toujoursplusvitecontrecemembre, aussidurquedubois,quim’incendieau-delàdesmots.Jedevineàsonsoufflesaccadé,àsesgestesdeplusenplusfébriles,qu’ilressentexactementlamême

chosequemoi.Lapiècen’estd’ailleursplusenvahiequeparnosrespirationshaletantesetjetrouvecebruitaumoinsaussiexcitantquesescaresses.C’est alorsquemon téléphone semet à sonner. Jedécidede l’ignorer,mais cen’estpas le casdeNahel. Brusquement, sans crier gare, ses lèvres quittent les miennes. Il se redresse, me regardecommesij’étaisunesorcière,nesemblantpascomprendrecequis’estpasséetcommentleschosesont pudégénérer ainsi.En silence, ilm’aide à redescendre duplande travail et s’éloignedemoi,faisant troispasenarrière.Puis, ilsepencheenavant, lesmainsposéessursescuisses,commeuncoureurquireprendsonsouffleaprèsunmarathon.Monportableseremetàvibrer.—Tudevraisrépondre,dit-il,ententantderespirerànouveaunormalement.Celas’avèreégalementdifficilepourmoi.Jenesaispas,mais j’ai l’impressiond’êtrepasséedansl’œilducycloneet c’est tellementdéstabilisant ! Jenecomprendspascomment jepeuxmemettredanscetétatjusteaprèsunsimpleflirtunpeupoussé.Mapremièreexpérienceintimeavecungarçon,avecluienparticulier,vientdebouleversertoutesmescertitudes.C’estintense,violentetdévastateur.J’ai toujours pensé que l’esprit était plus fort que la chair et que la passion était synonyme defaiblesse.Oh,commej’étaisloindelavérité!

13Le téléphone s’arrête, pour se remettre à sonner aussitôt. Cette fois, je ne peux plus l’ignorer. Envoyantquiessaiedemejoindre,jesourisavectendresse,sousleregardscrutateurdeNahel.Ils’agitdeJoseph,mongrandfrère.Immédiatement,jedécroche.—Ah,ben,cen’estpastroptôt!s’exclame-t-ilavecemphase.Josephestunecrèmed’homme,lemeilleurtypedumonde.Sagentillessen’ad’égalequesadroiture.Oui,vraiment,c’estquelqu’undebien.—Salut,quesepasse-t-il?—Ilsetrouvequej’aipuavoirtroisjoursdecongé,doncjeretourneàlamaison.Quandmamanl’aappris,ellem’ademandédetechercher.Tucomprends,çaleuréviteradefairequatreheuresderoutedemain…—Oui,oui,pasdesouci.Quandcomptes-tuvenir?—Jesuisentraindemegarerenbasdecheztoi.—Quoi?Déjà?Maisjenesuispasprête!—Pasdeproblème,j’aitoutmontemps.Etcommeça,tupourrasmefaireuncafé,j’enaibesoin.Jesors d’une veillée de prières et je me sens un peu crevé. Du coup, si tu pouvais rouler, çam’arrangeraitbien.Dèsnotredix-huitièmeanniversaire,mesparentsont fait en sortequenous ayonsnotrepermisdeconduire tous les trois.Même si cela a représenté un sacrifice financier pour eux, ils partaient duprincipe que ça nous donnerait la possibilité d’être autonomes, à juste titre d’ailleurs.Personnellement,j’aiobtenulemiencetétéetjen’aipasbeaucoupd’expérience,maisj’adoreêtreauvolant.—Bon,tum’ouvres,sœurette?—Biensûr,toutdesuite.LorsquejemetourneversNahel, ilestentraindem’observer, lesyeuxplissés,sedemandantsansdoutequiestmoninterlocuteur.Aussi,jeluiexpliqueleplusnaturellementdumonde.—C’estmonfrère,Joseph.Ils’estmisd’accordavecmesparentsdemerameneraveclui,commeilretourneàlamaison.La sonnette de la porte retentit, nous faisant sursauter tous les deux.Hypnotisée par son regard siclair,j’aiperdu,durantquelquessecondes,toutenotiondelaréalité.Jemedirigerapidementversl’interphonepourouvrir,puisdécidedefaireunsautdanslasalledebainpourmerecoiffer.Lorsque jemevoisdans laglace, jesuisprised’unfourire.Mescheveuxsontenbataillecommesijevenaisdemelever,mesjouessontrougesetmesyeuxbrillentd’unéclatinhabituel.IlfautimpérativementquejeréparelesdégâtsavantqueJosephn’arrive.Jemedépêchedoncdepasserungantdetoilettehumidesurmonvisage,debrossermatignasseetdelatresser.Letout, sous le regard toujoursattentifdeNahelqui se tient sur lepasde laporteetneperdpasunemietteduspectacle.Etétrangement,celanemedérangepasdutout,aucontraire.J’aimel’admirationquejelisdanssesyeux.Ducoup,jenepeuxpasm’empêcherdeluisourire,simplementheureuse.— Je ferais sans doute mieux de m’en aller et de te laisser avec ton frère, murmure-t-il, en mecontemplant,commehypnotiséparleballetdemesdoigtsquinattentàtoutevitesse.

—Bien sûrquenon, protesté-jevivement. Je serais raviede te le présenter, il est super sympa, tuverras.—Mad,jen’aimeraispastemettredansunesituationgênante,vis-à-visdetafamille.—Etceneserapaslecas.Jen’aipashontedenotreamitié,j’ensuistrèsfière.Nahel,jet’aiassuréquejeneteferaiplusd’avancesetjetiendraiparole,maisnousrestonscopains.Etpuis,Josephestladiscrétionmême.C’estungarçonformidable,tuverras.Ilfaitunepetitegrimace,vaguementsceptique.Jenecomprendspaspourquelleraisonilréagitdecettemanière.Jen’airienàcacheretlemettreàlaportemaintenant,ceseraitreconnaîtrequej’aideschosesàmereprocher.Or,mêmenotrebaiser,quiaquelquepeudérapé,nemedonneaucunregret.Nousn’avonsrienfaitdemal,nousnoussommesjustelaissésemporterparnossentiments,etjenevoispascequ’ilyaderépréhensibleàcela.Detoutefaçon,ilesttroptard.Jel’entendsdéjàapprocherdanslecouloir.Nahelreprendsaplaceàtable, devant son café, après s’être passé la main dans les cheveux. Aumoment où je termine demaintenirmanatteàl’aided’unélastique,Josonneàlaporte.Rapidement,jetiresurmontee-shirt,lissemonpantalon,inspireungrandcoupetdéverrouille,toutsourire.Inconscientdemonmalaise,Josephs’avanceversmoietm’enlacepourmeserrertendrementdansses bras, comme il le fait chaque fois. Lui etmoi sommes très proches. Sans doute est-ce dû à latolérance et à l’ouverture d’esprit dont il fait preuve, quelle que soit la situation. C’est pour cetteraisonquejen’aiaucunegêneàluifairerencontrerNahel.Lorsqu’ilserendcomptequ’ilyauninconnuassisàmatable,monfrangins’écarteetmeregarde,l’airinterrogateur.Toutefois,monDJselèveets’avanceversluiensouriant,lamaintendue.—Salut.—Salut,répondJo,enacceptantsapoigne.—Joseph,permets-moideteprésentermonamiNahel.IlestégalementétudiantàStrasbourg.Nahel,voicimongrandfrèreJoseph.—Enchanté,Joseph.—Bon,jevouslaissefaireplusampleconnaissance.Ilfautquejepréparemesaffaires.Jo,tusaisoùsetrouventlesdosettespourlecafé.—Ah,parcequetunem’enaspasfait?Oh,maisc’estquoiceservice?—Désolée,tuesarrivétropvite.Àtoutdesuite,soyezsages,lesgars…Jequitteaussitôtlapiècepourrassemblermeseffetsdanslasalledebain.Lelingesuspendudansladouche n’est pas encore sec. Par conséquent, je suis obligée de le plier pour le mettre dans unebassinequej’emporteraichezmesparents.Jenepeuxdécemmentpaslelaissertraînericidurantunesemaine.J’essaietantbienquemaldetendrel’oreillepourentendrecequiseditàcôté,maisilsparlentàvoixbasseetjen’arrivepasàcomprendre.J’espèrejustequetoutsepasserapourlemieux.

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NahelLorsqueMadiequittelapiècedansuntourbillon,jem’installeànouveauàlatable,malàl’aise.Enfait, pour être tout à fait honnête, je suis super perturbé.Le baiser que j’ai échangé avec ellem’acomplètement retourné le cerveau. Pourtant, je savais depuis le début qu’il s’agissait d’une erreurmonumentale.Jamaisjen’auraisdûaccepter.Maislavérité,c’estquej’enmouraisd’enviedepuisdesjours.Oh,bonsangdemerde,quandellem’aappelé,j’aisentilachapequimecomprimaitlapoitrinedisparaître comme par miracle. Depuis plus de deux semaines, j’étais à côté de mes pompes,assomméparlesévènementsdecefameuxsamedisoir.Avecunfrissondedégoût, jerepenseàlascènequiaeulieucettenuit-là.J’étaisdansmaloge,entraindemetaperdeuxnanas,cequin’ariend’exceptionnelquandonmeconnaît.Lepire,c’estquejen’en avaismême pas réellement envie, simplement j’étais défoncé et j’avais besoin d’un dérivatif.Pourquelleraison,medirez-vous?Justeparcequelaseulefillequejevoulaisréellementétaitcellequejenepouvaispasavoir.Clairement,depuislepremierjour,Madiemeplaîtplusquederaison.Lanouveauté,c’étaitquepourla première fois, je respectais assez une femmepour refuser de jouer avec elle, comme je le faishabituellement.Jesavaisque je ladésiraisplusqu’aucuneautreavantelle,etchaquemomentpasséàsescôtésmeconfortait dans cette impression. Mais, paradoxalement, plus j’avais envie d’elle et plus mamotivationdenepasvouloirlablesserétaitdécuplée.C’étaithorriblementdifficile,maisj’arrivaisàsurmontercelaenfaisantpreuved’unevolontéetd’uneinflexibilitédontj’ignoraisêtrecapable.Bref,àsoncontact,jemesentaisunmecmeilleuretcesentiment,quejen’avaispasressentidepuistantd’années,étaitplusimportantquetoutlereste.Jenevoulaissurtoutpasenêtreprivé.Quandonseprend pour un ignoblemonstre raté pendant si longtemps, le jour où on a à nouveau la sensationd’êtrequelqu’un,ons’yaccroche,commeunnaufragéàunboutdeboisflottant.Oh,jen’ignoraispasquejeluiplaisais.Maispourautant,j’étaiscapabledenepascéderàlatentationetcelamepermettaitderetrouverunpeud’estimedemoi-même.Seulement,aprèsledînerquenousavonspartagéchezelle,j’aicomprisquemondegréderésistanceavaitatteintseslimites.Cesoir-là,lesmainsmedémangeaientdelatoucher,mapeaubrûlaitdesentirsoncontactetmaqueueétaitrestéeaugarde-à-vouspendantdesheures.Ilfallaitdoncquejeprennemesdistances, c’était indispensable.Maiscommentaurais-jepu imaginerqu’elleviendrait auclub,deuxjoursplustard?Etjusteaumomentoùjevoulaisl’oublierenmetapantd’autresnanas.C’estbienledernierendroitoùjedésiraislavoir!Madieestunepetitefille,uneâmeetuncorpspurs,ellen’avaitrienàfairelà-bas.Danssesyeux,j’ailul’horreur,latristesseet,pirequetout,ladéception.Ellemeconsidéraitcommeun prince charmant et elle a fini par me regarder tel que j’étais : un putain de salaud égoïste etpervers.C’était insupportable et ilm’a semblé que tout s’écroulait autour demoi, quand elle s’est

enfuie dans la voiture de cet inconnu. Je n’arrêtais pas deme répéter que s’il lui arrivait quelquechose, ce serait ma responsabilité. Uniquement de ma faute à moi, comme avec Sami. Le mêmecauchemarqu’autrefois.Fred a eu toutes les peines du monde à me calmer et n’y est jamais réellement parvenu. Je suisd’abordretournédansmalogepourl’appeler.Commeellenerépondaitpas,j’aitoutsaccagésousleregard effarédemes amis.Ensuite, quand j’ai compris que cette pétassedeStella avaitmanœuvrépourqueMadiemedécouvredanscetteposition,jel’aitraitéedetouslesnoms,jeluiaibalancélespiresinsultesquejeconnaissaisetjepeuxvousassurerqu’ilyenaunpaquet.Jen’aijamaisfrappéunefemmedemavie,maisjejuredevantDieuquecesoir-làj’étaisàdeuxdoigtsdeluimettreunetrempe.Cen’estquel’interventiondumecduserviced’ordrequim’enaempêché.Etc’estluiquil’aprise, toutbaraquéqu’il était. J’étais comme fou, totalement incontrôlable.Résultat : j’aiprovoquéunebastonauclubetc’estFredquim’aquasimenttraînéversmabagnole.Là,j’airoulécommeunmaladepourrejoindresonappartement.Etquandellen’apasouvert,j’airefuséd’imaginerqu’elleétait chez elle et ne voulait pas me parler. Mais Fred ne cessait de me dire qu’il était certain ducontraire.Au bout du compte, ilm’a tiré jusqu’à l’extérieur, parce que les voisinsmenaçaient d’appeler lesflics,etc’étaitlederniertrucdontonavaitbesoin,surtoutencemoment.Là,vousmecroirezoupas,lorsquejesuisretournédansmavoiture,j’aichialécommeungosse.Jenesaispas…J’avaiscommel’impression d’avoir cassé quelque chose d’infiniment précieux et de ne plus jamais pouvoir leréparer.Jeseraisincapablededirecequimepousseverscettenana.Toutcedontj’aiconscience,c’estquedepuislejouroùj’aiposémonregardsurelle,lapremièrefois,j’aisentiqu’ilsepassaituntruc.Elleestsispécialeàmesyeux.Cequej’aiexpliquéàFred,cettenuit-là,estabsolumentvrai.Jerefusedelatoucherparpeurdelasalir,parcequedansmongenrejesuisbiendégueu.Après ça, j’ai téléphoné chaque jour, j’ai sonné chez elle tous les soirs. J’aurais pu la choper à lasortied’uncoursetj’aid’ailleursfaillilefaire,maisjenevoulaispasqueleschosessepassentainsi.Dansmonespritenfuméparladrogue,jetendaislamainetc’étaitàelledefairelepassuivant.Jenesuispas totalementdemeuré, j’aiparfaitement comprisqu’ellem’évitait.Mais jenepouvaispas laforceràrevenirversmoi.Non,pasça,toutsaufça.Il neme restait plusqu’àpatienter.Et pour attendre, j’ai attendu.Pasdeux jours, pasune semaine,maisdeuxsemaines.Deuxputainsdesemaines!Alorsquej’étaisentraindemefairetoutdoucementà l’idée que c’était cuit, elle m’a appelé cet après-midi. Elle était tellement bouleversée qu’ellen’arrivait pas à parler. Tout ce que je pouvais entendre, c’était ses sanglots déchirants qui mefendaientlittéralementlecœur.S’ilyenabienunequejenesupportepasdevoirpleurer,c’estelle.Évidemment,jemesuisprécipité.Commentaurais-jepufaireautrement?Jel’aitrouvéeeffondrée,amaigrie,entraindechialercommeunegamine.Quand je l’ai raccompagnée, je n’avais pas l’intention de lui faciliter les choses. Elle avait admisavoirmalagi,maisçanemesuffisaitpas.Ensuite,elleaclairementavouéquesaréactionavaitétédictéeprincipalementparlajalousie.Surl’instant,j’aiétéflattéd’entendreça,avantdemerappelercequejem’étaispromisdepuisledébut:Madeleine,pastouche.Quandelleademandéunbaiser,j’auraisaiméavoirlaforcederefuser,maisj’enétaisparfaitementincapable.Alorsoui,moiaussi,jevoulaissavoircequeçapouvaitfairedel’embrasser.Jedésiraisunefois,uneseule,larespirer,lacaresser.Maiscequi,àlabase,devaitêtreuneétreintesommetouterelativementchaste,s’esttransforméenquelquechosedetorridequejen’aipasanticipé.Putain,çanon,j’airienvuvenir,sinonjeseraispartiencourant.

Parce qu’à partir de maintenant, la donne change considérablement. Comment puis-je me teniréloigné d’elle, alors que je ne rêve que d’une chose, c’est de la reprendre dans mes bras, del’embrasserjusqu’àcequ’elleaitdesampoulessurleslèvresetlalangueencompote?Oh,merde!Comment pourrais-je me passer de cette sensation, si extraordinaire, qu’elle me fait ressentir ?J’avais l’impressiond’êtreun surhomme,unêtre exceptionnel, celuique jen’aurais jamais espéréêtre,ettoutçasanscame.MadeleineGrangierestunmiracle,unange.Monmiracleàmoi.J’ailesentimentqu’elleaétécréée,qu’elleestvenueici,dansunseulbut:celuidemesortirdesténèbres,demetirerdelamerdedanslaquelle j’évoluedepuis si longtemps.Ceci dit, cedont nul n’a conscience, c’est que c’estmissionimpossible.Riennipersonnen’estcapablederéussiruntelchallenge,pasmêmeDieu.La part sombre qui est en moi depuis toujours, tapie dans l’ombre, a pris tant d’importance cesdernièresannées,qu’iln’yaplusrienàfaire.Iln’empêchequejem’accrocheàlalumièredeMadie,jelalaissem’éclairertoutdoucement,justepourmeréchaufferunpeu,medonnerl’impressionquejenesuispascomplètementmort.—Alors?Commeça,vousêtesamis?LesparolesdeJosephm’obligentàémergerdemespensées,mefaisantrevenirsurterre.—Oui,biensûr.Jepréfère resterprudent. Iln’estpasquestionque jedévoilequoiquece soit à son frère. Jene leconnaispaset, rienqu’à l’observer, jepeuxaffirmerdeuxchosessansme tromper : ila l’airpluspsychorigide quemon père, ce qui n’est pas peu dire, et il est gay.À voir lamanière dont ilmeregardeenbavant,aucundouten’estpossible.—Jenesaispaspourquoi,mais j’aibeaucoupdemalàycroire,poursuit-il, les joues légèrementrosiescommes’ilétaittroublé.Jesouris,lesyeuxplissés,encomprenantquejelefaisbander.Jeluiplais,c’estévident.Maisjenesuisabsolumentpasintéressé.Montruc,c’estlesnanas,donconpeutconsidérerquejesuishétéroàcentpourcent.Iln’yajamaiseulemoindredouteàcesujet.Saufquelàoùmoijerevendiquemespenchantssexuels, luin’apas l’aird’assumer lessiens.C’est fort regrettable,carhormis le rendremalheureux, jenevoispascequeçapeut luiapporter.Maisjeprésumequesafamillen’estpasdecellesquiacceptentfacilementcegenredesituation.—Pensecequetuveux,jem’entape.—Écoute, je teconnais. Je saisqui tuesetquelleest ta réputationavec les filles.Aucasoù tuneseraispasaucourant,j’aiétéétudianticijusqu’àcetété.Maistunem’asjamaisremarqué,n’est-cepas?D’ailleurs,pourquelleraisonl’aurais-tufait?Jerêveouc’estdeladéceptionquejeperçoisdanssavoix?Merde,ilnemanquaitplusqueça!Quele frangindemonangeblondaitouait eu lebéguinpourmoi ! Jen’en revienspas,mêmesi j’aiconscienced’êtredanslevrai.Ilestcommesasœur,incapabledecachercequ’ilressent.— Je ne vois pas le rapport entre les ragots qui circulent àmon sujet etmon amitié pourMadie,murmuré-je,occultantvolontairementsaquestion.Après tout, qu’est-ce que je pourrais dire d’autre ? Que non, je ne l’ai pas remarqué, parce quecontrairementàluijenesuispaspédé?Commeentréeenmatière,ilyaplusdiplomate.Etpuis,jen’aipasenviedelamettredansl’embarras.Ceciétant,jesuisétonnédunaturelaveclequelellem’aprésenté.Jeveuxdirequeriennepourraitlaisserdevinerqu’ilyaàpeinedixminutes,nousétionsentraindenousembrassercommedesfousetdenouspeloterfurieusement.J’aimeautantnepasimaginercequiseraitarrivés’iln’yavaitpaseucetappel.Jeneferaipaspreuved’assezdemauvaisefoipourprétendrequej’auraisétécapabledetoutarrêter.

Jesaistrèsbienquec’estfaux.Or,elleadroitàbienmieuxpoursapremièrefoisqu’unpetitcoup,tiré vite fait, avec un cynique dansmongenre.Donc, note pourmoi-même : ne plusm’approcherd’elledanslesprochainstemps.C’estlameilleurechoseàfairepourtoutlemonde.—Jenet’imaginepastecontenterd’uneamitiéplatoniqueavecmasœur.J’aidesyeux,tusais…Aussitôt,jemecrispe.Est-cequececrétinauraitremarquéquelquechose?PaschezMadie,c’estsûr,maispeut-êtrequec’estmoiquiaidéconné.—Cequiveutdire?—Elleesttrèsbelleetattiranteégalement.—Etalors?—Tuasenviedetelafaire.C’estévident.Cettefois,çasuffit.Jerefusequ’ilqualifienotrerelationdecettemanièreet,surtout,qu’ilparledemonangeblondcommesielleétaitunobjet.—Madeleineestmagnifique,c’estvrai.Maiselleestaussipureetsage,etjelarespecteinfiniment.Situneveuxpasmecroire,c’esttonproblèmeetjen’essaieraipasdemejustifier.J’aimebientasœur,maiscen’estpaslegenredefemmequejefréquente.D’ailleurs,situestellementaufaitdemavie,tudevraisl’avoircompris,répliqué-je,avecunprofondméprisdanslavoix.—Alors,pourquoitraîneravecelle?Resteaveclesgensdetonmonde.Aufait,luias-tuparlédetaréputation?Luias-tufaitpartdetonsurnom?interroge-t-il,d’unairsipéremptoirequej’aienviedeluiencollerune.Têteàclaques,pensé-je,sans toutefoispipermot.Persuadéquec’est luiquidomine lasituation, ilarbore un sourire niais quimehérisse le poil. Putain, les doigtsmedémangent de lui foutremonpoingdanslagueule.—Enquoiest-cequeçalaconcerne?murmuré-je,suruntonmielleux.S’ilmeconnaissaituntantsoitpeu,ilseméfierait,carquandjeparleainsi,celan’augureriendebon.Jereprendsunpeuplusbas,pourêtresûrqueMadienem’entendrapas,depuislasalledebainoùellesetrouve.—Etsituesmalin,tunedirasriennonplus.—C’estmasœur,etjemedoisdelaprotégerd’individusdetonespèce,argue-t-il,sansbaisserlesyeux.Cettefois,çasuffit!Ilmefaitvraimentchieravecsesairssupérieurs.Quelrelou,cemec!Ilfautquejeluiclaquelebeignet,histoirederemettrelespendulesàl’heure.— Très bien, parle-lui également de tes penchants au passage. Je suis sûr que ça l’intéresseraitbeaucoup d’apprendre que son frère, si pieux, est en réalité une tafiole qui bande rien qu’en mematant.—Maisque…Il s’interrompt brusquement,Madie vient de ressortir de la salle de bain. Inconsciente dumalaiseambiant,ellesedirigeenchantonnantverssonsacdevoyage,posésur le lit,unebassinede lingesouslebras.Joseph est rouge commeune tomate et son regard est réellement effrayé à l’idée qu’il puisse êtredémasqué.Ilestdecesgensquiimaginentquel’homosexualitéestunetare.Quelconnardarriéré!Melevant,j’approchedeMadeleinequisetourneimmédiatementversmoi,lesyeuxbrillants,etunsourireravissantauxlèvres.—Jevaisrentrerchezmoi.Bonnesemaine.Jet’appellerai,d’accord?Avecprécaution,etparcequejesaisquel’autretrouducneperdpasunemiettedelascène,jel’enlaceparlesépaulesetluiplantedeuxbisessonoressurlesjoues.Jesuisobligédeprendresurmoipour

nepasmeprécipitersurelleetluiroulerunepellejusqueparterre.Rienquederespirerleparfumdesescheveuxmefaitbandercommeunmalade!— Attends, j’ai fini ! Nous allons partir aussi. Tu me donnes un coup de main pour porter mesaffaires?Elle est tellement mignonne, qu’évidemment je ne peux rien lui refuser. Comment en serais-jecapable,alorsquejemesensfondredèsqu’ellemeregarde?Putain,jecroisquejesuisdansunedecesmerdes!—Joseph,tuasterminétoncafé?questionne-t-elle,enpivotantverssonfrère.Cedernier,encoresouslechocdecequejeviensdeluibalancer,selèveetsedirigeverslaported’entrée.Aussitôt,jem’approchedelatableetprendsnosdeuxtassespourlesrincer.Sombreabruti,mêmepasfichudelaversonmug!Leregardreconnaissantdemonangeblondestjusteunemerveilleuserécompense.Jesaisissonsacdevoyage,ainsiquesabesace.Toujoursencombréedesabassinedelinge,ellemesuitetfermesonappartement.Jel’aideàrangersesaffairesdanslecoffre,avantdemetournerverssonfranginàquijeserrelamainàcontrecœur,unpeutropfortd’ailleurs.Puis,parcequej’aibesoindemadosedeMadiepourlasemaineàvenir,jelaprendsdansmesbraspourl’étreindred’unpeutropprès,maisjem’enfous,etl’embrassersurlefront.Elle rougit, troublée, et j’ai plaisir à comprendre qu’elle aimemon côté protecteur,même si j’aiconsciencequ’ilnefaudrapaslongtempspourqueçalagonfle.Jemeconnaisetjesaisquejepeuxrapidementdevenirétouffant.— Envoie-moi un texto pour me confirmer que tu es bien arrivée, murmuré-je, le nez dans sescheveuxpourreniflerunedernièrefoissonparfum,commeleferaitunanimalavecsafemelle.Elle rit doucement, m’indique qu’elle le fera d’un signe de tête et, après un ultime au revoir,s’engouffredans lavoiturede son frèrequidémarreaussitôt.C’est àcemoment seulementque jeréaliseàquelpointellevamemanquerdurantlesseptjoursàvenir.

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MadieÀlatêtequefaitJoseph,jesaisdéjàqu’ilvamepasserunsavon,parcequ’unmecsetrouvaitdansmonappartementquandilestarrivé.J’aibienremarquéquec’étaittenduetquel’ambianceétaitplutôtélectrique. J’ai préféré l’ignorer, car je ne voulais pas mettre de l’huile sur le feu. Mais cela nesignifiepasquejenesuisconscientederien.Et, effectivement, nous n’avons même pas encore accédé à l’autoroute, que l’interrogatoirecommence.—Qu’est-cequecegarsfaisaitcheztoi?— C’est mon ami, Joseph, et je ne te permets pas de supposer autre chose, me rebiffé-je, en lefusillantduregard.MêmesiNahel estunhommesulfureux, jen’accepterai jamaisque le lien si spécialquinousunitpuisseêtre salidequelquemanièrequecesoit.Depuisque jevisàStrasbourg, il a toujoursété làpourmoi,n’endéplaise.—Tuconnaissonsurnom?interrogemonfrère,quinecachepassonscepticisme.—Oui,c’estchaudlapin,j’admets,meremémorantlesparolesdelafilleàl’arrièredelavoiture,lesoiroùjel’aisurprisaveccesdeuxnanasauclub.—Etçanetedérangepas?—Non,pasdutout.Nahelestunami,pasmonamoureux.Ilfaitcequ’ilveutdesesfesses.Cettefois,j’aichoquéJo.Maisaprèstout,s’ilfautçapourqu’ilmefichelapaix,pasdeproblème,j’yconsens.Jenepeuxm’empêcherdesongerégalementquesij’avaiseuceraisonnement,ilyadeuxsemaines,jemeseraisévitébiendestourments!Enfin,cequiestfaitestfaitetilm’estimpossiblederevenir enarrière.Mais jepeuxquandmêmem’améliorer et soutenirNahel comme j’auraisdû lefairedèsledébut.—Madie,cetypeaindéniablementunemauvaiseinfluencesurtoi.Et,durantl’heurequisuit,ilmefaitunsermonsurlafoi,l’importancederespecterlespréceptesdel’Église,lapuretéetlachasteté.Jel’écouteavecunepatiencequidevraitmevaloirlacanonisation,voirelabéatification,faisantdemoi une Sainte. Toutefois, àmesure que nous approchons de lamaison, l’agacement et la colèreprennent le dessus. Aussi, quand je comprends qu’il s’apprête à en remettre une louche, jel’interrompssansménagement.—Jo,maintenant,çasuffit!Tuarrêtestoutdesuite!Ilyaenvirontroissemaines,j’aiétémalade,commed’habitude.Monfrèreestaucourantdemes troublesgynécologiques, jepeuxdonc luienparlerouvertement,mêmesijelesensquelquepeugêné.—Nahelaété leseulàs’inquiéterpourmoi, leseulàessayerdeme joindrequand ilapenséquej’avaisbesoind’aide.C’estungarçontrèsbien,ettuneleconnaispas.Alors,arrêtedepaniquer.Jene

l’attirepas,c’estclair?—Qu’ensais-tu?—C’estluiquil’aaffirmé.Ilmeconsidèreunpeucommesapetitesœuretriendeplus.Ilaimelesfemmesdévergondées,quin’ontpasfroidauxyeux.Ettusaisparfaitementquejenesuispascommeça.Alors,maintenant,queleschosessoientfranchementdites.Machastetén’estpasàmettreendouteetmavirginitéesttoujoursd’actualité.Parcontre,jet’interdisd’enparlerauxparents,sinonjejurequejetemaudiraijusqu’àlafindestemps.Aussitôt,monfrèresesigneetmejetteunregardnoir.Maisjem’enfiche,jen’aistrictementrienàmereprocher.Biensûr,etpourlapremièrefois,jeneracontepastout.J’aigardépourmoil’épisodedubaiser.C’estmonjardinsecretet,surtout,çaneleconcernepas.Pasplusquemesparents.Ilsnepourraientpascomprendrelabeautédecequivousunit.—C’estbon,jeneleurdirairien,tantqueleschosesrestentenl’état.Maissijedoispenserqu’ilestentraindetepervertir,jen’auraiaucunehésitation.C’estclair?—Çan’arriverajamais,alorscalme-toietfais-moiconfiance.Pourunefois,arrêtedemeprendrepourunegamineécervelée!Jetejurequeçanousferaitdubienàtouslesdeux.—Nejurepas!C’estunpéché.—Oui,monPère,bienmonPère,pardonmonPère.Jepensesincèrementqu’iln’ajamaisimaginéquejeluitiendraistêtedecettemanière.Letruc,c’estqu’ildoitcomprendrequej’aigrandietquejesuisassezmaturepourfairemespropresexpériences,sansmemettrenécessairementendanger.C’estmavie,aprèstout.Heureusement que nous arrivons àRochesson, parce que si j’avais encore dû supporter un de seslaïus pendant un quart d’heure supplémentaire, je crois que jeme serais jetée par la fenêtre de lavoiture!Quand je passe le pas de la porte de notremaison et quemamèreme serre dans ses bras, j’ai lesentimenttrèsétranged’êtrepartied’icidepuisdeslustres,alorsquecelafaitàpeinedeuxmois.Jesuisraviedelesrevoir,carjelesaimeprofondément,maisunepartiedemoiauraitpréféréresteràStrasbourgaveclui.Jeprofitedem’êtreisoléeauxtoilettespourluienvoyeruntexto«Jesuisarrivéesansencombre,sicen’estlesermonsoporifiquedemonfrère.Tumemanquesdéjà.Jet’embrasse.Madie».Ensuite,jeplanqueletéléphonedansmachambre,aprèsl’avoirmisenmodesilencieux,etpasseunesoiréeagréableencompagniedemafamille.Josephsecouchetôt,carc’estluiquiofficierademainmatinàlamesse.D’ailleurs,cheznous,onnevapasaulittardetonselèveauxaurores.C’estainsi.Deretourdansmonantre,aprèsavoirprisunedouchesalutaire,jemeprécipitesurmonportable.Jesuis presque déçue de constater qu’il n’a pas répondu.Mais, après tout, lorsque j’ai envoyémonmessage,ildevaitdéjàêtreenroutepourleclub.Je n’aime pas l’idée qu’il soit là-bas. Cet endroit est lié à de trop mauvais souvenirs pour moi.Toutefois,jemefustigeaussitôt.Nahelestmonamietriendeplus.J’airéussiàluiarracherunbaiserenm’engageantàneplus leconsidérerautrement.Saufque,bienévidemment, j’en suis totalementincapable.Pourtant,jevaisdevoirm’yefforcer,carjen’aipaspourhabitudedefailliràmaparole.Ilmefautlongtempspourm’endormir,metrouvantdansunétatdefébrilitéextrême.Nonseulement,je suis déprimée, parce qu’il me manque, mais en plus je suis excitée comme une puce en merappelant notre étreinte. Pour ne rien vous cacher, ce souvenir tourne en boucle dans ma tête. Etcommesicelanesuffisaitpas,jesuisinquièteàl’idéequ’ilpuisses’envoyerd’autresfillesou,pireencore,tomberamoureuxdel’uned’entreelles.Merde,jel’aivraimentdanslapeau!Lefaitestquej’ail’impressionden’avoirpaseumadosedeNahel,alorsquependantdeuxsemaines

jenel’avaispasvu,tropaveugléeparcettecolèreaussistupidequ’injustifiée.Notepourmoi-même:prendre un dessert supplémentaire pour Sophie, en guise de remerciement. Elle m’a peut-êtreengueulée,maisentoutehonnêteté,jeregrettequepersonnenel’aitfaitplustôt,carcelam’afaitunbienfou.Le lendemain matin, lorsque je me réveille à six heures, mon premier réflexe est de saisir monportable.Etlà,oui,effectivement,ilyabienuntextodel’objetdemespensées.Nahel:«Contentdel’apprendre,monbelangeblond.Àtrèsbientôt.»Mouais, cen’estpasexactement ceàquoi jem’attendais,mais je supposeque jevaisdevoirm’enaccommoder.Ets’ilm’aqualifiéedebelangeblond,jesensqu’ilessaiemalgrétoutderemettreunecertainedistance.Sansdouteveut-ilquejecomprennelemessage,mêmesij’aitouteslespeinesdumondeàintégrercetteidée.Nousnesommespasuncoupleetilvafalloirquejem’yfasse.Leplusviteseralemieux.

***Lesjourssuivantssedéroulentunpeusurlemêmeschéma.Famille,église,maison.Chaquematin,jerédige un SMS à l’attention de Nahel pour lui souhaiter une belle journée. Ses réponses sontlaconiques, quand il daigne le faire. Finalement, le mardi, je jette l’éponge et décide de garderégalementlesilence.J’aurais dû agir ainsi bien avant, car dès le début d’après-midi, il m’envoie un texto pour medemandersijevaisbien.Jem’obligeàdemeurermuette.Lemercredimatin,ilmerecontacteenmepriantdelerappelerensoirée.Saufqu’aujourd’hui,justement,mesparentsreçoiventmesoncles,lesfrèresdemonpère,avecleursépouses.Jenepourraiparconséquentpasmelibérersifacilement.Joseph est reparti lundi et, pour la première fois, j’ai été contente qu’il ne reste pas. Son regardinquisiteurmepesaitvraiment,commes’ilmesurveillaittoutletemps.Jesaisqu’iln’arienditàmafamille,ilétaitdoncimpératifdenepaséveillersaméfiance.Jen’oubliepasqu’ilamenacédetoutleurrévélers’ilpensaitqu’ilyavaitunsoucipourmoi.Versdix-huitheures,lorsquelesinvitésarrivent,ilnem’estpluspossibledem’isoler.Jevaqueentrela cuisine et la salle àmanger, mais je ne reste jamais seule. Le téléphone est dansma chambre,histoiredenepastropattirerl’attention.Chezmoi, lorsque les gens viennent tôt, eh bien, ils repartent tôt également. Peu avant vingt-deuxheures,toutlemondelèvelecamp,cequin’ariend’étonnant.Pourtant,lerepasm’aparudureruneéternité.Pourfaireavancerleschoses, j’aipassémontempsdanslacuisineàfairelavaisselleetàranger,demanièreàpouvoirretrouvermonlitauplusvite.Laseulebonnenouvellede la soirée, c’estquema tantedoit se rendreàStrasbourgchez sa sœur,vendredi après-midi.Elle a doncproposédem’y emmener, afind’épargner àmesparents plusdequatreheuresde trajet,dimanche.J’ai faitcellequiacceptaitavec regret,maisdans le fond, j’étaistrèscontentederepartirplustôt.Cen’estpastantquejen’aimepasêtreici,aucontraire.Seulement,alorsquecelanemedérangeaitjamais,l’ennuiafiniparmepeser.ÀStrasbourg,toutestdifférent.Rienqu’enregardantparlafenêtre,jem’occupe.C’estétrange,cetteimpressiondéstabilisantedeneplusmesentircomplètementchezmoidansnotremaisonfamiliale.Etpuis, les problèmesde ciergesqui ne sont pas livrés à temps, d’ampoules à changer à l’église, ehbien, c’est tellement éloignédemesproprespréoccupations,que j’ai toutes lespeinesdumondeàm’yintéresser.Lorsqu’enfin tout est en ordre et que je peux regagnerma chambre tranquillement, il est près de

vingt-troisheures.Surmontéléphone,troisappelsenabsenceetuntexto:«Pourquoineréponds-tupas?Jem’inquiète».Aussitôt,jeluiadresselemessagesuivant:«Pasdepanique,monsieur l’inquiet.Repasde famille, impossibledemelibérer.».L’instantd’après,monmobilevibre.C’estlui.Fébrile,jedécroche.—Salut,Nahel.—Salut,monange.Toutvabien?—Oui,évidemment.Ettoi?—Écoute,çabaigne.Tureviensquand?—Tut’ennuiesdéjàdemoi?murmuré-je,enriant.—Biensûr,toujours.Alors?—Bonnenouvelle,jeseraiàStrasbourgvendrediendébutdesoirée.—Super!—Onpourrasevoirsituveux,glissé-jed’unevoixpleined’espoir.—Hélas,çamesembledifficile.Jemixevendredietsamediexceptionnellement,etdanslajournée,j’auraideschosesàfaire.—Oh,d’accord.Malgré tous mes efforts, la déception pointe dans ces deux mots. C’est plus fort que moi, j’aitellementenviedeleretrouverquej’aicru,uninstant,quecebesoinétaitréciproque.Jemesuisbiengourée!—Tum’invitesàdéjeunerdimancheàmidi?J’apporterailedessert,situveux.—Trèsbien.Àdimanchealors…—Madie,qu’est-cequinevapas?—Riendutout.C’estparfait.Bonnenuit.Je raccroche sans lui laisser le temps de protester. Déjà, les larmes coulent sur mes joues.Mais,mincealors,qu’est-cequim’arrive?Depuisquandest-cequej’ailesnerfstellementàfleurdepeau?Avecrage,j’essuiemespleurs.Ondiraitunemômequichiale,parcequ’ellen’apaseudeglaceaumagasin!Soudain,saisied’undoute,jemeredresseetmeprécipitesurmonagenda.Fébrilement,jecompteetjerecompte.Ahnon!Pasdéjà!Voilàpourquoijemesuissistressée.Syndromeprémenstruel.Saufqu’encequimeconcerne,celasignifiecinqjourspleins,àresteralitée,sansmanger,avecdesallers-retoursverslasalledebainetunemigrainetellementintensequej’envomis.Etjeneparlepasdesdouleurs pelviennes, à proprement parler abominables. D’après ce que je peux voir, mes règlesdevraientdébutermardiprochain.Ceciexpliquesansdoutecela.Seulement,trèsrégulièrement,ellessedéclenchentplustôtqueprévu.J’espèrejustequeceneserapaslecascettefois.

16C’estavecunplaisirnonfeintquejeretrouvemonpetitstudio.Matanteestrestéeboireuncafé,maisestrepartietrèsrapidement.Celam’arrange,carj’aimaintenantletempsdefairequelquescoursesetderangermonappartement.Aprèsl’alertedemercredi,jen’aipluseudesauted’humeurettouslessymptômesquipouvaientserévélerinquiétantsontdisparu.J’aihâtederevoirNahel,mêmes’ilnem’apasproposédel’accompagnerauclub.Remarquez,étantdonnélesrécentsévènementsquis’ysontdéroulésquandj’yétais,celavautsansdoutemieux.Le samedi passe tranquillement, entre lecture et révisions, et toujours pas de nouvelles de monmagnifiqueDJ.J’aibeaum’endéfendre,j’ail’œilconstammentrivésurmontéléphone,dansl’attented’unhypothétiquemessagequinevientpas.Danslasoirée,jemerendsàlamessedelacathédrale,oùjeretrouvemonfrère.Nousdînonsensuitedansunpetitrestauranttypique,situétoutprès.IlnefaitpasmentionuneseulefoisàNahel,maisjesenssonregardposésurmoi,commes’ilcherchaitàsondermonâme.Etàcejeu,aprèsplusieursjoursd’entraînementaveclesparents,jenem’entirepastropmal.Ilestplusdevingt-troisheures,quandilmeraccompagnechezmoienvoiture.Aprèsavoirrefusédemonter, Joseph démarre rapidement, non sansm’avoir fait promettre que nous nous reverrions lasemaineprochaine.Enclair,ilm’aàl’œiletn’estpasprèsdemelâcher.Jesuisàpeineentréedansmonappartement,qu’unedouleuraussisoudainequ’intensemevrille lebas-ventre.Nomd’unepipeenboisdesapin!C’étaitseulementprévupourmardi!Courbée,commesi j’avais quatre-vingt-dix ans, jeme dirige tant bien quemal vers la salle de bain. Aprèsm’êtredéshabillée, je ne peux qu’admettre l’inévitable. J’ai mes règles et qui dit règles (en ce qui meconcerne),ditmaladecommeunchien.Sansperdredetemps,jeprendsunedoucheexpress,parcequej’ignoresij’aurailaforcedelefairedemain.Puis,aprèsavoirenfiléunpyjamaconfortable,jemetraînejusqu’àmonlit.Lamigraineestdéjàentraindepointerleboutdesonnezetjesaisquecen’estqueledébut.Avecl’énergie du désespoir, je saisis un seau dans la cuisine, pour les éventuels vomissements, et jerécupèred’épaisdrapsdebain,prévusuniquementàceteffet,quej’étalesurmonmatelas.Onpeutpenserque j’exagère,mais jesaisquec’est faux.Lessaignementssontextrêmementabondants, lesdouleurs véritablement handicapantes et je ne parle pas des symptômes collatéraux, tels que lesnausées,lescrisesdediarrhéesetlesvertiges.Bref,jem’apprêteàdeveniruneloquependantlescinqprochains jours. J’ai compris depuis longtemps que tout ceci n’était pas normal, mais j’espèretoujoursqueçavas’arrangeretquemesproblèmesserésoudrontd’eux-mêmes.Saufqueçaempiretoujours et, depuis six mois, je vis un enfer. C’est à peu près à cette période que c’est devenu àproprementparlerinvivable.Àcontrecœur,j’avaleuncomprimé,deceuxquenotregénéralistem’aprescritsetenvoierapidementuntextoàNahel,aprèsm’êtrecouchée.Dansquelquesminutes,jesombreraidansl’inconscienceetneseraipluscapabledeleprévenirqu’ilm’estimpossibledelevoirdemain.«Désolée,Nahel,maisjesuisobligéed’annulernotrerepasdedemain.Jeterappelleraidanslecourantdelasemaineprochaine.Bises».

Enfin, je ferme les yeux avec soulagement, la migraine ayant atteint un seuil à la limite dusupportable.Jesuissurlepointdemelaisserhapperparunsommeilbienvenu,quandmontéléphonevibresurlatabledechevet.«Quesepasse-t-il?Riendegrave,j’espère…».«Malade».C’estlaseuleréponsequejesuisencorecapabledepianoter,avantdesombrertotalement.Toutefois,ladernièrequestionquejemepose,aumomentd’êtreengloutieparuntrounoir,c’est:commenta-t-il fait pourm’envoyer unmessage aussi rapidement, alors qu’il était censémixer au club et trèsprobablementsetapertoutuntasdenanasparlamêmeoccasion?

17

NahelLorsquelepremiertextodeMadiemeparvient,jesuissurlepointdereprendrepourunedeuxièmesession de mixage. Étonné, je lis et relis son message sans comprendre. Elle paraissait tellementdéçuedenepasmevoirplustôt,quejenepigepascequisepasse.Trèslogiquement,jeluidemandes’iln’yariendegrave.Alors,jeretardemonentréesurscèneenattendantsonSMSsuivant.Cegenrede chose ne m’est jamais arrivé, mais avec mon bel ange blond, je ne cherche pas à réfléchirposément.Sonmessageenretourm’alarmeinstantanément.Merde,là,ilyaunos,c’estévident.Toutdéfoncéquejesuis,cesoir,jesaisquequelquechosenetournepasrond.Madieestétudianteenlettresmoderneset,lorsdetousnoséchanges,jamaisellen’autilisélelangageSMS,niréponduparunsimplemot.Ellefaitdesphrasesets’arrangetoujourspourqu’iln’yaitaucunefauted’accordoudeconjugaison.Celamerappelleégalementsonabsencedumoisdernier,durantplusieursjours.Elleavaitprétenduqu’ils’agissaitd’unegrippe,maisj’avaissoupçonnérapidementautrechose,àsonregardfuyantetàlamanièredontelleavaitdétournélaconversation.Parcequ’illefaut,jeremontesurscène.Detoutefaçon,mêmequandj’auraifini,jenepourraipasmerendrechezelle.Depuiscematin,j’ensuisàdeuxbouteillesdevodka,unevingtainedepétardset,commechaquefoisquejemixe,j’aiprisdel’ecstasyengrossequantité.Autantdirequej’aiunesaletête et, par-dessus tout, je n’ai aucune confiance enmoi lorsque je suis dans cet état, cequi arrivequandmêmeassezsouvent.Ensemaine,jemecontentedelafumette,maisclairement,leweek-end,c’estnolimit.Saufpeut-êtrepourlesdroguesquejequalifieraisdevraimentdures.Parchance,enfinjeconsidèrecelacommeça,j’aiunepeurmaladivedespiqûres,sibienquejen’aijamaistouchéàl’héroïne.Pourlacocaïneetlecrack,j’aidéjàessayé,jenevaispaslecacher.Mais,lamortdemonpote,celuiquim’ainitié,d’uneoverdosedecoke,m’atellementtraumatiséquej’aiaussitôtdécidédeneplusjamaisytoucher.Enmêmetemps,c’estmoiquil’aidécouvertdanslecaniveaud’une ruellenew-yorkaise, toutprèsdechez lui. J’avaisdix-septanset ilenavaitàpeinedeuxdeplus.Àcemoment-là,j’aifailliprendrececheminégalement.S’iln’yavaitpaseuLounis…Parcontre,pourlereste,jecroispouvoirdirequej’aitouttesté.J’aimepeuleLSD,parcequemêmesijesuisshooté,jenesupportepasl’idéed’avoirdeshallucinations.Ladernièrefoisquejem’ysuisrisqué,j’aivumonpetitfrères’approcher,avecdesyeuxlumineux,genrePoltergeist.J’aitellementflippéquej’aijuréqueplusjamaisjenetoucheraisàcettemerdeetj’aitenuparole.Lapeurestunpuissantmotivateur,jelesais.Saufquedansmoncas,cen’étaitpasnécessairementdanslebonsens.Vince et moi rentrons à son appartement, vers quatre heures du matin, accompagnés de troisgonzesses.Cen’estpasunepremière,carnousnoussommesdéjàpartagédesmeufsséparémentouenmêmetemps.Enfait,onafaitdestrucstellementdégueulasses,quej’aimeautantneplusypenser.

Lepire,c’estquelafilleadoraitça.Hier,j’aibaisédeuxnanasdifférentesauclub,maiscesoir,jen’aipasenviedeça.L’uned’ellesmesuceetjenelarepoussepas,maisquandelleveutquejeluirendelapareille,jel’envoiechier.C’estVincequis’ycolleenrâlantoualorsunedesescopines,jenemerappelleplus.Peuaprès,jesombredansunebrumebienheureuseetanesthésiante,sanspourautantm’êtredépartidecetteinquiétude,quinem’apasquittédepuisquej’aieucesfameuxtextos.Madie vamal, je ne sais pas pour quelle raison cette idée est ancrée enmoi, mais je n’ai pas lemoindredouteàcesujet,commesijelesentais.Alors,qu’est-cequejefousici,affalécommeuneloque,ma bite enfouie dans la bouche d’une connasse que je ne reconnaîtrais pas demain si je lacroisaisdanslarue!Jedevraisplutôtêtreentraindetambourineràsaportepourl’aider.Parceque,nécessairement,elleaurabesoindemoi.Personned’autrenes’inquiètepourelle.Etcertainementpassafiottedefrangin!Hélas,jesuistellementdanslesvapesquejesuisincapablederemplirmonrôledechevalierservant.Lepiredanstoutça,c’estquec’estmoiquiaidécrétéqu’ilmefallaitimpérativementlaprotéger,lapréserver.Etlejouroùelleabesoindemoi,iln’yapluspersonne,parcequejesuistropoccupéàme faire turluter et, surtout, tropdéfoncé. Il n’yapas àdire, je suisvraimentunminable connardégoïste.Lorsquejemeréveille,ledimanchematin,c’estavanttoutparcequemavessiemenaced’exploser.Jemedégagedelapairedejambesquiestposéeentraversdemoncorps,etdontjenesaismêmepasàquielleappartient,etmelèveenvitesse.Heureusement,personnenedortdanslasalledebain,sibienque jepeux jouird’unminimumd’intimité.Et j’enaisalementbesoin,parcequema têteestsur lepointd’exploser,tellementjesuismalade.Merde,jecroisquej’aiunpeuforcéhier,etencore,c’estuneuphémisme,puisquejemesuiscarrémentdéchirélatronche.Réfléchiraveclecerveauenbouillasserelèvedel’exploit,maisjem’yoblige,considérantquec’estunjustechâtimentpourmesprouessesàlacon.D’abord,mecasserd’icipendantqu’ilsdormenttous.Puis,rentrerchezmoietprendreunedouche,le toutavecuncaféavantouaprès,nonplutôtavantetaprès.Et lorsque j’auraienfin repris formehumaine,j’iraivoirMadiepourm’occuperd’elle.Voilàleprogramme,maisunechoseaprèsl’autre.C’estleseulmoyenpourmoideparveniràavoirlesidéesàpeuprèscohérentes.

***Deuxheures,cinqcafésettroisaspirinesplustard,jemediriged’unpasrapideverslequartierdel’Esplanade,oùhabitemonangeblond.Toutefois,lorsquejemeretourne,sansraisonapparente,maismûparuneformed’instinct,jerepèreun type qui marche derrière moi. C’est étrange, sa tête ne m’est pas inconnue. À vrai dire, en yréfléchissantbien,ilmesemblel’avoirdéjàaperçuplusieursfois.Serait-ceunflic?Putaindebordeldemerde, jecroyaisqu’ilsm’avaient lâchélagrappe!Celaétant,commejenesuissûrderien, jem’inquiètepeut-êtreàtort.Siçasetrouve,cemechabitedanslequartier,pointbarre.Pourtant,jen’arrivepasàmedépartird’unsentimentdemalaisediffus,quin’arienàvoiravecmesexcèsd’hier.Bon,iln’yaqu’unseulmoyendesavoir,ettoutdesuitedepréférence.Plutôtquedemedirigerversl’appartementdeMadie,jebifurqueàdroiteauderniermoment.Jenepeuxpasmeretournerouvertement,celasignifieraitquejel’airepéré.J’avanced’unpasrapidesurleboulevarddelaVictoire,jusqu’àuncafédanslequeljem’engouffre.Iln’yapersonneàl’intérieur,hormislaserveusequiattendleclient.Jem’installeaubar,commandeunexpressoetluirendsson

sourire.Ellerougitfurieusement,cequim’amuse,commechaquefois.Prisd’une inspirationsubite, je lui faismonœildevelours.Çamarche,puisqu’elleestpresqueentraindebaver.Alors,jemelance.—Pourriez-vousmerendreunpetitservice?jedemanded’unevoixdouce.Aussitôt,elleseredresse,attendantsansdoutequejeluifasseunepropositionmalhonnête.—Oui,biensûr,toutcequevousvoudrez.—Pourriez-voussortiràl’extérieur,sousunprétextequelconque,etvérifiersiunblondbarbu,avecunevesteencuirnoire,traînedanslesparages?Vousseriezadorable.Jeprendsmamouecharmeuse,cellequejeréservepourlesgrandesoccasions.Elles’exécuteavecunepromptitudequime fait sourire.Songeur, je remuemoncafé,medemandant si je suisdans lamerdeousijesuissimplemententraindevirerparano.Etcetteputaindemigrainequineveutpaspartir,merappelantsanscessemaconduited’hiersoir.Siend’autrestemps,maconsciencen’ajamaisvraimentposéproblème,j’ailesentimentque,depuispeu,ellesemanifestedeplusenplussouvent.Etclairement,aujourd’hui, j’aihontedecequis’estpassécettenuit.Hontedem’êtredéfoncélatête,honted’avoirpicoléjusqu’àm’entrouvermal,honted’avoirlaissécesnanasmetoucher.C’est très étrange comme sensation et, si ce n’est pas la première fois que je ressens cela, il mesemblequeçan’ajamaisétésifort,sidérangeant,sidéstabilisant.Sansdoute,est-iltempspourmoidepasseràautrechose.Sijemesaisparfaitementincapabled’arrêterladope,jepeuxquandmêmetenterdediminuermaconsommationd’alcool.Ceneseraitdéjàpassimal.Maisdepuisquandest-cequejeréfléchiscommeça?Merde,jemetrouvefranchementcheloupourlecoup!Jeréalisesoudainementquec’estenlienavecMadieetqu’elleaforcémentuneinfluencepositivesurmoi.Maismêmesijel’appellemonangeblond,elleneferapasdemiracle.L’accoutumanceestmacompagnelaplusfidèleetriennechangeracela.Peuaprès,laserveuserevientetretournederrièrelebar.Puis,ellesepencheversmoi,ledécolletébienenévidence,etmurmuresuruntonconspirateur.—Audébut,jenel’aipasvutoutdesuite,maisenobservantlesalentours,j’aieffectivementaperçuun type qui correspond à votre description. Il est assis sur lemuret du lycée d’en face, en faisantsemblantde tripatouillerson téléphone.Maisenfait, il regardepar ici, je l’aibienremarqué.Vousn’avezpasd’ennuis,j’espère?Unenanoseconde,jesongeàlasauterdansleswaterspourlaremercier,avantdemeraviser.C’estbon,là!Jen’aipasl’intentiondecontinueràtrempermonbiscuitdansn’importequeltrouquipasse.Yenamarredescoupsdequelquesminutes,toutçapourmeprouverjenesaisquoi!Jetantunbilletdecinqeurossurlebar,jem’apprêteàm’enaller,quandlajeunefemmeposesamainsurmonbraspourretenirmonattention.—Jenesaispassivousavezdesproblèmesetjem’enfiche.Vousêtesjustetropcanonpourquejenevousaidepas.Jesouris,sansrépondre.Elleestgentille,mêmesij’ail’habitudequ’onmeparleainsi.Jenevoispascequ’ellepourraitfairepourmesortirdecepétrin.Jen’osepasappelermespotes,parcequ’autrainoùvontleschoses,nosportablessontprobablementsurécoute.—Suivez-moi,murmure-t-elle,encontournantlecomptoiretensedirigeantversl’endroitoùsontindiquéeslestoilettes.Ahnon, bordel ! J’ai pas envie de baisermaintenant ! songé-je, en traînant des pieds,mais en luiemboîtantnéanmoinslepas.D’ungestedelamain,ellememontreuneportesituéetoutprèsdesw.c.Elles’enapprocheetl’ouvre.

Jedécouvrealorsquecelle-cidonnesurunepetitecour.—Justeici,explique-t-elle,enpointantsondoigtversunporchesiétroitqu’onpourraitlerater,ilyaunpassagepermettantd’accéderàlaruequisetrouvedel’autrecôté.Enfin,touts’éclaire.Maiselleestgéniale,cettenana!Jevaispouvoirsemermonpoursuivant,nivuniconnu,etmeplanquer,enattendantd’yvoirplusclair.Jesaisbienquecen’estquepourunecourtedurée,maisj’aibesoindecelapsdetempspourréfléchiràlaquestion.Ilestexcluqu’onmechope,parcequecettefois,monpèreneferarienpourmoietadieul’écoleprestigieusedeDJquejerêved’intégrer.ChezMadie,c’estl’endroitidéalpourmefaireoublier.Ravid’avoirtrouvéundébutdesolution,mêmetemporaire,jepivoteverslaserveuseet,dansunélande reconnaissance, je l’embrasse fougueusement. Après tout, elle l’a bien mérité ! Puis, sansdemandermonreste,jefile.D’abord, je dois retourner chez moi. C’est risqué, je le sais, mais il faut impérativement que jerécupèredesfringuespropres,mabrosseàdents,ainsiquelacamequejesuisobligéd’yconserverexceptionnellement.Après avoir traversé le parc de l’observatoire au pas de course, j’arrive essoufflé devant monappartement.Merde, si j’avais pensé que je serais amené à faire un footing ce matin, je n’auraiscertainementpasfaitautantd’abushiersoir!En nage, les poumons sur le point d’exploser et dégoulinant de sueur, je m’engouffre à touteberzinguedansmonimmeuble.Jerécupèreraiplustard,pourlemoment, jen’aipasle temps.PlusvitejepartiraietrejoindraiMadie,mieuxceserapourmoi.Parcequesil’autreguscomprendquejemesuisfait labelle,c’estperquisitionassuréeici.Etcettefois, ils trouverontdequoimecolleraugnouf.Àpeineentrédansmonlogement,jesaisisunsacdesportetyjettemesaffairespêle-mêle.C’estuncrève-cœurpourlemaniaquequejesuis,maisjen’aipastroisheuresdevantmoi.Puis,jepositionnelachaisedemonbureaudanslasalledebainetgrimpe.Avecdélicatesse,pourêtrelemoinsbruyantpossible, je tapote l’unedes dalles du fauxplafond.Lorsque celle-ci se soulève, je passemamaindans l’interstice et en extrais trois paquets différents. Le premier contient deux téléphones, ledeuxièmeestbourréd’amphètesetd’ecstasyet,dansledernier,ilyaplusieursdizainesdebarrettesdeshitetdejoliscomprimésbleus.En tempsnormal, jen’ai jamais rienà lamaison.Malheureusement, ily adeux jours, le type,quinouslaissaitl’accèsàsacave,nousacontactés.Quandnoussommesalléslevoir,ilnousaindiquéquelesflicsavaientdesdoutes,qu’ilsavaientrenduunepetitevisiteàsonfrèrequisetrouveêtreunancientaulard.Cedernierignoraittoutetn’arienpudire,maisill’aimmédiatementprévenuaprèsleurdépart.Résultat:ilnousademandédeviderleslieuxsur-le-champ,expliquantquec’étaittroprisquéetqu’ilavait trop à perdre, à savoir son job et son logement de fonction. Nous n’avons pas protesté,comprenantparfaitement sesmotivations.Ducoup, lamarchandiseaétédiviséeen sixet chacunapris en chargeune certainequantité, le tempsde trouverune autre solution.Pour l’occasion, nousavonsmêmeassociéStephetSo.Auxgrandsmauxlesgrandsremèdes,n’est-cepas?Il était prévu que nous nous rencontrerions ce soir, afin d’en discuter, mais au train où vont leschoses,cen’estpaspouraujourd’hui.Sans perdre une seconde, je remets tout en place. S’ils venaient à fouiller maintenant, ils netomberaientmêmepassurunmégotdecigarette.Aprèsavoirdisposélessachetsaufonddubagage,jequittemonappart.Plutôtquedepasserparl’entréeprincipale,jefileverslesous-soletprendsmavoiture.Aumoins,sijelagarechezMadie,lesflicsnemelocaliserontpastoutdesuite.Celuiquime

suivaitneresterapastrèslongtempssansserendrecomptequejemesuisfaitlamalle,àmoinsd’êtreunvéritablebleu,cequin’estpasimpossiblenonplus.Enarrivantprèsdechezmonangeblond,jetrouveuneplacedansunerueparallèle,ilfaudraquejepenseàluidemanderlacarted’accèsauparkingprivédesonimmeuble.Aumomentdesortirdemavoiture, jesaisismon téléphoneetcomposesonnuméro.Lasonnerie résonneplusieurs fois,avantque la messagerie ne s’enclenche. Merde ! Pourquoi ne décroche-t-elle pas ? Je retente le coup,toujours rien.Bordel, s’il le faut, j’iraidéfoncer saporte,maiscôtédiscrétion, ce seraitunpeu lamerde,alorsquejedoisfaireprofilbasdanslesprochainstemps.Donc,finalement,cetteoptionn’estpas franchement envisageable. Le troisième essai est le bon, puisqu’elle prend la communication,justeavantquelerépondeurnesemetteenroute.—Mad?—Hum?—Jesuisenbasdetonimmeuble,dis-je,enquittantlavoiture,aprèsavoirrécupérémonsacdanslecoffre.Ouvre.—Impossible.Savoixestpâteuse,commesielleavaitbudes tequilas toute lanuit.Bordel,maisqu’est-cequi luiarrive?—T’esbourrée?demandé-je,déjàenmodeprotecteuretprêtàluipasserlesavonqu’ellemériterait.—T’esdingue!Jesuismalade.Tunepeuxpasmonter.Ellesembleavoirdeplusenplusdemalàparler,cequimeparaîtêtremauvaissigne.Àmonavis,sijenefaisrien,ellevaserempafferetilmeseraimpossiblederentrerdanssonappartement.OK,j’aibesoind’uneplanque,mais il n’y a pasque ça. Je suis super inquiet pour elle et je veuxvraimentl’aider.Jejurequec’estvrai,alorsremballezvosregardssceptiquesetcirculez,yarienàvoir!—Madie,déverrouillecettefoutueporteouj’appellelespompiers.—Jen’arriveraipasàmelever,hoquète-t-elleavecdifficulté.— Ne pleure pas, ma douce. Fais un effort, je t’en supplie, il faut que tu m’ouvres. Ensuite, jem’occuperaidetout.Àl’autreboutdufil,j’entendsquelquechosequitombedansunbruitmat,puismonbelangeblondgémirdedouleur.—Quoi?Putain,dansl’étatoùjesuis,jecroisquejeseraiscapabledetoutcasser,siellenemepermetpasdelarejoindretoutdesuite.—Madie?Qu’est-cequisepasse?Cettefilleauraraisondemesnerfs!Monanxiétéagrimpéd’uncranetjesuisàdeuxdoigtsdepéteruncâble.—Jesuistombée,sanglote-t-elledeplusbelle.L’entendrecommeçamefendlecœur,mêmesijenesaispascequ’elleaexactement.Lorsqu’enfinjeperçois legrésillementde l’entréequ’ondébloque, jesouffleungrandcoup,commesoulagéd’unpoids. Aussitôt, je m’engouffre à l’intérieur. Je n’avais pas remarqué que, durant les minutes oùj’attendaisqu’elleréagisse,j’avaisretenumarespiration.Enmoinsdetempsqu’ilnefautpourledire,jesuisàlaportedesonappartement.Cettefois,elleaeulebonsensde la laisserentrouverte.Dèsqu’elleaura ledos tourné, je feraiundoubledesesclés,commeçaaumoins,encasdeproblème,jepourraientrercommejeveux.Ouais,ouais,jesais,c’estpastrèslégaltoutça,maisaprèstout,jenesuisplusàuneconnerieprès.Lorsquejepousselebattantetl’aperçois,inconscienteaumilieudupetitcouloirquimèneàlapièce

principale,monsangseglace.Bordeldebordeldebordel!Sansperdredetemps,jejettemaveste,ainsiquemonsac,etrefermederrièremoi,avantdemepenchersurelle,delaprendredansmesbraset de la ramener vers son pieu où elle semble avoir passé les deux derniers jours.Mais qu’est-cequ’ellea?Ilvaudraitsansdoutemieuxquej’appelleuntoubib.Cen’estqu’enlareposantsurlematelasquej’aperçoisdeuxchosessimultanément,maisdemanièredistincte.Sursonlit,ilyadesdrapsdebaindontcertainssonttachésdesangetjeconstatequ’ilyena également sur la manche de mon tee-shirt blanc. Est-ce qu’elle fait une hémorragie ? Quelleconduitedoit-ontenirdanscecas?Etconcrètement,jefaisquoi?—Madie?murmuré-je,enluitapotantlajoue.Madie,tum’entends?Illuifautuntempsfoupourreveniràlaréalité.Etencore,disonsqu’elleouvrevaguementlesyeuxetgémitdedouleur.—Qu’est-cequit’arrive?Qu’est-cequetuas?Etc’estquoitoutcesang?—Quoi?Quel…Cette fois, elle semble presque consciente. Je tendsmon bras pour luimontrermamanche et ellegrogne en rougissant furieusement. De toute évidence, elle doit être horriblement gênée et je lacomprends.Toutcommejeviensdepigerdequoiilretourne.Pasbesoind’êtreEinsteinpoursaisirquec’estliéàsesmachins.Etsic’estcommeçatouslesmois,lapauvre,jelaplainssincèrement.Toutefois,jesaisquejepeuxaumoinsgérerlapartielogistiquedecebazar,etc’estàmoid’assurermaintenant.C’estleminimumquejepuissefaire.Maiscelanesignifiepasquejemesuistransforméen chochotte. En entrant dans cette pièce pour la première fois, j’avais déjà repéré que sonappartementétaitdotéd’unbalcon.Sij’aibesoindefumer,jepourraitrèsbienlefairelà-bas.Maisprocédonspar ordre.D’abordMadie, après trouver uneplanque ici pour y déposerma came (paspourlongtemps,c’estclair),etenfin,aprèsl’effort,ilyauraleréconfort,c’est-à-direunbonpétardmaison.

18

MadieQuand j’ai entendu mon téléphone sonner, je commençais tout juste à émerger. L’effet desmédicaments était en train de s’estomper et les douleurs pelviennes regagnaient à nouveau enintensité.J’avaisconsciencequec’étaitlemomentleplushorrible,carc’étaitlàqu’ilfallaitquejemerendedanslasalledebainpourmelaveretchangerdeprotection.Néanmoins,lamigraineétaittellequejeneparvenaisquedifficilementàbouger,mêmerespirermefaisaitmal.Etcefoututéléphonequinecessaitdesonner.Danslefond,jesavaistrèsbienquitentaitdemejoindreaussiobstinément.Ilétaitd’ailleursétonnantqu’ilne l’aitpasfaitplus tôt.Toutefois,malgré toutemabonnevolonté, jen’étaispasenétatdelerecevoiretencoremoinsdeluifaireàmanger.C’étaitjusteimpossible.Profitantd’unpetitmomentdelucidité,j’aidécidédeluirépondre.Etvousn’imaginezpasàquelpointlefaitdetendrelebraspoursaisirmonSmartphonem’acoûté.Alors,quandilm’aannoncéqu’ilétaitàmaporteetqu’ils’apprêtaitàappelerlespompiers,j’aiprispeur. Parce que, en toute honnêteté, il en est parfaitement capable.Même si j’aime bien son côtéprotecteur, là, toutdesuite, ilmeparaissait intrusifetdéplacé.Celaétant,pouréviterquedesmecsquejeneconnaissaispasmevoientdanscetétat,ilétaitimpératifdeluiouvrir.Dedeuxmaux,j’aieulebonsensdechoisirlemoindre.MieuxvalaitqueNahelmetrouveainsi,plutôtquelessecours.Avecl’énergiedudésespoir,etcen’estpasunvainmot,jemesuislevée.Évidemment,commej’étaisencore bien dans les vapes, jeme suis cassé la figure et jeme suis cogné le doigt de pied àmonchevet.Sapristi,qu’est-cequeçafaitmal!Maiscettedouleur,autrequecellesquivrillentmoncorps,m’a donné la force de faire les quelques pas pourme retrouver dans le vestibule. J’ai appuyé surl’interrupteur de l’entrée principale et j’ai ouvert ma porte, craignant qu’il ne la défonce s’il latrouvaitfermée.Seulement,alorsquejevoulaismerendreauxtoilettes,j’aisentimesjambestremblerettoutcequim’entouraittourner.Jen’aieuqueleréflexedemelaisserglisserlelongdumur,avantquetoutnedevienne noir. Ce n’est pas la première fois que ça arrive. Notre médecin m’a expliqué que leshémorragies,lefaitdenepasmangeretlesdouleursconjuguées,plongeaientmoncorpsdansunétatd’extrêmefaiblesse,provoquantdeschutesde tensionquipeuventaller jusqu’aumalaise.Etpasdebol,c’estexactementcequis’estpasséaujourd’hui.Vaguement,j’aientendudesjuronsetjemesuissentiesoulevéedeterre,etemportéeversmonlit.Etvousvoulezque jevousdise ?Au-delàde lagêne, j’ai été rassuréedeneplus être seule.C’est lapremièrefoisquejeleréalise,maisnepasvivrecesmomentssipéniblesentotalesolitudeauncôtéréconfortantquejen’auraismêmepasimaginé.C’estvrai,depuisdesmois,jesouffreensilence.Bienentendu,lorsquej’habitaisàRochesson,mesparentsétaientlà,enfindumoinsmamère.Maislaplupartdutemps,elleétaitautravailetnepouvaitdoncpasmeseconder.

Après,lefaitquecesoitNahelquisoitprésentpourraitêtreproblématique.Toutefois,ilestleseulàs’êtreassezinquiétéàmonsujetpourvenir,leseulàvouloirm’aider,quelsquesoientmesennuis.Alors,finalement,lareconnaissanceprendlepassurlahonte.Jesaisqu’ils’occuperabiendemoietc’estuntelsoulagementquejepourraisenpleurer.Saufque,quandilmemontrelatachedesangsursamanche,mesjouesvirentànouveauaucramoisi.Ahnon,merde, comme si j’avais besoin de ça,maintenant !Lentement, il repousse la couette quej’avaisattrapéepourmerecouvrirlebasducorpsetécartemesjambespouryjeterunrapidecoupd’œil,malgrémonpyjamaoffrantuneprotectiontouterelative,maisquialemérited’exister.Mince,c’est tellement gênant ! Hélas, je n’ai ni la force ni l’énergie de protester. J’ai juste envie d’unechose:dormir,dormiretdormirencore.Nahelnesemble,cependant,pasdecetavis,carilmesoulèveànouveau.Pourvuqu’ilnedécidepasdem’emmenerauxurgences!—Jecroisqu’unbrindetoilettes’impose,jeunefille,fait-il,enm’emportantverslasalledebain.Ahnon, il nevapaschangermaprotectionquandmême ! Jeveuxbienqu’ilm’aide,maispas ça.Horsdequestion!—Non,protesté-je,faiblement.Tunepeuxpas…— Oh Mad, ce n’est qu’un peu de sang, rétorque-t-il, visiblement agacé. Arrête d’en faire unemaladie!J’enaivud’autres,tusais…Néanmoins, semblant comprendrema gêne, il propose de remettre des draps propres sur le lit etd’aérermachambre,pendantquejepasseaupetitcoin.Jepousseunsoupirdesoulagement,jusqu’àce qu’il m’interdise de fermer la porte de la salle de bain, sur un ton qui ne souffre aucunecontestation.Sijen’étaispasaussivaseuse,ceseraitfaciledemedépêcher.Maislà,impossible.—Mad,oùestrangétonlingedemaison?s’enquiert-ildepuislapièceprincipale.—Dansleplacardducouloir,jerépondsdoucement.Pour lemoment, j’ai été incapable de bouger,même si j’ai conscience qu’il va falloir que jememagne un peu. Mais mes membres semblent peser des tonnes. Après avoir inspiré et expirélonguement, pour essayer de me reprendre, je parviens à faire un passage aux toilettes, à medéshabilleretàmeleverpourmedirigerversladouche.Seulement, mes mouvements précipités ont sapé le peu d’énergie qu’il me restait et mes gestesbrusquesontréveillélesdouleursquiserévèlentplusfortesquejamais.Incapabledebouger,jemeretiensaulave-lingeetmeplieendeuxpourtenterdesoulagercescrampes,quimevrillentlebas-ventre, tout en posantma tête sur le haut de lamachine, afin de rafraîchirmon front quimenaced’exploser,tellementlamigraineestintense.Bonsang,jedétestequandçasepasseainsi.Toutmoncorpsn’estquecrispationetçafaitunmaldechien.Jevoudraismerelever,maistoutrecommenceàtournerautourdemoi.Ohnon,merde!Jenevaisquandmêmepasretomberdanslespommes,àpoildansmasalledebain!Cettefois,c’enesttrop,etdes larmesdecolèreetdefrustrationroulentsurmes jouessansque jesoiscapablede lesretenir.—Madie?Oùest-cequejemetslesdrapssales?demandeNaheldel’autrecôtédelaporte.Seul un gémissement lui répond. Ilme semble qu’il n’hésite pas une seconde, avant de pousser lebattantetd’entrerdanslasalledebain.—Putaindebordeldemerde,jure-t-il,toutenmerattrapant,alorsquemesjambesflanchent.Sanstenircomptedemesprotestations,ilmeréinstallesurlestoilettes,sesaisitd’untabouretquisetrouve dans un coin de la pièce, et le pose dans la douche. Puis, il s’approche demoi et semet à

genouxpourseplaceràmonniveau.Dupouce,ilessuiemespleurset,toutdoucement,murmure.—Écoute,monange,jesaisquetuespudiqueetquecettesituationtegênehorriblement,maistudoismepermettredetesoutenir.—Quoi?—Ilfautquetuprennesunedoucheettuesincapabledetenirdebout.Laisse-moit’aider.—Tuveuxmelaver?interrogé-je,enouvrantlesyeuxpourleregarder.Maparole,maiscemecaungrain!Ilnevaquandmêmepasmesavonner?J’enrirais,sicen’étaitpas aussi douloureux. Merde ! J’ai mes machins et il a décidé de me frotter partout. Mais c’estdégueulasse!Etsurtout,cen’estpasàluides’enoccuper.—Non,jeprotestefaiblement.Tunepeuxpasfaireça.—Pourquoi?— Tu es un mec et, moi, une fille. Les règles, c’est super personnel et tout ce sang… Désolée,vraiment,tunepeuxpas,c’estmal.—Ouais,bentespréjugésàlacon,tumelesservirasquandtutesentirasmieux.Enattendant,tuasbesoin demoi, alors pas de discussion. Si tu veux, je te laisserai unmoment pour faire ta toiletteintime.Pourlereste,jegèreetjetedemandedemefaireconfiance.—Mais…—Pasdepanique,jenevaispastevioler.Tuasbeauavoiruncorpssplendide,ilyauntrucquimerebuteunpeu,là.Jenepeuxpasm’empêcherde riredoucement.Cegarçon a le chicpourdétendre l’atmosphère etdédramatisercequimeparaîtêtreunecirconstanceextrême.Demain,sansdoutequejemourraidehonte, mais pour aujourd’hui, je suis bien contente de ne pas être toute seule dans cette galère.Alors…Sansme demander mon avis, Nahel me soulève des toilettes et m’installe sur le tabouret dans ladouche.Ilfaitcoulerl’eauet,enattendantquelabonnetempératuresoitatteinte,ilretiresontee-shirtquiprendladirectiondulave-linge,toutcommelesdraps.Faceàmonairahuri,quandilsetourneversmoi,ilrétorque,trèssérieux.—Benquoi?Ilétaitsaleàlamanche,jeterappelle.Etpuis,jesensquejevaisêtrecomplètementtrempé,alorsautantmemettreàl’aise.Mais je ne l’écoute déjà plus. La vue de son torse parfaitement sculpté me trouble terriblement.Franchement,commesij’étaisenétatdepenseràdestrucscommeça!Etpourtant…Puis,uneautreidéemevient.Simonpèreentraitdansl’appartementàcetinstant,commentréagirait-il?Fortmal,jedois l’avouer, et onpourrait parfaitement le comprendre.Pour sûr, ilm’enverrait dansuncouventpourexpiermespéchés.Mêmesijenevoisriendemalsainàcequenousfaisons,iln’enrestepasmoinsquelesapparencesprêtentsalementàconfusion.Inconscient de mes tourments, Nahel commence à m’asperger d’eau avec le pommeau et je doisadmettreunefoisdeplusqu’ilavaitraison,çafaitunbienfou.Ilmouilledélicatementmescheveux,penchésurmoi.Sapoitrineest tout justeàquelquescentimètresdemonvisageet je le laisse faireavec ravissement, les yeux fermés, humant son odeur avec délectation. Son torse est parsemé detatouages,toutcommeunepartiedesondosauniveaudel’épaule.Ilenaégalementsurlesbras.L’und’euxenestd’ailleurstotalementrecouvert.Waouh!Ilestunebandedessinéeàluitoutseul.Saisissantunpeudeshampooing,ilmesavonnelescheveuxavantdelesrincerdélicatementetdelesremonterensuiteà l’aided’unepincequisetrouvesur lamachineàlaver.Puis, ilprendlegantdetoilettesuspenduaucrochetetl’enduitdegeldouche.Enlevoyantfaire,jenepeuxm’empêcherdemecrisper.C’estlapartiequejeredouteetill’asenti,jesuppose.Doucement,ilsoulèvemesbraset

lesfrictionne,l’unaprèsl’autre,puispasseletissuépongesurmondosetsurmesjambes,effaçantainsi les coulures de sang. Enfin, il rince le gant et réitère l’opération. Alors que j’attends avecappréhensionlasuite,ilmeleremetensouriant.—Jevaischercherdesvêtementspropres.Oùlesranges-tu?—Dansl’armoire,prèsdulit.Je profite qu’il soit sorti de la pièce pour lavermes seins et procéder àma toilette intime, aprèsm’être péniblement levée.C’est vrai que j’en avais besoin. J’ai à peine achevé deme rincer, qu’ilarriveavecungrosdrapdebainrouge,qu’iltientdevantmoi,etdanslequelilm’enveloppe.Puis,ilfrictionnematignasseàl’aided’uneautreserviette,aprèsm’avoirànouveaudemandédem’asseoirsurleswaters.Illabrossedoucementetmetendlesèche-cheveu.Jel’allumeetmedépêchedefinir,afindepouvoirmerhabiller.Cen’estpas tantque jesoisparticulièrementmalà l’aise,car jen’aiplusgrand-choseàluicacher,iladéjàvul’essentiel.Maisjenepeuxpasdemeurerlongtempssansprotectionhygiénique,alorsilfautquejefassevite.Avec une pudeur dont je ne l’aurais jamais cru capable, il sort de la salle de bain, sans toutefoisfermerlaporte,maisledostourné.Jemerhabillesansdemandermonreste,tressemescheveuxetmebrosselesdents.Clairement,cettedouchem’arevigoréeetjemesensbienmieux,entoutcas,pluspropre,cequiestdéjàbeaucoupdansl’étatactueldeschoses.Maisellem’aaussiépuiséeetjesuisobligéedel’appelerpour le prier de m’aider, après m’être redressée et m’être rendu compte que les murs serapprochaientdangereusement,signequetouttangueànouveauautourdemoi.Sans poser de question, Nahel me soulève et me ramène vers le lit. Les draps propres sontparfaitementlissésetilaégalementreplacédesserviettes,afindeprotégerlematelas.Reconnaissante, je m’allonge et lui souris. Si j’avais quelques doutes à son sujet, ceux-ci se sontenvolésdepuisprèsd’uneheure.Avecunegentillesse,unedélicatesseetunepudeurpeucommunes,Nahelm’aaidéeàunmomentoùj’avaisvraimentbesoindequelqu’un.Iln’ariendit,n’apasri,n’apasjugé.Non,ilm’ajusteapportésonassistancedemanièretotalementdésintéressée.Jetendslebrasverslaboîtedecomprimés,poséesurmonchevet.J’enprendsun,quejeglissedansmaboucheetquej’accompagned’unegorgéed’eau.—C’estquoicestrucs?demande-t-il,enfronçantlessourcils.—Desmédicamentsquenotremédecindefamillem’aprescrits.—Maiscenesontpasdesantalgiques!—Jenesaispas,jenesuispasdocteur.—Quelssontleseffetsdecescachets?Pourquoiest-cequ’ilal’airsimécontent?Jenecomprendspasetjen’aiplusl’énergied’yréfléchir.Jen’aimêmeplus la forcedegarder lesyeuxouverts.Baissant lespaupières, je sombredansuneinconscienceapaisante,quimepermettrad’oublier,untemps,cecorpsquejedéteste,parcequecinqjoursparmois,ilmefaithorriblementsouffriretquejenepeuxrienfairepourempêchercela.Justeavantdem’assoupir, jesensses lèvresseposersurmonfront,etmonbeauNahelmurmurerdoucement.—Dors,monange,jeserailààtonréveil.

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NahelJ’attendslongtemps,histoiredem’assurerqu’elledortvraiment,avantdemedirigerverslasalledebain.Pour lemoment, je refusedem’appesantir sur lemaelströmd’émotionsque j’aipu ressentirdepuisquej’aifranchileseuildecetappartement.Surlepasdelaporte,jesourisavecsatisfaction.Toutàl’heure,j’airepéréunoudeuxendroitsquipourraientconstituerdesplanquesintéressantes.Ilyad’abordlapetitetrappequipermetd’accéderàl’arrivéed’eau,maiségalementleplafond,carsasalledebainestdotéededallesquicamouflentlescâbles électriques, comme chez moi. Autant ne pas mettre toute la came au même endroit, c’estbeaucoupplusprudent.Pendantquejechangeaislesdraps,j’aiunpeuinspectélestudioquicomportepeudepossibilitéspourcacherdumatosdemanièreàcequepersonnenetombedessus.Aprèsuncoupd’œilrapideendirectiondulit,jesorsladopedemonbagageetladiviseenplusieursparties que je répartis équitablement dans les deux sachets. Le premier ira dans la trappe près destoilettes, plus facilement accessible, et le deuxième sera planqué dans le plafond.Ainsi, lorsque jedevrairécupérercedernier,ilseratempsdecommanderunautrestock.Ouais,c’estpasmalcommeplan.Car,autantl’avouertoutdesuite,policeauculounon,jen’arrêteraipas.C’estleseulmoyendepouvoirconsommertranquillement,sansquemonpèreoumonfrèrenel’apprennent.Etpuis,ilyalegoûtdurisque.Rienquecematin…Quandj’aicomprisqueleflicmesuivait,quejel’aisemépourvenirici,inutiledenierquemonflotd’adrénalineaatteintdesproportionshallucinantes,m’envoyantdesdéchargesd’énergiepuredanslesveines.C’étaitcarrémentmarrant!Enfin,jedisça,parcequejenemesuispasfaitchoperetque,grâceàMadie,j’aiunendroitsûroùmecacher.Unefoistoutenplace,jerécureletabouretsurlequelilafalluquejegrimpepouraccéderàladalleduplafond,ainsiqueladouche,lestoilettesetlelavabo.Puis,jemetslelave-lingeenroute.Laféedulogis qui sommeille enmoi n’a pas pu s’empêcher de briquer. C’est fou, cettemanie que j’ai denettoyerpartoutoùjesuis,toutaumoinsquandjesuisamenéàvivrequelquepart.Aprèsavoirpassélaserpillère,jemerendsdanslacuisineetdénichecequejecherchais,danslefondd’unplacard.Ils’agitd’unepetiteboîtedemétalavecuncouvercle,quiferaunexcellentcendrier.Jemedirigeenfinverslebalcon,oùjem’installesurletransatdeMadie,afindepouvoirmeroulerunjoint tranquillement.D’aborddeuxfeuillescolléesenL,puislefiltreconstituéd’unmorceaudeticketdetramwayenroulésurlui-même,vientensuiteletabac,etpourfinirlarésinedecannabisquej’émietteconsciencieusementaprèsl’avoirchauffée.SelonFred,mespétardssontcorsés,maisj’aimeça.Après undernier regard, par la vitre, surmonbel angeblond, j’allume enfinmon joke et inspireprofondémentavantd’expirerlentement.Oh,bordel,qu’est-cequeçafaitdubien!Ouais,c’esttropbon!HeureusementqueMadaunbalcon,parcequejemeseraismalvusortirdel’immeublesouslepremierprétextevenu,pourm’enjeterundansmabagnole.Làaumoins,jesuispeinard.

Au-dehors, le vent souffle et la pluie s’est remise à tomber, mais comme sa petite terrasse estcouverte,toutvabien.Tandisquejefumeconsciencieusementmacigarettedel’espace,medétendantàchaquebouffée,cequiestexactementlasensationrecherchée,jeréfléchisàcesdernièresheures.Unpremierconstat:sijenemedroguepasrégulièrement,moncorpsdonnedessignesdemanquepardesnausées,dessautesd’humeurquipeuventmemeneràuneviolenceextrême,j’enaidéjàfaitl’expérienceplusieurs fois.Mais jen’en suispas inquiet aupointdevouloir arrêter.D’ailleurs,neplusmecamerestunconceptquejen’arrivepasdutoutàimaginer.Commentdire?Ladopeestmabéquille,mon remède,monmédicament. Si je n’en prends pas, je ne tiens pas. J’ai toujours eu lesentimentquej’allaismourirjeune.Alors,quitteànepasêtrelàpourunelonguedurée,autantvivremavieàfond,sansm’encombrerdelamoraleoudesâmesbienpensantes.Laplupartdutemps,jem’éclateenfaisantexactementcequejeveuxaumomentoùjeleveux,etc’esttoutcequim’importe.Me tournant vers l’intérieur de l’appartement, j’observe Madie qui dort profondément. Endéglutissantavecpeine,jesongequecettefille,siinnocente,nesaitpasoùelleamislespieds.Elleestmaintenantàmoi,c’estunecertitude.Seulement,resteravecelle,c’estlapervertir,larabaisseràmonniveauetellevadégringolerdetrèshaut.Si,dansunpremiertemps,j’aitoutfaitpourlalaissertranquille,jeréalisequ’ilestdéjàtroptard.Jesuis un fumier égoïste et trop faible pour surmonter mon attirance. C’est elle que je veux, et ce,malgrélefaitdesavoirquejelaferaisouffriretquetoutçafiniramal,trèsmal.Ellen’estpasassezfortepourmerésister.Bien sûr, elle tentera de me changer quand elle découvrira l’étendue de mes vices, mais elle n’yparviendrapas.Personnen’a jamaispurelevercechallenge,pasmêmemafamille.Alors,cen’estpascettepetitesourisblondequiréussira.Jen’aiaucuneillusionsurlesujet:jemeserviraid’elleetde son corps, dans tous les sens du terme. Puis, je la tromperai, je lui mentirai, je la rendraimalheureuse,pourfinirparlajeter,unefoisquejemeserailasséd’elle.Pourlemoment,elleestsurunpiédestal,parcequejen’aipasencorepulabaiser.Quandceserafait,elle ne sera plus qu’une nana parmi tant d’autres. Je suis presque emmerdé de cet état de fait, carj’aimaisl’idéederespecteretd’admirerunefemme.Maisledésirquej’aid’elleesttropintenseetjenepeuxpasrésister.Sortant les deux téléphones prépayés de la poche de ma veste, j’appelle Fred, puis Val. Je leurexpliqueoùjemetrouveetleurconseilledeplanquerlacameailleursqu’àleurdomicile,carjesuispersuadé qu’eux aussi sont dans le collimateur des flics. Apparemment, Fred avait déjà de sacrésdoutes,sibienquec’estStephquiaprissamarchandiseencharge,pourlacacherdanssongarage.Vince,poursapart,aquasimenttoutvendu,puisqu’ilagérélescommandesdefindesemaine.Aprèsavoirraccroché,jetireuneultimelattedemonjoint,avantdel’éteindredanslaboîteenmétalquejerefermeetquejedissimuleavecmabarrettedeshitdanslepotdelaplanteverte.Puis, inspirant profondément, je prendsmon téléphone portableofficiel, et récupère le numéro demonfrèreaînédansmescontacts.Lounisatrente-troisansetestgynécologueàParis.C’estluiquim’ahébergé,quandjesuisarrivéenFrance,ilyacinqansdecela,etquim’aenvoyéàStrasbourg,l’annéedernière,parcequ’iln’enpouvaitplusdemesconneries.Dans le fond, je le comprends. Avoir un frangin impliqué dans divers trafics de drogue pouvaitsérieusementnuireàsacarrière.Mais,contrairementàcequej’aicraintàl’époque,ilnem’apasprisunallersimplepourNewYork,oùmonpèreseseraitchargédemerendrecomplètementdingue.Ilavait pigé que ce n’était pas la solution etm’a proposé une autre alternative.M’éloigner deParis,pourneplusêtreaccablépar lahonted’avoirun frèredélinquant,mais s’arrangerpourêtreassezproche,afindepouvoirm’aiders’ilyavaitréellementunproblèmegrave.

Jusqu’àprésent, jen’ai jamaiseubesoinde luidepuismonarrivée ici.Jevais levoir,environunefois par trimestre, et nous en sommes contents tous les deux. Je peux continuer à être totalementingérable,pourvuquejenefassepasdevagues.Jecroisqu’ilacompris,depuislongtemps,quequoiqu’ilfasse,celanesertàrien,sicen’estàmebraquertotalement.Et puis, surtout, il connaît les motifs de mon mal-être. Il sait pourquoi je ne guérirai jamais.Contrairementàmesdeuxsœurs,quisefichentéperdumentdemapoire,etsonttotalementdévouéesànotrepèreetplusencoreàsonargent,Lounisestleseulquisesoitréellementintéresséàmoi.C’estpourçaquej’acceptesesleçonsdemorale.C’estl’uniquemembredemafamillequialedroitdemesermonneretdontl’opinionm’importeaumoinsunpeu.Enfin,justeuntoutpetitpeu.Mais pour lemoment, ce n’est pas à l’aîné de la fratrie que je veux faire appel,mais aumédecinréputé,dontlesavoirestincontestable.Lounisestunmecsuperbrillantetuncrackdanssondomaine.SiMadieaeudessaignementsanormalementabondants,jen’aipasdedoutelà-dessus,etestvictimededouleurstellesqu’ellenepeutplusmarcher,ilpourramedirecequ’ilconvientdefaireetdequoiellesouffre.Ildécrocheàladeuxièmesonnerie.Enmêmetemps,undimanche,iln’estpasoccupéàsoncabinet.—Nahel!Salut,frérot.Toutvabien?C’estmarrant,chaquefoisquejelecontacte,c’estlapremièrechosequ’ilmedemande,commes’ilredoutaitquejenefasseuneénièmeconnerie.—Yep,çaroule.Pasdeproblème.—Alorsquemevautl’insignehonneurdetonappel?—Jevoulaisprendredetesnouvelles,qu’est-cequeçaadesiétonnant?Iléclatederireà l’autreboutdufil,cequimegonfleauplushautpoint. Iln’enapasmarredesefoutredemoi?—Nahel,ladernièrefoisquetum’astéléphoné,tuavaisbesoindescoordonnéesdemonavocatpourundetespotesquiavaitdesennuisaveclajustice.Etmêmesitum’asjurésurtouslessaintsquetun’avaisaucunlienavectoutça,tesantécédentsmelaissentàpenserquetunem’asprobablementpastoutdit.Jegrimaceetheureusementqu’ilnepeutpasmevoir.Iln’apastort,c’estunfait.Jenelecontacte,engénéral,quequandjesuisdanslamerdeouquej’aibesoindequelquechose.Jenetienspascomptedesoncommentaire,aussicyniquequeréaliste.—Non,toutvabien,calme-toi.Enfait,cen’estpasaufrèrequejeveuxparler,maisaumédecin.—Tuterappellesquejesuisgynécoetpasgénéraliste,nimêmeaddictologue.—Hanhan,trèsdrôle.Cen’estpaspourmoi,abruti,maispouruneamie.—Rassure-moi,tun’aspasfoutuunenanaencloque,j’espère?—Putain,Lounis,t’asdécidéd’êtreconduranttoutelaconversationouquoi?Jepeuxraccrocheretterecontacterdemainsituveux.—Oh,çava.Essaiedetemettreàmaplace,tum’asplushabituéauxemmerdementsqu’àautrechose.—Maispascettefois,jemetueàtel’expliquer!m’énervé-je.—C’estbon.Quesepasse-t-il?—Monamieadessaignementshyperabondants,elleatellementmalauventrequ’ellen’estplusenmesuredemarcheretellevomitrégulièrement,dumoinsc’estcequej’aicrucomprendre.Elleditaussiavoirdeterriblesmigraines,desvertiges,etêtreincapabledemangerquoiquecesoit.—Pendantsesrègles?demandeLounis,quiareprisuntonplusprofessionnel.— Oui, je suppose. Je suis arrivé ce matin et elle était inconsciente dans son couloir. Putain, çadébordaitdepartout!Toutcesang,ouah,jen’auraisjamaisimaginéqu’unenanapouvaitenperdre

autant.—C’estimpressionnant,j’enconviens,maisiln’yenpastantqueça.Àpremièrevue,jepencheraispouruneendométriose,maisilfaudraitquejel’ausculte.Elleprendlapilule?—T’esmalade,elleestvierge!—Pardon?J’ail’impressionquemonfrèremanquedes’étrangleràl’autreboutdufiletçamefaitsourire.C’estvraiquejenel’aipashabituéàuncasdecegenre.—T’as très bien entendu.Écoute,Madie est une amie, une fille que j’apprécie beaucoup et que jerespecte.—Toi,turespectesunefemme?C’estnouveauça!—Oh,tagueule!Bref,ellevientd’unefamille…commentdire…asseztraditionnelle.—Explique-toi.—Ce sont des catholiques très pratiquants. Son père est diacre, et les enfants ont été prénommésMarie,JosephetMadeleine,situvoislegenre.—Ahoui,quandmême!—Ouais. Je crois qu’elle en bave comme ça tous lesmois,mais c’est la première fois que je latrouvedanscetétat.Avant,jepensequ’elleessayaitdegérerçaseule.Etinutiledetedireque,d’aprèsmoi,ellen’ajamaismislespiedsdanslecabinetd’ungynécologue.—Etqueveux-tuquejefasseàdistance?Jesuisd’accordpourlarecevoir,maisenaucuncassicen’estpassadécision.IlyasûrementdesconfrèrestrèscompétentsàStrasbourg.Situlesouhaites,jepeuxtedonnerleurscoordonnées.—Non,impossible,ellerefusera.—Alors,ilfautquetumel’amènes.Parcontre,sielleestsipudiquequetusemblesl’indiquer,ellen’accepterasansdoutepasd’êtreauscultéeparunhomme.—TucroisqueCarolepourraits’encharger?—Biensûr,net’inquiètepas.Ellet’aimebeaucoupetterendraceservicebienvolontiers.—OK,jeviendraiavecellevendrediprochain,ensoirée,etnousresteronsjusqu’àdimanche.Çava?—Parfait.Tues toujours lebienvenu, tu le sais.Çaalors, jen’en revienspas !Monpetit frère sedéplacepourmevoir,sansrienmedemander,etavecsapetite-amiequ’iln’ajamaisbaisée.Alorslà,c’estunscoop!—Jet’interdisdeparlerd’elleainsi.Madieestunefillevraimentbien,pauvreabruti!C’estunange.—Disdonc,tuneseraispasunpeuamoureux,toi?—Çanevapas!T’esconoutuprendsdescours?—Calme-toi,jeplaisantais.—Jetel’aidéjàexpliquéunpaquetdefois,n’essaiepasdevouloirfairedel’humour,t’espaséquipépour.—Désolé,frangin.Onseretrouvevendredi,alors?—Ouais.Ah,aufait,ellebouffedesmédicamentsquilamettentcomplètementdansleschoux.Ellem’aindiquéquec’étaitsongénéralistequilesluiavaitprescrits.C’estnormal,ça?—Tusaiscequec’est?—Attends,jevaisvoir.Jeretourneàl’intérieurdel’appartementetprendslaboîtedecomprimés,afind’encommuniquerlenomàmonfrère.Enentendantcela,Louniscommenceàs’excitersérieusement.—Cesontdessomnifèresoudescalmants,situveux.Hormislafairedormir,ilsnel’aidentenrien.Non,mais il y a vraiment des incompétents partout !Quelle idée de shooter cette gamine sans la

soigner!—Bon,jefaisquoi,moi?—Tuvasàlapharmaciedegardeettuteprocuresdesanti-inflammatoires,genreIbuprofène,ainsiquedesantalgiquestelsqueleparacétamol.Surtoutpasd’aspirine,ellesaigneraitencoreplus.Ettuachètesunebouillotteaussi.—Une bouillotte ?Mais pour faire quoi, tête de nœud ?m’insurgé-je, persuadé qu’il se fout denouveaudemoi.—Tularemplisd’eauchaudeettul’entouresd’unlinge.Ensuite,tulaluiposessurlebasduventre.La chaleur va la détendre et lui faire du bien. Les comprimés, c’est toutes les deux heures enalternance.C’estbon?Ahoui,achèteégalementduSpasfon,çavalasoulager.Ellepeutenprendrejusqu’àsixparjour,indépendammentdesantalgiques.T’astoutcompris?—Jecrois,oui.Tusais,jenesuispascomplètementdemeuré,nonplus.—Jen’aijamaisrienprétendudetel.Àquelleheurepenses-tuarrivervendredi?— Attends, je consulte son emploi du temps, dis-je en farfouillant dans son agenda, posé sur lebureau.Elletermineàquinzeheures,doncsinouspartonstoutdesuite,normalement,nousdevrionsêtrecheztoiversvingt-et-uneheures.—Parfait,jeferaiensorted’êtreàlamaison.Àvendredialors?—Àvendredi.Ciao,frangin.—Salut.Eh,Nahel?—Oui?—Jesuisheureuxquetuviennes,tusais.—Moiaussi,Lounis,moiaussi,murmuré-jeenraccrochant.C’estvrai, jesuiscontentdelerevoiretmêmefierdeluiprésenterMadie.Ilfaudraquejepenseàphotographiersatêtequandillarencontrera.Jesuissûrquesamâchoireentomberaparterre.Aprèsavoirvérifiéqu’elleétaittoujoursendormie,jeprendssontrousseau,ainsiqueceluisurlequelilyauneétiquetteavecunPmajusculeetquittel’appartement.Unefoisdansmavoiture,jeconsultelapharmaciedegardesurmoniPhoneetmerendsenbanlieuepouryachetercequemonfrèrem’aindiqué.Environuneheureplustard–bonsang,qu’est-cequ’ilyacommemonde-,jesuisderetour.Etcettefois,jemesersdelaclédeMadiepouraccéderauparkingdel’immeuble,avantdemegarerdanslecoinquejejugeleplusdiscretpossible,puisqu’ilnesemblepasyavoirdeplaceattitrée.En entrant dans son studio, je constate qu’elle n’a pas bougé. Benmerde, ces saletés ont l’air del’assommertotalement.Lessourcilsfroncés,jeprendslaboîteetlarangedanslefondduplacarddelasalledebain.Puis,avisantmonestomacquigargouille,jedécidedenousprépareràmanger.Ilestpresquequinzeheures et je commence sérieusement à avoir la dalle. Sans la moindre gêne, je fouille dans sonréfrigérateur,pourtrouverdequoinousnourrir.S’ilfautlaisserunechoseànotremère,quines’estpastrèssouventoccupéedenous,c’estqu’ellenousaapprisàfaireàmangeretleménage,afinquenouspuissionsnousdébrouillerentoutecirconstance.Résultat:nousavonsfaitdesstagesintensifsaveclesdomestiquesetlechefdemesparents.Finalement,jedécidedeconfectionnerunpotage.Jedégotedespommesdeterre,descarottesetunecourgette,c’estparfait.Jenoteégalementqu’ilestassezraredetrouverdesfruitsetdeslégumesfraisdanslacuisined’uneétudiante.Unedemi-heureplustard,undélicieuxfumets’échappedelacasseroleettoutestnettoyé.Jedénichedupain,achetéprobablementhier,qu’ellen’apastouché.Jeledécoupeencubeset lesposesurun

platquej’introduisdanssonmini-four,afind’enfairedescroutons.Peuaprèsavoirmixé lasoupe, jedécidederéveillerMadie. Il fautqu’ellemangeunpeu,avantdeprendrelesmédicamentsquejeluiairamenés.Jeviensdeverserdel’eaubrûlantedanslabouillottequiattendsagement,enveloppéedansuneserviettedetoilette.L’instant d’après, jem’installe sur son lit et lui caresse doucement le front. Elle ne réagit pas. Jel’appelle en lui secouant délicatement l’épaule. Enfin, au bout de longues minutes, elle sembleémerger.Lapauvre,ellemefaitmalaucœur,tellementelleal’airdanslesvapes.—Çava?jedemande,ensouriant.—Qu’est-cequetufaislà?—Tunetesouviensderien?Elle ferme les yeux, une seconde, avant de rougir furieusement àmesurequ’elle se remémore lesévènements de la journée. Se redressant avec difficulté, elle s’assied tant bien que mal. Puis, secouvrantlevisageavecsesmains,ellegémit.—Oh,c’estpasvrai.Qu’est-cequej’aihonte!—Pourquoi?Tuétaismaladeetjet’aiaidée,jenecomprendspascequ’ilyadegênant.—Nahel,cesontmesrègles,pasunegrippe.Jet’aifoutudusangsurletee-shirt,c’esttoiquim’aslavéeetquim’asséchée.Tuasétéobligédechangermesdraps.Franchement,jenevoispascequ’ilyadeplusmortifiantqueça.—C’estlanature,Madeleine.Est-cequeçavamieux?—Lamigraines’estunpeucalmée,mêmesijesensqu’ellepeutressurgiràn’importequelmoment.Pourlereste,c’estpasterrible.—C’estcommeçachaquemois?—Oui,répond-elleenbaissantlesyeux.Maisdisonsquedepuisjuillet,çan’afaitqu’empirer.—Jet’aipréparéunpeudepotage.Tuenveux?—C’estgentil,maiscen’estpasunebonneidée.—Pourquoi?—Crois-moisurparole,s’ilteplaît.—Ilfautquetumanges,Madie.Alorsaucuneprotestation,jeunefille!Sanstenircomptedesesgémissements,jemelèvepourluichercherunboldesoupe.

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MadieJeleregardes’éloigner,misérable.Jesaisbienqu’onnemeurtpasdehonteetqueleridiculenetuepas.Enattendant,jemesenshorriblementmal.C’estvraiça,Nahelestmonfantasmesecretetilm’avuedansunepositionque,franchement,j’auraisvouluéviterpartouslesmoyens,quitteàdonnerdixans de ma vie en échange.Mon amour propre a tellement morflé qu’il est à l’agonie et, si je lepouvais,jemecacheraisdansuntroudesouris.Étonnamment,çanesemblepaslegênerlemoinsdumonde,cequiaccroîtencoremonmalaise.Quandilrevientavecunboldesoupeetuncouvert,jen’encroispasmesyeux.Ilapréparéàmangerpourmoi!Décidément,c’estunsans-faute,jusqu’àprésent.Cemecestparfait,jevousledis.Hélas,jesensdéjàquemonestomacestentraindeseretournerrienqu’àl’odeur,pourtantagréable,dupotage.Seréinstallantsurleborddulit,ilmetendunecuillerfumante.J’ouvrelaboucheetavalecequ’ilmedonne, comme si j’étais une enfant. C’est délicieux. Hélas, comme je l’avais prévu, la nauséem’envahitpeuàpeuet,environà lamoitié,monventreémetungrincement inquiétant.Aussitôt, ilreposeleboletsepoussepourmelaisserpasser.Jen’aiqueletempsdemeprécipiterverslasalledebain et de me pencher sur la cuvette des toilettes, avant de rendre le peu que j’ai mangé. C’esthorrible,lasoupemeressortparlenez!Je pense avoir touché le fond, quand je sens Nahel empoigner mes cheveux pour les retenir enarrière. Si j’avais cru qu’il ne pouvait pasme voir, jeme suis bien gourée, car il a un panoramaplongeantsurmesvomissements.Ohnon,merde,commentest-cequejepourraileregarderenfaceaprèsça?Lorsquelesspasmessecalment,ilm’aideàmerelever,mepasseungantdetoilettebienfraissurlevisage et me tend ma brosse à dents sur laquelle il a étalé du dentifrice. Je le remercie dans unmurmure,lesyeuxbaissés.—Çaira?demande-t-il,toutenmescrutantintensément.Jehochelatête,toujoursfascinéeparmespieds.Dèsqu’ilaquittélapièce,sansfermerévidemment,jemedépêchedemelaverlesdents,deretourneraupetitcoinetdemechanger.J’aidelachance,cettefois,iln’yapaseud’inondations.Moinsdecinqminutesplustard,ilestderetour,aprèsavoirtoquéuncoupbrefàlaporte.Lerespectdemon intimité personnelle, il connaît ? Sans être gêné lemoins dumonde, ilme soulève etmeramènevers le lit.Mais,minceà la fin, j’auraispuêtreen traindefairepipi,voirepire!Jen’osemêmepasimaginerdansquelétatjemeseraistrouvéesitelavaitétélecas.Autantmetuertoutdesuite,çaauraitétémerendreunsacréservice!—Ah, j’aiunequestion, avantd’oublier.Comment t’yprends-tupour sécher le lingevolumineux,commelesdrapsetlahoussedecouette?Jefroncelessourcils,toutenlefixant.

—Tuaslavémonlinge?demandé-je,incapabled’ycroire.—Évidemment,lamachineétaitpleine!Saréponsemefaitriredoucement.Commesic’étaittoutàfaitnormalpourunmecdes’occuperdesculottesd’unefillequin’estmêmepassapetite-amie!— Il y a un programme de séchage intégré, je lui explique. Mais j’essaie de l’utiliser le moinspossible, parce que ça consomme beaucoup d’électricité. Ceci dit, pour les draps, tu n’aseffectivementpaslechoix.Machinalement,jetendslebrasversmesmédicaments,pourm’apercevoirquelaboîten’estplusàsaplace.Jetâtonne,metourneprudemmentverslatabledechevet,maisrien.Fronçantlessourcils,jesoulèvemoncoussin,toujoursrien.Là,lapaniquecommenceàmegagner.Sijenelestrouvepas,jesuissûreetcertainequejen’arriveraipasàpasserlestroisjoursàvenir,sansdevenircomplètementfolle.Ladouleurfiniraparêtretellementaiguëquejenepourraipaslesupporter.—Sicesonttesmédocsquetucherches,jelesaijetés.—Quoi?Maist’escomplètementgivré!Aunomdequoioses-tumepiquerlesseulscomprimésquimesoulagentunpeu?Punaise,Nahel,t’aspasledroitdemefaireuntrucpareil!Lapeurd’avoirmalmerendagressiveetméchante,maisc’estplusfortquemoi.L’idéedevivrelessoixante-douzeprochainesheuressanslamoindreaide,mêmechimique,estentraindemeprendrelatêtecommepaspermis.—Iln’estpasquestionquetucontinuesàbouffercessaletés!Cesontdespsychotropes,ilsnetesontd’aucuneutilitépourcequetuas.—Parcequetuesmédecin,toi,maintenant?m’énervé-je.Merde,Nahel,tunesaispascequec’estd’avoirtellementdedouleursqu’ilt’estàpeinepossiblederespirer!C’estsiépuisant,siinvalidant.Alors,s’ilteplaît,rends-les-moi.—J’aiappelémonfrangin,c’estluiquim’aditquecesmédocsétaientmauvaispourtoi.—Quoi?Mais…—Monfrère,Lounis,estgynécologue.Etdanssondomaine,c’estlemeilleur.Donc,jeteproposeuntruc. Pour les prochaines vingt-quatre heures, on va suivre ses recommandations. Si demain, à lamêmeheure,c’esttropdifficile,jetelesrendrai.Tuesd’accordpouressayer?—Tunecomptesquandmêmepasrestericipourmeveillercommeuneinfirmière?—Ohquesi,etletempsqu’ilfaudra.Jerefusedet’abandonnerdanscetétat.—Je…—Rienàfoutredetesprotestations,jenepartiraipas,c’estdécidé.Ettoutcequetupourraisdiren’ychangerarien.Alors,maintenant,tulabouclesettumelaissesfaire.Lesourireencoin,quiéclairesonvisage,atténueladuretédesespropos.Sedirigeantverslacuisine,il en revient, quelques instants plus tard, avec un yaourt et un verre de jus d’orange.En voyant lanourriture, jenepeuxm’empêcherdegrimacer.Ladernière foisque jem’ysuis risquée,çaa finidanslacuvettedestoilettes.—Ilfautquetuavalesquelquechose,avantdeprendretesmédicaments.Sinontonestomacvaencorechanterlereggae.J’aime bien son expression, et tente d’ingurgiter doucement le laitage sans rendre pour autant. Lafraîcheuretlegoûtdevanillem’yaidentgrandement.Àvraidire,çamefaitunbienfoudemangeruntoutpetitpeusansquecelanem’obligeàvomir.Lorsquej’ensuisauxtroisquarts,jeluitendslepotdeverre. Impossibled’ingérerunebouchée supplémentaire.Comprenantcela,Nahelmedonnedeuxcomprimésetlejusd’orange.Jelesavaleetm’allonge,histoiredetrouverlapositionlaplusconfortable.Moncorpsestànouveauentraindes’affaiblir,perclusdedouleurs.Alors,ilsoulèvela

couvertureetcolleunebouillottesurmonventre.J’arqueunsourcilironiqueetmurmure.—C’estçaquetuasàmeproposer?Unremèdedegrand-mère?Waouh,c’estbienlapeinequetonfrèreaitfaitautantd’études!—Attendsdevoir,avantdecritiquer.Tuasdéjàprocédécommeça?Jeréfléchis,uninstant,etdoisreconnaîtrequenon.Enfin,pastoutàfait.—Disonsquem’allongerenprenantdescachets,ça, je l’ai fait, réponds-jeenpoussantunsoupird’aise.La chaleur qui se dégage de la bouillotte a un côté rassurant et se loge droit sur mon ventre sidouloureux.—Et?questionne-t-il,ens’installantplusconfortablementsurmonlit,àcôtédemoi.—Etquoi?—Qu’est-cequeçaadonné?—Audébut,çasuffisaitou,toutaumoins,çarendaitleschosessupportables.Maisdepuisquelquesmois,çaaprisdesproportionsincontrôlables,expliqué-je,sentantleslarmesmemonterauxyeux.—Hé,monange,nepleurepas,murmure-t-il,enentourantmesépaulesdesonbras.J’aiconscienceden’êtrepasenassezbonétatphysiquepourêtre troublée,mais j’aimebiennotreposition.Jesuisallongée, lanuquemaintenuepardeuxoreillers,matête lovéesur lecreuxdesonaisselle.—Çafaitenvironsixmoisqueleschosessepassentsimal,mêmesiavantdéjàc’étaitproblématique,maispasaussihandicapant.—Etiln’yaeuaucunélémentdéclencheur?— Non. Quand j’y réfléchis, je réalise que tout est arrivé progressivement d’abord, puis plusbrutalementensuite.—Tesparentsnet’ontpasemmenéechezunmédecin?—Si,enjuillet,mamèreaprisrendez-vousavecnotregénéraliste.Ilaproposédemeprescrirelapilule,maisenvoyantlaréactiondemaman,ilarenoncé.—Commenta-t-elleprisleschoses?—Tuveuxvraimentlesavoir?Jesuis terriblementgênée.J’adoremafamille,vraiment.Maiscertainsde leurscomportementsmemettenttellementmalàl’aisequejen’imaginepasenparleràquelqu’un.Cecidit,avecNahel,c’estdifférent,carilm’aaidéedansdesmomentsautrementpluscompromettants.Alors,autantluirévélerlavérité,aprèstout,ilnecherchequ’àmesoutenir.— Mes parents attachent une très grande importance à la pureté, aux valeurs traditionnelles dumariage.Jesaisqueçapeuttesemblerdépassé,voirecarrémentarriéré,maisilssontainsietnousontélevésdecettemanière.Commentt’expliquer,sanslesfairepasserpourdeuxintégristesàmoitiébarges?Disonsqu’ilspartentduprincipequ’unefemmeestdestinéeàunhommeetàunseul.Elledoitsepréserverpourluietresteràsescôtés,quoiqu’iladvienne.—C’est sansdouteainsiquepensaientnosgrands-parents,maisaujourd’hui, leschosesontquandmêmeévolué,non?intervient-ilavecbonsens.—Jesuisd’accordavectoi,maisilsnepartagentpascepointdevue.Ilssonttrèsgentils,jet’assure,etferaientn’importequoipouraiderleurprochain.Maislaquestiondelamoraliténesouffreaucuneadaptation à leurs yeux.Ma sœur était vierge à sa noce, tu sais. Bref, pour eux, prendre la piluleconstitueuneincitationàlaluxure.—Etsituneveuxpasd’enfantsaprèslemariage,tufaiscomment?—Ilsprônentlescontraceptifsnaturels,telsquel’abstinenceetlaconnaissancedesonproprecorps.

—Sérieux?J’ail’impressionqu’ilestsurlepointdes’étrangler,tellementcepointdevuelechoque.—Waouh!Ilssontunpeuchelousquandmême,tesparents.—Jenediraispasça,jet’assurequecesontdesgensformidablesetquiontuneréellebontéeneux.Maischezmoi,parlerdesexualitéesttabouetutiliseruncontraceptif,mêmeàdesfinsmédicales,eststrictementinterdit.Alors,quandlemédecinamentionnélapilule,j’aieul’impressionquemamèreallait faireuneattaque.Elleapassé le restedu tempsà se signeret àexpliquerànotregénéralistequ’il devait forcément y avoir une autre solution. Je crois qu’il a prescrit ces médicaments endésespoirdecause,parcequ’iln’enpouvaitplusetignoraitcommentsedébarrasserd’elleetdesondiscourssurlafoi,lamoralité,etl’estimedesoi.Tucomprends,j’aimesincèrementmamère,maisjereconnaisqu’ellepeutêtreparfoistrèssoulante.—Tuauraispuallervoirungynécologue,depuisquetuesàStrasbourg.—Sansdoute,maisilm’auraitditlamêmechoseetjeneprendraipaslapilule.Jerefusedelefairedansleurdos,carjesaisàquelpointilsseraientmortifiéss’ilsledécouvraient.—Tun’exagèrespasunpeu?—Poureux,jeseraisperdue.Etpuis,jen’enconnaisaucun,alors…Nahelcaressemescheveux,rassurant.Quelquesminutesplustard,ilserelève,arrangelescoussinsetmeborde.—Ilfautquetutereposes,Madie.Essaiededormirunpeu.—Ettoi?Quecomptes-tufaire?— Jemangerai un peu de potage, ce serait dommage que jeme sois cassé le cul à éplucher deslégumespourtoutjeter.Àcerappel,jerougisunefoisdeplus.Ohlahonte!—Ensuite,jemerendraisurlebalconpourfumerunecigaretteetj’enprofiteraipourtéléphoneràmesamis.C’esttoutcequetuasenviedesavoir?—Désolée,jenevoulaispasmemontrerindiscrète.—Pasdesouci.Commenttesens-tu?—J’aiencoremal,maisçava,c’estunpeumoinspire.—Labouillottedoitsansdoutefaireeffet.—Oulescachets,jerépondsavecunpetitsourireamusé.—Oulesdeux,murmure-t-il,enmefaisantunclind’œil,avantdesedirigerverslecoincuisine.Je ferme les paupières, jeme sensmieux.Enfin, pas vraiment, car lamigraine n’a pas totalementdisparuetpeutressurgiràn’importequelmoment,j’enaiconscience.Lesdouleurspelviennessontencore pénibles, mais avec la bouillotte et les cachets, j’ai l’impression que ça devient presquesupportable. Je dis presque, parce qu’au moindre mouvement, les élancements dans mon bassinreprennent.Toutefois, je dois avouer que j’apprécie de ne pas être totalement dans le coltard. Je pensais quec’était l’uniquemoyenpourmoidesurmontercescinq jourshorribles,maispeut-êtrequeNahelaraison,qu’ilexisteuneméthodealternative,quimepermettraitderesterconsciente.Entoutcas,çanemecoûteriend’essayer.Etpuis,jedoisreconnaîtreque,malgrélessituationshorriblementgênantesquej’aivécuesaveclui,jesuiscontentequ’ilsoitlàetqu’ilprennesoindemoiavecunteldévouement.C’estsiagréabledenepassesentirabandonnéedanscettegalère.Vers vingt heures, Nahel me réveille doucement. Il a l’air fatigué, ses yeux sont tout rouges. Lepauvre!Direqu’ils’obligeàmesurveiller,plutôtquedesortir.Mêmesijesaisqu’ildevrarentrer

chezlui,j’appréhendesondépart.Meretrouverànouveautouteseuleicimedéprime.Pourtant,ilnesemblepaspressédemequitter.Renduevaseuseparplusieursheuresdesommeil,j’aitouteslesdifficultésdumondeàémerger.J’aimalaucrâneet,ententantdemeredresser,jesensunehumiditésuspecte.Merde,çanevapasencorerecommencer!—Nahel,murmuré-je,malàl’aise,ilfautquejefiledanslasalledebain.—Jeteportesituveux.—Jepensequ’ilnevautmieuxpas,soufflé-je,enrougissant.—Laisse-moiaumoinst’aideràmarcher.—Non,je…—Bordel,Madie,tupeuxlafermer,oui!J’enairasleculdetapudeuràlacon!Tucroisquejen’enaipasassezvuaujourd’hui?s’écrie-t-il,mefusillantduregard.Labrutalitédesesproposmeheurtevéritablement.Dequeldroitmeparle-t-ilainsi?Àmongranddésarroi,leslarmescommencentàroulersurmesjoues.C’estpasvrai!Quellecrétinejesuis,dememontreraussiémotive.—Madie,je…Cettefois,c’estmoiquienaimarre.M’aidernel’autorisepasàmecrierdessus.Ilyenaquisontpluspolisavecleurchien!—Tagueule, connard ! Jene t’ai jamais riendemandé, alors je t’interdis demeparler comme sij’étaisunedetespouffiasses!Nahelesttellementsidéréparmaréponse,qu’ilalamâchoirequitraîneparterre.Jamais,ilnem’aentenduem’exprimerdecettemanièreetjedoisadmettrequec’estsansdoutelapremièrefoisqueçam’arrive.—Désolé,marmonne-t-il,enapprochantdulit.Jen’auraispasdûteparlercommeça.—Moiaussi,jeteprésentemesexcuses.Pardondem’êtreemportée.—Jenel’avaisprobablementpasvolé.Allez,vienslà,greluche,quejet’aide.Cette dispute a réveillé mamigraine et mes tempes tambourinent tellement que cela me donne lanausée.Craignantderendresurlui,j’acceptesonbrasetmeredresseavecdifficulté.Sortirdulitestuneépreuvedigned’unparcoursducombattant.Mesjambestremblentetjesuispresquepliéeendeuxpourmarcher.Ondiraitunecentenaire!Finalement,jesuisbiencontentequ’ilmesoutienne.Enme tournant, jeconstatequ’ilyadenouveaudesdégâtsauniveaudemon lit.Mortifiée, jemedirigeverslasalledebain.JesaisparfaitementqueNahelfaitcommes’iln’avaitrienvu,maisilasuivimonregardetcomprendtrèsbiendequoiilretourne.C’esttrèsdélicatdesapartdenepasmelefaireremarquer,maiscelanem’empêchepasdemesentirhypergênée.Lorsquejereviensdanslapièceprincipale, ilachangélesdrapsdebain.Ouf,cettefois, iln’apasinsistépourlaisserlaporteouverte.—Plusdepeurquedemal,annonce-t-il,tranquillement.LesdégâtssontlimitésJesouris,maisnerépondspas.Unebouillottechaudem’attend,ainsiqu’unyaourtetunjusd’orange.—Detouteévidence,c’esttoutcequetonestomactolère,alorspourcesoir,neprenonsaucunrisque.Jeneprotestepas, tropsoulagéedenepasêtreobligéedemanger. Ilmenourrità lapetitecuillercommesij’étaisunbébéetjeneparletoujourspas.J’aitellementmalaucrânequejecroisquejepourraispleurer.Aprèsenavoiravalélamoitiéetingérédeuxcomprimés,jemerallonge.Ilglisselabouillotte surmon ventre et s’éloigne un peu. La lumière dema lampe de chevet est encore tropéblouissanteetjeneparvienspasàgarderlesyeuxouverts.Pourtant, quand j’entends des bruits de tissu froissé, je ne peux m’empêcher de soulever les

paupières,dévoréeparlacuriosité.Devantmonregardébahi,ilsedéshabilleposément,neconservantquesoncaleçon,ainsiqu’untee-shirtàmanchescourtesqu’ilasortidesonsac.Depuisquandsetrimballe-t-ilavecdesfringuesderechange?D’unpastranquille,Nahels’approcheetseglisseàcôtédemoi.Monlitn’estpasconçupourdeux,maisilestpluslargequelesquatre-vingt-dixcentimètresréglementairesdeceuxàuneplace.Jemepousseunpeupour luipermettredes’installer, tropétonnéeparsonattitudepourdirequoiquecesoit.S’allongeantdemanièreconfortable,iltendlebrasetjeviensmeréfugiercontrelui,profitantdesachaleur.—Dors,monange,jeresteavectoi.Jenetelaisseraipas.Rassurée, je ferme les yeux et sombre peu après.Durant la nuit, je le réveille à trois reprises. Lapremière,c’estpourmechanger.Laseconde,c’estpouravalermescomprimés, ladouleurétantànouveauprésente.Lesélancementstraversentmoncorpssansrelâche.Latroisième,c’estenvoulantmerendredans la salledebain, saisiedeviolentesnausées,quimefontvomir lepeuquecontientmonestomac.Chaque fois, il est là, silencieuxet rassurant. Jecroisque j’aidépassé le stadede lagêneetjereconnaisquejesuissoulagéeetcontentequ’ilsoitavecmoi.Pendant les trois jours suivants, il me veille comme si j’étais une enfant malade. Chaque soir, jem’endorsdanssesbraset,chaquematin,j’yémerge.Sijen’étaispasdanscetétat,ilmesemblequej’apprécieraismieuxseseffortspourmefaciliterlavie.Enfin, à l’aube du cinquième jour, jeme réveille naturellement, sans être en proie à des crampesintenables.C’estlafin,jelesais.Monexistencepeutreprendresoncours.Cen’estpasl’opiniondeNahelquiestfuraxquejedécidederetourneràlafac.J’aibeautenterdeluiexpliquerquejenepeuxpas louper autant d’heures, au risque de me faire sucrer ma bourse, il ne veut rien entendre.Toutefois, je ne tiens pas compte de son avis tranché sur la question. Il faut que je reprennemescours,j’aidéjàratétroisjours.Ilm’obligealorsàavalerunpetit-déjeunergargantuesque.Toutenmastiquantmatartine,jeregardeautour de moi. Habituellement, après ces phases si dures, mon appartement est un véritablecapharnaüm.Là,ilmesemblequ’iln’ajamaisétéaussibiennettoyé.Ilatoutbriqué,lelingeestlavéetpliéavecleplusgrandsoin,etpendantquejemange,ilchangelesdraps.Waouh,j’aiaffaireàunmaniaquedelapropreté,c’estévident.Ilafaittoutçaquandquejedormais,c’estincroyable!Versseptheurestrente,ils’habilleet,aumomentoùjedécidedepartir, ilenfilesaveste,décrétantqu’ildoitm’accompagneraucasoùilm’arriveraitquelquechose.Lorsquenousdébarquonsàlafac,jenepeuxpasnepasremarquerlesregardsintriguésdecertainsétudiants.Devantlasalledecours,Fredattenddéjà.Ilsembleraitqu’ilsaientprévuunesessiond’enregistrementjusteaprès.Aumomentdepénétrerdansl’amphi,ilmeserredanssesbrasetm’embrassesurlefront,avantdem’expliquerqu’ilseraderetouràmidipourm’emmeneraurestaurantuniversitaire.Jamaisjen’auraisimaginéqu’ilsemontreraitsiprotecteuravecmoi.Aprèsmonderniercoursdelajournée,alorsquejem’apprêteàretournerchezmoi,jelecroisedansle couloir. De toute évidence, il m’attendait pour rentrer. Et de fait, nous dînons ensemble, nousétudions chacun de notre côté.Aussi, quand ilme demande s’il peut rester dormir, je ne vois pascommentjepourraisrefuser.D’abord, je ne peux pas oublier tout ce qu’il a fait pour moi, ces jours-ci. Dans mon esprit demidinette,Nahelestdevenuunhéros,monprincedestempsmodernes.Maisiln’yapasquecela.Lefaitqu’ilaitpartagédesmomentstrèspersonnelsavecmoiarenforcécelieninvisible,quinousunitetquimesembleplusfortquejamais.

Pourtant, à aucun moment, il ne tente de me séduire. Remarquez, je suis à peine remise de mesmalheursduweek-endetdoncabsolumentincapabledelesatisfairedequelquemanièrequecesoit.Toutjuste,m’embrasse-t-illégèrementsurleslèvres,lematinenselevantetlesoirensecouchant,trèssouventaprèsmoi.Celanemedérangepasoutremesure,etjeprendstoutcequ’ilaàmedonner,carjesaisquecequ’ilfaitpourmoi,ilnel’ajamaisfaitpouraucuneautrefemme.

21

NahelEncevendrediaprès-midi,j’attendsMadiedevantlasalleoùsedéroulesoncoursdelinguistique.Celafaitprèsd’unesemainequejevischezelleet,pourl’instant,elleneditrien.Jepensequ’ellen’apascomprisdequoiilretournaitetjenevoispascommentellepourraitl’apprendre.Fredm’aprévenu,mardimatin,quelesflicsétaientvenusàmonappartementetavaientprocédéàuneperquisition. Ils n’ont rien trouvé donc, pour le moment, je suis à nouveau tranquille.Mais pourcombien de temps ? La situation semble assez compromise, mais je sais qu’il faut que je tienneencorecetteannée.Sitoutsepassecommejeveux,enjuillet,jepartiraiàLondres.Là,avectoutceque j’ai gagné cette année, j’aurai de quoi m’approvisionner pendant les deux ans que durera cecursusquej’aitellementenvied’intégrer.En attendant, je dois la jouer fine. Pas question d’avoir des ennuis aussi près du but. Simon pèredécouvraitmesactivités,ilestévidentquejamaisilnefinanceraitmesétudes.Or,j’aibesoindelui,ouplutôtdesonargent.L’écoleesthyperchèreetjeneparlemêmepasdelavieàLondres.Donc,jen’aipaslechoix.Jesaisquelesflicschercherontàm’épinglerpartouslesmoyens,maisilsn’yparviendrontpas.Jene peux pas arrêter de me droguer et je redoute plus que tout une prise de sang ou une analysed’urine.Depuisque jesuischezMadie, j’ai réussià réduiremaconsommationàquelquespétardspar jour.C’estduretçaleseraplusencorequandjemixeraiauclub,maisjenepeuxpasagirdifféremment.Jene peux pas risquer d’être découvert. Ça foutrait tous mes plans en l’air. Je tente d’ignorer maconscience,quimefaitremarquerquecen’estpasbiendemapartdemeservird’elleainsi.Maisjemeressaisisaussitôt.Quiautilisédel’autre,cesderniersjours?Jel’aiépaulée,jel’aiaidée,jemesuisoccupéd’elleet,surtout,j’aidormiàsescôtéssanslatoucher,cequiconstitueunexploitquandonmeconnaît.Enmêmetemps,dans l’étatoùelleétait, jenevoispasbienceque j’auraispu lui faire.Bonsang,lorsquej’yrepense.Toutcesang…Etsoncorps,sifrêle,complètementtétaniséparladouleur.J’aiconsciencequ’elleaacceptémesconseilsdurantlesjoursquiontsuivi,justeparcequejeleluiaidemandé.Jesaisaussiquecelaasansdouterenduleschosesplusduresencorequesielleavaitétédans les vapes. Il ne faut pas rêver, ce que je lui ai proposé ne relevait en aucun cas du remèdemiracle.Mêmesiellenedisait rien, jecomprenaisbienqu’ellesouffraitatrocement.Ellea faitceteffortpourmefaireplaisir,maiscelas’apparentaitquandmêmeàunsacrifice.Depuis,jenepeuxpasm’empêcherdem’inquiéter.Ellesemblesifragile,sichétive,sidélicate.Ce matin, après son départ, j’ai rapidement préparé un sac de voyage dans lequel j’ai mis desvêtements qu’elle a l’air de porter régulièrement. Tout est dansmon coffre de voiture et j’attendsqu’ellemerejoignepourl’emmeneravecmoi.Ellen’aaucuneidéedel’endroitoùnousallons,ellenesaitpasquenouspartons.Surtout,elleignorechezquinousnousrendonsetpourquoi.Étantdonné

cequ’ellem’aapprissurelleetsursafamille,ilestévidentquesijeluiavaissimplementproposéceséjour,Madieauraitrefusé.Saloyautéenverslessiensestimmense,etelleauraitsansaucundouteeul’impressiondelestrahir.Tuparlesd’uneconnerie!Mêmesijeneluiairienlaissévoirdemespensées,cesgenssont,àmesyeux,unebandedebarjotsarriérés et intégristes. Le genre à foutre le feu à un cinéma, parce qu’on y passerait La dernièretentationduChristdeScorsese.Alors,non, jene luidonnepas lechoixet je lametsdevant lefaitaccompli. Je ne doute pas qu’une fois sur place,mon frère trouvera lesmots pour la convaincre.C’estunprodelacommunication,mêmesiçan’ajamaisfonctionnéavecmoi.Maisnesuis-jepasuncasdésespéré?Pourenreveniraubusiness,j’aidûredoublerdevigilance.Nouveauxnumérosdetéléphoneetautreméthode pour écouler la marchandise. Actuellement, c’est une fois par jour, dans les toilettes durestaurantuniversitaire.Sophieréceptionnelespaiementsetm’envoieuntextopourm’indiquerquetoutestOK. Jen’y suispasplusd’unquartd’heure,pournepaséveiller les soupçons,et toujoursquandMadien’estpasprésente.Ensuite, après son départ en cours, je file dans un troquet non loin de chez elle et les affaires sepoursuivent dans les w.c., là-bas. Pour finir, je me rends dans un centre commercial, près del’université,etentrelerayondesfromagesetceluiducafé,j’écoulelereste.Jeprendstoujoursgardeàn’avoirsurmoiquecequiseravendu immédiatementetà retournerentre-tempsà l’appartementpourmeréapprovisionner.J’aiapprisqu’àlafac,ilyadestypesquiposentdesquestions.Cesontprobablementdesflics,maisnotreréseauestbienorganiséetnosclientssontdesgensfiables.Ilsonttoutintérêtàl’être,parcequesinonleschosespourraientmaltournerpoureux.Ilslesaventetsontconscientsdufaitquejepeuxdevenirextrêmementviolent,s’illefaut.Ladernièrefoisquej’aidérouilléunmec,quivoulaitnousfairechanterenmenaçantdenousbalancersionneluidonnaitpasdelamarchandisegratos,celui-cis’estretrouvéauxurgencesavectroisfracturesetdeuxdentsmanquantes.Mêmesijesuislatêtepensantedenotrepetiteentreprise,nousavonsdûréorganiserleschoses.VinceetVal s’occupent de l’approvisionnement. Steph et Fred prennent les commandes, Sophie gère lespaiements et, pour finir, je suis en charge de la distribution. Le stockage a maintenant lieu dansplusieurs endroits, tels que le garage de So, le casier de Steph au centre sportif, la cave del’appartementdeVinceet,enfin,lestudiodeMadie.L’avantage,c’estqu’iln’yaquepeudequantitédanschaqueplanque,sibienquesionsefaitchoper,onlimiteralesdégâts.Donc,cequiétaitpartipourêtreunegalèredeplusafinalementboostélebusiness.Laseulechosequimefaitchier,c’estque jevaisavoirdumalà fumerceweek-end.Monfranginn’estpasidiotetilmeconnaîtbien.Rienqu’envoyantmesyeux,ilsauraquej’aiprisquelquechose.C’esttroprisqué,parceques’ilalemoindredoute,ilpourraitalertermonpèreet,ça,pasquestion.Jeviensdem’enfilerunpétardet j’enairouléhuitautresquisontplanquésdanslaboîteàgant.Àmoid’êtreassezmalinpourtrouverlebonmomentdelesfumer,sanséveillerlessoupçons.Enfin,Madiesortdelasalle.Elleal’airdécomposéeetjefroncelessourcils.Qu’est-cequisepasseencore?—Unproblème?questionné-je,tandisqu’ellesetientdevantmoi.—J’aiuncontrôlelundimatinet ilsembleraitqu’ilportesur lescoursquionteulieuendébutdesemaine.Commetu lesais, jen’aipaspuyassister. J’aidoncdemandéàunedesétudiantesdemapromosiellepouvaitmeprêterlessiens.J’auraispulesphotocopieretlesreprendreceweek-end.Ellearefuséetlesautresfillesaussi.Quandj’aivouluqu’ellesm’expliquentpourquoi,ellesm’ontdit que mon super mec n’avait qu’à m’aider. Je suppose que c’est de toi qu’elles parlaient et,

franchement,jen’ycomprendsrien.—Quellesconnes,cesmeufs!Attendsuninstant.Jefileversungroupedenanasquisetrouveunpeuplusloin.Lorsquej’arriveàleurniveau,monradard’observationsemetenroute.Ellessontunepetitedizaine.Lamoitiéestentraindemefairedel’œil,tandisquel’autre,dotéed’unpeuplusdebonsens,setientsursesgardes.Ellesontraisondeseméfier.— Il y a un problème ? je demande d’une voix glaciale, qui a déjà fait ses preuves et en aimpressionnéplusd’un.Desmurmuresmerépondent,maispersonneneprendlaparoleouvertement.—Cours,ordonné-je.Pasbesoind’endireplus,ellessaventparfaitementàquoijefaisréférence.Laplusrapidemetendtrois feuilles annotées rectoverso. Je sorsmon téléphoneportable et les photographie l’une aprèsl’autre.Puis,jelesluirends,sansunremerciement.—Sivous avezunproblèmeavecmoi, pas lapeinede faire chiermapetite amie.Venezmevoirdirectementetonrègleraçaàmamanière.Sanstenircomptedeleursregardsébahis,jetourneledosetmedirigeversuneMadiequisemblescotchéesurplace,toutcommeceuxetcellesquiontassistéàcettescène.Puis,monbrasenlacesesépaulesetjemepencheversellepourposermeslèvressurlessiennes.Jen’approfondispas,parcequesinon,dansquelquesminutes,jel’entraîneraiverslestoilettespourluifairesafêteetelleméritemieuxqueçapoursapremièrefois.J’aideplusenplusdemalàmetenirtranquilleàsoncontact,ilvafalloirqueçachangeetvite.Lapatiencen’estpasmonfortet,si jedétestebienunechose,c’est lafrustration.Or,c’estexactementdanscetétatquejesuis,d’autantquejen’aipasbaisédepuispresqueunesemaine.Bienentendu,ilyaeuquelquesbranlettessousladouche,enpensantàelle,maisriendebienemballant.Alorsquejelasensselaisserallercontremoi,jem’écarteetl’entraîneversl’escalier.Ellesembledéçue,maisneditrien.C’estcequej’aimechezcettepetitesourisblonde.Contrairementauxautresnanas,ellenefaitpasdescènepourunouiouunnon,elleneclaquepaslesportes,n’insultepasàtourdebras.Laseulefoisoùjel’aivueperdrepatience,c’étaitdimanchesoir.Maiselles’esttrèsviteressaisieets’esttoutdesuiteexcusée.En remarquant que je nemedirigepasvers son appartement,mais vers le parking,monbel angefroncelessourcils.Jel’installedansmabagnoleetprendslevolant.—Tuasunevoiture?—Cadeaudemonpèrepourmalicence,j’indique,sansentrerdanslesdétails.Ilyadestrucsquejenepeuxvraimentpasluidire.—Oh,etoùallons-nous?—Surprise…murmuré-je,ensouriantmystérieusement.—Sérieusement,Nahel,ilfautquejerattrapemonretardetquejerévise.J’aivraimentbeaucoupdetravail.—Ehbien,tubosserasquandonysera.—Maisoù?Cettefois,jecrachelemorceau.Jevoisbienqu’elleestinquièteetc’estladernièrechosequejeveux.—Jet’emmèneenweek-end.—Quoi?Etoùça?—ÀParis.Aumomentoùjeprononcecesdeuxmots,noussommesarrêtésàunfeurouge,justeavantd’arriver

sur l’autoroute. Au coin de la rue se trouve le commissariat de police, ce qui me fait me raidirimperceptiblement.—Nahel!Maistuesmalade!Faisdemi-tour,s’ilteplaît.—Certainementpas,j’aitoutorganiséetmonfranginnousattend.—Tonfrère?Celuiqui…Oh,non,non,non,jen’iraipas.Jenelaisseraijamaisunmec,afortioriunmembredetafamille,m’examiner.Tues…—Safemmeestégalementgynécoetc’estellequit’ausculterademainmatin,jel’interromps.—Nahel,tun’asaucundroitdedécideràmaplacedecegenredechoseetdememettredevantlefaitaccompli.C’estimmoraldefairedestrucspareils.Cettefois,jecommencesérieusementàm’échauffer.J’enaiassezdesonattitudeprudeetdecerefusdevoirlaréalitéenface,toutçaparcequecelatoucheledomainedelasexualitéetquelademoiselleesttropcoincéepouradmettrequ’elleaunproblème.Alorsquenousnousengageonssurl’autoroute,jelafusilledesyeuxavantd’asséner.—Cequiseraitimmoral,c’estdecontinueràteregardermorflercommetuviensdelefaire,touslesmois,etdenepasagir.Cequiseraitimmoral,c’estdenepasvouloirt’aiderquandmonfrèreestlemieuxplacépourça.Cequiseraitimmoral,c’estdetelaissercroirequecequisepasseestnormal,alorsquenoussavonstouslesdeuxquecen’estpaslecas.Donc,tuvasbienm’écouter.S’ilfautquejet’yemmèneattachéeetbâillonnéedanslecoffredemavoiture,jeleferaisanshésiter.Maintenant,tu te tais, j’aimerais conduire en paix, parce que nous en avons pour cinq heures aumoins.C’estclair?Madiearougifurieusement,sansdoutechoquéeparlarudessedemesparolesetparletonemployé.Mais,franchement,j’enaimarredesesprotestationsàlacon.Elleestmalade,nel’a-t-elledoncpascompris ? Putain, pas besoin d’être toubib ou d’avoir un doctorat en médecine pour s’en rendrecompte!Durantlerestedutrajet,elleneditplusunmot.Ellenefaitpaslagueulenonplus,puisquequandj’aiposémamainsursacuisse,ellel’apriseetaentrelacésesdoigtsauxmiens.Non,ellefaitexactementcequejeluiaidemandéetmefichelapaix.Jemedégage,uninstant,pourallumerl’autoradio.LacléUSBquej’aiinstalléesurleportcontientpasmaldemusiques,dontcertainessontmesproprescompositions.J’aimeraisjustequ’ellemedisecequ’elleenpense.Après la première pause, deux cents kilomètres plus loin,Madie proposede prendre le volant.Entempsnormal, je refuserais,mais là, j’accepte.Premièrement, jesuiscrevé,parceque j’aipassé laplupart de mes nuits à dormir sur la béquille. Ensuite, j’ai senti mon téléphone portable vibrerplusieursfoisdansmaveste,etjeveuxm’assurerqu’iln’yariendegrave.Pourfinir,l’idéequecesoitellequim’emmènen’estpaspourmedéplaire.Ledémarrageestassezlaborieux,maistrèsvite,elleestàl’aiseetrouleplutôtbienpourunenana.Celamepermetdemedétendreunpeu,avantderevoirmonfrère.Jedoisavouerquej’appréhendecetterencontre.Cela va faire plusieurs mois que je ne lui ai pas rendu visite. L’été, habituellement, nous nousretrouvonsdanslavillaquemonpèrepossèdedanslesHamptons.Maiscetteannée,Lounisn’apaspu venir. Du coup, je ne l’ai pas vu depuis Pâques, et je reconnais que je ne l’ai pas appelé trèssouvent,pasplusquejen’airéponduàsescoupsdefil.Jesupposequ’auboutd’unmoment,ilafiniparselasseretacesséd’insister.Toutefois,jesaisparlesmailsdemonpèrequ’àNoëlnoussommesattendusàAspenpourlatraditionnellefêtedefamille.Ilaffrèterasonjetprivépourêtresûrquenousnechangionspasd’avisouquenoustrouvionsunebonneexcusepournepasvenir.Jemedemande

pourquoiiltienttantàmaprésence,étantdonnéqu’ensuiteilm’éclabousseradesonmépris,commeillefaitchaquefois.Bref,vousl’aurezcompris,jesuisungossederiche,oisifetinutile.Dumoins,c’estainsiqu’ilmeperçoit.ÀmesurequenousapprochonsdeParis,jedeviensnerveux.Messouvenirs,liésàcetteville,nesontpastrèsheureux.Dujouraulendemain,j’aiétéparachutédanscettemégapole,moiquiavaistoutesmesracinesàNewYork.Biensûr,ilyavaitmonfrère,maisilétaitincapabledemegérer.Deplus,ilvenait d’ouvrir son cabinet et n’avaitmatériellement pas le temps de jouer au papa avec un jeuneadulterebelleettotalementincontrôlable.Jecroisqu’ilatoujoursprismondépartpourStrasbourgcommeunéchecpersonnel,alorsqu’iln’yétaitpourrien.C’estmoietuniquementmoiquiaimerdéetpersonnen’auraitpumedétournerdelapentesavonneusesurlaquellejemesuisengagé,ilyafortlongtemps.JemetourneuninstantversMadie,concentréesur laroute.Non,personnenepeutrienpourmoi,pasmêmeelle.

22

MadieAprès une pause pipi, peu avant Paris, Nahel reprend le volant. Je suis dans un état de stressindescriptible,maisjefaistoutpourlecacher.Etc’estsuperdur.D’ailleurs,j’ensuisàunpointtel,quej’ail’impressiondeluiavoircommuniquémonanxiété.Mêmeluiestnerveux,àmesurequenousapprochons.Monimaginationdoitvraimentmejouerdestours,jenemel’expliquepasautrement.Pourma part, je suis angoissée à l’idée de rencontrer unmembre de sa famille, surtout dans cescirconstances. Et s’il nem’aimait pas ?Et s’ilme prenait pour une nunuche ?Après tout, c’est lapremièrefoisquejesuisprésentéeentantquepetiteamie.Enfin,jecrois…Mais,n’est-cepascequ’ilaprétenduauxautresconnes,avantd’exigerquel’uned’entreellesluiremettesoncours?Iln’yapasàdire,Nahelnes’encombrepasdebonnesmanièresoud’unquelconquesensmoral.Ilveut,ilprendetc’esttout.C’estàsedemanderparquelmiraclejesuistoujoursvierge.Ah,maisoui,ilmel’aexpliqué.Pasassezcochonnepourlui.Etaprèscequ’ilavudemoi,çam’étonneraitquejeluifasseencoreenvie!Lapreuve,c’estqu’iln’apluscherchéàm’embrasserdepuis.Biensûr,ilyacespetitssmackslematinetlesoir,maiscen’estpassignificatif.Ducoup,jenesaisplusquoipenser.Ilresteprèsdemoi,n’apasréintégrésonstudio,sousprétextequ’ilnevoulaitpasme laisser seule, s’occupedemoi commeunhommeamoureux,maisnel’estvisiblementpas.Pff!Àforced’yréfléchir,jefinisparenavoirlevertige.Ouvrantdegrandsyeux,jenecessederegarderpartoutautourdemoi.C’estlapremièrefoisquejeviensàParisetjemesensfascinéepartoutcequim’entoure.Nahelm’aexpliquéqueleurpèreavaitoffertun trèsbelappartementàsonfrère,quandcedernieravaitobtenusondoctoratenmédecine.C’estégalementluiquiafinancélecabinetmédicalqu’ilainstallédanscequartierhuppé.D’aprèsmonDJ,quandundesesenfantsréussit,papasaitsemontrerparticulièrementgénéreux.Ilyenaquiontdelachance!C’estdumoinscequejemesuisdit.Toutefois,jesentaisuntelmalaisedanssavoixquejemesuisdemandés’ilnemecachaitpasautrechose.J’aicommel’impressionqueleur relationestvraimentglauque.Alors, finalement, jepréfèreencorema famille. Ils sontunpeuspace,j’enconviens,maisjesuissûrequ’ilsm’aimentautantquejelesaime.Nousnousarrêtonsdevantunbelimmeublemoderne,situédansleXVIearrondissement,toutprèsdela porte d’Auteuil. Je ne sais pas exactement où ça se trouve, je n’ai pas tout compris de sesexplications,sicen’estqu’ils’agitd’undesendroits lesplusonéreuxde lacapitale.Nahel tapeuncodeetengagesavoituredansleparkingsous-terrain.Nousnousgaronset,alorsquejem’apprêteàprendrenosaffaires,ilm’interrompt.—Laisse,jereviendraicherchernossacsplustard.—Tuaspréparémesbagages?demandé-je,enhaussantlessourcils.—Biensûretjen’airienoublié,rassure-toi.Jenepeuxpasm’empêcherderireàcetteremarque.NahelElkhouriestunecontradictionambulanteà lui tout seul. À la fois bad boy avec une réputation épouvantable, et paradoxalement, c’est un

maniaquedurangementetdunettoyagequiatoutdelaféedulogis.Mêmesurlui,ilestextrêmementpropre,nesecouchantjamaissansavoirprisunedoucheous’êtrebrossélesdents.Sesonglessonttoujoursimpeccablementcoupésetjecroisn’avoirjamaisvulamoindretachesursesvêtementsoun’avoir jamais senti la plus petite odeur de transpiration sur lui. Pour côtoyer tous les jours desétudiants,jesaisquel’hygièneestunconceptparfoisfranchementabstraitchezcertains.Paspourlui,c’estclair.Lorsquenoussonnons,aprèsêtremontésaudernierétagepar l’ascenseur, jen’enmènepas large.CommediraitSteph,jesuispétéedetrouille.Laportes’ouvresuruntrèsbelhommequiressemblebeaucoupàNahel.UnpeupluspetitquemonDJ,ilestaussibrunquelui,aveclamêmepeaumate.Seulelacouleurdeleursyeuxdiffère.CeuxdeLounis sont noirs et ceux de Nahel sont verts avec des nuances de gris. Pourtant, on peutimmédiatementremarquerqu’ilssontfrères,puisque leurs traits finset leurcharmeténébreuxsontidentiques.Son épouse, Carole, est une jolie jeune femme d’une trentaine d’années.Mince, avec des cheveuxchâtainsetunbeauregardbleu,ellemesembleaussitôttrèssympathique.Dèsqu’ellemesouritavecgentillesse,jemedétends.Cesgenssontchaleureuxetiln’yaaucuneraisonqueçasepassemal.Toutefois, j’appréhende la consultation de demain. Elle va me poser tout un tas de questionsauxquellesjenesauraipasrépondre.Ilfaudraquej’endiscuteavecNahel,toutàl’heure.Ildoitbienpouvoirmefournirquelquesexplicationssurlesujet.Pourlapremièrefois,monignorancedansledomainedelasexualitémepèse.Ilsnousinvitentàentrerdansleséjour,oùunejolietablepourquatreaétédressée.Detouteévidence,ils attendaient notre arrivée et se sont donné du mal, afin de nous accueillir de la meilleure desmanières.Jenelesenappréciequeplus.Enoutre,lesregardsattendrisqu’ilsjettentàNahelprouventàquelpointilsl’aiment.Nousbuvonsunverre,puisnousnousinstallonsdanslasalleàmangeroùdesmetsfins,provenantsansdouted’untraiteurrenommé,sontprévus.—J’aiterminétardetjen’aipaseuletempsdecuisiner,s’excuseCaroleenmeservant.Maisdemainsoir,jevousferaimesspaghettisalpesto.—Toutestparfait,machèrebelle-sœur,répondNahel,enluisouriant.Luiaussisemblel’apprécier.Toustroiscommencentàdiscuterdepersonnesqu’ilacôtoyéesdurantsestroisannéespasséesàParis.Commejeneconnaispaslesétudiantsenquestion,ilm’estdifficiledeparticiperàlaconversation,quibasculeensuitesurleurfamille.Maiscelanemedérangepasetj’aimebienlesentendrepapoterdetoutetderien,toutenmangeanttranquillement.Soudain,Lounissetourneversmoi,visiblementcontrit.—Excuse-nous,Madeleine, cela fait longtempsque jen’avaispasvumonpetit frère.Mais je suisd’uneimpolitesseconfondante!—Pasdutout,jerépondsensouriant.C’esttoutàfaitnormal,jecomprendsparfaitement.—Alors,parle-nousdetoi.Aussitôt, je rougis, gênée d’être le centre de l’attention générale. Pour la timide que je suis, c’esttoujoursdifficile.—Oh,iln’yapasgrand-choseàdire.J’aidix-huitans,jesuisétudianteenpremièreannéedelettresmodernesàStrasbourg,maisjesuisoriginairedesVosges.Voilà.—Non,cen’estpastout,intervientNahel.Madieestunecatholiquepratiquantequisignelepainavantdelemanger.C’estégalementunefilled’unegentillesseextraordinairequis’arrangetoujourspouravoirunoudeuxplatssupplémentairessursonplateau,justepourmoi.

—L’amourd’unhommepasseparsonestomac,murmureCarole,amusée.—Ouparsabiteselonlemec,faitremarquermoncompagnon,enriant.Ahoui,ellerougitaussi.Jeplisselesyeux,oscillantentregêneetagacement.Ilmesemblequeleportraitqu’iladressédemois’apparenteàunecaricatureetçamedéplaîtsouverainement.— C’est un peu réducteur, répliqué-je tranquillement. Tu ne trouves pas ? Après tout, il ne meviendrait jamaisà l’idéede tedéfinircommeleDJquise fait surnommerchaud lapin, parcequ’ils’estenvoyélamoitiéducampus.Et toc,prendsçadans lesdents,NahelElkhouri !Louniséclated’unrire tonitruant, tandisquesonpetitfrèremeregarde,lesyeuxplissés,maisunsourireamuséauxlèvres.—Ah,frangin,jecroisquetuastrouvétonmaître,s’exclame-t-ilavecbonnehumeur.Durant le reste du repas, l’atmosphère est détendue et jeme sens de plus en plus à l’aise. Je doisadmettrequ’ilsfonttoutcequ’ilfautpourcela.Après le dessert et le café, Carole propose de nous montrer notre chambre. Je leur suisreconnaissanteden’avoirmentionnémesproblèmesàaucunmoment.Toutefois,alorsquejelasuisdanslecouloir,ellem’indique.—Demain,versdixheures,jet’emmèneraiaucabinet.Lounisenprofiterapourpasserunmomentavecsonpetitfrère.Çaarrivetellementrarement.Quelquespasderrièremoi,Nahel,quiatoutentendu,intervient.—Pasquestion.JeresteavecMadie.Jemesensmalàl’aise.Jesaisqu’ellevoudram’ausculteretjerefusequ’ilsoitprésentàcemoment-là.Mêmepasenrêve!—Toutsepasserabien,murmuré-je,metournantverslui.Ilvautmieuxquej’yailleseule.—Tuessûre?demande-t-il,toutenmerejoignant.—Absolument,net’inquiètepas.AvecCarole,jemesenstotalementenconfiance.Ilfroncelessourcils,pasconvaincu,maisneprotestepas.Sabelle-sœurouvreuneportequidonnesurunetrèsjoliechambreauxtonsbleusetgris.L’endroitsembleparticulièrementdouillet.—Lasalledebainestlà,explique-t-elle,ensedirigeantversuneportelatérale.Jevouslaissevousinstaller.Alorsqu’elleaquittélapièce,jemetourneversNahel.—Pourquoin’avons-nouspasdechambresséparées?—Jel’ignore.Ilsontdûpenserqu’onétaitencouple.—Quiabienpuleurfairecroireça?Toutlemondesaitbienquetun’esencoupleavecpersonne.—Aucuneidéeetons’enfout.Cen’estpascommesionn’avaitjamaisdormiensemble.Depuisunesemaine,onnefaitqueça!Jesecouelatête,impuissante.Lesgrandesréflexions,lessujetsexistentiels,cen’estvraimentpasletrucdecemec.Cesoir,commelessixprécédents,ils’allongeraàcôtédemoi,sansmetoucher.Cen’estpaspourdire,maisjecommenceàtrouvercelainquiétant.Unepartdemoi,laprudente,aimeraitmettredeladistanceentrenous.Jesaisqu’ilestdangereuxetqu’iln’estpasbonpourunefilledansmongenre.Quandonconnaîtsesmœurs,onnepeutpaspenserdifféremment.Etencore, j’ai lacertitudequ’il cacheuncertainnombrede secrets, sansdoutebienplussombresquejenel’imagine.C’estunpeucommes’ilessayaitdedonneruneimagedeluiquin’arienàvoiravecceluiqu’ilestréellement.Puis,ilyal’autre,cellequibrûle,seconsumeetsesentterriblementattiréeparcethomme.Celle-làestdifficileàcontrôler,carelleneveutqu’unechose : lui.Alors,mêmesi je resteméfiante, jenepeuxpasoubliertoutcequ’ilafaitpourmoi,cesderniersjours.Jenecessedemedemanderpour

quelleraisonilaagiainsi,parcequejedevinebienquecen’estpasdansseshabitudesdejouerlesgarde-malades.Etpourquoi est-il si protecteur, si prévenant ?Après tout, je l’ai vuavecdes fillestellement plus belles. Qu’attend-il exactement de moi ? Je n’ai aucune expérience en matière desexualitéetaucune intentionde le satisfairedequelquemanièrequecesoit. J’aibesoindeprendremon temps, de me sentir prête et certainement pas d’être brusquée. Or, je commence à bien leconnaîtreetNahelElkhouriestloindecequ’onpeutappelerunmodèledepatience.—Jevaischerchernosaffaires,dit-il,mefaisantsortirdemespensées.Jehochelatêteetmedirigeverslasalledebain,histoiredemerafraîchir.Maissansmesbagages,c’est impossible. Après avoir repéré un peignoir accroché derrière la porte, je me déshabillerapidementetpassesous ladouche.L’eaubrûlantequicoule le longdemoncorpsmefaitunbienfou. Quelques minutes plus tard, je reviens vers la chambre, emmitouflée dans le tissu épongemoelleux.L’endroitestdésertetaucunetracedemonsac.Jen’aipasprécisémentregardélamontre,maisilmesemble qu’il met beaucoup de temps, juste pour descendre, prendre nos affaires et remonter. Aumomentoùjemefaiscetteréflexion,ilarriveenfin.Sansattendre,jesaisismonbagageetretourneversleslavabosoùjemebrosselesdents.Enfouillantdanslesvêtementsqu’ilaemportéspourmoi,jeréalisequ’iln’yaaucunetracedepyjama.Merde,ilaoublié!Qu’est-cequejefaismaintenant?Prisedecourt,j’enfileuneculotte,sommetouterelativementsage,ainsiqu’undébardeurblanc.Pourdeuxnuits,çadevraitconvenir,mêmesij’auraiscentfoispréférématenuehabituelle.Lorsquejesorsdelasalledebain,ils’yengouffreet,peuaprès,j’entendsl’eaucouler.Profitantdecemomentderépit,jerécupèremontéléphoneetenvoieuntextoàJosephpourannulernotrerendez-vousdedemain,sousprétextequejesuismalade.Pasbesoindepréciserleschoses,ilauracompris.Detoutefaçon,iln’estpascensécalculeretsavoiràquellepériodej’aimesrègles.AumomentdereposermonSmartphone,jeréalisequec’estlapremièrefoisquejeluimens.Celamefaitpresquepeur,carilmesemblequedepuisquejeconnaisNahel,jemesuisengagéesurunepentedrôlementsavonneuse.

23LorsqueNahelsortde ladouche, j’ensuisencoreàmereprocherd’avoir faitçaàmonfrère.Dèsqu’ils’allongesurlelit,jeconstatequ’ilestfatigué,sesyeuxsontànouveautrèsrouges.Ildevraitabsolumentconsulterunophtalmologue,cen’estpasnormal.Etpourtant,çaluiarrivetrèssouvent.Sansmedemandermonavis,iléteintlalumièreets’étendprèsdemoi.Ilmefautplusieursminutespouroserluiparlerdusujetquimepréoccupe,depuisnotrevenue.—Nahel?—Mmmm?—Demain,Carolevameposerdesquestions,n’est-cepas?—Probablement,murmure-t-il,ensecouchantsurlecôtépourmefaireface.—Etsielleveutsavoirsij’aidéjàeuunorgasme,jerépondsquoi?—Lavérité.—Super,maisj’ignoremêmecequ’avoirunorgasmesignifie.Cettefois,jelesensintrigué.Ilserelèvesurlecoudepourm’observerplusattentivement,mêmesidanslenoirilnepeutpasréellementmevoir.Etheureusementpourmoi!—Tun’enasjamaiseu?Vraiment?Àsontonincrédule,jecomprendsqu’ilnemecroitpas.—Etcommentj’auraisfait,puisquejen’aijamaiscouchéavecunhomme?—Touteseule.—Pardon?Là,c’estmoiquisuissurlecul.Dequoiparle-t-il?—Tunet’esjamaiscaressée?—T’esmalade!—Mais,Madie,toutlemondefaitça.—Ehbien,pasmoi.C’estlegenredetrucqu’onnefaitpasdansmafamille.—Alors,tun’asjamaisjoui?Vraiment?—Si tuessaiesdemechoquer,c’est réussi.De toute façon,mêmesi j’enavaisenvie, j’ignoreraiscommentm’yprendre.—Tuveuxquejetemontre?Ilm’ademandéçacommes’ilproposaitdem’apprendreàfaireduvélo.Jenerépliquepas,maisildoit prendremon silence pour un encouragement, puisqu’il se rapproche jusqu’à ce que sa cuissetouchelamienne.—Jenesaispas.Ilmesemblequecen’estpasbiendefairedestrucspareils.—Chut,murmure-t-ilàmonoreille.Sonsouffle,contremonpavillon,provoquedesfrissonsquimetraversentdepartenpart.Seslèvresseposentalorssurmajoue,pourglissersurmamâchoire,avantdebifurquerversmagorge.Là,jegémis,sentantmapeausehérisser.—Tuestellementréceptivequeçavaêtresuperfacile.—Traite-moi tout de suite de chaudasse, je susurre, pour ne pas luimontrer à quel point je suistroubléeparsesparoles.

—Jen’aijamaisditçaettulesais.Maisjeremarquequetuaslachairdepouleetquetonsouffles’est accéléré. Je suismême sûr que tes tétons sont complètement dressés.Et je ne t’ai pas encorecaressée.Chaquemot,aussichoquantsoit-il,faitpulserlesangdanstoutmoncorps.Ilserapprocheencoredemoietune tensionsoudainecroîtbrusquement.Maintenant, jesenssonsexedur,soussoncaleçon,contremacuisse,etc’estréellementexcitant.Sijesuispétrifiéeparcequenousnousapprêtonsàfaire,lapartsombre,tapieprofondémentenmoi,estentraind’émerger.Lessensationsqu’ilmefaitressentirontéveillémacuriositéetj’aienviedesavoirjusqu’oùçapeutmemener.Jesupposequepersonnenepeutmeblâmerdevouloirdécouvrirleplaisir,alorsquej’aiplusdedix-huitans,n’est-cepas?Jetentedemeconvaincredufaitquec’estjuste humain et normal, afin d’étouffer le sentiment de culpabilité qui essaie tant bien quemal deretrouver le contrôle de mon esprit. Pour la première fois de ma vie, j’aimerais lâcher prise,m’abandonnerdanslesbrasd’unhomme,justepourvoircequeçapeutfaire.Sa languepassedemoncouàmagorge, sesdentsmordillentmonmenton,mais il évite toujourssoigneusementmabouche.Finalement,n’y tenantplus,c’estmoiquisaisissa têteauniveaudesesoreilles,avecmesdeuxmains,pourapprochersonvisagedumien.Aussitôt,ilm’embrasse,aspiremalèvreinférieureetintroduitsalangueentremesdents.Jeretrouvecettegriseriequej’avaisressentielorsquenousnoussommesbécotés,justeavantl’arrivéedeJoseph.Sauf que cette fois, nous sommes seuls dans un lit et personne ne viendra nous déranger. Est-cevraimentcequejedésire?Suis-jeprêteàallerjusqu’aubout?Jenecroispas.Ilfaut,parconséquent,quejeprévienneNahel.Ceseraitdégueulassedel’allumer,sijesuisincapabled’éteindrelefeuaprès.—Nahel,tuesconscientquejenecoucheraipasavectoicesoir,n’est-cepas?—Oui,jel’aicompris.Maisnouspouvonsmalgrétoutnousamuserunpeu,non?—Jenesaispas…—Arrêtedeteprendrelatête,Madie.J’aivraimentenviedefaireçapourtoi.—Mais,ettoi?—On verra après, ne t’en préoccupe pasmaintenant. Ferme les yeux et laisse-moi faire. Tu veuxbien?—D’accord.Cemotestsortidemabouche,avantmêmequej’aiepuréfléchiràtouteslesconséquencesdecequejem’apprêteàfaire.Maisl’enviedesavoirenfincequ’estunorgasmeet,surtout,demerapprocherautantquepossibledecegarçon,quej’aimetant,estplusfortequetoutes lesautresconsidérationsquejepeuxavoir.Nahelestuniquepourmoietjeveuxqu’ilsoitceluiquimeferadécouvrirtoutesceschosesquej’ignore.Ilesttoutcequejedésireetplusencore.Aumomentoùsaboucheseposesurlamienne,jecesseinstantanémentderéfléchir.Seslèvressontterriblementdoucesaucontactdesmiennesetsalangue,chaudeethumide,meretournelessenssanscommunemesure.Cette fois, iln’estplusdans la retenue, je le sens immédiatement.Samaindroitesoulèvemon tee-shirt.Étrangement,jen’aipaspeur,jenesuismêmepasgênée.Aucontraire,jelèvemesbraspourl’aider à le retirer plus commodément. Il en profite pour enlever également le sien. Alors que jepensequ’ilvaserapprocherànouveau,ils’écarteetallumesalampedechevet.—Qu’est-ceque tu fais ?demandé-jed’unevoixque jene reconnaispas,maisqui estpourtant lamienne.—Jeveuxtevoir,souffle-t-il,enreprenantsaplaceàmescôtés.Sijen’étaispasmalàl’aisejusqu’àprésent,jelesuismaintenant.Jeconnaismonphysiqueetjesais

qu’iln’estpasdeceuxquipeuventexciterunhomme.Jen’iraispasjusqu’àdirequej’aidesSmartiesenguisedeseins,maisilssontpetits.Enfait, jen’aipasréellementdecourbestrèsféminines.Meshanches sont étroites, mais pas rondes, mes fesses sont menues, mais pas bombées. Bref, j’ai legabaritd’uneadolescentedetreizeans,etjenesuispascertainequecelaluifasseautantd’effetquesij’étaispourvued’un95D.Parréflexe,jecouvremapoitrineetdétourneleregard.—Disdonc,chérie, je t’aidéjàvueàpoil,des foisque tuserais frappéed’amnésie,murmure-t-il,souriantdetoutessesdents.Jenecomprendspascequ’ilyadedrôleàêtrepudique.Cequ’ilpeutêtrelourdquandils’ymet!—Moncorpsneressembleenrienàceuxdesnanasavecquitufricoteshabituellement,balancé-je,suruntonemplidereproches.—Madie, Madie, Madie… On dirait que tu fais tout pour reculer le moment où je te toucheraiintimement,oùmesdoigtsseperdrontdanstonsexeetoùmabouchesuceracesravissantstétonsquimefontdel’œildepuisquejelesaiaperçusl’autrejour.Alors,unedernièrefois,tais-toietlaisse-moifaire.Mince, ilest tropperspicace. Jesuis tellementangoissée,que j’étais sur lepointdeprovoquerunedispute, juste pour me donner un prétexte de me défiler. J’en ai vraiment envie, c’est sûr. Mais,paradoxalement,j’aipeurquemavienesoitplusjamaislamêmeaprèsça.Jesupposequec’estcequimerendsinerveuse.Çaet le faitque je redoutedenepasyarriver. Jesaisquecen’estqu’unorgasmeetquedestasdegensenonttouslesjours,voireplusieursfoisparjour.Alors,pourquoiest-ce que j’ai le sentiment que c’est aussi difficile pour moi que de m’attaquer à l’ascension del’Everest ?Mystère…Pourquoi est-ce que jeme sens coupable de ce que jem’apprête à faire, enayantl’impressiondetrahirtoutemafamille?Suis-jeàcepointconditionnéeparmonéducation?Sansdoute,jedoisbienl’admettre.Lecontactde lapeaudeNahelaveccelledemon torseme tiredemespensées.Sansmêmeque jem’ensoisrenducompte,ilaremontémesbrasau-dessusdematêteetest,àprésent,àmoitiéallongésurmoi,frottantsonpoitrailtatouécontremesseinssisensibles.Etc’estjuste…ahhh!Marespirationsecoupe,quandjesensunevaguedechaleursepropagerenmoi.Touts’embrouilledansmoncerveau, tandisque sa langueplongedansmabouchepour tourner autourde lamienneavecforce.L’unedesesmainscontinueàmaintenirmespoignets,maisl’autreeffleuredoucementmapeau,lelongdemesbras,surmonépaule,pourseposersurmapoitrine,dontilpincelemamelonsanscriergare.Desurprise,maisaussiet surtoutdeplaisir, je sursauteetpousseunpetitcri,étoufféparseslèvres.Lasensationestinouïe.Unedéchargeélectriquevientdepassertoutdroitdemontétonàmonentrejambe, plus fulgurante qu’un éclair. Mais il ne s’arrête pas là. Ses doigts poursuivent leurdescente, frôlentmahancheetma taille,un instant, avantde saisirmaculotteetde la faireglisserlentement.Unefoisdeplus,jemefige,enproieàunenervositéextrême.C’estlapremièrefoisquejesuisnuedans un lit avec un homme. Je suppose que c’est une réaction parfaitement normale. Lorsqu’il laretirecomplètement,jemeretiensdeplacermesmainssurmonsexepourlecacher.Nahelglisseunedemescuissesentrelessiennesetfrottelentementsonpéniscontremajambe.C’estterriblementérotique.Ce faisant, ilm’amisedansunepositionquime rendcependantassezmalàl’aise.J’ail’impressiond’êtresiexposée!Jamaisjen’aiconnuunetellesituation.Jesaisbienqu’ilfautundébutà tout,maisquandmême!Dans les romansd’amour,personnenevousprévientquevousallezvoussentiraussigênée,quec’estàcepointintimidantdeseretrouverlescuissesécartées.

—Arrêtedestresser,monange,laisse-moifaire.Jetejurequetuneleregretteraspas,susurre-t-il,ennichantsonvisagedansmoncou.Jenesaispasexactementàquelmomentjelâcheprise.Est-cequandildescendetengloutitundemestétonsentreseslèvres?Oubienest-celorsquesesdoigtsseposentsurmonsexe?Aprèsunsursautdesurprise,quioccasionneunpetitbonddetoutmoncorps,jefermelesyeux,terrasséeparleplaisirque je ressens.Dieu du ciel, la caresse combinée de sa bouche et de samainmenace deme faireperdre la raison !Etmême là, je sensquecen’estque ledébut. Jem’agrippeaudrap-housseet latensioncontinueàgrimper.Cettefois,plusdeparlotte,ilpasseàl’action.Ilsaitexactementcequ’ilfait,puisquesesdoigtstracentdescerclesdeplusenplusconcentriques,deplusenplusappuyéssurmonclitoris(ehoui,jesuisaucourantdecequ’estunclitoris,j’aibiensuivipendantmescoursdesciences au lycée). Toutefois, je n’avais jamais compris qu’il pouvait me procurer autant desensations.LabouchedeNahelvoguetranquillementd’unmamelonàl’autre.Ilalternelestitillementsduboutdelalangue,lessuccionsplusprononcéesetlesmordillementsquioccasionnentdevéritablesdéchargesélectriques,allantdemonseinàmonventre.—Allez,Madie,lâche-toi,grogne-t-ilcontremapeau.Pendantcetemps,sonpénisesttoujoursentraindebougercontremacuisse.Lorsquesonmajeurmepénètre,jepousseungémissementdepureextase.Maisiln’enrestepaslà,puisqu’après quelques allers-retours lascifs, son index le rejoint, tandis que son pouce poursuitinlassablementsesattouchementssurcepetitmorceaudechair,dont jedécouvreàquelpoint ilestréactifetréceptif.Mavulveesttrempée,jelesens,etmesidéessebrouillentdeplusenplus.Soudain,lapulpedesonmajeur frotte un point particulièrement sensible enmoi, dont j’ignorais totalement l’existence. Et,clairement,jevoisdesétoiles.Àl’intérieurdemoncorps,latensionmonteànouveaud’uncran,àtelpointquej’ailesentimentdenepluspouvoirrespirer.Chacundemesmusclessecrispedansl’attentedeladélivrance.Nahel,quisaitexactementoùappuyerpourque jedécolle, insisteunenouvelle fois,sesdoigtsse faisantpluspressants.Cetendroit,jusquelàinconnu,estmaintenantsollicitéenpermanence,tandisquesonpoucemasseencoreettoujoursmonclitoris.—Vas-y,monange,grogne-t-il,enseredressantetenmedévisageantavecunregardfou.C’est alors que je perds littéralement pied, dans un cri aussitôt étouffé par sa bouche.Mon corpscommenceà trembleretàconvulserautourdesesdoigts.Sa langueentreet sortdemes lèvresaumême rythme. J’ai lu quelque part qu’un orgasme était une petitemort. Eh bien, là, je comprendsexactementcequeçasignifie.Lesspasmesquim’agitentmettent fort longtempsàs’estomperet lasensationquimegagne, une espècede torpeur, est incroyablement délicieuse. J’ai l’impressiondeflotter,c’estmerveilleux!Aprèsquelquesminutes,monbeauDJs’écarteenfin,histoiredemelaisser reprendremonsouffle.Marespirationestsaccadéeetilmefautunbonmomentpourreveniràlaréalité.Waouh,c’estjusteincroyabledejouiretjepigebienmieuxpourquoicertainespersonnessontaddictausexe.Lebien-êtrequecegenred’expérienceprocureestindescriptible.—Merci,Nahel,murmuré-je,leregardemplid’unereconnaissancesincère.—Avecplaisir,monange,souffle-t-il,enm’embrassantsurlefront.Puis, alorsque jem’attends à cequenousnous fassionsdes câlins, il s’écarte et se lève.Cegestesonneenmoicommeunabandonetjesensdéjàmesyeuxpiquer.Maisc’estpasvrai!Pourquoiest-cequej’ail’impressiond’êtreàcepointfragilisée?

—Oùvas-tu?demandé-je,d’unevoixtremblante.—Jedoismesoulager,indique-t-il,enprenantladirectiondelasalledebain.Oh!Ilserendauxtoilettes!Maisbiensûr,pourquoin’yai-jepaspenséplustôt?Quellecruchedetoujoursfairedesdrames,làoùiln’yaabsolumentpaslieud’enfaire.Surlepasdelaporte,ilpivoteversmoietditensouriant,d’unairnarquois.— Pour satisfaire ta curiosité, je vais me branler sous la douche, parce que si je ne fais rien,j’explose.Teregarderjouiraétélespectacleleplusexcitantqu’ilm’aitétédonnédevoir.Maislà,toutdesuite,jen’enpeuxplus.En comprenant enfin, ce qu’il entendait par se soulager, mes joues virent au cramoisi. Merde !Pourquoin’yai-jepaspenséplustôt?Puis,laculpabilitém’envahit.Ils’estconsacréàmonplaisir,maisquisechargedusien?Ceseraitégoïstedemapartdelelaissersedébrouillerseul.Lecaresser,découvrirsoncorps,nedoitpasêtresicompliquéqueça!—Neveux-tupasquejem’enoccupe?jem’enquiers,enmeredressantetendrapantpudiquementmapoitrineaveclacouette.—Ah,Madie,c’estimpossible,tulesais…—Pourquoi?Jenesaisispasbienpourquoiilrefusemaproposition.L’exprimeraétédifficileetmespommettesdoiventvirercouleuraubergineàl’heurequ’ilest.Celanem’empêchepasd’êtredécidée.—Tuestroppure,monange,ettropinexpérimentée.Cette fois, jem’insurge. Il faudraitquandmêmequ’ilarrêtedeme traitercommeunegamine.J’aibienconsciencedenepasmaîtriserlesujet,maiss’ilnem’apprendpas,commentpuis-jeespéreryremédier?D’un bond, jeme lève pour lui faire face, oubliant un peu trop rapidementma nudité. Toutefois,l’heuren’estplusàlapudeur.Lespectaclequ’iladevantsesyeux,illeconnaîtdéjàparcœur.—Jenesuispasuneoieblanche,Nahel.Jesaiscommentilfautfaire,j’ailucinquantenuancesdeGrey,aucasoùtuneseraispasaucourant!Alors que je pensais l’impressionner, sa réaction est tout autre. Il me regarde, incrédule, avantd’éclaterd’unriresonore.Dépitée,jefroncelessourcils,lesmainssurleshanches.—Tuasluunlivreérotique?s’étonne-t-il,entredeuxhoquets.Ilsemarretant,quedeslarmescoulentsursesjoues.Etplusils’esclaffe,plusjememetsenpétard.—J’espèreaumoinsquetut’esconfesséeaprèsuntelpéché!Cette fois, il me gonfle carrément. Me tournant vers le lit, je saisis et enfile rapidement mondébardeuretmaculotte.Autantnepasmesentirenpositiondefaiblessevis-à-visdelui,parcequelà,toutdesuite,jesuiscarrémentenrogne.—T’asdécidéd’êtrenazepourlerestedelasoiréeoutulefaisexprès?—JemedemandecequepenseraitlepèreJoseph,sicoincé,desapetitesœur,s’ilapprenaitça!Ouh,ilneseraitpascontent!Maisalorspascontentdutout!Ceseraitunmiraclequ’ilnes’étouffepasavecsonhostie.Et il continue tranquillement à se bidonner, le bras appuyé sur le chambranle de la porte pour semaintenir.—Pauvrecon!Voilàcequetues:unpauvrecon,arrogantetprétentieux!Puis,sansattendresaréponse,jeretournem’allongeretluitourneledos.Commentleschosesont-ellespudéraperenàpeinequelquesminutes?Jenecomprendspas,maisjesuisencolère.Jevoulaisjusteletoucher,l’aideràprendresonpied,carjeneconçoispasd’avoirétélaseuleàenprofiter.Etau lieu d’accepter avec joie, comme je l’avais supposé, il se fout dema gueule. Eh bien, qu’il se

débrouille maintenant, parce que ce sera sans moi ! Je suis bien gentille, mais il n’y a pas écritpintadesurmonfront!—C’estmalin,maugrééNahelenapprochantdulit,tuasréussiàmefairedébander.—Vavoirailleurssij’ysuis,grogné-je,toutentournantsurmoi-même,afindenepasmetrouverfaceàlui,aumomentoùilreprendsaplaceprèsdemoi.Parleàmondos,connard!—Ah,Madie,netefâchepas.C’estdrôlequandmême,situyréfléchis.—HAHAHA,c’estfoucequejememarre!Secollantcontremoietentourantmatailledesesgrandesmains,Nahelmesouffleàl’oreille.—Pardon,monange,jenevoulaispasmemoquerdetoioudetonfrère.Maisc’étaitsiinattenduquejen’aipaspurésister.Puis,m’obligeantàm’allongersurledos,ilsedresseau-dessusdemoi.—Pourquoias-tulucebouquin?Gênée,jemetortille,maisilposesesjambessurlesmiennespourm’empêcherdebouger.Cefaisant,son pénis, qui recommence à prendre vie, se colle à ma cuisse. Aussitôt, une bouffée de chaleurm’envahit, humidifiant ma culotte au passage. Je ne comprends pas pourquoi je réagis aussifacilement,parcequeçanem’étaitjamaisarrivéavantcesoir.Enfin,pasexactement,maisça,iln’apasbesoindelesavoir.Son visage, à quelques centimètres dumien, est une tentation permanente. Il m’observe, semblantattendremaréponse.Autantopterpourl’honnêteté,oupas.—C’étaitl’anpassé.Noussommesallésàunebrocantequivendaitdeslivresaupoids.Ils’estglisséparerreur,jesuppose…—Parerreur?Tuessûre?—Ben,peut-êtrequejel’aimisaveclesautressanslefaireexprès.—Tumenstrèsmal,monange.Etsurtout,tunerépondspasàmaquestion.Les jouescramoisieset l’esprit embrouilléparce sexe,quiestmaintenantaussidurqu’unboutdebois,jerévèleenfin.—Au lycée, les filles ne parlaient que de ça. J’étais curieuse, je voulais comprendre ce que fairel’amoursignifiaitvraiment.Alors,quandj’aivucesromans,jelesaiprisavecmoi.Mesparentsnesesontaperçusderien.Ilsnesaventpas.—Ah,parcequetuaslulestroistomesenplus?Ànouveau,cesouriresardoniquequimedonneenviedelebaffer.—Etqu’enas-tupensé?Jeveuxdire,quelleaététaréactionàladécouvertedetoutescesscènesdesexe?Querépondre?Ilvautmieuxdirelavérité.Aprèstout,aupointoùj’ensuis,jesupposequeçanepeutpasêtrepire.—D’abord,j’aiététrèsmalàl’aise.Ensuite,pluslalectureavançait,plusj’étaishorrifiéeparcequecethommefaisait.Etjenecomprenaispascommentellepouvaitaimerça.Enfin,jeveuxdirequ’ilyaquandmêmeunescèneoùilsfontl’amourpendantsesrèglesetoùc’estluiquiretiresontampon!Franchement,j’aitrouvéçasupercrade.—Tuesdepartipris,parcequetonpointdecomparaison,c’esttonproprecycleetonsaittouslesdeuxcequeçapeutdonner.Sinon,lespratiquesBDSM,çat’aémoustillée?—T’esmalade ? Jamais de la vie ! Le premier qui essaie deme coller une fessée, avec ou sansinstrument,seprendmonpoingdanslagueule!Naheléclated’unrire tonitruant,quimefaitplisser lespaupières.Unefoisdeplus, ilsemoquede

moninexpérienceetvousn’imaginezpasàquelpointçam’agace!—Tuescontent?Tutefousdemoietçat’amuse?Crétin,va!—Greluche!Etquiplusestunegreluchedévergondéeetlibertine.Jesuisdéçu.Cen’estpastantqu’ilmediseçaquimegêne,maisl’idéequ’ilpuisseimaginerquejesuisunefillefacile.Cettepetitephrasemeblesseplusquejeneveuxl’admettreetmesyeuxpiquentdéjà.—C’estvraimentcequetupensesdemoi?soufflé-je,d’unevoixtremblante.Aussitôt,ilsembleréalisersamaladresse,parcequesonregardsefaitànouveautrèstendre.—Non,monange,nepleurepas!s’exclame-t-ilenmeserrantcontreluietenembrassantlesommetdemoncrâne.L’instant d’après, ses lèvres sont une fois de plus sur les miennes, sa langue à nouveau dans mabouche.Cediabled’hommes’yentendàmerveillepourmefaireoubliertout.—Madie,pourmoi,tueslaplusbelleetlaplusinnocentedescréatures,chuchote-t-il,toutcontremapeau.—Laisse-moitetoucher,Nahel,j’enaivraimentenvie.—Etsituregrettesdemain?Jenesupporteraispasquecesoitlecas.—Çan’arriverapas,jetelepromets.Celafaitdesmoisquejemeposetoutessortesdequestions.Maisjeveuxdécouvrircessensationsavectoi.Avecaucunautre…—Tuessûre?—Certaine,montre-moi.Avecunedélicatesseetunetendressetoutàfaitsurprenantes,Nahelenlèveànouveaumesvêtements,puisilretiresoncaleçon.Allongéesurlecôté,jemeretrouvefaceàlui.Alors,ilsaisitmapaumeetlaposesursaverge.Toutenmaintenantlapressiondesesdoigts,ilmeguide,montantetdescendantnosmainsjointessursonsexe.Lasensationestinattendue,etjenepeuxm’empêcherdem’écarterunpeupourregarder.Jesaisquejenedevraispas,maisc’estplusfortquemoi.Enmêmetemps,ilyatantdechosesquejenedevraispas faire en cemoment.Une de plus ou une demoins, ça ne changera plus rien.Quand j’iraimeconfesser,c’estsûr,ceneserapaschezmonfrère,parcequ’ilyenauradestrucsàraconter!Sapeau,sousmapaume,estfineetdouce,medonnantàlafoisuneimpressiondedureté, liéeàlarigiditédumembre,maiségalementdefragilité,enraisondelachaleurquiémanedecepénisaussisoyeuxqueduvelours.Voir mamain le masturber m’excite au plus haut point. Il a maintenant relâchémon poignet, melaissantagirseule.Etjem’yemploieavectoutelatendresseettouteladextéritédontjesuiscapable.Enclair,jem’appliqueàfairedemonmieux.Lespaupièresmi-closes,Nahelobservelespectacle.Nosfrontssetouchentetnosyeuxsontbaissésverssonsexe.Soudain,j’aperçoisunepetitegoutteblancheémergerduboutdesongland.Jel’interrogeduregard.—Celiquidesignifiequejenevaispastarderàjouir.Étale-lesurmonprépuceavectonpouce.Jem’exécuteaussitôt.Lorsquejerelèvelatête,lavisiondeNahelmebouleverse.Toussesmusclessonttétanisés,sapeauestcouvertedechairdepouleetsarespirationesthaletante.Ilestrenversantdebeauté.Semblant ne pas vouloir être observé, il approche son visage du mien, effleure mes lèvres dessiennes.Puis,alorsquejenem’yattendspas,samainglisseentremescuissesquis’écartentaussitôt.—Bonsang,tuestrempée.J’ail’impressionquecesquelquesmotsluiontcoûté,tellementilparaîtavoirdumalàlesprononcer.Ilamêmedelapeineàinspireretsonsouffleestencoreplustremblant.Parcontre,sesdoigtsn’ont

pas ce genre de problème, car ils s’activent immédiatement sur mon clitoris. Oh Seigneur ! Çarecommence.Saufquecettefois,jesaisoùjevais,jen’aipluspeur.Àmontour,j’émetsuneespècedesifflementquitrahitplusquen’importequelmot,l’étatdanslequeljemetrouve.—Attends,pascommeça,murmureNahel,enseredressant.—Maisque…Sanstenircomptedemaprotestation,ilsedégageets’installeàcalifourchonsurmoi.Sesgenoux,lelongdemesflancs,bloquentmoncorps.Ilsepencheenavantetcaleunoreillersousmanuque.Jesuistoujoursallongée,maismontorseestlégèrementsurélevé.—Vas-y,caresse-moi,indique-t-il,toutenmechevauchant.Sentirsesfessessurmonventremenacedemefaireperdretoutsenscommun.Alors,impatiente,jefaiscequ’ilmedemandeetréitèremesmouvements.Pendantcetemps,Nahelpasseunbrasderrièresondosetsedirigeversmatoison.Avecdextérité,sesdoigtstitillentmonclitorisduretgonflé.C’esttellementbonquejepourraispleurer.—Prendsmescouilles,gémit-il,latêterenversée.—Quoi?—Touche-les.Putain,Madie,vas-y.Debonnegrâce,jem’exécute.Mamaingauchesaisitsestesticules,lesmalaxedoucement,tandisqueladroitepoursuitdesallers-retourssursahampe.—Oh,bordel,c’estdivin!s’extasie-t-il,d’unevoixgutturale.L’instantd’après,toutsoncorpssetend,secrispe,tandisquejesensdesgicléesdespermejaillirdesonsexeetatterrirsurmesseins.LesdoigtsdemonbeauDJcontinuentdeplusbelleàfourragerenmoi,sibienquedanslafoulée,j’exploseenayantl’impressiondem’éparpillerauxquatrecoinsdelapièce.Ilnousfautlongtempspourreprendrenotresouffleetreveniràlaréalité.Cetteexpérienceestdeloinlaplusintensequ’ilm’aitétédonnédevivre.Ettrèsclairement,jesuisdéjàaccroauxsensationsquemeprocurecemec.Enfait,jesuisaccroàlui.Lorsqu’enfinnousavonsretrouvénosesprits,Nahelm’entraîneverslasalledebain,oùnouspassonssousladouche.Avectendresse,ilmesavonneetmerinceavantdefairedemêmepourlui.Puis,ilmeramèneverslelitoù,épuisés,nousnousendormonsdanslesbrasl’undel’autre.

24—Alors,Madeleine,tutedéshabillesettugrimpessurlatable,s’ilteplaît.—Toutenue?jem’étonne.—Oui,depréférence.Entoutcas,ilfautqueturetirestaculotteetquetudégrafestonsoutien-gorge.Situpréfèresgardertontee-shirt,jeferaiavec.Sansriendire,jem’exécute.Aprèsunréveiltardif,j’aidûmedépêcherdefairematoiletteetdemevêtir. Nahel était déjà debout quand j’ai ouvert les yeux. Je les ai rejoints dans la cuisine où ilsprenaientleurpetit-déjeunerendiscutanttranquillement.Lorsquejesuisarrivée,ilssesonttus,cequim’a laissé penser qu’ils ne souhaitaient pas forcément partager leur conversation avec moi. Parprincipe,jenesuispasindiscrète,doncj’aifaitcommesijenem’étaispasrenducomptedecequisepassait. Nahel semblait tendu et soulagé par ma présence. Après un bon café et un croissantcroustillant,nousavonsregagnélachambrepourrécupérernosvestes.Pendantquejefaisaislelit,ils’estapprochédemoietm’aprisedanssesbras.—Ceque j’aivécucettenuitavec toiest indescriptible,a-t-ilaffirméavecunesincéritéquinemepermettait pas de douter de ses paroles. Et ce n’est que le début. S’il te plaît, Madie, ne fais pasd’histoiresetvaavecCarole.Jesuissûrqu’elletrouveraunesolutionàtonproblème.Siçapeutterassurer,jeviendraiavectoietjetetiendrailamain,aumomentoù…—Nonmerci,sansfaçon!mesuis-jeexclaméeaussitôt.C’était déjà assez difficile pourmoi d’accepter deme faire ausculter,mais si en plus ça devait sedéroulerensaprésence,pasquestion!—Etc’estsûrquec’estCarolequilefera,n’est-cepas?Parcequesic’esttonfrère,je…—Pasdepanique,c’estbienellequis’occuperadetoi.MêmesiLounisestunpraticienhorspair,jenepourraisjamaissupporterqu’iltetouchedecettemanière.Voilàpourquoi, jesuisàcet instantentraindem’installersur la tableenvuedemefaireausculterpourlapremièrefois.C’estunevéritableépreuvepourlapudiquequejesuis,maisNahelaraison,c’est nécessaire et il est plus que temps de voir la réalité en face. Ce quim’arrive est loin d’êtrenormal.Alors,autantenavoirlecœurnet.—Bien,posetespiedssurlesétriers,Madie.Tupermetsquejet’appelleainsi,n’est-cepas?Jehochelatêteetregardeleplafond,fascinéeparlenéon.—Détends-toi,toutsepasserabien.Leplusdésagréablealieumaintenant,maisjevaisfairevite.Quandje lavoisarriveravecunobjetenmétal, jesuisàdeuxdoigtsdeprendre lafuite,maissonsourire sereinme rassure.Visiblement,Carole sait exactement ce qu’elle fait.Une fois qu’elle estinstalléefaceàmoi,ellemedemandedeluiparlerdemesétudes.Audébut,jenecomprendspasbienoù elle veut en venir. Il me semble que le moment est mal choisi. Puis, je percute. Elle souhaitesimplementdétournermonattentiondecequ’ellefait.Alors,jejouelejeu.Etjedoisavouerqueçafonctionnebien,puisquequelquesminutesplustard,c’estdéjàfini.Nousnousrendonsensuitedanslasalled’échographie,situéejusteàcôté.— Bien. Pour l’instant, je ne décèle aucun problème particulier, tout est bien en place. La paroiutérine est un peu épaisse,mais ce n’est pas inquiétant.Nahel a expliqué tes symptômes à Lounis.Nousenavonsdiscutéensemble,et,deprimeabord,ilpourraits’agird’uneendométriose.Maisnous

devons nous en assurer. C’est pourquoi je vais devoir te faire une échographie classique, maiségalementvaginale.Cen’estpasdouloureuxniagréable,maisilfautenpasserparlàpourêtresûr.Tuesd’accord?—Mais,mais…bégayé-je,enouvrantdegrandsyeuxfaceàl’enginenplastiquequ’elleestentraindemunird’unpréservatifetd’enduiredegel.—Madie,jesaisquetuesvierge.Etjetejurequetapremièrefoisneseferapasaveccetruc!Donc,pasdepanique.Jepiqueunfard,gênéeau-delàdesmots.Monmecestunvéritableconnard!Avait-ilbesoinde lecriersurtouslestoits?Est-cequejeraconteàquiveutl’entendrecequej’aivuauclub?—Jevaisyallertoutdoucement,OK?—D’accord.Àmesurequ’elleexaminel’écran,sessourcilssefroncent.Trèsvite,elleretirecetruceteffectueuneautre échographie, plus classique, en promenant une sonde sur mon ventre. Puis, elle finit parimprimerdesimagesetsetourneversmoi.—Tupeuxterhabiller,Madie,c’estterminé.IlfautquejemontreçaàLounis.Jereviensdansuneminute.Attends-moidansmonbureau.Je saisqueNahel et son frèrepatientent à l’extérieur.L’instant suivant, alorsque je terminedemerevêtir,ilarriveentrombeetmesaisitlamain.—Toutvabien?demande-t-il,visiblementtrèsinquiet.—Oui,c’estbon.Cen’étaitpastrèsagréable,jetel’avoue,maisjesupposequ’ilfallaits’endouter.—C’estfini,maintenant,murmure-t-il,enenlaçantmesépaulesetenm’embrassantsurlefront.Nousnousdirigeonsainsi,verslebureauoùnousprenonsplacesuruncanapé,attendantqueCaroleetLounisnousrejoignent.Cequinetardepas.Ilss’installenttousdeuxenfacedenous.LefrèredemonDJestencoreentraind’examinerlesclichés.Soudain,jesuisprised’unevéritableappréhension.Qu’est-cequisepasse?Mespaumesdeviennentmoitesetjenecessedemedemandersi toutcelan’estpasplusgravequejenel’avaisimaginé.Jeréaliseàquelpointj’aieutortdenepasavoirconsultéavant.Àforcedesefourrerlatêtedanslesolpour ne pas regarder les choses en face, on finit par se cogner aumur, juste parce qu’on n’a pasvoululevoirapprocher.Commentai-jepuêtreaussiinconsciente?C’estLounisquiprendlaparolelepremier,aprèsm’avoirlonguementfixée.—Bien,Madie.Commenouslesoupçonnions,tusouffresd’uneendométriosesévère.IlyaplusieurslésionsauniveaudetestrompesdeFallope,toutprèsdesovaires,maiségalementsurlaparoisituéeàl’arrièredetonutérus.Nousavonslocalisédeuxautreskystesquisontconsécutifsàcetteaffection.—C’estgrave?demandeNahel,parcequepourtoutdire,jesuisincapabledeprononcerlemoindremot.—Oui,jenevouslecacheraipas.Pourbienfaire,ilfaudraitquetueffectuesuneIRM.Celaétant,lapremièrepréoccupation,c’estdemettreuntraitementenplaceauplusvite.—Sinon?—Sinonleschosesneferontqu’empirer.Etàterme,turisquesdedevenirstérile.Engénéral,cettemaladiesemanifestesouventpardesdouleursdurantlesrapportssexuels,enplusdesdésagrémentsliésauxrègles.Danstoncas,ilétaitimpossibledesavoir.Maisjesuispersuadéqu’ils’agitbiendeça.Elleestprincipalementlocaliséeauniveaudetonutérus,maisellecommenceàsepropagertoutautour.Situnefaisrien,leslésionsvontsemultiplieretpeuventmêmeatteindrelesparoisdigestivesetlavessie.—Quelestletraitement?jeparvienstoutjusteàm’enquérir.

Nahelmeserreunpeuplusfortcontrelui.Jevoisbienqu’ilestaffligéparcequesonfrèreestentraindenousdire.Vousn’imaginezpasàquelpointsaprésenceestunréconfortdetouslesinstants.Sanslui,jecroisquejemeseraiseffondréedepuisbellelurette.—Entempsnormal,nouscommençonsparprescrirelapilulecontraceptiveencontinu.Iln’yaplusdecycle.Plusderègles?Waouh,voilàquimelaisserêveuse.Ceseraittellementplusconfortable!Hélas,jerevienstoutdesuiteàlaréalité.C’estimpossible.—Jeregrette,jenepeuxpas.—Quoi?Nahels’esttournéversmoietmefusilleduregard.—Putain,Mad,j’acceptequetuaiesdesconvictions,maisonaunpeudépasséça,non?—Tunecomprendspas.Mesparentscomptentbeaucouppourmoi,jenepeuxpasleurfaireça.—Quelesttonsouci?Lefaitd’êtresouscontraceptifoulapiluleentantquetelle?s’enquiertCaroleavecunairbienveillantquimechangesacrémentdeceluifuribarddemonbeauDJ.—Jel’ignore.Jesupposequec’estdeprendrelapilulequiestproblématique.—Danscecas,fait-elleavecungrandsourire,j’ailasolution.—Explique,réclameaussitôtmoncompagnon.— Si je te pose un implant contraceptif dans le bras, personne n’en saura rien. Il est totalementindoloreetextrêmementefficace.Deplus,saduréedevieestdetroisans.—Ilfaudracomplétercelaparuntraitementàbased’hormones.Siensuitelessymptômespersistent,nousdevronsenvisagerdesexamensplusapprofondisetuneinterventionchirurgicale,lecaséchéant.Maisnousn’ensommespasencorelà.Detoutefaçon,ilestimpératifquetureviennesnousvoirdanstroismois.Et là,nousprogrammeronsuneIRMet touteuneautrebatteried’analyses.Alors,qu’enpenses-tu?—Jenesaispas.Je dois avoir l’air d’une parfaite débilementale,mais c’est tout ce que je parviens à répondre. Jesupposequejesuisencoresouslechocdecequivientdesepasseretdeseraconter.Deplus, jesensleregardmécontentdeNahelquipèsesurmoi.Ondiraitunpitbullsurlepointdecharger. Le visage baissé, parce que je suis incapable de l’affronter, je tente désespérément deréfléchir à la situation. Mais c’est peine perdue, tout s’embrouille dans ma tête et c’est justeterriblementangoissant.—Bien,messieurs,décrèteCaroleenselevant.Mercidenouslaisser.Madieetmoiallonsavoirunepetiteconversationentrefemmes.—Quoi?Maisnon!s’insurgemoncompagnon,haussantleton.—Del’air,j’aidit!s’exclamesabelle-sœur,sansêtreimpressionnéeparsonœillademenaçante.—Viens,frérot,onestdetrop.Jetepaieuncafé.Àcontrecœur,Nahelselève,nonsansm’avoirserrélamainuninstant.Ilsquittentlapièceet,avantmêmequ’ilsnesoientsortis,Carolemerejointsurlecanapé.—Quesepasse-t-il,Madie?Cettefois,jefondsenlarmes.Jeprendspleinementconsciencedecequim’arrive,maisjenesaispascommentgérer cela. Je réaliseque, jusqu’aubout, j’ai eu lanaïvetédecroirequecen’étaitpas sigravequeça.—Jel’ignore,parviens-jetoutjusteàrépondreentredeuxhoquets.—Tunet’yattendaispas?Vraiment?—Non.J’espérais,chaquemois,queleschosess’amélioreraient.Etpuis,mêmesic’étaitpénibleet

horriblement douloureux, je n’aurais pas imaginé que cela pouvait être réellement grave. C’estvraiment idiot de ma part, mais je suppose que mon éducation, assez conservatrice, y est pourbeaucoup.—Écoute, tun’asaucunreprocheà te faire.Personne,hormis leshypocondriaques,n’aimepenserquelasituationestcritique.Sienpluslesujetesttaboucheztoi,onpeutparfaitementcomprendre.Etpuis, finalement, je croisquenous sommesconditionnéespournoushabituer à ladouleur.Sibienqu’ilfautunregardextérieurpourquel’onréalisequequelquechosenevapas,quelasituationn’estvraimentpasnormale.Danstoncas,c’estNahel.—Oui,c’estNahel.—Jeneveuxpasêtre indiscrète,maisquesepasse-t-il réellemententrevous?Jamais jene luiaiconnuuneattitudeaussiprotectrice.J’ail’impressionqu’iln’estpluslemême.Etpourêtretoutàfaithonnête, je ne l’ai jamais vu contempler une femme avec autant d’admiration et de respect. Engénéral,c’étaitplutôtlegenrebaiseurcompulsif.Soudain,semblantserendrecomptedelaportéedesesparoles,ellebaisseprécipitammentlatête.Jeprésumequ’ellepensem’avoirblessée,maiscen’estpaslecas.J’aibeauêtrefolledelui,jen’aipaslastupiditédel’idéaliser.Jesaisparfaitementdequoiilestcapable!Jel’ai,dureste,vuàl’œuvredemespropresyeux.—Net’enfaispas,Carole,jeleconnaisbien.Jenesuispasidiote,j’aid’ailleursététémoindesesexploitsetchoquéeestunmotbienfaiblepourdécriredansquelétat jemesuisretrouvéeaprèscesordideépisode.—Oh!Tusais,cen’estpasunmauvaisgarçon.Ilestjustesombreettorturé.Mais,finalement,aprèscequiluiestarrivé,jesupposequec’estnormal.N’importequiauraitétédétruitparunteldrame.—Queluiest-ilarrivéaujuste?—Cen’estpasàmoideteledire,Madie.Jesupposequ’ilfinirapart’enparler,mêmes’ilneselivrequetrèsrarement.JecroisqueLounisestundesseulsàquiilseconfie.Etencore!Néanmoins,jesensuneréellecomplicitéentrevous.Tuluifaisdubien,tusais.—Jen’ensuispassûre.J’espèrequeoui,maishonnêtement,jen’aiaucunecertitude.Àvraidire,jen’arrive jamais à deviner ce qu’il pense. Il peut être d’une gentillesse extrême un instant, et fairepreuved’unebrutalitéexcessivelasecondesuivante.—TouslesparadoxesdeNahel!Jeréalisequ’ilyadeschosesqu’ellesaitsurlui,maisqu’ellerefusedemerévéler.Etinutiledevouspréciser que ma curiosité est piquée. Que lui est-il arrivé autrefois ? En même temps, pourquoiCarolem’ena-t-elleparlé,sic’étaitpourserétracterdanslafoulée?Ilmesemblequ’elleenatropditoupasassez.Mais,trèsvite,ellechangedesujetetilm’estdifficiled’insister,àmoinsdepasserpour une harceleuse.Or, c’est exactement ce que je ne suis pas. Je ne suis pas le genre de fille àvouloirconnaîtrelessecretsdesautresàn’importequelprix.Mêmesijecrèved’enviedesavoir,jenem’abaisseraijamaisàtenterdetirerlesversdunezàquiquecesoit.—Pourenreveniràtessoucisdesanté,Madie,ilvafalloirquetuagissessansattendre.Etjenepeuxqueterecommanderdesuivreuntraitementrapidement.Situlaissesleschosesenl’état,unjour,tuleregretteras.Denombreusesfemmesn’ontpasprislapeinedesesoigneretsontdevenuesstérilesparlasuite.Jedoisvraimentterendreattentivesurlagravitédelasituation.Etsi,commejelepense,lessymptômessesontaccentués,tudoisl’avoircomprispartoi-même.Situneveuxvraimentpasêtresouspiluleparconviction,je…—Ce n’est pas une histoire de conviction, je l’interromps aussitôt. Neme considère pas commel’arriéréecathoquejenesuispas!

—Cen’estpascequejesous-entendais.— C’est simplement… je ne sais pas. Il me semble que je serais déloyale envers mes parents etl’éducationquej’aieue.Ilsm’ontinculquélerespectdemoncorps,lefaitquelesrapportssexuelsnedoiventpasêtreprisàlalégère.Jenevoispascequ’ilyaderépréhensibleàcela.Poureux,lapiluleincite à coucher. Et pour être tout à fait franche, je partage un peu leur opinion, même si j’aiconscienceque les tempsontévoluéetque jen’attendraipasmonmariagepour fairemespropresexpériences.— C’est une bonne chose dans le fond. Quand je fais ma permanence au planning familial, tun’imaginespas lenombredegamines, tout justesortiesde l’enfance,quiseconsidèrentcommedevraies femmes.Mais cela ne change rien au fait que tu dois te soigner.Et aumoins, le jour où tuchoisirasdepasseràl’acteavecNahelouunautred’ailleurs,tuserasprotégée.L’implantestefficaceseptjoursaprèslapose.Jeréfléchisintensément,mêmesidanslefond,madécisionestdéjàprise.Ilestimpératifquejepenseàmasanté,parcequ’arriveraunmomentoùjenelesupporteraiplus,physiquement.Chaquemois,leschosesempirent,jenepeuxpascontinuerainsi.—D’accord.—D’accordpourquoi?—Pourl’implantetpourletraitement.—Tusais,ilyaunrisqued’effetssecondaires.Ceshormonesontpourbutdebloquertotalementtoncycle.C’estunpeucommesituétaisenphasedeménopause.—C’estdangereux?—Non,merassure-t-elle.Tupeuxjusteêtresujetteàuneprisedepoidsetàdesboufféesdechaleur.—Riend’insurmontable,donc.—Entoutcas,ceserasanscommunemesureaveclecalvairequetuvis.—Alors,allons-y,décrétéenmelevant.—Suis-moi.

25Une heure plus tard, nous nous installons toutes les deux à la table d’un bistrot, situé tout près ducabinet.Nahel etLounisdoiventnousy rejoindre trèsbientôt,d’après ceque j’ai crucomprendre.Dansmonbras, le petit implant est enplace et, dansmon sac, le traitement hormonal composédeplusieursboîtes,attendsagementd’êtreutilisé.Enfait,Caroleenavaitenstocketmelesadonnées,cedontjeluisuisinfinimentreconnaissante.Aprèsavoircommandéuncafé,nousnousmettonsàdiscuterde toutetderien,avantd’aborder lesujetquim’intéresseleplus:lesfrèresElkhouri.—Commentas-tu rencontréLounis? jedemande,aprèsqu’ellem’ait indiquéêtremariéeavec luidepuistroisans.Carolesourit,rêveuse.Jevoisbienqu’elleestfolledesoncompagnon.—Tuveuxlaversioncourteoucelleavectouslesdétails?J’éclatederire,avantderépliquer.—Lesdétails,çamevabien.Aprèstout,ilsneviennentpastoutdesuite.—Trèsbien.Jesuisoriginaired’unhameau,situéprèsdeDijon.JesuisvenueàParispourfairemapremièreannéedemédecine.Àl’époque,j’étaisencoupledepuislasecondeavecNicolas,ungarçonquiétaitégalementdemonvillage.Tusaiscequec’est,tutombesamoureuseàseizeansettucroisque c’est l’homme de ta vie. Après le bac, nous avons pu prendre un appartement en colocation.Depuisletempsquenousétionsensemble,nosparentsn’yontrientrouvéàredire.Donc,lorsquej’aiintégrélaquatrièmeannée,j’aichoisimaspécialisation.C’étaitgynécologieetobstétrique.Jerêvaisdemettredesbébésaumonde,vacomprendrepourquoi.Celafaisaittroisansquejevivaisavecmonpetit ami, qui était enmaster de droit.Mon père etmamère sont profs et je suis fille unique. Ilspouvaient parfaitement financermes études etma part de l’appartement. J’étais bien. Pas vraimentheureuse,maisbien.Enfait,aveclerecul,jeréalisequenousnouscomportionsdéjàcommeunvieuxcoupleplan-plan.Etça,àvingtans,c’estmortel.Seulement,comments’enrendrecomptequandonn’ajamaisvécuautrechose?J’adoraisNico,jetejurequec’estvrai.Maisdanslefond,jen’étaispasréellementamoureusedelui.Jecroisquec’étaitavanttoutmonmeilleuramietaccessoirementmonamant.Lefaitd’arriverdansunevilleoùnousneconnaissionspersonne,nousaincitésànousrepliersurnous-mêmes.Ducoup,chacundenousétaitdevenutrèsimportantpourl’autre.—Maispourquoiavoirchoisid’emménageràParis?nepuis-jem’empêcherde l’interrompre. Jeveuxdire…ilyavaitforcémentunefacplusproche,non?Neserait-cequ’àDijon.—Biensûr.Maisnousvenionsd’unhameaud’àpeinedeuxcentshabitants.Nousétouffionsetnousaspirionsàconnaîtrelacapitale,avecsescabarets,sesconcertsettoutescesactivitésauxquellesnousnepouvionspasaccéder,làoùnoushabitions.Vivreàlacampagnepeutserévélerd’unennuimortel.Deplus,quandtuesjeune,turêvesd’ailleurs.EnnousinstallantàParis,nousavionslesentimentquetoutpouvaitêtrepossiblepournous,quelavietrépidanted’unetellemégapolenoustendaitlesbras.Nosparentsétaientsceptiques,mais ilsnesesontpasopposésànotrechoix.Jesupposequelefaitque nous soyons ensemble a contribué à les rassurer. Malheureusement, la réalité s’est bien viteimposée. Réussir à passer en deuxième année du premier coup est extrêmement difficile, et estforcémentconditionnéparunemassedeboulotquetun’imaginesmêmepas.Pourrésumer,nousne

sommesjamaisallésàunconcertouauthéâtre.—EtLounis,danstoutça?—J’yviens.Jesuisdoncentréeenquatrièmeannéeetilétaitchargéd’enseignementpourlestravauxdirigés.Lepremierjouroùje l’aivu, j’aiétésubjuguéeet jesuissansdoutebienen-dessousdelavérité.OhmonDieu,qu’ilétaitbeau!Quandilsouriait,onauraitcruqu’ils’illuminaitlittéralement.J’étaissitroubléequejeneparvenaispasàsuivre.J’étaistellementoccupéeàbaverquejen’écoutaispasuntraîtremotdecequ’ilracontait.Ettuveuxquejetedise?Jen’étaispaslaseule.Touteslesfillesdanslasalleétaientdanslemêmeétatquemoi.Situlesavaisvuesminauderdevantlui,arriverencoursavecdesjupesdeplusenpluscourtesetdesdécolletésdeplusenplusplongeants.—Ettoi?À vrai dire, je suis passionnée par son récit. Cette histoire comporte finalement beaucoup desimilitudesaveclamienne.—Jemetenaisàbonnedistance.Jegardaispourmoicequejequalifiaisdebéguinetjemedisaisquec’étaitNicolasquidormaitavecmoi,chaquenuit.Maisunjour,Lounism’aconvoquéedanssonbureau. Mes deux premiers contrôles avaient été catastrophiques et il voulait comprendre ce quim’arrivait. Il avaitconsultémondossieret savait,parconséquent,que j’étaisbrillante.En toutcas,assez pour avoir réussi le numérus clausus haut la main et m’être toujours classée parmi lespremièresdemapromotion.Jesupposequeçal’aintrigué.—Etalors?Qu’as-turépondu?— J’étais atterrée parma conduite. Je réalisais à quel pointmon comportement avait été ridicule.J’avaisfailli foutre troisannéesdedur labeurenl’air,pour lesbeauxyeuxd’unmecquisefichaitéperdumentdemoi.Etquandbienmêmejeluiauraisplu,jen’étaispaslibre.J’aiprétextéalorsunsoucidesanté,enexpliquantquej’avaiseuunebaissederégime.Ilaproposédemedonnerquelquescourspourrattrapermonretardetj’aiaccepté.J’étaistellementsûrequeçafiniraitparpasser.Maisleschosesn’ont faitqu’empirer.Chaquefoisqu’ils’approchaitdemoi,moncorpsétaitcommeentranse.Jenepouvaispascontinuercommeça.J’aidoncmislesbouchéesdoubles.Punaise,qu’estceque j’aipotassé !Etcen’étaitpassimple,parceque j’avaisdéjàduboulotpar-dessus la tête. Jenedormaisplusquetroisheuresparnuit,maisauboutducompte,j’airéussiàrattrapermonretard.Aucontrôle suivant, j’ai eu une excellente note. Je suis donc allée le voir pour lui dire que les coursétaientdevenus inutiles. Il aeu l’air toutdépité,mais sur lecoup j’aicruque jeprenaismes rêvespourlaréalité.Deplus,jemesentaistellementmalenversNicolas,quejefaisaistoutcequiétaitenmon pouvoir pour que notre relation demeure harmonieuse. J’évitais consciencieusement toutedispute,j’étaistoujoursd’accordaveclui.Enfait,j’étaisrongéeparlaculpabilité.—Pourquoi,puisquetun’esjamaispasséeàl’acte?Ilmesemblequec’estcequidevraitdéfinirlafidélité.N’importequipeutavoiruncoupdecœur,maisquandilestloyal,alorsleschosesnevontpasplus loin.Et je supposequ’auboutducompte,ça finitpar s’estomper.Enfin,c’estainsique jevoisleschoses,mêmesijen’aiaucuneexpérienceenlamatière—C’estsansdoutevrai.Enattendant,quandjecouchaisavecNico,jefermaislesyeuxetj’imaginaisquej’étaisdanslesbrasdeLounis.Ilyavaitquandmêmedequois’inquiéter,tunetrouvespas?—Oui,évidemment,vusouscetangle,j’admetsenrougissant.—Comme tudis.Quand j’ai voulu rentrer chezmoi, ilm’a invitée àboireunverre. J’ai accepté.Aprèstout,c’étaitjusteunpotentreamis,riendegrave.Saufqueleverreestdevenuundînerdansunepizzeria.Lounism’aalorsavouéquejeluiplaisaisdepuisledébut,maisqu’ilavaitsonpetitfrèreàchargeetquecedernieravaitquelquesproblèmes.Ilrefusaitd’imposercelaàunefemme.Puis,ilm’ademandésisonattiranceétaitréciproqueous’ilsefaisaitdesidées.

Caroleritavecironie.Ellebaisselesyeuxetpoursuit.—C’est làque j’auraisdûmentir,mais çanem’estmêmepasvenuà l’esprit. J’ai confirmé.MonDieu,Madie,situavaisvusonregardbrûlantdedésir.J’aicruêtrevictimedecombustionspontanée.Jemesuisenfuieauxtoilettesetj’aienvoyéuntextoàNicolas.Jeluiavaisditquejebuvaisunverreavecmameilleure amie, puis que nous devions dîner.Mais là, je ne pouvais pas lui téléphoner. Ilauraittoutdesuitecomprisquejementais.Jemesuisdonccontentéed’unSMSpourluiindiquerquejepassaislanuitdansl’appartementdemacopineetquej’iraisàlafacdirectementlelendemain.Enquittantlestoilettes,j’aiéteintmonportable,pouréviterqu’ilmerappelle.Celaneseproduisaitpassouvent,maisilm’étaitdéjàarrivédedormirchezuneamie,parcequenoussortionsentrefilles.Engénéral,c’étaitprogrammé,tandisquelà,jeprévenaisàladernièreminute.C’étaitinhabituel,dirons-nous.Quandj’airejointlatable,Lounisavaitpayél’additionetm’attendait.Ilm’aproposédeboireuncaféchezlui,sonfrèreétaitabsent.Jen’ignoraispascequeçasignifiait,etj’aiacceptéentouteconnaissancedecause.J’airéalisé,cettenuit-là,cequ’étaitunevéritablepassionetleplaisiràl’étatpur.Bonsang,cemecétaitunvraivirtuose.Ilsavaitexactementoùappuyerpourmefairedécoller.LàoùNicoavaitmisdesannéesàcomprendre, ilaréussidupremiercoup.C’étaithallucinant!Jen’avais jamais rien vécu de tel, je n’avais même pas imaginé que cela puisse exister. Mais lelendemain matin, la réalité est revenue au galop et la culpabilité aussi. Au petit-déjeuner, Lounissemblaitsiheureux,siépris.Ilmesouriait,beurraitmestartines,etmesouriaitencore.Jecroisquec’estàcemoment-làquej’aicraqué.Jen’arrivaisplusàrespirer,c’étaithorrible.Alors,jeluiaitoutavoué.—Commenta-t-ilréagi?— Il n’a pas prononcé un seul mot. Son visage s’est fermé, son regard était glacial. Il est allérécupérermesaffairesetm’aouvert laported’entrée.Durant toutce temps, ilest restémuet,maisc’étaitpireques’ilm’avaithurlédessus.Alors,jesuispartie.Quepouvais-jefaire?Enarrivantchezmoi,j’aitrouvémesvalisesdanslevestibule.—Quoi?Maispourquoi?—Quandonment,ilfautêtreassezmalinepournepassefairechoper,etsurtout,s’assurerquesonalibi tiennelaroute.Nicoavaitvusurmonbureauundossier,dontilsavaitquej’avaisbesoin.Iladoncappelémonamie,quiesttombéedesnues.Enmêmetemps,avouequej’aiétéparticulièrementconnedenepasl’avoircontactée,avantdeluilaissercetexto.Jemesuisinstalléedanslesalonet,unefoisdeplus,j’aiditlavérité.Ilapleuré,aétéatterré,aacceptédepardonner,enmesuppliantdenepaslequitter.Maisquelquechoseétaitbrisé.Deuxjoursplustard,j’aicommencéàchercherunnouvelappartement. Jenepouvaisplus le laisserme toucheret ilavaitcomprisque jen’étaisplusaveclui.C’étaitdevenuinvivable.—Qu’as-tufait?—Environunmoisaprès,j’aipuintégrerunecollocationd’étudiantes.Cen’étaitpasterrible,maisc’étaittoutcequej’avaisputrouveretjen’avaispasletempsdepatienter.LesadieuxavecNicolasontétédéchirants.Jenesouhaiteçaàpersonne,Madie,tupeuxmecroire.—TuesalléechezLounis,alors?—Oui,j’avaisattendud’êtrepartiepourlerecontacter.Ils’étaitarrangépourpermuterdegroupe,sibienquejenel’avaispasrevudepuiscefameuxmatin.Jemesuisdoncrendueàsondomicile,maisilm’a fermé la porte au nez. Et pour cause, il y avait une autre fille dans son lit. Je n’ai fait quel’apercevoir,maiscelam’asuffi.Là,j’aivraimentréaliséàquelpointj’avaisfaitdumalàNico.J’aivraiment compris cequ’il avait pu ressentir. Je suis restée cloîtrée chezmoipendantune semaine,sansallerencours.Puis,unjour,monamiequiconnaissaitlasituationetquidevaitsesentircoupable

d’avoirgaffé,l’acoincédansuncouloiretluiabalancétoutlebienqu’ellepensaitdelui.Enmêmetemps,iln’avaitrienfaitdemal,puisquenousn’étionspasouplusensemble.Cesoir-là,ilestpassémevoir.En l’apercevant, j’ai pleuré toutes les larmesdemon corps.Nous avonsparlé durant desheures,puis ilest restépour lanuit.Le lendemain, jem’installaischez luiet,depuis,nousnenoussommesjamaisquittés.Voilà,tuesaucourantdetout.—C’estunetrèsjoliehistoire.—Oui,maistusais,jen’aipasrigolétouslesjours.Lesdeuxpremièresannées,Nahelvivaitavecnous.Etc’était loind’êtreunadolescentfacile.Maisje l’aimaisbien, ilétait justeperduet ilfallaitqu’iltrouveuneformed’équilibre.Depuisquetuesentréedanssavie,jecroisqu’ilestsurlabonnevoie.—Carole, j’espèrequetuascomprisquejen’airiencaptéàcequetuviensdem’expliqueràsonsujet.—Trèsbien,jevaisterévélerquelquechose,maisjure-moidenesurtoutpasenparler.Àpersonne.—PasmêmeàNahel?—Surtoutpasàlui.Promets-le.—Jetejurequejenedirairien.Jesuisunetombe.Et c’est vrai. Je ne raconte pas de salades. Les secrets, c’est mon truc, et je suis quelqu’un deconfiance.—Trèsbien.LeplusjeunefrèredeLounisetNahelestmortbrutalement,ilyahuitansdecela.Etilnes’enestjamaisremis.Soudain,ellebaisselatête,avantdesouffler.—Etnem’endemandepasplus,parceque jen’ajouterai riend’autre.De toute façon, ilsarrivent.Chéri!Noussommeslà.

26

NahelEnquittantlecabinetdeLounis,jesuisinquietpourmonbelangeblond.Paradoxalement,jemesensplusserein.Avecmonfrangin,nousavonslonguementdiscutéetpasbesoindejoueraumytho,parcequemonfrèren’estpasdupe.Ilsaitpertinemmentquejen’aijamaisarrêtédefumerducannabisetilsemblel’accepter,malgrélefaitquejeperçoisuneprofondetristessedanscetterésignation.Ilm’ajustepriédene jamais entraînerMadiedans cet engrenage, ce àquoi j’ai répondu immédiatementqu’il n’en était pas question, un seul instant. Et vous voulez que je vous dise ? C’était tout à faitsincère.Jamaisjenetolèreraisqu’elletoucheàunequelconquedrogue,pasmêmeàlaclope.J’enaiégalementprofitépourluidemanderdemefaireuneprisedesangetd’effectuertouslestestsderoutine.SiMadieestsouscontraceptif, iln’yaurarienentrenous.Ceseraunegrandepremièrepourmoi.Maisàpetiteamieexceptionnelle,mesuresexceptionnelles.Nous avons beaucoup parlé d’elle. Il l’adore. Il aime cette innocence qui émane d’elle, cettegentillessepeucommunequiselitsursonvisageetcettehonnêtetéquilacaractérisesibien.Madieagit commeun aimant, si j’avais eu un doute, la réaction demon frère, qui est pourtant du genreméfiant,m’aconfortédanscetteidée.Puis,forcément,s’estposéelaquestionquimeturlupinedepuisquelques jours.Àsavoir,commentm’y prendre pour que sa première fois se déroule au mieux ? Parce qu’autant être honnête, jen’imaginepasunseulinstantquecelapuissesepasseravecunautrequemoi.C’était trèsgênantdeluidemandercela,surtoutquandmonidiotdefrangins’estmisàrire,enmefaisantremarquer,àjustetitre,quej’avaiscouchéavecbienplusdefillesquelui.Saufque,cettefois,c’estdifférent.Jusqu’àprésent,jebaisais.Avecelle,j’aienviedefairel’amour.Etilmesemblequecen’estpasdutoutlamêmechose.Les seuls conseils que cet abruti a trouvé àme donner, c’est de ne rien précipiter et de laisser dutempsàmonbelangeblond.Puis,ilm’aégalementexpliquéquejedevaisêtreàl’affûtdelamoindrede ses réactions, afin de ne jamais lui imposer quelque chose qu’elle ne voudrait pas. Elle n’enparlera pas nécessairement par pudeur ou juste pourme plaire.Ce sera donc àmoi de deviner etd’anticiper.Etilmesemblequecen’estpasuneminceaffairequedel’initierausexe.Deplus,cequenousavonsvécu,hier,m’aprofondémentdéstabilisé.C’estprincipalementdûaufaitquej’enairetiréunplaisirtotalementinédit,maisdontl’intensitém’adonnél’impressiondeplaner,bienmieuxquen’importequelledope.Lepire,c’estquecen’étaitriendefou.Car,soyonshonnêtes,voilàtrèslongtempsquejesuishabituéàautrechosequejoueràtouche-pipiavecunefille.Alors,qu’est-cequiachangé?Est-ceparcequec’étaitavecelle?C’estévident,ledouten’estpaspermis.Cequimeperturbe,c’estlepouvoirquecelaluidonnesurmoi.Etçafaitplusquemedéranger,çameterrifie.Merde!Commesij’avaisbesoindeça!Lorsquejelarejoinsdanscepetittroquet,avecCaroleetLounis,jesuissoulagéd’apprendrequ’elleafinalementoptépourlaposedel’implant.C’étaitlebonchoix,maisjedevine,àsonvisageinquiet,

queladécisionaétédifficileàprendre.Bonsang,sijetenaissesparents,jeleurbalanceraisdeuxoutroisvéritésbiensenties.Rienquedepenserqu’elleacceptaitdesouffrir,simplementpournepaslescontrarier,euxetleursconvictionsàlacon,j’aienviedetoutcasser.Monfrèreabieninsistésurlefaitqu’elledevraitrevenirlevoirdanstroismoisetqu’ilprocéderaitàdesexamenscomplémentaires.Le traitementqui luiaétéprescritnevisequ’à lasoulager,dansunpremiertemps,maisilestimpératifdevérifierl’évolutiondesamaladiedansletemps.Avecunpeudechance,leschosesrentrerontdansl’ordre,grâceauxmédicaments.Toutefois,sicen’estpaslecas,d’autresmesuresdevrontêtreprisesetsansattendre.Nouspassonslerestedelajournéeàfairedutourisme,touslesquatre.Biensûr,nousconnaissonstrèsbien lacapitale,maisMadieestcommeuneenfantdevantunsapindeNoël, jetantdes regardsaussiébahisqueravistoutautourd’elle.Nousfaisonsunepromenadeenpéniche,nousnousrendonsaupieddelatourEiffel,allonsensuiteàMontmartreetgrimponsjusqu’auSacréCœur.Ilestvraiquelavueyestépoustouflante.Lorsque nous retournons à l’appartement de Lounis, nous sommes tous les quatremorts de faim.Carole se met immédiatement aux fourneaux, nous confectionnant ses spaghettis al pesto, qu’elleréussitàlaperfection.Lasoiréesedéroulecalmement,entrediscussionsaniméesetrires.Toutefois,noussommeslessivésparcesheurespasséesàmarcherdanslesruesdeParis.Enfin, ils sont fatigués, car cen’est pasmoncas.Depuismon réveil, je n’ai paspu fumerun seuljoint.J’aiétélepremiersurprisparlefaitquejen’yaipaspenséjusqu’endébutd’après-midi.Mais,àmesurequelesminutess’égrenaient,leschosessesontcompliquées.Lesnauséesetlamigraineontcommencéàsemanifester,alorsquenousétionsdanslemétro,endirectiondelatourEiffel.Puis,c’estmonhumeurquiachangé.Jesuisdevenutaciturne,nerveux.Lounismeregardaitbizarrement,maisiln’ariendit.Quandnoussommesfinalementarrivéschezeux,j’aiprétextéavoiroubliémesclopespourcavalerversmabagnoleet, là, l’extase,enfin.Lapremièreboufféem’afait tourner latête,maisc’étaitsibonquej’auraispupleurer.Àvraidire, jenemesouvienspasêtre restési longtempssansmefracasser la tronche.Et,que leschosessoientclaires,iln’estpasquestionquejerenouvellel’expérience.Putain,j’aicruquej’allaistomberdanslespommes,tellementjemesentaismal.Alorsquenous regagnons la chambre, je suispris ànouveaudubesoin impérieuxdeme faireunjoke. Ilme sera impossible de dormir sans cela. En règle générale, j’en fume comme d’autres setaperaientdesclopes,c’est-à-direunebonnequinzaineparjour.Or,aujourd’hui,maconsommations’estréduiteàunminablepétard.Ilfautquejeremédieàcela,etleplusviteseralemieux.Enfin,sij’arriveàquittercefoutuappartement,pourrejoindreleparkingsouterrain.—Tuveuxpasserlepremierdanslasalledebain?demandegentimentMadie,ensetournantversmoi.Jesuistellementàcran,quemêmemonbelangeblondmegonfle.Merde,c’estcarrémentgrave,là!—Non,vas-y.J’aiuntrucàfaire.—Tusais,çanemedérangepasd’attendre.—Jet’aiditdeprendrecetteputaindedouche,merde!Alors,ferme-laetfais-le!m’écrié-je,soudainfoufurieux.Je devine à son air choqué que je l’ai blessée. Pourtant, là où une autre nana m’aurait baffé oum’aurait hurlé dessus, elle reste d’un calme olympien. Elle se contente juste de mordre sa lèvreinférieurepournepaspleureretdes’enfermerdanslasalledebain.Sansclaquerlaporte,jetiensàlesignaler.

Ilnem’enfautpaspluspourquitterlachambreetmedirigerverslasortie.Mais,commecen’estpasmonjour,monfrèrearriveenfronçantlessourcils.—Toutvabien,Nahel?—Ouais.—Tuenessûr?Jet’aientenducrier,depuislesalon.Cettefois,jevoisrouge.Ouvrantlaported’entrée,jegrogne.—Qu’est-cequevousavezàmefairechier,cesoir?Foutez-moilapaix,tousautantquevousêtes!Seulement, Lounis n’est pas Madie et son visage se fige immédiatement. Il s’avance, bloquant lepassage.—Jesaisoùtuvasetjesaiscequetut’apprêtesàfaire!—Arrêtedemecasserlescouillesetlaisse-moisortir!— Quand comprendras-tu enfin que toutes ces saloperies ne t’aideront pas ? Elles te grillent lesneuronesetteretournentlecerveau!Tucroisquec’estbonpourtoi?—Gardetesleçonsdemorale,j’enairienàfoutre.Ôte-toidemonchemin,jeveuxpasser!—EtMadie,tuyaspensé?—Jenevoispaslerapport,contré-je,enbaissantlesyeux.—Commentréagira-t-ellequandelledécouvriraqueceluiqu’elleaduletantn’estriend’autrequ’unvulgairejunkie,quiseraitprêtàvendrepèreetmèrepouravoirsadose?—Laferme!Jenesuispascommeça!Ilapprocheencoreunpeu.Sonvisageestàpeineàquelquescentimètresdumien.—Si,assène-t-ilavecuneduretéquejeneluiconnaispas.C’estexactementcequetues!Puis,sansautreformedeprocès,ilmetourneledosetreprendladirectiondusalon,oùCaroles’estendormie devant la télé. Il est furibard, mais je m’enmoque. Une seule chose importe, c’est quej’allumemacigarettedel’espace.Pourlereste,jerègleraiçaplustard.Enentrantdans lachambre,unebonnedemi-heureaprèsenêtreparti, jemesensmieux.J’ai fumédeuxjointscoupsurcoup,jesuisenfinapaisé.Madieestdéjàcouchée,maisjevoisbien,àlaraideurdesoncorps,qu’ellenedortpas.Aprèsunedoucherapide,jemebrosselesdents.Toutefois,lorsquejecroisemonpropreregarddanslaglace,jemefaisl’effetd’êtremoche,trèsmochemême.Unsaletype,prêtàtoutetàn’importequoi,justepourassouvirsesvices.C’estminable!EtsiMadiem’enfaitbaver,elleauratoutàfaitraison.Jesuisungrosnulettoutcequejesaisfaire,c’estbousillermesrelationsavecceuxoucellesquim’aiment.J’aitoujoursétécommeça.D’aprèslepsyquemonpèrem’aforcéàconsulter,c’estparcequej’aipeurdeperdreceuxquimesontvraimentproches.Toutça,c’estdesconneries,mêmesilesmots,sidurs,deLounisnecessentdetournerencoreetencoredansmatête.Lorsquejem’allongeàsescôtés,elles’écarteaussitôt.Bon,ben,letonestdonné.—Pardon,Madie,jesuisdésolédem’êtreemportétoutàl’heure,tenté-jedem’expliquer.Aucuneréponse.Ilestévidentqu’ellenevapasmefaciliterlavie.—Madie?Disquelquechose,s’ilteplaît.J’aimepasquandonseprendlebec.Cette fois, elle bouge. Enfin, c’est un bien grand mot, puisqu’elle tourne juste la tête dans madirection.—Tunesupportespasqu’onsefâche?Ehbien,voilàunscoop,bougred’âne,tun’asqu’àmeparlercorrectement.Jenesuispasunpaillassonsurlequeltuessuiestesgrollescrottées!—C’est bon, jeme suis excusé. Tu ne vas pasme chier une pendule pendant toute la nuit quandmême!Brusquement,elleseredressecommesielleétaitallongéesurdesclous.Jesuistellementsurprisque

jesursaute.Pointantunindexrageurdansmadirection,ellemelanceunregardd’uneduretéimpitoyable.—Moi je chie une pendule ? hoquète-t-elle.Moi, je chie une pendule ? Je t’emmerde, espèce deconnardarrogant!Quicrois-tuêtrepourmeparlerainsi?Jenesuisnitonlarbinniunemômequetupeuxenvoyerbaladerquandçatechante.Jen’airienfaitpourmériterça!Etmaintenant,fous-moilapaixetlaisse-moidormiraulieudemecasserlespiedsavectesremarquesàtroisballes.—Putain,Mad,arrêtedefairetagreluchedeservice!Unmajeurpointédansmadirectionmerépond.Voilàqu’ellesemetàmefairedesfucks,c’estpascroyable!Maisjerêve!—Lagreluchet’emmerde,ducon!Puis,s’installantàsonaise,ellefermelesyeuxets’assoupitquelquesminutesplustard.Sicen’estpaslecas,ellesimuleparfaitement.Àvraidire,jesuissurlecul.Nonseulement,ellem’envoiechiercommeunbouseux,maisenplusellemeparlecommeellenel’ajamaisfait.OK,jenel’aipasvolé,maisquandmême!Jesuisd’autantplusdépitéquejebande,rienqu’àêtrecouchétoutprèsd’elle.Jesensquelesommeilvaêtrelongàvenir,sijedoisrestersurlabéquilleduranttoutelanuit.Jen’auraispasditnonàunepetite séance de frotti-frotta. Hélas, elle ne paraît pas partager mon opinion. En même temps,comment luienvouloirquandellea tellementraison?Jemesuiscomportécommeledernierdescons,j’enaiparfaitementconscience.Jenepeuxpasluiavouerpourquelmotifj’aiagiainsi.Àvraidire,jenepourraijamaisluirévélerlavérité,parcequecejour-là,ellecesseradem’aimer.

27

MadieEncette findematinée,et aprèsdesadieuxchaleureux,nous repartonsendirectiondeStrasbourg.Quandjemesuislevée,Naheldormaittoujoursetc’étaitaussibienainsi.Mêmemaintenant,jesuisencoreénervéeparsoncomportementinexplicable.Arrivée dans la cuisine, où Lounis et Carole se trouvaient déjà, j’ai pris mon petit-déjeuner endiscutant tranquillement de tout et de rien. Le sujet Nahel et l’incident d’hier soir ont étévolontairementoccultés,cedontjeleuraiétéprofondémentreconnaissante.Puis, après avoir aidé à ranger, il a bien fallu retourner dans la chambre.Ce n’est pas que j’étaisréellement pressée de partir, mais j’ai encore tout un tas de révisions à effectuer en vue demoncontrôlededemain,etpourlemoment,jen’aitoujoursrienfait,pasmêmerattrapélesfameuxcoursenretard.Bonsang,commentserai-jecapabledegérerça,aprèscinqheuresderoute?Jesensqueçavaêtredusport.Enarrivantdevantlaporte,jen’aipaspumedépartirunecertaineappréhension.J’avaismisNahelsurunpiédestal,depuisqu’ils’étaitoccupédemoiavecunréeldévouement.Maishiersoir,ilenesttombébrutalement.J’aialorscomprisqu’ilétaitloind’êtreleprincecharmantquej’avaisidéalisé.Iln’estqu’unhommesombreetinstable.Etc’estcesecondaspectdesapersonnalitéquimeperturbe.J’auraispourtantdûm’endouter,cars’ilyenabienunquiestlunatique,c’estlui.Combiendefoisa-t-ilalternélesphasesoùilétaitd’unedouceuretd’unegentillesseextrêmes,avecdesmomentsoùilétaittropbrutaldanssespropos?Bref,jesuisdéçue,mêmes’ils’estexcusé.Lorsquej’aipénétrédanslachambre,j’aiconstatéqu’ilétaitdanslasalledebain.Tantmieux,celamelaissaitquelquesinstantsderépit.J’enaiprofitépourfairelelitetrangermesaffairesdanslesac.Jeterminaismatâcheaumomentoùilaouvertlaporte.Malàl’aise,jenesavaispasquelleattitudeadopter.C’estétrange,parcequ’hierjemesentaistellementprochedelui.—Salut,Madie,a-t-ilmurmuré,envenantversmoi.Toutefois,ilastoppéimmédiatementsonélan,quandils’estrenducomptequej’avaisfaitunpasenarrière.Pourtant,c’étaitinvolontairedemapart.Commesimoninstinctdesurviemecommandaitdeprendremesdistances.Sans rienajouter,mais le regard triste, il a saisinos sacset estdescendupour lesdéposerdans lavoiture. Lorsqu’il est remonté, ses yeux étaient rougis. J’espère que je ne l’ai pas fait pleurer.Ducoup, jemesuissentiepresquecoupable.Décidément,gérerunerelationamoureusemeparaît fortcompliqué.Jenesuispeut-êtretoutsimplementpasdouéepourça.Jusqu’àReims,nousn’échangeonspasunseulmot.Aprèsunepause,quiluipermetdefairelepleinetàmoidesoulagermavessie,nousreprenonslaroute.Aumomentderemonterenvoiture,Nahelsetourneversmoietdemande.—Tuveuxconduire?Jesecouenégativementlatête.

—Tucomptesfairelagueulelongtemps,encore?Parcequesituasunproblème,tum’enparles,jem’expliqueetonarrangeça.Mais,pitié,arrêtedetecomportercommeunegamine!J’inspireungrandcoup,enm’installantsurlesiègepassager.Bon,OK,iln’apastoutàfaittort.Maiscomment dire ? Je déteste les confrontations, les cris et autres scènes. En général, quand je suiscontrariée, jepréfère laisser leschosesse réglerparelles-mêmes.C’estsansdoute l’attituded’unetrouillardeoud’une lâche,mais je suis commeça.Etn’allezpas chercherunproblème lié àmonenfanceouàmonéducation,iln’yenapas.C’estmoi,moncaractèreoumontempérament,appelezcelacommevousvoudrez,quirefusedem’accommoderd’unequelconqueformedeviolence.Nahelestprobablement l’unedesrarespersonnesquiparvientàmefairesortirdemesgonds.Mais,hiersoir,commentdire?Ilnem’apasseulementvexée,ilm’ablessée.Jemetrouvedoncànouveaudansunepositionderepliquim’estfamilière,commepourmeprotéger.Toutefois,danslamesureoùilestrevenuenpremier,jedoiségalementfaireuneffort.Ilaremisdelamusiqueetjeprendsletempsdesavourerlachansonquiestdiffuséeparlesenceintes.C’estunduod’hommesqui chante,uniquementaccompagnéd’uneguitare, et leursvoix sont justesplendides. Elles me parlent comme personne. L’une d’entre elles, plus particulièrement. C’est untimbregraveetrocailleux,quimefaithérisserlepoil.Sublimeestleseulmotquimevientàl’esprit.J’adore. La chanson en elle-même n’est pas extraordinaire et me rappelle, d’ailleurs, vaguementquelquechose.Jeprésumequ’ils’agitd’unereprise.Maisc’esttellementbienfaitquejelapréfèrelargementàl’originale.Àlafindumorceau,jepivoteversmonchauffeurquiroule,lesmainscrispéessurlevolant,laminerenfrognée.Enfin,jemedécideàparler.—Jeneboudepas.—Ahbon?Nahelarqueunsourcilironique,histoiredebienmefairecomprendrequ’iln’estpasdupe.Ilnecroitpas un traîtremot de ce que je viens de dire. Il a tort, parce que c’est la vérité. Je n’ai pas pourhabitudedementir.—Absolument.J’écoutaislamusiqueetjecogitais.—Àquelsujet?veut-ilsavoir.—Toi.Moi.Nous.—Vasteprogramme,non?Etquelestlefruitdetantderéflexion?Jeplisselesyeux,vaguementmécontente.Ilsefoutdemoi.— Ça ne te regarde pas. Au fait, changé-je de sujet, pourrais-tu me repasser la chanson avec laguitare,quenousavonsentenduejusteavant?—Tuasaimé?s’enquiert-il,visiblementsurpris.—Plusqueça,j’aiadoré!Aprèsavoirmanipuléunecommandeauvolant, l’airrésonneànouveauàmesoreilles.J’enfermelesyeuxdeplaisir.—C’estqui?—C’estunereprisede«Sayitain’tso»deMurrayHead.Tuconnais?—Pasvraiment.Cen’estpastroplestyledemusiquequej’écoutehabituellement.—C’estvrai,aufait!Jenet’aijamaisdemandéquelsétaienttesgoûtsenlamatière.Alors?—Àtonavis?—Jésus,Jésus,Jésus,revientparmilessiens,fredonne-t-ilavecunsouriresarcastiquequimedonneenviedeluiencollerune.Je savais bien qu’il finirait par se moquer de moi et de mes convictions. C’était inévitable, c’est

toujours ainsi. Mais cela ne m’empêche pas d’être profondément déçue. Une fois de plus. Çacommenceàfairebeaucoupensipeudetemps!—T’esvraimenttropcon,murmuré-je,leslarmesauxyeux.—Oh,allez,Madie,arrêtedeprendrelamoucheetdefairetagreluche!Jeplaisantais.Oùestpassétonsensdel’humour?—IlestrestéàStrasbourg,àlacathédrale,crétin!—S’ilestencompagniedetonfrangin,c’estclairqu’ilnerisquepasrigolerbeaucoup!Cettefois,jepivoteverslui,scandalisée.—Quoi?Aprèsmareligion,c’estmonfrèrequetucritiques?Bonsang,maisqu’est-cequetufousavecmoi?Nahel soupire longuement, avantd’enclencher le clignotantpourbifurquerversuneairede repos,cinquantemètresplusloin.Ilsegaresurlapremièreplacedeparkingqu’iltrouve,éteintlemoteuretsetourneversmoi.—Bon,maintenant,çasuffit ! Jesaisque je t’ai faitde lapeine,hiersoir,et j’ensuissincèrementdésolé.Parcontre,danslamesureoùjen’aipascessédem’excuser,c’estladernièrefoisquejelefais.Putain,Madie,jesuiscommeçaetêtreencontactavectoinechangerajamaismoncaractère.Jesuislunatique,colériqueetsoupeaulait,c’estvrai.Soittut’enaccommodes,commejem’adapteàtescroyances,soitonarrêtedesevoir.C’estaussiconqueça.J’aiconscienced’êtretrèsdifficileàvivre,mais si je peux t’assurer d’une chose, c’est que j’ai toujours été ainsi.Tune feraspasdemiracle.Donc,sionveutqueçamarche,ilvafalloirnousapprivoiserl’unl’autre.Sinon,notrerelationestvouéeàl’échec.Etaufonddetoi,tulesaisdéjà.Que répliqueràcela? Il a toutdit, jen’ai rienàajouter.Toutefois, jedoisêtreparticulièrementàfleurdepeau,carleslarmesmenacentànouveaudedéborder.—Ohnon,monange,nepleurepas!Jesuistellementdésolé!Meprenantpar lesépaules, ilm’obligeàm’approcherde lui.Si je suis réticente,dansunpremiertemps, jecèdeviteetretrouveavecbonheurlachaleurdesesbras.Dieuqueçafaitdubien!Jeneréalisequemaintenantàquelpointcelam’avaitmanqué.Soulevantmonmenton,Nahelposeseslèvressurlesmiennesavecunetendresseetunedélicatesseque je n’aurais jamais crues possibles de sa part. Toutefois, alors que je m’attends à ce qu’ilapprofondissenotrebaiser,ilseredresseprestement.—Sioncommenceici,onn’arriverapasàrepartir.Jepréfèrequ’onpoursuivedanstonappartement,histoired’éviterqu’unéventuelpublicmatenosébats.L’exhibitionnismenefaitpasencorepartiedemesdéfauts,fortheureusement.Je reprendsmaplace, boucle à nouveauma ceinture, vaguement gênée.Décidément, quand je suisdans ses bras, j’oublie tout. Sans perdre de temps, il redémarre. Il nous reste un peu plus de deuxheuresderoute.Jesensqueçavaêtrelong,trèslongmême!—Tupeuxremettrelachanson?jedemande,auboutdequelquesminutes.—Manifestement,tuaimesvraiment.Ilsetournerapidementversmoietsouritdetoutessesdents.—J’adore,tuveuxdire.C’estdequi?Àlalégèrerougeurquicoloresespommettes,jecomprendsenfin.—C’esttoiquichantes,n’est-cepas?Ensilence,ilacquiesce.Ilparaîtgênéetjenevoispaspourquoi.Ilauntalentfou.Jenel’avaisjusquelà pas encore réalisé.En fait, assez égoïstement, j’avais occulté sa passion pour lamusique, alorsqu’ilestévidentquecelafaitpartieintégrantedelui.

Finalement,aprèsunlongmoment,ilm’explique.—Fredetmoil’avonsreprise,unmatin,quandnousétionsaustudiod’enregistrement.C’étaitjustecommeça,tusais!Juste comme ça ? Eh bien, je voudrais bien voir comment ça peut être, quand ce n’est pas justecommeça!—Fais-moiécouterd’autreschansons,s’ilteplaît,etraconte-moiexactementcequetufais.Durant le restedu trajet, ilmepassedenombreuxmorceaux, souventd’ungenre trèsdifférent.Enfait,j’aimecetéclectismequifaitqu’ilnes’enfermepasdansunstyleparticulier.J’admireégalementsonimmenseconnaissancemusicale.Pendantprèsdedeuxheures,ilpartageavecmoisapassionetjedoisavouerquejesuissuspendueàseslèvres.Pourunpeu,jel’envieraispresque.

28Nous arrivons peu avant quinze heures. Dehors, il fait froid et une fine bruine glacée tombe,assombrissant le ciel. Dès que nous pénétrons dans l’appartement, jeme dirige versmon bureau.Mêmesijen’aiabsolumentaucuneenviedetravailler,jen’aipasréellementlechoix.Bonsang,jesens que ça va être chaud ! Jamais je n’aurai le temps de rattraper mon retard et de préparerl’évaluationpourdemain.Pourtant,jeneregrettepasuninstantdel’avoirsuiviàParis.Jesaisd’oresetdéjàquecetimplantchangeramavieet,aumoins,jenemanqueraiplusaucuncours.Nahelmeprêtesonordinateur,surlequelilabranchésontéléphone,cequimepermetdevisualisercorrectement les photos qu’il a prises vendredi. Jememets immédiatement au boulot. Pendant cetemps,jel’entendsquis’activedansl’appartement.Quandjemetourneverslui,jem’aperçoisqu’iladéjà vidé nos sacs et emporté le linge sale dans la salle de bain. Décidément, cemec est un vraimaniaque!Deuxheuresplus tard, jem’octroieunepremièrepause.Dans lacuisine, jemeprépareunebonnetassedecafé.Monamoureuxestentraindetripotersontéléphoneportable.Ilsemblecontrarié.—Quesepasse-t-il?demandé-je,enavalantunegorgéebrûlante.—Jevaisdevoirpartircesoir.Onmeproposedemixerdansunediscothèqueducentre-ville.LeurDJestclouéaulitparlagrippe.—Ettuasl’intentiond’accepter?—Biensûr.J’adorefaireçaetsicelamepermetdegagnerunpeudethunesc’esttoutbénef,non?Madéceptiondoit se lire surmonvisage, parcequ’il soupire, une fois deplus, et s’approche,mefaisantreculerjusqu’àcequejesoiscoincéeparlecomptoir.—Écoute,Madie,c’estmonjobetj’aimeça.Tudoiscomprendre.Lamusiquefaitpartieintégrantedemavie.Alors,jeseraisouventabsentetjecontinueraiàmixerauclub,chaquesamedisoir.Situnepeuxpasaccepterça,jerécupèremesaffairesetjeparsimmédiatement.C’estladeuxièmefoisqu’ilmeparledecettemanièreenl’espaced’unedemi-journée,etjeprends,soudain,peur.J’aiexpérimentélaviesansluietjenetienspasàrecommencer.Maisjen’aiaucuneenviequ’ilmebalancecegenredediscoursàlafigure,dèsquequelquechoselecontrarie.Cen’estpasainsiquejeconçoisuncouple.—C’estcequetuveux?jem’enquiers,enposantmatasse.—Quoi?Ilnesemblepassaisiràquoijefaisréférence.—Partir.—Comment?Non!—Pourtant,c’estladeuxièmefoisquetuévoquescettepossibilité,aujourd’hui.Qu’est-cequejedoiscomprendre?—Oh,monange,murmure-t-il,enencadrantmonvisagedesesgrandesmains.Tun’yespas.Noussommesjusteentraindenousapprivoiseretjevoulaisquetuprennesconsciencedel’importancedelamusiquepourmoi.—Enmenaçantdet’enaller?C’estuneméthodediscutable,tunecroispas?— Peut-être, admet-il, mais je n’ai jamais été en couple, alors il peut arriver que je me montre

maladroit.—Jetesignalequemoinonplusjen’aijamaisétéencouple!Cen’estpaspourautantquejeveuxtefoutreàlaportedemonappartementàlapremièrecontrariété.—D’accord.Maistusemblaisfâchéequejesoisabsent,cesoir,etj’aicrubondemettreleschosesaupointtoutdesuite.—Jen’étaispascontrariée,m’insurgé-je,j’étaistriste.Tuauraispréféréquoi?Quejesautedejoieàl’idéequetusortesseul?—Madie,jenesorspas,jevaisbosser,nuance.Jesaisbienqu’ilaraison,maisjenepeuxmedépartird’unecertaineangoisse.Dessouvenirsd’unedesessoiréesdetravailmereviennentenmémoireaussitôt,etcelan’arrangerienàmoninquiétude.Soudain,jemesenssoulevéedeterre,tandisqu’ilsedirigeverslelit.—Nahel!Maisqu’est-cequetufais?m’écrié-je,toutenpouffantbruyamment.—Jeterassure,mapetitegreluche.Jecroisquetuenasbesoinetmoiaussi.J’aibienremarquélatête que tu faisais, il y a quelquesminutes, et je sais à quoi tu pensais. Il n’y a qu’unemanière det’enlevercesimagesdel’esprit.Puis,sansmelaisserletempsderépliquer,ilmejettesurlelitetmerejoint,l’instantd’après,dansunimmenseéclatderire.Jenepeuxm’empêcherdem’esclafferégalement.Son visage est si près dumien que je peux sentir son souffle surma peau. Il cesse soudain de semarrer pourme contempler avec le plus grand sérieux. L’une de sesmains est plongée dansmescheveux,surlesommetdemoncrâne.L’autrecaressedoucementmajouedureversdesesphalanges.Leregardbrillant,ilnemequittepasdesyeux.—Mad,chuchote-t-il,tuessibelle.Jesourisàcecompliment,moiquiaisipeul’habituded’entendredetellesparoles.Tranquillement,sabouchedescendvers lamienne.Mais jen’attendspasqu’ilm’embrasse, jevais au-devantde cebaiser.Nahel est commeun aimant pourmoi, je suis incapable de lui résister.Dès que nos lèvresentrentencontact,j’oublietout.Ilestallongédetoutsonpoidssurmoi,maisçanemedérangepas.Au contraire, j’ai besoin de sentir son corps contre lemien, celame donne l’illusion d’être plusprochedelui.Dèsquesa languesemetàdanserautourdelamienne, jecommenceà trembler.Danslapièce,onn’entendplusquenossoufflessaccadés.C’estjusteextraordinairederessentirautantdesensationsenéchangeantunbaiseravecunhomme.Etjerevienssurcequejedisaisaudébut,j’aime,non,j’adoreembrasser.MaisuniquementNahelElkhouri.Trèsvite,nosgestesdeviennentplusbrusques,plusimpatients.Lorsqu’ilsoulèvemontee-shirt,c’estsans appréhension que je lève les bras pour lui permettre de le retirer plus commodément. Monsoutien-gorgeatterritégalementsurlesol,quelquessecondesplustard.Les yeux fermés, je savoure cet instant hors du temps, durant lequel j’ai le sentiment d’êtrepleinementfemme.Jelesensdétachermescheveuxetlesétalersurl’oreiller.Puis,plusrien…Étonnée, je relève les paupières. Il m’observe, une fois de plus, comme soufflé. C’est vrai, j’ail’impressionqu’ilestchoquéetj’ignorepourquoi.Jusqu’àcequ’ilouvrelabouche.—Putain,Madie,tuesféerique.Unevisionenchanteresse,laplusbellefemmequ’ilm’aitétédonnédecontempler.Jesourisàcescompliments,quimeparaissentbienexagérés,mêmesijenedoutepasdesasincérité.Jesupposequel’excitationlefaitdivaguer.Ànouveau, ilm’embrasseavecunepassionquime laissepantelante.Puis, il se redresseetôtesonpull.Nousvoilàtorsesnus,chaircontrechair,etDieuquej’aimeça!Saboucheseperddansmon

cou,puisdescendtoutdoucementversmesseins.Tendus,douloureux,ilsn’attendentquecela.Illesengloutitavecdélectation,touràtour,déclenchantunevéritabletornadeàl’intérieurdemoncorps.Jenepeuxm’empêcherdegémirdeplaisir.Ce son semble le transcender, car l’instantd’après, sesdoigtsouvrentmaceintureetbaissentmonjean,dont jemedébarrassed’unmouvementdupied.Maculottesuit lemêmechemin.J’enprofiteégalementpourretirermeschaussettes,pendantqu’ilserelèvepoursedéshabiller.Etcettefois,ilneconservepassoncaleçon.Jesuisfascinéeparlabeautédesoncorpssibiensculpté,parcettevergedresséecommeunpiquetdetente, dont les proportionsne cessent dem’impressionner.Elle est grosse, elle est épaisse, elle estlongue. Sur toute la surface, j’aperçois des veines qui courent sous sa peau. Je n’aurai pas lamalhonnêtetédeprétendrequecepénisnem’excitepas,loindelà.Déjà,jesensmonsexepulserets’humidifier,commepourrépondreàl’appeldusien.L’instantd’après,ilmerejointànouveausurlelit.Ànouveau,songrandcorpsrecouvrelemien.Sonmembrereposesurmonpubis.Ceseraitsifaciledelelaissermepénétrermaintenant.Maisjenesuispasencoreprêteetjesaisqu’ilenaparfaitementconscience.Alors,n’est-cepasrisquédes’exposerainsi?Jeveuxdirequelatentationdepasseràl’acteestforteetilfaudraquenousfassionsappelàtoutnotreself-controlpourparveniràyrésister.Et,sij’aiconfianceenlui,jen’ignorepasquec’estunhommeimpulsifetpassionné.—Nahel…murmuré-je,tandisqu’ilrelèveunedemescuissespourlaposersursahanche.—Pasdepanique,monange.Laisse-moifaire.Jesaisjusqu’oùjepeuxaller,alorsdétends-toi.Soudain,sonbassinsemetenmouvement,sefrottantcontremonsexeruisselant.Ah,quec’estbon!Pendantcetemps,ilm’embrassepartoutoùilpeut:lesoreilles,labouche,lementon,lagorge,lesépaules,lesseins.À peine quelques secondes plus tard, je sens cette boule de feu étrange prendre naissance dans lecreuxdemonventre.Sonpéniscontinueàstimulermonclitorisaveclarégularitéd’unmétronome.Unemain crispée surma fesse, l’autre dansmes cheveux,Nahel paraît avoir toutes les peines dumondeàseretenir.Alors, parce qu’il comprend que je suis proche de la jouissance, il accélère ses frottements,provoquantunecontractiondetoutmoncorps,puisuntremblementincoercible.Leplaisirserépandenmoietm’entraîne,tellesurlamedefond.Jecrie,jegémis,jesouffle,jepleureaussi,mesemble-t-il, et j’explose en mille morceaux. Il me suit presque aussitôt et des giclées de sperme viennentrecouvrirmonventre.Jedevraisêtredégoûtée,maiscen’estpaslecas.Puis,ileffectueungesteauqueljenem’attendsabsolumentpas.Ilmeserreetbougeencore,étalantleliquidevisqueuxsurmapeau.Cettefois,jetique.C’estbon,paslapeinedemebadigeonneravec,nonplus!—Jet’aimarquée,maintenant,chuchote-t-ilàmonoreille.Tuesàmoi.Jerisdoucement,sansconfirmer.Dansmonesprit,jen’appartiensàpersonne,maissiçaluiplaîtdelecroire,jen’yvoisaucuninconvénient.Nousrestonslongtempsainsi,nus,étendusl’uncontrel’autre,profitantpleinementdelasérénitéquenousressentonsaprèscetorgasmesiintense.Parce qu’il nous faut bien revenir à la réalité, nous finissons par nous lever et par prendre unedouche.Lacabineétanttropétroitepourdeux,jepasselapremière,pendantqu’ilsebrosselesdentsettaillesabarbedetroisjours.Unquartd’heureplustard,jesuisànouveaudevantmescours,mêmesij’ailepressentimentqueplusriennepeutentrerdansmoncerveaucomplètementramolloraplapla.Nahelmerejointets’installe

près demoi. Il est juste parfait dans son jean élimé, ses bottines et son tee-shirt noir à col en V.Fascinéeparcespectacleenchanteur,j’enoubliepresquecequejesuiscenséefaire.Toutenjouantavecmatresse,ilm’interrogetranquillement.—Alors,tutesensmieux?J’yvaispourfairemonjobetjereviens,d’accord?—Trèsbien.Quepourrais-jerépondred’autre?Jusqu’ànouvelordre,ilestmajeuretvacciné,etparconséquentlibredesesfaitsetgestes.—J’ail’impressionquetuestriste,qu’est-cequit’arrive?C’estparcequejenepassepaslasoiréeavectoi?Je secouenégativement la tête.Et n’allez pas croire que jemens, je le pense vraiment.C’est autrechosequimetracasse,etce,depuisquenousavonsparlédanslavoiture.—Alors,qu’est-cequitepréoccupe?Mad,tusaisquetupeuxtoutmedire,n’est-cepas?—Ehbien,j’ignorecommet’expliquerclairementcequim’arrive,danslamesureoùjeneparvienspasàmecomprendremoi-même.—Balance-moitoutcequitepasseparlatête,jeferailetri.—Voilà,commencé-je,hésitante.Enfait,quandonadiscutécetaprès-midi,danslavoiture,j’aiprisconscienced’untrucquimemetmalàl’aise.—Quoi?Parle-moi…—J’airéaliséquelamusiqueesttagrandepassionet,mêmesitufaisdesétudes,j’ailesentimentquetut’éclatesvraiment,ycomprisdanstoncursusuniversitaire.—Oui,etalors?—Tum’asexpliquéquetusaiscequetuveuxfairedanslaviedepuisquetuastreizeans.—Et?—Etc’estloind’êtremoncas,j’admetsenbaissantlatête,dépitée.Là,oùtoutsemblefacilepourtoi,moijeramecommeunefolle.J’yarrive,maismesnotessesituententredixettreize,cequiestplutôtmoyen.Ettun’imaginespasletravailqueçamedemandepourunniveaupassable.—Mais,chérie,moiaussij’aidûbosseretçan’apasétésimpleaudébut.Tuaschangédeviedujouraulendemain,ilestnormalquetuaiesbesoind’unepérioded’adaptation.— C’est gentil de vouloir me rassurer, mais ce n’est pas le vrai problème. Ce que j’essaie det’expliquer, c’est que la littérature n’est pas une passion. Je l’ai cru pendant longtemps, parce quej’adorelire.Saufquedécortiquerdesromanspourytrouverunsenscaché,traduiredestexteslatins,jesuisdésolée,maisjen’aimepasça.Et,pourcouronnerletout,je…—Quoi?murmure-t-il,enmerelevantdemachaisepourm’entraînerverslefauteuilenrotinrondoùnousnousinstallonstouslesdeux.Mercredisoir,enrentrantdelafac,j’aivuqu’ill’avaitramenédesonappartement.Enfin,jecrois…Confortablement nichée au creux de ses bras, mes cuisses posées sur les siennes, je poursuismaréflexionquantàmonavenir.—Jen’arrivepasàmeprojeter.Jeveuxdirequejen’aiaucuneenviededevenirprofouinstit,pasplusquejournalisteouéditrice.Ducoup,jemedemandesérieusementàquoitousceseffortspeuventbienservir.—Tuenasparléàtesparents?s’enquiert-il,encaressantdistraitementmajambe.—Tuesfou!Sijefaisça,jemeretrouveraiguichetièreàlabanquedemamère,avantlafindelasemaineprochaine!—As-tuaumoinsuneidéedecequetuasenviedefaire?Decequetuaimesvraiment?—C’estçamonproblème,etjel’aicomprisendiscutantavectoidetesprojetsd’avenir.Moi,jen’en

aiaucun.Jenesaispascequejeveuxetencoremoinscequejeneveuxpas.Etçam’inquiète.Je suis soulagée de m’être confiée à lui. Je suis sûre qu’il n’est pas dans le jugement, qu’il nepaniquerapascommeleferaientmesparents.Ducoup,jemesensréellementpluslégère.—Mad, tu n’as que dix-huit ans. Il me semble que tu as bien le temps de te décider. Laisse-toiquelquesmois,réfléchis-ysanstemettrelapression.Parcontre,jeveuxquetutravaillestescours.Ilfautquetuvalidestessemestrespourpoursuivrel’annéeprochaine.Nous restons longuement ainsi, pensifs. J’en suis presque arrivée à la conclusion que les étudesuniversitaires,cen’estpeut-êtrepaspourmoi,lorsqu’ilselèvepoursedirigerverslacuisine.—Jeprépareledîner.Çanetedérangepassionmangetôt?Mêmesijenemixequeversvingt-et-uneheures,jeneconnaispaslaconfigurationdecetendroit.J’aimeraism’yrendreavant,histoirederepérerleslieux.Oh,ilvafalloirquejerécupèremonordinateurégalement.—Pasdeproblème,j’aifini.Une vingtaine de minutes plus tard, nous nous attablons devant une assiette de croque-monsieur,accompagnésd’unesaladeverte.Lavinaigretteesttoutsimplementdivineetjesongeaufaitqu’ilestbien plus débrouillard quemoi. Jeme contente de confectionner desmenus basiques, comme despâtes, ou de réchauffer des plats surgelés. Tandis queNahel fait vraiment la cuisine. De lamêmemanière,samaniedurangementesttelle,quemonappartementn’ajamaisétéaussipropre.Rendez-vouscomptequelelingeutiliséàParisestdéjàdanslamachineàlaver!Versdix-neufheures,ilfinitparpartir,toutenm’assurantqu’ilnerentrerapastroptardetquetoutirabien.Jepassedoncunesoiréesolitaire,àtentertantbienquemalderéviser,maislecœurn’yestpas.Avoirmisdesmotssurmonmalaisem’afaitdubien,maism’aégalementfaitprendreconsciencedufaitquemavieestunvéritablebazar.J’ignorequelseramonaveniret,sijesuishonnêteenversmoi-même,jesaispertinemmentqueceneserapasenlienaveclalittérature.Deplus,autantl’accepter,jenesuispasfaitepouruncursuslong,telqu’unmasterquinécessiteraitcinqannéesd’effortsintensifs,dans un domaine qui ne me plaît même pas réellement. C’est vrai, aimer lire ne signifie pasobligatoirementvouloirenfairesonmétier.Quen’ai-jeprisletempsdeconsulterplussérieusementuneconseillèred’orientation,quandj’étaisenterminale!Maintenant,mevoilàbienavancée!Enfait,levéritableproblème,c’estquejen’aipasderéellepassion,entoutcaspascommeNahel.Jene suis pas particulièrement sportive, ni manuelle, ni intellectuelle. Les matières scientifiques mefatiguent et les langues m’ennuient. Je suis dans une belle mouise, tiens ! À ce rythme, je finiraicaissièredansunsupermarchéetçamefaitdelapeinepourmesparentsquitrimentetsepriventdebeaucoupdechoses,justepourmepermettred’accéderàdesétudessupérieures.Maisiln’estsansdoutepastroptard,etjepourraiséventuellementmerendreaucentred’orientationdelafac,histoired’yvoirplusclair.Oui,ilfautquejefassecettedémarche.J’aientenduparlerdetestsque l’onpouvaiteffectuer.Et jevaism’enoccuper,dèsdemainmatin.Tantpis si je sèchemapremièreheuredecours,monavenirestenjeuetc’estautrementplusimportant.Jerefusederesterdanscetétat,àmerendremalade.Mêmemaviepersonnelleestchamboulée.Nahelapris,enquelquessemaines,une telleplacedansmonexistence !Mais sommes-nous réellementencouple? Jen’enaiaucune idée.Étantdonnésesantécédents,touslesdoutessontpermis.Notrecompatibilitémepréoccupeégalementbeaucoup.Eneffet, nos univers sont tellement éloignés l’un de l’autre que mon inquiétude sur la question estfondée,vousenconviendrez.Etjeneparlemêmepasdenoscaractères!Bref,c’estlebazarpartoutetçam’angoisseplusquederaison.Ilmesemblequ’ilestgrandtempsderemettreunpeud’ordredansmavie.

29

NahelEn arrivant à la cafétéria, l’inquiétude se dispute avec l’agacement. Une seule question : où estMadie?Oh,jesaistrèsbienquec’estdemafaute,maisquandmême!Hier,danscettediscothèque, j’aipasséunesoiréedeouf,commejelesaime!VinceetFredm’ontrejointversminuitet,bienévidemment,nousnoussommesdéchirélatroncheàcoupdecigarettesdel’espace,devodkaetdejoliespilulesbleues.Ah,quelpied!J’avaisl’impressiondeneplusm’êtreainsiéclatédepuisdeslustres,alorsquecelanefaisaitquedeuxpetitessemaines.Lesouci,c’estquequandMadieestlà,j’évite.Hier,àdeuxreprises,jemesuisrendusurlebalconpourm’envoyer un pétard. J’ai pris grand soin de refermer la baie vitrée derrièremoi pour quel’odeursiparticulièreducannabis,genreherbesdeProvence,n’entrepasdanslestudio.Delamêmemanière,j’aitoujoursfuméuneclopeaprès,afinqu’ellen’aitpasdesoupçons.Bref, nous avons quitté la discothèque à deux heures, cematin.Mes potes avaient invité plusieursfilles à nous rejoindre. Dans l’état où j’étais, il n’était pas question pour moi de retourner àl’appartementdeMadie,jesuisdoncrestéchezVince.Toutefois,etpourlapremièrefois,jen’aitouchéaucunenana,n’airoulédegalocheàpersonne.J’aimêmerefuséàdeuxreprisesdemefairesucer,cequinem’étaitjamaisarrivé.Autantdirequejesuisplutôtfierdemoi.Leréveila,bienévidemment,étéhorrible.Maisj’aitenubonet,àhuitheurestrente,j’étaisdevantlasalleoùavaitlieulepremiercoursdeMadie.Fredsetenaitprèsdemoi,l’aird’uneloque,entraindedormirdebout.Oh,jemedoutaisqu’ellerâlerait,parcequej’avaisdécouché.Maiscedontj’avaisbesoin,c’étaitdelaprendredansmesbras,de l’embrasseretde laserrercontremoi.C’estvrai,voir tout lemondebaiser,mespotessontassezexhibitionnistesdansleurgenre,aéveillémondésirpourelle.Maisjustepourelle.Seulement,j’aiattendujusqu’àneufheuresetellen’étaitpaslà.J’aiaussitôtpenséqu’elleétaitmaladeetjemesuisrenduàsonstudio.Personne.J’aitentédel’appeler,maissonportableétaitcoupé.Si c’est une petite vengeance personnelle pour me faire comprendre qu’elle n’est pas contente,franchement, c’estminable !Toutefois, je peuxdifficilement croire à ce scénario.Madie n’est pascommeça.Ellen’ariend’unepeaudevacherevancharde.C’estmêmetoutl’inverse.Unepartdemoinepeut s’empêcherd’angoisserpourelle.Et s’il luiétaitarrivéquelquechosedefâcheux?Elleestsifrêle,sichétive.Putain,sijecontinueàmeprendrelatêtedelasorte,jefiniraiparmechoperunemigrainecarabinée.J’aibienassezmalaucasquepournepasm’enrajouter.Maisc’estplusfortquemoi.Jeconsultemamontre,pourlacentièmefois.—Eh,mec,calme-toi.Ilestàpeinemidietquart,ellevaarriver!lanceVal,enriant.—Tagueule,asséné-jeavecagacement.—C’estbon,paslapeinedet’enprendreàmoi,parcequ’ilyadel’eaudanslegazavectanana,mon

pote!Apprendrequet’étaisencouple,c’étaitdéjàunerévolution.Maisavecunefillecommeelle!C’étaitsûrquetuenbaverais.Jepivoteverslui,etlanceunregardmauvaisdanssadirection.Unsilencepesantrègne,àprésent,ànotretable.Lesautresontbaissélatête,redoutantlatempête,tandisqueValseratatinesursonsiège.—Qu’est-ce que tu entends exactement par comme elle ?Va au bout de ton idée, grogné-je, avechargne.—Ben,unegamine,quoi!C’estvrai,ça,aidez-moi,merde,vousêtesd’accordavecmoi,non?Elleestplutôtdustylecoincée!Pasdutoutsongenre.Jemetourneversmesamis.Pourunefois,noussommesaucomplet.—C’estcequevouspensez?demandé-je,lesfusillanttousd’uneœilladeassassine.Etc’estquoimongenre?Unesalope?Unepute?C’estça?Bandedefaux-culs!—Nahel,elleestlà,m’interromptFred,enmedonnantuncoupdecoude.Lorsquejepivoteverslaporte,jeconstatequ’ellevienteffectivementd’apparaître.Unlargesourireaux lèvres, le regard pétillant de malice, elle nous fait un petit signe et prend place dans la filed’attente.Entoutcas,ellen’apasdutoutlatêted’unenanaquifaitlagueule.Hypnotisé,jenepeuxm’empêcherdeladévorerdesyeux.Seslongscheveuxsontrassemblésdansunenattequisebalancedanssondos.Elleporteunjeanquimoulesonadorablederrièreetuncabanbleu marine. Putain, c’est pas vrai, je bande de nouveau ! Oh,Madie, que m’as-tu fait, ma petitegreluche?Aumomentoùellearriveànotre table, jeplisse lespaupières.Àmonair furibard,sonsouriresefigeetellepâlitlégèrement.EnentendantcecrétindeVals’exclameravecemphase,jevoisrouge.—Ah,voilàlaplusbelle,lafemmedemavie!Madie rosit joliment et s’installe, sansmotdire. J’en revienspas, je suis jalouxcommeunpoudemon pote. Personne n’a le droit de lui parler, de la regarder, et encore moins de lui faire unquelconquecompliment.Elleachoisides’asseoirenface,alorsqu’uneplace luiétait réservée toutprèsdemoi.Là, jesuisvraimentencolère.Onnepeutpasdirequec’estdûaumanque,puisquenousavonsfuméjusteavantde venir. Donc, pourquoi est-ce que je me mets dans tous mes états ? C’est vraiment du grandn’importequoi!—Alors,machérie,reprendmonfuturex-ami.Tum’épousesquand?Oh,c’estpasvrai!Ilaosé!L’enfoiré!Jevaisluifairesafête,etpasplustardquetoutdesuite!Maisunechoseaprèsl’autre.Sansdemandersonavisàmapetiteamie,jesaisissonplateauetleplaceàcôtédemoi.Ellefroncelessourcils,maisneprotestepasetvients’asseoirprèsdemoi.Puis,jemetourneverscecrétindeVal.—C’étaitpourdéconner,Nahel,pasbesoindemelancerleregarddelamort!—Vachercherunepelleetcommenceàcreuser,murmuré-je,avecunrictussadique.—Pourquoi?Queveux-tuquejefassed’untrou?—Tatombe,clochard!Parleencoreunefoisàmananacommetuviensdelefaireetc’estlàqu’onteretrouvera.Ilséclatenttousderire,sauflui.Ilal’aird’avoirunpeulapétocheetilaraison.Ilyadessujetssurlesquelsilvautmieuxnepasmechercher.Enfin,jemetourneversmonangeblond.Elleestentraindemangertranquillement,sansperdreunemiettedelascène.Ehbien,aumoinssonappétitn’estpascoupé,contrairementaumien!Pourtant,jevoisbienqu’elleaajoutéundessertetuneentréepourmoi.Jesaisisunefourchetteetcommenceàpiocherdirectementdesfritesdanssonassiette.

—T’étaisoù?jedemande,pasencorecomplètementcalmé.Elleprendletempsdeposertranquillementsescouverts,avantdepivoterversmoi.—Ettoi?Unlourdsilenceaccueillecetteréplique.—Pardon?Jet’aiattendupendantplusd’unedemi-heure,devanttasalle,ettun’espasalléeencours.Alors,jerépètemaquestion,t’étaisoù?—Etmoi,jet’aiattendulamoitiédelanuitettun’espasrentré.Alors,jerépètemaquestion,t’étaisoù?Brutalement, je tapedupoingsur la table.Ellea finidesepayerma tête?Autourdenous, tout lemondeacesséderespirer,saufelle.Madien’estpasimpressionnéeparmesaccèsd’humeur,oubienellerefusedelemontrer.Pourtouteréponse,elleselève,saisitsesaffairesets’éloignesansmêmedébarrassersonplateau.Elle n’a pas eu le temps d’atteindre la première marche de l’escalier que je l’ai déjà rattrapée.L’empoignantparlebras,jelabloquedansunrecoinducouloir.—Oùtuvascommeça?—Écoute,Nahel,j’enaimarredemefaireengueulerunefoissurdeuxlorsquejetevois,etpourpasunrondenplus!Alors,quandtuserasdemeilleurehumeur,fais-moisigne,onsetéléphoneraetonse fera une bouffe ! En attendant, j’ai faim et je veux manger tranquille. Par conséquent, je vaisdéjeunerailleurs.Laisse-moipasser.—Madie,dis-moioùtuétaiscematin,insisté-je,sanstenircomptedesademande.—Dis-moioùtuétaiscettenuit!explose-t-elleenfin,àboutdenerfs.J’ai l’impression qu’elle est sur le point de pleurer. Et ce n’est pas ce que je veux, je n’ai jamaissouhaitéça.Jedétestequandelleestdanscetétat.—J’aidormichezVince.LuietFredsontpassésenboîteetnousavonstropbu.Alors,j’aipréféréjouerlaprudence.J’aisquattésoncanapé.Seul,jetiensàlepréciser.L’intensesoulagementquejelisdanssonregardmerendheureuxcommejamais.Mêmesijen’aipastoutdit,ellen’apasmismaparoleendoute,cedontjeluisuisinfinimentreconnaissant.— Je suis allée au centre d’orientationde la fac qui s’est révélé tout à fait incompétent,maism’arenvoyée vers une autre antenne. J’aurais dû prendre rendez-vous, si bien que j’ai dû patienter unlongmoment.Maisj’aipufairecesfameuxtests.C’estpourçaquej’aiprisautantdetempsetquejen’étaispasàmoncoursdecematin.Soudain, je sens un poids énorme quitter ma poitrine. C’est incroyable que je sois à ce pointdépendantd’elle!Sansattendre,jelaserrecontremoi.Ellesentsibonquejepourraislamanger.—Allez,viens,murmuré-jedanssescheveux,tun’aspasterminétonrepas.Sansprotester,Madiemesuitjusqu’ànotretable.Jevoisbienquedenombreuxregardssontbraquéssurnouset,plusprécisément,surnosdoigtsentrelacés.Àvraidire,jepeuxcomprendrecegenrederéaction. D’abord, elle ne ressemble en rien aux nanas que je fréquentais jusqu’à présent. Et, s’ilm’arrivedeleverunefilleici,jeneluidonnejamaislamain.Clairement,jepeuxlamettresurmesgenoux,jepeuxluiroulerunepelle,maisluicourirderrièrecommejeviensdelefaire,c’estinédit.J’ensuis,dureste,lepremierétonné.J’aiassuréàMadiequejenechangeraispas,qu’elleneferaitpasdemiracle.Pourautant,jenepeuxnierqu’ilyad’indéniablesmodificationsdansmoncomportement.Etpasforcémentdanslemeilleursens du terme. Je découvre les affres de la jalousie, les incertitudes qu’engendre la dépendance àl’autre.Celanemeconvientpasdutout,maisquepuis-jeyfaire?J’aibesoind’elleetjemeplaisàpenserqu’elleaégalementbesoindemoi.

Enbonmâledominant,jel’embrassesurlabouchedèsquenoussommesassis.Enclair,jemarquemonterritoireetjemontreàcecrétindeValquetoutvapourlemieuxentrenous.Mêmesijeneluiveux aucunmal, je ne suis pas aussi proche de lui que deVince ou de Fred. Son côté frimeur etprétentieux me gave sans commune mesure. Toutefois, je reconnais qu’il est loyal et je lui faisconfiance,cequin’estpasuneminceaffairepourquimeconnaît.—Eh, tous lesdeux, ilyadeschambresd’hôtelpourça!s’exclameSophie,enprenantunemouedégoûtée.—Quandvousaurezdespetits,vousm’enmettrezundecôté?enchéritFredavecemphase.SeulValn’intervientpas.Celam’intrigueet je l’observeattentivement, tandisqueMadieenprofitepourmangersonentréeetsondessert.Pourleplatderésistance,c’estmort.Uneâmecharitables’enest chargée pendant que nous étions dans le couloir. Décidément, mes potes sont absolumentinsortables!PourenreveniràVal,ilévitedecroisermonregard,maisquandinvolontairementillefait,j’ylisuncertaindésarroi,doublédecequejequalifieraisd’amertume.Mêmes’ilfaitcommesiderienn’était,jeremarquequ’ilnepeuts’empêcherdedévorerMadiedesyeux.C’estalorsquejecomprends.Ilenpincepourelle.Aveclerecul,jeréalisequ’ils’esttoujoursarrangépourêtreassisprèsdemonangeblond,quandilenavait l’occasion, semontrantparticulièrementgentil avecelle.Sur lecoup, jen’yavaispas faitattention, mais maintenant que j’y pense, je crois qu’il attendait tout simplement son heure, sansimaginerquejepourraism’intéresseràelle,etencoremoinsqueleschosesallaientdevenirsérieusesentrenous.D’ailleurs,pourquelle raison l’aurait-il supposé? Jen’ai jamais eude relation suivie,seulementdescoupsd’unsoir.Cette constatationme rend nerveux. De nous deux, c’estmoi le tombeur.Madie n’est àmes yeuxqu’une jolie petite souris.Oui, elle est splendide,mais pas le genre de beauté qu’on remarque aupremier coup d’œil. C’est sans doute lié au fait qu’elle privilégie son confort, du point de vuevestimentaire. En fait, elle ne cherche pas vraiment à semettre en valeur. Si elle le faisait, il mesemblequ’ellepourraitavoirtouslesmecsàsespieds.Merendrecompteque,malgrésadiscrétion,ellearéussiàfairecraquerceplay-boydeVal,mefaitsongerqu’iln’estpeut-êtrepas leseul.Merde, ilnemanquaitplusqueça! Ilvafalloirque jesoisvigilant. Mon ange blond est candide et pourrait facilement être influencée. En clair, dans notrerelation,jenesuispasenpositiondominante,ainsiquejel’avaissupposé.Jedoisdoncarrêterd’agircommesic’étaitdutoutcuitetpasserenphasedeséduction.Parcequ’autourdemoi,lesloupsrôdent.

30

MadieLorsque je quittemon cours de latin, épuisée, j’ai l’impression quemes neurones sont passés aucourt-bouillon, tellementmonprofm’a soulée.Et je neparle pas du contrôle qui s’est déroulé endébutd’après-midi.Jecroisavoirassuréleminimumsyndical,maisilmesemblequec’estauprixd’effortssurhumains.Je dois reconnaître que le fait d’être en train de m’interroger sur mon avenir n’arrange rien àl’affaire. Lamotivation du début d’année a l’air de s’être envolée aussi sûrement qu’une cigogneprendlatangente,dèslafindesbeauxjours.Etvousavouerezquec’estvraimentproblématique.Quandjesuisressortieducentred’orientation,cemidi,j’avaislesentimentd’êtrepluslégère.Or,cestestsnem’ontpasvraimentéclairée.Si cen’estqu’ilsm’ontconfortéedans l’idéequ’unecarrièreliéeàlalittératuren’estpaspourmoi.Àl’issued’unquestionnairequej’airempliinformatiquement,plusieurspropositionsm’ontétéfaites:infirmière,assistantesociale,libraireetplusieursautresqueje n’ai pas retenues. Toutes ces possibilités n’étaient pas inintéressantes, mais enfin, cela n’a pasdéclenchédevocationenmoi,c’estclair!Ilvafalloirquejecreuseunpeuplussérieusementetsanstropperdredetemps.D’aprèscequej’aicrucomprendre,unconcoursd’infirmièreestorganiséauniveaudépartementaldèsleprintemps.Sije me décidais pour cette voie, je pourrais intégrer, en cas de réussite, l’école dès le mois deseptembre.Ceseraitunmoindremal.Toutefois,sijenedétestepascetteidée,suis-jeprêteàtravaillertoutlerestedemaviedansunhôpital?Rienn’estmoinssûr.Àvoir…Danslecouloir,Nahelm’attendàlaplacehabituelle.Ilestadosséaumurd’enface,inconscientdelafascinationquesaseuleprésencesusciteauprèsdesfillesquipassentparlà.Dèsqu’ilm’aperçoit,unsourirecharmeuréclairesonvisage.Jeleluirends,incapabled’éprouverlamoindrerancuneenverslui.Etpourtant,jepeuxvouscertifierquejel’avaismauvaiseetcen’estriendeledire!En découvrant, ce matin, qu’il n’était pas rentré de la nuit, des images fort déplaisantes me sontaussitôtvenuesàl’esprit.Sousladouche,jen’aipaspuretenirmeslarmes.Ànepasmesentirprêteàcoucheraveclui,jefiniraiparlefairefuir.Lassédepatienter,iliravoirailleurssil’herbeestplusverte.Etmoi,jen’auraiplusquemesyeuxpourpleurer.Duranttoutletempsoùjesuisrestéeassise,solitaire,devantmoncafé,j’aiessayédemereprendre.Nahelestunélectronlibre,unhommepassionné,éprisd’indépendance.Jen’aipasledroitdetenterdel’attacheràmoi.Agirainsiseraitunegrossièreerreurdemapart.Toutcequej’ygagnerais,ceserait de le frustrer, pour finir par le perdre définitivement. Mais, même si ces réflexions sontemplies de sagesse, il m’est très difficile dem’y tenir. Et je n’ai pas pum’empêcher de ruminerdurantlamatinée,medemandantsanscesseoùilavaitpassélanuitetsurtoutavecqui.Enarrivantàlacafétéria,j’aijouéàlafilleinsoucianteetdebonnehumeur,alorsqu’aufonddemoi,j’étaisravagéeparledouteetlapeur.Etenvoyantsonregard,d’uneextrêmefroideur,seposersur

moi,j’aidûchangerdecouleur,tellementjemesuissentieconfortéedansmesappréhensions.C’étaitjuste horrible dem’approcher, en songeant qu’il allaitme larguer comme unemerde, parce qu’ilavaittrouvécequ’ilcherchaitavecuneautre.Or,àmagrandesurprise,cen’étaitabsolumentpasdecelaqu’ils’agissait.Enréalité,ilétaitjaloux.C’estconàdire,maisc’estexactementça.Surlecoup,j’aiétésupercontente,fièreetmêmeflattée.Toutefois,j’aivitedéchanté,quandilacommencéàm’engueulercommeunegamine.Sessautesd’humeursontdeplusenplusfréquentesetmedéstabilisentprodigieusement.Jedevraism’yfaire,maiscen’esttoujourspaslecas.Celameparaîtd’autantpluscompliqué,qu’ilestcapablederedevenird’uneprévenanceextrême,laminuted’après.Pourenreveniràcemidi,lorsquej’aicomprisqueleschosesétaiententraindevirerensucette,j’aidécidédem’enaller.Celamesemblait,surlecoup,cequ’ilyavaitdemieuxàfaire.Quellen’adoncpas été ma stupeur, en découvrant qu’il m’avait suivie pour me coincer dans le couloir, et medemandercequej’avaisfaitdemamatinée.Quandjeluiaiexpliquécequej’avaisentreprisetqu’ilm’aindiquécequis’étaitpassé,jedoisreconnaîtrequenousavonsététousdeuxsoulagés.Aveclui,de toute façon, rienne sedéroule jamais comme je l’imagine.C’est à la fois très rafraîchissant etextraordinairementperturbant.Jelisaisdanssesyeuxqu’ilétaitsincèreetjen’aipasdoutédesaparoleunseulinstant.Ilavaitditlavérité, en avouant avoir trop bu et avoir préféré rester chez ses amis. Et puis, franchement, si jecommenceàremettreenquestionchacundesespropos,àcerythme,jeseraiparanodansmoinsd’unmois.Non,jeneveuxpasdecegenrederelationentrenous.Alors,quandils’approchedemoietm’enlace,jenepeuxqueluirendresonétreinte.Mêmesitouteslesfillesbaventdevantlui,ilestavecmoi.Jesuiscellequ’ilattendàlasortiedescours,cellepourquiils’inquièteetcellequidortàsescôtéstouteslesnuits,depuisdeuxsemaines.Tranquillement, nous nous dirigeons vers mon appartement. C’est devenu notre refuge, notre niddouillet.D’uncommunaccord,nousdécidonsdecommanderunepizza,histoiredegagnerdutemps.Nahel semble lessivé, tandis que j’ai encore unemasse de travail importante, ce soir. C’est quandmêmeincroyable!Soitjesuisparticulièrementinefficace,soitquelquechosenecollepas.Eneffet,ilesttoutàfaitanormalqu’aprèsdeuxpetitsjourssansbosser,jesoisobligéedemecoltinerautantdeboulotenretard.Cecidit,àbienyréfléchir,lespériodesdurantlesquellesj’aiétémaladenesontpasanodines.Jeveuxdireque,régulièrement,cinqjourschaquemois,jeratedescours.Résultat,ilfauttoutrattraper,sansparlerdutravailpersonneldonné.Jepensequelenœudduproblèmerésideprincipalementàceniveau.Maisilestenpassed’êtrerésolu,donctoutvabien.Lorsque nous nous trouvons devant la porte,Nahel prend son double des clés –celui que je lui airemisaprèsqu’ilm’aitsoignée–,etposesesmainssurmesyeux.—J’aiunesurprisepourtoi,jouelejeu,s’ilteplaît.En riant, je ferme les paupières et m’avance doucement, sans savoir ce qui m’attend. La lumières’allumeenfin,aumomentoùnoussommesdanslapièceprincipale.Ilretirealorssesdoigtsdemonvisage.Lafraîcheurdesbaguesenargent,qu’ilporteaumajeuretàl’annulaire,disparaîtsubitement.Sur lecoup, jenevoispas toutde suite leschangements.Lesmeubles sontenplace, rienn’a l’aird’avoirbougé.Mais,enyregardantdeplusprès,j’aperçoisqu’ungrandordinateuràécranplatestposésurmonbureau,qu’unautrepluspetitsetrouveàcôté.Puis,danslefonddelapièce,justeenfacedulit,uneimposantetélévisionestsuspendueaumur.Maisqu’est-cequec’estquecebin’s?Oùa-t-ilcherchétoutça?Etsurtout,pourquoi?Siçacontinue,jevaisfinirparneplusmesentirchezmoi.C’estvrai,ça,celafaitàpeinedeuxsemainesqu’ildorticietiladéjàprisuneplacepoursesfringues dans l’armoire, rapporté un fauteuil sous prétexte qu’il n’y avait aucun siège assez

confortablepourleroyalpostérieurdemonsieur,etvoilàqu’iltransformemonstudioenboutiquedehifividéo!Jeveuxbienqu’ilprennesesaises,maisilyadeslimitesquandmême!—Nahel!m’exclamé-je,enmetournantverslui.C’estquoitoutça?— De quoi égayer notre quotidien ! Ce n’est pas pour critiquer, mais franchement, c’est un peuarchaïquecheztoi.Jecomprendsquetesparentsn’ontpasnécessairementlesmoyensdet’offrircequisefaitdemieux.Maismoi,jelepeux.Alors,voicitesnouveauxmeilleursamis,annonce-t-il,toutenm’entraînantversmonbureau.Ilallumelesordinateurs,riantdemonairahuri.— Ilme sembleque les choses seront bienplus facilespour toi qu’avec tonnetbook.Ça, c’est uniPhone, indique-t-il en sortant un téléphone portable du tiroir. Les trois sont totalement connectés.Ainsi,quandtunoterasunrenseignementsurl’un,lesautresl’intègrerontégalement.Puis,sansmedemandermonavis, ilm’obligeàm’asseoiretm’expliquecommentmeservirdecequ’il qualifie de formidables outils informatiques. J’emmagasine toutes ces informations avec dumal, complètement larguée. Bien sûr, tout cela part d’une bonne intention, mais il n’en reste pasmoinsquejesuisterriblementmalàl’aise.Bonsang,pourquoia-t-ilachetétoutça?Sijedevaisluirembourser ces appareils, ce serait impossible.Mais le laisserme faire de tels présents l’est toutautant!—Nahel,jen’aipaslesmoyensdepayertoutça.Essaiedetemettreàmaplace!—Quiteparled’argent?Jet’enfaiscadeau.Il semble presque peiné, ne comprenant pas ce qui motive mon refus. Ce n’est pourtant pascompliqué!—Jenepeuxpasaccepter,jesuisdésolée.—Alors, considère qu’ils sont à moi et que je t’en laisse l’usage.Mais je t’assure,Madie, c’estsimplementpourtefaireplaisir.Nedispasnon,s’ilteplaît.—Maisenfin,oùas-tutrouvél’argentpouracheterça?Terends-tucompteàquelpointc’estgênantpourmoi?—Écoute,çafaitdeuxsemainesquejesquattecheztoi,deuxsemainesquetum’hébergesetquetume nourris. Je nous considère comme un couple. Du coup, permets-moi d’ajouter ma touchepersonnelle,afinquenouspuissionsvivredanslesmeilleuresconditions.—Et tucroisqu’une télévarévolutionnermavie?J’aisansdouteoubliédepréciserque jene laregardaisjamais.Donc,jesuisnavréedetedirequejen’aiabsolumentpasbesoindeça.—Ouais,maisl’écranplat,c’estpourmoi.J’adorelesretransmissionsdesmatchsdebasket!J’ai beau essayer de protester encore, je comprends très vite que ça ne changera rien à l’affaire.D’ailleurs,danslefond,qu’ya-t-ildemalàtravaillerdanslesmeilleuresconditions?Tandisquenoussommessurlepointdepasseràtable,monnouveautéléphonevibre.C’estJoseph.FaisantunsigneàNahel,jedécroche,toutenm’éloignantsurlebalcon.—Allô!—Salut, frangine.Commentvas-tu?Jemesuis inquiétépour toi, tusais.J’aimêmefaillivenir tevoir.—Ahbon?Lapaniquemesaisitàcesmots.Heureusementqu’iln’enarienfait,parcequej’auraisétédansdebeaux draps, s’il avaitmis son projet à exécution.C’est ça, quand on s’amuse àmentir. Je détesteavoirrecoursàcegenredeprocédéhabituellement,maispourl’instant,jeneveuxpasqu’ilvienneici. Ce serait trop lourd de conséquences. Bref, le genre d’expérience que je n’ai absolument pasenviederéitérer,mêmesijesensquejenevaissansdoutepasavoirlechoix.Ilestévidentquejene

parleraipasdeNahelàmafamille,etencoremoinsàmonfrère.J’aibiencomprisquel’ambianceétait pesante, quand ils se sont rencontrés, et je n’ai surtoutpas l’intentiondemecoltinerun autresermondedeuxheures.—Çavabien,murmuré-je,précipitamment.Tusaiscequec’est, Jo,çadurequatreoucinq jours,maisensuitetoutredevientnormal.—Jecompatis,Madie.Onsevoitsamedisoir,commed’habitude?—Euh,d’accord.Jeterejoinsàlacathédrale,alors?—Oui,maisjeseraiauprèsdeMonseigneurpouranimerlamesse.—Pourdevrai?Waouh,c’estformidable!Jen’ignorepasàquelpointcegenredemarquedeconfiancecomptepourmonfrère.Ilestimmergédanssa foidemanièresi totale,que j’ensuis réellementadmirative.Un teldondesoinepeutquesusciterl’enthousiasmedesonentourage.—Jetrouveaussi.Monseigneurm’afaitl’honneurdemedésignerparmitouslesséminaristes.—Est-cequepapaetmamanserontlà?—Non,malheureusement.LepèreMartinestmaladeetildevraleremplacer.Maiscroisbienqu’ilsleregrettent.—Entoutcas,moi,jeviendrai.—Veux-tuquejepasseteprendre?Ahnon,mince,c’estimpossible!Ilverraittoutdesuitequeplusrienn’estcommeavant.Etpuis,danstouslescoinsdel’appartement,ilyadesfringuesdemonDJquitraînent,etjeneparlemêmepasdesabrosseàdentsetdesesautresaffairesdetoilettequitrônentenbonneplacedanslasalledebain.— Non, non, ne t’inquiète pas. Je te rejoindrai directement, c’est plus simple ! m’exclamé-je,hâtivement.J’espère juste qu’il ne s’est rendu compte de rien, parce que dans son genremon frère est plutôtperspicace.Comme,parailleurs,jesuisassezmauvaiseactrice,ilpeuttrèsfacilementdevinerquejeluicacheuntruc.Tuparlesd’untruc!—Trèsbien,jen’insistepas.Maissituchangesd’avis,n’hésitepasàmerappeler.Ouf!Ilnes’apprêtepasàm’assommeravectoutessesquestions.Quelsoulagement!—Pasdeproblème.Àsamedi,alors.Jeterejoindraiversdix-huitheures.—Trèsbien.Bonnesemaine,sœurette,etbossebien.Ah,aufait,turevoisencorecegars?Nahel?Cettefois,c’estsûr,jesuisdanslamouise.D’autantqueceluidontonestentraindeparlerestdebout,surlepasdelaporte-fenêtre,etneperdpasunemiettedelaconversation.Quellegalère!Non,maisjevousjure!—Cen’estpasarrivécestemps-ci,jemens,toutenrougissantdehonte.Pourquoi?—Commentça,pourquoi?Jem’inquiète,c’esttout!Cen’estpasunmecpourtoi.Commesijen’étaispasaucourant!Maiscequej’éprouvepourmonamoureuxestréellementplusfortquetouteautreconsidération.—Joseph,onnevapasrecommencercetteconversation!Tum’asdéjàditcequetuenpensais, ladernièrefoisdanslavoiture.Etjet’aiécouté.Alors,arrête!—Madie, si tu savais leshorreursque j’ai entendues sur lui !Tunepeuxpas fréquenter cegenred’hommenideprèsnimêmedeloin,c’estbienclair?—Jo,tun’asaucunordreàmedonner,c’estbienclair?répliqué-je,enutilisantvolontairementlesmêmestermesquelui.Alors,arrêtedemeparlerdeça.Jet’aiditquejenel’avaispasrevu.Qu’est-cequ’iltefautdeplus?—C’est bon, c’est bon. Je dois y aller.Mais cette conversation n’est pas terminée et ne crois pas

pouvoiréchapperàmesquestions.Jet’inviteàdîneraprèslamesse.—Trèsbien,maistuperdstontemps.Tuaurasbeaumecuisiner,jenetedirairiendeplus,pourlasimpleraisonqu’iln’yariend’autreàajouter.—Samedi,Madie,nousenreparleronssamedisoir.Jedoistelaisser.Jeterappelleraipourt’indiqueroùmeretrouver.Bisous,mapetitesœur,etsoisprudente.—Aurevoir,Joseph.Moiaussi,jet’embrasse.Lorsque jeme tourneversNahel,aprèsavoir raccroché, je remarqueaussitôtquesesyeux lancentdeséclairs.Quoiencore?

31—Lespizzassontarrivées,indique-t-il,avecunefroideurquin’augureriendebon.Hélas,monappétitaétécomplètementcoupéparcetteconversationavecmonfrère.Aussi,c’estsansentrain que jem’installe.Après avoir péniblement avalé une part, jem’essuie la bouche avec uneservietteenpapier.L’ambianceestplombéeetunebouled’angoisseestentraindenaîtredansmonestomac.Malheureusementpourmoi,jesuisunenouvellefoisentraind’expérimenterlessautesd’humeurdeNahel.Ilyadixminutesàpeine,ilétaitcharmant.Etmaintenant,j’ail’impressionquecen’estpluslemêmehommequisetientfaceàmoi.Pourunpeu,jefiniraispresqueparcroirequ’ilestbipolaire.Celanepeutquandmêmepasêtrel’appeldemonfrèrequil’amisdanscetétat!Enfin,çan’apasdesens.—Tunemangesplus?s’enquiert-il,leregardrivésurmonassiettevide.—Non,jen’aiplusfaim,commencé-jeprudemment.Jen’aiaucuneenviedeprovoquerunedispute,maiscetteatmosphère,silourde,mepèseplusencore.Aussi,nevoyantpasd’autresolution,jemelance.—Ilyaunproblème?Ilmetunmomentà répondreet j’ensuisaustadeoù jemedisqu’ilne le ferapas,quand ilprendenfinlaparole.—J’aicrucomprendrequetuétaisoccupée,samedisoir.Euh,benoui,etalors?Ilmixeauclubet jen’aipasl’intentiondel’accompagnerlà-bas.Jepense,d’ailleurs,qu’iln’ytientpasplusquemoi.—Commechaquesamedisoir,murmuré-je,toutenm’adossantàlachaiseetencroisantmesbras.Jesaisbienquec’estuneattitudedereplietdedéfense,maisc’estplusfortquemoi.Latempêteestsurlepointd’éclateretj’aibesoindemepréserver.—Ettufaisquoi,exactement?—J’assisteàlamesse,quisedérouleàlacathédrale,etjedîneavecmonfrère.Pourquoi?—Ah,tonfrère…—Nahel,veux-tubienmedirecequinevapas,aulieudejouerauchatetàlasouris?Cette fois, il explose ! Se levant brusquement, à tel point que sa chaise valdingue, il se penche enavant,prenantappuisurlatable.—Ilmesemblequedansuncouple,quandl’undesdeuxdécideuntruc,ilenparleàl’autre!—Maisquelleimportance?protesté-je,sentantlamoutardememonteraunez.Tumixesauclub,detoutefaçon!C’esttoujoursainsi,pasvrai?—Justement, non !Pas cette fois. J’ai refusé d’y aller, parce que je voulais qu’onpasse la soiréeensemble,qu’onserendeaucinémaetqu’onsefasseunpetitresto.Enfin,touscestrucsquefontlescouples,quoi!Oh,jecommenceàcomprendrelesraisonsdecesoudainaccèsdecolère.—Pourquoinem’enas-tupasparléavant?Commentest-cequej’étaiscenséeêtreaucourant?— Ça devait être une surprise, merde ! Mais là, de toute façon, je n’en ai plus envie ! Et puis,honnêtement,Madie,est-cequesijetel’avaisdit,celaauraitchangéquelquechose?

Je baisse la tête et réfléchis un instant. Il est évident que non.Si j’ai pu berner Joseph, la semainedernière,iln’auraitpasmarchéunedeuxièmefois.Ilseseraitposétoutuntasdequestionsetauraitimmédiatementdébarquéici.Or,c’estexactementcequejeveuxéviter.— Je vois sur ton visage que tu n’aurais pas modifié tes projets pour moi, constate Nahel avecamertume.Lavérité,c’estquetuashontedeleurrévélerquetuesavecmoi.Lavérité,c’estquejesuistonsalepetitsecret,celuidontpersonnenedoitêtreaucourant.Ahnon,surtoutpas!Onpourraitchoquerpapaetmaman!—Tuestellementinjuste,m’insurgé-je,enmelevantàmontour.— C’est pourtant comme ça que j’ai interprété ta conversation, tout à l’heure, quand tu étais autéléphoneavectafiottedefrangin.—Jet’interdisdeparlerdeluidecettemanière!Cen’estpasparcequ’ilachoisiunevoiequetunecomprendspasetqu’ilnesetapepasunenanadifférentetouslessoirs,commetoi,quetupeuxêtreaussiméchantquandilestquestiondelui!Autant je ne supporte pas que Joseph dise dumal de Nahel, autant je déteste quand ce dernier semontresiméprisantenversmonfrère.Jelesaimetouslesdeux,jesuispartagéeentreeux,maisjenepeuxtoutsimplementpaslelaisserparlerainsi.—Ouais,t’asraison,jesauteunefilletouslessoirs.J’aidoncdeuxsemainesàrattraper!s’écrie-t-ilavechargne.Jedevraisd’ailleursyallertoutdesuite,pasvrai?Qu’enpenses-tu,Madeleine?Il a volontairement mis l’accent sur mon prénom, sans employer le diminutif dont il se serthabituellement.Jesupposequ’il fautycomprendreunmessagesubliminal,mais j’ai la tête tropenvracpouravoirenviederéfléchiràcetteénigme.—Non,jet’enprie…J’aichuchotécetteprotestationd’unevoixfaible,commedansunsouffle,tellementcettepossibilitém’épouvante.Mes paupières commencent à brûler, ce qui indique que les larmes ne sont plus trèsloin. Génial ! Il me semble que je n’ai jamais pleuré autant que ces derniers temps. Si c’est çal’amour,benmince,cen’estpasaussiterriblequ’onleprétend!—Mêmesitun’aimespasl’entendre,c’estlavérité,poursuit-il,impitoyable.Tonfrèreesthomo.Ettusaiscommentjesuisaucourant?Parcequ’ilbavedevantmoi,commes’ilétaitenfaced’unpotdeglace.—C’estdégoûtantcequetudislà!Arrête!—Rappelle-leetexplique-luiquetunepeux,finalement,paslerejoindresamedi,exige-t-ilsoudain.Révèle-luiquejesuistonpetitamietquetupasseslasoiréeavecmoi.Jemefige.Jen’enferairien.Ceseraitallerau-devantdetropd’ennuispourungarçonavecquijenesuisquedepuisdeuxsemaines.J’aibeauêtreamoureusedelui,jeneconçoispasdechamboulertoutemavie,justepourluiplaire.Ilyadeslimitesquejenefranchiraijamaisetcelle-làenfaitpartie.Jen’ignorepasquecertainesfemmessontprêtesàtout,etmêmeaupire,pourl’hommequ’ellesaiment.Maispasmoi.Non,jenesuispasfaitedecebois-là.—Pasquestion.—Commentça,turefuses?—Je regrette,Nahel. Il a été choisi par l’évêquepour l’assister dans cette célébration et c’est trèsimportantpourluiquejesoisprésente.Tudoiscomprendre.—Etmoi?Jenecomptepas,peut-être?Jesoufflelonguement,tantpourreprendremoncalmequepourluimontreràquelpointsonattitudebutéemegave.Cettefois,iln’apasraison.—Bien sûr que si, tu es précieux pourmoi et tu le sais parfaitement.Mais je te demande d’être

indulgent.Jenet’aijamaiscachéd’oùjevenaisetcommentétaitmafamille!Ilsnecomprendraientpas.—Alorsc’estpeut-êtrelemomentdelesbousculerunpeu,tunecroispas?—Jenepeuxpasfaireça!Poureux,leurfilledoitresterviergejusqu’aumariage.Commentpenses-tu qu’ils réagiraient s’ils apprenaient que je vis avec un étudiant, à la réputation épouvantable, quin’estpasmêmepascatholique?Tunel’espas,n’est-cepas?—C’estmaintenantquetut’enpréoccupes?Bonsang,Mad!Toutça,c’estduflan!Décidément,nousnesommespasdutoutsurlamêmelongueurd’onde,c’estdésespérant.—Tonpèreestlibanais,m’as-tudit.Tupourraisdoncaussibienêtremusulman.—Etalors?Qu’est-cequeçachangerait?—Rien, encequimeconcerne.Hélas, jen’osemêmepas imaginer leur réaction si tuétaisd’uneautreconfession,murmuré-jecommepourmoi-même.—Maisons’entapedelareligionetdetoutescesconneries!Tune…—C’estpeut-êtretoncas,maismoi,non!Lafoioccupeunepartessentielledansmonéducation,ellefait partie intégrante de mon existence. Et je ne renoncerai pas à tout ce en quoi je crois. Pourpersonne!—Maisquiteledemande?Personne,etsûrementpasmoi!s’exclame-t-il,excédé.J’aimeraisjustequetufassestavieenfonctiond’autrescritèresquecelui-là.Cequejeveuxt’expliquer,c’estquetareligionnedoitpasdictertoutestesactions.Je ferme les yeux, tentant d’aborder le sujet sous un angle différent, histoire de bien lui fairecomprendremavisiondeschoses.—Est-cequetuaccepteraisdeneplusmixerauclubpourmoi?Maquestionlesurprend,maisilneluifautpaslongtempspourreprendrecontenance.—Jenevoispaslerapportentre…—Nahel,réponds.Ouiounon,c’estsimple!—Non,finit-ilparconcéder.—Renoncerais-tuàlamusiquepourmoi?—Certainementpas!Là,c’était lecriducœur.C’est,dureste,cequej’espérais.Jepeux,parconséquent,poursuivremadémonstration.—T’ai-jedéjàdemandédelefaire?T’ai-jefaitunescènequandtuasdécouchélanuitdernière?Ai-jejamaisexigédetoiquetun’yretournespas,malgrécequej’yaivu?Ilpercuteenfin.Ben,disdonc,c’étaitpastroptôt!—Non,admet-il,finalement,ensedétournant.—Danscesconditions,commentpeux-tum’ordonnerderenonceràmonhabituded’alleràlamesse,de dîner avec mon frère, et vouloir semer le chaos dans ma famille ? Je ne te comprends pas,vraimentpas.Sentant qu’il devient urgent dem’isoler, je filem’enfermer dans la salle de bain.Cette scènem’aépuisée, aussi bien physiquement que psychologiquement. Avec Nahel, c’est un affrontementperpétuel et je n’en peux déjà plus, alors que nous ne sommes ensemble que depuis deux petitessemaines.Nosdeuxmondessontsidifférents,quemêmeaveclameilleurevolontédumonde,nousn’yarriveronspas.Celamedésespère,maisjedoismemontrerréaliste.Tôtoutard,ilyauraleclashdetrop.Etcejour-là,j’expérimenteraiunefoisdepluslesaffresduchagrin.Jeme laisse glisser le longde la porte, jusqu’au sol, tandis que les larmes roulent surmes joues.C’estvraimenttropdur.

—Mad!Ouvre,s’ilteplaît!Nahelvientdetoquer,mefaisantsursauter.Jem’essuieprestementlesjouesetrenifledemanièrefortpeuélégante,histoiredereprendrecontenance.—Uninstant,j’arrive.—Jesaistrèsbienquetut’esenferméepourpleurer.Ouvre,jenesupportepasquetusoisdanscetétat!—Laisse-moiuneminute,jet’enprie,lesupplié-je,d’unevoixéteinte.—Trèsbien,commetuveux.Je l’entends se mettre à ranger la cuisine. J’en profite pour asperger mon visage d’eau fraîche.Malgrécela,monnezestrougeetmesyeuxsontbouffis.Franchement,jeressembleàunlapinrussedépressif.Àcôté,lesbruitsontcessé.Soudain,jeperçoisquelquesnotesjouéesavecuneguitareclassique.Jen’avaismêmepasremarquéqu’ilenavaitrapportéune,ici.Puis,savoixàlafoisgraveetrocailleusesemetàchanterdoucement.NoIcan'tforgetthiseveningNon,jenepeuxpasoubliercettesoiréeOryourfaceasyouwereleaving,Nitonvisagequandtum’asquitté.ButIguessthat'sjustthewaythestorygoesMaisjesupposequec’estjustelamanièredontl’histoirecontinue.YoualwayssmilebutinyoureyesyoursorrowshowsTusouristoujours,maisdanstesyeuxtapeinesevoit.YesitshowsOui,ellesevoit.NoIcan'tforgettomorrorowNonjenepeuxpasoublierdemainWhenIthinkofallmysorrows,Quandjepenseàtousmeschagrins.WhenIhadyoutherebutthenIletyougoQuandjet’avaisprèsdemoi,maisensuitejet’ailaisséepartirAndnowit'sonlyfairthatIshouldletyouknowEtmaintenant,c’estnormalquejedoivetefaireconnaître,WhatyoushouldknowCequetudevraissavoirIcan'tliveJenepeuxpasvivreIflivingiswithoutyouSivivrec’estsanstoiIcan'tliveJenepeuxpasvivreIcan'tgiveanymoreJenepeuxplusriendonnerCan'tlivePeuxpasvivreIflivingiswithoutyouSic’estvivre,c’estsanstoiIcan'tgiveJenepeuxdonnerIcan'tgiveanymore

JenepeuxplusriendonnerJeconnaiscettechanson,ilmesemblequec’estMariahCareyquil’ainterprétée.Rassurez-vous,j’aibeauavoirchantédanslachoraledeRochesson,j’aiquandmêmeunminimumdeculturemusicale,etjeconnaisautrechosequedescantiques.Aprèstout,laradioétaitalluméeenpermanence,dansmachambre.Jen’aimepasparticulièrementcetteartiste.Àvraidire, je la trouveparfaitement ridiculeavecsesmanièresdediva.Toutefois, issusde labouchedeNahel, lesmotsprennentunetoutautredimension.C’esttellementtriste,résigné,quejenepeuxm’empêcherdesortirdelasalledebainetde le rejoindre. Il est assis sur le fauteuil en osier. Ses yeux brillent d’un éclat irréel. Ils sontégalementtrèsrouges,commes’ilavaitpleuréluiaussi.Quandilm’aperçoit,ilcesseimmédiatementdechanteretposesaguitare.Toujourssilencieux,ilselève et se tourne vers son sac. Je suppose qu’il suffirait que je prononce un seulmot, pour qu’ilprennesesaffairesetquittedéfinitivementmavie.Maisjenepeuxpas.Pourtant,danslasalledebain,j’étaisàdeuxdoigtsderenoncerànotrehistoire.Saufquemaintenant,alorsqu’ilestsurlepoints’enaller,j’ensuisparfaitementincapable.Jetienstropàluipourça.Ilvabien falloir qu’on trouve une solution, parce que les choses ne peuvent pas se terminer de cettemanière.—Jet’aime,dis-je,dansunmurmure.

32Lesmotssontsortistousseulsdemabouche.Jen’airienprémédité,riencontrôlé.Mais,aprèstout,est-cequecelaadel’importance?Autantqu’ilsoitaucourant.Detoutefaçon,jen’aipashontedeceque j’éprouve. C’est assez étrange, quand j’y pense, parce que c’est la première fois que je lesprononce.Sansmequitterduregard,ils’avanceversmoietmeprenddanssesbras.—Redisçapourvoir,murmure-t-ildansmescheveux.—Jet’aime,NahelElkhouri.Peuimportequetusoiscatholiqueoumusulman.Peuimportequemessentimentsnesoientpaspartagés.Etpeu importequ’ilsne t’acceptentpas.Laseulechoseque je tedemande,c’estdemepermettredepréparerleterrain,pourlesménager.Parcequejelesaime,euxaussi.—D’accord,concède-t-il,aprèsuninstantdesilence.Lesoupirdesoulagementquejepousse,àcesimplemot,lefaitrire.Puis,seslèvresseposentsurlesmiennes, douces, tendres et chaudes. Je réponds immédiatement à son baiser en lui permettant del’approfondir.Sa languesemêleaussitôtà lamienne.Dedélicate,sabouchedevientpassionnée,etavantd’avoireuletempsdedireouf,jemeretrouveallongéesurlelit,Nahelau-dessusdemoi.Je ferme lesyeuxdebonheur. Ily a àpeinecinqminutes, jenepensaispluspouvoirvivrede telsmoments, alors je les apprécie plus encore. Le fait qu’il n’ait pas répondu à ma déclarationenflamméen’aquepeud’importance.Maintenant,ilsaitexactementcequejeressens.Etpourtant,ilnem’apasrejetée.Aucontraire…Montee-shirtetmonsoutien-gorgedisparaissentà lavitessede l’éclair, très rapidementsuivispasmon jean,mes converses etmes chaussettes. Jene suisplusvêtuequed’unepetite culotteblanche.Alors,Nahelseredresseetsedéshabilleàsontour.—Plusquecinqjours,souffle-t-il,leregardcommefou.—Quoi?Jefroncelessourcils,necomprenantpasàquoiilfaitréférence.—Danscinqjours,tonimplantseraefficace.Onpourrapasserauxchosessérieuses.Ettun’imaginespasàquelpointletempsmeparaîtlong,encemoment.Putain,Mad,j’enpeuxplusd’attendre.Sesparolesm’effraient quelquepeu,même si dans le fond, je sais que c’est ainsi que celadoit sedérouler.Alors,pourquoipatienterencoreplusieursmois,quandnouslevoulonstouslesdeux?Celaneferapasdemoiunefillefacile,non?Ilestmaintenantnucommeunver.EtJésus,Marie,Joseph,qu’est-cequ’ilestbeau!Sisauvage,siincandescent,sisolaire.Oui,c’estexactementça.Ilestsolaire.Ilirradied’unelumièresiaveuglanteque j’ai peur de m’y brûler. Mais, en même temps, je ne ressens jamais les choses avec autantd’acuité,quelorsquejesuisdanssesbras.Combiendepersonnespeuventsetarguerdecela?Notrerelation est chaotique, passionnée et passionnelle, mais elle est humainement et sensuellementtellementenrichissanteetjeneparvienspasàyrenoncer.Avecunsouriretaquin,ils’approcheetfaitglissermonsous-vêtementlelongdemescuisses.Puis,commedimancheaprès-midi,ilécartemesjambesetsenicheentreelles.Ah,quec’estbon!Seslèvresm’embrassentavecunefaimdévorante,absolumentincontrôlable.Lorsquejesuisàbout

desouffle,ellespassentsurmagorgeetmesépaules,provoquantunhérissementimmédiatdetouslespoilsdemoncorps.Lentement,ilsedirigeversmesseins,déjàdursetenmanqueden’avoirpasétécaressésdepuisbientroplongtempsparlui.Ilengloutitavidementuntétontoutenpinçantl’autreentre son index et son pouce. La douleur se mêle au plaisir en un cocktail détonnant. Toutefois,contrairementàsonhabitude,ilnes’yattardepas,descendantversmonventre.Quandsalanguetitillemonnombril,jenepeuxm’empêcherdegémir.Alors,Nahelfaitunechoseàlaquellejen’avaisjamaissongé.OK,jesaisqueçaexiste,maisjen’auraispasimaginéqu’ilpuissemecaresserainsi.Etpourtant…Ilsebaisseunpeuplusetembrasselatoisondemonsexe.Etlà,jejure que je suis à deuxdoigts demourir de plaisir.Mais ce n’est rien comparé à la sensation quej’éprouvequandsalanguesemetàpasserlelongdemesgrandeslèvres.Ilmestimuledehautenbas,debasenhaut,inlassablement.Jedevrais êtregênée,parceque jeneme suispas lavéedepuis cematin et ilme semblequec’estplutôtlegenredepratiquequel’onexpérimentesousladoucheoujusteaprès.Cen’estcependantpaslecas.Non,j’aimetropcequ’ilmefaitpourenconcevoirunquelconquemalaise.Sesdoigtsécartentdoucementmeslèvresetilresteunlongmomentàserepaîtreduspectacledemonsexe excité. Quand il souffle dessus, je crois que je fais un bond, surprise par ces nouvellessensations,toujoursplusintenses.Soudain,salangueprendlerelaietsemetàléchermavulveofferte,avantdes’enroulerautourdemonclitoris.Etlà,ohmonDieu,c’estunfeud’artificequisedéchaîneenmoi.Longtemps,ils’amuseàm’exciter,memenantverslajouissance,s’arrêtantjusteaumomentoùjesuisauborddugouffre.Quandellepénètremonsexe,jesuisàdeuxdoigtsdelesupplierd’abrégercesupplice.Moncorpss’esttransforméenunvolcansurlepointd’entrerenéruption.Jen’enpeuxplus.C’estsifortqueçafaitmal.Jegémis,jecrie,jehalète,jequémande,articulantdesparolesquin’ontniqueuenitête.Ildoitfinirparavoirpitiédemoi,car,seredressant,illogechacunedemescuissessursesépaules.Lorsquesesdoigtss’insèrentenmoi,j’enéprouveunvifsoulagement,commesilefaitd’êtreemplieétait exactement ce que j’attends.C’est, du reste, probablement le cas.Dimanche,malgré le plaisirressenti,jemesuissentiequelquepeufrustrée,j’avaislesentimentqu’ilmanquaitquelquechosepourque tout soit parfait. Sans doute l’acte lui-même, ce besoin d’être pénétrée, de l’avoir en moi.Toutefois,mespenséess’embrouillentrapidement,parcequ’aumomentoùsonindexetsonmajeursemettentenmouvement,saboucheaspiremonclitorisetlesuceavecardeur.Et l’explosion intervient à peine quelques secondes plus tard. Le corps secoué de spasmesincontrôlables, jehurledebonheur, répétant sonprénom telleune litanie. Jamais jen’auraispenséquecelapouvaitêtresifort,siextraordinairementbon.Etilmesemblequejesuisbienendessousdelavérité.Aucunmotn’estassezéloquentpourdécrirecequejeressensencetinstant.J’aiàpeineletempsdereprendremonsouffle,qu’ilmeretournesurleventreets’allongesurmoi.Son sexegonflé se niche entremes fesses qui se serrent sur lui.Ungémissement appréciateurmerépondimmédiatement.Avecemportement,ilsemetàbougersurmoi,faisantcoulissersonmembredemanièredeplusenplusrapide,deplusenplusfrénétique.Etvousvoulezquejevousdise?Sonsoufflesaccadédansmanuque,lefrottementdesapeaucontremondosetmêmesesgrognementsoulesgrosmotsqu’ilemploiem’excitentauplushautpoint.—Oh putain demerde,Madie, tume rends fou. Tu es tellement bonne !Oh ouais, t’es bonne, siappétissantequejepourraisrestertoutelanuitàbouffertapetitechatterose!Jedevraisêtreoutréepardespropossigrossiers,maisilsmefontunteleffetquejenesongepasàrelever.Samainpassesousmatailleetrecommenceàmartyrisermonpauvreclitoris,àpeineremisdeses

émotions.Illefrotteavecardeur,lepince,letrituredanstouslessens.Aumomentoùjemedemandepourquoiilagitainsi,danslamesureoùj’aidéjàeumadose,jesensunechaleurfamilièresepropagerenmoi.Est-ilpossiblederessentirplusieursfoisduplaisirdansunintervalleaussicourt?Ilfautcroirequeoui,puisquej’explosepeuaprès,aussitôtrejointeparceluique jeconsidèrecommemonamant.Desgicléesdespermese répandentsurmondos, tandisqu’ilpousseuncriquimefaitpenseraurugissementd’unfauve.Encore sous lechocde toutescesémotions, jene réagispasquand il secouchecomplètement surmoi,étalantunefoisdeplussasemencesurmapeau.Décidément,c’estunemanie!—Tuesàmoietàmoiseul,tuesàmoi,tuesàmoi,répète-t-ilsanscesse.—Oui,Nahel.Jesuisàtoietjet’aime.Seslèvresseposentsurmonoreilleetentaquinentlelobe,avantdesouffler.—Merci,monange.—Dequoi?chuchoté-je,alorsqu’unlongfrissonparcourtmonéchine.—D’êtrelàetdem’aimer,malgrémoncaractèremerdique.Enm’esclaffant,j’opine,nonsansajouter.—JecroisquejepourraisfaireconcurrenceàMèreTeresapourcequiestdelapatience!Ungrandéclatderiremerépond.

33Ilestpresquedix-septheuresquandj’émergedeladouche,encesamediaprès-midi.Jenedoispasperdretropdetempspourmepréparer,puisquejeparsdansmoinsd’uneheurerejoindreJoseph.Nahelafinalementdécidédemixerauclub,cesoir,etc’estpresqueunsoulagementpourmoi.Nonseulement,jen’auraipasmauvaiseconsciencedel’imaginerseulentraindesemorfondre,maisenplus,désoléedevousdireça,ilneserapasdanslesparages.Onnesaitjamais,ilsuffiraitqueJolecroiseenmeramenant,etceseraitlatroisièmeguerremondialequiéclaterait.Hier,monfranginatentédemejoindreàplusieursreprises.Commej’étaisavecmonchéri,j’aipréférénepasdécrocher.Autantéviter lesennuis tantque je lepeux,carquoiquenousenpensions, lascènede lundinousadrôlement secoués, tous les deux. Dans la mesure où mon frère n’a pas laissé de message, j’aisupposé qu’il n’y avait pas péril en la demeure et qu’il souhaitait simplement prendre de mesnouvelles.Je termine juste dem’habiller, quand la sonnette retentit.Nahel est parti depuis environ une demi-heure.Ilvoulaitpasserchezluipourreleversoncourrieretrécupérerd’autresvêtements.Ildoitsansdoute avoiroubliéquelque chose.C’estdonc sansvérifierque j’actionne l’interrupteurde l’entréeprincipale.Troisminutesplustard,ontoqueàlaporte.C’estbizarre,ilasesclés.Quand je l’entrouvre, c’est avec une surprise non dissimulée que je découvre Joseph sur le seuil.Mince,maisqu’est-cequ’ilficheici?Onavaitpourtantconvenuqu’onserejoindraitsurplace.—Salut,tunemefaispasentrer?demande-t-il,inquisiteur.Heureusement que mon DJ est absent. Si je ne me retenais pas, je pousserais un soupir desoulagementquis’entendraitjusqu’àBrest!Ouvrantlebattant,jem’effacepourluipermettredepasser.—Madie,combiendefoist’ai-jeditdedécrocherquandjet’appelle?Etdepuisquandouvres-tu,sansmêmevérifierquivienttevoir?Quelleinconséquence!Jem’inquiète,moi!Maisqu’est-ceque…Josephs’estbrusquementarrêtésurleseuildelapièceprincipale,commeparalysé!Benquoi?C’esttropbienrangéàsongoût?Setournantversmoi,ilmefusilleduregard,tandisquejelerejoins.—Qu’est-cequisepasseici?demande-t-il,mescrutantavecperplexité.—Quoi?Dequoiparles-tu?—Tuasgagnéaulotoouquoi?Commentsefait-ilqu’ilyaittouscesappareilsderniercricheztoi?Ah,merde!J’avaiszappécedétail!Nomd’unepipeenboisdesapin,j’avaiscomplètementoublié.Cequejepeuxêtregodiche!Pourunpeu,jemetraiteraismêmedegreluche!LequalificatiffavorideNahel,quandjelecontrarie.—Onmelesaprêtés,murmuré-je,piteusement,enmedétournant.—Tutefichesdemoi?s’écrie-t-ilaussitôt.Ilyenapourdesmilliersd’euros!Quipeutêtreassezrichepourteprêterdesappareilsdecegenre?Madie,nemenspas,c’estunpéché.Waouh,ilal’airsacrémentenpétard!Jedevraispeut-êtreluisortirunevannepourledérider.—Enfait,j’aiacceptédetournerdansunfilmpornopourpouvoirmelespayer,dis-jesurletondelaplaisanterie.Toutefois, en voyant mon frère sur le point de suffoquer et à deux doigts du malaise vagal, je

reprendsaussitôt.—Oh,Jo,remets-toi,c’étaituneblague!—Etdepuisquand fais-tudesallusionsaussi scabreuses?Qui font référenceà la luxure,quiplusest?Madie,j’ail’impressiondenepastereconnaître.Quiêtes-vousetqu’avez-vousfaitdemapetitesœur?aboie-t-il,dansunétatdefureurquejeneluiaijamaisconnu.—Onsecalme!Cen’étaitqu’uneplaisanterie,pasforcémentdumeilleurgoût,jeleconcède.Maisarrêtedejoueràl’inspecteurColombo,çanetevapasdutout!—Enattendant,tun’astoujourspasréponduàmesquestionsetje…Laleçondemoralequ’ils’apprêtaitàmefaireestsoudaininterrompueparlebruitd’uneclédanslaserrure.Ahnon,merde!C’estpasvrai!Quellecatastrophe!Seigneur,qu’est-cequejevousaifaitpourmériterça?Sanspouvoirréagir,d’aucunemanière,jevoisleschosess’enchaînercommeauralenti,spectatriceimpuissanted’undésastreannoncé.—Madie,chérie,j’aioubliémonordinateur,lanceNahel,sansserendrecomptequejenesuispasseule.Joseph se trouvant tout près de la télévision, qu’il examinait avec minutie, mon amoureux ne leremarquepastoutdesuite.Parcontre,monfrère,lui,neratepasunemiettedelascènequisedérouledevantsesyeux.MonbeauDJs’avanceversmoietglissesamaindansmescheveuxpourm’embrasser.Etjenevousparlepasd’unpetitbisou riquiqui,maisd’unevraiegalochebienbaveuseavec la langueet toutettout.Faceàmapassivité,àlaquelleiln’estpashabitué,avouons-le,Nahelseredresse.Sonregardcroiseenfin celui demonvisiteur qui semble s’être statufié sur place.C’est dumoins ce que je suppose,parce que je ne peux rien voir, le visage obstinément caché dans le cou de mon amoureux. Pascourageuseetcertainementpastéméraireàcepoint,lafille!—Maisqu’est-ce…commenceJosephqui,visiblement,abeaucoupdepeineàtrouversesmotspourqualifierlasituation.—Tiens,t’eslà,toi?s’exclameNahel,paslemoinsdumondeperturbé.—C’estlestudiodemasœur,jetesignale!—C’estl’appartementdemacompagne,jetesignale,lesinge-t-ilaveccynisme.—Tacompagne?Joestsurlepointdes’étrangler,tellementilécumederage.J’aipresquepitiédelui,maisenmêmetemps, c’est à moi que je pourrais mettre des baffes. À vouloir éviter à tout prix des situationsgênantes,onfinitparlesprovoquer.Ilétaitégalementévidentqu’ilnefallaitpascomptersurNahelpour arrondir les angles. Son caractère, entier et impulsif, ne s’accommode pas de ce genre decompromis,quandbienmême,c’estmoiquileluidemanderais.—Oui, tuas trèsbienentendu.Madieetmoi,noussommesensemble.Mieux,nousvivonssous lemêmetoit.Çateposeunproblème?—Joseph,laisse-moit’expliquer,supplié-je,sortantenfindemaléthargie.—T’escontentdetoi?Aprèsavoirculbutélamoitiédesétudiantesducampus,ilafalluquetujettestondévolusurlaseulefillequetunepouvaispasavoir!C’estpourçaquetul’aspervertie?Nahels’écarteaussitôtdemoi,poursedirigervers lui.Ohnon!C’estpasvrai !Connaissantmonpetitami,danscinqminutes,monfrèreauralenezcasséetdeuxdentsenmoins.Avouezqueçaferaitmauvaisgenred’animerlamessedanscetétat!—Moi, jel’aipervertie,sombreconnard?Moi, jel’aipervertie?Putain, jenesaispascequime

retientdet’encollerune.Jel’aiaidéealorsqu’ellesouffraitlemartyre,jel’aiobligéeàsesoigner!Ettoi,qu’est-cequetufaisaispendantcetemps?Oùétais-tuquandelleétaitinconscienteetmalade,durant des journées entières, et ce, chaquemois ?On ne t’a pas vu ! T’asmême pas été foutu del’appeleroudepasserpourt’assurerqu’elleallaitbien!—Je,je,je…Josephalabonnegrâcedeparaîtrehonteux,carilbaisselatêteetnetrouverienàrépondre.Danslefond,noussavons,luietmoi,queNahelaentièrementraison.Ilestleseulsurquij’aipucompter,leseulquim’ait aidéedansunesituationplusquedélicate.Toutefois, jenepeuxpas jeter lapierreàmonfrère.C’estunhommetrèspudiqueettoutcelaestterriblementgênantpourlui.—Madieestmacompagne,lafemmeavecquijevis,quetuleveuillesounon,c’estclair?—Jedevraistecasserlagueule,pouravoiroséladétournerdudroitchemin.Nahelestsaisid’unrirecyniqueàcesparoles.Ellesdoiventluiparaîtrebiendésuètes.—Alors,vas-y,monpote!J’attendsdevoirça!Qu’est-cequiteretient?Monfrèrenemouftepas.Àvraidire,àyregarderdeplusprès,ilsemblefascinéparl’hommequisetientdevantlui.Illedévorelittéralementdesyeux!EtsiNahelavaitditvrai?SiJoétaitgay?Non,non,c’estimpossible!Ilm’enauraitparlé,c’estsûr,nousnousdisonstout.— La trouille, peut-être, lance mon amoureux, en le bousculant légèrement pour récupérer sonordinateurportable,posésurlesolprèsdulit.Monfrèresursauteàcecontactetmejetteunrapidecoupd’œil.Enconstatantquej’airemarquésonmanègeetquejefroncelessourcils, ilblêmitbrusquement.Onpourraitpresquepenserqu’iladestrucsàsereprocher.Avantdesedirigerverslaporte,Nahels’approchedemoietm’effleurelajoue.—Tuessûrequetoutsepasserabien?Jepeuxrester,situveux.—Non,çava.Ilfallaitqueçaarrivetôtoutard,detoutefaçon.J’expliquerailasituationàmonfrère.Ilcomprendra,net’enfaispas.— Très bien. S’il y a le moindre problème, appelle-moi. Je garderai mon téléphone sur moi etj’essaieraidenepasrentrertroptard.—D’accord.Net’inquiètepas,toutirabien.Lorsquelaported’entréesereferme,jevousjurequejen’enmènepaslarge.Nonseulement,ilvafalloirquejecalmemonfrère,maisjedoisaussileconvaincredenepasalertermesparents.Etj’aicommeledésagréablepressentimentquec’estloind’êtredutoutcuit.Pourgagnerdutemps,maiségalementpourpréparermaplaidoirie, jemedirigevers lacuisineetnousfaisducafé.Quandjereviens,lesmainschargéesdedeuxtasses,Josephs’estlourdementlaissétomberàlapetitetable où je mange habituellement. Il donne l’impression qu’un rouleau compresseur vient de luipasserdessus.—Madie,dis-moiquecen’estpasvrai,quetunevispasaveclui!J’ai presque le sentiment qu’ilm’implore de le rassurer et j’aimerais vraiment pouvoir prétendrecela,maisceneseraithonnêtenienversluinienversNahel.Lesraresfoisoùj’aiessayédementir,j’aiprovoquédescatastrophes.Alors,maintenant,j’aifaitmonchoixetjedoisavoirlecouragedel’assumer,mêmesic’estplusfacileàdirequ’àfaire.—Joseph,tuesmonfrèreetjet’aime.Maisavantquetunemeservesundetessempiternelssermonsmoralisateurs,jevoudraisquetum’écoutesattentivement,sansm’interrompre.—Trèsbien.Jesensbienqu’ilprendsurlui,maisilfautqu’ilmelaisseparleretluiexpliquerlasituation

—J’airencontréNahel,mi-septembre,àlacafetdurestaurantuniversitaire.Ilaétél’undespremiersà m’adresser la parole, et à se montrer gentil et prévenant envers moi. Je ne le voyais jamaisautrementqu’aumomentdesrepas.Puis,ilyadeuxsemaines,ils’estpassécequiarrivechaquefois.Et comme d’habitude, c’était un véritable calvaire. Il est venu, s’est occupé de moi, de cetappartement,etm’aveilléependantquatrejours.Ilestévidentquecetépisodenousarapprochés.Sonfrère et sa belle-sœur sont gynécologues. Le week-end dernier, je n’étais pas malade, avoué-jepiteusement,j’étaisavecluiàParis.C’estCarole,l’épousedeLounis,quim’apriseencharge,ajouté-je précipitamment, voyant son air scandalisé. C’est un médecin compétent et une femmecompréhensive.—Pourquoim’as-tumenti?—Dèsqu’ilestquestiondeNahel,tutebraques.Qu’est-cequejepouvaisfaire?Joseph,jesouffred’uneendométriosesévère.Nousavonsfaituneéchographie,j’aideskystesetdeslésionsàplusieursendroits.Sijenemesoignepas,jerisqued’êtrestérile.Jetejurequec’estvrai!—MonDieu!Jemedoutaisquecequit’arrivaitn’étaitpasnormal,admet-il,aprèsunlongsilence.Mais je n’y connais pasgrand-chose aux femmes et c’était assezgênant pourmoid’intervenir.Tusais,j’aiessayédedemanderàpapaetmamandet’emmenerconsulterunspécialiste.Ilsn’ontpasétéd’accord.Neleurenveuxpas,ilsn’ontprobablementpasmesurél’étenduedelasituation.Quelesttontraitement?Tucroisqueleschosesvontpouvoirrentrerdansl’ordre?—Jel’ignore.J’airefusédeprendrelapilule,àcausedemaman.Ilhochelatête,compréhensif.Ilconnaîtlapositiondenosparents,parrapportauxcontraceptifs,etlapartagesansdoute,d’ailleurs.—J’aidoncun traitementàbased’hormones,quiapourbutde stoppercomplètementmoncycle.Commesij’étaisménopausée.Jeneluiparlepasdel’implant.Cen’estpasnécessaire.Ilmesemblequecelaneferaitquejeterdel’huilesurlefeu.—Etiln’yaaucundanger?—Non.C’estcequiestprescrithabituellement.Jevaisyretournerdans troismois,poureffectuerdesexamenscomplémentaires.—C’est une bonne chose,même si ce n’est pas normal que ce soit lui qui t’ait emmenée là-bas.C’étaitànousdelefaire!—Jesuisd’accord,maispersonnenes’enestpréoccupé.Personnen’avouluprendrelamesuredelagravitédelasituation,sauflui.Alors,cessedepenserqu’ilestlediableincarné.C’estquelqu’undebien,jet’assure.—Madie,commentpeux-tufairesiaisémentunecroixsurnosvaleurs?Commentpeux-tujetersifacilement ta vertu aux orties ? Je reconnais qu’il est magnétique et très séduisant, mais celan’expliquepastout!Commentlevicea-t-ilpus’emparerainsidetoi?Quoi ? Je hausse les sourcils, agacée et profondément choquée. Alors comme ça Nahel estmagnétique?Demieuxenmieux!Unefoisdeplus,jemeposelaquestion.Etsimonpetitamiavaitraison ? Sa réaction de tout à l’heure n’est pas normale, ses paroles ne sont pas anodines ! Parailleurs,commentpeut-ilavoiruneopinionaussinégativedemoi?Mefairesipeuconfiance?—Pourquimeprends-tu?C’estçaquetupenses?Quej’aicouchéaveclui?—Parcequecen’estpaslecas,peut-être?s’enquiert-il,sceptique.—NON!m’écrié-je,scandalisée.Jesuistoujoursvierge,sic’estcequitepréoccupe.Jetejuresurcequej’aidepluscher,surlabible,quec’estlavérité.—Commentest-cepossible?

Il est visiblement médusé et je le comprends, dans le fond. Nahel traîne une réputation tellementépouvantable,que,légitimement,onpeutimagineruntoutautrescénario.—Jenesuispasprêteàpasseràl’acte,lerassuré-je,etilaacceptéd’attendreletempsqu’ilfaudra.—Commentest-cepossible?répète-t-il.—Je l’ignore,maisc’estcommeçaetnonnégociable.Maintenant,Jo, tudoismepromettredenerienraconteràpapaetmaman.—Quoi?Non,je…—Ilsnecomprendraientpas,tulesais.Siçasetrouve,demain,nousneseronsplusensemble.Nahelestinconstant,tulesaisetjelesaisaussi.Alors,pourquoilesalerteretlesperturber?—Écoute,Madie…—Non,c’esttoiquivasouvrirtesoreilles.Situleurdisunseulmotsurlui,jenetelepardonneraijamais,tum’entends?Tueslemembredelafamilledontjemesensleplusprocheetjetefaisuneconfianceaveugle.Maissitumetrahis,ceseraterminé.—Madie,tunepeuxpasmedemanderça!proteste-t-il,avecautorité.—Jene te ledemandepas, je l’exige.Considèreque jeviensdemeconfesseretque tues tenuausecret.Cen’estpasàtoideleurrévélermonhistoire,maisàmoi.Cen’estpastavie,c’estlamienne.SinoussommesencoreensembleàNoël,jeleurparlerai.Maispourlessemainesàvenir,tudoismefaireconfianceettetaire.Puis,sansattendresaréponse,jemedirigeverslecouloirpourenfilermesbottinesfourréesetmaveste.Ilesttempspournousd’yaller.

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NahelQuand je quitte l’immeuble, je ne peux retenir un sourire de satisfaction. Tout s’est dérouléexactement comme je l’ai prévu. Pas la peine de vous énerver, je suis un enfoiré, ce n’est pasnouveau!Enfait, jen’aiabsolumentpasdigérélaréactiondeMadie,lundisoir.Pourlapremièrefoisdemavie,lafillequejefréquentaisdonnaitl’impressiond’avoirhontedemoi.C’étaitjusteinacceptable.Donc,mêmesinousnoussommesrabibochés,jen’aipasoublié.Etquelleréconciliation!Putain,j’aicruquej’allaismourirdeplaisir.Quandelleamurmuréqu’ellem’aimait,jemesuisfaitl’effetd’êtreSuperman. Ce sentiment d’intense satisfaction, de certitude absolue, il ne me semble pas l’avoiréprouvéunjour.Enrevanche,cequejepeuxdire,c’estquec’étaitunpiedd’enfer.Jen’aipaseupeur,alorsqu’avecuneautre,jemeseraisbarréencourant.Le fait est que lorsqu’elle s’est enfermée dans la salle de bain, j’ai cru que je l’avais perduedéfinitivement.Pourêtreplusprécis,jel’ailudanssesyeux,avantqu’ellenesedétourne.Oui,Madieétaitprêteàdéclarerforfait,c’étaitévident.Etsoudain,lapaniquem’aenvahi.Jenepeuxpasvivresanselle.Cettefilleestmalumièreet,siellen’en a pas encore conscience, heureusement pour moi, j’ai développé un fort sentiment dedépendanceenverselle.Elleestplusaddictivequelameilleuredesdrogues.Alors, désespéré à l’idée qu’elle me demande de partir, j’ai pris ma guitare et ai interprété lapremièrechansonquim’estvenueàl’esprit.Withoutyouestunairquejeconnaisbienetquiaunesignification très spéciale pour moi. C’était le tube favori de mon petit frère, qui fantasmait surMariah Carey. Perso, je préfère la version de Harry Nilsson, tellement plus chargéeémotionnellement.Donc,ilm’asemblénatureldechanteràquelpointvivresanselleestvidedesens.Comme je crois l’avoir précisé, ma culture musicale est extrêmement étendue, je le dis sansfanfaronner,maiségalementtrèséclectique.Sij’écouteprincipalementdesDJtelsqueRobinSchulz,TheAvenerouCalvinHarris,jepeuxm’intéresseràd’autresgenres,quecesoitlavariété,lapopoumêmeleclassique.Ainsi,réussiràremettreaugoûtdujour,destitresplusanciensestunchallengequej’adore.Pour en revenir à lundi, la réaction de mon ange blond a été au-delà de toutes mes espérances,puisqu’ellem’arejointetm’aavouésonamour.Lesoulagementque j’aiéprouvéencet instantestindescriptible. C’est comme si vous étiez en voiture, que l’accident était inévitable, vous le savez,maisquevousparvenezmalgrétoutàvousensortir,commeparmiracle.Vousavezlecœurquibatàcentàl’heure,l’estomacdanslaboucheettousvosmembrestremblent.Ehbien,c’estexactementcequej’airessenti.Etjeveuxencoredetelsmoments.Jamaisjenemesuissentiaussivivant,aussiserein,aussisûrdemoietdecequejefaisais.Etpourlapremière fois,cetétatn’étaitpas le résultatd’uneprisemassivededrogueetd’alcool.Aufonddemoi,unespoirasurgi, inattendu,commeune toutepetite flammequinaîtdescendreset se répand

pourréchauffer toutmoncœur.EtsiMadieétaitcapabledemeguérirdemessouffrances,decetteculpabilité quime ronge de l’intérieur depuis tant d’années etme pousse à faire tout et n’importequoi?Mêmesijesaisquejenepourraipasarrêterdemeshooter,jeveuxcroirequ’avecsonaide,uneissueautrequelamortparoverdoseestpossible.Donc, pour en revenir à hier, j’ai remarqué que son frère avait essayé de la joindre à plusieursreprises.Cecrétinseraitcapabledeluibourrerlatêtepourqu’ellemequitteet,ça,pasquestion.Ellen’apasdécrochéetj’aifaitcommesijen’avaisrienvu,rienentendu.Celaétant,quandelleétaitsousladouche,illuiaenvoyéuntexto,pourluiindiquerqu’ilviendraitlachercher,finalement.J’aijusteréponduOKetj’aisupprimélesSMS.Jedevinequesiellel’avaitlu,elleauraittoutfaitpourl’endissuader.C’estdonctoutàfaitintentionnellementquejen’aipasemportémonordinateur.Celamedonnaitunprétextepourrevenir.Jesuisrapidementpasséàmonappartement,commeprévu.Pourunefois, iln’y avait pas de flics en vue, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas là. J’ai récupérémoncourrieretprisquelquesvêtements,avantderoulerauhasard,histoiredevérifierquejen’étaispassuivi.Quandj’aieul’assurancequecen’étaitpaslecas,jesuisrevenuchezMadie.Encemoment,concernantnotrebusiness,nousavonslevélepied.Lerisquedenousfairechopperétaitvraimenttropimportantetd’uncommunaccord,quandnousavonscomprisquenousétionstousdansleurcollimateur,nousavonsmisnosactivitésenstand-by.Lesclientsontétéprévenusetsesontapprovisionnésenconséquence.À partir de maintenant, et durant environ trois semaines, nous redeviendrons des étudiants sanshistoires,afind’endormircescrétinsdekeufsetne leurdonneraucuneraisondenousserrer.J’envoisencore,çàetlà,quitraînentàlafac,maisdemoinsenmoins.Parailleurs,nousavonsmontéunplan.CertainsdenosacheteurssontalléslesrancardersurlabandeàAmoros,enéchanged’unpeudecamegratuite.Enleslançantsurunenouvellepiste,nousavonsunpeuplusd’air.D’autantquelemecestcomplètementstupideetnettementmoinsprudentquenous.Ilfaitlessortiesdelycées,etsurtoutilvendtoutcequ’onpeutluidemander,ycomprisdel’héroïne,delacokeouducrack,cequenousn’avonsjamaisfait.Ilyadeslimitesqu’aucundenousn’étaitprêtàfranchir. Fourguer de la beuh, du shit et quelques cachets est largement assez lucratif et nettementmoinsrisqué.Apparemment, notre stratagème a bien fonctionné, plusieursmembres de la bande ont été arrêtés,tandisqu’onnousfichepresquelapaix.Etpuis,quandlesaffairesreprendront,nousgagneronsuneclientèlesupplémentaire,puisquenousseronslesseulsàfournirlemilieuétudiant.PourenreveniràMadie,unefoisenbasdechezelle,j’airepérésonfranginquisetenaitfaceàlaportedel’immeuble.J’aigarémabagnole,j’aifuméunpétardenattendant,puisjesuismonté.Etlà,clairement, j’ai pris un malin plaisir à l’embrasser sous son nez. J’ai également fait exprès dem’approcher de lui, pour vérifier si mes suppositions étaient exactes. Ce sont maintenant descertitudes.Ilesthomo,jen’aiplusaucundoutesurlaquestion.Etsurtout,jeluifaisuneffetbœuf.Sivousaviezvusatêtequandjel’aifrôléàl’épaule.Tropdrôle!Lepire, c’est quand ce connard a commencé à la sermonner, à proposde la vertu et de la luxure.Putaind’hypocrite!Sijeluiavaisdemandédemesucer,ilseseraitmisàgenouxavantmêmequej’aieeuletempsd’ouvrirmabraguette.Etçaveutdonnerdesleçonsdemorale!Bonsang,jedétestelesfaux-culsdanssongenre.J’aivuledoutedanslesyeuxdeMadie.Jecroisqu’elleacomprisdequoiilretourne,mêmesipourlemomentellerefusedesel’avouer.Distillerlesoupçonestsuffisantpourl’instant.Lerestesuivranaturellement.Sonsupergrandfrèretomberadupiédestalsurlequelellel’ainstallé.Parcequ’iln’est

pasquestionqu’elleadmireunautremecplusquemoi,quandbienmêmeils’agiraitd’unmembredesafamille.L’esprit tranquilleet avec le sentiment fort satisfaisantd’avoirbien faitmonboulotde sape, jemedirigeverslavoiture.IlesttempsquejerejoigneFredetVinceauclub.

35

MadieUnemain baladeuse et un pénis dressé comme la tour Eiffel, qui vient se nicher tout contremonderrière,metirentdusommeil,encedimanchematin.—Mmmm,tuestoutechaude,susurreunevoixrauque,toutcontremapeau.Desréveilscommecelui-là,j’enveuxbientouslesjours!Avecungémissementdepurbien-être,jemecolletoutcontrelegrandcorpsmusclédel’hommequej’aime.Sesdoigts commencent à jouer lascivement avecmonclitoris, tout émoustillé,maintenant que j’aiécartélesjambespourluipermettred’yaccéderplusfacilement.Mon bassin s’estmis enmouvement tout seul, se frottant contre lui avec délectation.Nahel butinetranquillementmanuque,avantdesedirigerversmonoreille.—Tusaisqueljouronestaujourd’hui?demande-t-il,toutensoufflantsurmonpavillon,cequialedondeprovoquerimmédiatementdesfrissons.—Aucuneidée,jeréponds,mutine,lespaupièresobstinémentbaissées.Tuparles!Évidemmentquejesuisaucourant!Commentpourrais-jeoublieruntrucpareil?—Aujourd’hui,çafaitplusd’unesemainequetuastonimplant.Donc,tuesprotégée.Donc,onpeutyaller.—Maintenant?jem’étonne,émergeanttotalementdesbrumesdusommeil.—Non,monange.Onn’estpasdesbêtes,quandmême!Cematin,ceseraunpetitavant-goût.Maiscesoir,situesd’accord,onpourraittenterlecoup.Qu’enpenses-tu?Jesoupire,àlafoisimpatienteetangoissée.Jesaisqueceserapénibleaudébut,maisjen’aiaucunehésitationquantàlapersonneavecquij’aienviedelefairepourlapremièrefois.Nahelapristantd’importance dans ma vie, en si peu de temps, que je n’imagine pas que cela puisse se déroulerautrement.Chaquesoir,depuisvendredidernier,ilm’initieauxdélicesdelasensualité,soustoutessesformes.Etilnousestdeplusenplusdifficiledenousenteniràcescaresses.Biensûr,nousavonsduplaisirchaquefois,maiscelanenoussuffitplus.J’aitellementenviedelui,danscesmoments-là,quecelamefaitmal.Jedécouvrelestourmentsdelafrustrationetilesttempsqueças’arrête.C’estd’autantplusdéroutant,qu’ilyaunesemaineàpeine, j’étaispersuadéedenepasêtreprêteàsauterlepas.Mais,ilaréussi,toutendouceur,àm’amenerversdescontréesquejeneconnaissaispas,sansjamaisrienbrusquer,sansmeforceràquoiquecesoit.Alors,oui,leschosesontpeut-êtreévoluétrèsvite,etmêmetropvite,maisjem’enfiche.Jeveuxqu’ilsoitlepremier.Quecesoitcesoiroudansunmois,qu’est-cequecelachangeraaprèstout?—D’accord,onselance,chuchoté-jedansunsouffle.—Tuasrendez-vousavectonfrère?s’enquiert-il,sansstoppersescaresses.Je grogne, ce qui le fait rire doucement. Ce n’est pas le moment de discuter de ça. Nous avonstellementmieuxàfaire.Ilsemblecomprendreetpartagermonpointdevue,carilcessedeparler.Sa

bouche se pose à nouveau sur mon épaule, tandis que son index et son majeur pénètrenttranquillementmon sexe.Sonpouce se chargede stimulermonclitorisdur et gonflé.Presqueparréflexe,mamainpassederrièremoncorpspoursaisirsonpénisraidiet lecaressercommejesaisqu’ilaimeque je le fasse.Ensentantsonsouffles’accélérer, jesoupiredecontentement.Àcepetitjeu,j’aiapprisetrapidement,pasbesoindem’expliquerdeuxfoisleschoses.Ilfautdirequej’aiunexcellentprofesseur,patientetpassionné.L’instant d’après, nous basculons dans la jouissance, enmême temps. Sous le coup du plaisir, lesdentsdeNahel sesont fichéesdansmonépaule,memordant fort, sans réellementmefairemal.Àvraidire,ladouleurqu’ellesoccasionnentsemarieadmirablementavecl’intensitédessensationsquej’éprouve.Lorsquenousnousattablonsdevantunetassedecaféetdestartinesdepaindemiegrillées,qu’ilestentraindebeurrer,monpetitamiréitèresaquestion.Jenerépondspas,subjuguéeparl’Apollonquisetientfaceàmoi.Sescheveuxontpousséetsedressentdanstouslessenssursatête.Ilaégalementdécidédeneplusseraser, sibienqu’unebarbedequelques jours, soyeuseàsouhait,ombre lebasdesonvisage. Ilestjustecanonaupossible,simystérieux.J’aiainsidécouvertqu’ilavaitdestatouagessurlacuisse,unmolletetmêmeledessusdesonpied,etjeneparlepasdesontorse,desesbras,épaulesetdos.Enfait,cemecestunevraiebandedessinéeàluitoutseul.Sijusqu’àprésentjen’aijamaisétéattiréeparleshommesdanssongenre,luiaquelquechose de si spécial que c’est indéfinissable et pourtant tellement réel. Il n’y a qu’à observer lesréactions des nanas que nous croisons. Regards énamourés pour lui, envieux et jaloux pourmoi.C’est à la foisgratifiant,d’êtrecellequ’il achoisie, et terrifiant.Parcequ’il fautavoir lesépaulessolidespouraccepterquesonmecsoitlefantasmedetantdefemmes.Comprenantmesdoutes,ilm’aenjointdeneplusyfaireattention,arguantqu’ilnevoyaitquemoietmefaisant remarquerqu’ilenallaitexactementdemêmepour lui.Siun typemeregarded’unpeutropprès,iln’aqu’uneenvie,luisauteràlagorge.Pourtant,ilseretient,alorsàmoidel’imiter.Dansnotre intérêtà tous lesdeux,a-t-ilprétendu,c’étaitcequ’ilyavaitdemieuxà faire. Jesaisqu’ilaraison,centfoisraison,maisc’estdifficile.Vous devez sans doute vous demander ce que j’ai encore à râler, puisque je sors avec le garçonqu’elles voudraient toutes. Mais ce n’est pas si simple, parce que je ne peux m’empêcher d’êtretoujourssurlequi-vive,redoutantlejouroùilyenaurauneautrepourlaquelleilaurauncoupdecœur,etpourlaquelleilmequittera.C’estmahantise,etellemepoursuitinlassablement,quandbienmêmeNahelmerassuretouslesjoursetdetouteslesmanièrespossibles.—Ouhouh,Mad,appelle-t-il,claquantdesdoigtssousmonnezetmefaisantrevenirinstantanémentàlaréalité.Qu’est-cequipréoccupeencorecepetitcerveauenébullition?fait-il,toutenmetapotantlatempe.Jepréfèrenepassavoir,jesuissûrqueçanemeplairaitpas.Alors?—Alorsquoi?demandé-je,ouvrantdegrandsyeuxinterrogateurs.—Évidemment, tun’asrienécouté!Jevoulaisquetumedisessi tuasrendez-vousavectonfrèreaujourd’hui.—Non.Josephetmoiavonsdînéensemblehiersoir,aprèslamesse.Maislecœurn’yétaitpasetl’ambianceétait franchement plombée. Au moment du dessert, il n’y avait plus entre nous qu’un silenceembarrassant,cequinenousétaitjusqu’àprésentjamaisarrivé.Quandilm’adéposée,c’estàpeines’ilm’asaluée.Jesupposequ’ilasespropresdémonsàcombattre,ayantcomprisaveclereculqueNahelétaitdans

levraietquemonfrèredoitavoirdespenchantsgay.Commesicelachangeaitquelquechose!Peuimportesonorientationsexuelle,pourvuqu’ilsoitheureux.Or,jenesuispassûrequecesoitlecasencemoment.Lenœudduproblème,c’estquej’imaginemalmesparentsaccepterunetellesituationsansgrincerdesdents.À leursyeux, les relations entredeuxpersonnesdemême sexe sont contrenature.Quelleconnerie!—Net’inquiètepas,chérie.Josephtientàtoi,ilreviendratôtoutard.—Ahbon?Tusaisça,toi?—Biensûr.Pourmoi,c’estuncrétinquines’assumepasouentoutcasquin’assumepassavraienature,alors il sevoile la face.Mais ilaunmérite, il t’aimesincèrement.Ça,personnenepeutendouter.—Jen’appréciepaslamanièredonttuparlesdelui,Nahel.C’estmonfrèreetjeluisuistrèsattachée.Ilestceluidelafamilledontjesuisleplusproche.Ilatoujoursétéprésentpourmoi.— Écoute, Mad, je ne répondrai même pas, parce que sinon ça finira en engueulade, commed’habitude.Parcontre,ilmesemblequelesfoisoùtuasétéensituationdedétresse,aucunmembredetachèrefamillen’étaitlàetpersonnen’atéléphonépouravoirdetesnouvelles.Alors,excuse-moide ne pas partager ton avis. Et ne monte pas sur tes grands chevaux, ajoute-t-il, en voyant mespommettesrosird’indignation,jemesuisefforcéderestertrèspolidansmamanièredeparlerd’eux.Vrai.Jesaisbienqu’ilprendsurlui.Etdanslefond,iln’apastoutàfaittort,mêmesiparprincipejenesupportepasqu’oncritiqueceuxquej’aime.—Alors,fais-moiconfiancequandjetedisqu’ilreviendra.Ilasimplementunpeudemalàintégrercertaineschoses.—Lesquelles?—Le fait que tu soisune femme,par exemple, et qu’il nepuisseplus temanipuler à saguise.Tuprendstesdécisions,mêmesitunelesassumespastoujours,maistunepeuxnierquetuesdifférented’eux.Quandquelquechosetesemblejuste,tufonces,quandbienmêmec’estcontraireauxpréceptesqu’ont’ainculqués.Jemetrompe?—Non,j’admetsensouriant.Jenesuispasnécessairementd’accordaveccequ’ilpensedemonfrère,maisjen’ignorepasqu’ilyaunfonddevéritédanssesparoles.Et,effectivement,jesuisentraindem’affranchirdetouteslesrèglesquiontconstituémonéducation,mêmesiellesrestentfondamentalesàmesyeux.—Donc,danslamesureoùtueslibrecesoiretoùjemixeexceptionnellementauclub,jet’emmèneavecmoi.D’aprèsSo,tut’étaisbienamuséesurlapistededanse.—Jen’aipastrèsenvied’yretourner,jet’assure.Jepréfèret’attendretranquillementici.Etpuis,j’aiuncoursdemainàneufheures.—Pasquestion!Jesaiscequetupenses.Maispourquecesmauvaissouvenirsdisparaissent,ilfautnousenconstruired’autres,danscesmêmeslieux.Etpuis,quoi,merde!Tuesmagonzesse,affirme-toientantquetelle.Quelraisonnementdébile!Maiscommeilsembleyteniretquejenepeuxjamaisrienluirefuser,jecède.Commed’habitude!Concernantlafac,sijerateunematinée,ceneserapasbiengrave,jenesuisplusàçaprès!

36En entrant dans le club par l’arrière, je ne peux empêchermon estomac de faire des bonds.Déjà,duranttoutl’après-midi,alorsquejetravaillaismescours,j’aisenticommeunesensationdepaniquem’envahir,telunmauvaispressentiment.Versdix-huitheures,j’aienvoyéuntextoàJosephpourluisouhaiterunebonnesemaineetprendredesesnouvelles,maisiln’apasrépondu.Naheln’étaitpaslà,ilavaitdûs’absenterpourserendrechezFred.C’estdinguequandmême,parceque je ne l’ai jamais vu avec un cahier en main, ni faire un quelconque devoir. Soit il estextraordinairementintelligentetn’enapasbesoin,soitilsefichetotalementdesoncursus.Jepense,aprèsavoirlonguementréfléchiàlaquestion,qu’ils’agitd’unsavantmélangedesdeux.Ilestrentréendébutdesoirée.Nousavonsalorsdînérapidementetsommespartis.Maintenantquejem’apprêteàpénétrerdanscelieumaudit,jevoudraisêtren’importeoùailleurs.Peu après notre arrivée,mon petit amimemontre sa loge.Ce n’est pas la pièce où il se trouvaitl’autrefois,maiscellesituéejusteàcôté.Et,aumomentoùnousenapprochons,cettepestedeStellaapparaît. Son regard se pose aussitôt sur nos mains jointes et, quand Nahel l’aperçoit, je sens lapressiondesesdoigtsseraffermirsurmapeau.Pourtant,alorsquejem’attendaisàcequenousnousengouffrionssansattendredanslaloge,ils’avanceverselle.— Tiens, tiens, la fouille-merde ! Alors ? Ton barracuda t’a larguée, d’après ce que j’ai crucomprendre!murmure-t-il,suruntonquicachetrèsmall’antipathiequ’elleluiinspire.—Pourquoi?Tuesintéressé?demande-t-elle,aguicheuse,commeàsonhabitude.Àvraidire,elleoccultecomplètementmaprésence,faisantcommesijen’existaispas.—Certainementpas.Plutôtmetaperunesangsue!Parcontre,jetiensàteprévenir.AumoindrecoupbasousituadresseslaparoleàMadiepourluicrachertonvenindevipère,jeferaiensortequetusoispersonanongrataicietpartoutailleurs.—Jenevoispascommenttupourraisfaireça!— Je connais beaucoup de monde, tu devrais te méfier. Actuellement, ta réputation de sale puterépugnante n’est que confidentielle, si bienque tu trouves encore des pigeons qui tombent dans lepanneau.Maissitut’enprendsàmapetiteamie,toutStrasbourgseraaucourant.Jesuisbienclair?—Limpide,rétorque-t-elle,enblêmissant.—Net’approchepasd’elle,c’estunbonconseilquejetedonneetquetudevraissuivre.Jepensequ’elleacomprisquelamenaceétaitsérieuse.Sielleveutconserveruneviesociale,untantsoit peu épanouissante, elle n’a pas le choix, elle doit rester loin de moi. Je suis tellementreconnaissanteàNaheldesoninterventionquejepourraismemettreàgenoux,meprosternerdevantluietembrassersespieds.D’ailleurs,çamedonnesoudainuneidée…Lapremièresessiondemixageestunevraieréussite.MonDJestjusteégalàlui-même,fascinantetincandescent.Danslamesureoùilarefuséquejemerendesurledancefloorpourmedéhancheraumilieudelafoule, jesuisobligéederestersur lecôtédelascène.Souvent, ilmejettedesregardspourvérifierquetoutsepassebien.Franchement,escortéedeFred,deVince,deSoetdeSteph,jenevoispasbiencequipourraitm’arriverde fâcheux.Auboutdedeux titres,nousnous trémoussonstouslescinqdansnotrecoin,incapablesdenoustenirtranquilles.LorsqueNahels’enaperçoit,ilritetpoursuitdeplusbelle.

Uneheureplustard,ilquittelascènesousleshurlementsdel’assistancequil’ovationne.IlestsuivideprèsparFredqui reprend le flambeau. Ilmesemble trèsbonégalement,maispasduniveaudemonamoureux.Non,iln’apascedondeleverlesfoulespourlesentraîneraveclui.Sansunmot,Nahelm’attrapeparlamainetmetireverslaloge,avantdefermerlaporteaunezdeVincequinousavaitemboîtélepas.—Alors?Qu’est-cequetuenpenses?demande-t-il,ensetournantversmoi.Ilapresquel’airangoissé,attendantavecimpatiencemaréponse.Jesuisflattéeparlefaitquemonavissoit importantpour lui,mêmesidemonpointdevue iln’aquepeudevaleur,puisque jen’yconnaispasgrand-chose.—C’étaitgénial!Jesuistellementfièredetoi!Lecriducœur, jenepeuxpasqualifiermesproposdifféremment,mais ilssontvraimentsincères.Nahelestuncranau-dessusdetouslesDJquej’aientenduscesoir.Ilacequelquechosedetrèsrarequen’ontpaslesautres,mêmesij’ignoredequoiils’agitexactement.Lesoulagementquejelisdanssesyeuxestsiflagrant,quejerisdoucement.Jen’avaispascomprisquemonopinioncomptaittantpourlui.Celasignifiesansdoutequ’iltientàmoi.Cetteconstatationmegriseàunpointquevousnepouvezmêmepasimaginer.Soudain prise d’une témérité, probablement liée à la certitude d’être précieuse pour lui, jem’approcheetcollemoncorpsausien.Peuimportequ’ilsoitennage,cen’estpasmapréoccupation.Entourantsatailledemesdoigts,jemeredressesurlapointedespiedspouraccéderàseslèvres.Dèsqu’ilprendconsciencedemonintention,Nahelsebaisseunpeuetrépondàmonétreinte.Contremonventre, je sens son sexe prendre vie. Une fois de plus, je suis enivrée par l’émoi que ce contactprovoqueenlui.Aumoins,jenesuispaslaseuleàêtretroubléeauplushautpoint.Alors, l’unedemesmainssedirigeverscetendroitquejefrotteà travers le tissu.Sansunmot, jedébouclesaceinture,ouvreleboutonetlabraguettedesonjean.Puis,m’écartantdoucement,jemelaissetombersurlesgenoux.—Mad,proteste-t-il,ensecouantlatête.Tun’aspasàfaireça!Jeredresselementonpourcroisersonregard.Celui-ciestsombreetbrûlant.Ilabeaudire,ilenafollementenvie,çasesent.Etdanslamesureoùc’estégalementcequejedésire,jenevoispasoùestleproblème.—Jeveuxlefaire,murmuré-jed’unevoixrauque.Maisc’estlapremièrefoisetilvafalloirquetum’aides,jenesaispascommentm’yprendre.—Tuessûredetoi?—Absolument.Enmêmetempsquej’aiprononcécesmots,j’aibaisséunpeusonpantalonetsoncaleçon.Sonpénissedressemaintenantdevantmoi.C’estunechosede lecaresser,maisc’enestuneautrede l’avoirsouslenez!Jenepeuxm’empêcherd’êtreimpressionnéeparsatailleetsurtoutparsonépaisseur,mêmesicen’estpaslapremièrefoisquejeletouche.—Ohbonsang!Jenepeuxrienterefuser,tulesais.—Jefaisquoimaintenant?jem’enquiers,m’efforçantderesterconcentréesurmonobjectif.Pasquestiondemelaisserdistraireparletimbrerocailleuxquitrahitsonexcitation.—Tulesaisisàlabaseettulelèchessurtoutelalongueur.Jem’exécuteaussitôt,suivantduboutdelalangueleréseaudepetitesveinesquejepeuxvoirsouslapeaufine.—Mmmm,c’esttellementbon!Jerecommenceencoreetencore,avantdem’écarterpourattendresesinstructions.

—Tuprendsmonglanddanstabouche,tuluifaiscequetuveux.Puis,quandtuserasprête,essaiedele gober aussi loin que tu pourras. Tu as le droit de jouer avec ta langue, c’est même vivementrecommandé.Pourlesdents,gaine-lesavecteslèvresetahhhhh…Jen’aipasattendulasuitedesesinstructionspourentrerenaction.Mabouches’estouverteetavecuneapplicationquejenemeconnaispas,jetentedel’aspirer.Lorsquejelesenscognercontremagorge, jem’arrête.J’ensuisàpeineà lamoitié,maispourunepremièrefois, jenepeuxpasfairemieux. Tout enme servant demamain, je commence à entamer des allers-retours.Mes lèvres seresserrent un peu, tandis que ses doigts se glissent dans mes cheveux. C’est bizarre, mais pasdésagréable.Excitant,oui,maisplutôtparcequejesensqu’ilestentraindeperdrelecontrôle.Sesgémissementsdeviennentplusbruyants,plusfréquents,etsespoingssecrispentsurmatête.—Regarde-moi,ordonne-t-ildoucement.Jerelèvelevisage,sanspourautantlelâcher.Quandmesyeuxcroisentlessiens,j’ylisundésirbrutetunetendressequejen’yavaisjamaisvue.—Jet’aime,souffle-t-il,toutenmesouriant,bouleversé.Cetaveumegalvanise.Ilm’aime,ilvientenfindemeledire.Jeréalise,àcetinstantprécis,àquelpointj’attendaiscesmots.Moncœurs’arrêtedebattreetmespaupièress’humidifient.Refoulantmonémotion,jem’activeplusencoresursonsexe.Nahelaeubeaucoupdefemmesdanssavie,maisiln’estpasquestionqu’ilenregretteuneseule.Àmoidefaireensortequerienneluimanque.Mamain libre, qui était jusqu’àprésent crispée sur sa cuisse, sedirige tout naturellementvers sestesticules.Jesaisàquelpointilaimeça,etjen’aiqu’uneenvie,lesatisfairedelameilleuremanièrequisoit.Mabonnevolontédoitdépasserlamaladressedemesgestes.Un«Ah,putain,c’esttellementbon!»merécompensedecetteinitiative.Ducoup,jenesensplusladouleurquiagagnémesgenoux,nilacrampedemamâchoire.Après quelques instants, Nahel attrape mon visage de chaque côté, m’obligeant à cesser toutmouvement. Puis, ses hanches semettent à bouger, faisant entrer et sortir sa queue dema boucheimmobile.Jepassemeslèvressurmesdentsetresserremaprise.C’estcequileperd,jecrois,carlasecondesuivante,ilpousseuncrirauqueetsedéversedansmagorge,manquantdem’étouffer.Lorsqu’enfinilseretire,jesuissaisied’unequintedetoux.J’aiavalédetravers,nem’attendantpasàavoirlaboucheenvahieparceliquidevisqueux.Aussitôt,ilmeprendparlescoudesetm’aideàmerelever.Sursonvisage,jevoisdelaconfusion,mais aussi de l’amour. Oui, de l’amour. Un amour intense, fou et indéfectible. Cela vaut tous lesdésagrémentsdumonde.— Ah, mon ange, tu m’épateras toujours, souffle-t-il en m’amenant vers le canapé, après s’êtrerapidementrajusté.Puis,alorsquejem’assieds,encoreétonnéeparmapropreattitude,ilsetournepourrécupérerunebouteilled’eauqu’ilmetend.Jeboisavidement,tandisqu’ils’installeprèsdemoi.—Tupensaisvraimentcequetudisaistoutàl’heure?demandé-je.Enclair,jeluilaisseuneportedesortie,unepossibilitédeserétractersanspasserpourunsalaudfini.Ilpourratoujoursarguerquec’étaitsouslecoupdel’excitationetqu’iln’apasmesurésespropos.Mais,loind’êtremalàl’aise,ilconfirmeavecunsourireheureux.—Oui.Jet’aime,MadeleineGrangier,commejen’aijamaisaimépersonneetcommejen’aimeraijamaispluspersonne.Tum’obsèdesdepuislepremierjour.Jesupposequemonbonheurdoitseliresurmonvisage,parcequ’ilmeprendaussitôtdanssesbrasetmeserresifortquej’ail’impressiond’étouffer.

—Cesoir,tuserasàmoi?interroge-t-il,ens’écartantunpeu.—Biensûr,j’acquiescesanslamoindrehésitation.—Tu sais que je suis clean, je t’aimontré les analyses, ajoute-t-il, caressant doucementma joue.Alors,rienentrenous.Ceseralapremièrefoispourmoi,tuenasconscience?—Ahbon?—Oui.Jen’aijamaisbaisésanscapote.Maisavectoi,c’estdifférent.—Enquoi?—Nousnebaiseronspas,nousferonsl’amour.Çaaussi,ceseraunegrandepremièrepourmoi.Jenerépondspas.D’ailleurs,qu’yaurait-ilàajouter?Jesuisheureuse,c’esttout.Nahelesttoutceque jeveux, toutceque j’attendschezunhomme.Mêmesoncaractère, sidifficile,ne ternitpas lapassionquej’éprouvepourlui.Cegarçon,àlafoissolaireetombrageux,m’aime.C’esttoutcequicompte.Lebruitd’uncoupfrappéàlaportenousfaitsursautertouslesdeux.C’estVince.—Nahel,prépare-toi.Fredvaterminerdanscinqminutes,c’esttoiquisuis.—Déjà?jem’étonne,enlevoyants’écarter.— J’ai demandé à faire deux sessions rapprochées pour pouvoir finir plus rapidement et ne pasrentrertroptard.Àcesmots, je rougis,mêmesi jen’aipaspeur.Non, je suis impatiente,nerveuse,excitée,mais jen’éprouvepaslamoindreinquiétude.Maindanslamain,nousquittonslaloge.Çayest,c’estfait.J’aiconstruitd’autressouvenirsavecmonpetitamietceux-cisontassezintensespourmefaireoublierl’épisodedesdeuxnanas.

37Uneheureetdemieplus tard,nousnousengouffronsdanssavoiture.Àpeineavait-il terminé,queNahelm’aattrapéeparlamain,arécupérésesaffairesets’estprécipitéverslasortie,sansaccorderunseulregardàsesamis.Jesupposequec’étaitinutile,parcequ’àvoirnostêtesquandnousavonsémergé de la loge, tout le monde a bien compris ce qui s’y était passé.Mes lèvres enflées, mescheveux emmêlés, et son sourire béat étaient si flagrants que leurs visages se sont immédiatementfigésenunemouesardonique.SeulVal,quiarejointlabandeentre-temps,semblaitmécontent.—Yadesjoursoùj’aimeraisvraimentm’appelerNahel,a-t-ilgrommeléensedétournant.Hélas, il avait parlé trop fort et, si je l’ai entendu,monDJ, qui était debout juste à côté demoi, aégalementsaisilateneurdesespropos.Aussitôt,ils’esttournéverssonamietl’afusilléduregard.—Approche-toid’elle,touche-laettuesunhommemort.Jeneplaisantepas,Val,tusaisdequoijesuiscapable.—Nahel,suis-jeintervenue,voulantàtoutprixéviterunquelconqueconflitquiauraitpugâcherlasoirée.—Quoi?a-t-ilrépliquévivement,enpivotantversmoi.—Jesuisunefemmefidèle,fais-moiconfiance.Jenevoisaucunautremecquetoi.Cen’estpaslapeinedelemenacer,tun’asaucuneraisond’êtreencolère.Ilm’aalorsprisedanssesbraset,devantsesamisébahis,m’aserréecontrelui.—Jet’aime,Mad,tuesmonmiracle.Je crois qu’à cemoment-là on aurait pu entendre unemouche voler, si on excepte lamusique. Ilss’étaienttousfigés,commetétanisés.Jeprésumequ’ilsnedoiventpasavoirl’habitudedel’entendres’exprimerainsi.—Eh ben, a finalementmurmuré Sophie, ça, c’est une première.Madie, tu as réalisé unmiracle,effectivement. Tu es une sainte et si je ne me retenais pas, je me prosternerais devant toi et jet’embrasseraislespieds!J’aiéclatéderireetlatensionestretombée.Lerestedelasoirées’estdéroulécommedansunrêve,àlafoisinterminableettroprapide.Alorsquenousroulonsendirectiondemonappartement,jenepeuxm’empêcherdesourirecommeunebienheureuse. J’ai conscience dema chance. J’ai réussi àme faire aimer d’unhommedont letalentn’ad’égalquelagentillesse.Et lemauvaiscaractère,maiscettenuit jen’aiaucuneenvied’ypenser.Nousauronsencorebiend’autresoccasionsdenousengueuleretnuldoutequeçaarriveratrèsrégulièrement.Jeveuxcroirequenousparviendronstoujoursàdépassernosdifférences.Ceseradifficile,souvent,maispasinsurmontable.Dèsquenouspénétronsdansl’ascenseur,ilsecolleàmoi,mepoussantcontrelaparoidelacabineetm’embrassantavecpassion.Lorsqu’ils’écarte,jesuisestomaquéeparsabeautésisauvage.Vêtudesoncabanbleumarine,dontlecolestrelevé,ilestjustehallucinantdeséduction.Danslecreuxdemonventre,unebouled’excitationcommenceàseformer,pourgagnerl’ensembledemon corps à la vitesse de l’éclair. Oh, j’ai tellement envie de lui que j’ai l’impression demeliquéfiersurplace.

Nousavonstouteslespeinesdumondeànouscontenirpourrejoindrelaportedemonappartement.Àchaquepas,nousnousarrêtons,échangeantdesbaisersbrûlants,noslangueslaissantlibrecourtàleurardeur,sortantallègrementdenosbouchesdontleslèvresn’arriventplusàsetoucher.C’estàlafoisdécadentetdélicieusementsensuel,etj’adoreça.Tandisquejeparviensàdéverrouiller,Nahelsecollederrièremoi,sefrottecontremesvêtements,faisantunpeuplusmonterlapression.Alorsqu’ilmeserrecontrelui,passantsesbrasautourdemoiengrognant,jenepeuxm’empêcherdepouffer.Monmecestentraindesetransformerenhommedescavernes.Jenepeuxpasvousdireàquelmomentjeréalisequ’ilyauntrucpasnet.Jecroisquec’estquandlaporte se refermeet quenous avançons, enlacés, vers lapièceprincipale, riant commedesgamins.Étrangement,lalumièredematabledechevetestallumée.Or,jesuiscertainedel’avoiréteinteavantdepartir.Quandjerelèvelesyeux,lapremièrechosequejevois,c’estleregardeffarédepapaposésurmoi.Enmoinsdetempsqu’ilnefautpourledire,jem’écartedeNahelqui,alertéparmasoudaineraideur,seredresseetdécouvrelespectaclequisedérouledevantnous.Ilyalàmonpère,mamère,masœur,sonmari,ainsiquemontraîtredefrère.Celui-là,jevousjurequ’il me le paiera. Je l’avais pourtant prévenu. D’ailleurs, avant même qu’il puisse réagir, je medégagede l’étreintedemonamoureuxpourenlevermaveste, la jetersurunechaiseetmedirigerverslui.Lorsquejepassedevantmaman,jelavoissesignerenobservant,catastrophée,Nahel.Maiscen’estpascequimepréoccupe,encemoment.Là, toutdesuite, j’écume justede rage.Merde, ilm’avaitpromis!Mais,àbienyréfléchir,ilmesemblequ’iln’arienditencesens.C’estmoiquiai,àtoutprix,voulucroirequ’ilétaitdignedeconfiance.—Qu’est-cequetun’aspascomprisdanslaphrase«nedisrienauxparents,considèrequetuestenuausecretdelaconfession»?Non,parcequelàtoutdesuite,j’aibeaucoupdemalànepastesauteràlagorgepourtepéterlagueule,connard!Jesuisdésolée,jenem’exprimepassouventdecettemanière,maisjesuistellementfurieuseetdéçueà la fois, que je pourrais enpleurer.Cette soirée devait être un feud’artifice, une apothéose entreNaheletmoi,etcertainementpasuntraquenardcommeceluiqueJovientdemetendre.—Madeleine,s’écriemonpère,jet’interdisdet’adresseràJosephdecettemanière!Ilafaitçapourtonbien,pourteremettresurledroitchemin,parcequ’ilsentaitquetut’éloignaisdeDieu!Jepivoteverslui.Ilsetientàquelquesmètres,s’étantvolontairementinterposéentremonDJetmoi.Avecsahautetailleetsescheveuxclairsquicommencentàlaisserplaceàunelégèrecalvitie,c’estencoreuntrèsbelhomme.Derrièreseslunettes,sesyeuxbleus,sisemblablesauxmiens,exprimentundésespoirpalpable.Ilcroitvraimentàsesparoles,alorsqu’ellesm’apparaissentcommeunramassisdeconneries.Jeneveuxpasimaginerqu’êtresincèrementamoureused’ungarçon,detoutsoncœur,detoutsoncorpsetdetoutesonâme,estmal.Non,jamaispersonnenemeferagoberça.Maissatristesse,ainsiqueleslarmesdemamère,medéchirent.Jelesaimesitendrement,touslesdeux.C’esttellementinjustedemedemanderdechoisirentreeuxet l’hommedont je suis folle.Parceque jen’aiaucune illusion,c’estexactementcequivasepasser.Mesyeuxseposentsurmasœur,quêtantsonsoutien.Maisellesedétourne,malàl’aise.D’ailleurs,pourquoiest-elleici?Quiplusest,avecmonbeau-frèrequejen’appréciequetrèsmodérément.C’estunprétentieux, imbude lui-même,qui dans songenre est assez intégriste. Je sais qu’ellen’est pasheureuseaveclui,celafaitlongtempsquejem’ensuisrenducompte,mêmesijesuisprobablement

laseuledanscettepièce.Mariesemble,elleaussi,hypnotiséeparNahel,quineluiprêtepoursapartaucuneattention.Quand elle se tourne à nouveau versmoi, je vois bien qu’elle a comprismondilemme, à son aircompatissant.Oui,elleaparfaitementsaisicequim’attireenlui,sansdouteparcequ’elleestjeuneetquec’estunefemme.Lafascinationqu’ilexercen’adécidémentaucunelimite.Pourtant,elleneferarienpourm’aider,elleestencoreplusquemoisousl’influencedenotreéducationetdecesdogmes,dontonnousabourrélecrânedurantdesannées.Josephtentedem’attraperparlebras,aumomentoùjeluitourneledospourrejoindreNahel.Luilançantunregardmauvais,jemedégaged’unesecoussesèche,avantdetraverserlapiècepourmerapprocherdeceluiquej’aime.—Papa,maman,jevousprésenteNahelElkhouri.Ilestétudiantcommemoietc’estmonpetitami.Voilà,c’estdit.Aussitôt,lamaindemonamoureuxvientseposersurmonépaule.—Jenesaispascequevousfaitesici,nipourquoivousavezfaittoutcechemin.—Madeleine, intervientmamère pour la première fois.Dans notre famille, nous n’avons pas cegenre de relations avec la gentmasculine.Nous nous préservons pour celui que nous épouserons.Nousnousengageonsavecunhommeetunseul.Tunepeuxpastepavaneraubrasdece…cepetitvoyou,sansjeterlahontesurnous.Tudoiscesserçatoutdesuite.—Tuvaslequitterimmédiatement.Tum’entends?enchéritmonpère.Chaquebrebispeuts’égarer,maisilestdenotredevoirdeteramenerversledroitchemin,avantqu’ilnesoittroptard.Tupeuxencoreterepentirdetesmauvaisesactions!Je sens la main de Nahel se crisper, signe qu’il est à deux doigts de perdre patience. Or, c’estexactementcequejedoiséviter.—Papa,maman,jel’aimeetilm’aimeaussi.Iln’yaaucuneraisonpourquenousnousséparions,tenté-jedeplaider.Je n’attends pas d’eux qu’ils me donnent leur bénédiction, mais simplement qu’ils acceptent meschoixdevie.—Alors, tuneserasplusnotrefille,annoncemonpèredansunsanglotdedésespoir.Jamais jenetolèreraiquemonenfantpactiseaveclediable!—Maisiln’estpaslediable!Situprenaislapeinedeleconnaître,tuverraisquej’airaison!—C’estunmusulman!s’écrie-t-il,avechargne.C’estbiençaleproblème,j’auraisdûm’endouter.Enboncatho,ilnepeutpassupporterquesafillefréquenteuntypedontlareligionestdifférente.—Qu’ensavez-vous?demandeNahel.—Avecvotre nom, celameparaît évident.Écoutez, jeunehomme, je n’ai rien contre vous à titrepersonnel,maisnousnemangeonspasdecepain-là.EtcequeJosephnousarévéléàvotresujetestscandaleux!MapetiteMadeleinenepeutpasfricoteravecvous.—Pourquoi?Parcequejen’aipasleprofilrequis?Vousestimezquejenesuispasassezbienpourelle?—NON!Parcequevousêtestoxiqueetmalfaisant!Vousêteslediableincarné,espècededroguédépravé!Papaahurlécesmotscommeoncrachesonvenin.J’ensuislapremièrechoquée.Jamaisjenel’avaisvudanscetétat.Monamoureuxmelâchepourlapremièrefoisetsedirigeverslui,leregarddéterminé.Iln’estpasdugenreàselaisserinsulter,jelesais.Etvoilàquemamèresemetàsangloterbruyamment.Quelpsychodrame!Ah,elleestloinlanuitd’amouràlaquellejem’attendais!

Quandilseretrouvenezànezavecpapa,ill’attrapeparlecoletlanceavecuneviolencedanslavoixquejeneluiavaisjamaisentendue.—Vousêtesunpauvretype,complètementcinglé!Vousdécrétezdesvéritéssurdessujetsquevousneconnaissezmêmepas.Simonpèreestlibanais,iln’enrestepasmoinsqu’ilestchrétien.Mamèreestathée,toutcommemoi.—MonDieu,unhérétique!—Çasuffit,putain!Aulieudemejugersansmedonnerlamoindrechance,vousferiezmieuxdebalayerdevantvotreporte!Quandonaunfilshomosexuel,quiatellementpeurdelaréactiondesesparentsqu’ils’engagedanslesordres,onfermesagueuleetonnelaramènepas!C’est là que Lionel, mon crétin de beau-frère, intervient, alors que personne ne lui avait riendemandé.—Lâchezcesainthommeimmédiatement,commande-t-il,avecsonairsupérieurquigonfletoutlemonde.Il s’approcheetcommet l’erreurdeposersamainsur lebrasdeNahelpour leséparerdepapa. Iln’enfautpaspluspourquecedernierréagisse.Rejetantsatêteenarrière,avantdelalancerenavant,danssadirection,illuiassèneuncoupdeboulequilefaittomberparterre.Puis,lâchantmonpère,ilsetourneversmoietmeprendparlepoignet.—Viens,Madie,onvachezmoi.Jejetteunregarddésespéréverslascènedramatiquequisedérouledevantmoi.Monbeaufausol,monpaternel en état de choc,mamère etma sœur qui pleurent.Et Joseph, hagard, qui contemplecommemoi,lespectacle.MonDieu,commejeluienveux!—Tuescontentdetoi?jelancedanssadirection.Ilneréagitpas.C’estlàquejecomprendsqu’ilestterrifiéparl’impactdecequeNaheladitàsonsujet.Etjeréaliseégalementque,depuisledébut,monamoureuxestdanslevrai.C’esttragique,maisjen’aipasletempsd’avoirpitiédelui.Jedoisàtoutprixarrangerleschosesetéviterledésastrequiseprofileàl’horizon,aussisûrementquelejouraprèslanuit.TantqueNahelseralà,jen’yparviendraipas.Ilattisetropleurhainepourquejepuisselesraisonner.—Madeleine,reprendpapa,tudoisterepentiretprierpourlesalutdetonâme.Mets-toiàgenoux,mafille!Commeuneseulepersonne,toutemafamilleselaissetomberausoletcommenceàréciterdesNotrePèreetautreCredo.Maisilssonttousdevenusfous,maparole!SaisissantNahelparlebras,jel’entraîneverslaported’entrée.Danslepetitvestibulesombre,jesuisàl’abrideleursregards,maispasdeleursoreilles,malheureusement.—Nahel,tudoispartir,toutdesuite.—Quoi?Maisnon!proteste-t-ilavecvigueur.Mad,nefaispasça,nemechassepas!Regarde-les,ilssontcomplètementfêlés.Laisse-lesetviensavecmoi!—Jenepeuxpas.C’estmafamilleetjetiensénormémentàeux,tenté-jedefairevaloir,mêmesijedoutequ’ilpuissecomprendre.—Chérie,moiaussi,jet’aime.Tunepeuxpasmequitter,jet’ensupplie.J’observesesjouesrosiesparl’indignationetsesyeuxanormalementbrillants,désespérée.Jel’aimetant,maisjenepeuxpas.Jesuisattachéeàmesparentsplusquetout,jesuisloyale,jel’aitoujoursété.Toutcequejeveux,c’estunpeudetemps.Jesaisquejeparviendraiàleurfaireentendreraison,maispass’ilestprésent.—Pars,murmuré-jeavectristesse.Jeterappellerai,maistudoist’enallertoutdesuite.Tantquetuseraslà,jenepourraipasarrangerleschoses.C’estdéjàtellementcompliqué.

—Non,nefaispasça.Sijepasselepasdelaporte,ceserafini.C’estlaseulemanièrequetuaurasd’arrangerleschoses,commetudis.Tunepeuxpasmettreunecroixaussifacilementsurmoi,surnosmomentsdebonheur.Naheltentedem’enlacer,demeprendredanssesbras.Ils’accrocheàmoi,refusantdecéder,alorsqu’il sait très bien comment ça se terminera. Je sens une infinie tristesse et de la révolte dans sonattitude,maiscelanemesuffitpas.Nevoyantaucuneautresolution,jemedégageetrecule.—Jet’ensupplie,va-t’en.—Alors,toutestfinientrenous.J’aimeraispouvoirledétromper,enleverlapeinequej’entendsdanssavoix,maisj’ensuisincapable.Non,rienn’estterminé,maislechoixentreluietmafamilleestsicompliquéquejenesaispasquoifaire.Latêtebaissée,jenerépondspas.Lorsque laporte se refermedansunbruit sourd, jedoisprendre surmoipournepas le suivre etm’enfuiraveclui.Hélas,c’estimpossible.Uneépreuveplusdifficilequelesdouzetravauxd’Herculem’attendmaintenant.Essuyantleslarmesquiroulentsurmesjouesdureversdelamain,jeretourneverslapièceoùmonpères’estrelevéetpiétined’impatience.D’unepressionsurl’épaule,ilm’obligeàm’agenouiller.—Je savais que tu reviendrais à la raison,mon enfant.Madeleine est de retour parmi nous.Nousallonsluipardonnersesmomentsd’égarementetprierpourlesalutdesonâme.Mafille,repens-toiauprèsduTout-Puissantetdemande-luid’absoudretespéchés.Je ferme les yeux, avant de les rouvrir.Non, je n’ai pas l’intentionde regrettermonhistoire avecNahel.Ilestcequim’estarrivédeplusbeauetjel’ailaissépartir.Jel’aiperduparloyautépoureux,pasparcequejepartageaisleursconvictions.Leslarmesmegagnentànouveau,alorsquenoussommesinstallésenrond,nosmainssetouchant,pendantquenousrécitonsnosprières.Soudain,jemesurel’étenduedusacrificequim’aétédemandé.J’airenoncéàl’amourdemaviepoureuxetilmesemblequejen’auraijamaisassezdetoutlerestedemonexistencepourleregretter.

38

NahelEnmarchant,solitaire,sansbut,danslanuitglacialedecemoisdenovembre,jesuisjustehallucinéparlascènesurréalisteàlaquellejeviensd’assister.Bonsang,quellebandedemaboules!Puis,jeprendsconsciencedecequis’estpassé.Jen’aipasréussiàgarderlaseulefemmequej’aiejamais aimée. Madie était mon soleil et je suis à nouveau plongé dans la noirceur. Ce sentimentd’impuissancem’envahit,lemêmequeceluiquim’avaitgagnéquandj’aivumonfrèreétendusurlesolgeléd’untrottoirnew-yorkais,victimed’uneballeperdue.Décidément,quoiquejefasse,jefinistoujoursparêtrelâchéparceuxquej’aime,aumomentoùjem’yattendslemoins.Larévoltegrondeenmoi, jecroisquejepourraislestuer, tousautantqu’ilssont,pouravoirosémeséparerdemonangeblond,sibelleetsiinnocente.Putain, j’auraisdû lesavoir.D’ailleurs, je l’aicomprisà l’instantmêmeoù je lesaivus,patientantdanslesalon,alorsquenousnepensionsqu’àunechose:baiser.Mad est forte, elle a de la personnalité et du caractère,mais elle est sous leur influence depuis sanaissance.Ellen’apaslesépaulesassezsolidespourserebelleretalleràl’encontredesonéducation,etde ceuxauprèsdequi elle agrandi. J’ai stupidement cruque lesmiennes le seraient assezpourdeux,maisj’aifaitfausseroute.Oui,elleestintègreetloyale,ellel’atoujoursété.Combiendefoislesa-t-elledéfendusenversetcontretoutelogique?Larespirationcoupéeparlesémotionsquim’agitent,jelèvemonvisageversleciel.Lalunebrille,rondeetpleine.Soudain,toutsebrouille.Deslarmesdedésespoirenvahissentmesyeuxetroulentsurmesjoues,sansquejepuisselesstopper.Putain,jen’aipasétéaussimalheureux,jenemesuispassentiaussimisérabledepuisdesannéeset,plusprécisément,depuislamortdemonpetitfrère.Aveclerecul,jeréalisequecen’étaitrienfaceàladésolationquis’estemparéedemoidepuisquelaportedesonappartements’estrefermée.Presquemalgrémoi,jememetsàfredonner,toutdoucement,lesparolesdecettechansonquejeluiaichantéeetquemonfranginaimaittant.No,Ican'tforgetthiseveningOryourfaceasyouwereleaving,ButIguessthat'sjustthewaythestorygoesYoualwayssmilebutinyoureyesyoursorrowshows…

Jen’auraisjamaispenséquecesparolesferaientautantsens,encetinstant,alorsquejemesensauborddugouffre,surlepointdebasculer.Oui,jen’oublieraijamaissonvisageravagéparlapeine,

pasplusquelesmomentsdebonheurquej’aiconnusdanssesbras.Delonguesminutesplustard,lecolremonté,lesmainsdanslespochesdemoncaban,jem’éloignedans la nuit. En la perdant, elle, j’ai tout perdu. Je ne suis plus qu’une enveloppe vide, une âmedésespéréequis’enfonce,solitaire,danslesténèbres.

Àsuivre…

PLAYLISTParce que lamusique occupe une part très importante quand j’écris, voici quelques titres que j’aiécoutésenimaginantMadieetNahel.

HarryNilsson-WithoutyouMurrayHead–Sayitain’tsoCalvinHarris–BlameShowtek–SlowdownDavidGuetta–DangerousLostFrequencies–AreyouwithmeTheAvener–FadeoutlinesKygo–FirestoneChic–I’llbethereRobinSchulz–WavesRobinSchulz–SugarFelixJaehn–Ain’tnobodyFlum–You&meSynapson–Allinyou

REMERCIEMENTSCommed’habitude,l’exerciceestcompliquéetjeneveuxsurtoutoublierpersonne.Toutd’abordungrandmerciàmestroisadolescents(Nicolas,MathiasetQuentin),sijemaîtriselelangaged’jeuns,c’estsurtoutgrâceàeux.Unepanned’inspiration?Jem’installeàtableaudîneretjelesécoute!Ensuite,ungrandmerciàmesdeuxbêta-lectrices,KristenetNathalie.Vosencouragementsmesonttrèsprécieux,vosconseilsaussi.Unepetitepensée,également,pourJulieHuleux,romancière,quialuledébutdeceroman,présentéauconcoursLattèspourlacollection&moietm’aprouvé,enm’adressantunlongmessage,quejenefaisaispasfausseroute.Pourfinir,unementionspécialeà toutes lesfemmesquisouffrentd’endométriose.C’estencoreunsujettabou,mêmes’iltouchebonnombred’entrenous.Non,cen’estpasnormaldesouffrir,malgrécequenosmèresontpunousexpliquer.

L’AUTEURNathalieCHARLIERestune romancière françaisespécialiséedans legenresentimental.EllevitenAlsaceentouréedesonmarietdesesquatreenfants.Sonpremierroman«Unmensongepourêtreaimée»estparuauxÉditionsAmorosaenmars2012.«Prisonniersdeleurpassé»,sondeuxièmeouvrageestquantàluiparuenjuin2013.«LavengeancedeClaire»asuiviennovembre2013.Etentre-temps,vousavezpusuivre lesaventuresdeJulieetRaphaëldanslasérienumérique«Apprends-moi».Enavril2015,paraîtle1er tomede«TroublanteObsession»quiestaussitôtunsuccès.L’excellentaccueil par les lectrices de cette histoire, écrite en quelques semaines, est aussi extraordinairequ’inattendu.Enjuillet,paraît«Histoiresdefemmes,histoiresd’amour»,regroupantdeuxnouvellesplus courtes. Depuis, le tome 2 de « Troublante obsession » est venu s’ajouter à tous les autresouvrages.Depuismai2015,Nathalieestauteuràtempspleinetcontinueàs’autoéditertrèsrégulièrementpoursonplusgrandplaisir.

Autrestitresdumêmeauteur:

Prisonniersdeleurpassé.NCLÉditions,juin2013.LavengeancedeClaire.NCLÉditions,octobre2013.SérieAPPRENDS-MOI,NCLÉditions,août2013àjuillet2014.Desapparencestrompeuses–NCLÉditions,nov.2014Apprends-moitome1-NCLÉditions,septembre2014Apprends-moitome2-NCLÉditions,décembre2014Troublanteobsessiontome1-NCLÉditions,avril2015Histoiresdefemmes,histoiresd’amour-NCLÉditions,juillet2015Troublanteobsessiontome2-NCLÉditions,octobre2015

TROUBLANTEOBSESSIONTOME1

NathalieCHARLIERMon nom est Louis-Joachim NEYRAC et je suis ce qu’on appelle communément un enfoiré depremière.Jen’aiaucunsensmoral,aucunétatd’âme,ettoutestbonpourquejeparvienneàmesfins.Jemesersdemonphysique,desfemmesetdel’argent,afind’assouvirmaquêtedepouvoiretmasoif devengeance.Cettemécaniqueparfaitement huilée fonctionneparfaitement et c’est grâce à cemodedefonctionnementquej’airéussibienau-delàdemesattentes.Jusqu’aujouroùmonchemincroiseceluideLara.Elleestd’unebeautérenversanteetd’unecandeurdésarmante.Safraîcheuretsajoiedevivrem’attirentcommepeutl’êtreunpapillonparlalumière.Pourtant, rien n’est possible entre nous et je mets très vite un terme à cette relation naissante.Seulement, il m’est impossible de couper court et pour la première fois de ma vie, j’éprouve lebesoinviscéraldeprotégerunefemme,mêmedeloin…

TROUBLANTEOBSESSIONTOME2

NathalieCHARLIERLaram’aquittéetilmesemblequemavies’estarrêtéecejour-là.Alors,quandBarbaramecontacte,catastrophéeparcequesapetitesœuradisparu,jesaisqu’ilestsurvenuquelquechosedegraveàmarouquine.Etj’ai,hélas,raison.Unmalheurn’arrivantjamaisseul,sonpèreestvictimed’uninfarctus.Aussi,jemeproposedelarécupéreràLondres,lorsqu’elleestenfinretrouvée.Maislarevoirestunvéritablechoc.Ellen’estplusquel’ombred’elle-même,suiteàuneviolenteagression.Etsurtout,elleaterriblementbesoindemoi.Mêmesijenel’avoueraijamais,j’adorequ’ellesoitsidépendante,enbonmaniaqueducontrôlequejesuis…

Cettehistoireestunefiction,toutdroitsortiedel’imaginationdel’auteur.Touteressemblanceavecdespersonnes,lieuxouévènementsexistantsouayantexisté,seraitpurementfortuite.

Dépôtlégal:janvier2016Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et réservée à un usage strictement privé. Toutereproductionouutilisationautrequepersonnelleest interdite.Celaconstitueunecontrefaçonetestsusceptible d’entraîner des poursuites civiles ou pénales (article L335-2 et suivants duCode de laPropriétéintellectuelle).

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Créationdecouverture:NathalieCHARLIER-LOWE

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PourlecomptedeNathalieCharlier-NCLÉditions

ECSTASYWITHOUTYOU1234567891011121314151617181920212223242526272829303132333435363738PLAYLISTREMERCIEMENTSL’AUTEURAutrestitresdumêmeauteur:TROUBLANTEOBSESSIONTROUBLANTEOBSESSION

Dépôtlégal:janvier2016