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Magazine réalisé par les étudiants de licence professionnelle journalisme de l’IUT de Lannion Bretagne Sports d’ Attaches Septembre 2010

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Magazine réalisé par les étudiants de Licence Professionnelle de Journalisme de l'IUT de Lannion - Année 2009-2010 - Côtes d'Armor - Bretagne - France

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Magazine réalisé par les étudiants de licence professionnelle journalisme de l’IUT de Lannion

Bretagne

Sportsd’ Attaches

Septembre 2010

Sportsd’Attaches 1abcdefghijklmnopqrtuvwxyz

à travers l’exemple d’un club de football d’une commune rurale du Trégor, Cavan, la spécialité télévision de la licence professionnelle s’est intéressée à la relation entre vie sportive et vie locale. Le reportage produit par les cinq étudiants de l’option dépeint le sport comme vecteur de socialisation et de construction d’un territoire et de son identité. D’autres thématiques, comme l’engagement associatif dans le village et la diversification des offres de loisirs en milieu rural, sont aussi abordées. Comme l’an dernier, le projet intitulé « C’est Mieux Cavan », sera d’un format de vingt-six minutes. Il sera diffusé par plusieurs télévisions locales bretonnes (Tébéo, TV Rennes 35, Ty Télé) dans le courant de l’automne 2010.

Pour cette première année d’existence, l’option radio réunissait huit étu-diants, dont deux à l’étranger (Rabat et Québec). Elle a choisi de se pencher sur l’influence de l’En Avant de Guingamp sur le territoire de la Communauté de communes. Impacts économiques, politiques, sociaux ou encore touristiques, les retombées sont nombreuses. Une enquête de vingt minutes, des reportages et un invité : Lucien Thomas, président du Comité régional olympique et sportif de Bretagne, composent cette émission d’une heure, diffusé le 23 mai 2010 sur les ondes de Variation, la radio locale de Lannion, Guingamp et Saint-Brieuc. Une émission qui analyse le rôle de L’En Avant de Guingamp dans la création du dynamisme territorial.

Les sept étudiants de l’option presse en ligne ont travaillé sur le rôle des sports de littoral dans la socialisation des individus. Le site est divisé en trois rubriques abordant chacune un thème différent, comme la diversité sociale ou la création d’une identité commune. Un choix fait en raison du caractère maritime de la Bretagne et du rôle que la mer occupe dans la vie des habitants de ce territoire. La part belle a été faite à la voile, mais aussi au surf, au bodyboard, au kitesurf, au char à voile... Autant d’activités qui ont un impact dans la vie des groupes sociaux étudiés et que les étudiants de la spécialité ont souhaité analyser. En bonus, un article sur le littoral belge par une élève exilée !

Les articLes, photos, vidéos et podcast sont consuLtabLes à L’adresse : http://coteetsport.iut-Lannion.fr/

Le sport est souvent porté aux nues pour les bienfaits rassembleurs et unificateurs qu’il véhicule. Mais depuis un certain temps, les risques et les maux découlant de cet « opium du peuple » apparaissent sur le devant de la scène. Les quinze étudiants de la spécialité magazine de la licence professionnelle ont décidé de mettre en lumière les différentes facettes du sport. La zone de couverture du magazine est la Bretagne, première région sportive de France par sa proportion de pratiquants. Les multiples acteurs y font preuve d’un dynamisme permettant le développement des pratiques et des structures sportives. à travers quatre rubriques, il s’agit d’expliquer le rôle, positif ou négatif, que peut jouer le sport dans la socialisation des Bretons, sur un plan collectif ou individuel.

«L e sport est l’esperanto des ra-ces», écrit Jean Giraudoux. Quoi de plus efficace que le sport pour rassembler les individus et les

peuples, même les plus éloignés ? Quelques exemples significatifs : la France « black, blanc, beur » rassemblée un soir de juillet 1998. Une nation qui s’em-brase pour les handballeurs tricolores entrés dans l’histoire en janvier 2010. Ou l’extase et l’admiration de quelques-uns lorsque David Douillet assomme le dieu japonais Shinichi Shinoara lors des Jeux Olympiques de Sydney. Le sport est une caisse de résonance des sentiments humainsPas seulement celui de haut niveau qui, dans l’instantané, produit et entretient

facilement des illusions. Il suffit de se rendre sur les bords d’un parquet, d’un tatami ou d’une pelouse, près des anonymes, pour s’apercevoir que le sport lie des acteurs en tout genre et véhicule des valeurs de solidarité, de respect ou encore de courage. Le sport fait office de trait d’union. Première région sportive de France avec ses 818 000 licenciés, la Bretagne en est le plus bel exemple. De La Guerche à Hennebont, en passant par Saint-Brieuc et La Forêt-Fouesnant, de belles histoires naissent et perdurent dans le temps. Ouvrez et découvrez. Mais gare à l’excès de naïveté. Cette contribution du

sport à la vie sociale peut aussi cacher la rupture, la blessure ou encore la triche. Et produire tout aussi bien tristesse, dépression et violence. Dans les parcs, les cours de récréation, sur les parkings des cités, le sport nous saisit dans notre vie quotidienne bien au-delà de la pratique pure et dure. Si prégnant, qu’il est difficile d’y échapper. Tout est question d’équilibre.

Louis DabirRédacteur en chef de Sports d’Attaches

Sport d’attaches

Un projet multisupport

Sportsd’Attaches 3abcdefghijklmnopqrtuvwxyz

Sport en Scène 4Desjoyeaux, professeur à domicile

7 Joue-la comme un pro10 Foot à la une

12Quand l’entreprise embauche le sport14Métro, boulot, abdos

InveStIr le Sport

15 Les collectivités retirent leurs billes 19 Le nouvel envol des Hawks

21 Hennebont saisit la balle au bond 24 Le Graët, titulaire indiscutable

terreS de Sport

26 Plouay crèverait-elle sans vélo ?28Jeux d’antan face au présent

31 Sports gaéliques dans l’Eire du temps35 Le pseudo derby

36 La voile, un sport pas si breton40Bretons à Paris, l’intégration par le foot

Sport pour Se conStruIre

L’ordinaire des ultras 42Du dojo à la philo 45Marche ou crève 48Sport, supporters, spectateurs 50Un dada de famille 56éveno, souverain sur le terrain 58Prête-moi tes yeux 60

Sport à HautS rISqueS

Sport-études, l’omerta du bizutage 63Sport addictude 65 Triche et sport, même combat 66Penser une plaie 72Guivarc’h, le grand Bleu dans le petit bain 74

(Photos une et sommaire : Emmanuel Schmitt)

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Sport en Scène

à vingt ans, l’âge où beau-coup profitent des plai-sirs de la vie, Michel Des joyeaux embarque

en compagnie de son ami Roland Jourdain, la vingtaine lui aussi, sur le bateau d’éric Tabarly pour faire le tour du monde. Une motivation sans faille et le désir d’apprendre, avec un monstre sacré de la discipline comme moteur. « Si tu n’avais pas réellement envie, tu ne montais pas à bord », se rappelle l’intéressé. Premier contact avec le grand large à bord de Côte-d’Or, sous l’œil bienveillant du vieux loup de mer, besogneux et taiseux. « à l’époque, on était considéré com-me des barjots, explique ‘‘Bilou’’ Jour-dain, et Tabarly nous a légitimés ». Un

quart de siècle plus tard, le résultat est sans appel. Le palmarès de Mi-chel Desjoyeaux dégage une savou-reuse odeur de victoires : triple vain-queur de la Solitaire du Figaro, roi de la course en solo avec deux Vendée Globe à son actif, une Route du Rhum et une si convoitée Transat dans la musette. En 2009, les journalistes du Télégramme l’ont élu « sportif breton de l’année ».

héritage parentaLMais Michel Desjoyeaux est-il vrai-

ment un représentant du sport en Bretagne comme le furent éric Tabar-ly et Bernard Hinault en leurs temps ? Fait-il preuve d’un attachement sans faille à la région dans laquelle il vit au point d’en devenir indissociable aux yeux d’autrui ? « Je ne trouve pas que Michel est le sportif breton par excellence. Il est connu dans toute la France », tranche May, sa maman. Bilou Jourdain, apporte lui aussi un début de réponse : « Je pense que Mich n’a pas les racines bretonnes. Ses parents ne sont pas du coin mais l’ancrage est à Port-la-Forêt. » Bre-ton ? Vendéen ? Citoyen du monde ? Son identité n’est pas facile à cerner. Pour comprendre ce marin d’excep-tion et les liens qu’il entretient avec la mer, il faut se pencher sur sa fa-mille. Son amour pour le large et les bateaux est un héritage parental. Il transparaît dans l’ascension du navi-gateur le plus titré en solitaire, dans sa manière d’appréhender la vie. Stéphanois d’origine, Henri Des-

joyeaux, le père, pose ses valises sur l’archipel des Glénan, dont l’école de voile initie des générations de marins et plaisanciers aux ficelles de la na-vigation. Il ne quittera plus jamais la Bretagne. Doté d’un esprit d’aventu-

rier et de bâtisseur, Henri Desjoyeaux quitte l’archipel finistérien après avoir organisé et développé l’école de voile. Il parcourt la Bretagne sur son solex en quête d’un petit coin de paradis pour créer une infrastructure d’hiver-nage et d’entretien des bateaux en bois. Kervelen, un lieu-dit non loin de la Forêt-Fouesnant (29) fait l’affaire. « Au début, la côte n’était pas béton-née. Il n’y avait que nous, des landes, des marécages », se remémore May. Un premier hangar et la maison fa-miliale sont édifiés. Le 16 juillet 1955, Michel, le septième et dernier enfant de la fratrie, voit le jour, les pieds dans l’eau. « Même Obelix a atten-

du d’être petit pour tomber dans la marmite. Moi je suis tombé dedans avant d’être jeune », s’amuse le quin-quagénaire aux yeux bleus. Les jeu-nes pousses de la famille passent des heures dans l’eau. Et Michel fait connaissance avec les embarcations qui passent l’hiver à l’abri dans les hangars. Une cour de récréation qui lui permet de s’évader entre les heu-res de classe dispensées à la maison par la maman jusqu’en CM2. Une vraie vie autarcique. Naturellement, les bateaux apparaissent comme les jouets favoris de l’enfant. Dans cet univers marin, le futur champion se façonne. May évoque une anecdote : « Il y avait un ébéniste qui travaillait avec une adresse incroyable. Les enfants allaient à son atelier pour

Professeur Michel Desjoyeaux

collectionne les victoires à la barre de ses navires. Connu du grand public, le marin finistérien dégage

cependant une image complexe. Parfois Breton,

Vendéen ou citoyen du monde. Pour comprendre son univers, il suffit de se rendre à Port-la-Forêt, là où la famille Desjoyeaux

a posé son baluchon il y a plus de cinquante ans.

...

« Même Obélix a attendu d’être petit pour tomber dans la marmite. » MicheL desjoyeaux

Michel Desjoyeaux garde un oeil sur le large, synonyme de nouveaux objectifs avec un futur bateau qui verra prochainement le jour. (Photo : Romain Baheux)

à domicile

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Sport en Scène

Toute l’équipe s’entraîne en même temps mais chacun travaille un point précis. (Photo : édouard Daniel)

«R ationalisation de l’entraînement », « mutual isat ion des compéten-

ces »... Ces expressions, depuis long-temps employées dans le sport pro-fessionnel, sont désormais monnaie courante chez les sportifs du diman-che. Outre « l’amateurisme marron », impliquant le versement d’argent en dehors de tout cadre légal, la pro-fessionnalisation du sport amateur s’élargit à d’autres dimensions.

Au Rugby Club de Vannes, dont l’équipe joue depuis 2006 en fédé-rale 1, dernière étape avant le pro-fessionalisme, le président, Alain Ber-the, est conscient du dilemme auquel est confronté l’association : « Plus on

monte, plus on a l’obligation de s’en-traîner et plus cela demande des en-cadrants. » Afin de répondre à ces im-pératifs, un projet de club a été défini à partir des résultats d’un questionnaire distribué auprès de tous les membres du RC Vannes. Deux axes sont appa-rus : la performance et la formation. Quelques ajustements au niveau de l’organisation ont été réalisés. La cin-quantaine de bénévoles et dirigeants se répartit en cinq commissions tel-les que « l’attractivité du club » ou « le pilotage de l’association ». Chacune d’entre elles renvoie à une action bien précise. Côté encadrement, le club vanne-

tais emploie un préparateur physi-que et un conseiller technique. Tous

D’un loisir, la pratique sportive s’est structurée jusqu’à se caractériser

aujourd’hui par une montée du professionalisme.

Ce processus historique s’inscrit dans une

perspective sociale plus large à laquelle même les petites structures

associatives prennent part.

Joue-la

...

bidouiller. Michel a acquis le sens du vrai bricolage, du travail bien fait. » Les mains rugueuses du skipper en attestent.

dicton faMiLiaLLes parents inculquent aussi une

vraie philosophie de vie que l’actuel dirigeant de Mer Agitée, à la fois écu-rie de course au large et centre d’en-traînement, applique au quotidien. « Si tu veux faire des choses hors norme, fais-les bien. Si ton métier n’existe pas à l’ANPE et que c’est cela que tu veux faire, fais-le », avait l’habitude de dire le paternel. Alors, Michel décide de changer de route, bien loin de celle initialement tracée par sa mère : « J’avais commencé un IUT de Mesures Physiques à Saint-Nazaire. Aux vacances de Pâques, je suis parti faire la course de l’Ed-hec avec l’école. Je n’y suis jamais retourné. Au départ, ma mère était désespérée. » Pourtant, il ne faisait que mettre en pratique le dicton fa-milial. C’est avant tout un art de vi-vre fait de passion, d’engagement et, en quelque sorte, de courage que les parents ont transmis à leurs en-fants et cela a compté davantage que l’aventure initiatique avec éric Tabarly. Empreint de cette vision de

la vie, « Le Professeur » tend à trans-mettre cette marque de fabrique à ses trois enfants. Les choses se passent toujours

dans cet endroit où « au début il n’y avait rien », mis à part une famille de pionniers, et qui est maintenant le cinquième port de plaisance de Bre-tagne. Sept ans après avoir remporté un premier Vendée Globe aux com-mandes de PRB, Michel Desjoyeaux va entrer dans l’histoire. Il rejoint Pa-ris tel un chercheur d’or, pour trouver un sponsor, et Jacky Lorenzetti, le PDG de Foncia, est charmé. En 2006, le bateau sponsorisé par le groupe immobilier et construit par la société du frère de Michel, Hubert, flirte avec l’eau pour la première fois. Trois ans plus tard, Michel Desjoyeaux est cou-ronné une seconde fois pour avoir bouclé les 28 000 miles autour du monde à la première place. C’est entre les murs de Mer Agîtée

que ses victoires se construisent, en compagnie de son équipe de tech-niciens. Les réflexions sont commu-nes et les projets mutualisés. C’est avec ses hommes qu’il a pensé son dernier bijou, un monocoque de 60 pieds (18,28 mètres), actuellement en phase de construction. L’image que véhicule Michel Desjoyeaux est bien

loin de celle que le public peut se faire du marin. Seul face à une nature capricieuse, Mich’ est, à Port-la-Fo-rêt, « tout sauf un solitaire ». Vérita-ble chef d’équipe, il ne joue pas au moralisateur et ne fait pas preuve de suffisance, contrairement à ce que soulignent ses détracteurs en le sur-nommant « Le Professeur ». Ce der-nier rectifie le tir : « On dit souvent que je suis un donneur de leçon mais j’aime seulement transmettre et ap-prendre à ceux qui le veulent. »

port-La-forêt, nuLLe part aiLLeursMichel Desjoyeaux appartient à la

nouvelle génération de skippers. « Ce qui change, c’est que Tabarly était un ouvrier de la mer. Au même ti-tre que les paysans avec la terre, il est un besogneux de la mer. Pour Michel Desjoyeaux, il s’agit davan-tage d’une performance technique. Il est sur la mer pour effectuer ses performance », décrypte Julien Fuchs, sociologue du sport à l’université de Brest. Bien ancré à son port d’atta-che, Michel Desjoyeaux n’imagine pas vivre ailleurs : « Vous êtes dans mon jardin ici. La maison de mes parents est à côté, l’école de mes enfants aussi et j’ai vu le port se construire. C’est ici que tout se passe. Je ne vois pas pourquoi j’irai voir ailleurs, même en Bretagne. » Et pas d’affec-tion particulière pour la région. « Je ne suis Breton que de naissance. Et ça m’est égal d’être vu ou non comme un sportif breton. » N’y voyez rien de méprisant, l’homme se considère davantage comme « un citoyen du monde ». Mais à entendre ses pro-ches, même couronné de succès, Mi-chel Desjoyaux n’a pas changé et re-vient toujours à Port-la-Forêt. Breton « d’origine » non mais Breton d’adop-tion, certainement. « Les pêcheurs du coin le considèrent comme un des leurs », précise sa mère. Adoubé par des hommes du cru. Même si son identité est davantage locale, qu’il le veuille ou non, Michel Desjoyeaux ha-bite en Bretagne.

Louis Dabir

...

comme un pro

Le navigateur chez lui à Port-la-Forêt, lieu où ses parents furent les premiers à s’installer (Photo : Romain Baheux)

Michel Desjoyeaux.

Né le 16 juillet 1965 à Concarneau

Principales victoires :

Solitaire du Figaro en 1992, , 1998 et 2007

Transat ag2r en 1992

Vendée Globe en 2001-2001 et 2008-2009

Route du Rhum en 1992

Transat Jacques Vabre en 2007

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Sport en Scène

deux élaborent les entraînements en fonction de la condition physi-que des athlètes. Des séances de musculation viennent les compléter. « Le rugby est un sport de combat. Notre niveau nous contraint à une certaine exigence physique », justifie le coach, Esteban Devich. Lors de l’entraînement quotidien, chacun se perfectionne en fonction du poste occupé sur le terrain. Les attaquants travaillent leur détente, tandis que les piliers se consacrent aux plaquages. Contrairement aux clubs du sud-ouest de la France, le RC Vannes encourage la pluri-activité. Les joueurs exercent une activité professionnelle à côté de leur passion. Même si ce préalable complique les recrutements, le ma-

nager général, Christophe Grolleau, défend ce principe : « La vie d’un rug-byman est beaucoup plus courte que la vie d’un homme. Un individu bien sur le terrain doit être équilibré so-cialement. »

aMateurs professionneLsTous les sports ne connaissent pas

la même structuration. « Chaque disci-pline s’inscrit dans une histoire propre et le processus présente des différen-ces selon l’activité considérée », pré-cise Sébastien Stumpp, enseignant à la faculté des Sciences et techniques des activités sportives et physiques (Staps) de Picardie. La recherche de résultats n’a pas toujours été aussi prégnan-te dans le sport. Il fut un temps où étudiants, chefs d’entreprises ou em-ployés se rassemblaient autour d’une même pratique. Les matchs se prolon-geaient par un repas au cours duquel les bénévoles formaient une famille. C’est en 1932 que le champion-

nat de France est inauguré. Le Stade Rennais, à l’époque SRUC (Stade rennais universitaire club), accède au professionnalisme. Les individus issus des classes les plus modes-tes y voient un facteur d’ascension sociale. La Fédération adapte son

organisation, notamment avec l’ins-tauration de la ligue de football dont la mission se concentre sur la ges-tion des structures professionnelles. « La Ligue a fait de cette discipline une véritable machine de guerre afin de rentabiliser au mieux le produit », souligne Sébastien Stumpp. Peu de disciplines échappent aujourd’hui à cette évolution. Par exemple, la lutte ou le curling en France, du fait de leur faible notoriété, ne comptent aucun professionnel. Ce sont donc les va-leurs originelles portées par une dis-cipline qui accentuent ou freinent ce processus. Le niveau de classement participe également à l’émergence de la professionnalisation des pratiques sportives. Plus les équipes s’appro-

chent de l’élite, plus ce phénomène est présent. La question financière demeure

la principale préoccupation de ces équipes semi-professionnelles. Re-cruter des joueurs étrangers, partir à la quête des sponsors... Les solutions ne courent pas les rues. Les instances jonglent entre les exigences sportives et l’équilibre budgétaire. Même si la qualité de jeu est là, sans argent, l’as-piration à devenir professionnel s’ar-rête rapidement. « La ville de Vannes n’a pas les moyens de subventionner deux clubs de haut niveau, le rugby et le football. Le recours à des par-tenariats privés garantit une partie du budget », souligne Alain Berthe. Le recrutement de joueurs venus des pays de l’hémisphère sud entre dans cette même logique. « L’inflation sur les contrats constitue une des dé-viances du monde professionnel visi-ble à notre niveau. Les joueurs étran-gers demandent moins d’argent que ceux du sud-ouest de la France. » En raison de sa culture spécifique de ca-maraderie, le rugby s’est profession-nalisé tardivement et commence à peine à ressentir les dérives du pou-voir de l’argent. Christophe Grolleau, le manager général, le constate sur

le terrain : « Depuis la Chabalmania, des gamins nous disent qu’ils veulent devenir rugbyman. Ils pensent qu’en devenant professionnel, ils vont tra-vailler peu et gagner beaucoup d’ar-gent. Mais ce n’est qu’une illusion. »

chaLLenge éconoMiqueLa survie des associations de petite

taille dépend également de la recher-che de financeurs. Néanmoins, ces clubs ne possèdent pas les compé-tences commerciales ou adminis-tratives dont dispose le RC Vannes. Toutes les techniques sont bonnes pour séduire les entreprises locales. « Les noms des sponsors sont inscrits sur les maillots. Chaque semaine, les correspondants de presse prennent une photo des partenaires. Comme ça on passe leur image dans les journaux et c’est aussi pour ça qu’ils suivent », s’amuse Thierry Offret, le président de l’Association sportive de Bégard (ASB), situé au sud de Lan-nion. Les bénévoles se répartissent les tâches de manière précise. Cer-tains prospectent les commerçants, d’autres organisent des événements sportifs et en profitent pour distribuer des fascicules publicitaires au public. Chaque mois, le bureau de l’ASB se réunit afin de déterminer les missions à venir. Au premier abord, la professionna-

lisation apparaît comme un passage obligé pour les clubs, au détriment des dimensions sociales et convi-viales souvent accolées au sport. Qu’importe la discipline, ce proces-sus s’insère toujours dans la même démarche. Les réfractaires, eux, craignent une « prostitution » de leur passion mais ils s’aperçoivent rapi-dement que l’exigence sportive n’est possible que par ce biais. Reconnues pour défendre les va-

leurs du sport amateur, les fédé-rations jouent un rôle crucial dans la professionnalisation des équipes encadrantes. Chaque niveau de pra-tique correspond à une formation spécifique de l’entraîneur, même au plus modeste échelon. Jusque dans les années 2000, il suffisait simple-ment d’avoir pratiqué l’athlétisme pour s’improviser moniteur, mais les conséquences sur la croissance des jeunes athlètes ont parfois été dra-matiques. Poussés à une pratique

« Plus on monte, plus on a l’obligation de s’entraîner et plus cela demande des encadrants. » aLain berthes

excessive pour obtenir le meilleur résultat, certains d’entre-eux se sont épuisés physiquement.

pratique vertueuseFace à une telle situation, la

Fédération d’athlétisme a durci son règlement en terme d’encadrement. Outre leur diplôme, les entraîneurs ont l’obligation de suivre, tous les ans, un stage de perfectionnement ou de participer à un colloque. « La recherche de la puissance et du résultat ne sont pas les priorités chez des benjamines-poussines. Elles doivent apprendre les techniques de la manière la plus naturelle possible », insiste Christian Le Noac’h, l’encadrant des benjamines-minimes de l’ASB. L’instance nationale d’athlétisme a offert aux clubs un manuel décrivant les techniques, les entraînements. Au club de handball de

Plouagat, près de Guingamp, l’enca-drement des équipes par des coachs diplômés a permis de compenser l’insuffisance de bénévoles. Paral-lèlement, cette professionnalisation du staff a contribué à améliorer la qualité de jeu des joueuses, tous classements confondus. Nourri par des renforts venus des divisions inférieures, un vivier s’est ainsi consti-tué. Ce dernier assure le maintien de l’équipe première féminine en natio-nale 3. « L’équipe senior est la loco-motive et les jeunes sont le gasoil », illustre le président du club de hand-ball plouagatin, Serge Grot. L’équipe première de la commune fait partie du haut niveau breton dans sa discipline. Néanmoins, elle souffre de l’infidélité de ses joueuses. « L’équipe de natio-nal 3 rassemble des joueuses de 18 à 25 ans. Malheureusement, beaucoup d’entre elles partent faire leurs études ailleurs », explique le président. Selon Serge Grot, la proximité avec le centre labellisé de handball de Guingamp, rattaché au lycée Notre-Dame, par-ticipe à cette tendance : « Plusieurs filles sont scolarisées dans cet éta-blissement. Avec les six entraîne-ments hebdomadaires et les matchs le dimanche, elles jouent tous les jours au hand. » D’ailleurs, la struc-ture guingampaise affiche clairement son ambition : « Ces séances doivent permettre aux joueurs d’accéder au meilleur niveau possible et visent à

développer et optimiser ses poten-tialités physiques et techniques. » Par effet de contagion, les lycéennes véhiculent les valeurs transmises par le professeur de la section « sport étude », lui-même professionnel du sport. Malgré les nombreux scandales qui

éclatent dans le football, la profes-sionnalisation du sport ne se réduit pas à la perversion par l’argent. Diri-geants, entraîneurs et joueurs se sont appropriés les valeurs et les pratiques de la sphère professionnelle. Cela a engendré une modification du fonc-tionnement des clubs, l’émergence

d’un nouveau rapport à l’activité sportive et un renforcement de la for-mation des joueurs et du staff. Mais dans quel but ? Obtenir les meilleurs résultats au risque de pousser vers la triche.

Davina Hérault

à l’ASB, l’entraîneur adapte les séances en fonction des compétitions. (Photo : édouard Daniel)

Dans l’intérêt des jeunes sportifs, la Fédération française d’athlétisme a durci les conditions d’encadrement. (Photo: édouard Daniel)

...

abcdefghijklmnopqrtuvwxyz10Sportsd’Attaches Sportsd’Attaches11abcdefghijklmnopqrtuvwxyz

On reproche souvent aux journaux de mettre le football au premier plan, aux dépens des autres sports. Vincent Thaëron gère depuis sept ans les pages des éditions bretonnes de Ouest-France. Michel Geoffroy est responsable du service sport depuis 2001 au Télégramme. Les deux journalistes* ont des approches différentes de la hiérarchisation des

articles. Mais l’exigence de la popularité, souvent liée aux enjeux économiques, reste reine.

Recevez-vous des critiques quant au traitement du sport de la part de vos lecteurs ?Vincent Thaëron : Quand on fait

des études de lectorat, on obtient parfois des réponses auxquelles on ne s’attendait pas. Certains pensent qu’il y a trop de football. Mais en même temps pour les amateurs de football, il n’y en a jamais assez.Michel Geoffroy : On nous repro-

che de ne pas écrire assez sur le sport féminin et d’en faire trop sur le foot-ball. Mais quand on parle moins de football, on reçoit la critique inverse... C’est un équilibre à trouver.

Pourquoi donner tant d’importan-ce au football ?V.T. : Il existe deux raisons. Ce que

l’on voit à la télé le soir montre bien que ça attire l’audience. Zidane est connu même au fin fond du Brésil. Le foot est universel. Il n’existe pas d’autre évènement à Lorient, Guin-gamp, Vannes... capable de réunir au même endroit 15 000 personnes. La deuxième raison, c’est la proximité. Le football est très développé au ni-veau rural, il est entouré d’un tissu associatif et crée du lien social : on ne peut pas passer à côté de ça. Est-ce que c’est parce que l’on en fait beau-coup que ça suscite autant d’intérêt ou l’inverse ? Les deux sont liés. Mais généralement le journal accompagne quelque chose qui existe déjà.M.G. : On essaye que la première

page des sports soit diversifiée mais la pression est forte car les grands

clubs bretons sont souvent dans le football. Trois sont en Ligue 1, deux en Ligue 2. Le football est très por-teur, fait beaucoup bouger et attire les lecteurs. Quand on regarde les audiences télé c’est évident que c’est ce qui intéresse le plus les gens. Et c’est aussi visible en terme de nombre de licenciés.

Le nombre de ces licenciés a-t-il un impact dans le choix des sports mis en valeur ?V.T. : Pas forcément. Le tennis de

table a beaucoup de licenciés mais on n’en fait pas tant sur ce sport. C’est plus la popularité qui compte,

le nombre de spectateurs.M.G. : On est bien obligé d’en tenir

compte. On ne peut pas dire : « Le handball ça ne nous attire pas », car ça intéresse les lecteurs qui le pra-tiquent. Malgré tout, si le niveau de classement est faible, on ne prend pas tant en compte le nombre de pratiquants.

En fonction de quels critères don-nez-vous plus d’importance à tel ou tel sport ?V.T. : On s’adapte à l’environne-

ment. On parle beaucoup plus de handball en Ille-et-Vilaine avec le club de Cesson que dans d’autres

départements. Même chose avec le volley qui est plus développé en Côtes-d’Armor. Quand au cyclisme, même s’il reste populaire, il y a de moins en moins de courses. Récemment, j’ai assisté à un grand

prix de golf, mais il suffit de retirer le nombre de pratiquants pour s’aper-cevoir que ça n’intéresse quasi-ment qu’eux. On rend compte de ce genre d’événements mais sans en faire beaucoup pour des raisons de place dans le journal..M.G. : On ne veut pas que le foot-

ball écrase tous les autres sports. Il ne constitue jamais plus de la moitié des pages dans notre cahier sport. On donne une place importante à la voile. On traite aussi beaucoup du cyclisme pour des raisons histori-ques. C’est le niveau qui fait la taille de l’article. Plus le niveau descend, moins on fait de la longueur. On est tributaire de la place.

Le traitement du sport dans votre journal a t-il beaucoup évolué ?V.T. : Il y a une dizaine d’années,

on accordait vraiment peu de place à certaines disciplines : le badminton mais aussi le rugby, le basket, le ten-nis... Avant de prendre de l’importance dans les journaux, ils en ont pris dans les villes, car il y a quelques années, ces clubs là n’existaient pas. M.G. : En trente ans, il y a eu des

progrès. Notamment au niveau du tennis. Je me rappelle que la finale de Wimbledon faisait une brève. Cer-

tains sports ont émergé et l’on en parle beaucoup plus. Quand j’étais jeune, on avait le choix entre le vélo et le football, éventuellement l’ath-létisme. Aujourd’hui, l’offre sportive s’est développée de façon incroya-ble. On s’est adapté à cette évolution et on a réduit le volume de football dans les pages.

La voile est un sport très lié à la Bretagne. Comment le traitez-vous ?V.T. : L’importance que l’on donne

à un évènement dans Ouest-France n’est pas seulement liée au fait que le sport soit breton ou non. Mais nous sommes en concurrence avec un autre journal, Le Télégramme, et notre but est donc d’en faire autant sinon plus. Mais, pour nous, l’idée de faire une page voile tous les jours ne se justifie pas. On considère que ce serait lui accorder une place dé-mesurée. On reçoit énormément de mails de la part des attachés de presse, c’est très facile de faire une page. Mais en terme d’audience, ce n’est pas si populaire, il faut adapter le volume. Par contre, il faut que l’on soit bon sur les temps forts, le Ven-dée Globe, etc.M.G. : Au Télégramme, on essaye

de soigner l’image de la voile car pour nous elle représente la Breta-gne et véhicule des valeurs d’aven-ture. On a une rubrique dédiée à ce sport. Concernant le traitement, plus l’épreuve est importante, plus on en

parle. On a de la chance, il y a beau-coup de Bretons en haut niveau et de départs de courses dans la région.

La participation d’un sportif bre-ton ou d’un personnage charisma-tique contribue-t-elle à populari-ser un sport ?V.T. : Oui. C’est indéniable. En

Bretagne, il y a une réelle identité. Quand Frédéric Guesdon a gagné des courses cyclistes, le journal a fait un effort plus important. En dehors de la Bretagne, Yannick Noah a fait connaître un boom au tennis. Ce qui est vrai au niveau national l’est aussi au niveau local. Les joueurs très bons suscitent envie et vocation. M.G. : Un personnage comme

Gourcuff en football, c’est intéressant pour nous. Le haut niveau attire les gens et donne un côté people qui in-téresse même des lecteurs peu sen-sibles au sport.

Sophie Bouchet

Sport en Scène Sport en Scène

Foot à la Une

Les sports populaires sont plus faciles à mettre en valeur

« On voudrait tous que nos évènements passent à la télé, mais certaines disciplines n’ont pas d’argent et n’intéressent pas les médias. » Vincent Lebreton est responsable du cours « Promouvoir un évène-ment sportif » à Rennes 2. Il enseigne aux élèves du Master « Management du sport » la mise en valeur des manifestations sportives aux yeux du public. « Les médias ne sont qu’une partie de la communi-cation », pondère-t-il avant de soulever les difficultés qui limitent la visibilité de certains sports. « C’est plus compliqué pour le basket que pour le football », regrette-t-il, en rappelant que les médias cherchent à capter un public, leurs clients. Or le fameux ballon rond des Bleus a davantage la cote.

L’avantage économique à traiter du football est

tellement important que certains médias investissent financièrement pour bénéficier de l’exclusivité. La té-lévision paye des droits pour retransmettre les matchs tandis que pour d’autres disciplines, « c’est assez com-mun que la fédération paye les déplacements des télévisions afin qu’elles rentrent dans leurs frais ». Pour attirer l’attention des médias, les chargés de com-munication des ligues ont leurs angles d’attaques de prédilection. « S’il y a un sportif d’exception, on le met en avant. Tout dépend des objectifs de l’évènement. Souvent, il faut du people pour que les journalistes se déplacent. C’est un tryptique. Les organisateurs ont besoin des médias. Et ceux-là ont besoin de public. Si un sport intéresse une minorité, c’est plus difficile de le mettre en avant et de toucher les gens. »

*Les journalistes ont répondu séparément à nos questions

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Sport en Scène

S port et entreprise se vouent une attirance mutuelle. Depuis le tournant des an-nées 1980, les entraîneurs

sportifs sollicitent les chefs d’entre-prise, leurs recettes et conseils pour créer une dynamique de groupe. Progressivement, la tendance inverse s’observe. Daniel Herrero en rugby, Aimé Jacquet en football, Ellen McAr-thur en voile, pour ne citer que quel-ques noms connus, se « recyclent » alors dans le monde de l’entreprise. C’est également le cas d’éric Josso et de Lionel Collin. Le premier connaît bien le management, le second était éducateur sportif et entraîneur. Tous

deux sont « passionnés par la voile et les hommes » et travaillent chez Ocean Partner Consulting. L’entre-prise de conseil en ressources hu-maines, en formation et en coaching s’est installée dans la périphérie nan-taise en 2007. La double expertise des coachs et le glissement de leurs expériences se sont opérés naturel-lement pour aboutir à une certaine conception du coaching.

se forMer autreMentLorsqu’il arrive dans une entreprise,

le coach observe d’abord le fonc-tionnement du groupe, puis établit un diagnostic avec un programme

d’entraînement afin de développer les performances individuelles et collec-tives. éric Josso, qui a occupé plu-sieurs fonctions marketing et manager d’équipes, se définit plus comme un accompagnateur : « Il s’agit de jouer un rôle de miroir, en faisant réflé-chir les membres de l’équipe par des questionnements sur ce qu’ils font de bien, sur ce qu’ils pourraient améliorer et comment ils pourraient le mettre en œuvre dans leur environnement. Le coach a un rôle de facilitateur qui aide l’équipe à se positionner sur des stratégies. » C’est, par exem-ple, le cas lors de restructurations de services au sein des entreprises

que les ressources humaines font appel à Ocean Partner Consulting. Patrick Cadillon, directeur marketing et commercial de Carl Zeiss Vision à Fougères (35) s’est ainsi tourné vers l’entreprise nantaise afin de souder deux équipes qui n’avaient jamais travaillé ensemble. « Ancien sportif, je me reconnaissais dans les valeurs du sport », explique-t-il. Pendant cinq jours, un groupe d’une vingtaine de personnes a pratiqué la voile. Un outil de promotion et de communication bien sûr, mais également une recette managériale.

La Métaphore de La voiLe« Chaque sport a ses vertus.

Le volley oblige l’équipe à jouer ensemble, la voile permet à chacun de comprendre son rôle, et celui de l’autre pour avancer. Grâce aux exercices sur l’eau, la cohésion d’équipe se développe. La voile n’est qu’un support prétexte », souligne éric Josso. Les coachs utilisent cette symbolique de l’idée de voyage et une sémantique adaptée aux secteurs d’activité des entreprises. « Pour que les personnes mettent en place concrètement les actions qu’on travaille, il faut qu’elles puissent s’imaginer dans leur quotidien. On essaie donc au maximum de reprendre les termes spécifiques aux secteurs d’activité des entreprises. L’idée est d’utiliser les mots justes », ajoute Lionel Collin. Sur le bateau, les coachs et l’équipage établissent

un parallèle avec le monde du travail. « C’est assez spontané dans le domaine de la voile. Il faut avoir un plan, des directives, chacun a un poste avec des actions déterminées. Quand on donne le ‘‘go’’, il faut que tout le monde agisse en même temps pour que la tactique fonctionne », se souvient Nicolas Ribeyre de Carl Zeiss Vision, qui a participé aux sessions de voile. Plusieurs exercices, aux objectifs différents mais partagés par plusieurs équipes, sont mis en place par les coachs. Pas question de se la jouer perso : « Nous avions des exercices interactifs avec les autres équipages. On devait suivre d’autres voiliers, sans visibilité sur les actions qu’ils allaient mener », raconte Nicolas Ribeyre. Cette expérience hors entreprise permet aux salariés de « partager un socle commun, d’avoir un sentiment d’appartenance à une équipe après avoir réalisé un objectif commun. Mais dans le quotidien, elle ne vaut que si elle est entretenue sous d’autres formes, nuance-t-il. Une opération ponctuelle ne permet pas de garder cette dynamique sur le long terme. »

poursuivre Le travaiL du coachLes managers occupent un poste

clé dans la réussite de ces séminaires sportifs. Ils prennent ensuite le relais des coachs. Ces derniers établissent avec eux un suivi de l’équipe et analy-sent les changements observés après

les escapades en mer. « Les leaders doivent s’adapter, suivre la maturité de leur groupe. Notre rôle est de les aider à adopter le bon style de lea-dership, via du coaching individuel sur quelques séances si nécessaire, pour que tout le potentiel de l’équipe puisse se développer », notent éric Josso et Lionel Collin. Le transfert

des valeurs sportives doit ainsi aller au-delà des exercices pratiques mis en œuvre sur le voilier. Julien Pierre, sociologue du sport,

émet des réserves quant à l’efficacité du travail d’autres coachs, « autopro-clamés », sans formation de mana-gement ou de psychologie du sport. « Le discours d’un coach a d’autant plus de chance d’être efficace qu’il mélange deux ingrédients. Il faut que soient mêlés les enseignements tirés de l’expérience, de la pratique, avec une forme de théorie, de modélisa-tion », explique le spécialiste. D’où l’intérêt des debriefings en salle et des questionnaires transmis aux sa-lariés afin d’évaluer la pertinence, au quotidien, de ces sessions sportives.

Marielle Bastide

Lionel Collin et éric Josso ont une approche du coaching à la fois

sportive et managériale. (Photo : Davina Hérault)

Sur le voilier, puis en entreprise, les salariés apprennent à remplir un objectif commun. (Photo : Ocean Partner Consulting)

Cohésion d’équipe, dépassement de soi, performance collective : que ce soit dans le sport ou dans l’entreprise, ces valeurs sont prégnantes. Des

coachs sportifs interviennent dans le monde du travail afin de dynamiser les salariés et de « vivre l’entreprise dans sa dimension sportive ».

« Grâce aux exercices sur l’eau, la cohésion d’équipe se développe. » eric josso

Quand l’entrepriseembauche le sport

Sports d’Attaches 15abcdefghijklmnopqrtuvwxyz

INVESTIR LE SPORT

Les collect iv ités

Les budgets des clubs professionnels et amateurs dépendent en grande partie des subventions publiques.

Le sport coûte de plus en plus cher alors que les caisses des collectivités locales se vident. Dans ce contexte

difficile, les élus décident de se désengager progressivement du sport

professionnel.

6,3 millions d’euros. C’est le bud-get consacré aux sports par le conseil général des Côtes-d’Armor en 2010. C’est presque deux fois

moins qu’en 2008 et même inférieur à la culture, qui se chiffre à près de 12, 5 millions d’euros. Mais pour l’as-semblée départementale, le sport reste une des priorités de développement. « Le département mène une politique sportive très volontariste depuis plus de trente ans, ce qui en fait le 3e département de France en terme de budget rapporté à la population », souligne Vincent Le Meaux, vice-président du Conseil général chargé des

Actuellement en Ligue B, le Saint-Brieuc Côtes-d’Armor Volley-ball bénéficie gratuitement de la salle du Steredenn, propriété du Conseil général, alors que le soutien populaire reste faible. (Photo : Thibault Marchand)

...

ret irent leu rs billes

abcdefghijklmnopqrtuvwxyz14 Sports d’Attaches

SPORT EN SCÈNE

L’Association sportive loisirs et culturelle de PSA-Peugeot Citroën, à Rennes, propose aux salariés une quarantaine d’activités.

le coach sportif Christian Françoise intervient

dans la section forme et bien-être. Des salariés

se retrouvent pour 1h30 de gymnastique. Une

pratique du coaching sans dimension managériale,

quoique...

«T u es en forme aujourd’hui, dis donc ! Tu as vendu combien de voitu-

res ? », lance Christian, coach sportif, à Monique, commerciale chez PSA-Peu-geot Citroën à Rennes. « Pas beau-coup pourtant ! », réplique la salariée en s’étirant le dos, sourire aux lèvres. Il est 17h sur l’immense complexe sportif de l’entreprise automobile, qui possède sa salle polyvalente et sa piste de karting. Laurence, Annick, Danièle et compagnie se retrouvent devant leur tapis de sol et leur coach. Ce dernier se définit plutôt comme un professeur de gymnastique. « Le coaching individuel a explosé ces

dernières années. Mais c’est un terme à la mode, simplement commercial », explique-t-il.

Chaque jeudi, il travaille avec la section forme et bien-être de l’As-sociation sportive loisirs et culturelle (ASLC), qui regroupe une petite quin-zaine de participants, en majorité des femmes. Cette semaine, elles ne sont que six. Musique d’ambiance relaxan-te, exercices physiques reposants : de quoi « décompresser » après une journée de travail.

PLUS D’ÉFFICACITÉ ?Travail sur la colonne vertébrale,

souplesse, abdominaux : l’idée de ces cours collectifs n’est pas la perfor-mance sportive mais plutôt de « faire bouger les gens. » « Ces exercices permettent aux salariés de prendre conscience de certaines postures, qu’ils peuvent améliorer au travail. Il n’y a pas d’obligation de résultats mais il est évident qu’après une séance, le salarié se sentira plus apaisé », remar-que Christian Françoise avant d’enta-mer la séance. Sans lien avec les res-sources humaines, les activités sont proposées par les salariés eux-mêmes et les sections sont auto-gérées. « On est là pour qu’ils se sentent bien au sein de l’entreprise, et qu’ils puissent se retrouver dans un contexte autre que celui du travail », confirme Sté-phane Goupil, président de l’ASLC.Les copines de la section gym

se connaissent bien et ont vite

« adopté » Christian Françoise. Le coach et ses élèves se retrouvent dans une salle lumineuse, en atten-dant les beaux jours. « On a la chan-ce d’avoir de la verdure, autant faire du sport dehors lorsque le temps le permet », se réjouit une participante.

GOMMER LES HIÉRARCHIESAu-delà du simple aspect pratique

et financier, ces cours permettent aux salariés de différents services de se connaître, de cohabiter, un peu comme une famille. « Les gens s’intéressent à leur entreprise, s’investissent dans leur travail », soulignent les sportives en rangeant leur tapis de sol. Toutes portent jogging et tee-shirt, les hiérarchies et postes de chacun sont oubliés le temps de quelques abdos. De l’atelier au service logistique et maintenance en passant par la vente, les séances de sport, à leur échelle, participent à une certaine cohésion.

Mais le sport n’efface pas toutes les différences. Christian Françoise observe que les ouvriers sont reconnaissables car plus fatigués physiquement. Sur certaines activités qui ont lieu en soirée, les opérateurs sont moins présents. L’autocar qui les ramène chez eux n’attend pas. À 18h30, les élèves quittent la salle de gym tranquillement, tandis que le prof de gym est déjà reparti « faire bouger » d’autres clients.

Marielle Bastide

Métro, boulot, abdos...

Le sport, un moyen comme un autre de « créer du lien » à PSA-Peugeot Citroën.

(Photo : Marielle Bastide)

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InveStIr le Sport InveStIr le Sport

sports. L’absence de grandes agglomérations, capables de mener des politiques sportives d’envergure, explique les investissements importants des Côtes-d’Armor. Saint-Brieuc, plus grande ville costarmoricaine avec ses 60 000 habitants, ne participait la saison dernière qu’à hauteur de 10 % du budget du club de volley-ball. à Brest, ville de 145 000 habitants, le sport est géré par la municipalité. Il représente annuellement près de 7 millions d’euros de dépenses d’investissement, en travaux de construction ou de réhabilitation d’équipements sportifs, plus environ 3,4 millions d’euros pour le fonctionnement des structu-res ou des manifestations. De son côté, la Communauté d’agglomération finance, pour le moment, les centres de formation du Stade Brestois et de l’étendard de Brest, l’équipe professionnelle de basket, ainsi que les mani-festations nautiques. « Une discussion a eu lieu entre les

élus pour déterminer de nouvelles compétences à Brest Métropole Océane, fait remarquer Patrick Appéré, adjoint aux sports à la ville de Brest et conseiller communautaire. L’agglomération devra prendre en charge des équipe-ments à rayonnement métropolitain. » La gestion de la future grande salle multifonction ne devrait donc plus être du ressort de la municipalité, alors que son inauguration est prévue pour courant 2012. La répartition des subven-tions reste déséquilibrée. Avec 300 000 euros, le Saint-Brieuc Côtes-d’Armor Volley-ball reçoit la plus importante aide financière attribuée à un club de la part du conseil général en 2010. Cette somme constitue également le quart du budget de l’association. Même l’En Avant de Guingamp n’obtient pas le même traitement de faveur. Vainqueur de la Coupe de France en 2009, l’équipe de football n’empoche que 50 000 euros cette année, soit seulement cinq fois plus que l’échiquier Guingampais. à 150 kilomètres de là, le Stade Brestois, qui évoluait au même niveau la saison dernière, obtient de la Ville une somme d’environ 700 000 euros, dont presque la moitié comprend la location du stade municipal Francis- Le-Blé. à l’inverse, l’équipe brestoise de basket féminin de l’étoile Saint-Laurent en récupère seulement 12 000. Ces écarts interpellent certains élus, notamment l’écologiste Julie Le Goïc, adjointe à la santé à Brest. « Il y a de moins en moins d’égalité dans l’attribution des subventions. » Pour elle, il faut mieux soutenir le sport amateur.

des subventions sur critèresPour éviter de creuser les écarts de financement entre

les clubs, les collectivités territoriales leur demandent de remplir un dossier de subvention, ce dernier répondant à une grille de critères. à Brest, la municipalité confie les réclamations à l’Office des sports. Cet organisme privi-

légie les subventions de fonctionnement, d’utilité sociale ou des aides aux déplacements. L’organisme effectue ensuite un calcul de points sur la base des performan-ces sportives de l’équipe lors de la saison écoulée, la formation de jeunes ou le nombre de licenciés. « Nous finançons des activités, qui répondent aux besoins de la population. Quant à la formation sportive, notre aide permet de conserver nos meilleurs jeunes et d’avoir une pratique de haut niveau sur le territoire », affirme l’adjoint brestois, Patrick Appéré. Une fois réalisée cette répartition par critères, les

administrations territoriales affectent le montant de la subvention de fonctionnement aux structures amateurs et professionnelles. Dans les Côtes-d’Armor, le Conseil général a choisi de favoriser le remboursement des frais en les versant à la cinquantaine de clubs représentant le département au niveau national ou pré-national. Quant à la dizaine de structures départementales de haut ni-veau amateur, elles reçoivent un financement forfaitisé, réparti tout au long de l’année, qui leur permet d’obtenir une subvention avant le début de saison. Dans certai-nes situations, l’élu peut même se montrer généreux en mettant à disposition un équipement sportif municipal, intercommunal, voire départemental ou en accordant des crédits supplémentaires pour les clubs, qui rencontrent des problèmes financiers.

La pression du Monde professionneLMême si un dossier de subvention remplit parfaitement

les critères, le dernier mot revient à l’élu chargé des sports. Après avoir reçu la demande, il doit la présenter en commission. Si cette instance donne un avis favorable, elle doit faire l’objet d’un vote lors de son passage en assemblée municipale ou départementale, entre mai et décembre. D’une année à l’autre, l’adjoint aux sports peut également accorder la reconduction des aides financiè-res. En plus de cette procédure administrative, l’adjoint doit suivre scrupuleusement la réglementation nationale. Cette dernière stipule que toute aide financière accordée doit être suivie d’une délibération, tout en respectant la notion d’intérêt local. Si la demande de subvention dé-passe 23 000 euros, une convention est nécessaire entre la structure et l’administration territoriale. « Nous nous occupons en priorité des demandes d’aides aux dépla-cements, aux publics, à l’encadrement ainsi qu’à l’activité féminine. Le soutien financier n’est pas juste la réponse à une demande. Il est lié au contexte et au projet », explique Patrick Appéré. Plus que jamais, la subvention est une décision fortement politique. Les principaux bénéficiaires des aides des collectivités

territoriales restent les structures professionnelles. Le Conseil Régional de Bretagne, par exemple, subventionne même, sur la base d’un projet sportif, il est vrai, les centres d’entraînement sportifs des «clubs phares». « Lorsque l’on est dans ce milieu, il faut être compétitif aussi bien sur le plan sportif qu’économique, et il faut assumer jusqu’au bout ces deux dimensions », constate Vincent Le Meaux. à Brest, les neuf clubs de haut niveau reçoivent la moitié

des subventions de fonctionnement au sport. L’enveloppe financière attribuée, par la signature d’une convention, au

Stade Brestois ne change guère d’année en année avec environ 700 000 euros. En juin 2009, le conseil municipal a voté cette délibération. Patrick Appéré s’est abstenu alors que les élus Verts se sont prononcés contre. « Nous n’avons pas de contrôle sur l’utilisation de cette subven-tion, s’inquiète Julie Le Goïc, adjointe à la santé à Brest. De plus, il n’y a pas d’égalité entre les structures amateu-res et professionnelles. Dans un contexte de restriction budgétaire, c’est choquant », s’indigne l’élue écologiste. D’autant plus que le club de football évolue cette saison en première division et que cela engendre des dépenses d’équipement exorbitantes. Exigence de la ligue de foot-ball professionnel, l’agrandissement du stade Francis-Le-Blé à 16 000 places coûte plus de 4 millions d’euros. « La ligue se mêle des histoires locales. Cela nous met en difficulté, car si le stade ne lui convient pas, l’équipe ne monte pas. Nous sommes obligés de suivre des exigen-ces auxquelles nous avons du mal à répondre », s’alarme l’élue Vert. Son homologue chargé des sports s’inquiète de cette réglementation, mais ne voit pas d’autres so-lutions. « Politiquement, c’est impossible à refuser. Mais nous construisons des relations avec des acteurs éco-nomiques de la ville. C’est au Stade Brestois que se joue la vie brestoise, car seul le football peut autant fédérer et rassembler », affirme-t-il.

une reLation aMbigüeEn aidant leurs clubs de haut niveau, qui plus est de

sports populaires, les collectivités locales espèrent en contrepartie obtenir une notoriété à l’échelle régionale, voire nationale. Pendant longtemps, le conseil général des Côtes-d’Armor a siégé au conseil d’administration de l’En Avant de Guingamp. Vincent Le Meaux explique que la victoire en Coupe de France a notamment permis de valoriser le territoire. Le vice-président costarmoricain reconnaît d’ailleurs demander aux clubs subventionnés de faire cet effort de valorisation auprès du département. Une sorte de conflits d’intérêts s’installe même entre les collectivités territoriales et les structures professionnel-les. Certains élus se retrouvent directement impliqués dans la gestion d’un club. Président de l’étendard de Brest, François Derrien est également conseiller municipal UMP dans une municipalité de gauche. En proie à des difficultés financières et sportives, son club abandonne son statut d’association au profit d’une société anonyme. La municipalité a d’ailleurs accordé plusieurs rallonges financières pour éviter que le club dépose le bilan. « C’est un club difficile à gérer. Même si François Derrien n’y connaît rien en sport, il ne s’en sort pas si mal. Il y a un problème de trou financier à l’étendard. Si nous n’étions pas là, il n’y aurait plus de club », explique Patrick Appéré.

Vincent Le Meaux (à gauche) et Patrick Appéré (à droite) s’inquiètent de l’avenir du financement public. Face aux restrictions budgétaires, les deux élus souhaitent diminuer les subventions aux structures professionnelles au profit du monde amateur. (Photos : Edouard Daniel et Emmanuel Schmitt)

La ville de Brest prévoit deconstruire un complexe

multifonction pour l’Étendard, alors que l’équipe est désormais reléguée

en 3e division.

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SPORT EN SCÈNE

L’Association sportive loisirs et culturelle de PSA-Peugeot Citroën, à Rennes, propose aux salariés une quarantaine d’activités.

le coach sportif Christian Françoise intervient

dans la section forme et bien-être. Des salariés

se retrouvent pour 1h30 de gymnastique. Une

pratique du coaching sans dimension managériale,

quoique...

«T u es en forme aujourd’hui, dis donc ! Tu as vendu combien de voitu-

res ? », lance Christian, coach sportif, à Monique, commerciale chez PSA-Peu-geot Citroën à Rennes. « Pas beau-coup pourtant ! », réplique la salariée en s’étirant le dos, sourire aux lèvres. Il est 17h sur l’immense complexe sportif de l’entreprise automobile, qui possède sa salle polyvalente et sa piste de karting. Laurence, Annick, Danièle et compagnie se retrouvent devant leur tapis de sol et leur coach. Ce dernier se définit plutôt comme un professeur de gymnastique. « Le coaching individuel a explosé ces

dernières années. Mais c’est un terme à la mode, simplement commercial », explique-t-il.

Chaque jeudi, il travaille avec la section forme et bien-être de l’As-sociation sportive loisirs et culturelle (ASLC), qui regroupe une petite quin-zaine de participants, en majorité des femmes. Cette semaine, elles ne sont que six. Musique d’ambiance relaxan-te, exercices physiques reposants : de quoi « décompresser » après une journée de travail.

PLUS D’ÉFFICACITÉ ?Travail sur la colonne vertébrale,

souplesse, abdominaux : l’idée de ces cours collectifs n’est pas la perfor-mance sportive mais plutôt de « faire bouger les gens. » « Ces exercices permettent aux salariés de prendre conscience de certaines postures, qu’ils peuvent améliorer au travail. Il n’y a pas d’obligation de résultats mais il est évident qu’après une séance, le salarié se sentira plus apaisé », remar-que Christian Françoise avant d’enta-mer la séance. Sans lien avec les res-sources humaines, les activités sont proposées par les salariés eux-mêmes et les sections sont auto-gérées. « On est là pour qu’ils se sentent bien au sein de l’entreprise, et qu’ils puissent se retrouver dans un contexte autre que celui du travail », confirme Sté-phane Goupil, président de l’ASLC.Les copines de la section gym

se connaissent bien et ont vite

« adopté » Christian Françoise. Le coach et ses élèves se retrouvent dans une salle lumineuse, en atten-dant les beaux jours. « On a la chan-ce d’avoir de la verdure, autant faire du sport dehors lorsque le temps le permet », se réjouit une participante.

GOMMER LES HIÉRARCHIESAu-delà du simple aspect pratique

et financier, ces cours permettent aux salariés de différents services de se connaître, de cohabiter, un peu comme une famille. « Les gens s’intéressent à leur entreprise, s’investissent dans leur travail », soulignent les sportives en rangeant leur tapis de sol. Toutes portent jogging et tee-shirt, les hiérarchies et postes de chacun sont oubliés le temps de quelques abdos. De l’atelier au service logistique et maintenance en passant par la vente, les séances de sport, à leur échelle, participent à une certaine cohésion.

Mais le sport n’efface pas toutes les différences. Christian Françoise observe que les ouvriers sont reconnaissables car plus fatigués physiquement. Sur certaines activités qui ont lieu en soirée, les opérateurs sont moins présents. L’autocar qui les ramène chez eux n’attend pas. À 18h30, les élèves quittent la salle de gym tranquillement, tandis que le prof de gym est déjà reparti « faire bouger » d’autres clients.

Marielle Bastide

Métro, boulot, abdos...

Le sport, un moyen comme un autre de « créer du lien » à PSA-Peugeot Citroën.

(Photo : Marielle Bastide)

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INVESTIR LE SPORT

Les collect iv ités

Les budgets des clubs professionnels et amateurs dépendent en grande partie des subventions publiques.

Le sport coûte de plus en plus cher alors que les caisses des collectivités locales se vident. Dans ce contexte

difficile, les élus décident de se désengager progressivement du sport

professionnel.

6,3 millions d’euros. C’est le bud-get consacré aux sports par le conseil général des Côtes-d’Armor en 2010. C’est presque deux fois

moins qu’en 2008 et même inférieur à la culture, qui se chiffre à près de 12, 5 millions d’euros. Mais pour l’as-semblée départementale, le sport reste une des priorités de développement. « Le département mène une politique sportive très volontariste depuis plus de trente ans, ce qui en fait le 3e département de France en terme de budget rapporté à la population », souligne Vincent Le Meaux, vice-président du Conseil général chargé des

Actuellement en Ligue B, le Saint-Brieuc Côtes-d’Armor Volley-ball bénéficie gratuitement de la salle du Steredenn, propriété du Conseil général, alors que le soutien populaire reste faible. (Photo : Thibault Marchand)

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ret irent leu rs billes

abcdefghijklmnopqrtuvwxyz18Sportsd’Attaches Sportsd’Attaches19abcdefghijklmnopqrtuvwxyz

Le nouvel envol des Hawks Après six ans au plus haut niveau du baseball français, les Hawks de La-Guerche-de-Bretagne (35) reviennent à leurs fondamentaux. Avec la chute des subventions du Conseil général, le club a préféré s’appuyer sur les jeunes et rester en dehors du championnat Élite.

«R ester en dehors de l’élite est la décision la plus logique. » Yannick Pasquer, un des fondateurs des Hawks avec son frère Bruno en

1987, est concis quand il confirme la décision du comité directeur. Sans les subventions départementales accordées au club en tant que compétiteur de haut niveau, mener le groupe senior en championnat élite deviendrait une aventure risquée. En 2009, sixième année au sommet du championnat, l’apport du conseil général d’Ille-et-Vilaine et de la mairie de La Guerche-de-Bretagne représentait 40% d’un budget total de 33 000 euros. Cette année, il ne subsiste que les subventions de la mairie et d’autres collectivités. Ainsi, le club travaillera avec une recette de 21 000 euros répartie entre le groupe régional, les cadets et les minimes. Cette nouvelle saison marque un tournant pour les

Hawks. Cette consolidation des armatures du club privilégiera les actions collectives au détriment de la compétition à tout prix. Les stratégies feront appel à la collaboration de l’ensemble de l’association et les actions sont déjà inscrites à l’agenda.

Les piLiers du cLub Le baby-baseball, pour les enfants de 7 et 8 ans,

va prendre encore plus d’importance, ainsi que les catégories cadette et minime. « Il faut développer la base pour garantir le futur du club », défend Alexandre Hubert Intes. Cet éducateur, qui détient un brevet d’ètat spécifique de baseball, est le responsable pour le dé-veloppement du sport dans les écoles du département. Bénévole aux Hawks, il initie aux techniques du baseball une moyenne de cinquante enfants tous les samedis.

Hubert Intes est aussi chargé d’une intervention au collège de la ville, avec dix-huit élèves et aussi à Mau-re-de-Bretagne, auprès de vingt-six écoliers. D’autres actions sont prévues entre mai et juin au sein d’écoles primaires à Vitré, Fougères et Rennes. Ce travail, as-socié à celui des familles d’adhérents du club, rem-place la logique de pure compétition par une ambiance plus conviviale.

Les Hawks revoient leurs priorités après la fin des subventions du Conseil général. Une chute de 12 000 euros a remodelé leur structure. (Photo : Iuri Guerrero)

InveStIr le Sport InveStIr le Sport

Le son de cloche n’est pas le même du côté de l’écologis-te Julie Le Goïc. « La municipalité verse des subventions déguisées à une structure dont la gestion est douteuse. Cela crée une ambiance très malsaine. » La gestion financière des clubs professionnels pose

question. Le 10 janvier dernier, dans son rapport annuel, la Cour des comptes a alerté sur les « cadeaux » offerts par les collectivités territoriales aux structures sportives. Entre les dépenses inutiles ou les prêts d’équipement et de matériel abusifs, ces dernières profiteraient de leurs relations avec les administrations locales. à Saint-Brieuc, le club de volley-ball bénéficie gratuitement d’une salle de 3 000 places, malgré le faible soutien populaire et sa rétrogradation en Ligue B il y a un an. « Il ne faut pas tirer sur l’ambulance, on était bien content de les trouver

quand il a fallu remplir la salle après le dépôt de bilan de la section basket du Club olympique Briochin », se défend Gérard Blégean, l’adjoint au sport de la mairie de Saint-Brieuc. De même, la ville de Brest prévoit de construire un complexe multifonction pour l’étendard, alors que l’équipe est reléguée en 3e division. « Nous travaillons sur cette salle depuis cinq ans. Nous ne pouvons pas attendre de voir les performances de telle ou telle équipe. Nous faisons un équipement pour recevoir un public dans de bonnes conditions », renchérit l’adjoint aux sports. Les municipalités ne sont pas seules à engager des moyens dans de tels projets. Ainsi que le Conseil Régional de Bre-tagne peut intervenir à hauteur de 20% pour la construc-tion, l’extension ou la rénovation des grands stades, des centres aquatiques, des bases de sports nature ou même des anneaux cyclistes.

une poLitique sportive pLus restreinteAu-delà des intérêts des clubs, qu’ils soient amateurs

ou professionnels, les administrations s’inquiètent de l’impact de la future réforme territoriale (voir encadré). à Saint-Brieuc comme à Brest, les élus des municipalités de gauche mettent en cause les restrictions budgétaires de l’état et ses projets de restructuration des filières sporti-ves qui ont même failli «avoir la peau» du centre régional d’éducation physique et sportive (CREPS) de Dinard né en 1945 et sauvé in extremis par une intervention du conseil régional de Bretagne. Les élus locaux craignent aussi le projet de la fusion des conseils généraux et régionaux, prévues en 2014. Patrick Appéré évoque la fin des finan-cements croisés entre les conseils municipaux, généraux et régionaux, qui permettaient de mutualiser les moyens « Si elle n’existe plus, je ne vois pas comment financer le sport demain », alerte l’élu. Pour équilibrer un budget, les collectivités locales dé-

cident de plus en plus de ne plus soutenir des clubs professionnels. Cette tendance s’affirme autant sur le territoire brestois que briochin. La diminution de moitié de la subvention des Côtes- d’Armor en faveur du club de volley en est la meilleure illustration. « L’avenir, c’est zéro euro de subvention pour le sport professionnel. Dans ce type de structure, on ne doit pas avoir 80 % de son budget venant de l’argent public », insiste Vincent Le Meaux. à l’inverse, les administrations territoriales se tournent de plus en plus vers les structures amateurs et tentent, par divers moyens, de favoriser l’accès de tous aux sports. C’est ainsi que le conseil régional de Bretagne a créé un chèque-sport pour aider les familles des jeunes lycéens à s’inscrire dans un club. La restriction des finances publi-ques pourrait être l’élément déclencheur pour accorder plus de moyens à la pratique sportive des habitants.

Édouard DanielThibault Marchand

Réforme territoriale : restriction en vue

à écouter l’enquête En Avant de Guingamp, capitaine d’un territoire sur http://coteetsport.iut-lannion.fr/

« L’avenir, c’est zéro euro de subvention pour

le sport professionnel.» vincent Le Meaux

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« On réforme aujourd’hui en écrasant la République des territoires et de la proximité. » Vincent Le Meaux, vice-président du conseil général des Côtes-d’Armor, ne décolère pas quand on l’interroge sur la réforme territoriale actuellement débattue au Parlement. Il faut dire que les départements ont beaucoup à perdre dans ce projet.

L’objectif du texte de loi : mettre fin à une confusion des pouvoirs née de la décentralisation. Cependant, beaucoup d’élus craignent que ce texte ne réduise la marge de manœuvre de plus en plus réduite des collec-tivités territoriales, d’autant que la récente suppression de la taxe professionnelle, qui représente 50% de leurs ressources fiscales, ne les rassure pas.

La mesure phare de la réforme est la création de

conseillers territoriaux, qui remplaceront les actuels conseillers régionaux et départementaux. Adoptée en juillet dernier, cette disposition permettra « une meilleure organisation à un meilleur coût » selon Nicolas Sarkozy, qui assure qu’elle ne signifie pas la mort des départe-ments et des régions.

L’autre pilier du projet sera examiné en juillet 2011. Il prévoit de réévaluer la « clause de compétence gé-nérale » qui permet aujourd’hui aux différents échelons territoriaux d’intervenir dans tous les domaines de l’ac-tion publique. Cette clause ne devrait plus concerner que les communes et l’état. Pour le conseil général des Côtes-d’Armor, c’en serait fini de la politique sportive généreuse qu’il mène depuis trente ans.

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Pas plus de 50 kilomètres séparent La Guerche-de-Bretagne, ville de 4 200 habitants, de Rennes, chef-lieu de la région. Pourtant, le che-min vers cette petite agglomération est long et tortueux. « Un club dans la campagne française fait face à des difficultés très spéciales. Trou-ver des sponsors et des joueurs qui veulent y déménager n’est pas fa-cile », confie Sylvain Chaussée. Res-ponsable des finances des Hawks, il évoque d’autres actions, comme des tournois et des soirées pour financer le baseball dans la petite ville.

à chacun sa recetteDepuis quinze ans, les Hawks s’en-

gagent dans le ramassage de vieux journaux. Les journées de recyclage de 2009 ont permis de collecter une quantité importante de papier, ce qui a contribué aux finances du club. Il y a deux ans, cette initiative a même reçu une récompense du Comité national olympique dans le

cadre des actions pour le dévelop-pement durable. Au milieu des bouleversements

de la saison 2009, quelques piliers demeurent inchangés. La mairie est impliquée dans l’association spor-tive depuis ses débuts dans les an-nées 1980. Les frères Pasquer ont réussi à convaincre leurs parents de leur passion pour le sport et, plus tard, même la mairie est devenue un « supporteur » du baseball. Le complexe sportif reste toujours la propriété de la communauté de communes du pays guerchais, res-ponsable également de son entre-tien. La mairie a aussi construit, en 2007, le vestiaire du club en visant la réception des grands championnats nationaux. Il est de plus en plus difficile

pour les associations, en particu-lier culturelles et sportives, d’obtenir des subventions pérennes. Pourtant, d’autres collectivités sportives en-tendent suivre une voie inverse de

celle des Hawks. Le club de tennis de La Guerche-de-Bretagne en est un exemple. Créé en 1957, il compte actuellement cent soixante-six ad-hérents qui, jusqu’à la dernière sai-son, étaient les seuls pourvoyeurs du budget à travers leurs cotisa-tions. « Il est vrai que maintenant, les choses sont différentes car nous avons besoin de fonds pour finan-cer tous nos projets. Nous allons donc présenter une demande d’aide financière auprès du Conseil géné-ral », affirme Régis Rodrigues, prési-dent de l’association. Faire vivre la passion pour le ba-

seball reste encore l’objectif prin-cipal des joueurs et de leurs fa-milles. Ainsi, Les Hawks sont prêts à consolider leur terrain d’intégration construit depuis 1987. Les bases changent mais les batteurs seront toujours là pour garantir le futur de leur club.

Iuri Guerrero

Avec son frère jumeau, Yannick Pasquer a réussi à convaincre sa famille de lancer le club de baseball. Quelques années plus tard, la municipalité, elle-même, est devenue un supporteur des Hawks. (Photo : Emmanuel Schmitt)

InveStIr le Sport InveStIr le Sport

Hennebont saisit la balle au bond

Avec quatre titres de champions de France et

une participation aux demi-finales de la Ligue des champions, la Garde du vœu d’Hennebont est

un acteur majeur du tennis de table français. Pourtant, le club était encore novice

il y a moins de dix ans, avant de franchir les

étapes du haut niveau à marche forcée.

L a photographie est toujours fièrement affichée dans les locaux du club. On y voit Gilles Rouzo à genoux, quel-

ques secondes après avoir remporté la victoire décisive pour l’acces-sion en Pro A de la Garde du vœu d’Hennebont. C’était en 2003, mais le cliché semble avoir été pris il y a une éternité. Depuis, le club mor-bihannais a remporté quatre titres nationaux. D’origine chinoise mais fraîchement naturalisés, Xin Wang et Bai Feng Tian sont les gardiens du temple derrière les deux stars de l’équipe : un champion olympique, le Sud-Coréen Ryu Seung Min, et le Grec Kalinikos Kreanga, médaillé de bronze des Championnats du monde 2003. Quand ils ne sont pas pris par des obligations internationales, ces deux-là forment un duo quasi-ment imbattable dans l’Hexagone. Gilles Rouzo, quant à lui, est toujours au club mais joue maintenant pour l’équipe C de la GVHTT.

Le père et Le fiLsChaque match, ils sont environ cinq

cents à s’entasser dans les gradins de la vieille salle Charles-Abraham. Le succès du club a su réveiller la forte identité hennebontaise, ville commu-niste de 15 000 habitants marquée par son passé et ses célèbres Forges, fer-mées en 1968. Cet engouement ravit les joueurs, habitués aux salles vides quand ils jouent à l’extérieur, à com-mencer par Xin Wang : « Qu’on perde ou qu’on gagne, le public est tou-jours derrière nous. On a la meilleure ambiance de France. » Avec émotion Yves Le Faoüder, trésorier du club, se rappelle : « Pour un déplacement à Levallois, on avait même réussi à faire venir cinquante supporters ».Levallois, c’est le grand rival d’Hen-

nebont en Pro A. La saison passée, le club francilien a reconquis le cham-pionnat de France, le dix-huitième ti-tre de son histoire, alors que la Garde du vœu effectuait sa plus mauvaise saison dans l’élite. Cette baisse de régime n’empêche pas le club de voir l’avenir en grand, notamment à tra-vers la rénovation de sa salle. Un projet à trois millions d’euros, déjà financé à 80%, qui permettrait à Hen-nebont de posséder un équipement « unique en France, voire même en Europe, pour du tennis de table » et de pérenniser l’assise financière du club, selon Bruno Abraham, le prési-dent hennebontais. à première vue, pourtant, la GVHTT

a tout du petit club familial. L’en-traîneur, Boris Abraham, est le fils du président, qui a aussi placé sa femme comme responsable du centre de formation. Les soirs de match, les joueurs des équipes de jeunes tiennent la billetterie tandis qu’Yves Le Faoüder, lui aussi membre de la famille présidentielle, tient la buvette. Bruno Abraham est un personnage,

réputé pour son franc-parler. Sa pré-sence lors des matchs est un specta-cle à part entière. Circulant autour du terrain, il serre autant de mains qu’il y a de spectateurs. L’homme agace parfois, mais la réussite d’Hennebont, c’est lui. Cet ancien syndicaliste de la SBFM* a intégré le club en même temps que ses enfants, en 1987. Avec des ambitions, puisqu’il devint vice-président chargé des finances dès la deuxième année, avant d’être élu président en 1997. à son arrivée à la tête du club, l’équipe féminine te- ...

Xin Wang, l’un des deux joueurs hennebontais d’origine chinoise. (Photo : Iuri Guerrero)

...

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InveStIr le Sport

nait la vedette et jouait en première division, malgré un budget minime. « Un audit que j’avais demandé allait révéler une situation financière ca-

tastrophique. Il était urgent de remé-dier à cette situation », confie Bruno Abraham. Pour assainir les compts, les choix seront drastiques. Deux ans seulement après son arrivée à la tête du club, l’équipe féminine n’existe plus mais les finances sont positives. « On va alors définir un projet sportif en trois axes : la masse, la formation et le haut niveau », continue le prési-dent hennebontais. Le haut niveau, ce sera pour l’équipe masculine, por-tée par les deux fils du président, Bo-ris et Charles. Ce dernier est décédé

dans un accident de voiture quelques mois après la montée.

un peu de chance, beaucoup de cuLot

« On pourrait rester en Pro A faci-lement, jouer la 7e place, mais je n’en vois pas l’intérêt. Nous, ce qu’on vou-lait, c’était bousculer le mammouth. » Le premier été du club dans l’élite, en 2003, satisfera les ambitions de Bruno Abraham. Avec du culot et de la chan-ce, la famille se distinguera en effet sur le marché des transferts en faisant venir plusieurs noms prestigieux. Le premier à signer sera Bai Feng Tian. « à l’époque, Bai jouait en Allemagne et venait de temps en temps s’en-traîner chez nous, se souvient Bruno Abraham. Charles voulait le débau-cher et je demande à Xin Wang, qui le connaissait bien, de le convaincre. Malheureusement, Xin nous rappellera pour nous dire que Bai avait déjà signé en Allemagne. Tant pis, on cassera

son contrat. Et on aura un joueur. » Le reste de l’effectif, constitué du Belge Thierry Cabrera et du Polonais Da-niel Gorak, suivra et permettra à la GVHTT de réaliser le meilleur parcours d’un promu dans l’histoire de la Pro A. Leur recrutement se fera à l’occasion des championnats du monde 2003, à Bercy. « On arrive là-bas hyper im-pressionné, même si on avait déjà nos réseaux, notamment dans les pays de l’Est, continue Bruno Abraham. On avait repéré Gorak, mais c’était compliqué jusqu’à ce qu’un entraîneur me propose Cabrera. Je n’étais pas intéressé à cause de son âge, 38 ans, alors Cabrera en personne m’appelle et me propose de ramener un joueur. Et il va faire venir Gorak. » Quelques mois plus tard, Bruno Abraham ré-cupère Kalinikos Kreanga suite au dépôt de bilan de Montpellier. C’est avec cette équipe qu’Hennebont rem-portera son premier championnat de France, en 2005.

La salle Charles-Abraham fait régulièrement le plein, particulièrement quand Hennebont accueille le grand rival, Levallois. (Photo : Iuri Guerrero)

Pour développer son club, l’actuel directeur de la « maison pour tous » d’Hennebont n’est jamais tombé dans la facilité. Au début des années 1990, quand les pays de l’Est dominaient le tennis de table et que la GVHTT végétait en troisième division, Bruno Abraham avait ainsi su profiter de ses réseaux pour étudier en Tchécoslovaquie les raisons de la réussite locale. Quelques années plus tard, quand il fallut trouver des financements pour la Pro A, l’homme dut inventer d’autres solutions. « L’aide qui nous est attribuée par la mairie n’a quasiment pas évoluée en vingt ans », explique celui qui s’est mué en VRP de luxe pour Hennebont, n’hésitant pas à faire le grand écart avec le système communiste. Par la force des choses, la Garde du vœu est ainsi devenue l’un des rares clubs français à être financé en majorité par des entreprises privées, qui représentent 65% des 700 000 euros du budget

total. Dans la salle Charles-Abraham, le nombre de panneaux publicitaires donne la mesure de l’aide apportée par des partenaires souvent locaux. S’il fonctionne toujours sous un

statut associatif, le club est en fait devenu une véritable PME de dix salariés. « Le sport de haut niveau aujourd’hui, c’est du business, du fric, assume Bruno Abraham. On doit vendre du tennis de table pour avoir une assise financière. » Dans cette petite entreprise, Boris, le fils, fait of-fice d’homme à tout faire. Entraîneur de l’équipe première, il est aussi, à l’occasion, comptable, homme de ménage ou commercial pour son club. Attablé chez Del Castello, la pizzeria partenaire du club, le jeune homme expose sa vision du tennis de table, dans la lignée de celle du père. Son modèle, c’est le rugby et le Stade Français, ses matchs au Stade de France et ses animations à la mi-temps. Lui, veut développer ses propres moyens de diffusion, s’ouvrir à l’international. Osé, alors que le discipline souffre d’un sérieux man-que de médiatisation.

Les écoLiers avec Les prosRéaménagée et encombrée d’une

trentaine de tables, la salle Charles-Abraham accueille régulièrement des écoliers en initiation sous les yeux de leur professeur. à l’écart, seules deux tables sont réservées à l’entraînement des joueurs professionnels, sous les yeux de retraités en stage de per-fectionnement. Car l’aspect financier n’explique pas à lui seul la réussite de la Garde du vœu. « Le club a très peu bougé depuis l’arrivée du profession-nalisme. Il a toujours gardé un très bon état d’esprit », estime Dominique Le Lemedou, plus vieux licencié d’un club qu’il fréquente depuis 1980. L’in-tégration des joueurs dans la ville est le fer de lance de la famille Abraham et explique en partie le succès public du club. « Excepté nos deux stars, tous les autres joueurs vivent et s’en-traînent à Hennebont. On est le seul club en France à fonctionner comme ça », affirme ainsi le président. « Bai et Xin, qui sont entre guillemets des étrangers, le sont finalement beau-coup moins que le joueur français qui vit à Paris et repart le lendemain des matches », renchérit son fils. Pour

Kalinikos Kreanga et Ryu Seung Min le fonctionnement est différent. Re-tenus par leurs fédérations ou appe-lés à l’international pour des tournois ou des exhibitions, ils ont moins de temps à consacrer à Hennebont. Même si eux aussi apprécient l’envi-ronnement morbihannais. « Kreanga finira sa carrière ici, croit savoir Yves Le Faoüder. Et il n’est jamais resté

aussi longtemps dans un club. » Le Grec conseilla d’ailleurs Ryu Seung Min lorsque ce dernier, courtisé par plusieurs clubs allemands aux contrats plus rémunérateurs, rejoignit la Bretagne.

centre de forMation, bijou inutiLe ?Entre ambition européenne et in-

tégration locale, la Garde du vœu d’Hennebont cherche parfois encore sa voie. Le centre de formation du club est le symbole de cette valse-hésita-tion. à sa création, en 2001, Bruno Abraham avait subi les foudres de la fédération française, mécontente de le voir marcher sur ses plates-ban-des. Depuis, les pensionnaires, venus de la France entière, se bousculent mais l’objectif initial, qui était qu’au moins un joueur formé au club évolue en Pro A, n’est toujours pas rempli. Au point de voir quelques questions naître dans l’esprit de Boris Abraham. « On s’interroge sur l’utilité de conti-nuer à jouer la Ligue des champions. Si demain on visait uniquement le maintien en Pro A, ça serait beaucoup plus simple d’intégrer un jeune du centre de formation. » Le dilemme est loin d’être tranché. Dans le projet de modernisation de la salle Charles-Abraham, la boutique et le restaurant du club. côtoieront la vingtaine de chambres du nouveau centre de for-mation. La Garde du voeu ne semble pas vouloir s’arrêter de grandir.

Thibault Marchand

*Société bretonne de fonderie et de mécanique à Lanester.

Entre ambition européenne et intégration locale, la Garde du vœu cherche encore sa voie.

« On pourrait facilement jouer la 7e place, mais je n’en vois pas l’intérêt. »

bruno abrahaM

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Titulaire indiscutableActeur politique et sportif majeur, Noël Le Graët est un personnage incontournable du paysage guingampais.

Influent, cet homme de 69 ans a su faire connaître Guingamp grâce à ses talents d’entrepreneur et sa passion pour le foot.

«A llez ! Guingamp ! Tes supporters sont là ! » Vêtus de rouge et noir,

des spectateurs déchaînés s’épou-monent dans les tribunes. Vendre-di 17 mars 2010, l’En Avant de Guin-gamp (EAG) affronte le FC Metz. Le club guingampais ne se trouve qu’à quelques points des premiers relé-gables et ce soir, il doit gagner. Au premier rang des inquiets figure

le président de l’EAG, Noël Le Graët. Quelques jours avant, dans son bu-reau au siège de son groupe, il ne le cache pas : « Je suis plus stressé par le club de Guingamp que par mes affaires. C’est un peu mon bébé ! » Si cette ville de 7 500 habitants a eu un club au plus haut niveau du foot-ball français, c’est en grande partie grâce à Noël Le Graët. Preuve en est. Quand ce dernier a voulu quitter la présidence du club en mai dernier lors de sa relégation en National, les membres du Conseil d’administration ont refusé à l’unanimité.

enfant du paysOriginaire de Bourbriac, à quel-

ques kilomètres de Guingamp, cet amoureux du foot est toujours resté très attaché à son territoire et n’a eu de cesse de vouloir faire évoluer le club de Guingamp. « Plutôt que d’al-ler faire 150 bornes pour aller voir du spectacle, autant essayer de déve-lopper quelque chose ici », justifie-t-il tout naturellement. L’événement survient en 1984,

quand l’ancien club laïque devient professionnel sous la présidence de Noël Le Graët. « Dès qu’il est arrivé, le club a pris de l’essor, se souvient l’un de ses plus proches amis et col-laborateur, Aimé Dagorn. D’une 2CV, c’est devenu une Maserati ! » Le club connaît son apogée en 2009 avec sa

victoire en Coupe de France. Les succès de l’EAG avaient révélé

les qualités de son président. En 1991, la Ligue professionnelle de football est confiée à Noël Le Graët. « C’est une tâche très lourde, admet-il. Je suis de Guingamp et il faut être à Paris très souvent. Et puis, c’est très, très querelleur. » C’est lui qui s’était opposé à Bernard Tapie dans l’affaire du match Olympique de Marseille contre Valenciennes. Il quitte la Ligue en 2001 mais revient dans le milieu professionnel par la grande porte en devenant en 2004 le vice-président de la Fédération française de football. « Je suis chargé de gérer toute la partie économique », résume-t-il. Cumulant les casquettes, Noël

Le Graët décide de s’investir dans la vie politique guingampaise. Homme de gauche, il est maire de Guingamp de 1995 à 2008. « Certains de la mi-norité disaient qu’il n’était pas as-sez présent, mais son bilan montre le contraire, appuie Aimé Dagorn, ac-tuel président de la Communauté de communes de Guingamp. Et d’ajou-ter : « Même quand il était à Paris, il en profitait pour prendre des contacts, comme s’il avait constamment dans la tête l’idée de Guingamp. » Renou-vellement de l’habitat social, mise en place du Pays de Guingamp, créa-tions d’emplois, etc. « Grâce à ses relations, des entreprises sont venues s’implanter et cela a amené beaucoup de boulot », rapporte Jérémy Derrien, supporter de l’EAG. Dans les affaires, Noël Le Graët se

sent comme un Breton dans l’eau. Le professeur d’histoire se reconvertit rapidement en commercial : « Pendant une vingtaine d’années, j’ai vendu téléviseurs, chaînes hi-fi,... », se sou-vient-il. Puis, son instinct d’entrepre-neur le rattrape et il rachète l’entrepri-se Celtigel en 1986. Aujourd’hui, il est

a la tête du Groupe agroalimentaire Le Graët, soit cinq sociétés, plus de 700 salariés, avec un chiffre d’affaires multiplié par trois depuis 2001.

des postes coMpLéMentairesPolitique, sport et affaires. Impli-

qué et influent dans ces trois domai-nes, il serait facile d’imaginer Noël Le Graët au cœur de conflits d’intérêts. Que nenni ! Conscient du danger, il a mis un point d’honneur à séparer les choses. « Ces différentes fonctions étaient complémentaires », affirme-t-il d’un ton sec. Et d’ajouter : « L’EAG n’a pas reçu un centime de subvention alors que j’étais à la mairie ». Des pro-pos corroborés par Aimé Dagorn : « Un

jour, il m’a dit : “Moins que quelqu’un d’autre, j’ai la possibilité d’être com-plaisant avec l’EAG.” » Si physiquement il n’est pas très

imposant, son esprit d’entreprise a fait mouche sur tous les tableaux. Une boulimie de pouvoir, servie par un travail acharné. « C’est mon côté optimiste ! Je me réveille tous les jours de bonne humeur », souligne-t-il d’un sourire discret. Le Guingampais sait s’entourer et place des person-nes de confiance aux postes stra-tégiques. Aujourd’hui, ses trois filles sont à ses côtés dans l’entreprise fa-miliale. Les Le Graët n’ont pas fini de faire parler d’eux, au moins au Pays de Guingamp.

Anne-Lise Bertin

Noël Le Graët dans son bureau au siège de son entreprise à Guingamp. (Photo : Iuri Guerrero)

«Je suis plus stressé par le club de Guingamp que par mes affaires.»noëL Le graët

à écouter l’enquête En Avant de Guingamp, capitaine d’un territoire sur http://coteetsport.iut-lannion.fr/

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sans vélo ?

Z ootemelk, Roche, Viren-que... Point commun entre ces champions cyclistes ? Le Tour de France, répond-t-on

naturellement. Oui, mais pas que. Tous dans leur carrière ont participé au Grand Prix de Plouay. Depuis près de quatre-vingts ans, le temps d’un week-end de mi-août, la ville accueille le gratin du cyclisme mondial. La manifestation attire 70 000 visiteurs, 1 500 camping-caristes, 600 béné-voles. Pas mal pour une bourgade morbihannaise de 5 000 habitants coincée entre Lorient la portuaire et le rural centre Bretagne.

« iL n’y a pas que Le véLo à pLouay »Membre du peloton profession-

nel pendant la décennie 90, Franck Laurance a ouvert son enseigne de

réparation de cycles dans le centre-ville il y a un an. « Pendant la course des amateurs, on répare les vélos en pleine épreuve ! Il y a du monde dans la boutique quasiment toute la jour-née. Après, même pour nous, août n’est pas le meilleur mois. Il n’y a pas que le vélo à Plouay. » Le Grand Prix est dans le cœur des Plouaysiens mais il n’est pas le poumon de la com-mune. « En terme de vente, le mois d’août est un bon mois mais il n’est pas exceptionnel non plus, renchérit Roselyne Rivalan, présidente de l’as-sociation des commerçants. à part les commerces de bouche, les autres travaillent autant que d’habitude. »économiquement, le cyclisme ne

serait donc qu’un atout parmi d’autres pour les enseignes plouaysiennes. En terme de publicité pour les entreprises locales, il n’est pas non plus le raz-

de-marée imaginé. à 10 000 euros le droit d’entrée pour devenir l’un des sponsors de la course, la plupart des PME rechignent à afficher leur nom sur la ligne d’arrivée et se reportent vers d’autres manifestations. « Payer très cher une banderole sur un évènement d’envergure nationale n’apportera pas beaucoup de clients supplémentaires à une entreprise basée à Plouay. Il vaut mieux prendre une manifestation sportive purement locale, comme une simple course à pied, ne concernant que les Plouaysiens », confirme Jac-ques Decours, chargé d’études à la CCI du Morbihan.

capitaL pour L’iMage de La viLLeL’impact du Grand Prix se fait da-

vantage ressentir dans la vie politique locale. à Plouay, le vélo est une ins-titution à laquelle même l’opposition de gauche ne veut toucher. « Aucune équipe municipale n’irait s’opposer au Grand Prix, explique Joël Viot, prin-cipal opposant au maire UMP, Jac-ques Le Nay. ça n’a pas de sens dans le débat politique, il faut éviter de s’opposer sur le sport. » Le consen-sus pour le cyclisme ne se retrouve

pas dans toutes les instances spor-tives de la commune. Si Plouay ne compte qu’un unique club de football depuis le mois de mars dernier, la ville a connu pendant de nombreuses an-nées l’existence de deux clubs anta-gonistes, l’un laïc, l’autre catholique. Une division à laquelle échappe le comité des fêtes de Plouay, organi-sateur du Grand Prix. « On est apo-litique, défend son président, Patrick Fernandez. Pour espérer recevoir des subventions et mobiliser le plus de bénévoles possibles, on ne peut pas se permettre de prendre position. Ce n’est pas dans l’esprit du Grand Prix. »Outre un certain consensus poli-

tique, la course apporte à Plouay ce que nombre de communes de taille équivalente lui envient : une image dynamique et une renommée natio-nale. « Plouay et son Grand Prix, c’est comme Le Mans et ses 24 heures, c’est indissociable », affirme Bernard Le Gleut, premier adjoint. « C’est une institution, renchérit le député-maire, Jacques Le Nay. Cela dit, Plouay ne s’arrêterait pas de tourner s’il n’y avait plus le vélo. Le Grand Prix n’est pas vital pour la ville. » Vital non,

mais assez important pour que l’édile aille taper à la porte de l’élysée et de Matignon quand le conflit sur les droits télévisuels entre l’organisation de la course et Société organisatrice du Tour de France (ASO), a éclaté en 2007. Si le comité des fêtes exclut de rejoindre le giron d’ASO, la mairie est beaucoup moins fermée à cette éventualité. « Ce qui compte, c’est la survie du Grand Prix », balaie Jacques Le Nay. L’arrivée d’ASO entraînerait la fin des galères financières mais aussi la fin du bénévolat dans l’orga-nisation de la course. « C’est ce qui fait l’attrait de la course et donne son dynamisme à la ville, argue Patrick Fernandez. Le comité des fêtes est une locomotive pour les soixante-dix autres associations de la ville. » L’ar-rivée d’ASO ne serait pas qu’un chan-gement de propriétaire mais aussi de mode d’organisation de la course. Le meilleur moyen de casser une dyna-mique locale.

Romain Baheux

Sur les vitrines des magasins (au centre) ou même dans les buissons (à gauche), le vélo est partout à Plouay. Mais il n’est pas non plus indispensable, même pour Franck Laurance, gérant d’un magasin de cycles et ancien coureur professionnel (à droite). (Photos : Simon Benichou)

terreS de Sport terreS de Sport

Comment sortir de l’anonymat quand on est une petite ville du

Morbihan aux portes de Lorient ? à Plouay, on a trouvé la réponse : organiser un grand prix cycliste

de dimension internationale. Élus, commerçants et associations en

profitent. Mais jusqu’à quel point ?

A lire également l’article La Trinité-sur-Mer vogue sur le nautisme sur http://coteetsport.iut-de-lannion.fr

Plouay crèverait-elle

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terreS de Sport

La pratique des sports traditionnels en Bretagne

est, aujourd’hui encore, en phase de reconstruction.

Des clubs de village aux fédérations, les

associations de défense de la culture bretonne doivent

adapter ces activités ancestrales aux usages

actuels.

J ’ai vu un père trouver du boulot après que son fils a gagné un lever de perche », témoigne Serge Falezan,

président de l’association Choarioù Treger qui défend la pratique des jeux traditionnels dans les Côtes-d’Armor. Il est pourtant bien loin le temps où le vainqueur d’un tournoi de lutte bre-tonne (gouren) multipliait ses chan-ces d’embauche pour la moisson et, du même coup, ses possibilités de mariage.

un nouveau contexteSports et jeux occupaient une

place centrale dans la société ru-rale bretonne qui se structure dès le Moyen-âge pour s’effondrer avec la Première Guerre mondiale. Aussi éducatifs que ludiques, ils recouvrent surtout des fonctions de reconnais-sance et de lien social. Au cours du siècle dernier, l’exode rural, la méca-nisation de l’agriculture et l’urbani-sation ont transformé les modalités, les cadres et les règles des sports traditionnels. Depuis la renaissance de ces pratiques dans l’après-guerre, les associations de défense de la culture bretonne sont presque seules à les défendre. Le défi est énorme car elles doivent s’évertuer à adapter des usages anciens à notre siècle. On distingue aujourd’hui deux types de pratiques. Dans les communautés rurales, de petits groupes locaux se retrouvent simplement pour jouer à la galoche, au bouloù pok ou au cheval saint Genou. L’autre versant est plus structuré avec une base de prati-quants venant de toute la Bretagne qui se retrouvent lors de rencontres

sportives organisées.« Le spectaculaire déve-

loppement du sport a en-traîné la mise à l’écart des jeux traditionnels [...] Ne sont désormais reconnus que les jeux pratiqués au niveau in-ternational », observe le so-ciologue du sport Pierre Par-lebas. Dans ce contexte, la première difficulté pour les associations de défense de

la culture bretonne est de faire face à l’offre multiple de disciplines sporti-ves, certaines étant mieux valorisées, voire surmédiatisées. Pour Nicolas Ollivaux, permanent de la Confédé-ration des sports et jeux traditionnels de Bretagne (Falsab), il n’y a pas à rougir face au foot, au rugby ou au handball qui coexistent aux côtés du tir à la corde (chech fun), de la pili-pette ou du lever d’essieu (an ahel-karr) : « Il ne faut pas tomber dans la facilité d’opposer jeunes et vieux, la modernité aux pratiques anciennes. Beaucoup d’adhérents à nos clubs de boules sont aussi dans le club de foot de leur commune. De même, on peut jouer de la cornemuse, ça ne nous empêche pas d’aller en boîte de nuit. » Cependant, si la fédération peut être confiante - de dix structures adhérentes en 2002, elle est passée à trente-quatre cette année - elle est loin de recueillir l’adhésion populaire face à des activités de masse comme le football.

de La grenouiLLe au bLaireau« Notre idée consiste à ancrer les

jeux et les sports traditionnels dans la modernité, à les adapter à la société actuelle. On accompagne des prati-ques anciennes dans leur expression actuelle », poursuit Nicolas Ollivaux. Ces dernières sont trop souvent ju-gées archaïques. Les jeux de lever notamment semblent être réservés aux hercules d’autrefois tant les poids sont impressionnants. Ils requièrent certes de la force mais d’abord une importante technicité. Quant au rite du bélier traditionnellement offert au vainqueur lors des tournois de lutte, il heurte encore les sensibilités contemporaines (voir encadré). Par ailleurs, si elles font avant tout leur richesse, le nombre considérable de variantes nuit au développement des

Jeux d’antan face au présent

sports de tradition bretonne. Le jeu de la grenouille, où deux adversai-res se disputent un bâton, les jam-bes soulevées par leurs coéquipiers, pouvait être décliné en « bâton par le bout » (ar vazh-a-benn) ou en jeu du crapaud (an touseg). Au « rou-ler le blaireau » (ruial broc’h) et au « bâton à bouillie » (bazh-yod), les deux joueurs s’assoient face à face. Les jeux de quilles forment aussi une grande famille qui compte des dizai-nes de variantes. On devine donc

la difficulté pour les associations de diffuser des sports dont les règles et les pratiques sont multiples.Pour qu’elles puissent être transmi-

ses au-delà de cercles restreints de joueurs, souvent limités au village, la Falsab s’attache à codifier leurs rè-gles et à les institutionnaliser : « Pour se maintenir, les sports de tradition bretonne ont besoin d’une structu-ration, de règlements, de licences et d’assurances. Si une mère amène son enfant dans une école de lutte, elle a besoin de savoir qu’il va être

encadré et couvert par une licence. » Une évidence pour Nicolas Ollivaux qui prend le risque de perdre l’esprit original de l’activité. Ainsi évolue le jeu des berdinguettes, simples grelots que les bergers cachaient autrefois dans les branches. Les bergères de-vaient apprendre à passer dans les chemins sans les faire tinter. Son adaptation actuelle demande en-core plus d’habileté aux jeunes filles qui s’aventurent dans une structure démontable où se croisent des fils

parsemés de petites clochettes.L’association C’hoa-

rioù Treger adopte un regard original. L’idée est de s’adapter aux participants, d’élabo-rer les règles collec-

tivement selon le niveau, l’âge, les capacités de chacun, pour « sortir de cette chape que représente la tra-dition ». Son président, Serge Fale-zan, conteste l’attitude de la Falsab qui impose des règles que certains joueurs ne peuvent appliquer. Les distances réglementaires de tir, par exemple, ne seraient pas adaptées aux enfants, incapables de viser la cible à partir d’une certaine distance. Cependant, il faut rappeler que, grâce à sa codification, la lutte bretonne, à deux doigts de disparaître aux débuts

du XXe siècle, est passée en quelques années de la démonstration rituelle à l’activité sportive moderne. Durant la seule année 1928, le docteur Coton-nec crée le comité qui va codifier la discipline et instaure le premier tour-noi qui regroupera 6 000 spectateurs à Quimperlé.

Le cercLe vertueux de La cuLtureAnimateur jeunesse à Lannion,

coordinateur d’Armel (Archives et mémoires de la lutte) et fondateur du club de lutte de Bégard, Serge Fale-zan effectue un recensement régulier des jeux dans le Trégor. «On assiste, dit-il, à la diminution du nombre de tournois de lutte. Sans doute du fait de la codification. Avant on voyait des lutteurs en chaussettes mais aujourd’hui il faut porter un unifor-me réglementaire, ce qui est plutôt contraire à la tradition et, qui plus est, coûteux. » Pour éviter les barrières financières, son association limite le prix de l’adhésion à un euro pour les adultes, 50 centimes pour les en-fants.Serge Falezan met le doigt sur le

besoin de souplesse dans les rè-gles, caractéristique de la tradition sportive bretonne. Autrefois pratiqués dans des espaces indéfinis, champ de lin, place de village ou chemin de ha-

Au pardon de Pouldouran, les jeunes s’affrontent au « bâton par le bout » (ar vazh-a-benn), version trégorroise du jeu de la grenouille. (Photo : Hervé Ronné)

« Si la culture bretonne est faible, chaque élément de

celle-ci le sera aussi. »nicoLas oLLiviaux

...Le peintre d’Olivier Perrin donne ici une vision précise du jeu de crosse et de ses règles, joué en Cornouaille au début de XIXe siècle. (D.R)

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terreS de Sport Sport enracIné

Jeux gaéliques dans l’Eire du temps

En Irlande, les sports traditionnels attirent les foules. Le 10 avril dernier, les jeunes supporters de Saint-Colman’s encouragent leurs camarades de classe lors des finales inter-écoles à Croke Park, le plus grand stade d’Irlande. (Photo Julien Boitel)

En Irlande, les sports traditionnels jouent dans la cour des grands. La passion

des sports gaéliques, aussi populaires que le football et le rugby, se transmet de génération en génération. L’école y a une place prépondérante, au sein d’une pratique sportive qui demeure

purement amateur.

I l est 14 h 30, la cloche retentit. Une journée de cours se termine à l’école primaire de Saint-Mary’s. Les cris des écoliers brisent le silence de l’arrière cour de l’établissement public pour garçons, situé au cœur

de Dublin. La centaine d’enfants de l’école, uniforme bleu ciel et marine, se rue sur le gazon vert qui longe le bâti-ment scolaire. Des buts de football équipés de poteaux verticaux, à l’image de ceux du rugby, se dressent aux extrémités du terrain. Les jeunes enfilent des casques de protection et commencent à frapper, avec des crosses en bois, dans une balle proche de celle utilisée au base-ball. Bienvenue en Irlande. Les enfants s’apprêtent à jouer

au hurling, l’un des sports gaéliques. Seuls quelques-uns

lage, ces sports ont du s’adapter au milieu urbain en se conformant à des terrains délimités. De là le choix de C’hoarioù Treger : « Nous ne mettons pas de barrières autour de l’aire de jeux afin de permettre au spectateur d’être lui-même acteur des parties », explique son président. L’ouverture de l’espace de jeu aux spectateurs contribue aussi à préserver l’environ-nement des traditions sportives : « Les joueurs communiquent en langue bretonne, du moins pour les termes techniques », entraînant le breton et les sports de tradition bretonne dans un cercle vertueux. Serge Falezan mentionne notamment les grands-parents, « de véritables coachs en langue bretonne », alors même que leurs petits-enfants ne sont pas bre-tonnants. On peut y voir aussi, tels les judokas utilisant des termes japo-nais, une volonté d’identification des pratiquants.

des traditions au foLkLoreLes compétitions sportives sont

aujourd’hui considérées comme des événements à part entière alors que la pratique des sports faisait tradi-tionnellement partie du quotidien et des fêtes. Ainsi, les pardons, proces-sion religieuse, comprenaient tou-jours un tournoi de lutte et le lever de perche s’y est développé tant il y

avait besoin de bras pour soulever les lourdes bannières des processions. De même, la crosse, sorte de golf brutal, s’adaptait bien aux pauses pendant les travaux des champs. Le jeu était facile à fabriquer sur place et ces parties improvisées accordaient une grande part au hasard grâce aux irrégularités du terrain.De grandes compétitions permettent

de confronter les pratiques bretonnes à celles d’autres pays ou régions. C’est le cas du Championnat d’Europe des luttes celtiques où s’affrontent le gouren et sa version écossaise, le Back Hold. Les manifestations culturelles sont, quant à elles, l’occasion de relier les sports traditionnels aux autres pratiques de la culture bretonne. L’Interceltique de Lorient, festival le plus fréquenté de France, propose une offre variée de musiques celtiques, mais aussi un championnat de sports athlétiques qui comprend de nombreuses épreuves : bâton à bouillie, lever d’essieu de charrette, relais des meuniers, tir à la corde... « Si la culture bretonne est faible, chaque élément de celle-ci le sera aussi », rappelle Nicolas Ollivaux. C’est pourquoi la Falsab soutient la participation aux grandes manifestations qui rythment les saisons en Bretagne, dans l’espoir d’instaurer un dynamisme général. Certains jugeront qu’elle s’éloigne

ainsi des traditions pour alimenter un folklore illégitime. La fédération s’en défend : « Cela ne relèverait du folklore que si ces pratiques n’existaient pas le reste de l’année ». Cependant, elle reconnaît que le Festival interceltique de Lorient est « une vitrine » qui « ne fait pas la culture bretonne mais a le mérite de représenter les modes d’expression traditionnels. »Les sports bretons trouvent donc le

ferment de leur sauvegarde dans le monde associatif grâce à sa capa-cité à les structurer, à provoquer des évolutions. Mais pour pérenniser ces actions, il faudrait des moyens qui dépassent largement les capacités des bénévoles. Les sports de culture bretonne ne pourront s’inscrire dans la tradition populaire que s’ils en-trent à nouveaux dans des circuits de transmission spontanée, oraux et indépendants de l’action des asso-ciations.

Iona de Beaulieu

...

...

« Le porté de maout représente une tradition exis-tant depuis des millénaires », exagère Guillaume Colas, permanent du comité de gouren des Côtes-d’Armor. Durant les tournois de lutte d’été, le vainqueur se voit offrir un bélier, maout en breton, qu’il porte sur ses épaules le temps d’un tour de lice. Depuis 2009, la pratique est mise en péril par des associations de protection animale qui s’appuient sur le code rural qui « interdit l’attribution en lot ou prime de tout animal vivant ». Si la Fédération de gouren a pour l’instant été relaxée sur la forme par le tribunal de Brest, les faits reprochés étant antérieurs à la promulgation de la loi, l’association de défense des animaux Stéphane Lamart compte bien ramener l’affaire devant la justice qui a tout de même reconnu l’infraction.

« Cette interdiction est une attaque contre la Fédération, notamment avec les accusations de

maltraitance », dénonce Guillaume Colas. Lors de l’audience, le président proposait de contourner la loi par le prêt temporaire de l’animal. « Au niveau pra-tique, ça ne tient pas debout, répond Erwan évenou, président de la fédération de gouren. Quelle bergerie acceptera de prêter un mouton pour quelques heu-res ? Et puis, c’est aussi une question de principe. On touche à notre culture, à nos traditions. » La Falsab qui soutient le comité de gouren déplore cette procé-dure en justice : « On fait passer les lutteurs pour des sauvages. Il y a un amalgame qui entraîne une repré-sentation dommageable du gouren », regrette Nicolas Ollivaux. Le code rural exclut actuellement les mani-festations agricoles de son champ d’application. Le député costarmoricain Marc Le Fur souhaite l’élargir aux compétitions de sports traditionnels. « L’enjeu de cette loi, a t-il déclaré au quotidien Le Télégramme, est de permettre au gouren de ne pas disparaître. »

Le maout face à la loi

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Qui a déjà entendu parler de hurling ou de football gaélique ? Ces deux jeux traditionnels sont pourtant, dans certaines régions de l’Irlande, plus pratiqués que le football ou le rugby. Ces sports nationaux existent depuis plus de deux mille ans d’après la mythologie irlandaise.

La version actuelle du football gaélique et du hurling date de la création de la Gaelic athletic association (GAA) en 1884 par des indépendantistes irlandais. Ces derniers voulaient redorer le blason de ces sports, alors en déclin, et rejeter toute importation et influence anglaise. Cet aspect politique a joué un rôle dans l’indépendance de la République d’Irlande.

La GAA affiche aussi ses intentions de promouvoir la langue gaélique, la musique et la danse traditionnelle irlandaise. Et même si, aujourd’hui, elle revendique une certaine neutralité politique, il subsiste toujours en son cœur une volonté d’unifier l’Irlande. Ses compétitions se déroulent d’ailleurs sur l’ensemble de l’île entre les trente-deux comtés de la République d’Irlande et de l’Irlande du Nord.

Malgré leur popularité, les sports gaéliques demeurent amateurs. La GAA doit toutefois faire face à de nombreuses attaques pour préserver leur authenticité. Certains joueurs de football gaélique ont été contactés par des clubs professionnel de football australien, sport le plus proche du sport national irlandais. Des affaires de dessous de table ont également secoué la planète GAA. Il faut dire que quand un sport arrive à rassembler 82 000 personnes à Croke Park, le stade emblème des sports gaéliques, on comprend qu’il lui est difficile d’échapper à certaines dérives. Certains joueurs sont de véritables stars et vivent des contrats de sponsors alors qu’ils ne touchent aucune rémunération de leur club comme le veut la GAA. Le danger vient aussi de l’explosion du football spectacle qui touche maintenant aussi le rugby. Les jeunes irlandais sont inondés de ces sports par les différents médias et se tournent naturellement vers ce qui brille.

terreS de Sport terreS de Sport

s’éloignent du terrain pour se jeter dans les bras de leurs parents. Les autres ne semblent pas pressés de rentrer chez eux. Ils préfèrent rester à Saint-Mary’s, dont ils af-fichent fièrement les couleurs. Il faut dire qu’au pays du trèfle, sport gaélique rime avec fierté nationale. Spécifi-cité irlandaise, le football gaélique et le hurling sont les deux sports gaéliques majeurs. Ils sont très peu pratiqués en dehors de l’île, hormis par quelques expatriés.

L’écoLe avant Le cLubAussi plébiscités que le football et le rugby, les sports

gaéliques relèvent plus d’une tradition que d’un business organisé. La Gaelic athletic association (GAA), fédération de ces sports non-professionnels, compte 750 000 adhé-rents sur les 6,3 millions d’habitants de l’Irlande. De nombreux enfants commencent la pratique des

sports gaéliques très jeunes. De 4 à 7 ans, ils peuvent intégrer le système de garderie mis en place par la Fédé-ration. Ils y apprennent les règles ainsi que les premières bases du hurling et du football gaélique. Au-delà de la découverte d’un sport, ils se familiarisent avec la vie de groupe. Le respect de l’autre est l’une des valeurs centra-les inculquées lors de ces sessions d’éveil corporel.L’école prend ensuite le relais de cette initiation. 90%

des écoles irlandaises intègrent ces sports à leur pro-gramme scolaire. C’est le cas à Saint-Mary’s où, de sep-tembre à octobre, chaque semaine, une heure de cours est consacrée aux sports gaéliques. Dans chaque classe, plus de la moitié des élèves s’entraîne aussi pour évoluer avec l’équipe de l’école. La plupart des assidus des sports gaéliques à l’école les pratique également en club. Beau-coup, comme Luke, onze ans, ont même de l’ambition dans ce sport : « Je veux essayer de jouer au plus haut niveau national donc, pour moi, pratiquer à l’école est

important. Plus je m’entraîne, meilleur je suis. »Sur le terrain, tous les lundis après-midi, les entraî-

nements prennent des allures de partage d’un savoir ancestral. « Plus vite ! Lève ta crosse ! Bien joué ! », répète Don Oneil, instituteur qui enseigne bénévolement les sports gaéliques à ses élèves. Après les cours, sur son temps libre, il leur apprend les bases. « Je pense qu’il est essentiel que je fasse cela. Il faut préserver ces traditions. C’est crucial pour notre identité. Et particulièrement à Dublin, où les sports gaéliques sont moins présents. C’est à l’école que les enfants les découvrent et c’est ici que leur passion prend forme. »

de L’écoLe au stade du « paradis »Un grand nombre de jeunes garçons préfère finale-

ment jouer à l’école plutôt qu’en club, comme le justifie Mickael, dix ans. « Je connais mieux les gens de l’école, ce sont mes amis. En plus, avec l’école, on gagne des médailles et des coupes alors que, comme on est trop jeunes pour jouer en ligue, il n’y a pas d’enjeu dans les clubs. Et aussi, quand on gagne avec l’école, on n’a pas de devoirs à faire, c’est le gros bonus ! » Sans parler du privilège de pouvoir disputer un match à Croke Park, le plus grand stade irlandais. Samedi 10 avril 2010, la finale du championnat inter-écoles s’est déroulée dans cette enceinte dédiée aux sports gaé-

Sports gaéliques, une tradition irlandaise à préserver

Jeune joueur de football gaélique au plus haut niveau national, Alan O’Mara sait qu’il doit beaucoup à l’école.

(Photo D.R)

« On représente vraiment

Comment as-tu commencé à jouer au football gaélique ?J’ai grandi à Dublin, où le football a

été mon premier amour. Je pratiquais le football gaélique seulement à l’école. Vers l’âge de 12-13 ans, ma famille a déménagé à Cavan. Là-bas, la vie tourne autour de la Gaelic athletic association (voir encadré). Dans ma nouvelle école, le football gaélique a été le moyen de rencontrer d’autres jeunes et de me faire des amis. C’était le sport à pratiquer pour se socialiser. Et j’ai intégré l’équipe de l’université pour les mêmes raisons.

Pour qui préfères-tu jouer, ton club ou ton école ?Je préfère jouer pour l’université.

L’ambiance y est plus décontractée. On veut aussi gagner mais on s’amu-se plus. L’école reste l’école mais, ça, c’est la partie qui nous motive à y venir. En plus, la GAA à l’université permet vraiment de s’intégrer et de se mélanger. Dans mon équipe actuelle, les joueurs viennent de huit coun-ties différents. La GAA nous donne le sentiment d’appartenir à quelque chose tous ensemble, d’avoir une vé-ritable identité.

Et comment est l’ambiance en club ? Il y a plus de compétition entre

les différents counties. C’est pres-que une guerre de territoires ! Il y a une certaine fierté aussi, d’autant plus qu’on joue avec et devant des gens qui nous ont vus grandir. Il y a une telle passion pour les sports gaéliques, c’est vraiment différent du football traditionnel. C’est un hon-

neur de porter notre maillot et de pouvoir embrasser l’écusson du club à chaque match. On ne représente pas seulement une équipe, mais vrai-ment la région où l’on vit.

Penses-tu qu’il est important d’enseigner les sports gaéliques à l’école ?Je ne peux pas m’imaginer grandir

sans sport à l’école. C’est indispen-sable que les écoles maintiennent l’ambition de faire découvrir plein d’activités aux élèves. J’ai gagné mes tous premiers titres sportifs avec l’équipe de l’école, donc ça fait quel-que chose. à 11 ans, j’ai aussi eu le privilège de jouer avec cette équipe en ouverture de match devant 10 500 personnes. Je n’oublierai jamais ce jour !

On parle de plus en plus d’argent dans les sports gaéliques. Pour-raient-ils devenir professionnels? Pour le moment, tout est toujours

une question de passion et de vo-lontariat. Ce sport me prend quatre à cinq soirées par semaine, sans que je ne touche rien. Les meilleurs joueurs gagnent de l’argent avec leurs spon-sors, c’est suffisant. Ils ne doivent pas être payés par le club. ça ne fait pas partie de l’esprit du jeu. Par contre, je trouve ça bien que les jeunes joueurs soient encouragés à continuer de jouer après le lycée. Je perçois une bourse de 1 000 euros pour jouer avec le DIT. ça nous récompense car ce sport exige beaucoup de temps et de travail. Mais on le fait parce qu’on en a envie, sinon on passerait notre vie devant la télé ou sur Facebook.

Quels sont tes projets?De plus en plus de joueurs vont

aux états-Unis chaque été pour jouer avec des équipes de football gaéli-ques de là-bas. C’est une façon de maintenir et de transmettre notre identité. Je vais postuler pour y aller et, si ça ne marche pas, je retenterai l’an prochain.

Alan O’Mara n’a pas encore vingt ans mais cumule les expériences. Il est gardien de but de football gaélique pour le comté de Cavan, à une

centaine de kilomètres au nord de Dublin, et pour son université, le Dublin institute of technology (DIT).Plus de 90% des écoles

irlandaises intégrent les sports gaéliques à leur programme scolaire.

...

...

la région où l’on vit »

(suite page 34)

abcdefghijklmnopqrtuvwxyz34Sportd’Attaches Sportd’Attaches35abcdefghijklmnopqrtuvwxyz

Brest représente une métropole française au cœur d’un pays bre-tonnant, alors que Guingamp est considérée comme une bourgade bretonne. Leurs deux équipes sont-elles si différentes ?L’En Avant de Guingamp (EAG) dé-

tient un palmarès, puisqu’il a gagné une Coupe de France, une Coupe In-tertoto et participé aux compétitions européennes. Pour autant, le club est un cas anormal du football français, avec l’image du village d’Astérix. Sa réussite repose sur l’ambition d’un seul homme : Noël Le Graët. Alors que Brest est fondamentalement une ville de football. Le Stade Brestois a long-temps évolué en première division, mais a un palmarès à construire. En revanche, les deux clubs possèdent un public populaire.

Que pensez de la rivalité entre les deux équipes ?Il s’agit avant tout d’une rivalité de

supporters. Elle concerne même deux clubs de supporters avec, d’un côté, le Kop Rouge de l’EAG et, de l’autre, les Ultras brestois.

Est-ce uniquement une opposition entre supporters ?Oui. Cette rivalité ne concerne pas

les clubs, ni les dirigeants et encore moins les joueurs, qui changent régu-lièrement de club dans leur carrière. Le patriotisme de club a quelque peu disparu chez les footballeurs. Mais l’émulation est toujours présente chez les supporters. Ils chambrent souvent l’équipe adverse. Je me souviens d’un match entre les deux équipes à Guingamp en 2004, où le public bres-

tois affichait sur une banderole « Le Graët, nous revoilà », treize ans après la liquidation du Brest Armorique en 1991.

Cette rivalité s’est-elle enclenchée à partir de ce fait-là ou lors du premier match au cours de la sai-son 1977/1978 ?Cette rivalité est très récente. Elle

s’est réellement enclenchée lorsque le Stade Brestois s’est retrouvé dans un maelström financier avec un déficit de 155 millions de francs. L’histoire a fait que le dernier match du club avant sa rétrogradation ait eu lieu au stade du Roudourou. à ce moment-là, certains supporters brestois ont une rancœur, puisqu’ils s’imaginent que le club a été coulé par Le Graët, alors président de la Ligue de football professionnelle, ce qui est faux. Pendant que Brest s’écroulait, Guingamp brillait en pre-mière division. Mais il est vrai qu’une rivalité sportive se construit avec ces faits-là.

Finalement, le terme de « derby breton » possède-t-il une réelle si-gnification ?Médiatiquement, c’est toujours in-

téressant. Autant Rennes-Nantes, c’est historiquement un derby, autant Brest-Guingamp constitue plutôt un derby de circonstances. Il ne va pas durer, surtout si ces équipes n’évo-luent plus dans la même division. Dans l’histoire du sport, les vrais derbies opposaient deux clubs d’une même ville, généralement le patro-nage catholique contre le club laïc. Cette rivalité s’est ensuite départe-mentalisée, puis régionalisée.

Édouard DanielPrésents au stade du Roudourou le 21 février 2010, les supporters bretois seraient à l’origine de la rivalité entre l’EAG et le Stade Brestois selon Georges Cadiou.

(Photo EAG.com)

L’un évolue dans l’élite du football français, l’autre en National. Le Stade Brestois et l’En Avant de Guingamp sont considérées comme

des équipes rivales. Journaliste à France Bleu, Georges Cadiou analyse les rapports entre les deux clubs.

Le pseudo derby

terreS de Sport terreS de Sport

qu’est-ce qu’un « derby » ?à l’origine, le mot « derby » désignait une course hippique de 2 400 mètres disputée à Epsom (Royaume-Uni) à partir de 1780. Le terme anglais s’est décliné pour définir un match sportif entre deux clubs rivaux géogra-phiquement proches.

La rivaLite en chiffresDepuis la saison 1977/1978, l’En Avant de Guingamp et le Stade Brestois se se-ront croisés à vingt re-prises, dont six années de suite depuis 2004. Le bilan des confron-tations tourne à l’avantage de l’équipe finistérienne avec sept victoires, huit matchs nuls et cinq défaites.

liques, surnommée « le paradis » par les joueurs. Même si la ferveur n’était pas aussi intense que lors d’une finale senior de haut niveau, les joueurs sur le terrain, comme leurs camarades dans les tribunes, ressentaient la fierté d’appartenir à la même école. Paul Mc Ateer, dix-huit ans, drapeau en main, était venu supporter son ancienne équipe scolaire. « C’est difficile de rentrer dans ces équipes, le niveau est très élevé. Donc c’est une véritable fierté de gagner. Même si je suis trop âgé pour faire partie de cette équipe, il est de tradition de venir supporter son établissement. Cela dit, je trouve qu’il est plus important de jouer pour un club plutôt que pour l’école. »Avec l’âge, la fierté de jouer pour son école cède la

place à celle de jouer pour un club. Si l’école permet de faire découvrir les sports gaéliques au plus grand nom-bre, ce sont bien les clubs qui assurent leur popularité et leur pérennité. « Le succès des clubs repose sur la fierté d’appartenir à une ville ou à un comté et de se donner corps et âme pour les représenter », explique Darragh Biddlecombe, responsable des sports gaéliques au sein de l’université, le Dublin institute of technology. Il faut préciser que la tradition veut que chaque joueur porte le maillot de l’équipe de la région où il est né.

des traditions à préserverDans cette coutume réside l’une des forces de l’ama-

teurisme des sports gaéliques. La fédération tente de la défendre, mais doit faire face à la pression du plus en plus forte du football spectacle et du football business (lire encadré). L’école demeure l’un des meilleurs moyens pour préserver la singularité des sports gaéliques. Une organisation bénévole de professeurs d’école primaire, Cumann Na Mbunscol, tente d’ailleurs de promouvoir les jeux traditionnels dans les cours d’école. Ils organisent des tournois inter-écoles et fournissent posters, drapeaux et divers gadgets pour susciter l’intérêt des élèves. « Cette association entretient des liens étroits avec chaque école et organise une fois par an une grande compétition entre les différents counties », explique Bronwyn O’Donnell, ins-titutrice à Saint-Mary’s.Les sports gaéliques ont pour le moment préservé leur

authenticité malgré les diverses menaces qui pèsent sur eux. L’école irlandaise n’est pas étrangère à cette réussi-te, à l’image de Saint-Mary’s, qui dès sa création en 1977, prônait l’apprentissage et le développement des sports traditionnels irlandais. Trente-trois ans plus tard, cette ambition demeure et n’est pas près de s’éteindre.

Julien Boitel Céline Pastezeur

Deux à trois fois par semaine, les écoliers de Saint-Mary’s se perfectionnent à la pratique d’un sport traditionnel, le football gaélique (ci-dessus) ou le hurling. (Photo : Julien Boitel)...

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Sport pour Se conStruIre

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des Glénans de l’Ile d’Arz et journaliste au Chasse-Marée. La voile est hissée par les pêcheurs pour le travail mais pas pour le plaisir. « Seule une élite composée de notables, dont très peu étaient Bretons, pratiquent le « yachting » en costume ! », ajoute André Linard. Les bourgeois de l’époque organisaient régulièrement des régates entre eux. Quelques rares marins-pêcheurs locaux y participaient. Mais la disparition de la voile au travail au profit des bateaux à moteur les détournent totalement de l’activité.

Les gLénans, Les débuts d’une voiLe Loisir Les Glénans sont en 1947 le fer de lance de la plai-

sance populaire. Philippe Vianney, Parisien et ancien Résistant, souhaite trouver un moyen de réinsérer dans la société des jeunes dont l’adolescence fut perturbée par la Deuxième Guerre mondiale. Après avoir décou-vert l’archipel paradisiaque des Glénans au large de Bénodet, Philippe Vianney et sa femme Hélène instal-

lent sur l’île du Loch un camp de vacances avec pour principale activité : la voile. « Ils se sont formés avec les pêcheurs du coin et se sont aperçus qu’il se passait beaucoup de choses sur les bateaux au niveau humain : de l’échange et de la solidarité, raconte Yann Le Notte, formateur aux Glénans de Paimpol. Des valeurs qui cor-respondaient à leur projet. » Dans un premier temps, les bénéficiaires ne sont pas Bretons mais Parisiens. « La voile était un sport coûteux qui n’était pas à la portée de tout le monde », assure André Linard.

vers une déMocratisation de La voiLeAfin d’y remédier, Philippe Vianney essaye de

dénicher des solutions pour obtenir des bateaux à bas prix. Il rencontre l’architecte Jean-Jacques Herbulot. Ensemble, ils mettent au point dans les années 1950 un petit bateau en contreplaqué, léger, facile à manier et surtout bon marché : le Vaurien. « ça ne coûtait rien à l’époque, peut-être 1 000 francs, soit l’équivalent de deux bicyclettes », se rappelle Michel Kerhoas, président de la Ligue Bretagne voile. La formation commence à se structurer, notamment

dans le Finistère : « à l’époque, entre cinq et dix écoles se créaient par an ! », s’enthousiasme Philippe Rodet, le directeur de Nautisme en Bretagne qui regroupe des professionnels bretons du secteur nautique. Les écoles de voile sont impulsées par des personnes originaires de Bretagne mais qui n’y vivent plus. Jacques Kerhoas, aujourd’hui disparu, est l’un des leurs et met en place le premier centre nautique proposant des classes de mer à Logonna-Daoulas, petite commune du Finistère. En 1964, le concept est révolutionnaire. Jacques Kerhoas imagine un système d’éducation intégrant de manière originale des notions maritimes. « Durant trois semai-nes, on faisait de la voile avec les enfants mais aussi des mathématiques en calculant la règle des douzièmes des marées et du français avec le vocabulaire marin, se rappelle Fabienne Fontaine, ancienne monitrice au centre nautique de Logonna-Daoulas. Au début, il n’y avait que des écoles parisiennes qui venaient car c’était la seule région de France qui payait des stages de voile à ses enfants. » La même année, éric Tabarly gagne la deuxième Transat anglaise, considérée comme la première course en solitaire institutionnalisée. Il met fin à la domination britannique dans ce domaine. Cette victoire révèle la voile au grand public, notamment aux Bretons. « Tabarly a été un élément déclencheur pour donner envie aux gens d’apprendre la voile », souligne Michel Kerhoas.La Bretagne a le vent en poupe. Pourtant, il faudra

attendre une dizaine d’années pour que la pratique ne s’étende aux autochtones. Financée par les conseils généraux et les communes, la voile scolaire se déve-

S ur les berges de Saint-Malo, près de 250 000 spectateurs sont venus admirer le départ des bateaux de la Route du Rhum 2006. Franck Cammas passe la ligne de départ sur son énorme trimaran Groupama tandis que Roland

Jourdain le défie sur son monocoque de soixante pieds. Le gi-gantisme des bateaux, les grands skippers et les courses au large intéressent les Bretons. Mais leur engouement pour la voile n’était pas acquis d’avance. Pays de vents, avec ses 2 730 kilomètres de côtes, la Bretagne

est l’endroit rêvé de tous les marins. Pourtant, la pratique de la voile a mis du temps à être considérée comme un sport breton. « Au milieu du XXe siècle, la mer est un lieu de travail et non de loisir », rappelle André Linard, ancien formateur au centre nautique

Pour beaucoup, Bretagne rime avec voile. Pourtant, c’est seulement depuis les

années 1960 que la pratique de la voile s’impose comme un sport breton. Avec

plus ou moins de réussite.

terreS de Sport

Au 5e challenge de Printemps de La Trinité-sur-Mer, près de 200 bateaux se sont disputés la victoire les 20 et 21 mars derniers. (Photo Emmanuel Schmitt)

La voile, u n sport pas si breton

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Sport pour Se conStruIre

plus en plus leur savoir-faire au niveau international. Par exemple, le chantier CDK Technologies de Hubert Des-joyeaux à Port-la-Forêt se spécialise dans la construction de grands bateaux de course au large. Son chiffre d’affai-res est dopé par l’exportation, qui en représente environ un tiers. Christian Lepape fait remarquer avec fierté que « le chantier CDK est la référence en construction high-tech des bateaux de course au niveau mondial ».

une professionnaLisation du MiLieu inévitabLeSi la course au large et la plaisance prennent de l’am-

pleur, les écoles de voile peinent à suivre. De plus en plus de diplômes structurent le secteur : le monitorat fédéral de voile, le Brevet d’état, le BPPV (diplôme de patron de plaisance à la voile). Le développement économique de la filière nautique s’accompagne d’une professionnalisation du milieu. Il devient de plus en plus compliqué d’organiser des classes de mer, des cours de voile ou encore des régates. « Aujourd’hui, les nombreuses contraintes juridi-ques font diminuer le nombre de bénévoles et augmenter le nombre de salariés », regrette éric Carret, actuellement capitaine du bateau de course de Vincent Riou. Pour en-cadrer une classe primaire sur l’eau, les deux moniteurs doivent être nécessairement diplômés d’un brevet d’état. Dans les années 1990, un seul diplômé du brevet d’état suffisait. Les grosses structures comme le centre nautique de Brest peuvent se permettre de recruter de nouveaux professionnels mais, pour les petites écoles de voile, c’est plus difficile.Le gigantisme de la course au large éloigne la prati-

que amateur. « Les chantiers de construction des marins comme Desjoyeaux ou Le Cam ressemblent à des hangars

de Formule 1 », s’amuse à comparer Christian Lepape. Les marins deviennent des chefs d’entreprise et ne pensent qu’à gagner. « On perd en poésie ce que l’on gagne en efficacité », conclut le directeur du centre d’entraînement de Port-la-Forêt.

un secteur éconoMique touristiqueLa voile représente le deuxième sport breton en terme

de licenciés avec 77 000 inscrits. Mais sur l’ensemble des pratiquants, seulement 11,4 % habitent la région. La plu-part des licenciés sont donc des touristes, majoritairement originaires de région parisienne qui viennent pratiquer la voile en période estivale. « C’est le chiffre d’affaires que nous réalisons l’été qui nous permet de faire naviguer les Bretons le reste de l’année », dévoile Michel Kerhoas.Il subsiste un énorme décalage entre cette représen-

tation de la Bretagne comme terre de voile et la réalité de la pratique de ses habitants. Hélori Guérin, co-direc-teur du centre nautique de Combrit Sainte-Marine, en est convaincu : « La Bretagne est issue d’une culture agricole très forte. La voile n’est certainement pas une passion chez les Bretons. » Même si de nombreuses vedettes de la course au large sont originaires de la région et que le secteur ne connaît pas meilleur dynamisme qu’en Bre-tagne, les Bretons ne sont pas naturellement des marins dans l’âme.

Manon Loubet Édouard Daniel

éric Carret prépare avec minutie le bateau de course de Vincent Riou pour le prochain Vendée Globe. (Photo édouard Daniel)

loppe dans les écoles bretonnes et permet enfin aux jeunes Bretons de pratiquer l’activité.

L’âge d’or de La voiLeà la fin des années 1980, la Bretagne fait la part belle au

patrimoine maritime délaissé depuis l’apparition des ba-teaux à moteurs. Elle retrouve une culture oubliée que les marins avaient expérimentée pendant de nombreuses an-nées. à Douarnenez, Pors-Beach, port de Logonna-Daou-las puis à Brest, on organise des fêtes de vieux gréements, souvent restaurés par des associations de bénévoles. Dans le même temps, les passionnés de voile franchissent

un nouveau pas. Ils constituent la Ligue Bretagne voile en partenariat avec la Fédération française. Et les écoles de voile du Finistère créent Nautisme en Finistère. « Cela

nous a permis de nous fédérer pour peser auprès des collectivités locales », explique Philippe Rodet. La Région prend conscience des atouts que peut re-

présenter la voile pour sa communication. « Sur le plan des valeurs, c’est un sport qui correspond à l’esprit des Bretons : le courage, la ténacité et l’innovation », fait remar-quer la directrice de la communication du conseil régional de Bretagne, Anne Miriel-Raffray. De plus, la politique de décentralisation menée par l’état à partir des années 1980 dote la région et les départements de nouveaux moyens financiers : « Les collectivités étaient à la recherche d’idées pour mettre en valeur leurs territoires, se rappelle Philippe Rodet. On est arrivé au bon moment avec un projet co-hérent pour développer la voile en Bretagne. » Des finan-cements se débloquent et la voile sportive commence à progresser. La Bretagne se spécialise dans la course au

large en solitaire et des marins d’autres pays viennent pour s’y former et naviguer, comme l’Anglaise Ellen McArthur. Une poignée de skippers Bretons dont Roland Jourdain,

Michel Desjoyeaux et Jean Le Cam sont à l’initiative de la création d’un centre d’entraînement à la course au large à Port-la-Forêt. « Ils voulaient s’entraîner collectivement aux courses en solitaire, explique Christian Lepape, directeur de la structure. Personne n’y croyait au début mais, finalement, ce fut une réussite ! » En vingt ans, l’effectif des coureurs de Port-la-Forêt s’est multiplié par cinq. Et l’implantation du Pôle permet un véritable essor économique pour la petite commune de la Forêt-Fouesnant. « Il y a environ quarante entreprises autour du port qui interviennent pour la course au large », observe Christian Lepape. L’une d’entre elles, « écriture » réalise des publicités peintes et adhésives, notamment pour les sponsors des bateaux. La course au large représente 70% de son chiffre d’affaires. Les sportifs de haut niveau constituent autour d’eux de véritables entreprises pour entretenir, construire leurs bateaux et chercher des sponsors. Michel Desjoyeaux emploie actuellement treize personnes. De leur côté, Jean Le Cam et Vincent Riou ont recruté chacun cinq techniciens.

décLin de La pêche, croissance du nautisMeAlors que la voile connaît un essor économique en-

viable, les activités de commerce maritime et de pêche sont en chute libre. Les collectivités locales anticipent une reconversion et misent sur le nautisme. à Brest, on se concentre sur la compétition en développant un centre d’entraînement olympique de voile légère et une zone industrielle dédiée à la voile située à côté du port, sur le site du Moulin Blanc. Tandis qu’à La Trinité-sur-Mer, on organise dix-neuf régates par an dont le Spi Ouest-France. « Sur l’ensemble de la région, le nautisme, c’est 700 millions d’euros et 3 800 emplois », assure Anne Miriel-Raffray du conseil régional. Les premiers bénéficiaires de l’essor de la filière nauti-

que sont les chantiers navals. Ces derniers exportent de

terreS de Sport

Sur l’ensemble des pratiquants, seulement

11,4% sont Bretons.

La voiLe en dates

1947 Création du centre nautique des Glénans

1951 Mise au point du Vaurien

1964 Victoire d’éric Tabarly à la Transat anglaiseConception des classes de mer par Jacques Kerhoas

1978 Première édition de la Route du Rhum (Saint-Malo/Pointe-à-Pitre)

1989 Constitution de la Ligue Bretagne voile et de Nau-tisme en Finistère

1990 Fondation du Pôle Course au Large à Port-la-Forêt

2008 Inaugura-tion de la Cité de la voile à Lorient

Éric Tabarly : du navigateur à l’innovateur

A lire également l’article La voile, le sport naturel des Bretons. C’est pas gagné ! sur http://coteetsport.iut-de-lannion.fr

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Disparu au large de la mer d’Irlande en 1998, éric Tabarly reste une icône dans le monde de la voile, qu’elle soit sportive ou de loisir. Un musée au nom du skipper a même été inauguré à Lorient. Présidée par sa femme Jacqueline, une association a été créée avec pour but de préserver la mémoire du marin. Ses débuts avec la voile ont lieu à l’école des officiers de la Marine nationale de Brest en 1956. Il perfectionne sa connaissance de la navigation et régate en parallèle de sa formation. Il restaure Pen Duick, un vieux grée-ment de son père, pour en faire un bateau de course. Il en concevra cinq autres par la suite. C’est d’ailleurs avec Pen Duick II qu’il remporte la deuxième édition de la Transat anglaise, le 18 juin 1964. Cette victoire a un réel impact auprès du public français. éric Tabarly cultive même la rivalité franco-britannique en refusant, au terme d’une épreuve, de s’amarrer sur les côtes anglaises pour rentrer directement en Bretagne.

Par la suite, la course en solitaire deviendra une spécialité dans le pays, à l’inverse du Royaume-Uni ou de la Nouvelle-Zélande, nations tournées vers la compétition en équipage. « Quand il gagne la Transat, des écoles de voile se créent. Ses performances, ses traversées, ses records ont été un levier », raconte Jean-Marc Baumier, directeur de la Cité de la voile. Véritable maître de la voile, éric Tabarly s’est égale-ment révélé comme un homme inventif, recherchant toujours l’innovation qui permettait à ses bateaux d’être plus rapides et résistants. Sur le Pen Duick V, il installe pour la première fois un ballast, qui permet de mieux répartir le poids du voilier. Il conçoit aussi l’hydroptère, un nouveau type de navire capable de se soulever hors de l’eau. Aujourd’hui, quelques rares marins comme Michel Desjoyeaux sa relève, lui qui aura tellement apporté au développement de la voile, au-delà de la Bretagne.

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terreS de Sport

Un samedi soir à Paris, les joueurs de l’USBP (en noir et blanc) affrontent une équipe de Balard. (Photo : Simon Benichou)

Des Bretons à Paris,

Deux clubs de football bretons cohabitent

dans la capitale, l’USBP et le Breizh-Ile United. Issus d’histoires et de

cultures différentes, ils ont également des points communs, comme le fait

d’offrir une « base sociale » aux Bretons qui viennent

s’installer à Paris.

I l est 19 h 30 sur un terrain de foot-ball de la porte de Champerret, à Paris. Deux équipes locales s’af-frontent. Les rouge et blanc vien-

nent de Balard, XVIe arrondissement, et les blanc et noir de... Bretagne ! Ils sont membres de l’Union sportive des Bretons de Paris (USBP), un des deux clubs « bretons » de football installés dans la capitale. Une spécificité bre-tonne ? Pas vraiment, plusieurs autres régions à l’identité affirmée ont monté des équipes de football à Paris. Si ces deux clubs se distinguent, c’est qu’au fil des années, ils n’ont cessé de ga-gner en notoriété tout en progressant sportivement.

des parcours différentsPour l’USBP, tout commence en

1998. Un Breton expatrié, Michel Hellio, joue dans un club d’entreprise

avec trois amis. Comme l’ambiance ne leur convient plus, ils décident de créer leur propre équipe : le Goéland FC. Les policiers et les infirmiers du début laissent peu à peu la place à des ingénieurs travaillant dans les télécoms ou les BTP, des enseignants, des étudiants montés finir leurs études... En douze ans d’existence, le club connaît une progression spectaculaire. Sportivement d’abord, l’association gravit plusieurs échelons au cours des années, passant de première division de district à division d’honneur régionale (DHR) en 2004. En 2008, le Goéland FC intègre l’USBP, une structure sportive créée en 1925 qui fédère des équipes de sportifs bretons à Paris. Un événement permet également au club de se faire connaître : la finale de la Coupe de France entre Guingamp et Rennes l’an dernier. Un

article dans Ouest-France, ainsi qu’un passage sur France 3 Bretagne ont fait le reste. L’an dernier, le club a dû refuser trente-deux inscriptions.Une évolution proche de celle de

Breizh-Ile United, au parcours pour-tant bien différent. Le second club de football breton de la capitale a été fondé en 2005 par d’anciens élèves de l’IUT de Vannes. Arrivés à Paris à l’occasion d’un stage ou d’un premier emploi, ils décident de créer une équi-pe de football à sept. Par ses valeurs et sa pratique, la discipline se distin-gue du football tel qu’il est pratiqué à onze : « On joue en auto-arbitrage, ce qui a tendance à te responsabiliser en tant que joueur », explique Fanch, grande gueule de l’équipe B. à Breizh-Ile United, le sens de la compétition est aussi moins marqué qu’à l’USBP. Mais, comme le Goéland FC, les ré-

sultats sportifs sont au rendez-vous et le club est en pleine expansion. Dès 2006, une équipe B est créée pour faire face à l’affluence grandissante et ,en 2007, le club monte une équipe de foot à onze. Il doit son dynamisme au leadership parfois autoritaire de son président Yann Hamon, ironiquement surnommé Mobutu.

une pLate forMe d’aiguiLLage L’amour des Bretons pour le football

et l’actualité sportive ne suffisent pas à expliquer le succès des deux clubs. Chacun à leur manière, ils font égale-ment office de plate-forme d’aiguillage pour les Bretons fraîchement arrivés à Paris. Breizh-Ile United se perçoit presque comme l’extension naturelle de l’association des étudiants de l’IUT de Vannes. « L’idée, c’est de perpétuer une tradition estudiantine. Aujourd’hui, on s’insère tous dans la vie profes-sionnelle et c’est assez rassurant pour nous d’avoir Breizh-Ile United », estime Julien, membre de l’équipe B. Et le football n’est qu’une des multiples ac-tivités qui sont organisées : des apéros et soirées en tout genre sont réguliè-rement mises en place, et le forum du club sert à organiser des vacances en commun. Damien a aussi trouvé une colocation grâce au club. « Quand un jeune salarié monte à l’occasion de son premier emploi, il n’est jamais tout seul. D’un seul coup, il connaît qua-rante personnes ! Il a son réseau, car c’est aussi un réseau professionnel », analyse Fanch. Une grande partie des emplois accessibles aux étudiants de l’IUT se trouve en région parisienne. Si les recommandations directes sont rares, les nouveaux arrivants utilisent le club pour s’informer sur les oppor-tunités qui leurs sont offertes.Du côté de l’USBP, on privilégie les

valeurs sportives. Mais alors, pourquoi se rapprocher forcément d’une équipe estampillée « Bretagne » ? « J’ai joué un an et demi à La Garenne-Colombe, dans les Hauts-de-Seine. Il y avait une bonne ambiance, mais pas du tout celle que j’avais connue en Bretagne », raconte Erwan. Malgré la dimension de compétition insufflée par le fonda-teur et le bon niveau des joueurs, la troisième mi-temps et l’esprit d’équipe sont bien présents. Bien souvent, les joueurs de la A arrivent en avance pour encourager leurs camarades de la B

qui jouent en premier, et vice-versa. « Certains joueurs ont même trouvé du travail grâce au club », explique Erwan. Une dimension d’entraide sur laquelle insiste Michel Hellio : « On est aussi là pour aider les gens qui arrivent sur Paris et qui sont perdus. Chez nous, le soutien est fort parce qu’on a une identité commune. » Quelle place joue la Bretagne dans

tout cela ? « Je ne pense pas que ce soit uniquement l’identité bretonne qui nous rassemble, mais plus une convergence de situations. Au dé-part, ce sont des gens qui viennent contraints par des raisons profession-nelles », corrige Frédéric, ingénieur, pour qui la région est essentiellement un point de rencontre. Fanch, nuance : « Ce n’est pas tant par la culture que par l’esprit, les usages. » Michel Hellio le rejoint : « Quand je discute avec un « 56 » ou un type d’Ille-et-Vilaine, il y a quelque chose en commun. En

toute humilité, on est des battants. C’est pour ça qu’on est apprécié, ici, dans les entreprises. » Au risque de tomber par facilité dans l’entre-soi ? La saison dernière, l’USBP a choisi de ne recruter que des Bretons. Même si les deux clubs accueillent aussi des non-Bretons, certains joueurs sont conscients du risque : « C’est triste à dire, mais je savais qu’en venant ici, j’allais retrouver l’ambiance, le ves-tiaire que je cherchais », concède Kevin. François préfèrent en plaisan-ter : « Si je suis monté à Paris, c’était pour voir autre chose, je n’étais pas contraint par mon travail. Résultat, 90% des gens que je fréquente sont des Bretons ! »

Simon Benichou

« Le soutien est fort parce qu’on a une identité commune. »MicheL heLLio

l’intégration par le foot

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Sport pour Se conStruIre

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Sport pour Se conStruIre

P our un samedi d’avril, le so-leil frappe déjà fort sur le parking du stade rennais. Il est 12h30. Olivier, Mirko,

Erwan et quelques autres s’affairent autour du car, chargeant banderoles, sandwichs et packs de bière, pen-dant que d’autres préfèrent discuter ou taper dans le ballon. Le véhicule démarre, emportant une trentaine de passagers vers Lorient, où a lieu le « derby de l’ouest » opposant le FC Lorient à l’équipe de Rennes. Ce sont les jeunes des Unvez Kelt (UK, Unité Celte), un des deux groupes d’ultras qui supportent le club de football ren-nais. Souvent amalgamés aux hoo-ligans, les ultras pâtissent de l’image sulfureuse véhiculée par les médias à leur sujet. « Il y a deux modèles de supportérisme qui s’opposent,

analyse le sociologue Nicolas Hour-cade, spécialiste du mouvement ul-tra. D’un côté on trouve l’association officielle, très proche du club, dont les membres occupaient auparavant des fonctions bénévoles, à la buvette ou de la vente des billets. De l’autre, on trouve les ultras, qui sont issus d’un modèle basé sur l’ambiance, constitué de groupes plus démons-tratifs revendiquant leur autonomie par rapport au club. » Créé il y a un peu plus d’un an, l’Un-

vez Kelt est encore un petit groupe dont les contours et l’identité dans le stade sont mal définis. Il cohabite avec le Roazhon Celtic Kop (RCK) qui rassemble le noyau dur des ultras rennais. Dans le car, l’atmosphère se réchauffe : les UK se l’approprient en scotchant leurs drapeaux sur les vi-tres, entament des chants à la gloire de Rennes et font circuler sandwichs, packs de bière et bouteilles de vodka.

Dans le brouhaha, Mirko, chargé de la communication, tente de revenir sur leur création. « Au départ on voulait créer un répondant au RCK, occuper la tribune qui est en face d’eux et pouvoir faire écho à leurs chants. L’idée est née sur des forums et, ra-pidement, on a réussi à rassembler une base de quarante personnes, et on s’est lancé. » Un an plus tard, le bilan est contrasté : le groupe s’est vite fait remarquer par la qualité de ses animations et le dynamisme de ses membres. Mais dans la ferveur des débuts, certains ont manqué de mesure. Unvez Kelt doit aujourd’hui payer des amendes supérieures à son budget annuel, à cause de graffitis réalisés sur des aires d’autoroutes.

Le côté suLfureux attire Les jeunesDès l’arrivée à Lorient, le groupe est

escorté par des véhicules de police. Ils seront suivis à la trace jusqu’à leur entrée au stade. En attendant le match, les UK paradent torses nus en centre-ville à la recherche d’un bar. Accompagnés de chants et de fumigènes, ils apostrophent les Lo-rientais qu’ils croisent dans la rue, mais l’atmosphère reste « bon en-fant ». L’heure est à l’alcoolisation massive : « On va quand même pas arriver à jeun au stade ! » L’après-midi se déroulera sans encombres mais, à l’approche du stade, la ten-sion monte d’un cran. L’alcool aidant, certains membres semblent prêts à en découdre avec des supporters ad-verses. Difficile alors de ne pas faire d’amalgames entre le comportement du groupe et celui de quelques-uns. Mirko explique : « On essaie d’imposer des règles, mais c’est pas facile de canaliser tout le monde. Au fond, chacun est responsable de ce qu’il fait, même si ça peut poser des pro-blèmes au groupe. Mais ce qui pous-se les jeunes à rejoindre le groupe, c’est aussi le côté sulfureux, les fumi-gènes ». Interdits dans l’enceinte du stade, ils illustrent le conflit récurrent qui oppose les ultras aux institutions footballistiques. Un fumigène allumé en tribune, c’est une amende pour le club. Pourtant, ils font souvent l’objet d’un marchandage entre la sécurité du stade et les ultras. En laisser pas-ser quelques-uns permet aux stadiers

d’établir un rapport de confiance avec certains meneurs. « Personnellement, je prônerais assez la notion de fumi-gène festif », estime Patrick Fretel. à la fois secrétaire général et directeur de la sécurité du Stade Rennais, cet homme est un observateur privilégié des ultras rennais. « Il y a des com-portements qui ne peuvent pas être tolérés, comme lancer des fumigènes sur la pelouse ou dans les tribunes. ça ne s’est jamais produit à Rennes parce qu’il y a un dialogue. »Un autre groupe, les Breizh Stour-

mer (Combattants bretons), pose problème à la sécurité du stade. Né en 2003 d’une scission avec le Roa-zhon Celtic Kop, le groupe a pris une direction radicalement différente. Très marqués à droite sur l’échiquier politique, les Breizh Stourmers s’il-lustrent davantage par leur attrait pour la bagarre que par leur sou-tien actif au Stade Rennais Football Club. Après avoir occupé pendant un moment le virage opposé au RCK, ils semblent aujourd’hui avoir déserté les tribunes. Si le groupe s’est dissout en 2008, ses membres sont toujours bien présents autour des stades les soirs de match, à domicile comme à l’extérieur. « Même si je n’ai pas de preuves, j’ai des soupçons sur les liens qu’ont ou auraient eu certains avec des mouvements autonomistes et extrémistes », confie Patrick Fretel. Le groupe s’en est toujours défendu, tout en arborant des croix celtiques. « On est juste un groupe d’amis », proteste Rémi, ex-membre des Breizh Stourmers. « On est bien moins into-lérants que le RCK, qui n’accepte que des gens de gauche ». Une chose est certaine, entre les deux groupes, c’est la guerre. Selon le RCK, leur local aurait subi les assauts de supporters nancéiens alliés à des membres des Breizh Stourmer, en marge de la ren-contre Rennes-Nancy le 17 avril.

un confLit générationneLLe stade rennais n’est pas spécia-

lement réputé pour la ferveur de son public. « On dit souvent que la Bre-tagne, c’est une région de football, mais c’est clairement pas une ré-gion de supporters », analyse Mirko. Par son ancienneté et ses valeurs, le RCK possède tout de même une certaine notoriété au sein du pay-

sage ultra français. Créé en 1987, le Roazhon Celtic Kop compterait environ trois cents membres. Autour d’un noyau dur constitué par les « cadres », on trouve le gros des trou-pes, dont l’implication est variable. Au delà de ceux-ci gravite la masse des « sympathisants », qui constitue plus de 50 % de l’effectif total. Le RCK est également doté d’une petite section parisienne, le Roazhon Paris, qui réalise des déplacements lorsque Rennes joue dans des villes plus pro-ches de la région parisienne que de l’ouest. Mais après plus de vingt ans d’existence, le groupe historique de Rennes connaît quelques difficultés internes. La création d’une associa-tion concurrente, plus jeune, n’a fait que mettre en lumière le fossé qui sépare la nouvelle génération, pres-sée de prendre les commandes, des membres historiques qui craignent

que l’association ne perde peu à peu ses valeurs. L’identité bretonne, chè-re aux membres fondateurs, ne trouve plus le même écho chez les jeunes. « On ne peut pas faire n’importe quoi avec le nom RCK », insiste Racro, un des cadres, expliquant qu’une disso-lution du groupe a même été envisa-gée par certains. Autant dire que la proposition récente faite par l’UK de fusionner avec les jeunes du RCK au sein d’un nouveau groupe n’a pas été accueillie avec enthousiasme.Ce soir-là, dans le stade, les deux

factions semblent pourtant cohabiter sans trop de difficultés. Dressés sur les grilles qui séparent le terrain des tribunes, dos au terrain, les leaders des deux clans se démènent pour que leurs troupes chantent d’une seule voix. Quand Rennes encaisse un premier but, personne n’ose faire le moindre commentaire. Mais lorsque, peu avant la mi-temps, l’équipe éga-lise, c’est l’explosion. Toute la tribune se soulève d’un même mouvement. Hurlant leur joie, RCK et UK escala-dent le grillage comme s’ils allaient

L’ordinaire des Les membres de l’Unvez Kelt, l’un des groupes d’ultras rennais, lors du match Lorient-Rennes le 10 avril 2010. (Photo : Emmanuel Schmitt)

...

Ultras

Autour du Stade Rennais gravitent plusieurs groupes d’ultras ; des supporters qui

soutiennent leur club de manière inconditionnelle. Voyage au

sein d’un univers complexe et décryptage de ses codes et de ses

pratiques

Un autocollant de l’Unvez Kelt (Unité celte), un des groupes d’ultras du Stade Rennais

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Sport pour Se conStruIre

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Sport pour Se conStruIre

Pour beaucoup de pratiquants, les arts

martiaux ne sont pas seulement un sport, mais un art de vivre. C’est le

cas de l’aïkido, discipline basée sur la non-violence,

et qui se décline en plusieurs courants. à

Lannion et Perros-Guirec, trois clubs cohabitent.

Chacun revendique une manière d’exercer

différente.

L es pratiquants sont age-nouillés devant le pro-fesseur et un portrait du fondateur. La scène

reste figée quelques instants. Puis, les aïkidokas s’animent. Sans abdos

ni pompes éreintantes, mais avec des mouvements calmes et lents, l’échauffement commence. Guidés par le maître, ils frappent ensuite en rythme dans leurs mains. « Pour rassembler l’énergie », explique Jean Leborgne, enseignant à l’ASPTT Lan-nion Aikido. Il pratique l’aïkido depuis vingt-cinq ans, mais pas le même qu’à ses débuts. Non que le sport en lui-même ait connu de grandes méta-morphoses, mais parce que le club s’est orienté vers un autre courant et l’enseignement d’un maître différent, Gérard Blaize.

d’un aïkido à un autreLa section aïkido de l’ASPTT Lan-

nion existe depuis 1983. à la base, elle était affiliée à la FFAB (Fédération française d’aïkido et de budo) et sui-vait le groupe du maître Nobuyoshi Tamura. à la fin des années 1980, les professeurs se sont intéressés à l’enseignement de Gérard Blaize, un élève de Tamura. « On trouvait qu’il

pratiquait de manière plus fluide. On a rejoint le groupe Gérard Blaize dans la FFAB, puis, quand il a quitté la fédération, on l’a suivi », relate Jean Leborgne.Dans le dojo, les aïkidokas sem-

blent danser. Les mouvements sont souples. La tenue que portent cer-tains qui ressemble à s’y mépren-dre à une jupe, accentue l’impres-sion. Deux par deux, les pratiquants s’entraînent. L’un attaque à sa guise, l’autre applique les techniques pour se défendre. « Avec Gérard Blaize, la manière de faire se veut plus douce qu’avec Tamura, indique Jean Lebor-gne. Il met aussi l’accent sur le fait qu’il ne faut pas attendre les coups mais les appeler. C’est-à-dire être en avance sur l’attaque et guider l’ad-versaire. »

de nouveaux cLubsà la fin des années 1980, certains

professeurs de l’ASPTT décident d’ouvrir un dojo à Perros-Guirec, ville

Du dojo à la philoLa figure du maître est importante en aïkido. Le portrait du fondateur est toujours présent dans le dojo, même pendant le cours. (Photo : Sophie Bouchet)

envahir la pelouse. Seuls quelques membres de l’Unvez Kelt restent à l’écart, plus haut dans les tribunes, pour marquer leur distance vis-à-vis du RCK. Visiblement, ils digèrent mal l’échec du rapprochement.

« un univers où L’excès est La Mesure »Au-delà de la définition qu’on peut

en donner, le mouvement ultra et ses membres fuient les cases dans lesquelles on voudrait les enfermer. On y trouve des personnes aux pro-fils très variés, du jeune sans emploi, à l’étudiant en école d’ingénieur. Certains rejoignent les groupes par amour du football ou du Stade Ren-nais tandis que d’autres viennent y chercher l’adrénaline qui manque à leur quotidien. Mais la plupart des ultras apprécient surtout le fait d’ap-partenir à un groupe avec ses règles et ses valeurs, à mi-chemin entre une bande de copains et une famille de substitution. à propos d’un membre

des UK, Mirko raconte : « Il habite à la campagne et dans sa vie quotidien-ne, il n’est pas forcément reconnu. Du coup, le week-end, c’est son mo-ment ». Dans bien des cas, discours et pratiques s’opposent. Les ultras se perçoivent comme des victimes des amalgames véhiculés à leur sujet par le monde politico-médiatique. La mort d’un jeune supporter parisien après des affrontements en janvier, et les réactions qui s’en sont suivies, n’ont fait que renforcer ce sentiment. D’un autre côté, ils cultivent cette image sulfureuse : les ultras s’appel-lent entre eux par des surnoms, et ne veulent pas voir leurs visages appa-raître en photo. Ils donent plusieurs raisons, la crainte de représailles pas des groupes adverses, mais surtout la volonté – illusoire - de ne pas être identifié par la police. « Vous l’aurez compris, chez les ultras, on est dans un univers où l’excès est la mesure », confie Patrick Fretel. « L’ultra ne sup-porte pas son club, il le représente,

au point d’en faire symboliquement partie. Au fond, il en est la partie la plus noble », explique François, sym-pathisant des groupes rennais. Pour le sociologue Nicolas Hourcade, ils veulent incarner l’âme du club face à des joueurs et des dirigeants qui ne sont que de passage. Bien souvent le football n’est qu’un aspect secondai-re, quand il n’est pas complètement évacué. Beaucoup de jeunes de l’UK, pourtant présents à presque tous les matchs, sont incapables de situer précisément la place de Rennes dans le classement. « à titre personnel, voir un joueur qui joue mal, ça ne me dérange pas plus que ça, avoue Mirko. Tout ce que je veux, c’est qu’il coure et se défonce sur le terrain. La technique, ça passe après. »

Simon Benichou

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1 : Dans le car qui le mène au match, un jeune membre des UK exhibe son tatouage. 2 : Les UK paradent en centre-ville de Lorient. 3 : Debout sur le grillage, un leader du RCK galvanise ses troupes. 4 : Un jeune UK arbore « l’uniforme » de son groupe. (Photos : Emmanuel Schmitt)

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voisine de Lannion. Les Perrosiens restent fidèles au groupe Tamura. Les professeurs d’Aouen Aikido sur Per-ros-Guirec, ne mettent pas l’accent sur les mêmes éléments que l’ASPTT. « Moi je travaille plus sur ce qui est l’apprentissage de la sensation et de la perception, explique Gilles Prigent, enseignant à Perros-Guirec. On ap-prend à se connaître et à relâcher les automatismes et les tensions qui font réagir de manière violente. » Il insiste aussi sur le fait qu’une techni-que n’est pas figée. Il existe plusieurs manières de la réaliser.Aïkido Trégor, un autre club lan-

nionais, met en revanche l’accent sur la précision des gestes et l’aspect martial ou guerrier. Franck Rousseau, bénévole depuis sept ans, y enseigne un aïkido basé sur l’école d’Imawa Ryu. Ce nom correspond à un lieu emblématique, au Japon, où le fon-dateur Morihei Ueshiba prodiguait son enseignement quand il n’était pas à Tokyo. « Imawa Ryu, c’est la ville où il s’est installé et a donné son nom à l’aïkido. » Morihiro Saito a tra-vaillé avec lui là-bas, en tant qu’élève. « Ce personnage est très important pour nous car il est à l’origine de notre courant. à Imawa, le fondateur travaillait beaucoup avec les armes, tandis qu’à Tokyo il insistait plus sur

le travail à mains nues. » Les pra-tiquants de Aïkido Trégor semblent conscients de cette spécificité. L’un d’eux s’est lancé dans l’aïkido après dix ans de judo pour s’initier à la pra-tique des armes.Chaque club s’inspire d’un

maître différent, ce qui explique les divergences. Gérard Blaize a pratiqué avec Nobuyoshi Tamura avant de partir au Japon étudier avec Michio Hikitsuchi. « Cette expérience lui a fait découvrir une autre forme d’aikido », explique Jean Leborgne. Tamura et Hikitsuchi n’ont pas étudié exactement durant la même période avec le fondateur. Or, tous s’accordent à dire que l’aïkido du fondateur a évolué tout au long de sa vie. Plus dur et martial avant la seconde Guerre Mondiale, plus souple et philosophique après, la vieillesse venant. Les disciples du personnage ont façonné leur propre pratique. « Plus on s’éloigne de la source, souligne Jean Leborgne, plus la distorsion est grande ».

à chaque pratiquant son aïkidoLa variété des aïkidos n’est pas

seulement une affaire de style et de courant. « Chaque pratiquant a sa manière. Certains vont insister plus sur un côté de l’aïkido qu’un autre », explique Franck Rousseau. « Le fondateur n’a pas laissé de méthodes écrites. Chacun prend ce sport avec sa personnalité et, en fonction de ce que l’on est, on développe un aïkido différent », remarque Jean Leborgne. « J’ai eu de nombreux professeurs et chacun avait une pratique différente », confirme un pratiquant perrosien. « On arrive à la même chose mais les entrées ne sont pas les mêmes », renchérit un autre.Lannion Aïkido Trégor s’est créé

alors que l’ASPTT Aïkido existait déjà. Les deux clubs cohabitent sans problèmes, les horaires et le positionnement géographique étant les critères les plus décisifs dans les choix des pratiquants de s’inscrire dans tel ou tel dojo. Toutefois, « quelqu’un qui veut vraiment s’investir dans l’aïkido doit, à un moment donné, choisir la

pratique qui lui convient », soutient Franck Rousseau. Une opinion qu’il partage avec d’autres figures de ce sport « Maître Saito conseillait de voir différentes écoles », indique-t-il. Précepte que le fondateur du club Aïkido Trégor, éric Savailli, a appliqué, puisqu’il a été un temps élève à l’ASPTT Lannion. Embauché à Rennes, il a fait la connaissance de Daniel Toutain, avec qui il a pratiqué dix ans. à son retour sur Lannion en 1999, il a choisi de fonder un club qui lui correspondait. « L’aïkido que je pratique est très concret. Dans d’autres courants, le concept est qu’il faut pratiquer longtemps et que l’on comprendra plus tard. Après, le style Imawa Ryu est parfois décrié comme trop martial : il faut être fort pour que ça marche », explique éric Savailli.La décision de créer un nouveau

club dans un territoire qui en compte déjà plusieurs n’a pas été prise à la légère. « Je tiens absolument à continuer dans ce courant dans lequel je me suis investi. Ailleurs, je vais voir des choses que je considère comme des erreurs alors que d’autres considèreront ma manière comme une erreur. »

une phiLosophie de vieL’aïkido n’est pas vécu par tous

ses adeptes de la même façon. Tous les pratiquants ne vont pas jusqu’à s’intéresser à la philosophie et à l’Histoire de l’aïkido. « Pour moi, c’est la pratique sportive qui est importante, affirme un aïkidoka perrosien, mais certains recherchent l’origine. » Un pratiquant de Aïkido Trégor renchérit quand on lui parle de la philosophie : « J’ai du mal avec cette idée répandue d’une non-violence dans l’aïkido. Il s’agit avant tout d’un budo (voie du guerrier). Bien sûr, on essaye de pas faire mal au partenaire mais l’on peut pratiquer de manière très dure. »La conception du professeur est un

brin différente. « Pour moi ça va au-delà du sport, mais sans rentrer dans le côté mystique qui a aussi été déve-loppé par le fondateur », précise Frank Rousseau. Jean Leborgne non plus ne se reconnait pas tout à fait dans la passion que l’aïkido déclenche chez

Les maîtres de l’aïkido

certains pratiquants. « Il y a des gens qui ont une approche plus japonaise et ont tendance à s’identifier à des maî-tres. Moi je reste un occidental, même si je suis sensible à cette culture. »émilien Nohaic est étudiant à Brest

et élève dans un club à élliant (29), adhérent de la petite Fédération d’aïkido traditionnel (FAT). à la pratique au dojo, il conjugue diverses lectures de maîtres mais aussi des retranscriptions de conférences données par le fondateur. Il a commencé il y a douze ans mais son intérêt pour les autres aspects de sa pratique est plus récent. « Il y a eu une accélération depuis quatre ou cinq ans », se souvient-il. Il définit ainsi la philosophie de l’aïkido. « Il s’agit de montrer à l’autre que sa violence est inutile et qu’elle constitue une rupture de l’harmonie du monde. L’aïkidoka montre à la personne qui veut casser l’harmonie qu’elle a perdu. » Le fondateur a donné à son sport une dimension mystique. « Il était très lié au shintoïsme qui prônait l’amour de tous », commente émilien Nohaic. L’aïkido est aussi souvent perçu comme un sport de self-défense, même au sein des pratiquants. « On perd quelque chose à vouloir casser, se défendre, déplore émilien Nohaic. On perd le côté harmonie. »

une passion qui nes’expriMe pas qu’au dojoXavier Piétrobon pratique les arts

martiaux depuis plus de vingt ans et s’est essayé à des disciplines variées. Il a fait de cette passion son sujet

de doctorat : il étudie le rapport entre corps et esprit dans la pratique du Taiji Quan. « La philosophie est très présente dans la pratique des arts martiaux, remarque Xavier Piétrobon. Mais... peu pratiquent véritablement les arts martiaux ! Très souvent, c’est juste un sport, un exutoire, qui n’est pas inintéressant non plus, mais qui manque du véritable sens martial. Tout véritable art martial doit com-biner ces deux dimensions : corps et esprit, et donc pratique et théorique. » Il considère que « la vraie pratique se manifeste par un débordement sur le quotidien. Néanmoins, il n’est pas non plus impossible, ni même rare, de trouver certaines personnes qui ont mis en place un tel système, de manière complètement intuitive. » Une constatation que les professeurs et passionnés partagent. « On voit les gens changer », remarque Franck

Rousseau de Aïkido Trégor. émilien Nohaic en a fait l’expérience. « C’est quelque chose qui m’accompagne toute la journée dans le contact avec les autres personnes. ça permet de mieux se recentrer sur soi-même, de faire la part des choses. C’est un pro-cessus lent qui permet de mieux se poser, de réfléchir et de ne pas se précipiter. »

Sophie Bouchet

L’aïkido vise à se défendre en évitant l’usage de la violence.Mais il n’en reste pas moins un art martial, un art de la guerre. (Photo : Marielle Bastide)

Art de la paix, l’aïkido insiste sur le travailler et progresser ensemble. (Photo : Marielle Bastide)

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Morihei Ueshiba : fondateur de l’aïkido dans la première moitié du XXième siècle. Il s’est inspiré de nombreux arts martiaux. Il a développé son art tout au long de sa vie, ce qui explique que ses élèves n’ont pas tous appris exactement le même aïkido.

Nobuyoshi Tamura : ce maître rassemble un nom-bre très important de pratiquants à la FFAB, une des principales fédérations d’aïkido française. Il a long-temps travaillé comme élève avec le fondateur de l’aïki-do avant de le quitter, quatre ou cinq ans avant sa mort. Le club Aouen de Perros-Guirec suit son courant.

Gérard Blaize : maître français, il a pratiqué de

nombreuses années avec Nobuyoshi Tamura avant de partir au Japon et de travaillé avec Michio Hikitsuchi. Le club Aikido ASPTT Lannion suit son enseignement.

Michio Hikitsuchi : il a travaillé avec le fondateur de l’aïkido et ne l’a quitté que quelques mois avant son décès. Il a donc eu accès à un aïkido plus doux et fluide que pratiquait Morihei Ueshiba à la fin de sa vie. Gérard Blaize a été son élève.

Morihito Saito : il a inspiré le courant Imawa Ryu pratiqué par le club Aïkido Trégor, qui insiste beaucoup sur la pratique des armes et met l’aspect martial parti-culièrement en avant.

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Marche ou crève

P our supporter l’adversité, certains prennent des an-tidépresseurs et restent cloîtrés chez eux. Chris-

tian Thépot préfère marcher : de Saint-Brieuc à Gibraltar en un mois à raison de 60 kilomètres par jour. Christian ressent un besoin irrépres-sible de prendre la route pour fuir un quotidien insoutenable. Le policier de Saint-Brieuc rencontre de graves problèmes conjugaux, liés aux soucis de santé de sa femme.

Le sport coMMe antidote« Quand il était enfant, avec son

cousin Michel, il faisait tout le temps du sport », se rappelle sa tante, Made-leine Cadiou. Volley, football, hand-ball ou encore athlétisme, l’adoles-cent a tout essayé. Une passion mais aussi déjà un moyen de fuir, de s’éloigner d’un climat familial tendu. Bac en poche, Christian se dirige vers une profession qui laisse une grande place à l’activité physique : pompier de Paris. Mais au bout de quelques an-nées, le jeune pompier s’ennuie de sa Bretagne natale et dégote un poste de policier à Saint-Brieuc. Pour raconter son histoire, le mar-

cheur de taille moyenne et trapu nous emmène dans le bois de Plédran à deux pas de chez lui. « Je viens souvent marcher et courir ici », nous explique-t-il. Les confidences sont hésitantes mais dans ce grand es-pace naturel, Christian est dans son élément et détaille son périple avec enthousiasme. L’homme s’exprime plus dans le sport que par les mots. « Le 24 avril 1999, très tôt le matin,

j’ai embrassé mes deux petits garçons et j’ai entamé mon périple », racon-te-t-il tout en marchant. D’abord la France en passant par Rennes, Nan-tes, La Rochelle, Biarritz, puis l’Es-

pagne par San Sebastian, Madrid, Grenade, Marbella... jusqu’au Détroit de Gibraltar. L’ancien pompier de Paris s’arrête dormir tous les soirs dans des casernes. Des paysages « à couper le souffle », Christian en voit tout au long de son voyage mais il ne ramène aucune photographie. Son but : arriver à la prochaine caserne et réaliser 60 kilomè-tres par jour. Et tou-jours marcher, marcher pour cesser de penser. « Parfois, c’était dur. à la frontière espagnole, il neigeait, j’étais gelé et découragé, avoue-t-il. Cependant, quand je suis arrivé, j’étais heureux comme je ne l’avais jamais été, j’avais réussi mon pari ! »

six jours de Marche sans interruptionà son retour, le policier de Saint-

Brieuc prend la décision de quitter sa femme. Il essaie de se reconstruire une vie. Mais la réalité est trop dif-ficile à affronter. Il déprime à nou-veau et marche au Prozac. Christian doit repartir, et il se lance dans un défi encore plus exigeant. Le spor-tif s’attaque au record du monde de marche sans interruption détenu par Tom Benson, un Anglais : 667, 460 ki-lomètres en 6 jours 12 heures et 45 minutes. Départ et retour à Saint-Brieuc via Rennes, Nantes, Vannes, Lorient, Quimper, Brest et Morlaix. En marchant. Sans dormir. Il finit par craquer à vingt kilomètres de l’arrivée à Plouagat, entre Guingamp et Saint-Brieuc, totalement exténué. Il ne bat pas le record mais n’est pas déçu : « Je suis allé au bout de ce que mon corps était capable de faire. »Depuis, Christian s’est remarié. En-

touré de ses quatre enfants, il mène

une vie paisible dans un lotissement de Trégueux. Pour autant, il n’a pas perdu le goût du sport. Chaque jour, en vélo, il va au commissariat, situé à quelques kilomètres de son domi-cile. Le midi, il rentre manger chez lui pour faire des exercices de muscula-tion. « Et plusieurs fois par an, je fais des régimes hyperprotéinés à base

de blanc d’oeuf pour entretenir mon corps », explique le sportif, rasé de près, les cheveux poivre-sel coiffés en brosse.Installé dans une nouvelle vie heu-

reuse, Chritain rêve encore d’un autre défi : réaliser un grand tour en vélo aux états-Unis, de San Francisco à Jack-sonville, en Floride. Le goût de l’ex-trême s’ancre dans le caractère. Pour le moment, les collectivités locales et les entreprises sollicitées ont re-fusé de financer le raid. Le projet est compromis mais Christian n’est pas pressé. Car réaliser des défis pour fuir une vie, il l’a déjà fait. Aujourd’hui, à 45 ans, alors qu’il a trouvé un équi-libre, Christian aura-t-il le courage de quitter sa vie familiale le temps d’un défi sportif ?

Manon Loubet

De Saint-Brieuc à Gibraltar. 2 000 kilomètres à pied en 28 jours. C’est le défi que Christian Thépot, policier briochin, s’est lancé en 1999. Il décide

de quitter une vie tourmentée pour partir en quête de soi le temps d’une longue marche.

« Je suis allé au bout de ce que mon corps était capable de faire. » Christian thépot

Comme toutes les semaines, Christian Thépot marche d’un bon pas dans le Bois de Plédran. (Photo : Anne-Lise Bertin)

à lire également l’article « C’est pas l’homme qui prend la mer » sur le site http://coteetsport.iut-lannion.fr/

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Sport,supporters,spectateurs

Match de Ligue 1 Lorient-Rennes, samedi 10 avril 2010 : un supporter brandit le drapeau national rouge vert jaune, pour encourager le Guinéen Ismaël Bangoura.

Les compétitions sportives sont des spectacles. Elles rassemblent les foules, plus ou moins nombreuses, venues supporter les sportifs : proches ou vedettes. Les épreuves rassemblent un public aux motivations diverses. Familles venues encourager les leurs, amis passionnés ou encore nostalgiques de la petite reine applaudissent les courses cyclistes amateures. à l’opposé, des dizaines de milliers de supporters, du simple spectateur aux « ultras » comme ce porteur du drapeau guinéen, se mobilisent pour un match du championnat de France.

Reportage-photo par Emmanuel Schmitt

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Un supporter rennais après une occasion manquée.

Dimanche 11 avril 2010 : passage d’une course amateur dans le bourgde la Chapelle-Chaussée.

Les ultras encouragent le S. R. F. C. : Stade Rennais Football Club.

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Entre deux passages du peloton,une mère de cycliste patiente.

Les supporters après un but de Romain Danzé,latéral gauche du Stade Rennais.

Le long du parcours de la Chapelle-Chaussée.

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objectif coMpétition« Je ne trouverais jamais le temps

de monter s’il n’y avait pas de com-pétition, reconnaît André, directeur d’un centre de formation agricole. C’est ce qui me donne l’énergie pour entraîner, monter à cheval, pour m’occuper d’eux. » Anne-Marie, elle, ne monte pas en compétition mais gère la trésorerie de l’association bretonne des chevaux arabes, les entraîne et s’occupe de l’assistance pendant les courses : arroser le che-val, lui donner à boire, ainsi qu’au cavalier, etc. « J’aime bien l’ambian-ce des courses, s’enthousiasme-t-elle. On prend le van, on part. C’est les vacances aussi. » « Oui, surtout qu’en dehors des chevaux, Papa a du mal à partir en vacances », ajoute Morgane. Et Nathan de compléter : « Même Théo qui n’aime pas les che-vaux vient avec nous. »Leur frère cadet a arrêté l’équi-

tation depuis que la famille a quitté les Vosges pour s’installer en Breta-gne, en 2000. « Quand on est ar-rivé, ça ne me disait plus trop d’aller dans des clubs avec une mauvaise ambiance. » Peu bavard devant les autres, Théophile se laisse aller en privé. Il évoque la maison où il vivait dans les Vosges : « un centre aéré avec tout : piscine, golf, baby-foot, centre équestre, terrain de foot... T’arrives dans un pauvre quartier, tu connais personne, tu perd tes repè-res. Donc j’ai peut-être perdu cette envie de faire du cheval aussi. » Il se souvient quand même de « super balades », de courses, de prix ou en-core de son titre de champion des Vosges d’endurance. Il associe donc son désintérêt

pour l’équitation au départ de sa ré-gion d’origine, mais d’autres raisons, plus difficiles à assumer face à ses proches, ont contribué à l’abandon de cette activité : « Y’a des gamelles qui restent en travers de la gorge : quand tu restes accroché à un étrier et que tu te bouffes la moitié du manège, que tu te prends un ravin ou que ton cheval te jette par terre et qu’il t’écrase, quand tu te prends le bitume dans la gueule... »

un dénoMinateur coMMunMême Morgane qui a passé ses

jeunes années à jouer à L’étalon noir

avoue parfois saturer car rares sont les discussions qui ne tournent pas autour des « bourricots » chez les Coriou. Théophile, lui, se sent réso-lument dans un autre monde : « On a la même famille, on s’aime, mais ils sont tous dans un monde parallèle sauf qu’eux, ils ont des points com-muns. » Engagé dans des études d’horticulture, il partage pourtant avec son père sa passion pour les plantes. Celui-ci prend plaisir à sol-liciter ses connaissances pour qu’il nomme les mauvaises herbes qui poussent dans la cour de la maison. Mais le vrai dada d’André, fumeur invétéré, reste l’équitation : « Notre dénominateur commun c’est quand même notre passion pour le cheval. Nathan, il nous appelle toutes les semaines. Il ne demande pas si on va bien, il demande si les chevaux vont bien. »

Les vaLeurs de L’enduranceNathan, 18 ans, a quitté le foyer

familial pour suivre des études de médecine vétérinaire en Belgique. Il ne souhaite pas devenir vétérinaire équin, un métier trop « ingrat » selon lui, mais, curieux, il espère surtout mieux comprendre ce qui peut arri-ver à ses chevaux.Un intérêt qu’il partage avec sa

petite amie qui suit une formation analogue. Quand elle n’est pas aussi en compétition, Mathilde accompa-gne Nathan sur toutes ses courses où elle s’emploie à l’assistance avec Anne-Marie. Morgane, étudiante en commerce à Caen, regrette de pour-suivre des objectifs « qui ne pourront pas être compatibles tout de suite » avec son attachement à l’équita-tion. Elle soupire : « J’aimerais bien avoir mon cheval. » Une résolution qui sonne comme le caprice d’un adolescent rêvant de sa première voiture. « C’est la normalité » chez les Coriou.Morgane et Nathan n’ont jamais

ressenti l’équitation comme une obligation. C’est une discipline lour-de de contraintes mais ils ont fait ce « choix ». La mère rappelle les règles de base : « Quoi qu’il arrive, ton che-val il faut le nourrir le matin, le nourrir le soir, il faut le soigner. Même si t’as fait la fête, il faut que tu rentres pour t’en occuper. » L’endurance exige en

effet un travail régulier et intense, une longue préparation qui peut être anéantie en un instant. à chaque étape d’une course, les vétérinaires veillent à l’état de santé des chevaux : une récupération cardiaque trop lente ou une boiterie sont élimina-toires. Nathan semble avoir du vécu : « ça t’apprend l’échec et de tou-jours persévérer parce que tu vois la jument... cassée quoi. » Bien qu’ils soutiennent entraîner leurs chevaux avec autant de sérieux que des pro-fessionnels, les Coriou restent des amateurs. Ils peuvent s’amuser en course : « Si on ne réussit pas, on est seulement qu’un peu déçus », lâche André, à moitié convaincant.à moitié seulement car la famille

semble trop fière de son élevage pour faire des concessions. « Ce sont ‘’nos’’ chevaux. » Nathan insiste sur ce point. Monter celui d’un autre ne les intéresse pas. Chaque poulain qui naît dans leurs écuries, « va être champion », exagère sa sœur. Tous deux ont le goût de la compétition depuis leurs plus jeunes années, quand ils suivaient les péripéties de leur père sur les pistes d’endurance. Nathan provoque un rire général en se remémorant ses encouragements

lors d’une course, dix ans plus tôt : « Pourquoi Papa il est pas premier ?... Accélère ! » Le benjamin n’a pas perdu son temps : première endu-rance à 7 ans, champion de France à 12 ans, une nouvelle qualification cette année, énumèrent ses parents, pleins de satisfaction et d’espoir. Lui seul peut prétendre au rêve de son père qui, depuis vingt ans, souhaite intégrer l’équipe de France d’endu-rance. André y a déjà « fait un tour » pour être éliminé dès sa première course. Mais il insiste : « Si j’avais eu une bonne assistance, c’est à dire, si Anne-Marie avait été là, je la ga-gnait. »

Iona de Beaulieu

Les Coriou sont fiers de leur élevage de chevaux d’endurance : mère, père, fille aînée et benjamin les

ont hissés à un niveau élevé de compétition tout en restant des amateurs. à l’exception du fils cadet

qui a arrêté l’équitation à dix ans, la famille est

soudée autour d’une passion.

«D iane, elle fait partie des meu-bles mainte-nant. » La fenê-

tre du salon donne sur la pâture de la ponette, une dartmoor qui complète l’élevage familial de pur-sang arabes et de selle-français des Coriou. Pour la mère, garder un poney à la maison est un moyen d’assurer une monture pour ses futurs petits-enfants : « Il y en a au moins un qui va monter à cheval et il va commencer par une dartmoor. » Anne-Marie ne conçoit pas qu’aucun de ses trois enfants ne transmette à son tour cette pas-sion. Les études ont éloigné Mor-gane, Nathan et Théophile, seul de la fratrie à ne pas monter à cheval, qui se retrouvent pour les vacan-ces, dans leur maison, à Plouezoc’h.

C’est l’occasion pour Anne-Marie de rappeler qu’avant eux, plusieurs gé-nérations ont orienté la famille vers les activités équestres.« L’histoire, c’est que mon grand-

père et mes deux oncles étaient maréchaux-ferrants. Mais chez ma mère, ça ne se faisait pas que les filles montent à cheval. Donc, dès que j’ai commencé mes études, je me suis inscrite à un cours d’équi-tation. Avec mon premier salaire, j’ai acheté ma première selle et avec le deuxième, ma première jument, Ka-roline. » C’est cette même jument qui a mis en selle son mari, André ; c’est des poulinages de Karoline qu’est issu l’élevage des Coriou ; c’est aussi avec elle, au hasard génétique des croisements, que la famille s’est lan-cée dans l’endurance équestre.

« Quoi qu’il arrive, il faut le nourrir le matin, le nourrir le soir, le soigner. »anne-Marie coriou

Un dada de famille

De gauche à droite : Anne-Marie, Morgane, Nathan sur Poésie, André et Théophile Coriou. (Photo : Iona de Beaulieu)

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C oincé entre le périphérique et un lotissement sans âme de la banlieue rennaise, le Stade Rémy-Bellanger n’a

pas fait le plein. à peine cinquante courageux ont bravé le crachin pour soutenir l’équipe locale, l’Espérance Chartres-de-Bretagne, à la lutte pour la première place et la montée en DSE, la septième division du foot-ball. Gros enjeu, mais Jean-François éveno, grand échalas aux cheveux bruns en bataille, n’est pas inquiet. Pour l’arbitre du jour, vingt-cinq an-nées au compteur dont dix d’arbi-trage, « le match va être tranquille. » Il affiche la sérénité de celui qui sait ce qu’on attend de lui. Sur le terrain, ce licencié du Stade

Briochin reconnait être « autoritaire ». Premier exemple après dix minutes de jeu et un rappel à l’ordre sévère, pour un maillot qui dépasse. Son mètre quatre-vingt-dix en impose et son vi-sage, souriant à son arrivée au stade, s’est fermé dès le premier coup de sifflet. Dans les tribunes, les rares spectateurs tiquent un peu : « C’est un militaire lui. Il est tatillon. » Pas de quoi impressionner celui qui a appris, avec les années, à sentir les matches et les publics, même s’il reconnaît que la réciproque est vraie aussi. « Dans les clubs où tu es connu, tu sais que tu es attendu. Tu le vois dans le re-gard des gens. »

trente euros par Match chez Les jeunesJean-François éveno en a vu

d’autres depuis ses débuts. Tout en retenue, il évoque son adolescence. « J’ai eu une enfance difficile, à la DDASS. Comme je n’étais pas bon à l’école, on m’a interdit d’aller au foot. Un jour, j’ai vu une affiche « Arbitre de foot, pourquoi pas vous ? Alors j’ai essayé. » Il n’en dira pas plus, mais être arbitre, quand on a quinze ans et

pas de parents, c’est apprendre à se débrouiller. Parcourir le département en vélo,

ou prendre le train quand le match est trop loin. Des journées entières passées entre transports et terrain pour gagner moins de trente euros par rencontre au niveau le plus bas, sans réel soutien de la part des clubs. « Une fois qu’ils ont leur arbitre sous la main, ils s’en fichent, explique-t-il. Il faut même batailler pour avoir des te-nues. » D’où la démoralisation rapide de nombreux jeunes. « Ils deviennent arbitres pour aider leur club, mais ils ne voient jamais leurs copains. »

un avenir déjà tracéSa chance, ça a été Paul Behrens,

son « parrain ». Un vétéran du sifflet de haut niveau, briochin comme lui, qui le suit depuis toujours. « à ses débuts, il avait du mal à s’extério-riser. Il a été dépucelé quand il a donné ses premiers cartons rouges », s’amuse l’ancien arbitre-assistant de Division 1. Une fois initié, Jean-Fran-çois éveno, habitué très tôt à tenir tête à des joueurs plus âgés que lui, a alors appris à s’imposer. « L’arbi-trage ne tolère pas l’indécision. En un dixième de seconde, il faut choisir entre siffler et ne pas siffler, même si tu te trompes. » Heureusement pour lui, ce récent

diplômé d’un Master de « Manage-ment du sport » ne se trompe pas souvent, au point de voir une belle carrière se profiler devant lui. Im-pression confirmée par Paul Behrens : « Jean-François ira plus haut. Il a la volonté, le potentiel physique, la force mentale nécessaire. »

La confrérie des arbitresSur le terrain, pourtant, son carac-

tère l’a parfois desservi. « J’ai dû le freiner, apprendre à le faire arbitrer avec le sourire », affirme son men-

tor. Pas suffisant pour l’empêcher d’acquérir une réputation de dur, que Jean-François Eveno récuse. « Je ne mets pas tant de cartons que ça. Par-ce que le regard, la gestion humaine, les rappels à l’ordre dès le début du match calment les joueurs. » à la mi-temps, dans les minuscules

vestiaires dévolus aux arbitres, c’est d’ailleurs sur ces regards qu’il insiste auprès de ses assistants. Il faut in-timider le joueur, lui faire compren-dre qui est le patron. Jean-François Eveno donne les consignes, les deux autres écoutent, presque religieuse-ment. « Jean-François, c’est un des meilleurs, explique Vincent Czernikarz,

un de ses assistants. Il est toujours bien placé. Et il a du charisme. » Les deux hommes se sont croisés quatre fois sur les terrains, un chiffre rare dans un milieu où les trios arbitraux changent chaque semaine. Pourtant, la confrérie des arbitres

existe bel et bien. Un petit monde, où chacun se connaît sans se côtoyer, et dont Jean-François Eveno parle même comme d’une « nouvelle fa-mille ». Avant d’ajouter : « L’arbitrage, c’est bien plus que le match. C’est une vie. »

Thibault Marchand

Souverain sur le terrainArbitre de football depuis son adolescence, Jean-François Éveno

a gravi les échelons jusqu’à devenir un des espoirs breton en la matière. Malgré ses débuts en CFA, quatrième division nationale, il

lui arrive encore d’officier dans des divisions inférieures. Comme pour ce match au sommet, entre Chartres-de-Bretagne et l’Entente

de Theix.

« Dès le début du match, le regard peut calmer les joueurs », explique

Jean-François éveno. Sur le terrain,en effet, on comprend qui est le patron.

(Photo : Emmanuel Schmitt)

« J’ai dû le freiner, apprendre à le faire arbitrer avec le sourire »pauL behrens

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ne trouvais personne pour m’aider et je ne pouvais pas le faire tout seul. » Sa passion pour le sport est reportée, jusqu’à l’année dernière. Il a repris la routine des entraîne-

ments et des compétitions parce qu’il avait l’impression qu’il n’avait plus la capacité physique. « Je pensais que j’étais en train de devenir impotent. Dès que je faisais un petit peu de sport, j’étais essoufflé. Je me suis rendu compte qu’il fallait reprendre quelque chose, sinon... » à 51 ans, il a pris conscience que pour garder une bonne condition physique, il devait reprendre le pratique sportive. « Si je passe quatre ou cinq ans sans rien faire, je serai avec une canne dans quelques années », relate Jean-Luc.

La face rennaise de L’athLétisMe handisport

Rester concentré pendant une heu-re, deux fois par semaine, tel est le défi que s’impose Jean-Luc Landais. En septembre 2009, il reprend les en-traînements d’athlétisme au sein d’une section du Stade Rennais, à Guipel, à une trentaine de kilomètres de Rennes. « Je m’entraînais avec des valides, je courais derrière eux mais j’avais tou-jours l’impression de chuter », explique Jean-Luc Landais. En octobre, il ren-contre Cyril Geslot, qui lui propose des cours, bénévolement. Depuis, les deux athlètes ont construit une confiance réciproque. L’obstacle de sa condition n’est qu’une contrainte de plus à sur-monter, au même titre que le terrain,

le climat, les compétiteurs...Cyril Geslot, entraîneur et juge ré-

gional, a suivi une formation spécifi-que. Depuis janvier, il possède une certification handisport. Cette qualifi-cation associée à ses vingt-huit ans de licence d’athlétisme, lui permet d’en-traîner Jean-Luc Landais et Adrien, qui pratique la course en fauteuil roulant. Son homologue au Stade Rennais, Jean-Marc Foricher, vingt-cinq ans de licence, prend en charge, quant à lui, la préparation de deux autres athlètes : Yvonnick, déficient visuel et Cédric, en fauteuil roulant. « Cette section a été créée pour ouvrir un peu plus l’esprit du Stade Rennais. On a réussi à se débrouiller tout seuls », atteste Cyril Geslot.

L’athlète malvoyant et polyvalent Jean-Luc

Landais et ses entraîneurs ont construit des liens basés sur la confiance.

Entre l’athlétisme et le torball, leur

complémentarité est à toute épreuve. Récit

de leurs challenges hebdomadaires.

L es jambes de Jean-Luc Landais vont plus vite que ses yeux. Juste à côté, l’en-traîneur Cyril Geslot dicte la

foulée et les pulsations optimales. Un simple élastique les lie, donnant confiance à l’athlète. Pour cette séance d’athlétisme au stade Cour-temanche à Rennes, c’est la piste de sable qui a été choisie. Déficient vi-suel depuis quelques années, Jean-Luc Landais, 51 ans, perçoit encore les contrastes entre les couleurs, spécialement entre le bleu de son maillot et le jaune de celui de Cyril Geslot. « Parfois, il rate le bon angle pour rentrer dans un virage, mais je suis toujours là », raconte Cyril Ges-lot. Jean-Luc Landais a commencé à courir à l’âge de 14 ans. Ses pro-

blèmes de vision sont alors négli-geables. Il est atteint d’une maladie héréditaire très rare, qui ne touche que six familles dans le monde. « Je sais que je vais vers la cécité com-plète », pronostique-t-il. Néanmoins, pendant ses vingt-deux années de

travail dans une entreprise sous-trai-tante de Citroën, il continue à pra-tiquer le sport. « Il y a dix-huit ans, j’ai même fait le 21 km de Paris. On était 20 000 coureurs. » Mais sa vue baisse, il arrête le travail. « Je suis resté dix ans sans courir parce que je

Prête-moi tes yeux

Jean-Luc Landais et Cyril Geslot s’entraînent liés par un élastique et en constant échange d’informations par la voix. (Photo : Iuri Guerrero)

Torball : le mouvement par le son

...

L’équipe de torball rennais, composée de cinq ath-lètes, a remporté le dernier Championnat de France,

parmi huit équipes ; et la huitième place de la Coupe de France 2009, sur un total de dix-huit équipes.

(Photo : Iuri Guerrero)

Sport collectif conçu spécialement pour les défi-cients visuels – mal voyants et non-voyants – le torball oppose deux équipes de trois personnes à chaque ex-trémité d’un terrain. Entre deux buts, les athlètes lancent un ballon sonore sous des cordelettes – qui en aucun cas ne doivent être touchées – en vue de marquer un but. Le torball est un sport complètement dépendant des bonnes relations au sein de l’équipe. Il demande ainsi un silence absolu dans la salle pour permettre aux joueurs de deviner la trajectoire de la balle.

En attaque, les joueurs peuvent même se faire des passes entre eux. « Au torball, je trouve une fraternité qui n’existe pas ailleurs », confie Sylvain Lau-rençont. Bénévole depuis cinq ans, cet entraîneur voit les déplacements lors des compétitions comme un excellent moyen pour l’intégration de l’équipe. « Les voyages sont des moments spéciaux. Il y a beaucoup de choses qui nous rapprochent, particulièrement le handicap mais pas que ça », confirme l’athlète Jean-Luc Landais.

abcdefghijklmnopqrtuvwxyz62 Sports d’attaches

SPORT POUR SE CONSTRUIRE

LES CHALLENGES QUOTIDIENS Avant d’accepter l’offre de Cyril-

Geslot, Jean-Luc Landais s’entraî-nait donc tout seul. « Je courrais à travers des champs, sur les routes, sans chronomètre, sans compter les pulsations, comme un coureur du dimanche », se souvient-il. À force d’entraînements, les deux athlètes ont développé des techniques pour courir ensemble. Depuis octobre, Jean-Luc Landais a assimilé les bonnes stratégies de l’athlétisme en compagnie de Cyril Geslot.« Elles sont difficiles à apprendre

au départ mais après, je me sens moins fatigué. Quand on est bien conseillé, on les retient assez facile-ment », confirme Jean-Luc Landais. « Il faut trouver quelqu’un de plus fort que soi, un guide qui court plus vite. Sinon, il ne m’apporterait rien. » Sur cet impératif, Jean-Luc a réussi à trouver Cyril Geslot. Pourtant, les premières séances en octobre étaient laborieuses. « Je n’avais jamais couru à deux et Cyril Geslot non plus. C’est vrai qu’au départ, on tirait plus sur l’élastique. Maintenant il ne tire que dans les virages et bientôt, il n’aura plus du tout besoin de le faire parce que les sensations, je vais les décou-vrir au fur et à mesure. Finalement, je sais ce qu’il veut et il sait bien ce que je recherche », affirme Jean-Luc. « Une séance d’une heure signifie

une fatigue nerveuse énorme puis-que Jean-Luc Geslot est obligé de se concentrer deux fois plus que quelqu’un qui n’a pas de handicap visuel. Il écoute ma foulée, ce que je lui dis, et il faut qu’il fasse attention à l’environnement pour savoir où il est

placé, s’il est en ligne droite ou dans une virage », détaille Cyril Geslot. Ce duo sportif a réussi à trouver le bon équilibre entre la puissance physique de l’entraîneur et la volonté de sur-passer les obstacles que Jean-Luc Landais nourrit depuis toujours.

LE TERRAIN DES COMPÉTITIONSLes compétitions restent toujours

en ligne de mire sur le calendrier. « J’aime bien les courses, les com-pétitions, m’y donner à fond », assure Jean-Luc Landais. Face à la passion de l’athlète, Cyril Geslot garde les

pieds sur terre. « Un marathon de-mande énormément de préparation, aussi bien pour lui que pour moi. Il faut de trois à quatre mois pour préparer quelqu’un qui fait déjà du sport. On va s’entraîner, pendant ces deux mois prochains, pour les 5 000 mètres du Championnat régional vé-téran. Ensuite, on attaquera la route en essayant qu’il se qualifie pour les 10 km sur piste du Championnat han-disport de France, en juillet. » Après deux séances et plusieurs kilomètres

sur les pistes, la semaine sportive de Jean-Luc Landais n’est pas encore finie. Tous les vendredis, l’athlète quitte son domicile de Guipel pour le gymnase Albert-de-Mun, proche de la gare de Rennes. Cette fois-ci, le périple ne sera pas pour courir mais pour jouer au torball (voir encadré page 61). « Il me faut une heure pour le trajet, ce qui demande beaucoup de concentration. J’ai beaucoup de marche à pied jusqu’à l’arrêt de bus, après je prends le train et le métro. Et comme je débute avec la canne, j’essaie de bien écouter les voitures pour ne pas être écrasé », s’amuse Jean-Luc Landais. Entre les courses et les matches de

torball, la routine des entraînements met la déficience visuelle au second plan. Jean-Luc Landais a trouvé le bon équilibre entre sa passion pour le sport et sa vie sociale, tout en partageant les défis avec ses en-traîneurs.« On se sent bien lorsque on fait du

sport, ça apporte au niveau relation-nel, intellectuel et physique. À la fin, on se donne de la valeur. ‘‘ Tiens, je suis encore capable de faire quelque chose. ’’ C’est vrai que je pourrais rester à la maison en regardant la télévision, assis sur mon fauteuil. Ça serait plus peinard mais c’est moins enrichissant. Je fais du sport pour vivre une vie plus joyeuse. »

Iuri Guerrero

Les missions du Handisport Rennes Club

...

Depuis 1969, le club prend en charge le développe-ment des pratiques sportives en visant les compétitions et aussi le loisir. L’encadrement d’une centaine d’ad-hérents est assuré par des employés spécialisés et des bénévoles. Grâce aux subventions des collectivités et des contributions des partenaires privés, l’association propose une dizaine de disciplines, du basket au tir à l’arc, en passant par le tandem. En dehors des com-pétitions, la pratique amateur du tandem est la plus populaire.

Tous les samedis matins depuis quatorze ans, une quinzaine de déficients visuels compte sur le bénévolat de 50 pilotes inscrits au sein du club. Les vélos deux places prennent la route pour un parcours de 15 ou 30 km autour de Rennes. « La pratique est basée sur la parole. Les pilotes nous disent toujours si c’est roue libre, s’il y a un feu... La coopération entre le pilote et le malvoyant est intrinsèque », explique Geor-gette Péniguel, vice-présidente du club et pratiquante du tandem.

« Il faut trouver quelqu’un de plus fort que soi, un guide qui court plus vite. Sinon, il ne m’apporterait rien. »JEAN-LUC LANDAIS

Sports d’Attaches 63abcdefghijklmnopqrtuvwxyz

D ébut des années 2000 à l’internat du lycée de Bréquigny, à Rennes : un jeune seconde « sport-

études », venu pour apprendre le judo, est attaché, entièrement nu, à une colonne au milieu du bâti-ment. Six judokas de première et de terminale, des « anciens », l’humilient en l’aspergeant de shampooing no-tamment. Ils profitent également de cette situation pour asséner quel-ques légers coups. Le jeune homme se débat mais ses mains sont liées par des ceintures de kimonos. La scène est racontée par un interne, extérieur aux sport-études, qui pas-sait dans le couloir des dortoirs à ce moment-là. Des bizutages, il dit en avoir vu jusqu’à la fin de son inter-nat. Chez les sportifs, ces rites d’ini-tiations sociales prennent parfois les pires formes.« Personne ne parlera, il y a une

omerta des judokas sur ce sujet. Ce-lui qui dénonce est rejeté du grou-pe », explique Armel*, ancien judoka, également au lycée de Bréquigny au début des années 2000. Lui accepte de se confier.

LA SOUMISSION AUX ANCIENS Après avoir enduré des mois de bi-

zutage de la part « des anciens », il fait « l’erreur » d’évoquer le sujet auprès d’un ami. L’affaire s’ébruite : les pa-rents, puis l’entraîneur d’Armel sont informés de ce qu’a subi le jeune sportif. Un « ancien » est pointé du doigt. Celui-ci est blâmé par le lycée, exclu quelques semaines de l’inter-

nat et écarté des compétitions par son entraîneur, Laurent Commanay. Une punition « qui a beaucoup d’ef-fet pour un sportif », jugent les judo-kas, même si pour d’autres, elle peut paraître légère. Laurent Commanay s’explique : « Il ne fallait pas laisser tomber ce persécuteur. Lui-même a été victime de graves problèmes familiaux. Le judo lui a permis de sortir de ses difficultés. » Les semai-nes suivantes, Armel passe pour un traitre auprès de ses condisciples.

Ils l’ignorent, le méprisent puis, pour certains, l’insultent. C’est ce qui le décide, en plus d’une blessure le pri-vant de combat, à stopper sa forma-tion sportive l’année suivante.« Le bizutage, c’était les premières

et terminales qui faisaient subir ce qu’ils voulaient aux ‘‘news’’, au nom du respect des anciens », explique Armel. Il raconte les « petites » persécutions : lit en cathédrale, c’est-à-dire soulevé et plaqué contre le mur, coinçant son occupant entre la cloison et son

SPORT À HAUTS RISQUES

Sport-études, l’omerta du bizutage

Considéré comme un rituel d’entrée dans une communauté de sport-études, le bizutage, parfois violent ou humiliant, est un sujet tabou.

Ceux qui en parlent sont exclus du groupe. Sorti de ce milieu, un ancien judoka accepte de raconter, tandis qu’une psychologue du

sport en explique les mécanismes.

...

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Sport à HautS rISqueSSport à HautS rISqueS

sommier ; seau d’eau versé sur les internes pendant leur sommeil. Mais il y a des choses plus humiliantes, tels que de l’urine et des excréments laissés sous les draps, ou des bizu-tages d’ordre sexuel. Par exemple, le fait d’obliger certaines personnes à se masturber avec des gels destinés à chauffer les muscles. Parfois, les « news » sont prévenus : « Préparez-vous, dans un quart d’heure, on va vous faire la fête ! ». Quelques mi-nutes plus tard, les chambres sont mises sans dessus-dessous et les nouveaux internes ont intérêt à ne pas trop résister. De même, le racket de nourriture a lieu régulièrement. Des judokas viennent réclamer les en-cas de leurs congénères. Lorsque les « anciens » acceptent de laisser « un dernier gâteau », il vaut mieux remercier les persécuteurs. Les bizu-tages se déroulent généralement en-tre septembre et décembre, comme l’explique Aurélie Yahiaoui, psycholo-gue de cette section de sport-études, même si de son côté, Armel assure avoir subi et vu des humiliations toute l’année. D’après Laurent Commanay, il y a eu peu d’histoires de ce type. Pourtant, le proviseur du lycée de Bréquigny, Gilbert Riou, admet que des bizutages ont pu se dérouler

pendant plusieurs années, jusqu’en 2007, période au cours de laquelle un jeune sport-études judo a demandé à quitter l’internat suite « à des coups de poings et de béquilles de la part des autres judokas ». Le cas du lycée de Bréquigny n’est pas isolé. Armel, quelques anciens judokas et Aurélie Yahiaoui, indiquent qu’au lycée Vic-tor-et-Hélène-Basch, autre établisse-ment de sport-études judo rennais, le bizutage était encore plus extrême.Depuis septembre 2009, la

soixantaine de sport-études judo est regroupée en une seule section bretonne, dans le lycée privé de Saint-Geneviève. Les lycées publics de Bréquigny et Victor-et-Hélène-Basch ne pouvaient s’adapter aux

nouvelles exigences d’entraînement de la Ligue de judo : douze heures par semaine, en plus des compéti-tions. Pour autant, les conditions de contrôle de l’internat ne semblent pas meilleures, si ce n’est l’arrivée d’un surveillant interne à la Ligue de judo, présent de 21 h à 23 h.

Le bizutage, une institution ?Ces persécutions ne surprennent

pas Aurélie Yahiaoui, psychologue du pôle judo et coordinatrice des sections sportives du lycée Sévigné, près de Rennes : « Le bizutage est un processus d’intégration propre à tout groupe d’adolescents », expli-que-t-elle avant de préciser que plus ce groupe tend à l’excellence, plus le phénomène est fort. Chez les spor-tifs, tout est poussé à l’extrême, de la pratique de leur activité au contrôle du corps. Le bizutage n’échappe pas à la règle. Il est aussi très présent dans les formations très exigeantes, extérieures au sport. Par exemple, les « intégrations » sont également abusives chez les étudiants en mé-decine ou ceux de Sciences Po. Dans le judo, l’esprit de duel et de corps à corps pousse cette logique à son paroxysme.Autre point à prendre en comp-

te : ces « épreuves » constituent une sorte de passerelle vers l’âge adulte. Le bizutage ne concerne que les groupes d’adolescents. Mais on le retrouve également dans les autres sports, et parfois de manière dé-mesurée. Aurélie Yahiaoui évoque la section sport-études rugby du lycée Sévigné : elle a entendu parler, cette année même, du « jeu de la biscot-te. » Un groupe se masturbe au-dessus d’une biscotte, celle-ci devra être avalée par le plus lent des par-ticipants. De façon générale, Aurélie Yahiaoui fait remarquer qu’il s’agit-là d’un comportement « banalisé », in-hérent aux groupes sportifs adoles-cents mais également aux écoles les plus élitistes dans leur recherche de résultat. Chez les judokas comme ailleurs, d’une année sur l’autre, les persécutés deviennent les persécu-

teurs, lors de leur passage en année supérieure. « Du coup, les bizutages sont les mêmes qu’il y a quinze ou vingt ans ! », explique la psychologue du sport

stopper cette pratique ?« Il ne faut pas combattre le bi-

zutage. Il faut l’encadrer, propose Aurélie Yahiaoui, car on ne pourra jamais l’empêcher. » Seule une ré-gulation, à la manière des « journées d’intégration », pourra permettre d’éviter les pires dérives. Ainsi, la loi créée en 1997 par Ségolène Royal, interdisant cette pratique, ne serait pas la meilleure solution. « Surtout, fait remarquer la psychologue, si celle-ci n’est accompagnée d’aucu-ne autre mesure permettant de la faire respecter et que les moyens alloués au sport diminuent d’année en année. » Un contrôle par la dis-cussion, à l’aide d’un psychologue tenu au secret professionnel mais en contact avec tous les sport-études, semble assez efficace. Cette solu-tion est peu répandue car jugée trop coûteuse par de nombreux pôles de sport.En 2009-2010, parmi les « news »

de la section judoka de Rennes, plu-sieurs jeunes secondes étaient plus « aguerris » que leurs aînés. Cela a donné, d’après Aurélie Yahiaoui, un renversement de situation. Les « an-ciens » n’ont pas réussi à s’imposer et donc, à bizuter. Puisque le princi-pe de cette « intégration » est de re-produire ce que les « news » ont subi lors de leur arrivée, l’année scolaire 2010-2011 reste impossible à prévoir pour les nouveaux judokas rennais. En revanche, sans intervention du législateur, il n’y a pas de raison que cela change dans les autres sections de sport-études.

Emmanuel Schmitt* Par souci d’anonymat, le prénom a été changé.

« Il ne faut pas combattre le bizutage. Il

faut l’encadrer »auréLie yahiaoui

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à lire également l’article Bateau, boulot, dodo sur http://coteetsport.iut-lannion.fr/

à écouter également l’émission L’En Avant, capitaine d’un territoire sur http://coteetsport.iut-lannion.fr

Au même titre que le tabac, le sport peut se

révéler être une véritable drogue dont on ne peut se passer. Une drogue

naturelle qui nécessite tout de même un traitement

pour que la notion de loisir reprenne le dessus.

L’ attente fut longue mais le jour d’entraînement est arrivé. L’athlète en-file alors son survête-

ment avec autant de bonheur qu’un drogué préparant sa tambouille pour rejoindre son septième ciel. Le ré-sultat est le même : un sentiment de plénitude qui n’a pas de prix. Une fois le plaisir évaporé, c’est l’attente jusqu’à la prochaine dose. Le sport serait-il dangereux ? « Tout dépend de la relation que l’individu entre-tient avec son sport, précise Thierry Marivain, psychologue du sport et enseignant à l’Université Rennes 2. Pour certains, ce n’est qu’un instant de plaisir. » C’est le cas le dimanche matin lorsqu’il s’agit de taper dans le ballon avec les copains ou de se dégourdir les jambes. Faire du sport n’est alors qu’un simple loisir. Rien de plus. Mais d’autres construisent leur vie en fonction de leur sport. « Il y a une dimension psychologique né-gative, ils n’ont pas d’autres organes de socialisation », reprend l’intéressé. Les occupations ne tournent alors plus qu’autour de cette pratique qui devient plus qu’une passion, un but ultime.

sacré doudouUn sportif peut tomber dans la dé-

pendance lorsque le sport devient un moyen d’échapper à un quotidien difficile : fuir un divorce ou un dé-cès par exemple. « L’addiction est un refuge, un mode d’évasion. J’ai eu

une patiente dépendante du marathon. Quand on creuse derrière, on se rend compte qu’il y a des problèmes fa-miliaux. Le sport est un soin naturel, elle en a fait sa dro-gue et mieux vaut ne pas lui enlever son doudou », expli-que Oanig Lagneau, psycho-logue du sport au CHU de Rennes et en charge du suivi des jeunes pousses du Stade Rennais. Dans ce cas-là, la pratique sportive comble un manque et permet de mettre à distance des événements douloureux.

syndroMe du burn-outLes pratiquants de sports

de fond sont particulièrement concernés par ce problème d’addiction à l’activité phy-sique. Ils doivent s’adonner à des entraînements longs, fastidieux et réguliers. Le cerveau sécrète alors de l’endorphine, l’équivalent de la morphine, qui est source d’excitation. Peu à peu le manque s’installe et se fait ressentir. Thierry Marivain confirme : « Ils ont besoin de courir. J’ai un patient qui court trois heures par jour. » Les do-ses ne cessent d’augmenter. C’est le concept de surentraînement, em-prunté à la psychologie du travail. Du fait de séances de plus en plus régu-lières et intenses, le stress s’accroît. C’est le burn-out, rencontré depuis un certain temps par les salariés des grandes entreprises, « qui peut en-traîner le suicide ». L’addiction s’ins-talle. Les autres aspects de la vie du « drogué » se dégradent : relations familiales et professionnelles. Des troubles du sommeil peuvent aussi survenir.Le sevrage doit se faire en douceur

car les risques de dépersonnalisa-tion sont réels. « Mais le remède le

plus adapté semble être les théra-pies cognitivo-comportementales », conclut Thierry Marivain. Le psycho-thérapeute part du principe que le comportement néfaste résulte d’un apprentissage. Il faut donc apprendre aux malades, à travers des jeux ou des séances de relaxation, à effa-cer leurs craintes de ne plus faire du sport. C’est un nouvel entraînement qui débute.

Louis Dabir

Sport addictude

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Sport à HautS rISqueS

Pratiquer un sport, c’est apprendre des règles dit-on. Mais s’initier à un sport, c’est aussi réussir à appréhender avec respect ses

adversaires, se soumettre, aux décisions de l’arbitre et des coachs, jouer intelligemment. Et cela ne se fait pas sans tensions, comme

le montre ce dossier.

Lors du tournoi amical du 1er mai à Perros Guirec, les équipes U13 de Pleubian et Paimpol s’affrontent. (Photo : Anne-Lise Bertin)

Sport et triche,

Tirages de maillot, tacles, insultes et autres amabilités fleurissent sur les

terrains de sport. Moins graves que le dopage mais fortement intégrés par

les joueurs. Une sorte de petite triche entre amis.

A ssis dans les tribunes, des parents suivent d’un œil critique les prouesses de leur progéniture. L’action se déroule dans une salle omnisports lors d’un match de basketball féminin de niveau

minime régional. Depuis le début, le jeu n’est pas fran-chement brillant et de légers mécontentements s’élèvent dans les tribunes. Passes médiocres, absence de réussite sous le panier, motivation discutable. Puis, léger regain de combativité... vite déçu par la meneuse de l’équipe qui commet une faute bien visible. Le geste aurait pu être discrètement masqué mais il est sifflé et sanctionné par l’arbitre. Un papa irrité s’exclame spontanément : « Il faudrait lui apprendre à tricher à celle-là ! » Hochements de tête silencieux de quelques voisins. Indiscutablement, la triche, même à un niveau amateur, est considérée par certains comme faisant partie intégrante du jeu. Bien souvent, triche est synonyme de dopage. Pourtant, il

existe d’autres formes de contournements des règlements, comme le tirage de maillots, les insultes, la simulation sur le terrain jusqu’à l’intimidation et la violence. Dans certains sports comme le handball, faire jouer un joueur deux fois dans le même week-end est proscrit. Pourtant, certains s’y essaient. Trop visibles dans le monde professionnel, ces trucages administratifs sont difficilement décelables et donc réalisables dans le sport amateur. D’autres sportifs peuvent préférer un trucage du matériel. C’est le cas dans la voile ou l’escrime. Toujours dans un but d’améliorer la performance. Mais où commence véritablement la triche ? Vaste question. à chacun sa définition, généralement dic-tée à l’aune de ses propres valeurs.

tricher ou jouer avec Les règLesQuand on parle de ces comportements retors à certains

sportifs, il n’est pas rare d’entendre : « C’est le sport, c’est comme ça, cela fait partie du jeu ! » Le directeur du Centre de formation de voile de Port-la-Forêt, Christian Lepape, juge que « tirer le maillot, ce n’est pas vraiment tricher, cela

fait partie du cours du match ». Mais si c’est vraiment un « jeu », pourquoi triche-t-on ? Dans le dictionnaire, le « jeu » est défini comme un amusement, sans conséquences, fa-cile et gratuit. S’il n’y avait vraiment aucune conséquence, aucun enjeu, y aurait-t-il de la triche ? Le sport ne serait donc plus un jeu. « La triche existe un peu partout dans tous les domaines, c’est dans la nature de l’homme de vouloir tricher », analyse un professeur de physiologie du Staps de Rennes, Hassane Zouhal. Certains disent même que le sport, c’est réussir à jouer avec les règles. Ces propos révoltent le président du Comité régional olympi-que et sportif (Cros) de Bretagne, Lucien Thomas : « C’est scandaleux, on ne doit pas jouer avec les règles, ce n’est pas démocratique, ni républicain. »

des envies de céLébritéDifférents facteurs viennent expliquer ces comporte-

ments frauduleux. Tout d’abord, il y a cette soif de réussite, de gloire, même à un petit niveau. « Tout le monde a envie de devenir le petit coq du village », estime Lucien Thomas. Souvent, les joueurs sont poussés par l’encadrement et leur entourage. « C’est bien connu, les moins fair-play sont toujours les coachs et les parents », affirme le responsable de la commission régionale des jeunes arbitres de hand-ball, Gilbert Unternaehrer. Lucien Thomas renchérit : « Le sport n’est éducatif que si les éducateurs le sont. » La présidente de la ligue de handball de Bretagne, Cathy Neveu, l’accorde : « Un dirigeant ne dira pas ‘‘ trichez ! ’’, c’est plutôt qu’il va exciter ses joueurs, ce qui pousse à la faute. » Ce discours, les joueurs l’ont intégré. « Souvent, c’est la

vedette de l’équipe qui a un mauvais comportement, il faut que le groupe comprenne que ce n’est pas parce qu’on se fait remarquer que c’est bien », pointe Sylvie Le Vigouroux qui connaît bien la situation puisque son fils, handbal-leur, incarne tout à fait ce personnage sur le terrain. « Le problème, c’est qu’il marque des points, donc malgré son comportement, l’entraîneur le fait jouer », raconte-t-elle. La professionnalisation et la médiatisation importantes

du sport ne sont également pas étrangères à ces dérives. « Aujourd’hui, on voit des gamins qui font du sport pour devenir des stars, on ne voyait pas ça avant », déplore Gilbert Unternaehrer. Cette héroïsation du sportif décuple l’envie de réussir chez les jeunes. « Ils veulent reproduire ce qu’ils voient à la télévision, argue Sylvie Le Vigouroux. Le problème, c’est qu’ils ne mesurent pas toujours la portée de leurs gestes et que le résultat peut être grave. » L’argent serait le dernier facteur explicatif. Plus le pac-

Sports truffésde triche étouffée

...

même combat

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Sport à HautS rISqueSSport à HautS rISqueS

tole convoité est important, plus les risques de dérives se multiplient. Dans le sport se jouent l’identité et la personnalité des

joueurs. On ne veut pas perdre la face. C’est cela qui pousse à tricher et aussi à se doper même dans des sports où il n’y a visiblement aucun enjeu. « Une étude a été faite sur des alpinistes amateurs qui escaladaient le Mont Blanc, raconte Hassane Zouhal, professeur en Staps. Un contrôle antidopage a été réalisé à leur retour et le nombre de personnes dopées était impressionnant pour une simple performance physique sans véritable enjeu. Ce qui compte ici, c’est le dépassement de soi, la gloire, on veut gagner, prouver que l’on est capable de relever le défi. »

arbitrage des règLesDans cette vision des choses, le sport est instrumen-

talisé pour servir d’autres objectifs que le sport lui-même, que ce soit l’argent ou la réussite personnelle. « Là, on n’est plus dans l’humain, analyse un psychologue du sport de Pontchaillou, Oanig Laigneau. On considère le sportif comme un objet, complètement déshumanisé. » Pourtant, tout sport a son règlement. Pour le professeur de Staps,

Hassane Zouhal, « tricher revient à jouer intelligemment avec les règles ». Ce flirt entre fautes et règles fait parfois partie intégrante de la stratégie. Au basketball, par exem-ple, les joueurs sont exclus du terrain après avoir commis cinq fautes. « Si ces fautes sont là, c’est pour les utiliser », argumente une jeune joueuse de 13 ans. Une triche admise, presque institutionnalisée. Dans ce cas, à quoi servent les arbitres ? Tâche ardue

que celui d’être gendarme sur un terrain de sport. Lors d’un match de handball féminin à Plouagat, où l’opposi-tion entre les deux équipes est particulièrement virulente, le jeune arbitre de 17 ans, Désiré Le Dises, a bien du mal à s’imposer. Timidement, il admet : « Le plus dur, c’est de tout voir ». Le public ne se prive pas de le critiquer : « Il fait n’importe quoi cet arbitre ! », entend-t-on autour du terrain. Gilbert Unternaehrer, responsable des arbitres débutants, est atterré par ces récriminations. « C’est quelque chose

de dégoûtant. Tous les ans, sur la trentaine de nouveaux jeunes que je forme, cinq ou six abandonnent, raconte-t-il. C’est difficile pour nous de les voir se faire massacrer sur un match par des imbéciles. » Les sports collectifs sont sûrement les plus difficiles à ar-

bitrer puisque les transgressions au règlement y sont moins visibles. « Le plus flagrant, c’est dans les sports individuels alors que dans les sports collectifs, il y en a autant mais c’est davantage dilué », juge Hassane Zouhal. C’est égale-ment dans les sports de contact que la vigilance de l’arbitre doit être à son maximum. Il faut en effet réussir à faire la distinction entre de la violence gratuite et un jeu agressif. « La différence se fait dans la protection du joueur, observe Gilbert Unternaehrer. On voit tout de suite si la personne cherche le joueur ou cherche à jouer. » « Le sport est le reflet de la société, croit Noël Le Graët,

président de l’En Avant Guingamp, mais il doit avoir plus de valeurs. » Des transgressions, il y en a partout. Mais quand elles touchent le sport, elles soulèvent l’indignation parce que l’image de pureté accolée au sport rend les attentes des spectateurs plus élevées. Le sport doit être irrépro-chable. Le sociologue du sport, Patrick Vassort analyse : « Les règles servent à faire croire au spectateur que le sport est beau, que le sport est pur mais c’est une illusion. » Le sport déchaîne les passions et pousse à des extrémités car, finalement, c’est beaucoup plus qu’un jeu.

Anne-Lise BertinDavina Hérault

« Les règles servent à faire croire au spectateur que le sport est beau, que le sport est pur mais c’est une illusion. » patrick vassort

...

« Notre société ne reconnaît que les gagnants »

Conscient de la mauvaise mentalité de beaucoup de joueurs, Christian Gourcuff rêve d’un football plus fair-play. (Photo : Anne-Lise Bertin)

...

Face aux dérives du football, Christian Gourcuff, entraîneur du FC Lorient, incarne l’exemple du fair-

play au sein du monde professionnel. Plaisir de jouer et respect des règles résument son éthique du sport.

Quelle est votre philosophie du sport ? Le sport est l’acceptation de règles

qui n’existent pas dans la vie. On s’op-pose mais en les respectant. C’est tout le contraire de la vie sociale. Pendant longtemps, la religion imposait des principes aux hommes. Le sport rem-place désormais la religion. Ces règles de vie permettent de s’épanouir, de se réaliser soi-même. Deux dimensions se distinguent dans cette philosophie de vie : physique à travers l’effort, et sociale par la solidarité entre les par-tenaires. Le plaisir de jouer demeure un fondement essentiel. Le football in-tègre complètement ces aspects.

En tant qu’entraîneur du FC Lo-rient, comment essayez-vous de transmettre ces valeurs auprès de votre équipe ?C’est un discours de tous les jours.

Mais je ne suis pas utopiste. Je ne vais pas changer la façon de penser des gens. Tous les joueurs ne sont pas des saints. Ils sont pris dans un collectif qui les influence à divers degrés. C’est en leur donnant l’exemple que l’on change les comportements. Certains sont plus réceptifs que

d’autres. Un joueur n’est jamais fon-cièrement mauvais. On espère tou-jours le motiver à adopter d’autres attitudes.

Les comportements violents des joueurs et le pouvoir de l’argent sont régulièrement dénoncés dans le football. Est-il facile de défendre une vision fair-play du sport ? Pour moi, le foot est une passion,

un sacerdoce. Il ne s’agit pas de choix économiques. Même si le milieu professionnel représente un enjeu financier, je ne place pas mes valeurs à ce niveau-là. Le sport a perdu son caractère originel. Notre société ne reconnaît que les gagnants. On se retrouve à penser qu’il faut gagner pour exister sans se préoccuper de la façon dont on s’y prend. C’est la manière de jouer qui conduit au résultat. L’équipe

abcdefghijklmnopqrtuvwxyz70Sportsd’Attaches Sportsd’Attaches71abcdefghijklmnopqrtuvwxyz

Sport à HautS rISqueSSport à HautS rISqueS

« Les joueurs veulent gagner plus et les arbitres veulent faire carrière ».

christian gourcuff

... de Barcelone véhicule ces valeurs et elle est au sommet. Les supporters, eux-mêmes, n’ont plus ces notions de jeu. Le besoin de reconnaissance prime et le football est apparenté à la guerre. Cela conduit à des excès comme on l’a vu avec le décès d’un supporter parisien.

Comment réussissez-vous à as-socier fair-play et combativité ? Rien n’est incompatible. Il est diffi-

cile de cataloguer un jeu défensif ou offensif parce qu’on a toujours besoin de défendre. à Lorient, notre stratégie s’est toujours construite dans le res-pect des règles. à aucun moment, je n’ai demandé de les transgresser, et encore moins de tirer sur les maillots. Sur le plan offensif, notre stratégie s’organise en zones. Les joueurs ré-cupèrent le ballon en resserrant les espaces autour du porteur adverse. On parle de duel alors que le foot est un sport d’évitement. Les duels, certes, existent mais ils ne constituent pas les finalités.

Le fair-play, le respect des rè-gles font-ils partie des critères de sélection des joueurs de votre équipe ? Les moyens économiques condi-

tionnent les choix dans le sport pro-fessionnel. Mais on recherche des joueurs techniques tout en y associant l’intelligence, tant au niveau du jeu que du comportement. La sélection pour entrer dans le centre de forma-tion se fait aussi sur ces critères. Les jeunes joueurs sont certainement plus ouverts que lorsqu’ils arrivent en fin de carrière.

Le FC Lorient compte peu de joueurs étrangers, cela participe-il à cette démarche de transmettre au mieux les valeurs du fair-play ?L’équipe compte néanmoins trois

Argentins. Pour les joueurs africains, c’est plus difficile parce qu’il subsiste un problème culturel. Ils n’ont souvent pas de formation collective et man-quent de rigueur. Leurs qualités de puissance sont très sollicitées dans de nombreux clubs. Dans la mesure

où d’autres valeurs sont prioritaires à Lorient, ces joueurs nous intéressent moins.

Les instances du football refu-sent de recourir à la vidéo, pen-sez-vous que les règles sont deve-nues obsolètes ?Les règles fondamentales ne doi-

vent pas changer parce qu’on risque de dénaturer le jeu. Mais leur interpré-tation doit évoluer. Le football, c’est aussi de la politique. On le cantonne aux règlements. Cela va à l’encon-tre de l’esprit du jeu. L’histoire de la double peine l’atteste. Une faute qui n’est pas évidente, on la sanctionne d’une pénalité plus une expulsion. Alors qu’on n’est même pas sûr qu’il y ait faute. On a perdu en Coupe de la ligue contre Bordeaux sur ce type de décision. L’arbitre n’est plus respon-sable. Les politiques lui imposent des règles. Comme eux-aussi s’inscrivent

dans une logique de promotion, ils les appliquent bêtement. Les nouvelles technologies comme la vidéo per-mettent de trancher de façon quasi-instantanée sur une situation précise. Cependant, les instances refusent l’évidence. Cette négation témoigne de la désuétude des politiciens du football.

Quelle est la position de l’arbitre face au pouvoir des politiques et à la pression des clubs ? Les arbitres se situent dans une

démarche d’ascension individuelle. Les joueurs veulent gagner plus, les entraîneurs veulent gagner plus, les dirigeants veulent gagner plus et les arbitres veulent faire carrière. Ils doi-vent répondre à des critères pour ob-tenir une promotion. Elle devient alors prioritaire au détriment du jeu. La main lors du match de Lorient contre

Bordeaux fait figure d’exemple. Les règlements imposaient à l’arbitre de siffler un pénalty, alors qu’il s’agissait d’un acte involontaire. Sur le terrain, il représente le défenseur des valeurs du sport. Sa décision doit se faire en fonction de la situation du jeu.

Comment le football pourrait-il mettre en œuvre ces valeurs du fair-play ?

Il faut relativiser le résultat. Une équipe qui domine un match 1-0 tout du long et qui prend un but dans les deux dernières minutes, vous êtes sûr que l’analyse sera différente que si les joueurs avaient gagné. Pourtant, le match est le même sur les quatre-vingt-neuf minutes. On ne juge que par rapport au résultat. Or, il n’est qu’un aboutissement. La reconnaissance se fonde sur cette dimension. Cela incite les joueurs à tricher. Ensuite, comme il ne faut pas rêver non plus, la préven-

tion auprès des jeunes est nécessaire. Les sanctions doivent être fermes. Cela privilégierait l’esprit du foot.Beaucoup de gestes restent impu-

nis. « Je vais te casser la jambe », est une menace entendue sur le terrain. L’intimidation est inacceptable dans un esprit sportif. Les déclarations de Makélélé dans L’équipe Magazine m’ont mis hors de moi. Quand un joueur de l’équipe de France affirme que l’intimidation fait partie du jeu, cela signifie qu’il n’y a plus de barrière. Que personne ne réagisse à de tels propos, cela montre que le sport a dépassé un stade dramatique dans la montée de la violence.

Anne-Lise Bertin

Fair-play

L’équipe féminine des moins de 17 de Plouagat affronte ici le club costarmoricain de Léhon.(Photo : Manon Loubet)

Pour sensibiliser aux bons comportements, la Ligue

de handball de Bretagne a mis en place un challenge du fair-play. Bilan mitigé.

«F aute ou pas faute, j’en ai rien à foutre, lance férocement l’entraîneur Mic-

kaël Danigo. Le souci majeur, c’est la réussite au shoot ! » Ce vendredi soir du 26 mars, l’équipe plouagatine de handball féminine régionale des moins de 15 ans affrontait le club finistérien de Lesvenen. Le match est très serré, l’émulation gagne les joueuses. « Vas-y Guénola, pose-lui problème, arrache-toi ! », crie de nouveau le coach. Ce dernier n’y va pas de main morte et, tout au long du match, lance de nombreuses re-marques pour exciter ses joueuses. Après une pluie de penalties, quel-ques larmes, le score final est de 31 à 31. Résultat nul. Pourtant, ce soir-là se joue également le challenge du fair-play organisé par la Ligue de handball de Bretagne.

vaLoriser Les beLLes actionsCe challenge est organisé pour la

deuxième année consécutive et offre une récompense de 500 euros aux gagnants à l’issu des tournois régio-naux en moins de 15 ans et moins de 17 ans. Alarmée par un nombre croissant de dossiers en commission de discipline concernant des jeunes, la Ligue de handball de Bretagne a voulu réagir. à l’origine de cette initiative, la directrice de cette ligue, Cathy Neveu, justifie sa démarche : « Plutôt que de mettre en avant les jeunes qui ont des attitudes violentes, nous avons voulu valoriser ceux qui adoptent un bon comportement. » Les équipes concernées doivent si-gner une charte du fair-play au début

du tournoi. à la fin de chaque match, les deux équipes sont respective-ment jugées sur leurs attitudes par les adversaires et l’arbitre.

fair-pLay MaLgré euxL’année précédente, le club de

Plouagat avait justement remporté ce challenge. « On a gagné mais on n’a rien fait pour », s’excuse presque l’entraîneur de l’équipe féminine des moins de 17 ans, Bernard Drouè-re. Les encadrants sont unanimes, cette initiative est une bonne chose et correspond aux valeurs éduca-tives du handball. Cependant, en pratique, peu d’efforts sont véri-tablement faits en ce sens. « On préfère gagner un match plutôt que le challenge du fair-play », admet sans complexe Bernard Drouère. Les joueuses le disent elles-mêmes, on les pousse à être toujours plus agressives sur le terrain. « Parfois on nous dit : ‘‘ Stoppe l’adversaire par

tous les moyens, fous-lui des baffes s‘il faut, quitte à s’excuser après. ’’ », raconte Guénola Le Coq, membre de l’équipe des moins de 15 ans. Les dirigeants sont conscients de ce discours, Serge Grot, président du club de handball de Plouagat le reconnaît : « Les fautifs de ces mau-vais comportements sont souvent les encadrants, les coachs. » Le fair-play et la réussite sont-ils

compatibles ? Toute la question est de trouver le bon dosage – s’il existe – pour obtenir la victoire dans les règles. L’année dernière, l’équipe de Plouagat était dans le bas du clas-sement au tournoi régional. « Peut-être qu’un peu plus de combativité les aurait aidé à gagner... », se ques-tionne le coach des moins de 17 ans. La directrice de la ligue n’est pas naïve, ce challenge du fair-play ne va pas non plus révolutionner les comportements. « Cela, estime-t-elle, se fait par petites touches. »

par défaut

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Sport à HautS rISqueS

Fille de judoka, Sophie Le Marer commence par la danse classique, puis le volley. Après 14 ans de

handball, elle se blesse au genou et se retrouve au

centre de rééducation de Trestel (22). Aujourd’hui,

la quadragénaire pratique la marche rapide, à son

rythme. Un nouveau rapport au sport, et à son corps, comme un

« outil pour construire son existence ».

Quelle place occupait le handball dans votre vie avant la blessure ?J’entraînais les gamins une fois par

semaine, je m’entraînais deux fois, j’allais aux matchs les samedis, ça me prenait quatre jours par semaine. Pas quatre jours entiers, mais quatre jours où il y avait rendez-vous avec le sport, que ce soit en réunion ou ailleurs. C’était le don de soi pour les gosses, pour le club, c’était chouette, c’était associatif. Mais jamais je ne pensais faire du sport pour moi.

L’idée de la blessure vous était-elle venue à l’esprit ?Je savais que je pouvais me faire

mal mais je me suis toujours dit que je ne pouvais pas aller au-delà des petites blessures. J’ai eu un rap-port au genou très précoce puisque le problème de la pointe en danse classique, c’est le genou, avec des entorses. J’ai donc eu assez tôt une conscience, une culture des bles-sures qui pouvaient exister dans les sports que j’ai pratiqués. à l’époque, je voyais dans mon club des jeunes joueurs qui se faisaient opérer des ligaments croisés et hop, qui reve-naient jouer après sans problème.

Dans ma tête, j’allais me faire opérer et je reviendrais tranquillement.

Après votre blessure, vous pensiez donc reprendre le handball...Oui, mais il se trouve que j’ai fait

une grosse complication après l’opé-ration. Je suis restée une semaine à l’hôpital et je suis partie à Trestel en rééducation, en hospitalisation de jour. Je suis rentrée sur une sa-crée planète, la planète des « gueu-les cassées ». Là, je savais qu’il n’y aurait plus de hand, j’avais fait un deuil quand même mais je n’avais pas fait le deuil du sport. ça n’était pas la catastrophe. Je suis une littéraire, je passe beaucoup de temps à lire. Pendant mes journées au centre de rééducation, j’ai lu. Je n’avais pas cette idée que la vie s’arrête mais j’ai eu un autre rapport à ma blessure.

Quel était ce rapport ?On m’a fait passer des radios et on

a décelé une algoneurodystrophie*. J’en ai pris pour cinq mois à Tres-tel. Là, ce n’était plus la même di-mension. Là, j’ai souffert, beaucoup, beaucoup, de cette maladie. Après, j’ai passé un an en kiné traditionnelle. à ce moment-là, j’ai compris que le sport, c’était très très loin. ça n’a pas disparu de ma tête mais ça a été pro-pulsé dans un temps indéfini. Je ne me suis plus occupée du sport, ça ne faisait plus du tout partie de ma vie. On m’avait dit que je pourrais faire du vélo, de la natation et de la mar-che, donc j’avais ça dans la tête mais alors quand ? ça m’était égal. Cette blessure m’a alertée à un moment de ma vie, qui m’a donné du temps pour réfléchir autrement.

Par quoi avez-vous remplacé le sport, qui occupait une si grande place dans votre vie ?Par mes choix de vie, par ma vie

personnelle, mes enfants, j’ai repris le boulot à plein-temps. J’avais plein d’implication dans des assos, j’ai

monté une autre association, plus artistique, avec d’autres copines. J’ai continué à produire, mais dans un premier temps, je me suis dé-sintéressée de mon corps. Le sport n’existait plus. Et j’ai déplacé le côté social ailleurs. Je suis impliquée de la même façon, j’ai la même énergie, mais pour d’autres choses. Et puis je fais toujours du sport, de la marche rapide, seule.

Cette solitude contraste avec l’idée du handball, du collectif...J’avais suffisamment cheminé pen-

dant toutes ces années pour com-prendre que j’avais visité le sport sous sa forme la plus chouette, sous sa for-me sociale, rencontrer des gens, faire des choses ensemble, etc. Le hand a été lié à quatorze ans de vie asso-ciative et sociale. C’est indissociable pour moi. Le sport dans ma vie a été une activité sociale. Aujourd’hui, j’ai un plaisir immense à faire cet exercice seule, tous les jours quand je peux. Ce sont les mêmes circuits, je suis très rassurée. J’ai la chance d’habi-ter à Trébeurden (22), en plein bourg donc je pars de chez moi à pied, je vais direct à la mer, je fais un grand tour. J’ai un circuit de 45 minutes, d’1h, ou d’1h30, c’est-à-dire que j’ai inclus ça dans mon temps. C’est un essentiel de mon emploi du temps, alors qu’avant, c’était en plus. Je le vivais comme ça. J’avais mon temps, et en plus, j’avais le sport.

Vous revoyez toujours des gens du club ?Oui. Je vais voir jouer mon gamin.

Je croise des copines. Mais je me demande si je suis allée voir un match de hand des filles, des copines ? J’ai dû aller en voir un ou deux. En fait, je réalise que je ne suis pas allée voir mes copines. J’ai fait mon deuil comme ça, tranquillement. Je suis très émue quand j’assiste à

un match en direct. Dans une salle, j’ai de l’émotion.

Penser L’envie de rejouer ?Oui, ou simplement de revivre

ce que j’ai déjà vécu là. Ce n’est pas nostalgique du tout, c’est très joyeux. J’ai du plaisir à aller voir les autres jouer. Je disais ça quand j’étais dans ma chaise roulante à Trestel, je disais : « Je vais me faire plaisir dans les gradins. » Je suis une supportrice qui ex-

plose, qui crie, qui est contente, qui applaudit. ça reste un moment d’expression.

Aujourd’hui, quel est votre rapport au sport ?D’abord, c’est un rendez-vous. Mon

rapport au sport est devenu sani-taire. C’est le soin de moi. Il y en a qui vont chez l’esthéticienne deux fois par semaine, moi, je marche une fois par jour. C’est mon rapport à moi, prendre soin de moi, ça passe par là. C’est un long chemin, je ne suis qu’au début. Fébrilement, parce que je n’agresse plus mon genou. Je suis copine avec lui. Deux années d’osthéopathie ont permis d’amélio-rer l’état de mon genou. Et je l’oublie complètement ou je l’aime beaucoup, j’en sais rien. Je suis plus attentive à mon corps, je suis obligée parce que je suis passée par la case hôpital.

Il reste certaines frustrations ?Oui, aller au ski, monter sur un

bateau, sur un voilier. J’aurais bien fait de la danse africaine aussi, pour chercher une autre forme de danse puisque la danse classique, j’en avais fait le tour. J’ai des appréhensions, je suis restée avec une case trau-matique quand même. J’ai peur de tomber, de chuter. J’ai un nouveau rapport à l’adresse, à l’agilité, aux précautions, une culture de la pré-caution maintenant. Le sport reste pour moi l’une des

meilleures formations humaines. Celle qui véhicule le maximum de va-leurs. J’en ai trouvées dans le sport, et j’en ai vérifiées d’autres.

Finalement, vous êtes sortie « va-lorisée » de cette blessure ?Sereine en tous les cas. Plus pru-

dente aussi. Après, quand on sait qu’il n’y a pas de hasard, c’est une autre façon de voir la vie aussi. Je tra-vaillais sur ma vie bien avant ma bles-sure mais je m’en suis servie comme

d’un outil. Mon corps m’a parlé. Il y a des vraies blessures quand il faut et j’ai une superbe cicatrice...

Marielle Bastide

*état de grosse fatigue qui provoque un dysfonctionnement physiologique, instal-lant un terrain inflammatoire permanent.

Un « joli petit tour de sport » qui passepar le superbe cadre de la pointe de Bihit,

à Trébeurden (22).(Photo : Louis Dabir)

une plaie

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Le grand Bleu

Sur le toit du monde en 1998, l’ancien attaquant

des Bleus a quitté les pelouses en 2002. Après

quelques années de galère, il a refait sa vie chez lui, à côté de Concarneau.

Consultant pour Canal +, entraîneur de l’équipe de football locale et vendeur

de piscines, Stéphane Guivarc’h est un « retraité »

atypique.

L e grand public l’avait lais-sé Coupe du monde aux bouts des bras, défilant sur les Champs-élysées un

après-midi de juillet 1998. Cet été-là, Stéphane Guivarc’h et les Bleus plongeaient le pays dans l’euphorie collective et dans le doux rêve de la France « black-blanc-beur ». Quatre ans plus tard, l’aventure s’arrêtait à Guingamp pour l’attaquant natif de Trégunc, petite ville aux portes de Concarneau. éreinté par une série de blessures au genou, Guivarc’h mettait fin à sa carrière de joueur de football pro, la trentaine à peine dépassée.

On aurait pu imaginer plusieurs sui-tes à l’histoire : entraîneur d’une équipe de l’élite hexagonale, consultant phare d’une chaîne de télévision ou gérant d’un petit commerce de centre-ville, bar ou magasin de sport. Un destin comme celui de centaines d’autres condisciples croisés tout au long de sa carrière. Rien de tout ça. Aujourd’hui, Stéphane Guivarc’h reçoit dans un bureau qu’il partage avec les autres

salariés d’une petite entreprise fami-liale implantée dans la zone indus-trielle de Trégunc. Depuis 2006, il est vendeur de piscines pour les frères Tanguy, connaissances de jeunesse. Si le temps a fait son œuvre, on recon-naît toujours aisément l’homme qui fit trembler Claudio Taffarel, le gardien de but brésilien. Le cheveu est moins blond, les rides se sont creusées, la silhouette est moins élancée, mais il n’a rien perdu de son allant.

TouT parT d’une plaisanTerieMais comment en est-il arrivé là ?

Tout commence en 2002. À cette époque, tout roule pour lui. Directeur sportif d’un En Avant Guingamp en pleine bourre, le néo-retraité veut se rapprocher de sa famille et s’installe avec femme et enfants dans sa ville natale. Les années qui suivent vont être plus difficiles. Sur le plan person-nel, c’est le divorce et la maladie de sa mère. Côté football, il démissionne de son poste de directeur sportif. « Noël Le Graët est un amoureux du football mais je n’avais aucune marge de manoeuvre en tant que directeur sportif, se justifie-t-il. Quand on ne peut rien faire dans une fonction, je ne vois pas l’intérêt d’y rester. » Le champion du monde se retrouve alors seul, avec comme unique activité son travail de consultant pour Canal + le week-end dans les stades de la région. Responsable de la Ligue 1 au sein de la chaine cryptée, Dominique Armand se souvient de cette pério-de. « Stéphane est quelqu’un de très franc mais il ne montre pas beaucoup ce qu’il ressent. Quand ça ne va pas, on ne le voit pas. » Le champion du

Stéphane Guivarc’h devant le magasin Tanguy Piscines à Trégunc (29) où il exerce le métier de commercial.(Photo : Romain Baheux)

Sport à HautS rISqueS Sport à HautS rISqueS

monde reste très pudique quand il évoque cette époque. « Je tournais un peu en rond c’est sûr. J’avais be-soin de faire quelque chose de mes journées. Montrer que je savais faire autre chose qu’être footballeur. »Cette opportunité va venir de Mi-

chel Tanguy en 2005 : « Je voulais développer une branche piscine dans mon entreprise de plomberie. Un jour, je demande à Stéphane en plaisantant si ça l’intéresse de de-venir commercial dans ce secteur. Plus sérieusement, il me répond alors de le laisser réfléchir. Une semaine plus tard, il m’a rappelé pour dire qu’il était d’accord. » Pour Guivarc’h, une nouvelle vie peut alors commencer. « Au début, j’avais un peu d’appré-hension. Michel m’a accompagné sur les premiers rendez-vous, j’ai travaillé de mon côté pour maîtriser les ficel-les de ce nouveau métier... J’ai tenu bon et ça me plaît. J’aurais aussi bien pu tout larguer au bout de six mois si ça m’avait gonflé... »

Un champion dU monde en gUise de vrpDepuis cinq ans, le « meilleur ven-

deur de piscines 2007 », comme le proclame une feuille collée sur le mur derrière son bureau, en écoule une trentaine par an. Grâce à son statut de champion du monde ? « ça doit aider pour la vente, c’est sûr, concède Michel Tanguy. Quand je vois que d’autres entreprises du secteur ont vu leurs ventes plonger, je me dis que c’est ça l’effet Guivarc’h. Certains clients demandent même des devis uniquement pour avoir sa signature ! Après, c’est aussi un bon profession-nel. Sinon, ça n’aurait jamais mar-ché. » L’ancien protégé de Guy Roux à Auxerre renchérit : « Faire le beau avec mon passé, ça ne m’intéresse pas. Un moment donné, il faut vendre. Si j’avais été mauvais, je pense que cela se serait vite su dans le coin et je ne

maintiendrais pas mes ventes chaque année. »

« Je préfère ma vie à celle de Zidane »L’équilibre est donc trouvé. Au sein

d’une petite structure, Guivarc’h est comme chez lui. À Trégunc, il peut compter sur l’appui de tout son clan : père, soeur, frère. Très famille, le champion du monde a besoin de la compagnie de ses proches. Il n’hé-

site d’ailleurs pas très longtemps quand une autre connaissance de jeunesse, le président du club de football de Trégunc, Stéphane Floch, lui demande de devenir entraîneur de l’équipe première en mai 2007. « On avait raté la montée au dernier match cette année-là. Stéphane était présent au stade. Je lui ai proposé de prendre en main l’équipe. On s’est revu le lendemain pour conclure l’af-faire. Depuis qu’il est au club, tout a

Entraîneur de l’équipe premièrede Trégunc depuis 2007, le championdu monde apporte son expérience en

DSR, la 8è division du football français.(Photo : Romain Baheux)

...

dans le petit bain

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Sport à HautS riSqueS

changé. » En plus de sa casquette d’entraîneur, Guivarc’h joue le VRP de luxe. En trois ans, il triple le nombre de partenaires du club, offrant des rentrées d’argent inespérées. Pour les sponsors, US Trégunc doit rimer avec Guivarc’h. Sur le site Internet du club, il n’y en a d’ailleurs quasi-ment que pour lui, photos et articles élogieux à l’appui. Cette année, il a pourtant décidé de prendre du recul. Après deux montées successives, le club a difficilement obtenu son main-tien en DSR l’an dernier. Guivarc’h ne viendra plus que pour les matchs le dimanche. « Ce nouveau rôle lui cor-respond, juge Hervé Lebot, joueur au club qui a également connu l’avant

Guivarc’h. Il a plus une âme de leader que d’entraîneur. Ses méthodes ne sont pas révolutionnaires. C’est sur-tout dans les matchs décisifs que l’on sent son importance. » Si, à terme, il veut voir Trégunc rejoindre le voisin Concarneau en CFA2, Stéphane ne cache pas que retrouver l’élite pour-rait l’intéresser. « Entre Brest, Lorient, Rennes, Guingamp, le football breton est très riche. Si on me présente un projet intéressant, pourquoi pas ? » Aller plus loin que la Bretagne serait difficile pour le champion du monde. Des Bleus de 1998, il n’est pas le plus célèbre. « Médiatiquement, Stéphane n’est pas au niveau d’un Dugarry ou d’un Zidane, constate Dominique

Armand. ça s’explique par la car-rière qu’il a eue et par les choix qu’il a pu faire. » « Je ne cherche pas constamment les caméras, se dé-fend l’intéressé. J’ai refusé de faire Koh – Lanta et La Ferme célébrités parce que je pense que ça ne me correspond pas du tout. Si je reste où j’en suis, ça sera quand même très bien. Je préfère avoir ma petite vie de pépère que celle de Zidane. » L’élite oui, mais en compagnie des siens, en Bretagne. Depuis longtemps, Guivarc’h a tranché entre la famille du football et la sienne.

Romain Baheux

...

Psychologue du sport spécialisé dans la gestion de la retraite, Gilles Lecocq explique pourquoi cette période peut être délicate pour le sportif et comment l’ancien professionnel peut se reconstruire à la fin de sa carrière.

Quels sont les risques psychologiques pour le sportif partant en retraite ?D’un point de vue global, il n’y a pas vraiment de

risque, la retraite fait partie de la vie de toute per-sonne qui travaille. La difficulté vient de l’acceptation de la retraite par le sportif. Quand il réussit à se dire : « J’arrête, c’est ma dernière saison », la transition est plus facile que s’il s’accroche et subit sa retraite. C’est le problème de la saison de trop. On n’imagine pas la blessure, on n’imagine pas que l’on puisse se faire remplacer par des plus jeunes que soi. Si l’environne-ment du sportif ne l’accompagne pas dans la démar-che, la retraite peut être difficile à gérer.

En quoi l’est-elle justement ?Il y a un décalage lié à l’âge du départ en retraite. En

dehors du monde du sport professionnel, peu de per-sonnes sont à la retraite à trente-cinq ans. Il y a aussi le problème de l’argent. Tout lui a été offert pendant une quinzaine d’années. À la retraite, il doit gérer son patrimoine financier et trouver d’autres sources de revenus. Il doit retrouver le rythme de vie de monsieur tout le monde. En dehors de quelques grandes stars, le souvenir de la plupart des sportifs est vite balayé dans la mémoire collective.

Ce changement est-il difficile à gérer ?Oui, surtout si cela est accompagné de la perte

« d’amis » qui s’éloignent une fois la célébrité finie. D’un autre côté, c’est l’occasion pour le sportif de se

réinterroger sur ce qu’il est vraiment, de se recons-truire une autre identité. Il se recentre sur lui-même et sur ses proches. La famille doit également composer avec ça. Pour elle, c’est comme redécouvrir un nou-veau personnage.

Pour un sportif professionnel qui part à la re-traite, vaut-il mieux se reconvertir dans son sport ou dans un autre domaine ?

ça dépend. S’il reste dans son milieu par peur de l’ex-térieur, c’est un mauvais choix. Dans tous les cas, il vaut mieux avoir une période d’inactivité à la fin de sa carrière professionnelle. Quand il revient pour entraîner, il faut que les joueurs voient l’entraîneur et non pas l’ancien pro. Je pense aussi qu’il doit éviter de réattaquer par du haut niveau. Il doit accepter qu’entraîner n’est pas le même travail que jouer et gravir les échelons petit à petit.

De nombreux sportifs professionnels se recon-vertissent dans le commercial, à l’instar de Sté-phane Guivarc’h, ou créent leur propre entre-prise. Comment l’expliquez-vous ?Tout d’abord par leur niveau d’études. Les anciens

sportifs n’ont pour la plupart pas de diplômes de l’enseignement supérieur et les métiers du commerce font partie des professions où l’on peut se former sur le tas. Ensuite par leurs aptitudes passées ; certains ont dû gérer des contrats de sponsoring durant leur carrière. Gagner de l’argent grâce à leur image, ils connaissent. Ils doivent cependant rapidement s’en construire une nouvelle. Pendant quelques années, leur aura peut leur permettre d’attirer des clients. S’ils ne se remettent pas en question et ne font pas l’effort de maitriser les codes de leur nouveau métier, leur reconversion sera un échec.

« Il se sent en décalage avec son environnement »