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74 AVENUE DU MAINE 75682 PARIS CEDEX 14 - 01 44 10 10 10 17 NOV 11 Hebdomadaire Paris OJD : 407855 Surface approx. (cm²) : 2084 N° de page : 84-88 Page 1/5 SOS 6867810300508/GTG/OTO/2 Eléments de recherche : TAMA : uniquement association d'aide à l'insertion, toutes citations Misère. Dans un bidonville de Kawetii, près de Mamoudzou, la préfecture. Un résident de Mayotte sur trois est un immigré illégal.

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Misère. Dans unbidonville de Kawetii,près de Mamoudzou, lapréfecture. Un résidentde Mayotte sur trois estun immigré illégal.

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Explosif.Le ioie départe-ment françaissombre dans lechaos. Reportage.

PARCUUDEASKOLOVITCH,ENVOYÉ SPÉCIAL À MAYOÏTE

A u dernier j our des barrages, lessyndicats ont mobilisé le Coran; dans le sud de Mayotte,

des Fundis venus des villages, lesvieux sachants de l'islam vêtus detuniques blanches, mènent desprières au carrefour de Bandrélé;une foule de femmes en pagne, auvisage maquillé de bois de santal,des jeunes au genre rappeur maiscoiffés de la coufia, la toque desjoursdefête Et, surveillant le tout,l'élite syndicale qui bloque Kle de-puis six semaines Nous sommesle 6 novembre, la grève contre laviechèretoucheàsa fin. « Pas facilede mobiliser quand le salariat n'existepos,constate Kaffar Djamiloudine,numéro deux de la CGT. La viechere,tout le monde comprend. Si on avaitdemandéunehausse des salaires, avec38000 salariés sur 200 ooo habitants,ça ne concernait personne. »

Kaffar, chemise blanche derocker, est un instituteur formé surle tas ; i 300 euros par mois. «Avecça, je suis un nanti '» Son épouse estsecrétaireauconseilgénéral:«£fcsont 40 comme elle à ne nen faire; elleaétéprisedanslesillaged'unpolitique. EtC'est le système.» Kaffar a été formé gpar la CGT à Montreuil, roublard Iet marxiste à la fois. Et les prières ? j*«Sam elles, on n'a pas les mammas. |Onmontrenotrerespectdestraditions; gça rappelle aux vieux les prières pour fle rattachement à la France, ily a qua- >rante ans.» Les Fundis se sont tus. j£BoinaliSaid,leaderCFDT,harangue Ien langueshimaore.il paraphrase |Mirabeau. «Le peuple mahorais ne ?se séparera pas sans avoir d'avoir ïrendu la République plus juste '» ^

AinsiluttetonàMayotte,leioie gdépartement, entre sourates *

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et slogans. «Pour nous com-prendre, abandonne les idées reçues»,plaide le sénateur ThaniMohamed,avocat de 39 ans. Donc, contemplerune apocalypse sans préjugés. Voilàune île, Mayotte-Mahoré, qui avoulu rester française contre la dé-colonisation, aujourd'hui un dé-partement ruiné dès sa naissance ;le conseil général ne paie plus sesfactures, plombé par un clienté-lisme de survie et ses 3 ooo employés ; l'économie est trustée pardes Européens, le tourisme sque-lettique, quand l'île est une mer-veille ; le français est une langueétrangère, ignoré dans les familles,appréhendé à l'école, plutôt malque bien. Ici, l'Etat chasse l'immigrévenu des Comores ; on le traque, onl'embarque par paquets dans descamions grillagés ; parfois, la justicecondamne l'Etat qui a expulsé unFrançais par erreur. La grève n'auraété qu'un chaos de plus.

Ici naissent 8 ooo enfants par an,quatre fois plus que dans la Nièvre,de population comparable. «Lerythme des constructions scolaires ne

pourra jamais suivre le rythme del'utérus des Mahoraises », aurait lancéle vice-recteur pour justifier le man-que de classes. La phrase est deve-nue la preuve du mépris métropo-litain, une injustice au surplus :«Commentpeut-on accuser les Maho-raises? Ce sont les Comoriennes quiignorent la contraception », s'indigneFaouzia Cordjee, référence du fé-minisme local. Qu'importé :Mayotte se surpeuple. On peut ac-coucher dans un lit d'hôpital quel'on quitte après 24 heures, fautede place ; ou dans la voiture despompiers, que les femmes appellent

Combats. Enquête so-ciale chez Said, 29 ans,à Kaweni. Maname, del'association Tama,recense les mineurs endanger. A g., la fémi-niste Faouzia Cordjeeet son neveu, le rap-peur Bo-Houss, défen-dent la dignitémahoraise.

Retards64 % des élèves deCE i de Mayotte ontéchoué en 20l i àl'évaluation nationale en français,contre 8 % dans toutle pays. Ce seul chiffre donne la mesuredu retard de l'île, quel'Etat ne compensepas. On dépense proportionnellementmoins pour Mayotteque pour les autresDOM (3 613 eurospar habitant, contre5 056 à La Réunion).

au dernier moment, par peur: onexpulse aussi les femmes enceintes.On peut accoucher dans un bidon-ville,sur le solen terre battue d'unecase... L'île-hippocampe, verte etchaude, est unenfersocial. Mamoud-zou, la capitale, est un embou-teillage égayé de publicités pourportables. Les radios invitent leshabitants à remplir leur déclarationde ressources pour obtenir des al-locations. Des gangs apparaissent.Pourtant, Mayotte attire, îlot fran-çais dans un archipelmiséreux verslequel convergent des Comorienssur des barques surchargées.

Roukia, 17 ans, a un rêve : récu-pérer ses carnets de notes de l'andernier, quand elle était bonne élèveen quatrième. Ses parents, renvoyésà Anjouan, aux Comores, n'ont paspu recevoir le bulletin. Elle restedans samaisondetôle.dansle quar-tier de Majicavo-Koropa, près deMamoudzou, avec huit frères etsœurs, et une grand-mère qui ploiela journée dans les campagnes, àcueillir des légumes qu'elle reven-dra. Roukia a un autre rêve : que ses

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parents reviennent. Ils risquent la noyade en essayant.En allant au collège, elle s'inquiète de son contrôle deSVT. Et elle a faim. Ça pourrait être pire. Depuis ledébut de la grève, les gendarmes ne descendent plusdans son bidonville. Sa tante ne dort plus dans leschamps, sa cachette des temps ordinaires. Dans unautre bidonville, on rencontre Nadjma, autre Anjoua-naise de 17 ans, et deux enfants déjà, le premier d'unviol à 12 ans. Elle était en CMz et n'est jamais retour-née à l'école. Presque une routine.

Parias. Ils sont 6 ooo mineurs isolés, estimationcourante, dans une île de 200 ooo habitants. Six milleenfants dont les parents ont été expulsés, laissant leurprogéniture en France. Ce sont les enfants de la luttecontre l'immigration. Seule une association, Tama,s'occupe de leur sort. Ils sont souvent nés à Mayotte,donc en France, seront français s'ils ne s'empêtrentpas dans leurs dossiers, conservés précieusement dansdes chemises en plastique -certificat de naissance,bulletins scolaires... Mais, en attendant, des parias.Les sans-papiers forment un tiers apeuré de la popu-lation. On voit parfois, sur le toit d'une habitationmahoraise, une cabane de fortune: celle du clandes-tin. Il est une coutume appelée moussada, .. . .l'entraide:jet'aideàconstruiretamaison, UIW gamine 06tu me nourris. Le moussada a bon dos, 13 3DS, CDCGIIlte,pour faire suer le Comorien. Il construit prostituée daflSlamaisonduMahorais,cultivesonchamp, ,._ kjHnnuillo octn'est pas payé ; dénoncé parfois. Jadis, U" ulu»»»me> »l

Mahorais et Comoriens formaient un 3CCUSM Q 3VOIfpeuple de cousins. Cepassése purge dans « détOUHléle mépris. «Elle a détourné des hommes», (jgj hOiniIIGS ».dit une éducatrice mahoraise, quand elledécouvre une gamine de 13 ans, enceinte, prostituéedans un bidonville. D'autres interpellent des gendar-mes qui embarquent les clandestins : «Ne laissez pasles femmes, elles vont voler nos maris!»

« Cette chasse aux immigrés empoisonne l'île de saviolence », dit Me Thani. Quand la grève a commencé,en septembre, la violence s'est échappée. Les Maho-rais ont découvert que les gendarmes pouvaientbrutaliser des citoyens français. Un enfant de 9 ans,Nassuir Oili, est devenu borgne : un gendarme lui atiré dessus au Flashball. Un homme est mort dansune manifestation. Des magasins ont été pillés, desMétropolitains molestés. Sous le département, lacolonie n'a jamais disparu.

Ce n'était pas écrit, pourtant, quand Mayotte étaitvouée à la pêche, à la cueillette et au désintérêt d'uncolonisateur lointain. En 1975, Mayotte choisit laFrance contre les Comores. C'est le début du malen-tendu. Tous les confettis de l'empire se sont construitscontre Paris. Mais ici, pas de Césaire ou de Fanon. Lacolonie, c'est la liberté ! Mayotte est un oxymore. Lestatut de département, entériné en 2009, aura été larevendication unique des élus. «Du coup, on a négligétout le reste», constate Thani. La France n'a pas misl'île au niveau de son rêve. L'Etat a ouvert des écoles,des collèges, un hôpital. Insuffisamment.

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Un architecte idéaliste, Vin-cent Liétard, a quadrillé l'île decases en dur, les «maisons SIM»,et inventé un personnage de BD,Bao, petit Mahorais philosopheface au chaos quotidien. Mayottea été une épopée ; mais les pion-niers étaient blancs.

Junk food. En 1980, un voilieraborde l'île. A bord, Lukas et IdaNel, deux Sud-Africains de 24 ans.Ils ont fait fortune dans des vidéo-clubs. Mayotte doit compter50000 habitants, 50 Européenspeut-être. Les Nel importent desvivres ; ils ont branché un congéla-teur sur le générateur d'un notablelocal. «On n'avait pas de téléphone;Lukas faisait décoller son avion pourpassersescommandesparradio.»l]njour, Ida trouve l'idée: « Unplatfadleà partager; à l'époque, les Mahoraismangeaientenfamilledansuneassiettecommune.» Ainsi naissent les ma-bawas, des ailes de poulet à frire;elles deviennent l'aliment fétichedu Mahorais, pour lequel l'île s'estrévoltée en 2011. Les cueilleurs debananes et pêcheurs sont devenuscarnivores de junkfood.

«Lemabawa, c'estlapartielaplusgrasse, la plus dégueulasse du poulet,rage Faouzia Cordjee. Ida Nel s'estenrichie sur notre santé. Elle a amenéla bière et l'alcoolisme; avant, on buvaiten cachette du vin de palme!»Ida, veuve, millionnaire et

Jeunesse. Roukia,collégienne, parentsexpulsés, attend le busa 5 heures du matin.Daddy Paya, musicien,rêve de métropole.

prométhéenne, se demande pour-quoi Faouzia lui en veut. «Faire ducommerce, c'est mal ? Les Mahoraisveulentêtrefonctionnairesouassistés.Avec Lukas, on a pris nos risques. »

Ainsi est née Mayotte l'hybride.Française mais aliénée. Pas d'éco-nomie réelle mais des emplois po-litiques, ou une débrouille gênéepar les nouveaux règlements. LesMahorais, qui construisent leursmaisons selon des droits coutu-miers, apprennent le cadastre etvontdécouvrir les joies des impôtslocaux. La terre, parie-t-on, sera laprochaine cause de révolte. L'arri-vée de la Sécurité sociale a exclu dela santé la foule des sans-papiers,qui se presse aux consultations deMédecins du monde.

L'inégalité ravage tout. LesBlancs, les m'zungus, en haut dupavé : toubibs, fonctionnaires, quidoublent leur salaire métropoli-tain. Ensuite, des Mahorais pro-priétaires ou salariés, émargeant

Histoire1841 Mayotte estvendue à la Francepar son sultan, quiveut se protéger deses voisins.1974 Les Mahoraisrefusent l'indépendance pour ne pasêtre comoriens.2009 Mayottedevient undépartement.20l i Le préfet DenisRobin impose labaisse du prix de laviande pour mettrefin à une grève desix semaines.

à la modernité. Puis les Mahoraisde l'assistance. Puis les illégaux.Les strates sont -parfois- traver-sées de solidarités de pauvres. AMajicavo-Koropa, Ibrahim, policiermunicipal, a des voisins sans-pa-piers ; il a épousé une illégale, il aramassé sur des plages des immi-grants noyés ; il répugne à chasserle Comorien. « Tout le monde vit malet je ne suis pas heureux; je ne peuxrien donner a mes enfants. »

Rappeur. La télévision apportel'écho d'un monde inatteignable.Le cinéma de l'île est fermé : leconseil général, propriétaire, nepouvait plus payer les films ! Lacrise est identitaire. Faux départe-ment, fausse colonie, coupée de sesvoisins. Les jeunes s'ennuient etrêvent. Dans le nord, au bord d'uneplage de paradis, Kamil, dit DaddyPaya, fringue stylé au fond de labrousse, fait du raggamuffin surdes ordinateurs essoufflés dans sonbanga, sa case de terre. Sa mamanle nourrit, qui vit d'allocs et de gar-des d'enfants. Ses clips passent surKwezi, la chaîne branchée. Il ira àLimoges, peut-être, «pour découvrirqui je suis». Il y connaît des gens.« Ça ressemble à quoi, Limoges ?»

Kamil rêve de France; d'autresfont le chemin à l'envers. A M'tsa-méré,prèsdeMamoudzou,unjeunehomme de 25 ans tisse sa culturehybride. Bo-Houss, fils d'un profd'arabe et de Coran, a étudié enmétropole, avant de revenir. Il estvedette durap mahorais, qu'il psal-modie en ténor des îles. Crâne rasé,lunettesteintées,Bo-Houssfaitbeaugosse de métropole, mais ne pensequ'à conjuguer ses racines. «Je suisd'ici, dit-il, embrassant la mer et lavieille mosquée. Et je parle de notrevie; nos jeunes, qui veulentêtre inscritsdans le monde. » II chante une « ma-horaise » sur l'air de Rouget de Lisle ;il remercie Allah et son père rétifau rap. «Je me sens chez moi aux Co-mores, à la Réunion, a Madagascar.Les immigrés qu'on expulse, ce sontnos copains.» Bo-Houss a été invitéaux Francofolies de LaRochelle. Onlui demande s'il est français. « C'estune bonne question», dit-il, puis setait. Mayotte commence peut-êtreavec son silence •