vos placements 2011 - finance · 2011-01-31 · vos placements 2011: cap sur les actions...

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HIVER 2011 | UN HORS-SÉRIE DE L’HEBDO | NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT VOS PLACEMENTS 2011 CAP SUR LES ACTIONS MALGRÉ LA VOLATILITÉ ANNONCÉE La crise de la dette pourrait provoquer un krach obligataire et dégénérer en problèmes bancaires. D’autres risques menacent d’induire des chocs sur les marchés. La spéculation sur les monnaies restera vive: les investisseurs en francs devraient couvrir le change. La performance viendra des titres à risque: actions, obligations à haut rendement ou dette des pays émergents en monnaies locales. HIVER 2011 | SPÉCIAL FINANCE | UN HORS-SÉRIE DE L’HEBDO

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Page 1: VOS PLACEMENTS 2011 - Finance · 2011-01-31 · Vos placements 2011: cap sur les actions BOULEVERSEMENT L’année 2010 entrera peut-être dans les annales de la finance comme celle

H I V E R 2 0 1 1 | U N H O R S - S É R I E D E L ’ H E B D O | N E P E U T Ê T R E V E N D U S É PA R É M E N T

VOS PLACEMENTS 2011

CAP SUR LES ACTIONS MALGRÉ LA VOLATILITÉ ANNONCÉELa crise de la dette pourrait provoquer un krach obligataire et dégénérer en problèmes bancaires.

D’autres risques menacent d’induire des chocs sur les marchés. La spéculation sur les monnaies restera vive: les investisseurs en francs devraient couvrir le change.La performance viendra des titres à risque: actions, obligations à haut rendement ou dette des pays

émergents en monnaies locales.

HIVER 2011 | SPÉCIAL FINANCE | UN HORS-SÉRIE DE L’HEBDO

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2011: à l’ombre des dettes souverainesLa prévision économique tiendrait-elle plus de l’art divinatoire que de la projection ration-nelle d’indicateurs chiffrés? A voir à quel point les marchés semblent s’ingénier à contredire les experts, le doute est à tout le moins permis. A l’orée de 2010, les plus pes-simistes des stratèges redoutaient l’avène-ment du très craint «double dip» qui aurait vu les Etats-Unis replonger en récession, après un espoir feu de paille de reprise économique. Le poids des dettes souveraines de plusieurs Etats était, certes, évoqué; mais nul n’avait prévu ! et surtout pas les dirigeants politi-ques européens – la violente montée de la défiance des créanciers obligataires envers la Grèce, puis l’Irlande. Défiance qui a failli avoir raison de la monnaie unique! Et a obligé les Etats de la zone euro à coordonner dans l’ur-

gence leurs efforts avec ceux du FMI pour offrir aux Grecs et aux Irlandais des ballons d’oxygène de 110 et 85 milliards d’euros. Le «non-pensé» des traités de l’Union européenne était brus-quement devenu réalité. Une réalité qui pèsera encore lourd ces prochains mois sur l’écono-mie des pays communautaires. La clairvoyance n’a pas non plus anticipé le solide rebond de 2,7%

de l’économie suisse en 2010. Ni l’effet aimant sur les capitaux étrangers, attirés comme de la limaille sur un franc suisse redevenu valeur refuge. Résultat: des plus-bas historiques du dollar et de l’euro face à Dame Helvetia et de nombreux investisseurs suisses perdant au change les rendements affichés sur leurs pla-cements dans ces deux devises. Pour 2011, le consensus affirme que les bénéfices des entre-prises resteront plantureux, que les actions sont désormais moins dangereuses que les obligations souveraines des pays dits péri-phériques de la zone euro, que l’inflation ne devrait pas tarder à menacer les bas de laine, que les pays émergents garderont la corde dans la course mondiale à la croissance, que la reprise s’installera plus solidement aux Etats-Unis et en Europe et que l’or prendra de la valeur pour la onzième année consécutive. Autant de thèmes, développés dans ce hors-série, dessinant un tableau plutôt positif pour les placements. Ils n’empêcheront pas les épargnants «contrarians» d’acheter de la dette souveraine hellénique ..."

GENEVIÈVE BRUNET RESPONSABLE DU HORS-SÉRIE

Le “non-pensé” des traités de l’Union était brusquement devenu réalité.»

HORS-SÉRIE DE L’HEBDO | HIVER 2011 ÉDITORIAL

IMPRESSUM HORS-SÉRIE FINANCE

Pont Bessières 3 Case postale 6682 1002 Lausanne Tél. 021 331 76 00 Fax 021 331 76 01 [email protected] www.hebdo.ch

Rédacteur en chefAlain JeannetResponsable du hors-sérieGeneviève BrunetChef d’éditionPierre-Yves MullerDirectrice artistiqueJulie BerclazSecrétaire de rédactionSylvie Logean, David SpringRédaction imagesPatricia AeberhardCorrectionLaurent Rochat (resp.), Olivier Kahn, Fabienne TrivierMarketingYvonne Braun (resp.) Sophie Kart

ÉDITIONS RINGIER ROMANDIEPont Bessières 3 Case postale 7289 1002 Lausanne Tél. 021 331 70 00 Fax 021 331 70 01DirecteurDaniel PillardDirecteur de la publicitéPatrick ZanelloDirectrice du marketingFaridée VisinandPublicitéDenise BurnierCornelia GrenacherImpressionGrafica Editoriale Printing, Bologne

Illustration de couvertureJonathan Gibbs / The Central Illustration Agency

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Sommaire HORS-SÉRIE DE L’HEBDO | HIVER 2011

6 VOS PLACEMENTS 2011 CAP SUR LES ACTIONS L’année 2010 entrera peut-être dans les annales de la finance comme celle où des obligations souveraines de grands et vieux pays industrialisés ont été considérées comme plus risquées que des actions d’entreprises de pays émergents. Un changement majeur sur l’échelle des risques et rendements espérés des placements. Il pourrait marquer durablement la composition des portefeuilles.

12 CHOCS POSSIBLESPROBLÈMES EN SUSPENS QUI POURRAIENT DÉGÉNÉRERLe scénario de base de la majorité des stratèges de banques, en ce début d’année 2011, est la poursuite d’un rééquilibrage progressif de la crois-sance économique entre pays développés et émergents; avec une appré-ciation en douceur des devises des grands pays exportateurs d’Asie. Les problèmes non réglés pourraient toutefois créer des chocs sur les marchés.

16 MENACES SUR L’OBLIGATAIREOBLIGATIONS: KRACH OU RALLYELes gérants de fonds obligataires eux-mêmes envisagent de modestes performances en 2011. Sauf choc inattendu qui déclencherait un krach ou lancerait un très surprenant rallye.

18 RÉGIONS EN FORTE CROISSANCEMARCHÉS ÉMERGENTS: BULLE OU POTENTIEL SOUS-ESTIMÉ?Les afflux de capitaux étrangers dans les pays émergents depuis le début de la crise pourraient laisser craindre la formation d’une bulle sur leurs marchés financiers, prête à éclater dès que les perspectives de croissance économique dans le reste du monde se seront améliorées. Une vision négative qui, à en croire plusieurs spécialistes des marchés émergents, néglige les réelles perspectives de plus-values dans des pays bénéficiant d’une solide croissance, d’un endettement faible et dont les devises vont vraisemblablement s’apprécier ces prochaines années face au dollar, à l’euro ou au yen.

20 MÉTAUX PRÉCIEUX ET MATIÈRES PREMIÈRES NOUVEAUX RECORDSLes énormes quantités de monnaie créées par les banques centrales font fuir l’épargne vers des investissements tangibles, dont les métaux pré-cieux et les matières premières, comme l’or, l’argent, le cuivre ou les pro-duits agricoles. Les prix explosent.

22 INVESTIR ÉTHIQUE NATACHA GUERDAT: «UN PORTEFEUILLE DURABLE PEUT ÊTRE TRÈS DIVERSIFIÉ»La gamme des placements durables permet d’investir éthique sans renoncer à la variété. Entretien avec la cofondatrice de ConSer Invest SA.JO

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VOLATILITÉ EN PERSPECTIVE HORS-SÉRIE DE L’HEBDO | HIVER 2011

GENEVIÈVE BRUNET

Tout comme en 2009, l’année écoulée a réservé son lot de surprises aux investis-seurs. Epicentre de la crise financière – puis économique – qui s’est étendue à toute la planète, les Etats-Unis subissent un chô-mage anormalement élevé dans une éco-nomie régulièrement vantée pour sa flexi-bilité, les stocks de maisons invendues y restent également impressionnants; mais Wall Street affiche à nouveau de belles cou-leurs. L’indice Dow Jones a progressé de près de 11% pendant l’année écoulée, retrouvant – tout comme le Nasdaq dédié aux valeurs technologiques – ses niveaux d’avant la faillite de la banque Lehman Brothers. Tandis que la Bourse japonaise

(-3,01% sur l’année) et nombre de ses homologues européennes peinent à sortir de la morosité. A l’instar du SMI – l’indice représentatif des grandes capitalisations à la Bourse de Zurich – qui s’effrite de 1,68%, ou du CAC 40 français qui recule de 3,34%. Un moindre mal, en regard du plongeon de 17,43% de la corbeille espagnole ou de la dégringolade de 35,62% de son homologue grecque. Athènes se classe d’ailleurs lan-terne rouge des marchés boursiers en 2010. En Europe, l’Allemagne fait figure d’écla-tante exception, avec un bond de 16,06%. Très loin toutefois de la performance de la Bourse leader de 2010: la toute petite cor-beille d’Oulan-Bator, capitale de la Mongo-lie, qui a engrangé 138,49% de plus-value. Si nombre de Bourses de marchés émer-

Vos placements 2011: cap sur les actions BOULEVERSEMENT L’année 2010 entrera peut-être dans les annales de la finance comme celle où des obligations souveraines de grands et vieux pays industrialisés ont été considérées comme plus risquées que des actions d’entreprises de pays émergents. Un changement majeur sur l’échelle des risques et ren-dements espérés des placements. Il pourrait marquer durablement la composition des portefeuilles.

L’OR BRILLE ENCORE Traditionnellement très

prisé en Inde, où les bijoux sont des cadeaux

obligés lors des mariages et autres

grandes occasions, l’or séduit désormais de

nombreux investisseurs, via des ETF. Le prix de

l’once a gagné plus de 25% en dollars. Une très

belle performance pour une dixième

année consécutive de hausse du prix

de la relique barbare.

+ 27,7% EN DOLLARS

OR A 1410,25 dollars l’once le der-nier jour de cotation, le prix de l’or en dollars a augmenté de plus de 27% en 2010. C’est la dixième an-née consécutive de hausse pour le métal doré. Il faut désormais dé-bourser plus de 42 000 francs suisses pour un lingot d’un kilo.

SMI Le SMI (Swiss Market Index) – indice représentatif des gran-des capitalisations à la Bourse suisse – affiche une valeur quasi inchangée en fin d’année par rap-port à son niveau de début janvier, après moult soubresauts au cours des douze mois écoulés.

-1,68%

BOURSE DE SHANGHAI Les efforts des autorités chinoi-ses pour éviter la surchauffe de l’économie de l’Empire du Milieu ont aussi douché son marché boursier. Il affiche un recul de 14,3% en 2010 après sa forte pro-gression de l’année précédente.

-14,3%

RICHEMONT Les valeurs du luxe ont été à la fête en 2010, dopées par les achats des clas-ses aisées et moyennes des pays émergents. A l’instar du groupe Richemont qui affiche une plus-value de près de 60% en un an.

+58,4%

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mique des pays développés et celle des pays émergents est une tendance de fond pour les cinq à dix ans à venir». Ce n’est que progressivement que «les gains de produc-tivité dans les pays émergents provoque-ront une hausse du pouvoir d’achat de leurs habitants» et que «les écarts de croissance avec les pays développés se réduiront». Des ajustements de change entre les devises émergentes et celles des vieilles nations industrielles «sont également probables ces prochaines années: ils contribueront aussi à réduire les déséquilibres». Le lent rééquilibrage du pouvoir économique en-tre les pays industrialisés de longue date et ceux ayant émergé plus récemment sur la scène du commerce international est le scénario le plus souhaitable. De nombreux risques pèsent toutefois encore sur l’éco-nomie mondiale qui – si l’un ou l’autre se matérialisait – pourraient enrayer le pro-cessus vertueux des changements néces-saires (lire «Problèmes en suspens» pages 12 à 14).

DÉCOUPLAGE DES POLITIQUES ÉCONOMI-QUES DE PART ET D’AUTRE DE L’ATLANTIQUE. «L’Europe et les Etats-Unis souffrent des

mêmes maux: croissance anémique sans emploi et pressions déflationnistes inquié-tantes» – relèvent Yves Bonzon et Christo-phe Donay, respectivement responsable des placements et chef stratégiste pour la gestion de fortune privée de Pictet – mais elles n’y apportent pas les mêmes remèdes. Les Etats-Unis tentent de «“reflater” leur économie» en y injectant à nouveau des centaines de milliards de liquidités; à tra-vers le QE2 (Quantitative Easing) de 600 milliards lancé en novembre par la Fed. Il prend le relais d’un QE1 de 1700 milliards de dollars. En proportion du PIB américain – d’un montant de 14 500 milliards – la re-lance monétaire est gigantesque. D’autant qu’elle se combine avec la prolongation pour deux ans des baisses d’impôts – pour toutes les catégories sociales – décidées par le gouvernement Bush, et d’un allonge-ment de la durée de versement des indem-nités de chômage. «A l’opposé – notent les experts de Pictet – l’Europe considère qu’au-delà d’un certain niveau d’endette-ment, toute relance keynésienne devient improductive puisque les revenus générés par la politique économique sont épargnés afin de payer les impôts correspondant au

Quels dangers pourraient affecter les place-ments en 2011? Le risque majeur demeure le risque de taux. Dans plusieurs segments du marché obliga-taire, les taux d’intérêt sont encore extrême-ment bas; notamment sur certaines dettes souveraines européennes et sur la dette américaine. L’éventualité d’une montée des taux d’intérêt fragilise les portefeuilles obligataires. De plus, la qualité de certaines obligations publiques est remise en question. Tant dans l’Union européenne – où l’on s’interroge sur le risque d’un rééchelonnement de la dette de pays – qu’aux Etats-Unis – où la baisse des recettes fiscales des Etats a grandement affecté leur capacité à faire face à leurs échéances d’emprunteurs obligataires. Des défauts sur les muni bonds, obligations émi-ses par les villes ou les institutions publiques américaines, pourraient engendrer un ris-que systémique. Dans le même temps, des anticipations infla-tionnistes commencent à apparaître: les investisseurs pourraient donc exiger à l’ave-nir une meilleure rémunération sur les titres à revenu fixe. Certaines obligations gouver-nementales sont aujourd’hui plus risquées que des dettes d’entreprises ou des actions.

Faut-il déjà craindre l’inflation?Elle est déjà bien présente dans les pays

émergents, qui tentent de la juguler. La Chine a relevé ses taux d’intérêt et les réserves obligatoires de ses banques pour éviter la surchauffe. La Grande-Bretagne affiche 3,5 à 4% d’inflation depuis des mois. Et il existe une inflation cachée aux Etats-Unis où l’indice des prix à la consom-mation est calculé hors prix de l’alimenta-tion et de l’énergie qui, eux, augmentent.

L’argent créé par les banques centrales, notamment la Fed, a-t-il gonflé une bulle sur les marchés émergents qui pourrait éclater ces prochains mois?Ce danger ne me semble pas imminent. Mais 2012 sera l’année de tous les dangers pour les marchés. Pour l’heure, nous privilégions dans nos conseils de placements les actions des pays émergents, la dette en monnaies loca-les de ces mêmes pays émergents, les actions de grandes compagnies européen-nes ou américaines offrant un solide divi-dende et aptes à bénéficier de la hausse de la consommation mondiale, les Bourses allemande et suisse qui comptent de très bonnes sociétés exportatrices, et l’or. Pour les monnaies, nous misons sur le franc suisse, les dollars canadien, australien et néo-zélandais, les monnaies scandinaves; mais délaissons le dollar, l’euro, le yen et la livre sterling.!

Il existe une inflation cachée aux Etats-Unis où l’indice des prix à la consommation est calculé hors prix de

l’alimentation et de l’énergie qui, eux, augmentent.»

pement d’une inflation difficile à contrô-ler dans certains pays émergents, dont la Chine. Plusieurs pays émergents ont récemment pris des mesures pour limi-ter la hausse des prix. Est-ce suffisant? A ce stade nous ne voyons pas de déra-page dangereux de l’inflation, mais une croissance bien plus forte que celle que nous prévoyons pourrait attiser les tensions.

Quelles sont vos classes d’actifs préfé-rées pour l’année qui s’ouvre?Dans un tel contexte, les actions nous apparaissent comme le placement à privilégier: tant dans les pays émer-gents que dans les pays développés où nombre de sociétés sont à même de profiter de la croissance de l’économie mondiale. En ce qui concerne les obli-gations, nous conseillons la prudence sur les dettes souveraines des pays de la zone euro – surtout pour les clients qui ne sont pas en mesure de supporter une forte volatilité – mais nous som-mes positifs sur le high yield (obliga-tions à haut rendement d’entreprises n’ayant pas une excellente note d’em-prunteur, ndlr) dans les pays développés et sur les obligations souveraines en monnaies locales de certains pays émergents.!

gents ont également joliment progressé au cours de l’année écoulée, ce n’est de loin pas le cas général (lire les perspectives des marchés émergents pages 18 et 19). Reste que la grande majorité des stratégistes consi-dèrent que les marchés boursiers émer-gents gardent du potentiel ces prochains mois, voire pour de longues années.

MONDE BIPOLAIRE. Ne serait-ce que parce que ce sont eux, désormais, qui tirent la croissance mondiale. Il suffit, pour s’en convaincre, de se pencher sur les perfor-mances boursières des groupes vendant des produits de luxe aux nouvelles classes aisées des pays émergents: Swatch a pro-gressé de 59,14% en 2010, Richemont de 58,36%, LVMH de 57,06% et Burberry de 87,65%. «En 2011, le monde est clairement bipolai-re, avec des pays développés menacés de déflation en raison de leurs efforts de dé-sendettement, privé ou public, et des mar-chés émergents en pleine expansion, ten-tant d’éviter une forte inflation», relève Edouard Crestin-Billet, chef économiste de Mirabaud & Cie. Et de pronostiquer que «cette bipolarité entre la situation écono-

VOLATILITÉ EN PERSPECTIVE HORS-SÉRIE DE L’HEBDO | HIVER 2011

La zone euro est loin d’avoir donné une

réponse crédible et défini-tive à cette crise.»

3 QUESTIONS À ANDREAS HÖFERT Chef économiste et responsable de la recher-che à Wealth Management & Swiss Bank UBS

3 QUESTIONS À

Quel est votre scénario de base pour 2011?Une croissance toujours soutenue dans les pays émergents. Et une confirmation de la reprise économique dans les pays dévelop-pés; avec une croissance faible dans cer-tains pays, notamment dans ceux de la zone euro en raison des politiques de consolidation budgétaire mises en place.

Quels sont les risques qu’il faudra surveiller ces prochains mois?Le risque principal reste le poids de la dette publique pour les pays périphériques de la zone euro. Les politiques de réduction des déficits publics mises en œuvre dans plu-sieurs pays cherchent à rassurer les inves-tisseurs. Il ne faudrait toutefois pas qu’elles réduisent trop la croissance économique car, avec une croissance trop faible, les ren-trées fiscales ne permettraient pas de tenir les objectifs fixés dans les différents pro-grammes d’assainissement des finances publiques. Les intervenants sur les mar-chés vont rester très attentifs à l’évolution de la situation économique dans les pays les plus fragiles et cela va encore provoquer une forte volatilité sur les marchés, notam-ment obligataires. La zone euro est loin d’avoir donné une réponse crédible et défi-nitive à cette crise.L’autre risque pour l’année à venir, moins important à court terme, serait le dévelop-

financement de celle-ci.» Avec des ratios d’endettement de l’ordre de 90% du PIB, «ce seuil est considéré comme atteint» par les pays de l’Union européenne. «Dès lors, la rigueur est considérée comme le meilleur des remèdes.» Mais les efforts des Américains pour ne pas tomber en déflation ne sont pas sans effets sur le reste du monde: des masses d’argent tentent de capter de la croissance et du re-venu dans les pays émergents, y générant des tensions inflationnistes. Tensions d’autant plus fortes que nombre de ces pays maintiennent artificiellement un taux de change arrimé au billet vert pour ne pas per-dre en compétitivité sur le marché améri-cain. Sans même évoquer les effets délétè-res qu’aurait une vraie guerre des monnaies, «un taux d’épargne financière des ménages stable et la nécessité de rendre la dette pu-blique soutenable impliquent un rééquili-brage progressif de la balance courante américaine», analyse Anton Brender, direc-teur des études économiques de Dexia. Or, ceci passera par un déclin sensible du dol-lar: «Pour permettre une croissance suffi-sante, ce rééquilibrage nécessite une baisse du change effectif du dollar d’environ

SEBASTIAN PARIS-HORVITZ, Responsable de la stratégie de HSBC Private Bank (Suisse)

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PETER BÄNZIGERChief Investment Officer de Swisscanto

Quels sont vos pronostics pour 2011 en matière de placements?L’année qui s’ouvre sera favorable aux actions et extrêmement difficile pour les obligations. Les obligations souveraines présentent des risques élevés: tant de crédit, avec la crainte de défaut d’un pays de la zone euro, que de taux, si le mouvement de hausse des taux longs qui s’est amorcé à la fin de l’année 2010 prenait de l’am-pleur ces prochains mois.Ce contexte va influencer les choix des investisseurs: ils devraient se tourner plus volontiers vers les actions que l’an passé. Pour autant, je ne m’attends pas à ce que l’appétit pour le risque augmente rapidement. Les marchés d’actions offrent pourtant beaucoup de potentiel. De nombreuses entreprises dispo-sent de montants importants en cash: elles vont sans doute en distribuer une partie à leurs actionnaires en augmentant les dividendes. Elles peuvent aussi procéder à des rachats d’actions ou à des fusions et acquisitions: événements susceptibles de soutenir les cours. Il faudra toutefois sans doute attendre la deuxième partie de l’année pour bénéficier de probables plus-values sur les actions. Certaines actions de pays émergents sont peut-être déjà un peu surévaluées. En ce qui concerne les obligations des pays émergents en monnaies locales, nous avons choisi chez Swisscanto de prendre nos bénéfices fin 2010 et de réallouer ces sommes à des obligations high yield (obligations à haut rendement d’entreprises ne disposant pas d’une excellente note d’emprunteur, ndlr).

Un investisseur en francs suisses doit-il – comme l’an dernier – s’attendre à perdre sur le change ce qu’il aurait pu gagner à Wall Street ou sur certaines Bourses européennes?L’année 2010 a été difficile pour les investisseurs ayant le franc pour référence: le SMI n’est pas monté du tout et le SPI a engrangé un modeste gain annuel de moins de 3%. On a perdu quelque 8% sur le dollar et 15% sur l’euro. En parité de pouvoir d’achat, le dollar est largement sous-évalué face au franc. Il pourrait se stabiliser entre 0,95 et 1,05 dollar pour un franc, et même remonter si l’aversion au risque diminuait. En ce qui concerne le change avec l’euro, je m’attends à une forte volatilité à court terme mais à une stabilisation en cours d’année autour de 1 fr. 30 pour un euro.

En 2010, l’or et l’immobilier étaient quasiment des placements refuges pour un investis-seur en francs. Le seront-ils aussi en 2011?Les investisseurs qui possèdent déjà des fonds de placement immobiliers peuvent les garder et participer aux augmentations de capital. Mais avec un agio de 25 à 30%, de nombreux fonds de placement immobiliers me semblent trop chers pour qui vou-drait commencer à investir dans l’immobilier suisse. D’autant que les prix de l’immo-bilier pourraient se stabiliser si les taux longs montaient. Or, le taux d’une obligation à dix ans de la Confédération, qui était descendu jusqu’à un plus bas de 1,03% il y a quel-ques mois, est remonté à 1,70%. En ce qui concerne l’or, ceux qui en possèdent depuis deux ou trois ans peuvent le gar-der à titre de diversification de leur portefeuille. Mais il existe, à court terme, un ris-que de correction du prix de l’once de 10 à 15%.!

Quel scénario privilégiez-vous pour 2011?En termes de stratégies de placement, 2011 va constituer un prolongement de 2010: les pays développés, endettés, ne bénéficieront que d’une croissance faible et les pays émergents afficheront une production en progression mais devront lutter contre l’inflation. Le risque le plus important qui pèse sur les marchés est le rééchelonnement de la dette d’un des pays les plus fragiles de la zone euro: la Grèce ou l’Irlande. Les gouvernements de la zone euro veulent, avant tout, éviter un tel scénario. On ne peut toutefois pas écarter totalement une restructuration technique d’une dette sou-veraine en Europe. Autre risque: une dégradation de la note de certains de ces pays. Aux Etats-Unis, le risque se concen-tre sur les obligations municipales émises par des collectivi-tés publiques aujourd’hui au bord de l’asphyxie. Au Japon, la dette est énorme; mais comme elle est essentiellement détenue par des investisseurs nationaux, elle suscite moins d’inquiétudes sur le marché obligataire international.

Quels seront vos investissements préférés ces prochains mois?Dans un tel contexte il faut garder des placements bien diversifiés et rester très réactif car le sentiment des investis-seurs peut changer d’un moment à l’autre, entraînant une forte volatilité sur les marchés, comme on a pu le constater l’an dernier. Nous entendons saisir des opportunités dans chaque classe d’actifs. Par exemple, pour bénéficier de la hausse probable de certaines devises de pays émergents – tels le won coréen ou le dollar taïwanais – nous préférons miser sur des paniers de devises asiatiques plutôt que sur de la dette en monnaies locales qui pourrait être fragilisée par un regain d’inflation. Nous gardons aussi de la dette en mon-naies locales, mais de court terme. Dans le compartiment obligataire, nous privilégions le high yield (obligations à haut rendement d’entreprises n’ayant pas une excellente note d’em-prunteur, ndlr) et les obligations d’entreprises. Nous conser-vons aussi des actions; tant de pays émergents que de pays développés car la bonne nouvelle de 2010 reste que de nom-breuses entreprises ont une belle capacité bénéficiaire. Les hedge funds devraient bénéficier de la forte volatilité qui pourrait caractériser encore les marchés en 2011. Et les matières premières devraient continuer à s’apprécier. Nous considérons aussi que l’or a toujours du potentiel dans un environnement de transition du pouvoir économique des pays développés vers les pays émergents. Conseillez-vous aux investisseurs en francs suisses de couvrir leurs risques de change?Le franc suisse, compte tenu des bons fondamentaux de l’économie, devrait rester une devise forte. Mieux vaut cou-vrir les risques de change avec le dollar et l’euro.!

VOLATILITÉ EN PERSPECTIVE HORS-SÉRIE DE L’HEBDO | HIVER 2011

3 QUESTIONS À

De nombreuses entre-prises disposent

de montants importants en cash: elles vont sans doute en distribuer une partie à leurs action-naires en augmentant les dividendes.»

3 QUESTIONS À OLIVIER AUBENASDirecteur de la stratégie de SG Private Banking

12%.» Nul doute que la Chine, l’Inde ou le Brésil ne vont pas spontanément se ré-jouir des effets prévisibles sur leurs écono-mies d’un tel glissement du billet vert... Im-posant ajustement qui ne se fera pas forcément en douceur. «Une des inconnues de 2011 est de savoir comment les marchés vont réagir à l’endettement public améri-cain», indique encore Anton Brender (lire «Problèmes en suspens» en pages 12 à 14).

ACTIONS PLÉBISCITÉES. Dans un tel contex-te, les spécialistes des placements tombent d’accord pour juger que les marchés finan-ciers subiront une forte volatilité. Priorité, donc, à la capacité de réaction: à la gestion tactique plutôt qu’au bon vieux buy and hold. Echaudés par les deux épisodes de la crise de la zone euro, les stratèges jurent qu’ils surveilleront les portefeuilles de très près pour tenter d’éviter les moins-values. Et la

plupart bouderont les dettes souveraines européennes, au profit – dans le comparti-ment obligataire — d’obligations à haut rendement ou de dettes de pays émergents émises en monnaies locales. Le consensus est également assez large pour estimer que les actions bénéficieront cette année d’un probable report d’argent, jusque-là placé en obligations souveraines. Para-doxe: plus d’un expert en investissements

n’hésite pas désormais à affirmer qu’une ac-tion d’une entreprise solide installée dans un pays émergent – et apte à bénéficier du développement rapide de la consommation des classes moyennes locales – est moins risquée qu’un titre de dette souveraine grec-que, irlandaise, voire portugaise ou espagno-le. Ex-«placements de père de famille», les obligations d’Etat des pays développés pren-nent maintenant figure d’obligations pour-

ries spéculatives... Patrice Gautry, stratégiste de l’UBP, entend ainsi «miser sur les obliga-tions à haut rendement et éviter les dettes souveraines européennes.» Tout en signa-lant que les titres de dettes d’Etat des pays dits PIIGS (Portugal, Italie, Irlande, Grèce et Espagne) pourraient redevenir intéressants en cours d’année si les pressions sur ces pays perdaient de leur virulence. Dans l’attente, mieux vaut ne pas trop s’exposer aux mena-

ces qui planent sur les placements obligatai-res (lire en pages 16 et 17).

REFUGES TANGIBLES. Après avoir affiché de très belles performances en 2010, les mé-taux précieux et matières premières gardent des atouts (lire en page 20). Il est même pos-sible, en cherchant bien, de miser sur les matières premières sans sacrifier l’éthique (lire en page 22).!

Pour bénéficier de la hausse de certaines devises de pays émergents, tels le won coréen ou le dollar taïwanais, nous

préférons miser sur des paniers de devises plutôt que sur de la dette en monnaies locales.

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GENEVIÈVE BRUNET

Les différentes réunions du G20 ont au moins dégagé un consensus: tout le monde a intérêt à un rééquilibrage progressif de la production, de la consommation et de l’épargne entre pays développés et pays émergents. Il passera par une dévaluation relative sur le long terme de grandes mon-naies comme le dollar et l’euro au profit des devises des nouvelles grandes puissances que sont la Chine et l’Inde. Et par une orien-tation plus marquée des économies chinoise et indienne vers la consommation inté-rieure, pour moins dépendre de leurs expor-tations. Des dépenses des ménages plus importantes dans les grands pays émer-gents soutiendraient les exportations des pays développés, contribuant également à la recherche d’un nouvel équilibre économi-que mondial. Plus facile à énoncer qu’à concrétiser alors que la surévaluation actuelle du renminbi, la monnaie chinoise, «est d’environ 35% par rapport au dollar», estime Christophe Donay, chef stratège pour la gestion de fortune privée de Pictet. Et que «plus de la moitié des importations et exportations chinoises sont réalisées par des entreprises en mains étrangères», rap-pelle son collègue Yves Bonzon, responsa-ble des investissements pour la gestion de fortune privée de Pictet. Or, les marchés ayant une fâcheuse tendance à surréagir, à la hausse comme à la baisse, tant les ajustements monétaires que les ten-tatives de réduction du surendettement de certains pays, notamment européens, pour-raient provoquer des mouvements brusques sur les prix des actifs, au gré des change-ments d’humeur d’investisseurs prenant brutalement conscience de problèmes exis-tant de longue date. Comme on a pu le consta-ter en 2010, avec la crise de l’euro. Revue des problèmes en suspens, susceptibles de dégé-nérer dans les mois à venir.

01 DETTE SOUVERAINE C’est le principal risque qui pèse sur l’économie mondiale en 2011: une montée de la défiance envers les dettes souveraines. Cette inquiétude à propos de la capacité de différents pays à supporter le poids de leur endettement n’est pas nouvelle: elle s’est

d’abord manifestée à propos de Dubaï, puis de l’Islande, avant de se déplacer sur la Grèce, l’Irlande et le Portugal. Quand les investisseurs commencent à nourrir des doutes sur les capacités futures de rem-boursement d’un émetteur d’obligations, ils exigent une rémunération supérieure pour couvrir leur risque. C’est très exacte-ment ce qui s’est passé pour les dettes sou-veraines européennes: à la mi-décembre 2010, les taux exigés sur les titres de dette à dix ans étaient de 5,5% pour l’Espagne, 6,46% pour le Portugal et 11,85% pour la Grèce. A ce prix-là, la charge de la dette devient très lourde! L’Union européenne et le FMI avaient pourtant entre-temps coor-donné leurs forces pour mettre sur pied le FESF (Fonds européen de stabilisation financière) et prêter à la Grèce, puis à l’Ir-lande, respectivement 110 et 85 milliards d’euros. Si ces gestes n’ont pas totalement rassuré, c’est que ces pays n’ont pas un pro-blème de liquidités – qui peut se résoudre par un apport momentané d’argent frais – mais de solvabilité à long terme – qui sup-pose de sévères programmes d’ajustement. D’où la forte nervosité des intervenants sur les marchés de dettes souveraines euro-péennes. D’autant plus que, alors que l’Union européenne a annoncé la mise sur

pied dès 2013 – à l’expiration de la période de validité du FESF – d’un mécanisme européen de stabilisation financière pérenne, Angela Merkel, la chancelière allemande, a aussi averti qu’à partir de cette même année 2013 les créanciers obligatai-res d’un Etat pourraient être amenés à subir des pertes si ce pays devait rééchelonner sa dette. «Les investisseurs vont apprécier le risque pays de chaque membre de la zone euro, au cas par cas, tout au long de l’an-née», affirme Patrice Gautry, chef écono-miste de l’UBP. Une dégradation de la note d’emprunteur d’un des pays de l’euro par les agences de notation pourrait à nouveau déclencher une crise aiguë de l’euro.

02 «MUNIS BONDS» Ces obliga-tions, émises aux Etats-Unis par des villes et des entités publiques, étaient considérées comme très sûres avant la crise financière. Or, la baisse des rentrées fiscales a fragilisé tant les Etats – à l’instar de la Californie qui est au bord de la faillite – que les municipa-lités et les organismes publics. Des défauts sur muni bonds affecteraient le rendement des fonds de pensions qui en ont en porte-feuille, ainsi que le bilan de nombreuses banques qui en détiennent dans leur bilan.

RISQUES HORS-SÉRIE DE L’HEBDO | HIVER 2011

Aux Etats-Unis, huit mil-lions d’emplois ont été

détruits entre la mi-2008 et la fin 2009. C’est du jamais vu.» Christophe Donay, chef stratège pour la gestion

de fortune privée de Pictet.

CHOCS POSSIBLES Le scénario de base de la majorité des stratèges de banques, en ce début d’année 2011, est la poursuite d’un rééquilibrage progressif de la croissance économique entre pays développés et émergents; avec une appréciation en douceur des devises des grands pays exportateurs d’Asie. Les problèmes non réglés pourraient toutefois créer des chocs sur les marchés.

Un des dangers serait une augmentation un

peu trop forte de l’inflation dans les pays émergents.»

Edouard Crestin-Billet, chef économiste de Mirabaud & Cie

Problèmes en suspens qui pourraient dégénérer

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03 «FORCLOSURE GATE» Ce scan-dale en cours aux Etats-Unis apporte un ballon d’oxygène bienvenu à des dizaines de milliers d’emprunteurs hypothécaires qui pourraient échapper à l’expulsion. En effet, les avis d’expulsion qui leur ont été adres-sés ne seraient pas fondés juridiquement. Titrisation et création de CDO (collaterali-zed debt obligation) obligent: certaines ban-ques peinent à prouver qu’elles sont bien détentrices de la créance hypothécaire fon-dant le droit à ordonner une expulsion. Mais ce gel des ventes forcées freine l’assainisse-ment du marché immobilier et fragilise les comptes de nombreuses banques.

04 CRISE BANCAIRE En volant au secours des banques – en leur prêtant de l’argent, prenant une participation à leur capital ou garantissant leurs engagements – les Etats déjà très endettés, notamment les pays de la zone euro, se sont enfermés dans un cercle vicieux qui pourrait débou-cher, à terme, sur une nouvelle crise ban-caire. Les Etats se sont surendettés. Or, les rentrées fiscales ont fortement chuté avec la crise économique. D’où une montée de la défiance envers la capacité des pays à sup-porter le poids de leur dette. Défiance qui s’est traduite par une hausse des intérêts à acquitter pour pouvoir emprunter; donc par un alourdissement d’une dette déjà plétho-rique... Si un Etat était contraint de rééche-lonner sa dette, voire de faire carrément défaut sur le remboursement d’une partie du montant emprunté, les banques de ce pays – et plus largement l’ensemble des banques de la zone euro – seraient fragili-sées puisqu’elles détiennent des montants importants de dettes souveraines euro-péennes dans leurs actifs. L’enchaînement délétère peut aller très vite. Comme l’a subi l’Irlande: les banques irlandaises, qui avaient passé avec succès les stress tests de la mi-2010, étaient au bord de la faillite quelques mois plus tard... Même si les nou-veaux stress tests prévus au premier tri-mestre 2011 sont plus sévères, les banques resteront menacées si les plans de redres-sement des finances publiques ralentissent trop l’économie des pays périphériques de la zone euro.

05 INFLATION DANS LES PAYS ÉMERGENTS «L’Inde et la Chine sont confrontées à un risque de surchauffe et d’inflation en 2011», affirme Jean-Luc Lederrey, en charge des analyses financiè-res à la Banque cantonale de Genève. La Chine lutte contre l’inflation depuis des mois: pour la seule année 2010 elle a relevé par six fois le taux des réserves minimales obligatoires des banques – une façon très efficace de freiner la distribution de crédit – et sa Banque centrale a augmenté deux fois son taux directeur. En revanche, même si le renminbi est censé s’apprécier plus libre-ment depuis juin dernier, il n’a gagné que

2% face au dollar pendant la deuxième par-tie de l’année 2010. Pour l’heure, les ban-ques centrales des pays émergents sont très attentives à la montée des anticipations inflationnistes et aux hausses réelles de prix. Elles estiment qu’elles seront en mesure de les freiner. Un des risques qui pourrait se concrétiser ces prochains mois reste toutefois le développement d’une inflation incontrôlée en Asie «provoquant une réaction trop forte des banques centra-les», analyse Patrice Gautry, chef écono-miste de l’UBP. De quoi donner un coup de frein brutal au commerce mondial et provo-quer de brusques variations des taux de change.

06 GUERRE DES MONNAIES Même si elle n’est pas officiellement déclarée, la guerre des monnaies fait rage depuis des mois. La plupart des pays tentent de préser-ver leurs exportations en affaiblissant leur devise. Le franc suisse en a été une victime l’an dernier avec une appréciation specta-culaire face aux principales monnaies mon-diales. A fin décembre, le franc affichait une hausse de 18,59% face à l’euro, 14,73% face à la livre, 10,74% face au dollar, mais aussi 7,17% face au won coréen ou 5,33% face au réal brésilien. Le risque majeur sur le front des devises serait une chute brutale du dol-lar. Elle provoquerait une déstabilisation de tout le système monétaire mondial, avec de très fortes variations de change.

07 BULLES SUR LES MATIÈRES PRE-MIÈRES Les énormes quantités de dollars créées par le QE2 (quantitative easing) se sont en partie déversées sur les marchés de matiè-res premières et pourraient continuer à le faire, alimentant une spéculation sur ces «biens tangibles». Une hausse brutale du prix du pétrole pourrait réduire la croissance de l’éco-nomie mondiale espérée pour l’ensemble de l’année 2011. Quant aux hausses de prix des métaux de base, elles renchérissent les pro-ductions et, donc, créent de l’inflation; tant dans les pays producteurs que dans ceux qui achètent leurs produits industriels. Les aug-mentations de prix de denrées alimentaires, elles, peuvent plonger dans la précarité des populations qui se maintenaient jusque-là juste au-dessus du seuil de pauvreté.

08 GRAVES TROUBLES SOCIAUXLa flambée des prix de certaines denrées de base – comme le riz et le blé – pourrait provo-quer de nouvelles émeutes de la faim dans les pays pauvres. Les participants aux manifesta-tions dans plusieurs villes d’Algérie et de Tunisie en ce début d’année 2011 dénoncent, entre autres, la hausse du coût des produits de première nécessité. Des troubles sociaux pourraient également agiter certains pays de la zone euro engagés dans de drastiques plans de réduction de leur dette publique, tant ces programmes vont fortement affecter le niveau de vie des populations locales.!

Les problèmes de dettes souveraines dans l’Union européenne pourraient

dégénérer en crise bancaire.» Jean-Luc Lederrey, responsable des études financières

à la Banque cantonale de Genève

Nous sommes dans un environnement de crises à répétition.»

Patrice Gautry, chef économiste de l’UBP

Les risques pour 2011? L’augmentation du prix du pétrole, la hausse des taux, l’accen-

tuation de la crise de la dette européenne, la chute du dollar ou l’inflation en Chine.»

Anton Brender, chef économiste de Dexia

RISQUES HORS-SÉRIE DE L’HEBDO | HIVER 2011

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GENEVIÈVE BRUNET

Pimco est une société de gestion d’actifs très connue pour son expertise dans les obliga-tions: elle gère le plus grand fonds obliga-taire au monde. Elle vient pourtant de se lan-cer dans la gestion active d’actions. Signe que l’année qui s’ouvre marquera la fin d’un très long cycle haussier de vingt-sept ans sur l’obligataire? Et qu’un des meilleurs spécia-listes en la matière se prépare à ce change-ment de donne majeur? Anne Gudefin, gérante du nouveau fonds actions, s’en défend: «Pimco a pris, en 2006 déjà, la déci-sion de se lancer dans la gestion active d’ac-tions pour répondre à la demande de ses clients. Notre entreprise est devenue une société globale en termes d’investissements. Elle est surtout connue pour gérer le plus grand fonds obligataire, mais elle est aussi

MENACES SUR L’OBLIGATAIRE HORS-SÉRIE DE L’HEBDO | HIVER 2011

Surtout connu pour gérer le plus grand fonds obligataire au monde; PIMCO a

décidé, en 2006, de se lancer dans la ges-tion active d’actions.»

Anne Gudefin, gérante du nouveau fonds actions de PIMCO

Faire tourner la planche à billets a toujours fini

dans les larmes. Il en sera de même cette fois-ci. L’inflation va s’accélérer à terme, mais pas tout de suite.»

Jim Leaviss, responsable de la gestion obligataire de M&G

La Grèce est confrontée à un risque matériel d’insolvabilité et le Portugal

frôle la ligne rouge.»Nannette Hechler-Fayd’herbe, responsable Fixed income and credit research,

Credit Suisse Group

présente dans la gestion de fonds de matiè-res premières et dans la gestion active d’ETFs où elle est l’acteur le plus important.» Dont acte: communiquer sur la stratégie value du nouveau fonds actions – consistant à acheter des titres jugés décotés de 30 à 40% par rapport à leur valeur intrinsèque – ne préjuge pas de déceptions à venir sur les obligations... De sombres nuages s’amoncel-lent pourtant dans le ciel jusque-là plutôt dégagé des gérants obligataires: remontée des taux longs en fin d’année 2010 – le ren-dement du bon du Trésor américain à dix ans, qui était descendu jusqu’à 2% en 2008, est passé à 3,3% –, premiers signes d’un retour des anticipations inflationnistes dans la psychologie des investisseurs et, surtout, risque de défaut d’un Etat souverain de la zone euro ou d’une de ces collectivités publi-ques américaines étranglées par la charge désormais trop lourde de leurs muni bonds. Ces obligations municipales sont aussi pré-sentes dans les fonds de pension des Améri-cains que les dettes souveraines européen-nes le sont dans les assurances vie des Européens...

RISQUE SYSTÉMIQUE. Alors que les pays de la zone euro ont annoncé qu’ils mettraient en place dès 2013 – à l’échéance du Fonds de stabilisation financière (FESF) qui a volé au secours de la Grèce et de l’Irlande – un méca-nisme pérenne de stabilisation de leurs det-tes publiques; le danger demeure qu’un Etat communautaire soit contraint de reporter une partie du paiement des intérêts de sa dette avant cette date butoir. La Grèce, par exemple, qui – selon les calculs de Nannette Hechler-Fayd’herbe, responsable de la recherche sur les titres à revenu fixe au groupe Credit Suisse – est déjà confrontée à un risque matériel d’insolvabilité, du fait d’un montant total d’actifs publics trop fai-ble en regard de l’ampleur de la dette. Ou le Portugal, qui pourrait se retrouver dans cette situation dès 2015. Un défaut sur dette publique – d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique – tient du scénario noir pour nombre de banques détenant ces titres dans leurs bilans. Avec un risque sys-témique de contagion à plusieurs établisse-ments financiers. Responsable du départe-ment obligataire et devises chez Lombard Odier Investment Managers à Genève, Sté-phane Monier estime «très faible» le risque «de rééchelonnement de la dette d’un pays de la zone euro avant 2013.» Même quiétude relative de Jim Leaviss, responsable de l’équipe gestion obligataire de M&G, per-suadé que les Etats européens pareraient au pire en augmentant la taille du FESF.

Les marchés ont un peu exagéré l’ap-préciation des obligations à l’été 2010.

Mais le risque d’un krach obligataire est très faible.»

Stéphane Monier, responsable du Département obligataire et devises, Lombard Odier Investment Managers

Obligations: krach ou rallyeMOROSITÉ Les gérants de fonds obligataires eux-mêmes envisagent de modestes performances en 2011. Sauf choc inattendu qui déclencherait un krach ou lancerait un très surprenant rallye.

PLAN DE SAUVETAGE Aparté entre Wolfgang Schäuble, ministre allemand des Finances, et Christine Lagarde, ministre française de l’Economie, lors du sommet européen réuni le 10 mai à Bruxelles pour définir les modalités d’un prêt communautaire à la Grèce.

LE BONUS-SURPRISE DE L’ÉTÉ 2010

Il y a un peu plus de six mois, les anticipa-tions inflationnistes n’avaient pas encore pris le pas sur les craintes de déflation et la faible reprise de l’économie améri-caine semblait très inquiétante. D’où une brusque remontée de l’aversion au ris-que des investisseurs – dans le courant de l’été 2010 – et une ruée sur les obliga-tions. Y compris sur les titres de dettes souveraines, malgré le sauvetage en urgence de la Grèce du mois de mai pré-cédent. Cette forte demande, combinée aux achats d’obligations gouvernemen-tales par les banques centrales, avait provoqué un effondrement momentané des taux longs. Ils avaient atteint des plus bas historiques sur certains mar-chés européens. En Suisse, le rendement d’une obligation à dix ans de la Confédé-ration était tombé jusqu’à 1,03%. Les détenteurs d’obligations de qualité, à longue échéance, avaient alors fait une très bonne affaire; encaissant une sorte de bonus-surprise lié à la peur des épar-gnants. A l’heure où la majorité des conseillers en placements prônent une très grande prudence vis-à-vis des det-tes souveraines et misent plus volontiers sur les actions que les obligations, il vaut sans doute la peine de se rappeler cet épisode et de ne pas négliger totale-ment des titres qui pourraient retrouver du lustre en cas de choc sur les marchés. Pour autant que ledit choc ne soit pas une montée rapide des taux longs…!

KEYS

TONE

SCÉNARIO PROBABLE. Taux d’intérêt sta-bilisés, croissance faible dans les pays développés, capacité de tous les emprun-teurs publics à faire face à leurs échéan-ces: ce scénario du probable offrirait une performance raisonnable sur les obliga-tions. A moins qu’une brutale montée de

l’aversion au risque en cours d’année ne ramène des flots d’argent sur les obliga-tions souveraines – titres que tous les stratèges conseillent de bouder cette année – provoquant, comme l’été dernier, un rallye obligataire aussi surprenant qu’éphémère.!

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GENEVIÈVE BRUNET

Les Bourses des marchés émergents sont-elles déjà surévaluées? Dopées ces dernières années par les afflux massifs de capitaux de l’étranger, les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) avaient affiché de spectaculaires performan-ces. Le bilan de 2010 est plus mitigé: la cor-beille brésilienne se contente d’une maigre progression de 1,04%, la Russie affiche encore une solide plus-value à deux chiffres (+ 22,70%), l’Inde aussi ( + 17,43%), mais la Chine cède 14,31% sur l’année. Peut-être est-ce parce que ces quatre grands pays n’ont plus d’«émergent» que le nom... La Chine s’est his-sée au rang de deuxième puissance économi-que mondiale ! devant le Japon ! et l’Inde comme le Brésil sont devenus des poids lourds au sein du G20. D’autres marchés «émergents» ! Bourses à capitalisation moyenne dans des pays bénéfi-ciant d’une forte croissance économique ! n’ont pas fait mentir en 2010 la réputation d’Eldorado pour investisseurs de ces pays pro-mis à alimenter la croissance de demain: la

Bourse péruvienne a progressé de 64,99%, son homologue argentine de 51,83% et la cor-beille de Jakarta a gagné 46,13%.

MODESTE CAPITALISATION BOURSIÈRE Les plus-values semblent toutefois encore large-ment à venir, si l’on en croit Agnès Arlandis, responsable des marchés émergents pour HSBC Private Bank (Suisse): «On ne peut pas, à mon sens, parler aujourd’hui de bulle sur les marchés émergents, tant en ce qui concerne les actions que les obligations en monnaies locales.» Et de relever qu’«en 2010, la crois-sance économique globale des pays émer-gents a été de 6,4%, contre 2,1% pour les pays développés. En 2011, ces chiffres devraient être respectivement de 6,9 et 2,5%. La crois-sance économique de ces pays est donc solide et durable.» En outre, «nombre d’entre eux ont un taux d’épargne très élevé: en Chine, il at-teint plus de 40% du revenu disponible contre moins de 6% aux Etats-Unis.» Enfin, «les sys-tèmes bancaires des pays émergents sont sains: ils n’ont pas été affectés par la crise des subprimes».

Malgré ces solides atouts, les Bourses locales n’ont pas encore largement séduit à l’étranger: «Les actions des pays émergents représen-tent aujourd’hui 20% de la capitalisation boursière mondiale et 13% de l’indice MSCI Monde. Or, les fonds de pension des pays développés n’affectent en moyenne que 5% de leur compartiment actions aux émer-gents.» Cette spécialiste n’hésite donc pas à affirmer qu’«on est loin d’un surachat sur les Bourses émergentes de la part des investis-seurs étrangers.» D’ailleurs, «le PER sur le MSCI Emergents n’est que de 11,5; alors que selon le consensus, il devrait atteindre 15.» Andrzej Blachut, responsable des actions des pays émergents chez Swiss & Global Asset Management estime également que les Bour-ses émergentes ! compte tenu de la forte croissance économique dans les pays concer-nés ! ne sont pas très chères. Il chiffre leur potentiel moyen de progression pour 2011 ! tous marchés confondus ! «entre 15 et 17%». Il surveillera attentivement cette année l’évo-lution des corbeilles des BRIC, mais aussi cel-les «de la Corée ou de l’Egypte et de certains

Marchés émergents: bulle ou potentiel sous-estimé? LOCOMOTIVES DE LA CROISSANCE Les afflux de capitaux étrangers dans les pays émergents depuis le début de la crise pourraient laisser craindre la formation d’une bulle sur leurs marchés financiers, prête à éclater dès que les perspectives de croissance économique dans le reste du monde se seront améliorées. Une vision négative qui, à en croire plusieurs spécialistes des marchés émergents, néglige les réelles perspectives de plus-values dans des pays bénéficiant d’une solide croissance, d’un endettement faible et dont les devises vont vraisemblablement s’apprécier ces prochaines années face au dollar, à l’euro ou au yen.

RÉGIONS EN FORTE CROISSANCE HORS-SÉRIE DE L’HEBDO | HIVER 2011

marchés frontières, comme l’Algérie». En ter-mes de secteurs, il conseille de miser sur les entreprises aptes à profiter de l’appétit crois-sant de consommation des populations loca-les. Johannes Jooste, portfolio stratégiste de Merrill Lynch Wealth Management, recom-mande, lui, de «privilégier cette année les petits marchés comme la Thaïlande ou l’Indo-nésie» pour les actions. Mais conseille la pru-dence «à l’égard de la dette des émergents». Une réticence pour la dette locale que ne par-tage pas Agnès Arlandis: «Nous recomman-dons fortement de surpondérer les actions des pays émergents et les obligations en mon-naies locales. Pour les actions, nous nous inté-ressons aux entreprises orientées vers la consommation domestique. Elle se développe fortement au Brésil, en Inde, en Indonésie, mais aussi en Chine.»

L’EFFET DEVISES Responsable du département obligataire et devises chez Lombard Odier In-vestment Managers à Genève, Stéphane Mo-nier est également serein sur le potentiel de rendement des obligations des pays émer-gents: «En 2011, pour la dette des pays émer-gents en monnaies locales, nous anticipons une performance de 12%, répartie à parts éga-les entre 6% de rendement attendu sur ces obligations et 6% d’appréciation des devises.» Et de préciser: «Parmi les devises dont nous pensons qu’elles vont s’apprécier ces pro-chains mois, on peut citer le renminbi chinois, la roupie indienne, le won coréen, mais aussi le real brésilien ou le peso argentin. Les pays pour lesquels je suis le moins optimiste sont la Hongrie, la Pologne et la Turquie.» Agnès Ar-landis mise aussi sur la hausse des monnaies locales pour doper le rendement: «Il existe un potentiel d’appréciation pour toutes les mon-naies des pays émergents. Les investisseurs étrangers ont parfois du mal à bénéficier de ce potentiel, puisque certains pays ont instauré des taxes sur les flux de capitaux entrants pour conjurer le risque d’inflation. Le Brésil, par exemple, applique un taux de 6% sur les inves-tissements venant de l’étranger. Mais le taux directeur de la Banque centrale brésilienne est de 10 3/4% et l’inflation de 5%. Ainsi, acheter une obligation à 6 ans qui offre du 12% reste intéressant.» On comprend que les autorités locales aient du mal à décourager les investis-seurs étrangers alléchés par de tels rendements...

UNE DETTE ESSENTIELLEMENT AUX MAINS DES FONDS DE PENSION LOCAUX Reste que ! tout comme les marchés actions ! les mar-chés obligataires des pays émergents se-raient encore très loin d’être surachetés: «Il

y a, certes, des flux importants de capitaux venant des pays développés pour se placer sur la dette en devises des émergents, constate Stéphane Monier. En 2010, le montant total de ces entrées de capitaux a atteint 20 milliards de dollars des Etats-Unis. Cette somme n’est toutefois pas très importante en regard de la taille du marché mondial de la dette émergente, soit 5 trillions de dollars.» En outre, «la propor-tion de la dette souveraine en monnaie lo-cale des pays émergents détenue par des investisseurs étrangers est relativement faible si on la compare avec la situation des pays développés. Aux Etats-Unis, 55% de cette dette est en mains étrangères; contre 30% au Pérou, en Indonésie, au Brésil ou en Afrique du Sud; 15% en Corée ou en Russie; 1% en Inde et rien du tout en Chine...» Et pour cause: «Soucieux de la stabilité de leurs devises et du niveau des prix des ac-tifs, les gouvernements des pays émer-gents ont favorisé le développement de

fonds de pension locaux qui détiennent la majeure partie des dettes nationales.» D’ailleurs, les fonds de pension des pays développés qui «n’ont investi en moyenne que 3 à 5% de leur compartiment obligatai-re dans la dette de pays émergents en mon-naies locales» devraient peut-être songer à renforcer leurs investissements dans cet actif. «A l’horizon de 2015, explique Sté-phane Monier, les pays émergents consti-tueront plus de la moitié de l’économie mondiale. Pour un investisseur à long ter-me, la dette des pays émergents devrait donc d’ores et déjà représenter 20 à 50% de la partie de sa fortune investie en obliga-tions.» Cet expert ne conseille pas pour autant de se précipiter à l’achat: «Ce qui ne signifie pas que la totalité de cet investis-sement doit être réalisé aux cours actuels. Mieux vaut opter pour une gestion tactique, avec un investissement progressif sur ces marchés pour bénéficier des cours d’entrée les plus intéressants. Certains pays sont actuellement menacés par l’inflation alors que le rendement de leurs obligations est très bas. Ces titres, par exemple les obliga-tions turques ou russes, pourraient perdre de la valeur à court terme.»

PROTECTION CONTRE L’INFLATION Il est pos-sible de protéger de l’inflation un porte-feuille investi en dette de pays émergents: en le garnissant d’obligations indexées sur l’inflation. «Il existe, précise Stéphane Mo-nier, des obligations de pays émergents en devises locales indexées sur l’inflation, qui permettent de se protéger du risque de per-te de valeur des obligations classiques en cas de hausse des taux d’intérêt. Les mar-chés les plus liquides pour ces obligations indexées des pays émergents sont le Brésil et le Mexique; mais on en trouve aussi en Colombie, Argentine, Afrique du Sud, Po-logne, Turquie et Corée du Sud.» Ce ges-tionnaire obligataire aguerri fait d’ailleurs un large usage de ces titres: «Un tiers des fonds obligataires investis dans la dette des pays émergents gérés par Lombard Odier Investment Managers sont actuelle-ment composés d’obligations indexées à l’inflation, dans les pays où elles existent.» Alors que «les risques politiques dans les pays émergents apparaissent moins importants pour les mois à venir que ceux latents dans les pays développés où les politiques de rigueur pourraient provoquer des troubles sociaux» ! selon l’analyse de Stéphane Monier ! investir dans les pays émergents devrait rester un choix gagnant en 2011."

Dans l’univers actions, nous recommandons de

privilégier les petits mar-chés émergents. Mais nous conseillons la prudence à l’égard de la dette des pays émergents.»

Johannes Jooste, portfolio strategist de Merrill Lynch Wealth Management

On ne peut pas, à mon sens, parler aujourd’hui

de bulle sur les marchés émergents, tant en ce qui concerne les actions que les obligations en mon-naies locales.»

Agnès Arlandis, responsable des marchés émer-gents pour HSBC Private Bank (Suisse)

Les actions des pays émergents sont encore

sous-évaluées en regard du potentiel de croissance de ces économies. Elles devraient gagner 15 à 16% en 2011.»

Andrzej Blachut, responsable des actions des pays émergents chez Swiss & Global Asset Management

BOURSE D’OULAN-BATOR

+138%L’année écoulée a, à nouveau, récom-pensé les investis-seurs téméraires, misant sur les bons marchés frontières. Des pays qui n’ont

pas encore atteint le stade de développe-ment industriel des célèbres BRIC (Brésil, Russie, Chine et Inde), mais bénéficient d’une belle croissance. Comme la Mongo-lie dont la corbeille ! dopée par les projets d’exploitation de nouvelles mines ! a engrangé 138,45% en 2010. Le Sri Lanka peut aussi se réjouir de ses 96% de plus-value, tout comme la Bourse estonienne (+72,62%). Reste que tous les marchés émergents n’ont pas tenu leurs promes-ses, à commencer par la Bourse de Shan-ghai: elle a perdu quelque 15% sur l’année, après avoir gagné près de 80% en 2009. Autres déceptions parmi les émergents: la Slovaquie (- 13,71%), la Slo-vénie (- 13,47%) ou encore les Emirats Arabes Unis (- 9,60%) et le Kazakstan (- 2,84%).

BOOMS ET FLOPS DE 2010

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GENEVIÈVE BRUNET

Dix ans de hausse ininterrompue du prix de l’or: la relique barbare n’en finit pas de narguer ceux qui répètent à l’envi que l’or n’offre aucun rendement et ne saurait donc être considéré comme un placement. Pas de rendement, certes, mais une capacité largement reconnue au fil des siècles de conserver la valeur pendant des périodes troublées. Un rôle que le métal précieux semble avoir retrouvé ces dernières années, au cœur de la tourmente finan-cière. L’once de métal doré a terminé l’an-née 2010 à 1421 dollars, en progression de plus de 27% en dollars par rapport à son niveau de janvier. Et la hausse n’est peut-être pas terminée. A la mi-novembre, Robert Zoellick, le président de la Banque mondiale, a surpris en suggérant que l’or pourrait à l’avenir jouer à nouveau un rôle dans le système monétaire international. De fait, il en joue déjà un: celui de monnaie refuge pour les investisseurs inquiets des excès des banques centrales. Spécialiste des devises chez Saxo Bank, John Hardy a publié en fin d’année une analyse sur ce thème. Il n’hésite pas à affir-mer que même s’il est peu probable que les grands de ce monde trouvent un consen-sus sur la forme que pourrait prendre un nouveau système monétaire international plus stable, «le monde se dirige de facto vers un système d’étalon or». Simplement parce que la confiance dans les monnaies fiduciaires s’érode rapidement et que l’or reprend le rôle de monnaie alternative et «sûre» dans des régions où il a toujours été considéré comme une réserve de valeur pour temps inquiétants.

DES ETF STOCKANT L’OR EN CHINE La Chine a ainsi autorisé, courant 2010, ses citoyens à investir dans l’or par le biais des ETF stockant du métal. Produits qui ont connu ces dernières années un énorme succès dans les pays développés, en sus du rush sur les pièces et lingots. De plus, les ban-ques centrales des pays émergents, qui possèdent peu d’or, ont entrepris de diver-sifier leurs réserves en augmentant la part dévolue au noble métal. De quoi pousser encore le prix à la hausse. Yves Bonzon, responsable de la stratégie d’investissement pour les clients de la ges-tion de fortune privée de Pictet, estime que le potentiel de progression du prix de l’or est loin d’être épuisé: «Notre prix cible minimum d’ici à la mi-2015 est de 2000 dollars l’once.» Mais ce prix pourrait être

multiplié par deux en cas de crise grave, par exemple si le dollar chutait brutale-ment ou si un pays de la zone euro renon-çait à la monnaie unique. Mieux: «Des ana-lystes font état d’un prix de 8000 dollars l’once pour créer un système d’étalon or, sans provoquer une déflation massive dans le système financier mondial.» D’ici là, les gouvernements risquent fort de jouer les arbitres sur un marché devenu fou. Voilà pourquoi les épargnants vrai-ment inquiets achètent de l’or physique et le gardent en lieu sûr. Si les autorités poli-tiques de différents pays en venaient à interdire les ventes et achats d’or – pour freiner la désaffection envers leur devise – ou à geler les montants détenus sur les divers ETF ou fonds de placement ayant le métal doré pour référence, cette épargne de précaution ne serait pas bloquée. Reste qu’il n’est pas recommandé de stocker des pièces, et encore moins des lingots, à son domicile. Louer un coffre à la banque sem-ble être une solution intermédiaire très prisée de ceux qui ont les moyens d’acqué-rir de lourdes barres dorées. Si l’or reste la vedette des placements refuges, d’autres matières premières semblent également avoir joué ce rôle ces derniers mois.

DU JAMAIS VU La sécheresse de l’été en Russie, les inondations en Australie et le manque de pluie au Brésil ou en Argentine n’expliquent pas seuls la flambée des prix des matières premières en 2010. Elle a affecté aussi bien les métaux précieux – avec un sommet de trente ans pour l’ar-gent, à plus de 30 dollars l’once en fin d’an-née – que les métaux de base – avec une tonne de cuivre vendue plus de 9600 dol-lars – ou les produits agricoles – avec une progression de près de 77% du prix du café sur l’année et de quelque 52% de celui du maïs. La création d’ETF stockant des métaux de base – sur le modèle de ceux qui conservent de l’or ou de l’argent – a ajouté une demande d’investissement à celle des diverses industries utilisant les métaux, elle-même déjà soutenue par la forte crois-sance économique dans les pays émer-gents. Même phénomène pour ce que l’on appelle les soft commodities – produits agricoles, alimentaires et autres: diffé-rents ETF ou fonds de placement misant sur l’agriculture comme valeur refuge ten-dent à pousser les prix à la hausse. La valeur du coton a ainsi grimpé de 91,55% en 2010.Les matières premières et métaux pré-cieux constituent une classe d’actifs diffi-cile à gérer: les variations de prix peuvent être brutales, sur fond de catastrophe cli-matique ou d’accident d’exploitation. Mieux vaut opter pour l’achat d’ETF ou de fonds de placement gérés par des profes-sionnels. Sans oublier que ces produits utilisent des contrats à terme sur matières premières qu’ils renouvellent régulière-ment. D’où des variations de prix parfois erratiques par rapport au cours de la matière. !

Nouveaux recordsREFUGES Les énormes quantités de monnaie créées par les banques centrales font fuir l’épargne vers des investissements tangibles, dont les métaux précieux et les matières premières. Les prix explosent.

MÉTAUX PRÉCIEUX ET MATIÈRES PREMIÈRES HORS-SÉRIE DE L’HEBDO | HIVER 2011

D’ici au milieu de la décennie, l’or va surperformer les actions. Notre prix

cible minimum est de 2000 dollars l’once.»Yves Bonzon, responsable de la politique de placement pour les clients

de la gestion de fortune privée de Pictet

Le monde se dirige de fait vers un étalon or. Le marché perd confiance dans tou-

tes les monnaies papier.»John Hardy, FX Consultant Saxo Bank

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GENEVIÈVE BRUNET

Il est désormais possible d’investir son épargne de façon très diversifiée en respec-tant des critères éthiques. Encore faut-il être au clair avec ses motivations en entre-prenant une telle démarche d’investisseur actif (voir encadré «Questions préalables»). Là où les uns refuseront de placer leurs sous dans le nucléaire, l’armement, l’exploitation pétrolière ou la production de tabac, d’autres seront farouchement opposés aux pharma-ceutiques produisant des contraceptifs ou aux vendeurs de spiritueux. Certains, sou-cieux de développement social, seront plu-tôt attentifs à la manière dont sont traités les employés des entreprises dont ils sont actionnaires. La gamme des produits de placement label-lisés IR – «investissement responsable» – ou ISR – «investissement socialement res-ponsable» – est suffisamment vaste pour permettre des choix éclairés. En outre, la finance durable a débordé le cadre étroit des placements en actions ou obligations de sociétés respectant des critères éthiques. Elle englobe d’autres stratégies telles que la microfinance, l’impact investing pour inves-tir directement dans de petites entreprises de pays en développement, l’immobilier vert ou le private equity. Le point avec Natacha Guerdat, partenaire et cofondatrice de ConSer Invest SA, cabi-net de conseil indépendant dédié à l’inves-tissement responsable. Elle est également membre de l’association Sustainable Finance Geneva.

Quelles sont les possibilités ouvertes en Suisse pour acheter des fonds en actions ISR?La plupart des institutions financières offrent désormais une gamme de produits d’investissement durable. Leur approche est plus ou moins formalisée et sophisti-quée. Le choix est devenu très large. La com-position de certains fonds classés en ISR best in class – cherchant à repérer les meilleures entreprises en termes de durabi-lité et de performance financière – ne dif-fère pas tellement de celle d’un fonds en actions classique, car de nombreuses socié-tés intègrent le développement durable dans leur stratégie. On constate aussi que les petites capitalisations sont souvent attentives à leurs employés, entre autres parce qu’elles tiennent à leur loyauté. Néan-moins, les fonds ISR garantissent une ges-tion cohérente des enjeux financiers et extra-financiers.

Les entreprises éthiques offrent-elles un meilleur rendement que les autres?En tout cas aussi bon pour beaucoup d’entre elles. Mais le choix de fonds ISR est tel qu’on trouve, comme pour les autres fonds de place-ment, des gérants obtenant de bonnes perfor-mances et d’autres y réussissant moins. L’in-vestissement éthique se veut plutôt un placement à long terme, ne cherchant pas prioritairement à réaliser des plus-values de court terme.

Les mots «responsable» ou «durable» dans la publicité d’un fonds de placement permettent-ils d’investir les yeux fermés?D’une manière générale, mieux vaut ne pas investir les yeux fermés… Et se renseigner avec soin sur la stratégie d’un fonds de place-ment avant d’en acheter des parts. Cela est également valable pour les fonds durables.

Trouve-t-on en Suisse des fonds misant sur l’im-mobilier vert?L’immobilier vert – qui réduit les émissions de CO2 – se développe et, avec lui, les fonds de pla-cement spécialisés; comme ici le fonds fermé Credit Suisse Real Estate Fund Green Property.

Peut-on investir en actions de pays émergents ou en obligations à haut rendement (high yield) dotés du label ISR?Oui: la gamme de fonds ISR est aujourd’hui suffisamment large pour permettre de construire un portefeuille largement diversi-fié en respectant des critères éthiques. L’en-gagement actionnarial est une démarche particulièrement intéressante pour l’inves-tissement en actions de pays émergents. Parce qu’elle signale aux entreprises sélec-tionnées que l’investisseur cherche à bénéfi-cier de la croissance de ces pays, mais pas à n’importe quel prix.

Et pour miser sur les matières premières?La classe d’actifs qui suscite actuellement le plus de réflexions éthiques est celle des matiè-res premières, plus particulièrement les matières premières agricoles. Il existe des fonds de private equity qui investissent dans l’agriculture avec des objectifs de développe-ment durable. Les conditions d’extraction des métaux, pré-cieux et industriels, méritent également réflexion. Les personnes soucieuses d’investissement durable ont généralement déjà mené une réflexion globale sur un développement économique soutenable à long terme et sur leur propre façon de consommer.!

LARGE CHOIX La gamme des placements durables permet d’investir éthique sans renoncer à la variété.

Un portefeuille durable peut être très diversifié

INVESTIR ÉTHIQUE HORS-SÉRIE DE L’HEBDO | HIVER 2011

Les personnes soucieuses

d’investissement durable ont, généralement, déjà mené une réflexion sur un développe-ment économique soutenable à long terme et sur leur propre façon de consommer.»

Natacha Guerdat, partenaire et cofondatrice de ConSer Invest SA

QUESTIONS PRÉALABLES

Quel est mon objectif?

Quelle part de mon épargne vais- je consacrer à l’investissement durable?

Comment ce fonds de placement «durable» analyse-t-il les critères environnementaux et sociaux?

Quelle est la stratégie du gérant?

Quelles sont les dix premières positions dans le portefeuille?

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