une plateforme de crowdfunding et son réseau social - l

17
DOSSIER INNA LYUBAREVA IMT Atlantique, lab LEGO EA2652 LAURENT BRISSON CÉCILE BOTHOREL ROMAIN BILLOT IMT Atlantique, UMR CNRS 6285 Lab-STICC Une plateforme de crowdfunding et son réseau social Lexemple Ulule Lanalyse empirique de la plateforme de crowdfunding Ulule montre lexistence dun réseau social transverse aux projets qui présente, à léchelle de la plateforme, un effet catalyseur sur les campagnes de recherche de fonds. Les résultats mettent en évidence cinq sous-groupes de contributeurs au sein du réseau social de la plateformesponsors, suiveurs, précurseurs, spé- cialistes et spécialistes collaboratifs. Tandis quun impact positif global du réseau social sur le taux de succès des projets est mis en lumière, ce résultat est particulièrement signicatif en présence de sous-groupes de contributeurs marqués par une spécialisation thématique et une dimension collaborative accrues DOI: 10.3166/rfg.2019.00402 © 2020 Lavoisier

Upload: others

Post on 23-Jun-2022

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

DOI: 10

DO S S I E R

INNA LYUBAREVAIMT Atlantique, lab LEGO EA2652

LAURENT BRISSONCÉCILE BOTHORELROMAIN BILLOTIMT Atlantique, UMR CNRS 6285 Lab-STICC

Une plateforme decrowdfunding et sonréseau social

L’exemple Ulule

L’analyse empirique de la plateforme de crowdfunding Ululemontre l’existence d’un réseau social transverse aux projets quiprésente, à l’échelle de la plateforme, un effet catalyseur sur lescampagnes de recherche de fonds. Les résultats mettent enévidence cinq sous-groupes de contributeurs au sein du réseausocial de la plateforme–sponsors, suiveurs, précurseurs, spé-cialistes et spécialistes collaboratifs. Tandis qu’un impact positifglobal du réseau social sur le taux de succès des projets est misen lumière, ce résultat est particulièrement significatif enprésence de sous-groupes de contributeurs marqués par unespécialisation thématique et une dimension collaborativeaccrues

.3166/rfg.2019.00402 © 2020 Lavoisier

Page 2: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

134 Revue française de gestion – N° 286/2020

Le crowdfunding représente unmodèle de financement participatif,auquel un nombre croissant d’en-

trepreneurs font appel depuis le début desannées 2010. La caractéristique principaledu crowdfunding, contrairement aux autresformes, notamment l’appel aux dons,concerne le rôle du réseau social qui seconstruit autour des projets. De nombreusesétudes analysent l’impact des facteurssociaux sur la performance des campagnesde levée de fonds. Ces travaux mettent enévidence le rôle crucial de l’activité duporteur sur les sites de réseaux sociaux(Mollick, 2014), de l’implication des amis etde la famille du porteur (Kuppuswamyet Bayus, 2018 ; Agrawal et al., 2014), etdes caractéristiques de son capital social(Zheng et al., 2014). Certains travauxrécents soulèvent également, qu’au-delàdes projets individuels, l’activité des finan-ceurs au sein d’une plateforme peut donnerlieu à un réseau social plus large, inter-projets (Belleflamme et al., 2018 ; Onnée etRenault, 2014). La plateforme Ulule en faitpartie. Cependant, à notre connaissance, iln’existe pas d’études empiriques explorantles caractéristiques d’un tel réseau et sonimpact sur la performance des campagnesde crowdfunding.En combinant deux volets théoriques – lesrecherches sur le phénomène des groupes enligne et les travaux sur les facteurs sociauxdans le crowdfunding, – cet article se fixecomme objectif d’identifier le réseau socialinter-projets de la plateforme de don Ululeet de décrire ses propriétés et rôles pour lesuccès des projets financés. Il s’appuie surles données empiriques de la période 2010-2016, fournies par la plateforme, et unedémarche méthodologique originale fondéesur l’analyse des réseaux sociaux (ARS).

Le reste de l’article est organisé comme suit.La première partie décrit le cadre théorique,le fonctionnement de la plateforme Ulule etles hypothèses de l’article. La deuxièmepartie présente la spécificité des interactionsentre les utilisateurs des plateformes ducrowdfuding et l’intérêt des outils de l’ARSpour leur analyse. La troisième partie portesur les données et la méthodologie utilisées.Dans la quatrième partie nous présentons lesrésultats tandis que la dernière partie proposeune discussion autour de ces derniers, ainsique les extensions possibles de nos travaux.

I – LES PLATEFORMES DECROWDFUNDING ET LEURSUTILISATEURS

Plusieurs plateformes de crowdfunding sesont développées ces dernières années(Kickstarter, MyMajor Compagny, Kiss-KissbankBank, etc.). Parmi les différentstypes de plateformes, il est commun dedistinguer deux catégories à travers lesplateformes de don et d’investissement(Belleflamme et al., 2015). Indépendam-ment de leur nature, les plateformes jouentun rôle structurant dans les campagnes delevée de fonds. Elles permettent auxfinanceurs et aux créateurs de projets des’organiser, de tester et de médiatiser desidées (Onnée et Renault, 2014) ; et derecueillir des jugements à travers les choixde financement des souscripteurs et l’inte-raction pendant la campagne de levée defonds (Cariou et al., 2017). Via différentesfonctionnalités (recommandations, messa-ges, affichage des contributions, etc.) pro-posées par ces plateformes, les individuss’organisent en réseau pour participer auxcampagnes de levée de fonds (Belleflammeet al., 2015 ; Park et al., 2014).

Page 3: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

Une plateforme de crowdfuding et son réseau social 135

Parmi les facteurs de succès des campagnes,la littérature existante analyse l’importancedes mises à jour publiées par le porteur, lemontant à collecter et la durée du projet(Mollick, 2014 ; Kuppuswamy et Bayus,2018) ; la catégorie thématique et qualité dedescription du projet (Zhou et al., 2018) ;ainsi que le statut du porteur du projet (Daiet Zhang, 2019). De nombreux travauxmettent en évidence que le succès descampagnes de levée de fond est fortementimpacté par les caractéristiques socialesassociées aux projets, telles que l’activité duporteur sur les sites de réseaux sociaux,l’implication des amis et de la famille duporteur et le capital social du porteur(Kuppuswamy et Bayus, 2018 ; Agrawalet al., 2014 ; Zheng et al., 2014).Dans le contexte du crowdfunding, où lesinteractions entre les participants se concré-tisent par le soutien des campagnes de levéede fonds, le réseau social d’un projet se créeen trois étapes (Onnée et Renault, 2014 ;Agrawal et al., 2014). Lors de la premièreétape, le soutien vient principalement duréseau relationnel du porteur du projet(réseau parental, amical, professionnel,etc.). Ce premier cercle agit comme unsignal pour attirer lesfinanceurs du deuxièmecercle – le réseau relationnel des premiersfinanceurs (les connaissances des amis, desparents, des collègues, etc). Lors de latroisième étape, le projet devient attractif etbien visible sur la plateforme pour attirer les« inconnus ».Demanière générale, l’activitédes financeurs suit une courbe en « U » : lesprojets reçoivent beaucoup de soutien pen-dant les premières semaines et les dernières

1. Selon ce principe, les individus et les groupes qui se ressequ’avec les autres.2. https://fr.ulule.com/stats/

semaines, mais entre les deux l’intérêt desdonateurs s’interrompt (Kuppuswamy etBayus, 2018).Certains travaux récents sur le crowdfund-ing soulignent que son analyse doit égale-ment inclure l’activité du réseau social inter-projets qui peut se développer à l’échelled’une plateforme (Belleflamme et al.,2018 ; Onnée et Renault, 2014). Supposerla présence d’un tel réseau social revient àconsidérer le crowdfunding comme un casspécifique du phénomène plus large desgroupes virtuels (Rheingold, 2000 ; Cohen-det et al., 2003), ayant des principesstructuraux bien connus :– L’émergence des groupes est le résultatdes interactions répétitives, qui se mettenten place entre les individus pour discuter,échanger de l’information et des ressources,apprendre ou jouer (Kraut, Resnick, 2012 ;Von Hippel, 2005).– Le principe d’homophilie1, qui se trouve àl’origine des interactions sociales, se base,dans le contexte numérique, sur les intérêtspartagés (en l’absence des facteurs socio-démographiques traditionnels) (McPhersonet al., 2001).– Il existe une corrélation positive entrel’activité de contribution d’un membre àl’activité du groupe et l’intensité de ses lienssociaux avec les autres membres (Laineet al., 2011).Depuis 2010, Ulule est devenue un despremiers sites européens de crowdfundingavec plus de deux millions de membres,24 000 projets financés et un taux de succèsde 63 % en 20182. Les projets publiés sur laplateforme s’inscrivent dans des catégories

mblent ont plus de chances de se rassembler entre eux

Page 4: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

136 Revue française de gestion – N° 286/2020

thématiques variées comme la vidéo, lamusique, l’art, l’éducation, la technologie,etc. quatre-vingt-dix jours est la périodemaximale durant laquelle la collecte peutavoir lieu, et les dons peuvent commencer àpartir de cinq euros. Les dons réaliséspeuvent être avec ou sans contreparties detoutes natures, sauf financière. La plate-forme accepte les projets quel que soit lestatut du porteur : particulier, organisationmarchande ou association. Le choix de laplateforme Ulule est pertinent pour notreétude pour deux raisons. Premièrement, lecrowdfunding de don, dont Ulule fait partie,est plus développé en France que les autrescatégories. Selon les données de l’observa-toire de Financement participatif France(FPF)3, en 2018, parmi les 33 381 projetsfinancés, 28 474 appartenaient à cettecatégorie. Deuxièmement, à travers sesdispositifs d’interaction ainsi que sonEspace Communautaire, qui permet à tousles utilisateurs d’échanger l’expérience etles conseils, Ulule se fixe comme objectifcentral de transformer les internautes en unvéritable réseau social d’Ululers doté de sonpropre capital social (Onnée et Renault,2014).Face à ces constats, et dans la lignée desrecherches sur le fonctionnement desgroupes virtuels, cet article se proposed’identifier le réseau social inter-projetsde Ulule et de tester les hypothèsessuivantes :Hypothèse 1. Le taux de succès des projetsfinancés par les membres du réseau socialinter-projets de Ulule est plus élevé parrapport aux projets financés par les autresdonateurs, car la dimension sociale – facteurclé du crowdfunding – est renforcée.

3. https://financeparticipative.org

Hypothèse 2. L’activité de financement desparticipants du réseau de la plateformeUlule (i.e. le nombre de projets financés, lemontant moyen de contributions, la rapiditéd’arrivée au projet etc., cf. tableau 5) est liéeà leur activité sociale au sein du réseau (i.e.nombre de liens établis, support mutuel etsolidarité, position centrale dans le réseau,cf. tableau 4).Hypothèse 3. À l’intérieur du réseau, laparticipation aux campagnes de crowdfund-ing des membres ayant une activité socialeplus forte par rapport aux autres membres aun impact positif particulièrement signifi-catif sur le taux de succès des campagnes.

II – L’ANALYSE DES RÉSEAUXSOCIAUX (ARS), UN OUTIL POURL’ÉTUDE DU CROWDFUNDING

La spécificité du crowdfunding consiste entrois aspects. Premièrement, un lien socialentre les participants d’un groupe (parexemple, d’un projet) peut exister en dehorsde la plateforme et, de ce fait, peut ne pasêtre explicitement observable à travers lesinteractions en ligne. Deuxièmement, uneinteraction entre les utilisateurs d’uneplateforme n’implique pas forcement deliens directs entre eux, comme sur lesblogues et les forums de discussion. Cesliens se concrétisent principalement parl’action de financement des projetscommuns. Finalement, le périmètre d’inté-rêt commun et, par conséquence, de groupe,est faiblement défini : les utilisateurs peu-vent avoir comme intérêt partagé unecatégorie thématique des projets financés,ou un type particulier de projets (parexemple, les projets créés par des

Page 5: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

Une plateforme de crowdfuding et son réseau social 137

associations), ou encore une activité definancement participatif en général.Dans ce contexte, l’identification et l’ana-lyse de ces réseaux sociaux virtuels néces-sitent des outils appropriés. Nous pensonsque les outils de l’ARS, dont l’efficacité aété déjà discutée dans le cadre d’analyse desinteractions en ligne (Dupouët et al., 2003 ;Mercanti-Guérin, 2010), sont particulière-ment adaptés. Dans l’ARS, les relationsentre les individus (les nœuds), quelle quesoit leur nature (discussions, flux d’infor-mation ou financement des projets) sontmodélisées par des arêtes dans un graphe.Dans les différents contextes d’interaction,cette modélisation en graphe permet de faireémerger le réseau social et de décrire sespropriétés, qui ne sont pas immédiatementobservables.L’ARS met à disposition des indicateurs decaractérisation d’un nœud comme la cen-tralité d’intermédiarité, le degré, ou coef-ficient de clustering (cf. tableau 4). Cesoutils permettent d’analyser la structurerelationnelle du réseau, relever la distribu-tion des liens sociaux et de quantifierl’importance relative des individus dans leréseau de relations. Plus précisément, dansle contexte du crowdfunding, le degré,représentant le nombre de liens qu’unindividu a établi avec les autres utilisateurs,peut être utilisé pour évaluer l’intensité del’activité sociale d’un individu. Le coef-ficient de clustering montre dans quellemesure les utilisateurs qui ont des liens avecun individu sont eux-mêmes connectés entreeux. La centralité d’intermédiarité permetd’identifier les utilisateurs qui ont uneposition centrale dans le réseau social dela plateforme en faisant le pont dans les lienssociaux entre plusieurs individus qui ne sontpas directement connectés entre eux. En

combinant ces indicateurs de l’ARS avec lescaractéristiques socio-économiques descontributeurs (montant de contributions,spectre d’intérêts thématiques, enverguredes projets financés, etc.) il est possible dedessiner les profils complets des utilisateursde la plateforme du crowdfunding.La pertinence de l’approche par l’ARS pourl’identification et l’analyse des cerclesrelationnels transverses aux différentssous-groupes a été déjà démontrée dans lecontexte des blogs (cf. par exemple, Chin etChignell, 2007). Cependant, à notreconnaissance, cette approche est sous-exploitée dans le contexte des plateformesde crowdfunding.

III – DONNÉES ETMÉTHODOLOGIE

L’analyse présentée couvre les cinq pre-mières années du fonctionnement de Ulule,de janvier 2010 jusqu’à mars 2016. Lesdonnées et informations anonymisées,issues de l’exploitation du site de finance-ment participatif Ulule, ont été fournies parla plateforme dans le cadre d’une conven-tion pour réalisation de travaux de recher-che. La base de données brutes regroupait37 464 projets ayant les statuts différents :« en ligne » ; « nouveau » ; « en attente devalidation par l’équipe Ulule » ; etc. Lesprojets qui nous intéressent dans le cadre decette étude sont ceux qui ont été mis enligne, 20 731 projets au total (les autresstatuts sont utilisés par la plateforme Ululedurant les différentes phases de l’accompa-gnement du projet). Nous avons filtréensuite tous les projets dont le but definancement à atteindre n’a pas été rensei-gné dans la base de données. Après cenettoyage des données, 19 544 projets de la

Page 6: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

138 Revue française de gestion – N° 286/2020

plateforme dont 11 900 ont été financésavec succès et 7 644 ont échoué. Ces projetsont réuni 876 758 contributeurs, qui ontversé au total 47,75 millions d’euros.L’étape suivante a consisté à modéliser enun graphe de co-contributions le réseausocial transverse qui réunit les contributeurscofinançant ensemble plusieurs projets encommun, en fixant à trois projets communsle seuil minimal permettant l’existence d’unlien entre deux contributeurs.La plus grande composante connexe dugraphe, c’est-à-dire le plus grand sous-ensemble d’utilisateurs reliés entre eux,contient 2 081 nœuds (individus) et 4 749arêtes (co-financement d’au moins troismêmes projets). Ainsi, parmi tous lescontributeurs, 0,3 % de Ululers « se ren-contrent » régulièrement en cofinançant lesmêmes projets (3 projets communs ou plus),le nombre de projets en commun allantjusqu’à 41. Un nombre significatif (25 %)de nœuds (i.e. les contributeurs) sontimpliqués dans des cliques4 où tous leursvoisins (i.e. les autres contributeurs aveclesquels le nœud est lié par une arête) sonteux-mêmes connectés entre eux, ce quisignifie qu’ils ont eux aussi co-contribué àau moins trois projets communs. Nousretrouvons une distribution des degrés en loide puissance, classique dans les réseauxsociaux en ligne.De manière générale, notre démarcheméthodologique peut être décomposéeen cinq étapes convoquant des outilsthéoriques issus de la théorie des grapheset de l’ARS, des statistiques économé-triques et du data mining. Le traitementdes données a été réalisé à l’aide de Pythonet R.

4. Une clique est un sous-graphe complet, tous les sommets

IV – RÉSULTATS

1. Réseau social de la plateforme Ulule

La comparaison des individus selon qu’ilsappartiennent ou non au graphe met enévidence des comportements différents. Lesmembres du graphe ne respectent pas ladistribution usuelle des participations enfonction du temps (Kuppuswamy et Bayus,2018 ; Agrawal et al., 2014) où les pics definancement interviennent en début deprojet et en fin de projet. En effet, la figure 1montre que les membres du graphe parti-cipent aux projets entre ces pics. Ainsi, cettecapacité du réseau social à soutenir lesprojets lors de périodes habituellementcreuses préfigure un effet protecteur oudynamisant qui peut s’avérer crucial pourles campagnes les plus fragiles.La répartition des catégories thématiques deUluleselonquelesprojetssontfinancésounonpar les membres du graphe révèle égalementdes informationsintéressantes.Premièrement,tandis que la majorité des thématiques estreprésentée proportionnellement à leur fré-quence sur la plateforme (tableau 1), lescatégories JeuxetComics sontplus fréquentesdanslegraphesocialdeUlule.Enrevanche, lescatégoriesplusrépandueshorsgraphe,commeScène ou Sport, sont rarement soutenues parles membres du graphe. Deuxièmement,comme présenté dans le tableau 2 l’améliora-tion du taux de succès des campagnes desprojets appartenant au graphe est observéepour l’ensemble des catégories (p-value =0,007),avecuntauxmoyend’améliorationde28,6 %. Cette amélioration est particulière-ment significative pour les catégories Jeux(53,3 %) et Comics (49,8 %), suivies parTechnologie (49,8 %) et Édition (44,3 %).

(ici les contributeurs) sont reliés deux à deux.

Page 7: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

METHODOLOGIE

Construction du graphe de co-contribution. Soit un ensemble de projets P et un ensemble C des

utilisateurs ayant contribué à au moins un projet de P. On définit ainsi Pu l’ensemble des

projets auquel le contributeur u ∈ C a participé. Nous définissons un graphe de co-

contributions non orienté tt = (V, E) dans lequel chaque arête (u, v) = (v, u) signifie que les

utilisateurs u ∈ C et v∈C ont contribué à au moins 3 mêmes projets. L’ensemble des arêtes du

graphe tt est donc défini par E = {(u, v): jPu ∩ Pvj ≥3}.Des analyses uni- ou bidimensionnelles par catégories thématiques, relativement à la présence ou

non de membres du graphe de réseau social dans le financement des projets, donne des premiers

éléments de validation de l’hypothèse 1.Des tests statistiques de comparaisonde proportion ainsi

que des procédures de type Fisher-Snedecor viennent renforcer les conclusions.

Modèle de régression logistique, Logit, sur le taux de succès des projets permet de passer d’une

approche descriptive à explicative en intégrant différents facteurs de succès (comme la

présence d’une dimension sociale).

Afin d’effectuer une typologie des profils des Ululers nous combinons leurs attributs

relationnels et socio-économiques (tableaux 3 et 4) et effectuons une analyse en composantes

principales, suivie d’un clustering hiérarchique dans l’espace des composantes principales.

L’interprétation des profils obtenus est étayée par le v-test et des tests non paramétriques de

type Kruskal-Wallis. Cette étape permet de valider notre hypothèse 2.

Pour valider l’hypothèse 3, nous revenons à une approche de régression dans laquelle la

présence d’un profil majoritaire apparaît comme une des variables explicatives du succès.

Une plateforme de crowdfuding et son réseau social 139

Cette observation est validée statistiquementpar un test de comparaison de proportions(p-value = 0,01, Newcombe, 1998).Une approche de modélisation par régres-sion logistique a été menée afin de mieuxexpliquer le succès d’un projet à l’aune duréseau social et d’autres facteurs explicatifs(tableau 3). Le modèle retenu exprime lavariable dépendante binaire « succès »(1 si le but a été atteint, 0 sinon) en fonctionde la présence ou non de membres du réseausocial, de la durée du projet, du nombred’actualités postées par le porteur du projet,et de son statut (association, entreprise,démarche personnelle).

La significativité statistique est validée pourl’ensemble des variables explicatives(p< 0,001) tandis que l’observation descoefficients du modèle permet de raisonneren termes de rapport des chances, ou odds-ratio (OR). L’ajustement du modèle surl’ensemble de ces paramètres met en valeurun impact très positif du réseau social sur letaux de succès des projets : en présence duréseau social, un projet aurait ainsi 2,5 foisplus de chances d’être financé (OR : 2,48).En lien avec la littérature existante, lemodèle permet également de retrouverl’effet positif du nombre d’actualités(OR : 1,24), tandis que les projets sous la

Page 8: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

Figure 1 – Distribution des financeurs suivant leur date d’arrivée sur les projetset leur appartenance au graphe social de co-contribution

140 Revue française de gestion – N° 286/2020

bannière d’associations présentent les meil-leures chances de succès par rapport auxautres (OR : 3,85). Enfin, l’influence bienconnue de la durée de la campagne est icivérifiée : plus la durée est grande, moins lacampagne a de chances d’être financée(OR : 0,98).Cette première étape d’analyse valide notrepremière hypothèse. Effectivement, on peutconstater qu’au sein de la plateforme Ululeil existe un réseau social plus global que lesprojets individuels et que le taux de succèsdes projets financés par les membres de ceréseau est significativement plus élevé quele taux moyen de la plateforme. Les thémati-quesplus fragiles en termesde tauxde réussitesur la plateforme en général, telles que Jeux,Comics,TechnologieetEdition, semblentêtreparticulièrement sensibles à cette dimensionsociale. Ce résultat peut être lié au fait que cescatégories ont une forte composante commu-nautaire dans la production et dans laconsommation de ces biens (Auray, Georges,2012 ; Cohendet et al., 2008 ; Pélissier etChaudy,2009).Parconséquent,d’unepart, lesgroupes sociaux ont plus de chances de sedévelopper autour de ces catégories théma-tiques et, d’autre part, la réussite des

campagnes de levée de fonds dans cescatégories est particulièrement impactée parla présence de ces groupes.

2. Profils de Ululers : liens entreactivité sociale et de financement,effets sur le taux de succès

Pour analyser plus en détail le fonctionne-ment du graphe social de Ulule et valider leshypothèses 2 et 3 de l’article, nous avonscherché à identifier différents profils decontributeurs se distinguant à la fois par leuractivité sociale, issue d’analyse du graphe,et par leur activité de contribution auxprojets. Chaque contributeur est donccaractérisé par un mélange d’attributssociaux-relationnels et d’autres liés à leuractivité de financement, comme le résumentles tableaux 4 et 5.À partir du tableau de données incluant lescontributeurs du graphe de réseau social,tous caractérisés par l’ensemble des attributsexposés précédemment, l’étape suivante aconsisté à mobiliser des méthodes d’analysede données pour regrouper les Ululers endes groupes de contributeurs aux profilsproches. Pour ce faire, un clustering

Page 9: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

Tableau 1 – Nombre de projets selon les catégories thématiques (triées en fonctiondu nombre de projets dans la catégorie)

Catégorie thématiqueProjets non financéspar les membresdu graphe

Projets financéspar les membresdu graphe

Total

Charité 2668 1137 3805

Film et vidéo 2774 920 3694

Musique 1784 766 2550

Scène 1308 199 1507

Sports 1301 105 1406

Art et photo 829 295 1124

Édition 561 478 1039

Artisanat 499 339 838

Éducation 548 181 729

Autres projets 494 153 647

Mode et design 436 194 630

Technologie 279 152 431

Comics 74 353 427

Jeux 193 232 425

Patrimoine 110 89 199

(projets sans catégorie) 74 19 93

Total général 13 932 5 12 19 544

Une plateforme de crowdfuding et son réseau social 141

hiérarchique, combiné à une analyse encomposantes principales, a permis de mettreen évidence cinq groupes (clusters) deUlulers au sein du réseau social de laplateforme.

5. Un v-test est un test statistique permettant de tester la surcluster. Si la valeur est positive, la variable est surreprésentée aqu’elle est sous-représentée pour une valeur négative du v-test.un niveau de confiance au moins égal à 95 % (p-value < 0

Le premier cluster (18 individus) réunit lescontributeurs qui ont des positions centralesdans le graphe (centralité d’intermédiarité,v-test = 36,75), c’est-à-dire qu’ils font lelien entre les différents contributeurs de la

- ou sous-représentativité d’une variable au sein d’unu sein du cluster (par rapport aux autres clusters) tandisTous les résultats présentés dans cette section sont liés à,05).

Page 10: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

Tableau 2 – Taux de succès des projets selon les catégories thématiques (triées en fonctionde la différence des taux de succès)

Catégorie thématiqueProjets non financéspar les membresdu graphe (%)

Projets financéspar les membresdu graphe (%)

Différence des tauxde succès

Jeux 26,4 79,7 53,3

Comics 28,4 78,2 49,8

Technologie 22,6 72,4 49,8

Édition 36,9 81,2 44,3

(projets sans catégorie) 29,7 73,7 44,0

Mode et design 33,9 71,1 37,2

Autres projets 34,0 69,3 35,3

Art et photo 49,7 80,0 30,3

Charité 53,2 82,5 29,3

Patrimoine 40,9 69,7 28,8

Artisanat 38,9 67,0 28,1

Musique 62,2 89,2 27,0

Éducation 56,9 83,4 26,5

Sports 48,0 74,3 26,3

Film et vidéo 62,7 87,3 24,6

Scène 61,5 83,9 22,5

Total général 52,7 81,3 28,6

142 Revue française de gestion – N° 286/2020

plateforme et facilitent la diffusion desinformations. Ils contribuent en moyenne à140 projets différents (v-test = 30,5) et sontconnectés, via ces projets, à plus de 100contributeurs différents (le degré moyendans ce cluster est 105,4, v-test = 36,1).Ces financeurs ne s’intéressent pas forcé-ment à une catégorie spécifique de projets(v-test = - 2,8) et leurs voisins sont faible-ment connectés entre eux (le coefficient de

clusteringmoyen dans ce cluster est de 0,05contre 0,26 en moyenne dans le graphe, v-test = -2,3). Nous proposons de les désignerpar Sponsors du fait que leur nombre est trèsrestreint (seulement 18 individus) et leursoutien est conséquent pour plusieursprojets de Ulule de natures variées.Le deuxième cluster (653 individus), quenous proposons d’appeler Suiveurs, estcaractérisé par un long délai d’arrivée dans

Page 11: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

Tableau 3 – Modèle de régression logit pour la variable binaire « Succès »

Coefficient OR p-value

Intercept -0,58 (0,08) / ***

Présence du réseau social 0,91 (0,04) 2,48 ***

Nombre d’actualités 0,22 (0,01) 1,24 ***

Durée de la campagne -0,02 (0,00) 0,98 ***

Type de porteur : association 1,35 (0,07) 3,85 ***

Type de porteur : entreprise 0,35 (0,09) 1,41 ***

Type de porteur : individu 0,88 (0,07) 2,41 ***

Note : Écart type entre parenthèses. *** p< 0,01, ** p< 0,05, * p< 0,1. OR : Odds Ratios.

Une plateforme de crowdfuding et son réseau social 143

les projets, en moyenne après 60 % dutemps écoulé depuis l’ouverture de lacampagne (v-test = 12,8). Ce type de contri-buteurs est aussi caractérisé par un nombrede projets financés proche de la moyenne(v-test = 3,1) et des projets d’envergure trèsimportante (objectif moyen est supérieur à17 k euros, v-test = 5,9).Le troisième cluster (538 individus) quenous proposons d’appeler Précurseurs estcaractérisé par une arrivée précoce descontributeurs dans les projets et notammentavant tous leurs voisins (en moyenne 75 %de tous les projets financés, v-test = 22,8).Les deux derniers clusters se distinguent parun taux de spécialisation très élevé desfinanceurs eux-mêmes et de leurs voisins,d’où leur nom Spécialistes. Ces deux profilsse focalisent sur certaines catégories thé-matiques des projets de la plateforme.D’une part, les Spécialistes du cluster 4(368 individus) ont un coefficient declustering très important (0,9 contre 0,26en moyen dans le graphe, v-test = 37,2)indiquant une forte cohésion des liens entre

les voisins et leur solidarité dans le choixdes projets à soutenir. Une caractéristiqueimportante de ce cluster 4 est le montant dela contribution par financeur, qui est plusimportant que la moyenne dans le graphe(47,6 euros versus 43 euros dans le graphe,v-test = 2,1).D’autre part, les Spécialistes du cluster 5(504 individus), moins connectés entre eux(v-test = -13,7 pour le coefficient de cluster-ing), se caractérisent par une forte proximitéd’intérêt avec leurs voisins, qui se spécia-lisent sur exactement les mêmes thèmes(taux de Kendall = 0,4 dans le cluster 5versus 0,14 dans le graphe, v-test = 9,2).Leur taux de spécialisation est relativementplus fort (0,8 contre 0,7 dans le cluster 4 et0,58 dans le graphe en moyen, v-test =21,2). Cela correspond à un choix encoreplus restreint des thématiques de finance-ment que dans le cluster 4.Nous proposons donc de distinguer lesspécialistes collaboratifs du cluster 4 desspécialistes du cluster 5. Spécialistes colla-boratifs et spécialistes n’occupent pas

Page 12: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

Tableau 4 – Attributs sociaux-relationnels d’un contributeur du graphe

Degré

Nombre de liens qu’un individu a établi avec les autresutilisateurs en co-contribuant avec eux à au moins 3 mêmesprojets. Plus cet indicateur est élevé plus l’activité socialed’individu est importante.

Coefficientde clustering

Connection du voisinage : montre dans quelle mesure les voisinsd’un individu dans le graphe sont eux-mêmes connectés entreeux. En prenant en compte le principe de construction dugraphe, plus cet indicateur est important et plus la solidaritéentre l’individu et ses co-contributeurs est forte car leursdécisions de financement sont souvent collectives.

Centralité d’intermédiarité(betweenness)

Nombre de fois où l’individu est sur le plus court chemin entredeux autres contributeurs du graphe. Les nœuds avec une fortevaleur de centralité occupent une position centrale dans le réseauet font le lien entre les différents contributeurs.

144 Revue française de gestion – N° 286/2020

forcement des positions les plus centralesdans le graphe (v-test = -2,1 et -3,4 pour lescentralités d’intermédiarité et de proximitédans le cluster 4, v-test = -15,9 pour lacentralité de proximité dans le cluster 5). Ilsne contribuent pas à un nombre de projetstrès important (v-test = -4,7 et -3,5 respecti-vement dans les clusters 4 et 5) et ne sontpas attirés par l’envergure des projets(v-test = -3,5 et -3,6 respectivement dansles clusters 4 et 5).De manière plus globale, une analysestatistique intercluster fondée sur uneapproche non paramétrique (tests deKruskal-Wallis) confirme la disparité dunombre de contributions en fonction desclusters (p-value< 0,001), ainsi qu’unevariation significative du montant moyende la contribution (p-value< 0,001). Cetteanalyse confirme notre hypothèse 2 sur lelien entre l’activité de contribution auxprojets en ligne (volume, montant) et ladimension sociale. En effet, les Sponsors,ayant une activité sociale forte en termes dupositionnement central et du nombre de liens

sociaux dans le graphe, participent aussi à unnombre important de différents projetsd’Ulule. Dans la même lignée, les spécia-listes collaboratifs, dont l’activité sociale setraduit par la cohésion des liens et lasolidarité, contribuent en moyenne à unnombre de projets plusmodeste, mais par desmontants plus importants que les autresprofils. Ce résultat met en lumière que le lienentre le volume de contributions et l’im-plication sociale peuvent prendre des formesvariées.La figure 2 permet de visualiser les cinqprofils des contributeurs dans le grapheglobal. Au centre, nous trouvons les 18Sponsors en bleu, les Suiveurs en orange etles Précurseurs en vert ; en périphérie cesont en majorité les Spécialistes collabora-tifs en rouge et les autres Spécialistes enviolet, même si certains d’entre eux sonteux-aussi assez centraux.Finalement, la question est de savoir si lesprofils détectés contribuent de la mêmemanière au succès des campagnes. Pour cefaire, l’analyse a été restreinte aux projets

Page 13: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

Tableau 5 – Attributs de financement d’un contributeur du graphe

Activité de financement d’un participant

But de financement Moyenne en euros de l’objectif des projets financés.

Montant de contribution Montant moyen des contributions.

Nombre de projets Nombre de projets financés.

Taux de spécialisationthématique

Ratio de projets sur la thématique la plus financée parrapport au nombre total de projets financés.

Moment de contribution Avancement médian des projets lors de la contributionde l’individu.

PrécocitéProportion des projets financés pour lesquelsl’avancement médian des projets financés est inférieurà celui de ses voisins.

Activité de financement dans des co-contributeurs d’un participant

Taux de spécialisationthématique des voisins

Moyenne du taux de spécialisation thématique del’ensemble des voisins du contributeur.

Moment de contributiondes voisins

Moyenne de l’avancement médian des projets lors dela contribution des voisins.

Similarité thématiqueavec les voisins

Taux de Kendall : corrélation de rangs dans leclassement des catégories thématiques financées parle contributeur et celles financées par son voisinage.

Une plateforme de crowdfuding et son réseau social 145

financés par les membres du réseau social,soient 5 612 projets. Pour chacun de cesprojets, il a été identifié quel était, au seindes contributeurs du réseau social, le profilmajoritaire parmi les Sponsors, Suiveurs,Précurseurs, Spécialistes collaboratifs ouSpécialistes. La comparaison s’effectue parrapport à une modalité de référence qui estici le groupe des Sponsors, qui constituentun ensemble restreint des contributeurs.Ajusté à la durée de la campagne definancement, le modèle statistique(tableau 6) met en lumière que, malgréune augmentation générale des chances desuccès pour tous les profils, l’impact des

suiveurs est plus faible (p-value = 0,11). Enarrivant aux projets plus tard que les autres« Ululers » et sans activité sociale forte, laprésence de ces membres n’augmente pasl’attractivité de la campagne ni pour lesfinanceurs occasionnels ni pour les contri-buteurs du réseau social.C’est pour la modalité Spécialistes colla-boratifs (p-value = 0,05) que cette augmen-tation du taux de succès est la plussignificative, allant jusqu’à une multiplica-tion par 5 des chances de succès d’un projet(OR = 5,1). Ce résultat permet de valider,partiellement, l’hypothèse 3 et l’effetmultiplicateur de l’homophilie. Les

Page 14: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

Figure 2 – Profils des financeurs dans le graphe de co-contributions

146 Revue française de gestion – N° 286/2020

Spécialistes collaboratifs ont une spécialisa-tion thématique marquée qui s’articule avecl’activité sociale élevée en termes desolidarité et de décisions de financementcollectives. Leur présence garantit les tauxde succès des campagnes particulièrementélevés en attirant simultanément dans lesprojets plusieurs membres du réseau social.Cette présence peut aussi constituer unsignal de la qualité des campagnes et attirerles contributeurs occasionnels s’intéressantaux mêmes catégories thématiques.Notons que nos résultats ne concernentqu’une petite partie des contributeurs qui

font partie du réseau social de la plateforme,traduisant un effet catalyseur de la dimen-sion sociale, plus fort en présence despécialisation et de collaboration.

CONCLUSION

Notre analyse met en lumière la pertinencedes outils d’analyse des réseaux sociaux,pourtant sous-exploitée dans les étudestraitant de la question du crowdfunding.L’ARSenrichit les recherches sur les groupesvirtuels en général et le crowdfunding enparticulier. Sans imposer de contraintes en

Page 15: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

Tableau 6 – Modèle de régression logit pour la variable binaire « Succès »intégrant les profils d’Ululers

Coefficient OR p-value

Intercept 2,14 (0,51) / ***

Durée -0,02 (0,00) 2,48 ***

Profil Suiveurs 0,74 (0,47) 2,09 *

Profil Précurseurs 1,21 (0,63) 3,35 **

Profil Spécialistes collaboratifs 1,63 (0,86) 5,10 **

Profil Spécialistes 1,26 (0,57) 3,52 **

Profil Sponsors REF REF REF

Note : Écart type entre parenthèses. *** p< 0,01, ** p< 0,05, * p< 0,1. OR : Odds Ratios.

Une plateforme de crowdfuding et son réseau social 147

amont, en termes de périmètre du groupe parexemple6, cette approche permet d’identifierles interactions sociales qui se déroulent au-delà des projets individuels et ne sont pasdirectement observables au sein d’uneplateforme. En combinant ces outils avecles méthodes classiques de l’économétrie etl’analyse de données, il est possible dedécrire les cercles relationnels originauxentre les financeurs des différents projets etd’étudier leur rôle pour le succès descampagnes de crowdfunding.Au-delà de l’apport méthodologique, cetteétude a des implications managérialesimportantes. Tout d’abord, une plateformede crowdfunding a un vrai intérêt à renforcerles fonctionnalités de la mise en réseau desfinanceurs et de l’amplification des cerclesrelationnels des différents projets. Enstimulant leurs interactions, la plateformepeut se transformer en un réseau social

6. Souvent l’analyse socio-économique traditionnelle des codéfinir leurs périmètres, par exemple, du point de vue de l(Wenger, 1999).

actif et améliorer considérablement saperformance globale. Ensuite, les informa-tions sur les différents profils des financeurspermettraient aux entrepreneurs-créateursdes projets d’identifier au sein de laplateforme les contributeurs potentiels dontl’arrivée dans le projet augmenterait sachance de réussite. En plus, les gestionnai-res de la plateforme pourraient s’inspirer deces informations pour calibrer les algorith-mes de recommandations aux financeurs,stimuler la consolidation des communautés,et optimiser le community management dela plateforme.La présente étude contient certaines limites.Premièrement, l’objectif central de ladétection d’un réseau social à l’échelle dela plateforme, par son caractère explora-toire, ne s’intéresse pas aux facteursd’attraction des membres du réseau socialaux campagnes qu’ils soutiennent. Ces

mmunautés en ligne nécessite, en amont d’analyse, de’intérêt ou de compétences partagés par ses membres

Page 16: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

148 Revue française de gestion – N° 286/2020

facteurs doivent contenir des informationssur le profil des créateurs des projets, sur laprésence dans les projets des contributeurs-leaders d’opinion, sur l’orientation politiqueou sociale des projets, etc.Deuxièmement, le réseau social identifiéagrège les évolutions des interactionsentre les utilisateurs de la plateforme pendanttoute la période observée. La question desschémas de formation de ce réseau n’est pasadressée dans l’article. Une analyse dyna-mique du graphe social permettra de tenircompte du contexte d’émergence, du cyclede vie et de la pérennité des interactions dansle contexte du crowdfunding.

Finalement, dans le prolongement de cetravail, une confrontation de nos résultatsavec les dynamiques sociales des autresplateformes de crowdfunding (de don etd’investissement ; généralistes, commedans le cas de Ulule, et spécialisées) pourraitconsidérablement enrichir nos conclusions,en envisageant dans quelle mesure cesdernières seraient généralisables aux autresplateformes. En comparant les dispositifsd’interaction mis en place par les différentesplateformes, il serait également possible detirer des conclusions sur leur efficacitérelative en matière d’amplification desinteractions entre leurs utilisateurs.

BIBLIOGRAPHIE

Agrawal A., Catalini C. et Goldfarb A. (2014). “Some simple economics of crowdfunding”,Innovation Policy and the Economy, vol. 14, p. 63-97.

Auray N. et Georges F. (2012). « Les productions audiovisuelles des joueurs de jeux vidéo »,Réseaux, vol. 5, p. 145-173.

Belleflamme P., Lambert T. et Schwienbacher A. (2015). “Crowdfunding: Tapping the rightcrowd”, Journal of Business Venturing, vol. 29, no 5, p. 585-609.

Belleflamme P., Lambert T. et Schwienbacher A. (2018). “Network effects in crowdfunding”,Available at SSRN 3259191.

Cariou C., Lyubareva I. et Rochelandet F. (2017). « Crowdfunding et qualité del’information », Réseaux, vol. 5, p. 23-56.

Chin A. et Chignell M. (2007). “Identifying communities in blogs: roles for social networkanalysis and survey instruments”, International Journal of Web Based Communities, vol. 3,no 3, p. 345-363.

Cohendet P., Creplet F. et Dupouet O. (2003). « Innovation organisationnelle communautésde pratique et communautés épistémiques : le cas de Linux », Revue française de gestion,no 146, p. 99-121.

Cohendet P., Grandadam D. et Simon L. (2008). « Réseaux, communautés et projets dans lesprocessus créatifs », Management international, vol. 13, no 1, p. 29-44.

Dai H. et Zhang D.J. (2019). “Prosocial goal pursuit in crowdfunding: Evidence fromkickstarter”, Journal of Marketing Research,

Dupouët O., Yildizoglu M. et Cohendet P. (2003). « Morphogenèse de communautés depratique », Revue d’économie industrielle, vol. 103, no 1, p. 91-110.

Page 17: Une plateforme de crowdfunding et son réseau social - L

Une plateforme de crowdfuding et son réseau social 149

Kraut R.E. et Resnick P. (2012). Building Successful Online Communities: Evidence-BasedSocial Design, Mit Press.

Kuppuswamy V. et Bayus B.L. (2018). “Crowdfunding creative ideas: The dynamics ofproject backers”, The Economics of Crowdfunding, L. Hornuf, D. Cumming (Eds.), PalgraveMacmillan, London.

Laine M.S.S., Ercal G. et Luo B. (2011). “User groups in social networks: An experimentalstudy on youtube”, System Sciences (HICSS), p. 1-10.

McPherson M., Smith-Lovin L. et Cook J.M. (2001). “Birds of a feather: Homophily in socialnetworks”, Annual Review of Sociology, vol. 27, no 1, p. 415-444.

Mercanti-Guérin M. (2010). « Analyse des réseaux sociaux et communautés en ligne : quellesapplications en marketing ? », Management & Avenir, vol. 2, p. 132-153.

Mollick E. (2014). “The dynamics of crowdfunding: An exploratory study”, Journal ofBusiness Venturing, vol. 29, no 1, p. 1-16.

Newcombe R.G. (1998). “Two-sided confidence intervals for the single proportion:Comparison of seven methods”, Statistics in Medicine, vol. 17, p. 857-872.

Onnée S. et Renault S. (2014). « Le crowdfunding : quels enjeux pour la construction d’unréseau communautaire ? », Sciences de la société, vol. 91, p. 116-133.

Park J.H., Gu B., Leung A.C.M. et Konana P. (2014). “An investigation of information sharingand seeking behaviors in online investment communities”, Computers in Human Behavior,vol. 31, p. 1-12.

Pélissier N. et Chaudy S. (2009). « Le journalisme participatif et citoyen sur internet : unpopulisme dans l’air du temps ? », Quaderni. Communication, technologies, pouvoir,vol. 70, p. 89-102.

Rheingold H. (2000). The Virtual Community: Homesteading on the Electronic Frontier,MIT press.

Von Hippel E. (2005). Democratizing Innovation, MIT Press.

Wenger E. (1999). Communities of Practice: Learning, Meaning and Identity, CambridgeUniversity press.

Zheng H., Li D., Wu J. et Xu Y. (2014). “The role of multidimensional social capital in crowd-funding: A comparative study in china and us”, Information & Management, vol. 51, no 4,p. 488-496.

Zhou M.J., Lu B., Fan W.P. et Wang G.A. (2018). “Project description and crowdfundingsuccess: An exploratory study”, Information Systems Frontiers, p. 1-16.