un fragment de statue héroïque de trajan au musée rodin

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Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Archéologique. http://www.jstor.org UN FRAGMENT DE STATUE HÉROÏQUE DE TRAJAN AU MUSÉE RODIN Author(s): Liliana Marinescu-Nicolajsen Source: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Fasc. 2 (1990), pp. 387-404 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41737417 Accessed: 13-08-2015 19:57 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. This content downloaded from 83.137.211.198 on Thu, 13 Aug 2015 19:57:57 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Un Fragment de Statue Héroïque de Trajan Au Musée Rodin

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UN FRAGMENT DE STATUE HÉROÏQUE DE TRAJAN AU MUSÉE RODIN Author(s): Liliana Marinescu-Nicolajsen Source: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Fasc. 2 (1990), pp. 387-404Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41737417Accessed: 13-08-2015 19:57 UTC

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UN FRAGMENT DE

STATUE HÉROÏQUE DE TRAJAN

AU MUSÉE RODIN

par Liliana Marinescu-Nicolajsen *

Dans la collection estimée à plus de six cents marbres antiques que Rodin commença à acquérir dès les premières années de ce siècle, se trouve un document d'un intérêt tout particulier, malgré son état fragmentaire (fig. i a-c ). Il s'agit d'une jambe droite nue, accolée à une cuirasse historiée, ayant appartenu à une statue virile de dimensions colossales. Le document, dont la provenance et les conditions d'acquisition sont inconnues, fut présenté lors de l'exposition organisée en hiver 1967- 1968 dans la chapelle de l'Hôtel Biron à Paris1, où il est toujours conservé (Inv. n° 98).

Hauteur de la jambe (sans la plinthe) : 1,050 m; Hauteur de la plinthe : 0,115 m > Hauteur de la cuirasse : 0,960 m ; Tour de jambe à mi-cuisse : 0,750 m ; Tour de jambe sous le mollet : 0,470 m ; Tour de jambe au-dessus de la cheville : 0,380 m.

Marbre blanc à petits cristaux brillants et serrés, de type pentélique, avec une veine schisteuse fortement micacée, très nette sur la cassure au revers de la cuisse ; la surface, non nettoyée, a pris une patine beige rosé.

La jambe est conservée jusqu'à mi-cuisse, avec un grand éclat au revers ; un éclat plus super- ficiel sur la face antérieure descend au-dessus du genou et deux longues épaufrures marquent l'épi- derme de la jambe ; les orteils sont mutilés. Il ne subsiste qu'une partie de la plinthe, aux bords irré- guliers. Il manque presque la moitié droite de la cuirasse ainsi que l'encolure et les lambrequins centraux; le gorgonéion est partiellement endommagé. Brisé en deux morceaux, l'ensemble est recollé au niveau de la cheville et au bas de la cuirasse. Sur la ptéryge centrale, la tête et une partie de l'aile gauche de l'aigle ont été refaites. Il semble que le relief de la cuirasse, notamment la Victoire, ait été légèrement repris.

*Je tiens â remercier tout d'abord MM. les Prs J. Mar- cadé, G.-Ch. Picard et M. Leglay, ainsi que M. F. Braemer pour leurs précieux conseils. Que Mme C. Judrin du Mu- sée Rodin, M. F. Fernandez-Gómez et Mme C. Martin- Gómez du Musée de Séville et également Mme P. León de l'Université de Cordoue, trouvent ici l'expression de ma reconnaissance. Je remercie aussi M. G. Nicoletti qui a eu l'amabilité de réaliser la reconstitution simulée de la statue complète, grâce à son logiciel informatique de type CAD-CAM.

i. J. Frei, Catalogue de V exposition « Rodin collection- neur », Palis, 1967-1968, n° 174. Les recherches que nous avons effectuées dans les archives du Musée Rodin n'ont malheureusement révélé aucune information précise sur l'origine, la provenance exacte ou les conditions d'acqui- sition des pièces de cette collection. Le catalogue complet des marbres grecs et romains de la collection est en cours de rédaction.

Rev. arch., 2/1990

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388 Liliana Marirtescu-Nico/ajsen

1 a. Fragment de statue héroïque. Musée Rodin. CL L. M.-N.

1 b. Fragment de statue héroïque, profil gauche. CL L . M.-N.

Le trépan sépare, sur le trophée de la cuirasse, le casque du tronc noueux qui le porte, par deux petits ponts ; cerne le bouclier, marque les plis du manteau et sépare, en bas de la pièce, les lambrequins frontaux. Un canal plus large délimite sur la plinthe le bord de la cuirasse. Des traces de polissage subsistent sur la face antérieure de la jambe, alors qu'au revers on observe une nervure en léger relief, dans Faxe longitudinal. Sur le côté intérieur du mollet, on note la marque d'un tenon rectangulaire en marbre ; une cavité rectangulaire, de dimensions réduites, a été percée à l'époque moderne pour y placer un tenon métallique (au revers de la plinthe, on remarque un trou de fixation, également moderne).

Représentée debout et de face, la jambe révèle une anatomie vigoureuse et athlétique. Le vaste externe, tendu, est très développé et la bandelette cruciforme des vastes apparaît comme un bourrelet

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Statue héroïque de Trajan au Musée Rodin 389

1 c. Fragment de statue héroïque, détail de la cuirasse. CL L. M.-N.

au-dessus du genou. Une saillie très sèche et nettement marquée le long du tibia fait ressortir le jumeau interne et le soléaire. La position du genou indique qu'il s'agit de la jambe d'appui.

Celle-ci est étayée par une cuirasse anatomique historiée, mutilée à sa partie supérieure et incomplète à l'extrémité gauche. Le bord inférieur du corselet dessine en bas du ventre une courbe douce remontant sur le côté ; de la nervure qui le limite prend naissance un calice d'acanthe aux larges feuilles charnues dont il ne subsiste que deux : l'une, centrale étalée de face avec la pointe recourbée vers l'avant, l'autre, de profil, orientée vers la droite.

Sur la tige flexible qui sort de cette feuille et remonte parallèlement au bord dé la cuirasse, se dresse une Victoire de profil à gauche, cachée en partie par la jambe du personnage principal. Vêtue d'un long chiton à apoptygma , sans manches, largement fendu sur le côté et découvrant la jambe droite qui s'avance, la Victoire est schématiquement figurée. Elle tient de ses deux mains - la gauche par le bas, la droite par le haut - un bouclier allongé et étroit, à nervure centrale, un thyréos , qu'elle accroche au trophée.

Celui-ci, érigé dans l'axe médian de la cuirasse, est un tronc d'arbre noueux, portant une cuirasse à corselet arrondi en bas du ventre, pourvue d'une rangée de ptéryges et d'une jupe de lam- brequins frangés laissant apercevoir au-dessous une partie de la tunique. Le bord inférieur de la cuirasse et l'emmanchure d'où surgissent les lambrequins d'épaule sont soigneusement ourlés. Par-dessus, le sagum couvre la poitrine et descend obliquement en pointe vers notre droite. Le

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390 Liliana Marinescu-Nico/ajsen

mannequin est coiffé ďun casque du type Haguenau ou Weisenau, à timbre rond, muni de paragna- thides et surmonté ďun apex.

Au-dessus du trophée qui constitue le motif central de la cuirasse accolée à la jambe, prend place, sur la poitrine, un large gorgonéion du type Rondanini, dont le visage humain est encadré de deux grandes ailes ouvertes en triangle, tandis que deux serpents se nouent sous le menton.

Le corselet de la cuirasse-support se prolonge en feston par une rangée de ptéryges arrondies et espacées, bordées d'une double nervure : l'une, dans l'axe médian de la cuirasse, est décorée d'un aigle de face, aux ailes déployées, la tête tournée vers notre gauche ; sur la suivante est figurée une tête d'éléphant vue de profil à gauche, trompe relevée, alors que la troisième est ornée d'un casque corinthien vu également de profil à gauche.

Une série de lambrequins larges et plats, bordés d'une nervure, complète cette cuirasse d'appui. On note que le schéma général est en accord avec celui des grandes cuirasses des statues hono-

rifiques2, dont le décor reflète le programme idéologique de Yimperator. Seulement, il est ici réduit à l'essentiel en raison de l'espace qui lui est accordé, car il s'agit d'un « Panzertronk », et non de la lorica d'une statue cuirassée.

La nudité de la jambe et surtout la présence du « Panzertronk » permettent d'attribuer notre fragment à une statue-portrait héroïque, comme le « Sextus Pompée » du Louvre3, ou l'Hadrien de Pergame4, ou encore la statue d' Antonin le Pieux du Musée des Thermes5, ou le Marc Aurèle de la collection Lansdowne à Bowood6, ou bien le « Caracalla Mattei »7. La nudité héroïque des effigies Achilleae 8, déjà en vogue à l'époque hellénistique, est souvent utilisée dans l'iconographie impériale comme en témoignent les nombreux exemplaires conservés9. Ce type de représentation a une signification idéologique précise, celle d'exalter la vertu guerrière du personnage qu'elle représente.

Le fragment du Musée Rodin peut être daté avec suffisamment d'exactitude grâce au décor de la cuirasse qui désigne le personnage dans sa qualité militaire et fait office à la fois d'attribut et d'élément de soutien.

Le calice d'acanthe sur le couvre-ventre est un motif qui remplace la palmette renversée dès l'époque flavienne et devient presque la règle sous le règne d'Hadrien. Le traitement de ses feuilles

2. K. Stemmer, Untersuchungen zur Typologie , Chrono- logie und, Ikonographie dér Panzerstatuen , Berlin, 1978, n08 1 9, II 3, III 4, III 8, III 25, IV a 1, V 1, VII 5, VII 27...

3. J. Charbonneaux, La sculpture grecque et romaine au Musée du Louvre , Paris, 1963, n° 1251, p. 142. 4. M. Wegner, Das römische Herrscherbild , II, 3 : Hadrian , Berlin, 1956, pl. 14 a. 5. A. Giuliano et autres, Museo Nazionale Romano , I,

I, Rome, 1979, n° 164, p. 267. 6. M. Wegner, op. cit.3 II, 4 : Antoninische Zeit3 Berlin,

1939, pl. 16-17 a- 7. F. Carinci, Sculture di Palazzo Mattei. Le statue del

cortile, Studi Miscellanei , 20, 1972, n° 7, p. 34-38, pl. XLV, XL VI. 8. Pline l'Ancien, Nat. Hist., XXXIV, 18 et 19 ; un

des 7 types de statues honorifiques utilisés dans l'icono- graphie impériale. Voir aussi G. Lippold, Kopien und Umbildungen griechischer Statuen3 Munich, 1923, p. 178 sq.; surtout p. 186.

9. Nous avons cité uniquement quelques exemples d'effigies ayant comme élément de soutien le « Panzer- tronk ». Pour d'autres statues héioïques, voir notam- ment F. Carinci, loc. cit.3 p. 19-43 : Auguste d'Otricoli, pl. XXXVIII a -3 Pompée du Palazzo Spada, pl. XXXVIII b3 trois autres statues du Palazzo Mattei, pl. XXX, XXXII, XXXV et XXXVII. H. G. Niemeyer, Studien zur statuari- schen Darstellung der römischen Kaiser , Berlin, 1968, p. 108-113 : Hadrien du Musée Alaoui à Tunis et celui du Capitole, pl. 37 a-b 3 Claude du Musée de Naples, pl. 39 3 Hadrien de Vaison-la-Romaine, pl. 41 -3 Lucius Verus du Vatican, pl. 43 a 3 Septime Sévère de Nikosie, pl. 43 b ; Alexandre Sévère du Musée de Naples, pl. 44 ; . Ofellius Macrinus du Vatican, pl. 45 -, « Pupien » du Louvre (Ma 1059), pl. 47. Sur la question des statues- portraits idéalisées, voir également R. West, Römische Porträtplastik3 1, II, Munich, 1 933-1 941 3 G. Lahusen, Untersuchungen zur Ehrenstatue in Rom. Literarische und epigraphische Zeugnisse3 Rome, 1983 ; T. Pekáry, Das römische Kaiserbildnis in Staat3 Kult und Gesellschaft , Berlin, 1985, notamment p. 81-83 e* 116-129.

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Statue héroïque de Trajan au Musée Rodin 391

2 a. Statue de Trajan. Glyptothèque Ny Carlsberg. CL L . M.-N.

2 b. Statue de Trajan. Glyptothèque Ny Carlsberg, profil droit. CL L . M.-N.

larges et vigoureuses, généreusement étalées, est tout à fait analogue à celui que l'on retrouve sur un torse cuirassé ďépoque trajane ou hadrianique conservé au Musée de Mantoue10,

Les rinceaux latéraux, traités en simples tiges sans volutes, s 'étirant de façon strictement parallèle au bord de la cuirasse, semblent être une caractéristique de certaines effigies d'Hadrien, telle une statue de Knossos, une autre de l'Agora d'Athènes, ou bien celle de Cyrène conservée à Londres11.

io. K. Stemmer, op. cit., n° IV 13, pl. 31, 4. il. Ibid. y n° IV i, pl. 27, 1-2 ; IV 2, pl. 28, 1-3 ; IV 4, pl. 29, 4.

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392 Liliana Marinescu-Nicoiajsen

3 a. Statue de Trajan. Musée de Séville. Ci. L. M.-N.

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Statue héroïque de Trajan au Musée Rodin 393

Le trophée, symbole au Ier siècle de la fortune divine qui accorde la victoire, devient au IIe siècle l'emblème de la Virtus Augusti grâce à laquelle l'empereur accède à la victoire, apportant ainsi la Felicitas12. Le thème de la Victoire décorant un trophée est souvent utilisé comme emblèma des statuae loricatae : presque exceptionnel dans le deuxième quart du Ier siècle, il devient fréquent au temps des Flaviens et de Trajan, mais subit une éclipse presque totale sous Hadrien, pour rede- venir très à la mode à l'époque antonine13.

Le gorgonéion apotropaïque est un décor banal pour les cuirasses impériales, toutefois, l'évo- lution qu'il subit peut donner des indices de datation : le visage monstrueux largement étalé, le plus souvent aptère, du début de l'Empire se pare d'ailes et prend un aspect plus serein vers la fin du Ier siècle et surtout à l'époque de Trajan et d'Hadrien, lorsqu'il tend à se rétrécir, alors que les ailes s'ouvrent largement. Certaines effigies hadrianiques témoignent, cependant, d'une alternance avec un second type, grimaçant et aptère, et également d'un retour à des dimensions importantes, alors que sous les Antonins la taille réduite est plus fréquente.

Le gorgonéion de notre document, au visage humain encadré de deux serpents qui se nouent sous le menton et aux grandes ailes ouvertes en triangle, est très proche de celui que l'on rencontre sur plusieurs statues de Trajan14 ou d'Hadrien15.

La forme des ptéryges, courtes et arrondies, est le plus couramment utilisée à la fin du Ier siècle et surtout au début du IIe siècle apr. J.-C. L'analyse des motifs qui les décorent confirme et précise cette datation. Ainsi, l'aigle jovien, bien qu'enseigne générale de la légion depuis la réorganisation militaire de Marius16, est un motif plutôt rare sur les cuirasses julio-claudiennes, assez en vogue sous les Flaviens, mais qui apparaît avec une fréquence très nette sur les effigies de YOptimus Princeps et surtout sur celles d'Hadrien17. Cette prédominance au début du IIe siècle pourrait s'expliquer par le fait que, si Yaqvila est garante de la protection divine de toutes les légions, elle a des liens privilégiés avec la legio XIII Gemina 18, qui la compte parmi ses autres imagines. Or, cette unité militaire participa activement dès les premières campagnes de Trajan contre Décébale19 ; elle resta

12. G.-Ch. Picard, Les trophées romains , Paris, 1957, notamment p. 315 sq., 371 sq.

13. Si l'on considère le tableau statistique et chrono- logique établi par K. Stemmer, op. cit., hors texte, on constate que le motif de la Victoire décorant un trophée est attesté par 3 documents de l'époque julio-claudienne (nos V i, II 3 et VII 5) ; 5 documents pour l'époque fla- vienne (n°« III 4, III 8, IV a 1, VII 15 et VIII a 1), plus un document incertain (n° II 7) ; 4 documents pour le règne de Trajan (nos I 9, III 25, VII 18, VII 27), plus les nos II a 5 et II a 7, incertains. Deux documents pour le règne d'Hadrien (nos II 11 et III 12, dont le premier est incertain), alors que pour les Antonins on en dénombre 7 (nos II 4, III 15, III 16, III 18, III 19, VIII 7, VIII 8), plus un document incertain (n° III 24). Malgré les quelques non- concordances entre le catalogue et le tableau récapi- tulatif (par ex. : nos I 9, III 8, VIII 7), ou certains désac- cords avec les datations antérieures (nos II 7, III 6, III 19), (voir le compte rendu de l'ouvrage par G.-Ch. Picard, RA, 1983, p. 97-103), dans l'ensemble, les proportions de répartition chronologique restent sensiblement les mêmes.

14. Un torse cuirassé d'Ostie, im autre de Lugano, ou la statue d'Utique conservée à Leyde : K. Stemmer, op. cit., nos 1 10, pl. 6 ; I 10 a, pl. 7 et n° III 10, pl. 20.

15. Ibid., n° III 13, pl. 22, i provenant de Gortyne et le n° III 14, pl. 22, 2 provenant d'Haïdra et conservé au Musée du Bardo.

16. Pline l'Ancien, op. cit., X, 5 ; Tacite, Ann., I, 39 ; Dion Cassius, Hist. Rom., 40, 18.

17. K. Stemmer, op. cit., p. 162 ; le tableau récapitulatif du décor des ptéryges indique : 5 documents pour l'époque julio-claudienne (nos I 6, III 1, V 9, VI 1, VII 2), 12 pour l'époque flavienne (nos I 19, 1 20, III 4, III 7, V 10, V 13, V 25 a, VI 2, VII 9, VII 12, VIII 4, VIII a i), 3 de la fin des Flaviens et du début du règne de Trajan (nos II 7, VII 26, VIII 3), 6 du temps de Trajan (nos III 10, III 21 a, IV 10, V 17, VII 19, VII 28), 3 de la fin du règne de Trajan et du début de celui d'Hadrien (nos V 8, VII 25, VIII 7), 12 documents de l'époque hadrianique (nos III 8, III 13, III 14, IV i, IV 2, IV 3, IV 4, IV il, IV 13, IV 16, X i, X 2), 4 autres documents de la fin de ce règne et du début des Antonins (nos III 15, III 16, III 17, IV 3 a), enfin, 2 documents de l'époque antonine (nos II 4 a, VIII 8).

18. R. Cagnat, s.v. « Legio », dans DA, III (1904) ; R. Ritterling, s.v. « Legio », dans RE, XII, 2 (1925) ; S. Reinach, s.v. « Signa militaria », dans DA, IV, 2 (s.d.), p. 1311.

19. CIL, II, 4461.

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394 Liliana Marinescu-Nico/ajsen

3 b. Statue de Trajan. Musée de Séville, profil droit. CLL . M.-N.

3 c. Statue de Trajan. Musée de Séville, vue de dos. Ci. L. M.-N.

en Dacie jusqu'à l'abandon de la province par Aurèlien, comme l'attestent les nombreuses inscrip- tions découvertes en grande partie à Apulum, où était installé P état-major, ainsi que dans la capitale Colonia Ulpia Traiana Sarmizegetusa20. C'est probablement à l'époque d'Hadrien que la légion reçut les surnoms de Pia Fidelis 21 .

L'éléphant, d'ordinaire emblème de l'Afrique, est considéré à Rome comme symbole de piété et de puissance politique, tout en revêtant une signification religieuse d'éternité22. Connu comme

20. I. I. Russu, Inscriptiile Daceiei Romane , III, 2 : Dacia Superiors Bucarest, 1980, nos 100 (CiL, III, 1464), no (C/L, III, 1459), 113, 243, 245, 248, 268 (C/L, III, 1434)3 337 (C/L, III, 7921), 366 (C/L, III, 1471), 405 (C/L, III, 1476), 419 (C/L, III, 1477 et 7979, texte complété), 420 (C/L, III, dans les faux n° 88, p. 11 ; 1. 1. Russu le considère authentique), 432 (C/L, III, i479)j 452 (C/L, III, 1485), ainsi que 10 tegulae legionum (n08 541,

i - 541, 10), découvertes dans la Colonia Ulpia Traiana Sarmisegetusa.

21. C/L, VI, 1523. 22. Pline l'Ancien, op. cit.) VIII, i, 2, 3. Voir aussi

J. Guey, Les éléphants de Caracalla, REA, 1947, p. 253 sq. ; J. M. C. Toynbee, Animals in Roman Life and Arti Londres, 1973, p. 39 sq.; H. H. Scullard, Elephants , Cambridge, 1974, passim.

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Statue héroïque de Trajan au Musée Rodin 395

3 d. Statue de Trajan. Musée de Séville, profil gauche. CL L. M.-N.

3 e. Statue de Trajan. Musée de Séville, détail de la jambe gauche. CL L. M.-N.

animal de combat bien avant l'affrontement avec les célèbres troupes d'Hanibal23, il devient l'insigne de la Ve légion Alaudae après la victoire de César contre les éléphants de Juba Ier24 ; ce type de signum militare disparut à l'époque flavienne, en même temps que le corps d'armée auquel il appar- tenait25. On retrouve l'image du pachyderme comme ornement de ptéryge sous la forme de deux têtes adossées sur les premières cuirasses impériales et sur celles des Flaviens, puis le motif disparaît progressivement au temps de Trajan26. Un second modèle, réduit à une seule tête de profil, tel qu'il figure sur notre document, fait son apparition sur certaines loricae flaviennes, décore souvent les effigies de Trajan et domine surtout à l'époque d'Hadrien27.

23. L'éléphant, animal de combat tel qu'on le voit sur un plat de la Villa Giulia : R. Bianchi-Bandinelli, Roma , L'arte romana nel centro del potere , 4e éd., Milan, 1985, p. 25, fig. 28. Les Romains affrontèrent pour la première fois les « bœufs de Lucanie » lors de la guerre contre Pyrrhus : Pline l'Ancien, op. cit., VIII, 16. 24. La Ve légion Alaudae fut créée par César pendant

la guerre des Gaules et elle se distingua en Afrique, en particulier contre les éléphants de Juba Ier, ce qui déter- mina César à lui octroyer le droit de surmonter ses en- seignes d'un éléphant : César, Bel. Afr., 1, 47, 60, 80, 84 ; Appian, Bel. Civ., II, 96. 25. Tacite, Hist., I, 55 ; Suétone, Domitien , 6. 26. K. Stemmer, op. cit., p. 162 : documents pour

l'époque julio-claudienne (nos I 4, I 6, II a 1, II a 3 (?),

V 3, V 24, VII 24), 8 de l'époque flavienne (n08 I 7 (?), II 5, V 1 1, VI 2, VII 7, VII 9, VII 26 ( ?), VIII i) et 5 du temps de Trajan (nos I 9 (?), V 15, VIII 5, VIII 11 (?), XII a i).

27. K. Stemmer, op. cit., p. 162 : 2 documents pour les Julio-Claudiens (nos V 5 (?), VII 5), 13 pour les Fla- viens (nos I 7, II a 3, III 4, III 6, IV a 1, V 10, V 13, VII 9 (?), VII 8, VII 10, VII il, VIII ai, VIII a 5), 5 pour Trajan (nos I 9, III 10, V 16, VII 26, VIII 5), 16 pour Hadrien (nos II 4, II 22 a, III 8, III 12, III 13, III 14, IV i, IV 2, IV 3, IV 3 a, IV 4, IV 8, IV 13, IV 16, X i, X 2), 3 pour les Antonins (nos III 17, VII 22, VIII 7 (?)); 3 autres documents sont non datés (nos II 4 a, IV 11, III 27).

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396 Liliana Marinescu- Nicola/sen

4 a. Statue de Trajan. Musée de Séville, avant l'installation dans le socle. CL D. A . /. Rome.

Contrairement à l'aigle qui pouvait avoir une signification historique et militaire précise associée à la XIIIe légion Gemina, la tête du pachyderme ne paraît pas avoir ici des rapports avec l'insigne légionnaire. Il semble que le motif fasse plutôt allusion à la piété et à la puissance politique du personnage représenté, rappelant ses triomphes militaires, exaltant pour l'éternité ses qualités ďimperator , sinon même à sa propre divinisation28.

28. Les éléphants apparaissent dans les cottèges triom- phaux à Rome dès l'année 274 av. J.-C., après les victoires de Manius Curius Dentatus sur Pyrrhus ; en 250 av. J.-C. défilent à Rome ceux que L. Métellus avait capturés aux Carthaginois en Sicile : Pline l'Ancien, op. cit., VII, 16. Plus haut, VIII, 4, Pline évoque les premiers éléphants attelés qui traînèrent le char de Pompée dans son triomphe sur l'Afrique, alors que dans le livre XXXIV, 19, parlant de l'emploi du char pour les statues des triompha- teurs, il mentionne ceux tirés par le pachyderme, qui

seraient « un usage tardif, ne datant que du divin Auguste ». Voir aussi S. Reinach, s.v. « Elephas », dans DA, II (1892), et J. Guey, loc. cit., p. 256. D'autre part, ce type d'attelage apparaît sur des monnaies impériales où les souverains divinisés sont représentés sur un char tiré par des élé- phants, comme on le voit, par exemple, sur une monnaie de l'époque de Trajan, ayant comme légende Diva Mar- cinia {BMC, III, pl. 44, n° 8) - l'animal étant considéré symbole de lumière et d'éternité : J. M. C. Toynbee, op. cit., p. 39.

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Statue héroïque de Trajan au Musée Rodin 397

Ab. Statue de Trajan. Musée de Séville, avant l'installation dans le socle. Vue de trois quarts. Cl. Musée de Séville.

Quant au motif du casque dans le répertoire décoratif ďune cuirasse, son emploi n'a rien ďinsolite et les exemples de ptéryges ornées ainsi sont nombreux29. Toutefois, le type corinthien, moins courant, absent des cuirasses julio-claudiennes, sporadique au temps des Flaviens et des Antonins, paraît être le motif réservé aux cuirasses de Trajan et à celles de son successeur30. Evoquant davantage l'armement hoplitique que celui de Vexercitus romain, il semble suggérer un retour à l'hellénisme qui s'amorce déjà sous le règne de Trajan et qui est tout à fait manifeste dans le programme politique et culturel d'Hadrien.

L'analyse du décor de la cuirasse conduit donc à proposer pour le fragment du Musée Rodin une datation dans le premier quart du IIe siècle apr. J.-C.

29. K. Stemmer, op. cit., p. 162 : n08 I 7, I 20, 1 22, II 4, II 7, II a 2, II a 3, II 4, III 5, III 12, III 13, IV 2, IV 9> IV 1 1 ( ?), IV 16, V 10, V 13, V 17, V 25 a, VI 1, etc.

30. Ibid., p. 163 : 2 documents pour l'époque flavienne (n°8 III 7, IV a 1) 5 2 pour l'époque de Trajan (n08 V 16,

VII 19) ; 2 de la fin du règne de Trajan et du début de celui d'Hadrien (n°8 IV 3, VIII 7) ; 6 du temps d'Hadrien (nos III 8, IV i, IV 2, IV 4, IV 13, X i) et de l'époque antonine (n08 II 4 a, III 15, III 19, IV 8 (?)).

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398 Liliana Marinescu-Nico/ajsen

L'étude que F. Muthmann a consacrée aux différents types d'éléments de soutien utilisés pour les statues en marbre31 étaye notre datation. En effet, le « Panzertronk », sans être très fréquent, existe déjà à la fin de l'époque hellénistique, mais aucun exemple n'en est connu jusqu'ici pour le Ier siècle apr. J.-C., quand les empereurs divinisés se plaisaient à revêtir plutôt les attributs jupi- tériens. La statue-portrait héroïque est d'abord une création de l'hellénisme, mais elle est assez rare au début de l'Empire32. Le nu héroïque revient à la mode au ne siècle apr. J.-C., comme en témoigne, par exemple, une statue de Trajan portant la léonté herculéenne, ou plusieurs statues d'Hadrien représenté en Mars, seul, ou avec Sabine-Vénus33 ; les reproductions de ce dernier type iconographique sont nombreuses durant toute la dynastie antonine34. Il faudrait peut-être chercher l'explication de cette mode dans un certain renouveau du culte de Vénus, qui s'opère justement sous le règne d'Hadrien35 et dont le temple dédié à Vénus et à Roma paraît être le révélateur.

Compte tenu de ces considérations, il semble que l'on puisse attribuer le fragment conservé au Musée Rodin à une statue de l'époque hadrianique. Cependant, le motif central de la cuirasse est plutôt rare sur les effigies de cet empereur qui lui préfère de loin le Palladion associé à la Lupa Romana (groupe de Hiérapytna), synthèse de la civilisation de l'Orient avec celle de l'Occident reflétant l'idée qu'Hadrien se faisait de son rôle politique et culturel. En revanche, le thème de la Victoire décorant un trophée, bien que non prédominant36, s'accorde tout à fait avec la personnalité de Trajan qui fonde son pouvoir sur le courage militaire, et il correspond à sa « vertu » tant louée par Pline37. Dans le monnayage de Trajan contemporain des campagnes daces, apparaît déjà la Vic- toire au trophée apportant le clipeus virtutis , émission consacrée à la Virtus Augusti 38, alors que le trophée est exceptionnel sur les monnaies d'Hadrien39.

Le trophée de notre document est revêtu d'armes romaines semblables à celles que l'on voit déjà sur l'autel de Domitius Ahénobarbus40 et surtout sur la Colonne trajane41. Sans captifs barbares ni monceau d'armes au pied du mannequin, sans personnification d'aucune des provinces que Trajan avait combattues et dont les noms apparaissent dans sa titulature officielle, le trophée ne fait pas d'allusion précise aux faits historiques ; ne désignant pas expressément des victoires déterminées, il doit être interprété, ici, dans sa valeur universelle, comme symbole par excellence de la Virtus Augusti de Trajan. De même pour le thyréos que porte la Victoire : s'il peut faire partie de l'armement dace, il est tout aussi fréquent dans la panoplie du légionnaire romain42.

31. F. Muthmann, Statuenstützen und dekoratives Beiwerk an griechischen und römischen Bildwerken , Heidel- berg, 1951, notamment p. 58-65. 32. P. Zanker, Augustus und die Macht der Bilder ,

Munich, 1987, p. 7 sq. 33. W. H. Gross, Das römische Herrscherbild, II, 2 ;

Bildnisse Trajan , Berlin, 1940, n° 45, p. 62, pl. 2 c et 18 a. Hadrien du Musée Alaoui de Tunis, ou celui du Musée du Capitole à Rome : H. G. Niemeyer, op. cit ., pl. 37. Le groupe de Sabine-Hadrien au Musée du Louvre : J. Charbonneaux, op. cit.) n° 1009, p. 173-174. 34. Un groupe d époque antonine au Musée du Capi-

tole : M. Bieber, Ancient Copies , New York, 1977, pl. 20, fig. 108 ; Crispine et Commode du Musée des Thermes : ibid., pl. 20, fig. 107.

35. G.-Ch. Picard, Bas-relief inédit de la Villa Medicis, MEFR , 56, 1939, p. 134-150. Voir également J. Aymard, Vénus et les impératrices sous les derniers Antonins, MEFR , 51, 1934, p. 178-196.

36. Un seul exemple pour Hadrien : K. Stemmer, op. cit., tableau chronologique hors texte (n° III 12); 6 pour Trajan (nos I 9, II a 5, II a 7, III 25, VII 18, VII 27). En fait, c'est le motif des griffons aux candélabres qui

est le plus fréquent : 8 documents (nos I 10 a, III 10, V 16, V 17, V 26 (?), VII 20, VII 28, XI 3) ; la Niké au thy - miaterion est attestée par 6 documents (nos V 17 a, VII 17, VII 19, VIII a 2, VIII 5 0, XII a i) ; parmi eux, 4 asso- cient le motif au thème cosmocratique de Tellus et O ce anus. 37. Pline le Jeune, Panégyrique , 4, 4. 38. P. L. Strack, Untersuchungen zur römische Reichs-

prägung des II Jahr., I, Stuttgart, 1933, p. 119, n° 374, pl. V. 39. Le seul exemple : RICS II, p. 373, n° 295, pl. XIV,

faisant référence à la victoire de 135 sur la Judée. 40. J. Charbonneaux, op. cit.) n° 975, p. 130. 41. S. Settis, A. La Regina, G. Agosti, V. Farinella,

La Colonna Traiana , Turin, 1988, scènes nos X, 27-29, XXXIII, 77-79, XXXV-XXXVII, 87-93, P- 272,304-308, fig. 3 et 46-50. 42. Ibid.) scènes I, 4-6, XI, 29-31, XXIV, 56-58,

XXXIV, 57-59, XXXVIII, 95-97, XXXVIII-XXXIX, 97- 98, XL, 108-109, LIII-LIV, 135-136, fig. 3, 15, 28, 29, 53, 54, 62, 82, p. 261, 273, 286, 287, 311, 312, 320, 340. Egalement le relief mentionné ci-dessus, n. 40.

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Statue héroïque de Trajan au Musée Rodin 399

La Victoire au bouclier peut donc être considérée comme une autre expression de la Virtus Augusti , le thyréos prenant ici la valeur du clipeus virtutis , et on comprendra alors l'emblème dans son ensemble comme l'exaltation de la Virtus Augusti de YOptimus Princeps . C'est la Victoire impériale, éternelle et universelle, qui en est glorifiée. On pensera par conséquent à un hommage posthume, dédié au temps d'Hadrien à la mémoire de son père adoptif, faisant allusion à la qualité première de Trajan, celle qui lui permit d'apporter la Securitas , la Felicitas et la Feconditas dans l'Empire pacifié.

Mis à part le faux Trajan de Genève43, il existe trois effigies héroïques, identifiées avec certitude comme étant celles de l'empereur, auxquelles les jambes font défaut.

Il s'agit, en premier lieu, de plusieurs fragments d'une statue provenant du « castro » de Tigani à Samos, signalés par R. Herbig en 192844. Seule la tête, couronnée, est reproduite dans l'ouvrage de W. H. Gross45, qui la classe dans le groupe 2 Bürgerkronentypus , type remontant à la première décennie du IIe siècle (103-107), mais qui a pu être également utilisé pour des portraits posthumes. C'était en fait une statue demi-drapée ; il n'est pas impossible de concevoir pour elle une cuirasse comme élément de soutien, telle qu'on la voit sur la statue d'un général romain du Ier siècle av. J.-C., conservée au Musée des Thermes46. Cependant, C. C. Vermeule précise que l'image utilisait l'icono- graphie de Neptune ou de Jupiter47 ; il nous semble que cette dernière correspond davantage à la théologie jovienne du principát de Trajan48. La statue devait être analogue à l'effigie de Claude conservée au Vatican ou à celle de la Villa Borghése49, toutes deux coiffées, l'une de la couronne civique, l'autre de la corona triumphalis , et flanquées de l'aigle, ce qui exclurait la présence du « Panzertronk ».

Une seconde statue héroïque de Trajan est celle de la Glyptothèque Ny Carlsberg, acquise par W. H. Helbig en 1910 à Rome50 (fig. 2 a-b) ; la tête, non couronnée, est néanmoins du même type que celle de Samos. De taille supérieure à la nature, l'effigie a perdu les bras qui descendaient près du torse ; la jambe gauche fait également défaut, tandis que la droite est brisée au-dessus du genou. Malgré ces mutilations, il est possible de la rapprocher du Diomède de Cumes51 : la jambe droite étant la jambe d'appui, la tête tournée à gauche, le manteau jeté sur l'épaule devait s'enrouler autour du bras gauche, comme l'indique une cassure au revers de la statue.

Etant donné la différence des marbres et la fracture se situant trop bas sur la cuisse, il faut écarter l'hypothèse que la jambe de la collection Rodin ait pu appartenir à cette effigie de Trajan.

En revanche, une statue colossale découverte en 1788 dans les thermes de l'Est (« Los Palacios ») à Italica et conservée actuellement au Musée archéologique de Séville52 (fig. 3 a- e), offre plusieurs points communs avec le document de Paris. Taillée dans un seul bloc, l'œuvre conserve la partie inférieure de la tête à partir des pommettes, et les traits sont assez proches du portrait idéalisé d'Ostie53. Les bras ont disparu ; la jambe gauche est brisée au-dessus de la cheville et la jambe droite,

43. W. Deonna, Musée d'Art et d'Histoire de Genève. Catalogue des sculptures antiques , Genève, 1924, n° 131 (8938). 44. R. Herbig, AA, 1928, 625 ; également H. G. Nie-

meyer, op. cit., n° 109, p. 110. 45. W. Gross, op. cit., n° 13, p. 59, 74 et 126, pl. 11. 46. A. Giuliano, op. cit., I, 1, n° 164, p. 267. 47. C. C. Vermeule, Roman Imperial Art in Greece and

Asia Minor , Cambridge-Massachusetts, 1968, p. 6. 48. Pline le Jeune, op. cit., 1, 5 ; le relief de l'attique

de Tare de Bénévent en témoigne également. 49. M. Bieber, op. cit., pl. 17, fig. 92 (l'exemplaire du

Vatican) et 93 (F effigie de la Villa Borghese).

50. V. Poulsen, Les portraits romains, II, Copenhague, 1974, n° 34 (543 a), p. 63-64, pl. LV. 51. Musée national de Naples, salle V, n° 144978 ;

LIMC , III (1986), s.v. « Diomedes », n° I 38 a -, voir également A. Maiuri, Il Diomedo di Cuma, Rome, 1930.

52. Ramené dès 1880 au Musée des Beaux- Arts, elle fut transférée en 1945 au Musée archéologique, Inv. n° 1052 : A. García y Bellido, Esculturas romanas de España y Portugal, Madrid, 1949, p. 32, n° 20, pl. 20 ; marbre grec ; H. 2,20 m ; W. H. Gross, op. cit., n° 76, pl. 2 a, p. 59, 61, 133 (avec mesures erronées).

53. Ibid., n° 74, pl. 33-35.

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400 Liliana Marinescu-Nico/ajsen

5. Dessins de A. Ponz, p. 1533 : « Fragmento de escultura antigua ».

à mi-cuisse. Le corps, avec un déhanchement prononcé, repose sur la jambe droite. Le bras gauche abaissé appuyait la main sur la hanche, comme l'indique la trace d'une phalange à cet endroit. La position des muscles pectoraux et l'arrachement de l'épaule droite indiquent que le bras droit était écarté, tenant probablement une lance, car un geste oratoire aurait exigé que le regard fût dirigé dans le même sens. En fait, ici la tête est tournée vers la gauche, entraînant une légère torsion des épaules. Le manteau, retenu par une fibule circulaire, est posé sur l'épaule gauche et retombe ensuite dans le dos jusqu'au niveau du mollet.

La pondération de cette statue dérive du type de l'Hermès praxitélien54, ou, comme l'exemplaire de Copenhague, du Diomède attribué à Krésilas55 ; par le traitement plus athlétique du torse et le déhanchement moins accentué, elle peut rappeler également le Diadumène polyclétéen56, mais l'atti- tude du bras gauche se rattache davantage à l'Arès du « Dodécathéon » d'Ostie57. Ces prototypes d'effigies divines remontant aux Ve et IVe siècles ont été repris et adaptés pour des statues-portraits notamment à l'époque impériale, comme l'Auguste d'Otricoli58, le « Pompée » du Palazzo Spada59,

54. Ch. Picard, Manuel ď archéologie grecque. La sculp- ture , IV, 2, Paris, 1954. p. 274 sq., fig. 107, pl. IX. 55. Voir notamment F. Carinci, loc. cit., p. 27-32 avec

bibliographie. 56. P. E. Arias, Policleto , Milan, 1964, pl. 73. 57. G. Becatti, Nuovo framento del dodekatheon pras-

sitelico di Ostia, Boll. Arte , 36, 1951, p. 193-200, fig. i et 3 ; LIMC, III (1986), s.v. « Dodekatheoi », n° 24.

58. G. Lippold, Die Skulpturen des Vaticanischen Mu- seum , III, i, Berlin, 1956, n° 565, p. 162 ; voir aussi ci- dessus, n. 9.

59. D. Facenna, II Pompeo di Palazzo Spada, Arch. Cl., 8, 1956, p. 173 sq., pl. 41-43 ; F. Coarelli, Il complesso pompeiano del Campo Marzio e la sua decorazione scultorea, Atti Pontif. Accad., 44, 1971-1972, p. 99-122 ; voir aussi ci-dessus, n. 9.

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Statue héroïque de Trajan au Musée Rodin 401

6. Dessins de J. Matute y Gavi- na, p. 90, Pl. 17.

7. Dessin de Demetrio de los Rios.

plusieurs statues d'Hadrien découvertes aussi bien dans la pars Graeca que dans les provinces occi- dentales de l'Empire60 et jusqu'à des époques tardives : le bronze de Trebonianus Gallus conservé au Metropolitan Museum de New York61 en est le témoin.

La statue d'Italica offre des analogies tout à fait saisissantes avec celle de Caius Ofellius Férus de Délos récemment restaurée62, à ceci près que sur la statue de Trajan le manteau tombe librement dans le dos, ce qui la distingue de toutes les autres statues de la série, et que la main gauche est posée sur la hanche.

Plusieurs détails de l'effigie ibérique de Trajan permettent d'avancer l'hypothèse que la jambe conservée au Musée Rodin peut lui être attribuée : notons l'identité du marbre, blanc à cristaux fins et serrés, avec des veines micacées observables sur les cassures ; les mensurations détaillées coïncident (tour de la jambe à mi-cuisse, sous le mollet et au-dessus de la cheville) ; surtout, ces mensurations livrées sur ordinateur à un logiciel de type CAD, ont révélé que les deux documents - statue et jambe - étaient compatibles. Du point de vue stylistique, on retrouve le même traitement du modelé,

6o. Pergame : M. Wegner, op. cit., 1956, p. 59, 66, pl. 14; Argos : W. Vollgraff, Le flanc oriental de la Larissa, BCH, 82, 1958, p. 550 sq., fig. 25-26 ; J. Marcadé, Sculp- tures argiennes, II, BCH , 87, 1963, p. 44 sq., fig. 16-17 5 Tunis : M. Wegner, op. cit., 1956, p. 46, 115 ; H. G. Nie- meyer, op. cit., pl. 37, 1 ; Vaison-la-Romaine : M. Wegner, ibid., p. 71, 115, pl. 12 et 14.

61. M. Biebei, op. cit., pl. 158, fig. 894.

62. J. Marcadé, Au Musée de Délos, Paris, 1969, p. 117- 118 ; G.-L. Barthe et D. Besnainou, Restauration de l'effigie-portrait de Caius Ofellius Férus à Délos, BCH, 112, 1988, p. 413-432, fig. 1-2, 28-30.

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402 Liliana Marinescu-Nicofajsen

8 a. Reconstitution de la jambe droite, simulation par un logiciel de type CAD-CAM.

un peu froid et banal, avec la même saillie du muscle le long du tibia. Enfin, un détail sur le tracé de la fracture de la cuisse attenante à la statue trouve son écho sur la fracture de la jambe. Certes, le raccord ne saurait être complet entre la jambe et la cuisse, car il manque un morceau sur le revers et plusieurs petits fragments sur le côté intérieur ; d'autre part, il n'a pas été possible d'appliquer l'empreinte en plastiline de la cassure de la jambe, sur la cassure de la statue, car celle-ci est fixée, depuis le réaménagement du Musée archéologique en 1945, sur un socle en granit - une sorte de disgracieuse béquille - qui, de surcroît, remonte légèrement, au-dessus du niveau de la fracture.

Cependant, sur la photographie E A 1822 reprise par W. H. Gross, photographie antérieure donc à l'installation de la statue dans son socle (fig. 4 a-b ), un détail tout à fait essentiel est perceptible : sur la face antérieure de la cuisse le tracé de la fracture comporte au centre une légère sinuosité en forme de U évasé qui est également perceptible sur des dessins publiés par A. Ponz, peu de temps après la découverte de la statue63 (fig. 5), ou sur ceux de J. Matute y Gaviria, datant de 182764 (fig. 6),

63. A. Ponz, Viaje de España , Madrid, 1787-1795, 2e éd. 1947, XVII, carta V, 12, 13, p. 1533.

64. J. Matute y Gaviria, Bosquejo de Italica , Séville, 1827, p. 90, pl. 17.

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Statue héroïque de Trajan au Musée Rodin 403

Qb. La statue du Musée de Sé- ville complétée par la jambe du Musée Rodin, simulation par un logiciel de type CAD-CAM.

et se retrouve très nettement visible sur un dessin inédit de Demetrio de los Rios, datant de la même époque65 (fig. 7).

Sur le montage effectué à partir des agrandissements des photographies par ordinateur (fig. 8 a-b)> ramenant à la même échelle la jambe et la statue, on constate que, en dehors de la large blessure à l'avant de la jambe causée par un éclat superficiel, il existe dans l'épaisseur même de la cuisse une marque en U qui correspond parfaitement à celle de la statue, aujourd'hui cachée par le socle, mais bien attestée par les dessins mentionnés plus haut.

Ce détail permet d'avancer la proposition ďattribuer la jambe conservée au Musée Rodin à la statue de Séville. La patine différente et l'absence de marque de tenon sur le mollet gauche de l'effigie d'Italica doivent s'expliquer par le repolissage de la statue selon les méthodes du xixe siècle. Ce « nettoyage » radical a épargné la trace des doigts sur la hanche gauche, car elle donnait ime indi- cation précise sur l'attitude du bras qui prenait appui à cet endroit ; en revanche, la trace du tenon était peu esthétique et comme elle paraissait inutile, on l'aura, probablement, effacée.

65. Demetrio de los Rios, Descriptión historica-artistica de Italica , dessins inédits du Musée archéologique de Séville, s.l.n.d.

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404 Liliana Marinescu-Nicolajsen

La jambe du Musée Rodin, accolée à un « Panzertronk », que certains détails du décor invitent à placer à l'époque hadrianique, doit, à notre avis, appartenir à une effigie posthume de Trajan élevée, sans doute, peu de temps après sa mort, et qui semble bien être celle provenant des thermes « Los Palacios » d'Italica, datée par M. Wegner du temps d'Hadrien66.

La ville d'Italica fut érigée ex novo , grâce aux libéralités qu'Hadrien accorda à sa « patrie »67. Comme pour bon nombre d'édifices, la construction de l'ensemble thermal remonte à cette époque, selon les indices donnés par la technique édilitaire et la marque de l'empereur sur une fistula en plomb qui y fut découverte68.

On peut supposer que les travaux furent achevés lors du séjour d'Hadrien à Tarraco en hiver 121 -122, si l'on en croit Y Historia Augusta69, malgré les informations, sinon contradictoires, du moins vagues de Dion Cassius à ce propos70. Si l'hypothèse d'un bref passage de l'empereur dans sa ville natale, avant de s'embarquer à Gadès pour la Maurétanie, est tentante, il semble bien qu'il faille ia rejeter71. L'édifice aurait, néanmoins, pu être terminé cet hiver-là pour célébrer les quin- quennalia de l'empereur qui coïncidaient avec son voyage hispanique.

A la statue de Trajan faisait, sans doute, pendant une autre effigie tout à fait analogue, mais avec un rythme inversé72, réalisée dans le même marbre et sortant très probablement du même atelier. Cette seconde statue héroïque, acéphale, représentait, selon toute probabilité, l'empereur Hadrien73 ; la ville aurait ainsi manifesté son attachement particulier envers les deux souverains originaires d Italica.

Liliana Marinescu-Nicolajsen, 44s av. de New-York , 75116 Paris.

66. M. Wegner, op. cit., 1939, p. 285. Le commerce des marbres antiques provenant d'Espagne est mal connu. Cependant, une statue d'origine ibérique (Valladolid) conservée actuellement au Metropolitan Museum de New York, Inv. n° 1155 (G. M. A. Richter, Handbook of the Classical Collection , New York, 1930, p. 279-280, n° 54, fig. 198 ; A. García y Bellido, op. cit ., n° 75, p. 92, pl. 66), fut acquise en 1910 à Paris ; cette date coïncide avec la période pendant laquelle Rodin formait sa propre collection. 67. Dion Cassius, His. Rom., 69, 10, i ; inscription

de Tivoli : CIL , XIV, 4235 (Dessau, 318), pour la pro- vince de Bétique.

68. A. Garcia y Bellido, La Italica de Hadriano, dans Les empereurs romains ď Espagne (Actes du Colloque inter- national du CNRS , Madrid-Italica , 31 mars - 6 a-Vril 1964), Paris, 1965, p. 21, fig. 3.

69. Historia Augusta , Vita Hadr., 12, 3, 4 : Hadrien restaura à ses frais Yaedes Augusti de Tarraco et réunit un conventus extraordinaire des représentants des districts hispaniques ; 19, 1, 2 : évocation des quinquennalia. 70. Dion Cassius évoque les voyages de l'empereur

et la générosité de celui-ci envers les nombreux municipes visités, sans les nommer (69, 5, 5) ; ne sont mentionnés avec précision que les voyages de 128-130 en Grèce, Judée et Egypte (69, 11, 1, 2), áinsi que le second voyage en Grèce en 134 (69, 16, 1). Aucune allusion, donc, à l'Espagne, sinon dans le chapitre 1 o, 1 du même livre 69, où l'auteur parle de la « patrie » d'Hadrien (il faut com- prendre sa ville d'origine), à laquelle il accorda de nom- breux « honneurs et privilèges », mais « il n'y retourna jamais ».

71. A. Montenegro, Historia de España antigua, li, Madrid, 1978, p. 332-335, et A. García y Bellido, Colonia Aelia Augusta Italica , 2e éd., Séville, 1979, p. 38, évoquent cette hypothèse ; cependant, Dion Cassius, op. cit., 69, 10, i paraît catégorique. Sur les voyages d'Hadrien, voir W. Weber, Untersuchungen zur Geschichte des Kaisers Hadrian, Leipzig, 1905, surtout p. 115 sq. ; P. L. Strack, op. cit., II, p. 73 sq. ; pour une bibliographie plus complète, voir R. Etienne, Le culte impérial dans la péninsule Ibérique , Paris, 1958, p. 470 et n. 1 et 2 ; voir également R. Syme, Hadrian and Italica, JRS, 54, 1964, p. 142-149, et R. Nierhaus, Hadrian Verhältnis zu Italica, dans Corolla Memoriae Eric Swoboda dedicata, Graz-Cologne, 1966, p. 151-168, surtout p. 156 et n. 19, avec des réserves sur la question. 72. A. Garcia y Bellido, Esculturas romanas, p. 181,

n° 202, pl. 149. La statue est reproduite dans l'ouvrage . de A. Ponz (ci-dessus n. 63 et fig. 5), ainsi que dans celui de J. Matute y Gaviria (ci-dessus n. 64 et fig. 6). 73. A. Garcia y Bellido, Adriano divinizato, Ars His-

paniae, 2, 1947, p. 112, fig. 87; W. Vollgraff, loc. cit., p. 552, fig. 27 ; W. H. Gross hésite entre Nerva et Hadrien, op. cit., p. 61. NB. - Les références des auteurs anciens cités sont

celles des éditions « Les Belles-Lettres », coll. Budé, à l'exception de : YHistoria Augusta, traduction et com- mentaires de D. Magie, éd. William Heinemann, Londres, 1979 ; Dion Cassius, Histoire romaine, traduction et notes de A. Pietkowski, éd. Stiintifica si Enciclopedica, Buca- rest, 1985, et Appian, Les gueries civiles, traduction col- lective sous la direction de A. Frenkian, notes de N. I. Barbu, Bucarest, Ed. Stiintifica, 1957.

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