thiam these

546
UNIVERSITÉ PARIS VIII UNIVERSITÉ PARIS VIII UNIVERSITÉ PARIS VIII UNIVERSITÉ PARIS VIII – VINCENNES VINCENNES VINCENNES VINCENNES-SAINT SAINT SAINT SAINT-DENIS DENIS DENIS DENIS U.F.R. AES U.F.R. AES U.F.R. AES U.F.R. AES-ÉCONOMIE ET GESTION CONOMIE ET GESTION CONOMIE ET GESTION CONOMIE ET GESTION (Laboratoire d’Économie Dionysien) Thèse pour le Doctorat en SCIENCES ÉCONOMIQUES (Arrêté du 30 mars 1992) Présentée et soutenue publiquement par M. THIAM, Ibrahima LE SYSTÈ LE SYSTÈ LE SYSTÈ LE SYSTÈME DE FINANCEMENT IMMOBILIER EN ME DE FINANCEMENT IMMOBILIER EN ME DE FINANCEMENT IMMOBILIER EN ME DE FINANCEMENT IMMOBILIER EN FRANCE DANS LE NOUVEAU CONCEPT FRANCE DANS LE NOUVEAU CONCEPT FRANCE DANS LE NOUVEAU CONCEPT FRANCE DANS LE NOUVEAU CONCEPT D’INTERMÉDIATION FINANCIÈRE D’INTERMÉDIATION FINANCIÈRE D’INTERMÉDIATION FINANCIÈRE D’INTERMÉDIATION FINANCIÈRE Thèse dirigée par M. De TOLEDO, Alain, Maître de conférences HDR à l’Université de Paris VIII Soutenue le 07 mars 2008 Membres du jury : M. DELEPLACE, Ghislain, Professeur à l’Université de Paris VIII, Président du jury M. GRANELLE, Jean-Jacques, Professeur à l’Université de Paris XII, Rapporteur M. TUTIN, Christian, Professeur à l’Université de Paris XII, Rapporteur M. De TOLEDO, Alain, Maître de conférences HDR à l’Université de Paris VIII, Directeur

Upload: omarlhas

Post on 04-Aug-2015

113 views

Category:

Documents


1 download

TRANSCRIPT

VINCENNES-SAINTUNIVERSIT PARIS VIII VINCENNES-SAINT-DENIS AESU.F.R. AES-CONOMIE ET GESTION(Laboratoire dconomie Dionysien) Thse pour le Doctorat en SCIENCES CONOMIQUES(Arrt du 30 mars 1992)

Prsente et soutenue publiquement par M. THIAM, Ibrahima

SYSTME LE SYSTME DE FINANCEMENT IMMOBILIER EN FRANCE DANS LE NOUVEAU CONCEPT DINTERMDIATION FINANCIRE

Thse dirige par M. De TOLEDO, Alain, Matre de confrences HDR lUniversit de Paris VIII Soutenue le 07 mars 2008

Membres du jury : M. DELEPLACE, Ghislain, Professeur lUniversit de Paris VIII, Prsident du jury M. GRANELLE, Jean-Jacques, Professeur lUniversit de Paris XII, Rapporteur M. TUTIN, Christian, Professeur lUniversit de Paris XII, Rapporteur M. De TOLEDO, Alain, Matre de confrences HDR lUniversit de Paris VIII, Directeur

SOMMAIREPAGES REMERCIEMENTS -------------------------------------------------------------------- 3 RSUM ---------------------------------------------------------------------------------- 4 INTRODUCTION GNRALE------------------------------------------------------- 6 PREMIRE PARTIE : LA TRANSFORMATION DES FONCTIONS DE DISTRIBUTION ET DE GESTION DES CRDITS BANCAIRE ----------- 24PREMIER CHAPITRE : LES FONDEMENTS ET LES MUTATIONS DU SYSTME DINTERMDIATION FINANCIRE -------------------------------------------------- 32 Section 1 : Aperu des dbats sur la conception thorique de lintermdiation bancaire : une revue de la littrature ----------------------------------------------------------------- 36 Section 2 : Analyse des contours du crdit bancaire : le rationnement et la disponibilit du crdit -------------------------------------------------------------------------------------- 59 Section 3 : Les raisons de laffaiblissement ou de la mutation de lintermdiation bancaire en France --------------------------------------------------------------------------------- 79 Section 4: La situation du crdit immobilier dans la nouvelle forme

dintermdiation financire --------------------------------------------------------------- 99

DEUXIME CHAPITRE : LES NOUVEAUX MCANISMES DE FINANCEMENT ET DE GESTION DE CRDITS IMMOBILIERS ------------------------------------------ 114 Section 1 : Le march hypothcaire franais : premire ouverture vers le march financier pour alimenter le march immobilier ---------------------------------------------------- 118 Section 2 : La titrisation des crances immobilires comme stratgie de refinancement bancaire au service de limmobilier ------------------------------------------------------ 151 Section 3 : Les innovations de marchs : le modle Allemand (le Pfandbrief) et son influence sur les obligations foncires franaises ---------------------------------------- 177

1

Section 4 : Une financiarisation croissante du patrimoine immobilier par larbitrage des placements et ladoption de nouvelles pratiques financires ----------------------------- 200

DEUXIME PARTIE : LES CONSQUENCES DES NOUVELLES CONDITIONS DACCS AU CRDIT IMMOBILIER ----------------------- 250PREMIER CHAPITRE : LES SPCIFICITS ET LES COMPLEXITS DE LIMMOBILIER ET DE SON FINANCEMENT --------------------------------------- 258 Section 1 : tude du bien immobilier : approche conomique des caractristiques et des concepts de valorisation ------------------------------------------------------------------ 263 Section 2 : Analyse conomique des marchs immobiliers ------------------------------- 289 Section 3 : Les rseaux de financement priv de limmobilier : approche en terme de demande de crdit ------------------------------------------------------------------------ 329 Section 4 : Lintervention publique dans le financement du logement : nature, contraintes et perspectives ---------------------------------------------------------------------------- 344

DEUXIME

CHAPITRE LA

:

LES

IMPLICATIONS DE LA

DE

LA DE

MUTATION CRDITS

FINANCIRE DANS

STRUCTURE

DEMANDE

IMMOBILIERS -------------------------------------------------------------------------- 374 Section 1 : Les risques dun retournement des prix sur le march de limmobilier rsidentiel -------------------------------------------------------------------------------- 378 Section 2 : Les risques de dspargne et de dsolvabilisation des mnages -------------- 399 Section 3 : Les risques dendettement des mnages et ses implications ------------------ 412 Section 4 : La crise du logement et la nouvelle politique du logement ------------------- 428

CONCLUSION GNRALE ------------------------------------------------------- 461 GLOSSAIRE----------------------------------------------------------------------------482 BIBLIOGRAPHIE-------------------------------------------------------------------- 496

2

REMERCIEMENTSJe remercie toutes les personnes qui mont aid pour la rdaction de la thse, plus particulirement mon directeur de recherche,

M. Alain De TOLEDO qui a pris de son temps pour mencadrer et me guider dans mes recherches.

Je remercie galement de manire particulire les professeurs et les doctorants qui mont soumis des remarques pertinentes et dterminantes pour la suite de mes travaux.

Enfin, je tiens remercier les amis et les membres de ma famille qui mont beaucoup encourag et soutenu pour que cette thse puisse arriver son terme.

3

RSUMLe systme de financement immobilier en France dans le nouveau concept dintermdiation financire Lobjet de cette recherche est dexpliquer les implications de la mutation financire dans le processus de financement de limmobilier. Lhypothse centrale repose sur les effets du financement de march dans lenvironnement socio-conomique de limmobilier rsidentiel. Lintgration du financement de march dans limmobilier accrot les incertitudes dans un secteur trs complexe et le soumet aux rgles classiques du march par le renchrissement des prix et lexclusion. Limmobilier nest pas seulement un besoin social, mais il est galement une marchandise et un secteur privilgi dintervention des gestionnaires de patrimoine. Cette thse montre limpuissance des pouvoirs publics contrecarrer la logique de march qui sappuie sur un systme bancaire dot dune nouvelle puissance financire avec une offre abondante de ressources et de mcanismes de gestion des risques face la monte de nouveaux risques.

Les mots clsCrdit, immobilier, intermdiation, financement, titrisation, risque, hypothque, logement social

SummaryThe system of real financing in France in the new concept of financial intermediation The object of this research is to explain the implications of the financial change in the process of financing of the real estate. The central assumption rests on the effects of the financing of market in the socio-economic environment of the residential real estate. The integration of the financing of market in the real estate increases uncertainties in a very complex sector and subjects it to the traditional rules of the market by the increase in the prices and exclusion. The real estate is not only one social need, but it is also goods and a privileged sector of intervention of the managers of inheritance. This thesis shows the impotence of the authorities to thwart the logic of market which is based on a banking structure equipped with a new financial power with an abundant offer of resources and mechanisms of risk management in front of the rise of new risks.

Key wordsCredit, real estate, intermediation, financing, securitization, risk, mortgage, social housing

4

LE SYSTME DE FINANCEMENT IMMOBILIER EN FRANCE DANS LE NOUVEAU CONCEPT DINTERMDIATION FINANCIRE

5

Introduction gnraleI) DFINITION DES CONCEPTS FONDAMENTAUX ET DU POIDS DE LIMMOBILIER RSIDENTIEL DANS LCONOMIE FRANAISE Le systme de financement de limmobilier en France regroupe lensemble des rseaux et mcanismes privs et publics, en interactions permanentes, qui alimentent les dpenses dacquisitions (achat ou construction), de travaux et de location dans le march de la construction immobilire. Le march de la construction immobilire peut tre segment de diverses manires selon la nature et/ou laffectation du bien immobilier. Il faudrait distinguer par nature le march immobilier et le march foncier qui constituent les deux segments principaux du march de la construction immobilire, mais fonctionnant de manire unitaire et permanente. Ainsi, ces deux marchs constituent dans le langage courant le march immobilier qui est compos du march de limmobilier rsidentiel (logements) et de limmobilier dentreprise (bureaux, locaux commerciaux ou industriels). Quelle que soit laffectation du bien immobilier, il existe dautres segmentations qui distinguent le march de limmobilier neuf de celui de limmobilier ancien et galement le march de la transaction de celui de la location. Toutefois, dans le march de limmobilier rsidentiel ou du logement une distinction particulire rside dans le type de logements locatifs : logements privs et logements sociaux et dans la structuration du logement : logements collectifs (studios, appartements) et logements individuels (maisons) Le march de limmobilier dpend principalement de son systme de financement quil soit priv ou public. Or tous les systmes de financement mondiaux sont confronts depuis les annes 1970 un mouvement de transformation permanente. Le nouveau concept dintermdiation financire traduit lapproche nouvelle du rle des banques dans un march financier globalis en mutation permanente. Ainsi, la dmarche de cette tude sinscrit dans un nouveau cadre thorique et pratique du systme de financement de limmobilier dans le nouveau rle complexe des banques qui est de grer linformation, le risque et la liquidit entre prteurs et emprunteurs.

6

Il sagit danalyser les concepts thoriques et les champs dapplications de lindustrie bancaire et de comprendre leurs impacts dans le systme de financement de limmobilier en France. Selon le Compte du logement et lInsee, la dpense nationale en logement volue de manire croissante dans lconomie franaise depuis 1984 o elle tait de 134,1 milliards deuros, pour atteindre respectivement en 2004 et 2005 les montants de 353,4 milliards deuros et 381,8 milliards deuros . En 2004 et en 2005, elle reprsente respectivement 21,3% et 22,2% du PIB, contre 19,2% du PIB pour 1984. Cette dpense nationale en logement est un agrgat qui mesure leffort consacr par la collectivit au domaine du logement. Les dpenses de logement demeurent importantes dans le budget des mnages. Elles occupent 21,9% de leur revenu disponible brut en 2005, contre 17,4% de celui-ci en 1984.

Le logement dans lconomie selon le Compte du logement Un logement est destin loger un mnage qui peut en tre propritaire ou locataire. Lusage des logements sinterprte comme la consommation dun service produit par les propritaires pour le compte de leurs locataires, sils sont bailleurs ou pour leur propre compte, sils occupent eux-mmes leur logement. Les logements constituent le capital productif des producteurs de service de logement, en loccurrence leurs propritaires. Il est logique de considrer que le service li loccupation des logements abonde la richesse nationale ds lors que ce capital est utilis, cest--dire lorsque les logements sont occups, que leur occupant soit locataire ou propritaire. Ainsi la production du service logement dpend du nombre de logements occups, et pas du statut doccupation des logements par les mnages. Son volution, comme celle de la dpense nationale, nest pas affecte par la hausse de la proportion de propritaires qui fut une des tendances fortes des vingt dernires annes, ni par la baisse de la proportion de logs gratuits (de 7,7% des mnages en 1984 4,1% en 2003 et 3,9% en 2005) alors que celle des locataires titre onreux se repliait trs lgrement (1 point) 1.

Compte du logement : partir du site internet http://www.statistiques.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/01-logement_economie_cle7421e4.pdf (p. 3)

1

7

II) QUELQUES LMENTS HISTORIQUES DU FINANCEMENT DE LIMMOBILIER EN FRANCE Le financement de limmobilier en France a connu beaucoup de changements depuis plus de deux sicles. Pour comprendre les problmes et les transformations lis au financement de limmobilier, il est important deffectuer dabord une analyse volutive et historique du financement de limmobilier en France depuis le XIXme sicle jusqu nos jours afin de percevoir limplication du systme bancaire et financier dans le financement immobilier et le rle des pouvoirs publics dans celui-ci. Pendant tout le XIXme sicle, limmobilier fut le placement de rfrence en France pour tous les gens qui disposaient de beaucoup de revenus et qui voulaient les faire fructifier. Cest pourquoi la bourgeoisie urbaine et la classe moyenne y investissaient une bonne partie de leurs revenus, car cette poque, le fait de dtenir une proprit donnait la personne une meilleure situation sociale. Une autre classe de la population, en loccurrence les ouvriers, qui avait les revenus les plus faibles, ne pouvait accder des logements dcents et tait confronte des problmes de survie. De plus, le XIXme sicle a connu des transformations conomiques et financires qui ont eu comme consquences la modification du systme de crdit avec lintgration des marchs montaires dans la distribution du crdit par le systme de rescompte de la Banque de France et lmission de plus en plus importante dobligations*2. Les banques familiales qui avaient la main mise sur la distribution du crdit, commenaient perdre leur place au profit des grands rseaux de banques de dpts et des banques daffaires. Par ailleurs, ltat qui tait avant en marge des problmes de financement immobilier, intervenait de plus en plus directement et plus largement dans le financement des logements vers la fin de ce XIXme sicle. Car, le problme social du logement devenait de plus en plus proccupant pour les pouvoirs publics : do de plus en plus dinterventions publiques dans le financement immobilier. Cette poque du XIXme sicle, tait marque par des priodes de forte croissance et de spculation immobilire qui provoquaient une pnurie de logements sociaux. Cest pourquoi, daprs Jean-Marie Thiveaud : Peu peu, le XIXme sicle fait apparatre une dualit dans le financement de limmobilier, dualit entre le priv qui cherche dans ce secteur un placement pour ses capitaux et une plus-value ; ltat qui se trouve dans lobligation de prendre en compte la nouvelle donne sociale et cherche bientt contrler lensemble des

2

Les notes marques dune * sont dfinies dans le glossaire.

8

moyens de financement. 3. Il poursuit son analyse en se posant la question de savoir sil y avait concurrence ou complmentarit entre le secteur priv et le secteur public dans le financement du logement pendant cette priode.

1) Des oprations immobilires caractre priv : Si les oprations immobilires avaient toujours intress les dtenteurs de capitaux, lobjet de leur investissement ntait pas trs bien identifi : la question se pose de savoir si leur initiative prive tait but spculatif*. Selon toujours Jean-Marie Thiveaud : Entre 1821 et 1827, la construction est en plein essor : ... et la plupart des investissements sont linitiative des dtenteurs de capitaux et des spculateurs*. 4 et pour finir, il cite Michel Lescure : Les constructions se font le plus souvent avec des capitaux emprunts. selon lenqute de 18445. Cette forte spculation entranait des crises de liquidit et des dfaillances de remboursement en raison de limportance des capitaux investis dans les oprations de construction immobilire. Ces dfauts de liquidit taient aggravs par la difficult destimer exactement le cot des travaux qui ncessitaient parfois lapport de capitaux supplmentaires pour lachvement des constructions en cours. La crise politique et financire de 1848 va amplifier ces crises successives de mobilisation des capitaux jusqu la restauration de lEmpire en 1852. La loi dexpropriation maximale vote en 1865 allait permettre aux dtenteurs de capitaux den profiter pour faire le maximum daffaires du fait de la surestimation de la valeur des terrains expropris : do une forte intensification de la spculation qui allait priver une bonne partie de la population de la possibilit dacqurir des logements. Au dbut des annes 1870, lindustrie du btiment allait seffondrer du fait de nouvelles crises financires qui la privaient de ressources parce que les banques avaient cess dinvestir dans les oprations immobilires qui devenaient pour elles non rentables et trs risques. Faute de crdits on assistait une insuffisance globale de loffre de logement vers la fin du XIXme sicle. Jean-Marie Thiveaud montre que les intervenants, sur le march de limmobilier, taient multiples et au premier rang dentre eux se trouvaient les particuliers qui disposaient de quelques fonds et qui avaient lintention de linvestir. Par consquent, la plupart des petites oprations taient finances par des rentiers et des petits propritaires qui plaaient leurs coTHIVEAUD Jean Marie, Conseiller du Prsident de lAssociation des tudes Foncires, Le financement des infrastructures et de limmobilier du dbut du XIXme sicle jusquau milieu du XXme sicle , Revue dconomie Financire, n 51 janvier 1999, p. 230. 4 id., p. 231. 5 LESCURE Michel, Ltat, les banques et les marchs immobiliers, 1820-1940 , Paris EHESS, 1982 cit. in THIVEAUD Jean Marie, ibid. p. 231.3

9

nomies dans un immeuble ou une maison et en attente dune plus-value importante et de la scurit de leur placement long terme. Ils achetaient donc des immeubles ou des appartements dj construits et lachat de ces biens immobiliers existants leur permettait de ne pas sencombrer doprations de construction dont ils ne matrisaient ni les impratifs de dlais, ni les cots. Ces oprations des rentiers se poursuivirent tout au long du XIXme sicle et cessrent quau moment o les valeurs mobilires, et en particulier la rente, devinrent des valeurs de rfrence du patrimoine bourgeois vers 1880. Toujours vers la fin du XIXme sicle, les entrepreneurs privs taient parmi les intervenants financiers les plus actifs. Il existait des entreprises familiales ou des socits qui disposaient dune bonne exprience de la construction et des montages financiers dans les oprations de financement immobilier. Ces entrepreneurs privs disposaient de fonds propres ou des dividendes des oprations prcdentes, mais faisaient parfois appel des capitaux extrieurs et trouvaient auprs des banques des sources de financement importantes ncessaires leurs investissements. Cest pourquoi Christian Topalov 6 dit : Le mode de financement traditionnel repose sur la combinaison des fonds propres du rentier matre douvrage et du crdit hypothcaire de particulier particulier consenti par lintermdiaire des notaires. Christian Topalov continue son analyse : cest le futur rentier lui-mme qui paie le terrain ou en dispose comme proprit patrimoniale, et rgle les entreprises au fur et mesure de la progression du chantier. Des prts dautres petits capitalistes permettent au rentier de mettre en uvre des fonds qui dpassent sa capacit limite dinvestissement. 7. Les banques jouaient en cette fin du XIXme sicle un rle central dans le financement de limmobilier qui savrait tre un placement fructueux pour les dtenteurs de capitaux financiers, et cest pourquoi les banques allaient instaurer de nouveaux modes de financement, bass sur la centralisation des ressources disponibles et la distribution du crdit. En fait, ctait auparavant ds la Restauration de lEmpire, avec la nouvelle priode de prosprit conomique que les principaux banquiers ont investi en masse dans la construction des immeubles et des maisons, dans lamnagement de nouveaux quartiers ou la rhabilitation des anciens. Les banques qui ninvestissaient pas directement dans les travaux mettaient la disposition des entrepreneurs des fonds ncessaires en change dune participation aux bnfices. Les banques cherchaient simpliquer davantage dans le financement de limmobilier de manire directe ou indirecte.

6

TOPALOV Christian, Le logement en France : histoire dune marchandise impossible, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques (FNSP), Paris, 1987, p. 205. 7 id., p. 205.

10

Le financement immobilier par le secteur priv allait tre marqu par larrive sur ce march des grandes banques de dpts qui allaient trs vite concurrencer les banques familiales. Avec larrive des grandes banques comme la Socit Gnrale8 et le Crdit Lyonnais9, qui disposaient dun trs large rseau de distribution de crdit et de collecte dpargne travers leurs agences, les banques familiales allaient peu peu abandonner le secteur de limmobilier. Car ces grandes banques de dpts disposaient de capitaux normes investir dans limmobilier sous forme de placement et de participation. Un peu plus tard, on note larrive des banques daffaires10 qui dtenaient des participations dans les socits de construction et finanaient dans des succursales quelles contrlaient. Cependant, daprs JeanMarie Thiveaud11, ds le dbut des annes 1870, les compagnies dassurances devinrent des concurrents srieux pour les banques et commenaient sintresser au march de limmobilier en y apportant de nouveaux capitaux. En fin de compte, toujours selon lanalyse de Jean-Marie Thiveaud, les socits immobilires effecturent leur apparition dans le march de limmobilier, avec comme prcurseur la Compagnie Immobilire fonde par les frres Pereire. Elles vont profiter du dveloppement de la ville pour accrotre leurs privilges du patrimoine quelles faisaient construire, spculer sur les terrains et les immeubles, contrler une partie de lindustrie du btiment en faisant des avances aux entrepreneurs. Les capitaux dont elles disposaient pour ces oprations taient leur propre fortune dans un premier temps, puis elles vont raliser leurs bnfices sur les prts garantis des proprits ou sur les oprations immobilires en cours. Certains intervenants privs qui agissaient sur le march de limmobilier mobilisaient leurs fonds que pour financer les oprations o ils espraient une plus-value. Il existait une diversit dans lorigine des capitaux investis dans les projets immobiliers. Les compagnies immobilires finanaient dambitieuses oprations immobilires tout en promettant aux souscripteurs des avantages bass sur les nombreuses aides la construction et sur laugmentation de la valeur foncire des immeubles et des maisons. Avec le dveloppement des banques de dpts ou daffaires, les capitaux investis dans le financement de limmobilier provenaient beaucoup de lpargne. Les institutions bancaires profitaient de leur position de collecteurs des fonds autrefois thsauriss ou mis la disposition des notaires et intervenaient progressiLa Socit Gnrale est cre le 4 mai 1864 lors dun dcret dautorisation sign par Napolon III. Le Crdit Lyonnais est cre par Henri Germain le 6 juillet 1863 Lyon. 10 Par exemple la Banque de Paris et des Pays-Bas cre en 1872, par la fusion de la Banque de Paris (1869) avec la Banque de crdit et de dpt des Pays-Bas (1863). De mme que la Compagnie Universelle du Canal Maritime de Suez cre en 1858 pour exploiter le canal de Suez ouvert en 1869, et qui prendra le nom de Compagnie financire de Suez en 1958 pour enfin devenir en 1966 la Banque de Suez et de lUnion des Mines. 11 THIVEAUD Jean-Marie, op. cit., p. 233.9 8

11

vement sur le march immobilier en investissant directement. Les gens qui avaient des fortunes individuelles finanaient eux-mmes la construction de leur maison dhabitation ou bien ils sassociaient avec dautres pour construire un immeuble locatif. A dfaut de fortune ils compltaient leurs apports par des emprunts auprs des tablissements de crdit. Les investissements que les banques et les particuliers fortuns avaient effectus, ont permis de moderniser des villes en crant de beaux quartiers. Les gens qui navaient pas assez de moyens continuaient dhabiter dans des taudis : do une forme de fracture sociale matrialise par des habitations vtustes et insalubres. Avec laugmentation de la population, les besoins en logement devenaient un problme crucial. Ltat devait alors sortir de son inertie afin de jouer un rle dterminant dans le financement de logements sociaux.

2) Ltat dans le financement immobilier Au XIXme sicle ltat mit sur pied de nouvelles institutions de financement quil soutenait et contrlait pour prserver la scurit en matire de logement (Banque territoriale en 1799, Caisse de crdit rel en 1807, Caisse des propritaires en 1814). Face un dficit de logements sociaux pour les populations faible revenu, la question sociale du logement se pose alors pour ltat. Ainsi, ltat commenait simpliquer dans le financement de limmobilier en contrlant de plus en plus les modalits du systme de financement. Ltat aidait financirement le secteur priv en octroyant des subventions et des prts directs combins avec des taux dintrt trs intressants et des remboursements moyen et long terme. De la Restauration (4 juin 1814) la naissance de la Seconde Rpublique (4 novembre 1848), ltat avait toujours laiss le secteur priv trouver ses propres sources de financement, mais les bouleversements politiques et sociaux des annes 1848-1852 entranent des crises et poussent ltat s'engager plus dans le contrle du financement immobilier. Aprs le Second Empire (1852-1875)12, ltat allait renforcer sa place dans le financement du secteur malgr quelques difficults en investissant largement dans les quipements publics, en crant des organismes publics de distribution de crdits. Lintervention des pouvoirs publics dans le financement de limmobilier est toujours remise en cause par les acteurs privs chaque fois que le problme des logements sociaux se pose. Le financement du logement est avant tout dordre priv, les interventions publiques tentent de corriger les dsquilibres conomiques et sociaux.

Memento : IIIme Rpublique (30 janvier 1875), IVme Rpublique (24 octobre 1946), Vme Rpublique (4 octobre 1958).

12

12

Le financement des logements sociaux a toujours t une des proccupations des pouvoirs publics en France ou au Royaume-Uni. Ainsi au Royaume-Uni, la politique du logement a dabord t une politique de sant publique de 1830 1890. Cest en 1830 que des enqutes nationales et locales sur les conditions de vie dans les villes se multiplirent pour informer le gouvernement central de la situation dgradante des quartiers populaires. De 1830 1847, ltat britannique laissa linitiative de la construction et de la gestion des logements ouvriers aux municipalits et aux socits philanthropiques de construction et dhabitation du logement ouvrier qui louaient les logements au prix de revient. En 1836, cest la cration des Building Societies qui sont des coopratives o les adhrents cotisent rgulirement jusqu ce que le montant runi puisse construire une maison pour lun des cotisants, jusqu ce que tous les adhrents construisent leur maison. Ces Building Societies qui collectent et transforment les ressources liquides, restent encore un dispositif important dans la politique du logement. De 1848 1874, diverses lois furent promulgues dans le royaume dont la premire loi sur la sant publique en 1848 concidant avec la crise politique et sociale en France. Cependant, la Grande Bretagne allait entreprendre et assumer de 1875 1890, une vritable politique de logement autonome en sappuyant sur les autorits locales des villes lexception de celle de Londres o lopinion publique contestait la loi sur lhabitat des artisans et des travailleurs, considre comme tant de lassistanat. Malgr toutes les dispositions prises par ltat, la politique du logement au Royaume-Uni ntait pas bien dfinie du fait quelle sinscrivait toujours dans le cadre dun programme de sant publique. Ce nest quaprs les annes 1890 et juste avant la premire guerre mondiale quune vritable politique durbanisme et de cration de logement fut mise en place. Ds 1889 la plus importante des compagnies publiques de construction immobilire (le London City Council) fut cre, permettant de mener des politiques de logement long terme. En 1890, la loi sur le logement (Housing of the Working Classes Act) montra le rle central de linitiative prive dans la construction immobilire. Cependant, en 1910 lorsque le gouvernement cra un impt sur la valeur du terrain bti (Land Value Duties), cela allait entraner la hausse du prix du terrain btir et la baisse des constructions neuves envisages par certaines socits prives de construction immobilire. Malgr la nouvelle loi sur le logement vote en 1913, qui confirma la responsabilit de ltat dans le financement de logements sociaux, le dfaut de logements allait entraner une crise que le premier conflit mondial allait accentuer. Entre les deux guerres mondiales (1914-1918 et 1939-1945), le Royaume-Uni tenta de rsoudre le problme des logements sociaux en essayant dy associer le maximum de socits prives avec une lgislation qui leur tait favorable. Les effets des guerres mondiales 13

avec les problmes conomiques et financiers, ainsi que les destructions massives qui les avaient accompagnes, allaient installer un certain scepticisme chez les investisseurs. Aprs la seconde guerre mondiale, se dveloppe presque partout en Europe, une implication massive des pouvoirs publics dans le financement et la construction des logements qui allait se traduire au Royaume-Uni par une intervention directe sur le prix des loyers et sur la quantit de logements offerts. En France aprs la Seconde Rpublique jusqu la rforme du financement du logement du 3 janvier 1977 (abandon de laide la pierre pour laide la personne) en passant par les rformes davant-guerre et daprs-guerre, diverses lois (les lois Siegfried de 1894, Strauss de 1906, Ribot de 1908, Bonnevay de 1912, Loucheur de 1928 etc.) ont t promulgues en France en faveur de lhabitat social. Malgr tous les efforts consentis par ltat en faveur du logement, des crises financires ont entran une stagnation de lconomie franaise mettant par consquent le systme de financement de la construction de logements mal, crant ainsi parfois de fortes pnuries de logements. La plupart du temps la politique du logement mene par les pouvoirs publics, a chou. Ltat constatait parfois une stagnation du niveau de la construction malgr les efforts consentis en matire daides et de subventions. Les autorits publiques remarqurent que la non-mobilisation de lpargne prive vers limmobilier travers des circuits adapts et bien structurs en tait la cause. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ltat allait mettre en place une stratgie de financement pour le secteur de limmobilier reposant dune part sur les ressources budgtaires, dautre part sur des politiques de transformation montaire capables dattirer lpargne vers limmobilier. Ainsi, il y a eu trois phases dterminantes dans le financement des logements : - de 1945 1963, nous assistons une budgtisation du financement du logement, travers les aides massives de ltat et des mesures exceptionnelles pour rsoudre les crises du logement [cration du Fonds National dAmlioration de lHabitat (FNAH) le 26 octobre 1945, loi de blocage des loyers du 1er septembre 1948, loi sur les Habitations Loyer Modr (HLM) en juin 1949, mise en place du 1% patronal le 9 aot 1953, loi cadre pour les Zones Urbaniser en Priorit (ZUP) le 7 aot 1957] ; - de 1963 au dbut des annes 1980, ctait la bancarisation ou intermdiation bancaire (ou processus de dbudgtisation) du financement du logement par une politique montaire base sur lencadrement du crdit et une politique facilitant la transformation de lpargne prive par le systme bancaire [ mise en place de lpargne-logement en 1965, cration du march hypothcaire en 1966, cration des Zones dAmnagement Concert (ZAC) en 1967, pro14

gramme de construction de logements individuels en mars 1969, loi Vivien contre lhabitat insalubre du 10 juillet 1970, arrt de la construction des grands ensembles en 1973, loi pour laide la personne le 3 janvier 1977] ; - des annes 1980 nos jours, cest la financiarisation (ou dsintermdiation bancaire) de financement du logement par les marchs des capitaux financiers favoriss par le dcloisonnement et la drglementation (loi bancaire du 24 janvier 1984, rformes du march montaire, du march des capitaux et de lconomie de 1984 1986, suppression de lencadrement du crdit en 1986, cration du nouveau march hypothcaire en 1985, loi sur la titrisation du 23 dcembre 1988, loi cadre du 25 juin 1999 sur les obligations foncires...) permettant de lever les contraintes qui pesaient sur le dveloppement de lactivit bancaire en France. Selon Laurent Ghkire13, depuis les annes 1980, apparat une convergence des volutions des systmes de financement du logement en Europe, avec des effets socioconomiques similaires sur les marchs du logement. Il explique que ces volutions tendent rapprocher les systmes existants : Les systmes de financement du logement sinscrivent dans une volution allant dans le sens dun rapprochement des dispositions nationales en raison de louverture du march des capitaux et du processus de libralisation entrepris. 14. La libralisation des marchs des capitaux na pargn aucun systme de financement de lconomie.

III) LE BIEN IMMOBILIER Lacquisition dun bien immobilier devient de plus en plus dterminante dans les choix dinvestissement. Limmobilier est un bien particulier aux dimensions conomique, sociale, patrimoniale et mme affective15. Les dpenses de logement constituent la plus grosse charge des mnages. En location, les mnages doivent sacquitter de loyers mensuels et ventuellement des charges dentretien de leur lieu dhabitation. Lors dune acquisition, ils doivent rembourser la dette de leurs emprunts et soccuper de lentretien pour viter la vtust du bien. Comme tous les biens conomiques, cest un bien changeable sur le march. Il sagit dun bien durable qui dcoule dune longue production et qui demande des rparations ou des amliorations. Limmobilier13

GHEKIERE Laurent, Les politiques du logement dans lEurope de demain, prface de Roger Quilliot, ditions La Documentation Franaise, Paris, 1992, p. 184. 14 id., p. 186. 15 MOUILLART Michel, Le logement comme catgorie conomique , in, Logement et Habitat : ltat des savoirs, Ouvrage Collectif, ditions La Dcouverte & Syros, Paris, 1998, pp. 58-67.

15

est galement un service que lon utilise, un puissant motif dpargne dans le patrimoine des agents conomiques qui demeure trs important dans la sphre financire16. Ainsi, le bien immobilier et les flux de service qui en dcoulent ont des caractristiques trs particulires. Sa production ou son acquisition ncessite dimportants moyens financiers. Le financement de limmobilier est caractris par une interconnexion de circuits de financement complexes et opaques du fait de la multiplicit des acteurs, linteraction des financements publics et des financements privs et de la diversit des aides. Il se diffrencie du financement des autres secteurs de lconomie. Les caractristiques intrinsques du bien immobilier (durabilit, localisation, htrognit, etc.) le diffrencient des autres biens. Le financement est en grande partie assur par des intermdiaires financiers, savoir les banques, qui collectent lpargne des particuliers, trouvent des moyens de refinancement, et octroient des crdits pour lacquisition dun bien immobilier. Ces prts surtout moyen ou long terme, ont toujours t soutenus par les pouvoirs publics lorsquil sagit de financer des logements sociaux. Michel Mouillart dfinit les principales caractristiques dun systme de financement du logement : Un systme de financement du logement se dfinit comme lensemble des mcanismes et circuits conomiques, financiers, budgtaires et fiscaux qui permettent de mobiliser et dorienter les ressources dpargne des mnages et des autres agents conomiques vers le secteur du logement. 17. Depuis le dbut des annes 80, le systme bancaire et financier connat crises et mutations et lactivit immobilire qui est soutenue par ce systme bancaire et financier connat des bouleversements dans toutes ses dimensions. Pour Jean Carassus : Hors subventions et allocations, les prts pour la construction neuve, lamnagement des logements existants et lacquisition de logements sans travaux sont accords en France par quatre circuits , qui sont les prteurs publics, essentiellement le complexe Caisse des Dpts et Consignations-Caisses dpargne, ensuite les socits prives dont les dirigeants sont nomms par ltat, cest--dire le Crdit Foncier de France et le Comptoir des Entrepreneurs, puis les prts aux salaris pour lacquisition de logements et une part minoritaire des socits dassurance et enfin le financement par le secteur bancaire o les ressources sont varies : dpts, march hypothcaire, march montaire, empruntsdautre part, outre les prts bancaires, le secteur bancaire distribue la majorit des

16

ANDRE Thomas, Logement dans lconomie , dans Logement et Habitat : ltat des savoirs, Ouvrage Collectif, ditions La Dcouverte & Syros, Paris, 1998, p. 161. 17 MOUILLART Michel, Ralit et efficacit des rseaux et mcanismes du financement public du logement , in Revue Franaise de Finance Publiques, Le financement public du logement, n 49, 1995, p. 16.

16

prts conventionns et des prts pargne-logement. 18. Parmi ces moyens de financement, le secteur bancaire assure plus de la moiti des crdits immobiliers. Les analyses porteront sur les principaux circuits de crdits et moyens de financement. Elles montreront leur volution afin de comprendre les connexions du secteur bancaire et financier et celui de limmobilier. Le comportement des agents conomiques, par rapport la question du choix dactifs immobiliers ou mobiliers, est trs important pour analyser les interconnexions de limmobilier et de la finance. Sagit-il dun bien immobilier de jouissance (habitation) ou de rapport (placement) ? De plus, nous comprendrons mieux lvolution des choix dinvestissement immobilier en analysant certaines variables macroconomiques. En particulier, la notion de taux dintrt est le prix de rfrence au niveau des intermdiaires bancaires et financiers, et dtermine limportance des dpts et des prts dans la sphre financire et immobilire. Une tude sur les taux dintrt en matire dinvestissement immobilier permettra de dgager des hypothses sur les choix de portefeuilles dactifs financiers mobiliers et immobiliers. Linvestissement immobilier est devenu trs long, il faut compter 10 25 ans voire 30 ans pour que le remboursement soit effectif (sauf en cas de remboursement anticip par lemprunteur). En outre, le cycle de limmobilier est conjoncturel, il apparat au fil du temps une variation du prix de largent (le taux dintrt) qui engendre un certain nombre de risques que les intermdiaires classiques ont parfois du mal supporter. Raison pour laquelle ces banques essayent de mutualiser les risques, en se dotant de la capacit analytique de bien les estimer. Avec la crise immobilire de 1993, les intermdiaires classiques, savoir les banques, nosent plus prendre le risque de financer certaines oprations immobilires. leur place, des organismes financiers et investisseurs institutionnels, qui sont habitus prendre des risques, quel quen soit le degr, pourvu quils esprent un rendement trs favorable, se substituent de plus en plus aux banques craintives face aux risques.

Quel que soit le contexte conomique et financier, les agents conomiques continueront acheter des biens immobiliers et demander des services de biens immobiliers. Car limmobilier est une ncessit pour les mnages. Des difficults pourraient se rvler du ct de loffre de biens et de services immobiliers pour les promoteurs immobiliers. Les promoteurs sont la base des oprations de construction immobilire et, par dfaut de crdit pour leCARASSUS Jean, conomie de la filire construction, Presses de lcole Nationale des Ponts et Chausses (ENPC), Paris, 1987, p. 47.18

17

financement de projet de construction neuve ou de rhabilitation de biens existants, loffre pourrait tre infrieure la demande. Alors, le prix des biens et services immobiliers augmenterait. Le financement immobilier provient de lpargne ou des fonds dj acquis et le reste des prts des tablissements financiers. Par ailleurs, le crdit nest pas facile obtenir pour certains agents non financiers, auprs des tablissements financiers, lorsque leur politique de crdit est la prudence. Il existe alors un problme daccs aux crdits des mnages modestes ou ayant des revenus irrguliers. Il apparat de plus en plus dans lactivit immobilire des fonds spculatifs qui profitent de limperfection du march immobilier et des asymtries dinformation, pour enchrir les biens et les services immobiliers. Ce qui rend de plus en plus vulnrable le march immobilier. Limmobilier est au centre du patrimoine financier des particuliers et dtermine leur cadre de vie familiale, do le fait quune gestion dsastreuse de son acquisition entrane immdiatement lendettement ou la ruine des personnes concernes.

IV) LA MUTATION FINANCIRE : UN PHNOMNE MONDIAL Depuis les annes 1980, un mouvement de dsintermdiation financire secoue toutes les sphres de la finance mondiale, et na pas pargn le paysage financier franais. Cette mutation financire remet en cause le systme montaire international instaur par les Accords de Brettons Woods du 22 juillet 1944, qui fit du dollar la monnaie de rfrence convertible en or et instaure une parit fixe entre les monnaies. Les difficults de lconomie des tats-Unis dans les annes 60 allaient modifier les relations conomiques internationales. Certains pays occidentaux, notamment de la Communaut conomique Europenne (CEE), exigeaient une plus grande libert de mouvement des capitaux. Dans le systme de changes fixes, il tait difficile pour un investisseur dacqurir des devises, des actions ou des obligations trangres. Les mouvements des capitaux faisaient lobjet de contrles stricts. Cependant les marchs financiers trouvrent le moyen de contourner certains contrles grce aux euromarchs (march des euromonnaies, dpts en monnaie grs par une banque dans une autre monnaie que celle du pays o elle est implante), sur lesquels les banques situes dans un pays pouvaient faire des dpts et des emprunts libells dans les devises dautres pays. Le 15 aot 1971 le Prsident amricain Richard Nixon suspend la convertibilit en or du dollar. Les 7 et 8 janvier 1976, lAccord de la Jamaque prendra acte de la suppression des parits fixes et de linstauration dun systme montaire de changes flexibles dont les parits sont lapprciation du march. Vers la fin des annes 70 certains pays commencrent dmanteler 18

leur systme de contrle sur le march des capitaux, pour souvrir aux marchs mondiaux. Les mouvements de capitaux samplifient, activs par des phnomnes spculatifs, provoquant un dcouplage de la sphre financire et lconomie relle, dans les grandes conomies mondiales. Cest pourquoi on parle de globalisation ou de mondialisation financire. Ds le dbut des annes 1980, Henry Bourguinat oppose lconomie financire lconomie relle, en estimant qu un mga-march mondial aux extraordinaires potentialits de cration et de mobilisation des fonds prtables est entrain de se constituer. 19, il ajoute qu on soriente vers un norme march financier mondial de plus en plus unifi et libralis 20. Dans son analyse globale, il montre lexaltation de lconomie financire avec lmergence dune nouvelle finance internationale dont le dynamisme est soutenu par : la mondialisation des marchs financiers, les innovations financires, la globalisation de la fonction financire et la titrisation21. Selon Franois Chesnais, Le terme de mondialisation financire dsigne les interconnexions trs troites entre les systmes montaires et les marchs financiers nationaux, qui ont rsult des mesures de libralisation et de drglementation adoptes dabord par les tats-Unis et le Royaume-Unis entre 1979 et 1982, puis en quelques annes par les autres principaux pays industrialiss 22. Il souligne que : Classiquement, les auteurs distinguent trois lments constitutifs de la mise en place de la mondialisation financire : la drglementation ou la libralisation montaire et financire, le dcloisonnement des marchs financiers nationaux et la dsintermdiation 23.

La thorie bancaire justifie lexistence des banques par le fait quelles servent dintermdiaires entre ceux qui ont des disponibilits financires prter et ceux qui en ont besoin. Avec la mondialisation financire, la dsintermdiation a chang cette relation et a cr un march financier spcifique o les grands fonds de placements financiers ou les institutions financires non bancaires prtent directement aux emprunteurs. Intermdiation bancaire classique dite traditionnelle ou intermdiation financire et boursire, tous les niveaux de nouvelles rgles de fonctionnement ont modifi en profondeur les comportements des prteurs et des emprunteurs.

19 20

BOURGUINAT Henry, Les vertiges de la finance internationale, ditions Economica, Paris, 1987, p. 15. id., p. 15. 21 ibid., pp. 19-21. 22 CHESNAIS Franois, La mondialisation du capital, ditions Syros, Paris, 1997, p. 49. 23 id., p. 50.

19

Une nouvelle forme dintermdiation apparat du fait de limplication de plus en plus grande des banques dans le financement de march. Les banques se refinancent sur le march des capitaux financiers en mettant leurs propres titres ou des titres pour le compte des tiers. Les banques tendent perdre leur principal rle de financeur de lactivit conomique par transformation des dpts et cration montaire au profit dun financement bas sur les produits du march financier. Certains acteurs de lconomie vont directement sur le march des capitaux pour se financer ou se refinancer. Ceux qui nont pas un accs direct au march financier, passent par les institutions financires. Lactivit conomique en gnral ne se finance plus aujourdhui comme avant les annes 80 : les banques qui dtenaient une emprise sur la distribution des crdits et finanaient lessentiel de lconomie, ne sont plus les pourvoyeurs principaux de crdits. Lintgration des marchs des capitaux internationaux par les institutions financires franaises fut facilite au niveau institutionnel : - par la loi bancaire du 24 janvier 1984 qui unifie le systme bancaire franais ; - puis par la rforme du march montaire en 1985 qui le divise en deux compartiments, dune part le march interbancaire et dautre part le march des titres ngociables du march montaire ; - enfin, par la grande rforme des marchs des capitaux partir de juin 1984. Cette rforme des marchs des capitaux dcloisonne le march des capitaux, dveloppe la concurrence, modernise la place financire de Paris et adapte les nouvelles techniques de rgulation montaire, en donnant une grande importance aux taux dintrt. En outre, cette rforme modifie les modalits traditionnelles de refinancement bilatral par une approche multilatrale dans laquelle les oprations de refinancement transitent par le march des titres. En 1985, les autorits publiques entament une autre rforme du systme de financement du logement dont limportance demeure considrable par les sommes en jeu et les consquences long terme. La cration dun nouveau march hypothcaire, avec la mise en place dune Caisse de Refinancement hypothcaire (CRH) (qui devient en 1999 la Caisse de Refinancement de lHabitat) a pour but de drainer vers le secteur de limmobilier des ressources longues, jetant ainsi les bases dun grand march du financement du logement. Lactivit immobilire, dpendant des financements de crdits bancaires, devrait connatre des changements conscutifs ces nouvelles pratiques financires. Ce travail de recherche sinscrit dans une analyse de lvolution du crdit immobilier sous leffet des transformations de lenvironnement bancaire. Les cadres thoriques de lconomie bancaire et de lconomie immobilire constituent des supports pour apprhender 20

les divers apports et insuffisances de cette mutation volutive de la banque dans le secteur immobilier et le financement de son crdit. Il sagit de mettre en avant la dpendance du secteur immobilier par rapport celui de la distribution du crdit bancaire et la fragilit du secteur bancaire face une crise immobilire. Car limmobilier dpend fortement des sources de financements existantes, surtout le financement bancaire. De plus, le secteur immobilier est aujourdhui ancr dans la recherche du profit guide par le dynamisme de march face une logique de cohsion sociale qui ncessite lintervention des pouvoirs publics.

V) PROBLMATIQUE Toutes ces interrogations amnent poser la question suivante : Quelles sont les implications des mutations financires internationales sur le systme de financement de limmobilier en France ? Cette thse traite de la problmatique du systme de financement de limmobilier, plus particulirement de limmobilier rsidentiel, dans le nouveau contexte dintermdiation commenc au dbut des annes 1980 juste aprs la grande rforme du financement de limmobilier en 1977. Do la question fondamentale des consquences des mutations financires des annes 1980 sur les modes de financement de lconomie immobilire.

Ce travail sarticule autour de deux grandes parties : La premire partie, la transformation des fonctions de distribution et de gestion des crdits bancaires, traite des aspects thoriques et empiriques de loffre de crdits, plus particulirement les crdits immobiliers, afin de montrer les transformations qui ont marqu lenvironnement bancaire au niveau de sa capacit de pourvoyeur financier de lconomie. Elle traite galement les diffrentes approches qui dfendent lide que la nouvelle forme dintermdiation financire, issue des mutations de la fonction bancaire, a amlior la capacit financire des tablissements de crdits bancaires et spcialiss. Ces tablissements ont dvelopp de nouvelles techniques financires et de gestion de crdits en faveur de linvestissement immobilier pour les particuliers acqureurs et pour les petites et moyennes entreprises promoteurs, agents immobiliers et marchands de biens immobiliers.

21

La seconde partie, les consquences des nouvelles conditions daccs au crdit immobilier, analyse les contours de la demande de crdits immobiliers. Dautres approches affirment que la nouvelle forme dintermdiation financire implique dautres risques pour les acteurs qui ont des besoins de financement. Le nouveau march de financement de crdits immobiliers peut engendrer un enchrissement des prix par la spculation, crer des foyers dendettement du fait des facilits doffre de crdit, et conforter les autorits publiques dans leur politique de dsengagement pour le financement des logements sociaux.

22

Mthodologie de la thseCe travail va sappuyer sur des tudes et ouvrages qui ont t effectus au niveau national par les organismes de recherche et les institutions prives et publiques, ainsi quau niveau international par les grandes institutions travaillant dans le domaine conomique et financier. Nous tudierons surtout les thmes, abords dans ces publications, qui font des interconnexions entre lconomie, la finance, limmobilier. Lexploitation de ces publications sera mene au niveau des sries chronologiques statistiques afin de mieux saisir lvolution des variables microconomiques et macroconomiques qui traduisent les phnomnes qui existent dans le march de limmobilier et son environnement conomique et financier. Nous analyserons les rsultats fournis par ces donnes statistiques (Banque de France, Fdration de Banque franaise, Ministre de lquipement, des Transports et du Logement, Institut National de la Statistique et des tudes conomiques (INSEE)) pour mener des tudes comparatives par rapport aux travaux qui ont dj t faits dans ce domaine. Ainsi, lexploitation de ces sries statistiques dans la chronologie temporelle permettra de mesurer dune part, les effets de loffre de crdits lhabitat sur la production des biens immobiliers logements et dautre part, leffet des prix immobiliers sur la demande de logement, afin dtablir les corrlations qui peuvent exister entre les taux dintrt, les crdits et la demande de biens immobiliers. Les analyses mthodologiques sur lesquelles nous allons fonder nos raisonnements vont nous conduire cerner et dterminer lefficacit ou non de la nouvelle forme dintermdiation financire dans la construction immobilire. Cette approche qui sera la fois macroconomique et microconomique, permettra didentifier les stratgies dintervention de ltat dans le financement immobilier et limplication du secteur bancaire et financier dans le financement du secteur immobilier. Nous serons amens dans notre dmarche effectuer des comparaisons de stratgies de financement immobilier entre ce qui se fait en France et dautres pays qui ont connu des mutations financires similaires la France dans les annes 1980. Enfin, travers les analyses et les arbitrages mens dans cette thse, nous dterminerons la place quoccupe maintenant le march des capitaux financiers dans le financement immobilier afin de comprendre plus prcisment : dans quelle mesure lactivit de la construction immobilire peut tre alimente financirement par le march des capitaux financiers qui connat des sries de transformations du fait de rformes structurelles et dvnements conjoncturels ?

23

PREMIRE PARTIE : LA TRANSFORMATION DES FONCTIONS DE DISTRIBUTION ET DE GESTION DES CRDITS BANCAIRES

24

Introduction de la premire partieLe financement de limmobilier que ce soit pour limmobilier dentreprise ou pour le logement reste trs diversifi puisquil repose en mme temps sur les dpts vue et terme collects par le systme bancaire et les caisses dpargne, sur le recours au march montaire et au march financier ainsi que sur le rescompte pour des crdits court et moyen terme. La demande de financement est effectue, soit par les promoteurs-constructeurs pour la mise en place de leur projet doprations de constructions, soit par les acqureurs pour la construction dun logement ou pour lachat dun logement neuf ou ancien, destin lhabitation ou la location. Les bailleurs sociaux peuvent galement demander des prts bancaires, en dehors des aides et des subventions de ltat. En matire de financement, les oprations peuvent seffectuer de faon interne ou externe. Les agents conomiques (entreprises ou mnages) qui ont recours au financement interne disposent dune capacit dautofinancement ou cash flow qui leur permet de ne pas tre sous lemprise ou la contrainte des institutions de crdit. Le niveau dinvestissement des agents conomiques est dtermin par leur capacit dautofinancement en ce quelle est rvlatrice de leur niveau dendettement, et lorsque le montant de leur besoin en investissement dpasse leur pargne ou leur fonds propre les agents conomiques vont solliciter un financement externe pour combler leur dficit de financement. Ainsi, lagent conomique va se retrouver en position de besoin de financement et va donc solliciter un financement complmentaire auprs des intermdiaires financiers ou bien des marchs des capitaux financiers. Cette sollicitation externe des agents conomiques sera la base de toutes nos analyses et plus particulirement de loffre et de la demande de financement immobilier. Ltude de ce financement externe nous permet de saisir et dapprhender au mieux la raison dexistence des banques et limpact des marchs financiers sur le financement des secteurs de lconomie. Daprs les travaux de John Gurley et Edward Shaw24, lconomie peut tre finance de trois manires fondamentales : - tout dabord le financement direct o les agents excdentaires, en loccurrence les mnages qui dgagent une pargne, achtent directement des titres primaires mis par les agents dficitaires, notamment les entreprises qui ont un besoin de financement pour leurs investissements.

24

GURLEY John et SHAW Edward, Money in a theory of finance , 1960, traduction : La monnaie dans une thorie des actifs financiers , Cujas, Economica 1973.

25

Ce financement direct seffectue sans lintervention du systme bancaire et des pouvoirs publics dans une conomie dite ferme ; - ensuite, il existe le financement indirect avec la base la cration montaire par les institutions bancaires. Lagent qui a un besoin de financement, met des titres primaires que linstitution bancaire acquiert dabord en contrepartie en crant de la monnaie par une ouverture de crdit pour lagent qui a mis les titres primaires ; - enfin, le financement non montaire par lmission de dettes indirectes ou secondaires, par les institutions financires qui captent les ressources des agents excdentaires pour se refinancer. Auparavant, ces institutions financires ont acquis des titres de la dette primaire mis par les agents dficitaires, quelles financent par les ressources de refinancement captes sur les agents excdentaires. Les travaux de John Gurley et Edward Shaw, nous amne poser la question de la raison dexistence des intermdiaires financiers ou des banques dans le financement de lconomie. Dbat classique et contemporain sur les fondements de la thorie bancaire dont Sylvie Diatkine a effectu une approche en montrant que : selon Schumpeter, les banques doivent financer les investissements en innovation et la croissance. Elles ne se limitent donc pas au prt de court terme et lencaisse de transaction mais interviennent dans la cration de capital circulant et fixe. 25. Sylvie Diatkine montre galement lopposition entre la vision smithienne et schumptrienne sur le rle du crdit bancaire dans le processus de lvolution conomique. Pour Adam Smith, seule lpargne peut financer les investissements et lemprunt bancaire ne peut financer que lencaisse de transaction et non la formation de capital26. Contrairement Adam Smith, pour Joseph Schumpeter, les banques financent la cration de capital fixe et circulant. Elles vont leffectuer par la cration de nouveaux moyens de paiement et non partir de lpargne pralable mobilise et de ce fait la monnaie va se transformer en capital. Selon la vision de Joseph Schumpeter, la condition de la mise en uvre des innovations est donc la monnaie de crdit27. Pour lui le systme bancaire doit financer linnovation et promouvoir lvolution conomique. Les banques doivent innover en matire de financement et ne pas se cantonner dans leur fonction pure et simple de transformation de lpargne ou dintermdiaires financiers. Le systme bancaire est en mutation vers ce type de systme, notamment le financement des projets long terme qui sollicite dautres moyens de financement et la capacit des banques mieux valuer et prendre plus de risques.25

DIATKINE Sylvie, Les fondements de la thorie bancaire : des textes classiques aux dbats contemporains, ditions DUNOD, Paris, 2002, p. 37. 26 id., p. 39. 27 ibid., p. 39.

26

Lensemble des rflexions de la thorie bancaire reconnat ces quatre fonctions qui sont propres aux banques savoir : - la gestion et lorganisation des moyens de paiement (oprations de change, dpt vue, transaction des valeurs des tiers) ; - la gestion et transformation financire (rle de conseiller financier) ; - le levier de la politique montaire par le contrle du crdit ou des taux dintrts ; - la mission dassurance contre le risque de dfaillance des emprunteurs. Arnaud De Servigny et Ivan Zelenko rsument lactivit bancaire en trois thmes qui regroupent les fonctions de la banque : La discussion thorique sest concentre sur trois aspects fondamentaux de lactivit bancaire, se rapportant tous la notion dintermdiation : lintermdiation linformation. . Ces trois lments dfinissant le rle fondamental dune banque, cest--dire lintermdiation qui est la transformation qualitative de toutes les caractristiques des dpts collects, notamment la transformation des chances, de la liquidit et des risques. Si la vision classique de la raison dexistence des banques tente dapporter une rponse, il nen est pas de mme pour la vision noclassique de lintermdiation financire qui donne une rponse plutt partielle. Les thories de la microconomie financire montrent que cest partir du relchement de certaines hypothses que des approches nouvelles concernant la raison dexistence des banques ont t mises en perspectives. Elles fondent alors une approche transactionnelle o les imperfections des marchs financiers entranent des cots de transaction*; de mme que lhypothse dincompltude des marchs* lie lasymtrie dinformation* qui entrane des comportements qualifis dopportunistes et des cots provoqus par lincertitude lis la recherche dinformation ou la valeur dun actif. Lvolution des systmes bancaires conduit la remise en question des domaines dintervention des institutions bancaires et financires dans le financement de lconomie et plus particulirement de la construction immobilire. Lintervention des institutions bancaires dans le financement intermdi tait la base de la raison dtre des banques, elle permettait un ajustement entre les excdents et les besoins de financement. En outre dans leur fonction de gestionnaire de lpargne liquide les banques favorisent une meilleure mutualisation des cots de transaction et du risque de taux individuel. Dans le financement de lconomie, les banques effectuent une meilleure slection des projets, un contrle beaucoup plus efficace de28

de

la

liquidit,

lintermdiation

du

risque,

lintermdiation

de

28

De SERVIGNY Arnaud et ZELENKO Ivan, conomie bancaire, ditions Dunod, Paris, 1999, p. 37.

27

lemprunteur et une facilit dans la diversification du risque de crdit. Cette intervention traditionnelle est remise en question au dbut des annes 1980 avec la mutation de lintermdiation financire. Jusque dans les annes 1980, la France tait dans un systme dconomie dendettement, dans la mesure o les agents conomiques finanaient leur investissement par emprunt auprs des organismes bancaires. Les agents conomiques profitaient des taux dintrt rels dbiteurs relativement faibles du fait de lhyper-inflation qui rendait parfois les taux dintrt rels ngatifs. Cest lune des raisons qui faisait que le march financier tait peu frquent lavantage des financements intermdis. Lorsque dans les annes 1980, les taux dintrt augmentent rendant les emprunts bancaires beaucoup plus chers, les agents conomiques allrent solliciter le march financier pour une alternative au financement bancaire. Cependant lessor des marchs financiers tardait et la recherche dune alternative aux dpts nvoluait pas face aux crdits qui devenaient de plus en plus coteux. Les soucis des pouvoirs publics taient plutt de combler un dficit budgtaire par mission dobligation sur le march financier et une orientation de la politique montaire menant labandon de lencadrement du crdit en 1986. Il apparat alors un vaste mouvement de drglementation qui va rorganiser le march des capitaux et le march bancaire franais, permettant au march financier de remplir certaines des fonctions auparavant dvolues aux intermdiaires financiers, mettant ainsi en cause les spcificits des banques. Cest au fur et mesure dun processus de libralisation financire que la France, comme les autres pays occidentaux, allait connatre lessor des marchs financiers aprs une internationalisation de la dette publique devenue plus liquide, une ouverture de son march montaire et le dveloppement des produits drivs. Cette mutation du systme financier franais allait attirer les convoitises des gestionnaires institutionnels de lpargne financire. Cette libralisation des marchs allait passer par un dcloisonnement et une dsintermdiation des structures de financement de lconomie. Cette dsintermdiation bancaire ne signifie pas un dmantlement du secteur bancaire, car les banques conservent toujours un rle dterminant dans les circuits de financement, il sagit dune volution de la nature de leurs activits bancaires. Certaines oprations qui se droulent dans le march financier sont parfois organises par les banques qui parviennent toujours rapprocher les prteurs et les emprunteurs. Cette mutation du systme financier franais nallait pas tre sans consquence, sur le comportement doffre de crdit des banques et des institutions spcialises dans la distribution de crdit spcifique comme celui de limmobilier. La question du financement immobilier ne pouvait donc pas demeurer insensible ce bouleversement des pratiques financires. De plus, cette mutation financire a aussi modifi la structuration des variables macroconomiques 28

telles que le taux dintrt, le taux dinflation, les revenus et la situation de lemploi. Or le bouleversement de certaines de ces variables agit sur les comportements dinvestissement donc de demande de crdit tant au niveau des particuliers ou des entreprises quau niveau des pouvoirs publics. Le niveau des taux dintrt est trs dterminant sur loffre globale et la demande globale de prts immobiliers ou hypothcaires. Jean-Jacques Grannelle montre travers deux modles explicatifs que le march hypothcaire squilibre, loffre galant la demande et par consquent le problme de la disponibilit du crdit ne se pose pas. Il montre que le march hypothcaire serait en dsquilibre court terme en cas de rationnement du crdit29. Cest la raison pour laquelle une approche thorique du rationnement et de la disponibilit du crdit bancaire permettra de mieux comprendre la notion de crdit ainsi que la base et les consquences du rationnement du crdit dans lenvironnement des tablissements de crdit. Ainsi, une valuation du taux dintrt pour la recherche de lquilibre entre loffre et la demande de prts hypothcaires implique galement une valuation de lensemble des lments (dure du crdit, apport personnel, fixit ou variabilit du taux, les modalits de remboursement) qui structure la notion de crdit. Les prts immobiliers ou hypothcaires sont des prts qui sont garantis par une sret relle, en loccurrence un bien immobilier servant dhypothque. La France fait figure dexception par rapport aux autres pays en acceptant aussi la caution comme garantie dun prt immobilier. Les prteurs tiennent beaucoup lvaluation du risque de lemprunteur vis-vis du prt. Ce qui veut dire que la situation financire et sociale de lemprunteur joue beaucoup sur la dcision doctroyer un prt immobilier. Do, une valuation de la qualit de lemprunteur est un pralable toute dcision de prts immobiliers du fait surtout de la somme importante prter et de la dure des prts. Cependant, mme si lemprunteur est de qualit, une baisse des taux dintrt conscutive une politique de stabilisation des prix (matrise de linflation), amnerait les emprunteurs rengocier leur prt hypothcaire. De plus un effet de richesse* supplmentaire pourrait amener les emprunteurs anticiper le remboursement de leur crdit. Cest pourquoi les tablissements de crdit allaient dvelopper des instruments de gestion de risques attachs aux crdits. La France institua par la loi du 23 dcembre 1988 la cration de Fonds Commun de Crances (FCC), servant de vhicule pour la titrisation des crances qui permet le transfert des risques de crdit (taux, liquidit, insolvabilit) vers dautres cranciers. Ce mcanisme devient aussi un instrument de refinancement pour les tablissements de crdit sur le march financier. Cet instrument ne sera pas le seul utilisGRANELLE Jean-Jacques, conomie immobilire : analyses et applications, ditions Economica, Paris, 1998, p. 259.29

29

par les tablissements de crdit pour se refinancer sur le march financier. Cest ainsi que le nouveau march hypothcaire verra le jour avec la cration de la Caisse de Refinancement de lHabitat (CRH) ancienne Caisse de Refinancement Hypothcaire en 1985 pour un refinancement sur le march obligataire pour des prts pour lacquisition de logements. Les tablissements de crdit qui ne sont pas actionnaires de la CRH peuvent mettre des emprunts obligataires leur nom sur le march financier afin de refinancer les prts octroys. De mme, depuis la loi du 25 janvier 1999, par le truchement des Socits de Crdit Foncier, certains tablissements de crdit peuvent mettre des obligations foncires scurises comparables aux Pfandbriefe30 allemands. Il sagit de comprendre les modes de refinancement en France et dans les pays comme lAllemagne avec les Pfandbriefe, le Canada avec la Socit canadienne dhypothques et de Logement (SCHL) et les tats-Unis avec les Real Estate Investment Trusts (REITs)31.

Du moment quil apparat une mancipation de lenvironnement financier des fonds dinvestissement immobilier guids par une recherche permanente de taux de rendement importants, le secteur immobilier en France est-il pargn par cette mutation financire ? Avec le dveloppement de la financiarisation de lconomie mondiale, il apparat, dans le march de limmobilier en France, de nouvelles offres de financement intgrant des techniques et des pratiques trs utilises dans les marchs financiers.

En Allemagne : Les banques hypothcaires sont spcialises dans loctroi de crdits immobiliers long terme et de prts communaux destins au financement taux fixe des pouvoirs publics en investissements infrastructurels. Le refinancement seffectue par lmission de deux types de Pfandbriefe: les Pfandbriefe publics (ffentllche Pfandbriefe) pour le refinancement des prts communaux et les Pfandbriefe hypothcaires (Hypothekenpfandbriefe) pour les refinancements des prts hypothcaires. Ces deux titres forment, avec les emprunts dtat, le segment le plus important du march obligataire allemand . Dans le rapport annuel de la Fdration des Banques Hypothcaires Allemandes, Le Pfandbrief : Faits et donnes sur le plus important march obligataire europen , 4me dition, Bonn, 1999, p. 2. www.hyperverband.de/publicity.vdh/internet.nsf/0/C637F3D612ECA62BC12570B5003CAE80/$FILE/verband_ publ_fb_1999_f.pdf 31 Une socit d'investissement dans l'immobilier (REIT) est une compagnie qui investit ses capitaux dans des proprits immobilires. Un REIT est une compagnie qui achte, dveloppe, contrle et vend des biens d'immobilier. Les REITs permettent des participants d'investir dans des proprits immobilires.

30

30

Dans ce nouveau contexte financier, quelles sont les consquences de la mutation du systme financier sur loffre de financement de lactivit immobilire ? Dans cette premire partie, nous dvelopperons :

- au premier chapitre : les fondements et les mutations du systme dintermdiation financire, afin davoir une lecture des modles thoriques des diffrents rapports qui existent entre les acteurs bancaires et les emprunteurs,

- au deuxime chapitre : les nouveaux mcanismes de financement et de gestion des crdits immobiliers, aprs la transformation du systme classique dintermdiation bancaire.

31

Premier Chapitre

LES FONDEMENTS ET LES MUTATIONS DU SYSTME DINTERMDIATION FINANCIRE

Introduction du premier chapitreLes fondements de lintermdiation financire posent la question de la raison dexistence des banques. Dans la thorie bancaire, les thmes de rflexions tournent autour des fondements de la fonction bancaire. De nombreux dbats ont apport de nouveaux cadres conceptuels incorporant de larges thories macroconomiques et microconomiques. Sylvie Diatkine note que : Ce nest que dans une priode rcente, en fait, que la place du crdit bancaire et le rle du systme bancaire dans lquilibre macroconomique et la transmission des effets de la politique conomique ont t de nouveau lobjet dtudes() Paralllement, la thorie bancaire sest donne de nouveaux fondements microconomiques en remettant en cause le paradigme de linformation complte et de lexistence dun systme complet de marchs qui aboutissait considrer le systme financier comme neutre et sans action sur le secteur rel la suite du thorme de Modigliani-Miller (1958). 32. Les thories bancaires traditionnelles et modernes, plus particulirement les travaux de Douglas Diamond et Philip Dybvig33ont beaucoup contribu dvelopper et entretenir ces dbats. Ces thories bancaires classiques et modernes montrent quen raison des imperfections des marchs et des com-

32 33

DIATKINE Sylvie, op., cit., p. 1. DIAMOND Douglas W. et DYBVIG Philip H., Bank Runs, Deposit Insurance, and Liquidity, The Journal of Political Economy, Vol. 91, n 3, June 1983, pp. 401-419.

32

portements face aux risques, les prteurs prfrent lintervention des intermdiaires financiers pour le financement indirect des agents emprunteurs. La thorie financire moderne tente de montrer que les intermdiaires bancaires permettent de rduire les cots de transactions en les rpartissant dans lensemble de leur opration par le fait de leurs moyens tant humain que matriel. De plus, les intermdiaires ont moins daversion pour le risque par rapport aux prteurs individuels. Ils ont la capacit de mutualiser les risques du fait des volumes de leurs transactions et de leur aptitude effectuer des placements diversifis. Dans cette optique la thorie bancaire a beaucoup tudi les divers risques qui peuvent branler la stabilit du systme bancaire. Sylvie Diatkine constate chez Adam Smith que le risque de dfaut ou de crdit tait le seul pris en compte dans ses analyses comme tant le risque principal auquel le systme bancaire pouvait tre confront34. Elle montre galement quHenry Thornton a plus particulirement tudi le risque de liquidit et le risque de solvabilit en posant le problme dune banque centrale comme prteur ultime et la mise en place dune vritable politique bancaire pour faire face aux crises35. Lapproche de Thomas Tooke pose le problme fondamental des cycles conomiques, des cycles du crdit et de linstabilit bancaire en analysant les crises bancaires de solvabilit qui sont conscutives aux disfonctionnements du systme de crdit36. Selon Irving Fisher, les banques sont de simples intermdiaires financiers37. Pour lui le crdit nest pas associ la cration montaire mais lpargne selon la thorie classique : Le crdit nest pas li la monnaie que les banques crent mais lpargne (Fisher 1935, p. 75). On retrouve donc le socle de la thorie classique puisque les investissements et les prts bancaires ne sont possibles qu partir dune pargne pralable dpose chez elles, (), Les banques deviennent de simples intermdiaires financiers entre pargnants et investisseurs. 38 Il faut distinguer deux fonctions fondamentales de la banque : - la transformation de lpargne ; - la cration montaire. Avec la transformation progressive du systme bancaire en France, et au niveau international les fonctions bancaires voluent, en sadaptant au nouveau contexte financier, et en dveloppant de nouvelles pratiques de gestion qui tendent vers luniformisation.34 35

DIATKINE Sylvie, op. cit., pp. 13-36. id., pp. 67-103. 36 ibid., pp. 105-132. 37 ibid., pp. 133-153. 38 ibid., p. 151.

33

Selon Jean-Pierre Faugre et Colette Voisin : Luniformisation concerne aussi les modes de collecte des ressources par les institutions financires. En effet, le cloisonnement du systme financier se traduisait principalement par lexistence de formes privilgies de collecte de ressources ; lexemple le plus net est lexclusivit confre aux Caisses dpargnes et au Crdit mutuel, de livrets dfiscaliss. Le dcloisonnement sest donc manifest par la banalisation des produits : de nouvelles formes de collecte des ressources sont cres dans lensemble des tablissements de crdit. 39. Se dveloppent de nouveaux concepts thoriques de la banque bass sur de nouveaux fondements microconomiques qui constatent des asymtries informationnelles et un systme incomplet de marchs. La gestion de linformation par les institutions de crdit devient dterminante dans lquilibre du march du crdit ainsi que dans sa structuration. Cette nouvelle microconomie du march du crdit intgre dans son analyse le caractre priv et confidentiel de linformation bancaire comme tant un savoirfaire de lanalyse des contrats de prt pour tablir lexistence dune structure de march et dun mode de dtermination des prix propres au march du crdit. Nanmoins, quelle que soit la nature du savoir bancaire, il existe toujours des imperfections sur la mesure du risque de crdit du fait de la nature opaque des projets des emprunteurs qui provoque des dsquilibres dans le march du crdit. Il est important dapprhender dans lanalyse la relation entre la thorie de lintermdiation financire et celle du rationnement du crdit pour connatre la nature du savoir bancaire. Tout projet dinvestissement immobilier demande lobtention de crdit dont lacquisition ncessite lintervention des institutions bancaires. Ce chapitre aborde la problmatique pose par les thoriciens de lconomie bancaire sur la raison dexistence des banques en montrant que dans une conomie de march, il peut exister une activit dintermdiation en concurrence de la finance directe. Le dveloppement des marchs des capitaux prend de plus en plus la place de lintermdiation bancaire. Devant ces transformations les institutions bancaires redfinissent leur mtier de banquier traditionnel en sorientant vers des politiques de gestion du crdit et des risques, adaptes au systme de march financier. Elles dveloppent des oprations de financement comme le crdit montaire, la collecte de ressources et la gestion de portefeuille. Les oprations de crdit correspondent tous les types de prts court, moyen et long terme pour le financement des investissements dentreprises ou des mnages, allant de la consommation, linvestissement mobilier ou immobilier. Les oprations de collectes de ressources reposent sur les missions dactions nouFAUGRE Jean-Pierre et VOISIN Colette, Le systme financier franais : crises et mutations, 2me dition, ditions Nathan, Paris, 1994, p. 97.39

34

velles par une augmentation de capital, les emprunts obligataires sur le march financiers ou les emprunts montaires sur le march interbancaire ou montaire. En plus, les banques continuent deffectuer les oprations classiques de collectes des dpts vue ou dpargne financire. Ces ressources nouvelles quelles drainent, sont prtes dans le cadre de leurs activits moyennant des revenus financiers. Pour la recherche dune structure optimale de leur bilan, les banques dveloppent des oprations de gestion de portefeuille qui leur permet de rsoudre les difficults de liquidit. La rflexion par rapport cette situation, nous amne nous interroger sur la nature et lvolution des transformations intervenues dans le secteur bancaire, afin de pouvoir mener une autre rflexion qui va nous conduire de nouvelles approches sur limmobilier et son financement.

Ainsi, il est important danalyser ce qui justifie la fonction dintermdiation financire dans le processus de mutation du systme financier ? Dans ce chapitre, nous aborderons : un aperu des dbats contemporains et modernes de la conception thorique de lintermdiation bancaire : une revue de la littrature (Section 1), lanalyse des contours du crdit bancaire : le rationnement et la disponibilit du crdit (Section 2), ltude des raisons de laffaiblissement ou de la mutation de lintermdiation bancaire en France (Section 3) et la situation du crdit immobilier dans la nouvelle forme dintermdiation financire (Section 4).

35

Section 1 : Aperu des dbats sur la conception thorique de lintermdiation bancaire : une revue de la littratureLanalyse des modles thoriques de lintermdiation bancaire ncessite la comprhension de la conception de la notion dintermdiation afin dapprhender les raisons dexistences des banques. Les dveloppements de la thorie bancaire posent ltude du traitement de linformation dans le cadre de lintermdiation bancaire. Dans ce processus dvolution de lintermdiation financire bancaire, les institutions de crdits bancaires et non bancaires doivent trouver des solutions face aux diffrentes sortes dimperfections informationnelles. Cette recherche de solution ncessite le dveloppement de thories et de pratiques bancaires afin de dterminer un environnement financier des banques moins risqu. Do, la question de connatre les principales fonctions alloues aux banques et leurs raisons dtre travers les fondements des thories financires bancaires classiques et contemporaines. Nous tudierons dabord la conceptualisation de la notion dintermdiation, puis les fonctions attribues aux intermdiaires financiers.

-1 : Conceptualisation de la notion dintermdiationLimpact des facteurs financiers dans les activits dintermdiation financire fait lobjet dun dbat dans les littratures conomiques et financires. John Gurley et Edward Shaw40 ont largement contribu lavancement des travaux sur lapproche thorique de limplication des phnomnes montaires et financiers dans les activits bancaires. Avant les travaux de John Gurley et Edward Shaw en 1960, dans leur tude intitule Money in a theory of finance , la thorie bancaire dans son ensemble faisait toujours la distinction entre les banques, les compagnies dassurances et certaines institutions financires. Sil existe des dissemblances entre ces entits financires (banque, compagnie dassurance et institutions financires), la nouvelle thorie bancaire est parvenue les regrouper autour dune seule activit : lintermdiation financire. Pour John Gurley et Edward Shaw qui ont propos le cadre conceptuel de lintermdiation financire, (en faisant la distinction entre financement primaire, ou direct, et financement secondaire, ou indirect) il ne faut pas distinguer les intermdiaires financiers bancaires et les intermdiaires financiers non bancaires, du fait que leur rle est le40

GURLEY John et SHAW Edward, op. cit.

36

mme. Lintermdiation financire est unique dans lachat de dette primaire (crdits, titres) et lmission de dette secondaire (quasi-monnaie, monnaie). Les caractristiques principales de lintermdiation se manifestent par la prsence dun tiers dans un environnement o les dsirs demprunt et de prt sont incompatibles dans leurs formes. Les intermdiaires financiers sinterposent entre les agents conomiques en ajustant loffre de capitaux la demande entre les agents capacit de financement (prteurs) et les agents besoin de financement (emprunteurs) dans le cadre pargne-investissement. Lanalyse des dsquilibres qui se manifestent dans les comptes individuels des agents conomiques dans le systme financier, donne une meilleure lecture et une bonne apprhension du concept dintermdiation financire. Les agents conomiques, dans leurs activits habituelles, ont des excdents ou des dficits dans lquilibre de leur compte. Les agents excdentaires ayant une capacit de financement importante cherchent des emplois pour le solde positif de leurs revenus sur leurs dpenses. Cependant, les agents dficitaires cherchent des moyens de financement pour effectuer des investissements qui dpassent leurs moyens financiers. Cest donc, ce dsir dpargner et ce besoin dinvestir qui crent un march financier o les prteurs et les emprunteurs peuvent se rencontrer. Lanalyse de la dfinition originelle de John Gurley et Edward Shaw permet de mieux comprendre ce concept dintermdiation dans son ensemble savoir : lintermdiation financire consiste en lachat de titres primaires aux emprunteurs ultimes et lmission de dettes indirectes par les prteurs ultimes. Le titre primaire est une dette ou une crance mise par un agent non financier alors que le titre indirect est une dette issue dun intermdiaire. Cependant, dans la suite de leurs travaux John Gurley et Edward Shaw dmontrent lexistence de deux circuits principaux dans le financement de lconomie, par la mise en vidence du choix entre les techniques distributives et les techniques dintermdiation. Ainsi, il sagit de mener une tude analytique des voies de financement de lconomie afin de mieux cerner le concept dintermdiation dans la macroconomie montaire et financire. Il sera distingu en gnral, la voie du financement dite interne qui correspond lautofinancement o lagent dispose suffisamment de moyens financiers pour mener termes tous ses projets sans avoir recours aux crdits et la voie de financement externe qui ncessite le recours aux techniques distributives (financement de march ou finance directe) ou bien le recours aux techniques dintermdiation (financement intermdi ou finance indirecte). Dans le circuit de finance directe, les agents qui sont la recherche de placements longs et risqus pour leurs excdents de revenus peuvent souscrire des titres primai-

37

res du march financier (action, obligation, titre de crance ngociable) mis en contrepartie de capitaux par les agents besoin de financement. Dans le circuit de finance indirecte le dtenteur de capacit de financement place son revenu excdentaire dans un compte rmunr ou non, dans une institution financire qui va grer les fonds en fonction de ses propres critres de gestion. Ces institutions financires deviennent ainsi des intermdiaires financiers entre les agents besoin de financement et ceux capacit de financement en faisant des transferts dpargne montaire (lorsquil y a cration montaire par linstitution financire) ou non montaire (lorsquil y a mission de titres secondaires par linstitution financire). L'conomie de marchs financiers est une conomie dans laquelle l'ajustement entre besoins et capacits de financement s'opre principalement, par une relation directe entre les dtenteurs et demandeurs de capitaux sur les marchs financiers. Depuis les travaux de John Gurley et Edward Shaw et surtout dans le prolongement des travaux de John Hicks41, la finance macroconomique tente de distinguer plusieurs types dconomies financires en fonction des circuits de financement. Daprs John Hicks, il existe dans le systme financier, une conomie de dcouverte (overdraft economy) dans lequel lintervention des intermdiaires financiers est trs dterminante. Il loppose lconomie de fonds propres (autoeconomy) dont le financement ncessite le recours aux marchs financiers. Ce concept d'conomie des marchs financiers est largement dvelopp dans les thories conomiques, par opposition la notion d'conomie d'endettement, dans laquelle les banques par les crdits qu'elles accordent sont les principales sources des marchs dans le financement de l'conomie. Ces deux types de systmes financiers prolongent donc la distinction de base de l'conomie financire entre finance directe et finance indirecte ou intermdie. Suite cette analyse la notion dintermdiation financire reste toujours aussi ambigu. Il faut donc sintresser lconomie de dcouverte propose dans lanalyse de John Hicks pour plus de prcisions. Dans cette conomie de dcouverte, il faut distinguer un rgime financier avec une conomie dendettement opposable une conomie de fonds propres et une conomie de crdit qui est aussi opposable une conomie de march. Quel est le type dconomie qui nous intresse pour cette analyse macroconomique de la finance ? Cest prcisment lconomie financire de crdit. Dans lconomie financire de crdit, le financement est externe et ncessite lintervention dune institution financire l o le financement interne reste trs faible. De

41

HIKCS John, The crisis in Keynesian Economics, Oxford: Basil Blackwell, 1975.

38

plus, ce financement externe intermdi ou indirect correspond des titres de dette auprs des institutions financires par un systme de crdit. Ce systme dconomie financire de crdit sera dclin travers les divers types doprations microconomiques dintermdiation financire : lintermdiation de reprsentation (titre/titre), lintermdiation de transformation (dpts/titres) et cration montaire (crdits/dpts)42.

A) LES OPRATIONS DINTERMDIATION FINANCIRE a) Lintermdiation de reprsentation Cest une opration qui consiste sinterposer entre des vendeurs de titres et des acheteurs de titres. Les ressources collectes par missions de titres servent lessor de crdits eux-mmes reprsents par des titres de crances. Cette opration est surtout effectue par les institutions financires spcialises dont les ressources sont constitues de capitaux propres sinon demprunts sur le march financier. Cette intermdiation de reprsentation se manifeste dune part, par la dure des titres mis et celle des titres acquis qui ne sont pas ncessairement gales et dautres part, pour le prteur, le risque quelle soit dfaillante est plus faible que celui de lemprunteur. Ainsi, le profit ou le dficit de la banque est la marge entre les intrts reus sur les titres acquis et les intrts verss sur les titres mis.

b) Lintermdiation de transformation Cest une intermdiation qui repose sur la collecte de dpts rmunrs. Le principe consiste collecter des fonds par le dpt court terme et doctroyer des crdits long terme. Le souci principal de linstitution financire sera dviter un retrait massif des fonds collects : car, la plupart du temps la dure des crdits est suprieure celle des dpts et que leur taux est fixe. En outre, la rmunration est la marge bnficiaire provenant du diffrentiel dintrts perus sur les crdits accords et les intrts verss sur les dpts. Do, lexistence dun risque de transformation qui peut tre gnr par une fluctuation brutale des taux de dpts en hausse, du fait de la fixit au pralable de certains crdits octroys. Ce risque de transformation se traduit par une rduction des marges.

OTTAVJ Christian, Monnaie et Financement de lconomie, ditions Hachette Suprieur, 2me dition, Paris, 1999, pp. 151-165. De mme, DEBONNEUIL Xavier et OPHELIE Robert, La politique montaire et son contexte conomique, ditions La Revue Banque, 2me dition, Paris, 1989, pp. 160-174.

42

39

Cette fonction de transformation des dpts en titres est une opration qui relve de lexclusivit des banques et des caisses dpargne (loi bancaire de 1984), qui doivent sassurer de ressources suffisantes long terme avant daccorder des crdits les dpts font les crdits . Ces institutions financires autorises recevoir des dpts, peuvent acheter des titres avec les dpts, crer des dpts par lachat de titres. Donc, elles transforment les actifs financiers primaires peu liquides (risqus et long terme) mis par les emprunteurs en actifs financiers secondaires liquides (srs et court terme) demands par les prteurs. Cest e