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58 II. D E c A D E
TRoISIESMES E R M O N.
Deuter. Chap. v 111. y.;.
L'Eternel t'a repeu de Manne, laquelle tu
n'as point cogneuë ni tes peres auſſi, afin de
te faire cognoiſtre que l'homme ne viura pas
de pain ſeulement,mais que l'homme viura
de tout ce qui ſort de la bouche de Dieu.
# Omme la ſeruitude des Iſraelites en Egy43 % - - -
C(# pre eſtoit figure de la ſeruitude de peché,
|# inſſi leur entree en la terre de Canaana
eſte vne migure de l'entree du Royaume des Cteux.
Pourtât l'Eſcriture fort ſouuét parle du Royaume
celeſte comme d'vne autre terre en laquelle iuſti
ce habite. Au cinquieſme de l'Apocalypſe les
vingt-quatre Anciens aſſiſtans deuant le throſne,
diſent à Ieſus Chriſt, Tu nous au fait Rois & Sacrifi
cateurs à noſtre Dieu, & nous reigneronsſurlaterres
leſquels toutesfois ne s'imaginoyent pas vn Em
pire terrien. C'eſt le langage d'Eſaïe au 33. chapi
tre, où parlant du regne de Ieſus Chriſt, il dit, Tes
yeux verront le Roy en ſa beauté, & regarderont la
terre lointaine. Le Prophete Dauid meu d'vn meſ
rſ37.24 me Eſprit, dit au Pſeaume37. quelesiuſlesherite
re : la terre, mais afin qu'on ne s'imagine poiat
--"* - " qu'il
D E S E R M o N s.
x
-3
qu'il parle de ceſte terre où nous habitons , ilad
iouſte, & y habiteront à perpetuité.Auquel paſſage
Ieſus Chriſt ayant eſgard au 5. de S. Matthieu, dit
que Bien-heureux ſont les debonnaires , car ils heri
teront la terre. Or vous ſçauez que Ieſus Chriſt
n'a iamais entretenu ſes diſciples de promeſſes
terEienncs. -
ue ſi vous conſiderez de pres ce qui eſt ad
uenuaux Iſraelites depuis leur ſortie d'Egypte iuſ
qu'à leur entree en la terre de Canaan,vous y trou
uerez vn merueilleux rapport , & reſſemblance
auec ce qui auient aux enfans de Dieu en la vie
preſente, iuſqu'à ce qu'ils paruiennent au Royau
me des cieux. Car Dieu les mcine par vn chemin
rude & plein d'incommodité. En ce chemin il
leur donne ſa Loi. Contre l'ardeur des perſecu
tions il les couure de l'ombrage de ſa prouidence.
Durant la nuict de l'ignorance qui couure la ſace
de la terre, il les eſclaire du flambleau de ſa Porole.
Il leur a enuoyé d'enhaut le pain du ciel qui eſt
noſtre Seigneur Ieſus Chriſt. Lequela eſté eſleué
en Croix comme le ſerpent d'airain au deſert, afin
que tournans vers lui les yeux de noſtre foy, nous
ſoyons gueris des morſures de l'ancien ſerpent.
En ce chemin nous ſommes aſſaillis par les Ama
lechites & Amorrheens, qui ſont les ennemis de
dehors,& les peuples contraires.Sommes trauail
lez de conuoitiſes ardentes, qui ſont vne autre eſ
pece deſerpensbruſlans. Et ceſte chair rebelle eſ
meutſouuent des mutineries, & parle de retour
ner en Egypte. Et tout ainſi que les Iſraelites
eſtans encor au deſert, ont gouſté des fruicts de la
terre de Canaanauant que d'y entret, par leſquels
4o II. D E c A D E
ils ont recogneula bon é & fertilité du païs: ainſi
dés la vie preſente Dieu donne à ſes enfans vm
gouſt de la 1oye & beatitude celeſte, par la paix de
conſcience,& par le teſmoignage de l'Eſpiit d'a
doption, qui eſt l'arrhe de noſtre heritage, & qui
tcſmoigne interieurement à nos eſprits que nous
ſommes enfans de Dieu Et n'a point eſte tans my
ſtere que Dieu n'a pas voulu qu'Abraham , pere
naturel des Iſraelites,prinſt poſleſſió de la terre de
Canaan , & n'a pas permiz que Moyſe porteur de
la Loi introduifiſt le peuple en ceſte terre. Car par
là Dieu nous apprend que ce n'eſt point par la na
ture, ni par l'accompliſſement de la Loi que nous
entrons au Royaume des Cieux. Ioſué eſt celui
quia introduit le peuple en ceſte terre. Or Ioſué
cſt le meſme non que Ieſus , & ſignifie Sauueur.
Seulement Moyſe a mené ce peuple iuſqu'au bord
de la terre, & en a reſigné la conduite à Ioſué. Cat
la Loi nous mene à leſus Chriſt par les figures, &
nousy chaſſe par ſes menaces, afin que nous trou
uions en Ieſus Chriſt ce à quoy nous ne pouuons
paruenir par l'accompliſſement de la Loi.
Mais parmi toutes les choſes aduenuës aux
Iſraelires en ce chemin,laManne de laquelle Dieu
a nourri ce peuple par quarante ans merite vne
particuliere conſideration. C'eſtoit choſe gran
dement admirable de voir partant d'annees chaſ
que matin tomber du ciei vn pain delicieux, en
- telle abondance qu'il ſuffiſoit à nourrir plus de
douze cens mille perſonnes, le ciel ſuppleant au
defaut de la terre.Et que ceſte viande eſtoit bonne
pour les ſains & pour les malades,bonne pour les
enfans & pour les vicillards. Dieu donnantà ce
peuple
DE S E R M o N s. 61
peuple par ceſte nourriture corporelle pluſieurs
iuſtructions ſpirituclles. Car chaque repas de ce
peuple au deſert eſtoit vn Sacrement. Leur table
eſtoit chargee de myſtere,S& chaque cueillette de
Manne leur eſtoit vne leçon. Dont auſſi Ieſus
Chriſt au 6.de ſainct lean, ſe comparant ſoi-meſ
me auec la Manne , s'appelle le pain deſcendu du
ciel. Et au deuxieſme chapitre de l'Apocalypſe
par la Manne cachee eſt entendu le teſmoignage
ſecret de l'Eſprit d'adoption.
Or la fin pour laquelle Dieu a nourri de Man
ne ſon peuple au deſert a eſté double.La premiere,
afin de tenter ce peuple & eſprouuer ſon obeiſſan
ce,cóme il eſt dit au 16.chap. de l'Exode. Comme
en effect par l'vſage de ceſte Manne eſt apparu que
ce peuple ne cheminoit pas de droit pied , & n'e
ſtoit pas de cœur entier enuersDieu.Car plufieurs
d'entr'eux cueilloyent plus de Manne que Dieu Exod,
n'auoit ordonné. Pluſients contre la deffence de 16.4.
Dieu expreſſe enreſeruoyent pour le lendemain,ſe
deffiºns de la continuation de l'aſſiſtance de Dieu.
Et finalement ils ſe ſont degouſtcz de la Manne,
diſans,Noſtreame eſt ennuyee de ce paintant leger.
L'autre fin que Dieu s'eſt propoſé eſt celle qui
eſt exprimce au paſſage que nous vous auons leü,
à ſçauoit afin que ce peuple cogneuſt que l'homme
ne vitpas du ſeul pain, mais de tout ce qui ſort de la Nºéouche de Dreu. . 2I.5.
Pour l'intelligence de ces paroles, faut ſçauoir
que l'Eſcriture ordinairement par le pain entend
toute ſorte de nourriture propre à nous ſuſtenter.
Dés le commencement du monde Dieu a prins
ce mot de pain en ceſte ſignification » diſant
-
62 l I. D E c A D E
à Adam, En laſueur de ton viſage tu mangeras ton
pain, c'eſt à dire,tugaignerasta nourriture. Au 6.
chapitre du ſecond liure des Rois Eliſee conſcille
, au Roy Io1atn dc mettre du pain deuant les Sy
| riens:& cſt adjouſté,qu'illeurft bonne chere. Tou
tesfois eſt à remarqucr que ce mot de pain , en
l'Eſcriture ne ſignific point des friandiſes ni des
cutioſitez, mais la nourriture ſimplé & ordinaire.
Comme au 3o. chapitre des Prouerbes Agur fait
ceſte priere à Dieu,Ne me donne ni pauureté, niri
cheſſes , mais nourri moy du pain de mon ordinaire.
Ainſi en la priere que nous diſons tous les iours,
nous dcmandons à Dieu noſtre pain iournalier,
c'eſt à dire la nourriture ncceſſaire pour chaſque
iour. Car Dieu nc veut pas nous nourrir pour
chatoiiiller noſtre chair, & ſaouler nos appetits
cxceſſifs ou curieux,mais il veut ſubuenir à noſtre
neceſſité.La nature ſe contente à peu;mais la con
uoitiſe n'a point de limites.Lc degouſt ſuperbe &
delicat dedaigne les viandes vulgaires,& a trouué
mille inuentions pour appetcr la viande apres
qu'on eſt ſaoul, & pour reiveiller vne alteration
ſans ſoif. -
Quant à ces mots,tout ce qui ſort de la bouche de
Dieu, iainét Matthieu au quatrieſme chapitre les
-traduit ainſi, L'homme ne viura point duſeul pain,
mais de toute parole qui procede dela bouche de TDieu.
Où par la Parole de Dieu il n'entend pas les Com
mandemens de Dieu,ni la doctrine de l'Euangile,
mais l'ordonnance de Dieu par laquelle il eſpand
ſa benediction ſecrette ſur les viandes S& leur don
ne lavertu de nous ſuſtenter.Ainſi quand l'Apo
ſtre aux Hebrieux chapitre I. dit queº"#J617?
|DE S E R M o N s. 63
|
ſtient toute choſe parſa parole puiſſante par ceſte Pa
role il n'entend pas la Loy de Dieu ni ſes enſei
gncmens: mais ceſte vertu diuine, par la quelle il
ſouſtient le monde, & entretient toutes choſes en
leur eſtre.Le ſens donc de ces mots eſt,que ce n'eſt
pas la viande qui ſeulement & à proprement par
ler ſouſtient & nourrit l'homme, mais la benedi
étion de Dieu qui donne aux viandes la vertu de
nous ſuſtenter,& qui meſme peut nourrir l'hom
me par moyens extraordinaires, quand les ordi
naires defaillent.Dont la Manne çſtvnbel exem
ple , de laquelle Dieu a nourri miraculeuſement
ſon peuple par quarante ans , comme vn pere
nourrit ſes enfans. ll a ſuſtenté Elie par quarante
iours, & Moyſe par deux fois quarante iours ſans i Rºis
manger& ſans boite. Il a fait foiſonncr la farine*7*
& l'huile de la vefve de Sarepta.Le Seigneur leſus
a fait croiſtre le pain entre les mains des Apoſttes,
faiſant contribuer les elemens à fournir la matie
re, tellement que le tout eſtoit moindre que les
pieces qui reſterent, & le pain croiſſoit par la di
minution. .. ll peut ſe ſeruir des mcſchans pour
nourrir les bons. Pouuant employer des Colom- I. Rois
bes pour nourrir le Prophete Elie il a mieux aimé*7ºy employer des corbeaux. • •
Et afin de ne conſiderer point ſeulement les
œuures de Dieu extraordinaires & miraculeuſes,
ne voyons-nous pas en la Nature des preuues ad
mitables de la prouidence de Dieu en la nourri
ture de ſes creatures ? Combien merueilleuſe eſt
la nourriture de l'enfant dans le ventre de ſa mere,
où il attire par le nombrille plus pur duſang& de
la nourriture de ſamcre. il a preparé aux poulets
• • " .
64 II. DE c A D E
enclos dans la coque le jaune de l'œufpour noura
riture, laquelle quand elle commence à dcfaillir,
le poulet ſe remué, & taſche de ſortir, & eſtant
ſbrti de la coque, court incontinent apres la pa
, ſture.Dieu a donné aux lapins, quiviuentésmon
tagnes ſablonneuſes où il n'y a point d'eau,ceſte
proprieté de ſe paſſer de boire. Combien penſez
vous qu'il faille de viande pour nourrir les balei
nes qui ſont d'vne ſi enorme grandeur, iuſques-là
qu'il s'en trouue qui ont cent pieds de longeur?
Leur peſanteur les cmpeſche de courir apres la
proye : elles ne trouuent que du ſable au fonds de
la mer,ce neantmoins Dieu les nourrit à ſuffiſance
par des moyens que nous ne ſçauons pas. Ces
· choſes tant plus elles ſont ordinaires tant plus
· · · ſont-elles admirables : Mais nous,tant nousſom
mes ſtupides,n'admirons que les extraordinaires.
Tout cela ſe fait par ceſte Parole puiſſante, qui
procede de la bouche de Dieu , quieſtend ſa pro
uidence iuſques aux moindres choſes : qui nour
rit les paſſereaux:qui reueſt les lis des champs plus
magnifiquement que Salomon en ſa gloire. Qui
Pſ.147.9.donneau beſtail ſa paſture & aux petits du corbeau
qui crient à lui.OEternel toutes les creatures viuan
Pſ145. tes s'attendent à toy , tu leur donnes viande en leur
J5° temps : tu ouures ta main& elles ſont raſſaſiees de tes
biens. - -
Ces conſiderations nous doiuent ſeruir à nous
repoſer ſur la Prouidence de Dieu touchant la
nourriture & la veſture de nos corps. Car celui
qui eſtend ſon ſoingiuſqu'aux beſtes,le retireroit
il de ſesenfans? Que iugerions nous d'vn maiſtre
qui donne du pain aux bcſtes, laiſſe ieuſner ſes
enfans?
- D É S É R M o N s. 65
enfans ? A ceux auſquels il a enuoyé du ciel le
pain de vie refuſeroit-il le pain corporel qu'il
donne liberalement à ſes ennemis?Nous qui nous
fions en la promeſſe de Dieu pour lareſurrection
de noſtre corps , nous deffierions-nous de ſon
ſoing paternel pour la nourriture de ce corps? Il
veut reueſtir nos ames de lumiere eternelle, com
ment doncrefuſeroit-il à ceux qui le craignent le
veſtement corporel Certainement ceſte defhance
eſt iniuſte. Car le ſeruiteur qui ſeruiroit fidele
ment vn maiſtre riche, auroit mauuaiſe opinion
de ſon maiſtre, s'il craignoit qu'il le laiſſaſtmou
rir de faim. -
- Ce qui nourrit ceſte iniuſte deſſiance eſt la con
uoitiſe exceſſiue qui ne ſe pcut contenter à peu.
Car nous penſons que Dieu n'a pas aſſez de loing
de nous quand il ne ſatisfait pas à nos conuoitiſes.
Veu qu'au contraire en cela meſme ila ſoing de
nous, quand il nous reduit à povreté. Carpar ce
moyen il roigne les aiſles de noſtre inſolence, &
tient la bride courte à nos vains defirs, & nous
exerce à patience,& nousforme à ſobrieté, & fait
que nous regrettons moins ce monde quand il
faut en ſortir, & nous apprend à conuoiter de
meilleurs richeſſes , que rendent les hommes
meilleurs, & qui demeurent à perperuité. Quand
on a dequoi paſſer petitement ceſte vie courte
c'eſt vn grand abus de penſer que c'eſt choſe plus
: heureuſe de prendre d'vn grand tas d'argent que
d'vn petit, comme ſi quelcun ayant ſoif aimoit
mieux puiſer en vne groſſe riuiere trouble qu'en
· vn petit ruiſſeau clair. Certainement vne pauure
té paiſible & innocente,vaut millefois mieuxque
E' * • . : II. D R c.
66 II. D E c A D E,
| Pſ37.16.
1.rim.6 grandgain. Nous n'auons-rien apportéen ce monae, il
des richeſſes turbulentes & ſa s contentçment.
AMieux vaut le peu au tiſte que l abondance de beau
coup de meſchans. , Pieté auec coutentement eſt vn
ºº7 eſt certain que nous n'en pouuons rien emportcr.Eſtant
Matt.6.
33
voyagers& cſttat gers cn ce non#c,il nc nous doit
chaloir en quel equippage nous ſaiſons cc voya
ge , pourueu qu'aucc ioye & en la giace de Dieu
nous parucnions ou bout de la coutſc, Y a-il-p-r
ſonne d'entre vous ſi deſtituce de ſens , qui n'ai
maſt mieux reſſemblcr à Eiic qui viuoit†uention d'vne pauure vefve , qu'au Roy Achabº
Ou qui ne preferaſt la condition de lean Baptiſte,
viuant de ſauterclles & dc miel ſauuage , à cclle
d'Herode : Et qui n'aimaſt mieux comme S. Paul
gaigner ſa vie à coudrc des pauillons , que d'cſtrc
comme l'Empereur Neron , qui ſouloit ſous ſes
pieds les richeſſes du pius grand Empire du mon
de?Cerchezpremierement le regne de Dieu & ſa iuſti
ce,c toutes choſes vous ſeront donnees par diffus. Ne
trauaillez point à vous faire des threlors en la ter
re, faites prouifion dc bonnes œuurcs, amaſſez vn
threſor au ciel. "- · ' > c : C : 72 , c ' : • • • • •
De ces meſmes paroles de noſtre Dieu, noas
apprenons que la vie & le ſouſtice de l'bomme
ne viênt pas de la viandc corporellc, mais de la
bencdiétion de Dicu. Car tout le trauail de
d'homme & tous les moyens qu'il a cn main ſont
inutiles ſans labenediction dc Dieu. Q)g ſrrt de
ourer & enſemencer la tcrre ſi Dieu e'enuoye
ſapluyes& fait leuer ſon ſolcil qui et chauffºlater
re,& ne verſe en la ſemerice la vie vegetariue pour
le faire germer & croiſtre t Souuent il adºient·i .2 a : IIqu'aprcs
* D E S E R M o N s. 67
qu'apres le labeur & les ſemailles, les grandes
pluyes motfondent la terre, ou que leblea qui eſt
femé feiche à fautc de playe, ou qu'vne volee d'oi
faaux l'emporte, ou qu'il cſt eſtoùffe par les mau
uaiſes herb-s. Souuent arriue que quand le bled
monte en eſpic, que les eſpics ne ſont point grc
nus comme de couſtume , ou ſont bruſlez pa, la
nielle, ou qu'viie greſleles fracaſſe, & fait la moiſ
fon deuant le temps. Et apres que le bled eſt reſſer
ré au grenier,adaient qu'il s'eſchauffe & ſe pour
rit,ou que les calendtes le mangent.Qut plus eſt,
lors meſme qu'on a le paiti'eh la bouche & en
l'eſtomach,quelquesfois il ne raſſaſie pas,Dieu lui
oſtant la force de ſubſtanter. Coinffle il eſt dit au
Pſeau:1o5 Il amene la fàmineſur lepais, & rompt la#ººfºrce du pain. Vous'verrez des perſonnes qui ſe
nourriſſent de viandes exquiſes, qui ſont maigres
& pafles, & d'autres nourris de pain d'auoine &
d'eau, qui ſont gras & enbon poinct, pource que
Dieu donne à ceux-ci , & retire de ceux-là ceſte
benediction quidonne vigueur& force aux vian
des. Afin de donner à cognoiſtre que l'homme ne
2vit pas de pain ſeulement, mais de ccſte parole &
ordonnance qui proccde de la bouche de Dieu.
Ainſi Daniel & ſes compagnons n'eſtoyent nour Pºm -
'ris que de pain & de l'entilles , & ncanrmoins
"eſtoyent plus refaits & en meilleur eſtat que les
"autres ieunes Seigneurs, nourris de mets exquis
·qu'on deſſeruoit de la table du Roy.
*i Le meſme ſe peut & doit dire du veſtement.
•Gar il Y en º tremblent de froid en vn habit
'feorré
ReRitchatid durant les froidures, Dieu faiſant que
= # | E 2
, & d'autres qui eſtans legerement veſtus x :
68 I I. D E c A D E -
Pſ4-7.
/
les habits des Iſraelites duraſſent quarante ans
ſans s'vſer, a monſtré que ſa prouidence & bene
dictions'eſtendiuſqu'aux habillemens. Afin que ,
nous diſions auſſi, que l'homme n'eſt pas eſchauf
fé par ſes habits ſeulement , mais par ceſte parole
& benediction procedante de la bouche de Dieu.
Il eſt le meſme de tout le trauail de l'homme,
Si l'8ternelne# la maiſon, ceux qui la baſtiſſent
trauaillent en vain. En vain eſtes-vous matineux &
tardifs à vou coucher, & mangez le pain de taur
ment, mais c'eſt T)ieu qui donnerepos à ceux qui l'ai
ment. Comme il eſt dit au Pſeaume 127. -
Diſons le meſme des medecines, deſquelles on
peut dire que ce n'eſtpoint la medecine ſeule qui
guerit le malade, mais c'eſt principalement ceſte
parole ſortante de la bouche de Dieu qui donne
cfficace aux remedes. Les Medecins vous diront
que les medecinesne profitent pas ſi la nature n'ai
de & ne reſiſte à la maladie. Or ce qu'on appelle
la nature eſt ceſte meſme vertu de Dieu qui aide
& met à profit les remedes. . - -
Ie dis le meſme du trauail que les hommes
prennent à ſe pouſſer aux honneurs& s'auancer
au monde. Car comme il eſt dit au Pſeaume75.
Le ſurhauſſement ne vientpoint d'Orient ns d'Occi
dent, mais c'eſt Dieu qui gouuerne : il abbaiſſe l'vn&
eſleue l'autre. De là vient que quelques-vns s'a
uancent auec peu de peine , & plus qu'ils n'auoy
ent eſperé , comme ſi le bon-heur les cerchoit:
. mais aux autres tout reüſſit àrebours, & pluſieurs
ſe rompent le col en voulant monter. Pluſieurs
diſent, qui nou fera iouir de fºrce biens ? O8ternal
fºyleusrſurnoula clartéde ia facf.,cº#- dit- * - , - •
- D E SE R M o N s. 69
dit le Seigneur au 12.chapitre de S. Luc, Combien zu Ix
que les biens abondent à quelcun,ſi eſt ce qu'il n'apau 15
la viepar ſes biens.
Il eſt le meſme de la guerre & de l'euenement
des batailles, lequel depend non de la force de
l'homme,nide la multitude d'hommes & de che
uaux,mais de la faueur de Dieu,qui eſt le Dieu des
batailles,qui donne courage auxvns, mais eſton
nement, trouble & deſordre aux autres, ſelon les
arreſts de ſon conſeil ſecret. Comme il eſt dit au
Pſeaume 33. Le Royn'eſt pointſauuépar vnegrande
armee, & l'homme puiſſant n'eſchappe point par ſa
fºrce. Le cheual faut à ſauuer : Mais l'œil de l'E
ternel eſt ſur ceux qui le craignent & qui s'attendent
àſagratuité. On enuironne vne ville de foſſºz
& de remparts, on poſe les gardes aux pottes,&
les guettes veillent durant la nuict : Mais il ya vn Pſ 121.4.
autre œil qui veille, qui garde Iſrael & ne ſom
meille iamais, & appoſe ſes Anges pour gardiens, Pſ.34.8.
duquel deſpend noſtre ſeureté & conſeruation.
Lequel ſi vous inuoquez ardemment,& le ſeruez
fidellement,il continuera enuers vous ſon ſecours
& aſſiſtance ordinaire,& vous conſeruera ſa Pa
role. Mais ceux qui trauaillans à garder & forri
fier vne ville viuent profanement, & par deſbau
ches,par rapines & yurongnerie,eſloignent d'eux
la protection d'enhaut, reſſemblent à vnhomme
qui couure le corps d'vne armure complette, mais
met dans ſoncorps du poiſon. Ce que ie dis auec
crainte, pource que ces vices regnent au milieu
de nous, & que l'interdit ne ſe cache plus ſous la
tente, mais eſt exposé en public , & haſte le iour
de vengeance , & eſt vn mauuais augure pour
l'aduenir. E-3
*A
7e II. D E c A D E "
.. Partant d'exemples l'Eſcriture nous monſtre
que noſtre vie & le ſuccez dc noſtre trauail ne
procede pas de l'abondance des biens ni de noſtte
induſtrie,mais de la benedoction de Dieu. Pour
ceſte cauſe noſtre Seigneul Ieiiis nous a comman
dé de demander à Dieu noſlré pain quotidien. Cat
par là non ſeulemcnt il eus de fend de touhaiter
le pain d'autrui, mais auſſi en rous cammandant
de demander le pain qui eſt deſia noſtre , & que
- nous auons entre mains , il nous enſeigne que le
pain que nous auons & que nous appelons noſtre,
n'eſt point noſtre ſans la benediction de Dieu.
C'eſt ce qu'enſeigne l'Eccleſiaſte au 6.chap. Il ya
(dit-il)vn mal que t'ai veu ſous le Soleil,à ſeauourqu'il
y a tel homme auquel Dieu donne des richeſſes tant&
us mais Dieu ne l'enfictt pas maiſtrepour s'enſerur.
· · · , Ce qui eſt vanitéé vn malfiſcheux. Vn tel hom
me tecni'aà ſon argent au hcu de s'en ſeruir. llen
c,- ſera le gardien & non le maiſtre : comme il aduint
| à cet auaricieux auquel on derobba le threſor
qu'il auoit caché en terre , & on y mit des chat
bons en la place,leſquels il gatda fort longtempt,
& mouru deuant que ſçauoir que ſon argent n'y
cſtoir plus.lc dis que c ct homme là n'y perdit tien
& n'en deuint point plus pauure,puis que ſon ar
gent luy cſtoit inutile , & qu'il ne ſçeut iamais
que l'on lay auoit deſrobbé.
C'eſt peu de choſe de dire que les richeſſes
ſont inutiles aux vicieux, quand elles ſont deſti
tuees de labenediction de Dicu : car rcſme elles
leur ſont nuiſibles : Elles lcs enflent d'orgueil, les
pouſſent aux d ſbau hes,facilitent l'execution de
leurs conuoi iſes,attirent a ;S'.5
-
DE SE R M o N s. 71
les ſollicitudes, font qu'vn homme deſtourne la
fiance de Dieu pour la mettre en tes richeſſes : Il
poſe ceſte dole d'argent au lieu (aiſ ct, c'eſt à di
re en fon cœur,qoi « ſtoit deſtiné pour eſtre le San
ctuaire de Dieu & ia demeure du S. Eſptit. Car il
n'eſt pas des richeſſes comme des inſtrumens de
Muſique qui appartiennent à vn qui ne s'en ſçait
feruir & n'y a nulle intelligence. Car le mal qui
peut lui en aduenir,c'eſt qu'il pendces inſtrumens
au croc, & qu'ils lui tont inutiles. Mais les ri
cheſſes en la main de celui qui ne s'en ſçait ſeruir,
& ne les employe point à bonnes œ mures , ſont
comme vne efpee en la maiu d'vn futieux : ce ſont
comme filez dont Satan l'enueloppe pour le trai
ner en perdition. - -
Or ce que nous diſons du pain corporel ſe
peut auſſi accommoder au pain ſpirituel de la Pa
role de Dieu,quieſt la nourriture des ames. Car
quand par noſtre predication quelques perſonnes
ſont touchees de repentance,& amences àl'obeïſ
ſance de Dieu,cela ne ſe fait pas par lavertu despa
roles que nous prononçons, ni par le bien dire du
Predicateur, mais par la vertu de l'Eſprit de Dieu
qui donne efficace à ceſte parole. Dont auſſi elle
n'a pas vne meſme vertu ennets tous.Nous exhor
tons,mais Dieu perſuade. Nous enſeignons,mais
Dieu eſt le Docteur des eſprits. Nous eſpardons
ceſte femence,mais c'eſt Dieu qui la fait fructifier.
Nous mettons ceſte clef en la ſerrure , mais c'eſt
Dieu qui la tourne,& ouure nos cœurs, &remué,
& eſmeut nos affections interieures. -
Cependant,mes Freres, quand vous oyez que la
nourriture & le ſouſtenement de l'homme depend
:
- E 4
II. D E c A D E
2 rheſſ.
3- l O,
AMatt.
26.4I.
purement & ſimplement de la benediction de
Dieu,n'entendez pas qu'il ſuffiſe de prier Dieu ſans
trauailler, & demeurer les bras croiſez en atten
dant la bencdiction de Dicu.Car Dieu voirement
veut que nous lui demandions tous les iours no
ſtre pain quotidien : mais auſſi il nous declare par
ſon Apoſtre que celui qui ne trauaille point ne
doit point manger. Le Seigneur nous dit,veillez
&priez, accouplant la vigilance auec la priereiDe
peur que la vigilance ſans priere ne ſoit inutile, &
que la priere ſans trauail & vigilance ne nourriſſe
la pareſſe ſous couleur de deuotion.De telles gens
la terre eſt couuerte, qui par vne deuotion fai
neante font des ſaincts, afin d'eſtre inutiles. Ils
ſe vantent d'auoir des miracles de reſte pour eu
accommoder les autres & faire des œuures de ſu
pererogation , cependant qu'ils viuent du trauail
d'autrui comme freſlons qui mangent le miel des
abeilles. Faut donc quevous ſçachiez que Dieu
veut cnuoyer ſa benedict on ſur noſtre labeur, &
non ſur noſtre oiſiueté. ll enuoye ſa pluye pour
rendre fertiles non les terres qu'on laiſſe en friche,
mais celles qui ſont labourees & ſemecs. Meſ
me auant le peché Dieu aucit mis Adam dans le
jardin d'Eden pour le cultiuer , ne voulant pas
qu'au milieu de la felicité il fuſt ſans occupation.
Combien plus maintenant, depuis qu'à ceſte Loy
de Nature plus ancienne que le peché a eſté ad
iouſtee ceſte punition , En laſueur de ton viſage
, tu mangeras tonpain ? Ne plus ne moins que les
eaux dormantes s'empuantiſſent & corrompent
aisément, air ſi les hommes pareſſeux & faineans
ſe corrompçnt aisémeºt & donnent beaujeu au
diable
D E S E R M o N s. , 73
diable pout les ſeduire. Dauid eſtoit oiſif & ſe
pourmenant ſur le toict de ſon hoſtel , quand il
conuoita Bethſabee.Celui qui n'a rien à faire chez
ſoi diſcourt ordinairement des affaires d'autrui,
& prend plaiſir à meſdire:Qui cſt ce que S.Paul en
la premiere à Timothee chapitre 5. rematque és
ieunes vcfves eſventees, diſant, qu'elles ſont non
ſeulement oiſeuſes, mais auſſi babillardes , & cau
ſantes de choſes malſeantes. Le meſme Apoſtre en
l'Epiſtre à Tite, dit que les Cretains ſont ventres
pareſſeux & mauuaiſes beſtes, accouplant la pareſſe
auec la mauuaiſtié.Au contraire vn homme oc
cupé continuellement à ſon meſtier ou à ſa char- ,
ge en la Republique ou en l'Egliſe, n'a pas le
loiſir de penſer à mal-faire. Le diable dit en ſoi- .
mtſme , ie ne ſçai par où prendre cet homme là,
car il eſt touſiours empeſché. -
Ceci auſſi doit eſtre vne conſolation aux per
ſonnes qui ont peu de moyen pour ſubuenir à la
neceſſité de leur famille. S'ils craignent Dieu &
ſe fient en luy, Dieu leur fera ſentir par effect que
l'homme ne vit pas du ſeul pain,mais de la bene
diction ſecrette qui procede de la bouche de
Dieu. Lequel par vn moyen qu'on ne comprend
pas fait foiſonner le peu de bien du pauure, & fait
que l'huile de la phiole & la farine du coffin ne de
faillent point. Il fait que les corps auec peu de 2.cor.8.
viande ne laiſſent pas de croiſtre & profiter : & en 15.
eſt comme de la Manne, de laquelle ceux qui en
auoyentbeaucoup recueilli n'en auoient point de
reſte,mais ceux qui n'en auoyét recueilli que fort
peu,n'é auoyét point de faute.Sivous voulez vous
döner le loiſir de çóſiderer les families,vousvertez
74 .. II. D E c A D E G -
Du ſens
ſpirituel
de la
Mamme.
des maiſons eſquelles des pauures vefves chargees
d'enfaºs,n'ont pour tout bien que leur aiguille,&
le trauail de leurs mains, leſquelles neantmotns
nourriſſent hóncitemerrt leur famille,& leurs en
fans ſont vigoureux & bien veſtus. Au contraite
onverra des familles qui parmi des grands biens
viuent incommodémcnt;Ce ſont touſiours plain
tes,& vn chagtin continuel, pour vetifier la ſen
tence duSeigneur,quel'homme ne vit pas du pain
ſeulement,mais de toute parole qui procede de labouche de Dieu. - --
Mais il faut ici eſleuer nos eſprits plus hauts &
puis qn'il eſt parlé de la Manne, il eſt expedient de
conſiderer quelles inſtruétions ſpirituelles Dieu
donnoit à ce peuple par ce pain corporel.
1. En premier lieu, Dieu nourriſſantés deſerts
vn peuple qui tendant vers la terre de Canaan ſui
uoit la vocation de Dieu,donnout à entendre que
pendant que nous ſuiurons la vocation de Dieu,
il ne nous deſtituera point des choſes neceſſaires,
& qui meſme és deſerts, où le ciel & la terre ſem
blent conſpirer à faire mourir ſon peuple, il nous
fera trouuer les choſes neceſſaires à la vie , & nc
nous deſtituera point de ſon ſoingpaterncl.
2. ltem en ce que ceſte viande tomboit du
ciel,& ne venoir point de la terre,Dieu enſeignoit
ce peuple & nous auſſi, qu'il nous faut attendre
d'enhant le ſalut & le ſecours parmiles dangers &
difficultez.Afin que deſtournans nos cœurs de la
retre, nous dependions enrierement de ſa proui
dence & nous repoſions ſur ſon ſoingpaternel.
3. Item en ce que ceſte Manne tomboit tous
les iours,auec defenſe d'en faire aucune prouifiºº
pour
D E S E R M o N s.
|
|
pour le lendemain,Dieuvouloit que les Iſraelires
ſe comportaſſent auec lui, comme les enfans auec
leurs peres.Car les enfans demandent à leurs petes
du pain pout l'heure ſeulement,& non pour plu
ſieurs iours.Mais quant aux prouiſions pour toute
l'annce,ils en laiſſent le ſoing à leurs peres & me
1es. - Dieu donc par là apprenoit les Iſraelites à ſe
rcpoſer ſur ſa prouidence. Ce peuple n'auoit pas
receu commandement dc dire tous lcs iours, Dan
ne nousauiourd'hny noſîre pain quotidien, mais Dieu
leur en monſtroit la pratique,& les enſeignoit parexperience. - « 2 -- , • -
• 4 Eſt auſſi à remarquer que la Mannetom
boit au donble à la veille du iour du repos.Qui eſt
vn aduertiſſemét à ceux qui par la vieilleſſe ou par
infirmité de leur corps ſe ſentent 2pprocher de la
mort.Ils ſont à la veille de l'eternel repos, & par
conſequent ils doiuent cueillirau double la Man
ne fpirituelle de la parole, & faire plus de proui
ſion de crainte de Dieu,de foy, de charité, d'inuo
cation du Nom de Dieu, & de meditation de la
doctrine de ſalut.
- 5. Et en ce que ceſte Manne cſtant legere, &
de peu de ſubſtancc,ſuffiſoit neantmoins à nourrir
les corps des Iſraelites par vne ſecrette vertu que
Dieu verſoit en ceſte Manne , nous auons vne
preuue euidente de ce que Dieu dit en ce paſſage,
que l'homzne ne vit pas du pain ſeulement , mais de
toute parcle prccedante de la bouche de Dieu.
6. En ceſte Manne nous auons v e figure de la
Parole de Dieu, en ce qu'elle eſtoir bonne pour
les ſains & pour les malades , pour les enfans &
pour les vieillards,& vne meſme viande ſeraſoit
- !
- -
- •
76 II. D E c A D E
aux riches & aux pauures. Car la Parole de Dieu
ſert à inſtruire les ignorans, & cependant les plus
ſçauans y trouuent a apprendre. Elle ſert à conſo
ler en l'affliction,& à gouuerner la proſperité:El
le cnſeigne à viure ſainctement, & à mourir heu
reuſement:vne meſme parole eſt propoſee aux 1i
ches & aux pauures, aux Princes & aux ſubjects»
& les plus petits du monde y ont eſgale part aucc
les plus grands.
.7. Et de ce que Dieu nourriſſoit d'vne ſeule
viande ce peuple,& ne leur ſeruoit point de diuer
ſité de mers, nous apprenons que Dieu prometà
ceux qui ſuiuent ſa vocation & tendent à l'herita
ge celeſte, non des delices pour ſatisfaire à leurs
conuoitiſes, mais ſeulement ce qui leur eſt neceſ
ſaire pour paſſer & auancer chemin.
8. Et comme la Manne n'a point ceſſé de pleu
uoir du ciel durant le chemin de ce peuple par lc
deſert, mais a ceſſé ſitoſt qu'il a mis le pied en la
terre de Canaantainſi la parole de l'Euangilede la
quelle Dieu repaiſt nos ames en ce pelerinage ter
rien, ceſſºra lors que Dieu nous introduira en la
Canaan celeſte. Car les promeſſes n'auront plus
de lieu,lors que nous iouïrons des choſes promi
ſes,& que nousſerons rendus poſſeſſeurs de l'heri
tage promis,qui eſt vn herirage qui ne ſe diuiſe par
ſortentie les poſſeſſeurs,comme la terre deCanaã,
ains chacun la poſſedera ſolidairement & par in
diuis.Car les biens ſpirituels& eternels ne le diui
sét point en parties,nó plus que la clarté duSoleil.
Receuons donc , mes Freres, cefte Manne de
la Parole de Dieu auec recognoiſſance de la bon
té & liberalité de Dieu, le glorifians de la†
- qu !
D * s * R M o ss.
qu'il nous fait de nous inſtruire en ta Parole, pen
dant que tant de peuples ſont deſtituez de ſa co
gnoiſſance, & prenons ce pain ſpirituel auec aui
dité. Et comme Moyſe mit vn Homier de Manne Exod. 16.
envne cruche d'or,auſſifaut il que nousreceuions
la Parole de Dieu en vncœur pur, qui eſt precieux
& de grand prix deuant Dieu.
Sur tout donnons nousgarde de nousdegouſter
de ceſte Manre ſpirituelle, eſtans aduertis par l'e
xemple des Iſraelites, qui deſgouſtés de la Man
ne, diſoyent , nouſommes las de cepain tant leger,
& regrettoyent les aulx & les oignons d'Egyptet
dont auſſi Dieu les fiappa de grandes playes& les
fit tomber par le deſert. Si Dieu a puni ſi ſeuere
ment le meſpris de la Manne, lailleroit-ilimpuni
le meſpris de ſa Parole ? Certainement il n'ya
point de ſigne plus certain des iugemens de Dieu
qui doiuent bien toſt tomber ſur vn peuple , que
quand on le voïd degouſté de la Parole de Dieu,
& preferant les delices d'Egypte à la Manne ce
leſte, & les gouſſes des porcs au pain de la mai
ſon paternelle. A vn tel peuple il a accouſtumé
d'oſter ſa Parole & la deliurer de la captiuité. Il
enuoye, comme il eſt dit en Amos au8. chapitre,
non point vne faim de pain corporel , mais vne
difette de la Parole de Dieu. Ils trotteront depuis
vne mer iuſqu'à l'autremer, & circuiront depuis eA
quilon iuſques en Orient cerchans la Parole de Dieu
& ne la trouueront point. Il n'y a point de plus
grand ſigne de la cholere d'vn pere contre ſes en
fans, quequand il ne daigne parler à eux. Que le
Seigneur,le Pere detoutes compaſſions nous viſi
te pluſtoſt de touteautte punition. Qu'il ne nous
-
•º -
-,
"-
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78 II. D E c A D e
oite point ceſte Manne ſpirituelle deuant que
ce chemin ſoit acheué. : Qu'il nous oſte pluſtoſt
toute autre choſe, & nous conſerue ſa Parole, ce
: ſte guide de ames, ce teſmoignage de ſa preſence
fauorable, ce pain devie qui ſert non ſeulement à
Luc 14. nourrir les viuans , mais auſſi a vinifier les morts.
15. TBien-heureux eſt celui qui mangera du pain au Roy
aume de Dieu. Dicu aura pitie de nous, & ne ſouf
frira point que ſon Sanctiaire ſoit deſolé , & ce
troupeau diſſipé pour la conſeruatuoirduquelila
fait tant de merueilles. Piuſtoſt nous ayant fait la
grace de profiter à ſa Parole, & viure conformé
ment à ſes enſeignemens, cheminans en ſainčteté
devie, en bonne conſcience, cn fobrieté & inno
cence,en charité & zele pour la defehſe de ſa cau
ſe, il nous eſleuera au lieu d'où eſt deſcendu à nous
le pain du Ciel, aſſauoir Iefus Chriſt noſtreSei
ºſ#.. gneur. Il nous raſſaſiera de l'abondance de ſa mai
#§ ſon , & nous abreuuera au fleuue de ſes delices,
nous raſſaſiant de ioye & de contentement >
par la contemplation de ſa face.A lui ! .• , ! Pere, Fils & ſainct Eſprit ſoit !
º : honnenr& gloire és ſie- , · · ·
· " · · · · · cles des ſiecles, ... · · · · , o. - 2
- Amen. : º : º : º
- º - · · l - * - : ' - ^ ,
- º - º ' " . t• • • • • • • • • • -- • • • »
• · • · • » QVATRIEME
2 · · · , , l . ::::: º º º º A. , 2
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