scorpion : 40 ans de rock p. 21-23 · ericka jambou, glenn nicolle, margot le louarn, gweltaz...

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N°20 NOV - DEC 2010 DOSSIER SPÉCIAL ZOMBIE P. 8 À 10 MAMMUTH RENCONTRE AVEC GUSTAVE DE KERVERN P. 6-7 L’EMPEREUR DE CHINE RENCONTRE AVEC MADELEINE LOUARN P. 14-15 ET TOUJOURS DES CHRONIQUES, DES CRITIQUES, DES NOUVELLES, DES DÉCOUVERTES, DES POINTS DE VUE, DES ACTUALITÉS CULTURELLES... SCORPION : 40 ANS DE ROCK P. 21-23 LE MAGAZINE CULTUREL

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Page 1: scorpioN : 40 aNs De rocK p. 21-23 · Ericka Jambou, Glenn Nicolle, Margot Le Louarn, Gweltaz Caouissin, Côme Roblin, David Roué, Shana Sortie de secours n° 20 Un magazine édité

N°20 Nov - Dec 2010

Dossier spécial Zombie

p. 8 à 10

mammuthreNcoNtre avec Gustave De KerverN

p. 6-7

l’empereur De chiNereNcoNtre avec maDeleiNe louarN

p. 14-15

et toujours Des chroNiques, Des critiques, Des Nouvelles, Des Découvertes, Des poiNts De vue, Des actualités culturelles...

scorpioN : 40 aNs De rocK

p. 21-23

le maGaZiNe culturel

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Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info

éditopar David Roué

Premier numéro de l’année et quel numéro ! Des zombies, des costumes, des vinyles, des scorpions, et des rencontres exceptionnelles avec Gustave de Kervern et Madeleine Louarn. Un numéro à savourer pour tenir le coup avant les lointaines vacances de Noël !

Comme vous pouvez le constater, Sortie de secours fait une rentrée tardive cette année, avec un nouveau fonctionnement de son équipe rédactionnelle. En effet, à partir de novembre, nous assurerons une permanence tous les lundis de 13h à 18h (hors vacances scolaires), à la faculté Victor Segalen, au local A323 (3e étage, un peu avant le chemin qui mène à la BU). Si vous voulez rejoindre l’équipe de rédaction, si vous avez des commentaires ou des questions sur le magazine, n’hésitez pas à passer nous faire un petit coucou, c’est avec plaisir que nous vous acceuillerons.

Par ailleurs, l’aventure Sortie de secours se poursuit toujours sur internet, à l’adresse suivante :

www.sortiedesecours.info

Nous sommes également présents sur facebook, et vous pouvez nous joindre par mail à l’adresse suivante : [email protected].

En espérant que cette année soit aussi riche que les précédentes en révélations, découvertes, rencontres et points de vue différents sur la culture au sens large du terme, rendez-vous au prochain numéro !

Sommairecinéma Kaboom ....................................................................... 3 La Princesse de Montpensier ...........................................4

anime Soul eater........................................................................5

DvD Mammuth.....................................................................6-7

Dossier Zombie qui court..........................................................8-9 L'Invasion des morts-vivants..........................................10

western L'Homme qui tua Liberty Valance......................................11

littérature De sang froid..................................................................12 Vie en temps de guerre....................................................13

théâtre L'Empereur de Chine.................................................14-15

société Le Papalagui.............................................................16-17

vintage Le Vinyle..................................................................18-20

musique Scorpion : Sting in the tail...............................................21 Scorpion : historique................................................22-23

nouvelles Sans être en vie..........................................................24–25 Un chat, un homme et une femme.................................26–27

bientôt à brest Petit agenda culturel......................................................28

rédacteur en chef David RouéDessin titre Antoine Bonnardmise en page Solen Thèze

corrections Amélie Rioual, Vanessa Le Bris et David Rouécoordination Vanessa Le Bris, Nolwenn Chaslot

rédacteurs Louis-Adrien Benoit, Kevin Bernard, Amélie Borgne, Anne-Sophie Bretin, Maxime Henri, Ericka Jambou, Glenn Nicolle, Margot Le Louarn, Gweltaz Caouissin, Côme Roblin, David Roué, Shana

Sortie de secours n° 20Un magazine édité par le Service Culturel de l’UBO

sortie de secours/co. service culturel, 2 bis, av. le gorgeu, cs 93837, 29238 brest cedex 3sds@univ–brest.fr/ sortiedesecours.info

Sortie de SecourS cinéma

erratumLes corrections du 19e numéro de Sortie de secours avaient été effectuées par Uriell Daakir

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Sortie de SecourS cinéma

Après la récréation smiley Face, Kaboom marque le retour de Gregg Araki à

ses premières amours : les frasques sentimentalo-existentia l istes d’adolescents borderline... Do you wanna fuck ?

Kaboom, c’est l’extrême jouissance cinématographique poussée à son paroxysme orgasmique. En l’état, c’est toujours du cinéma, mais c’est aussi du sexe. Sur une heure trente, on bande, on exaspère, on agace, on orgasme et on se laisse aller dans un maëlstrom d’images et de couleurs, de sons et de musiques. Après tout, comme le dit Stella dans le film: « La fac n’est qu’un entracte entre le lycée et ta vie. Quatre années passées à baiser, faire des conneries et expérimenter des trucs. »

Kaboom, c’est le cinéma de Gregg Araki débarrassé de l’aspect mélancolique de sa trilogie Teen Apocalypse ou de la mélancolie de son Mysterious Skin. Un avatar qui n’aurait conservé que la pêche originelle d’une caméra toujours encline à capter la jouissance sur un visage d’adolescent/jeune adulte. Kaboom ne nous raconte pas grand-chose, et en même temps nous raconte tout le cinéma d’Araki : cette supposition est confirmée par la présence de son ancienne égérie James Duval en tuteur étudiant tendance hippie new-age qui se demande, comme au temps de Doom Generation, qu’est-ce que c’est que ces conneries ?

KABOOM

Araki, avec ce nouvel essai, colle aux basques d’un jeune bisexuel tourmenté : son coloc beau comme un dieu et con comme un balai est 100 � certifié hétéro. Quoique... Le genre d’hétéro qui apprécie

les bagarres en sous-vêtements avec son meilleur pote et qui tente de s’autofellationner. La meilleure amie du héros sort avec une sorcière - française, of course, c’est Roxane Mesquida, sublime actrice vue dans A ma sœur de Breillat, qui s’y colle – qui va mal prendre leur rupture, déchaînement de pouvoir à l’appui. Des rêves prémonitoires parcourent le film et le sommeil du héros.

Un complot se met en place, avec une secte aux ambitions apocalyptiques qui tire les ficelles d’un nouvel ordre mondial. La machine s’emballe dans sa dernière demi-heure, en un délire orgasmique de coups de théâtre, qui en d’autres mains aurait sombré dans le franc ridicule. Mais sous le regard d’Araki, ce trop plein de révélations abracadabrantesques touche au sublime.

Kaboom, au-delà de son scénario qui bascule de plus en plus dans la déjante au fur et à mesure que les minutes s’écoulent, c’est un bonbon acidulé aux couleurs éclatantes, aux plans sublimes et au rythme étonnant. Araki utilise un montage plus fonctionnel, moins foufou que dans ses meilleures bandes, telles que comme Nowhere. Il y gagne

en clarté, y perd peut-être en beauté. Qu’importe. Complètement hédoniste, portant un regard à la fois cynique et attendri sur une jeunesse US en mal de sexe, de plaisir et de complots à l’échelle mondiale – le tout étant forcément lié –, il réalise un film générationnel qui frôle la perfection.

Par David roué

"Kaboom c’est un bonbon acidulé aux couleurs éclatantes, aux plans sublimes et au rythme étonnant."

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cinéma anime

Interminable. C’est le premier qualificatif qui vient lorsque les lumières se rallument. Comment Tavernier a-t-il pu s’embourber ainsi dans cette tentative d’adaptation ? Il voudrait nous faire partager les affres de la passion et le déchirement d’une jeune femme entre son devoir et ses sentiments, mais sombre dans des circonlocutions dépourvues de rythmes et d’enjeux. La trame est fidèle à celle du récit originel, mais manque d’incarnation, de souffle, d’ampleur. La Princesse de Montpensier est un film d’autant plus long qu’il est issu d’un texte qui, pour beaucoup, fonde le genre de la nouvelle : le récit de Mme de Lafayette est très court, d’une écriture concise et d’une efficacité redoutable quand on sait la complexité psychologique des sentiments qu’il dépeint.

Mal écrit, le film quant à lui déroule pesamment son intrigue durant 2h30, dans des décors qui sentent bon la reconstitution historique ORTF. L’enjeu décoratif du film éclipse manifestement l’enjeu esthétique, puisque la caméra de Tavernier semble la plupart du temps en roue libre. On oscille entre un classicisme mal assumé dans la composition des plans, le déplacement un peu rigide des acteurs dans le cadre, et un modernisme mal compris dans la façon de filmer caméra à l’épaule des scènes qui auraient gagné à être plus découpées. Le cadrage est souvent hésitant, notamment dans les scènes de dialogues extérieurs, comme si le réalisateur ne savait pas quel point de vue adopter, quel acteur mettre en valeur. Plus grave, certains plans semblent sous-exposés, quand ce n’est un pas problème de mise au point qui laisse le sujet dans un flou très peu artistique.

Mais le plus ennuyeux reste le jeu des acteurs. Si Lambert Wilson semble encore sous le choc de son rôle dans Des Hommes et des Dieux, il est celui qui s’en tire le mieux : Grégoire Leprince-Ringuet et Gaspard Ulliel manquent de fougue dans leur haine mutuelle, et seul Raphaël Personnaz semble s’amuser dans le rôle du Duc d’Anjou. Le pire reste la prestation de Mélanie Thierry. Elle est censée porter sur ses épaules tous les enjeux du film, mais on ne ressent jamais son désarroi, ni son déchirement, alors qu’elle est au centre des passions de l’ensemble du casting. Elle semble simplement changer d’avis comme de culotte, au gré de dialogues prétendument précieux, mais mal écrits et surtout mal joués. À trop charger le côté innocent de son personnage, la princesse de Montpensier passe pour une gourdasse qu’on a envie de baffer.

On ne retrouve que par moments la maestria passée de Tavernier dans l’évocation historique. La cérémonie de la défloration résume ainsi tout le poids qui pèse sur la princesse, avec les pères des époux qui jouent aux échecs dans la pièce adjacente à la chambre conjugale, où le drap se teinte de sang pendant que les femmes surveillent le processus. Mais dans l’ensemble, les personnages restent étrangers au spectateur, leurs débats amoureux n’inspirant qu’un ennui poli : le lyrisme est absent, et le film réduit l’ampleur des enjeux moraux de la nouvelle à un marivaudage pesant.

Par David roué

LA PrinCeSSe de MOntPenSier de BertrAnd tAvernier

En 1592, alors que huguenots et catholiques se perdent en affrontements meurtriers, Mademoiselle de Mézières, nouvelle épouse du prince de Montpensier, est convoitée par le Duc de Guise,

son amour de jeunesse, le comte de Chabannes, le mentor de son mari, et le Duc d’Anjou, un ami de son mari. Déchirée entre vertu et passions, quelle voie choisira-t-elle ? plus important, qu’en pense le spectateur ?

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cinéma anime

La série débute par trois épisodes de présentation. Nous découvrons Maka, brillante élève à Shibusen, une célèbre école de formation pour les faucheurs d'âmes dirigée par Maitre Shinigami (le Dieu de la Mort lui-même). Elle est manieuse et fait équipe avec le « cool » Soul, faux de son état. Ensuite, nous assistons à une présentation de leurs collègues : Black Star, apprenti assassin persuadé de réussir à surpasser Dieu, et Tsubaki, son arme à multiples facettes qui le modère par son calme ; puis Death the Kid et les Sœurs Thomson, respectivement le fils du directeur, frappé d’un trouble obsessionnel de la symétrie, et ses deux armes à feu, qui réussissent tant bien que mal à le garder cohérent.

Leur apprentissage a pour but de les amener à récolter les âmes devenues démoniaques afin d’accéder au rang suprême d’arme Death Scythe (Faux de la mort).

Plus que le scénario, ce qui frappe d’emblée c’est le style graphique bien particulier. L'ambiance « halloween » à base de monstres en tout genre, de

citrouilles et Cie, côtoie un graphisme fantaisiste, souvent sombre, à l’image de la lune au regard mauvais avec du sang sur les dents, le tout associé à un effet 3D urbain. L’animation est de bonne qualité, fluide et dynamique à l’image du générique. Par ailleurs, les voix japonaises et la bande son sont agréables.

Le ton oscille entre sérieux, lors des affrontements, et humour, avec nombre de situations improbables, comme la rencontre avec un Excalibur exaspérant à souhait ou le drame absolu de la découverte d’une symétrie imparfaite par Kid. Les personnages illustrent bien cette dualité : la série réutilise la panoplie habituelle des créatures fantastiques en leur associant un côté loufoque. On trouve ainsi des sorcières souris qui peuvent s’associer comme dans Power Rangers, un professeur zombie, un

Franken Stein psychopathe ou encore un Dieu de la Mort totalement à l’ouest. Une autre particularité de l’anime est la relation arme/manieur qui demande une entente parfaite entre les membres du duo, afin de pouvoir synchroniser leurs âmes lors des multiples scènes de combat et accéder à des techniques plus avancées. Cela fera l’objet d’un apprentissage progressif pour nos héros en herbe.

Ainsi, malgré un final un peu décevant dans ses dernières minutes, la série s'avère de très bonne facture : elle se regarde avec plaisir et une pointe d’addiction. De plus, rien n’empêche de poursuivre avec la lecture du manga dont la trame se sépare de l’animé peu avant la fin de celui-ci, et qui poursuit l’histoire plus avant...

Par shana

SOUL eAter

soul Eater est à la base un manga scénarisé et illustré par Atsushi ohkubo arrivé en France en 2009 aux éditions Kurokawa et encore inachevé à l’heure actuelle : 17 tomes

sortis en France. C’est le studio Bones qui s’est attaqué à l’adapta-tion du manga en série d’animation ce qui a abouti à la production de 51 épisodes de 25 minutes chacun.

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dvd dvd

sds : Gustave, vous retrouvez toute votre équipe ?

gK : Non, pas exactement. Il y a des nouveaux. J’aime bien que mes films soient une espèce de repère de pirates... on invite tous les gens qu’on connaît, et ceux qu’on connaît pas, et ceux qu’on aime bien, ceux qui sont un peu dingues. On essaie de tous les rencontrer.

sds : Et ils se greffent à l’équipe sans aucun problème ?

gK : Entre dingues, on s’entend bien, tu sais...

sds : C’est ce qui vous rapproche ?

gK : Oui, forcément, attends... (rires).

sds : Comment s’est passé le tournage avec Gérard Depardieu ?

gK : Faut reconnaître que c’est un des derniers dingues de ce métier. Y’a pas plus tard qu’un mois ou deux, il a mis un parpaing dans une Mercedes qui était garée en face de chez lui... Ça reste quand même un gars qui fait des trucs anormaux. C’est bien. Ça reste un mythe, mais un mythe qu’on aime bien. C’est pas seulement lié à son travail de comédien, même s’il a fait des films cultes. C’est aussi le personnage, l’homme, le mec qui aime bien le vin, qui pète les plombs... un peu comme Isabelle Adjani, en fait. C’est une immense comédienne, mais c’est pas vraiment pour ça qu’on l’a prise. Enfin si, c’est pour ça. Mais c’est aussi parce

qu’elle est capable de s’exprimer sur des sujets sensibles, d'avoir une opinion et ce côté dingue qu’on recherche chez les gens.

sds : À propos d’opinions, votre film peut être qualifié de « film social », ou de cinéma en prise avec le réel, en l’occurrence ici le problème des retraites...

gK : Bon, faut reconnaître que les retraites, c’est pas très sexy... C’était un prétexte... Il manque des papiers à ce gars (Serge, joué par G. Depardieu) et c’est l’occasion de lui faire reprendre sa vieille moto... C’est moins rentre-dedans que Louise-Michel, moins politiquement incorrect mais on peut pas toujours refaire le même film. On voulait un truc plus nostalgique. Pendant le tournage, on a imaginé des scènes tirant un peu

plus vers le social, mais qu’on a éliminées pour se focaliser sur le personnage de Depardieu. Moins de social, mais on essaie de mettre du fond. C’est un peu le symbole de la décroissance aussi... puisqu’il part sur sa moto et revient en mobylette et en djellabah... Et puis l’Art Brut, présent via la nièce, qui n’aime pas la société de consommation.

sds : C’est aussi la force de vos films : des messages, mais plutôt subtils...

gK : On n’essaie pas d’être militant. C’est le cinéma d’abord. Et après on distille quelques éléments... Par exemple, quand on passe dans les vignes, on voit des travailleurs immigrés qui font la prière. C’est juste pour signaler que lui (nb : G. Depardieu) à son époque, c’était différent, c’était plutôt des immigrés italiens, et que d’autres sont arrivés. Les choses ont changé. Essayer d’être assez fin pour enfoncer des portes ouvertes sur l’anticapitalisme, même si le capitalisme pour nous, c’est la gangrène.

sds : Vous avez des influences ? Il y a Kaurismaki, mais pas seulement...

gK : Kaurismaki, c’est moins politiquement engagé. Sur la forme, oui. Dans Aaltra, il y faisait un petit rôle, mais j’avais jamais vu ses films à l’époque. J’avais juste vu des interviews de lui, où il était toujours bourré, et ça m’avait subjugué. Benoît (Delépine, le co-réalisateur) avait vu ses films. Dans Aaltra, on voulait faire autre chose que Groland. Donc, comme on n’est pas très

MAMMUthrenCOntre AveC GUStAve Kervern

MAMMuth est le quatrième film du duo Benoît Délépine – Gustave Kervern. Gérard Depardieu y est tout simplement monstrueux, en retraité rock’n roll, chevauchant sa moto sur les routes de France

pour aller chercher les pap’lards nécessaire pour toucher sa retraite. un film qui part d’un débat d’actualité pour s’évader sur les chemins de tra-verses : poétique, sensible, fort en gueule, généreux, underground, drôle, Mammuth est un pur bijou qui vient de sortir en dvd. sortie de secours a rencontré Gustave Kervern lors de son passage à Brest pour évoquer le tournage de ce film autre.

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dvd dvd

bons comédiens, et qu’on ne pouvait pas en engager d’autres, faute d’argent, on basait beaucoup de scènes sur des silences, un rythme particulier... On s’est ensuite aperçu que si tu peux remplacer un long discours par une idée visuelle, c’est mieux. Les films français sont trop bavards... Et c’est ce que j’ai appris de Kaurismaki après, dont je trouve les films extraordinaires.

sds : C’est un peu l’ambition d’un Wes Anderson, aussi...

gK : On essaie aussi de développer ce genre d’humour, un peu à froid, mais je n’ai vu aucun de ses films, mais Benoît trouve que c’est esthétiquement un peu pub... On aime bien l’imperfection, nous, l’authenticité, les acteurs non professionnels.

sds : C’est l’influence Groland, ça ?

gK : Ouais... on aime bien des acteurs qui ont des têtes particulières. Par exemple, pour la séquence d’ouverture, le patron, qui était le vrai patron de l’usine où on tournait, était tellement ému de rencontrer Gérard Depardieu qu’il n’arrivait pas à dire son texte...

sds : En plan séquence, qui plus est, ce qui accentue beaucoup l’authenticité de la scène...

gK : Oui, parce qu’on déteste le champ/contre-champ. On pense que c’est le mal du cinéma. On se demande parfois si les acteurs ont tourné

ensemble... J’en ai ras-le-bol, plus la musique omniprésente... c’est des cache-misère...

sds : Mais comment vous expliquez à votre technicien que vous souhaitez avoir une image imparfaite ?

gK : Non, l’image, elle est ce qu’elle est. On a pris une pellicule spéciale, qui s’appelle l’inversible. On l’utilisait pour les actualités dans les années 70. On ne développe pas le négatif, donc on gagne du temps. Ca donne un côté diapo... et un grain particulier. À l’extérieur, ça allait, mais à l’intérieur... On a même utilisé du Super-8, et on a mélangé tout ça... Quand je parle d’imperfection, c’est juste pour dire qu’on tourne pas 150 fois les scènes, qu’on fait pas de bouts d’essais... On improvise beaucoup sur place. Y’a que Depardieu qui a fait un bout d’essai pour cette pellicule. D’ailleurs, Depardieu a toujours été là, pendant tout le film. Il a fait le film quasiment gratuitement.

sds : De l’improvisation sur le plateau ?

gK : Tout était écrit, mais on a changé plusieurs choses sur le tournage. Par exemple, une scène où l’usine était occupée et le patron saucissonné... Mais comme on avait déjà fait ça dans Louise-Michel, on l’a enlevé, et on a préféré se concentrer sur les personnages. Depardieu a un peu recréé son personnage, en s’inspirant de la figure de son père, par exemple. On a travaillé un peu son profil psychologique, si tant est qu’il en ait un... c’est pas un neuneu,

« On change pas

une équipe de merde. »

mais bon... tout lui passe dessus, on le traite de «con», et il ne bouge pas... Il a peut-être atteint le degré suprême de la sagesse, je sais pas.

sds : Vous êtes attiré par un autre style de film ?

gK : Pas vraiment. J’ai tourné un court-métrage (Ya Basta) avec des handicapés mentaux, mais plutôt par obligation parce que le réalisateur et le producteur nous ont laissés tomber trois semaines avant le tournage... J’ai été très content de le faire, cependant. Et je n’ai pas envie de tourner sans Benoît, parce que c’est stressant de tourner un film. On s’entend super bien, on a le même humour, la même vision des choses... On est à 90 � d’accord. On fait des choses à gauche et à droite... On change pas une équipe de merde !

Propos recueillis par gweltaz caouissin,

en partenariat avec radio-u.

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doSSier doSSier

QuEstion existentielle du film d’horreur ! Elle divise les fans mais surtout

les films et autres jeux vidéo. pourtant qu’est ce qui détermine réellement la vitesse d’évolution d’un mort vivant? simple évolution ou choix scénaristique longuement réfléchi? Loin du stéréotype du zombie, établi par romero en 1968, où le mort vivant s’avance lentement et inéluctablement vers sa victime paralysée par la peur, le zombie peut aujourd’hui courir, et même très vite! Profitons de cette interrogation très importante du cinéma d’horreur pour faire une petite rétrospective de ce genre qui ne finit pas de nous terrifier.

un peu d’histoire

Le zombie ou mort vivant trouve sûrement des origines très lointaines dans toutes les civilisations du monde. Mais il est véritablement entré dans la culture, notamment américaine, lors de l’occupation d’Haïti par les États-Unis, de 1915 à 1934. En effet, c’est la culture vaudou d’Haïti qui introduit le zombie dans les œuvres modernes. Le zombie est alors la victime d’un prêtre vaudou qui fait passer pour morte sa proie avant de la ressusciter pour en faire un esclave. Le zombie ne ressent alors plus de sentiment, ni de volonté, et n’est qu’une simple marionnette à peine capable de marcher, et donc loin de pouvoir courir.

Ainsi les premiers films de zombies reprennent cette interprétation. Deux films sont probablement à retenir, Les Morts vivants (White zombi) sorti en 1932 et 10 ans plus tard Vaudou (I walked with a zombi) réalisé par Jacques Tourneur. L’explication magique ne disparaît pas, on la retrouve d’ailleurs dans Harry Potter avec les Inferi et dans de nombreux jeux vidéo, mais elle se cantonne à ce genre précis (magie) où le mort vivant marche.

Vers la création définitive d’un genre

En 1968 sort un film qui marque les esprits et qui fixe définitivement les codes du film de zombie. En effet, La Nuit des morts vivants (The Night of living dead) réalisé en 1968 par Romero, premier volet d’une trilogie, met en scène des zombies comme on les voit aujourd’hui dans les films : hagards, gémissants, voir pourrissants, guidés par des instincts primaires … notamment la faim. L’explication magique n’est pas réutilisée ici, on ne sait pas exactement d’où les zombies viennent (plus de place en enfer?), ce qui rend leur arrivée d’autant plus effrayante. Être mordu par l’un d’entre eux finit fatalement par vous « zombifier » (d’où la notion de contamination qui apparaît).

Le zombie est alors véritablement un mort vivant (ou un contaminé) et son corps en décomposition n’est plus vraiment « opérationnel », il reste seulement capable de marcher souvent en boitant, cette claudication étant indispensable au stéréotype d’un bon zombie.

Dans les deux suites données par Romero, Zombie en 1978 et Le Jour des morts vivants en 1985, et pour son retour en 2004 avec Land of the dead, puis en 2007 avec Diary of the dead, les zombies vont marcher. Il en est ainsi pour les réalisateurs italiens qui exploitent le filon avec plus ou moins de réussite jusqu’à la fin des années 80 - plus pour Lucio Fulci avec le poético-gore L’Au-delà, et moins pour Bruno Mattéi avec le nanar Virus Cannibale. Cependant, avec des films comme Zombie 3, ou encore L’Avion de l’Apocalypse, on commence à entrevoir la possibilité de rendre les morts vivants plus véloces...

Vers l’explication scientifique

Tout en conservant les codes précédemment établis, les zombies acquièrent bientôt une relative crédibilité scientifique. La plupart du temps ils apparaissent à la suite d’une contamination par un virus créé par de méchants scientifiques. C’est le cas du jeu vidéo Resident evil, adapté par la suite en film mais aussi de l’excellent 28 jours plus tard de Danny Boyle et du remake de Zombie par Zach Snyder en 2004, L’Armée des morts.

ZOMBie qUi COUrt OU ZOMBie qUi MArChe ?

On ne sait pas exactement d’où les zombies viennent, ce qui rend leur arrivée

d’autant plus effrayante.

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Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info

doSSier doSSier

Cette évolution s’accompagne d’une mise en scène plus énergique et s’inscrit

aussi dans la mode du « bouh ». Pour ce faire, les zombies sont plus rapides, malheureusement pour les survivants, ils vont enfin courir. Dans l’escalade de la peur, les scénaristes ont donc décidé de rompre avec les codes du genre. Le pari est réussi dans 28 jours plus tard, REC., par exemple mais il ouvre la porte à des amalgames regrettables, à l’image des zombies du dernier Je suis une légende, définis comme de vrais vampires dans le livre et dans le film, de vulgaires « Spidermen-zombies ».

Vers le comique

Inévitablement le zombie fait rapidement son entrée dans le comique, et ce dès les années 80 avec la série des Retour des morts vivants, qui, pour rompre clairement avec les zombies de Romero peuvent courir, parler et sont relativement intelligents. Le zombie tel qu’on l’entend est détourné quant à lui dans les années 90, avec le très gore Braindead de Peter

Jackson (le même qui est actuellement à l’écran avec Lovely bones), puis récemment le génial Shaun of the dead d’Edgar Wright, ou encore le grindhouse Planète terreur de Rodriguez. Le zombie fait rire, que ce soit par son mode de vie stupide, à la recherche de nourriture, par les codes du genre facilement caricaturés (à voir La Nuit des clochards vivants dans South Park) ou tout simplement par la mort et la fin de la société, apocalypse tournée en dérision, la morale n’ayant plus cours.

Le zombie, dans ces films plus ou moins parodiques, va marcher, les deux bras bien en avant et la claudication si possible accentuée, dans l’optique de le rendre risible et le moins menaçant possible. Quoiqu’il faille noter que la comédie se met au goût du jour car dans le plutôt sympathique Zombieland, dernier né de cette tendance, les zombies courent.

en conclusion

Le zombie n’a pas forcément besoin de courir : la peur qu’il engendre, par son omniprésence, sa sauvagerie et son

le zombie n’a pas forcément besoin de courir : la peur qu’il engendre, par son omniprésence, sa sauvagerie et son

immortalité est largement suffisante.

immortalité est largement suffisante. Le faire courir fait aujourd’hui partie d’un choix scénaristique qui peut accroître la peur lorsqu’il est utilisé à bon escient.

Le film de zombie, devenu universel, a encore un bel avenir devant lui. L’identification aux personnages se fait facilement (antihéros ou simple survivant), et les situations font rêver le joueur de jeux vidéos qui peut enfin tuer et détruire sans se poser de questions éthiques (s’en posait-il avant me direz-vous ?). Ces aspects sont bien implantés dans l’imaginaire collectif : que feriez-

vous, seul survivant, face à une armée de zombies ? Pour l’anecdote, Max Brooks apporte une réponse, dans son livre qui vaut le coup d’œil: Guide de survie en territoire zombie. Il explique rationnellement comment survivre à une invasion de zombies 1.

Chaque année voyant son lot de films et de jeux arriver sur le marché, on peut dire que le film de zombie marche, et même court !

Par côme roblin

1 Voir critique de World War Z, deuxième

ouvrage de Max Brooks, SdS n°16

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doSSier weStern

La Hammer, c’est l’épouvante gothique à l’anglais des années 60-70, c’est la réactualisation des mythes de Frankenstein, de Dracula et de biens d’autres. Ici, il s’agit d’une variation autour du mythe du mort vivant au sein des sectes vaudoues, soit un cadavre manipulé par un sorcier. Une relecture à la fois respectueuse des codes et qui transpose la malédiction vaudou dans le cadre de la plupart des films de la Hammer, un XIXe siècle scientifique peu crédule à l’égard de la sorcellerie. Point de vengeance d’outre-tombe ici, les zombies sont utilisés dans un but bien plus prosaïque...

À la caméra, on retrouve John Gilling, un nom qui fait plaisir à voir puisqu’on lui doit le scénario d’une excellente Gorgone. La réalisation est assez classique, le cadre et la photographie souvent très beaux, et elle se permet des séquences caméra à l’épaule joliment vues - comme la scène où l’héroïne est attaquée par les sbires du châtelain, ou la séquence du cauchemar - et quelques cadrages originaux - comme un plan superbe en plongée lorsque le professeur tente d’éteindre l’incendie. On peut en outre apprécier une décapitation des plus réussies! Seul reproche à ce niveau, des scènes nocturnes aux raccords jour/nuit parfois hasardeux, le ciel faisant l’aller-retour en quelques plans.

L’interprétation est de bonne qualité, on apprécie particulièrement le jeu d’André Morell - dans un rôle à la Van Helsing du Cauchemar de Dracula - qui manie avec subtilité l’ironie et l’érudition ainsi que l’action. Quant aux zombies eux-mêmes, leur look est réussi, très soigné, et n’a rien à envier à leur descendance « romérienne » ou italienne ; leur peau notamment donne une impression de papier vieilli et pourrissant. Et la première apparition de l’un d’eux est visuellement des plus impressionnantes, avec une de ces choses délicieuses qu’on ne voit plus guère au cinéma : un zoom avant à toute vitesse !

De plus, le film accumule les bonne idées, comme de confronter les médecins désireux de pratiquer une autopsie à l’incompréhension rustre des villageois, ou le costume du grand méchant qui rappelle ceux des templiers, et surtout le décor de la mine... ainsi que ce qui s’y passe! Il s’agit en effet du seul cas, semble-t-il, d’exploitation capitaliste de zombies. Le seul reproche que l’on pourrait faire au scénario, c’est la relative lenteur de l’enquête, d’autant plus que le spectateur lambda devine assez vite une grande partie de l’intrigue, mais finalement le spectacle n’en pâtit pas vraiment.

Un excellent film, dans la tradition gothique de la Hammer tout en y ajoutant un petit côté moderne dans l’utilisation mercantile du vaudou. À noter que c’est le seul film de la compagnie qui met en scène des morts vivants et qu’il est antérieur au premier film de Romero!

Il faut noter pour finir que le titre original est Plague of the zombies, qui est bien plus en accord avec le sujet (des médecins enquêtant sur une « maladie » que le titre français racoleur, puisqu’il n’est pas vraiment question d’invasion.

Par David roué

L’invASiOn deS MOrtS vivAntS

unE production hammer Films sans peter Cushing, sans Christopher lee, sans terence Fisher à la réalisation. Comme quoi la qualité des films de la compagnie n’est pas seulement due à ces trois « stars » !

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doSSier weStern

Un cow-boy solitaire, chevauchant vers le soleil couchant. Un combat de rue au revolver ou à la Winchester. Des indiens attaquant une caravane de pionniers. La cavalerie qui sonne la charge. Le saloon, lieu de tous les délits. Clichés d’un autre temps, d’un autre cinéma, avec des stars à la pelle ! John Wayne, Henri Fonda, Errol Flynn, James Stewart, Steve Mc Queen. Des carrures qu’on ne voit plus de nos jours ! Derrière la caméra, John Ford, sans doute l’un des plus grands réalisateurs américains : Sur la piste des Mowaks, Rio Grande, La prisonnière du désert. Les plus grands chefs-d’œuvre du western ont été tourné par cet homme d’origine irlandaise.

Son avant-dernier western, L’Homme qui tua Liberty Valance (1962), est un de ses meilleurs films. La mélancolie de l’Ouest transparaît dans les images, les dialogues et les personnages. Sans oublier un beau casting : John Wayne joue Tom Doniphon, personnage droit dans ses bottes. James Stewart incarne Ransom Stoddard, homme de loi. Liberty Valance, joué par Lee Marvin, est quant à lui le méchant de l’histoire.

Le film débute par le retour du vieux sénateur Ransom Stoddard à Rishbone, dans l’Ouest. Lui et sa femme Hallie sont revenus pour l’enterrement d’un très vieil ami. Des journalistes se ruent sur le sénateur pour connaître précisément les raisons de sa venue. A partir de là, Stoddard, hésitant, raconte l’histoire qui fit basculer sa vie. Le sénateur était un jeune diplômé en droit avec plein d’idéaux. Il partit vers l’Ouest dans le but de faire régner la justice dans ces

contrées encore à part. Lors du voyage, sa diligence fut attaquée par une bande de malfrats. Liberty Valance en était le leader. Devant ces hors-la-loi, le pauvre Stoddard voulut mettre en application ses livres de droit. Sauf que la légalité a bien du mal à s’appliquer dans l’Ouest, ce que Valance lui fit bien comprendre. Tom Doniphon, personnage joué par John Wayne, ramena le jeune homme en piteux état à Rishbone. Comme le titre du film l’annonçait, Valance est tué. L’énigme est de découvrir qui est l’auteur du coup de feu qui le mit à terre.

S’ensuit dans cette ville toute une trame symbolique : l’avènement de la civilisation (légalité, éducation etc.) et l’apparition des deux types de personnages qui caractérisent le genre.

D’un côté, l’homme solitaire joué par John Wayne (Doniphon). Rôle qu’il endosse également dans le film La Prisonnière du désert. De l’autre, l’homme généreux et honnête, interprété par James Stewart (Stoddard). Le rôle de la presse est également mis en avant. Les journalistes sont ceux qui relayent l’information en temps utile. Ils ont également le pouvoir de déformer des faits, ou de ne pas en tenir compte. On le voit à la fin du film : la presse veut entretenir la légende telle qu’on l’a racontée, malgré les faits qui la contrarie. La légende dit qu’untel a tué Liberty Valance. La vérité est qu’il s’agit d’un autre homme. C’est ainsi que dans ce film, réalité et légende s’entrecroisent : l’Ouest devient un tout. Mais une part sombre réside : la légende, fondée sur la supercherie, reste. Ce western est en cela « baroque» : le héros, celui qui a véritablement tué Valance, est exclu du monde moderne.

Par Kevin bernard

L’hOMMe qUi tUA LiBerty vALAnCe

John Ford, maître du Western, est l’auteur d’un film complexe : l’homme qui tua liberty Valance. Il s’agit d’une sombre réflexion sur la civilisation américaine et sur la légende de l’ouest.

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littérature littérature

Fasciné par ce qu’il lit, mais plus encore par ce qu’il ne lit pas, Capote part en reportage sur les lieux du crime. Sur place, il décide d’en faire l’objet de son prochain livre, un ouvrage qu’il définira lui-même comme un « nonfiction novel », c’est-à-dire un roman totalement inspiré de faits réels minutieusement rapportés.

Arrivé à Holcomb, une petite bourgade du fin fond du Kansas puritain qui se trouve être le lieu de la tragédie, l’écrivain interroge d’innombrables témoins, compulse des volumes de rapports de police, rencontrera même les deux coupables, qu'il suivra jusqu’à leur pendaison en 1965.

explorer l’âme humaine

Deux récits s’entrecroisent au sein du roman pour mieux se rejoindre : celui du meurtre en lui-même (l’avant-le pendant-l’après), véritable noyau du roman autour duquel gravitent une foule de personnages que Capote décrit avec une telle précision qu’on se prend rapidement d’affection pour certains d’entre eux, et celui des deux assassins dont la vie, les espoirs et les échecs défilent sous nos yeux pourtant décidés à les haïr jusqu’au dénouement. Sans jamais s’orienter vers le pathétique ou chercher à susciter l’affection du lecteur, l’écrivain développe une narration qui explore l’âme des tueurs si profondément que l’on en ressort nécessairement troublés. On suit les deux bandits au fil de leurs pérégrinations, explorant avec

eux leurs souvenirs de jeunesse, devinant leurs souffrances enfouies... sans jamais pour autant leur pardonner.

Plus qu’un roman policier, De Sang-froid est le fruit d’une analyse minutieuse qui ne porte aucun jugement, mais permet de saisir l’esprit de toute une époque : celle d’une Amérique profonde et secrète, enracinée dans ses convictions et ses valeurs sociales. Celle d’une Amérique malade d’où se dégage une odeur suffocante de puritanisme, exacerbée par ses propres peurs et emprisonnée dans des principes chrétiens rigides. C’est aussi l’Amérique des grands espaces, qui déroule les paysages immenses et désolés du Kansas profond.

au-delà du roman noir...

De sang-froid n’est donc pas un simple récit policier ; cette oeuvre développe avant tout une brillante analyse de ce qui peut pousser deux hommes des plus communs à accomplir un meurtre sanglant et gratuit. Comprendre le processus qui a amené deux individus lambda à se transformer en démons froids dans lesquels on ne peut déceler à l’oeil nu la moindre parcelle d’humanité.

Peut-être parce que ces hommes traînent derrière eux un passé qui les a détruit. Peut-être parce que cette histoire s’inscrit dans celle de toute une société. Voilà comment Truman

Capote écrit de sa belle plume à la fois une enquête policière prenante, des portraits psychologiques fins et une étude sociologique pertinente.

Pourquoi ce crime? Qu’est-ce qu’un criminel? Telles sont les deux grandes questions qui hantent le récit. Dans son rôle d’observateur consciencieux, l’auteur part à la recherche de l’expression la plus fidèle d’une certaine vérité.

Le roman n’apporte pas de réponse ; peut-être n’y a-t-il tout simplement aucune réponse à attendre. Six personnes en tout sont mortes, sacrifiées au hasard dans la fourmilière humaine. Mais s’il ne permet pas de comprendre le mystère de ce crime, s’il ne permet pas de juger, d’être en paix dans le bon droit des non criminels, Capote nous invite à comprendre de quoi tout homme est fait. Il fait du pire meurtrier un voisin, un frère, nous-mêmes. En nous faisant revivre heure par heure, minute par minute, ce drame bien réel, en nous impliquant, nous aussi, dans cette sombre aventure qui aurait pu être la notre, l’écrivain tente de nous raconter l’inexplicable et l’inavouable. Il a été meurtri, passionné, voire obsédé par ses questionnements pendant plus de six ans; il a vécu chaque minute l’histoire qu’il voulait écrire. Et c’est avant tout avec sa vie qu’il écrit.

Par anne-sophie bretin

de SAnG-frOid, trUMAn CAPOteChrOniqUe d’Un MeUrtre AnnOnCé

Un fAit diverS qUi fAit treMBLer LeS etAtS-UniS

lA trame de De sang-froid, c’est d’abord un fait divers sordide dont truman Capote prend connaissance dans la presse. C’est en ouvrant comme chaque matin le new

York times que le jeune homme découvre le terrible événement qui stimulera sa curiosité d’écrivain pendant plus de six ans : le quadruple meurtre des Clutter, une famille de fermiers puritains habitant au fin fond du Kansas. De cette terrifiante affaire, Capote relève deux éléments des plus intrigants : la minutieuse organisation avec laquelle les assassins ont opéré et, surtout, l’absence de mobile apparent à un tel massacre ; car il s’agit bel et bien d’un massacre dont chaque détail sera soigneusement mentionné dans le roman, témoignage solide du souci de l’écrivain d’user de véracité et d’authenticité.

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littérature littérature

En pleine guerre froide, les affrontements font rage en Amérique du sud ; en apparence, les États-unis y poursuivent la lutte contre le

communisme, mais David Mingolla, un jeune soldat qui développe des pouvoirs parapsychologiques, se retrouve pris dans les implications plus profondes de ce conflit interminable...

Lucius Shepard est un auteur à découvrir. Baroudeur international, correspondant de guerre au Salvador dans les années 80, il est surtout un auteur trop rare de science-fiction hallucinée. Le contexte de la Guerre Froide dans lequel s’inscrit La Vie en temps de guerre ne doit pas vous surprendre, car si ce roman vient d’être réédité aux édition Mnémos, il a été publié originellement en 1987. Un contexte qui n’est de toute façon qu’une toile de fond pour un récit complexe et singulier, entre le roman de guerre fantastique et le techno-thriller aux relents mystiques. Tout commence par la perm’ de trois soudards en goguette au Guatemala. La guerre n’en finit plus, ils sont las, l’un d’eux pense à déserter. On entend de drôles d’histoires, des récits de soldats shootés à une nouvelle drogue, le « Sammy », qui pètent les plombs et s’enfoncent dans la jungle, persuadés d’être des demi-dieux. Et puis, entre en scène une femme, Debora, qui s’insinue dans la tête du héros. Ce dernier la suit, la perd, les choses se complexifient : les unités PSYS entrent en œuvre. Mingolla développe ses capacités psychiques, commence à influer sur l’esprit de ses semblables. Il reçoit ses premières missions spéciales, puis déserte, s’enfonce dans la jungle... Retrouve la fille, s’emmêle dans un bourbier fait de guérilla, de fous apathiques et d’une lutte ancestrale entre deux familles sur fond de terrorisme international.

Il apparaît difficile de résumer l’intrigue de La Vie en temps de guerre. Parce que rien n’y est simple, que toutes les apparences y sont des leurres, que toute Vérité y devient mensonge quelques pages plus loin. La guerre même n’est qu’une apparence, puisque derrière elle se cache une vendetta multi générationnelle entre deux fratries panaméennes. Shepard nous entraîne dans un voyage halluciné, à la manière d’un Joseph Conrad perdu dans la fièvre de la jungle équatoriale. Le récit présente de nombreuses ellipses, qui correspondent aux paliers franchis par le personnage principal : au fur et à mesure que son don prend de l’importance, son humanité est remise en question. Comment user de ce pouvoir suprême, qui permet de violer l’esprit des gens, de leur imposer sa volonté ? Tout le roman converge vers la réponse, incarné dans un barrio de Panama où la guerre physique laissera place à l’horreur psychologique le temps d’un final apocalyptique. Le vrai combat n’est pas technologique, il est psychique et se livre dans le bourbier de l’âme humaine...

L’essentiel du roman n’est donc pas dans son intrigue tordue. Shepard touche à quelque chose d’essentiel à

travers l’exploration mystique de la psyché humaine. Dès l’introduction, il nous présente des pilotes d’hélicoptères dont les casques sophistiqués - aux microcircuits programmés pour améliorer leur vision - ont des effets secondaires étranges : « A travers les rayons on voit tout un tas de merde que les autres ne voient pas. Toute sortes de trucs bizarres. Comme les âmes ». Superstition ou folie ? Peut-être les deux à la fois. Mingolla, le héros, se raccroche pareillement à des rituels supersitieux lors de ses perms’. Comme si la croyance en une instance supérieure était l’unique chose qui lui permettait de ne pas sombrer. La question de la magie primitive atteint régulièrement des sommets d’évocation sous la plume brillante de l’auteur : un pont inachevé revêt des allures de passage vers un autre monde, l’ordinateur d’un hélicoptère abattu transmet la parole divine... Le style de Shepard est proprement hallucinant, et sa plume gorgée de sordide, de mysticisme et de sensualité achève de faire de cette Vie en temps de guerre un livre à découvrir.

Par David roué

LA vie en teMPS de GUerrede LUCiUS ShePArd

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théâtre théâtre

cela fait 20 ans que Madeleine Louarn travaille avec la compagnie catalyse. un compagnie théâtrale particulière, puisque tous ses

acteurs sont handicapés mentaux. Une singularité qui fait la force de leur interprétation. madeleine louarn entretient cette singularité par le choix de pièces décalées : on se souvient de son alice au pays des merveilles, jouée au Quartz il y a deux ans, qui était à la fois inquiétante, sublime, drôle et surprenante. nous avons donc retrouvé cette troupe hors du commun les jeudi 4 et vendredi 5 novembre au quartz pour leur nouvelle création : l’empereur de chine, une pièce dadaïste de georges ribemont-Dessaignes. sortie de secours a rencontré madeleine louarn pour une évocation de son travail avec catalyse.

sortie de secours : Jouer une pièce dadaïste en 2010, cela relève-t-il toujours de l’avant-garde ou est-ce plutôt « historique » ?

madeleine louarn : Je n’ai pas voulu la traiter dans son rapport historique. Par contre c’est en quelque sorte payer une dette à ce moment-là de l’histoire de l’art. Le travail dadaïste c’est quasiment l’origine du travail théâtral avec les acteurs de Catalyse qui sont des acteurs handicapés mentaux. Je pense que ça n’aurait jamais pu avoir lieu sans la révolution dadaïste, qui a situé l’art à des endroits où on n’avait pas forcément l’habitude de le voir. C’est la question du franchissement des limites qui m’intéresse, la question de l’art.

sds : D’où vient le choix de cette pièce, L’Empereur de Chine ?

ml : Je me suis beaucoup intéressée aux avant-gardes, entre autres à ces dadaïstes français dont Georges Ribemont-Dessaignes est un des plus grands dramaturges. Il est totalement méconnu, jamais joué, donc on part sur un terrain presque vierge en terme de représentation scénique. Je n’aurais pas pensé pouvoir le faire avec ces acteurs, parce que ce sont quand même des pièces difficiles, compliquées. Et c’est vrai que ce n’est pas simple, même aujourd’hui, de représenter le dadaïsme, parce qu’on a tendance à le ramener à quelque chose d’incohérent, sans queue ni tête, ce qui n’est pas vrai. Il y a vraiment, en tout cas en ce qui concerne le texte de Ribemont-Dessaignes, une réflexion philosophique, principalement autour de Nietzsche, qui est très forte, en même temps qu’un rapport à la langue, évidemment un peu compliqué. C’est surtout que la narration est très elliptique : on se retrouve devant un mécanisme qui épure un peu la

stylistique en même temps qu’il garde une puissance littéraire très forte : il y a vraiment une construction de la langue et un éclatement, une logique paradoxale. Cela pose des problèmes de logique et même de sens, mais moi c’est ça qui m’intéresse, et on s’est donc attelé à ça avec ces acteurs.

sds : Votre travail a-t-il été vers un éclairement du sens, ou vers une opacification ?

ml : Pour moi ce n’est pas réussi si la question du sens vient obstruer la réception. Évidemment, c’est facile à dire quand on a un texte aussi touffu, littéraire et poétique... Mais l’idée c’est que le théâtre arrive à porter ça. Ce n’est pas une explication, on peut faire un évènement scénique sans qu’il y ait une narration construite de A jusqu’à Z. Quelque chose d’autre se passe au théâtre, on peut le raconter différemment. Ce qui m’intéresse, c’est le souffle, même si le texte est un peu épais, il faut qu’il y ait une force, quelque chose qui donne un sentiment de largeur.

sds : Comment s’organise le travail avec les acteurs de Catalyse ?

ml : Ce sont des questions que l’on a pour toutes les pièces. Cela fait plus de vingt ans que je travaille avec les acteurs de Catalyse et ils sont au travail au quotidien : ils travaillent avec une éducatrice qui leur apprend le texte et leur fait effectuer

L’eMPereUr de ChineqUArtZ, nOveMBre 2010

entretien réalisé par margot le louarn, ericka Jambou et David roué

en partenariat avec radio u

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théâtre théâtre

tout un travail d’acteur en soi, physique, d’improvisation, etc...Et c’est vrai que le travail du texte est un travail sans fin, c’est assez passionnant de travailler sur le langage : pourquoi ça coince, d’où vient la grammaire, la structure... Cela pose des tas de questions. La meilleure façon d’y arriver c’est la durée : travailler le texte souvent et longtemps.

sds : Comment réussissez-vous à conserver dans la mise en scène le décalage induit par le choix d’une pièce dadaïste, ou encore le décalage du jeu des acteurs ?

ml : Il y a par exemple une chose très présente, encore plus dans L’Empereur que dans Alice, c’est le souffleur. Dans chaque pièce avec Catalyse, il y a des souffleurs. Le statut du souffleur est en fonction de la nature dramaturgique de la pièce. Ici il y a un souffleur permanent qui est sonorisé, c’est-à-dire qu’il parle plus fort que les acteurs. Le décalage, il est ainsi installé d’emblée. Je pense que ça ne gêne pas du tout le suivi de la pièce, au contraire ça créé un hors-champ, et on voit les techniciens agir sur la machinerie. On a en même temps le livre et l’envers du livre. Tout ça n’est pas non plus révolutionnaire mais sur cette pièce, cela me semble très opérant, et très théâtral surtout. Le souffleur dit en une seconde la totalité de tout le travail théâtral. Il dit que la pièce a déjà été jouée, il dit que le texte n’appartient pas à celui qui l’énonce, et que c’est quelqu’un d’autre qui l’a écrit. Il dit aussi tous les acteurs qui l’ont répété, tout le travail qui est fait par l’acteur pour arriver à donner un sentiment de vie à quelque chose qui a été totalement décortiqué.

sds : Les acteurs ont-il leur mot à dire sur les décors, les costumes ?

ml : Le décor et l’espace sont décisifs. Eux, ce qu’ils ont à dire de ça, objectivement, comme beaucoup d’acteurs, pas grand-

chose car ce n’est pas une création collective. On construit ça avec le scénographe, l’éclairagiste, mais évidemment c’est décisif pour eux. Ils se repèrent assez bien, c’est beaucoup plus une aide que l’inverse. Je crois qu’ils aiment beaucoup tous les mécanismes, parce que ça construit un imaginaire qui est fort.

sds : Comment les acteurs vivent-ils la représentation ?

ml : Cela dépend un peu des pièces. Depuis deux-trois ans où ils tournent beaucoup, ils ont des réactions extrêmement proches de tous les acteurs. Le moment de jouer devant le public est essentiel, c’est ça qui est la récompense de tous les efforts, et parfois même l’échec de tous les efforts, parce que parfois on rate. C’est un moment très intense émotionnellement de toute façon.

sds : Quels retours avez-vous de la part des spectateurs ?

ml : La réception en générale est très forte : je pense que les acteurs produisent un impact sur le public. Alors bien évidemment, il y a des spectateurs qui ont du mal avec ce genre d’acteurs parce qu’ils ont une ampleur, une façon de mettre de l’emphase, de jouer qui donne à voir le backstage : on entend tout le travail qui est fait en même temps qu’ils le jouent. Au théâtre c’est ça qui est bien : on peut voir l’acteur, et tout à coup on voit la personne. Au cinéma, c’est le réalisateur qui choisit ce que vous allez voir. Au théâtre, à cause de l’effet vivant, tout à coup on perçoit quelque chose d’autre à travers l’interprétation. Je pense que c’est la force de ces acteurs, c’est qu’ils donnent à entendre au même instant cette totalité. Du coup, c’est touchant, je pense que c’est un théâtre qui ne laisse pas du tout indifférent et qui est très émouvant.

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Société Société

Ce livre se présente comme un document d’ethnologie, rapportant le discours de Touiavii, chef de la tribu de Tiavéa, sur notre civilisation européenne. Lors d’un voyage en Europe, cet homme, ce sage sauvage, aurait observé nos modes de vie, nos comportements pour mettre en garde son peuple contre l’homme civilisé qui veut à tout prix apporter sa lumière aux aborigènes.

Les propos du sauvage Touiavii auraient été recueillis par l’allemand Erich Scheurmann qui, vers 1913, a voyagé dans les mers du Sud. Il aurait ainsi traduit dans sa langue les notes du chef de la tribu avec qui il s’était lié d’amitié. Est-ce une fiction comme le livre imaginé par Diderot le « Supplément au Voyage de Bougainville » ou encore les « Lettres persanes » écrites par Montesquieu ? Ou bien est-ce le véritable discours d’un chef de tribu ? Peu importe que cela soit vrai ou non : ce qui est intéressant, c’est

le regard critique qui nous fait relativiser sur nos pratiques et sur notre civilisation moderne.

En effet, notre ami Touiavii décrit nos villes, nos habitations qu’il compare à celles de son village polynésien. Le Papalagui (l’occidental) habite des « coffres en pierre » (des immeubles) qu’il partage avec un grand nombre de gens, où « personne ne sait souvent rien de l’autre ». A travers différentes descriptions, il remet en cause la culture et la civilisation européenne, notamment le culte de l’argent. Le chef de tribu s’offusque contre les propos d’un missionnaire qui lui avait dit que Dieu était amour, or : « le métal rond et le papier lourd qu’ils appellent l’argent, voilà la véritable divinité du Blanc ». Il critique le règne de ce métal et de ce papier : « Il y en a beaucoup qui ont donné leur joie pour l’argent, leur rire, leur honneur, leur conscience, leur bonheur et même

femme et enfant » pour en obtenir. « Tu dois seulement accomplir un acte qui s’appelle travail en Europe. Travaille et tu auras de l’argent, dit une règle de la société européenne. » Il conforte son peuple dans ses us et coutumes qui lui semblent plus saines : « Chers frères lucides, nous sommes tous pauvres. Notre pays est le plus pauvre sous le soleil. Nous n’avons pas assez de métal rond ni de papier lourd pour remplir un coffre. Dans la pensée du Papalagui nous sommes des mendiants misérables. Et cependant ! Quand je regarde vos yeux et les compare à ceux des riches, je trouve les leurs ternes, altérés et fatigués, tandis que les vôtres, comme la grande lumière, rayonnent de joie, d’énergie, de vie et de santé. »

Son regard remet en cause le monde matérialiste dans lequel nous vivons, où l’homme occupe ses mains et son temps à fabriquer des tas de choses complètement inutiles où « le Papalagui réfléchit sans arrêt à toujours plus de nouveaux objets. Ses mains sont fébriles, son visage devient gris comme la cendre et son dos voûté, mais il s’éclaire de joie quand il réussit un nouvel objet. Et aussitôt tout le monde veut avoir le nouvel objet et l’adore ». En effet, qui ne souhaite pas par exemple avoir un iPod ? On croit que ça nous est indispensable, alors qu’en soi, c’est tout à fait inutile : « Le Papalagui est pauvre parce qu’il est possédé par les objets. Il ne peut plus

Le PAPALAGUi

DAns certaines îles de Polynésie, le Papalagui est un terme uti-lisé pour désigner l’homme blanc, l’européen. C’est le titre que porte notre livre qui fut publié dans les années 20 en Allemagne.

Ce n’est que tardivement, dans les années 80, qu’une version française est disponible. Cet ouvrage est un best-seller mondial vendu à des millions d’exemplaires sur notre planète, et ce n’est pas un hasard. pourquoi un tel succès ? Que nous livre cet ouvrage de si étonnant et de si vrai ?

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Société Société

vivre sans les objets. » La technologie est-elle aussi merveilleuse que cela ?

Il est évident que le système capitaliste qui consiste toujours à produire plus, à créer de faux besoins pour une « croissance » optimale, est dénoncé : « Maintenant, les hommes blancs voudraient nous apporter leurs trésors pour que nous devenions riches aussi, riches de leurs choses. Mais ces choses ne sont rien que des choses empoisonnées. Nous devons les amener à avoir des besoins, j’ai entendu dire cela par un homme qui connaît bien notre pays. Les besoins, ce sont les objets. Ensuite, ils consentiront à travailler ! a poursuivi l’homme intelligent. Et il pensait que nous devions aussi donner les forces de nos mains pour fabriquer des objets, des objets pour nous, mais finalement pour le Papalagui, qu’il faudrait que l’on devienne, nous aussi, fatigués, gris et voûtés ». Cela nous amène à faire la distinction que fait Epicure entre les désirs naturels et nécessaires, désirs qui se rapportent à la conservation de la vie ; les désirs seulement naturels, comme le plaisir sexuel ; et les désirs qui ne sont ni naturels ni nécessaires, comme le luxe. Les désirs naturels, boire, manger, dormir semblent simple à satisfaire tandis que les désirs ni naturels ni nécessaires comme le luxe ou notre désir d’objets superflus, accaparent la plupart de notre temps et ne nous rendent pas plus joyeux. Peut-être que si nous avions moins de faux besoins et de faux désirs, nous travaillerons moins

et nous aurions ainsi plus de temps pour l’essentiel comme l’art, l’amitié, l’amour, la philosophie, la Nature, la contemplation...

Le comportement de l’homme occidental et de son usage du temps est décrit de façon remarquable : « Supposons que le Blanc ait envie de faire quelque chose que son cœur désire ; il voudrait peut-être aller au soleil ou aimer sa femme, et bien, presque toujours il laisse son envie se gâter en s’arrêtant à cette pensée : je n’ai pas le temps d’être heureux. Le temps voulu a beau être là, il ne le voit même pas

avec la meilleure volonté du monde, et il invoque mille choses qui lui prennent son temps. Grincheux et râleur, il reste cloué à son travail pour lequel il n’éprouve ni joie ni plaisir, et auquel personne d’autre ne le contraint que lui-même. » L’homme Blanc n’a pas le temps, ou tout simplement ne prend pas le temps de faire ce qu’il aime au fond de son cœur et de développer son talent puisqu’il faut qu’il aille au travail ; mais au fond, a-t-il vraiment le choix ? Un homme sans argent n’est pas grand-chose dans notre monde : « Un frère sans rien n’a droit qu’à une infime reconnaissance ou pas la moindre », malheureusement, l’on juge trop souvent une personne à ce qu’elle possède et non à ce qu’elle est ou ce qu’elle pense, bien que son âme soit belle et bien faite, l’individu ne sera rien, s’il ne possède rien…

Ce regard extérieur sur nos comportements, sur nos fonctionnements, nos valeurs donne profondément envie de vivre plus simplement, plus sereinement avec soi-même, avec les autres et avec la Nature. Cela nous invite à découvrir et à nous enrichir des autres civilisations où il se trouve sans doute un peu plus d’humanité et où la vie semble moins impersonnelle… Toutes les cultures ont leur droit de vie et ce n’est pas le modèle de civilisation occidentale et de sa tristesse, qui tant à s’imposer partout, qui est forcément le meilleur. Notre système a des qualités indéniables, mais il a aussi des défauts dont le plus grand est sans doute l’oubli de la Nature et de la personne humaine. Bien que l’ouvrage Le Papalagui date des années vingt, il est malheureusement toujours d’une terrible actualité, si vous voulez le lire, cela vous prendra à peine trois heures et ces trois heures ne vous laisseront pas indifférents. C’est parfois par les idées qu’un homme peut véritablement se métamorphoser en modifiant sa vision des choses et sa façon d’agir. Le Papalagui est un livre simple qui devrait être lu par tous, ainsi notre monde gagnerait en humanité.

Par glenn nicolle

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l’intÉrêt de cette nouvelle rubrique est de parler d’objets plus ou moins

anciens, qui reviennent à la mode aujourd’hui. Elle raconte leur histoire, et tentera d’expliquer pourquoi ils sont remis au goût du jour.

les vinyles

Audiophiles, il est temps de demander aux parents et grands-parents de ressortir les bonnes vieilles platines tourne-disques des greniers : le vinyle fait son retour ! Il réapparaît en tête de gondole dans les grands magasins dédiés à la musique, accompagnant maintenant les albums CD de certains artistes. Pourquoi ce regain d’intérêt, en pleine période du numérique, alors même qu’on nous annonce la mort des disques compact ? Remontons donc un peu le temps...

Le disque phonographique : le précurseur

En 1877, le français Charles Le Gros fait breveter un système de reproduction sonore ayant pour support un cylindre d’acier, appelé Paléophone. Le célèbre Thomas Edison suit le même procédé (le phonographe), pour faire des enregistrements de quelques minutes, à la différence d’Emile Berliner qui préfère utiliser le disque plat, qui se duplique plus facilement que les cylindres. Ce dernier crée sa propre maison de disques, la Berliner Gramophone, en 1894. Le brevet de Berliner expirant en 1918, d’autres concurrents s’engagent dans la production de disques. La commercialisation des cylindres prend alors fin en 1920, et le disque s’impose.

Le disque phonographique peut être en métal, en cire, en laque, en caoutchouc rigide, ou composé d’un

mélange de shellac (une substance provenant d’un insecte d’ Asie du Sud-Est ), d’ardoise, de lubrifiant de cire et de papier Manille.

Le son est enregistré sur les modulations latérales du sillon (gravé en forme de spirale sur chaque face) dans le cas des disques monophoniques, ou sur celles des deux parois du sillon pour les disques stéréophoniques. On fait alors tourner les disques à vitesse constante sur un plateau motorisé, tandis qu’une aiguille ou un diamant, relié à une tête de lecture fixée sur un bras restitue l’enregistrement sous forme de signal électrique. À cette époque, les disques font 78 tours par minute, avec un diamètre de 25 cm (pour les enregistrements de 3 minutes) à 30 cm (5 minutes). On ne peut donc lire qu’une seule chanson par face.

l’ascension du vinyle

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le manque de matériau se faisant sentir, il fallait trouver d’autres matières. C’est ainsi que les fabricants se tournèrent vers le vinyle, ou pour être exact, le chlorure de polyvinyle ou PVC.

Le disque vinyle est aussi appelé disque microsillon ou encore disque noir, bien qu’il puisse être de couleurs diverses, opaque, transparent, ou carrément imprégné d’une image sur une de ses faces comme les « picture-discs ». À la fin des années 40, il est présenté par la firme Colombia aux Etats-Unis, en France par Eddie Barclay, et succède ainsi aux disques 78 tours dans les années 50.

Cette nouvelle matière a pour avantage de réduire les bruits de fond et augmenter la gamme de fréquences, afin de rendre la lecture plus confortable. A la différence du CD actuel, qui échantillonne le signal audio, il n’existe pas de séparation entre la donnée et le moyen de stocker cette donnée. Autrement dit si le vinyle est abîmé, le son est également dégradé, tandis que dans le cas du CD le son sera tout simplement inexistant. Les imperfections du vinyle peuvent être assez gênantes pour ceux qui n’y sont pas habitués, mais les nostalgiques diront que le vinyle, « c’est quand même mieux », car le son paraît plus « chaud », et plus proche du son original, justement à cause de ces petits défauts. Cependant (le vinyle ne peut quand même pas être parfait sur toutes ses faces), la tête de lecture a tendance à s’user assez

Le vinyLe

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vite à cause du frottement du diamant sur le disque. Afin de pallier à cet inconvénient, un système à lecture laser s’est développé au début des années 90: The Laser Turnable, fabriqué au Japon, très cher et assez rare. Mais il produit un bruit de fond plutôt désagréable pour les oreilles des audiophiles exigeants, qui préfèrent donc la lecture avec un diamant.

Il existe plusieurs sortes de vinyles, selon leur vitesse de lecture : le 33 tours, le 45 tours, et dans une moindre mesure le 16 tours. C’est d’abord le 33 tours (ou plus exactement 33 tours et un tiers par minute) qui sera commercialisé, dès 1946 aux Etats-Unis, par Colombia Records. Ses sillons étant plus fins, il

nécessite une tête de lecture légère et un saphir. Son diamètre est de 25 ou 30 cm, mais il existe également des vinyles 33 tours de 17 cm de diamètre, les Extented play, qui peuvent alors contenir jusqu’à 8 titres. Ce sont ces derniers qui serviront de supports aux albums des artistes.

Si le 45 tours ( 17,5 cm de diamètre) a un gros trou en son centre, c’est parce qu’il a d’abord été conçu pour être utilisé

dans les juke-boxes. On le considère comme l’ancêtre du CD Single puisqu’il ne contient qu’une chanson par face. Les Maxi 45 tours de 30 cm de diamètre, sont surtout utilisés pour écouter de la musique classique, disco, funk, et notamment par les DJ qui les trouvaient plus faciles à manipuler et de meilleure qualité sonore.

En revanche, les 16 tours servent de support aux textes parlés, et n’ont donc pas connu autant de succès que les autres types de vinyles. Ils sont commercialisés dès 1957, déclinés en plusieurs formats (le 33 tours est conçu pour de longues oeuvres littéraires), et destinés aux aveugles ou aux mal-voyants. La firme Colombia a même créé un tourne-disque adapté aux automobiles, le Highway Hi-Fi Phonograph, pour lesquels des 16 tours sont spécialement pressés et nécessitent donc une tête de lecture adéquate. Cependant, les 16 tours, justement à cause de leur faible vitesse de lecture, n’avaient pas la qualité de son recherchée par les audiophiles.

En 1957 on abandonne les 78 tours, sauf dans les pays pauvres de l’Est qui les conservent jusqu’en 1962.

De la déchéance...

La période allant de 1958 à 1970 est la plus glorieuse pour les vinyles, avant que la pénurie de pétrole du milieu des années 70 diminue leur production, jusqu’au début des années 80 où elle est dépassée par celle des disques compact. Beaucoup de personnes se débarrassent alors de leurs vinyles, sauf les DJ qui continuent à les utiliser (les platines vinyles disposent d’une vitesse réglable, idéale pour les mixages). Les vinyles tournent encore, mais de façon marginale, dans certains styles de musique comme le reggae et le punk rock.

...à la résurrection

Les audiophiles les plus avertis et

les nostalgiques regrettent que le son produit par les CD ne soit pas aussi « naturel » que celui des vinyles. Est-ce pour cette raison que le vinyle fait son retour dans le commerce dès le début des années 2000 ?

Il réapparaît d’abord en Angleterre, aux États-Unis, en Italie et en Allemagne, où on autorise plusieurs artistes à sortir des vinyles en plus de leurs albums (on le fait un peu moins en France). On reprend goût à les collectionner, ne serait-ce que pour leurs belles et grandes pochettes très artistiques (plus que celles de nos CD), et certains jeunes vont même jusqu’à les accrocher sur les murs de leur chambre pour lui donner un style très rétro. Certains en achètent même sans avoir de tourne-disque … On commence à ressortir des étagères les vieux disques poussiéreux de nos parents, comme si nous étions nostalgiques d’une époque que nous n’avons pas connue ! Nous qui connaissons bien l’ère du numérique, serions-nous un peu lassés du monde virtuel ?

Il est vrai que le vinyle est un très bel objet : un grand disque noir ou

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coloré, dont la texture diffère tellement de celle du CD plus fragile qu’on ose à peine toucher. Mais ce qui attire le regard, même celui du simple novice, c’est bien sûr la fameuse pochette ! De part sa taille, elle laisse plus de place à la création artistique, elle « accroche » grâce aux couleurs plus ou moins vives, à ses graphismes parfois psychédéliques qu’on ne retrouve pas sur les supports plus récents. Bref, de vraies oeuvres d’art !

Et puis écouter les Rolling Stones sur un vinyle, ça donne quand même un peu plus d’effet non ? Le tourne-disque devient l’espace d’un moment une machine à remonter le temps, et on se surprend à fermer les yeux, écoutant tranquillement la musique, se rêvant jeune insouciant(e) des années soixante... Chez le disquaire on se remet à fouiner, à chercher la perle rare, on regarde de plus près le prix des platines-vinyles qui apparaissent parfois dans les foires aux puces (après tout c’est bientôt Noël !).

Mais pourquoi diable ce retour en force ? Si on observe un peu les tendances actuelles, on remarque que

beaucoup d’autres objets-cultes des Trente Glorieuses sont remis au goût du jour, et le vinyle semble obéir à ce phénomène (y survivra-t-il ?). Il suffit de suivre quelques programmes télé pour s’en rendre compte : au cours de l’été, de nombreux hommages aux années 60-70 ont été rendus sous forme de documentaires. Il est alors tout à fait naturel d’associer le vinyle à cette soudaine nostalgie. Sans doute recherche-t-on en ces temps moroses, l’authenticité d’un son plus chaleureux nous rappelant une période qui nous semble à la fois plus simple et bien plus sympathique que les autres, du moins en apparence. Néanmoins, ne serait-ce pas également la mort du CD qui permet maintenant au vinyle de refaire surface et de « prendre sa revanche » sur celui qui l’a détrôné quelques décennies plus tôt ? Le disque compact ne suscite apparemment plus autant de sympathie auprès des audiophiles et subit de plein fouet la montée en puissance du tout numérique et les téléchargements plus ou moins légaux. D’ailleurs, le vinyle aura sans doute moins de chance de s’imposer face aux téléchargements et aux mp3, si pratiques pour nos vies de nomades !

Alors pourquoi ne pas concilier les deux ? Le mélange de « rétro » et de high-tech semble si bien définir la mode actuelle...

Le vinyle n’est donc pas prêt de vieillir, et continuera peut-être de faire se trémousser de nouvelles générations, et pourquoi pas les rapprocher des plus anciennes. À moins qu’il ne s’agisse d’un phénomène éphémère suivant simplement la mode actuelle. À quand le retour de la cassette audio ?

Par amélie borgne

Sources : pour les photos :www.vinylmaniaque.com

pour l’aspect technique : www.vinyland.com

pour l’aspect historique : www.yayamusic.com

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En janvier dernier, tous les fans de rock en général et de scorpions en particulier

eurent le cœur déchiré par cette annonce de co-leader et guitariste rythmique Rudolf Schenker : « Oui, nous arrêtons. nous ne rajeunissons pas. » Après 40 ans de carrière, le groupe de scorpionide allemand va prendre sa retraite. Mais bien entendu un groupe aussi prolifique que scorpions ne pouvait pas partir sans nous administrer une bonne piqûre de rappel en entamant une ultime tournée mondiale de 200 concerts et un dernier album par-dessus le marché !

Comme toujours quand sonne l’heure de la retraite il est temps de lancer un regard à ce qu’on laisse à la postérité. C’est ce que nous nous proposons de faire ici, en revenant sur la longue carrière du groupe scorpions et bien sûr sur leur ultime album sortit en mars dernier : Sting in the tail.

sting in the tail : un best of original de scorpions

Le constat qui nous vient à l’esprit après l’écoute de cet album c’est qu’il regroupe tout ce que les fans ont aimé à travers

les 40 ans de carrière du groupe : il allie des morceaux dans l’esprit hard rock et des ballades à vous arracher des larmes dans la pure tradition scorpionnesque. Mais surtout les paroles de quasiment toutes les chansons semblent s’adresser directement ou indirectement au fan à travers de nombreuses références au passé comme à l’actualité du groupe - en l’occurrence leur départ en retraite.

L’album s’ouvre sur « Raised on rock » - élevé au rock -, au riff très énergique, dont la mélodie tend un peu vers celle de « Rock you like a hurricane » un de leurs plus grands classiques. Et l’énergie ne retombe pas pendant encore cinq morceaux tous plus hard rock les uns que les autres, de « Sting in the tail » à l’explosif rock zone en passant par la power ballade « The Good die young » (avec Tarja Turunen l’ex chanteuse de Nightwish en guest star).

À la septième piste arrive la première ballade douce de l’album : « Lorelei ». On ne peut s’empêcher à l’écoute de l’orgue électrique, par lequel débute le morceau, de se rappeler celui de « Send me an angel » ; cette chanson parle d’un homme trahi et pourrait être élevée au panthéon des plus belles ballades du groupe. Deux morceaux décoiffants

plus loin, Scorpions nous enchante de nouveaux les oreilles avec la seconde ballade : « Sly ». Elle parle d’une fille logiquement nommé Sly - initiales de « Still Loving You » -, née dans les années qui suivirent la sortie de ce tube inoubliable. Le groupe glisse par là à l’oreille de leurs fans qu’il ne les oublie pas, génération après génération.

Mais après tant d’émotions, nous nous rendons compte qu’il ne reste déjà plus que deux pistes à écouter avant d’arriver à la fin de la carrière de Scorpions. Ces derniers nous rassurent alors : « The spirit of rock will never die » nous dit la chanson suivante, avant que l’album ne se conclue par une power ballade intitulé « The Best is yet to come », marquant leurs dernières volontés musicales.

Plus qu’un simple retour aux sources, cet album constitue un retour sur toute leur carrière. Scorpion offre ainsi un album qui se révèle un vibrant hommage aux fans, ceux-là même qui leur ont permis d’arriver jusqu’au sommet de la scène hard rock mondial.

Par louis-adrien benoit

SCOrPiOnSUn ALBUM d’AdieU APrèS 40 AnS de rOCK

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si la plupart des gens connaissent scorpions pour leurs morceaux les plus

connus dont le mythique « Still loving you » - dans Love at first sting, 1984 - ou encore « Wind of change » - dans Crazy world, 1990 -, ce groupe mythique est loin de n’avoir écrit que des ballades. En effet ils ont injectés le venin du hard rock dans le cœur de plusieurs générations de fans.

Revenons ensemble sur les moments marquants de l’histoire du groupe.

les années 70 ou la montée en puissance

Le groupe scorpions naît au début des années 70 à Hanovre. Leur premier album, Lonesome crow (1972), est alors classé dans la catégorie « rock psychédélique ». Ce n’est qu’au moment de la sortie de In trance (1975), leur premier véritable succès international, que ce groupe est classé dans le style pour lequel il sera connu tout au long de sa carrière : le hard rock. Fort de ce premier succès, et ayant trouvé son style, le groupe prend sont essor en sortant plusieurs albums studios, certifiés disque d’or au japon, le deuxième marché musical mondial. Ils y enregistrent d’ailleurs leur premier album live, 1978 : Tokyo tapes, prenant exemple sur le fameux Made in Japan de Deep purple. Ils s’imposent ainsi dans

l’esprit collectif comme un grand groupe de rock avec lequel il faut compter.

Durant cette période, d’autres albums les font également remarquer, notamment Virgin killer (1976), dont la pochette, qui n’est plus visible aujourd’hui, montrait une petite fille nue dont le sexe n’était caché que par un éclat de verre. Bien que cette pochette choque les membres du groupe, elle est imposée par leur producteur Dieter Dierks. Ce désaccord fut le premier d’une longue série, qui s’achèvera à la fin des années 80 lorsque le groupe changera de producteur. Durant les dates européennes de la tournée qui suit la sortie de Virgin killer, Scorpions assure les premières parties du groupe Kiss.

les années 80 ou l’âge d’or du hard rock...

Dans les années 80 le chanteur du groupe, Klaus Meine, perd sa voix. Il est même question à l’époque de le remplacer. Mais après plusieurs

opérations des cordes vocales, des mois de repos et beaucoup de soutien de la part des autres membres du groupes, Klaus guérit et termine d’enregistrer avec le reste du groupe l’album Blackout. Cet album, inspiré notamment de cette passe difficile, contient plusieurs morceaux qui deviendront des « classiques » du groupe, tels que « No one like you ». C’est avec la sortie de cet album que la notoriété du groupe va littéralement exploser. Une critique dira même à l’époque « on a donné à Klaus Meine des cordes vocales de métal ».

Après un tel carton, la question se pose de savoir si leur succès se confirmera avec la sortie du prochain album. Ne voulant pas décevoir ses fans, le groupe travaille d’arrache-pied pendant deux ans : Love at first sting (1984) voit le jour. Dès sa sortie, cet album va très vite dépasser les ventes de Blackout. Il reste à ce jour l’album le plus vendu de Scorpions. Il contient des grands classiques du rock des années 80, comme « Rock you like a

Un GrOUPe AyAnt MArqUé L’hiStOire dU rOCK

Par louis-adrien benoit

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hurricane » ou encore « Still loving you » dont Matthias Jabs - guitariste solo du groupe de puis 1978 - prétend qu’il a « crée le baby boom le plus important depuis la seconde guerre mondiale ».

Les années 80 sont incontestablement marquées par le hard rock, et Scorpions est véritablement au cœur de ce mouvement. Ils côtoient les plus grand groupes de l’époque,participent au « US festival » de 1983 en compagnie de Van Halen et d’Ozzy Osborne et y emmènent le groupe Iron Maiden. Au « Moscow Music Peace Festival » en 1989, Scorpions joue en compagnie de Mötley Crue, Ozzy Osbourne et Bon Jovi. C’est d’ailleurs ce concert qui inspirera la chanson « Wind of change » à Klaus Meine. Leur dernier gros succès date de 90 : Crazy world et contient des titres très connus, en particulier « Wind of change », inspiré de la chute du mur de Berlin et « Send me an angel ».

les années 90 ou la menace de l’oubli :

Dans les années 90 la jeunesse se désintéresse du hard rock au profit de rock plus grunge à la Nirvana ou de rock anglais comme Oasis. Parallèlement dans le monde du métal, c’est le groupe Metallica, qui faisait autrefois les premières parties de Scorpions, qui prend de l’essor. Durant ces années

Scorpions change plusieurs fois de style en privilégiant les ballades qui ont fait la renommé du groupe. L’un des singles les plus connus de cette époque est « You and I », issu de l’album Pure instinct. Mais ce choix déçoit les fans, ainsi que les critiques qui y voient une dérive trop commerciale du groupe. En 99 sort l’album Eye II eye avec un son plus électrique pop et qui est le moins apprécié par les fans.

les années 2000 ou le grand retour :

Au début du nouveau millénaire le groupe toujours à la recherche de nouveauté fait deux tournées qui donnent naissance à deux albums live qui regagnent le cœur des fans : Moment of glory (2000) avec l’orchestre philharmonique de Berlin où le groupe repris certains de leurs plus grands succès et Acoustica (2001) un album acoustique. A l’issue de la tournée d’Acoustica le groupe annonça un retour aux sources. Chose promise chose due, la première décennie du nouveau millénaire fut sans aucun doute celle du retour au style hard rock d’origine qui

avait fait leur renommé, avec la sortie d’Unbreackable (2004) et d’Humanity hour 1 (2007). Malheureusement, dix ans après le retour très attendu de Scorpions, il s’avère que toute les bonnes choses doivent avoir une fin. Ainsi le groupe prend sa retraite, mais non sans adresser à leurs inconditionnels fans deux cadeaux d’adieu : leur dernier album Sting in the tail, ainsi qu’une tournée mondiale qui devrait s’achever en 2012.

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SAnS être en vieà GUiLLAUMe B.

Il y a du vent. Il y a toujours eu beaucoup de vent dans cette ville. Surtout ici. Il fait sombre aussi. Et contrairement à ce que la plupart des gens croient, ce n’est pas toujours aussi obscur. Mais ce soir, j'ai la sensation que même les réverbères sont furtivement étranglés par les ombres de la nuit.

Alors que mon regard se rive vers le ciel pour observer les étoiles à découvert, une goutte tombe sur ma joue. Il pleut. J'observe avec netteté l'immense nuage teinté d'orange par les lumières de la ville se glisser doucement sur la nappe obscure du ciel constellé. J'ai l'impression qu'il pleut chaque fois que je suis triste. Ou peut être suis-je triste chaque fois qu'il pleut ? Dans un sens ou dans un autre, lorsqu’il pleut on ne voit jamais que je pleure.

Qui pourrait voir mes larmes ? Il n'y a personne. Il n'y a jamais eu personne. Il n'y a jamais eu que cette solitude.

Il pleut de plus en plus fort. La pluie frappe mon visage, mes mains, l'asphalte, le métal. Elle frappe tout avec force. Chaque coup fait écho aux autres. Il y a quelque chose de parfait dans cette pluie, comme une musique symphonique entrant en résonnance avec le cœur. Chaque goutte me perce la peau comme une épée. Chaque impacte me rafraîchi. Ouvrant la bouche, je m'abreuve de cette abondance de perles venues du ciel. Je crois que je n'ai jamais eu une telle sensation de vie.

Et pourtant il reste cette sensation de vide en moi. Et au dessous de moi.

Je ne me souviens pas comment j'ai réussi à venir jusqu'ici. Et pourtant je ne suis ni ivre, ni sous l'influence de la drogue. Je me demande comment j'ai pu franchir cette immense grille bleue et finir debout entre deux mondes dos à la rambarde.

Mon souffle embuant l'air se fait de plus en plus court. J'aimerais essuyer mon visage de toute cette eau qui me chatouille, mais j'ai peur de lâcher prise. Pourquoi le destin a-t-il voulu m'emmener jusqu'ici alors ?

Un dur sanglot accompagne désormais mes larmes. Chaque hoquet manque de me faire tomber. Je pleure. Je n'ai jamais autant pleuré. J'ai beau y réfléchir et me dire que je ne perdrais pas grand-chose, je pleure quand même. Je ne veux pas, je ne veux plus. Mais j'ai peur de faire machine arrière. Je pourrais chuter. Et quand bien même si ça n'arrivait pas, tout serait différent. Avoir cette idée une seule fois dans ma vie va me changer à jamais. Que j'aille dans un sens ou dans l'autre, j'ai peur. Et je pleure.

Je relève la tête pour reprendre un bol d'air frais, mais la pluie m'empêche presque de respirer. Cependant mes yeux s'arrêtent sur un détail du ciel. Loin, là haut, la pluie est coupée par un obstacle et les petites éclaboussures des gouttes arrêtées dessinent une silhouette. Je crois que c'est la silhouette d'un homme. Un homme mit entre parenthèses par... Est-ce que ce sont vraiment des ailes ? L'immense rideau de pluie ne me permet pas de distinguer les détails, et froncer les sourcils n'améliore pas ma vue. Je ne vois qu'une sorte d'ombre (ailée ?) dans un halo de pluie.

Je pensais ne pas avoir consommé de drogue mais les faits sont là. Je ne me souviens pas de ma venue ici, j'ai des hallucinations, et à l'évidence j'ai un putain de bad trip.

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Une voix se fait entendre. Je tourne au maximum ma tête sur les côtés pour voir qui est derrière cette immense grille bleue qui me sépare de la large bande d'asphalte du pont. Personne. Il n'y a jamais eu personne. Pourtant j'entends de nouveau la voix. Je crois qu'elle est dans ma tête. C'est une voix d'homme, une voix rauque, une voix caverneuse, et pourtant chaude, mielleuse, comme céleste. J'imagine que si Dieu avait eu une voix, ça aurait été celle-là.

Je lève les yeux instinctivement vers la silhouette. Ce doit être encore cette drogue. Les hallucinations s'amplifient. Je me rends à peine compte que j'imagine un ange me parler comme par télépathie. La folie commence à m'emporter.

La voix poursuit. Je ne sais pas vraiment ce qu'elle dit. Elle met plutôt des idées que des mots dans ma tête. Mais je lui réponds.

- Oui.

Suis-je en train de sourire ? Je ne me souviens pas que ça me soit déjà arrivé. C'est étrange. Je tente de l'effacer, mais en vain. Je souris.

Je me demande ce qu'est la meilleure chose à faire. Les pieds joints, les bras le long du corps ? Ou bien simplement me laisser aller les pieds devant ? Ou alors comme un plongeon en natation ? Ou comme un ange ?

- Oui.

Je ferme les yeux. Mes mains trempées se détachent peu à peu de la rambarde. Il y a ce sentiment de liberté. Mon cœur bat de plus en plus fort. Je me rends compte qu'il est désormais trop tard. Trop tard pour changer d'avis. Trop tard pour les regrets.

Je rouvre les yeux alors que je suis au milieu de ma chute. Je suis sur le point de percuter cet ange aux ailes de jais souriant et tendant les bras vers moi.

Black out.

J'ouvre les yeux sur le plafond de ma chambre. Je souris. Je sens qu'aujourd'hui sera une belle journée. Et les suivantes aussi. Quelque chose a changé en moi sans que je sois capable de dire quoi. Comme si j'avais fais un rêve joyeux. Mais je ne me souviens pas de ce dont j'ai rêvé.

Je tourne la tête sur le côté pour regarder le radio réveil. Mais quelque chose attire mon attention sur l'oreiller : une plume noire.

Par maxime henri

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Sortie de secours n° 20 - nov-déc 2010 - sortiedesecours.info

nouvelle nouvelle

Un hOMMe, Un ChAt, Une feMMe.LA PLUPArt deS hOMMeS S’ennUient. Je ne M’ennUie JAMAiS.

LA PLUPArt deS hOMMeS Ont BeSOin d’Un BUt dAnS LeUr vie. Je n’en Ai AUCUn.

À cette époque, j'avais l’habitude de promener mon chat tôt le matin, en pyjama, dans le parc du château. À cette heure matinale, seul le chant des mouettes se faisait entendre ; elles avaient l’air de bien s’amuser là- haut. Le bruit de ces étranges choses à quatre roues ne venait pas encore rompre la douceur de ce paysage. Je regardais avec admiration les couleurs de l’aube dans les cieux timides et silencieux. La fraîcheur caressait ma peau comme les pétales d'une fleur, je sentais parfois un frisson qui me laissait croire que j'étais en harmonie avec moi-même et l’univers. Le chat que je promenais venait de je ne sais où, je l'avais accueilli alors qu'il était petit et perdu dans une rue misérable. Je l'avais dès lors élevé comme un frère. Bien que je ne parle pas la langue des chats et que lui ne parle pas notre langue, cela ne nous empêchait pas de bien nous entendre, bien au contraire. Je lui demandais « Voulez-vous prendre l’air ? » et il me répondait en miaulant « Miaou ». Lorsqu'il miaulait une fois cela voulait dire « oui », quand il miaulait deux fois, cela voulait dire « non ». Certes, je n’avais pas de grandes discussions métaphysiques ou philosophiques avec lui ; il avait pour toute conversation des ronronnements et des miaulements mais cela me suffisait amplement ; sa présence m'apaisait, il me donnait l'impression d'exister.

Un jour, alors que je rentrais chez moi, après avoir donné une leçon de violon à une étudiante, je m’aperçus, je ne sais pourquoi, que j’étais en train de vieillir. Cette idée ne m'avait jamais traversée l'esprit auparavant et d'un seul coup, je me pris à m'imaginer vieillard, sans amis, sans famille, sans chat... Ensuite, je me vis mourir, je me vis pourrir sous terre rongé par les vers. Au début cette rêverie m’effraya et me fit l’effet d’un coup de couteau au cœur. En fin de compte, je me suis dis que cela n'était rien ; que je sache, aucun mort n'était jamais revenu pour se plaindre de sa propre Mort !

J’avais une trentaine d'années, et j'étais divorcé. Je ne sais pas pourquoi mais je m’étais marié ; l’amour et l'inexpérience nous font parfois faire des choses stupides. Elle voulait des enfants, je n’en voulais pas, simplement, je trouve que nous sommes déjà bien nombreux sur terre et que les temps à venir ne seront peut être plus aussi beaux qu’aujourd’hui. Je lui répétais sans arrêt que c'était égoïste de sa part d'avoir un bébé, de jouer à la maman et au papa... Je ne voulais vraiment pas perdre mon temps à cela, je lui disais tout bonnement que, pour moi, le temps c’est de l’art et que la vie est bien trop courte pour suivre un chemin déjà emprunté par tant de monde. En plus, les enfants sont trop bruyants, soient ils crient soient ils pleurent, ils n'ont pas de conversation ; je préfère la compagnie des livres, ils sont plus calmes et silencieux ! Elle ne voulait rien savoir alors elle me quitta. Elle alla fonder une famille avec un autre homme, ah les femmes ! Quand elles ont une idée en tête ! J’avais donc repris une vie de célibat que je menais depuis maintenant deux ans avec mon chat. Le changement au départ fut difficile, pour s’endormir seul, pour manger seul... Cela fait bizarre, c’est un peu triste, mais on s’y fait à la longue.

Pour subvenir à mes besoins, je donnais des cours particuliers de musique. Il m'arrivait aussi de faire des remplacements dans des lycées comme professeur de français. Le fait d'enseigner au lycée me permettait de fréquenter de jeunes personnes et surtout des jeunes filles dans la fleur de l'âge. À 17 ans ou à 18 ans, le corps des femmes est doux comme la peau d'une pêche, beau comme des nuages, et leurs préoccupations, je dois l’avouer me font relativiser. Les trentenaires, pour la plupart, me font déprimer, ils ne parlent que de leurs enfants, de leurs maisons ; à les écouter, ils paraissent se convaincre eux-mêmes qu'ils ont fait le bon choix de vie... Ils ont l’air si blasé, sont si prisonniers de leur vie monotone. Je fais des généralités, au fond, ils ne sont pas tous ainsi...

Suite à un cours que j'avais donné sur Stendhal, sur Le Rouge et le noir, où j'avais évoqué le phénomène de cristallisation, une élève (qu'elle était charmante !) était venue me voir, avec une de ses amies, pour me parler du livre que nous étudiions en classe, et de l'éternel sujet de l'amour (mon métier n'a pas que des inconvénients !). Nos bavardages étant intéressants, je les conviais discrètement à venir me rejoindre boire un thé au café librairie Les fleurs d’opium. C'était vendredi, la semaine était finie, et elles me dirent « oui » sans hésiter. Une demi-heure plus tard, j'étais au café, seul ; je devais être en avance. J’aimais beaucoup cet endroit, je m’y sentais bien, il n’y avait pas foule. La musique de fond était souvent du jazz ; des centaines de livres de tous genres recouvraient les murs et donnaient l'impression que le bon goût était loin d'être mort.

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Finalement, la charmante fille vint seule, son amie m’a-t-elle dit, devait rentrer chez elle pour je ne sais quelle affaire.

Nous commandions, au lieu du thé initialement prévu, deux ballons de Chablis. Nous discutions de choses et d’autres, de frivolités et de choses plus « sérieuses ». Je ne voyais pas passer le temps. Sa vision du monde était à la fois lucide et enthousiaste, elle était pleine de projets et d'envies, elle m’apprenait certaines choses, je lui en appris d’autres... Elle avait déjà lu pas mal de livres pour son âge, ce qui permis d'étaler la conversation jusqu'au début de soirée ; cela me changeait, avec tout le respect que je lui dois, des conversations que j’avais avec mon chat ! On apprend tellement avec les jeunes gens, sa présence me rassurait, elle me faisait le plus grand bien. Bien que je ne fusse plus un adolescent, je voyais le monde avec ses yeux rempli d'espérance, plein de confiance envers la vie et l’avenir... J'eus l'audace de l'inviter à manger un bout dans la petite maison bordélique dont j’étais le locataire. Elle refusa gentiment me disant que « ce n'était pas sérieux ». Je lui répondis d'un air taquin : « Mais qu'est-ce qui est sérieux ? » Nous nous quittâmes, ravis d'avoir passé tous les deux ce moment hors du temps et du monde. Je m'endormis seul, une fois de plus, dans les bras de la Solitude.

Trois semaines passèrent. J'avais fini de remplacer le prof de français au lycée de... Alors que je flânais en ville par un samedi soir, je croisais, tout à fait par hasard, la jeune fille avec qui j'étais allé au café. Elle me fit savoir que son prof était « vraiment nul » et me flatta en me disant que je manquais à toute la classe. Je ne l'écoutais plus, la rue et les passants disparurent, nous étions deux étoiles perdues dans un vaste univers ; ses yeux me captivaient, le son de sa voix m'enchantait, sa jeunesse, sa beauté me stupéfiaient. Je ne savais que faire. Je lui dis sans réfléchir : « Tu veux passer chez moi, j'habite à deux pas ». Elle hésita un instant puis me dit timidement « oui ».

Je n'écoutais plus depuis longtemps la voix de ma raison qui me disait « ce n'est pas bien, elle est trop jeune, si tu te fais pincer, t'auras des ennuis » Heureusement, il y avait la douce voix de ma folie qui me disait : « Mais qu'est-ce que tu attends ? Depuis le temps que tu as rêvé de cela, tu ne vas pas te dégonfler ! ». J'avais les paroles de Gainsbourg qui me revenaient à la tête : « 17 ans la limite / Je ressuscite »

Nous marchâmes tranquillement, je pris le temps de regarder ses jambes, elles étaient magnifiques, enveloppées dans de jolis collants noirs... J’eus à peine le temps d’ouvrir la porte que le chat sortit à toute vitesse, sans même me jeter un seul regard, il avait sans doute compris que nous voulions rester seuls. J’avais l’impression d’avoir enlevé une vestale pour l'emmener dans le temple de Cupidon ! Je débouchais une bonne bouteille de Bourgogne. La situation était un peu étrange, c'était quand même une de mes anciennes élèves ; mais le vin dissipa vite notre malaise comme le vent peut enlever un épais brouillard... Pris d'un désir incontrôlable je l'embrassais. Elle ne s’y opposa guère, bien au contraire. Mon cœur battait de plus en plus vite et de plus en plus fort sous l'effet de « l'amour ». La suite ne vous intéressera sans doute pas, je passe donc les détails inutiles. Ce que je peux vous dévoiler, par contre, c'est que nous nous sommes endormis main dans la main à une heure assez tardive. Le lendemain, il était midi quand elle partit. Je fus triste mais je n’allais pas tarder à retrouver ma joie puisque je la revis assez souvent avant qu'elle ne partît faire ses études en Angleterre pendant toute une année. Nous allions ensemble au théâtre, au cinéma, je me faisais passer pour son grand frère et tout se passait très bien. Je ne l’ai pas revue depuis son retour de voyage, sans doute avait elle trouvé un jeune homme de son âge, mais peu importe, aujourd’hui j’ai retrouvé la compagnie de mon chat et je n’en suis pas mécontent.

Je ne sais pas pourquoi je vous ai raconté cette aventure quelque peu romanesque, mais je dois vous confier que ma vie n’est pas toujours ainsi. Évidemment, il y a des moments où rien ne se passe, où j'attends des messages pour que l'on m'invite quelque part, où c’est le néant ; alors je m’occupe en lisant, en écrivant des nouvelles que personne ne lira... Le pire, dans ces temps d’attente, c’est lorsque que l’on entend la jolie musique de son portable, où l'on saute dessus comme un acharné, pour s’apercevoir, finalement, que c’est un foutu sms d’orange vous proposant une « offre spéciale » car vous êtes un « client spécial »… Il est des jours ou des périodes de la vie moins mouvementées que d’autres, mais, par chance, le Silence, la Solitude et le Calme resteront toujours de bons vieux amis que j'accueillerai à bras ouverts...

glenn nicolle, un bien médiocre écrivain.

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bientôt à breSt

soirée étudiante « diaphonique » • mercredi 24 novembre, 21h-00h30 • salle du clous

Qu’est-ce que mixer des sons ? Pour aborder cette question, deux propositions. Pour commencer : mix d’archives pour un danseur par Mathieu Gaud et Sylvain Fox. Pour continuer : Diafonik, duo composé par Pierre Stéphan aux violons et Yann Madec à l’électronique et au traitement sonore pour des compositions musicales à partir d’archives sonores de Donatien Laurent. Une soirée diffusée sur Radio U et en entrée libre.

Les immédiatiques • internet : enjeux géopolitiques de la gouvernance et des échanges culturels • 2 décembre, 18h-20h • Salle des thèse • Faculté segalen

Après la rencontre de 2008 sur la question du cyberac-tivisme et de l’Internet en contexte répressif, cette table ronde s’inscrit dans la continuité. Il s’agit d’aborder plus glo-balement les questions de l’influence de l’Internet sur les équilibres géopolitiques à travers, notamment, l’enjeu crucial de la gouvernance du réseau au niveau mondial. Les décisions prises dans ces grands rassemblements, qui décident des règles de fonctionnement de la toile, n’entérinent-ils pas les déséquilibres géopolitiques préexistants ?

séminaire : le documentaire radiopho-nique : « décor naturel » • 3 décembre, 9h30-11h30 • salle des thèses • Fac segalen

LeS OndeS SUr Le CAMPUS

Fort d’un partenariat suivi depuis sept ans avec l’université de Bretagne occidentale, le festival a étoffé ses rendez-vous à la Faculté Victor segalen pour prendre le temps du recul, de la transmission d’une réflexion, de l’échange des points de vue et des pratiques radiophoniques. Le festival est ouvert à tout

public et l'entrée est libre et gratuite.

L’association recherche des personnes pour s’investir en amont et/ou pendant le festival. En contrepartie, chaque bénévole se verra remettre une entrée pour le concert du samedi 4 décembre ainsi que des places de cinéma gratuites.

Contactez-nous au 02 98 49 00 15 ou au 06 65 66 23 08, ou bien encore par mail à [email protected].

le festival de la radio et de l’écoute recrute !

Qu’est-ce que mixer des sons ? Pour aborder cette question, deux propositions. Pour commencer : mix d’archives pour un danseur par Mathieu Gaud et Sylvain Fox. Pour continuer : Diafonik, duo composé par Pierre Stéphan aux violons et Yann Madec à l’électronique et au traitement sonore pour des compositions musicales à partir d’archives sonores de Donatien Laurent. Une soirée diffusée sur Radio U et en entrée libre.

Débat radio, psychiatrie et psychanalyse • 3 décembre, 14h-16h30 • ancienne bibliothèque universitaire

Michel Plon, psychanalyste, Catherine Dolto, hapto-psychothérapeute et pré-sidente de l’association « Archives et

documentation Françoise Dolto », ainsi que Colette Laury de Radio Citron, radio faite par des personnes souffrant de mala-dies psychiques, échangeront sur la place de la psychanalyse à la radio et plus largement dans les médias. La psychanalyse comme champ de connaissances peut-elle s’exprimer à travers la radio et à travers les médias ? Si oui, quelles en sont les exi-gences cliniques et éthiques ? La radio en tant qu’outil théra-peutique peut-elle permettre à des personnes souffrant de maladies psychiques de faire exister leur parole, peu présente en général dans les médias car trop souvent stigmatisée et mise à l’écart dans la société ? Une table ronde pour quelques pistes et éléments de réponse.

une soirée en fanfare : bus d’écoute, concert et buffet • samedi 6 décembre, à partir de 19h45

Départ en bus d’écoute ou en pedibus à la sortie du Quartz le

samedi soir / arrivée 1h30 plus tard à la salle du Clous pour une soirée en fan-fare (où il y aura à manger, à danser et à boire...).