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L’Arabesque,…

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  • L’Arabesque,…

  • 2L E H O B B I T F A T A L I S T E

    L’ArabesqRoyaume

    Une aide de jeu pour Mage, L’ascension™

    3L E H O B B I T F A T A L I S T E

    ue,horizon de Babel

    « Si la lecture des livres provoque le

    ramassement du corps, l’individu tout

    entier se coule en lui, par la main qui

    devient livre ou bien le livre qui devient

    chair – selon les écoles– le lecteur dispa-

    raît entre les pages, il est là-bas, quand on

    le regarde en train de lire on sent qu’il est

    parti, qu’il navigue, nous laissant seuls,

    nous autres non-lecteurs, sur la berge des

    pages attendre son retour…»

    Jean-Marie Gourio, Chut !

    À tout mage en quête d’une édition épuisée d’un ouvrageocculte, à tout mage respectueux des traditions des Verbenas,à tout éveillé fatigué du bruit et de la fureur de ce mondeoutrageusement gothique et exagérément punk, à tous ceux-làl’Arabesque tend les bras. Venez en ce royaume horizon goûterà des magies plus que rares et rentrer dans le cercle envié etrestreint des lettrés parmi les mages.

  • L’Arabesque, que certains ont nom-mée le royaume horizon de Babel(en référence à certaines mythes etromans), est un bon lieu pour étu-dier la chose occulte tout en se met-tant à l’écart de ses manifestations deviolence (car avouons-le, on trouvepeu de pacifisme dans le comporte-ment des êtres surnaturels de Gaïa).L’Arabesque se résume à une immen-se bibliothèque abritant des ouvragesoccultes parmi les plus recherchésainsi qu’une masse infinie et éclec-tique de publications couvrant aussibien tout ce que la littérature a pro-duit d’essentiel que les productionsles plus obscures. La bibliothèqueest entourée d’une jungle accueillan-te et entretenue et jouxte égalementen son sein une unique ville, seulgrand centre de vie du royaume.

    Partagé par des Fondations deVerbenas et de Chœurs Célestes, leroyaume est, cela va de soi, confor-me aux traditions des Verbenas et nedéfie pas ouvertement les us desgrands maîtres du Prime. Toute per-sonne venant à l’Arabesque est tenued’être correcte dans son apparence etdans ses actes, ceci sans compter lesrègles de l’étude de la bibliothèquequi resserrent encore un peu cesstricts usages. On décèlera en ce lieuainsi que chez ses résidents comme

    des réminiscences de la bonne socié-té londonienne. Ici on ne tolère pasles messes noires ou les déborde-ments typiques des Cultistes. Il n’y aguère que les rites verbenas (mêmeun peu sanglants) à ne souffrir d’au-cun ostracisme.

    Pour ce qui est de la technologie,des vêtements et de l’art de vivre, ony a pas vraiment dépassé l’année1914. Ce n’est bien sûr pas fortuit.1914 est l’année avec laquelle a com-mencé le vrai XXe siècle, avec soncortège d’horreurs, ses bouleverse-ments, son coup de grâce au mysti-cisme, et avec lui une autre percep-tion de la vie et de son prix. On sentla volonté chez les habitants de ceroyaume horizon de revivre le tempsd’avant la tourmente, un temps plusserein et donc plus propice à l’étude,et qui nous rapproche de l’époquefin de siècle où les richesOccidentaux en mal de loisirs sefrottaient aux sciences occultes dansleurs salons précieux. Par ailleurs,soucieux sans doute de laisser auxmages une aisance dans leursrecherches et de ne pas brusquerl’évolution des choses, le temps lui-même passe deux fois plus lente-ment que sur Terre. C’est ce que l’ona coutume d’appeler « l’effet paren-thèse » de l’Arabesque.

    4L E H O B B I T F A T A L I S T E

    1. E N G É N É R A L

    Le royaume fut créé par un clerc ver-bena du début du quinzième siècle,répondant au nom de GuillaumeArnolfini, afin de mettre en sécurité unlivre précieux (voir Vieilles magies). Ilest évident que Guillaume Arnolfini

    n’avait pu créer seul ce royaume hori-zon. Mais l’identité des personnesayant participé au projet n’est pasconnue, ce qui a toujours inquiété lesmages résidant dans le royaume, sur-tout que d’aucuns ont prétendu

    5L E H O B B I T F A T A L I S T E

    2. H I S T O I R EJe m’étais levé sans peine, et à cinqheures tapantes, alors que toute lamaisonnée était encore soudée à sonoreiller, je franchissais le seuil de l’ap-partement pour m’en aller attraper auvol le premier bus du matin. La nuitavait délesté l’air de son lot d’hydrocar-bures et je respirai à pleins poumons,finalement pas si fâché de reprendre lecollier après une semaine de congé. Lebus m’emmena jusqu’au cœur de laCity de Seattle ; le quartier dégageaitun imperceptible flux de stress et d’ef-fervescence qui me mit vite dans l’étatd’esprit adéquat pour effectuer la mis-sion qui m’avait été confiée la veille ausoir. Je suis coursier. Plus exactement :coursier pour mages.J’arrivai à l’adresse de mon mandatairedu jour. Je sonnai à l’interphone et unevoix aigrelette me répondit. Je déclinaimon identité. Après avoir traversé delarges couloirs moquettés, j’entrai chezmon mandataire. Dans l’intimité de sonappartement chargé d’un bric à bracimpensable, l’homme, d’un âge véné-rable, m’expliqua ma course. Une fois

    encore, j’allais devoir me rendre dansl’Arabesque, un petit royaume horizon,pour y porter un intrigant paquet.Dix minutes plus tard j’avais déjà prisun greyhound pour me rendre àAberdeen. Les passages versl’Arabesque étaient comptés, commepour tous les royaumes horizons, et leplus proche d’entre eux était dans uneFondation d’Aberdeen appelée LaMaison d’Edgar. J’y arrivai dans l’après-midi. La Maisond’Edgar est une petite librairie. Elle n’apas pignon sur rue et je m’étais sou-vent demandé à sa devanture si sesgérants avaient jamais tenu à ce qu’unclient y entrât. Elle a toutefois de quoiintriguer le chaland et garde pour quiose passer la porte de savoureux tré-sors. En fait, j’étais un habitué du lieu.La libraire, debout sur son escabeau entrain de dépoussiérer quelquesouvrages très confidentiels, m’adressaun chaleureux « bonjour ».– Bonjour, Holly, lui répondis-je, goûtantl’éclat si particulier que la magie du lieudonnait à ses cheveux grisonnants.

  • qu’Arnolfini aurait en réalité conclu unmarché avec des êtres aux troublesintentions afin de l’aider à créerl’Arabesque. Au bout de quelquesannées Guillaume Arnolfini ouvrit leroyaume à 6 autres Verbenas afin qu’ilspuissent y entreposer leurs ouvragesprécieux. Ces Verbenas partagèrent ceprivilège car ils étaient chacun en pos-session d’un node et pouvaient doncalimenter l’Arabesque en quintessence.On a coutume aujourd’hui de les nom-mer les « Bienfaiteurs ».

    Guillaume Arnolfini mourut vers1480. Les six Verbenas jurèrent alorsde garder jusqu’à la mort le secret del’existence du royaume. Seul le dernierd’entre eux à vivre serait libre de dis-poser du royaume à sa guise. Ce ser-ment entraîna bien sûr quelquesdérives. L’un des six projeta rapide-ment de hâter la mort de ses confrères.Son nom est demeuré dans lesregistres : Menno Van Leer, universitai-re et théoricien reconnu chez lesVerbenas de Leyde. Il ne parvint à enéliminer qu’un avant d’être découvertet d’être à son tour assassiné par lesquatre autres restants. Ils réalisèrentalors qu’il avait vendu ses services à unavatar de Ganesha, la divinité indien-ne, qui revendiquait le royaume aunom d’une vieille dette contractée àson encontre par G. Arnolfini. Il s’estdepuis imposé dans les esprits que ceserait cette entité qui depuis pervertitle royaume de son influence, engen-drant des périls dans ce royaume quiavant n’en comptait aucun. Quant auxquatre Verbenas survivants, l’und’entre eux disparut dans un conflit

    contre des Maraudeurs dans l’Umbra,et deux autres moururent de leur bellemort. En 1610, il n’en restait plusqu’un, libre, comme le proclamait leurserment, de disposer du royaumecomme bon l’entendait. Il décida del’ouvrir à tous les Verbenas dignes deconfiance ainsi qu’à certains ChœursCélestes. Il avait beaucoup de contactchez les mages de cette Tradition. Ilput ainsi récupérer par leur biais bonnombres d’ouvrages de qualité et béné-ficier du contenu de quelques« enfers » bien remplis (les moinesavaient coutume jusqu’au XIXe sièclede nommer ainsi les lieux où ils entre-posaient les livres interdits par lesautorités ecclesiastiques). Son nom estlui aussi demeuré dans les registres :Thomas Monaster.

    Ce royaume coffre-fort se développaau fil du temps pour devenir au boutdu compte un lieu dédié autant à lasauvegarde et au référencement d’ou-vrages qu’à l’étude. Les Verbenas et lesChœurs Célestes venaient y entreposerdes ouvrages précieux ou tout simple-ment incontournables. Ce qui n’étaitau départ qu’une remise à usage privédevint un vaste royaume ouvert à tousles Verbenas et renfermant une collec-tion inépuisable et variée d’ouvragesoccultes et littéraires, dont, pour cer-tains, on ne soupçonnerait même pasl’existence ; une bibliothèque, donc, etsans doute une des plus atypiques.Malgré tous les efforts des mages res-ponsables de sa bonne marche, leroyaume garde certains aspects incon-trôlables. Mais il demeure assez fidèleà ce qu’en veulent les Verbenas.

    6L E H O B B I T F A T A L I S T E

    Après avoir fait le tour de La Maisond’Edgar et salué tous ses locataires– à l’exception des associaux, on entrouve beaucoup dans ce genre d’en-droit et encore plus dans lesroyaumes horizons –, j’ouvris la portede la Chambre des étoiles. C’est ainsique l’on nomme la pièce faisant pas-sage avec l’Arabesque. Il s’agit d’unepièce nue aux murs blancs et au pla-fond entièrement recouvert de fontesde plomb d’un noir luisant. Fixer desyeux ce plafond qui donne toujoursl’impression de vouloir vous tomberdessus donne en règle générale unléger tournis suffisant à vous emme-ner voir dans l’Arabesque s’il y faitfrais. C’est par ce biais que je foulaiquelques instants plus tard le parquetbruyant des « Grandes archives ».

    LA JUNGLEL’Arabesque est un curieux mélange.

    Une bibliothèque labyrinthique bordéepar une jungle tranquille et habitée pardes arcanistes sortis d’une nouvelle deKipling. C’est un endroit où il fait bonvivre et l’aventure, dans ce royaume,est rarement là où on l’attend.

    Commençons par le plus simple : lajungle. Elle se présente comme unespace morcelé, découpé par l’entrelacdes extensions de la bibliothèque. Lanature y est accueillante, les pelousessont légion et nul animal sauvage ne

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    3. G É O G R A P H I E

  • songerait à vous y attaquer. Les fauvessont affectueux, les éléphants se com-portent comme dans Les cigares dupharaon et il est facile de trouver unjardin anglais où déguster son thé enregardant passer les tigres débonnaires.

    C’est pour cela qu’on y croise tant depromeneurs et de cyclistes (pas d’auto-mobiles) habillés comme pour bague-nauder dans les rues des capitales euro-péennes. Cette jungle doit plus à HydePark qu’à Bornéo et offre des simili-tudes avec ces parcs où la bourgeoisievenait autrefois prendre le soleil.

    Le royaume a également son train ; àvapeur, comme il se doit. Il traversetout le royaume,ce qui est vite fait vusa faible superficie, et passe fréquem-ment. Il n’y a qu’un train, en fait, fai-

    sant inlassablement le même trajet. Ilest parfois squatté par des animauxdits « sauvages », il faut donc faireattention où on met les pieds. C’estl’idéal pour aller rapidement d’undomaine de la bibliothèque à un autre.

    Rares sont ceux qui habitent dans lajungle. La majorité d’entre eux trouvelogis à Camp, la seule ville du royau-me, ou dans les appartements dissémi-nés çà et là dans la bibliothèque. Ontrouve seulement quelques commercesle long des chemins et près des garesainsi que quelques amphithéâtres oùviennent se retrouver les savants arca-nistes. Le temps y est toujours clémentet le vent n’y souffle que lorsqu’unétranger pénètre dans le royaume,comme pour en avertir les résidents.

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    LA BIBLIOTHÈQUEExtérieurement, la bibliothèque porte

    la signature des architectures 1900 etart déco (une des rares entorses à cetaspect très 1910 du royaume). Motifsdécoratifs peints, poutrelles d’acier,profusion de formes géométriques : entous cas l’héritage classique est rigou-reusement absent de ces édifices.

    Dans sa forme générale la biblio-thèque est une construction tentaculai-re étendant ses ramifications sur toutel’étendue du royaume. Tous les bâti-ments sont reliés et il est dit que l’onpeut aller d’un bout à l’autre de labilbiothèque sans mettre le nez dehors.Il est tout de même plus pratique pourcela de prendre le train. Les extensionsde la bibliothèque sont imposantes,possédant une dizaine d’étages etlarges comme un pâté de maisons,gonflant vers le ciel des coupolesimmenses.

    À l’intérieur, l’influence architecturaleest la même : des structures métal-liques tendues soutiennent les pla-fonds, des faïences incrustées décorentles murs, les espaces sont dynamiques,etc. Pénétrer à l’intérieur de ces édi-fices, c’est renter dans un espace fan-tasmagorique et déroutant. L’ordon-nancement chaotique des plafonds etdes couloirs, des escaliers venus d’onne sait où émergeant au beau milieudes rayons de livres. Des livres, deslivres, des livres partout, dormant surdes étagères et des meubles à perte devue. C’est un vrai labyrinthe, au pointque même les habitués se font leursparcours habituels et ne s’en éloignentjamais de peur de s’égarer.

    Les sols sont inévitablement de par-quets vitrifiés et reflétent les visiteurs,grinçant à leur passage. Il fait toujoursplus frais dans la bibli qu’à l’extérieur,d’autant plus qu’il n’y a pas de saisons.

    Il n’a jamais été établi de plans précisde la bibliothèque, ce qui ne l’empêchepas d’êtres divisée en plusieursdomaines, appelés quarts. Chacun desquarts est dirigé par un surintendantqui lui-même commande à un petitbataillon de directeurs, sous-directeurset bibliothécaires. Ce sont tous ceux-làqui régissent la vie de ce lieu, l’ouver-ture des salles, l’entretien, la classifica-

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    Statut : très bonGouverné par : la Legacy, un conseil de 4 maîtresde la sphère de Vie désignés par les chefs desFondations liées. Chacun fait partie d’une cabale.Le même système s’applique dans beaucoup deFondations. Ils ont sous leurs ordres 10 surinten-dants : 1 pour la jungle et 9 pour les neufdomaines (« les quarts ») de la bibliothèque. Tousces dirigeants ne sont pas en charge des affairesde justice. Il y a quelques magistrats (le mot estun peu solennels pour la réalité de leur fonction)pour cela. Ils ne jugent que les délits. Les crimi-nels sont renvoyés sur Terre.superficie : 90 km2. La jungle occupe la moîtié dela surface.population : 500 personnes dont une majoritéd’acolytes, d’apprentis et de serviteurs. Les 3/4sont concentrés dans la villerésidents : beaucoup de mages solitaires ou âgés.Il faut dire que pour passer beaucoup de tempsdans un royaume horizon, il ne faut pas avoirbeaucoup d’attaches sur terre (famille, amis,questions financières).

    Le royaume en quelques mots

  • tion et la surveillance des visiteurs. Lesouvrages les plus importants sont ras-semblés afin de les surveiller. La surfa-ce énorme de la bibliothèque fait qu’ily a finalement beaucoup de lieux peusurveillés voire déserts. Tout n’est pasentretenu, loin de là, vu que certainesparties de la bibliothèque ne sont pasrépertoriées et d’autres sont carrémentdangereuses (voir ci-après).

    LE CHAOS DANS LA BIBLI

    C’est un détail plaisant au départmais qui devient vite intriguant : labibliothèque fourmille de chats. Ilsdéambulent entre les visiteurs, fontleurs griffes sur les meubles, s’assoientsur les cahiers d’étude, dorment aumilieu des rangées de livres, et person-ne, disons bien personne, ne songe àles chasser. La raison en est simple : ceserait eux qui, en dormant, font que labiblitohèque s’assure le calme et lapérennité, comme si leur sommeil dis-persait une énergie positive venantcontrer les mauvaises influences et lechaos qui tente sans arrêt de s’emparer

    du lieu. Là où dorment les chats lecalme règne. Si tous se réveillaient ondit que le chaos submergerait la bibli,mais ces bêtes anodines sont là pour lasécurité de tous. Ce serait des biblio-thécaires, des visiteurs s’étant perdus(car on se perd très facilement) etétant peu à peu devenus chats.

    « Le chaos, dites-vous ?» Et bien,oui… Dans ce royaume horizon, ledanger n’est en effet pas dans la junglehors des murs mais dans les murs : ende nombreux endroits, partout où leschats sont absents, l’herbe pousse dansle parquet, de vraies savanes et junglesse développent, des ethnies primitivesfont leur apparition, de vrais tigres,des lions, des bêtes réellement sau-vages se promènent. C’est comme si lanature reprenait ses droits. Ceci créeun univers propre à l’exploration et àl’aventure et cela attire parfois desmages en mal de frissons. Les respon-sables des quarts ne mettent évidem-ment jamais les pieds dans ce genre delieux. Ce sont en tous cas les seulspérils existant dans ce royaume.L’hypothèse a depuis longtemps été

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    Où boire un verre ? À l’Ulysses, pardi ! Àtout lieu de passage, il faut son café, etc’est l’Ulysses qui dans la jungle remplitcette fonction… Dans un des coins les plusépais de la jungle, à l’ombre de hauts palé-tuviers, ce bistrot construit comme unemaison de plain-pied accueille le prome-neur assoiffé. Des fougères géantes effleu-rent ses baies vitrées et de temps en tempsles éclats de voix venus de l’intérieur vien-nent perturber le chant des oiseaux deparadis. Lorsqu’on entre dans l’Ulysses, undétail attire immédiatment le regard : c’estla locomotive à vapeur encastrée dans undes murs. L’explication en est que le traindu royaume dessert une gare non loin ducafé et qu’un jour funeste il vint àdérailler, venant emboutir le bar après unecourse folle de quelques dizaines demètres. Le propriétaire jugea bon de laisserla locomotive là où elle était et fit lesréparations de son local en y incluant laloco. La décoration d’intérieur a dès lorsété mise au diapason : outre la machinequi semble surgir du mur, les tables sontfaites avec des roues de wagons, ce sontdes lanternes de loco qui font l’ambiancelumineuse, et d’autres éléments encorejouent le rappel de l’univers ferroviaire.

    Le patron de l’établissement, MilesBotham, est un ancien Fenian, de ces acti-vistes irlandais qui, à partir de la fin duXIXe siècle, se rendirent tristement célèbrespour leur guérilla renforcée contre l’autori-té anglaise. Pour la petite histoire, MilesBotham avait commis bon nombre d’exac-tions, participé à maints règlements decompte et attentats, tant et si bien quelors de ses fréquents passages àl’Arabesque, il devenait l’homme le plusrecherché du royaume. Il fut arrêté par lamilice du surintendant du huitième quart,alors qu’il assistait à la veillée funèbre

    d’un de ses pairs. On l’emprisonna dans unlivre (une biographie de Cromwell, peut-être) grâce à la relique d’Arnolfini – le fon-dateur du royaume – et on l’envoya sefaire juger sur Terre, comme c’était la cou-tume pour les criminels (voir p. 24). ÀDublin, un an plus tard, on le sortit de sonlivre et il fut jugé par un tribunal deVerbena anglais qui avaient la réputationd’être expéditifs. Il sembla pendant lecourt temps que dura le procès, que la per-sonnalité de Miles Botham avait changé,comme si son séjour dans l’ouvrage-prisonen avait arrondi les angles et avait rendu leFenian plus détaché. Contrairement auxpronostiques, le tribunal estima qu’il avaitdéjà purgé une peine suffisante et il futacquitté, ce qui ne manqua pas de fairescandale. La présence de l’adepte progres-siste Heasha Morningshade (voir tradition-book Verbena) au tribunal fit beaucoup glo-ser et il fut dit que Miles Botham lui devaitson acquittement. Les choses ne s’arrêtè-rent pas là. Miles Botham revint au bout dequelques années à l’Arabesque sans êtrepourchassé et en étant un des rares à sevoir accorder le « droit de plaire » (voirp.19), ce qui lui permet d’être vivantaujourd’hui encore. Tout porte à croire quetoutes ces faveurs sont dues à un marchépassé avec Heasha Morningshade etd’autres hauts Verbenas. C’est peu avant leretour de Miles Botham à l’Arabesque queles Verbenas d’Irlande, aidés de quelquesarchivistes, mirent la main, après quelquesbatailles, sur des documents essentielspour la poursuite des recherches del’Arabesque. La coïncidence est frappan-te… Toujours est-il qu’à son retour MilesBotham monta l’Ulysses qui devint vite unrepaire d’Irlandais indépendantistes avantde devenir tout simplement le lieu populai-re qu’il est aujourd’hui.

    L’Ulysses

  • émise que c’était là l’influence del’avatar de Ganesha qui avait déjàtenté par le passé de s’appropier leroyaume (voir Histoire)

    CAMPC’est LA ville de l’Arabesque. Elle

    tirerait son nom de l’habitudequ’avaient les Bienfaiteurs de seréunir pour converser et bivoua-quer dans un clairière très abritée,qu’ils avaient fini par appeler lecamp. À cette époque maintenantlointaine, aucune construction nese dressait dans l’Arabesque. Leschoses ont changé et autour du« camp » une ville a émergé. Laclairière, délimitée par une bordured’orangers, est toujours là, commeun square de friches. C’est non loinde la clairière, en 1798, que l’onretrouva le livre pour lequelG. Arnolfini avait créé ce royaume.Pour prévenir les pillages deBonaparte en Égypte, les mages del’Arabesque, prenant le parti desAnglais, s’étaient rendus sur placepour piller avant tout le monde.C’est ainsi que, 25 ans avant Louis-Philippe, ils avaient emmené unobélisque pour le placer à Camp.Mais en creusant pour asseoir lesocle devant accueillir l’obélisque,ils tombèrent sur une pièce souter-raine autrefois aménagée par G.Arnolfini et abritant son précieuxouvrage, lequel fut dès lors soi-gneusement mis à l’abri.

    La plupart de ceux qui occupentla ville sont des résidents perma-nents. Il y a aussi beaucoup de

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    gîtes pour les visiteurs du royaume.La ville est un mélange d’influence

    flamande, de petits quartiers à la modeitalienne, le tout sur des paliers (il n’ya pas de rues plates à Camp) et avecdes bâtiments longilignes dépassantsouvent les 50m de haut, tels despavillons étirés en hauteur.

    La Legacy a son édifice, la Tangerine,capitole de la ville, qui fut le premierendroit construit et se tient sur unecolline centrale. L’édifice a été recréérécemment par les architectes deCamp et cela se voit. Tout est de boissculpté, une sorte de pagode revisitéepar les Aztèques, une architecturemonumentale, chahutée et éclatée, quilaisse interloqué. C’est la dernière réa-lisation en date de la Confrérie desbâtisseurs progressifs, les architectesde Camp, et peut-être la dernière àtout jamais : cela fait des années qu’onessaie de calmer et de museler cetteconfrérie d’architectes frappadingues.Si on leur avait lâché la bride, il ylongtemps que Camp ressemblerait àune vue sous acides de Coruscant. Àtitre indicatif, la Tangerine compteneuf chambres d’amis, en fait une pourchaque Oracle. Il est de notoriétépublique que les consuls ont toujoursentretenu des rapports étroits avec lesOracles, sûrement grâce à ce que ren-ferme le royaume.

    C’est également à Camp qu’a étébâtie la Mission Saint-Matthieu, letemple des Chœurs Célestes. Le lieun’affiche pas d’obédience particulière,ni catholique, ni protestante, ni autres.La Mission a même dû s’ouvrir auxreligions Tao, Shinto et bouddhistes

    avec l’arrivée de mages d’Asie. LesCélestes de ce temple sont atypiques,comme sortis d’un tableau d’EdwardBurne-Jones. Ce sont de jeunes gensgracieux habillés de simples robesblanches épaisses semblables à desbures sans capuches. Les prêtres itiné-rants sont, eux, habillés comme deschevaliers romantiques. Tous sont desférus de culture médiévale et certainsitinérants sont fréquemment envoyéssur Terre pour mettre la main sur desincunables, missions dans lesquelles ilss’investissent comme le pieux cheva-lier en quête du Graal.

    Le dernier lieu d’importance est lemusée colonial. Comme son nom l’in-dique, ce musée célèbre la « gloire »des années fastes de l’Empire britan-nique où les explorateurs fortunésmontaient des expéditions pharaon-niques dans les terres des peuples sou-mis et en revenaient les bras chargésde trésors et de trophées de chasse. Lemusée expose donc ces fameux trésorset sert, en outre, de quartier général à« Classe et Chasse », le club très fermédes chasseurs-explorateurs del’Arabesque (voir Résidents).

    Dernier point : une des particularitésspatiales de cette ville est que, malgréson implantation en un lieu précis del’Arabesque, on peut s’y rendre rapide-ment de n’importe quel point de labibliothèque. Cette dernière comptedes centaines de portes vous y trans-portant directement par on ne saitquelle magie, vous permettant de quit-ter d’un coup les rayonnages tran-quilles et d’émerger au beau milieud’une rue de Camp.

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  • 16L E H O B B I T F A T A L I S T E

    4. É C H O S D E L A T E R R ELes yeux fermés, rien qu’à l’odeur, je sus

    que j’étais passé dans l’Arabesque. Ilfaut savoir que les habitués du royaume,qu’ils soient visiteurs ou résidents perma-nents, ont la fâcheuse habitude de fumerun tabac local très parfumé et doncl’odeur imprègne jusqu’aux ouvrages etboiseries. C’est ainsi que les nostal-giques du royaume, souvent, emportentavec eux sur Terre un ouvrage afin depouvoir en l’ouvrant s’imaginer à nou-veau à l’Arabesque.J’étais donc dans les grandes archives.Pour les petits nouveaux, je tiens à préci-ser que l’Arabesque est une bibliothèquegéante jouxtée par une jungle clairse-mée. Je me trouvais précisément dans legrand hall d’arrivée des grandesarchives, là où émergent toujours les visi-teurs venus de La Maison d’Edgar. Lanature de la Fondation d’origine influencetoujours l’apparence d’un grand hall,mais La Maison d’Edgar étant assezproche de la bibliothèque, ce grand hall-là est peu repérable. Il a été grossière-ment aménagé entre les rayonnages, unpeu comme si on avait poussé les murs.En contrehaut, sur une mezzanine quin’ose pas dire son nom, me dévisageait,imperturbable, Eduardo le consignataire,chargé de contrôler les allées et venuesdans le grand hall. Il portait l’habit règle-mentaire des bibliothécaires. Unensemble pantalon-costume strict, et quiaurait été dessiné par un grand couturier,mais je doute qu’aucun en assume lapaternité. Trois gardiens, tout en contrô-lant mon identité, m’apprirent qu’il y avait

    encore de nouveaux secteurs imprati-cables dans la bibliothèque, où eux-mêmes ne se rendaient plus.Avant de me trouver vraiment mal – tou-jours cette damnée odeur de tabac – jegagnai une porte de sortie. En quelquespas j’atteignais la jungle et me fondaisdans les feuillages ruisselants. Je suivisla voie de chemin de fer afin de retrouverl’Ulysses, un bistro au cœur de la jungletenu par un Irlandais taciturne où j’allaisrégulièrement me rincer la glotte aprèsmes courses harrassantes. Plusieurs demes amis étaient en terrasse. « Tiens,mais c’est le coursier de 10h ! » (j’ai deshoraires réguliers) s‘exclamèrent deuxvieux tandis qu’une main forte se posaitsur mon épaule. C’était Charles OswaldJones, le responsable principal des raresactivités culturelles du royaume. Grâce àlui, le tour du monde de l’Arabesque enmongolfière reprenait et il m’invita à yparticiper. D’autant plus que le but étaitfixé cette année de battre le record dutour du royaume en 5 mn ! Je déclinail’offre poliment, préférant m’enquérir desdernières nouvelles. J’appris que rien nes’était passé de notable depuis mon der-nier passage si ce n’est un tournoi decricket gâché par l’irruption de Marau-deurs parmi les joueurs. Ils étaient parve-nus à se mêler aux autres joueurs maisavaient été vite repérés par leur manquede fair-play et de standing. On racontaitqu’iIs auraient utilisé pour venir un passa-ge depuis les terres lointaines de l’Umbramais nul ne savait encore s’ils avaient euun but précis…

  • 18L E H O B B I T F A T A L I S T E

    CONFLITSL’Arabesque est depuis sa création

    demeurée un havre de paix. Lestroubles terrestres y ont toujours eupeu de répercussions, les résidentseux-mêmes intervenant avec parcimo-nie dans les grands conflits des dor-meurs ou des éveillés. L’Arabesque estun royaume que peu songeraient àdétruire car son utilité pour tous estflagrante. En revanche certains pour-raient la convoiter. Sa neutralité péren-ne a d’ailleurs suggéré à quelques unsque le royaume avait dû bien souventacheter sa tranquilité auprès des fac-tions ennemies. Une sorte de Suisse del’Horizon, en quelque sorte. Mais c’estun sujet qui fâche…

    L’influence historique terrestre la plusnotable fut celle du développement del’Empire britannique depuis la premiè-re révolution industrielle. L’Arabesquea toujours compté depuis ses pre-mières années d’existence une majoritéd’Anglais et de voyageurs dans lesrangs de ses mages. C’était déjà le casdu temps des Bienfaiteurs etGuillaume Arnolfini lui-même avaiteffectué plusieurs voyages en Asie…La bibliothèque compte de très nom-breux ouvrages de grands voyageurs,de ceux qui baptisèrent des pays et desdétroits ou de ceux que le monde aoubliés.

    On ne s’étonnera donc pas de ce quel’âge d’or des colonies britanniques aitmarqué de son empreinte ce royaumeverbena, essentiellement au niveausocio-culturel. De nombreux trésorsécrits des colonies furent ramenés ici,en même temps que les objets divers

    pillés parmi les richesses des peuplesindigènes. Cet héritage se ressent éga-lement dans la vie de tous les jours :hommes et femmes sont souvent bienmis, il y a tea time même à l’étude, etc.Il ne manquerait plus qu’unereine…sauf que la chose n’est pas dési-rée, personne ne s’imaginant chanter« Prime save the Queen ».

    Le royaume a connu de temps entemps quelques luttes pour l’appro-priation de la bibliothèque par d’autresTraditions que les Verbenas, voire destentatives de putsch par les ChœursCélestes, mais rien de notable : la rou-tine habituelle. Le seul gros conflit estvenu de la cohabitation d’Anglais et decatholiques irlandais venus là par l’in-fluence des Chœurs célestes. Desmages et des initiés irlandais impliquésdans la lutte unioniste vinrent souventtrouver refuge à l’Arabesque pouréchapper à leurs ennemis anglais etloyalistes ou pour échafauder tran-quillement leurs plans. C’est ainsi quese produisirent de sérieuses escar-mouches avec des résidents du royau-me fidèles à l’autorité anglaise. Il y euau début du siècle des meurtres et despoursuites à travers tout le royaume etla tranquillité du royaume fut pour untemps troublée. Ce fut un temps oùbeaucoup de mages du royaume et deses Fondations nourricières durents’exiler vers d’autres pays et d’autresTraditions, victime pour les uns deleurs actes, pour les autres desmenaces pesant sur eux, et tous vic-times en tous cas du tumulte del’Irlande. Les choses se sont heureuse-ment calmées depuis.

    LES FONDATIONS LIÉESOn désignera par là : d’une part, les

    Fondations qui approvisionnentl’Arabesque par le biais de leur node(les nodes inoccupés de nos jours sefont rares), d’autre part les Fondationspossédant une connexion avec leroyaume. Ce sont les mêmesFondations pour la majorité. Des sixnodes originels fourni par lesBienfaiteurs, il n’en reste que trois :deux se sont éteints, et un autre estdevenu propriété de la Technocratie.Les trois nodes restants sont occupéspar des Fondations verbenas :

    - la première, l’Université Dièdne, estune Fondation « collège » située dansun coin reculé des Highlands.

    - la deuxième, le Refuge de Godiva,se trouve au cœur de Londres.

    - la troisième, Les Cavaliers, se situeen Allemagne, dans ce qui reste desimmenses et mythiques forêts germa-niques.

    Les autres Fondations liées sont :- La Maison d’Edgar, Fondation ver-

    bena d’Aberdeen (États-Unis, État deWashington)

    - Les Borgnes Rois, Fondation demages rénégats acquis à la Traditionverbena. Se situe en Nouvelle-Angleterre

    - la Fuite de Jack, Fondation « collè-ge » en Irlande, comté de Connaught,dirigée par des Chœurs Célestes.

    Comme précisé ici, trois de ces

    19L E H O B B I T F A T A L I S T E

    La maîtrise de la sphère Vie offre de multiplesavantages, entre autres celui d’améliorer sapropre santé. Les maîtres de cette sphère ontmême la possibilité d’arrêter le vieillissement.Ceci met les Verbenas dans une positionenviable et inconfortable à la fois : enviablepour les avantages précédemment décrits etinconfortable pour la pression qu’elle faitpeser sur leurs épaules. Beaucoup deVerbenas refusent de jouer les distributeursd’eau de jouvence et d’autres encore considè-rent la recherche de l’immortalité commesacrilège au regard des cycles de la vie sichers à leur Tradition. C’est ainsi qu’àl’Arabesque est né le « droit de plaire ».Pendant très longtemps, interdiction fut faiteà quiconque dans le royaume de chercher àprolonger son espérance de vie au-delà de lanormale. Cette règle austère avait été dictéeau XVIIesiècle par un oracle verbena consul duroyaume et ne fut pas remise en question par

    les Legacies qui suivirent. Il fallut attendre lafin du XIXe siècle pour que les protestationsincessantes des résidents de l’Arabesque trou-vent écho chez les consuls. À cette époque, laLegacy du royaume comptait plusieurs habi-tués des salons huppés londoniens qui trou-vaient désobligeant de voir leur pouvoir deséduction et leur charisme décroître avecl’âge. La vieillesse devenait presque à leursyeux une faute de goût. Il fallait corrigercette erreur afin de faire toujours bonneimpression auprès de ses pairs. C’est ainsiqu’ils instituèrent, selon leurs termes, « ledroit de plaire », autrement dit le droit deprolonger sa vie. Ce droit ne devait êtredonné qu’au compte-goutte à des magesexceptionnellement méritants, des savantsgéniaux qu’on ne pouvait souffrir de voirperdre, et d’autres motifs indiscutables. Cetterègle est encore appliquée aujourd’hui etcontinue de choquer bien des mages.

    Le droit de plaire

  • Fondations sont des « collèges ». Dansla tradition des mages, ce sont là desécoles pour mages nouvellementéveillés. Les premières furent fondéesau Moyen-Âge et ont connu un regainde santé à l’ère victorienne (voir lesupplément Le livre de Fondations). Lestrois collèges auxquels le royaume estlié ont un intérêt évident à être encontact direct avec un tel royaume-bibliothèque, et les mages de cesécoles comptant dans leurs rangs plusde scolaires que les autres, c’est unmoyen pour le royaume de recruter lesfuturs meilleurs « archivistes ». Lescoordonnées de ces collèges sur Terresont connues d’une minorité de mages,pour des raisons évidentes de sécurité,ces collèges constituant des ciblesrêvées pour toutes les factions enne-mies des Traditions.

    L’Arabesque est également alimentéepar un node de Rome contrôlé par leCéleste Temple du Soleil, Fondationdes Chœurs Célestes située en partie

    sous le Vatican, eu égard aux rapportsentretenus entre les mages du royaumeet les maîtres du Prime.

    En outre, des rumeurs courent quedes connexions existent avec d’autresnodes des anciennes colonies d’Afriqueet « des Indes ». Ces liens, avant lavague de décolonisation, auraient per-mis aux mages de monter plus facile-ment des expéditions dans ces pays etainsi de nouer des contacts et d’allerdans ces contrées expérimenter pluslibrement leur magie, le paradoxe yétant moins affirmé. Les mages les plusanciens de l’Arabesque ont toujoursdémenti ces rumeurs, mais il se mur-mure que les choses auraient mal ter-miné, les mages présent dans cescontrées ayant abusé de leurs pouvoirset de leur influence sur les populationsautochtones. Des mages des coloniesdevenus de fiers ennemis y atten-draient encore de pouvoir accomplirleur vengeance sur les mages duroyaume et s’y préparent ardemment.

    20L E H O B B I T F A T A L I S T E

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    5. V I E I L L E S M A G I E SJe m’étais enfui à grand peine del’Ulysses, ignorant les invitationsrépétées de mes amis à resterprendre quelques verres. L’heuretournait et mon destinataire n’atten-drait pas dix plombes son précieuxcolis. Il serait temps pour moi,d’ailleurs, de vous éclairer sur la mis-sion qui m’avait été confiée, car jen’en ai dit mot jusqu’ici. Il s’agissaitsimplement de livrer une lettre à unérudit ; il faut savoir que beaucoup demages souffrant d’un passé tourmen-té sur Terre viennent en effet chercherrefuge au royaume. Quoi ?! Vous ima-giniez quelque chose de plus trépi-dant ? Je suis pas Indiana Jones,mais simple coursier. Patience, lasuite de mon récit est plus mouve-mentée.Toujours est-il que pour ma course jeme voyais obligé de repasser par laBibli.C’est ainsi que j’y rencontrai lesSiams, une des plus célèbres cabalesde l’Arabesque. Ce sont trois magesplutôt particuliers qui composent cettecabale : il y a Magdalena, petite brunevénéneuse et meneuse du groupe,Jean-Guy, ex-militaire amateur de ser-pents, et Ji, médecin chinois. Aprèsles échanges d’usage, ils me mirentdans la confidence : le surintendantdu 6e quart les avait chargés d’unemission délicate, à savoir mettre àjour les failles dans la protection de labibliothèque au sein de son domaine.Cela consistait en gros à recenser lesdifférents passages et planques que

    comptait le quart et qui pouvaient êtreutilisés par des gens mal intentionnés.Ils comptaient déjà parmi leurs décou-vertes une niche où on avait emmuréun mage il y a des lustres (une pra-tique courante à une époque lointai-ne), des objets hétéroclites tels desmomies cachés à droite et à gauche,ainsi que que des caches abritant desouvrages qu’on avait cru disparus. Ilsétaient présentement en train d’explo-rer un complexe d’étroits couloirssecrets nichés parfois entre lesmurs (!) et utilisés autrefois par lesgardiens mais dont on avait dû perdrele souvenir. Plusieurs colonies dequatre-mains y avaient à présent éludomicile. Le surintendant étaitconscient qu’on ne pourrait évidem-ment trouver tous les recoins secretsde son quart mais la tâche des Siamsvalait malgré tout la peine d’êtreaccomplie. Après s’être vantés deleurs découvertes, ils m’invitèrent àles suivre. Quelque peu hypnotisé parle charme de Magdalena, je leuremboîtai le pas dans un couloir bas etétroit jusqu’alors dissimulé par unestatue. Nous n’avions comme sourcede lumière que quelques lanternes.Au moment même où Magdalenam’avertissait de prendre garde auxchausse-trappes, le sol se dérobasous mes pieds et je glissai dans uneespèce de boyau interminable et sanslumière. Toujours dans le noir le plustotal, je finis par « atterrir » sur un soldur et perdis connaissance…

  • MAGES ÈS LETTRESL’écrasante majorité des résidents de

    l’Arabesque (que l’on nomme sur Terreles archivistes) étant des savants, onpouvait s’attendre à ce qu’ils dévelop-passent au cours des ans des axes derecherche occulte. Depuis le début duXIXe siècle, les recherches menées parles archivistes se sont concentrées surce que l’on a appelé la « voie des escri-vants » (scribe ? savant ?…).

    Il s’agit de la maîtrise de la magie desécritures. Qu’est-ce ? Comment çafonctionne ? Avant de rentrer dans le

    détail, revenons sur la pratique de lamagye. Si dans les films fantastiquesles magiciens lancent leurs sorts àgrand renfort d’imprécations bizar-roïdes et de gestes très théâtraux, lemage du Monde des Ténèbres reste aucontraire beaucoup plus sobre. Toutsemble montrer que l’utilisation dessphères ne nécessite rien d’autre que leconcours de l’esprit. Et pourtant… Il ya un bémol à cette économie demoyens : ce sont les focus. On dési-gnera par là non seulement les objetsmais aussi les rites que chaque tradi-

    22L E H O B B I T F A T A L I S T E

    Les Mages de l’Arabesque avaient cherchépendant des années le fameux livre d’Arnol-fini (rappelons que c’est pour mettre ce livreen sécurité qu’il avait à l’origine créé leroyaume horizon). Aussi l’excitation futimmense lorsqu’au début du XIXe siècle on leretrouva dans le sous-sol de Camp. Il futemmené dans un abri sûr pour y être ouvertet consulté par la Legacy et les plus grandsdu royaume. Mais ô surprise, lorsqu’on l’ou-vrit, on n’y trouva pas la révélation occultedu siècle où la recette pour devenir en 1 anmaître dans toutes les sphères : le livre,quoique très beau, ne contenait rien d’inté-ressant dans son contenu écrit pour la bonneraison que ce n’était en fait qu’une boîtedéguisée. Les pages avaient été creusées etdécoupées afin d’abriter un ustensile : unporte-plume de bois ciselé d’or et, pour alleravec, une plume magnifique et pointue. Ladéception passée, après de longues années àétudier des écrits disséminés de par lemonde, on découvrit l’usage de l’objetn’était pas seulement d’écrire mais de péné-trer dans les livres, ce fameux pouvoir légen-daire… Il suffisait avec la plume d’écrire sur

    la peau d’un individu les premières lignesd’un ouvrage et de le piquer à certainscentres nerveux pour voir la personne sefondre dans le livre. La spécificité de latâche et ses liens avec la tradition asiatiquefirent que les premiers mages à faire utili-sation de la « relique d’Arnolfini » furent desAkashiques, ce qui favorisa le développe-ment d’une petite communauté asiatiquedans l’arabesque. Tous ceux qui revinrent dece genre de voyage mystique ont décrit unmonde abstrait, labyrinthique et géométri-sant, peuplé de caractères typographiques(dans le même genre que les royaumesconceptuels de l’Umbra des mages), sûre-ment une représentation déformée des sché-mas mentaux de l’auteur de l’ouvrage.Certains farfelus ont prétendu avoir évoluédans les mondes décrits par les livres danslesquels ils étaient entrés, avoir naviguéavec le capitaine Achab ou discuté avecLeonardo Da Vinci. Aujourd’hui la relique deGuillaume Arnolfini est perdue, sans doutevolée et des mages mettent en doute que detelles magies aient pu être possibles.L’Histoire devient déjà légende…

    Le livre de Guillaume Arnolfini

    tion associe à ses sorts ou aux sphères.Ce sont des bâtons, des gongs, deschaudrons, des chants…la liste en estinfinie (voir descriptions des sortsdans le livre de base de Mage).Pourquoi ces focus sont-ils nécessaires,et pourquoi seulement à certainsmages, à certaines Traditions et pas àd’autres ? Peut-être sont-ce là lescroyances des Traditions qui détei-gnent sur les mages. Peut-être aussices rites et objets ont leurs propriétésmagiques intrinsèques. Ceci montre entous cas que les mages n’usent passtrictement de la magie des sphères etjouent bien malgré eux avec desmagies liées à l’inconscient collectif etsemblables aux pouvoirs des autrestypes d’éveillés. Et la magie de l’écritappartient à cette dernière catégorie.

    Avec la découverte de la reliqued’Arnolfini, les archivistes entamèrentdonc leurs recherches sur ce qui allaitdevenir la Voie des escrivants. Ils fini-rent par découvrir dans de vieux textesl’existence d’une magie de l’écriturepratiquée avant l’ère chrétienne puislentement oubliée au fil des siècles.

    Des peuples de Mésopotamie – leberceau de l’écriture –, et parmi eux,de puissants Ahl-i-Batin, avaient réussidans l’Antiquité et jusqu’aux balbutie-ments de l’Islam à maîtriser la magiedes mots écrits. Ces mages étaientsemble-t-il capables de décupler lepouvoir de leurs sorts en les combi-nant à des formules écrites et de prêterun pouvoir magique extraordinaire àde simples lettres ou inscriptionspariétales. Des inscriptions de ce genreétaient utilisées pour sceller une

    tombe et causer l’effroi chez ceux quila lisaient, empêchant ainsi les éven-tuels pillards d’accomplir leur salebesogne. Certains mages pouvaient,semble-t-il, déambuler dans des uni-vers parallèles développés par leursmanuscrits.…et tout ça par la simplemagie de l’écrit.

    Avec l’occupation de la Syrie parByzance, puis l’exil des érudits byzan-tins vers l’Italie quelques siècles plustard, de vagues réminiscences de cesconnaissances se transmirent àquelques arcanistes européens, les-quels laissèrent des écrits qui fourni-rent la base des recherches des archi-vistes de l’Arabesque.

    LE RENOUVEAUCes pouvoirs paraissent improbablesaujourd’hui, même aux mages, car lapratique de cette magie fut presquetotalement oubliée ; au XXe siècle onse souvenait seulement des récits fabu-leux des prouesses de ces mages duProche-Orient, récits dormant dansquelques bibliothèques extrêmementfournies, (comme à l’Arabesque, biensûr). À présent les archivistes exhu-ment cette magie et sont même parve-nus à perfectionner quelques sorts(voir Description de sorts).

    Mais de tous ces sorts il en est unmythique, difficilement reproductible àce jour. C’est celui, déjà évoqué, per-mettant de rentrer dans les livres (voirencadrés). Cette magie a pu être expé-rimentée via un talisman, la reliqued’Arnolfini, mais jamais encore elle n’apu être reproduite indépendammentpar un mage. Des découvertes (voir

    23L E H O B B I T F A T A L I S T E

  • encadré «Le sort des fées ») ont mon-tré que cette magie était vraisemblable-ment d’origine changeline, ce qui acréé un grand trouble. Les plus ins-truits savent que le peuple fée utiliseune magie très particulière et éloignéede celle des mages. Les mages utilisentleur magie dans le cadre de para-digmes et d’une logique minimum. Lamagie des Changelins va beaucoupplus loin. Elle est anti-logique, elle flir-te avec l’imaginaire et l’absurde,domaines inconnus des mages si cen’est des Maraudeurs. Si ce fameuxsort est d’origine changeline, peut-êtrealors est-ce le cas de toute la voie desescrivants, se sont alors émus plu-sieurs Verbenas. Pratiquer une magieproche de celle des fées et desMaraudeurs serait non seulement unevoie sacrilège, semée d’embûches maisaussi très dangereuse pour ce qui estdu Paradoxe.

    Toujours est-il que ce pouvoir « d’im-mersion », les archivistes ont pu l’ex-périmenter tant qu’ils ont eu la reliqued’Arnolfini (voir encadré) ; une expé-rience traumatisante pour certains, eten tous cas consignée dans de nom-breux registres de la Legacy. La reliquefut surtout utilisée, au bout du comp-te, à l’encontre des criminels del’Arabesque. On les enfermait dans unlivre via la relique, et on les stockaitainsi dans une bibliothèque sous étroi-te surveillance jusqu’à ce qu’ils dussentêtre renvoyés sur terre pour y êtrejugés par un tribunal de mages. Celales mettait hors d’état de nuire, per-mettait de les garder sous la main etd’effectuer leurs transferts dans la plus

    grande sécurité, les mages – surtoutquand ils sont mal intentionnés – étantdes personnes pleines de ressources.L’Arabesque avait ainsi sa bibliothèquede criminels. Ces mages ou initiés ser-vaient souvent de cobayes, les magess’étant aperçu qu’une immersion dansles livres altérait souvent la santé men-tale de ceux qui la pratiquaient, a for-tiori si l’immersion était prolongée.

    Aujourd’hui les recherches des archi-vistes dans la Voie avancent peu. Lesplus grands mages de la Voie sont soitdevenus oracles soit morts. Le derniergrand escrivant était un certain OscarBolit, surnommé de nos jours Oscar lebienheureux. Son histoire mérite d’êtreracontée : il s’agit là d’un des épisodesloufoques de la quête des archivistes.

    Oscar Bolit était un Verbena respectépar tous. Maître dans la sphère Vie,puissant métamorphe, il était, dans lesannées 80, la figure de proue des escri-vants de l’Arabesque. Ce bonhommede cinquante ans avait été professeurdans l’université de Diedne, l’une desFondations collèges, et arborait unebarbe de patriarche. Il était depuis plu-sieurs années à l’Arabesque et sesrecherches brillantes lui avaient valul’estime de ses pairs, quand un petitévénement vint un jour entamer saréputation. Il était de notoriétépublique qu’Oscar Bolit possédait unegrande empathie avec les animaux.Mais lorsqu’un jeune mage déclaral’avoir vu entrer en grande conversa-tion avec les chats de la bibliothèque,il fallut peu de temps avant que larumeur ne dise qu’Oscar Bolit avaitperdu la raison, sans doute suite à une

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    mauvaise métamorphose ou à avoirtrop sondé l’esprit des animauxétranges du royaume. Il faut savoir queM. Bolit avait déjà auparavant été taxéd’excentricité du fait d’affirmationsjugées fantaisistes. Fervent pratiquantde l’Hindouisme, Oscar Bolit estimaitavoir été chat dans une précédente vie.C’est lui-même qui avait lancé l’hypo-thèse que les chats de la bibliothèque

    étaient d’anciens mages réincarnés outransformés par le royaume. Il avaitégalement prétendu que GuillaumeArnolfini était passé par l’Inde avantde créer le royaume et y avait poséavant toute chose les bases d‘untemple hindou, temple aujourd’huidétruit et recouvert par la biblio-thèque, mais dont les traces seraientencore visibles pour qui sait les voir. Il

    En 1912, Les Verbenas de l’Arabesque, appuyéspar leurs affiliés d’Irlande et par des ChœursCélestes, menèrent une opération musclée sansêtre trop meurtrière (un petit peu quand même)contre un freehold (= Fondation de Changelins).Cette action permit de mettre la main sur desdocuments qui allaient s’avérer précieux pour lesoccultistes du royaume horizon. Si l’action fut

    critiquée dans sa forme, ses résultats satisfirenttout le monde. Il avait été récupéré très précisé-ment un drôle de film sur bobine. Le film, vrai-semblablement réalisé dans l’année 1912, mon-trait une jeune femme en habit de prestidigita-teur qui, après quelques effets de scène propresà un spectacle de magie, se lançait dans un long« monologue » (sur cartons, nous sommes àl’époque du muet). Elle disait dans ce monologuerépondre au nom de Loonie du peuple fée,maître dans l’art de la magie – le terme dans sabouche désignant apparemment aussi bien laprestidigitation que les arcanes. Ayant trouvé lemoyen de s’arranger de nombreux ennemis etayant de plus en plus de mal à leur échapper,Loonie avait décidé de s’échapper par les livres,son plus beau tour consistant justement à pou-voir y entrer… Ce film était son testament, puis-qu’elle risquait de mourir ou tout au moins de nepas refaire surface dans le monde matériel avantbien des années, et elle l’adressait à ses proches.Son monologue achevé, elle sortait un livre deson chapeau, en faisait jaillir quelques colombes,le posait à ses pieds, puis rentrait dedans jusqu’àdisparaître, comme si le plancher eût contenuune trappe. Le tout était fait sans trucage. Labobine avait dû passer de main en main auprèsde ses proches et ainsi le secret de son existenceétait parvenu à des oreilles indiscrètes. Nul n’ajamais su comment les archivistes avaient puavoir vent de l’existence de cet objet et on alongtemps soupçonné le propriétaire du bar« l’Ulysses » d’y être pour quelque chose.

    Le sort des fées

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    avait eu omerta sur le sujet de la partde la Legacy. Toujours est-il qu’on finitpar oublier cette histoire ridicule deconversations avec les chats, d’autantplus qu’Oscar Bolit était réellementbrillant et s’imposait par la remar-quable étendue de ses connaissances.Il avait monté une cabale avec plu-sieurs élèves. Un jour, aidé de sa caba-le, il plaça à des endroits stratégiquesd’un des quarts de la bibliothèque desincriptions faites pour envoyer desmessages « subliminaux » aux visi-teurs. Il parvint ainsi à infléchir lesvisiteurs dans leur parcours, sans qu’ilss’en doutent, les faisant toujoursretrouver leur chemin, éviter les sallessensibles et quitter l’endroit auxheures de fermeture. Un effet nongrandiloquent mais diablement effica-ce. De très nombreux mages et initiésavaient succombé sans s’en apercevoirà cette magie sournoise et certains enavait même été piqués dans leurorgueil. Cela représentait pour la caba-le d’Oscar Bolit une grande réussite…

    Et puis l’improbable arriva. Un grou-pe d’Euthanatos assassins venus peut-être via une connexion avec lesanciennes colonies d’Inde, s’infiltra àl’Arabesque et s’en vint liquider OscarBolit avant de repartir comme il étaitvenu. Le désarroi dans les rangs desescrivants était complet.

    Selon ses dernières volontés, oncoupa le corps d’Oscar Bolit en mor-ceaux et on l’offrit en pâture aux tigresde la jungle. C’est alors que la nuit sui-vante, la jungle s’agita et les tigres sefaufilèrent jusqu’à la bilbiothèque, àl’endroit où le maître Verbena avait été

    assassiné. Chaque animal portait unmorceau de son corps. Les élèvesd’Oscar Bolit étaient également pré-sents sur le lieu, prêts à accomplir unepuissante magie susceptible de fairerevenir Oscar Bolit chez les vivants.Pour ne rien cacher, le vieux mageavait eu vent du projet d’assassinat àson encontre et avait trouvé le moyend’enfermer son moi astral dans uncaractère d’un vieux manuscrit, de pré-parer son enveloppe charnelle et d’en-seigner à ses élèves un moyen de luiredonner vie. Les élèves rassemblèrentles parts du corps, et tatouèrent unnuméro sur chacune. Ils sacrifièrentles tigres un à un, sortirent le fameuxmanuscrit et combinèrent leur sphèressuivant les préceptes de leur maître.Les morceaux du corps, baignant dansle sang animal, se réassemblèrent etOscar Bolit, pantelant, se releva. Ilavait réalisé là son plus beau tour.Magie de changelin ou non, OscarBolit était vivant. Et il signait sondeuxième coup d’éclat.

    Mais dès lors, il ne fut plus jamais lemême. Était-ce la conséquence de sademi-mort ou de la magie dont il avaitfait usage ? La réponse reste à trouver.Quittant la compagnie des mages,Oscar s’enfonça dans la jungle pourvivre parmi les animaux. Il est tou-jours vivant aujourd’hui, et plusieursarchivistes l’ont déjà aperçu passant deliane en liane, nu comme un ver, labarbe au vent et les animaux gamba-dant autour. Personne ne l’a encorearrêté. Oscar Bolit, dès lors devenuOscar le bienheureux, n’a jamais pour-suivi ni ses travaux ni son enseigne-

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    ment. L’on n’est pas sûr qu’il ait gardéses connaissances, et en tous cas,depuis ces événements, les recherchesdes escrivants ont peu progressé et nulne s’est hissé à sa hauteur.

    RÈGLESEn termes de jeu, les mages prati-

    quant la voie des escrivants possèdentun compétence de voie indispensablepour utiliser cette magie. Pour lancerces sorts, le personnage effectue un jetd’intelligence + voie de difficulté 7. Sil’Arete (ou Entéléchie en version fran-çaise) est supérieure au groupement dedés ainsi obtenu, le personnage utilisealors son Arete pour le jet. Le fonc-tionnement de ces sorts ne découle pasdes sphères mais ces dernières appor-ter cependant un soutien : pourchaque sphère liée au sort dans laquel-le le mage est adepte (niveau 4) oumaître (niveau 5) la difficulté du jetbaisse de 1 point.

    Pour ce qui est du Paradoxe, il n’af-fecte pas cete magie. Mais les règlesnormales du Paradoxe s’appliquentface à un témoin et en cas d’échec cri-tique. La quintessence apporte lesmêmes effets qu’à l’accoutumée.[NB : ces sorts seront peut-être plusutiles pour des scénarios et des PnJque pour des joueurs]

    DESCRIPTION DE SORTSChaque sort comporte le nom du mage

    qui l’a maîtrisé le premier ; c’est une tra-dition à l’Arabesque. Ils s’accompagnentparfois de composants matériels et soma-tiques, comme dans les grands classiques.

    LE RÉCEPTACLE D’EUSÈBECe sort n’a pu être lancé qu’avec six livres

    luxueux réalisés par de grands imprimeursallemands du XVIIe siècle. La cible est celuiqui lit un des six livres, ne serait-ce qu’unextrait. Ces ouvrages traitent de botanique,mais le sujet n’a aucune importance puis-qu’avec ce sort le sujet du livre change sui-vant la personne qui pose les yeux dessus.Le livre fouille alors dans l’inconscient dela cible pour développer un thème suscep-tible de la captiver au plus haut point.L’archéologue aura l’impression de trouverdes récits de découvertes fabuleuses, lepassionné de cinéma aura l’impression delire un excellent essai sur un grand cinéas-te, etc. L’effet est un conditionnementdont l’effet augmente au fur et à mesure dela lecture. À travers l’Histoire, ce sort fututilisé pour pousser les gens à commettredes assassinats ou autres actions peurecommandables, ou simplement les prépa-rer à accepter la magie et donc diminuerleur influence sur le Paradoxe.sphères liées : Raisonéchelle des succès : la même que lasphère Raison

    LE PORTAIL DE FRANKLIN.Ce sort fait enrager les disciples de

    Correspondance. Le mage trace un caractè-re sur une surface, selon des dessins trèsprécis, de préférence une lettre ronde,alors un portail à la forme du caractère sedécoupe dans la surface. Le mage peut pas-ser à travers et ainsi se « téléporter » par-tout où il le désire.sphères liées : Correspondanceéchelle des succès : la même que lasphère Correspondance

    LES SCELLÉS DE DIONNEEmpêcher le pillage des sépultures a tou-

    jours été un des principaux soucis desgrands rois des empires antiques. De làdécoule sans doute ce sort.

    Le principe du sort, dans le cas d’un lieu

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    dont on veut interdire l’accès, est de placerune inscription à un endroit très visible.L’inscription doit transcrire les désirs dumage (ex: des sentences du type « étran-ger, passe ton chemin » ou « nul nepénètre en ce lieu ») et doit de préférencefaire corps avec le lieu en question. C’est àdire qu’une inscription gravée dans la pier-re des murs d’une tombe sera plus efficacequ’un manuscit simplement accroché à cemême mur. L’effet concret de ce sort estd’influencer mentalement celui qui regardel’inscription ne serait-ce qu’un instant, demanière à lui inspirer une peur panique del’endroit. On peut employer ce sort dans unsens radicalement contraire et faire ensorte qu’il attire les cibles au lieu de leséloigner.

    La deuxième version de ce sort trouve sonutilité pour rendre inviolable une pièce ouun récipient. Il s’agit d’apposer alors l’ins-cription sur la porte, le mur, le coffre ou lesarcophage (on en trouve beaucoup moinsaujourd’hui mais ça peut toujours intéres-ser quelqu’un). L’effet du sort est de fer-mer l’objet hermétiquement. Seule uneforce herculéenne ou une utilisation desphères très pointue peut alors permettred’ouvrir l’objet visé par le sort.

    Dans un cas comme dans l’autre, seule lalangue sumérienne inscrite selon un moded’écriture très précis a rendu cette magiepossible. On comprendra pourquoi il fautdans la voie des escrivants un minimumd’apprentissage.sphères liées : Raison ou Forceséchelle des succès : la même que lasphère Raison pour le premier cas ;la même que Contrôle télékinétique(Forces 4) pour le deuxième cas

    LA MAIN DE SASMIRACe sort est à lancer sur un livre et est

    similaire aux pouvoirs de Correspondanceniveau 3. Dès que le sort est lancé un espa-ce, tel un écran de la taille du livre ouvert,s’ouvre devant le mage et lui permet, dès

    que le livre est ouvert, d’observer à distan-ce le lieu où se trouve ce livre. Il a égale-ment la possibilité d’envoyer des objetsnon vivants dans ce lieu. La taille de cesobjets est limitée par la taille du livre, quiagit donc véritablement comme unefenêtre. Il est possible par exemple, detirer avec une arme à feu sur le lecteur dulivre : la balle passera la fenêtre et surgiradu livre, blessant à coup sûr celui qui leconsultait. C’est un effet souvent utilisé…Les sorts immatériels des sphères ne pas-sent pas par cette étrange fenêtre.sphères liées : Correspondanceéchelle des succès : la même que lasphère Correspondance

    LES BOIS GRAVÉS DE SIDONIEIl est de coutume de graver l’écorce des

    arbres pour y inscrire des messages, les-quels méritent rarement la postérité ainsiacquise… Les escrivants pratiquent celaaussi. Ce sort est l’un des plus complexeset plus folkloriques et causa la perte debien des croisés sous le soleil deJerusalem. Il mérite plus que les autres letitre de « sortilège ». Le principe est degraver sur un arbre fruitier les ideo-grammes babylonien de l’arbre et de lamort. En l’espace de quelques jours l’arbreprésente des fruits superbes et succulents,et un ombrage rêvé pour s’abriter du soleil.Le voyageur affamé qui s’arrête pour lesdéguster sera tenté d’en engloutir plusd’un et sera dès lors pris d’un sommeil irré-pressible qui le fera s’écrouler au pied del’arbre (ce besoin de sommeil, en cas derésistance du sujet, torturera ce dernierpendant 12 heures). L’arbre lui prend alorssa force de vie, force qui va donner touteleur saveur et leur belle apparence à sesnouveaux fruits. La victime, elle, meurt enquelques heures.sphères liées : Raison, échelle des succès : la même que lasphère Raisondifficulté spéciale du jet : 8

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    5. L E S R É S I D E N T SQuand je revins à moi je me trouvaisentièrement saucissonné de liens, éten-du auprès d’un feu rougeoyant. Autourde moi se tenaient massés des dizainesde pygmées aux mines surexcitées. Unhomme avec une peau de guépard (leursorcier, visiblement) gesticulait autourde moi en pilant dans un petit bol monauriculaire droit (un doigt ! Ils m’avaientcoupé un doigt !) tandis que deuxfemmes traçaient autour de moi uncercle avec une poudre blanche.J’étouffais. J’avais du sable dans labouche, et on m’avait badigeonné levisage avec une graisse suspecte.Imaginez l’impact de ce type de situa-tion pour un coursier pour mages quimène sa petite vie pèpère ! Je regret-tais de n’avoir pas changé de métierquand l’occasion s’en était présentée.Dans quelques heures je n’aurais detout façon plus rien à regretter puisqueje ne vivrais probablement plus.Je reconnaissais dans les activités despygmées les bases d’une invocation depersonnes (j’avais lu quelques bouquinssur les tribus autochtones à force devenir ici), et j’étais visiblement le com-posant principal. La savane nous entou-rait. On entendait par-dessus les chantsde la tribu les braillements des bêtessauvages (des vraies, celles-là). À unedizaine de mètres un éléphant empaillécontemplait la scène, placide. Si vousvous étonnez de la présence d’un tel« objet », je vous rappellerai que leschasseurs du temps des coloniesavaient coutume de ramener de telles

    choses en souvenir de leurs exploits et,faute de place dans les musées, on enavait disséminé une infinité dans labibliothèque pour faire joli. Ces vestigesse sont pour beaucoup gentimentdécomposés mais il en demeure encoreun bon nombre de-ci de-là.Un grésillement se fit bientôt entendreautour de ma frêle personne et dans unéclair huit silhouettes apparurent dansle cercle. L’invocation avait réussi…J’avais maintenant à mes côtés dans lecercle un chef scout et sept louveteauxà peine sevrés, complètement éberlués.L’homme guépard leva les bras au cielet tous les pygmées s”accroupirent etmirent face contre terre, en signe deremerciemement à leurs dieux, présu-mai-je. C’est ce moment qu’ils choisi-rent pour intervenir en ma faveur. Je lesvis sortir discrètement de l’éléphantempaillé comme d’un cheval de Troietandis que les invocateurs gardaientencore les yeux dans la poussière.Jean-Guy lâcha ses serpents mortelsau milieu d’eux ; Magdalena, d’unregard, fit se tordre de douleur l’homme-guépard tandis que Ji lâchait un nuagede fumée opaque sur les lieux. C’étaitles Siams. Je n’eus pas le temps de medemander par quel miracle ils étaientprésents car tous trois, jouant de laconfusion et de la puissance de leurmagie, s’échinaient déjà à me defairede mes liens. Nous partîmes tous encourant, scouts compris, avec les pyg-mées à nos trousses. Les sagaies pleu-vaient et menaçaient à chaque instant

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    Pour pénétrer dans l’Arabesque, ilfaut montrer patte blanche, et d’autantsi l’on projette de s’y établir. Unebonne réputation, l’appartenance auxVerbenas ou aux Chœurs Célestes, l’at-tachement aux objectifs du royaume,le fait d’avoir un mode de vie compa-tible avec les règles édictées par laLegacy au fil des siècles : voilà le genrede critères qui conditionneront votreentrée dans le royaume. Évidemment

    avoir en sa possession du matérielocculte, à savoir de précieux ouvrages,ou un bon piston, cela peut appuyergrandement votre candidature commepartout ailleurs.

    Les résidents sont aux trois-quartsdes acolytes, c’est-à-dire des apprentismagiciens ou des dormeurs initiés. Leprofil type du résident (on les nommele plus souvent « les archivistes ») estun homme (ou une femme) d’âge mûr,

    de percer nos flancs et les Siams, àcoup de sorts meurtriers, les conte-naient tant bien que mal. Nous man-quions de rapidité, obligés que nousétions de porter les enfants, et nousfûmes surpris et horrifiés lorsque nousvîmes l’instructeur scout trébucher ettomber de tout son long. En quelquessecondes la tribu serait sur lui. Lesecourir aurait été l’ultime acte héroïque(dans tous les sens du terme) maisalors que j’attendais un geste de mesamis je sentis Magdalena me tirer par lamanche et me pousser de l’avant. Nouscontinuâmes notre course sans nousretourner et entendîmes le dernier hur-lement de l’instructeur. Grâce auxdéfenses magiques du « Trio de l’étran-ge », nous acquîmes une petite avancequi nous permit de nous diriger versune porte-passage, ces portes quimènent en raccourci à l’unique ville del’Arabesque. Nous la repérâmes sur undes murs de bibliothèque qui jalon-naient cette savane, puis, arrivés en

    face, nous dûmes défaire les lianes quil’obstruaient. Les Pygmées arrivaient àvive allure, La porte s’ouvrit enfin sur laville. Nous refermâmes derrière nous.Nous étions à Camp. À l’abri de toutdanger. Nous nous tenions sur une peti-te plate-forme, sorte de balcon acolé àun édifice, à 10 mètres au-dessus de lachaussée. Les Siams m’expliquèrentalors qu’ils avaient suivi ma trace, et,cachés dans l’éléphant, avaient attendule moment propice pour agir. Je m’abs-tins de leur dire, que selon moi, avec unpetit effort de leur part, le scout auraitpu être sauvé, me rappelant qu’êtremage des Traditions n’est pas synony-me de grandeur d’âme. Les enfantsétaient sauvés, et, à première vue, celasuffisait à mes compagnons. Ils me lais-sèrent là avec les mômes sur les bras.En-dessous de moi, les vélocyclistespassaient, soulevant une poussière rou-geâtre. Les rues étaient calmes et lalumière du couchant commençait dedorer les façades.

    33L E H O B B I T F A T A L I S T E

    instruit, souvent célibataire, et quipasse tout son temps ou presque dansle royaume horizon.. C’est une vie trèsspéciale, cela demande que vos princi-pales attaches ne soient pas sur Terre.Il y a peu de couples et quasiment pasd’enfants, on le comprendra. « L’archi-viste » correspond en fait à l’archétypedu mage « bien comme il faut ». Cesrésidents sont nécessairement trèsdétachés des choses terrestres, excep-tion faite des questions de magie, oudes conflits avec les Technomanciens,Maraudeurs, Nephandis & co.

    Tous ces mages sont organisés encabales, plus encore que sur Terre. Cescabales n’existent pas pour se prému-nir de dangers, qui ici n’existent quepour celui qui les cherche, mais plutôtpour former d’efficaces groupementsde travail.

    Voilà donc pour les traits principauxdes archivistes, lesquels traits n’empê-chent pas l’existence des quelquesgroupuscules atypiques que nousallons voir ici.

    LA COMMUNAUTÉ ASIATIQUE

    Le terme communauté ne désigne enréalité qu’une soixantaine de per-sonnes. L’arrivée des premiers magesd’Asie s’est faite dans les années 1840.D’abord venus de Hong-Kong puis desautres territoires colonisés d’Extrême-

    Orient, ces émigrés fondèrent une peti-te communauté utile aux autres archi-vistes. Ces mages d’Asie, dont pas malde chinois contrôlés au début par lesmandarins, furent tolérés car porteurs,du fait de leur culture, d’une grandeaffinité avec l’art de l’écrit et ses mys-tères. Aujourd’hui leur présence s’ins-crit moins comme un intérêt quecomme un tradition, les grands calli-graphes disparaissant un à un.

    La communauté occupe un quartier àla périphérie de Camp. Les bâtimentsne portent aucun signe distinctiftémoignant des origines de ses occu-pants. En revanche, lorsqu’on pénètreà l’intérieur, le contraste est saisissant :la tradition asiatique y est entière etl’on a le sentiment d’avoir littéralementchangé d’endroit.

    Certains mages japonais ont pousséloin, à leur manière, l’expérimentationdes escrivants. Usant de la longue tra-dition de l calligraphie ou du taouageà la japonaise, ils ont inventé les par-chemins vivants. Ils inscrivent les com-posantes écrites des sorts sur le corpspar le biais du pinceau ou plus radica-lement, du tatouage et on raconte quedes mages auraient ainsi décuplé lespouvoirs de la voie des escrivants.Quant aux effets secondaires de cetype de pratique, ils seraient égalementredoutables… La Legacy a déclaré qu’ilétait rigoureusement interdit pour un

  • mage d’expérimenter ces techniquessur quelqu’un d’autre que lui-même.Toutefois ces techniques s’inscriventdans l’air du temps.

    On soupçonne également la commu-nauté d’organiser dans les sous-sols dela ville des combats clandestins où l’onvient parier sur des champions des artsmartiaux et de la magie, mais c’est unetout autre histoire.

    « CLASSE ET CHASSE »Nous avons déjà fait mention de la

    nostalgie (parfois suspecte) éprouvéepar beaucoup d’archivistes pour l’âged’or des temps coloniaux. C’est cettenostalgie qui, il y a une cinquantained’années, a poussé une poignée de cesnostalgiques à former un club nommé« Classe et chasse ». L’objectif de ceclub est de pratiquer la chasse et l’ex-ploration telles qu’on les pratiquaienten ces temps « hélas » révolus. Ceschasseurs et explorateurs sortis toutdroit d’African Queen sont finalementsurtout nostalgiques d’un temps oùune bonne partie du monde terrestreétait encore à explorer. Leur terrain debaroud se résume aux territoires chao-tiques de la bibliothèque, à l’exceptiond’un petit groupe un peu plus progres-siste qui s’en va régulièrement cher-cher l’aventure dans l’Umbra. Il fautdire qu’il y a beaucoup à découvrirdans la bibliothèque. Tribus indigènes,bêtes sauvages, jungles truffées depièges : le lieu est plus que tout autrepropice aux émotions fortes.

    Mais la Legacy a là aussi imposé saloi en interdisant aux membres duclub d’exercer leurs activités. Les rai-

    sons sont multiples et valables : outreles accidents que cette activité peutengendrer, il est toujours désagréablede voir des mages risquer leur vie ainsialors qu’il y a bien d’autres endroitspour le faire plus utilement. Et il estégalement désagrable de voir de pré-cieux ouvrages changés en dentelle parun tir de chevrotine mal placé !

    Mais la bibliothèque de l’Arabesqueest un lieu si mystérieux qu’il ne peutqu’éveiller la curiosité. Certains explo-rateurs ont laissé des récits d’expédi-tion renversants. On raconte qu’en cer-tains endroits, lorsque l’on pénètreprofondément dans les zones chao-tiques de la bibliothèque, les murs dis-paraissent de la vue, comme si l’on setrouvait non plus dans le royaumemais en pleine nature sauvage. Il enest aussi pour prétendre que l’on trou-ve des déserts étranges fait de livresentassés, où s’élèvent ça et là des édi-fices uniquement constitués de livresimbriqués. C’est là encore un des para-doxes spatiaux de la bibliothèque.

    LES QUATRE-MAINSTriste histoire que celle des quatre-

    mains. Pour bien la comprendre, ilfaut remonter à 1829. Les Célestes fai-saient alors des fouilles non déclaréesdans la province iraquienne de l’empi-re ottoman. Ils recherchaient précisé-ment des traces du culte de Nabû, dieubabylonien des lettrés et fils deMarduk (dieu tutélaire de Babylone).Leurs efforts les amenèrent à mettre àjour un trésor aussi impressionnantqu’inattendu, à savoir une arche depierre qui se révéla être une des portes

    34L E H O B B I T F A T A L I S T E

    35L E H O B B I T F A T A L I S T E

    Les Siams, surnommés ironiquement« le trio de l’étrange », sont la cabale laplus célèbre de l’Arabesque. Voici lestrois mages qui la composent :- Magdalena, une fille un peu secrète etintimidante, très aristocratique, avec uncôté suffragette (inspirez-vous de certainsrôles de Kristin Scott-Thomas)- Ji, médecin chinois qui garde traced’une maladie inconnue et incurabletransmise par un de ses patients et quilui donne un caractère infiniement luna-tique. C’est un toxicomane reconnu, cequi est sans doute une conséquence dela maladie.- Jean-Guy, militaire à la retraite enmanque de sensations fortes. C’est unhomme généreux, aux idées bien arrê-tées, très instruit sur le Proche-Orient. etpassionné de serpents.Ce sont en fait de sordides événements

    qui présidèrent il y a une dizaine d’an-nées à la formation de cette cabale.Le nommé Ji avait pris pour habitude de

    soigner secrètement des quatre-mains.Ces braves créatures étant devenuesindésirables et encombrantes pour lesrésidents, plus personne ne leur venaiten aide le cas échéant. Ji leur procuraitles soins non pas dans son cabinet maisdans une vaste demeure de la périphériede Camp qui était occupée par une vieilleVerbena et sa fille, dernières représen-tantes d’une très ancienne branche aris-tocratique que le temps avait réduit àpeau de chagrin. Certains quatre-mainsétaient d’ailleurs hébergés là et jouaientles domestiques pour la vieille lady.Il s’avéra au bout d’un moment que de

    moins en moins de quatre-mainsvenaient requérir les services du méde-cin. Lorsque certains des « domesti-ques » de la vieille aristocrate en vinrentà disparaître, sa jeune fille, nomméeMagdalena, décida de mener une enquê-te, en sollicitant bien sûr l’aide précieu-se de Ji. Après quelques semaines derecherches infructueuses, c’est finale-ment Jean-Guy, contact de Ji au Maroc

    qui les mit sur la piste. Le militaire avaitdécouvert dans un marché occulte etclandestin d’étranges articles : desmembres conservés dans du formol, despetits os et des organes séchés nevenant visiblement pas d’animaux. Aprèsvérification sur les lieux, les trois enquê-teurs purent conclure que c’était là lesrestes de quatre-mains. Les pauvresavaient été démembrés, coupés en mor-ceaux, parfois réduits à l’état de compo-sants, comme ces substances pseudo-aphrodisiaques si appréciées en Asie,faites à base d’ailerons de requin et decorne de zèbre.Les trois mages menèrent ensemble

    l’enquête et finirent par découvrir le pot-aux-roses. Le commerce était entretenupar un groupement de sorciers Verbenadu plan terrestre avec la complicité decertains archivistes. On connaît le pen-chant des Verbenas à fabriquer despotions et décoctions à la mode des sor-ciers et sorcières d’antan, concourantmalgré eux à l’image d’épinal du Verbenatouillant son chaudron bouillonnant.Grâce à quelques recherches et aprèsavoir subtilisé à Ji un carnet d’étudequ’il avait écrit en soignant les quatre-main, ils s’étaient aperçus que les tissusdes quatre-mains pouvaient servir decomposants essentiels dans la fabrica-tion de potions en rapport avec le spiri-tuel et le sacré. Par exemple, ils aidaientà détecter des lieux sacrés et la VraieFoi, ou à déterminer la nature d’unnode. Le commerce était très lucratif. Deplus en plus de gens venaient s’approvi-sionner, et pas des plusrecommandables – on peut sans peineimaginer l’attrait pour que peuvent avoirde tels composants pour des êtres quicraignent les lieux sacrés ou désirentrepérer les Fondations cachées. Le com-merce a semble-t-il depuis été arrêté etles résidents depuis veillent.Toujours est-il que cette enquête com-

    mune avait tissé des liens entre les troismages : la cabale des Siams était née.

    Les Siams

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    de l’Esagil, ce temple de tous les dieuxqui se situait au cœur de Babylone etd’où émergeait la fameuse ziggouratEtemenanki, passée à la postérité sousle nom de « Tour de Babel. » Tout unprogramme !

    Ils furent heureux de leur découvertemême si elle ne correspondait pas vrai-ment à leurs attentes. Ils décidèrentd’en faire don aux Célestes del’Arabesque qui en firent l’entrée prin-cipale de la Mission Saint-Mathieu.

    C’est à partir de l’installation de la« porte » que L’Arabesque eutd’étranges invités. Au bout dequelques jours se mirent à émerger, àintervalles réguliers, d’étranges person-nages vite identifiés comme étant desserviteurs de la Cour d’Ombre, cettecaste de l’Umbra où siègent entreautres de vieilles divinités que l’huma-nité a jeté en disgrâce et dont on ditqu’elle dirige un bonne partie del’Umbra occidentale. L’arche communi-quait donc directement avec la Courdes Ombres. Ces serviteurs étaient làsoient parce qu’ils avaient été déchusde leurs fonctions et donc jectés de laCour, soient parce qu’ils s’étaient

    enfuis, ou bien encore s’étaient égarés.Le problème était que si sortir dumonde autarcique qu’est la Cour nesemble pas bien difficile, y rentrerdevient quasi impossible à moinsd’être suffisamment privilégié pour endétenir les clefs.

    Ces esprits étaient en exil volontaireou forcé. La plupart n’avaient pas natu-re indépendante, modelés qu’il étaientpour être les serviteurs à vie des puis-sances supérieures. Ils s’installèrent àl’Arabesque, se mettant de bon gré auservice des Chœurs Célestes. Bonnombre finirent par investir les corpsde quelques malheureux initiés, lestransformant peu à peu à leur imagetandis que d’autres restaient sous formed’esprits matérialisés (une minorité deceux-là sont encore présents dans leroyaume,). Au bout de 100 ans, cesdeux parties avaient formé une racefranchement hétérocgène, plus maté-rielle que spirituelle. Beaucoup ressem-blent à des humanoïdes portant destraits caractéristiques de certaines divi-nités plus ou moins populaire.Beaucoup acquérirent plus de quatremembres ; il faut chercher là la paterni-

    té du terme « quatre-mains ». À la findu siècle, le retour du mysticisme nefut paradoxalement pas spécialementfavorable à l’Arabesque. Ce regain d’in-térêt était souvent artificiel et frivole, cequi faisait que parmi les occultistes deplus en plus nombreux qui pouvaientse présenter à eux, les archivistes netrouvaient pas plus de gens sérieuxqu’auparavant. Ils avaient bien du mal àséparer le bon grain de l’ivraie. Il s’ensuivit donc une pénurie de main-d’œuvre pour la bibliothèque. Garderen état cet endroit a toujours demandébeaucoup de bras et ce ne sont querarement les mages qui acceptent de selivrer à ces « besognes » d’entretien etde classification ; les quatre-mains tom-bèrent à point nommé. Ils furent assi-gnés à l’intendance de la bilbiothèque,les tâches leur étant données en fonc-tion de leurs particularités anato-miques. Cet état de fait dura jusqu’auxannées 60. Faisant écho aux boulever-sements survenant sur Terre, des idéeshumanistes firent leur chemin àl’Arabesque et une poignée de magesparvint à faire admettre que l’état desemi-esclavage dans lequel étaientmaintenus les quatre-mains étaitindigne, d’autant plus indigne que cesquatre-mains tenaient à présent autantde l’humain que de l’esprit de l’Umbra.

    Les quatre-mains furent libérés deleurs fonctions asservissantes. On leslaissa libre de vivre comme ils l’enten-daient. Certains quittèrent le royaumeet on raconte qu’il se sont constituésun domaine secret dans les Highlandsécossaises mais la majorité demeura àl’Arabesque car, ayant vécu toujous en

    vase clos à l’Arabesque elle ne connais-sait pas le reste du monde. Mais dèslors ils étaient devenus inutiles etencombrants. Avant peu les magess’amusèrent à les chasser comme dugibier et à les persécuter, que ce soitpour se divertir ou pour les pousser àpartir. Certains s’en allèrent au bout ducompte retrouver leurs frères endehors du royaume et les autres pri-rent l’habitude de se cacher.

    On aperçoit encore de temps entemps. Les quatre-mains qui viventaujourd’hui à l’Arabesque ont éludomicile dans les recoins chaotiquesde la bibliothèque et ses couloirssecrets ainsi que dans la jungle et raressont ceux qui parviennent à les voirtant ils sont devenus maîtres dans l’artde la dissimulation.

    LES GENTLEMENC’est là une des grandes énigmes du

    royaume : d’où viennent lesgentlemen ? Les résidents les ontappelés ainsi à cause de leur allure.Imaginez des hommes toujours vêtusde costumes impeccables, cravates etnœuds pap’ assortis, chapeaux melonsbien posés et parapluie à la main, avecune démarche on ne peut plus élégan-te. En résumé des personnages quel’on verrait bien sortant d’un tea-timeavec le prince de Galles. La seule faus-se note dans ce strict code vestimentai-re tient dans leurs visages peints decouleurs primaires, cequi rend leursvisages intimidants et énigmatiques.

    Personne n’a jamais entendu lesGentlemen parler : ils communiquententre eux uniquement par le biais de

    37L E H O B B I T F A T A L I S T E

  • flûtes rudimentaires, ce qui leur permetd’échanger leurs messages de très loin.

    Leur activité au sein de l’Arabesque aété clairement cernée : ils sont là pourpréserver l’intégrité du royaume. Ilssont comme la personnification duParadoxe personnel du royaume,veillant à ce que ses paradigmes soitrespectés. Leurs pouvoirs sont ceux demages endurcis, et comme les repré-sentants du paradoxe sur Terre, nefont pas particulièrement preuve decruauté ou de compassion. Froidscomme le Paradoxe…

    Les gentlemen s’acquittent de leurtâche, mais pas plus : jamais ils nes’impliquent dans les affaires des archi-vistes, et il est impossible de les y for-cer tant tout ce qui sort de leurs attri-buions leur est indifférent.

    Leur origine est incertaine. Certainesenquêtes laissent à penser que lesGentlemen étaient autrefois une seuleet même personne, en l’occurrence unmaître de Correspondance. Il se seraitagi d’un métis indien charmeur de ser-pents. Soucieux de préserver le royau-me des dangers qui menaceraient sonintégrité et voulant jouer un peu au Bigbrother, le mage aurait usé et abusé desa sphère de Correspondance pour êtreprésent partout à la fois. Jusqu’à cequ’un jour il manque effroyablementson sort et se retrouve en état d’ubiqui-té permanente, avec plus d’une dizainede lui-mêmes parcourant le royaume. Ilest envisageable dans ce cas que celaait fini par altérer le mental de ses dif-férents alter ego pour donner lesGentlemen d’aujourd’hui.

    38L E H O B B I T F A T A L I S T E

    Voici un aperçu des paradigmes sur les-quels veillent les étranges Gentlemen :LES SPHÈRES

    Correspondance : +2 — la bibliothèque,par exemple, est un espace complètementcontraire aux lois terriennes.Entropie : +1 — sans doute est-ce là uneinfluence indienne ; ce lieu aime les coïn-cidences improbablesEsprit : +1 — on est proche de l’Umbra, lesesprits sont plus à l’aise ici que sur TerreForces : -2 — c’est comme s’il n’y avaitpas eu de révolution technologique ici.Temps : +1 — au royaume, on prend sontemps. Ce bonus n’est pas valable pour lesaccélarations du tempsVie : +3 (!) — typiquement Verbena !

    QUELQUES ÉTRANGETÉS DE L’ARABESQUE

    - Non seulement l’espace de la biblio-thèque est très étrange, comme on l’a vu,

    mais cette dernière est comme vivante etse régénère quand on l’abîme. Les petitsmalins qui ont essayé d’y pénétrer en fai-sant un trou dans les murs extérieur nesont jamais arrivé à leurs fins, les ditsmurs se reconstituant aussitôt.- Le temps est au beau pendant la journéeet il pleut la nuit (tant qu’à faire, c’estplus agréable). Le vent ne souffle dans leroyaume que lorsqu’une personne n’étantjamais venue dans le royaume y fait sonapparition, ce qui a le mérité d’alertertous les résidents- Le royaume peut être vu comme uneplanète, mais d’un diamètre très faible(la superficie du royaume est de 90Km2). Ceci induit pour l’œil une courburedu terrain très prononcée et un horizontrès proche, ce qui déstabilise toujoursles visiteurs amateurs de grands espaces.

    Paradigmes du royaume

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    Les sonnettes des vélocyclistes tintaient dedroite et de gauche et la poussière flottaitdans les rues chaudes. Avant de repartir etde quitter la ville, j’admirais encore une foisle spectacle qu’offrait la petite cité à la tom-bée de la nuit. Camp : une architecture haute, comme ita-lienne par endroits et un peu flamanded’une manière générale. Et le calme qui yrégne à toute heure… Les jardins privatifs ysont rares, à part sur les toits, et seulsd’étroits balcons pointent leur nez sur lesfaçades. Les toits sont en pente douce, cou-leurs ciel. D’en bas, le ciel lui-même est diffi-cile à voir mais un éclairage dispendieuxrend la ville très lumineuse.Bref. Un peu plus tôt j’avais lâché lesmômes au syndicat des voyageurs égarés.Ce syndicat se donne pour mission derechercher tous les portés disparus dans labibliothèque ; les particularités spatiales dela bibliothèque font que la liste des disparusest toujours bien fournie. C’est le vaste halld’entrée recouvert de plaques commémora-tives en hommage aux valeureux explora-teurs disparus dans les espaces chaotiquesde la bibli qui rappelle que ce syndicat estchapeauté par le club des chasseurs (je neme souviens plus quel est leur nom ridicule). À présent je reprenais ma route pour retrou-ver le destinataire de mon paquet. Camp,malgré son origi