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Regard pluridisciplinaire sur les usages sociaux degéovisualisations 3D pour la sensibilisation au risque
d’inondationJulia Bonaccorsi, Florence Jacquinod, Marcel Vogt
To cite this version:Julia Bonaccorsi, Florence Jacquinod, Marcel Vogt. Regard pluridisciplinaire sur les usages soci-aux de géovisualisations 3D pour la sensibilisation au risque d’inondation. Revue Internationale deGéomatique, Lavoisier, 2018, 28 (1), pp.69 - 94. �10.3166/rig.2017.00038�. �hal-01798306�
Revue internationale de géomatique – n° x/201x, pp
Regard pluridisciplinaire sur les usages sociaux de géovisualisations
3D pour la sensibilisation au risque d’inondation
Julia Bonaccorsi1, Florence Jacquinod2, Marcel Vogt1
1. Univ. Lyon, Université Lumière Lyon 2, ELICO
ISH, 14 avenue Berthelot, 69007 Lyon, France
2. Univ. Lyon, UJM Saint-Etienne, CNRS UMR 5600 Environnement-Ville-Société
6 rue basse des rives, 42023 St-Etienne, France
RESUME. Nous proposons dans cet article un retour réflexif sur une étude des usages de
l’information géographique représentée en 3D (et mobilisée sous forme de simulation située),
dans le contexte de la prévention du risque d’inondation. Ce retour s’appuie sur un projet de
recherche-action visant à développer des dispositifs géomatiques innovants à l’appui de la
sensibilisation au risque des riverains du Rhône et à comprendre les effets de ces dispositifs
sur le grand public. Pour cela, des chercheurs en Sciences de l’information et de la
communication ont été sollicités pour travailler aux côtés des géographes, géomaticiens,
informaticiens et praticiens et pour observer et analyser la production et les usages des
dispositifs produits. L’article présente les cadres théoriques utilisés et les résultats de cette
évaluation, pour en tirer des perspectives et propositions méthodologiques pour étendre et
améliorer l’analyse des usages de l’information géographique et ses représentations
numériques 3D dans des contextes multi-acteurs notamment.
ABSTRACT. This paper aims at presenting feedbacks from a reflexive study on how to study the
uses of geographic information when represented in three dimensions and presented to an
audience as « situated simulation », in the field of flood mitigation policy. It draws from a
research-action project focused on the development of innovative geographic representations
so as to enhance flood risk awareness and on the evaluation of the effects of those visuals on
citizens from potentially flooded areas. Scientists in Information and Communication sciences
were involved in the project, along with geographers, geographic information specialists,
computer scientists and practitioners, in order to observe and analyse how those visuals were
produced and then used with riverside residents along the river Rhône. This paper presents
the concepts and theories that were resorted to to perform these analysis, the results of these
evaluations and then draws methodological insights to enhance the study of the various uses
of geographic information, especially when represented in three dimension and used in
collective settings, involving heterogeneous actors.
Mots-clés : géovisualisations 3D, usages de l’information géographique, analyse sémiotique,
analyse cognitive, risque d’inondation, sensibilisation.
KEYWORDS: 3D geovisualizations, uses of geographic information, semiotic analysis, cognitive
analysis, flood risk, flood risk awareness.
DOI: © 2017 Lavoisier
RIG. Volume x – n° x/201x
1. Introduction
Au printemps 2016, la région parisienne a fait l’expérience d’une simulation
grandeur nature d’une crue de la Seine (SEQUANA), mettant en jeu de manière
largement médiatisée la synthèse de savoirs scientifiques liés à l’enregistrement et
l’analyse statistique d’informations territorialisées, notamment sous forme de
visualisation en trois dimensions. Parmi d’autres dispositifs d’information plus
classiques, la production, à partir de données géoréférencées, d’images virtuelles, de
vues panoramiques, aériennes, immersives liées au risque1 d’inondation a occupé
une place remarquée dans cette opération. Celle-ci est représentative de pratiques
d’acteurs institutionnels, et elle peut être abordée comme une instrumentalisation
des données géographiques et hydrostatistiques à des fins variées, afin de répondre à
des objectifs d’information et de prévention auprès d’un public non expert
(Jacquinod, 2014). Plus largement, ces dispositifs numériques de médiation
renvoient à une certaine « spectacularisation des sciences et des techniques »
(Belaën, 2005), plus largement étudiée au sujet de la vulgarisation scientifique
(Jacobi, 2009) et des différents cadres et modalités d’appropriation des
connaissances.
Cet article souhaite explorer la mise à l’épreuve d’usages de visualisations
d’informations géographiques dans le contexte du risque de crue fluvial, objet de
l’aménagement territorial et de l’action publique, enjeu de prévention et de
communication En effet, avec l’accroissement de la production de données
géoréférencées dans le champ de la gestion du risque d’inondation (Valorge et al.,
2014) et le recours à des modes multiples de visualisation et d’interaction avec ces
données, sous forme de réalité virtuelle et augmentée, les situations d’usages de ces
dispositifs sont de plus en plus nombreuses et incluent des publics hétérogènes. Ce constat de la multiplicité et de l’hétérogénéité des dispositifs techniques
géomatiques produits et des contextes dans lesquels ils sont mobilisés dépasse
d’ailleurs le champ des géovisualisations 3D comme le domaine de la gestion du
risque d’inondation, avec le développement du geoweb, de la réalité virtuelle et
augmentée, etc. Ces mutations renforcent la nécessité de dépasser les limites des
analyses des usages des géovisualisations 3D réalisées aujourd’hui dans le champ de
la géographie, notamment concernant les usages communicationnels des
géovisualisations 3D. En effet, il est reconnu par de nombreux auteurs que de
nombreux facteurs influent sur l’efficacité « communicationnelle » (liée à la
communication d’information scientifique, en l’occurrence) de ce type de dispositif,
dont une partie au moins (contexte, jeux d’acteur, etc.) ne peut être rapportée aux
caractéristiques intrinsèques des dispositifs eux-mêmes. Néanmoins, ces facteurs
extérieurs au dispositif lui-même sont rarement pris en compte dans l’étude des
usages des géovisualisations 3D ou des représentations spatiales. Ces usages
finissent toujours par être décrits et expliqués à l’aide des caractéristiques des
dispositifs considérés, et parfois également en recourant à des contextes-types liés
1 L’article adoptera ensuite une définition constructiviste et discursive du risque (Aubuissier
et al, 2015 ; Ollivier-Yaniv, 2013).
AR_entetedroit Titre court de l’article 3
aux jeux d’acteur (concertation, participation, etc.), qui ne permettent pas cependant
d’expliquer complètement les effets empiriques observés dans l’action. Cela nous
semble en partie lié au manque de cadres théoriques pour étudier de manière
rigoureuse les interactions entre acteurs et entre ces acteurs et les dispositifs
techniques, ici des géovisualisations 3D interactives de simulation d’inondation.
Ce sont donc les circulations formelles, sociales et politiques que nous
souhaitons interroger ici à partir du cas empirique d’une recherche-action menée
depuis 2015 sur le territoire rhodanien, qui avait pour objectifs de développer des
dispositifs de sensibilisation au risque d’inondation sous forme de simulation située
et d’évaluer leur efficacité en contexte, lors d’expérimentations publiques. Ce projet
FLOOD AR2 a conduit au développement de méthodes et d’outils pour produire des
modèles 3D de territoire temporels et interactifs ainsi que des dispositifs de
consultation sur tablettes et smartphones. Ces dispositifs ont pu être testés avec des
riverains du Rhône en juin 2016, permettant de produire une première analyse, à
partir d’un segment de territoire inondable défini avec la DREAL (Direction
régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement).
La phase d’évaluation sur laquelle nous nous focaliserons dans cet article résulte
d’un cadre théorique pluridisciplinaire faisant dialoguer Sciences de l’information et
de la communication (SIC) et Géographie. Il s’agit notamment de s’appuyer sur les
cadres théoriques et conceptuels développés au sein des SIC pour aborder et
analyser les situations multiples et hétérogènes d’utilisations de géovisualisations
3D et, particulièrement, les interactions entre ces géovisualisations et les acteurs qui
les produisent et/ou qui les manipulent et ce qui est mis en jeu lors de ces
interactions. Ces cadres d’analyse permettent, nous semble-t-il, d’ouvrir, dans le
champ de la géographie, de nouvelles perspectives pour les observations et analyses de ces géovisualisations 3D et de leurs usages. Nous nous proposons donc de
présenter l’analyse par les SIC des manières dont des géovisualisations 3D ont été
produites et utilisées sous forme de simulation située auprès de riverains du Rhône,
puis d’en tirer des perspectives pour l’étude des usages de l’information
géographique représentée en 3D dans des contextes multi-acteurs par la recherche-
action.
L’analyse empirique qui a été menée repose sur une méthodologie croisée :
d’une part, une approche sémiologique des interfaces et des visualisations 3D ;
d’autre part, une enquête ethnographique (entretiens compréhensifs, observations et
collecte photographique).
Après un préambule méthodologique expliquant la démarche retenue pour ce
projet pluridisciplinaire et exploratoire, nous reviendrons sur le processus de
production des visualisations et la définition de leurs caractéristiques médiatiques.
2 Ce projet est co-financé par l’Union européenne dans le cadre du Programme Opérationnel
Interrégional FEDER Rhône-Saône 2014-2020 et dans le cadre du volet « Inondations » du
Plan Rhône. Il est également financé par la Compagnie nationale du Rhône et le Programme
d’avenir Lyon –Saint-Etienne dans le cadre du dispositif Images et perceptions embarquées
(PALSE-IPEm).
RIG. Volume x – n° x/201x
Dans la quatrième partie, nous développerons la mise en œuvre de l’expérimentation
in situ et les principales observations réalisées. Enfin, dans une cinquième partie,
nous proposerons un retour réflexif sur l’évaluation de l’expérimentation et les
perspectives ouvertes par cette étude des usages des géovisualisations 3D par les
SIC.
2. La construction d’un objet de recherche commun : qualifier et caractériser
les dispositifs produits dans un cadre pluridisciplinaire
Nous l’avons souligné en introduction, FLOOD AR est un projet de recherche
exploratoire réalisé par un collectif de recherche pluridisciplinaire en collaboration
avec des praticiens. Dans une logique de recherche-action, le projet
pluridisciplinaire comporte un volet d’évaluation des productions réalisées selon
deux axes principaux visant à caractériser les effets de sens de ces représentations
3D et la construction de savoirs qu’elles permettent : le premier axe comprend une
étude des dispositifs de visualisation des crues ; le second une étude
d’expérimentations publiques de ceux-ci.
La sollicitation des SIC pour analyser ces nouveaux usages de l’information
géographique cherche à dépasser les limites des outils théoriques et conceptuels déjà
mobilisés par des géographes et géomaticiens dans l’approche des usages des
informations géographiques et de leurs visualisations, notamment 3D, pour
communiquer auprès de publics hétérogènes.
En effet, cet usage de la géomatique 3D comme instrumentation de la
communication est très souvent cité comme étant un des principaux bénéfices de ces
technologies et représentations 3D. Néanmoins, ses implications et effets socio-
symboliques ne sont que bien rarement analysés, car très souvent réduits à une
transmission d’information depuis un émetteur vers un récepteur, selon une conception linéaire de la communication largement dépassée. Si les limites d’un
paradigme « communicationnel » issu de la théorie de l’information pour l’analyse
des usages de l’information géographique ont été démontrées (Poore et Chrisman,
2006 ; Plantin, 2014), les études des usages considérés comme étant de la
communication d’information restent souvent restreintes à une analyse des
caractéristiques des représentations elles-mêmes, ainsi que des caractéristiques
physiques et physiologiques du public « récepteur », suivant le cadre conceptuel
développé dans l’ouvrage séminal d’Alan MacEcharen (1995 ; Cauvin et al., 2008).
Le recours à des concepts issus de la sociologie des sciences et techniques, comme
la notion de médiateurs (Latour, 2014) ou celle d’objets intermédiaires (Vinck,
1999a et 2009), ont permis de montrer que les représentations d’informations
géographiques, 2D ou 3D, circulaient entre des acteurs différenciés dans des temps
et lieux divers et pouvaient endosser des rôles multiples en fonction des contextes et
des interactions entre les non-humains (dispositifs géomatiques) et les humains
(Debarbieux et Lardon, 2003 ; Jacquinod et Joliveau, 2011a). Néanmoins, les
théories et concepts manquent dans les études des géographes pour caractériser ces
usages et leurs effets sociaux et politiques, notamment en ce qui concerne l’analyse
des actions des humains en présence d’objets technologiques et les raisons qui
AR_entetedroit Titre court de l’article 5
peuvent expliquer ces actions. De ce point de vue, le recours à des études in vivo
pour ces analyses semble de mise (Lloyd, 2009 ; Jacquinod et Joliveau, 2011b).
Cependant, une fois reconnues les limites de la focalisation sur l’objet et ses
caractéristiques pour comprendre ses effets sociaux (Joliveau et al., 2013), comment
se saisir autrement des usages que par la « vérification » de l’efficacité des
dispositifs (par la transmission de l’information notamment), cette perspective,
comme nous l’avons souligné dans les lignes qui précèdent, ayant largement montré
ses limites ?
Plutôt qu’une phase finale, le volet évaluatif du projet de recherche-action mené
par les chercheurs SIC a fait partie de la réalisation des visualisations de manière
itérative, dans un dialogue continu avec les acteurs des institutions impliquées dans
le projet : scientifiques (informatique et géographie), politiques et publics (DREAL
et SMIRCLAID3). De fait, l’évaluation s’est nourrie des travaux menés en SIC sur
les médiations scientifiques et techniques, c’est-à-dire l’étude des modes de
représentation technique et symbolique qu’elles mobilisent en lien avec des enjeux
sociétaux. Egalement, les usages sociaux que ces représentations engagent font
l’objet de nombreux travaux, par exemple dans les contextes muséographiques et,
plus largement, de médiation scientifique (Jacobi, 1984a et 1984b, Jeanneret, 1998,
De Bideran, Fraysse, 2015) mais aussi de gouvernement du social, notamment relatif
à la gestion et la prévention des risques par l’Etat, structurante des sociétés
démocratiques contemporaines (Ollivier-Yaniv, Rinn, 2009 ; Pailliart, 2005). Ces
travaux permettent de proposer un cadre d’analyse pour les observations réalisées
lors de la production et des manipulations par le public des géovisualisations 3D.
Les recherches dans le domaine de la médiation scientifique sont particulièrement
intéressantes dans la mesure où beaucoup concernent des dispositifs interactifs destinés au grand public dans un objectif de transmission de connaissances, comme
c’est le cas des géovisualisations 3D dans le cadre du projet FLOOD AR.
Premièrement, la simulation réalisée à partir d’informations géographiques a été
envisagée comme un paradigme communicationnel dont les contours définitionnels
dépendent du projet et de la configuration d’acteurs mobilisés, proche d’une
fonction d’objet-frontière (Star et Griesemer, 1989). Il s’agit ici d’étudier la manière
dont la construction des dispositifs géomatiques eux-mêmes dépend des acteurs
impliqués. Cette influence des échanges entre acteurs sur la production de
géovisualisation 3D a déjà été observée et décrite dans le champ de la prévention du
risque dans des travaux de géographes (Jacquinod, 2014), sans que les cadres
théoriques mobilisés n’aient réellement permis de structurer l’analyse de ces
observations. Les géovisualisations 3D ont ainsi constitué, dans notre projet de
recherche-action, des objets-frontières, abordés par des chercheurs de plusieurs
disciplines, qui ont échangé sur leur manière de les définir de manière itérative au
fur et à mesure de leurs analyses, avec comme objectif de mettre en perspective et
d’enrichir les résultats de chacun à la lueur des résultats des autres disciplines. Il ne
3 Acronyme du Syndicat Mixte Intercommunal Rhône Court Circuité Loire Ardèche Isère
Drôme : c’est avec le SMIRCLAID que l’expérimentation a été organisée sur le segment de
territoire défini par la DREAL.
RIG. Volume x – n° x/201x
s’agissait donc pas de valider des hypothèses préétablies sur les effets ou les apports
des géovisualisations 3D, mais de recourir à une démarche exploratoire et
transdisciplinaire, et à l’observation ethnographique d’une démarche à visée
opérationnelle mêlant étroitement chercheurs et praticiens, afin de trouver des
nouveaux modes d’observation et d’analyses des usages des géovisualisations 3D. Si
l’objectif de départ était de mieux comprendre les usages communicationnels des
géovisualisations 3D, les résultats nous semblent pouvoir éclairer la production et
l’usage des géovisualisations 3D au-delà des usages considérés comme
« communicationnels » par les géographes.
Nous nous attacherons donc dans la suite de cet article à comprendre ce
paradigme communicationnel de la simulation du risque, celui-ci constituant notre
objet de recherche frontière. Nous faisons également l’hypothèse que les
représentations4 visuelles de l‘ « inondation » produites font l’objet de négociations
et d’ajustements entre des usages sociaux et politiques des données.
Il est possible de distinguer au moins deux « phases » principales de l’usage des
données géographiques : entre les acteurs du projet pendant la production des
dispositifs, puis, pendant les expérimentations auprès de riverains, entre les
« testeurs » qui consultent les données à partir de leur réécriture (leur visualisation)
dans des interfaces qui donnent à voir l’inondation et par là-même « matérialisent »
le risque. L’analyse de chacune de ces phases est présentée successivement dans les
deux parties qui suivent (3 et 4).
3. Des données scientifiques aux visualisations de l’inondation : la fabrique
d’un média de communication, instrument de l’action publique
3.1. Savant/non savant : la simulation du risque, entre schéma et récit
L’évaluation porte spécifiquement sur deux dispositifs de simulation numérique, soit deux « visites virtuelles » interactives composées de panoramiques 360° et
d’informations associées (toponymes, débits, informations temporelles, etc.). Ces
représentations visuelles sont issues d’une modélisation géoréférencée 3D du
territoire et d’une modélisation 3D géoréférencée et temporelle d’une crue du Rhône
prise pour référence sur ce territoire. Ces visites virtuelles sont de deux types
génériques : le premier est la représentation de l’inondation, pour des pas de temps
choisis, sur un territoire de quelques km2 et est consultable in situ sur des tablettes
numériques (cf. figure 1). Le second concerne les représentations de certains lieux
spécifiques et l’inondation selon des pas de temps, également consultable in situ, via
un mode immersif qui implique le corps de l’utilisateur. Ce deuxième type de
visualisation est consulté grâce à un smartphone inséré dans un casque de réalité
virtuelle (de type Cardboard) (cf. figure 2). Nous désignerons à présent ces
4 Représentation est entendu ici dans un sens sémiotique (Marin, 1994) (et non au sens
psychologique de représentation sociale)
AR_entetedroit Titre court de l’article 7
visualisations comme des dispositifs techno-sémiotiques, agencement d’éléments
objectifs visant une performance sémiotique et cognitive (Verhaegen, 1999).
Figure 1. A gauche, visuel du premier type ; à droite exemple d’utilisation sur site
(simulation située).
Figure 2. A gauche, visuel du second type ; à droite exemple d’utilisation sur site
(simulation située).
Ces deux dispositifs représentent l’inondation progressive du territoire modèle
par une crue de type bicentennale. Le laboratoire EVS-ISTHME (Saint-Etienne) a
produit le modèle 3D géoréférencé du territoire et la représentation du déroulement
de la crue sur ce modèle, le laboratoire LIRIS (Lyon) a effectué un travail de
développement d’outils pour automatiser la création de bases de données 3D
temporelles pour stocker les informations sur le territoire ainsi que les informations
hydrauliques temporelles et pour automatiser la création de maquettes 3D sur
l’ensemble du linéaire rhodanien dans un format standard permettant le stockage
temporel (le CityGML). Sur le plan géomatique, une telle maquette nécessite des
données topographiques décrivant le relief, des images aériennes de la région,
RIG. Volume x – n° x/201x
représentant l’occupation du sol (« orthophotographies »), des données sur les types
et les dimensions des constructions et de la végétation (« fichiers vecteurs »). La
majorité de ces données sont produites par l’Institut national de l’information
géographique et forestière (IGN), mais certaines ont également été fournies par la
CNR (Compagnie Nationale du Rhône). Des données hydrauliques temporelles
décrivant le déroulement de la crue modélisée pour l’expérimentation et produites
par la DREAL ont également été utilisées.
Or, les décisions techniques en matière de production des géovisualisations 3D
vont être étroitement associées, dès le début du projet, à la définition de la visée de
médiation. Tout d’abord, les images à réaliser sont discutées à partir de la
caractérisation des échelles ou des lieux repères à modéliser (quels bâtiments, ponts,
barrages). De fait, la fabrique des visualisations est traversée à la fois par leur lien
avec le territoire d’expérimentation (visites, photographies de repérage, données
hydrostatistiques, etc.) et par la projection et l’anticipation de la réception et des
caractéristiques des publics profanes par les acteurs collectifs impliqués et les
chercheurs. En quelque sorte, les productions des visualisations de données sont
forcément prises entre deux logiques simultanées : instrumentation documentaire
(organisation de l’information géographique disponible) et devenir-média (mise en
forme pour l’utilisation future).
Ainsi, et c’est le second point, il s’agit de maîtriser d’une part la restitution des
données et leur véridicité (ne pas faire du jeu vidéo). D’autre part, il faut disposer les
modalités nécessaires à un engagement des publics non spécialistes (implication et
reconnaissance) par la simulation figurative, la navigation dans un monde fictif et
une organisation sémiotique permettant la consultation et l’interprétation des
contenus, c’est-à-dire un média informatisé comportant des « signes passeurs »
permettant la navigation (Bonaccorsi, 2016).
Ces deux aspects sont délicats à articuler et sont absolument liés dans le
processus d’éditorialisation de l’information géographique par le dispositif techno-
sémiotique. Dans un cadre non numérique, Daniel Jacobi le souligne à propos de la
maquette archéologique utilisée en muséographie : la maquette est à la fois un
dispositif pertinent pour représenter une dimension du discours scientifique qui est
la « reconstitution », et elle est un dispositif spectaculaire qui engage une posture de
reconnaissance ludique (spontanément déchiffrable, comme saynète et selon une
logique narrative).
Pour que celle-ci fonctionne en tant que médiation de savoirs, le visiteur du
musée doit opérer (et « coopérer » au sens d’Umberto Eco, 1979) une suspension de
crédibilité (Belaën, 2005), et accepter d’associer une dimension sensible et émotive
à la dimension cognitive.
Si le projet FLOOD AR ne relève pas du même cadre institutionnel que le
musée, la fabrique des dispositifs de visualisation, également à vocation de
médiation scientifique, a bien intégré ces questions, notamment dans le réglage
entre la schématisation et la narration. Toujours à propos du musée et de la tension
entre science et exhibition, Jacobi fait ainsi le constat que
AR_entetedroit Titre court de l’article 9
« L’imaginaire demeure au cœur de ce dispositif communicationnel, qu’il
s’agisse, d’un côté, de la conception architecturale et muséographique, de
l’élaboration de dispositifs muséographiques singuliers, et de l’autre côté,
des modalités de reconnaissance de l’exposition par les visiteurs. Cependant,
une des difficultés majeures qui contribue à ne pas laisser l’imagination
prendre le pouvoir est l’instauration d’un système de règles implicites qui de
plus en plus surdétermine la conception des expositions. »5 (Jacobi, 2009)
L’étude menée par nous montre ainsi que la simulation, a contrario d’un régime
de représentation immédiat, génère à cet égard un ensemble de verrous et requiert
une expertise pointue sur les modalités médiatiques qu’elle engage. Il faut bien avoir
à l’esprit que celles-ci tendent à rendre indiscernables les jeux de données et les
types de savoirs convoqués, au risque de donner à voir/interpréter des images sans
prises cognitives pour les qualifier et les comprendre : par exemple, la dimension
prospective et statistique de l’inondation doit être perçue par les publics sans quoi ils
n’y verraient rien. Dans le cas de la modélisation d’une crue choisie comme
référence (c’est-à-dire une crue « virtuelle » qui pourrait avoir lieu, mais n’a jamais
et n’aura jamais lieu), à partir de données historiques, statistiques de levés terrain et
de choix d’hypothèses par les acteurs impliqués, le fait de montrer visuellement un
territoire avec un volume d’eau délimité dans l’espace et ce, bien que ce volume ne
corresponde à aucune réalité passée, présente ou future, ne facilite pas a priori la
compréhension des marges d’incertitudes liées aux techniques de modélisation
hydraulique.
L’unicité du cadre et de la représentation (la simulation d’un environnement
cohérent) intègre sémiotiquement les objets exposés au risque de « figer les
connaissances en un seul modèle » (Belaën, 2005, 104), ce qui est a priori contradictoire avec la complexité et l’incertitude dans la construction de savoirs, par
exemple scientifiques. Autrement dit, l’usage des informations géographiques
procède à ce niveau d’une énonciation6 : la simulation peut être abordée comme un
genre de discours (participant d’une construction discursive du risque) (Aubuissier
et al., 2015). Les géovisualisations 3D temporelles de la crue prise pour référence
constituent ainsi pour les chargés de sensibilisation un récit support de prise de
conscience et d’explication du comportement du fleuve et de ses débordements sur
le territoire considéré, bien plus (et non pas ?) qu’une information scientifique
représentée visuellement pour être transmise au public.
Ces prémices exposées, définissant un cadre théorique visant la compréhension
des opérations de production de signification par les dispositifs techno-sémiotiques,
5 C’est nous qui soulignons.
6 Ce point de vue théorique, issu de la linguistique et travaillé par Dondero et Fontanille
(2012) à propos de l’énonciation visuelle, revient à considérer la manière dont un texte ou une
image instancie la relation entre un énonciateur et un co-énonciateur, selon un système de
positions abstraites dont le texte porte les traces. Le genre de discours revient à désigner « les
institutions de parole à travers lesquelles s’opère l’articulation des textes et des situations où
ils apparaissent » (Maingueneau, 2004, p. 197).
RIG. Volume x – n° x/201x
nous approfondissons dans le point suivant les enjeux interprétatifs de ces
dispositifs.
3.2. La simulation comme représentation et ses enjeux interprétatifs pour les non-
experts
Pour avancer dans notre réflexion, il est nécessaire de qualifier la part discursive et
médiatique de la simulation comme représentation territorialisée qui comporte
plusieurs dimensions. En effet, pour opérer comme simulation authentique et
crédible (et non comme simulation seulement ludique, périodisée et spectaculaire)
visant la prévention du « risque », la fabrique des visualisations s’effectue selon
deux modalités de territorialisation :
- pouvoir évoquer un « monde » : un territoire référent (circonscrit,
physique) selon une aspectualité paradoxale : présente (territoire dans son
état actuel) et future (projection statistique de la crue). (« c’est » et « ça sera
peut-être ») ;
- participer d’un dispositif événementiel in situ situé dans l’espace (itinéraire,
site) et le temps (événement, visite guidée).
Pour le cas étudié, les données géomatiques ont fait l’objet d’un travail de
visualisation qui visait à produire des représentations figuratives du territoire et de
l’environnement. De fait, les options sémiologiques prises dans la conception ont
relevé d’une codification non savante, répondant à l’objectif suivant : permettre une
reconnaissance des objets et, par là, un repérage spatial dans la géovisualisation 3D
par des publics non experts. Ainsi, l’interprétant-modèle (le public futur des
géovisualisations 3D, tel qu’il est imaginé par les concepteurs des géovisualisations
3D) doit mobiliser des compétences élémentaires de repérage, de qualification et
d’interprétation des évolutions observées. Nous listons ci-dessous ces compétences :
1. Situer des repères dans l’espace et les caractériser en regard du territoire
concerné (associer la vue panoramique qui s’étend sous les yeux du public lors
de la ballade depuis un point de vue haut avec l’image affichée dans l’écran ; se
repérer dans l’image immersive représentant la place des Mariniers en se
trouvant sur la place).
2. Manipuler des images numériques dynamiques faisant appel à une base de
données (changer les pas-de-temps dans les panoramiques et dans l’image
immersive).
3. Corriger et accepter les incertitudes et incohérences : déplacement dans l’image
panoramique avec des sauts d’information, zoom limité ; ergonomie du casque
de réalité virtuelle qui implique le corps dans un lieu, en désynchronisation avec
la vue.
4. Mobiliser une culture scientifique et technique sur le Rhône (calcul des niveaux
de crue, vocabulaire).
AR_entetedroit Titre court de l’article 11
Sur ce dernier point, l’écriture des légendes et l’ajout d’informations associées
aux géovisualisations 3D visait à mobiliser a minima un vocabulaire spécialisé
(notamment notions relatives au fleuve, à l’hydraulique ou à l’aménagement du
territoire), tout en le maintenant afin de conserver un niveau de garantie suffisant
pour répondre à une exigence de précision et d’exactitude d’une part, et d’autre part
pour que les testeurs prennent au sérieux les dispositifs.
Soulignons que ces différentes compétences relèvent à la fois de l’usage de
l’information géographique, de sa médiatisation par les visualisations, d’une
connaissance contextuelle du territoire. Celles-ci renvoient en partie à des
compétences démocratisées par l’usage commun des cartographies numériques,
qu’il s’agisse des usages ordinaires du GPS ou de Google Maps, largement partagés
par les individus interrogés. Enfin, il faut également prendre en compte que
l’appréhension du risque de crue est liée au récit médiatique, notamment télévisuel,
des événements de crue qui ont précédé les expérimentations (crues de la Seine du
printemps 2016), tout comme l’expérience ou la mémoire individuelles et ravivées
pendant les expérimentations observées par l’intégration d’images d’archive de
crues locales dans la visualisation panoramique (cf. figure 3).
Figure 3. Image du prototype pour l’insertion de photos historiques de crue dans les
dispositifs visualisées sur tablettes (type 1) : à gauche vue générale avec le logo
« instagram » sur le tableau d’information à droite à côté de la mention de la crue
de 1955, à droite apparition de photos historiques lorsque l’on appuie sur le logo
« instagram ».
En cela, la « coopération du lecteur avec le texte » évoquée précédemment (Eco,
1979) ne s’appuie pas sur les mêmes éléments signifiants selon les cas et ne définit
pas le même régime de médiation. Par exemple, il peut varier entre trois
significations : celle d’une projection virtuelle scientifique de la crue, celle de la
mémoire locale de la crue, celle d’une immersion ludique et fictionnelle. Ainsi, la
production des visualisations de données géographiques comporte une dimension
médiatique et énonciative qui engage différentes activités et postures interprétatives.
Ceci étant dit, il faut néanmoins préciser notre propos : ces dispositifs relèvent
d’une logique de médiation, dans le sens de la construction d’une relation entre des
personnes, des objets, des savoirs, des institutions, des territoires, à partir de la
modalité de la simulation. Il est d’ailleurs essentiel de qualifier plus finement les
RIG. Volume x – n° x/201x
médiations en jeu : les visualisations de données ne « marchent » pas toutes seules.
C’est ce que nous souhaitons comprendre en approfondissant ce point. Le dispositif
techno-sémiotique établit une relation au savoir qui définit les rôles et places des
acteurs (une énonciation). Le sujet social peut prendre part ou s’exprimer mais à
l’intérieur d’un cadre énonciatif qui à la fois organise le savoir et définit son
opérativité sociale. Simplement dit, la simulation s’effectue à partir de son
énonciateur public, en l’occurrence hybride puisqu’il réunit la DREAL et le syndicat
de communes du territoire-témoin. Ce « cadre » de garanties institue ainsi la
simulation comme crédible, attribue pouvoir et valeur à l’information géographique
ainsi représentée.
Ce que les parties prenantes du projet désignent commodément comme une
« expérimentation » relève ainsi matériellement d’un dispositif d’ordonnancement et
de lecture, présentant les visualisations et produisant leur mise en contexte dans des
situations et des usages (Tardy, 2014). Nous l’avons dit, ce dispositif en tant
qu’énonciation, donne à interpréter comment cet ensemble instruit la situation
représentée. Il organise la relation à des usages, à des savoirs et plus largement à
l’interprétation des visualisations 3D (Idem). Reprenons ici le constat d’Yves
Jeanneret et Camille Rondot : « visiter un musée, ce n'est pas seulement découvrir
un message, c'est interagir avec une institution et lui attribuer un discours »
(Jeanneret, Rondot, 2013).
Si cette première partie met en évidence de quelle manière les dispositifs techno-
sémiotiques sont les produits de processus sociaux, nous allons nous intéresser
désormais à leur vie sociale, c’est-à-dire au temps du projet qui les a éprouvés et
verbalisés lors de deux journées d’expérimentations.
4. L’expérimentation des géovisualisations avec le grand public : temps et lieu
4.1. Postulats méthodologiques de l’évaluation
Cette seconde partie de l’article revient donc sur la mise en œuvre de
l’organisation de l’événement « test » in situ à Sablons par le SMIRCLAID (deux
journées), en rendant aussi compte des menaces anticipées pour la validité de
l’observation de l’expérimentation (trop ludique, testeurs pressés, focalisés sur
l’innovation etc.) et les réponses apportées dans la méthodologie d’évaluation. En
effet, il s’agit de ne pas restreindre l’évaluation à la « bonne » manipulation des
supports, ni à une vérification des connaissances apprises, mais de caractériser
l’encyclopédie et les savoirs ordinaires (scientifiques, culturels, techniques, etc.)
mobilisés par les individus interrogés, de même que la référence à leur mémoire
individuelle en corrélation avec le dispositif de l’événement auquel les individus
participent.
La simulation se déploie ainsi à deux niveaux :
- Celui des dispositifs techno-sémiotiques : visualisation 3D panoramique ;
visualisation immersive,
AR_entetedroit Titre court de l’article 13
- Celui du dispositif événementiel coordonné par le SMIRCLAID :
l’événement articule et hiérarchise différents supports, lieux et documents
parmi lesquels les représentations numériques de l’information
géographique jouent un rôle dominant ou mineur.
Les deux événements organisés présentent des caractéristiques différentes :
centré sur le parcours d’un point central à un point haut dominant le Rhône (balade
payante en gyropode) ; resserré en un espace d’exposition sur un stand et associé à
d’autres énonciations (autres acteurs du territoire : associations, etc.).
L’évaluation de l’expérimentation numéro 1 du 12 juin 2016 consiste en 16
entretiens semi-directifs ainsi qu’en l’observation de 4 groupes de visiteurs (sur 5,
observation de 16 participants sur 23). La grille d’observation et celle des entretiens
menés considèrent trois échelles emboîtées et qui impliquent des ressources
physiques, cognitives, des compétences médiatiques, scientifiques : la visualisation
3D, l’écran et le support (écran/lunette), le site (dynamique : ballade, arrêt et
panorama). Cette partie rend compte des principaux résultats de la médiation.
L’évaluation de l’expérimentation numéro 2 du 18 septembre 2016 repose sur
l’observation ethnographique de l’utilisation et de l’appropriation des dispositifs
tablette et casque de réalité virtuelle à l’aide de la même grille d’observation qui a
également été utilisée pour l’évaluation de l’expérimentation n°1. L’observation a
été réalisée au stand du projet (durée : environ 5h). En plus de l’observation, une
dizaine de situations observées ont été analysées. Par ailleurs, une dizaine de testeurs
ont été interrogés après l’utilisation des deux dispositifs. La verbalisation de leur
expérience portait spécifiquement sur leur reformulation de celle-ci, leur
appréciation et leur bagage antérieur.
En deux journées, les expérimentations restent circonscrites et ne permettent pas
de produire des résultats représentatifs sur les modes d’appropriation des dispositifs
de visualisation selon les types de publics. Egalement, il n’est pas possible de
documenter les types d’usages des dispositifs par les testeurs car le temps court de
l’utilisation ne peut permettre de la considérer comme un usage (Paquienseguy,
2010) tout comme une évaluation approfondie de l’apprentissage était difficile.
Cependant, les choix méthodologiques très qualitatifs et le suivi du projet dans la
conception des dispositifs ont permis de produire des connaissances probantes sur la
pérennisation et la diffusion sociale des visualisations produites. Nous reviendrons
sur ce dernier point dans la quatrième partie de l’article, car il soulève des questions
centrales dans la démarche de recherche-action.
4.2. Enseignements croisés sur les dispositifs techno-sémiotiques à partir des deux
phases de l’expérimentation
4.2.1. Variabilité des degrés d’implication : manières d’être « testeur »
Comme cela a été démontré à propos de la réception d’expositions
muséographiques visant l’immersion, l’appropriation de savoirs dépend d’une
RIG. Volume x – n° x/201x
tension entre immersion et distanciation (Belaën, 2005, 101), qui suppose que le
visiteur qualifie l’activité de visite dans laquelle il est engagé.
A partir de la verbalisation des visiteurs de leur expérience de visite immersive,
Belaën a ainsi dégagé cinq types d’implication de la part des visiteurs, ces types
établis selon une gradation fine :
- tout d’abord, la résonance concerne l’adhésion et l’acceptation des effets de
mise en scène ainsi que la capacité à discuter les objectifs et le discours
institutionnel :
« Je vous avoue que je connais le risque avec les inondations ici. Mais j’ai
vraiment été surpris que l’eau monte aussi haut, je n’aurais jamais cru ça. Et
ce qui m’a surpris aussi, c’est la crue lente. C’est comme ils l’ont expliqué
pour Paris à la télé ces derniers jours là. Moi je pensais que c’était plus
rapide, que le Rhône avait plus de tempérament [rigole]. » (Entretien, H6)
- la submersion implique une activité de visite sans distanciation, où
l’émotion est dominante ;
« Les lunettes sont géniales, on a vraiment de l’eau qui monte jusqu’aux
genoux ! Et la tablette, c’est pareil, j’ai adoré ! Mais on n’avait pas assez de
temps, j’aurais bien aimé continuer, il y a plein de trucs que j’ai pas vus.
Mais les lunettes… c’est quand même plus parlant. » (Entretien, F3)
- la distanciation critique concerne la mobilisation d’une réflexivité, par
exemple par la recherche des clefs et pièges ;
« C’est bien. On croit à ce qu’on voit. On se dit que ça peut monter autant.
» (Entretien H et son fils, 12 juin)
- la banalisation désigne le regret manifesté devant ce qui est jugé une
disproportion entre le dispositif et le faible contenu ou un message trop
vulgarisé
« Ah, c’étaient des étapes ? Non, eh bien – je n’ai pas tout compris. Vous
montrez le déroulement d’une crue dans le temps ? Non, je n’ai pas vu ça. »
(Entretien, H7)
- enfin, le rejet évoque une implication dans la visite qui échoue, insistant sur
le décalage entre les attentes et la proposition, le visiteur restant étranger au
propos et au dispositif.
AR_entetedroit Titre court de l’article 15
« Votre tablette là… oui, je l’ai vue. Mais je n’ai pas très bien compris
comment on fait le zoom, elle m’a montré des trucs avec ses doigts là… C’est
plutôt pour les jeunes. Il faut être jeune pour ça. Mais on a parlé avec
l’expert des inondations, il nous a tout expliqué. Et c’était très bien,
vraiment. Pédagogique et compréhensible. » (Entretien, F8)
Ces réactions-types que nous avons observées parmi les sujets interrogés sont
précieuses pour insister sur la variabilité des degrés d’implication auxquels nous
avons été confrontés dans nos observations. L’analyse de ces réactions contrastées à
des dispositifs similaires souligne à nouveau combien l’observation et l’analyse des
(multiples) utilisations de géovisualisations 3D (ou de tout autre dispositif
cartographique, a fortiori s’il est numérique et interactif) doit reposer en partie sur
un cadre conceptuel sur la manière dont les acteurs humains réagissent aux visuels,
les comprennent ou les interprètent, de manière individuelle ou collective et en lien à
la fois avec les géovisualisations 3D et les médiateurs humains. De fait, ces
différentes postures reflètent deux dimensions transversales : d’une part, la
dimension référentielle des représentations visuelles. D’autre part, l’activité
interprétative des « testeurs », articulant les dispositifs techno-sémiotiques à
l’ensemble de l’événement.
Nous allons nous focaliser sur ces deux questions transversales à nos résultats.
4.2.2. Faire avec la dimension référentielle
La première question concerne la dimension référentielle des représentations
visuelles des deux dispositifs techno-sémiotiques. En effet, la visite virtuelle
affichée sur la tablette n'est pas une représentation photographique du territoire
modèle et elle n'est pas vraiment fidèle à la réalité. Des données (forcément approximatives, quelle que soit leur résolution ou leur précision) décrivant
l'emplacement et les dimensions de la végétation et des constructions ont été
ajoutées. Ces données sont visualisées à travers l'insertion d'éléments génériques
(maisons, arbres etc.) dans la maquette 3D que crée le logiciel de modélisation.
Certains des individus « testeurs » se sont plaints lors des deux expérimentations
d'un manque de « précision » : sans doute l'absence de représentations fidèles des
rues et des maisons de leur village a-t-elle constituée un frein. Les observations
réalisées montrent que le mot « fidèle » doit être compris comme « ressemblant au
vrai village comme une photo ». Il apparaît que cet aspect doit tout particulièrement
être pris en considération dans l'analyse de la médiation située, car la représentation
fidèle donne de la crédibilité aux simulations présentées : entre résonance et rejet de
la part des sujets sociaux, le discours des visualisations de données 3D réalisées est
particulièrement mis à l’épreuve par sa comparaison avec le territoire grandeur
nature, dans un même espace-temps.
« J’avais un problème avec l’orientation, c’est très difficile de mettre le bon
point de vue. Je ne vois jamais la même chose sur la tablette et devant moi. »
(Entretien, H1)
RIG. Volume x – n° x/201x
« La simulation était bien. Il n’y a pas de défaut. Mais c’est vrai qu’il
pourrait y avoir plus de détails. Je sais que c’est du travail, au moins
j’imagine. Mais c’est pas assez précis pour moi. Mais sinon c’est vraiment
réussi, aussi avec toutes les fonctions et surtout avec les photos. Mais j’ai
l’impression que ça met une heure pour charger un truc, c’est embêtant. »
(Entretien H6)
Plutôt que de faire comme si7 et de répondre à cette attente de précision en
engageant une modélisation du territoire visant une fidélité totale et photographique,
il s’agit d’expliciter les options prises. Cette explicitation peut être réalisée par un
médiateur humain, comme être sémiotisée dans les géovisualisations : en renforçant
par exemple la codification générique (maisons = cubes blancs), ou encore
l’utilisation de modalités plastiques appuyées (dessin-silhouettes-noir et
blanc/couleur, etc.) permettant d’interpréter des zones ou objets représentant des
données fondées, et d’autres qui constituent des manières de qualifier globalement
des portions du territoire (habitation/forêt/culture). Sans prétendre maîtriser ou
anticiper les différentes activités interprétatives menées par les « lecteurs » de ces
géovisualisations, il s’agit d’envisager aussi d’inscrire plusieurs degrés ou niveaux
d’interprétation dans les représentations symboliques.
4.2.3. Echelles plurielles et enchâssements des médiations dans les
expérimentations : le rôle actif des « testeurs » pour produire de la cohérence
La seconde question porte sur l’articulation des deux dispositifs techno-
sémiotiques dans le « parcours » entre différentes modalités de sensibilisation au
phénomène de crue : les stands, les panneaux posters, les cartes, les gyropodes, le
point de vue haut, les vignobles, les médiateurs humains.
La disposition spatiale des différents éléments de la médiation (tablette, casque
de réalité virtuelle, médiateurs humains, supports non-numériques) peut être ouverte
ou fermée, directive ou plutôt libre : tout semble possible entre « faire la queue et
parcourir les étapes de 1 à 5 » et « entrer sous le chapiteau et choisir ce qui intéresse
les testeurs ». Il apparaît ainsi que l’organisation spatiale (et donc temporelle) de
l'événement influe fortement sur la place que les sujets assignent aux dispositifs
techno-sémiotiques (tablette/casque de réalité virtuelle).
On observe pour la première expérimentation une séparation spatiale entre la
tablette et le casque de réalité virtuelle (casque : stand Place des Mariniers à
Sablons, tablette : vue globale de la visite virtuelle en présence du « vrai paysage »
dans le vignoble, point de vue de la Madone). Cette séparation spatiale entraîne une
séparation temporelle (20-30 minutes pour effectuer la descente en gyropodes entre
l'utilisation de la tablette et celle du casque de réalité virtuelle) et cognitive (étapes :
7 Au risque d’un coûteux travail de modélisation, qui ne peut souffrir la comparaison avec le
réalisme d’une photographie ou la proposition esthétique d’un professionnel du jeu vidéo.
AR_entetedroit Titre court de l’article 17
apprentissage des gyropodes - montée - utilisation des tablettes - descente -
utilisation du casque) entre ces deux éléments, la place donnée à la tablette est celle
d'un élément parmi d'autres (deux fils narratifs : gyropodes et inondation, et donc
deux apprentissages différents à effectuer) et dissociée de celle du casque de réalité
virtuelle. L'expérimentation du 18 septembre est différente : la tablette est beaucoup
plus centrale au sein de l'événement, et son utilisation est directement suivie de celle
du casque de réalité virtuelle. Une unité cognitive semble se former, la médiation à
l'aide de la tablette devient indissociable de l'utilisation du casque de réalité
virtuelle.
Le rôle des médiateurs humains a été un constat dominant de l’évaluation. Ceci
est fois ressorti des entretiens, comme ici :
« Ce que j’ai le plus aimé ? [réfléchit] c’était Monsieur avec ses explications,
en haut. [Chef de projet DREAL… il avait l’air très compétent. » (Entretien
H6)
Tout indique que l’idée de la médiation autonome à l’aide des dispositifs techno-
sémiotiques soit une aporie. Les sujets des expérimentations comprennent
intuitivement le fonctionnement d’une tablette lorsque la médiatrice l’utilise devant
eux, et cette dernière oriente par ailleurs le contenu de la médiation. Sans médiation
humaine, il n’y aurait aucun contenu structuré. La déconstruction de réticences
envers la tablette semble fonctionner via la médiation humaine, il est possible que
bon nombre de testeurs ne touchent même pas à la tablette sans l’aide des
médiateurs humains. La combinaison casque de réalité virtuelle – tablette semble
nécessiter des explications techniques et surtout une gestion temporelle et spatiale, conduite par un scénario structurant le déroulement et les objectifs de
l’expérimentation. Au contraire de l’idée du dispositif « auto-portant », les
médiateurs sont particulièrement sollicités pour leurs connaissances techniques
concernant les inondations ou plus spécifiques à propos du Rhône. Une chose est
certaine : les testeurs posent des questions parfois très détaillées, concernant des
territoires spécifiques et la politique locale.
Egalement, les observations du fonctionnement interactionnel des groupes et
échanges autour des stands corroborent cette analyse, qui est peu surprenante. Le
contexte de la démonstration (un village, le dimanche matin) a un effet double sur la
constitution d’un « public » : un nombre faible de participants ; des participants
impliqués (notamment pré-inscrits pour l’expérimentation 1), échangeant entre eux.
En ce sens, les observations montrent que les dispositifs de visualisation jouent un
rôle médiateur structurant. Soit parce qu’ils constituent des supports consultés à
plusieurs (la tablette) où l’interaction porte sur le contenu ; soit parce qu’ils font
l’objet d’une discussion relative au dispositif et à ses propriétés. C’est le cas dans
l’extrait suivant, tiré de l’observation d’un couple où la femme explique à son mari
peu convaincu par l’usage du casque de réalité virtuelle que :
RIG. Volume x – n° x/201x
« Ça va, faut aller doucement…Tu vois pas la réalité, faut comprendre…on va
aller au suivant » (Observation 12 juin).
Ces résultats confirment l’importance des acteurs humains et de leurs
interactions dans les usages et les effets des géovisualisations 3D et la nécessité de
trouver des outils théoriques et conceptuels pour les aborder, les comprendre et les
analyser.
5. Retour réflexif suite à l’observation des usages des géovisualisations 3D
Dans cette troisième partie, nous proposons un retour réflexif sur la question de
l’ « usage », que l’on peut entendre dans ce projet principalement comme étant
l’usage d’un terminal et d’une écriture visuelle d’informations géographiques
modélisées en trois dimensions et dans leur dimension temporelle. Les travaux
portant sur les instruments de la prévention dans l’action publique évoqués
précédemment montrent la nécessité d’intégrer l’évaluation des usages non pas
comme une vérification d’une efficacité prédéfinie mais un continuum dans le
projet. En effet, la multiplicité des dimensions qui se croisent lors de la production et
des manipulations des géovisualisations 3D montre que la dimension de
transmission d’une information qui pourrait être objectivée est finalement marginale
par rapport à ce qui se joue entre les acteurs produisant et manipulant les
géovisualisations 3D. C’est sur ce postulat que nous voulons essayer de commencer
à poser des bases pour une approche renouvelée des géovisualisations 3D, et, plus
largement, des représentations spatiales utilisées dans le champ de l’aménagement
et, notamment, à destination du grand public.
Si les échanges entre disciplines nous ont semblé indispensables afin d’enrichir
les concepts et cadres théoriques de chacun, il est difficile de transposer directement
des concepts ou des résultats d’analyse d’une discipline à l’autre, chaque approche disciplinaire étant encadrée par des postulats, notions et cadres de réflexion aux
contenus bien différents. Notre expérience de travail commune étant limitée, à ce
jour, au projet FLOOD AR, il n’est pas possible de construire dès à présent un cadre
méthodologique cohérent pour l’étude des géovisualisations 3D à partir de
l’évaluation SIC du projet. Néanmoins, nous proposons deux manières de faire
fructifier et de prolonger ces réflexions et ces échanges interdisciplinaires. D’une
part, nous voulons montrer comment les résultats de l’évaluation SIC peuvent
compléter les travaux des géographes sur les usages des géovisualisations 3D et
permettre de dépasser leurs limites, en notamment reconsidérant la notion même
d’usage. D’autre part, nous voudrions ouvrir des pistes pour construire des cadres de
réflexions plus pertinents pour l’étude des usages des géovisualisations 3D.
5.1. Retour sur les méthodes/manières d’aborder les géovisualisations 3D
Un premier constat, flagrant, est la proximité des résultats des chercheurs SIC
avec d’autres études empiriques réalisées sur les géovisualisations 3D dans le
domaine de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme. Pour en rendre compte
AR_entetedroit Titre court de l’article 19
de manière précise et en tirer toutes les conséquences, il nous faut maintenant
changer de perspective et repartir des manières dont les géographes abordent les
géovisualisations 3D et, plus largement, les représentations spatiales. En effet, si les
constats issus des études empiriques menées sur les utilisations des géovisualisations
3D sont semblables, leurs répercussions sur les méthodologies d’enquête et éléments
théoriques produits sont bien différentes d’une discipline à l’autre et les cadres
théoriques mobilisés par les géographes pour aborder les géovisualisations 3D en
tant que représentations spatiales ne semblent pas toujours en prendre toute la
mesure.
5.1.1. La performance des « testeurs » et les multiples causes des effets des
géovisualisations 3D
Un des points saillants de l’évaluation concerne le rôle joué par les testeurs dans
leur « performance » (Gentes et Jutant, 2011). Par exemple, une dimension centrale
dans l’observation des usages de dispositifs numériques, est l’appropriation de
l’outil qui passe par le corps des testeurs : leurs gestes incorporent l’ « outil » à la
fois dans l’espace et dans la situation de communication. En ce sens, ces testeurs
relèvent de la notion de « public » (Le Marec, 2007) qui peut s’autoriser des
explorations et reformulations dans un cadre communicationnel qui lui donne des
garanties (authenticité des vues et qualité des données versus fiction). L’étude a,
ainsi, mis en relief l’importance des garanties de « confiance » envers l’institution
ou plus largement envers le cadre de l’expérimentation (Idem), nécessaire à une
quelconque appropriation.
Ceci conduit à une certaine prudence dans les prétentions communicationnelles à
produire des instruments génériques et déployables dans les contextes et pour des
usages variés (information auprès des nouveaux habitants, prévention auprès des publics scolaires, débats participatifs, etc.), et la définition de situations propres aux
enjeux locaux. Autrement dit, ce n’est pas la seule efficacité représentative
(Jacquinod et Joliveau 2014) d’une géovisualisation 3D qui peut déterminer a priori
l’usage ou l’efficacité de cette géovisualisation 3D, ni même garantir que l’usage
imaginé par les concepteurs soit effectivement celui réalisé par le ou les utilisateurs.
L’efficacité représentative est entendue ici comme la manière dont est représenté un
territoire par un ensemble de règles sémiologiques et graphiques, et la manière dont
cette représentation est consultable grâce à des fonctionnalités techniques permettant
l’interaction, l’exploration, etc.
L’importance de la notion de performance, déjà conceptualisée pour l’analyse
des usages des objets techniques (Vinck, 1999b) est ici primordiale et il nous faut en
considérer les différentes facettes. Plusieurs facteurs vont en effet influer sur les
utilisations des géovisualisations 3D par le grand public et la performance de ces
représentations dans l’action. Les observations réalisées lors du projet FLOOD AR
rejoignent sur ce point celles déjà faites lors de réunion de concertation (avec les
élus et avec les habitants) autour de l’élaboration de Plans de Prévention du Risque
RIG. Volume x – n° x/201x
d’Inondation (PPRI) le long du Rhône8 (Jacquinod, 2014). Toutes ces observations
confirment que les caractéristiques du dispositif technique employé (en l’occurrence
des géovisualisations 3D) ne peuvent garantir à elles seules ni qu’un usage soit
possible par les utilisateurs, ni que les utilisations qui sont faites du dispositif
correspondent au script imaginé par les concepteurs ou aux fonctionnalités
techniques du dispositif.
Cela est confirmé par la variété des réactions aux dispositifs relevée grâce aux
entretiens semi-directifs menés lors des expérimentations du projet FLOOD AR
(2.2.1.), mais également par les observations de réunions de concertation autour des
PPRI. Lors de ces réunions, les usages annoncés par les acteurs et/ou observés dans
l’action varient selon les acteurs qui mobilisent les géovisualisations 3D,
l’interaction qu’ils peuvent avoir avec elles (avec les images et/ou avec les données
géographiques) et les discours qui accompagnent leur présentation. De plus, les
types d’utilisations ne peuvent pas être a priori associés à un type d’acteur, un type
de configuration ou un type d’interaction avec la géovisualisation 3D. Ainsi, la
mobilisation des géovisualisations 3D en tant que visualisations de données
permettant leur exploration et leur analyse a été observée aussi bien lors des
réunions de travail entre les agents des services de l’Etat que lors des réunions
publiques avec les habitants, pensées par ces mêmes agents avant tout comme des
réunions d’information et au cours desquelles des dispositifs statiques (images fixes)
ont servis de base à l’exploration collective de la donnée technique sur le risque
(aléa hydraulique), support d’apprentissage et d’échanges dynamiques sur les
différents modes de gestion de crue en cas de crise, par référence à des crues passées
et connues des habitants. Des dispositifs statiques et considérés comme « non-
interactifs » ont ainsi permis aux utilisateurs d’interagir visuellement avec les données représentées, quand des dispositifs interactifs n’ont servi qu’à montrer
l’étendue d’une inondation simulée, sans aucun échange autour de l’outil, malgré les
intentions de ses producteurs.
5.1.2. Perspectives méthodologiques autour de la notion d’usage
Il nous semble donc nécessaire de relâcher plusieurs contraintes qui s’imposent
souvent dans les raisonnements des géographes sur les usages des géovisualisations
3D. Premièrement, le degré de réalisme ou niveau de détail d’une géovisualisation
3D ne détermine pas complètement les usages qui peuvent en être faits, si bien que
les tentatives pour classer les usages des géovisualisations en fonction de leur niveau
de détail risquent bien de continuer à produire des résultats contradictoires, comme
cela a été souligné depuis de nombreuses années (Bishop et Lange, 2005), et non
généralisables. Ce constat est également valable pour l’ensemble des caractéristiques
intrinsèques des géovisualisations 3D (fonctionnalités techniques, forme, etc.)
Deuxièmement, une géovisualisation 3D ne peut être a priori associée à un seul
usage prédéterminé, et ce, d’autant plus avec le développement du numérique,
comme l’ont déjà souligné Pascal Lécaille et Dominique Vinck. Lors de l’étude des
8 Etude de cinq procédures d’élaboration de PPRI, couvrant seize communes, entre 2009 et
2013.
AR_entetedroit Titre court de l’article 21
rôles des dispositifs de modélisation et de visualisation 3D dans le monde de
l’ingénierie, ils ont montré qu’il est nécessaire de dépasser une vision simpliste de la
notion d’usage qui considèrerait un dispositif technique comme un tout
indécomposable et destiné à usage unique. Au contraire, les outils numériques
nécessitent une approche pragmatique et située :
Les outils, numériques en l’occurrence, permettent au contraire des usages
continuellement différés et multiples de telle façon qu’il est impossible
d’appréhender globalement leur utilisation […]. La notion même de situation
éclate en une pluralité de lieux et ce d’autant plus que ces outils sont
prédestinés à être multi-sites. […] Il convient donc d’abandonner la vision
simpliste de situation d’usage et, au contraire, de bien saisir l’ensemble des
activités, des outils et des acteurs humains, ainsi que les processus qui les
articulent. » (Lécaille et Vinck, 2000, 12)
Ces résultats rejoignent les travaux de cartographes dits critiques qui ont montré
les limites des études de l’usage de cartes par l’analyse du contenu de la
représentation d’une part et celle de la manière dont une personne est à même de la
déchiffrer d’autre part, et invitent à étudier les pratiques développées autour des
dispositifs cartographiques (Pickles, 2004 ; Del Casino et Hanna, 2006 ; Crampton,
2010).
Or, si cette pluralité des usages des géovisualisations 3D a été décrite par des
géographes, notamment à l’aide du concept d’objet intermédiaire (Lardon et al.,
2001 ; Alinat, 2005 ; Moquay et al., 2005 ; Lardon et Piveteau, 2008 ; Noucher,
2009; Mericskay, 2012), ses conséquences sur la manière d’aborder les usages des
géovisualisations n’ont pas vraiment été prises en compte. Ainsi, ces auteurs
continuent à définir les géovisualisations 3D et leurs usages par leur niveau de détail ou degré de réalisme, ou par d’autres caractéristiques des dispositifs techniques eux-
mêmes. Et, bien que ces études empiriques soulignent la diversité des réactions face
aux géovisualisations 3D et les divergences dans les manières de définir l’apport ou
les effets des différents niveaux de détail, la pluralité des usages d’une même
géovisualisation 3D n’est pas vraiment prise en compte dans les caractérisations des
usages, toujours ramenés aux caractéristiques du dispositif technique.
Il nous semble aujourd’hui indispensable de nous saisir de la pluralité des usages
possibles pour une géovisualisations 3D et de renoncer à définir pour une
géovisualisation un ou plusieurs usages en fonction de ses seules caractéristiques
intrinsèques. Nous proposons alors d’appuyer les études des usages des
géovisualisations 3D à la fois sur leurs caractéristiques et sur d’autres paramètres, en
utilisant les facteurs repérés par l’évaluation de l’utilisation publique des dispositifs
du projet FLOOD AR, afin de mieux décrire leurs effets et de mieux comprendre le
rôle des caractéristiques sémiologiques et fonctionnalités techniques, en lien avec les
jeux d’acteurs lors de leur production et de leur usage.
RIG. Volume x – n° x/201x
5.2. Aborder la performance des géovisualisations 3D dans l’action : leçons tirées
des expérimentations FLOOD AR
Si l’on consent à accepter le postulat selon lequel les usages des
géovisualisations 3D peuvent être multiples et que leurs caractéristiques techniques
ne suffisent pas à définir, décrire ou comprendre ces usages, il est alors primordial
d’intégrer à l’analyse des paramètres complémentaires à l’étude des opérations
sémiologiques et de déchiffrage des géovisualisations 3D (paramètres classiquement
étudiés suivant la conception représentationnelle des cartes et géovisualisations,
notamment dans la lignée du travail séminal d’Alan MacEachren (1995)). Nous
souhaitons ici contribuer à l’élaboration de méthodes d’observation des
performances des géovisualisations 3D dans l’action, en mettant en avant des
paramètres qui ressortent de l’analyse par les chercheurs en SIC et qu’il nous semble
important de prendre en compte pour comprendre les usages et effets des
géovisualisations 3D.
En premier lieu, et étant donné l’importance des interactions entre acteurs lors du
recours à des géovisualisations 3D, une attention particulière nous semble devoir
être donnée aux différents acteurs présents et à l’analyse de leurs objectifs et
stratégies, mais également la manière dont ils sont perçus par les autres acteurs
(notamment le public des géovisualisations 3D). Dans le cas de projets de recherche-
action, la présence de chercheurs auxquels les praticiens ont demandé un appui
technique et méthodologique est loin d’être neutre et doit être prise en compte,
notamment en lien avec la question de la confiance que le public place dans les
géovisualisations 3D, en fonction des personnes qui les présentent. En effet, les
observations montrent que la confiance du public dans les géovisualisations ne peut
être rapportée aux caractéristiques intrinsèques des représentations (niveau de détail,
fonctionnalités ou mode de consultation).
Cela vient éclairer d’un jour nouveau les analyses nombreuses sur le pouvoir des
cartes (Harley, 1989 ; 1990 ; Jacob, 1992 ; Wood, 1992). Dans la lignée de ces
études, plusieurs auteurs attribuent ainsi explicitement aux cartes et représentations
spatiales un « effet de vérité », qui serait consubstantiel à l’image pour Michel
Lussault (2003) et à la carte pour Bernard Debarbieux (2002). Celui-ci avance
l’hypothèse selon laquelle la carte est souvent prise pour le reflet exact de son
référent (le territoire et/ou les données qu’elle représente). Dans les deux cas,
l’« effet de vérité » est supposé être lié intrinsèquement à l’objet cartographique lui-
même, qu’il soit considéré comme une image ou une représentation spatiale. Or,
plusieurs exemples de méfiance suscitée par le recours à des géovisualisations 3D
sont rapportée dans des études empiriques (Bailleul, 2008 ; Mericskay, 2012 ;
Jacquinod, 2014), qui viennent contredire cet « effet de vérité », sans que l’on puisse
forcément expliquer cette défiance par les caractéristiques de la représentation. De
ce point de vue, l’évaluation du projet FLOOD AR par les chercheurs en SIC a
permis de repérer, en s’appuyant sur des travaux existants sur la médiation
scientifique, que la confiance que le public des géovisualisations accorde aux
personnes ou institutions qui en sont considérées comme les auteurs ainsi qu’aux
personnes qui les leur présentent est un facteur majeur dans la manière dont ils vont
AR_entetedroit Titre court de l’article 23
percevoir, considérer et manipuler ces géovisualisations 3D. Il nous semble donc
important d’intégrer ce facteur dans les analyses des usages des géovisualisations
3D.
Plus largement, un des points saillants de l’analyse en SIC porte sur la simulation
comme paradigme communicationnel dans le cadre de l’action publique : la
simulation participe à la fois de la gestion et du traitement de données dans la
fabrique des représentations, mais est aussi le fil conducteur du projet et de
l’organisation de l’expérimentation en lien avec le territoire-segment (Martinais,
2013 ; Coanus et al., 1999). Ce deuxième point reste à explorer à partir d’analyses
comparées de différents cas de recherches-actions sur des objets proches, afin de
mieux caractériser les enjeux de la production de préconisations pour l’observation
des usages de l’information géographique, dans des contextes où les chercheurs sont
impliqués dans la fabrique des représentations mais également dans la justification
des politiques de prévention des acteurs publics. En quelque sorte, l’usage des
données géographiques dans la production de ces dispositifs techno-sémiotiques
manifeste les compétences communicationnelles mêmes de l’action publique, elles-
mêmes évaluées : « Les activités relevant de la communication constituent un
ensemble de pratiques et de savoirs institués qui répondent aux impératifs de l’action
publique, qu’ils soient d’ordre démocratique ou gestionnaire. » (Ollivier-Yaniv,
2013, 109). En ce sens, comme dans le champ de la démocratie participative
(Bonaccorsi et Nonjon, 2012), la contribution des chercheurs à la « monstration » de
la simulation et sa validation, conduit à certaines ambiguïtés sur la qualification des
participants à l’enquête et sur leur statut : « testeurs » ou « publics », il s’agit bien
dans tous les cas d’énonciataires dont la subjectivation n’est in fine que très
partiellement analysée et décrite.
Par ailleurs, la compréhension des opérations interprétatives de l’information
géographique menées par les individus observés dans ces contextes pourrait être
affinée par la caractérisation des rapports entre expérience spécifique via un
dispositif techno-sémiotique, et relation au « risque ». Autrement dit, ces
« rapports » concernent les résistances, bricolages ou « ajustements » effectués,
c‘est-à-dire un « régime d’interaction au cours duquel, l’acteur social s’engage dans
un corps-à-corps avec un dispositif de communication et interprète la situation en
mobilisant des représentations de cette situation et de son rôle », ici de « testeur »
(Jutant, 2011).
D’autres paramètres influant sur les performances des géovisualisations 3D ont
été mis en avant par l’évaluation, qui pourraient être pris en compte pour de futures
observations. En matière de jeux d’acteurs, il s’agit notamment de ne pas oublier les
échanges interpersonnels entre les utilisateurs des dispositifs, que ce soit dans un
contexte de médiation, mais également en situation de concertation ou de
participation, et, plus largement, dans tous les contextes où les personnes composant
le public interagissent entre elles (pour discuter et construire ensemble de la
connaissance, ou encore s’assister pour la prise en main de dispositifs techniques).
Sur ce point, la littérature en SIC fournit des éléments théoriques et des concepts
pour les aborder, dont certains présentés dans cet article et qui pourraient utilement
être mobilisés par les géographes analysant des situations intersubjectives.
RIG. Volume x – n° x/201x
6. Conclusion
Au terme de cet article, nous souhaitons synthétiser les perspectives ouvertes
pour une approche pluridisciplinaire des usages des visualisations d’informations
géographiques en croisant les méthodes d’analyses développées dans l’article avec
les méthodes déjà mobilisés par des géographes pour l’observation d’usages
collectifs de modèles 3D de territoire. Des géographes avaient pu décrire, grâce à
des observations ethnographiques et au recours à la sociologie de l’acteur-réseau et à
la notion d’objet-intermédiaire notamment, les multiples rôles joués par des
représentations visuelles 2D et 3D : par exemple, une carte pouvait être utilisée en
tant qu’élément ludique pour engager des personnes dans un processus de projet, de
concertation, de gestion participative et en tant que support formel de visualisation
de données scientifiques ou techniques venant enrichir les connaissances de celui
qui la déchiffre.
Le « détour » par les SIC met en avant que ces rôles ne sont pas concurrents,
successifs ou encore hétérogènes mais bien qu’ils doivent être d’une certaine
manière simultanés, et, dans tous les cas, articulés, afin d’engager le public. Il est
donc difficile de distinguer de manière étanche d’un côté un usage ludique qui serait
inutile du point de vue de la transmission d’information et de l’autre un usage de
transmission d’information qui le justifierait à lui seul. L’efficacité des dispositifs
dépend du réglage sémiotique de la tension entre la dimension sensible et émotive et
la dimension cognitive, dans l’élaboration géovisualisations 3D comme des
configurations signifiantes qui sémiotisent le territoire (et ses temporalités), mais
également dans la « vie sociale » des dispositifs techno-sémiotiques, instruments et
objectifs de politiques publiques.
De ce point de vue, les conclusions de l’évaluation des chercheurs en SIC éclairent plus avant des sujets de débat intense dans le champ des représentations
d’informations géographiques et, plus particulièrement, de géovisualisations 3D. En
effet, l’évaluation SIC met en avant l’importance de formaliser des règles de lecture
des représentations, qui permettent au « testeur » (ce que les géographes appellent
plus volontiers « l’utilisateur ») de se repérer dans la modélisation et de la
comprendre (de même qu’une légende permet de comprendre ce qui est figuré dans
une cartographie en deux dimensions). Des travaux en géographie avaient déjà
cherché à montrer toutes les ambiguïtés et incertitudes conceptuelles de la notion de
« réalisme » appliquée aux géovisualisations 3D (Jacquinod, 2014) et utilisée pour
définir un idéal vers lequel les représentations devraient tendre, en utilisant des
techniques plus ou moins lourdes à mettre en œuvre. Le retour d’expérience sur ce
projet, qui reste à confirmer sur d’autres observations, mais qui correspond à nombre
d’observations jusque là considérées par contradictoires9, met en avant l’importance
d’articuler les questionnements sur le degré de réalisme lié à la dimension
9 Les travaux montrant l’intérêt d’un réalisme tantôt fort, tantôt faible nécessaire pour des
géovisualisations 3D pour un même contexte d’utilisation étaient jugés jusque-là
contradictoires, puisqu’un seul niveau de réalisme était censé garantir la meilleure efficacité
possible des dispositifs face à des publics définis (Bishop et Lange, 2005).
AR_entetedroit Titre court de l’article 25
référentielle avec les autres dimensions qui sont également à l’œuvre lors des
expérimentations publiques (engagement du public dans un raisonnement cognitif
abstrait, confiance envers l’institution, etc.). Il ne s’agit pas forcément de rechercher
un réalisme photographique, mais plutôt, dans certaines configurations
communicationnelles, de trouver la juste combinaison pour que la représentation soit
aisée à comprendre, voire ludique, tout en transmettant des informations de manière
la plus fiable possible.
Ensuite, l’article met en évidence la responsabilité politique de ces
environnements « de synthèse » : dans les usages des données d’information
géographique et leur transformation visuelle ; dans l’explicitation des « prises »
cognitives nécessaires à l’appropriation de connaissances par des publics. Comme
nous l’avons souligné dans la troisième partie, nous considérons qu’il s’agit de
publics non plus de l’expérimentation située, mais de l’Etat et de l’administration
territoriale (Foucault, 2004). Ce point renvoie à l’importance d’une déontologie de
la présentation des géovisualisations 3D (par l’explicitation des raccourcis, des
modélisations, des simplifications). Egalement, il indique l’importance de la prise en
compte des interactions entre acteurs et l’importance d’une étude spécifique des
contextes collectifs et collaboratifs, contre une posture qui réduit souvent à un
récepteur de l’information seul devant sa carte.
Enfin, l’analyse de l’ « usage » se trouve ainsi consolidée par deux apports :
premièrement, la part de la temporalité dans la définition du cadre d’analyse. Quelle
durée pour un « usage » et quelle définition de l’usage dans l’espace-temps de la
recherche ? Second apport, il s’avère que les usages listés et vus parfois comme
contradictoires (ludique contre informatif) peuvent être articulés et rendus cohérents
par l’approche communicationnelle. Cette démarche permet, dans un premier temps, de ne pas se limiter à la nature de l’objet technique et à ses caractéristiques pour
déterminer ou qualifier l’utilité/l’efficacité/ ou plutôt les effets des dispositifs. Dans
un second temps, et seulement dans un second temps, il est possible d’en tirer des
préconisations pour les objets/dispositifs techniques, suite à l’observation et à
l’évaluation, dans le cadre prospectif de la recherche-action.
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