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FANTASTIQUE FICHES DE LECTURE CHANSON CINÉMA HISTOIRES DE MOTS LITTÉRATURE JEUNESSE Q f Q Q Québec français 167 La science-fiction d Isaac Asimov Enseignement et diversité culturelle 7,95 $ LITTÉRATURE | DIDACTIQUE | LANGUE | SOCIÉTÉ AUTOMNE 2012 Extrait de la publication

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Page 1: Québec françaisQ 167 · 2018-04-13 · (pour l’équipe littéraire), ˚aphaël ˚iente, Monique NoëlGaudreault, Marie- Christine - Beaudry, Martine Brunet (pour l’équipe didactique)

FA N TA S T I Q U EF I C H E S D E L E C T U R EC H A N S O N C I N É M AH I S T O I R E S D E M O T SL I T T É R AT U R E J E U N E S S E

QfQfQQuébec français 167

La science-fiction d’Isaac AsimovEnseignement et diversité culturelle

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LITTÉRATURE | DIDACTIQUE | LANGUE | SOCIÉTÉAUTOMNE 2012

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Extrait de la publication

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Directrice Isabelle L’Italien-Savard

LITTÉRATURE, LANGUE ET SOCIÉTÉ Rédacteur en chef Vincent C. Lambert

Équipe de rédaction et comité de lecture Marie-Andrée Bergeron, Aurélien Boivin, Maude Couture, Vincent C. Lambert, Isabelle L’Italien-Savard

DIDACTIQUE Rédacteurs en chef Réal Bergeron, Martine Brunet

Équipe de rédaction et comité de lecture Nancy Allen, Réal Bergeron, Martine Brunet, Simon Collin, Christian Dumais, Maryse Lévesque

Collaborateurs au numéro 167Valérie Amireault, Françoise Armand, Ginette Bernatchez, Carine Bertrand, Shehnaz Bhanji-Pitmans, Ludmila Bovet, Marc Côté, Olivier Dezutter, Marie-Hélène Forget, Marie Fradette, Nathalie Gaudin, Hans-Jürgen Greif, Martin Hébert, Claude Janelle, Brigitte Jenniss, Louis Jolicœur, Steve La�amme, Constance Lavoie, Jean-François Leblanc, Denys Lelièvre, Martin Lépine, Catherine Levasseur, Marie-Paule Mark, Clément Martel, Jean-Pierre Mercier, Monique Noël-Gaudreault, Gilles Perron, Suzanne Pouliot, David Rancourt, Marc Ross Gaudreault, Mela Sarkar, Marie-Pier Savoie, Jean-Louis Trudel, Élisabeth Vonarburg

Préparation des manuscrits Aurélien Boivin, Isabelle L’Italien-Savard, Réal Bergeron

Design graphique Chantal Gaudreault

Couverture Vasily Kandinsky, Several Circles (Einige Kreise), janvier-février 1926 (huile sur toile, 140,3 x 140,7 cm), Solomon R. Guggenheim Museum, New York. Solomon R. Guggenheim Founding Collection, By gift  41.283.

Impression HLN

La revue Québec français est publiée par Les Publications Québec français et paraît quatre fois par an (automne, hiver, printemps, été)

Les collaborateurs et collaboratrices sont seul-e-s responsables du contenu de leurs textes.

La revue Québec français est membre de la Société de développement des périodiques culturels québécois (SODEP) www.sodep.qc.ca

Di�usée en kiosque par LS distribution North America

Indexée dans Point de repère

Édition numérique : www.erudit.org

La revue a été fondée en 1970, sous la forme d’un tabloïd, devenu revue en 1974.

Dépôt légal Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Bibliothèque nationale du Canada.

ISSN 0316-2052

La revue Québec français reçoit une subvention discrétionnaire de la ministre de la Culture et des Communi cations, responsable de l’application de la Charte de la langue française, et une autre du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

Nous reconnaissons l’aide �nancière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds

du Canada pour les périodiques (FCP) pour nos activités d’édition.

Adresse postale C. P. 9185 Québec (Québec) Canada G1V 4B1

Secrétariat Céline Bellerose

2095, rue Frank-Carrel, bureau 212, Québec G1N 4L8 Tél. : 418-527-0809 Télécop. : 418-527-4765

[email protected] www.revuequebecfrancais.ca

Nouvelle continuité

La revue Québec français, votre revue, se transforme pour écrire un nouvelle page de sa longue carrière, signe de sa vitalité, malgré les vents et marées qui secouent le milieu des publications à vocation culturelle. Cette transfor-mation s’est faite, pour ainsi dire, lentement mais sûrement, à mesure qu’au

sein des équipes littéraire et didactique, des collaborateurs de longue date choisissaient de prendre leur retraite après des années de dévouement bénévole, pour céder leur place à de nouvelles recrues, prêtes à continuer l’œuvre de leurs prédécesseurs. Au cours des deux dernières années, des gens comme Gilles Perron, Chantale Gingras, Steve La�amme (pour l’équipe littéraire), Raphaël Riente, Monique Noël-Gaudreault, Marie-Christine Beaudry, Martine Brunet (pour l’équipe didactique) ont quitté les comités de rédaction après avoir servi loyalement la revue, sans compter leur temps et leurs énergies. Je tenais ici, très sincèrement, à les remercier tous et toutes. Ceux et celles qui prennent la relève peuvent être �ers de perpétuer une telle lignée.

Au printemps dernier, l’un des piliers de la revue, monsieur Aurélien Boivin, a égale-ment pris la décision de se retirer. Notamment pour des raisons de santé, le poste de directeur, qu’il occupait depuis 2006, était devenu pour lui un fardeau, qu’il préférait voir con�é à des épaules plus jeunes. Qu’il me soit permis, au nom des équipes et en mon nom personnel, de saluer la contribution exceptionnelle de ce fondateur de la revue Québec français, qu’il a vu naître en 1970 et à laquelle il n’a cessé de donner depuis. On ne peut plus parler ici de dévouement, mais plutôt de dévotion, tant il a œuvré pour cette « cause ».

On m’a désignée pour succéder à Aurélien Boivin à la direction de la revue, et c’est avec circonspection et beaucoup d’humilité que j’ai accepté cette place, sachant que je pour-rais compter sur l’appui de tous les collaborateurs, dont Monsieur Boivin lui-même. Je suis con�ante que l’enthousiasme et l’énergie des équipes, qui ne se sont jamais démentis, sauront inspirer et guider mes actions et je reste convaincue qu’assurer la garde de Québec français ne peut être qu’un travail collectif, c’est-à-dire partagé par tous les membres qui œuvrent au sein des équipes.

C’est dans cet esprit de collégialité que l’ensemble des artisans de la revue se sont concertés pour envisager di�érents moyens de donner un nouveau sou�e à la publica-tion et de mieux l’orienter sur les voies de l’avenir. A�n, d’abord, de rationaliser les coûts de production, mais aussi de ménager les énergies des équipes et de mieux répondre aux attentes des lecteurs, il a été décidé que la revue Québec français passerait, à partir de l’année 2013, de quatre à trois numéros par année. Ce changement n’étant e�ectif qu’en janvier prochain, il va de soi que les abonnements souscrits d’ici le 31 décembre 2012 seront honorés selon l’entente actuelle. Cette nouvelle façon de faire permettra, croyons-nous, de produire des dossiers plus substantiels et d’intégrer de nouvelles chroniques, mieux adaptées à l’actualité du lectorat. Désireuses d’emboîter le pas au virage électro-nique, de plus en plus présent dans le milieu de l’édition, les jeunes recrues des équipes fouetteront les troupes vers des avenues pour l’instant inexploitées, qu’il nous reste à emprunter, selon le temps et l’énergie dont dispose notre bénévolat.

En terminant, je vous invite, bien sûr, à continuer de soutenir la revue Québec français. En la lisant, en vous en inspirant, en y participant par vos textes et commentaires… et en vous y abonnant. Les idées ne manquent pas pour dynamiser notre publication, mais sans le soutien des lecteurs, elles ne pourront se matérialiser.

Longue vie à nous… pour vous,

Isabelle L'Italien-SavardDirectrice

É D I T O R I A L

Extrait de la publication

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L A S C I E N C E - F I C T I O N D ' A S I M O V

É D I TO R I A L Nouvelle continuité Isabelle L'Italien-Savard

H O M M A G E19 Suzanne Martel, femme de lettres

Suzanne Pouliot et Monique Noël-Gaudreault

H U M E U R21 Les campagnards Gilles Perron

A U T O M N E 2012

NOUVEAUTÉS

Québec français 167

DICTIONNAIRE SIMON CHAREST,

JEAN FONTAINE et JEAN SAINT-

LAURENT Le grand Druide des

cooccurrences • JANINE GALLANT

et MAURICE RAYMOND [dir.]

Dictionnaire des œuvres littéraires

de l’Acadie des Maritimes – XXe siècle

NOUVELLE MICHÈLE BOURGON

et VINCENT THÉBERGE [comp.]

Des nouvelles de Gatineau

POÉSIE ISABELLE GAUDET-LABINE

Mue • JEAN-PIERRE GUAY L’errance

amoureuse • JUDY QUINN Les damnés

inflationnistes ROMAN DONALD

ALARIE J’attends ton appel •

CLAIRE BERGERON La promesse

d’Émile • CHRYSTINE BROUILLET

La chasse est ouverte • ANDRÉ

BRUNEAU Dommages collatéraux

• HANS-JÜRGEN GREIF et GUY

BOIVIN Le temps figé • FRANÇOIS

LEBLANC Quelques jours à vivre •

HENNING MANKELL L’œil du léopard

• ODETTE MAROT Des chagrins pour

rien • DANIEL PENNAC Journal d’un

corps • MARYSE ROUY Les pavés de

Carcassonne • DANIELLE TRUSSART

Le Grand Jamais • VIC VERDIER Le

Moderne Cabaret TÉMOIGNAGE

ANNE-DAUPHINE JULLIAND Deux

petits pas sur le sable mouillé • GILLES

SIMARD Le cœur enveloppé

22 PrésentationClaude Janelle

24 Faut-il tuer Asimov ?Élisabeth Vonarburg

26 Asimov : le rêve de maîtriser l’histoire humaineJean-Louis Trudel

30 Pourquoi lire Fondation aujourd’hui ?Martin Hébert

33 Humain ? Transhumanisme chez Isaac Asimov et Laurent McAllisterMarc Ross Gaudreault

38 La science-�ction québécoise : un pied dans le nouveau siècleClaude Janelle

41 Science-�ction jeunesse : de la conquête spatiale à la sauvegarde de la TerreMarie Fradette

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É C H O S D E L A R E C H E R C H E E N D I D A C T I Q U E D U F R A N Ç A I S73 La notion de rapport à l’écrit

Jean-Pierre Mercier et Olivier Dezutter

F I C H E D E L E C T U R E75 La réparation ou le drame de l’intimidation

Aurélien Boivin

C H A N S O N78 L L’urgent désir de chanter

Denys Lelièvre

FA N TA S T I Q U E80 Tours de magie, tours de Babel

Steve Laflamme

C I N É M A83 Rome mon amour : Woody est vivant

David Rancourt

H I S TO I R E S D E M OT S86 Poque, poquer et poqué : du coup de poing au mal de vivre

Ludmila Bovet

L I T T É R AT U R E J E U N E S S E89 Mondes parallèles

Isabelle L’Italien-Savard

E N T R E V U E92 Comment Paule Brière

a écrit certains de ses livresMonique Noël-Gaudreault

F I C H E D E L E C T U R E J E U N E S S E94 Les indésirables de Paule Brière

Maryse Lévesque

46 PrésentationSimon Collin et Maryse Lévesque

48 Enseigner en milieu pluriethnique et plurilingue : place aux pratiques innovantes !Françoise Armand

51 Remercier en contexte éducatif plurielValérie Amireault et Shehnaz Bhanji-Pitman

53 Du renouveau en intégration des élèves immigrants Marc Côté

55 « Moi, j’suis pas francophone ! ». Paroles d’élèves de francisation à VancouverCatherine Levasseur

57 Premières Nations, premières en diversitéConstance Lavoie, Mela Sarkar, Marie-Paule Mark et Brigitte Jenniss

59 Entrevue avec Évelyne de la Chenelière sur sa pièce de théâtre Bashir LazharSimon Collin

H O R S D O S S I E R61 Qu’est-ce que justi�er ?

Marie-Hélène Forget

63 Élire, lire et relire : un guide pour la sélection et l’appréciation d’une œuvre littéraire dans le cadre scolaireMartin Lépine

65 La maitrise d’une compétence linguistique à l’oral : la morphosyntaxe (subjonctif présent)Carine Bertrand

69 Les trois petits cochons à saveur plurilingueNathalie Gaudin

CHRONIQUES

ENSEIGNEMENT ET DIVERSITÉ CULTURELLE

S I T UAT I O N D 'A P P R E N T I S S A G E

ou le drame de l’intimidation

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Extrait de la publication

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à amours, ou encore « ténu » et « restreint » à espace, etc.

Voilà certes un dictionnaire d’une grande importance, voie indispensable, qui, par sa présentation claire, sera d’une utilité certaine pour tous les usagers de la langue française, jeunes comme moins jeunes, qui souhaitent améliorer leur expression et qui ont ainsi à cœur d’utiliser une langue précise et colorée. On notera que l’on trouve en annexe une liste de mots à l’orthographe recti�ée selon les recomman-dations de l’O�ce de la langue française.

AURÉLIEN BOIVIN

JANINE GALLANT et MAURICE RAYMOND [dir.]Dictionnaire des œuvres littéraires de l’Acadie des Maritimes – XXe sièclePrise de Parole, Sudbury, 2012, XVII, 318[1] pages

La parution d’un dictionnaire est toujours un événement

important. Encore plus quand il s’agit d’un dictionnaire des œuvres littéraires comme celui qui vient de paraître sur les œuvres de l’Acadie des Mari-times. Inspiré grandement du Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, sans que les deux directeurs, Janine Gallant et Maurice Raymond, tous deux professeurs à l’Université de Moncton, n’en fassent aucune mention dans leur présenta-tion, ce qui est pour le moins étonnant et ce qui aurait pu faire plaisir, le Dictionnaire des œuvres littéraires de l’Acadie des Maritimes – XXe siècle présente environ deux cents œuvres du XXe siècle, dont 90 % ont été publiées après 1958. Pour-quoi cette date ? Parce que, cette année-là, sont publiées deux œuvres majeures, Silence à mourir de sang de Ronald Després et Pointe-aux-Coquesd’Antonine Maillet, qui, selon les présentateurs, inaugurent « la littérature acadienne contem-

D I C T I O N N A I R E

SIMON CHAREST, JEAN FONTAINEet JEAN SAINT-LAURENTLe grand Druide des cooccurrencesLes Éditions Druide, 2012XVI, 1 469 pages

La langue française est consti-tuée de mots isolés et aussi

de combinaisons de mots. Par exemple, si l’on veut quali�er un « arrière-goût », on peut employer les adjectifs « amer » ou « désagréable » ; avec un verbe, on dira « avoir un arrière-goût amer » ou encore qu’une situation budgétaire a « laissé un arrière-goût amer ». Si l’on parle d’« implosion », on dira que « le système est menacé d’implo-sion », ou que l’on peut « provo-quer ou risquer une implosion ». Et si quelqu’un veut quali�er son « désir amoureux », il choisira les adverbes « follement », « sincè-rement », « passionnément » ou « éperdument », qui lui vien-dront spontanément à l’esprit et non parfaitement. Comme on le voit, il y a dans notre riche langue française des associa-tions concrètes qui conviennent et qui lui donnent sa couleur particulière.

Pour nous aider dans le choix de ces associations, des linguistes ont uni leurs e�orts (et leurs connaissances) et ont mis à pro�t diverses ressources informatiques, tels Internet,

Gallica, Projet Gutenberg, les sites des grands quotidiens comme Le Monde et Le Devoir, voire l’analyseur Antidote, pour constituer, après une foule d’analyses, un corpus de près de 1,8 milliard de mots ou de 92 millions de phrases puisé à plus de 2 400 sources diverses. Un tel travail de spécialistes était certes nécessaire pour rendre accessible le volumineux corpus de 450 000 cooccurrences, qui constituent Le grand Druide des cooccurrences, qui vient de paraître aux Éditions Druide de Montréal, sous la direction des linguistes Simon Charest, Jean Fontaine et Jean Saint-Laurent.

Les noms communs repré-sentent 80 % du contenu de ce dictionnaire, soit environ 8 300 entrées, contre 1 700 entrées composées de verbes et d’adjectifs, que les auteurs ont recensés avec une « patience d’ange », voire « exemplaire », laquelle a sans doute été « mise à rude épreuve », sans toutefois qu’ils « perdent patience »… Le Druidene se contente pas de combinai-sons ou d’associations de deux mots seulement. On trouve des expressions comme « fondre comme neige au soleil », « passer comme du beurre dans la poêle », « passer la nuit à la belle étoile », etc.

Les auteurs ont choisi de présenter mots et associations par colonnes, ce qui facilite grandement la consultation. Un mot, par exemple, « adjoint », se présente avec ses épithètes possibles tels « administratif », « premier adjoint », « adjoint au maire », etc., puis, avec noms possibles : adjoint au maire, au directeur, aux �nances, etc. ; ou avec un complément : poste d’adjoint, fonction d’adjoint, chef adjoint… Tout n’y est pas cependant, car le Druide, du moins peut-on l’imaginer, se veut un dictionnaire en évolu-tion constante : on peut ajouter, par exemple, les quali�catifs « �dèle » à débiteur et « illicites »

poraine et enclenchent un processus de démythi�cation de l’Acadie » (p. XIII). Les auteurs prennent le soin de préciser que toutes les œuvres littéraires ne sont pas recensées ou analysées dans leur dictionnaire, en raison, parfois, d’absence de collabo-rateur pour en prendre charge, d’où leur décision de proposer un choix d’œuvres parmi, il faut le dire, les plus représentatives. Comme les responsables du DOLQ l’ont fait pour les œuvres devant �gurer au corpus québé-cois, les auteurs de ce diction-naire se sont interrogés sur les critères déterminant l’appar-tenance des œuvres au corpus

acadien, soit l’un ou l’autre des critères suivants : les auteurs des œuvres retenues doivent être nés en Acadie ou, deuxième critère, y avoir vécu l’essentiel de leur vie, écartant de ce fait les œuvres que certains ont pu publier alors qu’ils vivaient à l’extérieur du territoire acadien ou qui n’ont aucun lien avec ce même territoire. Le troisième leur a permis d’inclure des auteurs qui ne sont pas acadiens, tel Zachary Richard, par exemple, mais qui ont publié en Acadie.

Les articles du dictionnaire se présentent non pas, comme dans le DOLQ, sous cinq mais sous trois catégories, qui occupent donc des espaces plus ou moins longs, selon l’importance ou l’impact que les œuvres rete-nues ont exercé. On présente évidemment les oeuvres dites

4 Québec français 167 | AU TO M N E 2012 Extrait de la publication

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majeures comme La Sagouineet Le chemin de Saint-Jacquesd’Antonine Maillet, Mourir à Scoudouc d’Herménégilde Chiasson ou Sans jamais parler de vent de France Daigle. D’autres œuvres, plus nombreuses, jugées importantes, méritent tout de même un espace plus court, mais néanmoins critique. Quant aux dernières, elles n’ont droit qu’à une courte présentation, tout de même signi�cative, rédigée par des étudiant-e-s rattachés au projet. Sans doute par souci d’e�cacité, les auteurs ont décidé d’éviter d’aborder dans leur analyse la réception critique. C’est donc dire que la bibliographie qui accompagne chaque texte se limite à l’œuvre elle-même et, dans certaines cas, aux diverses éditions qu’elles ont connues.

L’introduction, que signe Maurice Raymond, refait rapi-dement l’histoire du peuple

acadien, fortement idéalisée, au début, puis éclatée et trauma-tisée par le Grand Dérangement en 1755, voire violée dans son existence même, avec cette conséquence, bien identi�ée par Denis Bourque, que le problème de l’identité acadienne n’a été posé que dans la deuxième moitié du XIXe siècle, lors de la première convention nationale acadienne, en 1881. Ce rassem-blement amorce alors un mouve-ment de relecture de l’histoire « dans le but avoué de favoriser l’existence et l’épanouissement du peuple acadien » (p. X). Il encourage encore, à l’aurore du XXe siècle, l’émergence des premières manifestations littéraires, grâce à des hommes comme Pascal Poirier, dont la publication de son Parler franco-acadien et ses origines (1928) s’est avérée une contribution majeure à la littérature acadienne. Poirier, on le sait, se porte, dans cet

ouvrage, « à la défense de la langue acadienne, considérée à l’époque comme un patois » (p. XI). Le futur sénateur rend hommage à son peuple, à sa spéci�cité, comme il le fera plus tard dans son Glossaire acadien, premier dictionnaire du français en Acadie. D’autres écrivains, avec toutefois moins de panache, l’imiteront, tels l’abbé André-Thomas Bourque ou encore Antoine-J. Léger.

Mais c’est vraiment Antonine Maillet qui, par la langue qu’elle utilise et par la richesse de son imaginaire, donnera ses lettres de noblesse à la littérature acadienne, non seulement en Acadie mais aussi au Québec et dans toute la Francophonie, notamment avec La Sagouine, une série de monologues que récite une femme de ménage qui ne se gêne pas pour ré�échir tout haut sur le sort réservé aux petites gens, ceux d’En-bas, et

surtout avec Pélagie-la-Charrette, prix Goncourt 1979. La fondation des Éditions d’Acadie, en 1972, concrétise la prise de conscience identitaire. Des écrivains de qualité y publieront, ajoutant ainsi à la richesse de cet imagi-naire, les France Daigle, Laurier Melançon, Roger Brun, Claude Bouthillier, Jacques Savoie, entre autres, qui porteront à leur tour le �ambeau et que nous feront connaître quelques chercheurs intéressés à cette littérature, tels Marguerite Maillet, Raoul Boudreau, Denis Bourque, James de Finey, Jean Morency et Hélène Destrempes, entre autres.

Voilà, à n’en pas douter, un ouvrage important, qui nous révèle une littérature et un groupe attachant d’écrivains qui ont choisi de se dire haut et fort et de dire la grandeur de leur peuple.

AURÉLIEN BOIVIN

978-2-8940

6-33

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240

p.

| 10

,95 $

www.livres-bq.com

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Roman empreint d’une grande tendresse et porté par des personnages attachants.

La meilleure littérature d’hier à aujourd’hui

Grand vainqueur du Combat des livres 2012

Lauréat du Grand Prix de la relève littéraire Archambault 2011

AU TO M N E 2012 | Québec français 167 5

N O U V E A U T É S

Extrait de la publication

Page 8: Québec françaisQ 167 · 2018-04-13 · (pour l’équipe littéraire), ˚aphaël ˚iente, Monique NoëlGaudreault, Marie- Christine - Beaudry, Martine Brunet (pour l’équipe didactique)

synchronie perturbe un agnos-tique (« Mystère ou boule de gomme »). Là, un écureuil nous donne une leçon d’histoire en voyageant dans le temps (« Le cauchemar de la chute »). Une équipe de tournage a maille à partir avec les esprits malfai-sants qui hantent une ancienne rue disparue sous les édi�ces gouvernementaux, l’église Saint-Paul d’Aylmer prend la parole, et les totems du Musée canadien des civilisations font de même… Dans « Résurrec-tion », le récit le plus inusité du recueil, un Léon Trotsky ayant béné�cié de la cryogénisation reprend vie près des berges de la rivière Outaouais pour nous livrer ses ré�exions.

Les textes gagnants touchent des sujets plus graves. Frédéric Bisson, qui s’est vu décerner le premier prix pour « J’ai lu dans ses yeux », aborde la délicate question de l’euthanasie en instaurant un dialogue intérieur entre un �ls et sa mère. Avec en toile de fond la fête de la Saint-Jean et la marina Kitchissipi, Floriane Olivier (deuxième prix) réunit également mère et �ls dans une histoire d’adoption (« Les belles promesses »). Kath-leen Goulet (Prix du volet collé-gial) signe un drame amoureux labyrinthique qui se déroule au domaine de la ferme Moore (« Avec passion »), alors que Patrick Voyer (troisième prix) nous convie à un pique-nique funeste à la Baie Squaw.

Les nouvellistes se sont soumis « généreusement » à la contrainte du lieu, si bien qu’au �nal, nous avons entre les mains un répertoire toponymique de cette région unique en son genre. Fort du succès de cette première édition, un second concours a été organisé cette année, le thème : « Fête ou festival gatinois ».

GINETTE BERNATCHEZ

N O U V E L L E

MICHÈLE BOURGONet VINCENT THÉBERGE [comp.]Des nouvelles de GatineauÉditions Vents d’Ouest, Gatineau2012, 254 pages

En 2011, a�n de promouvoir l’art d’écrire et le patrimoine

régional, la Ville de Gatineau a organisé un concours littéraire ouvert à toute la francophonie. Les participants devaient situer leur intrigue dans un endroit réel de cette municipalité. Une menue contrainte si l’on est du coin, qui peut se révéler un écueil si l’on réside en France ou en Belgique. Parions que certains ont e�ectué quelques visites virtuelles de la région, mais qu’à cela ne tienne, Pierre Bayard n’a-t-il pas signé un livre qui s’intitule Comment parler des lieux où l’on n’a pas été ? Quoi qu’il en soit, Gatineau a inspiré plus d’une centaine d’auteurs et de ce nombre 29 ont eu le plaisir de voir leur texte publié dans ce recueil.

Ce �orilège réunit des nouvelles qui abordent tous les genres et tous les sujets. Les nouvellistes ont d’ailleurs rivalisé d’imagination en soumettant des récits variés, inventifs et bien tournés. En dépit de leur dilettantisme, la plupart ont su conserver une simplicité naturelle dans le style et l’écriture. Ici, une étrange

P O É S I E

ISABELLE GAUDET-LABINEMueLa Peuplade, Taillon2011, 84 pages

Par sa fureur, la rupture amou-reuse éclate l’être humain,

faisant rejaillir au plus profond du cœur cette éternité des voix increvables ; en son nom la douleur irradie tout, prend en otage la pensée, la mémoire, la peau alors que « la mort surgit avant ˚ le moindre baiser ». Dès lors plus rien ne retient la colère de vivre désormais sans l’autre, les lois de toutes les civilisations deviennent sans intérêt, la science s’essou�e dans l’obscurité de la théorie, le sang monte sur le trône de notre vie et cherche à libérer toute la haine du monde : « tes poumons éclatent ˚ la noirceur se lève […] je danserai veuve au rythme ˚ du sang qui mitraille les valves ». C’est toutefois par le temps que la vie reprend sa place, dictant sa force, refoulant le désir de la mort et ses méta-morphoses fantasmées comme des culpabilités éventuelles vers les berges de la raison : « je ne suis pas qui je crois […] t’ai-je dit que ma peau ne sent ˚ plus la pluie que les avions ˚ sur mes yeux ne laissent ˚ plus de traces ˚ t’ai-je dit ˚ je suis par miracle ˚ e�acée ? » Isabelle Gaudet-Labine dévoile une poésie

fondée sur la nécessité de la vérité, telle une parole incapable de ne pas contrer le silence qui accompagne tous ceux qui changent de vie. Un recueil passionné, lancé comme un cri vital en direction de l’avenir.

JEAN-FRANÇOIS LEBLANC

JEAN-PIERRE GUAYL’errance amoureuseLes Herbes rouges, Montréal2012, 184 pages

La con�dence sait comment rejoindre l’autre ; elle

propose une acuité importante dans la sincérité, qui en est sa sève. Posthume, elle trans-cende la réalité de ceux qui restent vivants, leur permet-tant de revenir à l’essence de leur propre existence. Lire ce journal poétique provoque l’envie d’écrire, de se lever dans la noirceur de la création pour mieux ouvrir les fenêtres qui empêchent la lumière d’y entrer, parfois, comme si l’attente mangeait tout ce qui nous entoure au moment de se dédier à l’écriture. Cette errance artistique ne serait que fantomatique si nous n’aimions pas au moment même de s’y abandonner. Et c’est là l’ultime connaissance de Jean-Pierre Guay : choisir une errance qui soit amoureuse, bien que cette dernière se vive et s’achève dans la maladie : « moi mon sourire je ne le vois pas ˚ on m’en parlera

6 Québec français 167 | AU TO M N E 2012 Extrait de la publication

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et l’œuvre de Quinn, dont les images poétiques, d’une beauté à faire pleurer, s’enfoncent en nous-même puis « dispa-raissent par couches succes-sives ». Malgré les serments, les paroles et les écrits, sa poésie rappelle que la matière la plus brute remplace aujourd’hui l’humanité. Pérenne, la pierre échappe à notre mort à venir pour mieux la marquer. Notre époque est celle de la �nitude et Etna crache notre destin qui prend le visage d’Empédocle : nous aimerions nous unir à l’eau, au vent, au feu et à la terre, reprendre en nous tout l’univers et ainsi « briller le plus loin possible ». Or, nos ponts, tels ceux d’Hiroshima, portent les silhouettes ombrageuses de ceux que nos pères ont assassinés, et nous cherchons depuis à toujours éteindre les feux pour ne rien laisser derrière

978-2-8940

6-33

0-9 |

152

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Une chronique montréalaise quiculmine dans l’espoir inaltérable de l’enfance.

La meilleure littérature d’hier à aujourd’hui

Un premier roman magnifi quement écrit !

sans cesse ˚ encore à l’hôpital il y a quelque mois ˚ et je me dirai chaque fois qu’il ne peut s’agir que du tien ˚ que tes lèvres auront laissé sur les miennes ˚ l’amour est ainsi ˚ une osmose des amants et de tout ce qui les entoure ». D’une sensibilité dépouillée de tous les arti�ces de la prétention, représentée par une forme s’e�euillant des branches du vers libre, de la prose et qui laisse subtilement entrevoir le pro�l du haïku, ce journal poétique découvre la simplicité qui habitait l’intimité littéraire du poète : « voilà pourquoi nous errons ˚ pour donner au monde ce qui nous unit ˚ une grâce partagée ˚ un brin d’herbe ˚ un chantier de construction unique dans les annales de ˚ ma mémoire à moi ˚ une histoire en dehors de la mort. » Une œuvre à lire sans hésiter pour ce qu’elle

provoque : une créativité qui transcende la mort par l’amour.

JEAN-FRANÇOIS LEBLANC

JUDY QUINNLes damnés in�ationnistesLes Éditions du Noroît, Montréal2012, 68 pages

Avec ce recueil magistral, Judy Quinn écrit une

expérience émotive rare, d’une justesse poétique irréprochable. Articulées en quatre saisons – rebaptisées « Unir », « Brûler », « Défaire » et « Creuser » –, les dimensions de cette poésie s’incarnent dans le vertige réel de l’existence. Brillamment, son écriture soulève l’univers dans la lumière de la littérature a�n de mieux regarder, dans les lieux du vide, les décombres de l’angoisse propres à l’humanité. « [L]’histoire d’un rapproche-ment » débute entre le lecteur

qui en o�rirait le re�et dans le jour et la nuit du monde. « Nous entrons dans l’hiver par les portes tombées » et « le vent s’immobilise en nous », l’invisibilité du vide et notre nudité soulignent la faiblesse de notre peur. L’attente de la

AU TO M N E 2012 | Québec français 167 7

N O U V E A U T É S

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de l’amour et de la vieillesse. À cet e�et, le narrateur entame d’emblée une introspection sur son propre vieillissement : « Comment étais-je devenu si vieux ? » (p. 30). J’attends ton appel nous permet d’entrer dans l’intimité de cet homme de soixante ans, qui nous livre sa perception de la vie sans �oritures et sans malice, dans un style sobre, rendant bien l’émotion brute et la simplicité du propos.

MARIE-PIER SAVOIE

CLAIRE BERGERONLa promesse d’ÉmileLes Éditions JCL, Chicoutimi2012, 461 pages

Au début de l’année 2011, Claire Bergeron o�rait un

premier roman au public. Moins d’un an et demi après, elle récidive avec une nouvelle paru-tion, comblant ainsi un souhait que nous avions exprimé au moment de présenter son premier livre. Sous le manteau du silence avait vivement retenu notre attention. La promesse d’Émile est tout aussi remar-quable par l’ingéniosité de son action, la justesse de son ton et la richesse des personnages mis en scène.

Dès les premières pages, le lecteur est plongé en plein cœur d’un drame familial. À sa sortie de prison après un séjour de quelque trois années, Ovide

�n reste en parallèle à nos vies, concassant la réalité pour la transformer en une espérance à répandre sur la glace de la réalité tandis que « le froid prend l’espace de la matière ». Vient l’idée de revoir ce que l’on creuse, regarder « ces objets de mémoire ˚ morceaux de semelle ˚ bouts d’engins incer-tains ˚ dans lesquels la lumière ˚ à nouveau pénètre ˚ exhumant sans �n le passé » pour mieux se dédoubler et ainsi marcher en paix, peut-être, dans un été de juillet, «  du bord du rang avec ses pommiers ˚ devant l’étang qu’on n’eut jamais ».

JEAN-FRANÇOIS LEBLANC

R O M A N

DONALD ALARIEJ’attends ton appelXYZ éditeur, Montréal2011, 128[2] pagesColl. « Romanichels »

Avec son dernier roman, J’attends ton appel (2011),

Donald Alarie propose une suite logique à Thomas est de retour(2010), et à David et les autres(2008) sans pour autant imposer une lecture dirigée. De fait, l’écrivain lanaudois se réappro-prie ses personnages mais leur o�re l’espace nécessaire pour se déployer entièrement, voire indépendamment des autres publications.

Lorsque l’auteur David Parent n’écrit pas, il reçoit son petit-�ls Benoît en visite, sa �lle Aline ou son bon ami Antoine. Parfois même, il dépanne son voisinage grâce à ses talents d’homme à tout faire. Son quotidien de sexagénaire sédentaire est un jour perturbé par le charme et les caresses �évreuses de Yolande, qui transforme une simple aventure d’une nuit en une relation amoureuse hors du commun. La mystérieuse dame insiste pour vivre sépa-rément de David et se donne le rôle de « visiteuse-surprise » : elle e�ectue des passages chez

son compagnon au gré de ses humeurs. Lors de ces séjours inopinés, les échanges tant intellectuels – sur la littérature, notamment – que sexuels abondent, mais les con�dences sur l’oreiller se font rares. Puis l’écrivain découvre que Yolande se laisse entretenir par de nombreux amants, ce qu’elle avouera elle-même par la suite. Dérouté, le sexa-génaire choisit de camou�er son désarroi sous une fausse indi�érence et demeure dans l’attente incessante de rece-voir la prochaine visite de sa compagne ou un prochain courriel ou un prochain appel. Lors de quelques travaux manuels chez sa voisine Colette, David se voit préférer la stabilité et la sécurité de cette dernière, ce qui le décide à boucler la boucle avec sa « visiteuse ». Cependant, la relation secrète entre l’écrivain et Yolande vient à l’oreille de Colette, et le senti-ment de trahison qui l’habite la pousse à demander un temps de ré�exion. Comme avec la précédente, David se retrouve dans l’attente de recevoir des nouvelles de sa compagne.

Composé de vingt brefs chapitres, J’attends ton appelpropose le point de vue d’un sexagénaire sur son quotidien. Le récit est ponctué d’anecdotes propres à sensibiliser le lecteur à la réalité de l’aîné, notam-ment quant à ses conceptions

subit l’assaut d’un de ses �ls, Émile, et meurt peu après de la blessure qui lui est in�igée avec un couteau. Immédiatement, la table est mise pour une action au cours de laquelle on apprend par divers retours arrière le passé de cette famille profondé-ment marquée par la violence conjugale et les sévices qu’ont eu à subir pendant de longues années la mère et les enfants.

Le contexte dans lequel se déroule l’ensemble des péripé-ties est celui de la justice. Une jeune criminaliste est a�ectée à la défense d’Émile, une cause perdue qu’on lui con�e en raison de son peu d’ancienneté en tant qu’associée. Il s’agit en e�et de sa première interven-tion à titre de membre de ce bureau. Son client lui-même plaide coupable sans discuter et il lui appartiendra de démontrer que le contexte familial a occa-sionné chez le jeune homme une détresse psychologique telle qu’il a eu un moment de déroute morale soudaine. Cependant, le procès devant jury se dénouera sur un coup de théâtre qui viendra renforcer la thèse de l’avocate et atténuer le niveau de responsabilité de son client.

Ainsi, Claire Bergeron réci-dive avec une action à saveur juridique et on doit admettre qu’elle excelle dans le genre. Cette approche lui permet d’ouvrir le rideau sur plusieurs chapitres de l’histoire d’une famille, ainsi que sur la vie des communautés plus ou moins populeuses de l’Abitibi. L’auteure e�ectue un choix judi-cieux d’intrigues secondaires qui, loin de compromettre l’unité d’action, viennent la renforcer en précisant les circonstances du drame et en meublant l’atmosphère dans laquelle il survient.

À nouveau, c’est une œuvre bien �celée que nous o�re l’écrivaine. La lecture en est agréable autant qu’enrichissante et l’intérêt ne se dément pas du

8 Québec français 167 | AU TO M N E 2012

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début jusqu’à la �n. Bergeron ménage ses e�ets d’instinct, avec beaucoup de naturel, sans qu’on sente le procédé. Les personnages sont vivants et attachants, même ceux qui n’apparaissent que durant un bref épisode. L’analyse psychologique est e�cace, de sorte qu’on adhère rapidement aux motivations des di�érents protagonistes. Ajoutons à cela que les nombreux retours dans le temps sont maniés avec adresse, au point qu’on les sent à peine, même si on les suit sans jamais s’y méprendre.

En�n, le roman s’appuie sur un style coulant et bien adapté aux diverses situations. Les descriptions sont claires et évocatrices, de sorte qu’on se fait rapidement une idée des lieux sans qu’il soit besoin d’interminables développements. Les tableaux sont esquissés à grands traits descriptifs qui remplissent leur fonction avec aisance et justesse.

Le premier roman de Claire Bergeron a connu une carrière intéressante en France grâce aux Éditions France loisirs, qui en a acheté les droits. La promesse d’Émile a également eu l’heur d’intéresser l’éditeur d’outre-mer, de sorte que le livre est promis à une di�usion rela-tivement large, une faveur qu’il mérite amplement.

CLÉMENT MARTEL

CHRYSTINE BROUILLETLa chasse est ouverte. Une enquête de Maud GrahamLa courte échelle, Montréal2012, 334[1] pages

Onzième enquête de Maud Graham, La chasse est

ouverte se déroule à diverses étapes, entre 1967 et 2011, et plonge la ville de Québec dans un grand émoi. Le richissime et combien méprisable homme d’a�aires Bernard Saucier, surnommé l’Empereur, véri-table requin de la �nance, a été

que je me garderai bien de dévoiler.

La chasse est ouverte est un excellent suspense, peut-être le meilleur à ce jour de Brouillet, qui n’hésite pas à transporter ses personnages dans le passé pour expliquer le présent, où se déroule une histoire de haine et de vengeance. On y côtoie une Maud Graham capable d’émouvoir, certes, en prenant la défense de personnes exploi-tées ou démunies, et de nous épater par son dynamisme et son professionnalisme, elle qui aime aussi la bonne chair et le bon vin. Ce roman est encore l’occasion pour la romancière de nous livrer, en prime, ses ré�exions sur le harcèlement et l’homophobie, deux graves problèmes de la société moderne dans laquelle, parfois, les victimes se transforment en bourreaux. Voilà, pour les amateurs de suspense et pour les inconditionnels de la roman-cière, un roman à lire pour le plaisir, mais aussi pour juger du talent de cette écrivaine, qui n’a pas �ni de nous épater par son écriture de qualité et par les thèmes qu’elle sait aborder avec rigueur, tact et non sans talent.

AURÉLIEN BOIVIN

ANDRÉ BRUNEAUDommages collatérauxNice, Éditions Bénévent2012, 511 pages

Premier roman d’André Bruneau, un haut fonction-

naire de carrière au Gouverne-ment du Québec, Dommages collatéraux peut s’apparenter au roman policier pour plusieurs raisons, entre autres par le suspense que l’auteur parvient à maintenir tout au long des soixante-quinze chapitres, en y incluant l’Épilogue. L’intrigue exploite abondamment le procédé d’opposition : deux confrères juristes, l’un basé à Montréal, l’autre à Boston, restés cependant en contact depuis le début de leur carrière, se

trouvé assassiné, une balle en plein cœur, le 18 juillet 2011, à la suite d’une soirée bien arrosée entre amis dans son domaine de Loretteville. Cette disparition tragique n’inspire toutefois guère de pitié dans les milieux que la victime fréquentait, voire dans ses familles immédiates, lui qui, coureur de jupons, – il a été marié trois fois et a entre-tenu nombre de maîtresses –, a manipulé tant ses ex-épouses que ses propres enfants, et tout son entourage.

Comme il se doit, c’est Maud Graham qui est chargée de l’enquête, bien appuyée par son équipe habituelle, dont ses principaux partenaires, André Rouaix, Pierre-Ange Proven-cher, le sergent Joubert, Ti�any McEwen, nouvelle recrue que les amateurs ont rencontrée pour la première fois dans Sous surveillance (2010), et le « petit nouveau », Andy Nguyen, qui serait, selon ses supérieurs, voué à un bel avenir dans cette équipe. Mais cette enquête n’est certes pas la plus facile pour Maud Graham, que Maxime, le protégé qu’elle a pris sous son aile et qu’elle a recueilli chez elle après qu’il eut été agressé, continue à appeler Biscuit. Car plusieurs mobiles auxquels sont associés autant de suspects sont exposés pour tenter d’expliquer cet assassinat, que Graham parvient, grâce à son instinct, à rattacher à deux

autres meurtres, survenus le même jour, le 18 juillet, mais à dix ans d’intervalle, en 1991 et en 2001, et dont les victimes ont toutes deux fait partie d’une équipe de travailleurs d’un chantier forestier situé quelque part au Québec et sur lesquels Saucier exerçait déjà un pouvoir presque tyrannique. Graham découvrira que c’est là que l’Indien Gabriel Siméon, surnommé le Muet, un membre de l’équipe, s’est suicidé, un 18 juillet, après que Saucier ait mangé l’outarde blessée que Siméon avait soignée et apprivoisée. C’est là également, au cours du même été 1981, que Jean-François Cliche a été victime d’un accident qui l’a laissé in�rme et dont est responsable Saucier. Ce même Cliche, obsédé par ce séjour au chantier, sera d’ailleurs pour Graham d’un précieux secours, car il a gardé des liens avec les membres de l’équipe et a monté un scrapbook qu’il mettra à la disposition de l’enquêtrice.

Si les deux premiers meurtres ont été commis à l’aide d’un browning 9 mm, l’un aux États-Unis, l’autre à Trois-Rivières, le troisième l’a été à l’aide d’un arme identique, comme si le meurtrier avait égaré la première. Mais comment parvenir à unir ces trois assas-sinats, surtout qu’une plume d’outarde a été trouvée sur chacun des cadavres, ce qui semble éliminer quelques suspects, dont les ex-épouses, sans doute aussi les enfants en bas âge de Saucier, mais pas ceux du premier mariage ni les membres du groupe Grandir, des partisans écolo-gistes qui protestent contre les nombreuses constructions de l’entrepreneur Saucier, qui détériorent le paysage, surtout le long des cours d’eau. C’est le rôle de Graham de démêler tout cela. Et n’ayez crainte, elle y parviendra en ménageant aux lecteurs et lectrices un surpre-nant revirement de situation,

AU TO M N E 2012 | Québec français 167 9

N O U V E A U T É S

Extrait de la publication

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sans trop d’e�orts à les tenir captifs, les forçant même à pour-suivre leur lecture avant d’avoir atteint la dernière page de ce roman qui raconte aussi une histoire de vengeance, ponc-tuée d’une histoire de jalousie, de violence et de cupidité. Mais les âmes sensibles y trouveront aussi une belle histoire d’amour, celle qui naît entre Carole Anne et Hamilton.

Il y a cependant quelques faiblesses, tant dans les descrip-tions, souvent trop détaillées, qui ralentissent l’action, que dans l’écriture, où l’on décèle, çà et là, des répétitions agaçantes, voire des exagérations qui peuvent frôler l’invraisem-blance. Par exemple, comment Carole Anne a-t-elle pu, elle qui semble bien équilibrée, accepter de vivre si longtemps avec un goujat comme Gerry, qui la considère comme une véritable esclave qu’il frappe et qu’il

retrouvent en début d’histoire à Montréal et entreprennent une lutte sans merci. C’est que l’un, le Bostonnais Richard Hamilton, spécialisé dans le droit des assu-rances à l’emploi de la Northeast General Insurance, a connu une aventure avec Carole Anne, l’épouse de Gerry Martin, son rival, que même sa femme n’hé-site pas à quali�er d’« homme vulgaire et sans manières » (p. 127). Ce dernier conspire avec des membres in�uents du conseil d’administration de la compagnie, voire avec un haut dirigeant de la pègre, montréa-laise, Victor Laski, pour soutirer d’importantes sommes d’argent à la compagnie, dont il est le conseiller juridique. S’engage alors une véritable guère entre les deux groupes, les « bons » d’un côté, qu’incarnent Hamilton, Carole Anne et deux employés de la Northeast, Je� Leroy et Kate Raynolds, et les

« méchants » de l’autre, au nombre desquels il faut compter Gerry, bien sûr, mais aussi Laski, chef de la pègre, qui fait chanter tous les membres du CA de la compagnie, dont un certain Norman Maynard, qui, avec l’appui du président Robert Cartier, a mis sur pied un impor-tant stratagème dans le but de

détourner, au pro�t des crapules qu’ils sont devenus, des sommes considérables d’argent en falsi�ant les rapports de récla-mations des clients. Sans être dérangés, ils se sont grassement enrichis, transférant même dans des paradis �scaux à l’étranger, aux Îles Caïman, en particulier, le fruit de cette fraude, bien connue du comptable en chef que l’on a peut-être trop facile-ment recruté. Toutefois, c’était sans compter sur la perspicacité de Hamilton et de ses deux amis, et grâce à la complicité de Carole Anne, qui a fouillé dans les dossiers de son mari, que le scandale est en�n mis à jour, après une série de di�cultés que je me garde de révéler pour ne pas réduire l’intérêt.

L’intrigue est bien menée, il faut le préciser, car Bruneau sait produire des e�ets de façon à provoquer l’adhésion de ses lecteurs et lectrices. Il parvient

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10 Québec français 167 | AU TO M N E 2012

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domine à volonté ? De plus, un bon correcteur aurait évité un (trop) grand nombre de fautes qui déparent l’œuvre.

Mais il faut le répéter, Dommages collatéraux est un bon suspense qui saura plaire aux amateurs, car ce roman traduit bien les problèmes de la société moderne dans laquelle tout semble permis pour certains a�n d’exercer un pouvoir sur ceux qui ont choisi de vivre honnêtement.

AURÉLIEN BOIVIN

HANS-JÜRGEN GREIF et GUY BOIVINLe temps �gé L’instant même, Québec2012, 277 pages

Hans-Jürgen Greif nous avait habitués au texte court –

parfois grave (Berbera, Solistes), parfois plus léger (Le chat proverbial) –, à l’essai, au roman, en général ample et multi-forme (Orfeo, Le jugement, Job et compagnie), projets toujours menés avec �nesse, un brin d’humour, une érudition non exempte d’une belle et riche sensualité. Toujours, chez Greif, les sujets sont vivement brossés, l’histoire, tant dans les nouvelles que dans les romans, est solide-ment construite, toujours riche de sens et d’enseignement, et rien n’est laissé au hasard. Mais cette fois, en collaboration avec Guy Boivin (le tandem nous avait déjà donné La Bonbon-nière en 2007), c’est un roman d’un type nouveau qui nous est proposé, d’une facture qui peut surprendre au premier abord, mais qui, une fois lu, vient s’ins-taller avec une logique irréfu-table dans l’œuvre de Greif.

De l’aveu des auteurs eux-mêmes, cette collaboration est basée sur un principe simple. Greif, dont la réputation litté-raire n’est plus à faire, écrit dans son style clair et direct, où l’interpellation du lecteur, subtile mais e�cace, fonctionne à tout coup. Boivin, comme dans

La Bonbonnière, se consacre surtout à la recherche, indis-pensable dans des projets de ce genre : ici, c’est la connaissance profonde des Centres d’héber-gement et de soins de longue durée (CHSLD), ainsi que des centres privés de tous types, des pires aux meilleurs, qui était indispensable. Boivin témoigne ici d’une grande connaissance du milieu et contribue à donner au roman une solidité testimo-niale sans faille.

Denis Giroux, maître relieur, homme réservé, foncièrement bon, raconte sa vie simple et rangée, consacrée aux livres ainsi qu’aux rares personnes qui, toujours à une certaine distance, l’entourent. Il emploie pour cela un style très autobiographique, proche de la confession, et une structure à rebours extrême-ment e�cace. Comme dans tout roman-témoignage, l’anecdote abonde, mais jamais elle n’est gratuite. Au milieu de descrip-tions fascinantes et fort détail-lées du métier de relieur (ce qui n’est pas sans rappeler la préci-sion avec laquelle Greif décrivait le métier de peintre dans Le jugement), nous allons connaître d’abord la famille immédiate du narrateur, au premier chef sa mère Pauline, devenue muette et presque immobile après un deuxième accident vascu-laire cérébral. Nous suivrons aussi la vie d’un groupe de femmes habitant une grande maison de la rue des Remparts, surnommée La cage aux folles. Joli nom, d’ailleurs. Comme bon nombre de prénoms dans ce roman, fantaisie qui vise peut-être à compenser l’austérité du propos : Imogène, Géséric, Alphada, Shéri�a, Crescence, Olympe, Réséda, Iphigénie, Bérénice, Gervaise, Nadège, Gudule, tout un �orilège que voilà ! À travers la vie de ces personnages, le narrateur nous promène dans les lieux de son quotidien, de son appartement du faubourg Saint-Jean-Baptiste à son atelier de la rue Saint-

Vallier, puis au Centre de soins où loge sa mère, coin Lockwell et Turnbull. Rue après rue, dans Québec que l’on arpente ici comme si on y était, il dépeint en �ligrane au-dessus de son histoire une ville toute en nuance, dont la douceur vient là aussi faire contraste avec la dureté du témoignage. Car tout n’est pas rose dans le roman de Greif et Boivin.

Ce que le relieur-narrateur raconte n’est guère encourageant en e�et. Les maisons de retraite, décrites ici avec un souci qui fait froid dans le dos, donnent envie de prévoir dès maintenant une retraite quelque part au Brésil ou en Arizona, loin de la tristesse de ces mouroirs. Mais au-delà des grands thèmes : le vieillissement, notre peur de voir chez l’autre notre propre �n, le corps qui se �étrit, la façon de traiter nos aînés, notre propre regard sur les années qui

passent, le sort qui nous sera réservé quand à notre tour nous serons vieux, les liens �liaux, l’amitié, les amours – souvent déçues –, la mort, c’est aussi une magni�que leçon sur l’art de comprendre l’autre qui nous est servie ici. Tout au long du roman, et surtout vers la �n, où le témoignage se convertit peu à peu en une construction dramatique implacable, nous retrouvons l’art de Greif de cerner un personnage, d’entrer dans sa bulle, de convertir ses gestes, ses ré�exions et ses expériences en véritables envolées lyriques ; et c’est alors que nous comprenons vraiment où nous avons été entraînés. Car bien plus qu’un roman sur l’« âge d’or », et sur la nécessité de jouir de chaque instant, c’est un hommage plus ample à l’humanité que nous proposent les auteurs. Et nulle meilleure manière d’y arriver que d’entrer dans la pensée

AU TO M N E 2012 | Québec français 167 11

N O U V E A U T É S

Extrait de la publication

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leur réintégration sociale à la suite de divers délits, François Leblanc nous propose un deuxième roman, encore chez Triptyque. Quelques jours à vivre met le lecteur en contact avec Antoine Barcelo, marié depuis une vingtaine d’années mais dont l’épouse, Véronique, a pris récemment un amant lui ressemblant tant au physique qu’au moral. Lors d’un dîner au restaurant, qui n’est pas une habitude courante, elle lui fait part de son intention de vivre avec sa nouvelle �amme, un professeur d’éducation physique de son école, sans toutefois renoncer, comme le précise la suite de l’intrigue, à son mari, fort utile pour les menus travaux à la maison. Antoine, diplômé en criminologie, mais simple agent correctionnel chargé, la nuit, d’assurer la surveillance de criminels purgeant une peine

êtres, parfois aléatoire certes, peut être aiguillé, et même devenir plus important encore que les choses et les êtres pris isolément.

En ceci, Le temps �gé est peut-être un titre trompeur, encore que tout ne soit que question de perspective. Mais tout de même, pour le lecteur qui suivra le narrateur dans sa conversion, nul doute : rien n’est ici �gé, tout est toujours à faire, jusqu’au dernier moment.

LOUIS JOLICŒUR

FRANÇOIS LEBLANCQuelques jours à vivreTriptyque, Montréal,2012, 167[1] pages

Après Quinze secondes de célébrité, un roman publié

en 2009 qui mettait en scène trois agents de probation déterminés à permettre à une série de personnages

d’un personnage aussi ordinaire que Denis Giroux, que la �nesse du regard va transformer en être extraordinaire.

Lorsqu’il se rappelle son maître, l’attachant M. Silberman, qui se plaisait à comparer la peur à un regard de Méduse, pure chimère quand on la regarde en face – « chacun de nous doit a�ronter sa Méduse et la tuer », dira-t-il (p. 273) –, le relieur cesse en e�et d’être un personnage ordinaire pour devenir lui-même fabuleux, transcendant, plus grand que nature : et c’est alors qu’il nous enseigne une leçon peut-être plus importante encore que la philosophie du carpe diemqui ressort naturellement du roman. Cette leçon est simple et à la fois essentielle : la peur est là pour être vaincue, la vie a un rythme, un sens, que nous devons saisir si l’on veut être maître de sa destinée, plutôt

qu’éternellement ballotté par les aléas de l’existence. Le narrateur, malgré sa simplicité, ou grâce à elle peut-être, nous montre que nous sommes responsables de nos décisions, que si l’on ne peut tout plani�er, nous pouvons tout de même épouser, voire orienter le rythme des événements qui nous construisent. D’ailleurs, à cet égard, le métier du narrateur n’est pas gratuit : non seulement Silberman fera découvrir à son apprenti et futur écrivain qu’écrire sur la vie de quelqu’un est comme déchi�rer un palimpseste, mais il lui fera comprendre qu’à force de s’intéresser à l’enveloppe des objets, on �nit par en mettre à nu l’intérieur. Voilà un chemin qui ressemble justement à ce rapport dynamique avec la vie que le roman nous propose, dans une sorte de morale où le mouvement des choses et des

12 Québec français 167 | AU TO M N E 2012

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d’emprisonnement avec sursis et ainsi assignés à résidence, est victime de menaces de la part d’un « énergumène » qui lui donne du �l à retordre. Entre temps, il doit aussi composer avec la disparition de son père, diabétique et sou�rant de démence précoce, parti sans crier gare. Ayant obtenu un congé pour soigner un début de dépression, il part à la recherche de cet être avec lequel il ne semble pas avoir développé beaucoup d’a�nités. Son voyage vers la Gaspésie, où il a pu retracer le fuyard, s’avère toutefois inutile : son père est reparti vraisemblablement vers le Sud. Gros jean comme devant, Antoine doit se résigner à revenir bredouille à Montréal sans que l’on sache ce qu’il adviendra de son existence, lui qui a perdu sa femme au pro�t de son double, et son père. Il doit donc se contenter d’écouter les chansons de Leonard Cohen et de vivre seul sa crise de la quarantaine.

Ce roman, au titre inapproprié, voire tout à fait incongru, n’est pas sans intérêt même s’il manque quelque peu d’unité et de consistance. Que viennent faire dans cette histoire les deux autostoppeurs, par exemple, qu’Antoine se résigne à faire monter dans sa voiture lors de son périple vers la Gaspésie, lui qui aurait pu pro�ter de cette solitude

imposée pour faire le point sur sa vie, une vie pour le moins décevante, voire ratée, il faut le préciser ?

AURÉLIEN BOIVIN

HENNING MANKELLL’œil du léopardSeuil, Paris2012, 343 pages

D’abord publié en 1990, L’œil du léopard complète la

série des « romans africains » de l’auteur qui milite, comme on le sait, pour rayer du souvenir du continent l’empreinte profonde, mais pas indélébile, des colonisateurs blancs. Dans un souci évident de s’épargner des ennuis, Henning Mankell situe l’action du roman en Zambie, anciennement la Rhodésie du Nord (à ne pas confondre avec le Zimbabwe), de 1969 à 1988, sous le président Kenneth Kaunda. Hans Olofson est le �ls d’un père alcoolique et d’une mère qui a très tôt préféré fuir les forêts du Norrland, immense territoire occupant presque la moitié nord du pays. Hans n’a qu’un seul ami, Sture von Croona, qui, après un pari entre eux, chute de l’arche d’un pont et se brise la colonne vertébrale. Il passera le reste de sa vie dans un hospice pour malades incurables. Hans, profondément ébranlé par l’accident dont il se sent responsable, cherche un moyen pour laisser derrière lui

les souvenirs qui le hantent : son père, Sture, les études de droit, la mort de Janine, jeune femme dé�gurée par un chirurgien incompétent et qui avait montré aux deux garçons quelques-uns des plaisirs de la vie – la musique, la danse, la poésie. Il décide de réaliser un rêve de Janine, celui de se rendre chez des missionnaires en Zambie.

Dès son arrivée à Lusaka, l’Afrique lui fait peur, à un point tel qu’il décide immédiatement de repartir chez lui. Pourtant, il restera presque vingt ans : la peur ne s’estompera jamais, mais il est fasciné par les Noirs à la pensée impénétrable, mystérieuse, et les Blancs qui méprisent leurs employés parce qu’ils ne les comprennent pas. Quand une Anglaise o�re à Hans de lui vendre sa ferme de poules pondeuses, il accepte. Lentement, il fait son apprentissage du pays (il est impossible de connaître l’Afrique entière) et des mentalités qui s’a�rontent, des préjugés insurmontables : les Blancs sont riches, les Noirs restent pauvres parce que stupides, la haine des uns pour les autres demeure inépuisable. Un mouvement de révolte contre le gouvernement naît sous le nom de « léopards », qui commet des tueries parmi les Blancs dont l’atrocité dépasse l’imagination. Quand Hans constate qu’il vient d’échapper à une tentative de meurtre, il retourne chez lui.

Il est di�cile de rendre justice à ce roman en quelques lignes. Le côté policier de Mankell y occupe une large part, tout comme la critique sociale de la Zambie et de la Suède, qui verse des millions de couronnes à des potentats africains qui se partagent cette manne a�n qu’elle n’arrive pas au lieu de destination. Le romancier, qui vit entre le Mozambique et la Suède, fustige les responsables de ce gaspillage, la cupidité des chefs africains, l’incompatibilité,

l’incompréhension de part et d’autre, les luttes déguisées entre le Nord et le Sud, et insiste pour prouver que seule l’intervention des individus pourra accomplir ce que les Africains désirent : vivre selon leurs traditions (et s’ils rejettent la démocratie à l’occidentale, tant pis), regagner leur dignité, être capables d’accueillir les Blancs comme partenaires, d’égal à égal. Tant que ces conditions ne seront pas réunies, le chemin vers l’harmonisation des mentalités sera impraticable.

Voilà certes un livre dur, avec des scènes d’une rare cruauté, de la violence, un livre rempli de mé�ance, de soupçons, de procès d’intention, de pensées et de raisonnements tortueux. Mais au moins, il donne des pistes vers des solutions envisageables pour les pays riches.

HANS-JÜRGEN GREIF

ODETTE MAROTDes chagrins pour rienLes Éditions JCL, Chicoutimi2012, 237 pages

La biographie mise en ligne par la maison d’édition nous

renseigne sommairement sur cette nouvelle auteure. Elle est retraitée de fraîche date des soins in�rmiers, après avoir œuvré successivement comme préposée et comme directrice.

AU TO M N E 2012 | Québec français 167 13

N O U V E A U T É S

Extrait de la publication

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Sans doute avait-elle depuis longtemps des idées de romans en tête, auxquelles elle n’avait pu donner suite en raison d’une carrière active.

C’est un roman intimiste qu’Odette Marot nous propose dans Des chagrins pour rien, une première parution, qui se lit d’un trait. L’action y est plutôt psychologique que matérielle, ce qui ne l’empêche pas d’être fertile en rebondissements et en péripéties.

Jasmine est une journaliste bien connue du public québécois, puisqu’elle agit comme chef d’antenne pour une chaîne de télévision réputée. Son passé sur le terrain lui a valu une renommée enviable. Il y a maintenant quelques années qu’elle a rompu avec Simon, au moment où elle a appris qu’il fréquentait une autre femme. Depuis, elle a refusé obstinément toute communication de sa part. Pour donner libre cours à sa nostalgie, elle décide de retourner sur une île presque inconnue des Antilles où elle se rendait jadis avec Simon pour s’y adonner à la plongée sous-marine et pro�ter de paysages marins uniques.

Alors qu’elle souhaite surtout être seule, un groupe de médecins s’amène dans l’île. Parmi eux se trouve une psychiatre qu’elle a déjà interviewée et qui la reconnaît. Macha est jeune et jolie ; elle ne se fait pas faute de mettre son corps en valeur et d’user de ses charmes. Cette attitude exacerbe chez Jasmine une remise en question déjà bien amorcée, à travers laquelle se manifeste un manque de con�ance dans les pouvoirs de séduction de son corps, qui franchit inexorablement le cap de la maturité. Le questionnement se complique lorsque, au �l des conversations, Jasmine se rend compte de faits troublants. Notamment, Macha semble avoir le même

prétendant qu’elle, un nommé Adam.

Les vacances se passent dans la plus totale perplexité. De retour à Montréal, la journaliste �nira par renouer avec Simon, mais la magie n’agit plus. Le hasard l’amènera aussi à découvrir que tout ce qu’elle a imaginé repose en fait sur le malentendu.

Des chagrins pour rienconstitue une agréable détente. On n’y trouve pas de grands drames, et pourtant l’intérêt de l’intrigue est constant, porté par di�érents mystères de nature sentimentale auxquels on aspire à trouver réponse. L’auteure fait preuve d’une �ne analyse psychologique, ainsi que d’une observation fort intéressante. Le personnage de Macha est une énigme constante, avec ses impudeurs, ses arti�ces sans frein et ses retards inconsidérés. Par ailleurs, les personnages secondaires qui gravitent peu ou prou autour des deux héroïnes béné�cient d’une surprenante consistance, qui transparaît à travers leurs gestes les plus anodins. Des types se dessinent parmi eux, esquissés en quelques traits éloquents.

Cette nouvelle auteure fait certes preuve d’une maîtrise certaine, en dépit de son peu d’expérience de l’écriture. Elle se débrouille fort bien avec une intrigue à la fois subtile et complexe, de sorte qu’on la suit sans e�ort dans ses circonvolutions. À la condition de persévérer dans son nouveau métier, Odette Marot pourrait occasionner des surprises.

CLÉMENT MARTEL

DANIEL PENNACJournal d’un corpsGallimard, Paris2012, 391 pages

Voilà une idée inédite – même si au XVIIIe siècle on

n’arrêtait pas de se plaindre de sa santé – que de rédiger le journal pas très intime de son corps. Vers l’âge de douze ans, en pleine puberté, le narrateur anonyme a eu l’idée de tenir un journal de bord décrivant l’évolution de son corps. Il le fera jusqu’au moment de mourir. Marqué par la disparition du père, victime des gaz utilisés par les Allemands lors de la Grande Guerre, le garçon refuse de s’examiner dans un miroir, jusqu’au jour où, lors d’un jeu entre bandes de scouts rivales, il panique. Résultat : une honte insondable et la volonté de se forger une apparence qui s’impose aux autres. C’est exactement ce qu’il fera. Suivent les notes sur l’éveil de la sexualité, le dépucelage, l’amour de sa vie, les enfants, puis la venue de petits-enfants, les problèmes de santé se manifestant avec l’âge, les interventions chirurgicales, la maladie, la dernière, dont il sait qu’elle lui sera fatale.

Le lecteur n’apprend rien sur la profession de cet homme, sinon qu’il occupe une position élevée dans une ou plusieurs importantes entreprises. Très

peu nous est dit également au sujet de sa vie sentimentale sauf que notre personnage cède à un coup de foudre on ne peut plus massif, amour qui durera jusqu’à la �n de sa vie et qui l’aura rendu heureux. C’est cet escamotage de l’a�ectivité (hormis la mort prématurée de son petit-�ls préféré) qui rend le livre aussi fascinant : rien que la corporalité, de façon conséquente.

Quelle leçon Daniel Pennac veut-il donner au lecteur sinon celle que l’enfance est déterminante pour le reste de ses jours, n’en déplaise à ceux et celles qui tournent le dos à la psychanalyse ? Avec l’adolescence, tout est déjà joué, la persona de chaque humain est formée. Ce qui se passe après n’est qu’une question de logique, pourvu que le destin ne nous joue pas de mauvais tours et à moins que l’hérédité, les gènes, un dérapage dans notre mode de vie ne bouleverse les dispositions et les possibilités de l’individu (drogues, adversité du sort, accidents, toutes sortes de contrariétés hors de notre contrôle). Depuis ses débuts d’écrivain, Pennac a cédé devant sa veine pédagogique, du Bonheur des ogres à Chagrin d’école, en passant par la série des Malaussène, et ce, pour le plus grand bonheur de ses lecteurs.

Le message le plus important du Journal que voici demeure cependant celui-ci : il faut accepter chaque étape de notre existence et la considérer comme faisant partie d’un ensemble dont nous ne pouvons évaluer l’importance. Et que la �n de la vie est le dernier pas qu’il faut franchir en toute sérénité. Au lieu de nous ériger contre ce que nous percevons comme l’injustice du sort, acceptons-la. Vivons la vie, chaque jour qu’elle nous donne, dans un carpe diem sans cesse renouvelé.

HANS-JÜRGEN GREIF

14 Québec français 167 | AU TO M N E 2012

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MARYSE ROUYLes pavés de Carcassonnet. 1 : mai 1963-janvier 1964Québec Amérique, Montréal2012, 259 pages

Après le grand succès obtenu avec sa série en quatre

tomes Une jeune femme en guerre (2007-2010), Maryse Rouy se lance dans une nouvelle saga, Les pavés de Carcassonne. Le premier volet, qui vient tout juste de paraître, se déroule en pleine crise du FLQ, de mai 1963 à janvier 1964, en majeure partie à Toulouse, où quelques doctorants québécois ont décidé d’aller poursuivre leur formation universitaire. Du groupe, seule Nicole Baumier, secrétaire dans une industrie montréalaise et nouvelle épouse de Georges Lahaie, qui prépare une thèse sur le Moyen Âge, n’a pas de diplôme universi-taire. Elle répond toutefois à l’invitation (ou à l’incitation) de son mari de s’inscrire en propédeutique à l’Université de Toulouse, année qu’elle réussit avec succès. C’est d’ailleurs cette réussite, jumelée avec la �n de l’année universitaire et l’arrivée des vacances, qui réunit quelques membres du groupe, qui se rencontrent fréquem-ment au bar Le Perroquet, à une soirée bien arrosée, la veille d’un voyage en Allemagne que doivent entreprendre Nicole et Georges, en compagnie de deux autres étudiants québécois. Les voyageurs ont à peine quitté la ville qu’ils sont victimes d’un tragique accident. Nicole est la seule à s’en tirer sans trop de séquelles, alors que Georges et le conducteur perdent tous deux la vie et que François, un ami, prendra plusieurs mois, après son rapatriement à Montréal, à retrouver la santé. Elle est recueillie, à sa sortie de l’hôpital, par la famille de son amie Geneviève, doctorante et, l’été, guide touristique à la cité forteresse de Carcassonne, et à qui Nicole rend visite, une fois

rétablie. Comme elle possède beaucoup de connaissances sur le Moyen Âge, elle qui a dacty-lographié plusieurs chapitres de thèses d’amis consacrées spéci-�quement à cette période et qui a visité déjà à quelques reprises Carcassonne, elle accepte de remplacer, au pied levé, un guide qui a dû s’absenter à la suite de la maladie de sa mère. Démunie psychologiquement, à la suite de l’accident qui l’a privée de son mari, elle prend de plus en plus d’assurance et décide �nalement de ne pas revenir au Québec et de pour-suivre ses études en histoire à l’université de Toulouse, malgré le fait que ses beaux-parents l’accusent, ce faisant, de déshonorer la mémoire de leur �ls Georges, en demeurant seule, elle une pauvre femme originaire du Faubourg-à-Mélasse, dans un pays étranger. Elle refuse donc la vie que ses parents lui avaient plani�ée à Montréal et rompt ainsi dé�ni-tivement avec son milieu, dont avec ses beaux-parents, après une courte visite à l’occasion des Fêtes de �n d’année 1963. Elle revient à Toulouse où, semble-t-il, l’avenir lui appartient, ce qu’on pourra véri�er, peut-être, dans le prochain tome.

Ce premier volet dans la vie de Nicole Baumier ne manque pas d’intérêt car Maryse Rouy sait organiser une intrigue et la développer de façon à garder

ses lectrices (et ses lecteurs) en haleine. Je me suis laissé prendre par l’érudition de la romancière, qui nous fait pro�ter de ses connaissances du Moyen Âge, elle qui a déjà rédigé un mémoire de maîtrise sur la poésie des troubadours à l’Université de Montréal. Point étonnant alors que Georges et Geneviève, une amie toulou-saine, aient choisi de travailler sur le sujet. Elle s’est aussi soli-dement documentée, elle qui n’est arrivée au pays qu’en 1975, sur l’époque trouble des années 1963-1964 au Québec, qui inté-resse grandement les docto-rants expatriés, à l’a�ût des « unes » du Devoir pour suivre, à distance, les événements qui se déroulent chez eux. Il faut lire cette touchante histoire de Nicole, une petite Québécoise e�acée jusque-là, qui réussit avec courage et détermination à triompher de l’adversité, malgré l’incompréhension de ses proches, qui lui refusaient toute autonomie, tout a�ranchisse-ment, sous prétexte qu’elle est une femme et qu’elle n’a pas le droit aux études.

Vivement la suite de cette reconstitution historique, car Nicole a encore des leçons à nous donner, sous la plume combien charmante, agréable de Maryse Rouy, une écrivaine qui a le souci du détail et qui possède l’art d’émouvoir, dans une langue, il faut le dire, d’une grand justesse et d’une grande beauté.

AURÉLIEN BOIVIN

DANIELLE TRUSSARTLe Grand JamaisXYZ éditeur, Montréal, 2012, 241 pages(coll. « Romanichels »)

Derrière le titre se cache le nom d’un café-bistro-atelier

de gravure où, dès le début de la Révolution tranquille, se sont rencontrés quelques jeunes, hommes et femmes, qui allaient jouer un rôle plus ou moins

connu lors des événements d’octobre 1970. Tout un pan, donc, de notre histoire récente. Ses acteurs approchent aujourd’hui l’âge d’or (?) ; les détails de ce que le Québec a vécu sont à peine connus de la jeune génération.

Danielle Trussart (Le train pour Samarcande, VLB, 2008, Prix Robert-Cliche), peintre et écrivaine, revisite les lieux, les gens. Sa narratrice, Marianne, est la meilleure amie de Catherine, la sœur d’Alexis, une des �gures les plus �amboyantes de la « crise », comme on l’appelle aujourd’hui. Puisque la mort éclaircit les rangs de cette génération, Marianne tente de saisir l’essence de ce que fut le seul projet rassembleur des Québécois et qui allait faire naître le PQ, porteur de l’idée indépendantiste. Nous lisons une suite de lettres, de notes, d’extraits d’un journal tenu pendant et après les actions du FLQ, où le lecteur averti retrouve les mots, les poèmes (comme le Speak white de Michèle Lalonde), les messages des di�érentes cellules, les rumeurs, les jeux des politiciens (Pierre Elliott Trudeau, Jean Marchand, Jean Drapeau) et les interventions policières. Après la mort de Pierre Laporte et l’e�ondrement du rêve d’indépendance du Québec par la force, le groupe auquel appartient Marianne se dissout. Catherine entreprend une odyssée à travers le monde pour se �xer �nalement à Barcelone. Alexis fonde une petite maison d’édition à Bruxelles, alors que Marianne devient institutrice, s’exile en Gaspésie, mais revient pour reprendre contact avec ses amis.

C’est au �l de ses missives à Catherine que se dessine l’évolution du Québec après octobre 1970, avec l’élection triomphale de Robert Bourassa d’abord, de René Lévesque ensuite, l’échec des deux référendums, le glissement

AU TO M N E 2012 | Québec français 167 15

N O U V E A U T É S

Extrait de la publication

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de la société québécoise vers l’indi�érence quant à son avenir politique, y compris l’assimilation des francophones par les anglophones et les allophones, ainsi que la disparition d’une culture vieille de quatre siècles en Amérique du Nord. « [Le Québec] repousse toujours l’a�aire [l’accession à l’indépendance] à plus tard, puis pendant ce temps-là, il s’éteint à petit feu, en même temps que sa conscience et que sa colère. Et il refuse de s’apercevoir qu’il disparaît parce que �nalement, il vit dans le plus meilleur pays au monde, comme disait l’autre, le grand croche. […] On s’est connus en pleine Révolution tranquille et on assiste maintenant, avec un sentiment d’impuissance, au déclin tranquille… » (p. 213).

Quand Marianne rencontrera Catherine, de quoi pourront-elles parler, sinon de ce qui a été, mais ce qui n’est plus : des rêves disparus laissant un drôle de goût sur la langue qui a tant travaillé pour les �xer dans les mots, les souvenirs d’une jeunesse impatiente qui a cru en un Québec devenu adulte, qui a cru au mot Liberté et assiste, vieille désormais, fatiguée, désabusée, à l’e�ritement d’une société et d’un pays qui auraient pu être.

HANS-JÜRGEN GREIF

VIC VERDIER [pseudonyme de Simon-Pierre Pouliot]Le Moderne CabaretXYZ éditeur, Montréal2012, 288 pages

Voici la suite de L’appartement du clown,

le premier roman de Simon-Pierre Pouliot, mettant en scène Vic Verdier, son autre moi. Vic veut réaliser un projet dans un domaine que l’auteur connaît bien, le show business. Son « Moderne Cabaret » sera une scène multidisciplinaire, dont les di�érents volets restent encore à déterminer. En même temps, il projette la cohabitation avec son amie. Dans une seconde trame narrative, nous apprenons ce qui s’est passé avec Oliver, qui a voulu se venger sur son ancien ami Douze (qui l’avait trahi), en le poursuivant jusqu’au Chili. Mais tout à coup, les plans de Vic sont contrecarrés : par le comportement étrange de sa copine, par la ma�a qui veut protéger son futur Cabaret. De plus, son père va mourir et Oliver est de retour…

Deuxième volet de cette saga, celui-ci sou�re des mêmes faiblesses que le premier : personnages unidimensionnels, langage faussement désinvolte, construction laborieuse et parfois déroutante du scénario. Le plus dérangeant dans ce livre demeurent les deux

trames racontées par des voix interchangeables, même si l’une verse avec insistance dans le franglais (Oliver) et l’autre dans un langage passablement correct (Vic). Non moins étonnante est l’action forcée qui dépasse sans doute les possibilités réelles d’événements : un Oliver a�reusement dé�guré par les malfrats de Douze va dépister son ancien ami dans son vignoble chilien. S’ajoute le sombre passé de Fred, la copine de Vic, qu’elle traîne comme un boulet. Comme si ce n’était pas assez, il y a encore la mort du père, les apparitions sporadiques du grand-père. Malheureusement, et malgré les tentatives de l’auteur d’épicer un peu l’ensemble, le roman sent et goûte le papier mais ne peut amener le lecteur à participer aux « aventures » évoquées. Le roman, surtout s’il s’agit du créneau visé par Pouliot, doit créer des illusions mieux préparées que celles-ci, moins poussées à l’extrême. Pouliot a sans doute un talent certain de conteur, de l’imagination, de l’énergie et le goût d’écrire. Il lui manque le rythme dans lequel se déroule l’action, la façon dont les auteurs de romans contemporains (américains ou français, anglais, allemands, italiens) balisent leurs livres a�n que le lecteur participe à l’action, au pourquoi et à la suite dosée des événements. Ici, trop de place est accordée à l’improvisation.

HANS-JÜRGEN GREIF

T É M O I G N A G E

ANNE-DAUPHINE JULLIANDDeux petits pas sur le sable mouilléÉditions des Arènes, Paris,2011, 226 pages

Il est des livres que nous lisons et que nous abandonnons,

sitôt la lecture terminée, voire avant parfois, tant ils nous laissent indi�érent. Il en est d’autres qui nous ont tant touché qu’ils continuent à nous habiter longtemps. C’est le cas de Deux petits pas sur le sable mouillé, un troublant et émouvant témoignage que nous livre Anne-Dauphine Julliand sur les malheurs rapidement oubliés et les bonheurs toujours présents d’une mère qui, un jour, sur une plage de la Bretagne, remarque que Thaïs, sa �llette de presque deux ans, a une démarche inquiétante, un de ses pieds laissant sur le sable une marque en éventail. Revenue à Paris, elle consulte un podiatre, qui ne décèle rien d’anormal, mais qui lui conseille une rencontre avec un neurologue. L’examen a lieu et les deux parents – inquiets – sont rapidement convoqués à une nouvelle rencontre à laquelle assiste un psychiatre. Le verdict tombe comme la foudre, créant un immense trou noir (p. 8) : la �llette sou�re de lencodystrophie métachromatique, « nom barbare[, i]mprononçable, inacceptable » (p. 13), qui cache une grave maladie génétique dégénérative. Ce petit grain de sable dans l’engrenage, au départ, se transforme alors en véritable tsunami. Les spécialistes sont formels : cette maladie orpheline incurable, due à une anomalie génétique dont les deux parents sont porteurs, détruit tout le système nerveux et laisse entre deux et cinq ans d’espérance de vie à la petite. Cette mauvaise nouvelle, de surcroît, n’arrive pas seule : la

16 Québec français 167 | AU TO M N E 2012 Extrait de la publication

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particulier lors de la fête de Noël, préparée à l’initiative de Gaspard, qui a réussi à convaincre ses parents, en cette soirée magique, de déroger à la règle et d’amener ses deux petites sœurs au salon pour qu’elles participent, elles aussi, à cette touchante et mémorable fête familiale.

Voilà un livre, lauréat du prix « Paroles et Parents 2011 » en France, à lire et à méditer car, à n’en pas douter, il permet d’apprécier la Vie et de voir autrement la maladie et la sou�rance. Il contient aussi une grande leçon de courage – la mère et le personnel médical appellent souvent la �llette la Princesse Courage.

Ajoutons que, journaliste de métier, Anne-Dauphine Julliand écrit dans une langue juste et de qualité. Son témoignage, sans larmes ni apitoiement, tout plein de tendresse et d’amour, tant pour les êtres que pour la Vie, sait émouvoir et laisse à jamais présente l’image de ce petit être démuni qui, par son exemple, a laissé une marque indélébile de son passage dans un monde qu’elle a à peine entrevu. La petite Princesse Courage est, à mes yeux, plus que cela, elle est devenue un ange. Pour l’avoir ainsi accompagnée, on sort grandi de l’avoir côtoyée, car elle et ses parents nous donnent une leçon d’espoir.

AURÉLIEN BOIVIN

GILLES SIMARDLe cœur enveloppéLes Éditions JCL, Chicoutimi2012, 359 pages

Si ce livre ne nous était présenté avec la mention

« Témoignage », on pourrait le prendre facilement pour un roman, tant il semble sorti de l’imagination débridée d’un écrivain. Mais Gilles Simard nous rapporte essentiellement une histoire vécue. Il le fait scrupuleusement, on pourrait même dire de façon

mère est enceinte au moment de la découverte de la maladie et le fœtus a un risque sur quatre d’être atteint.

Les parents, catastrophés, refusent catégoriquement l’avortement, comme ils refusent de se laisser abattre. Conscients qu’ils ne peuvent ajouter des jours à la vie de Thaïs, ils choisissent d’ajouter de la vie aux jours qu’il lui reste à vivre. Au lieu de sombrer dans le désespoir, ils optent pour procurer le plus de bonheur

possible à leur �llette, bien secondés par leurs deux familles et par de nombreux ami-e-s, et aussi par leur �ls aîné Gaspard, un vrai philosophe pour qui « la mort c’est triste mais c’est pas grave » (p. 148). À peine âgé de quatre ans, il avoue encore, dans sa grande sagesse combien attachante, qu’il savait déjà, dans son vocabulaire d’enfant, sa sœur vieille, c’est-à-dire qu’elle allait mourir bientôt. Aussi se désespère-il : « Je ne veux pas être le seul enfant de la famille à devenir grand » (p. 54).

S’amorce alors un long et di�cile combat, mené au jour le jour et dans le présent, pour procurer du bonheur à ce petit être fragile qui, d’une page à l’autre de cette sorte de journal, dépérit dans la sou�rance et la douleur insupportables, tant pour les parents que pour tous les intervenants. Pour les

lecteurs aussi, car la petite, véritable martyre, perd la mobilité de ses déplacements, puis la vue, la parole, l’ouïe, et toute motricité qui la condamne à rester couchée sans bouger ou presque dans un lit spécialement moulé à son petit corps malade et d’un poids inquiétant. Mais la vie continue, même si Thaïs marche vers la mort, alors qu’Azylis, sa sœur cadette, elle aussi porteuse de la même maladie, subit, à cinq semaines, dans la ville de Marseille, où la famille doit se déplacer pour plusieurs mois, une gre�e de la moelle osseuse, ce qui force les parents, les grands-parents, les ami-e-s, les membres du service médical à multiplier les tours de force et les heures de garde auprès des deux �llettes, isolées dans leur chambre d’hôpital d’abord, puis dans celles de leur maison à Paris. Azylis répond bien aux traitements et semble sur la bonne voie alors que Thaïs perd �nalement son combat, avant d’avoir atteint l’âge de quatre ans. On saura, lors d’entrevues qu’accorde l’auteure, après la sortie de son livre, que la cadette vit toujours, mais qu’elle est sévèrement handicapée et qu’elle pro�te de la vie et du bonheur que lui procurent ses parents et son grand frère.

J’ai lu des centaines et des centaines de livres au cours de ma carrière. Je n’ai jamais lu un témoignage comme celui-là, un tel cri du cœur d’une mère qui refuse tout pathos, ayant promis à sa �llette, sachant qu’elle n’avait que peu de temps à vivre, de lui donner tout le bonheur, tout le confort, tout l’Amour (avec un grand A) qu’elle méritait. Cette mère, d’une étonnante lucidité, livre une formidable leçon de vie. Plusieurs passages sont à la limite du tolérable, tant la sou�rance, pourtant acceptée dans la foi, est omniprésente. Les lecteurs et lectrices devront essuyer ici et là des larmes, en

incontestable, puisque son cheminement est attesté par des documents tirés de son dossier médical qui sont rapportés en annexe, à la �n du volume.

Le cœur enveloppé, c’est, comme l’indique la première de couverture, « le journal troublant d’un ex-psychiatrisé ». Cependant, la présentation n’épouse pas celle du journal intime. L’auteur a plutôt adopté la forme du récit. Il décrit avec précision et

dans l’ordre chronologique son cheminement, à travers di�érentes cliniques vouées aux maladies mentales.

On y découvre les techniques de soin utilisées à diverses époques, dont certaines laissent perplexes, alors que d’autres paraissent carrément barbares. Gilles Simard a fait personnellement l’expérimentation d’épreuves telles que les électrochocs, l’insulinothérapie, la camisole chimique ou la prise massive de médicaments psychotropes. Ces expérimentations, on les vit de l’intérieur, par l’œil du patient lui-même, à qui elles inspirent la terreur et qu’elles laissent dans un état de délabrement psychologique encore plus profond qu’avant.

Car, si ces techniques de soin peuvent avoir quelque e�et sur certains, le témoin

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N O U V E A U T É S

Extrait de la publication

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de ce récit n’en a retiré aucun béné�ce, au contraire. Il se retrouve plutôt démoli, au seuil de la folie, aux prises avec la pharmacodépendance et l’alcoolisme, des problèmes qu’il traînera de très longues années avant de se soumettre en�n à une thérapie e�cace qui l’amènera à l’abstinence et qui lui redonnera son équilibre psychologique. Mais il lui faudra encore reconstruire son univers social, qui a été peu à peu ruiné au �l de son cheminement atypique.

Le témoignage de Simard est d’un intérêt certain. Tout d’abord, il a tous les accents de la sincérité. L’auteur ne cherche pas à dorer la pilule ni à s’accorder le beau rôle. Sa confession est sans complaisance aucune. Par ailleurs, le récit nous met en contact direct avec le milieu de la psychiatrie et des cliniques de soins de l’âme. Nous le suivons pas à pas dans ses amitiés et ses amours, nous côtoyons avec lui les di�érents départements et entrons en contact avec les malheureux aux prises avec la dépression, la psychose ou la schizophrénie ou d’autres formes de la maladie mentale.

C’est donc toute une sortie que nous propose Simard. Il nous invite à découvrir un monde insolite, sordide à certains moments, mais qui n’est quand même pas dépourvu d’éclaircies où brillent l’espoir ou l’émotion, la joie de vivre ou un certain humour. Car, si l’auteur aborde son sujet non sans gravité, il sait aussi adopter à l’occasion un ton désinvolte, qui transparaît dans des descriptions imagées, où l’on soupçonne à la fois une certaine résignation, de même qu’une certaine dose de cynisme.

Le cœur enveloppé a tout de suite attiré l’attention du Club Québec Loisirs, qui en a acquis les droits et qui l’a di�usé parmi ses membres.

CLÉMENT MARTEL

Du fond du cœur, merci !Depuis plus de 40 ans, les équipes de la revue Québec français travaillent bénévolement pour créer une revue de qualité, en restant toujours soucieux de joindre la théorie à la pratique a�n d’o�rir un outil précieux pour les enseignants du Québec.

Nous tenons à remercier chaleureusement tous les députés qui, au cours de l’été, ont répondu par un don à notre demande d’aide à l’action bénévole.

Madame Denise Beaudoin – députée de MirabelMadame Louise Beaudoin – députée de RosemontMonsieur Yves-François Blanchet – député de DrummondMonsieur Yves Bolduc – député de Jean-TalonMonsieur Bernard Drainville – député de Marie-VictorinMonsieur Sylvain Gaudreault – député de JonquièreMadame Véronique Hivon – députée de JolietteMonsieur Patrick Huot – député de VanierMonsieur Martin Lemay – député de Sainte-Marie-Saint-JacquesMadame Marie Malavoy – députée de TaillonMadame Agnès Maltais – députée de TaschereauMonsieur Michel Matte – député de PortneufMadame Martine Ouellet – députée de VachonMonsieur Michel Pigeon – député de CharlesbourgMadame Carole Poirier – députée de Hochelaga-MaisonneuveMonsieur François Rebello – député de La PrairieMonsieur Sylvain Simard – député de RichelieuMonsieur Denys Trottier – député de Roberval

18 Québec français 167 | AU TO M N E 2012 Extrait de la publication

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Irniq et l’aurore boréaleIrniq a été écrit à la suite de la mort de son

père qui, bien qu’intellectuel et taciturne, lui avait transmis son grand amour de la nature. Comme le petit héros inuit, Paule était une enfant indépendante qui aimait partir seule à l’aventure. Mais c’est avec son père qu’elle a appris à cueillir des petits fruits, à identi-�er les arbres, à suivre les traces d’animaux et à apprécier l’hiver. Ces éléments et cet amour de la nature constituent le cœur de cet album, marquant le passage des saisons et des années. Quant à la structure du récit, elle lui a été inspirée par le très beau �lm coréen de Kim Ki-Duk, Printemps, été, automne, hiver... et printemps, sur le passage de la vie au �l des saisons. Les éléments naturels, qui y forment bien plus qu’un simple décor, jouent un rôle véritable, en symbolisant et cristalli-sant l’évolution psychologique des person-nages tout au long du récit.

Les IndésirablesUn ami lui a raconté l’histoire de base

d’un roi qui souhaitait enfermer tous les indésirables et qui, à force d’intolérance, se retrouve lui-même en prison. Très sensible à cette manière humoristique de parler de tolérance, Paule Brière a voulu la retrans-mettre à sa manière. Elle l’a donc éto�ée et transformée en abécédaire en jonglant avec

E N T R E V U E

Le magazine Pomme d’api est le plus ancien souvenir de lecture de Paule Brière. Abonnée dès sa création,

alors qu’elle n’avait que cinq ans, voilà qu’au-jourd’hui, presque 50 ans plus tard, c’est elle qui est rédactrice en chef de la version québé-coise ! À part les divers magazines auxquels elle a longtemps été abonnée, elle a, bien sûr, lu les Martine, Caroline, Babette, puis les Sylvie hôtesse de l’air.

La littérature québécoise est arrivée dans sa vie à l’adolescence, notamment avec L’amélanchier de Jacques Ferron et Kamou-raska d’Anne Hébert. Elle les a dévorés, en plus d’une grande variété de romans étran-gers : Le grand Meaulnes d’Alain-Fournier, Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, Les chemins de Katmandou de René Barjavel, La femme rompue de Simone de Beauvoir, Rebecca de Daphné Du Maurier, Vendredi ou les limbes du Paci�que d’Alain Tournier, Les mots pour le dire de Marie Cardinal, Franny et Zooey de J. D. Salinger, Zazie dans le métro de Raymond Queneau, les Clau-dine de Colette, les Arsène Lupin de Maurice Leblanc et combien d’autres témoignent de ses goûts éclectiques.

Jeune adulte, parallèlement à ses études universitaires en sciences sociales, Paule Brière a découvert les littératures sud-améri-caines, avec Gabriel Garcia-Marquez, Julio Cortazar, Carlos Fuentes, Manuel Scorza, puis asiatiques avec Han Suyin, Lu Xun, et divers témoignages plus ou moins romancés sur la Chine communiste, précurseurs de Balzac et la petite tailleuse chinoise de Dai Sijie.

Ensuite, elle a « plongé » dans les romans historiques, notamment avec les séries de Jeanne Bourin et de Régine Deforges, puis dans les romans préhistoriques (Rosny ainé, Jean Auel, J-L Dejean, Pierre Pelot, Elizabeth Marshall �omas, Louis Mirman, Rosemary Sutcli�, etc.).

Lorsqu’elle était chargée de cours en anthropologie de la condition féminine et des rapports de sexe, Paule Brière déstabi-lisait ses étudiants en leur donnant à lire Pourquoi j’ai mangé mon père de Roy Lewis,

Comment Paule Brière a écrit certains de ses livresPROPOS RECUEILLIS PAR MONIQUE NOËL-GAUDREAULT*

un délicieux petit roman qui synthétise la préhistoire humaine avec beaucoup d’hu-mour.

En bousculade ou au compte-gouttesN’étant pas auteure à temps plein, Paule

Brière ne recherche pas d’idées d’écriture. Celles-ci lui viennent spontanément, parfois en bousculade, parfois au compte-gouttes. Le travail consiste surtout à en faire le tri pour choisir ce qui l’inspire vraiment et, par la suite, de trouver le temps d’écrire avant que cette « inspiration » ne s’évanouisse. Un premier jet assez rapide à la main lui permet de limiter les relectures et corrections dans lesquelles elle a tendance à se perdre, de son propre aveu. Après cela, il lui faut transcrire ce premier jet à l’ordinateur, et elle laisse alors libre cours aux révisions et réécri-tures successives, souvent entrecoupées de longs mois d’oubli. C’est ensuite le moment de traquer les longueurs et les risques de confusion, de repérer les répétitions et les tics d’écriture, comme les trop nombreux « mais », de retravailler les dialogues, en ajoutant ou en ajustant des accents, des tics de langage, des formulations humoristiques. En�n, un jour, la voilà qui décide que ce texte est mûr, et il ne lui reste plus qu’à choisir à quel éditeur l’envoyer, en croisant les doigts !

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92 Québec français 167 | AU TO M N E 2012 Extrait de la publication

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QUELQUES TITRES DE PAULE BRIÈRE

Les enquêtes de Joséphine la Fouine, 11 tomes, Montréal, Éditions Boréal, 54 p.

Irniq et l’aurore boréale, Montréal, Éditions Imagine, 32 p.

Les Indésirables, Montréal, Les 400 coups, 32 p.

Maman solo, Montréal, Éditions Imagine, 32 p.

Prisonniers des glaces, Montréal, Bayard Canada livres, 48 p.

Une sorcière dans la classe, Paris, Bayard Poche, 44 p.

La poupée de Noël, Montréal, Les 400 coups, 32 p.

Peurs, pleurs et p’tits bonheurs, Montréal, Les 400 coups, 32 p.

L’abécédaire de Pomme et Pépin, Montréal, Bayard Canada Livres, 60 p.

Cachette secrète, Paris, Père Castor Flammarion, 44 p.

Un petit frère pour Tidino, Paris, Père Castor Flammarion, 44 p.

série Super Toutou, 3 tomes, Montréal, Bayard Canada livres, 24 p.

série La garderie des Tiloupiots, 3 tomes, Montréal, Bayard Canada Livres, 24 p.

série Ralboul et Lolotte, 8 tomes, Montréal, Les 400 coups, 24 p.

les sons pour inventer des noms de person-nages farfelus. Un vrai plaisir !

Le dé� était de créer des noms évoquant des défauts possibles, puisqu’il s’agit de prétendus indésirables, et qui aient aussi une sonorité amusante pour les enfants. Idéale-ment, chaque nom devait receler plus d’un sens pour multiplier les interprétations et le potentiel comique. Par exemple, pour la lettre A, l’auteure a imaginé le mot « archipi-pique ». Elle le décortique en cinq éléments : archi, chipie, pipi, pique et même pique-pique, comme dans l’expression familière « faire pic-pic ».

La Voleuse et la fourmiCe roman fait partie de la série Les

enquêtes de Joséphine la Fouine, qui s’ins-pire des Fables de La Fontaine. Avant le démarrage de la série, l’auteure a lu ou relu toutes ces fables. Peu de gens savent qu’il y en a plusieurs centaines ! Elle en a choisi une douzaine parmi les plus connues. Chaque fois que Paule Brière commence un nouvel épisode, elle relit ces fables, en choisit une puis jongle avec ses éléments, ses person-nages et sa morale, pour créer une nouvelle histoire, en ajoutant de nouveaux éléments et personnages. La morale originale sert de guide, mais la nouvelle histoire peut égale-ment servir un propos di�érent. Il lui faut ment servir un propos di�érent. Il lui faut

aussi relire les épisodes précédents de la série, autant pour retrouver le même ton que pour éviter les redites : par exemple, varier les méfaits, tout en les gardant à un niveau acceptable pour des enfants. Jusqu’à mainte-nant, la fouine détective a résolu des enquêtes pour vol, dopage, enlèvement, empoisonne-ment, agression, intimidation, mort acciden-telle, braconnage, harcèlement et pollution…

De plus, l’auteure s’amuse à inventer des péripéties et des tics de langage rigolos, histoire de montrer aux enfants que la lecture, même si elle demande un effort, peut aussi devenir un jeu, que la langue française, malgré ses nombreuses règles, peut aussi s’exprimer en toute liberté ! Par exemple, Joséphine la Fouine saute souvent aux conclusions un peu trop vite, se félici-tant pour son �air de détective alors qu’elle accuse à tort un innocent, dont elle massacre le nom en passant. Après quoi, elle nie son erreur en a�rmant avoir toujours su la vérité depuis le début. Quant aux personnages secondaires, ils s’expriment souvent d’une manière peu orthodoxe. Dans les premiers tomes, cette originalité restait discrète, mais tout de même présente, avec l’utilisation intentionnelle de répétitions ou d’homo-

nymes dans une même phrase, par exemple. Les épisodes récents sont plus farfelus, avec de multiples onomatopées animalières, des dialogues burlesques, des accents divers : une mouche qui zozote, un corbeau qui roule ses « r », un âne qui parle en verlan, des écureuils qui émaillent leurs phrases de cric, crac et autres croc, des rats au langage précieux ou « bouseux », un hibou commotionné qui déparle carrément et bien d’autres…

Mot(s) de la �n Selon Paule Brière, la littérature est d’au-

tant plus précieuse qu’elle ne sert à rien d’autre qu’à nous faire rêver, sourire, trem-bler, rire, pleurer, réfléchir. C’est ce qui fait sa grande richesse. On ne lit pas pour apprendre, pour devenir savant, pour épater les autres ni pour réussir en classe ou dans la vie. Même si, en lisant, on apprend toujours quelque chose. Même si, grâce à la littéra-ture, on réussit mieux, peut-être pas dans la vie, mais sûrement sa vie !

* Professeure, Département de didactique, Université de Montréal

AU TO M N E 2012 | Québec français 167 93Extrait de la publication