pontus de tyard 15211605 entre platon et aristote

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" . , .. ( '- . :;.' PONTUS DE TYARD (1521"1605) entre Platon et Aristote by Marie-DUine ADRIEN A thesis dUbaitted "to tbe Facul ty of Graduate Studies and Research in partial fulfillment of tbe requirementa for the degree of Master of Arts s .. o Department of French Literature McGill Univers! ty. Montreal October 1984 a Marie-Hêlêne Adrien, 1984 © ' )

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Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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Page 1: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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PONTUS DE TYARD (1521"1605) entre Platon et Aristote

by

Marie-DUine ADRIEN

A thesis dUbaitted "to tbe

Facul ty of Graduate Studies and Research

in partial fulfillment of tbe requirementa

for the degree of

Master of Arts s ..

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Department of French Langua~e ~tld Literature

McGill Univers! ty. Montreal

October 1984

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TAB~E DES KATIBRES, o

IJ1TlODUÇTION • • • ~ • : • .\ • • • • • '.' • • • • • • • • • '. • • • • ~ • • • • • • "lit • • • • • ;; • • 1

Chapitre 1. PONTUS DE TYARD ET LA PHILOSOPHIE PLATONICIBNNE ~,

I. ~ 'II.

Les sources de~Pontus de lys~~ •••••••••••••••••••• , 6 Vision platonicienne de ltaao~r"""""""'r'" 8 Le n6o-platoni •• 'de Tyard dans les ' III. Brreurs amoureuses ••• ' •••••••• ~ ••••••• '. • • • • • • • • • • • • Il

IV. Savoir et mythes dans 'la po6sie de Pontus de Tyard ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

V. PrEsence ~ platonisme dans le Solitaire prea1er ••••••••••••••• c •••••••••••••• ~ •••••••• _ ••••

A. Pourquoi le d1alogu~f ••••••••••• ~ •••••••••••• B. En qùoi le Solitaire prea1er est-il ,!n

dialogue pl.tonicien ••••••••••••••••••••••••• 1. t~s personnages •••••••••••••••••••••••••• 2 • Léa thAlles ••••••••••• ~ ••••••••••••••..••••

Vl. Le

Chapitre 'lI. platonisme du Solitaire Second ••••••••••••••••• . '

LE PLATONISME AUTOUR DE PONTUS DE TYAR1>

23

27 28

30 '32 38 4.2

1. II.

tII.

Le platonisme de la reine de Navarre. ~............ 5~ P.squier et son Monophile ••••••••••••••••••••••••• '8 Le platonisme de du Bellay •••••••••••••••••••••••• 63

Chapitre III. LA PENSEE D'ARISTOTE·DANS L'OEUVRE TYAllDIENNE

I. Le Di.cours du tap.. • • •• tournant

II. philosophique •••••••••••••••••••••••••...••••••••• L'Univer •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• A. Structure •••••••••••••••••••••••••••••••••••• B L "1 " • e , o,cus &moenus .......................... ... C. Les personnages ••••••••••• ~ ••• ~ •••••••••••••• D. Les th~8 •••••••••••••••• ~ ••••••••••••••••••

Chapitre tV. LE RATIONALISME CHEZ DEUX CONTEHPOllAINS DE TYAlU>

68 70 70 71 73 78

1. Guy de Brui ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 94 Il. Jacques Tahureau •••••••••••••••••••••••••••••••••• 99

CONCLUSION •••••• ~ ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• •••• 104

BIBLIOCRAPIIIE •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• .......... 109

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Page 3: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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Pontus de Tyard'. wr1tin@lreflect ~wo opposing-tèndencies: before 1555,

t~e 'body/soul dichotomy, the importance gi"en to ~he spiritual life and the

idealized concept of, love show a atrong\affinity for the Platon1c tradition.

However, by 1556 we may'note a turning point in Pon~u8 de Tyard t 8 phl1olop;ical,

thought: •• 8 develops an :fOterest ln natural science and in a contlJ\uoul

't refleetlon on the human condition, relinqulshing the tOpOI of passionate love

that' dominated his first 1JOrk.8~

The' dm of rhls paper. il to examine, th!s latter o~ientation of Pontus de , '" , "

J 'Iyard'~ thought, through a sty1i.tlc and the1llAt~,c study, in order to cb:aw tP

~ from 1 t ",8 more Aristotel1an vision of existence. This implies an ànalysis of

the id~ological currents which clalm to derive from Platonism,and Aristoteli.m,

u well as (,their many ~pposition. and conc~l~at1onSr 1na81Duch as th,y are J>

relevant to the work of Tyar.d. :

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L'oeuvre de Pontus de Tyard refUte deux teÎlClances oppodes: daM sel

'crit. d'avant 1555, la dichotomie Ame-corps, 1 'importance accord~e a la vie

"spirituelle et 1 .. conception idulisAe de. 1 '.mour, dvUent de fortes affinitb'-

1 pl.tpn~ciennes. Dh 1556, nous constatons cependant un tournant dans. ];a penale

philosophique de, Pontus de Tyard: l'int'rAt qU'il porte aux qu~stlons d'ordre ....

sCi.entif1que se double d'une r'flexion 8out~nue sur la condition de 1 'hommet

dépassant de la passion amoureuse qui dominait dans ses premUres oeuvres.

Ce travail veut examiner, a partir d 'une êtu~e stylistique et th~tiq~e,

cette nouvelle orientation dans la pende de Pontus de Tyard, pour en d~8ager

~ \ une vision philosophique plus "arist:otêl1cienne" de l'existence. Ce qui implique

une analyse des',courants Ùl60logi_ques qui ae rêclament du platonisme, de

l'ari.totélisme, ainsi que de leurs ~onfrontati~Jet de leurs conciliations

1lU1tipies, dans la IIesure oil il, pr6aet;ltent avec'!. 'oeuvre de Tyard des points

de tangence.

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Iltl'RODUCTION , 1

_ De nombreux hu_niste".1 dei XVe et XVIe .ièdes tentaTent un ayncr'tll_ de

la ph:11oloph:1e antique et de 1 'b6r:1tage chr6Hen du Moyen Agé: Maraile Ficin

et Plc de la Miran40le .par exemple, contrlbulrent par leurs cOlllllentairea et

.leurs traductions a populariser et a. christianiser les pensEes de Platon

et des premiers philosophes néo-platoniciens ainsi que 1 t élêment pls..tonic1en \

inhêrent chez certains Pères de l'Eglise. téurs hêritiers propag!rent, tant en

Italie qu'en France, ce "platon1.s11e th6olog1que," florissant jusqu'aux alentours

de 1560. La Renaiasance peut donc" sembler, 1 certaina 6garde, une daction

contre Aristote et ses disciples de l'Ecole padouane, Pomponazzi et Vicomercato

qu~, fidUes aux doctrines 'du Staglrite, lnfluenc'àrent entre autres un Jean

Bodin, opposant la Foi a là' Raison, apds avoir Etê a coup s(lr réactioü7 a ~

( l'aristotélisme scoias tique.

L' 6Volution de la p~n'ée scientifique au XVIe silele est un1fe8tesaent

ralentie par la prudence des êrudits, <tui, tout en rejetant en grand nQllbre la

philosophie aristotElicienne, et MIgrE les importantes dêcouver-t'és de leur

tnps, demeurent fidêles à la physique d'Aristote, camparablé sur le plan de la

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rigueur a celle ,de Ptolémê~. Ce paradoxe refUte bien l'état d'esprit de cette ~_ /

époque tiraillée entre la Btabi1it~ des phênomênea établis et l'insécurité du

progrês.

Il ne faudra' donc pas s' étonner qu'un' humaniste puisse suivre la tradition r

spirituelle n@'o-pl~tonic1enne tout en se rattachant, dan. le domaine de la

science. al' enseignement d'Aristote. L'oeuvre de Pontus de Tyard.

traditionnellement considêr~ comme un des sept 1Ie1Ibres du mouvement poftique

souvent d'a1gn~ COIIUIe la Pl6ia"d~, est repr6sentative de cet antagpni81lle,

Page 6: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

,/

2.

" 'f'-puiaqu 'e 11~ f ai t 'cho àu courent n60-PlatoniJn d~~ la tenais'sance tout en

. s'i?spirant p~rfoi8 des th60ries aristot6liciennes sur l'organisation d~

, - 0

l'univers. De plus, S~8 'cri ts expriment bien le tournant Ph110soPhi,ue qu1:, ..

.. vers le milieu du B1~clt!, êliranle les fondations d'un 'dogmatisme romain d'jl

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r affaibli par les r'percussions de l'~vang6lisme.

Nâ en 1521, 1 Bissy-sur"'F1ey en B"ourgog6~, Pontus de Tyard s~ dirigera,

vers ut\e carrière eccl6s1astique. A la d~ff'Tence de nombreux de ses

contemporains attirh par l'actlvid intellectuelle de la capitale, Tyard o

J

s' 6l01gne relativement peu de sa province natale, pr~f6rant ,recrêer dans lei /

t / jardins' de son chiteau 1 'ambiance, litt~ralre des salons parisiens, et mSme~' •

~,;rr-.JI

.former une "acad6tnie" informelle avant la lettre: il y r-eçoit fr~quemment

,Guillaume ~e8 Autels son cousin, Jacques Peletiet' du Ma~s, et Maurice Scève, ,

,1 qui il voue, ainsi qu' 1 l'Ecole dite lyonnaise, une vive admiration. Il est

en contact avec Ronsard qui l' intêgre il sa "Brigade," et c'est Al' image des "

- ") po~tes de -ce groupe plu~ô~' parisien qu' 11 Habore sa poêsle amoureuse. Três

tôt cependant, Tyard reconnalt.., la sup~riorit~ stylistique du VendSmois et

d6laisse la p06sie, occupan~ de plus en plus son temps à des expêriences et

rêflexions scientifiques. Ndus le retrouvons A hris aux alentoura de 1569; il

participe (1570) aux dêbuts de l'Académie de Poésie et de Musique sous Charle. \1 • IX et dévient ens~ite sous Henri III, lecteur officiel et une sorte de

prof esseur de rh6torique en mêjJle temps qu'aumônier, communiquant au. roi les

dernières d~couverte8 astrologiques, "médicales et philosophiques. Lors de cel . sêjours parisien, il s'intêt're au cercle de pens'eurs assemblés chez la comtesse

de Retz, à qui il dêdlera ses vers de 1573. En rêcompense de son oeuvre, Henri

III le nomme ~vêque de Chalon, ,poste qu'il conservera jusqu'A ce que l~ Ligue .

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( le force-' se retirer en 1593.

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3.

~~, s. pr.oduet1on l1ttêraire est tds varUe: eonsid~d comme le plus êrudit

de. membres de la Plha,de, PC?Jltus de Tyard s' inthesse à toutes les découvertes \1 1 f '~

de .on temps. En 1549 paratt son premier recueil de pohie, Les Er-reurs

amoureuses, d'où ~mane son all~geance à l'univers po~tlque platonicien; en i\

fi effet, l'inventaire de sa-àiblioth~que'nouB confirme qu'il corindt, soit

di rectement, mais plus gênêralement par l'intermédiaire de Scève, l~s écrits

de Ficin; "'Lêon 1 'Hêbreu et Hêroët, et sa poésie traduit le mysticisme et la

"

dimension mythologique de cette tradition. Il complète cet ouvrage par le , ,

Second livre des Etteur.s amoureuses et le Troisième livt'ede~ Erreurs amoureuses,

. respect~vement en 1551 et en 1555, achevant ainsi la premHre pha~e de sa

production littêraire qui ne reprendra qu'en 1573. En 1552, Tyard publie ,-

premier df'alogue, le Solitaire premier ou prose des Muses, et de la futeur >

poétique qui, s'inspirant des dialogues de Platon, analyse les fonctions du 1-

( :. poète et de la po~sie. Le Solitaire second ou prose de la musique, paru en '--

1555, aborde'diff~rents aspects de la musique et, un an plus t~rd, Tyard êcrit :r

le Discours du temps, de l'an et de ses parties, inventoria~t i ',êtymologie des

l

noms des mois et des saisons, et s' int~ressant A diverses autres questions

concernant la nature du temps .. Puis, en 1557 paratt L'UnIvers ou discours des

parties et de la nature du monde divisê en deux parti~s: le Premier Curieux 7

explorant les, relations de 1 'homme et du monde, et le Second Curieux qui aborde

les problèmes mêtaphysiqués de r'univers. l',

Suivra Mantice, opuscule tJ;'aitant

d'astrologie. en 1558, et mis à part un bref retour '1 la poêf,;I,e en 1573 avec

les Nouvell' oeuvres poêtigues, dàs 1560 Pontu5 de Tyard se consacre A, de

nOUlbreuses oeuvres en prose: traductions -- il avait d~jà traduit les Dialoghi

d'amore de Léon l'H~breu en 1551 -=-, ses Hom11ies (1585. 1586, 1588) qui • 1

dfimoqtrent le sêrieux de sa vocation êpiscopale, èt.#'un "traitê d'onomastique

intitulê De recta nb1Dinum impositione. , "

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~e se P&~se:'t-il' cepen4ant aux al'entours de 15551. Kathlee~~~ dans

~ • 1 Pontus de Tyard and his "01;8cours philosophiques" par-1e de "crise" ; ~ . s'agit-il d'une crise ,spirituelle, ou d'une plus grande fami}iar18ation 'avec

les d~couvertes de son temps, q!-li orienterait Tyard de la m~taphys1que 1 la

Ici"ence?

., Il

Nous voud~lons relever en premitr lieu chez Pont .. u~de T~trd, A ,travers

~uelq\1e8-uneS de ses' oeuvres d'avant 1555, les ressembllt'des thêmatiques,

.. stylis~iques et .phi1os0~1queS av~ certains dialogues n6o-pla toniciens. Nous .

~ , analyserons les transforma tions constatêes a ces trois niveaux dans ses 6cri ts ,. d'apris 1555, le rapprochant du rationalisme aristot61Jc;ien. Puis nous

comparerons le Tyard d'avant' 1-555 A Marguerite de N'àvarre--chez qui, dans '

, 1 'Reptam6ron, le personnage de OagouCin reprbente l'extrême du platonisme, en QI f~

~.... 1 l

coirontation avec des attitudes plus terre-A-terre c~~ celles d 'Hircan . !'

Etienne Pasquier, et enfin i un auteur de la Plêiade, Joachim du ~ellay;

puis à

et le . . Tyard d'apràs 1555 i Guy ~e Bruês, A Tahureau, en essayant de montrer par des

./ problàmes spêcifiques, et notamment pour Rruâs celui de la connais'éance, leur

~

confrontation avec Aristote. , .1

Nous tâcherons enfin de comprendre cet achem1nemen~' global du siêcle

vers-sinon un rationalisme extr~m18te-du moins un certain scepticisme.

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l '~lCathleen .. M. Hall, Pontus de _rd and bis "Discours Phllo~oph1gue':' (London: ' Oxford Uni vers1 ty PUll, 1963 , p. 136.

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Chapi'tre 1

PON'rlJS DE TYAllD· ET LA PHILOSOPHIB PLATONiCI~ . , .. 1. Le. .ources de Pontus ,de Tyard

...h Ins'1:er la po~sie tyardienne dans u~ couran't 11 tt'rai~ ou philosophique .,;--

p-artieulier n'est pas ais'. Pontus de Tyard pratique avêc hablled .' "l' innutrition," c'ést-A-dire l'imitation .pratiquêe par les poètes de sa

g'nEration, sans que l'on puisse pàrl~r de plagiat, encore inconnu A .la "

Renaissance. "

Si l'empreinte de son modêle se

jamais de façon' pr.Ecise, comme en t&loigne le , devine parfois, elle n' apparatt

jug'tnent de -Jianey: "[.1]e dois •

accorder A . Tyard un singulier Eloge, c'est que je n' a"'l..~nc~re reconnu chez '\

lui un seul plagiat vêritabî;:--~veux dire une seule pUce qui soit la simple

6 •

refonte d'une piêce- italif!nne. n1 "Aussi, l'analyste rech-;rchant dans l'oeuvre de "

Tyard l'apport de chacun, se découragera facilement; en effet, a'l'époque du

premier recueil des Erreurs amoureuses, Pontus de Tyard, qui ne parle pas(

couramment l'italien, est le fervent diSciple de Maurice Scêve par qui il se

familiarise avec les "quattroceIitistes Il et les pêtrarquisants, Teba1deo, •

Chariteo, Serafino et Sannazar. 4

Par ailleurs, il connait bien l'oeuvre de

Mareile Ficin, en particulier le Comment.aire sur le Banquet qui remit Platon a , .1

l'ordre du jour. Si donc, face a unœme texte, les critiques de Tyard semblent J

de prime abord incompatibles, par exemple l'opinion de Festugiêre: n[E]n 1559,

le tro1siême livre des Erreurs amouJ:euseSj enfin, en 1573, le Recueil des

. nouvel!' oeuvres poetiqul\;s, l'un et l'autre platoniciens ~ 112, confront& au <III

jugement .. de Plamini: "C'est donc un v~1:itable 'c8nzon-kerei~etr8rchesco' diVi.' . \

en trois parties, que le futur protonotaire apostol1qùe et évêque de ChAlon Z

. '

Page 11: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

(

7.

composa d'abord, sous le titre Erreurs amoureuses,,,3 c'est que dans les trois

livres des Erreurs amoureuses, pétrarquisme et platonisme s'enchevêtrent

" continuellement. Ce recueil de poésies tripartite reste fid~le à la métrique

italienne, conservant les vers décasyllabiques ("versi endecasillabi") et

reprenant les formes prêférées des quattrocentistes: la rime tierce, la

sextine, que Tyard complique encore, et la chanson, sans oublier naturellement

le sonnet dont les rimes s'organisent selon la formule conforme au goût des

pêtra rquistes ABBAABBA.

Pontus de Tyard demeure fid~le au schéma, mais plus encore à la thématique

des poêsies d'inspiration pétrarquiste. 'Les sonnets de 1555 et plus tard ceux

des Nouvell 'oeuvres poétiques, chantent la beaut~ d'une dame, belle à l'image

de Laure ou de Délie, que le Solitaire adore bien qu'elle le fasse souffrir, et

paradoxalement, parce qu'elle le fait souffrir. Subjugué par son amour, le

__ ... __ - .... ,m"m5'ète assujettit ses états d'âme aux humeurs de sa bien-aimée, en faisant grand

usage d'hyperboles et d'images que Vianey a retracées chez Serafino, et Sasso: 4

"La Sone enflée au- pleuvoir de mes yeux" (Erreurs amoureuses, l, LIlI, v. 12)

et bien souvent aussi chez Tebaldeo chez qui, continue Vianey," [Tyard] a

appris â faire des pointes sur l'amant 'qui vit sans avo~r vie. ,,,5 Nous \

pourrions donc ranger Pontus de l'yard, par certains aspects thématiques et j

stylistiques, 'aux côtés de~ pétrarquisants; mais de quel pétrarquisme s'agit-il?

D'un pétrafquisme a~u "second degré" peut-être comme le suggère Sau1nier,6 qui .. vertait plutôt dans l'ardeur amoureuse du Solitaire une reprise des sentiments

exprimés dans Délie.

Re~rquons cependant qu'il n'y a pas d'opposition entre les dêtails

de versification italienne, la reprise d'une thématique pétrarquisante d'une , /

part, et la vision platonicienne du monde de Pontus de Tyard--vision qui "

passe d'ailleurs par des Italiens, Ebreo, Fiein, P~trarque lui-même et

..

Page 12: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

(

Bembb ••• - - car sl Tyard s'est conform~ aux exigences du Canzoniel'e, le

platonisme des sdnn~ts que ndus nous proposons d'évaluer approfondit et

accomplit le p6trarqulsme psychologique et stylistique. Nous voudrions dès

lors extraire des vers tyardiens les ~léments liés au platonisme, à commencer

par la notion d'amour, si souvent a1l1~e a 1 'univers po~tique platonicien.

II. Vision platonicienne de l'amour

t.a philosophie platonicienne de l'amour, issue de la vision de l'univers

de Platon, es~ une expérience ascendante eÙlpirique qui, pepsons-nous, ~rocêde

de l'amour gênératif. Dès ce point de dêpart, s'écartant de l' érotisation

gratuite ... platoniciens et néo-platoniciens établissent des correspondances

entre les comportements de l'homme et de l'univers qui devient ainsi un être

vivant: le mythe de l'Androgyne n'assim.1le-t-i1 pas 1 'homme A une demi-sphère

errante, en quête de sa moitié? Dans la même veine, L~on 1 'H~breu propose une

relation g~n6ratrice entre le' Ciel et le mOllde sublunaire par l'intermédiaire

11 des' sept planêtes. Très_ vite cependant, la dualité intrinsèque à 1 'h_

8.

apparatt: si les corps des amants s'attirent et se suffisent, l'âme se souvient

de la Beauté pl~nière jadis contemplée et il germe en elle un puissant dêsir

d'évasion vers l' au-del.il, désir frustr~ par la persistance de l'attirance

corporelle. L'allégorie de l'attelage de l 'âme guid~ par un cheval noir-e

..,. . . symbole du corporel--et un cheval b1anc--symbo1e du spir1tue1--dsume le combat

intérieur qui se livre. Il ~8t intéressant de constater que seul le Beau, -'-~ • \.

parce que son souvenir empreint l'âme plus fortement que n'importe quelle autre

Id~e, provoque la r~m.1n1scence, d~clenchant l'ascension vers la fina!1tê divine,

ascension qu'~ partir du mythe de la Caverne nous voudrions d~~!re. (

Dans La République (VII), Platon, voulant dêterminer le rôle de l'êducation, ",

synthétise ses vues par le mythe si connu de la Caverne., qui sert de rEf6rence"

Page 13: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

1 .-..

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9.

l de n01lbreuses analogies poêtiques platoniciennes. Il en ressort que la \ -

vêritab1e êducation consiste 1 orienter l'hommé vers le but auquel

v~ritab1ement il aspire. Ainsi, par ce mythe, ce que l'être perçoit face au (\

mur de la caverne n'est que le teflet d'une rêaH. d qu'il ne pourra connaltre

dans sa plénitude qu'en s' or1entant vers la lumière du soleil. Evitons donc

d'~tre esclave de la vision (1 plus forte raiso? d'aucun des sens) qui s'avère

souvent trompeuse: seule la position du regard intêrieur dans la bonne direction

màne à la vêritê. De la même façon, l'âme mal orientêe n'entrevoit que les

reflets 'de la Vêrit é que lui rév~lera la Lumtêre Di v:!ne, en la dégageant de la

matière pour la conduire vers le monde des ldées~

Toute la poêsie platonicienne est donc sous-tendue par les analogies

entre le so len, les y~ux et l'âme,. L reste encore 1· comprendre pourquoi la

vition, lorsqu'elle a trait 1 la bien-aimêe, peut être trompeuse; c'est qu'au

premier abord elle est perception extérieure et sensorielle. Peu 1 peu,

l'~mant vêritable selon Platon de~a surmonter l'attrait pour les ye~x et le

'r co.rps de sa bien-aimêe afi"n d'apprêcier ses seules vertus. Dès lors, le désir

Bublimê deviendra respect, voire contemplation, et les donnêes de La République

colncident en Ull de compte avec celles du Banguet. Quand les amants auront

f pleinement connaissance l'un de l'autre, leurs âmes se dirigeront ensemble

vers l'univers des Idées où, ayant atteint la pure essence du monde, 'elles

demeureront et se rejoindront dans la contemplation du Beau et du Bien rêunis',

soit la "Kalocagatie" platonicienne qui chez les nêo-platoniciens correspond 1

l'idée de Dieu (Léon 1 'Hêbreu plus encore qu'Hêroët ou Tyard, insistera sur la

connaissance inhérente 1 l'amour, car conform~nt aux commentaires de Socrate

dans Le Banquet, on peut selon lui dêsirer mais non pas aimer ce qu'on ne

connatt ~a8; ainsi, la première phrase des Dialosues d'amour: "La congnoissance

que j'ay de toy (6 Sophie) engendre en moy ÂI\Our et Dêsir,"7 résume s&

J

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Page 14: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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conception intellectualisée. de l' a1llour, qui se définit comme une· sorte de

passion pTécêdant la vraie connaissance des vertus de l'Atre ai1llê.) L'amour -peu a peu devient religion, et le c01lmentaire de l'étrangère de Mantinée,

personnage du Banquet de Platon, divulgue la pure essence de l'a1llour

platonicien:

[Clar la vraie voie de l'amour ••• c'est de partir des

beaut6s sensibles et de monter sans cesse "ers cette

beauté surnaturelle en pVs'sant comme par 6che10ns d'un

beau corps à deux, de deux à tous, puis de beaux corps

aux belles actions, puis de belles actions àux belles

sciences, pour aboutir des sciences a cette science qui

n'est autre chose que la science de la beauté absolue

et pour connattre enfin le beau tel qu'il est en 80i.8

10.

\

Cette vision de l'amour, base de ,1 'univers po~t1que platonicien, et populari.6e.

.. par le Commentaire de Marsile Ficin et sa Theologia Platonica, imprègne

fortement tout un secteur de la poésie de la Renaissancè, car il ne faut pa. "

oublier que la connaissance renouvelée des écrits de p'laton (et la

christianisati6n de ses idées) constitue une des dimensions principales du

nouvel esprit ~hi1osophique, et que la poésie renaissante englobe ces Uana de

la pensée. Ainsi t ce qu'on appelle au seizième sUcle littéraire "platonisme.!!

se définit principalement par l'amour spirituel, l'immortalité de l'âme

t;! défiant son emprisonnement dans la matière, la doctrine de la connaissance,

ainsi que (nous l'analyserons plus tard) la fureur poétique et les autres

fureurs qui déclenc,\ent l'ascension spirituelle. Ces notions majeures relien~ ... les platoniciens entre eux et forment les critùes du platonisme. Pontus

de Tyard eat fort reprêsentat,if à cet égard, et les Erreurs .. oureu.es

trahissent son profond attachement a .ce courant poétique et philosophique,

,

/

....

Page 15: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

, r

1 t " ! , 1

( ,

, . , .

- '- -~ ... -- ~ -~-_ .. ~- --"'-

attache_nt dont nou1a nOUa propolonl" de rechercher leI indices. ~

III. Le nEo-platoniame de Tyard danl les ''Erreur. amoureule."··

11.

Dan. la tradition poEtique n60-platonicienne, 11 elt ah'-' de conltater que v

le COrpl de la bien-aim'e est le premier ob jet de l'amour: bien qu' il

ne puisse constituer qu 'un premier degd de l'ascension contemplative. Ce

point de d'part purement corporel, fait néanmoins partie InhErente d~ t,

\) . .. platonisme, puisque ~laton lui-ml!me l'admet dans Le llànguet: Socrate, e.

dUrant au discoUrs de Diotime, explique comment 'le commencement de l' aJIOUr

est en_ fait dêsir d' immortalitE: "[L]e d'sir"de l' immortalid est indparable

du d~sir du bien. • • puiilque l'amour est le d'sir de la polleasion ,

perpêtuelle du bien: il s' ensuit nêcessairement que l'amour elt ausai l'amour de

l'immortal1tê.,,9 Sur le plan concret, 'l'amoul' le ganifeate donc par un dEsir

charnel, comme le fait entendre Dioti_: "Quiconwe veut, dit-elle, aller 1 , ï . .

ce but [la contemplation] par. la vraie voie, doit c01ll1lencer dans sa jeunesse ,\~"

par rechercher les beaux corps. ,,10 Et, continue-t-elle, cette attirance

corporelle tae transformera au fur et 1 mesure en attraction spirituelle afin

que le seatiment d' a1l.Our at~eigne sa p~6ni tude dan. la contemplation di vine: '1

"Celui qu'on aura guidE jusqu t ici sur le chemin de l'amour, apra. avoir

contemplE les belle, choses dans une gradation r'gu1Ure, arrivant au terme

suprAme, verra soudain une beaud d'une nAture merveilleuae ••• beautE

qui ••• existe en' elle-mlme et' par elle""&_, Simple et 'ternel1e •••

Les poètes nêo-platoniciens des xVe et XVIe .Ucles calquarent donc leur

• .. 11

conception de l'amour sur 1e8 r'flexion. tir6e1 du Banguet, in81s tant .ur le

principe philosophique de l'attirance corporelle. Par exemple, le aecond

deI Dialogu~s d'amour de LEon l' H'breu inais te lur l'importance de l' •• our t

gEnEratif, non pas aeulement chez 1 'h01ll1le, _11 l toua 1 •• niv.aux

~

..... ------

Page 16: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

t (j \

·1 . \

1

1 f 1

:. ( !

..

d' exi. tenee de l'uni ve ri. Parce qu' 11 adaet la pr'senee de l' a1lOUr, ou du

~ins d'une' aDdtl~ r6clproque entre le~ animaux, l.s plantes et les 'astres, , ,1 'H'breu polarise nettement toute la crbtion en symboles mile et femelle;

son protagon:1ste Philon expliquera 1 Sophie: "Ainsi vois tu (Sophie) 1. Ciel ,

12.

cca .. parfait _ry de la t'erre avec tous aes lleabres organiques et hoaogenll se

IIOUvoir et efforeer de jetter S8 s ... nee en icelle, et en icelle engendrer tant

belle. et diverses generations.nl2 Sophie, ayant cOllpria les parall611s_s entre

l'univers et 1 'hOllUle, conclura: n[L)a principale et plus cOlllalne cau.e que je

voye de l'amour est la generation. nI3 '.

Comme le ~era remarquer Perry Jans son introduction AUlt D~alo8Ues d'a.our,

Laon 1 'HEbreu accorde une place de choil: a l'iapulsion prea1are, corporelle,

et ce n'est qu'apra. que la mutation en aspiration spirituelle s'effectuera;

.elon Perry "Leone states that the principal Und of love~ in both un and the

phYl1ca1 univer.e ls generative •• ,,14 • •

Au seiziê .. slacle françai., c'est peut-Itre La Parfaycte Amye d'Antoine 1

H'roët qui suaghe le plu. l'iaportanee de l'attirançe physique: ce long pot. t

• 'in.pire du quatrième livre du Courtisan de eaIUg1ione, t.ras en vogue 1.

1 t'poque, et d6veloppe la th'or1e· platonicienne de l'allGUr. Quand H6roët

d'peint franchement l'attirance physique entre 1e~ amants, il ne d6nigre pa.

du tout cette attirance, adoptant plut8t face a elle une ,attitude pleine de .. : coaprlhenlion, cOlDme le montrent les exeaplea .uivanU:

Mon aag~ pas éncores ne souffroit

De yeoir les biens que son esprit offroit;

• Je Il'arrestois aux ehoses apparente.,

Dont f eDUDea sont cOIIIDlunement content.s, '1

A la couleur, a la lineature,

A je ne scay quelle bonne nature,

".

Page 17: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

,

)

(.

c

Dont .. inte f ..... ,avant que 1101 hant'e;

AvoU el tA .urprinle et enchantAe,'lS

Bt plu. loin, -,,'::-, J'

Que 1 ... in touche. ou que la bouche baila.

Cela n'elt pal pour de.honneur cOllPt6; ,

C' e.t ung inltinct de naUve bond. • • 16 •

..

HAroit rejoint en ce lenl le Pierre, Bembo du CouItiian. qui ad_ttait le

bai.er lllme chez les plue, chastes 81IOureux, selon son interprAtat10n de la

pensEe de Platon.

La jouis.ance corporelle U 1 elt donc paa coodamnêe de prime abord, a 1 ~

" cood! tioo qu 1 elle aerve de tremplin vera la>' vraie jouia.ance. de nature

'" spirituelle, ce qu 'B6roët exprime danl cel vers:

De la beaut' toutesfoia que je dy

Ne fut lIOU cueur follement estourdy,

Pour la penser, seule eltre occasion

} De telle ardeur et persuadon. l7

13.

Noul voyonl donc clairement combien les auteurs n'o-platonicieul reconu1alent

l'i.portance de cet 'lan premier de nature phy.~que. L 'h'ritage de cette J'''''

tradition n60-platonicienne justifie, sur 'le plan po'tique, la vive adDiration • w

que auscite le corps de Pas.ith6e dans les Erreur. laoureueel de Pontus de Tyard.

Tour a tour, les diverses parties du via.ae de la dame sont lou6es,

l'apparentant au visage universel des bien-aimées de la po6aie

n'o-pla~onic1enne., C01llJlle' le fait remarquer Lapp: n[I]l [Tyard] puise au fond

COlllDlUn 6ta bU depuis longtempl. Les yeux. de la belle sont des soleill, Ion

front d'ivoire poli, son visage blané et rose, de vermeil et dfalbltrej .a ~

bouche faite de corail, ae8 cheveux 'crespea' et d'or, se. mains blanche. ou

'marbrine.j' sa poitrine forme 'deux coutaux d'albltres;' .11 lourcil. sont

Page 18: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

1 ; r i l '

l, 1 i

1

1

(

de. arci cl"biue. n1B Rien de· tout ceci n'est nouveau, mais ,rappelle par ( - .

exeaaple certains poilleB d1,1 Canzoniere de P'trarque: ~ard, 'en ~ffet, tout

Com8e le poate italien, admire plus que tout les yeuX 4e sa bien-aimée (qui ~ .

reflàteront lei vertus de Palith6e) et leI aBsimile au Bole11. Ainsi, dans

cette louange au regard de la dame: ~

Le doux regard, ou fier tret de cest oeil,

Fait ou joyeuse, ou dolente toute ame,

Et -temperez, ou non, les Elemens. 19 • • •

Tyard reformule ces vers pêt rarquistes:

Era' il giorno ch'al Bol si séoloraro

per la pieta del sua fattore irai,

quando i' fui preso, e n0l!., me ne guardai,

chA i be' vostl"occhi,' donna, mi' legaro.20

.'

De plus, la même blon4èur êclatante pare le viBage de Pasith6e comme eelui

bde Laure, donnant lieU encore a des r~f6rences l l'astre solaire; il y a en

effet certaine. liailitudes entre ces deux pa88age.~

.. Tyard:

Lors que je vels ces cheveux d' or d~b •

.# Je la cu1day au Soleil comparer. 21

P6trarque:

Erano i capei d'oro a l'aura spar.i,

che'n mille dolci nodl SIl avolsea ••••

Uno spirto celeste, un vivo ~ole >

fu quel ch' i 'vidi. • .• 22 • ...

Tout comme PAtrarque, Tyard admire chaque 'trait du CÔl'p" "Sel dix doigt.

b~rd& de perleB fines, ,,23 ''Hors des coraux de cette bouche nette, ,,24 '

"Je veis rougir son blanc poly ivoire, .. 25 jusqu'l ce que. 1 'harmonie loit

. ,~.

j

14.

..

"

Page 19: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

..

. ,

coaplête lorsque Pa.i~h&e fait entendre sa voix:

Mais quand le son de .a voix penetra

Dans mon ourr, l'imagination ;. • •

Au ,plus parfait de' son parfait entra •• • • 26

on loraqu'~lle se met a danser: • \ ' 1

) Tant dextrement ses pal el~e compasse,

Quand a danser par fois elle l'ingere ••• \ . 27 •

Dês lors, la bien-aimêe se mue en perfection cêleste que Tyard n f h6site pas'

A qualiUer d'angUique beautê: "En t'adorant, Angel1quement bell~,,28

"Vostre Angelique et divine beautê, .. 29 reprenant le vocabulaire de Pêtrarque

dans ses louanges a Laure.

Nêanmoins, conform'-ent a la hi6rarchie sensorielle platonicienne, la

IS.

, 1 1

jouissance ,\de l' amant demeur~ visuelle, par.fois auditive, toujours intellectuelle.

Par ses conclusions du Tlm6e, Platon caassait la vue et l'oule parmi les dons ( •

divins, permettant a l'individu de s'61ever du microcosme humain a l'êchelle

mondiale. Il envisageait ces deux senl dans une optique finaliste, allant

au-delA du r6sultat immêdiat:

JIA,: \

Dieu a invend et nOU8 a donn6 la vue, afin qu'en

contemplant les 'rEvolutions de l'intelligence dans le

~iel, nous le8 appliquions aux rêvolutions de' notre t~~ ..

propre pensEe.. •• [E]t qu'après • • • nous puissions,

en imitant les mouvements absolument invariables de la

divinltê, stabiliser les n8tres, qui sont sujets A

l'aberration.3°

[L]a parole nous a Etê octroyêe pour la .me fin et

elle contribue dans la plus large mesure a nous la faire

atteindre, et toute' cette partie de la musique consacr'e A

"

,

Page 20: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

( "

""

-, ,

(.

1 • aud! tion de la voix noui a Et! donnêe en' vue de l 'ha1'llOnie.

Et l'harmonie ••• a EtE donnEe par les Muses a l'homme ••• J

pour nous aider'a rêgler et a mettre a l'unisson avec elle-même

la rEvo1ution., d6dg1Ee' de l'âme en noua. 31

Tia'e s'intEresfie donc A l'ultime raison d'être de la vu-; et .de l'oule,

c'est-A-dire la cont~p~ation du Beau. Dans Hippias majeur, Socrate

d'finisaait lui aussi, de la mêtœ façon, le rôle de ces deux sens: "Socrate:

[S]i nOU9 r~pondions a cet audacieux questionneur: ~~ beau, mon brave, c'est

le plaisir que prC?c\lrent l 'oure et la vue," ne cro1s-tu pas que noua

rabattrions sa hardiesse?,,32 Ainsi, das l ',instant oil la jouissance nfe~t plu. , "

dans l'apprEçiation sensorielle et concrête, mais dans une sublimation de

lrobjet vers le ~nde des Id6es,--dans le cas de l'amant, la vue de sa

bien-aimEe 1e~ .. guide vers l'Idée du Be~u--ce.tte jouissance devient

intellectuelle. Si la vision et l'audition nous transmettent la beautE de

16.

l'univers sous forme de perception matErielle, l'homme devra toutefois dEpasser , .' f,: les images et le8 sons pour atteindre le modale de~l'ldéal: a travers les

harmonies de la musiqu~ il perçoit l'harmonie Eternelle et participe a la ,

connaisBance du bien supr3me, et grâce A l'oeil qui est la mat'riali.atio~ du .Cl

regard interne, il doit espérer attein~re la coptemplation divine.

51 tout le recueil des Erreurs amoureuses traduit cet amour platonicien,

le sonnet VII du premier livre rEsume les fondations spirituelles, du senti.en~:

Au premier tret, que mon oeil rencontra

Des ~ins parfaits de sa perfection, \

La plus grand part de ma devotion

Soudainement en elle 1dolatrs • ....

Hais quand le son de sa voix penetra

Dans mon oulr, l '''imagination

Page 21: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

(

"

) 17.

Ravissant haut ma contemplation,

Au plus parfait de son parfait entra. 33

A travers toute la poêsie tyardienne, nous prenons conscience de l'admiration ,. 4

du poête, qui se manifeste tr~8 souvent par une'appr6ciatioJvisuelle, comme

ians les vers ~uivant8 où, ma1grê ce qu'ont pens6 certaine interpr~tes, le .1

contexte prouve abondamment l'absence de toute autre jouissance:

Et, plus loin:

,.

Le grand plaisir, que j'euz de toy jouir,

Feit tellement mes deux yeux esblouir • • •

Content je fuz loing de toy m'absenter. • 4

tl1e ha (dit-il) tant de beautez ensemble

Qu'elle esb10uit mes yeux de tous co~ez.35 "

34 •

• • •

Les vera tyardiens semblent donc faire êcho aux propos de,Philon, protagoniste

des DialOgues d'amour de L~on l 'B6breu: "[A]usa1, communement l'oreille

pres~ppose que l'oeil soit, comme principale source et origine de~ 1

l'intellectuelle congnoissance. Quant aux trois autres sens, ilz sont tant

corpore1z qu'ilz sont plustot faits pour congnoitre et user des choses .

necessaires a la substantation de l'animal, que pour la congnois8ance

--intellectuelle.36 De plus, la po6sie tyardienne continue la tradition de ~rsile

Ficin, qui, dans le Commentaire sur le Banguet, valorisait d6jl les deux sena I.e

de la vue et de/l'ouIe; ''L'amour n'a pas besoin de 'flairer de gouster ou de

toucher, attendu que tels sens ne sont autres choses qu'odeurs, saveurs, chauld

et froid, mol et dur. ,,,37 De ce fait, assoc:U a une final1tê intellectuelle, ~ '-,

l'amour ne Be veut que vertueux et chaste. ,Et pourtant, malgrA les nombreuses

tentatives de la part du Solitaire pour spiritualiser son amour pour Pasith6é,

il Y a, dans le9 trois li~es des Erreurs amoureuses, de quoi prouver la

rlalit6 du dualisme qui le d'chire; 1 maintes repriles noua le voyona lutter

'.

.' ..

Page 22: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

..

(

(

contre son attirance physique réelle, et tenœr de replacer son sentiment sur

un plan plus élevê. Certains vers sont en effet parfois équivoques, comme la

rép~ique suivante de Pasithêe, qui laisse supposer une rêcompense corporelle, ,

ou du moins un apaisement des tumultes charnels du poête:

Ami (dit elle en visage amoureux)

Je mettray fin a tes jours langoureux,

Pour cpmmencer tes bien-heureuses nuits.38

De la même façon, il' suffit de 1ir~ des passages tirés du premier livre

des Erreurs amoureuses pour comprendre l'effort constant du Solitaire pour

" 18 •

/ refrêner ses impulsions physiques, et guider son amour sur des voies spirituelles.

Les vers que voici dêvoile,nt en effet des aspirations charnelles et émotives:

Qu'à ton mal grê ma moitU condescende

A r'assembler l'amqureuBe Androgine. 39

Et c'est un être tourmend par le dêsir d' êtreindre sa bien-aimêe qui

\

s'écriera:

Je croy qu'Amour prend en mon mal plaisir, ~

__ ~ M'ostant espoir, pleurs, souspirs, et desir, -Qui allegeoient ma vive maladie. 40

Le sentiment du Solitaire envers Pasithée est donc plus complexe qu'il

ne le paratt tout d'abord: parce qu'il aime véritablement sa dame, Pontus

de Tyard essaie, avec parfois des faiblesses, d'intellectualiser le tOl!!"!I'ent

physique que suscite la présence de Pasithée. Dans l'ensemble, il est toutefois \.\. .

• clair qu'il apprivoise sa passion corporelle et opte pour un amour plato,nic1en,

sinon "platonique" dans ses origines.

En surmontant son dêsir physique, l'amant recherche aloA les V"ertus

de la dame, ce qui conciliera 'beauté et bontê. S'il est vêritablement inspir6 '1

par des sentiments platoniciens, c~.est par ces attributs apparents qu'il 1.

Page 23: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

"

..

atteindra le Bien r~l, car, dans la philosophie platonicienne, Beau e,t Bien

Bont deux facettes d'une mêae rêalit6 suprême, et c'est 1 travers le8 formes

de la beaut~ que le poête amoureux devra découvrir le Vrai. Ainsi pensait

Diot1ae, affirbant la sup'rioritê des vertus de l'Ame sur la beauté du corps,

et d'finissant comme suit le rôle de l'amant:

[1]1 doit se fai~e l'amant de tous les beaux corps, et

rel!cher cet amour violent d'un seul, comme une cho8e de

peu de prix, qui ne mérite que dédain. Il faut ensuite

qu'il considêre la beautê des âues comme plus précieuse

que celle des corps, en sorte qu'u~~ belle Ame, même dans

un corps médiocrement attrayaIlt, lui suffise pour atti~er 1)

son amour et ses soins. • • .41

De la même façon, le Solitaire, allant au-delà des charmes de Pasith6e, (qui

ne sont que reflets de la beauté manifeste en celle-ci) apprécie avec une

ardeur croissante ces vertus, progressant ainsi dans son ascension vers le

vrai; ~ son tour il aceepte alors-en son âme les vertus qu'elle exige de lui:

Quand ton chaste oeil cruellement piteur,

Accompagnê d'un nenny despiteux,

~ D'un de ses trets 1 mort me foudroya. 42

Et, il enrichit d'estime un amour déjà dêvorant:

o mon desir, cesse de desirer

Un bien trop haut, que tu ne peux avoir.8• • .43 ,

Peu 1 p~: par cette conciliation des vertus tant physiques que .orales,

l'amant tend vers l'unité qui le rapproche du monde platonici~ deI ld6es. P-

A ce point se déclenche la r6m1niscence platonicienne, et c'est alors la

troisi~me êtape de l'ascension amoureuse, où la vision du poête s'universalise,

s'identifiant aux forces de la nature, comme Diotime l'explique 1 Socrate . /

19.

.'-.. .,. , , .

Page 24: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

(

""

(

dans Le Banquet: l

Tourné désormais vers l'Ocêa~ de la beauté et contemplant

8es multiples aspects, 11 enfantera sans relAc~de beaux et

magnifiques discours et les pensées jail1irônt en abondance

de son amour de la sagesse, jusqu'a ce qu'enfin son esprit

fortifiê et agrandi aperçoive une sciencè unique~ui est

1 44 ce le du beau. • • •

.poiltus de Tyard êlar!p- t quant a lui 80n amour p~ur Pasith6e j' ,et n'hésite

pas A peindre cette dern~êre en reine de,la nature:

D'elle le nom s'estend par tout le Monde.

Hais, ec1ipsant, sa clarté cessera,

Jamais le nom d'elle n'eclipsera.45

, .

La femme cease alors d'~tre un simple personnage humain, mais assume plutSt

une dimension nouvelle d'univers41ité, tr~duite en poésie par les multiples -comparaisons astrologiques, et les constantes analogies oe1l-S01e11, dont nous

avons dé.ji souligné l'importance pour les ~tOn1Ciens. Les exemples qui

suivent illustrent cette "mutation" de Pasith6e, dont les yeux, plus que de

rar,es u:aerveiJ.1es, devienJU!nt les reflets d 'Id6es divines: c

SouS' ton haut front, qui le .,cler Ciel ressemble,

Sont deux Soleils gracieux et 1uisans •• 46 . . Oil encore,

Un jour Amour voltigeoit dans tes yeux,

'Ou bien plustost en tes soleil. luis.ns •• 47 • •

Et plus loin:

Et de ees ~eux Zaphirs la beaut~ rare,

Qui va pillant des trois Graces la gloire:

Ne me pourront sortir de la 1IIe1IOire. • • 48 •

;'

"

20.

Page 25: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

1

La .femme aimée contient l'univers dans son regard; elle est,microcosme • 1

du monde et de la Nature; ausSi, Pasithêe est-elle associêe à la sp~@re dans

sa perfection et refl~te par là même le bien suprême:

D'ardeur, et pleurs ma Dame me consume.

S1 par tout luit, sa grande Sphere ronde,

D'elle le nom s'estend par tout le Monde. 49

L'organisation de cette sph~re, rappel de Platon, sera explicit6e dans L'Ode

. III, intitulée "Du Socratique":

o centre, où sied la bontê • . . Fais qu'en ta circonference,

Des saints raiz de la clarté

De ta 1uad~re feconde

Incorpore sa couleur. 50 . . . Il est clair que la dame "devient" cette sph~re, dont le centre est la Bond, '\ L"""

·.If 'f

21.

et la circonférence la Beauté, exigeant du vrai amour qu'!l découvre les vertus

cachées par une si belle apparence.

Par cet amour agr~ndi aux dimensions de l'univers, les âmes des deux

o amants s'uni~nt, se confondent; Pasithêe et le Sol'Ü.taire n'exlst~nt plus

en tant qu'entités autonomes, mais renaissent par cette union spirituelle

et sont désormais ces "morts vivants" réincarnés l'un dans l'autre par ~n

amour vêrltable. Pour Lêon l'Hébreu, la nature spirituelle de cette union

explique sa spontanHtê et sa perfection, comme 11 apparatt dans ces propos

de Philon:

" [A]m6ur,est un desir de parfaite union de l'amant

en la personne a~êe • • • • Bien est ceste penetration

possibJ.e entre les "Ames"~en italiques dans le texte),

,

Page 26: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

r

. "

car le8 choses spirituelles incorporelles se peuvent , .

contrepenetrer, unir et convertir }..'unè e~ l'autre "par le8

effect8 spirituelz et l'efficace des mentales operations"

(en italiques dans le texte) .51

22.

Chez Tyard, cette transformation devient pleinement dElivrance, en même teapa i

,que lien rEc1preque: Cl

Noz deux esprits d'une cOIIlplexion, \

Sont eslongnez de toute passion,

Passion qui tourmente. • • .52

'Et, désormais, dElaissant les exigences charnelles, l' 'me s'envole purifiEe

vers les sphêres célestes de 80n origine. Fait crucial, la perspective de . ,

la mort, loin de dêtruire l'union des amants, leur dEvolle l' immortalid

s-pirituelle; de ce fait, le Solitaire ne l''!pprEhende pas: •

• ' • • [M] on la8 coeur mourant A son service,

Pour aggreable et plaisant sacrifice,

S'offre aux autelz de, mon idola trie. 53

.'

Il. Il!Jlble même parfois espérer cette mort qui l'amlnera a la contemplation divine

Eternelle:

Vuelllez donq Dieu que tant· qu'elle sera

En ce bas monde, et qu'elle'y filera

Ses ans, que j:y demeure:

Et quant a soy i,l l'aura retirb,

Pour enrichir son haut Ciel Empyrée,

Que tout soudain je meure. 54

Cette -attitude face A la mort 'explique le8 fréquentel allusions 1

l ' immortali t~ de son amour, reprisés dan'a chacune d~s" dédicace. introducti vea Y" Il

de les trois livres de poEs!"e:

" ..

Page 27: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

"

,

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, 1 . t J

1 ,~

(-

[D'] autant veux-je immortellement consacrer mon ame

en contempl~t1on de vos tre grandeur, et mon reste

i. l'obeissance de voz commandemens. 55

[JJe desire l'heur et le contentement vous faire

perpe tue 11e compagnie. 56 ,

L'univers po~tique platont'cien imprègne 1e8 vers tyardiens d'une mystique

solennelle: Pontu8 de Tyard a g~néreusement puisé qes images, ses mêtaphores

23.

et tournures stylistiques dans la tradition n~o-p1atoniclenne, où les poêtes se

font écho les uns aux aut:res. FidUe il ses pr~d~cesseur8 tels que Ficin,

l 'HEbreu, H~roët, l'auteur des Etreurs amoureuses associe constamment amour et .

religion •

Hais, si le premier livre trace l' ~volut1on du sentiment amoureux, le

second et le troisième s'attardent davantage aux éUments ~!t0~dgiques, si

liEs 1 la vision po~tique platonicienne. 'Aussi, dans une ~ouvelle étape,

voudrionsllous examiner l'univers intellectuel du Solitaire, tel qu'il apparaft

dans les ~~mes de 1551.

IV. Savoir et mythes dans la 206sie de Pontus de Tyard

Les affinités platoniciennes ,de Pontus de Tyard ne se Hm! tent pas ~ Ba

conception de l' amou!'. Si, comme nous l'avons êtabli, le recueil des

Erreurs amoureuses projette une vision platonicfenne du sentiment amoureux, .;; 1 )

le lyrisme y côtoie de nombreuses r6Urences i astrologiques, cosmologiques et ."

mythologiques.

Alors qu'il y a três peu de mythologie au livre l, il Y ei( a progressivement

de plus en plus dans les livres Il et 'III des Erreurs amoureuses, ceci rAsultant

probablement de l 'hellénisme' croissant de Pontus de Tyard, tant personnel que

11E . i. la Pléiade. et" 1 ses convictions. La diffusion du r'pertoire mythologique

"

a

Page 28: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

(

24.

de Boc.cace qu'est: sa Genealogie deorum édifie parmi les poètes de le Plêiade

une conception du mythe par laquelle toU'"te haute poésie est mythique, les

Anciens poss~dant et of frant le trésor des mythes qui deviennent· ainsi un

ense1gnem~~~ dHectab~;. Toute la premiàre moitié du ,XVIe siêcle insistera

fortement sur le rôle pédagogique des mythes 1 leur déléguant la formation

morale et thêologique des êtudlants. Pontus n'a pas étudié 8U co1Hge de j

Coqueret et n'e doit sans doute rien à Dorat; on peut donc penser que tout vient

de ses lectures personnelles, en particulier celles des néo-platoniciens du XVe

si~cle. Pontus de Tyard est en effet un êrud1t, 9 'il a peut-être pris

connaissance des livres d'Emblèmes, qui regorgent souvent de mêtaphores des

parties du corps pour celles de l'esprit, il connatt certainement l'oeuvre de

l'astrologue Francesco Giorgio, De Sarmonia Mundi, datée de 1525, synthèse

marquante nas connaissances scientifiques de l'époque: si l'architect~re

cosmologique au XVIe slêcle demeure aristotélicienne, son ordonnance, sa t"

r~gularité et, sa finitude r'sumant les principes d 'Aristot" l'lntet'pr~tat1on

de ce systàme provient de la philosophie platonicienne. Non pas

'J' l'i~terprétration de l'univers des relations math&1atiques, que dévoileront

Desc.artes ou Newton, mais celle d'un univers encore tMocratique, imprêgnl de

croyances implicites.

Clos, circulaire, hiérarchis~ en quatre êlêments auxquels se superposent

dix cieux surmontés par le ciel èmpyde, ce monde s6ocentrique, l!laboré autour /

.de la terre, sera ob je t certes .cie science et de religion:t mais t r~s souvent

auss!, pour 1 'humaniste de la Renai.isance, source de poésie. ~ ,

Ce système cosmologique assujettit l 'homme à des forces planétaires,

mais il l'englobe dans l'univers. Kib6di Varga suggàre qu'à la Renaissance: l .. ~ Le monde es t un tout; tout est en rapport, et 1 'homme, placé au centre de ce

tout, voit et: subit ces rapports. ,,57< Aussi, la poésie tyardlenne exprlme-t-elle

'.

Page 29: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

;

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25.

trh souvent l'influence des astrea~ aur la destin6e hUMine:' "Si l'Astre,

aui~ fa~al1d, .. 58 ou encore: .

Le Ciel, qui fut mon haut Ciel Empyr6e • • •

Pour a'affoiblir rend 8S force empirfe.

La Sphere en rond, de circuit ta8s6e • • •

En nouveau cours contre moy s'est poo88'e. 59 .

Et déjl Be dessine la fascination de Tyard pour la notion de temps, qu'il,

développera quelques années plus tard dans le Di8coyrs du temps. de l'an

et de .~ parties.

Sa traduction de Léon l'Hébreu l'a amené a étudier le8 oeuvres des

mythographes de l'~poque: De Dei8 Gentium de Giraldi en 1548, Hytholo8iae

libri decem de Conti en 1551, et plu8 tard Tyard lira sQrement Imà8ini de11l

~ de Cartari dad de 1~6; toutes ces publications expriment un alUgorisme

traditionnel, fort utile par exemple a l '-écrivait;' ou a l 'historien. N'oublions

'.' paê, non plus que depuis la fin du XVe slac1e, on riimprimait constamment les

traités des mythographes antiques et médiévaux dans des éditions "cum commento,"

où les Index compUtant les textes faisaient de chaque ouvrage un livre de

référence pbur l'écrivain. Pontus de Tyard s'est donc peu 1 peu impr6gn6

de tout cet apport mythologique au ,coure. de 8e8 lectures, ce qui lui permet . d'enrichir sa poésie et peut-Itre aussi de la rendre moins accessible a la

masse populaire; car Tyard, nous le ,avons, désire plus que tout des lecteurs

qualifiés et cultivés.

.. ',. Par ailleurs, la richesse mythologique de8 Erreur. amoureuse. a-t-elle

seu~ement une origine platoniclenné'l La question est délicate, car il faut

distinguer deux registres mythiques: ..

le premier, trb restreint, 'regroupe .......

les mythes platoniciens. Tyard fait par exemple allusion dans ses sonneta

a l'a1lEgorie de l'atteiage de l'Ime:

..

Page 30: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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3, (Clieval rebour) la feit choir,

MalgrA- l'autre aux blanches a.s1e •• 60

Et au ayth. de l' Androl1Ut:

Ma maistrelle ~smeuë l piti'

Du. travail de mon amiti',

Me choi8is8ant pour sa moitié,

Joingne 1 ma vie heureuse,

L'Androgine amoureuse.el

Mai 8 , le pl"s souvent, Pont~ de Tyard puise dana un a.cond regiltre qui

englobe la foisonnante' mythologie gréco-romaine, et il semble particulilr ... nt

attiré par le mythe métamorphique, ce qui ae justifie par se8 pr'occupàtiona

en astronomie et en astrologie. Pontus de Tyard reprend tr~s souvent en effet

les mythes et les fables traitant de métamorphose, par exemple le mythe d'Aracho'

qui fut transformée en araignêe (Erreurs amoureuaes. II, XXXl, v. 4, O.p.e.

p. 121), le mythe de ihiloaale chang~é en rossignol (Erreura amoureusea, II, •

Chan/on v. 17\:18, O.p.e., p. 117), le mythe de Latone dont lea 'alsaillanu

fure~t changés en grenouille par Jupiter (Erreurl amoureusel, II, XVIII, v.

1-2, O.p.e., p. 102) et enfin le mythe de Danaé, emmurAe par 80n pare Acriliol >;1

aans une tour d'airain e~ d'livrée par Jupiter transformê en pluie d'or (Erreurl ;

amoureuses, III, V, v. 5-8, O.p .• c., p. 132).

Plut3t donc que de s'en tenir aux mythes platonicienl, Pontus de Tyard

enrichit 80n univ~rs poétique de mythes m'tamorphiques, ce qui p~~~t peut-ttre'

de le ranger aux c3tês des po~tes baroques"fascio6. par le mouvement en

suspension ou changement dramatique.

En définitive, le recueil des Erreurs amoureules nOU8 p~sen~e par 1 ~

1) certains ,aspects, notamment dans la situation et la psychologie-des perlonnegal,

Page 31: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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une pobie Itpêtrarquiste": c'est en p~rticu11er dans le premier livre, (car

dans les ~lvres II et III, le poète s'éloigne un peu des quattrocentistes

pour suivre les exemp~es . de Ronsard et de du Bellay) que Tyard insiste le plus

27 •

sur la beauté de la dame' et sur le "r81e-esclave" de l'amant qui accepte avec <~ fj,

humilité la cruelle attitude de sa bien-aimée. Cet te derniêre a un pouvoir

de vie et de mort sur l'amant éperdu, qu~ soupire, souffre physiquement~

passant de l'exalcation au désespoir (chême particulièrement. pétrarquiste),

et qui essaie d'aimer par l'esprit ce pour quoi son corps brûle!

Le platonisme de l'oeuvre tyardienne se retrouve plutôt dans la vision

sous-jacente de cet univers poétique: ,dans tout le texte"en effet, le

poête optera constamment pour un niveau "plus haut" de l'ascension amoureu·se.

Par cet effort soutenu du Solitaire, PasitMe se transformera en l'Idée

du Beau,', et dès trs~ le poète libêd des tourments de Bon corps connattra

avec elle un &mou -purement contemplatif. L'originalltê de Tyard serait \\ ,

peut-être donc d'avoir ai b*n' réuni pétrarquisme et platonisme dans sa

poêsie amoureuse.

Par contre, dans le Solitaire premier, le pétrarquisme d1~para!t

presque entièrement (comment en effet, l'intertexte pétrarquiste pourrait-

il @tre compUtement absent? La "folie poêtique" du Solitaire 6e traduit "

dans le. dialogue en "fureur.".t e • ••• t le ~ ... amour.) Da •• eetto,.oeuvr ••

prem1e~ dialogue tyardien, les conventions du Ca'JlZoniere p6trarquiBt{ sont,

comme nous allons le voir, remplacées par les conventions du dialope

platonicien.

v. -Pr6sence du platonisme dans le "Solitaire premier"

Les deux dialogues de Pontus de Tyard compos6s entt'e 1552 et 1555

.'inscrivent dans la tradition clasaic1aante qui, avec enthousiasme, populari •• D

Page 32: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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ce genre litdraire. Des Pêriers, Le Caron, Tahureau, Jacques Peletier du

Mans, Bernard-Palissy, parmi d'autres, s'orienteront ahacun dans l'une des

'trois te~dan&es de la dialectique de la Renaissance: dialogue harmonique d~

l' ~

t.ype platonicien révêlant une ouverture d 'eiprit, chez Le Caron', dialogue •

plus didactique~ cicêronien, et dial~e lucianique, théât:,al par sa vision

perturbêe de l'univers, et plus satirique, comme dans l'oeuvre de Tahureau et

de Dès Pêriers • • , S'ils contiennent une poêtique, donc une clôtuie, ces

dialogues sont nêanmoins un genre à loniueur ouverte, ainsi que le fait

remarquer Hugo Friedr!ch dans son Montaigne: "Les deux pôles (objet et \

observateur) ~ mouvants par eux-mêmes et entrant dans des figures toujours

28.

. .

-nouvelles du fait de leurs rapports variables, ne trouvent de reflet appropriA,

c'est-à-dire approx11118tif, que dans une forme également mouvante. ,,&2,

Toutefois, ce n'est qu'apràs 1555 que la dialectique tyardienne "s'ouvrira" au

sens d'Umberto Eco, c'est-à-dire qu'elle acquerra une ouverture à diffêrentes

interprêtations, donc à l'influence de l'~ ("Penseur o~ lecteur). et en tout

, /

c:aB, une évolution d'un' point de vue s~atique et monologique vers un point de vue

dialogique et dynamique. Ce renouveau litdra1r~, plus" qu'une coIncidence, a

des 'explications sociales et idêolog~ques qu'il derait indressant d'examiner:

A. pourguoi le dialogue?

C'est tout d'abord en Italie qu'il nous faut rechercher les nombreux

faits~ antêrieurs à 1550, expliquant la faveur du dialogue en France.

Autour du Commentaire de MardIe Ficin, de plus en plus d'intellectuel.

italiens s'indressent A ce genre littêraire; nous songeons par exemple A

Francesco Colonna qui êcrit Hypnêrotomachie ou Songe de Pol1phile, en 1496, -

à Bemb'o qui produit ses Azola1ns et aux Dialogues de Sperone Speroni. ' C'est

toutefois le Courtisan de Castiglione qui vEritablement alne A Ion point

Page 33: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

(- .

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29.

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de IDaturid le dialogue comme terrain d'~change d' id~eB: Castiglione nous 1

prêsente en effet une discussion sur les quaHds reqbises par un homme de

la Cour, sans tenter de concilier les.-!>pinions divergentes, engendrant ainsi \ i

le dêba ta, proprement parler. Même après 155()', les Italiens conserveront 1eur ~ \

intêrêt" pour la forme dialoguêe, et nous devons mentionner les ouvrages

importapts sur la théorie du dialogue, de Carlo Sigonio, De dialogo l1b,r,

et de Torquato Tasso, Dell 'Arte de~/.dialogo, sans oubl,1er les êcrits de

Sperone Speroni; tous ces textes abor~ent certains dialogues classiques, de

Platon, Cicêron, et Xêno1}hon, analysa.nt les composantes de ce genre littêraire.

Depuis les campagnes dt François

favorable ji' l 'Italie; le~ JrançaiS ~

, 1er , le climat culturel en France e~t

cette première moitiê du siècle

recrêent l'ambiance des Cours des Sforza, -de Ferrare et de Milan, très souve1

de façon informelle. Entre 1550 et 1555, de nombreux intellectuels se groupent ,

chez Louise Labê pour parler de pobie, dU.,thème de l'amour, de la femme et

favoriser ainsi l'art de la parole. Tyard lui-même organise des rêunions dans . .

son château de Bissy où se retrouvent ses amis de la rêgion, Scève et des \

Autels bien sûr, mais aussi Philibert Bugnyon, Claude de Taillemont et, parfois, ,

quelque invitê spêcial comme Peletier du Mans. Dans un cadre agréable, ces

hommes de lettres, philosophes et poètes, êchangent leurs idêes sur des sujets

divers, n'omettant sûrement pas de lire en&emble quelques auteurs à la mode:

si Platon est très ad mi rê, les dialogues latins sont êgalement f?rt apprêcih.

Cicêron conndt un succès .. ,impo't'tant et l'on rend hommage i la rigueur de "

son expression et il l'articulation de la forme de ses êcr1ts. Les dialogues

de Lucl.en~ Le Parasite, L'Eloge de la Mouche, L'Icaromén1ppe, Hermotius et

d'autres, inspireront plus d'un. Lucien, plus abordable pour le grand public,

est en gênêral très satirique,: 8' Uoignant du dialogue platonicitUl-, 11 . s'indresse surtout 1 des sujets concrets, s'attaquant aux moeurs de la Boci6t'

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Page 34: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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comme pat: exemple aux parasites et aux bouf fons. J

P~us·,."~roche de la Renaissance, Erasme connalt une popularité qui ne lfait

qu'accentuer la vogue des dialogues: ses Colloques plaisent cons ici e!rablement ~ d

au public; l'auteur entend y éVeiller l'attention du lecteur à des sujets \

multiples, plus spécialement les problèmes de 111 vie quotidienne de son

époq ue • Avec le di.alogue, Erasme présente souvent l'envers et 1 t endroi t des

questions posées, offrant une possibilite! de choix A son lecteur et gagnant

ainsi la faveur des humanistes. Car 11 ne faut pas oublier qu'entre 1550 et

1560 un changement s'opère: l'unicité du vrai, jusqu'a da.te règle implacable,

se relativise; de ce fait les philosophes définiront la vérid de façon

moins monolithique.

Ce modeste aperçu du' contexte li tdraire de la Renaissance, dans lequel

le dialogue occupe une place importante, demande un examen plus approfondi

du genre dialogique, en particulier chez Tyard, chez qui nous voudrions

déterminer ce qu '11 conserve de's conventions platoniciennes.

B. En quoi le "Solitaire premier" est-il un dialogue platonicien?

Tou,t comme Platon, à travers ses dialogues Pontus de Tyard sea

souciera

de la vraisemblance scénique, et' bien que les dialogues tyardiens e-emblent

malgre! tout parfois artificiels_ par leur mise en scène, leur thématique

s'inspire nettement des oeuvres platoniciennes. Le lecteur de Charm.ide, Lyais

ou .Ion: pénètre immMiatement dans l'univérs platonicien où il" rencontre de. .

personnages e!voluant dans un décor très pre!cisement décrit, ce qui permet une ~ ~

visualisation quasi aut01Jl:8tique parce que convèntionnelle: "J'allaiS dit

1 ' Acade!~e. directement au tycêe par la route exte!rieure qui pa88e au pied mame " , ~ / ,., t"

, du ,rempart. • • • [J]e' rencontrai 11 Hlppothal~s, fils d 'Hiéronyme, e(

Ctasippe de Paeanie •••• ,,63 Ou e.n~ore: , ."

30 •.

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Page 35: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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Socrate: Salut l Ion. D'o~ nous reviens-tu cette "\.

Ion:

J~

fois? d'EphAse. ton pays?

Pas du tout. Socrate, d'Epidaure, des fates

d'AscUpioB. 64

Chez Tyard, en gênEral, tout dialogue est précédé d'une courte ~êditation

philosophique, introduisant les thêmes principaux de la discussion qui

suivra. Mustapha Bénouls propose un 8imple rale-charni~re pour lès tableaux-

cadres des dialogues tyardlens, qui serviraient de tremplin vers l'oeuvre

suivante. Ainsi p.r exemple, les propos d'adieu de Pasithée: 'tnonq (demanda-

elle) a telle efficace SU8 vous la Musique, qu'elle vous ravisee tant vivement ()

hors de vostre pUi8sanee'l,,65 uniraient le Solitaire premier au Solitaire

second, dialogue sur la musique. A cette interpr6tation un peu

31.

. ( .1mplificatrice, s~ajoute l~ltude plus convaincante d'Eva Kushner, qui ~ttrlbue

un r8le de synecdoque au "locus afiloenus" dont la -description, tout autant que

la m6ditation d'introduction. donneront naissance aux th~me8 d've1oppé.

ultérieurement.

Tyard co1klance donc par "f:{xet" les bases d,e 80n dialoaue dans le temps

et l'espace: "[R1appellê par la commodité de me8 domestiques, et privez

affaires, et encore plus urge1lUllent par le d'sir, qui me sol1citoit a toute ,

instance de revoir Pasithee • • • j ' 8 11ay au lie,,! de son ordinaire demeure. ,,66

, Notons qu'une fois bAU le cadre ne resurgit qu'en fin de texte, et la

conversatio-q des protagonistes,' qui pendant quelques moments avait 6chapp' , ,

aux limites spatiales et tempo~el1e8, se trouve soudainement interrompue par

'la tombée d'un jour que le lecteur n'a jamais senti passer: n[V]ous me donnerez

cong6 de vous laisser user-du repos, auquel la nuit survenue vous appelle , , .

(Paaithêe) a fin que je m'en aille, accompagn6 de ma solitude faml11ere et

avec elle, rendre ma pe1n~ plus facile l porter.,,67 Le "locus aaoenus" est donc

'~ ,

Page 36: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

(

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32.

en quefque sorte un prêlude, qui peut sembler art1ficie;" mais où s' êbauchent

les grandes lignes du distours. Cette stylisation ,du lieu et du temps, si

rêpandue il la Renaissance puisqu'on la retrouve chez Le Caron, Pasquier, Pierre ~

Viret, Tahureau, de Bruês, et bien d'autres, est ainsi autre chose que

l 'e~vironnement dynamique crêê par Platon lui-même, rêsultant des multiples

ajouts scêniqués intêgrés au dialogue: "Il [Charmide]Jvint en effet, et son

arrivée donna lieu il une sc~ne plaisante. Chacun de nous qui étions assis

poussa prêC;ipi tamment son voisin. • • tant et si bien que, des deux hommes

assis il chaque bout, l'un fut contraint de se lever et que 1 Îautre fut culbuté

de cStê. ,,68 Le Solitaire premier conserve un des éléments essentiels ~ux

dialogues platoniciens, soit la description du "locus amoenus," lui

at"tribuant une_ fonction structurelle simple que nous retrouverons dans de

nombreux dialogues de la Renaissance.

1- Les personnages

Contrairement aux personnages exclusivement masculins des dialogues .,.

platoniciens," (1' êtrangère de Mantinêe ne s'exprime que par la voix ihte"rposêe . de Socraté) le Solitaire premier introduit la prêsence fêminine de Pasith6e~\ ,

dont la relation amoureuse avec le Solitaire favorise leurs, êchanges ..

phllosop hiques sur le "vrai amou~," qui ,selon eux doit" demeurer pur et

chaste. Aussi, le trop ardent Sol],aire s'entend modérer"par la vertueuse

Pasithêe:

Solitaire: N'est pas encor le 'brasier de mon affection

! ardent devant vostre image? Les inconsolables

plaintes de mes peines ont elles point

penet rê jusques il voz oreilles? • • •

..

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.,

Page 37: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

(

Pasithêe: Dd Solitaire • ~ • je vous prie ne vous

alterez pour si peu. Se peut-il taire qu'un

mot vous eslapce si vivement, qu' 11 vous soit

force • • • comme malmené de vous revolter ,-rf'

contre moy, et venir aux outrages?69

33.

Nous trouvions d.êjA dans les Dialogues d'Amour de Léon 1 'Hébreu, une femme, Sophie,

qui donnait la réplique A Philon: Héroët fera même de la femme le personnage

central de sa Parfaycte Amye, corroborant de la sorte la -prédominance de l'amour

dans les dialogues de la Renaissance. Au sein du _dialogue philosophiq ue, il

semble que le t~ème de l'amour soit une des marques du platonisme et qu'il y

ait ·une certaine corrélation entre la prêdominance du dialogue consacr~ A

l'amour et la vague platonicienne. Dans quelle mesure cependant les personnages

tyardiens rappellent-ils vraiment les protagonistes de Platon? Oertains critiques

soulignent l'inertie de Pasi thée, tel Mnouis, qui voit' dans les questions de

ce personnage un prétexte aux longs discours du Solitaire:

~ L'êl~ve. en ce cas Pasithêe, est un prêtexte au

dêve10ppement discursif des connaissances du

Solitaire sur le chapitre de la fureur poétique. t

Quelques interruptions du genre "continuez

Soli taire (dit elle) caJ;,. vous voyez comme je

st.1is toute intentive à voz paroles" (S.P., 36)

sont de pure forme et n'ajoutent rien au sujet

ni ne suppriment l'impression de monotonieJO

• • •

Toutefois, une analyse plus attentive du texte permet de voir que Pasitb6e est (,

bien Inoins passive que ne semble le penser Bênouis, ayant plutôt sa mani~re

propre de réagir. Ses commentaires expriment, pensons-nous, les prbuppositions

"-peut-être "terre à terre" d'un observateur ordinaire; Pasithêe est un

, ,

Page 38: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

(

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34.

personnage plein de bon sens, ce qui la conduit 1 _ttre des concluiSions d'un

, ~

ordre moins spirituel que celles du Solitaire. Ainai par exemple, dans le cas

de la fol;ie, elle n'en dêfinit que les symptômes physiques, n 'entrevoya,nt. que . l'aspect m'dical de la question: ''Fureur ne me semble estre autre chose

(poursuivit-elle) qu'une al1enat'ion d'entendeJDent procedante d'un vice de

cerveau, que vulgairement on appelle fotie. • • .,,71 Cette explication aboutit

alors au d'vdoppement en pro,fondeur menê par le Solitaire qui, dêpassant ce

stade physique, r'vêlera il son interloCU~ice une seconde cat'gorie--

~1rituelle cette fois-de folie, et dont la description est de source

fWnienne: ,

~) Mai. il vou. plaira entendre. Padtb'e. que

fureur • • • contient souz soy deux especes

d'alienations. La premiere procedant des ~

c'orporelles, do~t vous avez. pa1'l6, et de son vray

0011 l'avez bien appe1l6e foll1e et vice de cerveau;

la seconde, estant engendrêe d'une secrette pnissance

divine, par laquelle l'ame raisonnable- est illustr'e:

et la n01lllDOns, fureur divine, ou, ave~& Grecs

Enthus1asme .72

De la mEme façon, dans la conversation sur l'existence et le r&le des Muses,

Pasith6e se contente d'un savoir tissê d'anecdotes accept6es sans profonde

analyse: "Je ne sçay (dit-elle) rien -mieux, que les fables ~u cheval Pegase,

de la fontaine Cab~lline, du mont ,Parnasse, et des neuf So'eure, qui y habitent.

N'est-ce pas tout ce qu'on dit des Muses?"73 Il lui faudra l'aide du SoUtaire:

qui de bon coeur enrichira" les connaissances de Bon amie par des d6veloppementa ,1

plus prêcis sur le sujet: "CelA en est q'Jelque chose (respondy-je) mais le , ,

reste monte bien d'avantage.o .. 74 Le Solitaire tente toujours une analyse plus

.,'

Page 39: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

t

(

35.

êtoffêEG, et plus structude que celle de Pasithêe, . et il dê~t1que tout

ph6nomèné à la lueur de ses connaissances tant thêologiques que philosophiques.

Aussi, sur le plan intellectuel, la relation entre ces deux personnages est-

<9

elle dêfinitivement du type mattre-êl~ve; mais, fait nouveau en comparaison

. avec les dialogues de Platon, cette dichotomie se double d'un second lien, lien

amoureux, o~ Pasithêe domi_ne son amant, selon la tradition amoureuse

n~o-platonic1enne. Sur le plan de l'amour, ce dernier se transforme en

admirateur êperdu. "[J]e la trouvay assise, et tenant un Leut en ses

mains ••• je me sentois ravy comme d'une celeste harmonie, et, -sans entrer

plus avant, demeurois coy pour n'entrerompre son plaisir, ny le contentement,

que je recevois à la contemplation de ses graces.,,75 L'apparent dogmatisme du

Solitaire dêcoule 6galement de la st ructure argumentative de~ dialogues

tyardiens, qui difUre de la construction platonicienne; nous pourrions en

>. effet, en relisant Le Banquet, le diviser grossUrement en deux parties: une

premi~re partie polyphoni,que, vêritable dialogue où chaque convive exprime l "

tour de rôle sa conception de l'amour. Dans Le Banquet se 9ucc~dent dnsi les

opinions de Ph~dre, de Pausanias, d'Eryximaque, d'Aristophane et d'Agathon.

Chacun d'eux modifie, nuance ou complête le discours qui a pdcêdé le sien, ce

qui permet il tous les convives une grande activitê d'échange verbal:

\

D'ailleurs, s'il m'est échappé quelque chose, c'est ,

! toi, Aristophane, Il le 8uppléer.76

Oui, Eryximaque, dit Aristophane, j'ai l'intention de

parler autrement que vous ne l'a"ez fait, tO't et:

Pausanias. 77 •

Il me paratt nêcessaire, puisque Pausanias, après avoi.r

bien dêbutê, n'a pas développê suffisamment son sujet.

d'essayer de complêter son discoure. 78 -, \,

"

Page 40: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

36.

Cette bergie di.paralt dans la seconde partie, tds brhe, qui clôt le dêbat

en lui apportant la rêponse finale et complête: le discours de Socrate. Les

invids, précédemment loquaces, se t;ransforment en élêves attentifs,

intervenant seulement pour demander des explications. "C'f'st ce que nous

nommons la "démonstration," du reste irrHutable puisque: "Quand Socrate eut " -

fini de parler, tout le mon,de le félicita •••• ,,79 A travers une apparence • d

dialogique, Platon demeure néanmoins dogmatique, ou monologique, puisqu'il

réconcilie tous les points de vue par le discours de Socrate, qui exprime son

opinion personnelle.

, Si presque tous les dialogues platoniciens se schêmatisent CODUDe 'fuit:

arguïnentati?n, puis dêmonstration, Le ,!Solitaire premier de Pontus de Tyard

nous présentè plut8t une succession de segments "argumentation-dfimonstration,"

•• L ce qui élimine l'insistance finale des dialogues de Platon. Tyard consacre

,J

l •

A chaque nouveau th~me une èourte période \Ualoguée, que conclut le discours

plus élaboré du Solitaire. De par cette construction, les rêpl1ques de

Pas1thée semblent coordonner un grand et unique monologue, ce qui explique

_ peut-être le jugement de Bénouis. Néanmoins, par certaines de ses réflexions,

PasitMe fait preuve d'un esprit curieux; elle mentionne par exemple ses

lectures de Platon: "[J) 'ay depuis peu de temps comprins en son TimEe tant .. de secrets ••• ' ... 80 et se !IIOntre toujours avide de détails: "Je prendrois bien

A

( ~ ) " 81 plaisir dit Pasitht:e de sçavoir que signifient le8 noms des Muses. • ••

allant,#lsqu'à critiquer les "grands esprits" de son temps: "[T}ous deux . ' \ '

[l'esprit féminin et la langue française) tant peu estimez d'un grand nOllbre de

ceux qui p.o! font nommer sages, qu'ils r'envoyent le premier A la contemplation

du cor.tour d'un luseau, et l'autre à la narration d'un conte •••• ,,82 P8sithée . es t cependant moins diserte ,que la Sophie des Dialogues d'amour,' qui sans ce .. ,;)

ponctue les propos de 'Philon de ses réflexions audacieuses. Ainai, l ce

J

Page 41: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

t,

(

(

.- .... .,

37.

.. dernier qui ~tablit la 8uprêmatie de l,a vue sur le8 autres sens, elle rétorque:

''La veüe, selon ton opinion, est le plus excellent sens de tous; et tou tefois

nous voyons que les autres. principalement le toucher et le gouater, sont plus

neceaftires a la vie de l'homme."S3 Puis. elle hésitera a glorifier la vue et

l'ouIe comme le fait son interlocuteur, car: "'Toutefois les animaux qui n'ont

entendement sont po~veuz de l' ooIe et de- la veüe. 1184 Mais, chacune a sa

maniêre, Sophie et Pasithée participent- substantiellement a la conversation, et

bien qu'artentives aux rêflexions, "de leur partenaire, elles pensent, argumentent,

mUant œme a leurs propos une pointe de taquinerie amoureuse.

Par contre,' le discours du Solitaire et celui de Philon se diffêrencient

des prop~s de Socrate. Mais une fois de plus, leur co.ractère encyclop~diqué

d~oule de la nature de la situation car, alors que Socrate démontrait, le

Sol~taire et Philon reprennent leB dêmonstratione de Socrate, pour les

• expliquer à Pasithée ou Sophie, ce qui remplit ces dialogues néo-platoniciens

de r~fêrences évidentes, qu'il serait trop facile d'assimiler 1 des maladresses

stylistiques: ''Les Philosophes Platoniques tiennent que, "S5 ou encore:

"Donq' les premiers f aiiloient men,-lon seulement de deux Muses. ,,86 Le dialogue ", tyardien s'écarte du modèle grec en ce que le discours principal est souvent

une reprise explicative de d6monstrations dêj4 effectu~es par des mattres.

Mais, si Bénouis critique d \un ton pêjoratif la forme des dialogues de Pontus

de Tyard en écrivant que: "son adhésion déclarée a la technique des mattres du

dialogue antique est ainsi toute superficielle, "S7 c'est qu'il çonsidêre .. (1 tort pensons-nouB car il s'agit d'affinités et non de reproduction

, platonicienne) la valeur des dl11loguee de la Renaissance proportionnelle 1 leur

f1d~lid envers la st~cture dialectique Platoni1enne. Cette rigueur de

jugement serait peut-êfre justifiable lors d'une étude th6matique, qui. '&Vara

positivement concluante dans ie C8s':du Solitaire prea1er.

( ,,'

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.. , »

,

Page 42: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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(

/:. 2. . Les thame.

Le Solitaire pre1lier r6vUe l'idbll1me de Pontus de Tyard, fondé en

F1c~n et surtout en Platêm qu'il citera td. souvent, et implicitement

compatible avec son chrbtian1sme. Ce premier dialogue tyardien explore de ' {,i,

- ~

nouveaux thêmes évoluant autour de la fureur poétique, sous-titre de l'ouvrage. e L'amour, si soùvent exploité dans les Erreurs amoureuses, enchisse le v6ritable

dialogue intertextuel, se liudtant a la situation vécue qui par un lien

affectif unit les deux protagonistes. Mais d'un recueil à l'autre, l'a ur

'conserve s;s qualités essentielles de pured, d'abnégation de 801, d'o procède

. une dépendance vi tale entre les amants, ainai que le tévêle la poème d'a eu

où Pontus de Tyard puise l nouveau dans son répértoire poétique néo-platonicien,

pour associer sa bien-aimée a l'astre 80laire, et la rendre ainsi· doublement

mdtresse de sa vie:

)

Et plu. loin:

Tea mille perfections

Desquelles seules j'espere

Fin d'heur, ou fin de 1I1.ere,

A bien mille passione.88

Ainai, Soleil gracieux,

Qui lJt!s jours plus seraina lub:,

Quand tu es loing de mes yeux, 1

Mille tenebreux ennulz

~ , ,

M'obeéurCia8e~ mille nulz.89 1 Le noyau' du dialogue réside toutefois en la notion de "fureu ," que le

Solitaire explique a Pasith6e: toute &me, pr6cipit6e dana un corpe, ce qui.et

la quatribe et dernière étape de sa dégradation, aspire a 80n unld perdue,

que SOU8 l' .. prise de la "fureur" elle pourra retrouver: "[L 1. fureur divine,

\

Page 43: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

\ '

1 !

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\ 39.

\ ,.

Pal1thêe, elt l'unique:escalier, par' lequel l'Ame peu~ ~rouver le chemin qui la

conduise a la source de 80n souverain bien; et fel1cit6 derniere. 90 Hais que, .

lont exact~Dlent ceB furéur.' D'où viennent-elle.' . Tyard, reprenant les prop08

de Platon, les conçoit, nous l'avoDs-vu, C01Dlle des folies spirituelles pouvant

se manifester en quatre occasions; sI le Solitaire s'attarde a la description

de la fureur poêtique, il mentionne toutefois le8 trois autres, briêveDlent,

mais 8an8 omettre leur origine:

En quatre sortes (poursülvy- je) peut l'homme estre

e8pris de di vine fureur. La premiere est par la

fureur Poët1que procedant du don des Muaes. La

.econde est par l'intelligence des mysteres, et . .

secrets des religions SOUE Bacchus. La troisi$1me

par ravissement de prophetie, vatièinatlon, ou

'divinat1..on .80UZ Apollon: et la quatrie81De par la

violence de l'amoureuee affection lOUE Amour et'Venua.9l Il

Son analyse de la fureur po6tique se basera sur les conclusions du dialogue' '"

platonicien ~, où la question maj~ure demeurait de aavoir al l'inspiration

po'tlque êtait inn'e ou si elle provenait, au contraire, d'une force

lup6rieure. Platon tranchera en faveur de cette dernlêre hypothis8, en

affirmant que toute fureur po6tique .et le fruit d'une intervention divin •• •

C'e8t donc en reprenant les exemples de ces dialogues que Pontu~'dé Tyard

en arrive aux conclusions de Socrate: ,

/

E;n outre, Jon estoit froid et sana grace 1 reciter ""

1es vers d'Archiloque. d'Hesiode •••• [plut. qu'il /'

estoit inhabile aux vers,' 'qui procedana de mesme

Art, contenoient ••• le eubjet Homerique, et que •

seulement i~ estoit affect' l 80n H01Dere, je p'~11 ..

...

'r . ,

Page 44: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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aSRéurer que l'Art -(non plu~ que la Fortune) ne 1uy

servoit de ri~rt. 92 , a

Outre le place pr6pond6rante du thàme des fureurs dans le Solitaire

premier, le Solitaire d(veloppe encore dlautres notiona inh6rentes a le

" philosophie platonicienne, comme par ~emple l'immortalit' de l'Ame

contel1lplant le monde des Id~es. immorta1itê qui ne s'atteint que par l'état

de fureur. Et cette ascension de l'Ame, dêjl d'tail!'e daris leS Erreur~,

amoureuses, sera une fois' dè plus ana!y.êe~q~and le Solitaire rêvêlera A

l'attentive Pasithêe chaque 6tape de cette 616vatlon vers le divin, a

40,0

.

partir de la éontemp1ation de la BeautE, d'abord corporelle, puis spirituelle:

""En fin, quand tout ce qui eat en \'e88ence, et en la

nature de l'Ame, est fait un, ii-faut (pour revenir l

la .ource de son origine) que soudain elle ~e revaque

en ce ,.ouverain "un" (en italiques dans le texte), qui

.at tur toute essence, Chose, que la grande et celeste

Venua accomplit par Amour, c'est 1 dire, par un fervent,

et incomparable deslr, que l'Ame ainli ealevêe a de jou1~

de la divine et eterRelle ,beaut6.93

Manifestant aea attaches platoniciennea, le Solitaire inaiste sur l'importance " .

des sciences dan. ce cheminement spirituel, d'aprês les catêgories êtabli~. par

Platon: • r~

"Qui fait doute que les' sciences ne .ervent de tres-propres dearez ">- '

pour l ' esleve ~ l la plus bau te cime? • • • ,,94 et plua loin:

La philosophie (poursuivy-je) premiere diacipline ae

_ d1he en _ trois •.•• n..olog1~nne. Morale ••

Naturelle, r'asslmbI6e. en la compaction d'un parfait

corp. philosophique.

\

Page 45: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

l i

·1 ;

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(. . "

42.

).1 nous a euffi dtEvoquer certains th!mes principaux (l'1mlllOrtalitê de l'âme,

l'amour spirituel, l'importance des sciences dans .l'ascension spirity.lell~) pour'

reconndtre dans ce dialogue tyardien le9 ~UmentB .d'une vaste ~pcyc1op'die'

platonicienne.

VI. Le platonieme du "Solitaire second"

. Sans approfondïr son contenu technique, nous ne pouvons, cependant pas

passer sous s11enc~ le Solitaire second, qui est lui aussi fonci~rement

platonicien, en particulier dans la liaison que l'auteur y ~tablit entre la

morale et la musique.

Pontus de Tyard s lest vivement 1ne6ress6 A la musique; connaissant le

systême de solmisation de l' êpoque, il est capable de lire de nombreuses ~

partitians,.et. un peu déçu par ses contemporains, 11 tente d'affirmer la 0.-

suprématie de la "musique ancienne sur celle de Bon temps. Il a p~isê ses

rêf~rences dans deux importants manuels de musique, le De Musica de Boêce écrit

jOU ans après J .-C. ~t le De Harmonia Musicorum Instrumentorum de Fran~hino Gafurio,

daté de 1518. Le Solitaire s.cond est un dialogue divid en cinq parties,

et se compare plut-8t A un trAité musical, tant l'auteur y d'morttre sa dêmarche

• scientifique, bas6e sur l'exp'rimentation. .Pontus traitera successivement de

, l 'histoire de la musique, des th60ries anciennes de la musique, des e,ffets de

, la mUBiqu~ sut le corps de l 'homme, de la cosmologie de la musique et termine

son ouvrage sur les relations entre la musique et la poêBie. Cette derniêre

\ ,partie est partlculUrement importante dans notre recherche dei êlêmentl , platoniciens dans les dialogues tyard1en~

L'Antiquit6 a consid6d la lQuàique c}mme une des science ... Ientiell ••

1 la formation de lltmej X6nocrate ne rêpondait-il pas en effet 1 celul qui

d'.irait 8 'instruire 'avec lui sana connattre la aus1que. la l'amitri. et

' . . ' . , . • <

Page 46: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

-.

,

La Rhetorique, seconde discipline / • • • reçoit

me.me division • • • [L]e premier genre, Demonstratif,

le second DeliberaUf, 'l~ dernier. Judiciaire.

(L]a trolaiesme dilcipline l diviser, c'e.t la

Mathematique •••• [L]. premiere [partie] est ""1

nomm6e Arithmetique, la seconde Musique, et la tierce

GeometTie •• 95 . .

41.

Ce. propo8 r6tablissent en effet l'organisation platonicIenne'du •• voir, telle

qu'êtablie dans La R6pub1ique.

Finalement, tout au long du dialogue, le Solitaire d6mo~tre la 6up6riorit6

du spirituel; ses comDentaires parfois p6joratife trahiesent un 610ignement

eertain vl.-A-vis de la jouissance corporelle: '~1. aillent tels pourceaux, "-

~ aillent tels ventres gourman. et pare.seux 8e touiller en la bauge de leurs

otdea voluptez: et la se souillent, et resouillent, v~re (s'ill le trouvent

bon) '8 'y en8eve1188en;'·eterneUi!~nt ••• :,,96, Les vkrs de 'l'Epode finale !

confirment la v6nEratlon de l'aim6e avou6e dan. la dédicace de 1552-"celle que

j'adm1re et revere"--et r6vêlent la nature profond6ment g'plrituelle de l'amour

du Solitaire, ,qui semble av~lr d6finitlvement opta pour de. sentiment • .

platoniciens, non seulement ~ur le plan PlycholoSique,.mail 'salement .ur le

plan ontologique:.

Car ta ,vertu poursuivie

Plus iuit pour Ille .ecourir, .. •

Plus elle me fait mourir,

Une tenabreu.e vie. 97

Le Solitaire premier traite encore de divers autre.·lOtit. Dythiquel'tQU' . . • ymboliquement re116a A la philo8ophie platonicienne, par exemple l, r8le

d •• Siran •• , 1e8 fonctions des GrAce., et lei caraet6riltlque. de. Mulea, .. i.

1

.. ,

,

Page 47: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

(

43.

\~, l'astronomie: "V. t'en, car tu ne possides pas les an'88 de la philosophie'"

Dana La l'publique fte Platon, la muaiqueeat d'clar'e easentielle 1

l'6dueation de l'homme: "

.. Mai. quelle 'ducation leur donnerons-uoua? •••

[Plour.1e corps nous avons la gymnastique et, pour

'l'Ame la musique. • ••

Ne'commencerons-nou8 pas leur éducation par la

musique plut8t que par la gymnastique?

Sans doute ••••

[N)e sais-tu pas que le commencement, ,n toute choae, . ,

e,t ce qu'il y a de plua important, particul1arement

pour un Atre .1.,,!une et tendu? C'est surtout alorl . en effet qu'on le façonne et qu'il reçDlt l'empreinte

~ont on veut le marquer. 98

kt, dans le l!vre VII, Platon indique clairement 1 ·utllitê de •• 'c18nces dans

. la œarche dialectique: 11 dre.ae ~n effet une liaterdes mati~rel--parmi

lesquelles, la muaique--dont 1 'ltude mêne a. la divine contemplation: n[vloiU

précisément le8 effet. de l'êtude des aciebees que nous venQns de parcourir: ... ,

elle êlêve la partie la plus no~le de l'Ame jusqu'a la contemplation du plus • Il"

excellent de tous les Atres. • • ;,,99 De tels propos eont certainement 1 la .

base de la rêpl1que du Solitaire: "[J' Jose dire qu'autre parUe de Philosophie ~~ .

n'. est' traitée en plus de diverses façons. accommodé. a plus hautes'

contemplations ny exerc6e en usage plus familier, que la di8cipline de Muaique.

• • .,,100 En effet, PaB1thée. son interlocutrice peu diserte, 11&18 curieuae et

raisonneuse a la maniAre de la Pari_tete Amye d'H6roët, l'avait invita i

d'velopper 8es propoa:

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"

Page 48: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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44.

Honobstant 'que la ~.iqUe (dit-elle) soit en bas.e et.

vulgaire eatime pour ce temps, ai me donnêi'-vous

envie d'en ouir quelque choae, puia que sa congnoi88a~e.

eat de si exeellént efficace en l'elevation de l'ame

par alianee aVec la fureur Poëtique, et de ce, Solitaire, " -'il

je vous" prie me satis-;:ire.101

Le Solitaire d'finira alors la similitude ~rfaite entre la musique et la 1 .'t 1 •

" poélie, cbacune permettant A l'homme vertueux d'unifier son ame en 1"1~Sr77

verl le mondé des Idéel:

"

[L]e. action. guidée8 A bonne fin et le. pal.ionl

temperée8 par le. vertu8 sont dite. la vraye

Musique de l'bomBe.· ••• [C]bacun en 80y la peut

lentir, si avec quelque consideration Il 8e

contemple 80y ... sme. Car comme peut Ile meder

avec le corps celle incorporelle vivacitE de

raison, li ce n'est mo;ennant quelque secrette

temperance, l bon droit surnomm'e con8onance

et harmonie? Mercy de laquelle leI parties et

offiae. de l'Ame, bien que divers, toutefois

l's<!r~ent cPun et retournent en un, 8e divisf!nt,

et rejoignent ensemble. 102

La IIUlique pour Tyard devient donc, comme pour les pla/tonicien!, une Icience

" qui contient toutes le8 disciplines. et toute di8cipline par dell son but

spécifique pO~'rsuit, con8cl~nt ou non, un but moral.

Les écrits tyardien8 d'avant 1555, expriment bien l'attachement du

pol'te 1 la doctrine platonicienne. Tant dans .e. verl, .on Solitaire prez:d.er.

-, , . ,

Page 49: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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que 80n Solitaire •• cond, Pontus de Tyard a lU conserver les bases et les

expre .. 1ons mythiq;S "S symboliques propres a cette tèndance. Aux eSt'_

de Tyard, le platonisme se propage dans les milieux 1ntell~ctuels, donnant

nai •• ance à de nombreux ouvraies littlralres; au.ai avona-nous choisi

45 •

quelques àuteurs qui illu.trent trois genre. diff'rents: nouvelle, dialogue.

poAaie, et q~i, en intertextuallt€ avec l'oeuvre de Pontus de Tyard, \. enrichissent la tradition n~o-platonicienne d'apports d6coulant de leur • . ' ",. convictions ou pr'ocoupations personnelles.,

Il pourra sembler paradoxal de retourne~ l Marguerite de Navarre,

qui a 'précédA Pontus de Tyard, et dont le". dialogues, tout en Teprenant la

thématique platonicienne, la dAveloppent d~n. un sens 6vangAlique: le \~,

Platon~sme de la reine de Navarre a cependant inspir6 de nombr~ux Acriyaina

lu èourB dea annles 1530 et 1540. Nous nous pencheronl ensuite sur Etienne t

Pasquier car son Monoph11e apporte des conclusions originales au problême

de l' aIllOUr., tout en noua préparant a", tournant idéologique du m11ieu du silcle • . Et, pour ne point négliger le. affinités platoniciennes au sein de la.11Uade,

nous nous ard~eron8 1 Joachim du Bellay. grand admirateur de Pontus de Tyard,

qU'il voulut 9u~vre dans la voie du platoni.me •

...

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Page 50: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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45.

que son Solita1re second, Pontus de Tyard a su conserver les bases et .les

expressions mythiques et symboliques proprea l cette tendance. Aux c6tês

de Tyard, le platonisme se propage dans les milieux Intelle~tuels, donnant

nals.anëe a de nombreux ouvrages littéraires; aussi avons-nous choisi

qu~lques auteu~s qui illustrent trois genres diff8rents: nouvelle, dialogue,

poêsle, et ~Ui, e~ intèrtextualitê avec l'oe~vre de Pontus de~ard,

'enrichissent la tta.di t ion do-platonlc1enne d' appor,ta découlant de le~r.

convictions ou prêoccupations personnelles.

Il pourra sembler paradoxal de retourner 1 Marguerit~ de Navarre,

qui a pr6c~dê Pontus de Tyard, et dont les dialogues, tout en reprenant la

" thêmatique platonicienne, la d6veloppent dans un 8ens ~vang'lique: le it

platonisme de la reine de Navarre a cependant Insplrti de nombreux 6crivains

au eours des, années 1530 et 1540. Nous nous pencherons ensuite sur Etienne/ /"'---.-'

Pasquier car son Honophile apporte des conèluslons originales au problème

de l'amour, tout en nous pd parant au tournant idéologique du milieu du a1êcle.

Et, pour ne~point n'gligéT le. affi~lt'8 p1atbniciennes au sein de la"Pl'iade,

nous nous arrêterona a Joachim du Bellay, grand admirateur de' Pontus èle Tyard,

qu'il voulut suivre dans la voie du platonllme.

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Page 51: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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<

Notes - Chapltre 1

1 Jo.eph Vianey, Le Pétrarquisme en France au XVIe liêcle.

(Montpellier: Coulet et fils, 1909), p. 123.

2 Jean Festugiàre, La philosophie de l'amour de Maraile Ficin et

son influence sur la littérature française au XVIe siêcle (Paris: Librairie

Philosophique J. Vrin, 1941), p. 131.

46 •

3 Francesco Flamini, "Du rôle de Pontus de Tyard dans le 'pét rarq ulslDe ",-

français, "' Revue de la Renaissance, !. (1909), 46",

4 Vianey, p. 123.

5 ~., p. 124. .. 6 Verdun L. Saulnier, ''Maurice Scàve et Pontus de Tyard. Deux notes

sur le Pétrarquisme de Pontus,iI Revue de littérature compade, 22

(1968), 269.

7 Léon l'Hébreu, Dialogues d'amour, the French translation attributed

to Pontus de Tyard and published in Lyon, 1551, by Jean de Tournes. Edited,

with an introduction and notes, by T. Anthony Perry (Chapel Hill: The

University of North Carolina Press, 1974), p. 35 • . , 8 Platon, Le Banquet (Paris: Ga rnier Frêres, 1964), p. 73.

9 Ibid. , p. 68.

10 ~., p. 71.

II ~., p.p2.

12 L'Hébreu, pp. 92-93.

13 Ibid. , p. 90. .. a 14 Ibid. t p. 18.

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Page 52: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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15 Antoine Héroët, Oeuvres poêt1gues, êdition critique publiêe par

Ferdinand Gohin, deuxiême tirage (Paris: Librlll1rie E. Droz, 1943), p. 7,

v. 43-50.

16

17

Ibid., p. 31; v. 598-600.

Ibid., p. 7, v. 51-54.

18 Pontus de Tyard, Oeuvres poêtigues complates, édition critique

avec introduction et commentaire par John C. Lapp (Paris: Librairie

Marcel Didier, 1966)" pl. XXV, dtê par la suite 90US le titre O.p.c.

19 Pontus de Tyard, Premier livre des Erreurs amoureuses, dans

Oeuvres poêtiques complates, Sextine, p. 38, v. 25-27, citê paf la suite

sous le titre Erreurs amoureuses, I.

20 François Pêtrarque, Dal Canzon1ere (Paris: Aubier, 1966), p. 68, (

III, v. 1-4.

21 c'

Tyard, Erreurs amoureuses:! l, VIII, v. 1 et 8. (Q·2·c • , p. 14).

22 Pêtrarque, Dal Canzoniere, XC, v. 1-2 et 12-13.

"23 Tyard, Erreurs amoureuses • l, XLII, v. 4 (O.p.c. , p. 52).. • ..

24 Ibid. , v.6 (O.p.c., p. 52). -

25 Ibid'"LI, v.l. (O.p.e. , p. 59).

26 Ibid., VII, v. 5-6 et 8 (O.p.e., p. 14) •

27 Ibid. , LX, v. 1-2 (O.}!.c. , p. 65). .. 28 Ibid. , l, LXvirI, v. 2 .( 0 .}!. e • , . p. 70).

J

29 ~., XII, v. 6 (O.}!.c. , p. 21).

30 ,

Platon, Hmêe, dans So}!histe. Politique. PhilAbe.· Ti.h l Critial

(Paris: Gar~1er-Flammarion, 1969), p. 426.

31

32 Platon, Hippias majeur, dans Premiers dialOgues (Paris: Garnier

Frères, 1967), p. 384.

o ... . ~ -

"-\ 1

47.

Page 53: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

48.

, ( 33

, .Tyard, Erreurs amoureuse" 1, VII, v. 1-8 (O.p.e., pp. 13-14).

34 t

Ibid., LI~, v. 9-10, et 13 (O.p.e., p. 60).

35 Ibid., LXV, v. 9 et 11 (O.p.e., p. 69).

36 Léon L'Hébreu, p. 163.

37 Festugi~re, p. 30.

38 Tyard, Erreurs amoureuses, 1, XLIIII, v. 12-14 (O.p.e., p. 54).

39 Ibid., XLVI, v. 13-14. Dans l'édition de 1573, il Y a deux POàmè8

portant le num~ro XLVI, que Lapp a conservés. Il s'agit ici du second de ces

poêmes. (O.p.e., p. 57).

40 Ibid., XXXIIlI, v. 9-11 ~u>.p.c., p. 47). ,

41 '" Platon, Le Banquet, p. 71-72.

42 Tyard, Erreurs amoureuses, l, XL, v. 12-14 (O.p.e., p. 51). '/

43, Ibid., XXII, v. 5-6 (O.p.e., p. 33). " , 44 Platon, Le Banquet, p. 72.

45 Tyard, Erreurs amoureuses, l, VIII, v. 12-14 (O.p.c •• p. 14).

46 , . ~., III, v. 1-2 (O.p.e., p. 10).

J 47 Ibid., Epigramme, v. 1-2. (O.p.e., p. 13).

48 Pontus de Tyard, Second livre'des Erreurs amoureuses, dans

Oeuvres poétiques complètes, XXXVI, v. 3-5; cité par la suite sous le

titre Erreurs amoureuses, II.

49 Tyard, Erreurs a~bureuses, l, VIII, v. 10-12 (O.p.e., p. 14).

50 Pontus de Tyard, Livre des vers liriques, dans Oeuvres poEtiques

! ·complêtes, Ode III, IV" 109 et 111-115 (O.p.e., p. 174). il

51 Léon L'Hébreu, pp. 73-74.

52

(

Tyard, Erreurs amoureuses. l, chant "De Chaste Amour," v. 127-129 - /.

" (O.p.c., p. 77).

53 Tyard, Erreurs amoureuses, 1, V, v. 12-14 (O.p.e., p. 12).

, . -. (

Page 54: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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S4 Tyard, Erreurs aIIOureu.... 1" chant "De Chas te Amour ,." v. 133":138

(~. ~. 72). K ,

'{l

S5 . Tyard, Erreurs aIIOUreWl ••• l, fiA .a dame, " d6dicace .au Pread.r

livre des Erreurs r-oureus •• (o.~.c •• p. 8).

56 Tyard, Erreurs amoureu •• s. II, 'liA sa dalle, " d'diesce -au Second

l.ivre des Erreurs saoureuses (6. E • c. , p. 82). .. - }

57 A. K1b6di Varga, ''Po'sie et coslIIOlogie au XVIe d~le,n LuaUr!!

de la Pl'lade, neuvi~me stage international d' '~ude8 humanistes, Toura,

" 1965 (Parls:--.Llbrairie philosophique J. Vrin, 1966). p. 144.

58 Tyard, Erreurs amoureusel. l, L. , v. 1 (O.p .c., p. 58). -

59 "

Ibid •• "Disgr ace," v. 10, 12, 16, 18 (OtE·c., p. 19) •

49.

60 Tyard, Livre des ver. Urigues, Ode IllI, v. 5-7 (O.~.c., p. 175). ,?\

61'''-Pontus dé Tyard, ,TroiaUme livre des Erreurs amoureuae., dana

Oeuvree po'tiques e01!!}?lêt,s, Chançon, v. 1,,5; cid par la luite SOus le titre

Erreurs amoureuses, III (O.p.e •• p. 145).

62

63

64

65

Bug? Friedrich, Montaigne (Paris: aaUi1.ard, 1949), p •. 351. . (

Platon, 1.I.!!I!., dan" Premiers d'islome., 'p. 31S. '"

Ibid., p. 40JL, ' ---- ~ \ P.ontu8 de Tyard, Solitaire premier Edition cr1~1que plr 511\'10 F.,

Baridon (Genêve: Librairie Droz, Lille: Librairie G1afd, 1950), p. 77.

66

67

68

69

70

Ibid., p. 5. (

Ibid.: p. 78. .

Platon, Charmide, dans Prdier. dialep •• , p. 275.

Tyard, Solitaire premier. pp. 33-34. ,

Mustapha K&lal B'nouis, Le diaJ,ogue. ,.dau la litt'rature frauçai ••

du XVIe .llde (La Haye: Mouton, l-976), pp_ 150-151. <.

71 Tys~d. Solitaire prea1er, p. 8.

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Page 55: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

50.

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( 72 ill.!t ... p. 10.

,-13 Ibid. , p • 27.

• 74 Ibid.

75 Ibidt, p. 5.

76 Platon, Le Banguet, p. 48.

77 llli· 78 Ibid. , p • 45.

79 . . .

Ibid., p. 74.

80 , Tyard, So1~ta1re :eremier, p. 23. '\

81 Ibid. , p. 54. .. '"", j<.

82 Ibid. , p. 66,. 1~.

83 \ >r

Léon L'liébreù, p. 165.

. , 84 Ibid. , p. 16'3. ' ( 85 Tyard, Solitaire :eremier, p. 12. , ~ .. f ~

86 ~., p. 28.

87 . B6nouil, 149. ,{

p. "", 88 Tyard, Solitaire :eremi!r. p. 76, v. 114-117.

>-

89 .!lli.. , p. ~6, v. 105 .. 109 •

,90 , Ibid., pp. 1~-17 • ' ..

91 Ibid. , p. 17. t·

92 ~., p • 25. ' .. <' .~ .. ,. ,,,.

~ 9l .!.è!!. • p • 20 • ..... , ~

:~ '941. ".'1

.!lli.. , p. 3 •

95 . Ibid., pp • 36-38.

96 ,

. ~., p. 2 • it,

( 97 .!lli.., p. 77, v. 124-127. o.

98 Platon, L~ REpubligue (Paria: . Ga,~nler-Fl._rion, ~966), p.', 126. .. , ~

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Page 56: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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17 SI.

99 ~ .. p. 291.

100 , Pontus de Tyard, Solitaire .econd, ou -pro •• de 1. lIU.igue, 6dit1on

critique par Cathy M. Yandell, (Genêve: Librairie Drol, 1980), p. 216.

101

102

Ibid .• p. 74.

,illi .• p. 236.

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Page 57: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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" 52.

.. CHAPITRE II

Le platoni... autour de Pontua de Tyard ~

1. Le platonilae de le reine de Navarre

La DOrt de Karguerite de Navarre et la publication des Erreur. aaoureu.e.

o_~t)-H,eu la ~me a~nêe, en 1549. Si 1ee 'crits de la reine de Navarre expri1lent -

suttout la ferveur de l'6vangê11sme, ils partagent avec l'oeuvre tyardienne

quelque. affinit6s platoniciennes. Encourag'e par Briçonnet, 1. soeur de

François 1er mEdite longuement sur le. Textes sacr'., tant l'Ancien que le

Nouveau TestàDent, l'int6resae lUX Ecrits de Ficin, de Dante, de Boccace

(en particulier Le D'cam'ron), au populaire Courtisan de Ca.tiglione (dont on

ne saurait nier la 'tendance platonicienne, particulièrement au livre IV} et

s'attarde également aux oeuvres philolophiques de l'Antlquitt. La rEflexion

de Marguuite est ax'e Bur. la recherche du salut i travere le dogme de la

r6demption, et sur la connaissance difficile dé Dieu. Ce d,Elit d' 61Evation

vers 1& divin s'allie harmonieuse-.nt a la ~olontE profonde de concilier lei , .

aspirations chrEtiennes a l'en.eignement des philo.ophle. antiques; dans se.

Detniêr~s po'Sies, la reine de Navarre 6t.blira par e~mple de. lien8 entre

1,!'1 myt\les de Platon et les dogmes de la, religion.

Sa pOBitlon prlvil'g16e a la Cour lui pe~t de ~r'quenter de nombreux~

intellectu~l., et elle r6unit louvent chez elle un cercle de penseurs et

d'amis,. Charles de Sainte-Marthe, H'roët, Anne de Vivonne. et bie~ d'autre.,

aUn de disserter lur l' .llDOur. la relision et la p~i108ophie: Marsuer1te

poul.era aln.l plusieurl jeune. auteurs 1 traduire certaine textel de Ficin

,

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Page 58: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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53.

ou d. Platon, ~' en ce a.na, elle ftablit, not~nt entre IS30 et 1540,

1 •• ba.es du ~v ... nt platonisant que développera la Pl'iade. Son alcenaion

apirituell., li elle aboutit 1 la contemplation de Dieu, ae teinte 1 divera

endroits de néo-platonisme, empruntant 1 cette vilion quelques notionl mal~ur •• :

l'amour .pirltuel, l'immortalité de l'Ame et 80n emprisonnement dans la matilre,

et la thêorie de la connaissance. L'oeuvre principale de Marguerit~ est san. ,. -

cÎoute L'Beptamiron, une succession de nouvelleslfpieuses ou profanes, dans un

cadre littéraire d'fini (dix devisants réunis par de funeetes circonstances

racontent A tour de raIe fne nouvelle, pendant chacune des sept journ'e. de

leur r6elusion). Dan~ cet ouvrage, Marguerite de Navarre aborde certaine

problèmes de la vie, de la'pa8sion amoureule et de la religion, s'inlpirant

parfoie,des dialoguee de Pla toi, Ph.dre, LYlil, Le Banguet, et faisant figurer ,

dans aès récits la deacription des mOeurs rellch6ea de. moines et eccléeiaetiques

de l'6poque, afin d'illultrer pour le public +a dégradation morale de l'Egli •••

C'est au niveau de la thématique amoure~se qu'elle formulera sel id'el

platoniciennes, ce qui litue la fid6l1~6 chr6tienne dans la vie individuelle

plut8t.que dans l'Eglise. Pourtant, bien qu'6manant de q~~lques nouvellea,

son platonisme est eans doute plua apparent au niveau du cad)'o de l'oeuvre, 0..

et dans les rapports du cadre aux nou.ellel, puisque certainl dlvisants s'en j

font les porte-parole. les ,plus enthouliastes. .. En effet, parmi ,les dix deviaanU, c'elt< surtout Padamente qui nous

transmet les opinions de l'auteur, adoptant une attitude d. compl.te ,

acceptation chr6t1enné du sort de l'homme. Elle elt, avec Dagouci~ que noua

êtudierona par la suite, 'le principal d'fenleur des th60riel platonicienn ••

auxquellel elle mSle son id6al chrêtien, luperpolant l'influence de Fiein 1

celle de l'Evangile. ' Parlamente diltlnrue l'.mour .en.ual da l'a.aur d'gaa' ,

d.1 liena de 1& .1IItilre, allant jUlqu'l animer hautaent le •• nti.nt fond'"

Page 59: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

, , , . (

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- S4.

.ur la bea~t6, 1 condition qu'il' ne mane p .. excludvement 1 un d6tir de

joui .. ance corpore l,le , car l'amour de la crhture doit aboutir l l'amour divin.

d 'Qu.nd Parlamente d'finit la l'elat1.on amoureu.e id'ale. "J'appelle parfaictz

amana ••• ceulx qui cerchent, en ce qu'ilz aiment, quelque parfection, soit

bea~lt', bontA ou bonne grace; tous jours tendana 1 1. vertu, et qui ont le

cueur ai hault et ai honne,lte, qu' ilz ne veuUent, pour mourir, mectre leur ~in

aux choaes basses que l'honneur et la conscience repreuvent. nI elle est en

parfait accord avec le Solitaire quant 1 l'importance de l'honneur dana les ,

- relations Amoureuses, puisque l' aunt du chant "De Chaste ·Amour'" (Erreurs

amoureu.es. 1) pr6con1sera un .et\timent -forg' de respect mut~el et d'admiration.

Parce que l'amour spirituel, ma .. s'U .able pur, ett 116 11a madriaUd de , 1

l 'ex1~tence humaine, Parlamente milite en faveur d'une r6ciprocid amoureuse

qui. soutient-elle, ne peut .'6panouir .ans le l1en con~ugal (thbe que . ' reprendra Pasquier 1 travers le. propol du MonophUe): Elle e.pare donc,'

par le ra.pect des,' d.vol~1 r'ciproques dans 1. mariage, unir le. 'poux dan, ,

un id'al spirituel et orienter leur. a.pirations, "d6.orÎu1s confondue., vert

. 1. d1vinit'~ Cette finalit' lamoureu.e, dl. lor. concrtti". en Dieu, trahit "

les sttaéhe. chr6tienneil de l'auteur,' et la Chan.on de la dix-neuvll. "nouvelle ~

r'sume le trac' spirituel de Marguerite de Navarre, avec aa vision de la fid'lit'

conjugale .ou. le regard de Dieu:

Car nOltre amour mutuelle "

Sera tant spirituelle,

Que Dieu s'en contentera. • • • '. .

Fuyona la concupiscence, _

Prenona la chaste innocence

Que Jeau. noua donnera. -•••

Car amour loyal et ferme,

"

\

Page 60: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

( .

. .

Qui n'. jau1. fin ne cerme,

Dro~ct au ciel nous condulra. 2

C' .. t de. ·prqpo. de nagoucin que se d'gage surtout la thAutique amOOTeu.e

platonicienne: .eu1 c6libataire du groupe, il a.pire vivement 1 cette

c?1IDIUnion amoureule a laquelle rien n'est comparable, et qu'il n'entend

pa. '>"souiller" l>ar une alliance corporelle. Dagoucin puile 80n explication

~ , de la naisunce de l'amour dans Le Banquet de Platon, plus pr6ciaQ,ent du

ss.

discours d'Aristophane d'velopp«nt le mythe de Androgyne: "Pour ce que l 'hom1lle

ne peult sçavoir, dist Dagoucin, oil est cette Micty6 dont l'unyon est 8i

eBaalle que l'un ne ~ffere de l'autre, 11 faut qU'il s'arreste où ~1DOur

le contralnct •••• " L'attitude po6tique de Pontus de Tyard favorisera

'g.leme~t un androgynat spirituel, et, l l'avant-deroUre .trophe du

\ 0

PTe1l1er livre dei Erreurs amoureules, 11 conclura:

NOE deux esprits d'une complexion,

Sont .. longnez de toute paIl ion,

Passion qui tourmente. 4 . . . Dagoucin. quant 1 lui,' revalorise 6gainent 1. rarfalte allit1', c. qui .00.- .. entend pleine confiancè et absence de jalou.te: "Je voue dlray ce que plu.

facillement r01llpt une bonne amityA, me, dames: c'est quant la seuretA de

l'a1l1ty6'c.ommence a donner lieu au 80upaon.,,5 Le thème de l'amiti' ut du

reste récurrent dans le8 écrits de Marguerite de Nav~rre puiaque nOU8 le

retrouvons dans La Coche, <f 0

dialogue mettant en pr6sénce troie dames affair6ea

1 parler d'amour; 1& premUre d'entre e11ea, ma18r' un refroidllaement dana

l'ardl!ur amoureuae de Bon amant, esplre renouer l'entente jadia heureule;

par contre, la seconde .'avoue abandonn6e. l'homme qu'e1le. aime lu1 ayant

pt'6Ur6 une rivale. Seule la -trols1ême enfin, JOUit d'un bel amour, allOur

fielnien parce que r6c1proque et Bpirituel. AUl8i, .ublimant toute jaloua1e,

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Page 61: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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. d!un Alan a6n6reyx elle .'offrira a partager .on udf \1,

Mon alllY leul, qui en vault plu. d,_ troy.,

Sera de. troya amy. 0 quel lien

Qui quarre cueure uni ra sana moyen

En ung voulloirl Hela., je l~ ~ouldroYlt6

Maiheureu~ement, l'amitiê ne suffisant pas lIa purification de l'allOur, 1&

dame renoncera de plein gré il toute satisfaction phYllque:.

Avecqueé lluy tout plaisir' je tenunce

De veoir, d'ouyr, de penser, de parler.

Parquoy d'ennuy, point ne le fault celer,

J'ep ay le"marcq 11 voua en avez l'tunee.7

C'e.t du re.te cette mime attitude aUltère que pr'conlse Daaou~ln a Ion

interlocuteur Hircen: "Hircan, diat Dagouc1n, je veulx dire que, ai noatre"

56 •

amour est fondée sur' la beauIt', bonne grace, amour et faveur d'une felllJle, et ~

nostre fin aoit ple.1air, honneur ou proffict, l'amour ne peult longuement

dure~ ,,8 . . . Ainsi, en Bigne d'allégeance platonicienne, Daaouein ne

lubordonne l'amour ni il la beauté phya1que ni aux vertus particul1ar .. de"

ai dame, mais uniquement il sa vertu totale, qui colncide avec toute .on aile:

''Mais je luis ferme il mon oppin10n, que celluy qui ayme, n'ayant autre fin ne

delir que bien aymer, laissera plus tOIt 80n ame par la mort, que celte forte

am0Ml' sa111e de son cueur. tt9. -Et, tout comme le ,Solitaire, Dagouci~ percevra 1:

1Iort comme u,pe 'vaaion. ' -v

t.

En fait, depuis 80n Dlal?sue en forme d. vision nocturne' (524), Marguerite

di Navarre a' elt longuement pr6occup" du probUme de la IDOrt, et ce •• ra aon

recueil de Chan.ona Spirituelle. (1547) qui exprlaera le mieux aon exaltation

de la vie dana l 'au-deU~ Elle y chante en effet la mort l1b6ratdce. que

leul. 1 ••.• eneuela trouveront cruelle: \

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Page 62: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

57.

Le doux regard de ton amour

B,t un bien sur tous des1.rable:

11 tue l'Ame san. s'jour,

Et, morte 1 CHRIST la fait a_blabla.

o mutation dlHectable,

Quand lien en son Tout fait ~.tourl , .

Las, avance:; donc ce bon jour.10

Toutefois. la reine de Navarre, tout en conservant les compo.antel de l'univerl

po~tique n6o-platonicien, y ajoute une angoisse troublante qui ne s'6teindra

qu'a la lumière de la Foi. En effet, le sentiment de crainte tr~8 ~6vel~ppê

dans Lei Prieons (1547), n'apparatt pal avec la ~1IIe force 'troublante .danl la

po'sie ty.rdienne: pourquoi cette diff'rancé? Il aemble que le recueil \

Le. Priions a 'articule a~tour de la c.ptivit~ spirituelle et, en eff,et, 1 '.~ i

y est prisonniare de l'amour, constamment tiraillAe entre les tentations du

corps et les promesse. divines.

L'amant, en qu~te de paix' spirituelle et fuyant l'attraction charnelle,

l'emoncera dans une activité 1ntellectuelle qu1 a'avère vaine l rboudre Ion 1 \

dilemme: Marguerite de Navarre se heurte aux Hm,te. de la .cience. Pour

Tyard nêanmoina, la science ne sera pas un pis-aller, mais une manière de

diacipl1ner l'esprit pour atteindre Dieu. Souvenon8-nous en effet que Pontue

Ae TyÀrd, dans le Solitaire premier, attes.te de l'importance des sciencel qui

permettent a l'holll.tne de .'6lever "jusques au'"plu8 hault siege, o~ repose •

1 'object de l'eternelle felicitA ...... 11 Nous avons donc, d'une part ...

l' 1nt6rior1 tê ango18sêe du premier 6vang'11.~ et de Marguer! te de Navarre (

(personnellement) qui ne compte plus .ur les oeuvrea mais .ur la Pol pour

l .. uver l'Ime, et de l',utre. l'enthousiasme .cient1f1q~a de Pontu. de Tyard. , dane d'une pha.e nouvelle de la Il.nai.sance. ,...

"

.,

Page 63: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

, ,

( LJ Foi ch.~ Marsueri'te d. Navarre fait appel l la notion de fureur, ai

indi.penaable dan. l'ascension spirituelle .elon 1 •• néo-platoniciens, et

,repriae par Pontus de Tyard. Dan. la C01D6die de Mont de Marsan,. de la

'il

reine de Navarre, s~ul le dernier personnage, d6pourvu de pr6~entlon . intellectuelle (l'au~ur

b6atitude divine grAce 1

pr6cise bien qu'il 8~agit d'une bergare) connatt la

.a ~oi inconditionnelle, ce que TyarU expliquerait

par un état de fureur. Ainli, la Rav~e cbante-t-eUe l .e. interlocutrice.

6tonn6e.:

Qui sc et amour (n')ignore nul .çavolr •••

Qui peult amour eœbra •• er prandre et veoir,

Il ~elt) r .. ply cfà grace souveratne. U "('f,1

La th6010gie de Marguerite de Nava!re 6tait donc ttas claire dans la ,

58.

( 1 relativlsÀtion de la raison et de l'intellect. Seul l'amour de Dieu r grace a --

\ -Î

la foi, sauvera l 'hOlQlDe. Aux éléments purement platoniciens, Marguerite infUle (/

de. convictions chr6Uennes pour arriver, remarquons bien, A cette mime "folie" ~ .

qu'est l'6tat de contemplation du divin lorsque l'Ame 8e d'tache de la folie "

humaine et reno~ce A 'l'immédiat en vue d'un bien impond6rable. Il faut dire

• également que l'enquAte tyardienne des aImé" 50 concerne la vie dans le temps

et son 8m'nagem~nt moral et spirituel, plut6t que la question du Salut,

laquelle n'interviendra directement que dans'!e. Homilies de l'6vSque de

ChAlon. Même dans ces textes tardifs, le substrat platonicien sral1iera au ..

souci de purifier l'Ame das la vie pr~sente (voir notamment le. Discour. ou,

Romilies .ur l'orailon dominicale (1585).

\ II. Pasqu1!r èt son '~nophlle Il

" Bien qu'inscrit dans le veine n6o-platonicienne. le Konophii. de"'.quter

"\

comporte de. eonçlu.ions originales par· rapport l la tradition dite r

, .

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Page 64: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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59.

p1ato~çienn~.r Ce dialogue met en scane quatre personnages: une f e1lllll8 ,

Chari1'e, èt trois hoœmes, le protagoniste principal ,Monophile, nAo-platbnicien,

Philopole, prototype des personnages rabelaisiens aux attitude três terre a

terre, et Glaphire. L'auteur, Pasquier, caché par un bosquet, assiste au d6bat

_is n'interviendra que lore des conclusions gén6rales.

Monophlle vit la situation difficile d'un amour réciproque entravA par

les liens maritaux de la dame. L'expositi9n de cette d61icate situation

amoureuse conduira chacun des devisants, au fil de la ~onversation, a opiner

sur .l'institution du mariage et ils dcheront en conclul:l1on -de concilier les

.diff'rents points.de vue.

·,.us propol de Phllopole sont peut-être les plus explicites: jouissonl,

J dit-il, de l'amour corporel afin d'en extraire tous les plaisirs sensuela

imaginables 1 Cette opinion, superposable a celle d '~ircan che2! Marguerite . d'è Navarre, exp'lique son profond m6pris du mariage a~quel 11 pr6Ure la

bigamie: '''Car qui vous a"appris, Seigneur MonophUe, le mariage d'un 1 une

e.tre meilleur, que celuy d'un à plul1eurl, sinon la loy? •• .13 En , ,

introduisant par l 'intermêdi~re de Phllopole lès pr6cepui de 1 'lalam,

Pasquier met en prA8~nce deuX1rligiOnS, doncr deux v6rité., et 11 confronte

alors la s6curi té platon!-Jâ~e du Monophile au relati villie des lois.

Mais, l'audace de Phllopole déchalne" un ~ire g6n6rd au .dn de la

compagnie: "Philopole ayant donnA fin 1 80n propos, ce ne fut sans grande" . . .-

ri.6e de toute la compagnie. D'autant que tout ce discours 8' eatoit trouvA

accompagné d'une sI natfve gayeté, qu'on ne açayoit s'il parloit leulement . pour plaisir,'ou bien qu'ainai ll'l'estimaat."14 Bien que cette moquerie

• . amicale confirme l'attachement de l'auteur aux dogmel chdtiens, dont

l'infaillible véracit6 démolit a ses yeux les croyancel illa1lliques, notons ., qùe -Pasquier offre tout de'1Dame 1 son lecteur des opinions divergentas. 11

Page 65: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

...

..

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. . 60 •

est vra'i que oans le Solitaire premier et les Erreurs amoureuses, la loyautê

'passionnée en amour ne se dêment jamais et, par son dogma Hsme, Tyard semble

se d~marquer par rapport il Pasqyier. Pourtant, un peu plus tard, dans les deux

Curieux, et sur d'autres problêmes, il pratiquera, lui-même la confrontation

d'opinions opposl!es. Il est int~ressant ici de constater comment Tyard tivo1ue

vers la dialogicit~, étant donnl! qu'au stade des Solitaires, l'Autre ne pouvait-

être que Pasithl!e, et P,asith~e ne pouvait-être qu,.!.une "parfaycte amye, Il

partage~nt avec le Solitaire sa véritl! sans foUie ~ ,

Le bêros de Pasquier, allant il l'encontre de l'amour courtois, se rêdgne

et respecte le cadre matrimonial, d~truisant ainsi sa passion adultère. La

petite compagnie s'arrête en fin de compte il la d~finiti'on néo-platonicienne de

l' aTur, qui est quête de Beautl!, mais prolongeant cette conclusion, Pasquier

~

débouche sur un obs tac1e car, pense-t-il, l' âme d~chue du monde odes Idées ne

peut reconnaltre le Beau: l'auteur préfère donc ramener le sentiment amoureux il ,

l'amiti~ et au respect rêciproque dans le )l'adage: "[J]e vous advise Messieurs,

alns ces te excellente ordonnance sans plus, par laquelle ce grand Legislateur ,

et Philosophe, deboutant les dots de sa Republique, voulut 1e~ mariages se

parachever par une seule et cordiale amitié'. ,,15 Notons que cette autre

forme de l'amour do! t nl!arunoins pur;1fier les deux esprits,

, < •

, J

[L' lAmour estre un je ne sçay quoy • • • qui tellement '.

nous lie et unit les esprits, que nous causant une

p~etuelle mort, nous fait revivifier en un autre,

nous faisant oublier nous mesmetf.7' pour nous souvenir

de nous' autres nous mesmes: et qui ?ar divine puissance,

nous estraint d'un si for~ et estroit lien ••• qu'il

met deux esprits en un corps, et par un mesme miracle,

. ,

/

Page 66: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

:-, , ,

! • f \

( . --l l'

. ~_ .... ~fait que deux esprits, soien~aits un esprit en deux

corps. 16

L'auteur du Monophile, conciliant les eXigences de l'amour spirituel aux ,.

rul1tês de la vie terrestre, fait êcho aux paroles de Lêon l 'HEbreu qui

16gitimait l'union corporelle il des U.ns de procrbtion. Etienne Pasquier,

préoccup6 par l'hygiène cQrporelle et mentale de l'individu, définit donc

clairement le rôle de l'amour: "(Amour] Qui est la cause • • • pourquoy

toutes noz loix pontificales à la consOlIImatlon fun VIay mariage • • • ne

requlerent que le con~entement des parties: Considerant ce vray Amou,r de

61 •

mariage, ne devoir estre fa~t que pour une conformit6 d'esprits, et non par

appetence charnelle. ,,17 En ce sens, il est plus "rêaliste" que Pontus de Tyard

qui sublimait' toute affiction . corporelle, ne la laissant affleurer que rarement,

juste assez pour que r' on reconnaisse If étendue de son sacr.ifice. Tant dans

les Erreurs amoureuses que dans le Solitaire premier, 11 laisse effectivement ,

6chapper quelques soupirs de r6signatlon:

Ou enccn:e:

Helas 1 j'estois de dedrer tant las,

Que mon travail souspirant cest helas,

L'humble parler il,la langue ottroya:

. Quand ton chas~'oell cruellement piteux, ;"',,'

Ac::cODlpagn6 d'un nenny despi teux,

D'un de ses treta A mort lit! foudroya .18 •

Je seray tresaise ••• que le discours de chose qui

vous plais e, m'apporte occasion de ne vous point '-

ennuyer! pendant qué'\.de ma part je contentéray le

desir, que j'avois de vous voir: et l'estaignant en

p{lrtie, me vengeray de luy, qui trop affam4 m'a, o

1

Page 67: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

, ( ,

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1 ! , (

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1

...

.. •

62 •

essimê, comme vous voyez: au moins luy doy-je imputer

, • d '\

C taint pasle, qui au premier \ .

oeil m'a fait sembler

'malade, il vostre ,opinion.1 9 'L '

Pasquier enrichit donc la doctrine néo-platonicienné de nuances

positives: 11 tient compte de la condition de 1 'homllW! et: tente un compromis

entre la contemplation et la vie active. Son Monophile tisse un .lien entre

le spirituel et le corporel, de façon plus visible que le Solitaire de Tyard

qui d~gagealt la pure essence de la vision platonicienne, au sacrificé des

rêalit~s quotidiennes. Pasquier ne nous prépare pas directement au relativisme, ,";.\

mais sa flexibilité semble avoir nuanc~ le dogmatisme pla\onicien, eV par sa

rêÙexion, selot) laquelle il "trouve bon que chacun demeure en son opinion,

puis qu'elle est si vray-semblable, et approchante du vray,,,20 il s'écarte peu

a peu des affirmations du Solitaire; Tyard, par tempérament peu t:-être, et

aussi par nécessité, vit, le platonisme; Pasquier, dans son Monophile, se o ~

pdoccupe davantage du monde environnant et de ses contradictlon9;- et Cf est

peut-être son rire race aux idées nouvelles qui ouvre la voie au

scepticisme • . . a moins qu' 11 ne soit qu'un simple écho de 18 joie

"renaissante. "

~

Il convient 'toutefoi$ de noter que vu les dates de parution des oeuvres, ~ ,

celle du Solitaire premier e"A 1552 et celle du MonOphlle en 1554. Tyard et , - -

Pasquier ont en quelque sorte "dialogué," soda forme de dialogue, sur les

dlver~es questions que nous avons soulevées. En tout état de cause, le

néo-pla tonlsrne l~ttéraire a plusieurs facettes, et plus encore que les dialogues

de Pasquier, la poésie de du Bellay exprime cette vision: avec 1e lyrisme qui

le caractérise, du Bellay s'identifie lui aussi al' idée du pur amour.

o

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Page 68: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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1

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63.

III. Le ,latoni... de du BellaI

L' ad~ration 1neoQteat6e de du Bellay pour le M.lconnaie ".rprend •

preaUre vue: en quoi Pontua de Tyard a-t-il pu tant iapre.donner l'auteur

dei !\eareta? Et pOurtant du Bellay fait l '6loge de Tyard, Il 'abreuvant l .a

. source poétique afin d'insuffler a L'Olive, aux Treize Soonetz de 1 'Honne.te

Aaour et aux E16sies, un platonisme çhrisUanisê. Dana son Du Bellay (Lille: \

1900, pp. 191-194), Henri Chamard a déjà dhontr6 le parallélisme des

oeuvres de du Bellay et de Tyard.

t'Olive parait tout d'abord en 1549, et cette premUre édition illustre

les t!blmes ~rincipaux de la tradit,ion p6trarquiate où le poête, d'Ui .. , par une

dame cruelle, se lamente et l'interroae:

Si donc mes pleur. et. mes soupirs cuyaan ••

S1 'mes ennuu ne VOUII sont suffialDB

Temoins. d'amour, quele plus aeure preuve.

Quele autre foy, Ji non mOurir, lie reate!21

La aeconde 6dition de 1550, ~ntroduite par une Douvelle pdface et

augmentée de aept sonne1;s religieux, en fin de recueil. ett une dIction pos.ilt1. . "

l l'influence de Pontus de Tyard. Dans ses nouveaux sonneta, du Bellay expr~\ '\

ùn platonisme ardent, OÙ les aspirations lIystiques de l 'be affaibl18sent le8

désirs charnels de l'amant. Nous y d'celons encore d'aJltrea affinit6s du polte '. <

puisque, tout commev

Ch'U Marguerite de Navarre, sa quête de l'abtolu 1. ~f.OUdo en Dieù:

Le Juste seul ses eleuz justifie, 1

~8 reanime en leur prelliere vie.

Et,'. ~O1;1 FUz les falct quasJ.. egaulx. 22

. l Les Treize Sonnetl: de l 'Bonnelte Amour sont d'aCQ d. 1552: ,du Bellay •• t alor.

en train de se d'fendre contre I.e attaques porth. 1 la Deff.nCI et il'lultration' ~~ ,

r, •

IJ •

, i ;Si

Page 69: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

(

..

de 1. lanel françon... Il'pondant donc '1 c~ qui crltiquaient cet ouvrage, 11

continuera 1 puiaer eon 'inap1raUon dana la po'de latine, tout en confirmant

aa place aux cSt'e d'un Tyard ou d'un Fic:1n puilqu'il infule la vision

--platonicienne dans .. 1 _'taphores et dalll lea aymboles poétiques. Du Bellay

reprend par exemple l'aa.imilation des yeux au lol~il (sonnet S, v. 5), et

chaque aonnet d6veloppe l'6ternel combat entre l'Ame et le corpa, l'elprit ~ . .

et la utiare, 1 la lulldare des figures platoniciennes:

Ainsi l'eaprit dedaignant nostre jour

Court, fuyt, et vole en son propre aejour

JUlques a tant que .a divine de~tre

Baulae la bride au fola.tre dezir

Du 8erviteur, qui prea d~ 80n plaizir

Sent quelquefoil l'absence de Ion aaiatre. 23

Ileaarquona toutefoie quel la diff6rence de Tyard il touche /eu aux aapect.

coallOlogiquel et .'taphyaiquel du platoniee, pr6f6rant le limiter" reconnaltre

la tranacendance de cette vidon. F.it certain, lei nOlibreuae8 analogiel

~o'tiquel entre 'cea deux auteurs ne lont pu des je~x du halard, et

''l'innutriUon'' qui va de Pontus de Tyard i du BeUay, eat .aidannte dana

l'exellple suivant, que Chamard relevait d'jl dans Ion Du Bellay (Lille, 1900):

Du Bellay: I~

.... Puia que le Dieu de mea affeetio'na

y engrava tant de perfectiona. .~

Pour figurer en cete carte peinte '. )

" L' •• tre bening de 118 fatalit',

J'appen' ce voeu a l'immortalit6. r: Devant lea pieds i"ae .ainct •• 24

., .... l,

\

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Page 70: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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Pontua de Tyard 1

J'appen. et vouë en toute huallit'

Ce, que ja pub de l'ia1lOrtaUt'.

AUx •• cra. plad. de cette •• inte iIIa,e.2S

Le. afflnlt6a platonicienne. de du Bellay .'eatoapent c.pendant dt •• on ' .. .1/ ~

610ignement transalpin; le platoni.aI a.oureux de L'Olive •• traUtfor.. en

pa •• illis1Ie sur la morale, dan. 1. vidon historique de. Ant1quit" d. Rou.

L'.lU..ance atyliltlque momentan6e du p6tr.rqu1e1le et du platon1s11e en' ce qui

conc~rne l' aJIOur hutlulln eat d'nonc'e, elle, da. l"e polme A une d.... Ainei,

avant Pontus da Tyard at autour de lui, l'tntart.xte platonicien et

n'o-platoni~l.n·~ 1 l'oeuvre; toutefoi., Pontu. e.t •• na doute .eul 1 ~~

prlvi16,ier d'une _nUre .1 exclul1ve. , -f

,. , \.

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. , 1 .

65.

Page 71: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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1

Note. - Chapitra Il

}

.. ~ '/. .66.

Marguerite de Navarre, L'Heptam'ron, dana Conteur. trancai. du XVIe

ii'ele, 6dition 6tab1ie et annot6_ par Pierre Jourda, Bibllothlque de la Pl.iade

(Parla: Gallimard, 1956), p. 846'.

2

3

.!.lli.!, pp. 842-843~,

Ibid., p. 746. -:-----

- ... -\

\

4 Pontus de Tyard, Erreurl amoureu.e., l, chant "De ..s.-_te Amou~, Il •

v.127-129 (O.p.e., p'~ 77).

5~ Marguerite d~ Navarre, L'Heptaméron, p~ 1001.

6 Marguerite de Navarre, La Coche, 6dition critique avec introduction

et commentaires par Robert Merichal (Genlve: Librairie Drol, 61971), p. 173,

v. 619-6i2. -' 7 Ibid., p. 188, v. 945-948.

8 ~rauerite de Navarre, L'HeEtam6ron. pp. 746-747.

9 lli!. t pp. 747.

10 Marguerite de Navarre, Chanlona Spirituelle., 'dition critique par

George. Dottin (Genève: Librairie Drol, 1~71), p. 77, v. 36-42.

11 Pontus de Tyard, Solitaire premier, p. 3.

12 Marguerite de Navarre, Thlatre profane, 6dit' par Verdun L. Saulnier ,-4 /" "

(pari_, 'f,roz, 1946), p. 299, v. 577 et 583-584.

l ' È\~ienQe Pasquier, Le Monophile, 'dition cr!tique avec une

introduction ~t des notes par E. H. Balma_ (MÜano-Vare.e: ,Indultrie GraUche .J

( A. Nicola & C., 1957), p. 77.

14 .!.!!!!!., p • 81.

Page 72: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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67 • ..

1 1 ,4

1 15 76. I, ill,t., p. ( , 16 !!!!!. , p. 116. 1

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1 17 llli.. , p. 118.

18 Tyard, Erreur • ..our.u •••• I XL. v. 9-14 ~O.p.c ••. p. 51).

19 Tyard, Solitair. pr.a1.er, 'p. 11.

20 Pasquier, p. 101. ~

21 Joachim du Ballay, L'Olive, texte 'tabll avec note. et introduction 0'

, par E. Caldarinl ~enêve: Llbrat.rle Droz" 1974), XXX, v. 9-12.

22 Ibid., enI, v. 9-11. - . 23

1

Joachim du Bellay, ''Treize ,Sonnets d. l'Bonn •• te ADour t" danl PO'I1 ••

lrançai ••• et Latin •• , avec Dotice et Dote., par ,E. Courbet (Paril: Librairie

Carnier Frare., 1918), VI, v. 9-14 •

24 .

~, XIII"v. 9-14. ( . 2S PODtU. de Tya~d. Erreure &aOur.ua. l, ''Voeu,'' v. 12-14 (O.p.e •• p.

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Page 73: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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.. 68 •.

Chapitre III

LA PENSE! Dt ARISTOTE DANS L'OEUVU TYAllDIINNI

Au c~nc_nt d .. \ann6a1 1550, Pontui de Tyard, par .e. Erreur.

aaour.u.... .onjS~l1t.lre preater et le Solitaire aecond, .e trouve plei~ ... nt

engal' dans le couran~ philosophique n~o-platonicien. Et pourtant. da. 1555,

8~8 écrits prennent une direction nouvelle, .'Acartant du mouvement platonicien

pour eX4~iner des vues plue raUouali.te.. Ce changement, dont les caueea et

le. modalit6. doivent Itre 'tud!' •• , ~e .. nife.te tout d'abord dana son

dialogue Diacoura du te.p •• de l'an et de ••• partia.. ~i

1. Le ''D1Icoura du t •• p.. de l'an et d. a.. parUe •• Il

tournant philoaophique

• Dana Ion introduction l L'Univ.n. Lapp r'IUIIe dnlt le D!.eoura du teap,

oil l' auteur abandonne le. thA1D81 platonicienl*, ap'c1aleaent ceux de l'AIIOur

et de la notion de "fureur. Il pour ,a con.acrer avant tout 1 l' 'tud. de.

calendrier.: "The Di.cou!;'. du te.p. ie a coapendiua of lIi.callaneou. r

Infonution on tille. the .. a80nl, and calen~tI, vith a lengthy etYllOlollcal . ,

dhcuaeion of tbe varloul namee of the month. and day •• "l nAja. tout au 10111

du -XV· .Uele, bien avant le Trait' de la r6fol'lll du cal.ndrier pr6sent' par

Nicola. de Cuee au Concile d. Bile. lea a.troloaue.. et astronome.

a 'interrogeaient quant l la longueur de l'ann'e, pour en fin de cOlipte

* Nou. n'oublions pas que Fie1n et Lion l'H'breu .'effbrdrent d. concilier Platon et Aristote, notamment sur le. plana cosmologique et. 6piat6I1Oloa!qu,., C. qui nou. int6re18e cependant c'ut la r6ceptlon de Platon ,t Ariatot ••• 'IoD leu.n ap6cificit6. respective.. 1

~

Page 74: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

i

1

1 .

t ( i

perp'tuellement Be contredire; ila attribulrent leur m6aentente \ ,

connai .. ances de l'homme en IIUltilre d'astronomie. Quand paratt le Di8courl du

temps, les controverses du Cusain aont dépaaaées, et le. peraonnagel de Tyard, ,

le' Curieux, ,Selve et Hi6rOll1lime 6voqueront lea multiples .péculationB qui

,boutirent a l~ valeur actuelle de trois centa soixante-cinq jours un quart.

Néanmoins, 'malgré cette 'thématique en contraste avec les propos du

Solitaire, c'eat tout d'abord le changement de perspective philosophique

qui '8urprend le lecteur. L'analyse de l'introduction au discours, 'qui est de . .

nature philosophique, explique en effet comment Tyard--sans cesser de croire

a l'éternit'--tourn~'la vue vers les chosel temporelles (dont le platonisme

apra., tout luI 'avait déjA rév616 la relativit6). Il B~agit do~c bien d'un

changement d'orientation et d'int6rlt plut8t que de conviction. Da, leI

premiares pagel. Tyard nous 6tonne par ael réflexion. d'un ton nouveau:

"[C]e qui aujourd 'huy noua 8emble vray ou bon. demain nous aera en reputatlon

de mensonger et ... chant. • • • .. 2 Ces C01llll8otaires inaufflent l tout le

dialogue un relativi.me profond, car l'auteur semble lailser de c8t' .a

recherche d'une vérité unique, pour rendre co~pte de l'al6atoire de a.s

connai.sances de l'univers: tout e.t systématiquement remis en queBtion;

combien d 'heures\' compte le jour? "Donc il eat arrest' (reprint Sceve) entre

tout~. natlQRs tel espace devoir eatre divisé en 24. Coœbië que l'opinion

de ceux ne soit despourveuë ny abandonn6e de bon. Autheur8, qui ont asseurA

quelques Anciens avoir divis6 le jour en six, et la nuict en autant de

parties. .. 3 • • • O~ commencent les nuite? "Quit aux revai1a, ou veil. de

,/'

la nuict, les noms en ont e.té divers entre le. Latina, comme entre les

Grece et le8 noma et le nombre: 1Desmea entre noue diver. en eat l'uaage. • • • ,,4

(, " _ ( et, lait plus r6vêlateur encore, le8 deviaantl remettent en que.tion la.

pratiques dea autoritb religieu.e.: "Il me vient en memoire (~it Ri6r01lD1me)

Page 75: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

i

1

( ,

, ;.

(

70.

que le. Juifl'tree-railonnablement commeaçoient le jour au ~oleil couchit •••• , .... .

C~me ~uaai l.a Chre.tiena ont bien juate raison de le commancer l

1Iinuict. • • • Ils

Cependant, ce dialogue tyardien ae limite l èonstater l'arbitraire dea !

explication. temporellël'de l'univer., maia ne conclut pas sur une viaion

sceptique du monde. Ce n'elt pas un d'saccord avec le platonisme, maia plut8t

une concentration nouvelle sur un domaine de la connaissa~ce que le platoni.me

ne pr1vil'gie paa: le domaine du changement, du devenir, objet d t oplnion

~~~J plut8t que de,\ connaias,litce rationnelle et sare. H4lgrê tout, lei protagoniste.

de ce dilcours annoncent une are nouvelle: parce qu'ila mathématilent le

teap •• le dominent. lb' en deviennent le, mdtres; la description du ,ilocui

amoenus" illustre, ce chanaement: "[L)a dilpolition de l "air noul convia .',

d'aller prendre l'esbat en, un mien jardin. de ai coœmode plant, que le non·

trop àffect' agencement, .. il aussi la non trop negllsente culture, pouvoit

allez noua donner de plailir."~ Cette "non trop neglisente culture." fruit

du trav~il de l'homme lur la nature, srlce lie. connaislance& dei saiaonl

'V

et dea chansemente m6t60rologiquea, fait d'Iormail 'tat d'une nouvelle mesure •

de l'univers, meaure, humaine cette foil, et Don plUI lurnaturelle. Cette'

autre vidot\ du monde qu' 6bauche le Diacoura du t'e.pI .e d'veloPP. pleine.nt

dan. le dialogue auivant, L'Univara.

II. L'Univ.re ..

A. Structure

Dane c~ dialogue au titre r'v'lateur, fora' de deux diacourl, 1. Pr.~.r r ,

Curieux et le Second Curieux, Pontui de Tyard entreprend une analy •• . ,

,

exvlicative des aspects naturel. humain et .'taphYlique de l'enaBabl. du .and ••

Conform6ment aux usage. litt'ralrea de l'auteur, ce prolraame aabltleux d'but. f

-.

Page 76: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

#

-, , , -

1

(

71.

par un pa.s.se .'dit.tif, et .i l~. p.r.graphe. prtlim1natre. au Second Curieux ,-)" ..

con.tituent une 'pitre au roi de France, recommandant l'ueage de la langue 1

françai.e dan. les 6crits philosophiques, par contre l'introduction au Premter ~

Curieux initie le lecteur aux sujets du di.coure: nous y li80ns en effet

quelques r'flexions philosophique. d'où procêdera le COrp8 du dialogue, et ce

n'est que par 1. suite qu'lnteryiendront les convives, commençant A proprement

parler le véritable dialogue. Dans ce court p.ssage introductif, Pontus de

Tyard nous fait part de 89n nouveau programme intellectuel: '~18 qui a.t

celuy, qui, jouissant de la belle luDiere,celeste '.u plein jour, n'entre e~

cdelir d'en cognoiatre 1. source?"1 et 11 d'bouche eur l' .ffirmation: . "(L')homme est nay pour contempler le monde. tt8 Cette conclusion d6coule 1

'. incontestablement des nouvell •• affinitls arietot6Iicienn •• de Tyard, noua

rappelant \ue toute la vie intellectuelle a pour but la contemplation, chez

Aristote tout comme chèz Platon. ~eul l'objet de la contemplation change: '.

chez Platon c'e.t l'Id'., tandis que chez Ari.tote 11 .'agit plut&t de l'Id'e

riali.'e ici-ba8.

B. Le "locus .lIOenu."

Le Premier Curieux, .nalyaant les ph'uOillnea naturel., 1. d6roule dane

la blbli?thaque de Pontu. de ,Tyardt a1o~s qUI l, Second Curieux, d6veloppant 1

une th'matiqu. mataphysique, prend place dans le jardin de Bll.Y. au coeur

de la nature. C~ l'explique Eva Xu'hner9• ce,paradote n'eit qu'.pparent

~ car, afin de mieux expliquer le. 6v6nement. dè la nature, 1., devi.ant. ~ront 11

.ppel l de nombreux auteurs dont le. livre. aarnieeent peut-'tre la bibliothaque .... \

de Tyard, ce qui jUltifie le lite choi8t pour la conversation. De ma~. en

abordant le. sujet. mat.phy.iques au milieu du jardin, ill pr'parent le terrain

aux multiple~!comp.raiBon. 6t,blles par Ari.tote entre la nature et l'h~, et

qui font, de ce dernier un aicroco ... de l'univer ••

.'

Page 77: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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( S09cteux du riali.me de .on d6cor, Pontu. de Tyard (dont le ebLteau de

Biesy s'offrait effectivement a-de. r6unions d'intellect~l.) reçoit deux

amie, le Curieux et Hi6romntme qui, a peine arriv6., conetatent les

72.

pr6occupations scientifiques de leur h&te: le beau luth encbanteur de'Paalth'e . danil le Solitaire premier fait place ~ un m6tb6oroscoJie austare: "[E]ntrez

en la chambre où je suis coustum[er de me retirer pour les heures moins perdue.,

IDe trouverent r'assemblant un metheoroscope •••• "10 En introduisant tras

tSt cet instrument de mesure, Pontus de Tyard d6voile l'orientation de son

dialogue. .Toutefois, cette 6bauche sc6nique ne~ resurgit, presque oubl16e

par le lecteur, qu'en guise de concluslon à la premiêre partie: "Ainsi que

le Curieux achevoit ce propol, un page apportant de. flambeaux, noul advi.a

de l'arriv6e d'une compagnie l laquelle je donnois l eouper, et de la nuict

prochaine, et presque .urvenue, dont pour la trop grande occupation d. no.

oreilles, eqtentives 1 ces aggrea~les discours, nos-yeux ne s'estoyent ..

apperceuz." 1..1" Le r&le pr6c1e et 11111 t6 du "locus allloenue" dana le dialogue, o

que nous avions d6jà nota lors de l'analyse du Solitaire pre.aer, .e confirme

ici.

Si brave que soit leur description, le8 cadres du Solitaire premier et de L

. :L'Univers pr6sentent pou~tànt quelques diff6rence.. Souvenons-noul en effet -

que l'exaltation spirituelle entre le Solitaire'et Palith6e l'achevait dans la

• olitude, puisque ce "dernier ~e,tournait dans la paix d. S8 campagne. Bien ') 1

au contraire, le premier dialogue de L'Univer •• 'ouvre en conclusion sur le

monde, donnant lieu à un souper: "[L] e Curieux et 1IlOy descendiluaes pour ,

recevoir la compagnie, 1 laquelle, apras souper, je donnay leI plul aglreables

et honnestes plaisirs dont je peux m'aelviser. nU Ce souper est prolong6 par

des divertissementl en compagnie de quelque. dames, sinon frivole., du .oin •

. fort diff6rente. de Pa.ith6e:"" "[L]e. dalles,. qui auront la auaique, et 1 ••

..

..

' .

.1

Page 78: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

,

73.

et autrea gracieux plaisirs d.,.quela vous essayerez de les contenter. plus <

aareables, s'employeront 1 un autre entretien. ,,13 Ces plabirs mondain. ne

m6ritent pas 'en 80i d~ltre relevês. 4ar le banquet est un sous-genre du

dialogue; mais soulignons que Tyard choisit cet aspect--et 11 r'aide la

nouyeaut6--paree qu'il y a amiti' de groupe.

~es deux discours se succ6dant, la conversation reprend le jour suivant

dans le jardin du domaine de Bissy: "[S]ous l'\. couvert d'une petite fusuye,

fermée en parc joignant ma maison. o~ nous trouvasmes au destour d'unê al16e,

un siege revestu de gazons sous un grand p~ane, hors de llincommodit6 du vent

et du soleil."14 La description de ce paysage, banal en 80i, nOU8 est

n6anmoins pr6cieule. car elle insiste lur les traits d'une nature Eminemment

concrête, non plus perçue comme le reflet d'idê.s divines. Une fois de plus.

J.e "locus amoenus" est emb16matique: cette" foia 11 l 'estf d'une nature

revaloris6e, que l 'h01lllDe observe avec des yeux nouveaux. Comme le constate

Eva Kushner, Pontus de Tyard êvolue vers une vision du monde plus concrltement

structur6e: "[L]e platonisme ••• subit une infiltration ariatot61ic1enne

Jl mesure que la pensêe s'oriente davantage vers l'~loration du concret. et "

que la notion de nature gagne en grandeur et en dignit6.,,15

'C. Le. personnages

Das le Diseours du temps, parce que lea pereonnagee lont 6gàux entre eux

et non plus maItre-disciple COœDe dans le Solitaire p, •• ler, l'atmosphare

" devient plus acad6mique. De même, danl L'Univerl, trois hommes 8e donnent la

r6pHque: le Curieux, Hiéromnime et Tyard lui ...... engag6 chacun dant une

orientation de pensée diff6rente.

Le Curieux, son nom l'indique, ouvre un regard critique eur le monde

,qui l'entour. et semble reprêsenter Guillaume dee Autell, cousin de l'auteur:

"[HIe [~ardl ~ dhguls1ng by th1a sobriquet 'un 8e~tllhOlllDe. llien pareDt,

. ?

Page 79: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

( diligent amateur de toutes disciplines. ,,,16 La critique moderne le d6sisne

""-comme le dffenaeur du rationalisme, faisant ainsi ~cho au commentaire de

74.

l'auteur: "[L]e Curieux, qui avec une nalve liberté <en laquelle 11 se permet ~.;

tous jours de desdire tout ce qui par raison ne luy est vivement demonatr~) se

declarolt contraire a Mantice. • ,,17 et . . , en effet, ce peraonnage a l'esp~it .,

façonn6 principalement par Aristote, qui lui lègue ses concepts d'astronomie,

Bon sens de l'ordonnance rationnelle du monde, et par la, la possibilité de

l'exploration de celui-ci. Mais le Curieux s'inspire sussi de Cicéron, dont 11

r6sume le De Natura Deorum quant à l' xidtence de Dieu. Sa hardiesse verbale

secoue 1e~ traditions consacr6eslde H 6romni~, et, s'il apparatt comme le plus •

crainte de voir s'effriter ~

audacieux des trois devisants, c'est

l'unive;s métàphysique de son interlocuteur. Maie le Curieux n'est pas

i,~ catégorique, et Bénouis souligne qu'en l'espace d'un dialogue, il attaque, puis ---

défend la théorie de la musique des sphêres. Ce personnage dresse p1ut8t ....

l"inventaire d~s opinions .qui circulent à cette époq.ue, d6cortiquant jusqu'à

leur racine les vérités prés~éeB universelles. L'analyse très nuancée de

Kathleen Hall rend bie~ compte du r8le de ce devisant: '~e Curieux gives the

up-to-date survey of secular knowledge and problems, interrupted from tiae to

Ume by his friends with their special interests and insights. ,,18 La d~rcbe

~ntel1ectuel1e du Curieux est sOre et rigoureuse car ce n'est plus à la

lumière des Anciens qu'il observe les phénom~nes de la natire, mais a l'aide

de 1a logique méthodiquement appliquée. Aussi s'écarte-t-11 de la tradition,

préférant l'incertitude de la nouveauté à la sécurité de la routine

intel1ectue11e~ Cette mentalité nouvelle se manifeste aussi par le style de

Tyard; une courte analyse intertextuelle, juxtaposant les r6p~queB du

Solitaire et dû Curieux, met en. évidence la d'marcation entre le Solitaire Cl

premier et L'Univers. Ainsi, quand le Sol1ttJ.re nous d'crit Pa.ltUe, . .'

., .

Page 80: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

1.

il emprunte a la po6aie platonicienne une série de réfêrences quasi

th~ologiques, puisant son vocabulaire dans le registre du spirituel:

"[A] ccordant au son des cordes, que di vi nement e~le touchoit, sa voix

douce et facile: avec laquelle tent gracieu~ment elle mesuroit une Ode

Françoise, que desja je me sentois raV}' comme d'une celeste harmonie ••

75.

,,19 . . Toutefois, lorsque le Curieux évoque les qualités de Dieu, il relie ses phrases

par dè no~breuses conjonctions et locutions:

. ,

Or si Dieu est sans art generallement, 11 n'est

aucunement pourveu ~e l'are de la vie humaine, de , -

laquelle les vertus sont la meilleure partie: et

pat. ainsi-' 11 est sans vertu. Mais ce qui est sans

vertu'n'est point Dieu. En outre, puis qU'il est '

doué 'd~ raison, sfil n'ept vertueux, il faut bien

qu'il soit vicieux.20

Par ses étapes bien définies, ce discours rappelle une dfimonstration de

logique 1 Le ton exalté du Solitaire dans le Solitaire preuder, fait place au

raisonnement précis d'un logicien qui nous offre les fruits de ses déductions

lucides, le plus souvent dêgagées de parti-pris idéologique.

Homme d'Eglise, Hiéromnime est l'antithêse du Curi~ux et ses arguments

sont tissés de références religieuses qu'il énonce avec certitude face A

l'audace de son ami le Curi~ux. Il reprend par exemple les démonstrations

des Anciens, et les juge bien fondées parce qu'elles ont subsisté au temps:

''Les Theologiens Re brieux, coustumlers de s' esgarer en di verses sciences , ,

eognoissent en ce hultiesme ciel • • • un mesme contraire mouvement que

vos astronomes."2l et plus loin: "Vous m'avez, dit; Hiero1lDime, fait

renaistre en memoire l'opinion des' Cabalistes. • • ."22

• • •

o

Page 81: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

~ ." , , !

, ~

~, 1 1 , t

(

.' J

, \

( 76.

, /- -L'fru4it1on ~log~qu~, d'Bifromnime 6quilihre le8 propos rationalistes

du Curieut, et, tout a~,lQnB ~es deux dialogue~, ~es) personnages demeurent en

r~pport égalitaire, bien qu'engagés dans des voies divergentes. Le Solitaire

portâ~t én ~ffet une sorte de vénération a sâ Muse, Pasithée, qui le dominait - \

,a~(),~~ sur le plan affectif: "[~].ecevant ~e 1I0y t~S humbles rever.ence~l avec '1" , ,

. '-', lelq1Jelles je suis éoustumier de 1 'hollDorer. qu'elle recompensa d'un honneste

,rêchei1; ~uquel elle se dai~e' fair~ Ùberale en mon- endroit."23 Au contraire, ,

, 1 en matiêre de connaissance, il ~tait indéniabl~ment le mattre, dont l'opinion

" \ ..

triompnait tôùjours; alnsl donc, le Solitaire premier présentait au lecteur une . , ,

, situation d'àlternance, où chacun des protagonistes dominait sur un plan ,", , ...

, , différent; encote' f~u't-i1 reconnattre que la "dominance" psychologique de

, , ( ! - {

... '., ~ 1,. - \

Paslthée n'est réelle que ,pour le lecteur des Erreurs amoureuses, et en

Intert,extualité {lvetC elles, \comme ellt pouvait l'êt-re pour le lecteur averti de

t'~poque. En dehors de cela, L'Univers l'emporte sûr les Solitaires en réelle

o ,

'. , ~ <l

: d1a10 gj.'C1 té: tôut dogmatisme y a dispa~, et les personnages s'enseignent ou·

plut6t, se renseignent mutuellement, en exprimant ~eurs op~nions; par exemple, , '

,aile CUrieux 8'~tonne de l'arbitraire du nom de Dieu, "yos'Bebreux, Bieromnime,

"le noouaent Jhëvhe (en ita1ique~ dans le texte), "ou Jhehova (en, italiques dan~ le - <' ~\ ' , - -

texte), prononcé de quelques-utlB Jo~, d'où ils tirent\ l~_ mot Lat.1n Jov,is (en' ~ • ri '......

italiques dans le texte). ,,24 Hiéromnime rectiflè' ses propos: "Ouy .,'. • mais

~ i~pertinem~nt, car les quatres lettre~ ne sont exprimables, selon nostre

articulée fa~bn de prononcer, ~our nous appren~re que 'Dieu n' a auc~n nom, -7 ~ ~ \1

fduquel noua puissions' av<;>lr cO$Dotssance. '. • ."25 'Aussi, au didactisme un peu

1Ipaternal1ste" du Solita1r~ premier, succMe une argumentation OÙ l!ens,eignement'

est réciproque: et, .... parce qu' 11 n'y à pas de bataille philoaophique, les

pré~~positi6ns 4g chac~n sont examinées avec le même intérêt. De cette ,

.' façbn, l~s nambreu$es hypothêses sur l'origine de l'a~,n'engèndrent aucun { ~

, . - 1

, •

, ' -. '

Page 82: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

1

77,.

CK)nflit entre les prota3onbte8, qui le8 6noncent en toute neu~ra~ "Quelques

autrel ont creu que l'lme, ~toit le sang ou l'esptit chaleureux •••• Hais ~ (

Origene assigne la cause efficiente de l'âme, au soufflement què Dieu fit

contre la face du premier homme. Une opinion outfe celles-cy a couru, q~e

l' lime est,oit quelque parcelle de Dieu ... 26 L' opi}tton de l'auteur est donc ~ ~ ~

!

vérltablemr.nt mise en jeu, car si Tyard prend '{part au dialogue, 11 n'encourage

ostens1bl~ment ni les propos de Hlérou.... .... ime, ni ceux du Curieux, et intervient

dans la conversation moins pour trancher le débat que pour y ajouter, A son .

tour, une nuance que, se9 interlocuteurs auraient pu négliger. Par exemple,

,ses réflexions au sujet des comàtes enrichissent le d6veloppement du Curieux,

sans pour autant le contredire ni le d6nlgrer, et cette même attitude sana

parti-pris que Tyard adopte' tout au long 4e L'Univers, signifie que sa vision

~el~ve de l'échange d' id6es des deux personnages, ref let sans doute de 80n ,

'propre débat'intérieur: "C'est chose estrange, dy-je rompant la parolle au

Curieux, que la 'comette, moins horrible et dommageable que les vents, la

,gresle, le foudre, le tonnerre, et autres tels meteores, se treuve tant

redj1t~e ent~e les hommes ....... 27

Ainsi aonc, l'auteur n'a peut-être pas radicalement chang6 d'option

philosophique, mais 11 étend son champ de vision, embrassant" des choix diff6ren~s

'par l' intermMiaire de ses protagonistes dans L'Univers, et déléguant en fin 'de

compte le mot de la fin au lecteur, ce que résument ces propos d'Eva Kushner:

"[L' lauteur [Tyard] a consenti à étendre son imagination vers autrui afin que

le lecteur puisse faire le tour de la question et comprendre pourquoi l'auteur 1

, l'incite à 'un choix final. .,28 C'est ainsl que Tyard rompt avec) la mental1t6 . platonicienne.

Pourtant, si la structure de L'Univers nous prépare A une vision

tyardienne anctée dans le rationalisme traditionnel, l'analyse th6aatique, de

, "

Page 83: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

{ " ce dialogue dEvoile leI nou~e. prEoccupations scientifiques de Pontus de

t;J . Tyard--et ce sont donc deux aspects d'Aristote qui sont soulignEs 1 tour de

rale: ordonnance rationnelle du monde dana le premier cas, attention au

coneret dans le second--eans toutefois Illettre en relief une vêritable

6volution philosophique.. Et en effet, malgr~ 1 f audace du Curieux, Pontus de .0

Tyar:d n'adhêre pas aux théories coperniciennes, qui, en astronom1~,

repr6sentent pou~nt la mentalitE

s'arrate le ",.,~e,nisme" de Tyard.

D. Les th~s

nouvelle. Ausli voudrions-noul cerner oa

f

L'êvolution de la vision philosophique tyardienne rapproche, sans

toutefois compUtement 1,'y lindgrer, l'auteur de L'Univers

~ationalistes de la Renaissance. Il faut cependant un peu

des courants -dit.

distinguer les 6

78.

f rationalismes: Busson pousse tous ses auteurs dans le sens de l'indépendance, de , --

la raison vil-l-vis de Dieu; Tyard n'aboutit pas a une telle conclusion, mais

11 se comporte en rationaliste traditionnel par opposition par exemple au

relativisme radical, c'est-A-dire qu'il continue a penser que la raison est un .J

instrument valable donnê par Dieu. ~

Tout comme 'éon protagoniste, qui dans le Premier Curieux s'affaire A son

méthéoroscope<to Pontus de Tyard se passionne pour la science; il s'entretient

fréquemment de sujets scientifiques avec le mathématicien-poête Jacques _

Peletier du Mans. Son int~rêt croissant dans le domaine le mme a Dieppe en

1556, afin d' Y recontrer Offusius, et de commenter avec lut ses nouvelles

tables d'astrologie. Ses nouvelles prêo~cupat1ons lui font restreindre peu 1

peu ses références au~ Anciens, qui avaient êté si prl!cleusea pour le

Soli taire, et qui reposaient sur l'acceptation ou du" moins le respéct de

l 'auto~id; ainsi son personnage le Curieux se réjouit-il des nouvelles

découvertes et nous fait pressentir une vérité en devenir, et non plus fixée "

J

Page 84: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

79. "

dans le pasil:

Les premiers dlligens l la recherche de la cognoiss.nee

des terres habitables nous ont infiniment obligez l

leI 'avoir en grande reverence, tant pour le sçavoir

duqu4:.1 ..... leurs innova tions nous endocit·inent, que pour

la hardieue ! laquelle ils ont poussé les braves et ,

industrieux pilotes ! ouvrir les chemins non jama1a

battus avant" eux •• 29 . . Mais cet essor scient:f.fique engendre une longue et douloureuse libération de

1 '-esprit humain hors des vérit~s th~ologiques, et laisse 1 'homme désemparE et

ango~lsé, car la science exige en effet le choix individuel, en ce qu'elle ne \ ("

prétend pas être la vérité. Notons que sur le plan littéraire, 'tette ouverture

intellectuelle, qui fascine le Curieux entratne "l'ouverture" de l'oeuvre (au

sens de Eco), et, autant que du différentiel thématique, c'est de

l'organisation du raisonnement que provient le tournant qui s'esquisse entre

le Solitaire premier et L'Univers. L'unicité de la vérité, acceptée en 80i,

fait place, dans l'ouvrage de 1557, ! un relativisme prudent; de ce fait, le

dogmatisme du Solitaire, qu~ n~tait Bénouls, disparatt devant le caractère

empirique dea conclusions proposées. Quand le Curieux fait l'inventaire de.

religions, quand il énumère les diverses appellations de Dieu, il sape

graduellement les assis~s d'une vision unitaire fondée sur la thEo10gie:,

'~is de 'l'essence de Dieu, combien ont esté les opinions differentes?,,30

remarque-t-l1, et son interrogation reflète la prise de conscience collective

• du relativisme, parmi les auteurs de dialogues entre 1550 et 1560. En effet,

. 'tahureau, Guy de Brués et Pontus de Tyard exprimeront, à des degrés divers, la

lente désarticulation d'un savoir dogmatique. Il se dessine virtuellement une'"

r~"1S'CU88iont un dialogue des dialogues, ainsi que ,le suggère Eva • Kushnetft , lequel •

(:Ir) :'Le dialogv.e en France de 1550 à 1560" dans Le dialogue à la Renaissance ed. M.-T. Jones-Davies, Paris, Jean Touzat, I9Q4, pp. 151 à 167. ' .

\

Page 85: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

{ 1

1

(

80.

en attendant l'ant1-.y.t'ma~1.~ de L'Apologie de Raimond Sebond, relativi.e

le. unea au contact de. autre., les doctrines portant aur l'univers, sur l'ltre,

aur Dieu, et appelle ~ facto une critique de la connaissance, de sa validit6

et de .81 lIOyen ••

~iS pouvona-nous, comme l'aimerait Busson, ranger Tyard aux c8t6s des

rationaliste.t Certe., le8 lectures de l'auteur l'ont familiaris6 avec

Cardan, Tahureau et Cic6ron; mds Lapp, 1II01n. impatient d.e classer Tyard panai

1ea rationalistes, dAmontre la permanence d'un fidAiéDe tyardien puisque dans

L'Univerl l'auteur mentionne la pr6sence d'un Dieu: "Intini, dit Hieromnime,

:::": :::: .. :b:::p::: ::-:':::~::'q:: ::~::::r:::~1:;;::Cn:: :~::::t::::n1t'. en ~oy, outre l'apprehendon de tout entendement humain ... 31 Du reste, l

L plusieurs reprises ses personnages reviendront Bur l' 1dEe de Dieu: "Si donc

( -

il faut confesser une puissance eternelle, se mouvante 80y-mesmes, et dou6e de

prudence et de raison, n'est-ce pas confesser D1.eut"32 C'est en effet

confeaser Dieu, mot ur de l'univers selon Aristote. La Buite dénie autant le

Dieu-dêmurge du Ti 6e: "Par ainsi il faut dire avec apparente et vray

semblable raison, que le monde est animal, ayant Ame et entendement, pour

avoir ead vr. ment faij: par la providenc~ de Dieu ... 33 Infiniment 6lev6 .',

au-dessus de la nature humaine, Dieu se définit par contraste avec ,

l'imperf~~tion de celle-ci.

Anselme ••• 1

Nous ne sommes pas loin du vieil arQÛMent de St.

D'où il s'ensuit, que sl bien l'homme est plus parfait

que les autres animaux, 11 est toutesfois bien·

eslongné du

celuy qui a

dernier degré 2de la perfection. Auquel

attail11' est t op meilleur que 1 'hOlllJDe,

estant accomply en toutes vertus, et non aujet de

Page 86: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

( "

r

,. 0

,\ '

recevoir eue un 11&1, ny d'en c~ttre au •• i. Ma 1,.

, cela n'. rien de different a Dieu. Dq,nc cela est

Di~u.t~1J

Ce n'eet donc pas l'existence ou la primaut6 de Dieu qui est remise en

que,tion, c'e.t la perception philosophique qui change, et en effet, 1 ••

, citations tyard1ennes sugglrent un Dieu trl. proche de la ItN~ture"

s~istot'licienne, qui dota chaque 6lAment de la terre des seuls attributs

utiles a t88 survie. Il nous faut donc relever quelques thlmel' essentiels,

qui mettent en reli,f la nouvelle orientation plus ariutot6licienne de la

ph1losophi~ tyardienne.

81.

Adepte d'astronomie, Pontus de Tyard propose ~ns L'Univers de nouvelles

explications de la mécanique cosmologique, .'inspirant fr6quemment de la

PhY'igue d'Aristote. Chez le philosophe grec, cette science regroupe tan) la

biologie, l-astrologie, que la psychologie, représentant bien la "science

naturelle" englobante, a l'exception de la mathématique dont le domaine se

situe dans l'abstrait. C'est 4insl que Pontus de Tyard d6couvre l'organisation

cosmique d'Aristote, que nous dévoilent souvent les répliques du Curieux. Cet

univers aristotélicien prend forme a partir ~el quatre 6l6ments, la terre, 1

l'air, l'eau et le feu, chaque objet représentant une combinaison a prop~rtion

diff6rente d'au moins,deux 6léments. Aristote ajoute a cela les deux principes

fondamentaux, en premier lieu l'éternit6 du monde, car a la différence de

Platon pour qui le monde, bien qu'6ternel, a 6t6 cr66, il opte pour un univers

.ans cOllllllencement, si ce n'est ce "mouv6ment premier," moteur de la machine

cosmique qui acquiert ainsl une automattcltb sans fin. Aristote conç~.it,

deuxi lmeme nt , la destruction de ~ut objet par, et seulement par l'action de

80n contraire, jusqu'l l'être,humain qui ne périt que sous l'effet des forces

contraires à sa nature. A partir de ces ~eux'conceptions s'explique

Page 87: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

\ 1

. ~ ~ , l

l

1

l .

'1 .'" ~I • l ,

1

• 82 •

l'existence d'une ,cinquième substance, dont se composeraient les rê8~~n8

c~le8te8, lesquelles étant indestructibles selon le principe de l' 6ternit' du 1

monde n'ont pas 1el-1r contraire sur la terre t et ne peuvent ~tre formêes

par aucun des quatre éléments de base. Sur le plan scientifique, au seIn du

développement de la science de la RenaIssance, cette vision du cosmos pose

toutefois un certain nombre de problème8~ car comment expliquer 'les

"0 imperceptibles changements du fonttionnement de l'univers dans un cadre aU881

"" statique?

erron~es :

1

De cel fait, ces th60ries

par elemple, puisque les \ \

aboutissent très souvent A des conclusions

comates sont périssables, elles ne

devraient pas être rangées parmi les sphères célàstes. Mais Pontus de Tyard ne

semble pas se rendre compte de toutes les contradictions scientifiques du

système d'Aristote, car, instruit des théories coperniciennes, il accepte

pouttanç (en la personne du Curieux du moins) la "substance éthérée" d'Aristote! ,

Puis donc que l'on ne sçait, et qu'il n'y a substances ,

que ces cinq materielles et corporelles, faut-il pas ,

• confesser que ce qui contient le ciel', et le,!l quatre

contenus du ciel, est different,des cinq qu'il contien,t.\

et par bonne sulte, incotpo'rel et immaterie1135 -

Tyard a sans doute lu De revolutionlbus orbium~coeleatlum, de Copernic, et 11

n 'hésite .,pas il mentionner l 'hypothèse du mouvement de la terre, uAucun~ ont

pens~ la terre se mouvoir, et non le, ciel; les autr*r' la terre

se mouvoir ensemble.,,36 Il n'en demeure pas moil}/attach! à la ~.".

et le ciel

tradition

aristotélicienne et ptolêmaIque: ''Mais l'opinion plus favorisée, et d'authoritê

et raison, est que le ciel se meut, et la terre demeure ferme et immuable."37

De cettel.çon, le petit groupe de devis.ntB de L'Univera tentera d'Uuclder 1. J mystère d~ étoiles: "[O]u que des eatoilles et des cieux l'un se meuve, et

/ 1

l'autre ne bouge; ou que tous deult1facent',!.~Jnouvement •••• Opinion confutée

Page 88: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

(

...

(

83. '

1-

ft par Aristote, qui aima mieux croire que les t.toille. ~8toyent flch6es aux

c1~ux.,,38 Et, le Curieux prendra position aux c6t~s d'Aristote: U[Ill reste

necessairement que les e.toilles sont immobiles d'elles-mesmes, et qu'elles

sont portées des cieux, seuls ouvriers du mouvement 'que noUs voyona.,,39 La

R.enaissance s'est longuement i~terrog6e quant à la position des planètes,

déracinant la ra'Ssurante, doctrine de Ptolém6e qui faisait de la terre le

cenl~'re du monde. et par cons~quent de 1 'homme un hre sinon suprême du motns

h6g6m~nique. En rêduisant notre.plan~te à être une subordonnée du soleil, les

nouveaux astronomes abolirent le privilège humain, ce contre quoi les

catholiques et plus encore les protestants s'insurgêren~ fortement. Il faut

bien n:ter qu'en astronomie, la position aristot6Ü,cie~ne de Pontus

de Tyard ne peut en aucun cas être preuve de modernisme car le système

d'Aristote ne se dêmarque pas forte~ent de celui de Ptol~mêe: ces deux

conceptions de l'univers situent la sphère des êtoiles fixes à l'extêrieur,

et au centre le monde sublunaire formé des quatre éléments. A cet égard le

Moyen âge n'est pas d~passé. • • •

Curieusement, cette r~serve vis-A-vis des nouvelles opinions scientifiques,

est fort courante parmi les humanist.es du XVIe si~cle. Dans son livre k "

problàme de l'incrolance au XVIe siècle, Lucien 'u

Febvre fait état d'un fossé qui

Jo,

s'établit entre l~ savoir pratique et le savoir livresque, et Il cat~gori8e

"D'une parL, l'humanisme, nourri de titl,es et d'auteurs •• Q' D'autre patt,

les r6al1tés. Les d~couvertes. Les inventions. Les techniques.,,40 Quara'nte-

six ans après la dêcouverte de l' Amhique, Ion continue à ~diter des ouvrAgea Î' .

tels que le Recueil de diverses histoires des trois parties du monde, de

Boemu6, réédité sept fois en dix-neuf ans III Par contre, le livre de Copernic

De revolutionlbus orbium coe1estium, de 1543, ne sera rêimprimê qu'en 1566,

Page 89: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

1-

"

..,.- ..

84.

preuve du peu d'entho,ul1as1le qu'il suscite dans les .milieux ~ntellectuels, trI.

prudenu, e-t peut-ltre plus impatients de dhabiliter les grands noms du pa88~.

En le cantonnant dans une tradition antique, Pontus de Tyard est donc homme de

s~n temps. Toutefoia--ét Il se concentre notre intArit--c'est par

l'aristotélisme cOlmologique qU'il se d6tourne lentement de l'univers mystique . ,

pla toni~ien.

Considérons par exemple dans L'Univers, le rôle du soleil, astre

platonicien par excellence. La Physigue d'Aristote ne lui confare aucun

statut privilégi6, et le suppose con8titu~ de subatance ~thérée, sans aucune

chaleur intrinsêque, cpntrairement 1 "l'apparence. Aristote le tient

re.ponaable des changement a m6t6oro~ogiques, de la vie (vie biologique

èt non spirituelle) et du d'clin, lui affectant une fonction entièrement

physique. Dans L'Univers, Pontus de Tyard fait Bouvent ~ntion de l'astre

'"

solaire, sans allu8ion toutefois au monde poétique et philosophique de Platon, *

qui s' organieait autour de ce "feu céleste". Il accentue par contre le8

effets bénéfiques du soleil qui permet A 1 'homme et aux autres formes de

vie, de 8' épanoui: sur terre. Il admet bien sOr l'importance du soleil,

"C'est ••• chose confessée'; qu'entre toutes les estoilles le eoleil est le'

plus beau et plus proffitable aux humains.,,41 Maia, 11 rajoute vivement:

U[L' lutllité du soleil nOU8 est prouvée par les insi80e8 changemens des saisons, P

et par sa ch~leur vigoureuse, qui nourrit et rend fertile la terre, et

1 ,,42 Ty • d expres8ement es plantes et les animaux. • • • ard reconnaJ.t onc k

seulement le "don de vie" du soleil.I\'. ~n est loin de la vision quasi

* Ou au monde poétique de Léon 1 'Hébreu chez qui le soleil est plus que symboliquement source d'intellection.

, 'II. Notons qU'il n'y ft cependant pas contradiction entre le 8ymbolisme et la r&l1té du 801ei1. /

Page 90: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

( .

(

) 85.

..,thique 'du 101e11, le d'gageant par exemple de la R6publ1gue. L'hlportance d • .

la vie terrestre, .i Ipiritualis'e par Platon, .e r'vlle par ailleurs e.sentielle

chez Aristote qui n'h'aite pa. 1 l'interroger: 1

''Y a-il donc quelque raison qui . noue emplche de d'clarer heureux 1 'homme agis.ant .élon une vertu parfaite et (

pourvu suff1slUll1Dent de bien. ext'rieurs' Et cela non pendant un bref moment,

.. 18 pe'ndant le templ' qu 'u a ~6cu,,,43 11 eati1llle ainai que la vie eur terre

peut, et mime doit 8tre synonyme de pl'nitude et d '6panou1ssement. De la

mime façon, Pontus de Tyard d6sacraUse jusqu'a un certain point l'univers ..

cAleste, et s'ouvre au monde qui l'entoure. Le Curieux d6veloppe en eftet ce ,

que chez le philolophe grec nous nommerions une "gradation des Itres," car

Aristote organise tous le8 6l6mente de la terre en une 6chelle de vie, qui

cOllmence par les plantes aux moyens sensitifs 11mJ. t6s, suivies deI animaux

pourvus des cinq 8ens, alors que 1 'homme, ajoutaot 1 cela lé "p8ych6" ou

intellect, c18ture cette hUra\.'-:-hie •. (Nous SOIllDeS 6videmment _loin dea th60r1e1

de Darwin, parce qu'Aristote co~truit' une chaine .tatique, san. aucune

dynamique de mutation). A mi-chemin entre Dieu et les hommes, eovere qui il.

ne jouent aucun rBle médiateur, les démons contr6Ient le mouvement dea plan~te.,

"tandis que, domnant toute la cr6ation, le Dieu d' Aristote conte~le non pas la

V6ritê ou le monde, mais l'Esprit. Noull noterons que cette hi6rarchie'

q

/

revalorise chaque 6tape de sa composition, mais que se,l l'homme peut ~s'pirer

au stade divin. Imbu de ces concepts, le Curieux 8 'e'n fait le défen~r: t •

Brief, rien n'est nomm6, ou reclam' par, le grand monde,

qui n'ait qu.)l"que exprès adveu en nostre Microcosme,

1 'homme le r plu8 $ttau et accomply animal que Nature

crée, nourri de la plus

rien n~e8t si grand, 8i

bel1y~tout ainsi~ que

V1/te, 'si resplendissant, ai

bien disposé, que le monde, soustenu aussi par l'Ame,

\

Page 91: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

l

li 81nl1 .e peut n01llller, la plus belle bora de toute

cOlllparailon.44

Plui loin, tout comme Aristote, 11 lmagine l'existence de dieux-d'mon,:

Et si l'on confesse que l'air ne soit vulde d'animaux,

DOU' devons dire le ciel e8tre pourveu de nature

ani_le, d' oô les hommes ont receu le bien de la

facult6 a~iD8le, et la perfection de l'intelliaence.

En outre, 8i lif"cie1 est fecond d'animaux plus exceUena

que lel_~restre8, de quelle excellence plue grande les

peut-on honorer, .l la difference dei moins partaita, que

,de le8 qualifier non lujets au perissement' Mais telle

condition n'est-elle pas diVine' Il y a donc des dieux. 45

et t'el dhux-d6mons pr6cldent le Dieu:

b

D'où il s'ensuit. que si bien l'homme est plus parfait

que lei autres animaux, il est toutesfois bien

ealongn6 < du dernier degr6 de la perfection. ~ Auquel

cêluy qui a attaint, est trQp me1~eur que l'homme,

estant accoœply en toutes vertus, e non sujet 'deM \,;;' "

recevoir aucun mal, ny d'en commettre aussi. Mais

cela n'a rien de differend .l Dieu. Donc cela est

D1eu. 46

Cette nouvelle organIsation de l'univers se r6vêle particuliarement l.j

importante pour le changement de paradigme qui se produit, car tout com ..

chez Tyard, 11 s'en dégage une revalorisation de chaque entit' du monde - ,)

86.

concret. qui entraine néanmoins une interrogation perpétuelle;' en effet, tout

mécanisme universel est dhormais d1ssêquê avec une avide curiolit6. C'e8t

dans t!e.t -ét~t ~~~~\r1t que TyaTd débute Bon dialogue: !I[Q]ui, sentant UD

Page 92: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

,

, l, 1

r 1

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1 " ,

\ 1 ...-

87.

contraire effect par 1& nuit. n'en discourt ou recherche la caulle1,,4 7 Chez

TJ-rd. cette avalanche de questions constitue un des aspects majeurs de son CI

pa •• age de "Pla ton" a "Aristote, "* car; part!cipant a l'élan intellectuel

de. humanistes il subl1~ les faita EtabUs, et, du n'ant oi) il d'bouche,

forge 8e8 propres explicationa; mb. l'arbitraire de ses conclusions ne le

d6courase pas. L'Univers reflête en premier lieu la curiosid admirative de

Pontus de ~yard: 6mervei1l6, par l'horloge du monde si parfaitement r'816~, le

Curieux loue A maints endroitEJ la pr6cision inode de la nature: ?

[S11, veux-je dire, le, soleil passoit tous jours par une

mesme partie du ciel, les regions < qui luy seroient

deuou8 brusl'es et de8seich'ss par la continuelle

ardeur, demeureroient steriles et inhabitables. • • ,

Mais la prudence e~ernell'e y a diligemment pourveu t 4

qui, pour ne laisser aucun endroit ny de mer ny de "

terre inhabi ta ble, ou vuide d'animaux, 8 faict l , 1 )

tout le globe Inferieur part de la vive ver.tu de'\,ce

48 bel astre. • •• ,

De ce fait, ,lorsque Tyard modifie son image de Dieu, c'est pour Le rapprocher

de la "prudence naturelle" qui n'est pe1olt-être pas sans rappeler la vision

panthéiste de Giordano Bruno. En tout ~tat de caUBe, les remses en .!

question du Curieux sont fruits de, Bon audacieuse curiosid, mais ne le mênent

pas a des prises de position radicales. Gris' par les possibilités de la

.p'culation~ Pontus de Tyard relativise ses croyances, et cette relativisation ,

se fait par le procM6 du dialogue qui amêne la comparaison entre des opinions

• ~'autant plus que l'esprit d'enquête finit chez lui, l retardement il est vrai, par soumettre l une interrogation critique les syatàmes scientifiques Etablis avant lui, comme, ce fut d'abord le cas des disciplines historiques et \) philologiques.

'-1'--

\ 1,

Page 93: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

..

/

88.

divergentes, Hiêromnime faisant Equilibre au Curieux. La dês1nt~grat1on de

., l'aquiU.bre universel, que vont accêlêrer les licrits rationalistes, ne

transparatt pas encore dans le Premier Curieux qui, tout en ~xposant 1 'bentai\

de. hypothèses, conserve une vision harmonique des choses car le monde y est

r6gi selon un systbe d6termin6-système peut-@tre déjà d6passé--celui

d'Aristote, . . \ .

Le Second Curieqx aborde les sujets mfitaphysiqJ.les en ilnalysant les Uens

entre l'ime et le corps, s'insp"i~ant des Petits trait6s d'Histoire Naturelle

d'Aristote, qui y expose ses théories de biologie et êtablit un parallélisme

, entre les liUments de la nature et les cinq sens de l ')lomme, faisant de ce

dernier un microcosme de l'univers. Pontus de Tyard suit très fidèlement

les analogies d'Aristote, élargissant ainsi son intérêt platonicien pour la

vue et 1 'ouIe, et 11 tisse des liens entre 1 'homme et la matière: "Adjousteray-

je point, que la partie de 1 'homme appelUe le sens, se compare il la terre?

L'imagination à l'eau? La raison al' air? L'entendement au feu, ou à la

substance etherêe; et l t intelligence au ciel ou à son' moteur?,,49 Plus encore, ~ ,

cette nouvelle approche fait des hUlllaint'une synthèse du monde, reliant le

corps et l' ~me : "Aussi 1 'homme est composé dç ces deux parties, qui par

communication de l'une il l'autre soustiennent la vie."SO ,La philosophie

tyardienne a ainsi êvolué, en ce qu'elle unit volôntaire,ment l'homme aux

manifestations de la nature:

\

~avantage 1 'homme est vivant avec les plantes, d'une

vie vegetative; avec les animaux, d'une vie sensitive

et mouvante; avec les intelligences \ separ~es, 'de vie

raisonnable ou intellectuelle; et avec le grand moteur,

de vie divine et eternelle. Pour,ce disoit Trlmegiste,

1 ~hom~ estre tout en tout. 51 . . . (.;

"

:

Page 94: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

.' 89.

Ainsi, rel1ê il la nature et formé en même temps que 1 'be, le corps de l'homme

prend une dimension nouvelle et ne reprêsente plus la misérable prison que

dénigraient les platoniciens: ''En fin de tous ses aviz, le mieux choisi ~st

que l'âme et le corps sont formez ensemble; à 8Ç8volr cestuy par fluxion et , ,

semence, et elle par la toute-puissante volonté du, Createur eternel. ,,52 Notons

bien que sI les théories du Curieux et de Riéromnim.e modifient les propos

du Soli taire, elleB n'illustrent pas moins deux positions particuli~res, car

leB vues de Hiéromnlme quant au Dieu cr~ateur et éternel s'écartent des

raisonnements du Curieux: IfC' est donc 1uy. qui forme l'ilme en eBsence vivante,

simple, incorporelle, invisible il nos yeux corporels, immortelle, sans figure

et pourveue d'entendement de raison. • • '. uS3 Le Curieux, de son côté, insiste

sur la sensibilitê de l'âme, et la détresse de celle-ci lorsq~'elle se sépare

du corps. 11 reprend les arguments des Padou ana contre l'immortalitêode

l'Ame: "Si la foy, dit le Curieux. ne nous servoit de plus vif argument,. il"tle

semblerait fort prouvable que l'âme estant 1.mDwrtelle, fust souffrante, aprês

18 sepsrat1.on, qe sentiment douloureux • .,54 Dana la ~ntali té ,du Curieux, 'il y

a don~ place po~rne tr/Jnsformation n~8ative de' l 'rristot~1i<Bme dan~ le ~~nl

du courant padouan.

, . Néanmoins, malgré ces enrichissements de la philosophie tyardienne,

dé$ormais plus sensible aux Id~es d'Aristote, on ne peut jurer de 'la précision

des références, car Tyard, plut8t que de ci ter extensivement Aristote, en '

reste touj~urs à quelques allusions peu pr~cises. Il est vr~i que d~8 1557, le!

nom d'Aristote remplace tr~s fr~quemment celui de Platon, mais jusqu'à quel

point l'auteur de L'Univers consulte-t-il les textes originaux? " Comme l.e fait

remarquer Kathleen Hall, ce souci de pr~ciBion est peut-être absent des

discours tyardHms: ~"The oc currence of a name in the' Discours Philosophiques ~ .,

18 no proof that Tyàrd knew anythlng of i ts bearer exaept what his favourite

Q

" ..

Page 95: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

compila tions had told him, and, even where he could have recalled or looked

up considerab1y more, he often did not trouble to do so."55 Ainsi, mhe si

certaines sections de L'Univers, en particulier celles tra! tant des comètes

et du tonnerre, s'inspirent nettement de Meteorologica, tout comme les

cons1d~rations sur 1 'âme d~rivaient de De Anima, la "sc1entificit~" des

Discours est m.1.se à l'épreuve. Pas plus que dans ses ouvrages précédents

l'auteur ne s' 8 'sure de ses sources. Le vrai changement réside dans le

choix de ses sources encyclopédiques, qui désormais, dans les Discours'

90.

Philosophigues, seront une compilation d' êcri ts anciens plut8t que de ceux de

la Renaissance.

La "modernid tyardienne" n'est donc qu'une impression que peut donner la

lecture de L'Univers. La méthodologie de l'auteur demeure arbitraire, sans

vérification des faits et des sources, mais p1u,B encore, ses thfiories

s' ~loignent de beaucoup des nouvelles observations de son époque, pour

rejoindre la science d'Aristote aussi dépassêe que celle de Ptolémée. Ce qui'

chénge en 1555 est le point de vue tyardien, qui semble ~chapper au carcan

platonicien pour s'intéresser davantage au monde matériel.

..

Page 96: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

(

Notee - Cbap1.tre III -1 John C., Lapp, The Univerae of Pontus de Tyard. A critical Rd!. tion

of L'Univers, with introduction and notes by John C. Lapp (Ithaca, New York:

e'rnell University Press, 1950), pp. xxvii-xxviii.

2 Pontus de Tyard, D1.scours du temps, de l'an e5 de ses parties

dans Discours philosophiques (Paris: L'Angelier, 1587). Microfilm, p. 336.

3 "!!?!.2.' , p. 341.

4 Ibid. , p. 342.

5 Ib1.d. , p. 343. "------

6 Ibid. , p. 336.

7 Lapp, p. 1.

8 Ibid.

9 Eva Kushner, ''Le raIe structurel du 'locu. 8IIOenus' dans les

... dialogues de la Renaissance," Cahiers de l' a.lociation internationale de. ~

Etudes frança1.ses, 34 (~i 1982), 43.

10 Lapp, p. 3.

Il Ibid. , p. 125.

12 .ill!!. , p. 126 •

13 Ibid. .. 14 Ibid. , p. 131.

Kushner, p. 45. • '15

16 Lapp, p. xviii.

17 • Pontus de Tyard, ManUce, ou dllcourl de la verit6 de divination

91. ,

par astrologie dans Discours philosophigues (Paris: L'Ange 11er, 1587), p. 136.

Page 97: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote
Page 98: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

. \ 93.

0 43 Ari.iote, Ricouque"· traduction, prêface ;

Etld.gU8 d. et note. ) . \ \,

par 3ean Vollquin (Pari.: " Garnie r-Flallma rl on , 1965) ~ p. 37.

l 44 Lapp, p. 143.

. 45 1 ..ill!. ; p. 154 •

; 46 ..ill!. , p. 155 • ;-. ,-

47 ..ill!. , p. 1 • /'

48 ..ill!. , p. 30 •

49 ft' .ill!"':' p. 136 • ' . .-

50 Ibid. , p. 135. ~ ~ .

51 Ibid. , p. 135-136.

52 ( > / .ill!~ ~ p. 133.

53 • Ibid.

54 Ibid. , p. 66~

55 Hall, p. 100.

, .

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Page 99: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

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Chapitre IV

LE RATIONALISME CHEZ DEUx COirmœOllAINS DE TYARD-

. 1. Guy de Bru'l

8i la pl'Udence et la modération parailsent guider l~s 'crits dt Pontu •

. de Tyard durant la pEriode rationaliste,. que ~re alors de. Diaiogue. de

Guy de Bruêf' qui, bien qu'homme de loi, cache pensons-nous ses vérftables

intentio'; sous le dogmatis!Dt!. de s~s personnages Ronsard et Nicot.

~ de BaU et de Ronsard, qu'il fera-revivre sous sa plume ... Guy de

BruEs compose, en 1557 t trois dialogues., tds nettement inscrits dana la

94 •

veine rationa14ste* de la Renaissance, et qui annoncent L' Apologie de RaillOnd 1

\ §èbond de Montaigne. Guy de ~ruês s'est tds vite 1nt~ressê 1 la po1b.i\iue

. sur Arlstote qui opposa Ramus et ses ~dversaires de 1~ Sorbonne. Ses,

dialoguel, "Contre lei ndUveaux Acadêmiciens, que tout ne consiste point en

opinion" (sous-titre d~~ Dialogues) pdtendent d'fendre le dogmatislle't , -r. ,

Toutefois; l'argumentation solide des d'fenseurs du ~cepti~ine, confirme

dans leurs rangs la position de Guy de Bru's, ceci .a1ll8 s'il prie le l~cteur

1]

1 ,

de croire a sa sincêrid: "[J] 'ay mis peine en ces 1I1en~ -dialogues de prevenir •

la jeunesse, et la des tourner de croi~e ceux qui disent que toutes lei chose.

'Consistent en la seule opinion. • • .,,1 Les troi. dialogues impliquent quatre "-

personnages d'fendant ~x par deux le dogmatisme (Ronsard et Nicot), et le

scepticisme (BaU et Aubert). L'ensemble de '1' oeuvre s' indresse aux 1011

morales, intellectuelles et civiques. Le prellÛer dialogue concerne

l '6plsdmologie desjr lois, le second en aborde 1 ' ithique, tandit que le ,

* Il cs' agit ici du rationalis .. orient' vers le .cepticil_.

t

Page 100: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

\. (1

, 95. ,

Il' \

....t.rois1 ... couidlre l.s probla ••• ocio-juridique. qu'fJ.le~ engendrent. Le

.ch_ dialectique ~e r'plte tout a~ long des d1lcour8: l.s arguMnt • •

p~bants ~e. sceptiques .ont rabattu. in extrelli., l la Nn du dialogUe, par " . ..", .

une d'-onstration p'remptoire dei dogaatique •• r'

Dans le premier dialogue, Bdf rappelle, par de n01llbreuses citationa de.

MitallOrphoeel d'Ovide, l'Age d'or, oil l'homme êtait heureux vivant l l "tat

ani_l, .. ans foi ni loi. L'apparition d'une morale,. entretenue par un sysdlll

de 10i9, l'a conduit l son stade le plu. pitoyable. It

BaU, soulignant l' al'atoire

de •• ens et de la rabon qui le. dirige, en diduit l'arbitraire çtes 1011 • . Suivra une discu88ion a~dente, avec un inte~locuteur dfr,!-ct~ire A la logique ~ de Bart qui, puisant 8e8 'exemples en' la Icienc;e de. 80n teç., conclura

, cP

invariablement: "Tout n'J'lt qu'opinion." A l'iuge de. personnage. de

L'Univers, Batf relave l '6ventall d,'expl1cation. reli'es l un lllme ph'noaAne:

la utiare, la consistance de. 'toiles, la d'finition de l"me, •• ' location,

etc., concluant: ''Parce donq ues qu'on III p~rroi t objecter, que je n' ay parla

.inon de quelque. Icience., et neantraoin. je c9nclu8 qu'en tout .. n 'y a

Q\\'opin1on, ,; •• ,,2 Ce que le Curieux 'baucbait, Batf le procl~ ouverte:IMnt,

.ans d'tour. Et, n6amaoins, malgrê ses .olidea convictions, Ron.ard le ...

dis arçonne par un exemple ambigu, et 1 'ube l .on id'e: J

Ronsard (R): Sçavois tu si ulle pucelle pouvoit entantert

BaU (B): Nullement.

a: Et ,uintenant le sÇ8ia tu'

B: Je sÇ8y qu'elle ne peut point fdre de. enfalUl~

demeurant tou.jour. pucelle. • • •

Il: Mais c'est par opinion que tu le pensera., et il l3-

( pourroit bien estre faux. 1

1

f

/ 1

Page 101: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

, i

t , .

B: Non ce n' .at point plr opinion que ~e le sçaur~y,

aina j'en aeray trelcertain. \

1: Mai. je te prie, si noua ne'pouvonl rien .çavoir,

et en tout n'y a qu'opinion. CODaIent oses tu affemer

ce que tu dys'. • •• [A]vecq ce que mettant tout en

l'opinion, tu nous prives de 1& raison, qui est

l'instrbment par lequel nous açavons. • • ,

o 96.

B: Jé commence desjil A'mieux entendre ce que tu dia,

or -et peu s'en faut que je ne change d'op:inion.*3

Effectivement, BaIf convaincu, se rangera à l'opinion de son ~: "Je seroia ,

de trop .-uva1se grace • • • que je 'ne sois convaincu que tl>Ut ne gist point en

la aeule opinion. • , • ,.4 Est-ce pour les besoins d'une cause que Bruêl, condde (, '\

1 1 Ronsard cette victoire trop a:iaie? Toujours est-il qu'il utilisera ce procêd6 '"' )

,.. ,

d'argumentation dana le dialogue auivant, o~ Ronsard et BaU cMent leurs "/

"

plac4as respectives l Nicot et' Aubert. L'ordre du jour est l'arbitraire de la .. retrouver la vraie morale dana la Nature '., Il

a. ~ défi:ir, le sceptique voudra 1

rêpf'ouve fout code p6na1 qui

vertu. Puisque les hotlllDea ne 8' entendent pas

sanctionne ce qu'un voisin rêcouapense.

Nicot lui oppose une attitude plus pond6r~e: la vettu éXiate, et devra

Itre diff6renc16e du Mal par la raison; sano .1le, l 'homme retourne a. 80n ,

6tat natur.el qui le mènera au 'V~ ce et il la d'cadence. N'est-il paa 6tonnant c

cependant qu'un doglllltique reprenne l' "aurea mediocritas" (selon L'Ethigue ,

~ , de Nico_gue d'Aristote)" COTIIIIIe dêfinition de la Vertu' •••

.* L'ambigult6 de cette dbaonstration provient, pen.olUl-nous, du fait qu • en voulant prouver l'existence de la ra1~on, et son bien-fond', R.olllird choisit un exemple partieulUrement "d6ralaonnable": la virginit' de 11 Vierge Marie. En~ .. temps, il flut reeonnattre la bardi .... de ce choix • . .

Page 102: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

" )\

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Nicot (M): C'e~t donque. la ra1l0n que nOUI devon. ri ) ,j1v 0 enluyvl't, par laquelle nous cognoi.,on.

1"

li l'exce.s1vet' et la medioeritU ., ~(A): Ouy •••

• N: Touatefois celte med1!crit6 elt bonne et loüabl.f

A: Fort.

N: Et l'exces.iveté est lIIuv~.e'

A: Il n 'y a doubte. • • •

A: Hais où tendent toute8 ces deundes'

N: A ce que je veux prouver:' C-, est que nous cognoi •• ons

naturellement. qu'il y a difference entre 1 'hon,lte

et le deshoneste, et en,t~e le vice et la vertu, e~

que ce ne sont point mots d 'opinion t8~t seulement. 5 • • •

Guy de Bru~. se d'tache d~jA de Pontus de Tyard, par une éthique rationalilte,

ce qui mbe Morphos, introduisant" les Dialogues, al' observation suivante:

"[T)be range of subjects di8cu88ed 18 considerably wider in Bru's than ln tbe

rationalists iri whose company he is p1aced by Busson. ,,6 et plus loin: ''The molt

laportant feature, of the Dialogues 18 tha't both sides argue rationa1ly. ,,7

Nicot argumente tant et si bien qu'il s'duit.)son interlocuteur, 1 la grande

surprise du lecteur qui pensait ce dernier plus engagê dans ses convictions.

Aubert cependant s'écrie pour clore le dialogue: "0 malheureux ce1uy qui pense

que la vertu et 1 'honeste soient mots d 'opinion seulement."~ Et, co~ pour i

daffirmer la position pourtant d~clarêe de ~'auteur. Nicot lui dtorque:

"Graces soient rendües au souverain seigneur Dieu tout puissant, createur du

ciel et de la terre, de ce qu'il luy a pleu amener Dostre dispute al une ai ~', •

hones te conc 1usion • • • • Il 9

Page 103: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

( . .'

( ... ,

.il '.

w " . 98.

.. Lea d'}lx p,raOllnaS.1 reprennent l.ur 411cus81on dau un t,roiaila.

dialoaue qui ana1yaera lei effèts aes lois: Aubert, constatant de nOllbreuse. . .

hlsalit6a sociale. et des ahua de pouvoir' polit~que, sugg~re d'~n.r 1&

prdpri.6d pr.1:v6e, et 11 favorise la mise en communaut6 dès biens de la l ,

nation (fortDe ellbryonqaire d'un c01lllllUn1ame). N:tcot lut dêmontrera ave'e , ,

êloq uenc"e le bien-f ond' ~ea lois, qui, argument· classique, assurent la pa~x de

la nation, tandis que la propri6t~ privê'è r~compense l'effort de chacun. Une ..... fois de plus il triomphe aisément d'Aubert, et ce dernier, pourtant défenseur

. f.'

de l'arbitraire des lo1s,~ concMe sans difficultê: '~ combien admirable est r ,

l'excellence des loixl et combien 8 pauvres phUosophelJ vous estes esloignez de

vous me8me~,.t d'avoir pens' qu'elles ne ciepande~t, sinon de "vos reavaresses

lmaginationat"lO A:l.nsi, 'par trois foie, l'l! 4ogmat:islle l'emporte. La trop grande .. 4 -- • ') ... l't,".

facJi'td de ce~te, victoire g~ne le lecte~r .tunt1f~ qut cherèhèra, :et trou~era" d.rriare cette façade de convention. les premiera .~lbutiements dù "Que sa.is-je?"

" de Montaigne. -

. ,

Les Dia10gues de Buy de Bru'. juxtapo.~nt au ra.t1otiali lIine , . un 8ceptic::1111e , .

rad1cal,~totalement absent 1:Ie. L'Univers de ~ontu8 de Tyard .. Ronsard, l!icot, "

BaU' et Aubert, lII8lgr~ leur apparente ~rbi.gnat1on au dogmat.isme. semblent . nettement plus "engagéa-" dans leurs po~1ti9n8 respectives, qu'un.RUra.nine, . '

o,! même un C,,:rieux, qui, ma'igrê son' audace rationaliste, ne doube pas •. -

~onsc.ient de l'arbitraire des v~ritê8, le Curieux se ran~e 'pol1rtant ,ouvent

dans'3'la ttaditioll aristotélicienne,; ~, tout c.hoix êl1t1l1ne le doUte ••• ~

Tyard ne parvient pas jusqu 'au. scepticisme, ses convicti.oru. relevant d~un

fidéi81lle qui n'exclut en rien lé souci de la poursuite de ,la ~érid , e-)

" 8cientifique.

'~

L'appartenanc.é ecclêslastiquè de Pontus de Tyard se marque plu8 nettèlllent

ai nou8 poursuivons DOS comparaisons: le. arguments dogmatiques de Ronsard et'

1 "

/

Page 104: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

• \

'99.

de Nicot ne d~coulent jamais de la thêologie, en contraste avec la simple

prbence de Hi~romnime et dtt sôn héritage reli~1eux,. Guy de Bru~s,

paradoxalement, campe des dogmatiques "raisonnables" (sinon rationalistes)'

favorisant, par exemple, l'éthique de modération d'Aristote: le dogmatisme

de Guy de Bruês n'est-il pas, une fois Cle Plus, mis en doute? y

Toutefois, au niveau de la thématique, les DialoSUes de Guy de Brués'

prophétisent plus sûrement que L'Univers. Aux préoccupations -astronomiques

de Pontus de Tyard, Bruh, avocat, ajoute àês Intêrêts juridiques et sociaux.

A l'arbitraire des sciences, il juxtapose l'arbitraire de la morsle, qui

o '" rhonnera plus fortement dans les esprits du XVIe siêcle. Les conclusions

embryonnaires de t'Univers se dêveloppent dans les DialoJUes. Ce que Pqntus , J de Tyard a pressenti, Brués le confirme.

\

/ (-'armi les contemporains de Brués et de Pontus de Tyard, \li)- auteur s'est

II. J àcques Tahureau

• 1'"

"

- • particuliêrement fait remarquer par l'extrémisme de son doutle: nous voulons· , ~

.-

parler de Jacques Tahureau, dont les Dialogues constituent une pUce mattresse

des oeuvres dites rati'Ona11stes du XVIe siècle. ,r

A l'encontre de Pontus de Tyard, c'est sur ~

un ton satirique que Jacque-s

'tahureau exposera, dans ses Dialogues, tous les abus de son temps. Il se \ \

moque des folies des hommes et, comme le résUllle Bénouis: '~'intention avouée

de l'auteur est de critiquer tout en nous amusant, de nous offrir des propos

non moins profitables que fdcétieux, ce qui est une gageure assez difficile a

tenir. • •• ,,11 Ce dialogue' contestataire met en scêne deux personnages, le /',

Démocritic, porte-parole de l'auteur, et le Cosmophlle, plus modéré dans ses

propos, et qui en fin de diâlogue sè rangera à l'opinion- 'de son interlocuteur,

sauf ~eut-être en matiêre de religion. A eux deux ils passeront en revue les

coutumes de ce mohde, les détruisant les unes après les autres si elles ne 'se

,

Page 105: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

, -

\.

"

100.

fo~dent pas sur la raison'. Tabureau d'finit en fait sa position da.

l'avertissement au lecteur, et, "vivre selon la raison" sera le leitllOtiv de

ses propôs, partIcul1êrement a travers les, répliques du Démocr1tic; mais cette

raison' n'est pas la raison pùre et se voit surtout dominée "par la réalité des ~ j

sens dans lesquels l' aute\1r place une confiance tota1:e. Tahureau sadiert donc . ' de SB. raison, en 1 'occurence de ce critare moral quasi lp!curien pour 'valuer .. , toute connaIssance" nt appréciant que le8. activitês utiles a la prêservati.on de

l'espace et celles qui procurent une sensation me~tale agrEable. Cette .

position l'amêne inévi tablement a rejet&!r les spéculations incontr8latbles, et . en gênêral toute lIiétapl)yslque, ceei â 1a différence de nombreux de ses .. 4, -

P ,

contemporains, qU'il cherche sans doute il "JJecouer" par les paroles suivantes:

"[.r~, '<1 <évetUerai d '~~ grand et profond sôome, a~qUe1 la plus grande partie

de ceux rue l'on appelle 'tommes, demeurent endormis •••• ,,12 .. S'il s'engage

dans une satire sociale, seB attaques se dirigent principalement. vers trois, ,

d0llla1nès: le fol amou.r, le duel, et ce qu'il nomme les imposteurs, regroupant, ,

\les médecins" les as t rologues et les prêtres.

Les Dialogues 8' ouvrent donc sur une condamnation v1Pllen~,e de la notion

p6trarquiste ou ficinienne de l'amour, ou encore de celle qui se fait jour

dans le Courtisan de Castiglione. Dans u~e J~ptique três anti-féministe, • ' r '!

Tahureau affirme l'infêrlorite naturelle des femmes, qu'il dote ~e tous les .1

d6fauts humains: luxure, infidHitê, etc. Tandis que le Solitaire apprêciait ..

et même recherchait la prêsence de Paslthêe pour parvenir il une èertaine

mystique amoureuse, le M'tlocrit1e 'doute fort quer l'on puisse même

apprendre a bien parler ou il se raffiner l' int~llect en compagnie des dames.

L'amour, dans ses manifestations mondaines, lui semble des plus mEprisabld et

il n'accepte ce sentiment qu'en fonction du mariage. Ceci fait, d'une autre

manlêre, contraste avec L'Univers, .. (

où le So11taire et oe. deux amio aecep~ .. t, {

"

\

Page 106: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

1

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101 •

• ,

9la compagnie deI dames conviées au souper.

Apds la condamnation du duel, cette "f91ie meurtrière" qui. constItuait

un vêritable" flêau parmi les nobles de l' êpoque, Tahureau attaque les

1II~dec:in8, qui au XVIe si~cle faisa:ient figure de charlatans, gu~r1ssant leurs "

~atieQ.ta,grAce au hasard et nO,n à leur potions. '. Pour Jacques Tahureau,

cette pr?fession ne s'appuie Pas suffisamment sur des phénom~nes vêrifiables, \ , /

et ce qu'il prêconise est en somme une science expérimentale, qu:i ne serait

plus BouDüse aux diagnostics alêàtbOires du corps médical: ''Et voila comment

la vie d'un pauvre malade est débatue, et le plus souvent abatue par les

disputes et ordonÂces controverses de ces vieus mêdecj,ns,,,ull Ma:is la mêdecine '\

ne canatitue pas la seule, ni la plus importante des impostures contre , -

lesquelles va s'élever notre auteur: il s'en prend-bient8t A tout le domaine '" , 1 ~

de l'occulte, les astrologues, les ~ges~ et se rapproche dava~tage de Pontus' , ,

de Tyard.. Tahure~u, qui ne veut r:ien laisser au hasard, se doit de critiquer \ " ... - ~

'les superstitions, et 11 introduit dans ,sôn dialoS':;le deux nO\lve~ux personnages, ;. ,

le so1dat fanfaron aux prises avec le_ nécromant, anecdote am\lsànte mais v

profonde, sûrement inspirée de'Il Neg~ounte de l'Arioste. L'auteur réaffirme

sa volonté de ne point se faire berner par les formules magiques, et il se sert r --..

de ce point d-\ départ pour aborder un sujet plus déllcat, celui des rel:igions.' Ill'

Tahur-eiu n'est pas véritablement athée puisqu'il mentionne à plusieurs reprises

un Dieu, qu'il nous faudrait peut-être rapprocher d'une fotce de la Nature, ~ ~

mais son ton général lndique une méfiance â l'égard de la divination-qu' il

n'bêsi.te pas en fait à condamner, s'accordant ainsi avec la position du

Curieux dans le ~nt:ice de Tyard--et surtout une grande réserve v:is-A-v:ls de

cette crainte du Ciel dont certains se servent pour dominer les :ignorants. En , .

prenant la religion co_ c:ible--plus prêcisement les "fausses rel1.gions'"

fonct6es' sur des croyances qu'il juge erronnées-Tahureau s'éloigne en appar,ence -"

Page 107: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

. /" 102 •

.de Tyard qui n'a jallais lIds en doute les vêritês'divines. mals ~onciêrement se

rapproche de lui pubque sa dbonstrat1on des faiblesses humaines' renforce le

fidê1sme sous-jacent aux Curieux. Aussi. l' Intertextualitê des élêments

"rationali.stes" chez Tahureau. Brués et Pontds de Tyard se rêsoud-elle en la

confimat1.on d'un humanisme 'qui c~itique et limite l 'ho1llDle v1.s-A-vis de Dieu T

~ sur le plan 'de la morale, alns~ que sur celui de. la connaissance d~B vérités , . ultimes; mais qui sur le plan de la conna1\sance pratique du monde ouliTt'e la

voie aux sciences nouvelles.

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Page 108: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

• •

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103. '

Notes - Chapitre IV

1 Guy de- Bruês, Dialogues, A Crit1ca1 Edition with A Study in

Renaissance Scepticism and Relativism by Panos Paul Morphos (Baltimore: Johns

Hopkins Press, 1953), p. 88.

2 Ibid. , p. 145.

3 Ibid. , p. 172.

4 Ibid. , p. 174. -.--

5 Ibid. , pp. 226-227.

6 Ibid. , p. 77.

7 Ibid. , p. 80.

8 Ibid. , p • 238. -....., .....

4j Ibid.

10 Ibid. , p. 284.

11 Mustapha Kemal B6nouis, Le d:1a108!!e 2hilo802higue dans la 1ittêrature

française du XVIe siècle (La Haye: Mouton, 1976), p. 93.

12 Jacques Tahureau, Les Dialogues de Jacques Tahureau a genti1homme du

If Mâns. non moin? profitables gue facetieus. Ou les vicÈ!s d'un chacun sont

repris fort aprement. pour nous animer d 'avan~_'lge a les fuir et suivre la l

vertu (Paris: Gabriel Buon, 1568), p. 6.

13 ll.!!!., p. 92.

1

..

"

Page 109: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

104. ,.

• ,

CONCLUSION •

Bien que sommaire, cette étude d'une partie des écrits tyardiens nou,

permet toutefois de dégager quelques conclusions, et surtout de situer

Tyard à l'intérieur du bouillonnement intellectuel de la Renaissance.

Que Tyard ait puisé dans le registre des néo-platoniciens. a suffisamment

été démontr~: sa structure poétique, et plus encore ses symboles et les

thêmes qu'il développe, témoignent de son attachement profond A ce courant

littéraire. Tyard s'est longuement attardé à décrire le sentiment amoureux,

se rangeant aux côtés de Fiein, Léon L 'Hébreu, et Hérol!t pour sublimer ce désir

huma in en aspiration "di vi ne." Tou t comme ses prédécesseurs il chris tianis~

les idées de Platon; en effet, la contemplation du monde des Idées devient

sous sa plume contemplation de Dieu. De plus, parce qu'il a vécu cette

situation difficile, l'auteur des Erreurs amoureuses exprime le tiraillement de

"" 1'amant déchiré entre deux désirs incompatibles, soit la jouissance immMia.te

et ~a spiritualisation de l'amour. Son analyse de la fureur poétique coIncide

avec les conclusions du Ion de Platon, et, 'en général, les discours du Solitaire

t1eprennent les démonstrations de la Rêpublique et du Banquet-.

L'érudition incontestée de cet auteur le conduit toutefois à se

diversifier, aux alentours de 1555; mais détrompons-nous: ...

ce qui à première

" ;!

vue passe pour un exemple de "modern1suft!" n'est qu'une preuve de sa curiosité,

'----que Hmi te malheureusement le lourd héritage d'Aristote, dans le domaine de la

science. 1

Certes, nous l'avons vu, le Discours du Temps et plus encore L'Univers

, poseront un regard différent sur les phénomènes de la nature qui deViendra

\ anthropomorphique, pérennisant l'ordre de Dieu dans la création. Tyard

Page 110: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

,..

105.

mettra l'accent sur l'unit' vivante de l'univers et êtablira des correspondances

entre le monde et le corps de l'homBe. Cette nouvelle perspective tyardienne

n 'est pour~ant pas une "~volutlon" â proprement parler, car dans ses dialogues ,

~p~losophiques d'aprês 1555, l'auteur de L'Univers nous propose un commentaire

de la physique d'Aristote, ayant recours a la ~lassification s~curisante d'une ~

science vieillie. Il se soumet très peu â l'exp~rience, sauf dans les

Ephemêrides, accordant peu 'd'importance à l'aQtro~omie nouvelle, ce qui

f confirme le divorce entre science et humanisme. Plutôt que d'êtudier les

phênomènes de l'univers, Pontus de Tyard nous en donne une explication, le plus

souvent philosophique, et cette explication spiritualiste ne disparattra

qu'avec G'alilêe lequel enfin pourra d~tacher un phênomène d'une cause première

(de nature spiri,tuelle) qui en serait l'ultime explication.

L'intêrêt de cette nouvelle orientat,i.c>n tyardienne ne réside donc pas tant

d,ans la th'matique (que nous pe'naons d~c~uler de's ~lles pr~occup~tlons de

l'auteur, reli6es à son attachement à l'Antiquitê), que dans l'attitude de

Pontus de Tyard face aux idêes nouvelles. L'Univers met dêsormais en scène des

per8~nnage"s plus' toll!rants à l' ~gard des hypothèses multiples sur les problêmes

4e l'êpoque. ~i6romnime et le Curieux dissertent sans vouloir s'imposer

mutuellement leurs opinions parfois opposêes; ils admettent la possibilité

d'une interpr6ta~don diffêrente de la leur, et c'est ce glissement vers un

certain relativisme qu'il faut relever chez notre suteur; c'est dans cet

aspect que se situe son modernimme, car il ne cherche plus à arriver a une

vision d'ensemble, il n'aspire plus à une totalit~, mais se contente

d'entrevoir une facette des diverses pOBsibilitês. Pontus de Tyard acquiert

par là une mentalitê en puissance scientifique. Tout autour de lui, cette

mentalit~ nouvelle s'installe profondément: nous l'avons relevêe chez Bru6s

et chez Tahureau, mais bien d'autres encore pousseront cette tendance jusqu'l

Page 111: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

", .... '

(

106.

un scepticisme radical aux yeux duquel tout sera arbitraire. Tout au long de

ses discours philosophiques, Pontus de Tyard semble s' ~t re intêressê aux

opinions des sceptiques sans pour a~tant y adh~rer à part entière; en eff~t il

dêm.ontrera p1ut8t un relativisme prudent,' conservant sa foi en Dieu. Cette

nouvelle orientation de 1!rS5 lui confère, dirions-nous, une plus grande

to1êrance Al' égard des idêes nouvelles, sans rêe11ement ébranler ses

convictions personnelles: au contraire, ces préoccupations d'ordre scientifique

paratssent consolider sa position, et le mènent vers les ann~es 70 A imprégner

de nouveau ses écrits d'un nêo-p1atonis1De chrétien. Peut-être .a-t-il senti le

besoin de se mettre 1 l'abri des attaques de~héologiens de la Sorbonne et des ~

partisans de la Ligue qui, mêlant affirmations thêo1ogiques et explications

scientifiques, auraient pu l'accuser d'hérêsiel 1 Pourquoi donc a-t-il modifié

le titre et le destinataire de la second édition de L'Univers? Est-ce par

crainte de l'Eglise ou, co~ le suggère Giacone dans le commentaire suivant,

~ en conséquence de son évolution spirituelle? "[Les variantes de la, seconde

, Edition] marquent une évolution précil(le dans le. sens évangêlique et

christocentrique de la pensêe religieuse de notre auteur ... 2 En tout état. de

cause, les dernières oeuvres de notre auteur ne laissent aucun doute quant l sa (

foi profonde; les Homilies sont bel et bien le fruit d'une pens,ée chr~tienne,

où la synthèse s'accomp1it enfin parce que le monde matêriel y vaut comme

terrain de la spiritualisation de l'homme.

Dans son récent article, Franco Giacone analyse trois poèmes inédits, qui

sont très probablement de Pontus de Tyard, Au Huguenot, Paraphrase sur Lauda

Sion Salvatorem et De L'Eternité, et s~étonne de la vi~ence de l'auteur l

s'insurger contre les réformês, lui qui était resté silencieux lors des

conflits religieux des années 60. , Tant sur le dogme de la transsubstantiation

que sur l'Eucharistie, les propos ~e Tyard dans ces troi, poèmes coIncident

\

Page 112: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

. 1

107.

avec les conclusions du Concile de Trente. Ainsi, plutôt que de mener à un

courant radicalement rationaliste, l'oeuvre de Tyard converg~ en fin de compte

vers un fidéisme parallêle saqs doute a celui de Motttaigne, mais infiniment

plus explicite quant A l'objet de la foi chr~t1enne. Même s'il sépare rais,n

et fO~J le scepticisme de Montaigne n'exclut pas la foi, et toout comme l'auteur le

des Essais, Pon~& de Tyard .~lace la foi au-dessl],s de la raison,' ce qui lui

permet d'examiner avec curiosité, mais sans l'inquiétude des sceptiques, les

questions religieuses et scientifiques.

De ce fait, si étudier le cheminement de Pontus de Tyard entre Platon et (1

Aristote peut sembler une entreprise un peu simplificatrice, il n'en demeure

pas moins que l' ~vêque de Charon a 8U se distancier suffisamment de"s courants

ratiGnalistes de son temps pour admettre l'existence d'autres formes de vérité, :t

sans pour autant trahir sa vocation chrétienne. D'ailleurs,. dans l'histoire,

des idées, les écrits du passé ne deviennent-ils pas surtout matériaux

s'offrant aux transformations inhérentes au pr~sent, et permettant i

l 'historien de mle~x.observer ces transformations lorsqu'A son tour cè pré. eut

, ~-est devenu passE?

,

. i

Page 113: Pontus de Tyard 15211605 Entre Platon Et Aristote

1 108. 1

{

Not •• - Conclualon • 1 Il •• ra .ffactlv ... ~t accu.' d'hlr'-i. par 1. plra Charla., aur ,

/

la ba.e 4el Boaili •• 1

2 Franco Giacone, ''Trot. pol •• inlclita d. Pontue de Tyard'" dana

Bibliothlgue d'Ruaani ... et Renal •• ance (Genlve: DrQS, 1982), toae 44, p. 108.

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