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1 PLAN DU COURS INTRODUCTION GENERALE Chap I. : LA THÉOLOGIE FONDAMENTALE AUJOURD’HUI : IDENTITÉ ET ARTICULATION. Introduction A. Bilan historique I. Le concile Vat. I (1870) II. Entre Vatican I et Vatican II III. Le concile Vat II (1962-1965) B. De concile Vat II à l’encyclique Fides et Ratio. I. La longue transition entre Vat II et la constitution apostolique Sapientia Christiana (1965-1979) a. Continuité de l’apologétique comme voie à la dogmatique b. La théologie dogmatique de la révélation, réalité primaire du christianisme comme théologie fondamentale c. La théologie fondamentale comme apologétique de l’immanence d. La théologie fondamentale comme analyse de l’homme auditeur de la parole e. Début de la théologie fondamentale pratique comme théologie du monde II. De la constitution Sapientia christiana aux encycliques Fides et Ratio (et Lumen Fidei) (1980) (2013). 1. Les deux écoles actuelles de la théologie fondamentale 2. Deux blocs : a. L’épistémologie de la théologie fondamentale : la concession synthétique de la crédibilité C. Encycliques Fides et Ratio : contribution à la théologie fondamentale 1. Les encycliques Fides et Ratio de 1998 (et Lumen Fidei 2013). D. Identité et articulation de la théologie fondamentale 1. L’identité de la théologie fondamentale : proposition de vérité révélée comme objet de notre foi. 2. Les doubles devoirs de la théologie fondamentale : celui de base-herméneutique, comme théologie fondamentale dogmatique ; celui dialogue-contextuel, comme théologie fondamentale apologétique. 3. L’articulation concrète de la théologie fondamentale Chap II : L’INITIATIVE SALVIFIQUE DE DIEU

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1

PLAN DU COURS

INTRODUCTION GENERALE

Chap I. : LA THÉOLOGIE FONDAMENTALE AUJOURD’HUI : IDENTITÉ ET ARTICULATION.

IntroductionA. Bilan historique

I. Le concile Vat. I (1870)II. Entre Vatican I et Vatican IIIII. Le concile Vat II (1962-1965)

B. De concile Vat II à l’encyclique Fides et Ratio.I. La longue transition entre Vat II et la constitution apostolique

Sapientia Christiana (1965-1979)a. Continuité de l’apologétique comme voie à la dogmatiqueb. La théologie dogmatique de la révélation, réalité primaire du

christianisme comme théologie fondamentalec. La théologie fondamentale comme apologétique de

l’immanenced. La théologie fondamentale comme analyse de l’homme

auditeur de la parolee. Début de la théologie fondamentale pratique comme

théologie du mondeII. De la constitution Sapientia christiana aux encycliques Fides et

Ratio (et Lumen Fidei) (1980) (2013).1. Les deux écoles actuelles de la théologie fondamentale2. Deux blocs :

a. L’épistémologie de la théologie fondamentale : la concession synthétique de la crédibilité

C. Encycliques Fides et Ratio : contribution à la théologie fondamentale1. Les encycliques Fides et Ratio de 1998 (et Lumen Fidei

2013).D. Identité et articulation de la théologie fondamentale

1. L’identité de la théologie fondamentale : proposition de vérité révélée comme objet de notre foi.

2. Les doubles devoirs de la théologie fondamentale : celui de base-herméneutique, comme théologie fondamentale dogmatique ; celui dialogue-contextuel, comme théologie fondamentale apologétique.

3. L’articulation concrète de la théologie fondamentale

Chap II : L’INITIATIVE SALVIFIQUE DE DIEU

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A. La révélation1. Aspects doctrinaux (Dei Filius – Dei Verbum)2. Révélation publique - révélation privée3. Aspects systématiques

B. La Parole de Dieu devient Parole écrite et transmise1. Parole de Dieu2. La Parole de Dieu faite écriture3. La Parole de Dieu faite Tradition

Chap III : UN SEUL SAINT DÉPÔT DE LA PAROLE DE DIEU CONFIÉ À L’ÉGLISE

A. La Sainte Écriture1. Inspiration2. Canonicité

B. La Tradition1. La Tradition selon Dei Verbum2. Certaines clarifications conceptuelles3. Témoignages de la Tradition

C. Interrelation entre la Sainte Écriture et la Tradition1. Unité entre la Sainte Écriture et la Tradition2. La dépendance réciproque entre la Sainte Écriture et la Tradition3. La différence entre la Sainte Écriture et la Tradition

D. Le magistère de l’Église1. La triple forme de magistère2. Les déclarations de magistère

CONCLUSION GÉNÉRALE

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

LETOUZEY, ANÉ, s. dir., Dictionnaire de la Bible, Paris, 1923. Dictionnaire biblique universel, Paris, Desclée, 1984. P. POUPARD (s.dir.), Dictionnaire des religions, Paris, PUF, 1984. P. EICHER (s.dir.), Dictionnaire de théologie (trad. franç. B. LAURET),

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BREF APERCU COMPREHENSIF DE LA THEOLOGIE

Le mot théologie signifie étymologiquement : « traité sur Dieu » (De divinitate ratio

sive sermo : S. Augustin, De civitate Dei VIII, I) : la théologie est donc la science de Dieu.

Objet : L’objet matériel primaire de la théologie est Dieu, l’objet secondaire : ce sont les

choses créées, en tant qu’elles sont en relations avec Dieu. Quant à l’objet formel, nous

distinguons la théologie naturelle et surnaturelle :

La théologie naturelle fondée par Platon (S. Augustin nommera theologia naturalis. Cette

théologie depuis le XIXème s. sera appelée la Théodicée) ; c’est ce qui constituera le sommet

de la philosophie. Elle est l’exposé scientifique des vérités sur Dieu, autant qu’elles peuvent

être connues à la lumière de la raison naturelle. Elle se veut une étude méthodique et critique

de Dieu, de son existence, de ses attributs, de ses rapports avec ses créatures, étude effectuée

par le moyen de seules facultés humaines.

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Par contre la théologie surnaturelle est l’exposé scientifique des vérités sur Dieu, autant

qu’elles sont connues à la lumière de la révélation divine. Se voulant une étude sérieuse sur

Dieu, les humains, l’univers ; cette dernière a comme point de départ les révélations spéciales

de Dieu lui-même.

La théologie se décline au pluriel. Si toute théologie est « discours sur Dieu », la théologie

fondamentale n’en est qu’une branche, avec des ramifications sans doute multiples, mais dont

l’objectif est identique : exprimer la foi chrétienne en fonction des défis de l’histoire. Elle ne

croit pas suffisant de se limiter à un travail intemporel d’intelligence de la foi, mais elle se

montre soucieuse de sa traduction dans le langage de ses interlocuteurs.

Alors que la vérité dont elle parle - l’événement fondateur de la foi : Christ mort et

ressuscité - est invariable, sa crédibilité est tributaire d’un certain nombre de paramètres,

d’ordre culturel ou existentiel, qu’il est impossible d’ignorer. Pour s’exprimer en termes de

Paul Tillich, son objectif s’énonce ainsi : « la théologie, comme fonction de l’Eglise

chrétienne, doit en servir les besoins… Elle oscille entre deux pôles : la vérité éternelle de son

fondement et la situation temporelle dans laquelle la vérité éternelle doit être reçue »1.

Sans rien négliger de la « vérité éternelle », dont elle se doit de rendre compte, la

théologie fondamentale a cependant les yeux davantage fixés sur la « situation

temporelle »dans laquelle il lui importe d’en rendre compte. Pour le dire avec les mots de

Maurice Blondel : « l’important est, non de parler pour les âmes qui croient, mais de dire

quelque chose qui compte pour les esprits qui ne croient pas.»2

Quant à l'objet de ces deux types de théologie, la théologie naturelle a comme objet formel

Dieu tel qu'il est connu dans la création par la raison naturelle. Alors que l'objet formel de la

théologie surnaturelle est Dieu, tel qu'il est connu par la foi dans la révélation (S. Augustin,

De Civ. Dei VI, 5 ; S. Th 1,1,1, ad 2).

De par leur principe de connaissance, elles se distinguent par : ratio naturalis et ratio fide

illustrata. De par leurs moyens de connaissance : ea quae facta_sunt et revelatio divina. Leur

objet formel : Deus unus et Deus unus et trinus.

1 P. TILLICH, Théologie systématique, I., Paris, Cerf-Labor et Fides, 2000, p. 21 s.

2 M.BLONDEL, Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d'apologétique (1896)., Paris, PUF, 1956, p. 7 et 22.

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Le caractère scientifique de la théologie est indubitable. S. Thomas d'Aquin l'affirme

sans détour parce que la théologie part des vérités fondamentales (principia) certaines, les

vérités révélées et en tire des raisonnements strictement scientifiques, des connaissances

nouvelles, des conclusions théologiques réunies en un système cohérent et complet. Mais la

théologie est une science subalterne (scientia subalternata) parce que ses principes ne sont pas

pour nous d'une évidence interne mais empruntés à une science supérieure, la science de Dieu

communiquée par la révélation.

Etant une science subalterne par rapport à son principe interne, la théologie surpasse pourtant

toutes les autres sciences par la sublimité de son objet, la certitude absolue de ses

connaissances qui repose sur la science infaillible de Dieu et sa relation immédiate avec la fin

dernière de l'homme.

La théologie pour S. Thomas est une science à la fois Spéculative et Pratique. Ceci

parce que d'une part elle considère Dieu, la vérité première, et les choses extra divines dans

leurs rapports avec Dieu. Et d'autre part, elle étudie la conduite morale de l'homme dans sa

subordination à sa fin dernière surnaturelle. Le côté spéculatif a la prééminence, parce que la

théologie vise avant tout la connaissance de la vérité divine et parce que la finalité de l'acte

moral consiste dans la connaissance parfaite de Dieu.

Elle est aussi une Sagesse parce qu'elle a pour objet la Cause première et dernière de

toutes choses. Elle est par le fait même la sagesse la plus haute parce qu'elle considère la

Cause première et dernière à la lumière de la vérité révélée communiquée par la science

divine elle-même. (S.Th. 1, 1,6).

La théologie est considérée comme science de la Foi. Elle suppose la foi au sens objectif

(fïdes quae creditur) et au sens subjectif (fides qua creditur). La théologie a en commun avec

la foi, les sources de connaissances : la sainte Ecriture et la Tradition (règles de foi éloignées)

ainsi que les définitions de l'Eglise (règles de foi prochaines). Comme science de la foi, la

théologie a encore un principe de connaissance particulier, la raison humaine avec laquelle

elle cherche à pénétrer le contenu et la cohésion du système des vérités surnaturelles. S.

Augustin exprime cette pensée en disant : crede ut intelligas (Sermo XXXXIII, 7, 9) ; S.

Anselme de Cantorbéry dira Fides quaerens intellectum (Proslogion, Proemium) et credo ut

intelligam (proslogion, 1).

La théologie fondamentale cherche à rendre toujours prêt les croyants à la défense

contre quiconque leurs demande raison de l'espérance qui est en eux (1P 3,15). Cette

démarche porte les croyants comme le stipule la constitution dogmatique sur la divine

révélation à proposer la doctrine authentique sur la Révélation divine et sur sa transmission,

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afin qu'en entendant l'annonce du salut, le monde entier y croie, qu'en croyant il espère, qu'en

espérant il aime3.

C'est dans cette optique que nous orienterons notre cours pour chercher à présenter et à

comprendre en même temps certains concepts, contenus et méthodes qui sont à la base de la

théologie. La théologie fondamentale a connue d'énorme progrès qui a fait qu’elle soit

enrichie sur divers aspects. Nous citerons en premier lieu l'ouvrage de Deken WALTER et

compagnons : Handbuch der Fundamental théologie4, en second lieu la synthèse de

l'Université Pontificale Grégorienne de Rome avec le fameux dictionnaire de Théologie

Fondamentale5. Ces travaux de la Grégorienne auront un impact considérable sur le « le

Congrès International de Théologie fondamentale » organisé au sein de ladite université en

1995. Le pape Jean Paul II dans son encyclique Fides et Ratio de 1998, définira en des termes

explicites la thématique de la théologie fondamentale :

« En vertu de son caractère propre de discipline qui a pour tâche de rendre compte de la foi

(cf. 1 P3, 15), la théologie fondamentale devra s'employer à justifier et à expliciter la relation

entre la foi et la réflexion philosophique. Reprenant l'enseignement de saint Paul (cf. Rm 1,

19-20), le concile Vatican I avait déjà attiré l'attention sur le fait qu'il existe des vérités

naturellement et donc philosophiquement connaissables. Leur connaissance constitue un

présupposé nécessaire pour accueillir la révélation de Dieu. En étudiant la Révélation et sa

crédibilité conjointement à l'acte de foi correspondant, la théologie fondamentale devra

montrer comment, à la lumière de la connaissance par la foi, apparaissent certaines vérités que

la raison saisit déjà dans sa démarche autonome de recherche. La Révélation confère à ces

vérités une plénitude de sens, en les orientant vers la richesse du mystère révélé, dans lequel

elles trouvent leur fin ultime. Il suffit de penser par exemple à la connaissance naturelle de

Dieu, à la possibilité de distinguer la révélation divine d'autres phénomènes ou à la

reconnaissance de sa crédibilité, à l'aptitude du langage humain à exprimer de manière

significative et vraie même ce qui dépasse toute expérience humaine. À travers toutes ces

vérités, l'esprit est conduit à reconnaître l'existence d'une voie réellement propédeutique de la

3 Cf. DV1.

4 Cf. KEN WALTER, POTTMEYER Herman Josef, SECKLER Max, Handbuch der Fwdamentaltheologie,Vott - 4,Stuttgart, 1984-1988-2000.

5 Cf. R. LATOURELLE, R. FISCICHELLA (Dir), Dictionnaire de théologie fondamentale, Paris, 1992.

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foi, qui peut aboutir à l'accueil de la Révélation, sans s'opposer en rien à ses principes propres

et à son autonomie spécifique.

De la même manière, la théologie fondamentale devra démontrer la compatibilité profonde

entre la foi et son exigence essentielle de l'explicitation au moyen de la raison, en vue de

donner son propre assentiment en pleine liberté. Ainsi, la foi saura montrer en plénitude la

voie à une raison qui recherche sincèrement la vérité. La foi, don de Dieu, tout en ne se

fondant pas sur la raison, ne peut certainement pas se passer de cette dernière. En même

temps, apparaît le besoin que la raison se fortifie par la foi, afin de découvrir les horizons

auxquels elle ne pourrait parvenir d'elle-même »6.

La lettre encyclique de Pape François dans son n° 32 et 36 nous parle de ce lien entre

la foi (qui est l'annonce de la vérité de l'amour de Dieu et l'ouverture de l'homme à cet amour),

et le désir profond de l'homme pour la vérité qui ne peut se satisfaire que dans l'amour de

Dieu. L'amour de la vérité du monde grec fera de lui un partenaire idoine pour le dialogue

avec les premiers chrétiens7 . La lettre encyclique Laudato, nous montre l'importance de

préservation de la nature comme notre maison commune, lieu aussi de la révélation de Dieu.

Sans trop chercher à élargir la liste de recherches, des publications et congrès qui ont

eu lieu ces dernières années, tous cela à contribuer d'une manière marquante à donner un

nouvel élan à la théologie fondamentale comme activité théologique, une discipline de plus en

plus systématique avec une grande influence ecclésiale et pastorale. L'importance de la

théologie fondamentale se pose encore aujourd'hui avec plus acuité face à un monde de plus

en plus sécularisé, informatisé et à perte de sens religieux.

La rationalisation de l'espérance qui habite en nous est le processus qui agencera notre

cours en commençant d'abord dans le premier chapitre à étudier la théologie fondamentale

telle qu'elle se présente aujourd'hui : son identité et son articulation. Le deuxième chapitre

s'attèlera sur l'initiative salvifique de Dieu. Le troisième et dernier chapitre traitera du saint

dépôt de la foi confié à l'Église.

6JEAN PAUL II, Fides et Ratio, 67

7 FRANÇOIS, Lumen Fidei, 32-36.

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12

Chap I. : LA THÉOLOGIE FONDAMENTALE AUJOURD’HUI : IDENTITÉ ET

ARTICULATION.

Introduction

L’apologétique déjà au début du christianisme cherchait à « donner une réponse », on

dirait mieux « défendait » (en grec : apologhia) la foi. Les explications raisonnées de notre

espérance (1P 3, 15), de notre foi étaient bien données et défendues par l’apologétique. Au

deuxième siècle, Clément d’Alexandrie, qui sera après suivi par Origène (Contra Celsum VII,

12), ajouteront à ce texte de l’apôtre Pierre qui parle de la raison de notre espérance, la raison

de notre foi. D’autres Pères de l’Église : Eusèbe de Césarée, Jean Chrysostome et Cyrille

d’Alexandrie, continueront dans leur réflexion à maintenir le lien entre l’espérance et la foi. Il

fallait attendre pour le monde latin, S. Augustin qui prendra la 1P 3, 15 comme point de

référence et à cela il y adjoint la foi, pour la rationalisation de notre croire. Sa lettre Ad

consentium sera considérée comme sa première œuvre systématique sur la relation entre la foi

et la raison. La naissance de la scolastique consacrera ce texte de S. Augustin8.

L’apologie a joué des rôles divers en ce qui concerne la foi au début du christianisme9.

Mais ces rôles de l’apologie fera une basse figure au moment de la systématisation de la

théologie comme science, ceci spécialement dans la « Somme théologique ». Pendant cette

époque, les efforts intellectuels seront plus consacrés à arguer la foi et à approfondir sa

relation avec la raison10. C’est l’âge d’or de la « fides quaerens intellectum » que S. Anselme,

S. Thomas d’Aquin et S. Bonaventure développeront et qui sera interrompu par le

nominalisme de Guillaume d’Ockham. Ce dernier considérera comme voie archaïque celle de

ces prédécesseurs et plaidera pour une voie moderne basée sur le positivisme et l’historicité

de la foi. A cette nouvelle voie Luther opposera une forte résistance à la philosophie et à la

8 Cf. J. DE GHELLINCK, Le mouvement théologique du XIIè siècle, Paris, 1948.

9 Cf. B. POUDERON, J. DORÉ, Les apologistes chrétiens et la culture grecque, Paris, 1998.

10 Cf. M.-D. CHENU, La théologie comme science au XIIIè siècle, Paris, 19693. pp 33-52. (Rhétorique sacrée et apologétique).

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théologie naturelle au profit de la foi, ce qui suscitera l’apologie de la contre Réforme.

L’Apologétique refait surface, mais sous la dénomination claire que nous connaissons

aujourd’hui de la théologie fondamentale même si sa reconnaissance officielle fera l’objet

d’un long périple. Il suffit pour s’en rende compte, jeter un coup d’œil sur sa récente histoire.

Le concile Vatican II, dans ses différents documents officiels ne fera aucune mention à cette

discipline, ni même dans « Normae Quaedam » qui sont les premières normes d’application

conciliaire publiées en 1968 par Paul VI pour ce qui concerne l’enseignement théologique. Il

faut attendre la « Sapientia Christiana » (29.04.1979), la constitution apostolique qui

interviendra quinze ans après le concile Vatican II, pour voir explicitement mentionné la

« théologie fondamentale » comme discipline obligatoire dans les études théologique.

L’encyclique Fides et Ratio (14. 09. 1998) de Jean Paul II consacrera un paragraphe entier à

cette discipline, dans lequel seront définis les objectifs clairs de la théologie fondamentale11.

Récemment, la dernière lettre encyclique de pape François sur la lumière de la foi, dédiera les

numéros 32-36 à ce dialogue entre la foi et la raison.

Cette introduction nous ouvre ainsi la porte pour commencer notre étude sur le bilan

historique de la théologie fondamentale dans ses débuts : l’apologétique jusqu’à la lettre

encyclique Lumen Fidei avec un accent particulier sur Fides et Ratio. Nous analyserons aussi

les points de vue de deux conciles (Vatican I 1870 et Vatican II 1962-1965) sur ladite

discipline. Ce qui fixera notre intelligence et nous conduira à étudier avec plus de sécurité les

chapitres qui suivront.

I. Le concile Vatican I (1870)

C’est à travers Dei Filius que nous pouvons lire l’orientation apologético-démostrative

du concile Vatican I. Cette orientation peut être divisée en trois parties :

- L’existence de Dieu et de la religion (démonstration religieuse)- L’existence de la vraie religion (démonstration chrétienne)- L’existence de la vraie Église (démonstration catholique)

Pour ce qui concerne la théologie fondamentale, nous retiendrons ces grandes

affirmations du concile Vatican I :

11 Cf. JEAN PAUL II, Fides et Ratio, 67. On peut aussi lire la Lettre aux participants au Congrès international de Théologie fondamentale promu par l'Université Pontifical Grégorienne pour le 125ème anniversaire de la constitution dogmatique «Dei Filius», 30 septembre 1995.

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1. Il existe une voie « naturelle » à travers laquelle Dieu peut être connu avec certitude « certo

cognosci », et une autre « supra naturelle » par laquelle Dieu nous a parlé, spécialement à

travers son Fils (He 1, 1) : DH 3004.2. L’importance de la révélation dans la connaissance des choses divines qui ne sont pas par

elles-mêmes inaccessibles : DH 3005.3. La révélation est contenue dans les livres écrits et dans la Tradition non écrite, ces livres sont

écrits sous l’inspiration du Saint Esprit et ont Dieu comme auteur : DH 3006.4. La soumission, par la foi, de la raison créée à la vérité incréée. La foi comme commencement

du salut de l’homme : DH 30085. La foi est conforme à la raison (rationi consentaneum), pour cela il y a des preuves,

arguments extérieurs, miracles, signes et prophéties sûres, adaptés à toutes intelligences : DH

3009.6. L’Eglise catholique comme destinataire et lieu de la crédibilisation évidente de la révélation

divine : DH 30137. Il existe une double voie de la connaissance (duplex ordo) : une avec la raison naturelle,

l’autre avec la foi divine : DH 3015.8. La raison illuminée par la foi (ratio fide illustrata), arrive à une certaine connaissance des

mystères : soit par analogie, soit par le lien qui existe entre les mystères avec la fin ultime de

l’homme : DH 3016.9. La foi et la raison ne peuvent jamais être en contradiction entre elles : La juste raison

démontre les fondements de la foi (demostret) : DH 3019.

Nous retiendrons que ces affirmations ont conduit à déduire le caractère apologético-

démonstratif du concile Vatican I. À l’affirmation N° 1 : « certo cognosci » on ajoutera dans

le serment anti-moderniste « demostrari posse » : DH 3538 ; qui constituent un parallèle à la

« prova » et au « demonstret » que nous trouvons dans les affirmations 5 et 9 ; mais dans les

actes du concile, le verbe « démontrer » a un sens mitigé. La formule « crédibilité évidente »

que nous trouvons dans l’affirmation 6, est comprise comme une évidence « rationnelle

obligatoire ».

II. Entre Vatican I et Vatican II

Suite à une compréhension littérale du concile Vatican I, l’orientation apologético-

démonstrative se voit de plus en plus renforcée et confirmée. L’apologétique, influencée par le

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nominalisme et spécialement par la voie dite « moderne » du XIVème s., devient plus défensive,

cette attitude de l’apologétique demeurera jusqu’à la fin du concile Vatican II12.

Pendant cette époque émergera, bien que d’une manière un peu marginalisée, les

éléments pour une apologétique rénovée, teintée de la tradition de S. Augustin, Albert le

Grand, S. Bonaventure mais surtout de S. Thomas d’Aquin, qui souligne la fonction

illuminatrice de la révélation et de la grâce dans le domaine de la foi. Plus spécifiquement

pour la TF, sa construction entre les deux conciles sera marquée par trois étapes de

démonstrations :

- démonstration religieuse avec les thèmes : religion-Dieu-possibilité de la révélation ;- démonstration chrétienne avec thème : concrétisation de la révélation effective en Jésus Christ

compris comme vrai envoyé de Dieu ;- démonstration catholique avec thème : l’Église catholique comme véritable Église fondée par

Jésus Christ et gardienne de la révélation.

La démonstration catholique aura un caractère nettement anti-Réforme, alors que la

démonstration religieuse quant à elle aura des accents anti-lumière. Elle insistera sur la

religion révélée par opposition à une religion de la raison pure.

On verra alors naître trois formes de l’application concrète de TF :

La forme latine : le processus de la TF correspond ici à l’apologétique à trois temps que nous

avons mentionné plus haut ; l’apologétique d’immanence qui adoptera la méthode d’immanence initiée par M. Blondel

(1861-1949). la forme « germanique » : prend en son compte l’apologétique de l’immanence

tout en élargissant et approfondissant la démonstration religieuse. La philosophie de religion,

qui fait de l’homme un homme « à l’écoute du Verbe » (K. Rahner), sera appelée en appui.

Elle met en valeur la capacité de l’homme d’entendre la parole de Dieu et de lui répondre (K.

Rahner, Pontentia oboedientialis).

III. Le concile Vatican II ( 1962-1965)

Dei Verbum consacrera le progrès réalisé par la théologie fondamentale. Elle n’aura

plus son point de départ, comme l’apologétique classique, dans la révélation générale, mais

partira immédiatement de l’événement concret de la révélation accomplie en Jésus Christ et

aura comme méthode historico-théologique. La contribution du concile Vatican II à la TF se

12 Cf. C. GEFFRÉ, Un nouvel âge de la théologie, Paris, Cerf, « CogitatoFidei » 68, 1972 ; H. BOUILLARD, « L’expérience humaine et le point de départ de la théologie fondamentale » dans Concilium 6 (1965), 83-92.

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fait voir sur deux points : d’une part en ce qui concerne la révélation : la considération de

l’économie du salut dans une perspective sacramentelle (DV 2 et 4) ; le concile fait du

principe de l’incarnation le paramètre de la compréhension de la révélation (DV 4) et de

l’Église (LG 8). Apparaît ainsi la centralité du Christ dans la révélation et dans la foi (DV 2 et

4, NA 2). D’autre part, le concile propose une théologie rénovée centrée sur le Christ comme

la plénitude personnelle et authentique de la révélation (DV 4) qui en même temps est

l’accomplissement de la Sainte Écriture (DV 16). Tous les signes particuliers constituent son

irradiation parmi les hommes et d’une manière spéciale l’Église est le « signe-sacrement » du

Christ dans le monde (LG 1, 9, 48, 59). Les miracles sont tous liés à la personne de Jésus (DV

2,4, LG 5, AG 12) pour susciter la foi en sa personne. L’Église est appelée à témoigner de

cette foi. Le thème du témoignage déjà traité par le concile Vatican I sera repris par Vatican II

et deviendra très important. Il sera considéré comme voie d’accès à la crédibilité de l’Église

(LG 13, 35, 38-42 ; AG 6, 11, 15, 21, 24, 37 ; GS 43 ; PO 3. PC 25). Le concile Vatican II met

clairement en lumière que la révélation est crédible non seulement à partir des signes externes

qui l’accompagnent, mais elle est en elle-même la clé de lecture de l’intelligibilité de mystère

de l’homme (GS 22).

Pour ce qui concerne la relation entre la foi et la raison, le concile Vatican II, en

premier lieu, à la définition du concile Vatican I qui affirme que : « puisque l’homme dépend

totalement de Dieu comme son créateur et Seigneur, et que la raison créée est complètement

soumise à la Vérité incréée, nous sommes tenus de présenter par la foi à Dieu qui se révèle, la

soumission plénière de notre intelligence et de notre volonté » (DH 3008), le concile Vatican

II unit à l’affirmation précédente DV 5 : « l’obéissance de la foi » (Rm 16, 26 ; Rm 1, 5 ; 2Co

10, 5-6) qui engage l’homme en toute liberté avec la grâce de l’Esprit Saint pour

l’intelligibilité de la révélation. En deuxième lieu, faisant référence au concile Vatican I dans

DV6, le concile Vatican II change l’ordre (Cf DV 3), mettant en premier lieu « la

connaissance de Dieu à travers la révélation » (DH 3005), et en second lieu « la connaissance

naturelle de Dieu » (DH 3004) pour ainsi montrer la primauté de la révélation.

I. La longue transition entre Vatican II et la constitution apostolique Sapientia Christiana (1965-

1979)a. Continuité de l’apologétique comme voie à la dogmatique

La TF telle que nous l’avons actuellement est née de l’apologétique classique et d’une

réflexion sur la nécessité de se réformer en vue de répondre aux besoins de son temps. Cette

réforme était importante pour sa survie. Vue son cheminement, l’apologétique était habituée

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aux changements, aux virages imprévus. Mais pendant la longue période de transition entre

Vatican II et la constitution Sapientia Christiana (Constitution apostolique de Jn Paul II sur

les Universités et les facultés ecclésiastiques le 29. 04 1979), le changement était si profond et

si spectaculaire que l’apologétique a due même changé de nom pour devenir TF.

Ce changement de nom ne sera qu’un élément avant coureur d’un changement

beaucoup plus profond qui affectera le statut même de cette discipline. Le changement

touchera le nom, le contenu, la méthode et l’identité même de la cette discipline. Mais on fera

attention en parlant de tous ces changements par le fait que les problèmes qu’affronte la TF

actuelle restent substantiellement les mêmes : « révélation et crédibilité ». La TF actuelle

n’aura pas la prétention de se vanter comme un commencement absolu.

La formation de la nouvelle image de l’apologétique, appelée désormais TF, date des

années de l’après deuxième guerre mondiale. Cette période couvre trois décennies qui

correspondent à un triple mouvement de la réflexion théologique : une phase de réaction de

l’apologétique classique, une phase de l’adoption définitive du terme TF et une phase de

réaction de réflexion sur son identité et sur la hiérarchisation de ses tâches. En prenant le

concile Vatican II comme référence, on parlerait de trois phases : phase préconciliaire,

conciliaire et postconciliaire. Nous parlons de trois phases plutôt que de trois étapes

chronologiques, car à vrai dire, il s’agit de trois vagues qui se recouvrent autant qu’elles se

succèdent. Lorsque la deuxième se soulève, le mouvement de la première se fait encore sentir;

et tandis que la deuxième se déploie, la troisième est déjà amorcée. Un historique, avec un

développement assez exhaustif de cette discipline théologique relativement jeune fait encore

défaut à l’heure actuelle13.

L’apologétique classique se basera sur les trois types de démonstrations : la

démonstration religieuse, chrétienne et catholique et cherchera à répondre à une nécessité

historique de son temps : lutte contre le mouvement de la Réforme du XVIès., contre les

libertins et les athées du XVIIè s., les deistes et les encyclopédistes du XVIIIè s. Face à tous

ces mouvements, il fallait opposer un discours cohérent sur l'existence et les attributs de Dieu,

sur la providence et l'immortalité de l'âme (théodicée). Contre les déistes qui se contentaient

d’une religion naturelle et rejetaient toute idée de révélation historique, l’apologétique

s’attellera à démontrer que le christianisme est la véritable religion révélée sur la base des

preuves convaincantes que Jésus Christ est celui qui parle au nom de Dieu et qui nous révèle

pleinement Dieu. Aux Réformistes, la démonstration catholique fera voir que parmi les

13 C. GEFFRÉ, Un nouvel âge de la théologie, Paris1972, 291-365.

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diverses confessions chrétiennes, l’Église catholique est la seule et véritable Église. Étant

donné que nos frères de la Réforme s’appuyaient plus, en ce qui concerne la foi, sur la

subjectivité et d’une manière particulière sur l’action de l’Esprit qui nous fait adhérer à la

Parole de Dieu et nous donne la certitude de son origine, l’apologétique insistera sur les

critères objectifs : les miracles, les prophéties… Entrer en usage courant en 1830,

l’apologétique se constituera en discipline théologique qu’à partir du début de XXè s. on verra

naître des œuvres qui non seulement s’appliqueront à une justification rationnelle et

systématique de la foi, mais s’emploieront à définir le statut épistémologique de

l’apologétique comme science à part de la philosophie et de la dogmatique. Nous pouvons

citer à titre illustratif les ouvrages de Michael Nicolau et Joachim Salaverri, Theologia

Fundamentalis : SacraeTheologiae summa I ; qui bien qu’étant d’avant Vatican I continuera à

être utilisé et aura un grand impact sur le mouvement théologique. K. Rahner aura une grande

admiration pour ces livres. Il dira « il n’y a au monde aucune TF supérieure à cette

« Somme » quant à l’équilibre de matière qu’elle propose, quant à la proportion de

l’abondance bibliographique, quant à la mise à jour de l’apport des écoles… ». On citera aussi

les ouvrages de : S. Tromp, de Ambroise Gardeil, de Reginald Garrigou-Lagrange,

Dieckmann... Cette période de continuité de l’apologétique classique postconciliaire sera plus

représentée par A. Beni dans son ouvrage : Théologie fondamentale. En Allemagne par

Adolph Kolping et Andrew Lang. On assistera à une série de renouveaux dans les diverses

filières théologiques : renouveau au niveau des études bibliques, patristiques, au niveau des

méthodes et techniques de l’exégèse…La révélation et la foi deviennent des réalités beaucoup

plus riches, plus concrètes, plus personnelle. Avec la systématisation de l’apologétique

classique, le rapport avec nos frères de la Réforme ne sera plus celui de la fermeture mais

d’ouverture et d’accueil mutuel.

b. La théologie dogmatique de la révélation, réalité primaire du christianisme comme théologie

fondamentale

DV a réussi a structuré le traité dogmatique de la révélation et il sera considéré comme

la grande charte de la TF. La grande et même trop rationalisation de la foi par le courant des

théologiens avant Vatican II, mettra en crise la TF. Ce qui portera des théologiens à orienter

leur recherche vers la théologie dialectique de K. Barth surtout dans sa « théologie de la

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Parole »14. Cette nouvelle perspective portera son fruit dans la diffusion de l’ouvrage de R.

Latourelle « Théologie de la révélation »15. On pourra encore citer beaucoup d’autres

publications comme celles de M. Seybold, de H. Waldenfels. Toutes ces publications

chercheront à commenter DV pour une meilleure compréhensibilité de la révélation. La

présentation dogmatique de la révélation aidera à vaincre le déisme et à montrer que la

religion naturelle n’est pas suffisante en elle-même pour trouver la réponse aux grandes

interrogations de l’homme. La théologie de la parole comme révélation, qu’on ne trouvait pas

dans la tradition de l’apologétique classique aura une grande influence. La TF doit parler

dogmatiquement de mystère et apologétiquement de faits. Le discours de la TF doit inclure la

verticalité du sens salvifique en même temps que l’horizontalité du fait. Ces deux dimensions

qui constituent le discours de TF sont voulues par Dieu et notifiées par ses témoins autorisés.

La révélation est à la fois événement et commentaire. Dieu se révèle Verbis gestisque, ce qui

veut dire Dieu intervient dans l’histoire mais à travers des médiations (gestes, œuvres, élus

qui interprètent ces événements). Dieu entre en communication avec l’homme, lui parle, mais

par l’intermédiaire d’une histoire signifiante authentiquement interprétée. Sans Moïse l’Ex ne

serait qu’une immigration. C’est qui différencie la révélation chrétienne d’autres révélations,

idéologies…

c. La théologie fondamentale comme apologétique de l’immanence.

L’extrinsécisme constitue un des faits qui a contribué au renouvellement de

l’apologétique classique. Ce renouvellement est l’œuvre de M. Blondel (1861-1949) qui sera

le défenseur de cette apologétique qu’on nommera « apologétique de l’immanence » comme

faisant partie de l’apologétique intégrale. Son influence en ce qui concerne la rénovation de la

TF fut et continue à être décisive. Sa méthode de l’immanence à donner naissance à

l’« Apologétique de l’immanence ». Cette apologétique de l’immanence n’affiche pas un

refus radical de la forme traditionnelle de l’apologétique, mais la critique dans la mesure où,

l’homme destinataire de la parole de Dieu était resté largement négligé dans ses tendances, ses

attentes et ses espoirs, ses doutes et ses limites16. L’apologétique de l’immanence ajoutera aux

motifs objectifs de crédibilité de la révélation chrétienne les motifs subjectifs de la disposition

14Cf H.U. von BALTHASAR, Karl Barth, Köln, 1951; H.BOUILLARD, Karl Barth, Paris 1957; T. CITRINI, GesùCristorivelazione di Dio. Il tema negli ultimi decenni della teologia cattolica, Venegono Inferiore, 1970.

15 La première édition paraitra à Paris en 1963, la seconde avec un chapitre sur DV paraitra à Paris en 1966.

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à la foi pour montrer la corrélation de l’effort humain d’une part et du don divin en Jésus

Christ d’autre part. Le message du Christ n’est pas un message annoncé de l’extérieur de

l’homme, mais dans l’immanence du cœur de l’homme, il est au fond toujours déjà entrevu

consciemment ou inconsciemment. La révélation comme réponse du sens posée par l’homme.

N’étant pas seulement une forme historique de procédé théologique, la méthode de

l’immanence est en principe un moment ou un aspect de toute la TF. H. Bouillard sera le

principal représentant de cette apologétique17.

Il s’en suivra une vague d’auteurs comme K. Rahner18, J. Lacroix19, A.

Marananche20… Ces différents auteurs s’inspireront de M. Blondel pour porter à leur tour leur

contribution en ce qui concerne l’approche théologique. Ils ne se limiteront pas seulement à

une vision d’en haut de la foi qui va au-delà de l’extrinsécisme mais incluront aussi la

dimension illuminative et vitale de l’acte de la foi. Nous citerons dans ce cadre les théologiens

comme John Henry Newman et Peter Rousselot21.

d. La théologie fondamentale comme analyse de l’homme auditeur de la parole

La divulgation de l’œuvre de K. Rahner, Hörer des Wortes (1941), qui analyse et

centre son attention sur « la potentia oboedientialis » de l’homme à la libre révélation, aura

une grande influence sur le mouvement théologique de l’époque. Traitant de l’anthropologie

métaphysique qui devient analyse de l’écoute de la part de l’homme, d’une éventuelle

révélation, pour lequel l’homme est auditeur de la parole par son essence même qui lui donne

16 Cf. H. de Lubac, « Apologétique et théologie », dans NRT 57 (1930) ; H. BOUILLARD, Blondel et le christianisme, Paris 1961 ; Y. CONGAR, La foi et la théologie, Paris 1962.

17 H.BOUILLARD, Comprendre ce que l’on croit, Paris 1971 ; Révélation de Dieu et langage des hommes, Paris, 1972. K.H. NEUFELD, Vérité du christianisme, Paris 1989.

18 K.RAHNER, Handbuch der pastoral theologie, Freiburg 1966.

19 J. LACROIX, Le désir et les désirs, Paris 1975.

20 A. MARANANCHE, Les raisons de l’espérance. Théologie fandamentale, Paris 1979.

21Cf. sur ce point R. AUBERT, le problème de l’acte de foi, Louvain 19502.

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la capacité d’écouter Dieu pour avoir accès d’une éventuelle révélation dans son histoire. La

philosophie ne peut être authentiquement chrétienne que quand comme l’anthropologie

théologique, arrive à démontrer que l’homme dans sa constitution, doit toujours être à l’écoute

d’une possible révélation de Dieu. Une telle réflexion philosophique reçoit le caractère d’une

« preparatio Evangelii ».

Par sa méthodologie qui fut qualifiée de transcendantale, Rahner sera considéré

comme un point décisif de la théologie moderne. Cette qualification de sa méthodologie est

par analogie à la philosophie transcendantale qui régnait à l’époque. Parlant de la théologie

transcendantale, il dira lui-même que : nous pouvons appeler la théologie transcendantale

cette théologie qui, à partir de son orientation génialement théologique, examine les

conditions à priori, le sujet croyant par la connaissance des vérités importantes de la foi »22.

Ces écrits sont très nombreux, nous noterons seulement à titre illustratif ces quelques écrits :

Hörer des Wortes (L’homme à l’écoute de Verbe 1967); son cours fondamental sur la foi,

Lexikon für theologie und Kirche, Freiburg 1957-1965; Grundkurs des Glaubens 1976 (Traité

fondamental de la foi 1983)…

« Pour me libérer de la crainte que m’inspire ton immensité, tu dois admettre que ta

parole infinie soit enfermée dans les limites, tu dois la faire passer dans mon étroitesse »

(Worteins Schweigen, Innsbrück1938, trad. fr. Mulhouse 1966). Cette citation nous fait voir

que sa théologie n’est pas seulement le produit d’un enseignement magistral et d’une

recherche scientifique, mais elle trouve sa source dans une vie de foi, de prière dont nous

pouvons retenir quatre aspects : spiritualité ignatienne, expérience de Dieu qui est à la fois

personnelle et ecclésiale ; fréquentation des Pères de l’Église, et une spiritualité orientée sur le

mystère du Père, sa Parole et son Esprit.

La théologie de K. Rahner est fondée sur le Verbe incarné : Parole du Père, sa vie de

croyant est vécue dans un oui primordial à l’Église concrète, milieu porteur de notre

conversion, pour devenir un « ministre du Christ et aider les âmes. Pour lui, l’esprit toujours

tourné vers le monde, est aussi une conscience de soi qui sait se reprendre, dépasser les

images et les concepts, et qui trouve sa liberté à rechercher l’invisible dans le visible, à

écouter dans le silence les paroles de l’origine (Urworte), les simples mots, porteurs d’un

secret mystère : le Sans-Nom est venu se dire dans le cœur de l’homme et dans l’histoire des

peuples (élément fondamental de l’anthropologie rahnienne, l’homme à l’écoute du Verbe…).

22 K. RAHNER, Théologie transcendantale, dans Sacramentummundi 8, 347-353.

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Cette approche crée une certaine perplexité autour de concept même de la TF qui se

transforme en une théologie formelle qui élabore une structure formelle et permanente de la

révélation. La TF par cette transformation pouvait en un certain moment être considérée

comme une phénoménologie théologique des concepts fondamentaux de la révélation. On

pouvait alors parler de la TF comme propédeutique de la philosophie ou axiomatique de la

théologie, et comprise comme praeambulum fidei qui cherche à démontrer la vérité de

l’existence humaine comme ordonnée à Dieu.

e. Début de la théologie fondamentale pratique comme théologie du monde

La publication de l’ouvrage de J.B. Metz : « la foi dans l’histoire et dans la société »,

marque le début d’une TF qui trouve sa signification dans une théologie politique comme

expression d’une dimension publique et sociale de la foi, il dira que : « une TF pratique doit

évoquer et décrire une praxis qui s’impose à toutes les tentatives logico-évolutionniste de

reconstruction, même à celui qui a tendance à se dissoudre dans un processus d’une

dialectique matérialiste de l’histoire de la praxis religieuse intense et autonome, c'est-à-dire le

sujet religieux compris comme autonome » (Cf. la foi dans l’histoire et dans la société).

Ce point de vue a suscité une grande attente mais a connu aussi un grand rejet

explicite23, il donnera naissance aux divers aspects de la théologie, nous citerons ici en

l’occurrence la théologie de la libération. On ne peut traiter de TF sans traiter de la théologie

de la mission de l’Église. On parlera du vrai christianisme s’il est capable d’intervenir avec sa

caractéristique fondamentale à l’intérieur des contradictions et des conflits de notre société24.

III. De la constitution Sapientia christiana à l’encyclique Fides et Ratio (1980-1998).

La constitution apostolique Sapientia Christiane de 1979 représente le premier

document officiel de magistère qui a cité solennellement la TF parmi les disciplines

théologiques obligatoires25. La constitution dans son article troisième, parlant des fins des

facultés ecclésiastique, stipule clairement en disant que ces facultés doivent « cultiver et

23 H. ZAHRNT, Dieu ne peut pas mourir. Contre les fausses alternatives dans l’Église et dans la société, Paris 1971.

24G. GUTIÉRREZ, Teologia de la libératione, Brescia 1972 ; A. GONZÁLEZ MONTEZ, Razónpolitica de la fe, Salamanca 1976 ; Nouvelle édition revue et augmentée : Teologiapoliticacontemporánea, Salamanca 1995.

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promouvoir, grâce à la recherche scientifique, les disciplines qui leur sont propres, et avant

tout approfondir la connaissance de la Révélation chrétienne et des disciplines qui lui sont

connexes, dégager de façon systématique les vérités qu’elle contient, considérer à sa lumière

les questions nouvelles qui surgissent au cours du temps, les présenter d’une manière adaptée

aux hommes d’aujourd’hui dans les diverses cultures »26. Insistant sur le but de la Faculté de

théologie, la constitution détermine clairement qu’elle a pour but : « d’approfondir et

d’exposer systématiquement, selon la méthode scientifique qui lui est propre, la doctrine

catholique, puisée avec le plus grand soin aux sources de la Révélation divine, et aussi de

s’appliquer à rechercher, à la lumière de cette Révélation, des solutions aux problèmes que se

posent les hommes »27. En coïncidence avec la publication de ce document, la TF aura une

nouvelle image, seront élaborées diverses synthèses qui conduiront à une certaines

convergences sur l’identité de la TF même.

Avec la publication des « Problèmes et perspectives de la TF », ouvrage publié par les

professeurs de la Grégorienne, nous citerons : R. Latourelle, G. O’Collins, K. Rahner, J.

Alfaro, G. Martelet…, nombreuses différences apparaîtront dans le status questionis de la TF.,

qu’est ce qu’en fait la TF. À partir de ces différences, commenceront à naître des nouvelles

synthèses qui proposeront une image rénovée de TF. Cette nouvelle image, nous pouvons la

présenter selon deux grands modèles : le modèle épistémologique qui met en relief la

dimension de la crédibilité et le modèle systématique qui s’attèle à manifester la structure et le

contenu de la TF. On ne traitera pas de ces deux modèles de manière exclusive, ces deux

modèles se complètent.

1. Les deux écoles actuelles de la TFa. La TF comme théologie de la crédibilité de la révélation (École de l’Université Grégorienne

de Rome). Cette école met l’accent sur la christologie et la sémiologie. Sur le fond de premier

pionnier de collège romain qui deviendra par la suite l’université Grégorienne, R. Latourelle

et R. Fiscichella porteront un nouveau coup de pouce à la TF dans la fondation de « l’École de

la Grégorienne ». Les deux seront les auteurs de : « La révélation : événement et crédibilité

(1985). » Après ils dirigeront ensemble les travaux de l’important : « Dictionnaire de la TF »

25 JEAN PAUL II, Sapientia christiana, Art 51, 1.

26 JEAN PAUL II,Op cit., Art 3, 1.

27 JEAN PAUL II, Op cit. Art 66.

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de 1990 qui contient une synthèse significative de leur contribution en ce qui concerne la TF

(crédibilité pp. 212-230).b. La TF comme « théologie de fondements de la révélation » (École allemande). Cette école

soulignera la double dimension de la révélation : la dimension ad intra et ad extra. Cette école

mettra un accent particulier sur les questions ayant trait à la religion et à l’Église. Se fondant

sur la tradition allemande de la TF comme théorie des principes théologiques et introduction à

la gnoséologie théologique. Son origine dans l’école allemande se manifeste sous deux formes

principales complémentaires selon leur priorité :- L’École de Tübingen : elle mettra l’accent sur « la vérité » de la révélation.

Elle est la première et la plus influente. Max Seckler (M. Seckler, dir, aux origines de l’école

de Tübingen : Brève introduction à l’étude de la théologie (1819) ; Le salut et l’histoire. La

pensée de S. Thomas d’Aquin sur la théologie de l’histoire) sera le grand représentant de cette

école, bénéficiant de sa grande connaissance de Thomas d’Aquin et de J.S. Drey (fondateur de

cette école), il marquera d’une empreinte spéciale la réédition de Handbuck der Fundamental

theologie.- L’école de Fribourg : elle mettra quant à elle l’accent sur « le sens » de la révélation.

Elle est la seconde école allemande après celle de Tübingen. Elle aura comme promoteur

HansjürgenVerweyen avec son fameux ouvrage : Gottes letztes Wort. Grundriss der

Fundamental theologie, (Düsseldorf 1991). Cet ouvrage sera réédité (Regensburg 2000) et

beaucoup d’autres ouvrages suivront après.

2. Deux Blocsa. L’épistémologie de la théologie fondamentale : la concession synthétique de la crédibilité

Le renouveau de la TF est beaucoup plus lié aux composantes épistémologiques

humaines de l’acte de la foi : sa crédibilité et les signes qui accompagnent la foi. On part donc

d’une vision plus personnaliste de l’acte de la foi et de la fonction illuminante de la grâce qui

porte une concession synthétique de la crédibilité dans laquelle la lumière de la foi effectue la

« synthèse » de certains signes ou motifs de crédibilité. Cette crédibilité n’a de la valeur que

grâce à la lumière de la foi. Quand nous parlons de la crédibilité, elle n’est pas une étape

préliminaire de l’acte de la foi, comme on parlerait d’une concession analytique, c’est un acte

quo, formel, un acte qu’on peut distinguer grâce à la réflexion comme point de convergence

dans la réalité vivante de croyant. C’est cette ultime concession de la crédibilité qui rend

possible une nouvelle image de la TF. En parallèle à l’épistémologie, il faut qu’on tienne aussi

présent la perspective herméneutique, qui après Vatican II a eu une grande importance dans

TF.

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Vatican II s’inscrivant dans la logique et la continuité même du Vatican I, abordera

diversement dans DV, la problématique de la révélation. La révélation selon Vatican II, le dira

H. Bouillard, n’apparaît plus comme un corps de vérités surnaturelles communiquées par

Dieu, elle est l’auto manifestation de Dieu dans une histoire sensée, dont le sommet est le

Christ, médiateur de la création et accomplissement du salut dans sa plénitude. La révélation

est l’acte même de Dieu qui se révèle lui-même par les événements et les paroles qui

l’interprètent. Nous comprenons ici que l’herméneutique adoptée par Vatican II en ce qui

concerne la révélation, prend pour point de départ « l’expliquant » pour aller graduellement à

l’ « inexpliqué ». L’approche herméneutique de la révélation du Vatican II se démarque ici de

celle du Vatican I qui parle de la révélation de Dieu par la création avant d’envisager celle

historique qui est la révélation personnelle de Dieu et du salut en Jésus Christ. H. Bouillard

enchaine en disant que Vatican I s’éloigne aussi des vues de tous ces théologiens qui, plutôt

que d’écouter ce que la révélation dit d’elle-même, ont pris appui sur des présupposée

théologiques et ont prétendu éclairer l’ « expliquant » en partant de l’ « inexpliqué »28.

Avec Vatican II on passe d’une théologie abstraite et notionnelle de la révélation à une

théologie concrète et historique. On fait appel à une conception biblique de la vérité, une

vérité conçue comme la réalisation progressive d’une promesse non une vérité dont le seul

lieu est le jugement de la raison. Ici les événements historiques qui entrent dans l’objet formel

de la révélation deviennent les éléments épistémologiques fiables pour la crédibilité. La

révélation comme l’affirmera C. Geffré, est inséparablement parole et histoire, sens et

événement29.

Au lieu d’être réduite seulement à la communication des vérités nouvelles, la

révélation devient avec Vatican II, communication de Dieu lui-même qui est événement de

grâce et du salut. On voit ici la subordination de la dimension doctrinale de la révélation à la

présence et à la manifestation de Dieu en son fils Jésus. Le Christ devient à la fois le sens de

l’histoire et son accomplissement. La révélation sera ainsi donc définie comme une

manifestation, une « épiphanie »30.

28 H.BOUILLARD, « Le concept de révélation de Vatican I à Vatican II », in J.AUDINET e.a, Révélation de Dieu et langagedes hommes, Paris 1972, 44.

29 C.GEFFRÉ, « esquisse d’une théologie de la révélation », in Révélation, Bruxelles : Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 1984, 180.

30 Ibidem.

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L’exposé de Vatican II met en relief la transcendance de l’acte de Dieu par rapport à la

parole de l’Église. Il est profondément biblique, puisqu’il expose la révélation selon l’histoire.

Le schéma directeur du Vatican I reste un schéma autoritaire : la révélation de Dieu exige la

soumission de la foi, tandis que Vatican II s’inscrit dans un schéma dialogal et

« communicationnel » d’un partenariat. Il n’abolit pas le premier mais le situe dans un cadre

plus fondamental. L’histoire sera considérée par B. Sesboüé comme le lieu privilégié et

accrédité de la révélation. Celle-ci «est d’abord et avant tout une personne : Jésus, le Christ,

est la révélation absolue de Dieu sur Dieu et son dessein sur l’homme. Il est le témoin fidèle.

Il y a donc transcendance de sa personne et de sa parole par rapport à tout autre discours de

l’Église. La révélation n’est pas un catalogue de vérités, fussent-elles organisées. L’ensemble

de vérités est second et prend sens en référence à cette personne »31. En affirmant ainsi

pleinement le caractère humain dans l’approche herméneutique de la révélation pour sa

crédibilité, nous ne devons jamais perdre de vue ou faire dissoudre dans l’humain le caractère

transcendantal dont revêt la révélation.

La révélation n’étant pas figée dans un texte passé, ni dans un dépôt, ni dans un sens

tout fait32. Si on dit que la révélation est close dans sa phase publique en JC et dans sa phase

constitutive et scripturaire avec la mort du dernier des apôtres, en tant qu’auto communication

de Dieu dans l’histoire du salut, elle se poursuit et son actualisation dans la conscience

humaine n’est jamais achevée33. AG 22 dit : « il est nécessaire que dans chaque grand

territoire socio culturel, comme on dit, une réflexion théologique soit encouragée, par

laquelle, à la lumière de la Tradition de l’Église universelle, les faits et les paroles révélés par

Dieu, consignés dans les Saintes Écritures, expliqués par les Pères de l’Église et le magistère,

seront soumis à un nouveau examen ». Nous voyons bien apparaître ici une tâche

herméneutique qui nous est confiée. Celle-ci demande comme le dit P. Ricoeur, que la

révélation s’adresse davantage à l’imagination du croyant qu’à son obéissance34 passive et

31 B.SESBOÜÉ, C. THEOBALD, La parole du salut, T. IV, Paris 1996, 531.

32 L. MUSEKA NTUMBA, La Nomination africaine da Jésus Christ : Quelle christologie ?, Louvain-La-Neuve 1988, 72.

33 C. GEFFRÉ, Op.cit, 202.

34 P. RICOEUR, « Herméneutique de l’idée de Révélation », in la Révélation, Op cit, 54.

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répétitive des vérités, mais à une imagination créatrice qui renouvelle sans cesse, sous l’action

de l’Esprit, et l’entendement de cette Révélation, et l’obéissance qui lui est due.

1.2. L’Encyclique Fides et Ratio de 199835

Dès le début de cette lettre encyclique le terme central est situé autour de la foi et de la

raison qui sont «comme les deux ailes avec lesquelles l’esprit humain s’élève vers la

contemplation de la vérité ». Cette affirmation constitue l’affirmation magistrale de toute la

lettre encyclique en ce qui concerne l’épistémologie théologique.

Expliquant les exigences imposées par la parole de Dieu à la philosophie, le Pape fait

cette forte affirmation : « faisant mien ce que les Souverains Pontifes ne cessent

d’enseigner…je désire exprimer avec force la conviction que l’homme est capable de parvenir

à une conception unifiée et organique du savoir… » (cf.FR 85). La référence explicite aux

enseignements des Papes sur ce thème si délicat, nous pouvons la trouver dans la Déclaration

sur la liberté religieuse 1-3, dans laquelle référence, on cite les encycliques de différents

Papes : Jean XXIII, Pie XII et Léon XIII, Paul VI. De Jn Paul II lui-même, il fera référence à

ses encycliques comme Redemptor hominis, Veritatis Splendor. De Vat II, hormis ce que nous

avons déjà cité dans la déclaration sur la Liberté religieuse, nous pouvons encore citer GS 15.

C’est ainsi que la conclusion de FR donnera la synthèse de cette contribution de magistère Cf.

FR 102.

Quant à la TF, elle sera exceptionnellement décrite dans FR 67 avec ses trois devoirs

spécifiques : «… ». La décrire comme discipline cela doit nous amener à considérer la TF

comme une science en tant qu’une réflexion systématique pour son enseignement. Optatam

35 Pour ce qui concerne la contribution de Fides et ratio à la TF vous pouvez lire : R. FISICHELLA, Fides et ratio. I rapporti tra fede e ragione, Casale M. 1998 ; Fides et ratio. Testo e commento teologico-pastorale, Cinisello Balsamo 1999; S.THRUTHIYIL – M. TOSO (éd), Fede e ragione. Opposizione, composizione?, Roma 1999; A.M. LÉONARD, Un guide de lecture pour l’encyclique Fides et Ratio, in Cahier de l’École Cathédrale, Foi et Raison, Paris 1998. Dans ce livre vous pouvez lire trois commentaire de A.CHAPELLE, À l’ombre de la sagesse, 75-86 ; J.-M. GARRIGUES, Autonomie spécifique et ouverture personnelle de la raison à la foi, 87-104 ; C. COTTIER, Les philosophes et la philosophie interpellés, 105-117. F. LAWRENCE, “Athens and Jerusalem. The contempory Problematic of Faith and Reason”, in America 179 (1998);L. GERA, in R.FERRARA – J. MÉNDEZ (ed), Fe y razón. Comentarios a la Enciclica, Buenos Aires 1999.

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Totius 16 expliquera quelque chose qui n’a jamais été expliqué dans laTF mais dont nous

retrouvons quelques traits formellement esquissés dans la constitution apostolique Sapientia

Christiana dans laquelle la TF fut traité comme « discipline théologique faisant référence

aussi aux questions de l’œcuménisme, les religions non chrétiennes et l’athéisme ». Il faut

qu’on arrive à démontrer comment la foi et la raison se rencontrent dans la vérité selon

l’affirmation de GE (Gravissimum educationis momentum) 10. Quant au texte classique,

spécialement ceux de la Vulgate, cités par S. Augustin et S. Thomas., ce texte unit la foi à

l’espérance (Ep. 120, 1, Somme Théologique II-IIae, q. 2a. 10).

Le terme latin Ratio signifie « explication, considération, motif et cause », en grec il

sera traduit par logos qui signifie « rendre compte de, raison, réflexion rationnelle, résultat de

la réflexion ou motif rationnel attentivement évalué », ceci est particulièrement important

pour la vie quotidienne et spécialement pour la philosophie comme « réflexion ». La référence

de 1P3, 15 sera reconnu par beaucoup de spécialistes récents comme « la grande charte » de la

TF. Cette discipline doit « rendre raison de la foi, justifie et explique la relation entre la foi et

la réflexion philosophique». Cette préoccupation a toujours fait objet de la recherche

théologique depuis belle lurette, la scholastique médiévale s’y occupera avec attention ; S.

Thomas résume cette préoccupation avec précision en affirmant qu’elle doit « démontrer ce

que sont les preambula fidei » (il s’agit des vérités religieuses et morales qui peuvent être

connues à la lumière de la raison humaine. Par les praeambula, la décision de croire sort de la

sphère de l’arbitraire, car elle se justifie comme un acte libre devant les exigences de la

raison); (« faire connaître à travers les comparaisons (aliquas similitudines) ce qui appartient à

la foi » et « nous atteler à ce qui se dit contre la foi, démontrant que c’est faux ou que c’est ne

pas nécessaire » (dans Boeth. De Trinitate. q. 2a.3). Nous pouvons encore lire la contribution

de S. Thomas en ce qui concerne la relation entre la raison et la foi dans la Somme

Théologique I, q1a. 8c). Il comprend toute cette discussion à l’intérieur de la réflexion

chrétienne et théologique, même dans la Somme contre les gentils, dans lequel il se donne

pour tâche de réfléchir sur « la vérité que la foi professe et que la raison cherche » (1, 9)36. La

raison n’est pas vue comme une alternative de la foi, elle est « sujet de la foi » dans le sens

qu’elle est porteuse de la foi et signifie ce qu’est la capacité de vérité de l’esprit humain. On

comprendrait mieux alors pourquoi cette étape fut considérée comme le début d’une nouvelle

apologétique engagée méthodologiquement dans le sens de la relation entre foi et raison

36 R.A. GAUTHIER, Somme contre les Gentils, Paris 1993.

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appliquant systématiquement la triple démonstration : religieuse, chrétienne et catholique qui

aura une influence sur les siècles qui vont se suivre.

À ces deux premières tâches citées si haut, nous ajouterons cette troisième tâche de la

TF qui est celle d’ « étudier la révélation et sa crédibilité ». Nous nous trouvons dans la

gestation de la naissance de cette discipline théologique spécifique qui systématiquement

commencera dans les deux anciennes écoles : celle de Tübigen avec J.S. Drey et celle du

collège romain avec G. Peronne. Pour ce qui concerne la Crédibilité, S. Thomas déjà à son

époque utilisera cette terminologie mais qui par après sera largement utilisé au XVIIè s. Le

concile Vatican I de sa part, l’utilisera aussi dans une forme significative quatre fois dans Dei

Filius et en ce qui concerne la foi (DH 3013, 3033, 3036). En vue de rendre encore plus

crédible la foi en la révélation, Vat I parlera de « fidei nostrae obsequium rationi

consentaneum… pour que l’hommage de notre foi soit conforme à la raison, Dieu a voulu que

les secours intérieurs du Saint-Esprit soient accompagnés de preuves extérieures de la

Révélation… » (DH 3009). La perspective de la crédibilité deviendra à partir de ce temps la

caractéristique appropriée à la TF même si son articulation concrète comporte diverses

focalisations.

La crédibilité équivaut à une foi digne, fiable, raisonnable et capable d’attirer la

personne vers un engagement de vie qui soit totale. Ainsi la crédibilité devient l’expression

spécifique d’une nouvelle discipline qui est la TF. FR reprend cette affirmation que nous

trouvons déjà dans Vatican I. La crédibilité devient par le fait même une médiation entre la

révélation et le sujet croyant.

Remontant aux Évangiles, spécialement à celui de S. Jn 20, 31, l’évangéliste

détermine l’objectif de son Évangile : « pour que vous croyiez ». Un objectif qui aux yeux de

ceux qui croient déjà en Jésus Christ est la manifestation et le renforcement de sa profession

de foi, Jésus est l’accomplissement des anciennes promesses et la révélation même de Dieu

puisqu’il est son Fils. Sur cette base, la foi de chacun peut désormais grandir et se justifier de

façon plus consciente et ainsi atteindre la vie. Pour ceux qui jusque-là ne croient pas encore,

Jésus est présenté avec son message comme celui qui offre le moment favorable pour passer

des « ténèbres » à la lumière de la vie (Jn 1, 9 ; 3, 17-19).

La crédibilité de la révélation peut être mieux comprise à partir de deux principes que

nous pouvons tirer de passage de Jn 20, 31 :

- Concentration christologique : Jésus comme révélateur du Père est le centre véritable de la foi

chrétienne. La foi en Jésus Christ comme accomplissement de l’ancienne alliance confirme en

même temps la foi en sa filiation divine sans une remise en doute ou une abstraction

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quelconque de l’historicité de ses paroles et ses actions. La crédibilité en la personne de Jésus,

nous conduit naturellement à un christocentrisme de la foi, le Christ devient l’élément

basilaire de la foi chrétienne.- Cette foi en la personne du Christ a comme finalité «la vie en son nom». La dimension

sotériologique de la plénitude de la révélation en la personne de Jésus Christ. La foi en Jésus

Christ est en vue du salut, de la vie éternelle. Ce salut n’est pas exclusif à un groupe mais il

est ouvert à tous ceux qui croient.

Après le concile Vatican II, avec la nouvelle vision de l’Église, sa centralité et sa

considération comme sacramentum c'est-à-dire signe dans le monde qui assume ainsi toute la

Révélation comme telle dans son sens significatif, GS affirme : « tout le bien que le peuple de

Dieu, au temps de son pèlerinage terrestre, peut procurer à la famille humaine, découle de

cette réalité que l’Église est le sacrement universel du salut» (GS 48).Ceci en « vertu d’une

analogie qui n’est pas sans valeur »(LG 8). FR reprendra l’expression « crédibilité » non

seulement pour traiter de TF (67) mais la thématise comme une réflexion de sens (FR 1, 26,

33).

Cet usage de la crédibilité part de la vision synthétique de l’acte de croire de la TF

aujourd’hui. Et cette vision a été rendue possible grâce à la personnalisation de l’acte de la foi

et de la fonction illuminante de la grâce qui effectue la « synthèse » des signes, motifs de

crédibilité qui n’auraient de la valeur que grâce à l’intervention de la lumière divine.

Déjà dans le concile Vatican I, le concept de la Révélation fut introduit pour la

première fois dans le langage officiel de concile dans un contexte complexe de l’apologétique.

Il faut alors attendre DV pour qu’un tel concept assume clairement une perspective

théologico-dogmatique. En effet DV 1en lisant le mystère chrétien du salut à travers le

concept de la Révélation – comme mouvement historique de l’auto communication de Dieu

Trine : « nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous est

apparue : ce que nous avons vu et entendu, nos vous l’annonçons, afin que vous soyez en

communion avec nous et que notre communion soit avec le Père et avec son Fils JC » (1Jn 1,

2-3) ; transforme la Révélation à un des concepts fondamentaux dans la compréhension de

l’auto compréhension de christianisme et montre l’importance de focaliser théologiquement le

thème de la Révélation. C’est ce qui sera l’orientation prédominante de concile Vatican II,

bien qu’il va aussi récupérer progressivement l’aspect apologétique mais plus sous un angle

plutôt théologique par rapport à la Révélation et sa crédibilité.

Partant de la charte de la TF : « 1P 3, 15 », FR est arrivée à définir l’identité de la TF

comme :

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- Un compte rendu humain « rationnel » dans le sens humano-vital partant de la « la recta ratio,

c'est-à-dire de la raison qui réfléchit correctement sur le vrai » (FR 50), le témoin rend son

témoignage non seulement avec les parole mais aussi avec sa propre vie, il est témoin au sens

grec du terme : martyre.- Une proposition sensée de crédibilité : on traite ici de la recherche qui« tend vers une vérité

ultérieure qui soit susceptible d'expliquer le sens de la vie; c'est donc une recherche qui ne

peut aboutir que dans l'absolu. Grâce aux capacités inhérentes à la pensée, l'homme est en

mesure de rencontrer et de reconnaître une telle vérité… » (RF 33). Cette proposition naît

comme un conte rendu qui manifeste les motifs pour lesquels on croit partant de fondement

ultime de la vérité, de la recherche de sens absolu.- Instance préparant aussi à la foi : naît ici la nécessité d’une attention particulière et l’écoute de

temps et de l’autre, comme auditus temporis et alterius : « Mais il ne fait pas de doute que les

courants de pensée qui se réclament de la post-modernité méritent d'être attentivement

considérés » (FR 91), étant donné que « la théologie, dans sa fonction d'intelligence de la

Révélation, a toujours été amenée à recevoir les éléments des différentes cultures pour y faire

entrer, par sa médiation, le contenu de la foi selon une conceptualisation cohérente » (FR 92).

Il faut aussi qu’on ajoute les deux pôles de la TF tel qu’ils sont inclus dans DV 1:

- Dei Verbum qui constitue l’expression biblique de l’annonce de la Révélation chrétienne : Ap

19, 13ss- Écoute religieuse (fides ex auditus): la matrice biblique de cette écoute nous la trouvons dans

Rm 10, 17. L’écoute de la parole fruit de la prédication fait naître la foi et conduit au

témoignage de vie qui crédibilise la parole de Dieu.

Les instances de la TF

La Théologie s’organise comme science de la foi à la lumière de ce double principes

méthodologiques : l’auditus fidei et l’intellectus fidei. Par l’auditus fidei nous entrons en

possession des contenus de la Révélation tels que nous les trouvons progressivement

explicités dans la Tradition, la Sainte Écriture et le Magistère de l’Eglise (DV 10).

L’intellectus fidei porte la théologie à répondre aux exigences de la pensée à travers la

réflexion spéculative (FR 65). Ces principes proviennent de l’expression paulinienne fides ex

auditus (Rm 10, 17) et de la formule de S. Anselme Fides quaerens intellectum.

La FR parlant de Révélation et de son accueil énumère trois instances :

« L'enseignement des deux Conciles du Vatican ouvre également une véritable perspective de

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nouveautés pour le savoir philosophique. La Révélation introduit dans l'histoire un point de

repère que l'homme ne peut ignorer s'il veut arriver à comprendre le mystère de son existence;

mais, d'autre part, cette connaissance renvoie constamment au mystère de Dieu que l'esprit ne

peut explorer à fond mais seulement recevoir et accueillir dans la foi » (FR 14). La première

instance qui constitue la Révélation en soi renvoie à l’auditus fidei qui constitue la ratio

théologique, alors que les deux autres instances : l’histoire et l’homme constituent

l’intellectus fidei qui sont enracinés dans la ratio philosophique (ratio philosophico-historique,

ratio philosophico-anthropologique) qui sont les deux instances basilaires de la TF. La ratio

philosophico-historique et la ratio philosophico-anthropologique ne constituent pas une étape

pré-théologique, comme on serait tenté de le penser, mais elles indiquent les conditions de

possibilités solides pour que la décision de croire n’apparaît pas arbitraire aux yeux de

l’histoire.

R. Latourelle parlera de trois moments pour illustrer ces trois instances : le moment

historique, le moment philosophique et le moment théologique. Pour être encore plus explicite

il parlera de la trilogie : Jésus à travers les Évangiles, l’homme et ses problèmes à la lumière

du Christ, les Miracles de Jésus et la théologie des miracles. Quant à R. Fiscichella l’aspect

théologique vient en première. Suite à sa dimension théologique, cet aspect donne sens à

l’histoire et l’homme.

L’École allemande quant à elle, bien que partant toujours de la ratio théologique, sans

négliger les deux autres ; la ratio philosophique guidera toutes les recherches, tant sur le point

de vue de la vérité que sur le point de vue de sens (H. Verweyen).

Ces trois instances chercheront en premier lieu à faire connaître, le sens théologique –

ratio théologique- des grandes affirmations de la foi de l’Église : la Révélation pleine de Dieu

en JC et l’Église comme son témoignage. En second lieu, elles chercheront à rendre

compréhensible le sens historique de la Révélation. En troisième lieu la décisive nécessité de

percevoir le sens anthropologique de la Révélation – ratio philosophico-anthropologique -. La

Révélation est en définitive une proposition de sens absolu pour l’histoire et pour l’homme.

- La ratio théologique : la considérant comme point de départ de TF, la TF part de la Révélation

chrétienne comme « la vraie étoile sur laquelle s'oriente l'homme… » (FR 15), à cause de son

caractère divin, nous n’avons que des bribes, des miettes de sa connaissance, c’est ainsi que

« seule la foi permet de pénétrer le mystère, dont elle favorise une compréhension cohérente »

(FR 13). C’est ainsi que nous pouvons affirmer sans détour que l’auditus fidei est le moment

fondant dogmatico-positif de la TF. Ceci pour la simple raison qu’il nous permet d’étudier la

pleine Révélation de Dieu en JC à travers la Tradition ecclésiale. Cette Tradition qui dans sa

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bonne partie, représentée par les Écritures Saintes qui constituent le principe catholique de

ladite Tradition d’où la nécessité herméneutique qui nous permet de vérifier le lien entre la foi

actuelle de l’Église et l’événement salvifique définitif de JC comme Révélation pleine de la

Vérité de Dieu (Jared Wicks).- La ratio philosophique considérée comme voie pour l’intelligence de la TF. La spécificité de

la TF fait qu’elle prenne en considération la manière de philosopher deson temps pour arriver

à démontrer les raisons pour lesquelles on croit dans une réflexion bien structurée qui peut en

soi préparer aussi à la foi. Pour cette raison l’auditus temporis et alterius est très décisive dans

la ratio philosophique de la TF aujourd’hui. La FR 92 affirmera qu’: « aux diverses époques

de l'histoire, la théologie, dans sa fonction d'intelligence de la Révélation, a toujours été

amenée à recevoir les éléments des différentes cultures pour y faire entrer, par sa médiation, le

contenu de la foi selon une conceptualisation cohérente ». FR 72 ajoutera que « situé dans une

culture, tout homme dépend d'elle et influe sur elle. L'homme est à la fois fils et père de la

culture dans laquelle il est immergé », à cette affirmation qui marque l’importance des

cultures, la FR ajoute « il ne fait pas de doute que les courants de pensée qui se réclament de

la post-modernité méritent d'être attentivement considérés» (FR 91). D’ici découle l’exigence

incontournable de dialogue avec les cultures, les diverses religions. L’intellectus fidei de la TF

trouve dans la ratio philosophique son instance spécifique, cette ratio philosophiqueest

constituée de deux aspects : l’aspect historique – la ratio philosophico-historique -, et l’aspect

anthropologique – la ratio philosophico-anthropologique. On parvient à ces deux aspects

grâce à l’auditus temporis et alterius.

Chap. II : L’INITIATIVE SALVIFIQUE DE DIEU

« Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire,

gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14). La

venue dans la chair de Fils de Dieu est la libre démonstration de l’amour de Dieu en même

temps que la révélation de son être profond « Dieu est amour » (1Jn 4, 16). Cette œuvre qui

constitue le destin suprême de Dieu fut accomplie en JC qui est l’aboutissement d’un long

périple historique de la révélation de Dieu.

Le présent chapitre traitera de l’initiative salvifique de Dieu dans les trois points suivants :

la révélation ; les modèles de révélation et la Parole de Dieu qui devient Parole écrite et

transmise.

A. La révélation

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Les voies pour la connaissance de Dieu sont substantiellement deux : la raison et la

révélation. Avec la première, l’homme sans une quelconque illumination de Dieu peut arriver

à la connaissance de mystère transcendant de Dieu en dehors de toute révélation surnaturelle.

La théologie naturelle se servira de cette première voie. Mais l’expérience nous apprend que

les résultats qu’on atteint seulement par la raison humaine sont toujours modeste tant pour

l’objet de la recherche que pour la raison elle-même.

Par la raison on peut arriver à des preuves convaincantes que Dieu existe , c’est la preuve

« De Deo an sit » : les preuves de l’existence de Dieu partant des arguments cosmologiques

(mouvement, la cause décrit par Aristote, la contingence détaillée par Platon, la hiérarchie des

êtres, l’argument ontologique de S. Anselme…). Ce résultat est très important pour le

dialogue avec ceux qui se disent athées… Mais le problème avec les athées n’est pas celui de

rejet des preuves convaincantes sur l’existence de Dieu, ni celui de la validité intellectuelle

des preuves de l’existence de Dieu, mais celui de la vérité de la philosophie qui est derrière ce

refus de l’athée.

Un autre résultat qu’on peut atteindre par la raison est celui de l’être, de l’essence même

de Dieu, sa nature. Preuve « De Deo quid sit ». Est le résultat comme on le dit au négatif. En

réalité avec la raison humaine, l’homme arrive à connaître ce que Dieu n’est pas, non ce que

Dieu est. Ainsi l’homme par sa raison arrive à connaître que : Dieu n’est pas matériel ou

corporel, ne vit pas dans le temps et ne se trouve pas fixé dans un quelconque de l’espace, ne

se compte pas avec les autres êtres (Dio + les autres êtres). L’homme sait bien que Dieu ne

correspond à rien de ce que l’homme peut penser, dire ou imaginer de lui ou représenter. Tout

ce que l’homme fait comme image, projette comme pensée, même les plus sublimes,

proviennent de la pensée humaine et ne peuvent jamais réunir tout ce que Dieu est réellement.

Dieu reste et restera infiniment « l’au-delà ». Mais nous retiendrons qu’il est tout à fait vrai

que Dieu a laissé dans la réalité créée, les vestiges, signe, empreinte de son être ; c’est ainsi

que réfléchissant sur la perfection des choses créées, l’homme se servant de l’analogie (S.

Augustin, Confession XI, 4, 6 ; DH 806 : « car si grande que soit la ressemblance entre le

créateur et la créature, on doit encore noter une plus grande dissemblance entre eux », S

Thomas d’Aquin, Somme Théologique I, q.4, a.3, ad 4.) peut tenter de connaître quelque

chose de la réalité de Dieu. L’homme peut affirmer donc que Dieu est un être subsistant,

infini, éternel, créateur du monde, provident… Malgré tous ces vestiges de Dieu à travers la

création, la connaissance humaine reste radicalement imparfaite. Se confirme ici l’affirmation

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de S. Thomas : « Dieu est (et reste) au-delà de ce que nous disons ou pensons de lui »37,

d’ailleurs « il dépasse (excedit) ce que nous connaissons de lui »38.

Nous pouvons alors dire que pour la raison humaine, quelque soit l’effort fourni, Dieu

reste inaccessible et inconnaissable dans la profondeur de son mystère. Ce qui nous pousse à

dire que l’homme peut connaître réellement Dieu dans la mesure où lui, Dieu, se révèle et se

manifeste à lui par la grâce. Nous nous poserons alors la question : Dieu, éternel et infini,

s’est-il vraiment révélé aux hommes ? Nous pouvons diviser cette question en trois questions :

- Que ce qu’est la révélation ? (la nature de la révélation)- Est-elle possible la révélation ? (la possibilité de la révélation)- Est-elle arrivée, historiquement une révélation authentiquement divine ? (l’existence de la

révélation)

La première question est terminologique tandis que les deux autres sont d’une

importance capitale qui, demandent un approfondissement. Considérée comme le fondement

de la foi chrétienne, la révélation ne peut être accueillie et fonder la foi chrétienne que grâce à

l’engagement et à l’ouverture de l’homme dans un acte de foi religieuse (W. Kasper). Nous

croyons à la révélation par la foi qui est « une option fondamentale de s’engager dans la

dimension de mystère divin ». Nous retiendrons que la foi « n’est pas un acte pure de

l’intelligence, de la volonté et de l’affectivité. Elle se situe au niveau de la décision vitale qui

englobe tout l’homme et tous ses actes. Est une sorte de choix originaire, une option

fondamentale, la décision en faveur d’une certaine compréhension de la réalité dans sa

totalité. En tant que acte responsable de l’homme, cette décision est une réponse de

l’acceptation de la révélation. On se sent inviter, interpeler et porter par cette révélation. Elle

devient une confiance originaire qui se comprend comme don »39.

1. Aspects doctrinaux (Dei Filius – Dei Verbum)

a. La nature de la révélation

En faisant recours à la lexique, la révélation signifie en grec apokalupsis, epiphaneia,

delosis. En latin, elle signifie : revelatio, manifestatio. Nous retrouvons ce terme dans les

origines de la littérature chrétienne mais sa structuration en concept dans le christianisme a été

37 S.THOMAS D’AQUIN, Somme Théologique I, Q. 1, a. 9, ad 3.

38S.THOMAS D’AQUIN, Potentia, q.7, a.5, ad 14.

39 W. KASPER, Der Gott Jesu Christi, Freiburg 1983, 153.

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tardivement fournie. Elle désigne un des faits théologiques centraux : « Dieu est connu par

Dieu ». Cette connaissance advient de manière tout à fait plurielle. On établira ici deux sens

de la révélation : la révélation naturelle : manifestation de Dieu qui se fait connaître par la

création et par la conscience de l’homme. La révélation surnaturelle : manifestation de Dieu

communiquant sa volonté, la connaissance de son être et son plan tel qu’il se développe dans

l’histoire à l’homme par la parole à travers ses élus, ses envoyés. Ces approches nous

fournissent seulement les précompréhensions de la révélation. Si la révélation est comprise

dans les termes d’une spontanéité divine et d’une réceptivité humaine qui en même temps est

réponse de Dieu lui-même, si la révélation est un procès englobant son destinataire, nous

pouvons dire qu’aucun concept satisfaisant ne saurait en être proposé sans les facteurs

subjectifs de la réceptivité humaine et objectifs de la manifestation de Dieu.

Une révélation est divine quand elle a pour sujet Dieu de la Bible. Elle peut être

« naturelle » ou «supra naturelle». La révélation que Dieu accomplie est naturelle quand elle

est faite à travers les œuvres de la création. À travers la création, Dieu révèle sa sagesse, son

omnipotence et sa bonté de telle manière que l’être humain peut sentir sa présence, le

rencontrer et l’adorer. Cette révélation se fait sous un mode et une forme qui sont appropriés

parfaitement à la nature sensible et intellectuelle de l’homme.

La révélation naturelle est une grande importance, parce qu’à travers elle l’homme

sent plus facilement et plus spontanément la présence de Dieu : non seulement d’un Dieu

grand et omnipotent devant qui il faut tomber à genoux, mais aussi un Dieu bon, bienfaisant

devant qui monte spontanément la prière d’action de grâce. Nous pouvons pousser plus loin

cette révélation naturelle de Dieu au-delà de la beauté, des merveilles de la nature pour voir

dans toutes les bonnes découvertes scientifiques humaines la révélation de Dieu (Ps 18 (19),

2).

La révélation est supra naturelle quand, soit par la manière, les conditions, les formes

par lesquelles elle advient, soit par son contenu, elle dépasse les possibilités et les exigences

de la nature humaine et est par le fait même essentiellement une grâce, un don absolument

gratuit que Dieu fait à l’homme sans les mérites de ce dernier. La révélation supra naturelle

appartient à l’ordre de la grâce non à celui de la nature humaine et aucune personne ne peut se

la procurer ni l’exiger. Elle est un don gratuit de Dieu et elle dépend du choix que Dieu fait

librement de la personne à qui il veut se révéler. Dans la révélation supra naturelle, l’initiative

est toujours de Dieu, qui dans une forme diverse se révèle à l’homme soit en lui faisant

connaître ce qu’il veut communiquer, soit se rendant lui-même garant de la véracité et de la

réalité de ce qu’il a révélé. Le contenu de la révélation supra naturelle est alors le mystère

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même de Dieu, est Dieu même : « Deus Seipsum revelans » : « seipsum revelare et notum

facere sacramentum voluntatis suae »(DV2). Dieu a voulu se révéler à l’homme et lui révéler

sur lui son plan de salut. Vatican I dira « lattame placuisse eius sapientiae et bonitati, alia

eaque supernaturali via sei psum ac aeterna voluntatis suae decreta humano generi revelare »

(DH 3004). Le concile Vat II aborde le problème de la nature de la révélation en prenant appui

sur S. Paul (Eph 1, 9 ; Col 1, 26-27 ; 1Tm 3, 16). Vatican II marque bien l’unité concrète entre

la révélation et le salut, l’unité personnelle du double objet de la révélation : la fin à laquelle

elle tend et le moyen voulu pour réaliser cette fin (la béatitude et son chemin : S ; Thomas

d’Aquin). Nous revenons ici au mot « sacramentum » appliqué au Christ, qui évoque ici (Eph

1, 10), le mystère du Christ qui dans l’unité de sa personne, est pour nous le sacrement de

Dieu (sacramentum : à la fois signe et moyen : LG 1) Dieu conduit l’humanité au salut par le

Christ et se révèle à elle dans le Christ40. Le Verbe fait chair nous donne accès au Père et nous

rend participants de la nature divine.

Dieu étant invisible à librement voulu se faire connaître : « il a plu à Dieu ». Cette

liberté de Dieu confirme sa transcendance en même temps que sa liberté souveraine. Et cette

manifestation de Dieu est la résultante de sa sagesse et de sa volonté. Le dessein qu’il nous

dévoile est celui de son amour, c’est cela la finalité de la révélation.

b. La possibilité et le fait de la révélation

Nous pouvons ici nous poser la question si la révélation supra naturelle est elle

possible ? On comprend alors ici que le vrai problème qui nous intéresse est celui de FAIT : Y

a-t-il eu oui ou non une révélation authentiquement supra naturelle et divine ? Il est bien

évident qu’on ne peut parler de fait de la révélation si la révélation elle-même n’est pas

possible. Quelles sont alors les conditions de possibilité d’une révélation supra naturelle ?

Elles sont deux :

- Il faut qu’il ait entre Dieu qui révèle à l’homme son mystère et l’homme une distinction réelle.

C’est ainsi que tous les systèmes panthéistes ne peuvent nous parler de la révélation supra

naturelle.- L’existence d’une réalité supra naturelle, supra sensible et supra rationnelle, « quelque chose

que Dieu peut révéler à l’homme et que ce dernier peut connaître. Ainsi tous ceux qui

n’acceptent pas qu’il existe des réalités qui ne sont pas sensibles (matérialistes, les

positivistes…) et tous ceux qui rejettent l’existence des réalités et des vérités qui dépassent la

40 P.-T. CAMELOT, o.p., “Le Christ sacrament de Dieu”, dans L’homme devant Dieu (Coll. « Théologie », Paris, Aubier, 1963), t. I, 355-363.

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raison humaine (rationalistes), les agnostiques, tous n’acceptent pas qu’il existe une réalité

supra sensible et supra rationnelle, qui transcende l’esprit humain, ne peuvent accepter la

possibilité d’une révélation supra naturelle c'est-à-dire transcendant l’esprit humain, qui a

comme auteur Dieu et comme contenu son mystère même. La négation de possibilité d’une révélation

La négation de possibilité de révélation est à situer à partir de Déisme (John Toland et

Matthew Tindal) qui nie la révélation divine parce que pour les tenants de cette doctrine

l’unique religion valide était celle naturelle. La révélation peut exister mais elle est toujours

inférieure à la religion naturelle qui est parfaite en elle-même.

Du côté allemand, la révélation supra naturelle sera rejetée par Hermann Samuel

Reimarus et Gotthold Ephraim Lessing; ces derniers considèrent l’AT et le NT comme des

produits historiques de l’enfance et de la jeunesse de l’humanité; il fallait attendre la maturité

de la raison pour découvrir dans les dogmes la vérité de la raison. Jean Jacques Rousseau

affirmera l’inutilité de la révélation et dira que : « les plus grandes idées de la divinité nous

viennent par la raison seule. Voyez le spectacle de la nature, écoutez la voix intérieure. Dieu

n’a-t-il pas tout dit à nos yeux, à notre conscience, à notre jugement ? Qu’est ce que les

hommes nous diront de plus ? Leurs révélations ne font que dégrader Dieu, en lui donnant les

passions humaines. Loin d’éclaircir les notions du grand Etre, je vois que les dogmes

particuliers les embrouillent ; que loin de les ennoblir, ils les avilissent ; qu’aux mystères

inconcevables qui l’environnent ils ajoutent des contradictions absurdes ; qu’ils rendent

l’homme orgueilleux, intolérant, cruel ; qu’au lieu d’établir la paix sur la terre, ils y portent le

fer et le feu »41.

Concile Vatican I : Dei Filius

Le prologue de Dei Filius qui n’est pas repris dans Denzinger et qui normalement fait

le pont avec le concile de Trente, nous donne l’objet formel du texte qui est l’opposition du

« magistère extraordinaire » (Chap III) aux erreurs des temps modernes. Face à toutes ces

positions, la constitution dogmatique sur la foi catholique « Dei filius » constituera la réaction

du concile Vatican I. Il affirmera que l’homme peut avoir accès avec certitude, par la raison, à

la connaissance de l’existence de Dieu : « la même Eglise, notre Mère, tient et enseigne que

Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu avec certitude par la lumière naturelle

de la raison humaine à partir des choses créées, car depuis la création du monde, ce qu’il y a

d’invisible se laisse voir à l’intelligence grâce à ses œuvres (Rm 1, 20) …il a plu à sa sagesse

41J. J. ROUSSEAU, Emile, ou de l’éducation, 1. IV.

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et à sa bonté de se révéler lui-même au genre humain ainsi que les décrets éternels de sa

volonté par une autre voie, surnaturelle…(He 1, 1) » (DH 3004). Le concile affirme en

premier lieu le fait de la révélation : il y a eu une révélation divine, supra naturelle. Le concile

affirme en deuxième lieu l’initiative de Dieu : la révélation est uniquement l’œuvre de Dieu,

due à sa sagesse et à sa bonté. Par cette sagesse de Dieu, l’homme peut connaître sans erreur

Dieu (DH 3005). En troisième lieu Vatican I affirme la nécessité de la révélation parce que les

« biens divins » aux quels l’homme est appelé à participer « dépassent absolument ce que peut

saisir l’esprit humain » (DH 3005). À ces affirmations du concile, toutes positions contraire

était anathématisée (DH 3028).

Le concile affirmera en quatrième lieu que l’objet de la révélation surnaturelle est

« Dieu lui-même », non seulement dans son existence et dans ses attributs, mais aussi dans sa

vie intime, dans son plus profond mystère. Le concile n’accepte pas seulement la possibilité

de la révélation supra naturelle mais confirme qu’il y a eu réellement la révélation supra

naturelle. Dieu à travers les prophètes, et d’une manière unique, à travers Jésus Christ a fait

connaître la « vérité » en ce qui concerne sa vie divine, son destin de salut pour les hommes

par l’incarnation, la mort et la résurrection de Jésus. Ces vérités constituent « le dépôt de la

foi » (depositum fidei) confié à l’Église en vue de le garder intacte, le défendre contre les

erreurs, l’interpréter avec autorité et le transmettre non seulement à la génération chrétienne

mais aussi à tous les hommes. À cette divine révélation le croyant adhère avec l’acte de foi

qui se fonde sur l’autorité de Dieu qui se révèle.

Négation de fait objectif (historique)

Les années qui suivront le concile Vatican I, la théologie libérale protestante se

confirmera, en Allemagne avec Albrecht Ritschl (1822-1889), Friedrich

Schleiermacher(1768-1834), et en France avec Auguste Sabatier (1839-1901). Pour

Schleiermacher, pour qui la religion consiste dans « le sentiment de dépendance » de Dieu, la

révélation qui se trouve dans toutes les religions, est le fruit spontané et subjectif de concept

de Dieu qui émane de sentiment de dépendance. Pour Ritschl, la révélation est une expérience

religieuse totalement immanente de l’homme dans laquelle il n’y a aucun contenu doctrinal, et

la foi est une disposition affective de l’âme mais ne comporte aucune croyance déterminante.

Pour Sabatier la révélation n’est pas la communication de vérité objective, mais est une

expérience intérieure avec laquelle Dieu se révèle à l’esprit humain, de tout l’homme parce

que « l’expérience religieuse initiale qui est faite à partir de la création nouvelle dans la

personne du Christ… se répète et se réalise de nouveau dans la conscience de ses disciples, de

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manière que la révélation chrétienne n’est pas quelque chose morte ou dépassée, mais reste

une révélation toujours vivante, toujours présente et toujours féconde, contemporaine avec

tous les âges et toutes les générations »42.

Ces idées affecteront aussi le monde catholique et aura comme défenseurs surtout

Alfred Loisy (1857-1940) et Georges Tyrrell (1861-1907). Loisy quant à lui, considérera la

révélation comme une vérité que Dieu nous fait connaître. Elle ne constitue pas un dépôt

immutable de vérités confiées à l’Église, mais elle est une expérience religieuse c'est-à-dire la

perception intuitive et expérimentale de notre relation avec Dieu ; est la conscience de rapport

que l’homme a avec Dieu qui est en continuelle évolution43. Les modernistes considéreront la

révélation non comme un fait historique, une irruption de Dieu dans l’histoire en vue de se

faire connaître aux hommes, leur faire connaître son dessein, mais « une expérience

religieuse » privée de contenu doctrinal, un fait purement immanent à la conscience religieuse

de l’homme.

L’Église a commencé à rejeter cette conception de la révélation, d’abord par le décret

de Saint Office Lamentabili (03.07.1907), décret qui condamne la proposition selon laquelle

« la révélation n’a pu être autre chose que la conscience que l’homme a acquise de sa relation

à Dieu » (DH 3420). Ce décret fut le premier écrit doctrinal pontifical par lequel a été

condamné le modernisme. Les propositions condamnées proviennent pour une part de certains

auteurs, dont les plus importants sont Alfred Loisy44, Edouard le Roy, Ernest Dimnet et Albert

Houtin. Ce décret trouvera son complément dans l’encyclique qui sera publié ci peu de temps

après. Le rejet sera plus large et systématique avec la lettre encyclique de Pie X : « Pascendi

dominici gregis » (08.09.1907), dans laquelle les erreurs modernistes étaient considérées

comme une doctrine de « l’immanence vitale ». Dans cette lettre encyclique le modernisme

sera ramené à un système. Une telle doctrine dira la lettre encyclique de Pape, réduit la

religion « au sentiment » religieux de l’indigence de divin qui naît de subconscient de

l’homme (DH 3477), la révélation est alors réduite à un phénomène de la conscience ou

« sentiment » religieux, totalement subjectif et en perpétuel évolution selon le temps.

42 A.SABATIER, Esquisse d’une philosophie de la religion d’après la psychologie et l’histoire, Paris 1897, 33.

43 A.LOISY, Autour d’un petit livre, Paris 1903, 191-200.

44 Vous pouvez lire ces livres : L’Evangile et l’Eglise de 1902; Autour d’un petit livre de 1903.

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Cette conception de la révélation comme expérience subjective que défendaient les

modernistes est encore aujourd’hui défendu par certains auteurs, en l’occurrence G. Moran

qui assène que la révélation « ne peut être fermée dans un texte quelconque, mais se produit

dans l’expérience vivante des hommes »45. G. Moran poursuivra cette idée en affirmant que :

« la révélation est un avènement qui se vérifie dans la personne et existe seulement comme

réalité personnelle. Si aujourd’hui il y a quelque part la révélation dans l’Église, cela ne

pouvait advenir sinon dans l’expérience consciente des hommes »46, en réalité, « la révélation

est un phénomène universel, présent dans la vie de toutes les personnes et dans toutes les

religions »47.

Concile Vatican II : Dei Verbum

Face à cette conception de la révélation que nous trouvons chez les modernistes,

conception selon laquelle la révélation historique et objective est réduite à une expérience

universelle subjective qui se vérifie continuellement dans l’histoire de tous les hommes et de

toutes les religions ; le concile Vatican II détermine dans la constitution dogmatique (18. 11.

1965) la position de l’Église catholique romaine.

DV affirme avant tout le fait historique de la révélation du à l’initiative de Dieu : « la

vie éternelle qui était auprès du Père s’est manifestée à nous (1 Jn 1, 2-3)… » (DV 1), parce

qu’ « il a plu à Dieu… » (DV 2). Cette initiative ne fut pas le fruit d’une contrainte ou d’une

exigence de la part de l’homme à Dieu, mais est simplement un signe de bonté de Dieu qui a

voulu parlé aux hommes « comme à des amis » et a voulu s’entretenir « avec eux » (DV 2).

La révélation est un don de l’infinie bonté de Dieu aux hommes, à ses amis.

En second lieu, le concile définit l’objet de la révélation : Dieu « se révèle en personne

et fait connaître le mystère de sa volonté… » pour rendre les hommes, par le Christ,

participants de sa nature divine et ainsi entrer en communion avec lui (DV 2). R. Latourelle

souligne le caractère « personnel » de l’auto donation de Dieu en personne. Dieu se donne en

se révélant. Le concile a voulu personnaliser la révélation : Dieu se manifeste d’abord lui-

même avant de chercher à faire connaître son dessein de salut. Le dessein de Dieu selon le

sens que nous relate l’apôtre Paul : « les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent

dans l’Esprit Saint, auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine (Eph 2, 18) »

45G.MORAN, Theology of revelation, New York 1966, 118.

46Ibidem, 128.

47 G. MORAN, The present revelation, New York 1972, 19.

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(DV 2). Ici le dessein de Dieu est exprimé dans le sens de relation interpersonnelle qui inclut

trois principaux mystères de la foi chrétienne : la Trinité, l’Incarnation et la Grâce. La

révélation est essentiellement révélation des personnes : le mystère de la vie de trois

personnes divine, le mystère de la personne du Christ, de notre vie des fils adoptifs par le

Père. La révélation apparaît dans sa dimension trinitaire.

En troisième lieu, le concile Vatican II définit la nature de la révélation et le mode par

lequel Dieu nous la donne. Le concile dit «pareille économie de la révélation comprend des

actions et des paroles intimement liées entre elles, de sorte que les œuvres, accomplies par

Dieu dans l’histoire du salut, attestent et corroborent à la doctrine et le sens indiqués par les

paroles, tandis que les paroles proclament les œuvres et éclairent le mystère qu’elles

contiennent » (DV 2). L’hébreu biblique utilise aussi le même concept dabar, pour faire

référence soit aux paroles dites ou aux événements arrivés (Gn 15, 1 ; 22, 1 ; 39, 7 ; 40, 1). La

révélation divine supra naturelle advient non seulement à travers les « paroles » (verba) de

Dieu dites aux prophètes ou inspirées par les auteurs sacrés, comme beaucoup des théologiens

l’ont pensés, mais aussi à travers les « événements » (gesta) accompli par Dieu dans l’histoire

du salut : ces événements sont interprétés par les envoyés de Dieu.

Nous comprenons alors ici que la révélation de Dieu ne peut être réduite seule à des

paroles, à un ensemble des doctrines. Il ne faut non plus la réduire à l’histoire. On notera que

la connexion entre l’événement et la parole n’est pas toujours dans un ordre chronologique : la

parole qui donne sens à l’événement peut être contemporaine, mais peut aussi le précédé.

Vatican II affirme aussi le développement historique de la révélation : elle commence

avec la manifestation que Dieu fait de lui-même aux pro-géniteurs, aux parents qui après la

chute leur fait la promesse de la rédemption. Les autres étapes sont l’appel d’Abraham, la

mission confiée à Moïse, aux prophètes afin d’enseigner et guider le peuple d’Israël en vue de

connaître le Seigneur comme le seul vrai Dieu et de préparer la venue du Sauveur promis (DV

3). Mais la « plénitude de la révélation » avec la venue parmi les hommes de Jésus Christ, le

Verbe de Dieu fait chair, qui « prononce les paroles de Dieu » (Jn 3, 4) : «qui, par toute sa

présence et par la manifestation qu’il fait de lui-même par ses paroles et ses œuvres, par ses

signes et ses miracles, et plus particulièrement par sa mort et sa résurrection glorieuse d’entre

les morts, par l’envoi enfin de l’Esprit de vérité, achève en l’accomplissant la révélation… »

C’est ainsi qu’ « aucune nouvelle révélation publique n’est dès lors à attendre avant la

manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus Christ » (1 Tm 6, 14 ; Tt 2, 13) (DV 4).

La première conséquence est qu’« à Dieu qui se révèle est due l’obéissance de la foi

(Rm 16, 26 ; 2Co 10, 5-6), par laquelle l’homme s’en remet tout entier et librement à Dieu

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dans un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui se révèle » (DV 5). La

seconde conséquence est que la révélation supranaturelle est contenu dans les livres de

l’Ancien et de Nouveau Testament que l’Église catholique a définit pendant le concile de

Trente comme divinement inspirés : « Les réalités divinement révélées, que contiennent et

présentent les livres de la Sainte Écriture, y ont été consignées sous l’inspiration de l’Esprit

Saint. Notre sainte Mère l’Église, de par la foi apostolique, tient pour sacrés et canoniques

tous les livres tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, puisque,

rédigés sous l’inspiration de l’Esprit Saint (Cf. Jn 20, 31 ; 2Tm 3, 16 ; 2P 1, 19-21 ; 3, 15-16),

ils ont Dieu pour auteur et qu’ils ont été transmis comme tels à l’Église elle-même » (DV 11),

ici émane alors le rôle qu’a l’Église d’interpréter cette parole révélée de Dieu (DV 12).

Les traits spécifiques de la révélation

Nous pouvons dire qu’il existe une double manière de révélation que Dieu fait de lui-

même : la première qui est universelle et générale. Celle-ci destinée à tous les hommes. Elle

se manifeste dans la création et dans le « témoignage de la conscience » (Rm 2, 15). Elle est

de l’ordre naturel. Il suffit d’user de la raison pour y arriver. La deuxième est celle adressée

au peuple d’Israël et ensuite à l’Église. Celle-ci est chronologiquement et spatialement située.

Elle relève de l’ordre supranaturel par le fait qu’elle contient la manifestation de mystère de

Dieu, sa vie intime et son dessein de salut. La raison à elle seule est insuffisante pour y

parvenir ; il faut la grâce de la foi.

Nous retiendrons que ce dernier type de la révélation « spéciale » porte en soi un

caractère historique, avec un début (Abraham, Moïse…), un développement (avec les

prophètes, rois…) et un accomplissement (avec Jésus Christ, ses apôtres et ses témoins). Ce

caractère historique de la révélation fait qu’elle soit « progressive », « croissante » et

s’améliorant au cours de temps. S’incarnant dans l’histoire, la révélation pleine de Dieu se

soumet à la loi, au caractère limité de l’histoire des hommes, à la mutation de langage

humain… Ce qui fera la différence entre la révélation hébraïco - chrétienne avec d’autres

types de révélation gnostique, ésotérique, initiatique qui manquent ce caractère historique et

surtout considère l’histoire comme le lieu d’erreur et du mal.

Nous noterons aussi que cette révélation spéciale a un caractère purement

«christologique». Elle est entièrement traversée par Jésus Christ. Dès son début, elle est

orientée vers le Christ et trouve en lui son accomplissement, sa plénitude. En Jésus Christ,

c’est Dieu lui-même qui est personnellement avec nous, dans notre histoire, s’est révélé à

nous, nous a parlé (DV 4). Ceci nous fait comprendre qu’en la personne de Jésus, Dieu s’est

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complètement révélé, l’ensemble de la révélation doit être vue et comprise en fonction et à la

lumière de la personne de Jésus, de son enseignement et de son exemple. C’est ainsi que nous

pouvons dire que la révélation faite progressivement à partir de l’AT porte en soi une « valeur

impérissable : car tout ce qui a été écrit l’a été pour notre instruction, afin que par la patience

et la consolation venant des Écritures, nous possédions l’espérance (Rm 15, 4)» (DV 14).

Cette révélation progressive dans l’AT est faite en vue « de préparer l’avènement du Christ

Sauveur de tous, et de son Royaume messianique, d’annoncer prophétiquement cet avènement

(1Co 24, 44 ; Jn 5, 39 ; 1P 1, 10) et de le signifier par diverses figures (1Co 10, 11) » (DV

15). Nous pouvons alors ainsi arriver à donner aux livres de l’AT « leur complète signification

dans le NT (Mt 5, 17 ; Lc 24, 27 ; Rm 16, 25-26 ; 2Co 3, 14-16) auquel ils apportent en retour

lumière et explication » (DV 16).

Cette révélation spéciale porte en elle aussi une dimension ecclésiale qu’on ne pourra

escamoter. Elle n’est pas destinée à des personnes singulière, mais Dieu choisit une

communauté : la communauté d’Israël, après celle réunie autour de Jésus, l’Église. Á travers

ces communautés, Dieu s’est révélé à toute l’humanité, à l’univers entier. L’Église reçoit

d’Israël la révélation faite par Dieu dans l’AT, cette révélation qui est portée à sa plénitude en

JC dans le NT, transmise par les apôtres. L’Église la garde dans son intégrité comme

Depositum fidei, l’interprète authentiquement grâce à la lumière de l’Esprit Saint et la

communique intégralement au peuple de Dieu en l’inculturant dans différent peuple.

L’Église, spécialement le magistère, n’a aucun pouvoir sur la révélation, elle est à son

service. Elle doit la défendre contre toute hérésie, la garder dans son intégrité, l’interpréter

authentiquement et la transmettre à tous les hommes.

Nous noterons aussi le caractère de la « nouveauté absolue » de la révélation spéciale

hebraico-chrétienne. Elle dépasse tout ce que l’entendement humain pourra imaginer et va au-

delà de tout ce que la raison humaine pourra comprendre : « car vos pensées ne sont pas mes

pensées, et mes voies ne sont pas vos voies… autant les cieux sont élevés au-dessus de la

terre, autant sont élevées mes voies au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos

pensées » (Is 55, 8-9). S. Irénée de Lyon parlera de «toute nouveauté » : « le Christ a porté

toute nouveauté en se portant soi-même, lui qui était annoncé »48. S. Thomas dira quant à lui

que « Christus initiavit nobis viam novam »49. Le Dieu qui se révèle en Jésus Christ n’est pas

48 IRÉNÉE DE LYON, AdversusHaereses IV, 34, 1 in SC 100/II, 846-848.

49 THOMAS D’AQUIN, SummaTheologiae, I-II, q. 106, a. 4, ad 1.

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le Dieu des philosophes comme l’affirme bien Blaise Pascal : « Dieu d’Abraham, Dieu

d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des scientifiques. Certitude, sentiment, joie,

paix. Dieu de Jésus Christ »50. Le Dieu révélé en Jésus Christ est un Dieu qui révèle sa

puissance par les abaissements et sa gloire sur la croix (1Co 1, 18). C’est tout ce qui fait la

nouveauté de la révélation chrétienne et la donne un caractère unique dans l’histoire humaine.

La révélation hébraico-chrétienne a ainsi une valeur absolue et exprime la plénitude

insurpassable de la manifestation de Dieu aux hommes : « dans l’AT, Dieu a parlé et s’est fait

connaître à travers les hommes qu’il avait lui-même choisi d’avance (Abraham, Moïse, les

prophètes…), dans le NT, il a parlé à travers son propre Fils qui est La Vérité faite homme (Jn

14, 6). La révélation chrétienne est absolument vraie p.c.q elle porte en elle le sceau et

l’attestation de Dieu même en la personne divine de Jésus Christ qui est Fils de Dieu.

Cette révélation pleine de Dieu dans le christianisme ne doit pas nous mener à

enfermer Dieu dans sa révélation, seulement dans la religion chrétienne. Libre dans ses

desseins, Dieu s’est certainement d’une manière ou d’une autre révélé son être dans d’autres

religions, bien que d’une manière partiale. Les autres religions contiennent les germes de la

révélation, « la semence du Verbe ». Par la venue du Christ dans la chair, la révélation

hébraïco-chrétienne, telle que gardée dans l’Église catholique, constitue objectivement « la

plénitude de la révélation » (DV 2), et l’Église catholique, sous la grâce de l’Esprit Saint

« tend constamment vers la plénitude de la divine vérité, jusqu’à ce que soient accomplies en

elle les paroles de Dieu » (DV 8). L’Église grandit continuellement dans la connaissance et la

compréhension de ce que Dieu a pleinement révélé en son Fils Jésus Christ. Nous comprenons

alors ici que la révélation n’est pas un dépôt des vérités « mortes » mais vivant dans

l’expérience de l’Église comme communauté croyante qui chemine dans la découverte de la

grande richesse de la révélation. Découverte qui continuera à se faire jusqu’au jour où l’Église

arrivera à la « vérité toute entière » (Jn 16, 13).

2. Révélation publique – révélation privée

Une des questions le plus débattue dans la théologie moderne est celle de chercher

comment répondre correctement à la question des révélations privées51. Quand on parle des

révélations privées c’est pour faire la différenciation de celles qu’on appelle publiques (DV 4)

contenues dans le dépôt de la foi que l’Église conserve. Le terme privé ne doit pas nous faire

50 B.PASCAL, Œuvres complètes. Présentation et notes de Louis Lafuma, Paris 1963, 618.

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pensés que ces révélations concernent seulement exclusivement les individus qui les

reçoivent. Certaines de ces révélations – par exemple comme celle du Sacré cœur à la sainte

Marguerite Alacoque en 1673-1675- ont eu une grande influence sur la piété des fidèles et sur

la liturgie de l’Église dans leur ensemble.

En faisant référence aux Saintes Écritures, nous trouvons un bon nombre des citations

qui nous parlent des communications exceptionnelle d’en haut. Paul dans ses lettres parle des

visions et révélations qui lui sont accordées (2Co 12, 1-7) et le livre des Ac nous donnent un

bon nombre des références de ces expériences (Ac 11, 28 ; 21, 9-10). Les révélations privées

ont jouées un rôle très important dans la vie de l’Église primitive, il suffit pour s’en rendre

compte, visité la Didaché, le Pasteur d’Hermas, les lettres de S. Cyprien. Pour l’époque

médiévale, on penserait à la figure de Catherine de Sienne, de Brigitte de Suède…au XIXème

et XXème, nous citerons certaines apparitions mariales accompagnées des messages du ciel

comme celle de Catherine Labouré, les enfants de la Salette, Bernadette Soubirous, les enfants

de Fatima…

On tiendra bien distinctes les révélations privées de celles qui sont contenues dans le

dépôt de la foi (DV 4). Les révélations privées ne proposent pas des nouvelles doctrines,

même si elles tirent l’attention sur les matières qui font déjà partie de la doctrine de l’Église.

L’importance des révélations privées est surtout d’ordre pratique. Elles aident à éclairer les

croyants sur la manière dont ils doivent se conduire dans les circonstances où ils se trouvent, à

diriger leur action pratique, morale, spirituelle et religieuse. Elles interviennent soit pour les

biens spirituel personnel des âmes, pour un groupe des croyants ou pour l’ensemble de

l’Église en général dans une circonstance de l’histoire. S. Thomas d’Aquin affirmera que les

différentes époques de l’Église ont toujours connues des personnes « dotées de l’esprit

prophétique, non pour révéler des nouvelles doctrines, mais pour guider la conduite des

hommes »52. Certains théologiens de tradition thomistes comme, Gaëtan, Melchior Cano, suite

au caractère essentiellement pratique de la révélation privée, soutiennent qu’elles ne peuvent

51 Cf. Y.CONGAR, « la crédibilité des révélations privées » in Vie spirituelle 53 (1937), Supplément, 29-43 ; L. VOLKEN, Visions, Revelations and the Church, P.J. Kenedy, New York, 1963 ; P. ADNÈS, « révélations privées » in Dictionnaire de Spiritualité 13 (1988), 482-491 ; B.J. GROESCHEL, A Still Small Voice : A Pratical Guide on ReportedRevelations, San Francisco 1993 ; A. VERGOTE, « Visions et apparitions : approches psychologiques » in RTL 22(1991), 202-225.

52 THOMAS D’AQUIN, SummaTheologiae, II-II, q. 174, a.6, ad 3.

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pas être acceptées comme constituante de la foi divine. Le concile de Trente par contre

affirmera graduellement que la révélation privée peut être prise comme matière constituante

de la foi divine, pour la simple raison qu’elle est un don spéciale que Dieu fait à ce qu’il

choisi, chose qui n’est pas donné à tout le monde (DH 1540). Certains théologiens comme,

André Vega, François Suárez soutiendront cette thèse du concile Trente en affirmant que la

révélation privée peut constituer l’objet de la foi divine pour la personne qui la reçoit et pour

tout ceux à qui le fait de la révélation est manifesté. Les autorités de l’Église ont la grande

responsabilité de faire les investigations sur l’authenticité de ces révélations privées, surtout

quand elles ont les conséquences pastorales.

Les critères pour l’authentification sont : d’abord les critères généraux comme ceux de

la conformité à la doctrine catholique, d’ordre doctrinal surtout en ce qui concerne l’objet de

la révélation particulière. Dieu ne peut pas lui-même aller à l’encontre de sa propre Parole

déjà annoncée. Toutes révélations allant à l’encontre de la Parole de Dieu, de la vérité de la

foi, de la probité morale seront considérées comme fausses. Ensuite, on tiendra aussi compte

de l’état psychologique de la personne prétendant avoir eu une révélation. Est-elle

psychologiquement en bonne santé ou porte en elle une pathologie psychologique cachée.

Enfin, on tiendra aussi en considération les retombées de ces révélations. Quels sont les fruits

au niveau de la conversion, de la vie du bénéficiaire de la révélation, la ferveur qui en

découle, et évidemment les miracles, les guérisons qui accompagnent cette ferveur53. Quand

l’Église arrive à donner son aval sur l’authenticité des révélations privées, les chrétiens sont

alors libres d’y croire. On tiendra toujours présents les avertissements de S. Jean de la Croix,

dans la montée du mont carmel, et des autres saints en ce qui concerne la révélation privée. Ils

nous mettent en garde contre les allusions assez fréquentes en cette matière.

3. Aspects systématiquesa. Dieu se révèle parlant et actualisant

Ce qui caractérise le christianisme comme religion est l’affirmation de l’intervention

de Dieu dans l’histoire. Intervention qui est le fruit de sa libre initiative. Cette intervention est

53Pour tout approfondissement, on prendra soins de lire P. ADNES, « Révélations privées » in DTF, 1189-1193 ; F. BOESPFLUG, « Révélations particulières » in DCT, 1222-1224 ; K. RAHNER, « Révélation privées» in Revue d’Ascétique et de Mystère 25 (1949), 506-514 ; Y. CONGAR, « La crédibilité des révélations privées » in Vie spirituelle supplément (Oct 1937), 29-48 ; R. LAURENTIN et cie, Vraies et fausses apparitions dans l’Église, Paris 1973.

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vécue dans le sens de rencontre de quelqu’un avec l’autre, de quelqu’un qui parle et de l’autre

qui écouté et qui répond. Dieu qui s’adresse à l’homme, et l’homme qui répond à Dieu dans

un acte de foi et d’obéissance. Le fait et le contenu de cette communication, c’est que nous

appelons « révélation ».

La révélation se présente comme l’expérience de l’action d’une puissance souveraine

qui modifie le cours normal de l’histoire et de l’existence individuel. Cette action ne doit pas

être prise seulement comme une manifestation matérielle de la puissance, elle est encadrée par

la Parole : une puissance qui dialogue, qui annonce, qui explique et donne un plan d’action.

Dieu ne parla pas à la masse, d’une manière générale, mais se choisit un peuple. De ce peuple,

il choisit selon son vouloir les intermédiaires qui transmettent sa Parole et demandent au

peuple de répondre à la parole de Dieu. De ces intermédiaires, Dieu finit par envoyer son

propre Fils, qui vient non seulement pour transmettre la Parole, mais qui est lui-même la

Parole vivante du Père.

L’AT n’a pas un terme technique pour traduire l’idée de la révélation, nous trouvons

plutôt l’expression « parole du Seigneur » (dabar Adonai) qui en fait signifiait la

communication divine. Ce qui comptait plus n’était pas le fait de voir la divinité, mais plutôt

d’écouter sa Parole (Gn 12, 1ss ; Ex 33, 11 ; 33, 21-23). Le caractère essentiel de la Parole de

Dieu se fait voir par la révélation du Sinaï aux prophètes. Par sa Parole, Dieu introduit

progressivement l’homme dans la connaissance de son être intime. La Parole de Dieu dans

l’AT dirige et inspire une histoire qui commence avec la Parole de Dieu prononcée dans la

création et qui se conclut avec la Parole faite chair.

La Parole

Dans la Bible hébraïque nous trouvons citer autour de 2650 fois le terme dabar qui

signifie aussi « acte ». En poussant plus loin jusqu’à la racine, ce terme signifierait « être

derrière », ce qui laisse attendre « quelque chose de caché qui est en train d’être poussé ».

Pour parler de ce terme, le grec usera de logos que nous trouvons 1239 fois dans la Septante et

330 fois dans le NT. Ce terme en grec signifiera aussi « une chose dite ou un fait annoncé (Lc

1, 37ss) ». Indiquons ces quelques aspects de la parole :

- L’alliance - la loi - la Parole : L’alliance du mont Sinaï est un moment décisif dans l’histoire

de la révélation. Elle ne peut se comprendre qu’à la lumière de tout un processus historique

dont elle est l’accomplissement. À travers l’Alliance, le Seigneur a démontré à Israël sa

puissance et sa fidélité en le libérant de la domination des Egyptiens, en faisant de ce peuple

sa propriété et en le constituant en une nation. Toutes les traditions attribueront à cette

Alliance des lois qui sont les conditions que Dieu donnent à son peuple. Ces lois sont des

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« paroles » de l’Alliance (Ex 20, 1-17) ou encore « les dix paroles » (Ex 34, 28). Les paroles

de l’Alliance sont la révélation de la volonté divine, et leur observation ou transgression

comporte la bénédiction ou la malédiction (Dt 11, 26-28 ; 28, 1.15 ; 30, 15ss ; Jer 21, 8 ; Si

15, 16-17…). Le livre de l’Ex usait du terme Debarim seulement pour indiquer le Décalogue

(Ex 20, 1). Le Dt quant à lui appelait le Décalogue aussi les dix paroles (Dt 4, 13 ; 10, 4) et

cette expression sera aussi étendue à l’alliance (Dt 28, 69), à l’ensemble de toutes les lois

morales, civiles, religieuses et pénales (Dt 28, 69 ; 30, 14 ; 32, 47).- La Parole de Dieu est Irrévocable et Dynamique. Le prophétisme représente une nouvelle

étape de l’histoire de la Parole. Le Pentateuque en racontant l’histoire des origines des nations

se met dans un point de vue prophétique. Les patriarches sont considérés comme des êtres

charismatiques, conduits par la Paroles de Dieu (Gn 12 ; 13 ; 15 ; 16 ; 18 ; 26 ; 28). Moïse

sera considéré comme le prototype des prophètes (Dt 34, 10-12 ; 18, 15.18). La parole de

Dieu à l’époque de tous ces prophètes s’impose comme une expression de la volonté divine et

comme puissance décisive de l’histoire d’Israël. Les prophètes qui précédent le temps de

l’exil (Amos, Osée, Michée, Isaïe) sont les gardiens et les défenseurs de l’ordre moral prescrit

par l’Alliance. Ils auront pour tâche de rappeler toujours le peuple de Dieu à la justice, à la

fidélité à l’Alliance, au service de Dieu. Le refus d’obtempérer à cet appel des prophètes, la

Parole de Dieu est souvent adressée à son peuple à travers ses envoyés pour condamner et

annoncer les punitions (Am 4, 1 ; 5, 1 ; 7, 10-11 ; Os 8, 7-14 ; 13, 15 ; Mi 6-7 ; Is 1, 10-20 ;

16, 13, 28, 13-14…). Et ces paroles de Dieu sont Irrévocables et Dynamiques (1 Sam 15, 29 ;

Is 31, 2 ; Jer 4, 28, Ml 3, 6...). Quant au caractère Dynamique de la Parole, elle s’exprime

dans Is 31, 2, Os 6, 5, elle sera encore plus explicite dans Is 9, 7 : « Le Seigneur a jeté une

parole en Jacob, elle est tombée en Israël ». On pourra aussi lire : Is 55, 10-11, Sg 18, 14-15,

Zc 1, 5-6 ; Am 8, 11.- La Parole dirige et interprète l’histoire : La littérature historique relate l’histoire du salut et

comporte en elle une théologie de l’histoire qui relit et illustre l’alliance que Dieu a conclut

avec son peuple. Cette histoire pleine de la parole de Dieu fait que l’histoire trouve sens et

pleine signification que quand elle est dirigée et interprétée par la Parole de Dieu. L’alliance

conclue par le Seigneur et les conditions posées par lui présupposent que le cours des

événements soit régi par la volonté divine en fonction des témoignages de peuple élu. C’est la

Parole de Dieu qui fait et rend intelligible l’histoire d’Israël.- La Parole est porteuse de confort et d’espérance : il suffit ici de remettre en mémoire les

temps de l’exil où la parole des prophètes sans cesser d’être une parole vive, rendait la force

et l’espérance aux exilés. La Parole n’est plus un message, mais un ordre fort, une puissance

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opérant des effets physiques (Ez 33, 1-21). Comme porteuse de confort et d’espérance, la

Parole de Dieu aide à la constitution d’un nouveau peuple de Dieu, à la nouvelle Israël.- La Parole est cosmique et historique : le Deutero-Isaïe (Is 40-55) nous retrace bien ce

caractère cosmique et historique de la Parole divine. La transcendance du Seigneur se

manifeste avant tout dans la nature, les astres du ciel obéissent au créateur et il les appelle par

leur nom (Is 40, 26 ; 45, 12 ; 48, 13). La souveraineté absolue du Seigneur sur la création est

le fondement et la garantie de son action omnipotente dans l’histoire. Avec sa Parole, il a tout

créé à partir de rien, et il est le patron non seulement des forces de la nature, mais de toutes les

nations. Cette Parole de Dieu domine l’histoire et ne se révèle pas dans le vide : « je n’ai pas

parlé en secret, en quelque coin d’un obscur pays, je n’ai pas dit à la race de Jacob : cherchez-

moi dans le chaos ! Je suis Yahvé qui proclame la justice, qui annonce des choses vraies » (Is

45, 19). Cette Parole de Dieu fait l’histoire à cause de son efficacité : « de même que la pluie

et la neige descendent des cieux et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l’avoir

fécondée et l’avoir fait germer pour fournir la semence au semeur et le pain à manger, ainsi en

est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir

accompli ce que j’ai voulu et réalisé l’objet de sa mission… » (Is 55, 10-12).- La Parole est sagesse : Le même Dieu qui illumine les prophètes, s’est servi de l’expérience

humaine pour révéler l’homme à lui-même, le remplir de la sagesse à travers sa Parole pour

permettre à l’homme de guider sa vie avec prudence et discernement (Pr 1, 1-6 ; 2, 6 ; 20, 27).

La sagesse, comme la Parole, est sortie de la bouche du Très haut ; elle est l’œuvre à l’origine

de la création et est venue s’établir en Israël (Si 24, 3-31). La sagesse finalement s’identifie

avec la Parole de Dieu créatrice et révélatrice (Sg 9, 9).- La Parole : Écriture et personne : la grande nouveauté apportée par le NT en général et d’une

manière particulière est l’équation affirmée entre la parole divine et Jésus de Nazareth, entre

le logos qui est Dieu, de Dieu et le Christ qui est Fils du Père. Le Christ est la Parole éternelle,

subsistante en elle-même, personnelle, et la révélation s’accomplit pleinement en lui parce

qu’il est cette ultime parole de Dieu faite chair pour nous parler du Père. Jésus Christ est la

Parole éternelle de Dieu qui crée et révèle le Père. Il annonce le salut et interpelle l’humanité,

en lui l’humanité trouve son plein accomplissement. Il est en rapport intime avec le Père (Jn

1, 1). En Jésus Christ, la Parole intérieure de Dieu résonne à l’extérieur et se fait attendre à

l’homme. Lui est le Verbe abrégé du Père54parce qu’il résume et synthétise toutes les paroles

fragmentaires de Dieu en une seule Parole.

54 H.DE LUBAC, Exégèse médiévale. Les quatre sens de l’Écriture, Vol I, Paris 1961, 181-197.

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Ces aspects de la Parole que nous avons parcourus dans la Bible, doit aussi nous

conduire à voir le caractère dynamique et noétique de la Parole dans l’homme. La Parole est

ce qui sort de la bouche de l’homme (Jér 17, 16), mais elle a sa source dans le cœur de

l’homme. La parole exprime, extériorise ce que l’homme a déjà dans son cœur (Gn 17, 17; Ps

14, 1). Elle n’est pas la pure expression d’idée abstraite, elle est chargée de sens, de contenu

noétique. Pour Israël, la Parole possède une double valeur : noétique et dynamique. D’une

part elle est expression de pensée, des intentions, des projets… D’autre part, la parole a une

force active, une puissance qui actualise ce qu’elle signifie, opère ce que l’homme médite et

décide dans son cœur. Son efficacité est plus grande et plus puissante autant qu’est la volonté

de qui elle procède. Elle libère une énergie. Bref, la parole est une force opérante, son

dynamisme s’enracine dans le dynamisme de celui qui la prononce.

On notera aussi une interdépendance entre la parole et les événements. La révélation

advient soit à travers les actions, soit à travers les paroles (DV 2). La parole est nécessaire

pour faire connaître le sens des faits, mais on notera aussi que les faits portent en eux-mêmes

une valeur originale indéniable. La croix de Jésus par exemple nous révèle en même temps le

jugement et le pardon, la miséricorde de Dieu. La parole de Dieu est toujours active,

pénétrante de force dynamique. Elle est l’élément générateur de l’histoire du salut et l’acte à

travers lequel Dieu fait connaître à l’homme sa volonté. Elle a une valeur noétique parce

qu’elle nous fait connaître notre destinée, elle a aussi une valeur dynamique parce qu’elle

opère le salut annoncé. Elle est l’événement, l’annonce, l’accomplissement, la promesse et la

réalisation qui sont des éléments intimement connexes.

Révélation naturelle ou cosmique

C’est à travers l’histoire qu’Israël a connu son Dieu, l’événement de la libération de

l’Egypte l’a fait expérimenter la toute grande puissance de Dieu. Pour y parvenir, Dieu a

utilisé les éléments de la nature pour se révéler à son peuple et accomplir leur libération : Ex

7-15 : l’eau changée en sang, les grenouilles, les moustiques, la vermine, la peste du bétail, la

grêle, les furoncles, la grêle, les sauterelles…

Le premier chapitre du livre de la Gn affirme que Dieu a tout créé avec sa Parole, sa

parole donne existence et subsistance (Ps 33). La création et tous les êtres créés deviennent la

révélation de Dieu. Par sa Parole, il gouverne tous les phénomènes de la nature. Cette

révélation cosmique se lie au Christ comme sagesse incréée. La présence de Dieu dans les

créatures est attribuée dans les Écritures et la Tradition à la Parole de Dieu, le logos, à sa

Sagesse. Et l’apôtre Jn parlant de logos, il l’identifie à Jésus, le Verbe fait chair (Jn 1, 1-5.9).

Il y a une présence du Logos dans le monde créé, cette présence qui rend intelligible (logique)

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et significatif (icône) le monde. Cette présence qui rend logique et fait voir l’empreinte de

logos dans la création atteint sa perfection dans l’être puisque crée à l’image et ressemblance

de Dieu.

Révélation historique ou Révélation à travers la « parole de Dieu »- Dans les prophètes

Nous assistons encore à une nouvelle initiative de Dieu. Dieu qui se révèle dans

l’histoire. Il se transmet aux hommes par sa Parole confiée aux prophètes comme ses envoyés.

Il fait cela dans un temps qui peut être daté, dans un espace bien définit. Pour s’en rendre

compte, il suffit de lire l’histoire des vocations des prophètes. C’est le début d’une économie

historique de la Parole de Dieu, économie historique qui est d’abord parlée, écrite et faite

chair comme accomplissement de tout.

- Dans le Fils

« En ces jours qui sont les derniers, il nous a parlé par le Fils » (He 1, 2). En son Fils

la révélation de Dieu est complète. Jésus Christ ne nous révèle pas un élément du dessein de

Dieu, il est lui-même ce dessein de Dieu (DV 4). Le Christ est le parfait révélateur de Dieu. Si

les synoptiques commencent leurs évangiles avec des prédications préliminaires, Jean le

théologien, indique un début plus radicale d’une révélation qui est pour lui celle de la vie

éternelle : la Parole qui devient chair. Les pères de l’Église diront que la parfaite révélation de

Dieu ne pouvait être faite que par Dieu. La révélation que Jésus a faite de son Père n’est pas

seulement celle de sa doctrine, de son enseignement, mais aussi celle de ses actes, ses

miracles, de toute sa vie (Jn 14, 6.9), de son humiliation par amour de l’incarnation à la croix.

Révélation finale ou eschatologique

Les Écritures annoncent une révélation eschatologique qui ne sera plus manifestée ni

par la parole, mais par des réalités dont nous affirmons par la foi (He 11, 1). Cette révélation

au-delà de tout ce qui concerne Jésus Christ, sa gloire, elle révélera aussi les actions de

chacun de nous, nos œuvres, ce que nous sommes (Col 3, 4 ; 1P 1, 5, 1Jn 3, 1-2).

À chacune des étapes de la manifestation de Dieu correspond une amélioration de

notre connaissance de Dieu : à la révélation naturelle correspond la lumière de l’intelligence ;

à la révélation à travers la Parole des prophètes, apostolique transmise à l’Église, correspond

la lumière de la foi ; à la révélation eschatologique, la lumière de la gloire.

Le parcours que nous avons fait nous permet de distinguer de manière plus précise le

concept de la révélation biblique. La révélation nous apparaît comme une intervention libre et

gratuite de Dieu – à travers la nature, les événements de l’histoire interprétée par la parole

adressée aux prophètes – qui se fait connaître soi-même, fait connaître son dessein du salut

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qui l’engage dans l’Alliance avec Israël et par la suite avec toutes les nations à travers son Fils

qui accomplit toutes les promesses.

C. La Parole de Dieu devient Parole écrite et transmise

Partout où Dieu s’est révélé aux hommes, il a toujours usé de la parole, pas n’importe quelle

parole, il s’agit bien de la parole humaine. Pour se faire comprendre aux hommes, la Parole de

Dieu à assumer la forme de la parole humaine.

La foi si vive de l’Ancienne et de la Nouvelle Alliance a fait que la parole de Dieu ne

prenne pas seulement la forme de la parole humaine mais qu’elle soit insérée comme parole

humaine dans l’Écriture humaine et dans la plénitude de temps pour être toujours transmise.

1. Parole de Dieu

Chrétiens catholiques et protestants sont tous d’accord sur le fait que les Écritures Saintes

sont la Parole de Dieu. DV l’affirme d’une manière claire et forte : « les Saintes Écritures

contiennent la Parole de Dieu et, puisqu’elles sont inspirées, elles sont vraiment cette Parole ;

que l’étude de la Sainte Écriture soit donc pour la théologie sacrée comme son âme »55. Ce

point commun entre les catholiques et les protestants sur la Parole de Dieu est très complexe.

Certains protestants évangélistes, affirment une identité physique entre les Écritures et les

paroles effectivement prononcées par Dieu., ils rejettent comme inadéquate l’idée selon

laquelle les Écritures constituent les témoignages de la Paroles de Dieu ; allant jusqu’à

affirmer que Dieu n’a jamais communiqué à travers la parole56. Il y aura aussi certains

théologiens protestants, qui affirmeront que la Parole de Dieu est une réalité dynamique ;

Jésus sera considéré comme la Parole de Dieu (K. Barth). Les Écritures sont vraiment la

Parole de Dieu quand nous les revivons dans la proclamation et dans la prédication (R.

Bultmann).

Le Card. Carlo Maria Martini nous a aidés à distinguer diverses significations de

l’expression « Parole de Dieu ». Elle suggère l’idée de communicabilité de Dieu. La Parole de

Dieu nous renvoie :

- Aux événements de l’histoire du salut, parce qu’en hébreu, le mot dabar signifie : « parole,

événement, réalité » ;- Au message communiqué par les envoyés de Dieu : prophète et Jésus ;

55DV 24.

56 R.E. BROWN, The Critical Meaning of the Bible, New York 1981, 1-44.

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- À la personne de Jésus qui est le Verbe de Dieu (Jn 1, 1) ;- À la prédication chrétienne- Au message de Dieu adressé aux hommes en général- À la Bible57.

La Parole de Dieu dans la tradition hébraïque et chrétienne est radicalement diverse

aux oracles divins que nous pouvons retrouver dans les religions hellénistiques et le proche

Orient. La Parole de Dieu dans la tradition hébraïque n’a pas seulement la fonction de

communiquer la vérité, mais aussi d’encourager, de consoler et aussi de provoquer…

2. La Parole de Dieu faite Écriturea. Le témoignage de l’Ancien Testament

C’est dans la promulgation du Décalogue (Ex 24, 3) de l’AT que nous retrouvons le

plus ancien témoignage écrit de la Parole divine. Dans cette publication nous trouvons

l’expression : « Moïse mit par écrit toutes les paroles de Yahvé… » (Ex 24, 4), on peut aussi

lire Ex 34, 10-26. 28. Nous restons toujours buter sur l’auteur de « dix paroles ». Qui entre

Dieu et Moïse, a réellement écrit les dix paroles ? La Bible TOB fait passer Dieu comme

l’auteur, celui qui a écrit les dix paroles (Ex 34, 1 ; Dt 10, 2). Alors que la Bible de Jérusalem

fait passer Moïse comme celui qui a écrit les dix paroles : « Yavhé dit à Moïse : mets par écrit

ces paroles car selon ces closes, j’ai conclu mon alliance avec toi et avec Israël » (Ex 34, 27).

Ce débat autour de sujet, de l’écrivain des dix paroles ne doit pas nous éloigner de point

focale de notre argument : il est un fait qu’au moment de la conclusion de l’Alliance, le texte

de la loi était mis par écrit. Dans la tradition hébraïque, le décalogue représentait le document

officiel sur lequel le Seigneur et Israël conclurent le traité de l’Alliance. Le Décalogue

constituait le document qui montrait la bénignité, la bienveillance de Dieu envers son peuple

Israël qui était considéré comme sa propriété. Le peuple, par la lecture des dix paroles, lecture

faite par Moïse, entrait en connaissance de la volonté de Dieu. Il était tenu à jurer l’obéissance

à cette volonté : « Il prit le livre de l’Alliance et il en fit la lecture au peuple qui déclara : tout

ce que Yahvé a dit, nous le ferons et nous y obéirons » (Ex 24, 7). Ceci devait être transmis

des générations en générations (Dt 31, 9-13. 24-28).

Les alliances d’Orient Antique comportaient l’engagement de déposer les textes de

pacte dans le temple, au pied de la divinité, et périodiquement procéder à la lecture publique

de ces textes, ceci pour que les textes ne soient pas oubliés et pour les faire connaître à la

nouvelle génération. Cette pratique sera aussi adopté par la tradition biblique juive : Dt 31, 9-

13.24-28 : « Moïse leur donna cet ordre : tous les 7 ans, temps fixé pour l’année de Remise,

57 C.M. MARTINI, La parola di Dio alle origini della Chiesa, Roma 1980, 56-58.

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lors de la fête des Tentes, au moment où tout Israël se rend, pour voir la face de Yahvé ton

Dieu, au lieu qu’il aura choisi, tu prononceras cette Loi aux oreilles de tout Israël. Assemble

le peuple, hommes, femmes, enfants, l'étranger qui est dans tes portes, pour qu'ils entendent,

qu'ils apprennent à craindre Yahvé votre Dieu et qu'ils gardent, pour les mettre en pratique,

toutes les paroles de cette Loi. Leurs fils, qui ne le savent pas encore, entendront, et

apprendront à craindre Yahvé votre Dieu, tous les jours que vous vivrez sur la terre dont vous

allez prendre possession en passant le Jourdain » (Dt 31, 10-13). Dès le début de son histoire,

la vie sociale, religieuse et morale d’Israël était guidée et vivifiée par un texte écrit malgré les

temps difficiles qu’Israël a connu (2R 22, 8.13 ; 2Chr 34, 14-21). La Torah est la révélation

mise par écrit. À part la Torah, nous retrouvons beaucoup de témoignages des discours de

Jérémie qui ont été mis par écrits (Jer 25, 13 ; 45, 1 ; 51, 60). Nous avons le premier exemple

qui nous montre que la Parole prophétique en forme écrite est annoncée comme « Parole de

Dieu » (Jer36, 6. 8. 11). Lors de l’investiture de prophète Ezéchiel, la parole du Seigneur

lui a été mise dans la bouche non comme l’a vécu Jérémie, mais comme un rouleau écrit par

le Seigneur lui-même (Ez 2, 9). Cette référence nous convainc qu’à cette époque existait en

forme écrite la Parole de Dieu. Le prophète Isaïe après avoir prêché la Parole de Dieu, et

devant le refus de peuple de Dieu d’accueillir cette parole, il la mettra par écrit sous forme

d’un compte rendu pour les générations à venir (Is 30, 8 ; 8, 16-18 ; 34, 16). Ceci pour que les

générations à venir trouvent foi, espérance, et surtout pour montrer la fidélité du Seigneur (Is

31, 2). La Parole de Dieu écrite constitue la révélation permanente de Dieu, elle possède

l’inviolable engagement de Dieu de sauver son peuple de la persécution de leurs adversaires

(Ps 56, 11). Le peuple d’Israël a attribué un caractère sacré, divin, au compte rendu écrit des

événements de l’histoire du salut, des lois et des discours des prophètes.

b. Témoignage du Nouveau Testament

Le témoignage du NT est encore plus expressif que celui de l’AT. Les témoignages du

NT sont pour avant tout témoignages d’évaluation des écrits de l’AT. Ceci se fait plus voir

pour chacune des affirmations que nous trouvons d’une manière particulière dans les Actes

des apôtres. Pour les juifs, la prédication des apôtres est source et norme de vérité. Paul

démontrera aux juifs de Thessalonique que le Christ devrait souffrir, mourir et ressuscité des

morts (Ac 17, 2ss). Les juifs de Bérée vont aussi examiner la prédication de Paul à la lumière

des Écritures pour voir si tout était exact (Ac 17, 11). Toutes les discussions avec les juifs

étaient conduites à base des Écritures (Ac 18, 28).

Il existe une forte synergie entre la Parole de Dieu telle que faite écriture dans l’AT et

celle du NT. L’AT est la source de la vérité, l’ignoré c’est être dans l’erreur (Mt 22, 29 ; Mc

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12, 24.27). Les paroles prophétiques de l’AT rendent témoignage au Christ, et le caractère

profond qu’elle porte ne peut être comprise qu’à travers les enseignements du Christ (Lc 24,

27.32.45 ; Jn 2, 22 ; 20, 9). Cette synergie se fait sentir dans des expressions telles que « pour

que s’accomplit cet oracle prophétique du Seigneur » (Mt 1, 22 ; 2, 15 ; .17.23 ; 4, 14 ; 5, 17 ;

Mc 14, 49 ; Lc 4, 21 ; 7, 1 ; Jn 12, 38 ; Ac 1, 16).

Autre fait marquant dans le NT, est l’identification de l’Écriture à Dieu. L’apôtre Paul

usera l’expression telle que « car l’Écriture dit au Pharaon ». La Parole de Dieu suit un

processus de personnalisation, « l’Écriture parla », ce qui ne veut dire rien d’autre que « Dieu

parle » (Rm 9, 15.17). Paul verra dans l’Écriture l’expression de la volonté même de Dieu

(Rm 11, 4). L’Église apostolique considère l’AT comme un document qui a toute sa valeur

parce qu’il révèle la volonté de Dieu qui est garantie par les apôtres.

3. La Parole de Dieu faite Tradition

Étant donné que le « Dieu vivant parle une seule fois » (Ps 62, 12 ; Jb 40, 5 ; Pr 6, 16 ; 30,

15 ; AM 1, 3), la Parole prononcée se fait écriture et tradition pour être écoutée et vécue par

les hommes de toutes les générations. Le Verbum Scriptum et le Verbum traditum constituent

le seul sacré dépôt de la Parole de Dieu qui est confiée à l’Église. Pour comprendre le sens

que le concile Vatican II accorde à la tradition, il faut nous référer au deuxième chapitre de

DV.

Ce que nous pouvons tout de suite noter, Vatican II, contrairement au concile de Trente, ne

parle pas des « Saintes Écritures » et des « traditions non écrites » au pluriel, comme l’a fait le

concile de Trente. Vatican II parle de deux au singulier (DV 10). Nous tiendrons présent

qu’avec Vatican II, le problème Écriture et Tradition est repris de manière concrète, non pas

d’abord du point de vue des « choses transmises », mais celui de « l’acte de

transmission »58.Tradition, concept plus abstrait sans doute, mais le singulier est commandé

par le passage souligné plus haut : des « choses transmises » à celle de « transmission

active ». On mettra l’accent ici sur l’acte unique de la transmission active. C’est ainsi qu’on

ne suivra pas le mouvement classique, Écriture, Tradition et Magistère mais plutôt Tradition

active en tant qu’elle englobe le tout. Une autre affirmation du concile Vatican II, cette

58 B. SESBOÜÉ (dir), La parole du salut, T IV, Paris, Desclée, 1996, 532.

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Tradition qui tire leur origine des apôtres (DV 8), de leurs prédications orales, de leurs

exemples et de leurs institutions. Ceci nous fait comprendre que la Tradition n’est pas un

ensemble des doctrines ésotériques transmises oralement, mais une réalité qui se manifeste et

prend corps dans la doctrine, dans la vie et le culte de l’Église (DV 8). Vatican II aura une

vision plus large de la Tradition que celle du concile de Trente. Cette avancée de concile

Vatican II mettra plus en lumière la définition de l’Église telle que nous le trouvons dans

LG59: Église comme sacrement universel du salut. Cette définition met en évidence les deux

faces de l’unique réalité qui est l’Église : le Christ-Tête de l’Église et l’Église-Corps du

Christ. Tous les deux forment une unité inséparable. L’Église est la lune par rapport au

soleil60, elle sait qu’elle ne dispose pas de la lumière propre, mais elle est le reflet de la

lumière du Christ. L’Église n’est pas une fin en soi, mais elle renvoie à une réalité beaucoup

plus à elle qui est le Christ. De la même façon, l’Écriture et la Tradition ne sont pas en elles-

mêmes l’Évangile mais sont «comme un miroir où l’Église en son cheminement terrestre

contemple Dieu, dont elle reçoit tout jusqu’à ce qu’elle soit amenée à le voir face à face tel

qu’il est (1 Jn 3, 2) »61. C’est que le Pape Jean XXIII et les pères conciliaires, ont voulu

distingué le mode avec lequel les vérités de la foi doivent être annoncées du dépôt de la foi

(GS 62).

Cette définition de l’Église comme sacrement universelle du salut a une forte retombée sur

la Tradition. En premier lieu, la Tradition n’est plus comprise comme une histoire, une vase

fermée faite de la génération post apostolique, mais comme une présence sacramentelle de

l’Évangile dans l’histoire. Elle transcende les limites personnelle et temporel pour rendre

toujours présent le Verbe de Dieu dans le monde (DV 8). En deuxième lieu, le fait de sa nature

sacramentelle, il faut un esprit de discernement et de critique face à la variété des traditions. Il

faut toujours confronter les diverses traditions qui existent dans l’Église avec l’unique

Traditio qui consiste dans l’auto-donation de Dieu à travers Jésus Christ dans l’Esprit Saint à

nous (Rm 8, 32 ; 4, 25 ; Eph 5, 2). Les traditions particulières se trouvent face à la Tradition

unique qu’elles ne peuvent épuiser complètement. L’unique Tradition servira de correcteur à

d’autres traditions de l’Église jusqu’à l’accomplissement des temps (LG 8). En troisième lieu,

59 DV 1 ; 48. On peut aussi lire LG 9 ; 59 ; GS 42 ; 45.

60 Cette image de la lune et du soleil fut plus développée par H. Rahner, reprise par H.de Lubac, Hans urs von Balthasar et K. Rahner.

61 DV 7.

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la Tradition porte en elle une dimension historico-pneumatologique. DV l’affirme en disant

que sous l’assistance de l’Esprit Saint, on peut progressivement arriver à l’intelligence de la

Tradition (DV 8).

Chap III : UN SEUL SAINT DÉPÔT DE LA PAROLE DE DIEU CONFIÉ À L’ÉGLISE

« La Sainte Tradition et la Sainte Écriture constituent un unique dépôt sacré de la

Parole de Dieu, confié à l’Église » (DV 10), le document conciliaire dira encore davantage

qu’ « a pour règle suprême de sa foi les Écritures, conjointement avec la sainte Tradition »

(DV 21). Il est alors nécessaire d’approfondir le Dei Verbum scriptum en même temps que le

Dei Verbum traditum en tenant compte de leur lien étroit, inséparable et surtout de leur

origine dans une même source (DV 9). Elles rendent toutes deux présentes le mystère du

Christ.

a. La Sainte Écriture

Elle est la parole de Dieu en tant qu’elle est inspirée par l’Esprit Saint (DV 9), elle

nous communique la volonté de Dieu telle que communiquée çà travers les prophètes, les

apôtres (DV 21). La Tradition apostolique fera discerner les livres qui devraient être retenus

pour canonique ou non canoniques. Dans l’AT, on retiendra 46 livres, alors que dans le NT 27

livres.

1. Inspirationa. Le concile Vatican II

Le titre du troisième chapitre de la constitution dogmatique sur la révélation divine du

concile Vatican II estintitulé « l’inspiration de la Sainte Écriture et son interprétation ». En

allant dans le texte même, nous voyons que l’inspiration est considérée comme un mode

spécifique de parler de caractère sacré des Écritures qui a une grande implication pour les

croyants, sur leur considération de l’AT et le NT comme des livres saints. C’est dans DV 11

que nous trouvons l’affirmation clé du concile.

Le concile veut récapituler l’enseignement traditionnel sur l’inspiration partant des ces

quatre textes du NT : Jn 20, 31 ; 2Tm 3, 16 ; 2P 1, 19-21 et 2P 3, 15-16. Le témoignage cl é

sur l’inspiration, tel que beaucoup de chrétiens le pense, position soutenue aussi par le concile

Vatican II, se trouve concentrer d’une manière très forte dans : 2Tm 3, 16-17 et 2P 1, 19-21.

S. Augustin en parlera dans De genesi ad litteram 2.9.20. Quant à S. Thomas d’Aquin, il

abordera le sujet dans De veritate q. 12, a.2.

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Le concile Vatican II n’abordera pas la question d’une manière isolée, il fera chaînon

avec les conciles de Trente et le concile Vatican I ; spécialement avec les documents De

canonicis Scripturis (HD 1501) (concile de Trente, quant au concile Vatican I : Dei filius.

Nous ajouterons aussi la lettre encyclique Providentissimus Deus du Pape Léon XIII et celle

de Pie XII : Divino Afflante Spiritu.

b. Les premières interprétations chrétiennes de l’inspiration

Le témoignage du NT était tel que les premiers Pères de l’Église ont considéré

l’inspiration des Écritures comme quelque chose évidente en soi. Mais à partir du IIème et IIIème

siècle, la terminologie « Écriture » était étendue à tous les écrits chrétiens qui avaient autorité.

Ces écrits à la fin seront incorporés dans le canon sous le nom du NT62. Pour citer quelques

Pères de l’Église qui ont débattu cette question sur la caractère inspiré de la Parole de Dieu,

nous citerons en passant S. Irénée de Lyon, qui nous enseigne que les Écritures sont parfaite

pour autant qu’elle nous ont été donnée par Dieu et son Esprit63. Grégoire de Nazianze nous

recommandera de prêter attention même aux plus brefs textes parce ce qu’ils ont été attribués

à la sollicitude de l’Esprit64.

C’est ainsi que l’inspiration sera considérée sous divers aspects :

- Inspiration comme Extase (S. Justin : Dialogue ave Tryphon) (1Sam 10, 5ss ; 19, 20ss)

- Inspiration comme illumination (Origène : De principiis)

- Inspiration comme dictée (S. Augustin : De consensu Evangelistarum et dans De doctrina

Christiana).

Nous retiendrons ces trois termes importants qui sortiront de chez les Pères de l’Église en ce

qui concerne le caractère inspiré de la Parole de Dieu. Ils parleront de : la condescendance

(Jean Chrysostome), dictée (S. Augustin), et Dieu comme auteur des Écritures (S. Augustin).

c. Approche contemporaine de l’inspirationa. Dans le monde Protestant

Pour ce qui concerne le monde protestant, nous pouvons citer comme représentants :

Benjamin Breckinridge Warfield, James Innell Packer, Jan Howard Marshall. Nous ajouterons

aussi à cette liste des représentants K. Barth dont nous voulons donner ici son appréhension

62Cf pour cet argument Sources chrétiennes 312.

63 IRÉNÉE DE LYON, AdversusHaereses 2, 28, 2.

64 GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Oratio 2, 105, SC 247, 224ss.

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de l’inspiration. Les idées de K. Barth (1886-1968) sur l’inspiration ont été suivies par

beaucoup de théologiens protestants. Pour Barth, la Bible a une position unique comme

témoignage de la révélation de Dieu à travers Jésus Christ, qui est essentiellement le Verbe de

Dieu. L’inspiration n’est pas la qualité de textes écrits en soi, mais une déclaration solennelle

affirmant que Dieu a la faculté de se servir de l’Écriture pour se révéler aux être humains, soit

à des individus, soit au groupe. C’est la théorie de la faculté divine. Les positions protestantes

récentes sur l’inspiration continuent celle de Barth, attribuant toujours un rôle déterminant à la

communauté ecclésiale face à la Bible.

b. Dans le monde catholique romain

Nous remarquons actuellement un certain réalisme des écrits catholiques sur l’inspiration. La

lecture des textes bibliques de la part de Vatican II met en exergue les caractéristiques

humaines des textes et les processus de leur production. Ces textes qui sont la Parole de Dieu,

sont en même temps Parole humaine. Les diverses méthodes exégétiques aident seulement à

faire la lumière sur l’aspect humain des Écritures.

Les récentes théories utilisent un des quatre aspects suivants en ce qui concerne l’inspiration :

Théorie psychologique, théorie sociale, approche littéraire, aspects ecclésiaux.

2. Canonicitéa. Le Canon en général Certaines réflexions théologiques préliminaires

La canonicité et l’inspiration désignent deux réalités diverses : un livre écrit pendant la

période biblique est canonique dans la mesure où il entre dans un recueil circonscrit et jouit

d’un statut exceptionnel dans l’Église. Un livre par contre est inspiré dans la mesure où il tire

sa source de l’Esprit Saint. Mais nous noterons une sorte de circularité entre les deux.

L’inspiration précède la canonicité mais elle est confirmée avec certitude par tous par la

canonicité. Pour arriver à la canonicité, l’Église part toujours de la Tradition, pour voir si le

livre remonte de période des apôtres pour le cas du NT. Et pour l’AT on tient compte de IV

premiers siècle avant notre ère chrétienne65.

Dans la Septante le terme apparaît 3 fois, alors que dans le NT, il apparaît 4 fois dans

les écrits de Saint Paul. Dans l’usage ecclésiastique antique, le canon désigne la règle de foi,

la norme de la vérité révélée (S. Irénée de Lyon, Eusèbe de Césarée…).

Dans la terminologie courante, l’Église considère canonique le livre faisant partie des

livres sacrés, inspirés par Dieu comme nous l’avons souligné plus haut. Ces livres ont valeur

normative pour la foi et pour la morale. La terminologie catholique romaine divise les livres

65 M. GILBERT, « Canon des Écritures » in DCT, 237-241.

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de l’AT en protocanonique (39) et deutérocanonique (7). Cette distinction ne doit pas nous

faire pensé que les protocanoniques sont plus canoniques que les deutérocanoniques. Cette

distinction veut nous faire noter que les protocanoniques ont été acceptés sans

grandediscussion, alors que les deutérocanoniques ont été acceptés après une longue et

houleuse discussion. S. Athanase fera la distinction entre les livres canoniques et apocryphes.

Nous ferons cette distinction des appellations pour mieux comprendre les termes dans

les deux Églises chrétiennes : Protestante et Catholique.

Catholiques Protestants

Protocanoniques catholiques de l’AT= Canoniques protestants de l’AT

Deutérocanoniques catholiques de l’AT = Apocryphes protestants

Apocryphes catholiques = Pseudo épigraphes protestants

Le concile Vatican I (Dei Filius, 1870) a parlé des « livres sacrés et canoniques…

écrits sous l’inspiration de l’Esprit Saint », le concile reprendra l’énumération de concile de

Trente pour l’identification de ces livres (DH 3006). La canonicité implique la reconnaissance

par l’Église de caractère inspiré des livres de la Bible (DH 3006). Quant au concile Vatican II

(Dei Verbum, 1965), il affirme que « c’est cette même tradition, qui fait connaître à l’Église le

canon intégral des Livres Saints, c’est elle aussi qui, dans l’Église, fait comprendre cette

Écriture Sainte et la rend continuellement opérante » (DV 8). Cette affirmation sera encore

renforcée par DV 11. Nous noterons, à la suite de K. Rahner66, que la manifestation et la

déclaration des livres inspirés ont été progressives, elles n’ont pas été faites d’un seul coup.

b. Tradition1. Notion :

La Tradition étant un concept très répandu et difficile à définir, chez beaucoup de

personnes la Tradition évoque fixation, ce qui est dépassé, ce qui fait obstacle au progrès, à la

liberté. Nous ne devons pas tomber dans cette conception erronée.

De par son étymologie, la Tradition tire son origine du substantif latin « traditio » qui

vient du verbe « tradere ». Substantiellement, elle peut être utilisée dans deux sens : dans le

sens transitif : le verbe signifie le fait de confier, de transmettre ou de laisser une chose à une

66 CF. K.RAHNER, Über die Schriftinspiration, Freiburg 1958.

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personne, confier une personne au bon soin de quelqu’un d’autre. Dans le sens intransitif

pronominal, le verbe peut se référer au fait que la personne s’abandonner par exemple à ses

larmes ou se dédie à l’étude de quelque chose, on met ici en premier plan la personne qui agit.

De son usage chrétien, il correspond à la «paradosis» qui signifie transmission, faisant

ici allusion aux données humaines en générales. La Tradition c’est ce qui relie les générations

qui se suivent entre elle: elle renvoie à la vie même.

La tradition comme processus de communication comporte aussi bien un aspect

positif, l’acte de transmettre, qu’un aspect passif, le «traditum ». Les deux aspects sont liés et

renvoient l’un à l’autre. L’acte de transmission est un processus de communication

diachronique auquel on a un Transmetteur et un receveur et un « traditum ». Elle se déploie en

doctrines, rites, coutumes, normes, récits. Elle constitue toute une culture.

La Tradition dont il est question ici dans notre cours est celle qui provient des apôtres;

celle qu’ils ont reçu de l’enseignement et de l’exemple de Jésus, celle qu’ils ont appris de

l’Esprit Saint. Nous noterons que la première génération des chrétiens n’avait pas encore le

NT écrit, tel que nous l’avons actuellement. Le NT lui-même atteste le processus de la

Tradition vivante. De cette Tradition des apôtres, naîtront des traditions théologiques,

disciplinaires, liturgiques ou spirituelles des Églises locales. Ces traditions constituent des

formes particulières à travers les quelles la grande Tradition s’expriment selon les formes

adaptées aux lieux et diverses époques.

2. La Tradition selon Dei Verbum

Le texte officiel de magistère ecclésial qui nous parle d’une manière autoritaire et nous

donne des indications précises sur la Tradition est la constitution dogmatique DV du concile

Vatican II sur la révélation divine. On notera ce fait important du concile Vatican II : le

concile présume un certain parallélisme entre la révélation divine et la Tradition Sacrée. Un

aspect particulier de la révélation selon les Pères conciliaires touche le rôle du Christ dans

l’économie de la révélation (DV2). Cette affirmation sera explicitement développée dans DV4

qui nous présente le Christ comme la plénitude et le médiateur de la révélation (He 1, 3; Jn 1,

18; Mt 11, 27). Il convient de souligner cette intervention de l’archevêque Paul Zoungrana

(Burkinafaso), qui s’appuyant sur les références bibliques : Col 1, 15, He 1, 3 et Mt 17, 5, a

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affirmé tout haut que le Christ est en personne la divine révélation. Le Christ comme

l’affirmera H. de Lubac est le « Verbum abbreviatum »67.

Selon la foi chrétienne, la révélation suprême de Dieu fut pleinement donnée en Jésus

Christ, le Fils incarné du Père. Le concile Vatican II développe d’une manière systématique

cette affirmation dans DV 4. Le concile Vatican II après avoir traité de la valeur pérenne du

dépôt apostolique, il va dans le deuxième chapitre traiter de « la transmission de la divine

révélation ». Il y aura, d’une part, une continuité entre le concile de Trente, Vatican I et

Vatican II. D’autre part, Vatican II apportera aussi sa contribution. Dans DV 7, Vatican II fera

écho de Pastor aeternus (DH 3050) et du concile de Trente (DH 1501). Dépassant l’idée du

christianisme comme « une religion de livre », le concile Vatican II caractérise l’Évangile du

Christ comme « la source de toute vérité salutaire et de toute règle morale » (DV 7). Le

concile de Trente insistant plus sur l’aspect verbal de l’Évangile et de la Tradition apostolique,

le concile Vatican II fait mention aussi des éléments non-verbaux (DV 7). Vatican II

synthétisera son enseignement sur la Tradition par rapport aux conciles précédents dans DV

19. Nous comprenons alors ici que pour Vatican I, la proclamation apostolique était plus une

simple notification ou information historique sur la parole et les gestes de Jésus. Les pères

conciliaires y décèlent plutôt une interprétation créative des enseignements et de la vie de

Jésus, une interprétation sous l’illumination de l’Esprit Saint qui avait comme but de susciter

et de confirmer la foi chrétienne. Le vrai auteur de cette Tradition antique est le Christ lui-

même, la Tradition constitue l’élément intrinsèque de la révélation constitutive.

La Tradition maintient l’Église dans une conversation ininterrompue avec Dieu. Selon

Vatican II, la Tradition constitue la vie de l’Église, elle la vivifie et la relie à Jésus qui

constitue la personne, l’acte et le contenu de la tradition.

L’invitation de Paul à garder vive ce qu’il a d’abord lui-même reçu puis transmis (2 Th

2, 15 ; 1 Co 15, 1-11) ne doit pas seulement être réduit aux choses de type historique ou

doctrinal, comme nous le dit le concile Vatican II. Cette Tradition doit être comprise comme

« tout ce qui contribue à conduire saintement la vie du peuple de Dieu et à en augmenter la

foi » (DV 8). Et les gardiens de cette Tradition, nous les trouvons dans LG 20.

Vatican II va adopter un concept assez différent de la Tradition qui d’une bonne part

provient de l’école de Tübigen (XIXème s.). Contrairement au concile de Trente qui parlait de

la tradition au pluriel, DV parlera de la tradition au singulier (avec l’unique exception que

67 Cf. H.DE LUBAC, La Rivelazione divina e il senso dell’uomo. Commento alle Constituzioni conciliari “Dei Verbum” e “Gaudium et Spes”, Milano 1985, 78.

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nous trouvons dans DV 8). La Tradition n’est pas un ensemble de vérités particulières mais un

processus dynamique de transmission dynamique sous l’assistance du Saint Esprit (DV 8).

Vatican II considérera la Tradition comme concept global et dynamique et non verbal

contrairement à la vision statique et orale de concile de Trente.

« La Sainte Tradition et la Sainte Écriture constituent un unique dépôt de la Parole de

Dieu, confié à l’Église » (DV 10). Ce dépôt de la foi ne peut être authentiquement interprété

que par le magistère. C’est ainsi que « la sainte Tradition, la Sainte Écriture et le magistère de

l’Église…sont tellement reliés et solidaires entre eux qu’aucune de ces réalités ne subsiste

sans les autres » (DV 10).

Dans son commentaire de DV 7, H. De Lubac nous fait comprendre que la Tradition et

l’Écriture sont les voies de la révélation divine68. La Tradition et l’Écriture sont voulue par

Dieu, aucune d’entre elles n’est autonome ou inférieure par rapport à l’autre. Du point de vue

catholique, il est impossible de penser que seule la Bible est la parole de Dieu, ni la Tradition

totalement dépendante de l’Écriture. Ils transmettent ensemble la parole de Dieu. Continuant à

renforcer l’affirmation de concile de Trente, DV 9 confirme que l’Écriture et la Tradition

doivent être acceptées et vénérées avec le même sentiment de piété et de respect.

Une bonne théologie de l’Écriture et de la Tradition présuppose aussi une théologie

adéquate de la révélation. Une des raisons qui a poussé les pères conciliaires a rejeté le

premier schéma qui leur a été proposé, c’est parce qu’il donnait l’impression que l’Écriture et

la Tradition étaient à la base de la révélation, alors qu’on devrait affirmer le contraire. Ce

premier schéma avait adopté la méthode régressive, partir du présent pour arriver au passé.

Vatican II adoptera la méthode génétique ou causale, commençant des origines pour arriver

aux effets présents. DV commence par le concept de la révélation pour arriver à la Tradition et

à l’Écriture. Cet ordre est tellement juste pour la simple raison que l’Écriture présuppose la

Tradition, alors que la Tradition de son côté présuppose la révélation. La révélation qui est à la

base de la foi chrétienne était destinée à être publiquement proclamée dans la Tradition

apostolique et formulé dans le langage inspiré de la Sainte Écriture.

Nous noterons finalement que la relation entre la révélation, la Tradition et l’Écriture

ne doit pas être comprise dans un sens linéaire mais plutôt dans un sens circulaire. La

révélation suscite la Tradition et l’Écriture, mais l’Écriture et la Tradition incorporent la

révélation pour la transmettre aux chrétiens. La Tradition considérée comme l’héritage, le

68 H. DE LUBAC, La Rivelazione divina e il senso dell’uomo. Commento alle Costituzione conciliari “Dei Verbum” e “Gaudium et Spes”, Milano, 1985, 182.

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patrimoine apostolique laissé à l’Église à travers l’Esprit Saint, ce patrimoine est exprimé,

vécu et transmis à travers plusieurs d’autres traditions qui ne coïncident pas avec elle.

Quant à l’authenticité des traditions, le concile fait appel à la cohérence et à

l’orthodoxie qui doivent se dégagées entre ces traditions et la parole de Dieu. Et il ne revient

qu’au magistère seul, à cause de son « charisme certain de vérité » (DV 8) le discernement et

l’interprétation authentique de ces traditions (DV 10).

Le principe de la Tradition vivante est l’un des points fondamentaux qui distinguait

l’Église catholique des églises de la Réforme. Le principe protestant de la « Sola scriptura »

contre celui de la « Scriptura et Traditio » est dépassé. G. Ebeling nous parlera de la Tradition

comme le mode de transmission. Hans Rückert dira que l’Écriture est aussi la Tradition. Nous

vivons la Tradition écrite et non-écrité. Oscar Cullmann atteste quant à lui le caractère

singulier de la Tradition. Il fait la distinction entre la tradition apostolique et celle

ecclésiastique. Il dira « Sola scriptura Traditio apostolica » contre la « traditio ecclesiastica ».

Pour lui la tradition apostolique apparaît comme la règle de la révélation pour tous de l’Église.

Les Écrits des apôtres seuls préservent le caractère unique de la mission apostolique,

empêchent que des facteurs autres que les témoignages humains des apôtres par leur parole ne

viennent altérer la joyeuse nouvelle de JC.

Les catholiques de leur côté auront aussi leur position. Pour eux, si le dépôt de la foi

demeure toujours le même, cela suppose une transmission « fidèle », une Tradition. La Parole

de Dieu qui a été livrée aux temps prophétiques et apostoliques, Dieu continue à la dire

actuellement dans l’Église. En ce sens, la révélation divine est coextensive à l’histoire.

La foi de l’Église ne se borne pas à une adhésion purement extérieure, il s’agit d’une

vérité vivante, personnelle et intériorisée. Pour Vatican II, la Tradition chrétienne est vie, et

nous relie au Christ. La Tradition est donc liée au contexte christologique qui la fonde.

3. Certaines clarifications conceptuelles

Constituant toutes deux un seul dépôt de la foi (DV 10), l’Église les considère comme

la règle suprême de la foi (DV 21). Compte tenu de rapport existant entre la Tradition et

l’Écriture, le concept de la Tradition peut être compris dans un horizon plus large incluant en

son sein même la Bible, par rapport à un concept de Tradition restreint qui fait allusion

seulement à la « tradition orale ». Nous pouvons déjà distinguer, dans le contenu matériel de

la vie de l’Église, deux types de Traditions : Constitutive et déclarative. La première englobe

en son sein : la sainte Écriture et les traditions non écrites. Alors que la deuxième est

constituée des témoignages des traditions.

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On distingue quant à l’origine :

- La Tradition divino-apostolique : qui comprend les vérités révélées par Dieu aux apôtres par

le Verbe incarné et par l’opération directe du Saint Esprit. Ex : le Baptême, l’Eucharistie.- La tradition humano-apostolique : celle qui remonte aux temps apostoliques sans faire partie

de la révélation directe du Christ. Ex : Le diaconat, l’Episcopat…- La tradition ecclésiastique : celle qui a pris naissance dans l’Église après les Apôtres. Cette

Tradition ne doit jamais être confondue avec les données révélées, même si elle est normative.

Ex : Le célibat sacerdotal, les trois vœux religieux.On distinguera la Tradition Fondatrice (apostolique : 1Tm 6, 20 ; 2Tm 1, 12-14) et la

Tradition Réceptrice (ecclésiastique a un double souci : la fidélité et la compréhension

progressive du dépôt de la foi).En lien avec l’Écriture, on peut distinguer :

- La Tradition inhérente : nous trouvons ici les traditions contenues dans la Bible. Ex :

Diaconat, l’onction des malades.- La Tradition déclarative ou explicative : celle qui est implicitement contenue dans la Bible

mais explicitée par l’Église. Ex : La confirmation, le célibat sacerdotal.- La Tradition constitutive : qui existe en dehors de la Bible. Ex : la vénération des martyrs aux

tombes.

4. Témoignages de la Tradition

L’Église dans tout ce qu’il est, sa foi, son croire, son culte et sa vie (DV 8) constitue

l’unique témoignage de la traditio Jesu. Nous noterons pourtant que le témoignage par

excellence est « la prédication apostolique, qui se trouve spécialement exprimée dans les

livres inspirés » (DV 8). La prédication des apôtres fait partie de témoignage constitutif de la

Tradition. Cette unique Tradition hérité des apôtres se distingue par la tradition écrite, la

Sainte Écriture (l’A.T et le NT), et la tradition non écrite. L’étude de contenu de ces traditions,

de leur existence, de leur rapport ave la Sainte Écriture et l’Église, est accompli par

l’apologétique et la théologie fondamentale.

C’est ce témoignage qui doit être conservé jusqu’à la fin des temps (DV 8). C’est ici

qu’intervient le travail de magistère, ses enseignements qui sont à considérés comme la

tradition déclarative pour que l’évangile soit « toujours gardé intact et vivant dans l’Église, les

apôtres laissèrent pour successeurs des évêques, auxquels ils remirent leur propre fonction

d’enseignement » (DV 7). Le magistère exerce pleinement ce rôle dans la sainte liturgie qui

est lieu par excellence de son enseignement. La liturgie par ses trois aspects : sa nature

cultuelle (protestatio fidei), qui fait prier l’Église selon sa foi ; par l’incorporation en son sein

de nombre pas moindre des textes doctrinaux et par la traduction en pratique des intentions

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doctrinales ; elle devient le lieu éducatif de sens divin, de sens humain, de sens plus profond

de rapport religieux avec le Christ qui est le sommet de la révélation.

c. Interrelation entre la Sainte Écriture et la Tradition

Le rapport entre la Sainte Écriture et la Tradition n’est pas un problème secondaire

pour tout ce qui concerne la théologie en général. Le rapport entre les deux est des

conséquences notables pour tout argument théologique, pour l’expression de la foi, les

dogmes et le dialogue avec les autres religions.

Le concile Vatican II traite de ce rapport dans le DV 9. Mais ce que nous pouvons tout

de suite faire remarqués que le concile a omis certaines questions qui théologiquement restent

insolvables. Nous noterons par exemple le problème concernant le contenu matériel de la

Tradition, le contenu de la Tradition est-il plus objectif que ce que nous trouvons dans

l’Écriture ? Y-a-t-il dans la Tradition des choses que nous ne trouvons pas dans l’Écriture ? Le

concile n’a pas voulu s’attarder sur l’objet quantitatif de la Tradition. Voulant plus privilégier

le dialogue œcuménique, le concile mettra plus l’accent sur le rapport et sur le service

réciproque de la Tradition et de l’Écriture.

1. Unité entre la Sainte Écriture et la Traditiona. Unité d’origine

Du point de vue origine, la Tradition et l’Écriture ont une même origine. C’est ce qui

constitue leur premier point d’unité. Les deux témoignent que Dieu s’est effectivement révélé

à Israël à travers ses prophètes et ensuite pleinement en Jésus Christ. Elles ne sont pas

seulement l’expression de cette révélation, mais elles sont aussi enracinées dans le fait de la

révélation. Dieu qui se révèle est l’auteur de ce que l’Écriture et la Tradition transmettent.

Dieu en est l’auteur et le contenu.

b. Unité de service

De l’unité d’origine dérive aussi l’unité de service. La Tradition et l’Écriture ont toutes

comme finalité le service de la communication de la révélation de Dieu. Elles témoignent de

cette révélation à l’Église et au monde. Les deux font que la vie de l’Église, de chaque

chrétien et chrétienne est vécue et revue à la lumière de l’Écriture et de la Tradition. Et c’est

ce qui maintient toute l’Église à la fidélité au message du Christ.

Exprimant la promesse de l’assistance de l’Esprit Saint pour l’Église, la Tradition et

l’Écriture rendent aussi possible la réalisation de cette promesse en maintenant l’Église dans

la fidèle adhésion à Dieu qui ne ment pas.

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c. Unité dans le contenu

Compte tenu de leur contenu, la Tradition et l’Écriture présentent une unité indéniable.

Elles témoignent toutes de l’unique grande œuvre de Dieu pour le salut de l’être humain.

L’homme face à cet amour immense de Dieu est appelé à répondre par un acte responsable de

foi. Le concile de Trente parlera de l’unique source, l’évangile, annoncé d’abord par le Christ

et ensuite prêché par les apôtres (DH 1501). Les deux, la Tradition et l’Écriture, ne doivent

pas être considérée comme deux sources totalement séparées. La Tradition et l’écriture

doivent être considérer comme les deux manifestations de l’unique qui est l’Évangile,

l’accomplissement de la parole de Dieu, annoncé par le Christ.

La triple unité de la Tradition et de l’Écriture culmine dans l’affirmation de la

commune suffisance de deux témoignages de l’unique Évangile. L’Écriture lue à la lumière de

la Tradition et la Tradition comprise comme interprétation de l’écriture, témoignent ensemble

de l’unique Évangile du Christ qui est l’unique source de la vérité et du salut.

2. La dépendance réciproque entre la Sainte Écriture et la Tradition.

Sans nier, ni remettre en question la triple unité que nous avons tenté de démontrer ci-

haut, il s’avère pourtant important de mettre en lumière al dépendance réciproque qui les lie

mutuellement. Nous le ferons en trois moments qui sont les suivants :

a. Durant leur formation

Déjà au moment de leur formation, elles avaient une interdépendance commune. Nous

attendrons la Tradition dans un sens plus large, plus général : l’Écriture, chaque livre de l’AT

et du NT, dépendent de l’expression, de la parole, de formule que les auteurs ont compris de la

bouche, de la prédication soit des prophètes, soit des apôtres sous une forme écrite. C’est ainsi

qu’un écrit peut dépendre d’un autre écrit, une tradition dépendre d’une autre tradition, une

tradition écrite ou orale dépendre d’une autre ainsi de suite (cf. cours sur l’Introduction à la

Bible). Ce que nous pouvons tirer de tout ceci, est l’interdépendance que nous pouvons lire

entre la Tradition et l’Écriture.

b. Durant l’époque post apostolique

Cette interdépendance n’existera pas seulement durant la période de leur formation,

c'est-à-dire durant la période apostolique mais continuera même pendant la période post

apostolique. Cette dépendance post apostolique se manifeste surtout dans la fonction que

l’Écriture et la Tradition exercent dans l’église comme des témoignages fiables dans la

révélation de Dieu. L’Écriture serait stérile et paralysante sans la Tradition serait à son tour

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nébuleuse et désorientant sans l’Écriture. Elles s’authentifient mutuellement et donnent ainsi

efficacité à la foi et à la prédication de l’Église.

c. Dans le sens épistémologique

Leur dépendance mutuelle se fait voir encore d’une manière très forte quand il s’agit

de leur reconnaissance scientifique. D’un côté, la canonicité et le caractère sacré de l’Écriture

ne sont rendus possibles que grâce à la Tradition. De l’autre côté, c’est grâce à l’Écriture que

la Tradition peut être reconnue comme une Tradition divino-apostolique. Cette dépendance

constitue une base herméneutique importante sur le plan noétique de la Tradition et de

l’Écriture.

- L’Écriture dépend de la Tradition : les livres que nous considérons comme faisant partie de la

Sainte Écriture doivent être confirmés comme appartenant à la Tradition divino-apostolique

(DV 8). Bien que l’Écriture doit être écoutée spirituellement comme parole de Dieu, mais

nous noterons que la portée de cette exigence et l’extension de ces livres qui contiennent cette

parole de Dieu, ne sont correctement déduites et comprises que dans la Tradition divino

apostolique. c’est à partir de la Tradition que nous pouvons comprendre le caractère

canonique et inspiré de l’Écriture. Élément important à tenir toujours présent dans la théologie

biblique. Hormis cette importance de la Tradition dans l’interprétation de l’Écriture, la

Tradition aide à connaître et à maintenir saine, à croire et à prêcher d’une manière orthodoxe

l’Écriture.- La Tradition dépend de l’Écriture : l’Écriture aide aussi à la reconnaissance de la Tradition

comme Tradition divino-apostolique. Les théologiens sont tous d’accord sur le fait que les

dogmes et les différentes formules de la profession de foi sont considérés comme les

témoignages infaillibles de la Tradition divino-apostolique. Pour ne pas tomber dans certaines

pratiques ou certaines conceptions aberrantes de la Tradition, le théologien cherchera toujours

dans l’Écriture la pureté et la concrétude de l’origine de la vie de l’Église pour un

discernement authentique et fiable. On doit se servir de l’Écriture comme norme critique

d’authentification de la Tradition divino-apostolique. Ceci vaut tant pour les théologiens que

pour le magistère.3. La différence entre la Sainte Écriture et la Tradition

L’unité entre les deux n’exclut pourtant pas le caractère singulier et particulier que

chacune porte en elle comme différence et qui fait sa spécificité. Au-delà de l’unité qui les lie,

chacune a une identité unique qui permet un échange mutuel et fructueux. Cette particularité

qui fait leur différence, nous la trouverons sur le plan forme, structure et principe.

a. Sur le plan forme

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L’Écriture et la Tradition se différencient sur le plan Forme. Une différence que nous

pouvons considérer du point de vue phénoménologique. Le concile de Trente parlera de

« livres écrits » et des « traditions non écrites ». Le fait que l’Écriture soit fixée par écrit,

garantie le caractère invariable et originel de son témoignage face auquel l’Église est appelée

à garder et à obéir.

Étant donné que la forme écrite représente l’unicité non répétable du début (le semel

factum), la forme orale de la Tradition fait appel à la continuité historique à laquelle l’Église

fait toujours référence comme à son origine en ce qui concerne sa foi (le semper facturum). La

célébration liturgique nous exprime bien cette différence : la lecture de l’Évangile et la

récitation à la mémoire de Credo. Le célébrant en lisant l’Évangile écrit, les chrétiens

l’accueillent dans sa forme originelle telle quelle, sans être édulcoré. Accueillant l’Évangile,

les chrétiens répondent par la confession orale de la foi, récitée à la mémoire. Cette récitation

fait entrer la communauté présente dans la chaîne qui la lie à celle qui l’a précédée.

b. Sur le plan structure

Leur structure pneumatologique les différencient aussi l’une de l’autre. Bien que

toutes deux nous communique le message divin qui nous révèle l’amour de Dieu pour nous en

vue de notre salut et nous face à ce message nous sommes invités à croire, elles sont pourtant

structurellement différentes. Cette différence s’exprime en ceci : l’Écriture est formellement la

Parole de Dieu, elle est parole de Dieu. DV 9 le dira : «la Sainte Écriture est la Parole de Dieu

en tant que, sous l’inspiration de l’Esprit divin, elle est consignée par écrit » ; alors que la

Tradition est parole qui procède de l’homme, mais qui contient la parole de Dieu. La

Tradition, le dira DV 9 : « porte la Parole de Dieu, confiée par le Christ Seigneur et par

l’Esprit Saint aux apôtres… ». Ceci nous pousse à voir dans l’Écriture le logos personnelle de

Dieu et la mission même de l’Esprit Saint étant donné que lui-même l’Esprit Saint en est

l’inspirateur ; alors que le témoignage de la Tradition divino-apostolique (credo, dogme), ont

comme auteur l’Église (apôtres), l’intervention de Dieu pourtant dans la composition des

dogmes et les différents symboles de la foi est appelée Aspiration69 ou assistance négative70.

Malgré toute cette différence structurelle, le chrétien doit conduire le chrétien à ce que DV9

affirme à une « pari pietatis affectu ac reverentia suscipienda et veneranda est ».

69 M.J. SCHEEBEN, Handbuch der KatholischenDogmatik, Freiburg, 1948, 228.

70 S. TROMP, De Sacrae Scripturae inspiratione, Romae, 1945, 95.

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c. Sur le plan principe

On note aussi une différence du point de vue principe entre la Tradition et l’Écriture.

Sur ce point nous ne pouvons pas mettre les deux sur le même pied d’égalité. Si aujourd’hui

nous voulons parler de l’origine, du lieu où a pris naissance, la provenance de l’Église, de

toutes les prédications, discours… cela ne peut être autre chose que l’Écriture. La raison de

cette affirmation émane de la structure même de la Tradition et de l’Écriture, Écriture comme

Parole de Dieu et Tradition comme réponse apostolique de l’Église.

Résumant ce que nous avons jusque là dit, nous pouvons dire que le rapport entre la

Tradition et l’Écriture ne peut être abordé dans le sens de l’existence à l’origine de deux

entités isolées. La Tradition et l’Écriture sont deux manières à travers laquelle se manifeste

l’unique Évangile de Dieu. Elles constituent une unité de par leur origine commune, de par

leur service et de par leur contenu. Dépendante l’une de l’autre, elles sont pourtant différentes

de par leur forme, de part leur structure et de par leur principe.

d. Le Magistère de l’Église

Les promesses de Dieu révélées dans sa parole et pleinement accomplies en Fils furent

adressées à tout le peuple pour leur salut. Le depositum fidei contenu dans la Sainte Tradition

et dans la Sainte Écriture, fut, à travers les apôtres, confié à toute l’Église (DV 10). Le corps

ecclésial, dans sa totalité, mais selon sa structure organique, conserve la parole de Dieu et vit

infailliblement, on dirait même indéfectiblement dans la foi. Avant de comprendre le mot

magistère qui constitue ce dernier point de notre cours. Faisant brièvement cet excursus pour

comprendre ces deux mots : infaillibilité et indéfectibilité, qui parfois prêtent confusion et

discussion. Le terme infaillibilité se réfère d’abord à « la collectivité des fidèles, ayant

l’onction qui vient du Saint (Jn 2, 20.27), ne peut se tromper dans la foi ; ce don particulier

qu’elle possède, elle le manifeste moyennant le sens surnaturel de foi qui est celui du peuple

tout entier » (LG 12).Ensuite il fait référence aux évêques réunis au concile œcuménique (LG

21, 2). À la fin d’une manière spéciale, il se réfère au Pontife romain (LG 25, 3). Nous

préciserons ici que l’infaillibilité s’applique aux actes ayant trait à la foi. Pour ce qui concerne

l’Indéfectibilité, elle s’applique à la garde de la Parole, à la fidélité de l’Église. L’infaillibilité

présuppose l’Indéfectibilité. Cette dernière est à la base de la première. L’esprit Saint est le

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garant de l’infaillibilité et de l’indéfectibilité71. L’Esprit Saint est donné à tous les fidèles selon

la constitution organique de corps du Christ. C’est l’Esprit Saint qui nous rend indéfectibles

dans la foi et donne à ceux qui ont le pouvoir pastoral et détiennent le magistère de l’Église de

diriger et d’enseigner d’une manière infaillible. L’infaillibilité de l’Église est unique, mais

divisée et exercée de deux manières complémentaires (DV 10). Cherchons à présent à

comprendre ce que signifie le terme magistère dans la vie de l’Église.

Le terme désigne une autorité dans un domaine déterminé. Ici il s’agit du domaine de

l’enseignement. « Magisterium » (magister), magis ; Il indique la position d’autorité et de

supériorité d’une personne ou d’une instance par rapport à d’autres personnes ou instances qui

lui sont subordonnées. Ce terme qui connaîtra une définition restrictive avec Vatican I,

spécialement avec le Pape Pie XII qui le réduire au magistère papal en ce qui concerne la

proclamation des dogmes (1950 : assomption de Marie).

Vatican II redonne au magistère toute sa dimension historique et réhabilite en même

temps le Peuple de Dieu comme sujet uni au Christ. Vat II posera au moins les principes d’une

définition et d’un usage plus différencié du magistère :

- Vat II remet le peuple de Dieu en l’honneur, le magistère « ne peut faillir dans la foi » quand

« les évêques aux derniers des fidèles laïcs » réunit ensemble, exprime dans le magistère leur

accord universel en matière de foi et de mœurs (LG 12),- Le sujet du magistère suprême est le Pontife romain inséparable de la collégialité épiscopale,

et cela au service de la Parole de Dieu (DV 10 ; LG 25),- Nécessité d’une ouverture du travail théologique (GS 44, 62).

On comprend alors désormais le magistère comme la charge collégiale des évêques,

unis au Pontife romain, en vue d’annoncer l’Évangile « à temps et à contre temps » et

d’exercer l’autorité nécessaire pour que celui-ci soit annoncé partout correctement.

1. La Triple forme de magistèreLe magistère ecclésiastique se catégorise en trois niveaux :

Le magistère ordinaire Le magistère ordinaire et universel Le magistère solennel ou extraordinaire

Cette distinction entre le magistère ordinaire tout court et le magistère ordinaire et

universel fut l’œuvre du concile Vatican I pour éviter la confusion entre l’enseignement papal,

quand il le fait seul, on parle de « magistère ordinaire », mais quand il s’agit de

l’enseignement concordé de l’ensemble des évêques, « cum et sub Petro », réunis au concile

71 Cf. PIE XII, Mystici Corporis, 1943.

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œcuménique72, on parle alors de,« magisterium ordinarium totius Ecclesiae per orbem

dispersae »73, magistère ordinaire et universel.

a. Le magistère ordinaire

Ce magistère enseigne, soit de mode expresse, soit de mode tacite. Il est de droit divin

et est constitué de Pontife romain (successeur de Pièrre) et des Évêque (successeur des

apôtres)74. Ce magistère ordinaire est constitué des Évêques et de Pontife romain comme nous

l’avons dit ci-haut :

- Les premiers exercent leur magistère ordinaire par la prédication, les lettres synodales, les

mandements, la vigilance doctrinale, le synode diocésain ou concile particulier. Leur

magistère n’est pas infaillible. Si les évêques en communion avec le siège romain tiennent une

vérité appartenant à la foi comme vraie, cette vérité de facto est infaillible. - Le second, le Pape quant à lui exerce son magistère ordinaire soit par lui-même, soit par ses

auxiliaires de droit ecclésiastique : Par lui-même : par les encycliques, constitutions apostoliques, les discours et les lettres ou des

brefs. À partir de Grégoire XVI et surtout ave PIE IX, les encycliques sont devenues la forme

la plus caractéristique d’exercice de magistère romain, plus adapté au monde moderne.

72 DH 3011 ; on peut aussi lire le Can 1323, 1 de 1917.

73 DH 2879.

74Cf Can 753 : « Les Évêques qui sont en communion avec le chef du Collège et ses membres, séparément ou réunis en conférences des Évêques ou en conciles particuliers, bien qu’ils ne jouissent pas de l’infaillibilité quand ils enseignent, sont les authentiques docteurs et maîtres de la foi des fidèles confiés à leurs soins ; à ce magistère authentique de leurs Évêques, les fidèles sont tenus d’adhérer avec une révérence religieuse de l’esprit ». Nous noterons que ce canon traite également du magistère authentique : non de celui des actes de magistère du Pontife romain ou du collège épiscopal, mais de celui de chacun des évêques et de celui des conférences des évêques ou des conciles particuliers. Il importe de remarquer, en accord avec LG 25, qu’une communion doit exister entre ce magistère et celui du pape. C’est pourquoi le magistère du pape est un point de référence pour assurer la caractéristique évangélique de la prédication des pasteurs. Nous pouvons préciser, avec des mots empruntés au prologue de laConst. dogmatiquePastor æternus du Concile Vatican I, que la prédication du pape a pour finalité « que l’épiscopat soit lui-même un et indivis et que, grâce à cette cohérence interne du sacerdoce, la multitude universelle des croyants conserve l’unité de foi et de la communion » (Acta Sanctæ Sedis 6 [1870-1871] 40-47 ; D 3051).

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Par ses auxiliaires de droit ecclésiastique : ces sont les dicastères de la Curie romaines

(Congrégations, Conseils, Tribunaux… Cf. DH 2880). L’autorité des documents émane ou de

fait que ces dicastères sont dirigés par le collège des cardinaux75 ou ils ont l’approbation du

pape soit « in forma communi »76, le document approuvé reste un acte de la congrégation, soit

« in forma specifica »77, l’acte ainsi approuvé devient un acte papal au sens strict, engageant

l’autorité personnelle du Souverain Pontife.b. Le magistère ordinaire et universel

C’est ce que tout l’épiscopat soutient unanimement et en communion avec le siège romain

comme une vérité appartenant à la foi ou à la morale, qui doit être considérée comme telle et

retenu comme définitive78. c. Le magistère extraordinaire

75 Can 349 : « Les Cardinaux de la Sainte Église Romaine constituent un Collège particulier auquel il revient de pourvoir à l’élection du Pontife Romain selon le droit particulier ; les Cardinaux assistent également le Pontife Romain en agissant collégialement quand ils sont convoqués en corps pour traiter de questions de grande importance, ou individuellement, à savoir par les divers offices qu’ils remplissent en apportant leur concours au Pontife Romain surtout dans le soin quotidien de l’Église tout entière ».

76 Il s’exprime à travers les paroles de mandato Summi Pontificis, facto verbo cum Santissimo o simili. Ainsi approuvé, un tel document restera un acte de dicastère particulier.

77Ces documents sont annoncés sous une formule particulière comme : Motu proprio, certa scientia, de apostolica auctoritatis plenitudine declaramus, non obstante qua cumque lege seu consuetudine in contrarium. Un acte ainsi approuvé devient un Acte papal au sens strict de mot, qui engage l’autorité personnel de Souverain Pontife.

78 DH 2879 ; LG 25 ; Can 749 § 2 : « Le Collège des Évêques jouit lui aussi de l’infaillibilité dans le magistèrelorsque les Évêques assemblés en Concile Œcuménique exercent le magistère comme docteurs et juges de la foi et des mœurs, et déclarent pour l’Église tout entière qu’il faut tenir de manière définitive une doctrine qui concerne la foi ou les mœurs ; ou bien encore lorsque les Évêques, dispersés à travers le monde, gardant le lien de la communion entre eux et avec le successeur de Pierre, enseignant authentiquement en union avec ce même Pontife Romain ce qui concerne la foi ou les mœurs, s’accordent sur un point de doctrine à tenir de manière définitive ».

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On l’appelle ainsi p.c.q elle entre en action dans des circonstances exceptionnelles,

surtout pour aviser à une situation critique ou déclarer la foi de l’Église contre des hérésies.

Souvent elle aboutit à des définitions solennelles c'est-à-dire à un jugement formel et définitif

porté sur un point précis en matière de doctrine. C’est le fait soit du concile œcuménique, soit

du Pape quand il parle ex cathedra79.

- Concile œcuménique : nous noterons de prime abord que les conciles constituent un fait

historique de la vie de l’Église. Les premiers conciles œcuméniques furent convoqués soit par

les Empereurs, soit sous la demande des Papes. C’est à partir du IXème s. qu’on appellera

conciles œcuméniques seulement ceux qui sont convoqués par les Papes et dirigés par lui ou

ses délégués et approuvés par le Pape. On distingue les conciles particulier et universel ou

œcuménique. Le premier peut être diocésain, provinciaux et nationaux ; le second est

l’assemblée solennelle des évêques de tout l’univers réunis à l’appel, sous l’autorité et sous la

présidence du Pontife romain, pour délibérer et légiférer en commun sur des choses qui

intéressent la chrétienté, - Le Pape parlant ex cathedra : Une telle déclaration du Pape ex cathedra est infaillible. Mais il

faut pour cela que soit réunis les conditions suivantes : que le Pape parle en docteur et pasteur

universel ; qu’il s’adresse à toute l’Église en manifestant son intention de l’obliger ; qu’il

engage la plénitude de son autorité ; qu’il veuille juger définitivement un point concernant la

foi ou les mœurs.

2. Les déclarations de magistère

Le « Acta Apostolicae Sedis » que nous avons après la promulgation de CIC de 1983,

nous donne plus de vingt types divers d’expression de Pape Jean Paul II avec ceux de son

prédécesseur Paul VI. Nous avons ainsi une variété des textes qui va des solennelles

constitutions apostoliques aux messages de félicitations. Les différentes configurations de ces

différents actes démontrent aussi leur teneur et surtout l’importance que le Souverain Pontife

leur accorde.

a. La solennelle profession de foi

79 Can 749§ 1 : « Le Pontife Suprême, en vertu de sa charge, jouit de l’infaillibilité dans le magistère lorsque, comme Pasteur et Docteur suprême de tous les fidèles auquel il appartient de confirmer ses frères dans la foi, il proclame par un acte décisif une doctrine à tenir sur la foi ou les mœurs ».

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Durant la cérémonie de clôture, le 30 Juin 1968, de l’année de la foi (1967-1968), le

Pape Paul VI avait prononcé une nouvelle et solennelle forme de profession de foi catholique,

se référant aux dogmes et doctrines qui constituent la vie de l’Église. Cette confession n’est

pas à classer parmi les catégories des documents légaux. Il n’y a pas eu des prescriptions

relatives pour l’utilisation publique de cette formule. Cette formule est plus restée pour les

études et les enseignements dans l’Église.

b. La décrétale

Elle n’est rien d’autre que la lettre que le pape écrite en réponse à des consultations sur

des questions disciplinaires,administration, elle peut aussi être un acte papal pour la

canonisation d’une personne80. Avec toutes les discussions que le monde théologique a

connues concernant l’infaillibilité en ce qui concerne la canonisation, on retient pourtant que

la canonisation constitue un acte de magistère extraordinaire du Saint Père qui requiert foi et

obéissance de la part des fidèles.

c. Les Encycliques

De part ses premiers destinataires, elles sont des lettres envoyées par le pape à tous les

évêques (ou parfois à ceux d'une seule nation), généralement pour rappeler la foi de l'Église à

propos d'un problème d'actualités. Mais avec le Pape Jn Paul II, ces actes papaux seront

adressés au monde entier81, elles ne serviront pas pour définir un dogme, elles chercheront à

donner des conseils sur certains aspects doctrinaux compte tenu de certaines circonstances

spécifiques des divers pays.

Les propositions de magistère ne sont pas des propositions appartenant au dépôt de la

révélation, mais elles appartiennent à la doctrine catholique82. L’encyclique constitue

l’expression de l’autorité de magistère ordinaire de Pape, à moins que son contenu déclare le

80 Nous citerons par exemple « Et ego » (16 Juin 2002) concernant la canonisation de Padre Pio de Pietrelcina (Capucin) (AAS 95, 2003) ; « Exalta vit humiles » (31 Juillet 2002) concernant la canonisation de Jean Diego Cuauhtlatoatzin (AAS 95, 2003) ; « Domine, ut videam (6 Octobre 2002) concernant la canonisation de José Maria Escrivá de Balaguer (AAS 95, 2003)…

81 « Sollicitudo rei socialis » (30 Déc 1987) ; « Veritatissplendor » (6 Août 1993) “Evangelium vitae” (25 Mars 1995); “Ecclesia de Eucharistia” (17 Avril 2003)...

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contraire. Autrefois certaines lettres circulaires des diverses congrégations furent considérées

comme des Encycliques, considération disparue depuis belle lurette.

d. Les Lettres apostoliques

Contrairement aux lettres encycliques, les lettres apostoliques sont destinées à des

catégories particulières des personnes ou à un groupe précis d’évêques, à un groupe des

catholiques.

e. Les Exhortations apostoliques Post-synodaux

Ce sont les documents que les Papes écrivent fréquemment comme exhortation

apostolique. Souvent les Papes, en particulier avec Jean Paul II, écrivent ces documents après

les assises d’une assemblée de synode des évêques pour proposer officiellement les

enseignements de synode. On note une série des Exhortations apostoliques publiées soit selon

les différents thèmes, soit comme résultante des synodes convoqués selon les critères

géographiques83.

f. allocutions durant le consistoire

Même si une allocution de Pape n’est pas nécessairement un texte légal, nous noterons une

exception à l’allocution du Pape Paul VI durant le consistoire du 5 Mars 1973. Le Pape va

parler de collège cardinalice, d’associer d’autres personne à ce collège, chose que ni la

constitution apostolique romaine (1 Oct 1975), ni la constitution apostolique Universi

82Cf PIE XII, Humani generis, 12 Août 1950, in AAS 42.

83 À titre illustratif, nous pouvons noter : l’Exhortation apostolique Reconciliatio et paenitentia (2 Déc 1984), publiée après le synode de 1983 qui a étudié la situation de sacrement de la réconciliation dans l’Église. L’exhortation Apostolique Christi fideles laici (30 Déc 1988) publiée après le synode tenu en 1987 sur les laïcs. L’Exhortation apostolique Pastores gregis (16 Oct 2003), elle fut publiée sur l’évêque serviteur de l’Évangile de Jésus Christ, suite au synode qui a eu lieu en 2001 sur le même thème. L’Exhortation Apostolique Ecclesia in Africa (1995) publiée suite au synode tenu sur l »Église en Afrique et sa mission évangélisatrice vers 2000. L’Exhortation Apostolique Ecclesia in Europa (28 Juin 2003) reprend les conclusions de synode des évêques, qui avait traité au court de synode, la situation de l’église en Europe.

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Dominici gregis (22 Fév 1996) concernant la vacance de siège apostolique n’avaient tenter de

prendre une telle considération.

g. Constitutions Apostoliques

Elles constituent la forme la plus solennelle de document légal qu’un Papa peut publier

en son nom propre. Elles abordent plus des problèmes doctrinaux ou disciplinaires. Ces actes

papaux concernent l’Église universelle ou une Église particulière, dans le cas par exemple de

l’érection d’un diocèse, la création d’une province ecclésiastique. Souvent les constitutions

Apostoliques sont publiées en forme de bulle et signées par le secrétariat d’État, les plus

importantes sont toujours signées le Pape lui-même. La dernière Constitution Apostolique

signée par le chancelier fut sous le Pape Paul VI par le Card. Luigi Traglia. Le Pape Paul VI

supprimera cette pratique pour réserver la signature des Constitutions Apostoliques seulement

par le Pape.

Nous pouvons citer une des Constitutions Apostoliques à caractère dogmatique qui a

beaucoup influée sur la foi de l’Église, c’est le « Munificentissimus Deus » (1Nov 1950).

Cette constitution Apostolique publiera solennellement la glorification de Marie, son

assomption au ciel avec son âme et son corps. La grande réforme liturgique postconciliaire fut

publiée en forme des Constitutions Apostoliques84. Le nouveau code de droit canon fut aussi

publié par une Constitution Apostolique85. Il aura beaucoup d’autres Constitutions

Apostoliques qui seront publiées, à caractère dogmatique ou disciplinaires. Nous citerons pour

terminer la Constitution Apostolique « Fideidepositum » (11 Oct 1992) : qui concerne la

publication de catéchisme de l’Église Catholique.

h. Motu proprio

Le Motu proprio est la source la plus commune pour la législation canonique. Le Motu

proprio est une lettre apostolique écrite par le Pontife romain par sa propre initiative.

Originairement un Motu proprio est écrit pour les affaires de la Curie romaine ou en rapport

84 Nous pouvons citer à propos : « Pontificalis romani (18 Juin 1968) : dans laquelle furent approuvés les nouveaux rites pour les ordinations diaconales, presbytérales et épiscopales. « Sacramunctionem infirmorum (30 Nov 1972) : concernant le sacrement de l’onction des malades. « Missale romanum (3 Avril 1969) : publiait le Missel romain rénové sous ordre de concile œcuménique Vatican II.

85 Cf. « Sacrae disciplinae legis (25 Janv 1983).

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avec l’administration de l’État papal. Le Motu proprio sera plus un document légal. Alors que

les Encycliques et les autres lettres papales sont destinées à une certaine catégorie de

personnes, le Motu proprio pourtant est destinée à toute l’Église.

Les documents de concile Vatican II exerçant une grande influence sur la vie de

l’Église, fait partie de magistère qui oriente et dirige la pensée et la vie de l’Église. Ces

documents sont préparés et approuvés en quatre divers types des documents : constitutions,

décrets, déclarations et messages. Il est difficile à l’étape actuelle de choses d’établir avec

précision pourquoi ces documents sont ainsi classifiés. Mais ce que nous pouvons observer

que les quatre Constitutions destinées à toute l’Église, sont divisées de la manière suivante :

deux dogmatiques, une pastorale, et une autre sans une quelconque qualification spéciale. Les

neuf décrets sont destinés d’une manière spécifique à une catégorie des fidèles ou à un type

d’apostolat. Les trois déclarations sont les documents qui rapportent l’enseignement de

l’Église sur certaines questions controversées et déterminantes. Les messages sont des

exhortations destinées à des diverses catégories de personnes.