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1 Conditions de mise en oeuvre des mesures d'instruction en matière civile Colloque de l'association française de droit de l'informatique et de la télématique Paris, le 26 octobre 2012 Par Vincent Vigneau Premier vice-président au tribunal de grande instance de Nanterre Professeur associé à l'université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines INTRODUCTION Les rôles respectifs du juge et des parties dans la détermination de l’objet du litige L’article 5 du code de procédure civile, selon lequel « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé » transcrit en termes processuels la prohibition du déni de justice énoncée à l’article 4 du code civil, tout en posant les limites de son intervention. Si le juge a l’obligation de trancher tous les points en conflit conformément aux règles de droit, au besoin en donnant ou restituant aux faits et actes litigieux leur exacte qualification (article 12), encore doit-il scrupuleusement veiller à ne pas aller au delà de l’objet du litige, déterminé, selon l’article 4 du code de procédure civile, «par les prétentions des parties », lesquelles ont, en vertu de l’article 6, la charge d’alléguer les faits propres à les fonder. Ainsi se dessine la répartition des rôles que traduit l’adage « Da muhi factum, dabo tibi jus », (Donne-moi le fait, je te donnerai le droit). Si le juge, tenu de dire le droit, dispose du pouvoir de rechercher l’exact fondement juridique applicable au litige, l’étendue de son office est délimitée par l’allégation factuelle opérée par les parties. Celles-ci disposent ainsi d’un véritable monopole quant à la détermination de l’objet matériel du procès. Il en découle que « le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat » (art. 7 cpc) et qu’il lui est interdit de faire état de sa connaissance personnelle des faits. S’il peut toutefois prendre en considération des faits présents dans les débats mais que les parties n’auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions, il ne s’agit pas d’une obligation, de sorte qu’il ne peut lui être fait

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Conditions de mise en oeuvre des mesures d'instruction en matière civile

Colloque de l'association française de droit de l'informatique et de la télématique

Paris, le 26 octobre 2012

Par Vincent Vigneau Premier vice-président au tribunal de grande instance de Nanterre

Professeur associé à l'université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines

INTRODUCTION

Les rôles respectifs du juge et des parties dans la détermination de l’objet du litige L’article 5 du code de procédure civile, selon lequel « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé » transcrit en termes processuels la prohibition du déni de justice énoncée à l’article 4 du code civil, tout en posant les limites de son intervention. Si le juge a l’obligation de trancher tous les points en conflit conformément aux règles de droit, au besoin en donnant ou restituant aux faits et actes litigieux leur exacte qualification (article 12), encore doit-il scrupuleusement veiller à ne pas aller au delà de l’objet du litige, déterminé, selon l’article 4 du code de procédure civile, «par les prétentions des parties », lesquelles ont, en vertu de l’article 6, la charge d’alléguer les faits propres à les fonder. Ainsi se dessine la répartition des rôles que traduit l’adage « Da muhi factum, dabo tibi jus », (Donne-moi le fait, je te donnerai le droit). Si le juge, tenu de dire le droit, dispose du pouvoir de rechercher l’exact fondement juridique applicable au litige, l’étendue de son office est délimitée par l’allégation factuelle opérée par les parties. Celles-ci disposent ainsi d’un véritable monopole quant à la détermination de l’objet matériel du procès. Il en découle que « le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat » (art. 7 cpc) et qu’il lui est interdit de faire état de sa connaissance personnelle des faits. S’il peut toutefois prendre en considération des faits présents dans les débats mais que les parties n’auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions, il ne s’agit pas d’une obligation, de sorte qu’il ne peut lui être fait

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grief de ne pas l’avoir fait1. De même, si l’article 8 l’autorise à inviter les parties à fournir les explications de fait qu’il estime nécessaire, il ne s’agit là encore que d’une simple faculté laissée à son pouvoir discrétionnaire et il ne peut lui être reproché de n’avoir pas exercé2. La contrepartie de ce monopole conféré aux parties est l’obligation qui leur est faite d’invoquer les faits propres à justifier leurs prétentions, de sorte qu’une demande en justice doit être rejetée si les faits allégués ne sont pas de nature à la fonder3. L’obligation d’invoquer les faits se poursuit sur le terrain de la preuve ; complétant l’article 6, l’article 9 énonce que « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».Ce texte traduit dans le droit processuel les règles de preuve découlant de l’article 1341 et prolonge logiquement la règle découlant de l’article 6. Suivant la charge de l’allégation, la charge de la preuve du fait incombe à la partie qui l’invoque. Pour autant, le juge n’est pas, sur ce terrain, aussi démuni qu’il l’est lorsqu’il s’agit d’invoquer le fait. On enseigne certes traditionnellement que la procédure civile est d’inspiration accusatoire4. C’est-à-dire que, contrairement à la procédure pénale, présentée comme étant de type inquisitoire, elle n’investit pas le juge d’un rôle actif dans la recherche des preuves. Schématiquement, le juge demeure passif dans le cours de la procédure. C’est sur les parties en litige que repose la charge de lui soumettre les faits, de rechercher les preuves et de mener l’instruction de l’affaire. Les articles 2, 6 et 9 du code de procédure civile expriment parfaitement cette idée. Il serait cependant trop simpliste d’opposer de façon aussi schématique les procédures civile et pénale. En réalité, il n’existe pas de procédure purement accusatoire ou purement inquisitoire. Si, devant les juridictions civiles ou commerciales, la procédure est plutôt accusatoire, de nombreuses dispositions en tempèrent bien des aspects. Depuis la promulgation, en 1973, du nouveau code de procédure civile, le rôle du juge s’accroît en effet. L’idée se développe que sa mission ne se limite pas à trancher le litige tel qu’il lui est présenté par les parties mais aussi de veiller au bon déroulement du procès. L’article 3 du nouveau code de procédure civile, selon lequel « le juge veille au bon déroulement de l’instance ; il a le pouvoir d’impartir des délais et d’ordonner les mesures nécessaires » illustre cette évolution. Le procès civil n’est donc plus la seule chose des parties ; il met en cause le fonctionnement d’un service public de l’État. En sa qualité de décideur public, le juge doit veiller à la meilleure utilisation des deniers publics et au bon fonctionnement du service dont il a la charge. Il est donc légitime qu’il puisse avoir prise sur le déroulement de l’instance et ordonner les mesures qui

1 Soc. 6 janvier 1961, Bull. civ. Y n0 12 2 2eme civ. 12 octooblre 2006, Bull. civ. II n° 267 3 2eme civ. 24 mars 1971, Bull. II n° 130 4 S. Guinchard, F. Ferrand, Procédure civile, « Précis Dalloz », 2006, 28e éd., no 55 – L. Cadiet, E. Jeuland, Droit judiciaire privé, Litec, 2006, 5e éd., no 12 –

J. Héron, T. Le Bars, Droit judiciaire Privé, Domat - Montchrestien, 3e ed., 2006, no 245 s.

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s’imposent pour en améliorer le flux. C’est même, à bien des égards, une obligation qui, en cas de carence, peut être sanctionnée par la condamnation de l’État à verser des dommages intérêts, par exemple lorsqu’une instance ne trouve pas son issue dans un délai raisonnable5. Dans la majorité des cas, les tribunaux jugent à partir des seuls éléments produits par les parties. Il peut s’agir d’écrits divers (contrats, correspondances, devis, factures, désormais aussi des écrits électroniques6), d’attestations rédigés par des témoins, de constats d’huissier de justice réalisés à la demande des parties ou d’expertises amiables. Mais il faut bien se rendre compte qu’on ne pourrait se satisfaire d’un système qui abandonnerait entièrement la preuve à l’initiative privée des parties. On ne saurait, en premier lieu, ignorer les conditions dans lesquelles sont établis ces éléments de preuve ; en particulier, la façon dont sont recueillis les témoignages par le biais des attestations peut susciter des réserves et on est souvent surpris de constater, lorsque le juge prend l’initiative d’entendre lui-même les témoins, ce qu’il fait malheureusement trop peu souvent, que la réalité décrite par écrit dans une attestation rédigée à la demande d’une partie diffère de celle exprimée à la barre du tribunal, après serment prêté… De la même façon, on peut être circonspect sur les conditions dans lesquelles a pu se dérouler une expertise privée diligentée à l’initiative d’une seule partie. Quelle est la compétence de l’expert ? Quelles garanties d’indépendance présente-t-il ? Les opérations d’expertise se sont-elles déroulées dans des conditions qui garantissent sa fiabilité ? Il faut aussi tenir compte de l’inégalité dans laquelle peuvent se trouver deux parties au procès. Si, par exemple, un laboratoire pharmaceutique dispose des moyens scientifiques pour démontrer l’innocuité du vaccin qu’il fabrique, le patient contaminé à la suite d’une vaccination n’est bien évidemment pas en mesure seul de démontrer le contraire. Un procès, c’est parfois le pot de terre contre le pot de fer. Le développement des réseaux électroniques pose avec une acuité encore jamais atteinte les questions de la fiabilité et de l'accessibilité de la preuve, On comprend donc que, pour toutes ces raisons, l’État, personnifié dans la fonction du juge, doit pouvoir contribuer à la recherche de la vérité au cours du procès civil. C’est ainsi qu’immédiatement après l’article 9, les rédacteurs du nouveau code de procédure civile ont inséré un article 10 qui confère au juge « le pouvoir d’ordonner d’office toute mesure d’instruction, légalement admissible ». La règle ainsi énoncée se retrouve à l’article 143 aux termes duquel « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible ».

Dualité procédurale des mesures d’instruction confiées à un technicien. Une mesure d’instruction n’est pas une fin en soi. Elle est destinée à apporter à un juge un éclairage sur une question de fait sur laquelle s’opposent les parties. En ce sens, elle est subordonnée à l’existence préalable d’un procès. C’est la raison pour laquelle, en principe, une mesure 5 Par ex. Civ. 2e, 24 mars 2005, no 03-15.791, Bull. civ. II, no 78 – CA Paris, 20 janv. 1999, D. 1999, IR p. 125. 6 Par ex. pour des SMS : soc. 23 mai 2007, pourvoi n° 0643209, Bull. civ. V n° 85n D 2007, jur. 2284 note C. Castets-Renard et 2000. Pan 2829, spec. 2822 obs. T.

Vasseur, RTDT 2007.530 obs. R. de Quenaudonn RTDCiv 2007n 776 obs. B. Fagesn Civ. 1ere 17 juin 2009, pourvoi n° 0721796, Bull.civ. I n° 132, D 2009, AJ. 1758, obs. V. Egea ; AJ fam 2009.298, obs. S. David, RTDciv 2009. 514, obs. Hauser

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d’instruction ne peut être ordonnée qu’au cours d’une instance à laquelle elle demeurera attachée, à titre incident. Cependant, depuis la réforme de 1973, le code de procédure civile permet aux parties, sous certaines conditions, d’introduire une action en justice uniquement pour obtenir d’un juge qu’il ordonne une mesure d’instruction à titre principal, alors même qu’aucun procès n’oppose encore les parties. Ainsi, l’article 145 du code de procédure civile ouvre la faculté à une parties de demander à un juge qu’il ordonne une mesure d’instruction s’il justifie d’un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve dont pourrait dépendre la solution d’un litige. On parle alors de mesure in futurum7. Les titulaires d'un droit de la propriété intellectuelle se voient offrir,par divers textes du code de la propriété intellectuelle (articles L. 332-1 L. 332-4, L. 521-4, L. 615-5 L. 623-27 et L. 623-27-1 du CPI), la possibilité, en outre, d'obtenir de façon unilatérale des mesures provisoire destinées à la fois à établir la preuve de faits destinés à être invoqués en justice, mais encore à faire cesser ou prévenir l'atteinte à leur droits. I Les mesures d'instruction in futurum prévues par le code de procédure civile A conditions générales propres à toutes mesures d'instruction Toute mesure d’instruction doit être légale, utile et pertinente. Il est donc important de préciser que si l’article 143 du code de procédure civile prévoit que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible », il ne s’agit cependant pas d’une faculté discrétionnaire. Elle est au contraire soumise à une triple condition : elle doit être légale, utile et pertinente. 1°/ Une mesure légalement admissible. En premier lieu, l’article 143 précise in fine que seules peuvent être ordonnées des mesures légalement admissibles. Le juge ne peut donc ordonner une mesure qui aboutirait à l’obtention irrégulière d’un moyen de preuve, notamment par l’utilisation de moyens interdits, comme par exemple des écoutes téléphoniques, une violation du secret des correspondances, la réalisation d’un constat en dehors des heures légales8 ou comporterait une atteinte à un principe fondamental9, comme, par exemple, l’intimité de la vie privée, un secret professionnel ou un secret de fabrique.10 A cet égard, il a été admis que ne constituaient pas des atteintes illicites à l'intimité de la vie privée la mission donnée à un huissier de justice de procéder à un constat d’adultère à la demande d’un époux11 (ou d’un constat réalisé chez un tiers12) et l’examen comparé des 7 Michel Jeantin, « Les mesures d’instruction in futurum », D. 1980, chron. p. 205 – I. Despres, Les mesures d’instruction in futurum, Dalloz, ed. 2004. 8 Com. 30 avr. 1951, Bull. civ. IV, no 153. 9 Civ. 2e, 8 févr. 2006, no 05-14.198, Bull. civ. II, no 44. 10 G. Bourgeois, P. Julien, M. Zavaro, La pratique de l’expertise judiciaire, Litec, no 154. 11 Civ. 2e, 5 juin 1985, no 83-14.268, Bull. civ. II, no 111. 12 Civ. 1re, 18 nov. 1992, no 90-19.368, Bull. civ. I, no 285 ; LPA 23 juin 1993, no 75, p. 27, note J. Massip.

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sangs en vue d'une action en contestation de reconnaissance13. Droit à la preuve et droit au secret 14 – Jurisprudence de la Cour de cassation. La conciliation de la protection de secrets légalement protégés avec celle des droits de la partie qui sollicite une mesure d’instruction est délicate. Il en est ainsi, avec des intensités variables, avec le secret des affaires, le secret bancaire, le secret des correspondances ou le respect de l'intimité de la vie privée.

La Cour de cassation a ainsi jugé qu’une demande d’expertise pouvait être refusée si elle aboutissait immanquablement à mettre la partie demanderesse en possession des secrets de fabrication de la partie adverse15. De même:

− justifie son refus d’ordonner une expertise sollicitée, en application de l’article 145 du code de procédure civile, pour déterminer « tous faits susceptibles de caractériser des actes de concurrence déloyale » commis par une société créée par des anciens employés de la société demanderesse, la cour d’appel qui a constaté l’absence d’intérêt légitime de la demanderesse après avoir relevé notamment que l’expertise demandée aurait permis à la société demanderesse de connaître, malgré le secret des affaires, la structure commerciale de sa concurrente16.

− le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée, laquelle implique en particulier le secret des correspondances, en sorte que l'employeur ne peut, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, même au cas où il aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur17.

Il n’est donc pas étonnant que la haute juridiction fasse preuve de prudence en ce domaine et se montre exigeante à cet égard envers les juges du fond. Pour autant, la Cour de cassation ne prohibe pas, par principe, le recours à une mesure d’instruction destinées à obtenir des éléments normalement couverts par le secret de la vie privée et des correspondances. Faisant la balance entre des droits contraires mais également protégés, le droit de rapporter la preuve d'un fait essentiel pour le succès de ses prétentions18 d'une part, celui de protéger son 13 Civ. 1re, 4 mai 1994, no 92-17911, Bull. civ. I, no 159. 14 S. Pierre-Maurice, « Secret des affaires et mesures d’instruction in futurum », D. 2002, 3131, A. Laccabarats, Les procédures d’urgence en droit

des affaires, Bull. Joly Sociétés 2008, p 917 15 Civ. 2e, 14 mars 1984, no 82-16.876, Bull. civ. II, no 49. 16 Com. 5 janv. 1988, no 86-15.322, Bull. civ. IV, no 7; D. 1989, 354, note Virassamy. 17 Soc 12 octobre 2004, pourvoi n° 0240392, Bull. civ. V n° 245 18 Com 15 mai 2007n° 0610606, Bull. Civ. IV n° 130; D 2007, 1605 et 2771, obs. A. Lepage, Just. & Cass. 2008.205, Conférence G. Tapie; RTD civ 2007. 637, obs. R.

Perrot et 753, obs. J. Hauser

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intimité ou le secret des affaires d'autre part, elle reconnaît l'existence d'un « droit à la preuve »19 permettant l'accès à des informations confidentielles, suivant en cela le chemin tracé par la Cour européenne des droits de l'homme pour qui le droit de chaque partie à l'instance « de se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause – y compris ses preuves » fait partie du droit au procès équitable20. Mais si la Haute juridiction admet le recours à des mesures d'instruction ou la production de pièces pouvant porter atteinte à des secrets protégés, c'est à la condition que leur exercice soit « indispensable et proportionné aux intérêts antinomiques en présence 21 ». Le secret des affaires ou des correspondances ne constitue donc pas en eux-même un obstacle à la mise en oeuvre de mesures d'instruction, dès lors que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime 22 et sont indispensables23 à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées24. Ce n'est pas le cas, par exemple, d'un constat de concubinage de son créancier sollicité par le débiteur d’une pension alimentaire en vue d’obtenir la révision de la pension25 . De même, il a été jugé qu'une autorité religieuse était fondée à invoquer un motif légitime pour refuser la communication d’une procédure en annulation de mariage devant une juridiction ecclésiastique à l’une des parties entendant faire état, dans une procédure de divorce pour faute, des déclarations, prétendument injurieuses pour elle, faites par l’autre devant cette juridiction, dès lors que ces pièces se rapportaient à des faits concernant la vie privée et n’étaient parvenues à la connaissance de l’autorité religieuse qu’en raison de la confiance qui lui avait été accordée26. En revanche, il a été admis : - qu’un employeur peut justifier d’un intérêt légitime à obtenir la désignation d’un huissier de justice chargé d’accéder aux données contenues dans l’ordinateur mis par lui à la disposition de son salarié et à prendre connaissance, pour en enregistrer la teneur, des messages échangés par l’intéressé avec deux personnes identifiées, étrangères à l’entreprise et avec lesquelles il lui prêtait des relations constitutives, à son égard, de manœuvres déloyales tendant à la constitution d’une société concurrente, même si une telle

19 1ere civ. 5 avril 2012, pourvoi n° 1114177, à paraître au bulletin, D 2012 p 1596 note G. Lardeux 20 CEDH 10 octobre 2006n° 7508/02 L.L. c/France, RTDCiv 2007, 95, obs. J. Hauser, eg. CEDH 13 mai 2008 n°65097/01, D 2009, p 2714, obs. T. Vasseur; RTDciv

2008, 650, obs. J.-P. Margénaud; JCP 2008, I, 167 n° 13 obs. F. Sudre, 21 1ere civ 5 avril 2012 op.cit. 22 Civ. 2e, 7 janv. 1999, no 95-21.934, Bull. civ. II, no 4; Procédures 1999, no 60, obs. Perrot; D. Affaires 1999, 19, note V.A.R.; LPA 9 mars 2000, 17,

note Mathey; Droit et procédures 2006/4, 216, obs. Fricero. 23 Et non plus seulement « necessaire » comme il était auparavant retenu notamment in Civ. 2eme 7 janvier 1999 op. cit 24 Civ. 2eme 6 mai 2010, pourvoi n° 0915199, inédit, Soc. 10 juin 2010, pourvoi n° 0619229, Bull. civ. V n° 129 25 CA Douai, 25 avr. 1991, D. 1993, somm. 129, obs. Everaert. 26 Civ. 2e, 29 mars 1989, no 88-10.336, Bull. civ. II, no 88; D. 1990, 45, note M. Robine; JCP 1990, II, 21586, note Fr. Bouscau.

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mesure avait pour effet de donner à l’employeur connaissance des messages personnels envoyés et reçus par ce salarié27 ; Dans un arrêt ultérieur, la chambre sociale a précisé que la copie des messages se trouvant sur l’ordinateur du salarié devait se faire en présence du salarié ou celui-ci dument appelé.28 - que l'employeur ayant la charge de rapporter la preuve que le salarié dont il envisage la mise à la retraite remplit les conditions pour en bénéficier et cette preuve ne pouvant résulter que d'un relevé de carrière que le salarié est seul à pouvoir détenir, il justifie d’un motif légitime, au sens de l'article 145 du code de procédure civile, d'obtenir qu’il soit ordonné à ce dernier la communication de ce document29 ; - que méconnaît les dispositions des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel qui retient que la production en justice de pièces relatives à la santé du dirigeant d'une société constitue une atteinte à la vie privée de celui-ci sans rechercher si cette atteinte pouvait être justifiée par l'exigence de la protection des droits de la défense de la société et de ses actionnaires et restait proportionnée au regard des intérêts antinomiques en présence30. - qu'un employeur peut être tenu de communiquer le domicile de son salarié dès lors qu’une telle communication a pour but la sauvegarde d’un droit légalement reconnu ou judiciairement constaté31, notamment dans l’hypothèse où le salarié a dissimulé son domicile dans le seul dessein de se dérober à l’exécution de ses obligations et de faire échec aux droits de ses créanciers32,

Analyse. La nécessité de démontrer le caractère indispensable de la mesure probatoire.ll en ressort d'abord que la démonstration de l’utilité probatoire de la mesure pour le demandeur doit se doubler de la démonstration de son caractère indispensable à la protection de ses intérêts juridiquement protégés. Cette double démonstration, qui justifie de passer outre le secret légalement protégé, suppose ainsi du demandeur non seulement qu’il établisse l’existence de faits de nature à justifier la mesure d’instruction propre à faire la preuve du fait qui lui reste dissimulé et dont le caractère confidentiel est protégé par la loi, mais aussi qu'il ne dispose pas d'autre moyen d'accéder à la connaissance de ce fait. Autrement dit, l’atteinte à un secret légalement protégé ne se justifie que parce que le demandeur aura pu articuler une série de faits de nature à rendre à la fois crédibles ses allégations et indispensable la mesure sollicitée pour se ménager la preuve des faits pertinents. En somme, on ne se suffit pas du

27 Soc. 23 mai 2007, no 05-17.818, Bull. civ. V, no 84; D. 2007, AJ 1590, obs. A. Fabre; Procédures, 2007, 159, note Perrot, D 2007, somm. p 1590

arrêt qui reproduit la formule de l’arrêt précité de la deuxième chambre du 7 janv. 1999 rendu à propos du secret des affaires (v. ss no 223.62). 28 Soc. 10 juin 2010, pourvoi n° 0619229, Bull. civ. V n° 129 29 Soc. 13 mai 2009, pourvoi n° 0841826, Bull. civ. V n° 131 30 Com 15 mai 2007, pourvoi n° 0610606, Bull.civ. IV n° 130 31 Civ. 1re, 6 nov. 1990 no 89-15.246, Bull. civ. I, no 238; D. 1991, 353, note Prenault. 32 iv 1re, 19 mars 1991, no 89-19.960, Bull civ. I, no 96; Gaz. Pal. 1991, 2, somm. 205; D. 1991, p. 568 note D. Velar Dacchia.

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caractère seulement plausible des faits que le demandeur entend prouver. Il faut davantage qu’un caractère de plausibilité suffisant, sans quoi l’atteinte au secret protégé ne se justifierait pas. Analyse (suite). La proportionnalité de la mesure probatoire Ensuite, le juge qui ordonne une mesure d'instruction doit veiller à que les faits invoqués ne dissimulent pas en réalité un moyen, pour la partie demanderesse, d’accéder à bon compte et sans raison majeure à des informations confidentielles et de porter une atteinte injustifiée aux secrets commerciaux et industriels, ou plus globalement, à l’activité d’une entreprise concurrente33. Au besoin, il appartient au juge de restreindre l’étendue de la mesure sollicitée dans son objet et dans le temps34 à ce qui est strictement nécessaire à la preuve des faits litigieux et concilier ainsi les droits et intérêts des parties35, et veiller à ce qu'il ne lui soit pas conféré à la mesure un caractère d'ordre général qui dépasserait le cadre du litige envisageable entre les parties, Autrement dit, la mesure d’instruction ne doit pas revêtir les caractères d’une mesure d’investigation générale36 et se transmuer en une sorte de perquisition civile37. C’est ainsi que la jurisprudence condamne le recours à des mesures d’instruction dont la définition, trop large, ne se limite pas à la stricte nécessité de la preuve des seuls faits nécessaires à la prétention alléguée. C'est ainsi qu'il a été jugé qu'excède les mesures d'instruction légalement admissibles au sens de l'article 145 du code de procédure civile, la mesure ordonnée par le président d'un tribunal de commerce autorisant un huissier de justice à se rendre dans les locaux d'une société suspectée d'actes de concurrence déloyale et de détournement de clientèle et à se saisir de tout document social, fiscal, comptable, administratif, de quelque nature que ce soit, susceptible d'établir la preuve, l'origine et l'étendue du détournement, permettant ainsi à l'huissier de justice de fouiller à son gré les locaux de la société, sans avoir préalablement sollicité la remise spontanée des documents concernés et obtenu le consentement du requis38. Secret professionnel. Il est clair, en revanche, qu'une mesure d'instruction ne peut porter atteinte au secret professionnel et conduire un professionnel à commettre un délit en dévoilant des informations confidentielles en violation d’un tel secret. La chambre commerciale de la Cour de cassation a ainsi été conduite à affirmer qu’une mesure d’instruction ordonnée sur le fondement de l’article 145 ne pouvait avoir pour effet de relever un expert-comptable du secret professionnel absolu dont il est tenu à raison des faits qu’il a 33 A.-M. Batut, « Les mesures d’instruction in futurum », dans R. 1999, Doc. fr., 2000, 991. 34 Civ. 2eme 6 janvier 2011, pourvoi n° 0972841 35 Civ. 2eme 4 juillet 2007, pourvo n° 0616626 NP, Civ. 2eme 10 novembre 2010, pourvoi n° 0971674, NP

36 Com. 10 février 2009, pourvoi n° 08-10532, D. 2009, Droit de la preuve. P 2711, obs. J.-D. Bretzner

37 S. Pierre-Paurice, « Secret des affaires et mesures d’instruction in futurum », D. 2002, 3131, préc. (v. ss prést no). 38 Civ. 2eme 16 mai 2012, pourvoi n° 1117229

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pu connaître à l’occasion de l’exercice de sa profession39. De son coté, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que juge civil ne pouvait, en l'absence de disposition législative spécifique l'y autorisant, ordonner une expertise judiciaire en impartissant à l'expert une mission portant atteinte au secret médical, comme par exemple celle d'entendre tous médecins ayant connu du cas d‘une des parties au procès, sans subordonner l'exécution de cette mission à l'autorisation préalable du patient concerné, sauf à tirer toutes conséquences du refus illégitime40.

Pour autant, toute partie qui se prétend victime d'un dommage doit pouvoir faire effectivement valoir ses droits en justice. Faisant la balance entre les les intérêts de celui qui se prétend victime et la nécessité de préserver le secret médical, la Cour de cassation considère qu’il appartient alors au juge, lorsqu'une expertise impliquant l'accès à des informations couvertes par le secret médical est nécessaire à la manifestation de la vérité, de prescrire des mesures efficaces pour éviter la divulgation de l'identité des malades ou consultants41. Ainsi, par exemple, il peut être prescrit à l'expert judiciaire qui aurait accès à des documents soumis au secret médical de ne pas les porter directement à la connaissance des parties42, sauf accord de la partie concernée43, mais de les communiquer à des médecins désignés par elles44.

2°/ Une mesure utile. Ensuite, selon l’article 144, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver. C’est-à-dire que la mesure doit être utile et non redondante. Il n’y aurait pas lieu de l’ordonner si, dans son dossier, le juge dispose des éléments suffisants pour statuer. Une mesure d’instruction n’est pas non plus utile si elle est sans rapport avec le litige45. Appréciation souveraine du juge. La jurisprudence considère traditionnellement que le juge apprécie souverainement la nécessité et l’opportunité du recours à une mesure d’instruction46 et qu’il n'est pas tenu de faire droit à la demande. Il ne s'agit donc, pour les juges, que d’une simple faculté dont ils sont libres de ne pas user dès lors qu'ils s'estiment suffisamment 39 Com. 8 févr. 2005, no 02-11.044, Bull. civ. IV, no 22; D. 2005, 774, obs. Avena-Robardet; RTD civ. 2005, 384, obs. Mestre et Fages; Gaz. Pal. 25-

26 mars 2005, 12, avis de l’avocat général Lafortune. 40 Bull. civ. 11 juin 2009, pourvoi n° 0812742, Bull. civ. I n° 128, RTD civ. 2009, p 695 obs. J. Hauser 41 Civ. 1ere 18 mars 1997, pourvoi n° 95-12576 Bull. civ. I n0 99 42 civ. 1ere 2 mars 2004, pourvoi n° 01-00333. Encore faut-il préciser que cet arrêt a été rendu à propos de faits antérieurs à la loi du 4 mars 2002, amendée par

celle du 31 janvier 2007, qui a modifié les dispositions de l’article L 111-7 du code de la Santé publique. Désormais, ce texte prévoit que Toute personne peut accéder, directement par l' intermédiaire d' un médecin qu' elle désigne à l' ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, notamment des résultats d' examen, comptes rendus de consultation, d' intervention, d' exploration ou d' hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l' exception des informations mentionnant qu' elles ont été recueillies auprès de tiers n' intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers.

43 Civ. 1ere 25 novembre 2010, pourvoi n° 0969721, 44 civ. 1ere 8 décembre 1987, pourvoi n° 85-15444 Bull. civ. I n° 337, Gaz. Pal. 1988, I. 221, rapp. Sargos, jugeant que « Pas plus que le malade lui-même, ses

héritiers ne peuvent exiger la communication directe de son dossier médical hospitalier ; il leur appartient seulement, lorsque la juridiction a ordonné une expertise médicale, de désigner un médecin, lequel, au cours des opérations d'expertise, pourra prendre connaissance des documents médicaux ». Solution jugée depuis conforme au principe du procès équitable : Civ. 1ere 18 mars 1997, pourvoi n° 95-12576 Bull. civ. I n0 99

45 CA Versailles, 23 sept. 1999, Gaz. Pal. 17-18 mars 2000, p. 9. 46 Civ. 3e, 18 févr. 1976, no 74-15.087, Bull. civ. III, no 66 ; JCP G 1976, IV, p. 123 – Civ. 1re, 25 avr. 1979, no 78-11.293, Bull. civ. I, no 120 – Civ. 1re, 26 juin

2001, no 99-21.479, Bull. civ. I, no 191 ; JCP 2001, IV, 2560 – Civ. 2e, 7 juill. 2005, no 03-17.180, inédit – Civ. 2e, 15 déc. 2005, no 03-20.525, inédit.

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informés47. Autrement dit, les parties ne disposent pas d’un droit acquis à obtenir la mesure d’instruction. Mesures d’instruction obligatoires. Mais ce principe de liberté pour le juge comporte quelques exceptions. En effet, dans certaines hypothèses, le législateur impose au juge de recourir à une mesure d’instruction, soit à la demande des parties, soit même d'office. Il doit ainsi, selon l’article 1678 du Code civil, désigner d’office un expert en matière de rescision de la vente d'un immeuble pour cause de lésion de plus des 7/12e dont la preuve nécessite un rapport commun de trois experts. Il est tenu aussi d’y recourir, par exemple, à la demande des parties en matière de partage avec un mineur (C. civ., art. 466), de fixation d'une indemnité en cas d'usage des eaux du voisin (C. civ., art. 642 C. civ.), de contestation relative à des travaux sur un mur mitoyen (C. civ., art. 662 C. civ.), d’estimation des immeubles en cas de partage judiciaire (C. civ., art. 824 C. civ.), de détermination de la composition des lots en cas de désaccord entre les héritiers (C. civ., art. 834 C. civ.), de liquidation judiciaire du régime de la participation aux acquêts (C. civ., art. 1578 C. civ.), de fixation du prix de la chose vendue en cas de vice caché (C. civ., art. 1644 C. civ.), d’estimation du bail verbal de maisons et de biens ruraux (C. civ., art. 1716 C. civ.) et de fixation de l'indemnité due au locataire de manufactures, usines ou autres établissements qui exigent de grandes avances, en cas d’expulsion autorisée par le bail à la suite d’une vente (C. civ., art. 1747 C. civ. ).

A ces exceptions légales, la jurisprudence a ajouté les hypothèses dans lesquelles les parties se trouvent dans l’impossibilité matérielle de procéder par elles-mêmes à des investigations. C'est notamment le cas : – en matière de transexualisme, dont la réalité ne peut être établie que par une expertise judiciaire48 ; – en matière de filiation, pour laquelle "l'expertise biologique est de droit" 49 – lorsqu’il s’agit de déterminer l'étendue d’un préjudice qui ne peut être établie que par des recherches de pièces auxquelles les demandeurs ne peuvent procéder eux-mêmes car détenues par une autre partie50. 3°/ Absence de carence des parties dans l’administration de la preuve. Mais encore faut-il que la mesure sollicitée ne soit pas destinée à suppléer la carence des parties dans l’administration de la preuve et que celle qui sollicite la mesure d’instruction ait fait au 47 Com. 8 déc. 1981, no 80-14157, Bull. civ. IV, no 428. 48 Ass. plén. 11 déc. 1992, no 91-12.373, Bull. AP no 13. 49 Civ. 1re, 14 juin 2005, no 04-13.913, Bull. civ. I. no 257 ; RTD civ. 2005, 768 obs. Hauser – Civ. 1re, 7 juin 2006, no 03-16.204, Bull. civ. I, no 291 –

Également en matière de subside : Civ. 1re, 4 juill. 2006, no 04-15981 – La demande d’expertise ne peut être refusée même si elle est présentée pour la première fois en cause d’appel : Civ. 1re, 21 juill. 1987, Bull. civ. I, no 245 – En revanche, l’expertise génétique n’est pas de droit en matière de constatation de possession d'état dont la preuve s'établit par tous moyens : Civ. 1re, 6 déc. 2005, no 03-15.588, Bull. civ. I, no 476 ; RTD civ. 2006, 98, obs. Hauser ; Dr. famille 2005, no 2, comm. 26, obs. Murat.

50 Ch. mixte 6 juill. 1984, no 80-12.965, Bull. Mixte no 1 ; JCP 1985, II, 20338, concl. Sadon – Com. 23 nov. 1993, no 91-18.792, Bull. civ. IV, no 423 – Com. 1er mars 1994, no 91-16.751, no 91-16.800, Bull. civ. IV, no 89.

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préalable l’effort d’établir la preuve des faits qui lui étaient normalement accessibles. Cette règle, énoncée à l’article 146 du code de procédure civile, découle logiquement du principe contenu à l'article 9 et selon lequel il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Elle signifie concrètement que la partie sur qui repose la charge de la preuve ne peut demander la désignation d’un technicien qu’à la condition d’avoir versé aux débats tous les éléments de preuve en sa possession ou qu’elle était en mesure de rassembler. A cet effet, elle doit veiller à étayer sa demande d’expertise par des pièces de nature à rendre au moins envisageables les faits qu’elle allègue. Autrement dit, la partie qui requiert une mesure d’instruction doit à tout le moins démontrer qu’elle a fait tout ce qui était en son pouvoir et que si elle ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour établir le bien fondé de sa prétention, cela ne résulte pas de son propre fait. Bien évidemment, une partie ne peut non plus prétendre obtenir une mesure d’instruction pour recueillir des éléments qu’elle aurait dû elle-même fournir.51 Ainsi, pour la Cour de cassation, fait une exacte application des dispositions de l'article 146, alinéa 2, du code de procédure civile la cour d’appel qui rejette la demande d'expertise formée dans une instance en liquidation de communauté par le mari qui soutenait que les opérations effectuées sur le patrimoine de son épouse avaient été effectivement réalisées au moins pour partie avec des fonds qu'il lui avait remis pendant le mariage, dès lors qu’il n'apportait aucun document52. N’est pas non plus justifiée la demande d’expertise sollicitée par une clinique, en conflit avec un anesthésiste avec lequel elle était liée par un contrat d'exclusivité, pour déterminer les revenus de celui-ci, dès lors que la clinique ne produit aucun document de nature à démontrer ses allégations et s'abstient de réclamer à son contradicteur tout justificatif de situation en temps utile53. De la même façon, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu’une cour d'appel, qui avait constaté qu'une veuve remettait en cause sans aucune justification un partage consommé depuis vingt ans, avait fait à bon droit application des dispositions de l'article 146, alinéa 2, du Code de procédure civile, en rejetant une demande d'expertise54. Le fait qu'une des parties ne dispose pas d'éléments de preuve suffisants n'entraîne donc pas pour le juge l'obligation d'ordonner la mesure d'instruction demandée dès lors que les faits allégués dont il est demandé la preuve en recourant à une mesure d’instruction ne sont étayés par aucun élément sérieux, sauf s'il s'agit d'une hypothèse dans laquelle la partie demanderesse se trouve dans l’impossibilité de procéder elle-même à des investigations. Mais dans cette dernière hypothèse, il faut à tout le moins que la partie demanderesse établisse la probabilité du fait allégué. C’est ainsi que si l’expertise est parfois considérée

51 Soc. 21 juill. 1986, no 85-60.746, Bull. civ. V, no 383. 52 Civ. 1re, 10 mai 1995, no 93-15.910, Bull. civ. I, no 143. 53 Civ. 1re, 26 juin 2001, no 99-21.479, Bull. civ. I, no 191. 54 Civ. 1re, 9 juill. 1985, no 84-13.300, Bull. civ. I, no 216 ; Gaz. Pal. 18 févr. 1986, somm annotés, obs. Guinchard et Moussa.

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comme étant de droit pour l’évaluation d’un préjudice, la partie doit, pour sa part, rapporter la preuve de la faute qui l’a causé55.

B Conditions propres aux mesures d'instruction avant tout procès

L’article 145 pose deux conditions à sa mise en œuvre : l’existence d’un motif légitime (1) et l’absence de procès actuel (2).

L’exigence d’un motif légitime. La loi ne définit pas la notion de motif légitime et la Cour de cassation considère qu’elle relève de l’appréciation souveraine des juges du fond56. Aussi peut-il paraître difficile d’en dessiner précisément les contours. Mais la Haute juridiction n’a pas pour autant totalement renoncé à exercer tout contrôle à ce sujet sur les décisions des cours d’appel. Si elle se refuse à porter un jugement sur l’appréciation par les juges du fond du caractère légitime de la demande, elle pose néanmoins trois règles méthodologiques que ceux-ci doivent respecter pour aboutir à leur décision. a) Une mesure en lien avec un litige éventuel.57 La mesure sollicitée doit tout d’abord être justifiée par la recherche ou la conservation d’une preuve qui pourrait être utilisée dans un procès futur. Cela signifie donc qu’elle doit être destinée à être produite ultérieurement devant un juge. Le motif n’est par conséquent légitime que si les faits dont la preuve est recherchée sont de nature à avoir une influence sur la solution d’un litige, c’est-à-dire qu’ils doivent avoir un lien suffisant et apparemment bien fondé avec un litige futur58. A cet égard, la jurisprudence se montre relativement souple et se contente que le demandeur justifie de la potentialité d’une action. Il suffit ainsi que les faits que la partie demanderesse souhaite voir prouver présentent un caractère de plausibilité suffisante59.

En revanche, un litige purement éventuel ne suffit pas. Ainsi, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel d’avoir refusé d’ordonner une expertise sollicitée par un bailleur pour déterminer le montant de l'indemnité d'éviction dont il serait redevable s’il devait exercer l'option prévue à l'article L. 145-57 du code de commerce et refuser le renouvellement du bail, au motif que, dès lors qu’il n'avait pas exercé ce droit d'option, il n'existait pas en l'état un litige potentiel60. Autrement dit, l’article 145 n’est destiné 55 Ch. mixte 6 juill. 1984, no 80-12.965, Bull. Mixte, no 1 – Com. 23 nov. 1993 – Com. 1er mars 1994, op. cit. 56 Civ. 2e, 25 oct. 1995, no 94-10.516, Bull. civ. II, no 258 – Civ. 3e, 24 févr. 1999, no 97-15.931, Bull. civ. III, no 48; Gaz. Pal. 2000, somm. 1585, note

J. Lachaud – Civ. 2e, 8 févr. 2006, no 05-14.198, Bull. civ. II, no 44; R., Doc. fr., 431; D. 2006, IR 532; pan. 2923, obs. Picod, Auguet, Dorandeu, Gomy, Robinne, Valette; 2007, pan. 1907, obs. Bretzner; Dr. et proc. 2006. 216, obs. Fricero.

57 Sur cette question notamment, G. Chabot, Remarques sur la finalité probatoire de l’article 145 du ouveau code de procédure civile, D. 2000, p 257 58 A.-M. Batut, « Les mesures d’instruction in futurum », dans R. 1999, Doc. fr., 2000, 991. 59 Civ. 2e, 14 mars 1984, no 82-16.076, Bull. civ. II, no 49, RTDCiv 1984, p 561 n° 6 obs. R. Perrot– Civ. 2e, 23 nov. 1994, no 92-17.774, Bull. civ. II,

no 241. 60 Par ex. 3eme civ. 16 avril 2008, pourvoi n° 0715486, Bull. civ. III n° 72, D 2008 p 1205, note Y. Rouquet, Gaz. Pal. 6-8 juillet 2008 p 25 note J.-D. Barbier, Gaz. Pal.

7 février 2009, n° 38 p 18 note S. Regnault Propos discidents sur l’expertise in futurum, JCP G, 2008, I, p 206, n°12, obs.Y.-M. Serinet, JCP G, 2008, II, n° 10193, note Pumarède, Procédure 2008, comm. 174, note Junillon, Loyers et copropriété n° 6 juin 2008, comm. 133 P.-H. Brault, LPA 1er juillet 2008 n° 131 p 13 note V.

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qu’à permettre à une partie d’obtenir une preuve susceptible d'être produite dans un procès, pas de lui donner la possibilité d’apprécier l’opportunité d’une décision à prendre au sein d’une procédure légale non contentieuse ou et les conséquences financière d’un acte de gestion de son patrimoine, comme par exemple, dans cette affaire de permettre à un bailleur d’évaluer le montant de l’indemnité d’éviction avant d’exercer son droit d’option. Une mesure pertinente. Mais il ne suffit pas au demandeur d’alléguer une prétention potentielle pour pouvoir prétendre obtenir la désignation d’un technicien. Il lui faut, à tout le moins, établir la pertinence de sa demande en démontrant que les faits invoqués doivent pouvoir être invoqués dans un litige éventuel. Aussi le juge doit-il à tout le moins « effleurer le fond de l’affaire, pour pouvoir évaluer la pertinence du recours à une mesure probatoire préventive »61. De ce fait, une partie ne peut prétendre à l’existence d’un motif légitime lorsque la prétention qu’elle pourrait fonder sur ce fait est irrecevable (telle une prétention qui se heurterait à l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil62), n’est pas de nature à être fondée par ce fait ou que la demande de mesure d’instruction est dirigée contre une personne contre laquelle le demandeur est dépourvu d’intérêt à agir63.

La preuve démonstrative du bien fondé d’une demande éventuelle n’est pas nécessaire. La jurisprudence ne va cependant pas jusqu’à exiger du demandeur qu’il fasse la preuve du bien fondé de sa prétention future. Le fait que celle-ci se heurterait à une contestation sérieuse ne constitue pas, en lui-même, un obstacle à la saisine du juge des référés sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile64. La mesure sollicitée peut justement être destinée à apprécier le bien fondé d’une éventuelle demande. C’est ainsi que la première chambre civile de la Cour de cassation a admis la possibilité d’ordonner, sur le fondement de l’article 145, le recours à un examen comparé des sangs pour évaluer les chances de succès d’une action en contestation de reconnaissance65. La Cour de cassation a aussi approuvé une cour d’appel qui, après avoir relevé que les allégations du demandeur présentaient un certain intérêt et que le rapport de l’expert l’ayant assisté démontrait des anomalies dans la gestion sociale, a retenu que le caractère légitime de la demande de la mesure d’instruction sollicitée, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile

Fraissinier-Amiot, à comparer cependa avec Civ. 3eme 18 dcembre 2002, pourvoi n° 0114202, , Bull. civ. III n° 271, Rev. Loyers 2003 n° 835, note C.H. Gallet ; AJDI 2003 p112 note M.-P. Dumont, qui juge qu’aucun texte relatif au bail commercial ne s'opposant à l'exercice par le juge des référés des pouvoirs que lui confère l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel qui constate que les pourparlers engagés entre les parties sur le montant de l'indemnité d'éviction n'avaient pas abouti et qu'aucun juge du fond n'était saisi de demandes concernant cette indemnité offerte par la bailleresse et l'indemnité d'occupation due par la locataire, en déduit souverainement que le bailleur disposait d'un motif légitime pour solliciter une expertise aux fins d'évaluation de ces indemnités.

61 I. Desprès, Les mesures d’instruction in tuturum, Dalloz coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, 2004, n° 294 62 Civ. 1re, 29 avr. 1985, no 84-10.401, Bull. civ. I, no 131. 63 Civ. 2e, 25 nov. 1987, no 84-17.126, Bull. civ. II, no 245. 64 Ch. mixte 7 mai 1982, no 79-12.006, Bull. Ch. mixte, no 2; RTD civ. 1982, 786, note Perrot; D. 1983, 188, note Vasseur; RTD civ. 1983, 185, note

Normand; Gaz. Pal. 1982, jur. 571, note Jean Viatte. 65 Civ. 1re, 4 mai 1994, no 92-17.911, Bull. civ. I, no 159; D. 1994, 545, note Massip; RTD civ. 1994, 575, obs. Hauser; JCP 1995, I, 3813, no 10, obs.

Berningaud.

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en vue d’examiner les relations commerciales, juridiques ou financières pouvant exister entre la société, la gérante et l’un des associés, était démontré66. b) Une mesure utile. L’existence d’un motif légitime de demander une des mesures prévues à l’article145 du Code de procédure civile n’oblige pas le juge à ordonner cette mesure s’il l’estime inutile67 car ce texte ne peut être invoqué que s’il est susceptible d’améliorer la situation probatoire du demandeur68. C’est ainsi que la Cour de cassation considère que le juge n’est pas tenu d’accueillir la demande d’une partie qui a déjà en sa possession des éléments de preuve suffisants69 ou qu’il lui est possible de réunir par lui-même des éléments supplémentaires par des investigations simples qui ne présentent pas de caractère technique70. On peut encore signaler un arrêt de la Cour de cassation qui a approuvé une cour d’appel d’avoir refusé d’ordonner une demande d‘expertise biologique manifestement inutile et susceptible de déstabiliser les parties, introduite dans un seul intérêt financier71. c) L’absence d’empêchement légitime. La légitimité du motif invoqué ne peut s’apprécier sans prendre en considération les intérêts de la partie adverse72. La mise en œuvre des mesures de l’article 145 ne doit en effet pas avoir pour conséquence de porter atteinte à une liberté fondamentale d’un tiers.73 L’appréciation du caractère légitime ne peut donc se faire sans comparer les droits respectifs des parties, celui du demandeur à établir la preuve d’un fait, celui du défendeur à préserver des secrets ou l’intimité de sa vie privée. 2) L’absence de procès actuel. En visant la nécessité de conserver ou d’établir une preuve avant tout procès, l’article 145 subordonne son application à l’absence d’instance entre les parties. La jurisprudence en déduit qu’une mesure d’instruction ne peut plus être ordonnée sur le fondement de ce texte dès lors qu’une instance judiciaire a été introduite sur le fond. Selon la Cour de cassation, la saisine du tribunal sur le fond s’apprécie à la date de la remise d’une copie de l’assignation au greffe de chacune des juridictions – fond et référé74. Cette 66 Com. 5 nov. 1985, no 84-12.418, Bull. civ. IV, no 260. 67 Par ex. s’il estime qu’il n’existe aucun risque de dépérissement des preuves : Com 4 décembre 2007, pourvoi n° 0519643, Bull. civ. IV n° 259, JCP 2008, IV. N°

1063 68 M. Jeantin, préc., no 18. 69 Civ. 2e, 22 avr. 1992, no 90-19.727, Bull. civ. II, no 137. Également Civ. 2eme 3 juillet 2008, pourvoi n° 0719693, inédit 70 Com. 18 févr. 1986, no 84-10.620, Bull. civ. IV, no 26; Gaz. Pal. 1985, somm. 298, obs. Guinchard et Moussa. 71 Civ. 1ere 30 septembre 2009, pourvoi n° 0818398, Bull. civ. I n° 197, JCP E. 22 janvier 2010, n° 3, 1013, note M. Brusorio-Aillaud, RTDciv 2009, p 771 obs. J.

Hausser, qui énonce que « Après avoir constaté que l'auteur de la reconnaissance admet avoir au moins eu une relation sexuelle avec la mère de l'enfant et n'a pas contesté sa paternité pendant plus de soixante ans, déclarant même au notaire rédacteur de la donation sa qualité de père, caractérise l'existence d'un motif légitime pour ne pas procéder à l'expertise biologique une cour d'appel qui relève que la demande en annulation de la reconnaissance formée par le demi-frère, outre son caractère déstabilisateur sur une personne actuellement âgée de soixante-deux ans, n'est causée que par un intérêt strictement financier »

72 A.-M. Batut, « Les mesures d’instruction in futurum », dans R. 1999, Doc. fr., 2000, p. 991. 73 Civ. 2e, 8 févr. 2006, no 05-14.198, Bull. civ. II, no 44, préc. (v. ss no 223.32), Bull. Joly Sociétés, 1999, p 666, note F.-X Lucas, D 2006 p 2931 obs. Y.

Auguet, D 2007, p 1907, obs. J.-D. Bretzner 74 Civ. 2e, 2 avr. 1990, no 88-20.014, Bull. civ. II, no 69 – Civ. 3e, 13 févr. 2002, no 00-11.101, NP, Procédures 2002, no 87, note Perrot – Également Civ. 2e,

3 oct. 2002, no 01-00.177, Bull. civ. II, no 205; Procédures, 2002, no 225, obs. Perrot; Gaz. Pal. 30 mars 1er avr. 2003, 29, obs. du Rusquec qui juge que viole les articles 145 et 561 du Code de procédure civile la cour d’appel qui, pour confirmer une ordonnance d’un juge ayant refusé de rétracter

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règle, dont les conditions s’apprécient au jour où le juge des référés est saisi75, doit donc conduire celui-ci à rejeter la demande d’expertise dès lors qu’il constate qu’à cette date, le juge du fond a déjà été saisi du procès en vue duquel la mesure d’instruction est sollicitée76. Si, dans le cours d’une instance, une partie entend obtenir une mesure d’instruction, telle, par exemple, la délivrance d’une pièce détenue par un tiers77, une expertise ou des constatations78, celle-ci ne peut être ordonnée que par la juridiction saisie de l’affaire au fond, même s’il s’agit d’une juridiction ne comportant pas de mise en état79. Il ne pourra donc pas en faire la demande à un juge des référés ou des requêtes qui est dès lors dépourvu du pouvoir d’ordonner des mesures in futurum.80 La même règle aboutit également à interdire au juge des référés, lorsqu’une expertise a été ordonnée au cours d’une instance au fond, de l’étendre à d’autres parties par la voie du référé probatoire81.

Dérogations. La jurisprudence admet cependant quelques dérogations. Tout d’abord, elle considère que seule une action au fond interdit au juge des référés (ou des requêtes) de statuer sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile. Par conséquent, une instance en référé ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de ce texte82, pas plus que le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile, qui ne constitue pas le procès au sens de l’article 14583. Si l’action civile a été engagée devant une juridiction répressive, les parties ne sont pas non plus privées de la faculté de demander une mesure d’instruction au juge civil puisque l’article 5-1 du Code de procédure pénale prévoit que, « même si le demandeur s’est constitué partie civile devant la juridiction répressive, la juridiction civile, saisie en référé, demeure compétente pour ordonner toutes mesures provisoires relatives aux faits qui sont l’objet des poursuites, lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable »84.

La procédure du référé probatoire est aussi autorisée lorsqu’il s’agit de solliciter une mesure d’instruction dont l’objet porte sur un litige distinct de celui qui oppose les parties dans l’instance au fond85.

une précédente ordonnance rendue sur requête, retient qu’à la date de la décision initiale, le juge du fond n’avait pas été saisi dès lors que l’assignation n’avait pas encore été mise au rôle, alors qu’il lui appartenait d’examiner les faits et le droit à la date à laquelle elle statuait. Même solution en matière d’ordonnance sur requête : Civ. 2eme 8 mars 2007, pourvoi n° 06-12402 D 2008, Pan. 2820, spéc.. 2827, obs. J.-D. Bretzner

75 Civ. 2e, 28 juin 2006, no 05-19.283, Bull. civ. II, no 173; D. 2007, pan. 1901, D. 2007, Droit de la preuve, p 1901 obs. J.-D. Bretzner, revenant sur sa jurisprudence antérieure qui considérait que c’était au jour où le juge, y compris le juge de la rétractation ou le juge d’appel, statuait que devait s’apprécier cette condition : Civ. 2e, 21 oct. 1992, no 91-10.708, no 91-10.109, Bull. civ. II, no 246 – Civ. 2e, 3 oct. 2002, no 01-00.177, Bull. civ. II, no 205, préc. (v. ss prést no).

76 Com. 15 nov. 1983, no 82-14.738, Bull. civ. IV, no 307; Gaz. Pal. 1984, pan. 179, obs. Guinchard; RTD civ. 1984, 561, obs. Perrot – Civ. 2e, 21 oct. 1992, no 91-10.708, Bull. civ. II, no 246, préc. (v. ss prést no).

77 Civ. 2e, 16 juill. 1992, no 91-12.486, Bull. civ. II, no 213. 78 Civ. 2e, 21 juin 1995, no 93-19.107, Bull. civ. II, no 195; RTD civ. 1996, 468, obs. R. Perrot; Procédures 1995, no 257, obs. Perrot. 79 Civ. 2e, 24 oct. 1990, no 89-16.125, Bull. civ. II, 216. 80 Civ. 2e, 21 juin 1995, no 93-19.107, Bull. civ. II, no 195, préc. (v. ss prést no). 81 Civ. 2e, 25 mars 1992, no 90-19.189, Bull. civ. II, no 106 – Civ. 2e, 23 sept. 2004, no 02-16.459, Bull. civ. II, no 421; D. 2004, IR 3039. 82 Civ. 2e, 17 juin 1998, no 95-10.563, Bull. civ. II, no 200, préc. (v. ss no 223.51). 83 Civ. 2e, 10 déc. 1998, no 95-22.146, NP. 84 Sur ce point v. Crim. 11 avr. 1991, no 90-81.450, Bull. crim. no 173. 85 Com. 16 avr. 1991, no 89-14.237, Bull. civ. IV, no 144; RTD civ. 1991, 800, obs. Perrot – Civ. 2e, 6 mai 1999, no 96-21.797, NP.

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3) Conditions qui ne sont pas exigées. Le motif légitime et l’absence de procès déjà engagé sont les seules conditions exigées par l’article 145 du Code de procédure civile. Par conséquent, le juge des référés qui statue sur le fondement de l’article 145 n’a pas à tenir compte des conditions du référé86 que sont l’urgence87, l’absence de contestation sérieuse, l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite. Une mesure d’instruction peut aussi être prescrite en cas de contestation sérieuse soulevée par la défense88. La demande de mesure d’instruction n’a par ailleurs pas à être couplée avec une autre demande qui relève de la compétence du juge des référés. Ainsi, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’une cour d’appel qui jugeait que « si la demande de désignation d’un huissier était bien inspirée par un motif légitime, au sens de l’article 145 du [Nouveau] Code de procédure civile, il n’en appartenait pas moins aux requérants de demander au juge des référés de faire défense de procéder à une telle vente au public, la constatation du non-respect de cette défense venant ensuite »89.

C conditions de mise en oeuvre propres aux mesures non contradictoires

Le principe du référé les mesures d'instruction mises en oeuvre sur le fondement de l'article 145 doivent être sollicitées en référé, par le président de la juridiction normalement compétente pour statuer, au fond, sur le litige éventuel. Cette règle, qui résulte de la combinaison de l’article 145 avec les différents textes relatifs à la matière du référé et des ordonnances sur requête, s’applique aussi bien quant à la détermination de la juridiction territorialement compétente90, qu’à celle compétente au regard de la matière.

Litiges ne relevant pas de la compétence des juridictions civiles. Comme il n’existe pas de procédure de référé (à l’exception du « référé détention ») en matière pénale, une cour d’appel a considéré que le président du tribunal de grande instance était compétent, sur le fondement de l’article 145, pour ordonner des mesures d’instruction lorsque les faits invoqués pouvaient éventuellement constituer une infraction pénale91. Litiges ne relevant pas de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. Le principe selon lequel la compétence du juge des référés est restreinte aux litiges dont la 86 Civ. 1re, 9 févr. 1983, no 81-16.184, Bull. civ. I, no 56. 87 Com. 25 oct. 1983, no 82-13.595, no 82-13.596, Bull. civ. IV, no 275; Gaz. Pal. 1983, pan. 178, obs. Guinchard, Civ. 2eme 15 janvier 2009, pourvoi n° 0810771,

Bull. Civ. II n° 15, D 2009, jur 1455 note Mouy, D 2009, Chronique de la Cour de cassation, p 2071, obs. J.-M. Sommer, Procédures n° 3, mars 2009, comm. 72 note R. Perrot, Bull. Joly Sociétés 1er avril 2009 n° 4 p 355, note O. Staes

88 Ch. mixte 7 mai 1982, no 79-12.006, Bull. Ch. mixte no 2; RTD civ. 1982, 786, note Perrot; D. 1983, 188, note Vasseur; RTD civ. 1983, 185, note

Normand; Gaz. Pal. 1982, jur. 571, note Jean Viatte, préc. (v. ss no 223.43). 89 Civ. 1re, 12 mai 1993, no 91-16.437, Bull. civ. I, no 166; JCP 1993, II, 22181, note du Rusquec; RTD civ. 1994, 668, obs. Normand. 90 Civ. 2e, 17 juin 1998, no 95-10.563, Bull. civ. II, no 200, préc. (v. ss no 223.51). 91 CA Toulouse, 10 janv. 1996, BICC 15 juin 1996, no 576.

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connaissance appartient quant au fond aux tribunaux de l’ordre judiciaire92 est évidemment applicable au juge exerçant les pouvoirs de l’article 145 du Code de procédure civile93. Cela étant, il n’interdit pas au juge judiciaire de statuer dès lors que le fond du litige est de nature à relever, ne serait-ce qu’en partie, de la compétence des juridictions de l’ordre auquel il appartient94, et ce, même si une procédure est pendante devant la juridiction administrative, lorsque la mesure concernée tend à permettre au demandeur en référé d’intenter une procédure de nature judiciaire.95

Dérogations à la compétence territoriale. Par dérogation au principe général selon lequel le juge territorialement compétent est le président de la juridiction appelée à connaître d’un litige éventuel sur le fond, la Cour de cassation admet aussi, sans doute pour des questions d’ordre pratique et parce qu’il n’est pas toujours aisé de déterminer à l’avance la juridiction qui sera compétente au fond, une compétence concurrente du président , statuant en référé ou sur requête96, de la juridiction du lieu où doit être exécutée la mesure demandée97. La Cour de cassation a précisé aussi que, s’agissant d’une requête tendant à faire procéder à des constats dans le ressort de plusieurs tribunaux, le président d’un de ces tribunaux était compétent dès lors que, d’une part, l’une de ces mesures devait être exécutée dans son ressort, et, d’autre part, que sa juridiction serait compétente pour connaître l’éventuelle instance au fond98.

L'exception : la saisine par voie de requête99. Le respect de la contradiction est un principe fondamental et substantiel de procédure qui irradie l’ensemble du Code de procédure civile. Il s’ensuit qu’il ne peut y être dérogé que de façon exceptionnelle. La jurisprudence en a déduit que, conformément au droit commun, il ne pouvait être recouru à la voie de la requête qu’à titre subsidiaire, dans les cas où le Code de procédure civile l’autorise, c’est-à-dire, « dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ». (art. 493), « lorsque les circonstances exigent qu’(une mesure urgente) ne soit pas prise contradictoirement » par le président du tribunal de grande instance (C. pr. civ., art. 812), celui du tribunal de commerce (C. pr. civ., art. 875) ou le juge du tribunal d’instance (C. pr. civ., art. 851). La jurisprudence

92 Civ. 1re, 10 mai 1983, no 82-11.755, Bull. civ. I, no 144 – Civ. 1re, 30 janv. 1985, no 83-17.132, Bull. civ. I, no 51. 93 Civ 1re, 30 janv. 1985, no 83-17.132, Bull. civ. I, no 51 – Civ. 1re, 10 janv. 1990, no 88-12.904, Bull. civ. I, no 13. 94 T. Confl. 17 oct. 1988, no 2530 B, SA Entreprise Niay C. SA le Toit Champenois, Rec. Lebon, 495; Quot. jur. 21 févr. 1989, 3, note F. Moderne;

AJDA 1989, 458, note J.-P. Gilli – T. Confl. 23 janv. 1989, no 2553, Cts Kuntz a. c/Sté France Manche, JCP 1989, IV, 122 – T. confl., 5 juill. 1999, préfet de Seine-et-Marne c/Ass. Les Tournelles, no 99-03.162, Bull. T. conflits no 23; D. 1999, IR 255 – CE 4e et 1re s.-sect. réun., 30 oct. 1989, D. 1990, somm. 250, obs. Terneyre – Civ. 1re, 19 févr. 1991, no 89-20.148, Bull. civ. I, no 70 – Civ. 2e, 16 mai 2002, Bull. civ. II, no 102; D. 2002, IR 1807 – TGI Nîmes, réf., 27 juin 2003, BICC 2003, no 1424.

95 Com. 12 mars 1996, no 93-19.514, Bull. civ. IV, no 83; D. 1996, IR 100; Gaz. Pal. 1997, jur. 440. 96 M. Foulon, Y. Sttrickler op. cit. , spec. N° 18 97 Civ. 2e, 17 juin 1998, no 95-10.563, Bull. civ. II, no 200, préc. (v. ss no 223.51) 98 Civ.2eme 30 avril 2009, pourvoi n° 0815421, Bull. Civ. II n° 105 Droit et procédures sept.-oct. 2009, p 268 obs. O. Salati, Procédures juillet 2009, n° 7,

comm. 224 note R. Perrot, D 2009, p 2321, note S. Pierre-Maurice 99 Sur cette question, voir notamment M. Foulon, Y . Strickler, Le constat sur requête avant tout procès, Droit et procédures 2010 n° 11 p 307

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de la Cour de cassation se montre vigilante à cet égard en exigeant de ces magistrats qu’ils recherchent si la mesure sollicitée exige une dérogation au principe de la contradiction. exigeante à cet égard 100. Cela signifie que le recours à la requête ne peut être justifié pour des motifs uniquement d’urgence101 ou de facilité d’emploi, mais seulement lorsque l’effet de surprise102 ou de discrétion vis-à-vis de l’adversaire est le seul moyen de parvenir à une quelconque efficacité de la mesure ordonnée103,, C’est le cas, par exemple évident, lorsqu’il s’agit de faire constater un adultère104 ou pour accéder au contenu de l’ordinateur ou de la messagerie électronique d’un salarié 105. Le cas échéant, le juge doit veiller à limiter l’étendue de la mesure à ce qui est strictement nécessaire à l’objectif recherché. Ainsi, par exemple, s’il s’agit de procéder à la copie de documents et de fichiers informatiques se trouvant sur l’ordinateur d’un tiers, le juge peut-il avantageusement prévoir que ces éléments seront dans un premier temps mis sous scellés ou que leur copie sera séquestrée chez un huissier de justice, les parties ayant ensuite la possibilité de le saisir ensuite en référé afin de procéder à leur tri de façon contradictoire106 Il peut être également recouru à la requête lorsque l’adversaire ne peut être à temps identifié. Il a aussi été admis qu’un bailleur pouvait obtenir, sur requête, la désignation d’un technicien pour faire constater l’état des lieux après que le locataire les eut quittés sans en aviser le bailleur et sans restituer les clefs107.

N’est en revanche pas justifié le recours à la requête lorsqu’il s’agit : − de désigner un huissier de justice pour assister aux réunions d’un comité

d’entreprise108; − de se faire remettre des documents résultant du livre de paie et de la comptabilité109; − de faire vérifier l’existence de vins distribués sous une marque contrefaite, d’en

dresser la liste, se faire remettre pour chacun de ces vins l’étiquette pour la commercialisation, de dresser la liste de l’ensemble des distributeurs des vins et se faire remettre copie de tous documents relatifs à ces distributeurs110

100 par ex. Civ. 2e, 23 nov. 1994, no 92-17.774, Bull. civ. II, no 241, préc. (v. ss no 223.41). 101 Civ. 2eme 11 mai 2006, pourvoi n° 0417399, Bull. civ. II n° 128, Procédures 2006, n° 7, également S. Guinchard, F. Ferrand, Procédure civile,

Dalloz, « Précis », 28e éd., 2006, no 1212 102 pour une illustration : Civ. 2eme 7 mai 2008,pourvoi n° 0718012,inédit 103 Civ. 2eme 7 mai 2008 op. cit. 104 Civ. 2e, 5 juin 1985, no 83-14.268, Bull. civ. II, no 111. 105 Soc. 23 mai 2007, pourvoi n° 0517818, Bull. civ. V n° 84, D 2007, AJ. 1590, obs. A. Fabre, RTDCiv 2007. 637 obs. R. Perrot, RDY 2007. 590, obs. de Quenaudon ;

JCP E 2007. 2228, note J. Raynaud ; CCC 2007, comm n° 213 obs. M/ Malaurie-Vignal 106 par ex. 2eme civ. 21 janvier 2010, pourvoi n° 0910618, Bull. civ. II n° 17, 107 Civ. 3e, 20 févr. 1996, no 94-14.824, NP. 108 Civ. 2e, 13 mai 1987, no 86-11.098, Bull. civ. II, no 112; JCP 1987, IV, 244. 109 Civ. 2e, 23 nov. 1994, no 92-17.774, Bull. civ. II, no 241, préc. (v. ss no 223.41). 110 Com. 29 juin 2002, no 00-11.134, NP.

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− d’obtenir la communication de pièces comptables détenues par un notaire dont la conservation est assurée et la production doit nécessairement donner lieu à un débat contradictoire sur la levée du secret professionnel du notaire,111

− d’ordonner une mesure qui doit se faire chez le requérant112. Le respect de ces exigences est strictement contrôlé par la Cour de cassation. Elle vérifie

que le juge précise les circonstances qui justifient que la mesure ne fût pas prise contradictoirement113,

On signalera enfin que le recours à l’ordonnance non contradictoire prise sur requête n’est prévue ni devant le conseil de prud’hommes, ni devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, de sorte que seul le président du tribunal de grande instance est compétent pour ordonner sur requête des mesures dans les domaines relevant de la compétence de ces juridictions.

Le régime de l’ordonnance sur requête est défini aux articles 58, 493 812 et suivants du code de procédure civile.

S'il n'est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l'ordonnance n'émane du premier président de la cour d'appel. S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance114 et ce juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire (art. 497)115. En l’absence de précision du texte, il n’y a pas de délai pour solliciter la rétractation, de sorte que celle-ci peut intervenir très longtemps après116. S’il est saisi d’une demande de rétractation, le juge doit, d’office, vérifier si la mesure sollicitée exigeait, au moment où l’ordonnance a été rendue, une dérogation au principe de la contradiction117, et si la requête et l'ordonnance caractérisent de telles circonstances118. Bien entendu, ces circonstances ne peuvent pas résulter des constats de la mesure ordonnée ou d’autres faits non invoqués à l’origine119. Autrement dit, le juge de la rétractation ne doit pas se borner à vérifier si le demandeur justifie, au jour où il statue, d’un motif légitime à obtenir une mesure d’instruction, mais rechercher si les conditions étaient réunies au jour où la mesure a été ordonnée par voie de

111 Civ. 1ere 1993, pourvoi n° 9113288, Bull. Civ. I n°70 112 M. Foulon, Y. Strickler, citant Paris 13 février 2008, inédit RG n° 07/16427 113 Civ. 2e, 30 janv. 2003, no 01-01.128, Bull. civ. II, no 25; D. 2003, IR 604; Gaz. Pal. 2003, somm. 3229, note du Rusquec. 114 Le terme de « juge » est à prendre au sens générique. Il n’a pas besoin d’être la même personne physique que celle qui a ordonné la mesure critiquée : Civ. 2eme

11 mars 2010, pourvoi n° 0966338, Bull. civ. II n°53, LPA 23 septembre 2010 n° 190 p 10 note S. Pierre-Maurice 115 La 2eme chambre civile de la Cour de cassation précise d’ailleurs que la voie de la rétractation, instituée par l'article 496 du nouveau code de procédure civile,

relève de la compétence exclusive du juge qui l'a prononcé : Civ. 2eme 9 novembre 2006, pourvoi n° 0516691, Bull. civ. II n° 316 116 M. Foulon, Y. Strickler op. cit. n° 24 qui citent Paris 12 décembre 2007, RG n° 07/12531 117 2eme civ. 30 avril 2009, pourvoi n° 0815421, Bull. civ. II n° 105, Droit et procédures sept.-oct. 2009, p 268 obs. O. Salati 118 Civ. 2eme 11 février 2010,pourvi n° 0911342, Bull. civ. II n° 32 119 M. Foulon, Y. Strickler op. cit. citant Paris, 13 février 2008, inédit, RG n° 0716707, 0817955 et 08/18908

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requête120. L’introduction d’une dose de contradiction par l’effet de la demande de rétractation ne peut donc pour avoir pour effet de légitimer a posteriori une mesure qui a déjà été ordonnée en dehors de tout débat contradictoire. L’inverse reviendrait à banaliser la procédure sur requête qui pourrait alors être utilisée pour faire ordonner n’importe quelle mesure urgente pourvu que sur le recours en rétractation, un débat contradictoire sur ses mérites ait lieu121. C’est donc fort logiquement que la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel d’avoir confirmé une ordonnance de rétractation dès lors que ni la requête ni l'ordonnance rendue sur cette requête n'énonçaient les circonstances qui justifiaient que la mesure d'instruction réclamée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne soit pas prise contradictoirement, de sorte que la cour d'appel, qui n'avait à procéder à aucune autre recherche, ni à statuer sur les mérites d'une requête qui ne pouvait saisir régulièrement le juge122. On observera aussi que certains juges de la rétractation font preuve d’une exigence redoublée à l’égard des requérants. C’est ainsi que que la cour d’appel de Paris s’est montrée, à notre avis de façon justifiée, sévère à l’égard de parties qui, en dissimulant l’existence d’une instance en cours123 ou des éléments importants du litige124, avaient fait preuve d’une coupable déloyauté125.

De tout ceci il faut en déduire qu’il faut être prudent dans la mise en œuvre des requêtes : une partie doit avoir conscience qu’en sollicitant une mesure d’instruction par cette voie non contradictoire, elle prend le risque de se voir priver ultérieurement de la possibilité de s’en prévaloir en cas de rétractation, laquelle peut intervenir longtemps après. Comme le soulignent deux éminents auteurs126, « la procédure sur requête est une grenade dont l’utilisation maladroite peut être dangereuse ».Dans le doute, il vaut dès lors toujours mieux privilégier la voie du référé.

II les saisies-contrefaçons

En matière de propriété intellectuelle, de nombreuses procédures permettent aux titulaires de droits de demander une ordonnance sur requête non contradictoire en vue d’obtenir la description détaillée ou la saisie réelle des éléments de preuve chez l’adversaire. Ainsi, toute personne victime de contrefaçon peut agir non-contradictoirement, qu’il soit propriétaire d’un droit de propriété industrielle tel une marque (article L. 716-7 du CPI), un brevet d’invention 120 Pour une illustration : Civ. 2eme 24 février 2005, pourvoi n° 0310442 - inédit 121 M. Foulon, Y. Strickler op. cit. 122 Civ. 2eme 11 mars 2010, pourvoi n° 0966338, Bull. civ. II n°53, LPA 23 septembre 2010 n° 190 p 10 note S. Pierre-Maurice 123 Paris, 18 juin 2008, inédit, RG n° 07/22201, arrêt, faut-il précisé, cassé par Civ. 2eme 22 octobre 2009, pourvoi n° 0817485Bull. civ. II n° 250,mais pour un autre

motif qui ne tient pas à la question de la loyauté de la procédure 124 Paris, 22 octobre 2008, inédit, RG n° 08/10387 125 M. Foulon, Y. Strickler, op. cit. 126 M. Foulon, Y. Strickler, op. cit.

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(article L. 615-5 du CPI), un certificat d'obtention végétale (articles L. 623-27 et L. 623-27-1 du CPI), ou qu’il soit propriétaire d’un droit de propriété littéraire et artistique le rendant auteur d'une œuvre protégée (article L. 332-1 du CPI), de dessins et modèles (article L. 521-4 du CPI), ou titulaire de droits sur un logiciel ou sur des bases de données (article L. 332-4 du CPI). A Les conditions de la saisie contrefaçon La saisie-contrefaçon peut être définie comme une procédure exceptionnelle permettant avant tout procès contradictoire de pénétrer chez autrui sans son assentiment afin d'y procéder à des investigations, des constatations, voire des saisies réelles tendant à apporter la preuve d'une contrefaçon alléguée sans que les saisis aient la faculté de s'opposer au déroulement des opérations127. La saisie-contrefaçon est essentiellement réglementée aux articles L. 615-5 et suivants du code de la propriété intellectuelle et aux articles R. 615-1 et suivants du même code consacrés aux mesures probatoires. Les demandeurs à la procédure de saisie-contrefaçon La saisie-contrefaçon ne peut être sollicitée que par les seules personnes habilitées à cette fin par la loi, lesquelles sont d'ailleurs aussi en mesure de recourir à des moyens de preuves prévus à l'article 145 . En matière de propriété littéraire et artistique, le demandeur pourra être l'auteur de l'œuvre protégée, ou ses ayant-droits (héritiers, conjoints survivants ou cessionnaire). Une personne morale ayant acquis des droits patrimoniaux pourra aussi solliciter saisie-contrefaçon à condition de démontrer, par tout moyen, l'acquisition de ces droits. Il n'est cependant pas nécessaire, contrairement à ce qui est prévu par la loi en matière de brevet ou de marque, que la cession soit enregistrée pour être opposable aux tiers. Le requérant peut aussi être un organisme de défense professionnelle. C'est ainsi que la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) peut demander une saisie-contrefaçon en cas de représentation sans son consentement d'oeuvres appartenant à son répertoire. (article L. 331-1, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle)128. Cependant, les auteurs peuvent toujours solliciter saisie-contrefaçon même s'ils ont mandaté la SACEM pour sauvegarder leurs intérêts patrimoniaux. En matière de dessins et modèles, la saisie-contrefaçon en matière de dessins et modèles est subordonnée au dépôt des dits dessins ou modèles129. Avant la publicité du dépôt, le requérant peut néanmoins solliciter, sur simple requête et production du certificat de dépôt, la 127 P. Véron, I. Romet, T. Bouvet B. Tronel et N. Bouche, Dalloz action Droit et pratique des voies d'exécution 2010/2011, n° 12121,00 et s. 128 1ere civ. 10 février 1987; pourvoi n° 8512074, Bull. Civ. I n° 49 129 Com 10 janvier 1995, pourvoi n° 9217616, Bull. Civ. IV n° 9

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description détaillée avec ou sans saisie des objets ou instruments incriminés. (article L. 521-1 du code de la propriété intellectuelle) En matière de brevet ou de certificat complémentaire de protection, la saisie n'est ouverte qu'aux personnes énumérées à l'article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle qui doivent justifier non seulement de l'existence du titre sur lequel elles se fondent mais également de ce que celui-ci est toujours en vigueur à la date de présentation de la requête130.

En matière de logiciels, l'article L. 332-4 du code de la propriété intellectuelle prévoit une saisie-contrefaçon spécifique s'appliquant aux logiciels. Pour la Cour de cassation, la saisie contrefaçon de données intégrées dans des fichiers informatiques doivent être mise en oeuvre selon les modalités prévues par ce texte131. En matière de marque, le demandeur à la saisie-contrefaçon peut être bien sûr le titulaire de la marque, mais aussi le cessionnaire titulaire l'une licence exclusive, à condition d'avoir au préalable mis en demeure sans succès le titulaire du droit d'exercer lui-même l'action. Le simple franchisé n'a, en revanche, aucun pouvoir pour solliciter une saisie-contrefaçon. Il est important de préciser que le requérant doit justifier de sa qualité au moment du dépôt de sa requête, une justification ultérieure étant inopérante pour empêcher la nullité des opérations. C'est ainsi que la Cour de cassation juge que viole les articles L. 615-5 et R. 615-1 du code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel qui retient que la justification, en cours d'instance, de l'inscription du brevet européen au profit du demandeur ayant pour effet de rendre son action en contrefaçon recevable, les opérations de saisie contrefaçon sont régulières, alors qu'elle constatait qu'à la date de présentation de la requête en saisie contrefaçon, la cession n'avait pas été publiée, ce dont il résultait que la régularisation ultérieure, qui rendait recevable l'action du cessionnaire en contrefaçon, était sans incidence sur son absence de qualité à requérir une saisie, faute d'opposabilité de ses droits aux tiers à la date de sa requête132. B La procédure d'autorisation

Dualité procédurale Il existe deux procédures de saisie-contrefaçon. La première, simplifiée, relève de la compétence des commissaires de police ou des juges des tribunaux d'instance. Les commissaires de police et, dans les lieux où il n'y en a pas , les juges d'instance, sont en effet tenus, à la demande de tout auteur d'une oeuvre protégée, de saisir les exemplaires

130 Cass. com. 14 décembre 2010, pourvoi n° 7209946, Bull. Civ. IV n° 196 131 Com 20 janvier 2000 pourvoi n°97-12.620 Bull. Civ. IV n° 25 132 Com 31 oct 2006 pourvoi ° 05-11.149 bull civ. IV n° 206

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constituant une reproduction illicite de cette oeuvre. Ils n'ont, en ce cas, aucun pouvoir d'appréciation. Leur compétence territoriale est limitée et ils ne disposent pas de pouvoirs coercitifs.

L'autre procédure, que l'ont peut dénommer de droit commun, requiert l'autorisation préalable du président du tribunal de grande instance. Ce magistrat est en effet compétent pour autoriser, sur requête, selon la procédure prévue aux articles 493 à 498 et 812 du code de procédure civile déjà exposée ci-dessus, une saisie-contrefaçon par un huissier de justice qui lui, en revanche, disposera de pouvoirs coercitifs.

Toutefois, si la juridiction du fond est déjà saisie, la demande de saisie-contrefaçon doit être présentée au président de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée133 ou au juge déjà saisi, et en cas d'appel, au premier président de la cour d'appel134. En matière de brevets, de topographies de produits-semis conducteurs et d'obtentions végétales, le magistrat territorialement compétent est le président du TGI dans le ressort duquel les opérations doivent être effectuées (art. R 615-2, R 615-6 et R 623-51 CPI). En matière de dessins et modèles, de marques et d'indicateur géographiques, le magistrat compétent est le président du TGI compétent pour connaître du fond (art. R 521-2, R 716,2 et R 722,2 CPI). Il est important de préciser qu'à ces règles, s'ajoutent un certain nombre de dispositions qui ont confié à certains tribunaux une compétence élargie dépassant leur compétence territoriale de droit commun et débordant sur le ressort de tribunaux limitrophes (art. L 211-10 du code de l'organisation judiciaire). Ainsi, par exemple, l'article D 631-2 attribue une compétence spécifiques aux tribunaux de Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Lille, Lyon, Paris et Toulouse. Le siège et le ressort des tribunaux de grande instance ayant compétence exclusive pour connaître des actions en matière de dessins et modèles en application de l'article L. 521-3-1 du code de la propriété intellectuelle sont fixés conformément au tableau VI annexé à l'article D. 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire. Procédure Pour la Cour de cassation, la procédure de saisie-contrefaçon, destinée à procurer au titulaire du droit de propriété intellectuelle protégé les preuves permettant de faire sanctionner les atteintes portées à ses droits, attribue au président du tribunal de grande instance, aussi bien quand il est saisi par une requête initiale que lorsqu'il statue sur une demande de rétractation formée en référé, le pouvoir de fixer les conditions et l'étendue de la saisie-contrefaçon. Ce magistrat ne se voit pas, en revanche, reconnaître le même pouvoir d'appréciation de l'opportunité de la mesure sollicitée que lorsqu'il est saisi sur le fondement 133 com 26 mars 2008 pourvoi n° 05-19.782 bull, civ. IV n° 70 134 Com 14 septembre 2010 pourvoi n° 09-16.854 bull, civ.IVn° 137

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de l'article 145 du code de procédure civile135. En effet, s'il constate que les conditions légales sont réunies, il ne peut refuser cette autorisation. Il dispose seulement de la faculté d'apprécier le choix des mesures les plus adaptées, et notamment celles destinées à garantir le droit du saisi en cas de rejet de l'action au fond, notamment en ordonnant un cantonnement, C'est pourquoi il est primordial que le requérant rassemble dans sa requête tous les éléments qui permettront à ce magistrat d'apprécier le sérieux de la plainte et l'importance des dommages que risque de subir le demandeur. Il est à cet égard important de rappeler que l'auteur d'une saisie-contrefaçon peut voir sa responsabilité engagée s'il s'avère ensuite que la saisie était abusive, même si, pour la Cour de cassation, une telle mesure ne fait pas peser sur son auteur une responsabilité objective du seul fait qu'elle se révèle injustifiée136.

Contrairement au droit commun, la non-contradiction est la règle, de sorte que le demandeur n'a pas à justifier de circonstances exigeant qu'elles ne soient pas prises contradictoirement. Cette dérogation au principe de la contradiction est simplement nuancée par l'obligation faite au demandeur de saisir ensuite, selon un délai qui varie entre 15 et 30 jours selon la matière, la juridiction du fond sous peine de nullité de la saisie. La requête a donc pour but d’être utilisée pour les besoins d’un procès. L’ordonnance Deux types de mesures peuvent être autorisées : La saisie descriptive ou la saisie réelle des produits contrefaits. La saisie descriptive consiste en une description des objets prétendument contrefaisants, sans aucune appréhension matérielle. Elle peut être comparée à une mesure de constat au sens de l'article 249 du code de procédure civile. Elle peut toutefois être accompagnée d'un prélèvement d'échantillons. La saisie réelle consiste en une appréhension matérielle par l'huissier de justice des objets argués de contrefaçon. Pour certains auteurs, partant du principe que la saisie-contrefaçon n'a qu'une finalité probatoire, cette appréhension ne peut porter que sur un nombre restreint d'objets137. La saisie de l'intégralité du stock, qui ne pourrait avoir comme finalité que de prévenir une atteinte imminente aux droits du requérant ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon, peut certes être ordonnée, mais sur le fondement d'une procédure distincte, prévue aux articles L 521-6, L 615-3 et L 716-6 du CPI.

135 Com 29 juin 1999 pourvoi n° 97-12.699 bull, civ. IV n° 138 136 com 20 septembre 2011 pourvoi n° 10-19.443 Bull. civ. IV n° 134 137 P. Véron, Dalloz Action op. Cit. N° 1212.71

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C'est en toute hypothèse au juge qu'il appartient de définir et de limiter l'étendue de la mesure. En règle générale, il autorise la saisie d'un ou plusieurs exemplaire des objets soupçonnés de contrefaçon, souvent contre le paiement de leur prix. Depuis la loi du 29 octobre 2007, la saisie peut être étendue aux matériels et instruments qui ont servi à la constitution ou la diffusion des objets contrefaits ainsi qu'à tous documents se rapportant à la contrefaçon. On estime en général que le texte confère à l'huissier de justice, s'il en est expressément autorisé par le président, à rechercher et saisir, au besoin en se faisant ouvrir des serrures par un serrurier, en faisant démonter une machine ou fonctionner un ordinateur, tout document de nature à établir la réalité de la contrefaçon, mais aussi l'origine, la destination ou l'importance quantitative, ce qui lui permet notamment de recueillir, dans les locaux du saisi, des documents commerciaux et comptables138, sur support papier ou informatique. La portée ainsi donnée par le législateur à la saisie contrefaçon en fait une mesure très intrusive qui peut être véritablement comparée à une mesure de perquisition civile, l'huissier de justice pouvant se faire assister par ailleurs par la force publique. Il est important de préciser que la saisie de documents ne peut avoir lieu que si la saisie réelle est ordonnée. La Cour de cassation considère dès lors qu'outrepasse les termes de sa mission l'huissier chargé de pratiquer une saisie descriptive et qui se fait remettre des documents139. La saisie doit avoir lieu en une seule fois, dans un endroit déterminé, et effectuée dans un certain délai à compter de la date de l'ordonnance. Contrairement à ce qui est prévu en matière de mesures d'instruction ordonnées sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, le président du tribunal n'a pas à choisir la personne qui sera chargée d'exécuter la mesure. En effet, ll ne peut s'agir, d'abord, que d'un huissier de justice territorialement compétent au regard du lieu d'exécution. Mais surtout, le choix de cet huissier revient au seul requérant. Il n'appartient donc pas au président de désigner tel ou tel de ces officiers ministériels, comme c'est le cas en matière de constat ordonné sur le fondement de l'article 145 140.

138 P. Véron, Dalloz Action op. Cit. N° 1212.81 139 Com 16 décembre 2006, pourvoi n° 05-14.431, Bull. Civ. IV n° 265 140 P. Véron, Dalloz action op. Cit. N° 1215.51

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Cet huissier de justice peut à son tour se faire assister par tout expert désigné par le requérant. La Cour de cassation a toutefois précisé que cet expert devait être indépendant des parties141. En revanche, et comme l'a rappelé la Cour de cassation, « ni le requérant, ni ses préposés, ne sont au nombre des personnes pouvant assister aux opérations de saisie-contrefaçon , peu important que le juge de la requête leur en ait donné l'autorisation142 ». Enfin, le président du tribunal peut subordonner l'exécution des mesures qu'il ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou la saisie annulée. Signification préalable de l'ordonnance Préalablement aux opérations, et conformément aux dispositions de droit commun prévues à l'article 495 du code de procédure civile, l'huissier de justice saisissant doit, à peine de nullité de la saisie-contrefaçon, remettre au détenteur des objets saisis une copie de l'ordonnance autorisant l'opération . Saisine ultérieure obligatoire de la juridiction du fond Ainsi qu'il a précédemment été dit, la partie saisissante a l'obligation de saisir ensuite, dans un délai qui varie, selon la matière, entre 15 et 30 jours à compter du jour où est intervenue la saisie ou la description, la juridiction du fond par la voie civile ou pénale. Cette obligation distingue la saisie-contrefaçon des mesures ordonnées sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile à l'issue desquelles le demandeur reste libre de saisir ou non une juridiction au fond. A défaut, les opérations de saisies peuvent être annulées à la demande du saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages-intérêts qui peuvent être réclamés. Il importe peu, en revanche, que le juge saisi soit ensuite déclaré incompétent. Pour la Cour de cassation, dès lors qu'il a saisi un juge d'instruction, fut-il incompétent, et en l'absence de fraude, le saisissant satisfait à l'obligation de saisir le juge du fond143. Nullité des opérations La nullité d'une saisie-contrefaçon privant les constats et descriptions effectués par l'huissier de justice de leur valeur probante, de telles constatations, alors même qu'elles résultent de photocopies réalisées par cet huissier, sont en pareil cas dépourvues d'une telle valeur144. 141 Civ. 1ere 6 juillet 2000, pourvoi n° 9721430, Bull. Civ. I n° 210, Com 28 avril 2004, pourvoi n° 0220330, Bull. Civ. IV n° 75 142 Com 8 juillet 2008, pourvoi n° 07-15.075, bull. Civ. IV n° 142 143 Crim 29 février 2000, pourvoi n° 99-82.048, Bull. Crim. n° 88 144 com 1er juillet 2003, pourvoi n° 01-10.807, Bull. Civ. n° 112

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Toutefois, l 'annulation d'une saisie n'implique pas l'interdiction, pour le titulaire du droit privatif, de faire pratiquer toute nouvelle mesure légalement admissible. La Cour de cassation en déduit que ce dernier est recevable à former une nouvelle requête et à procéder en conséquence à la réitération de la saisie annulée145.

145 com 8 juillet 2008 N° 07-15.075 bull n° 142