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Article original in Kendo World Journal 1.1 – 2001. www.kendo-world.com L’historique du bôgu par Nakamura Tamio Actuellement, le terme japonais officiel employé pour faire allusion à l’armure utilisée en kendo n’est pas « bôgu », mais « kendô-gu ». Néanmoins, le terme bôgu est encore celui qui est le plus communément employé et c’est celui dont je me servirai dans cet article. Avant d’examiner l’historique du bôgu/kendô-gu, je donnerai en premier lieu une explication de ces termes et de comment ils en vinrent à être employés. Origine des termes. Il n’y a pas de réelles archives indiquant que le mot bôgu ait jamais été utilisé pendant l’ère Edo (1600‐1867). D’autres expressions telles que dôgu, bugu, take-gusoku entre autre étaient employées pour faire allusion à l’armure destinée à l’entraînement martial. La première fois que le terme bôgu vint à être employé fut durant l’ère Meiji (1868‐ 1912) par les militaires, lorsque l’armée japonaise fut remodelée suivant le système français. En 1884, un conseillé militaire français, Kiehl de Villaret [Il y a ici une erreur : il s’agit en fait de deux personnes différentes, Joseph Kiehl et Etienne de Villaret, tous deux membres de la Troisième Mission Militaire Française au Japon, 1884‐1889], fut invité afin d’instruire les forces armées japonaises dans les techniques françaises d’escrime et de baïonnette. En 1889, après qu’il eut accompli sa tâche et quitté les rivages du Japon, les forces armées furent réformées en profondeur et le Kenjutsu kyohan (manuel de technique d’escrime) fut rédigé, décrivant la méthode officielle japonaise du maniement du sabre. Ce manuel était divisé en sections couvrant kenjutsu, guntôjutsu (le sabre réglementaire militaire) et jûkenjutsu (techniques de baïonnette). Dans le texte, il est stipulé que « l’équipement de jûkenjutsu peut être divisé en 2 catégories, l’arme et le bôgu ». En outre, « le bôgu consiste en un men, un (avec tare attaché), une protection d’épaule et un kote » ; ce qui en fait la première référence connue du terme bôgu. Il semblerait qu’à l’époque où les soldats japonais commencèrent leur entrainement en escrime et baïonnette à la française, le mot bôgu dériva de bô-shin-yô-gu (équipement de protection pour le corps). Le Kenjutsu kyohan fut révisé trois fois, et devint graduellement plus orienté vers l’équipement et les techniques traditionnels japonais. Après la troisième révision en 1915, l’armure portée lors de l’entraînement au style particulier de kenjutsu des forces armées, avait généralement un pourvu d’un tare attaché, mais il était encore permis d’utiliser une armure du type de celle employée dans les cercles de kendo conventionnel « non militaire ». Finalement, le terme bôgu, qui se rapportait originellement à l’armure utilisée pour le kenjutsu militaire, désigna également l’équipement utilisé pour le kendo « normal ». A partir des années 1920, le mot bôgu vint à désigner un set d’armure de kendo comprenant un men, des kote, un et un tare. Cette tendance continua dans la période juste après la guerre, lorsque le kendo fut banni un certain nombre d’années par

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ArticleoriginalinKendoWorldJournal1.1–2001.www.kendo­world.com

L’historiquedubôgu

parNakamuraTamio

Actuellement, le terme japonaisofficiel employépour faireallusionà l’armureutiliséeen kendo n’est pas «bôgu», mais «kendô­gu». Néanmoins, le terme bôgu est encoreceluiquiest leplus communémentemployéet c’est celuidont jemeserviraidanscetarticle.Avantd’examinerl’historiquedubôgu/kendô­gu,jedonneraienpremierlieuuneexplicationdecestermesetdecommentilsenvinrentàêtreemployés.Originedestermes.Iln’yapasderéellesarchivesindiquantquelemotbôguait jamaisétéutilisépendantl’ère Edo (1600‐1867). D’autres expressions telles que dôgu, bugu, take­gusoku entreautreétaientemployéespourfaireallusionàl’armuredestinéeàl’entraînementmartial.La première fois que le terme bôgu vint à être employé fut durant l’èreMeiji (1868‐1912) par les militaires, lorsque l’armée japonaise fut remodelée suivant le systèmefrançais.En1884,unconseillémilitairefrançais,KiehldeVillaret[Ilyaiciuneerreur:ils’agitenfait de deux personnes différentes, Joseph Kiehl et Etienne de Villaret, tous deuxmembres de laTroisièmeMissionMilitaire Française au Japon, 1884‐1889], fut invitéafind’instruirelesforcesarméesjaponaisesdanslestechniquesfrançaisesd’escrimeetdebaïonnette.En1889,aprèsqu’ileutaccomplisatâcheetquittélesrivagesduJapon,les forces armées furent réformées en profondeur et le Kenjutsu kyohan (manuel detechniqued’escrime)futrédigé,décrivantlaméthodeofficiellejaponaisedumaniementdu sabre. Ce manuel était divisé en sections couvrant kenjutsu, guntôjutsu (le sabreréglementairemilitaire) et jûkenjutsu (techniques de baïonnette). Dans le texte, il eststipulé que «l’équipement de jûkenjutsu peut être divisé en 2 catégories, l’arme et lebôgu».Enoutre,«lebôguconsisteenunmen,undô(avectareattaché),uneprotectiond’épaule et un kote»; ce qui en fait la première référence connue du terme bôgu. Ilsemblerait qu’à l’époque où les soldats japonais commencèrent leur entrainement enescrimeetbaïonnetteàlafrançaise,lemotbôgudérivadebô­shin­yô­gu(équipementdeprotectionpourlecorps).Le Kenjutsu kyohan fut révisé trois fois, et devint graduellement plus orienté versl’équipement et les techniques traditionnels japonais. Après la troisième révision en1915,l’armureportéelorsdel’entraînementaustyleparticulierdekenjutsudesforcesarmées,avaitgénéralementundôpourvud’untareattaché,maisilétaitencorepermisd’utiliserunearmuredutypedecelleemployéedanslescerclesdekendoconventionnel«nonmilitaire».Finalement,letermebôgu,quiserapportaitoriginellementàl’armureutiliséepourlekenjutsumilitaire,désignaégalementl’équipementutilisépourlekendo«normal». A partir des années1920, lemotbôgu vint à désigner un set d’armuredekendocomprenantunmen,deskote,undôetuntare.Cettetendancecontinuadanslapériodejusteaprèslaguerre,lorsquelekendofutbanniuncertainnombred’annéespar

le GHQ (le Commandement des Forces Alliées) et fut remplacé par une variante«sportifiée»moinsagressived’escrimeappeléeshinai­kyôgi,quiutilisaitd’ailleursunearmureconsidérablementmodifiée,maisquiétaittoujoursnomméebôgu.LaAllJapanKendoFederationfutforméeen1952.Danslafoulée,lesrèglesofficiellesdecompétition de la All Japan Kendo Federation furent formulées, et dans la sectionconcernantl’équipementilestdit:«Lebôgudoitcomprendreunmen,deskote,undôetun tare». Avec ce passage, le terme bôgu faisait concrètement son entrée dans lesannalesofficiellesdestermesdekendo.Néanmoins, une recherche dans les dictionnaires et les encyclopédies japonaispopulairesdesannées1950et1960nedonneraquerarement,voirejamais,derésultatpourlemotbôgu,indiquantainsiquederniernefutpasutiliséparlesgensducommunavantladeuxièmemoitiédesannées1960,où,alors,desdictionnairesmajeurstelsqueleKojien (secondeédition)définissent«bôgu» comme«unéquipementdeprotectionutiliséenkendoetcomprenantunmen,deskote,undôetuntare».Lemêmetermefutensuiteégalementappliquéàl’équipementutiliséenescrimeoccidentale.En1979,lesrèglesdecompétition/arbitragedekendofurentréviséesenprofondeur,etl’article4stipuledefaçonconcise:«leKendô­gucomprendraunmen,deskote,undôetun tare». Depuis cette révision, lemotbôgu est officiellement remplacé par le termekendô­gu. A ce propos, dans la révision de 1995 de ces mêmes règlements, le termekeiko­gifutchangéenkendô­gi.Ainsi,letermepourl’armureutiliséeenkenjutsuévoluadedôguàbôgupuisfinalementàkendô­gu.Jevaismaintenantmepenchersurl’évolutiondel’armureelle‐même.L’émergencedubôgu.Jusqu’àmaintenant, il était généralement accepté que lebôgu fit son apparition entre1751et1772.Pourtant,ilseraitfauxdeconclurequelebôguapparutsoudainementenunedateparticulièredel’histoire.Durantlapériode1661‐1681,unemultituded’écolesmartiales virent le jour, et ce fut à partir de cemoment en particulier que plusieursécoles explorèrent différentes façons de participer à des entraînements moinsdangereuxendéveloppantdespiècesd’armuredeprotection.A partir de là, j’introduirai quelques documents de cette période qui décrivent cesélaborations.Malheureusement, les sourcesdocumentéesdatantdecettepériodesontplutôtmaigres,rendantdifficilelacomplétiondupuzzle.Toutefois,lefameuxchercheurmilitaireetconfucianisteYamagaSokônousa laisséquelquesréférencesintéressantesconcernantl’utilisationdeséquipementsdeprotectiondudébutdel’èreEdo.«Aproposdesbénéficesdusystèmed’entraînementaukenjutsuavecunshinai[…]lespratiquantsavaientl’habitudedeporterunearmure,avecunmasqueprotecteurenfer,etpouvaients’engager dans de rigoureux combats simulés, jusqu’au fond des possibilités [sans lapeurdeseblesser]».Noustrouvonsuneréférencedatantdusecondmoisde1663,parKamiya Denshin Yoriharu,maître de l’école Jikishin‐ryû, dans un essai qu’il envoya àOsawaTomoemon à propos de l’utilisationd’un équipement de protection. «Dans lesentrainements conduits dans les autres écoles, une armure en cuir est portéeaccompagnée par d’autres pièces d’équipement variées incluant desmasques pour levisage. Dans l’école Jikishin‐ryû, par contre, nous ne demandons pas d’utiliser de telséquipements…» En conséquence, nous pouvons déterminer grâce à ce passage queplusieurs écoles anonymes autre que la Jikishin‐ryû pratiquaient l’entraînement aucombatprotégéspardeséquipementsdesécuritédèsledébutdel’èreEdo.

En1682, un diptyque dessiné parHishikawaMoronobu et intituléChiyo no tomozurudépeintdeuxjeunesguerriersbrandissantdeslancesàpointesécuriséeetengagésdansun match avec un autre jeune guerrier équipé d’un men, dô­tare et d’un naginata(illustration1).

Cette illustrationfutcertainementachevéevers la finduXVIIesiècle.Curieusement, letype debôgu dépeint dans ce diptyque comprendunmen diminué de sonmatelas deprotectionausommetetdesaprotectiondegorge(nodo­dare).Lemenn’estniplusnimoinsqu’unegrillecouvrantlevisage,etsembleêtrefaitdebambou.Letareestattachéau dô (dô­tare), qui est aussi fait de bambou, similaire en ça à ceux fabriquéspostérieurement. Des dessins similaires d’Hishikawa de 1684 environ peuvent êtreadmirésdansl’Ukiyotsuzuki,cequimontreunefoisdeplusquel’utilisationdesarmuresd’entraînementétaitrelativementrépanduedèsledébutdel’èreEdo.Bôguemployéensôjutsu(combatàlalance)La question qui se pose est: laquelle des deux disciplines, kenjutsu ou sôjutsu,commençaàutiliser l’armured’entraînementenpremier?DansKendônohattatsu (Ledéveloppement du kendo) de Shimokawa Ushio, il est dit que, vu les différences detechnique entre kenjutsu (principalement techniques de coupe) et sôjutsu(principalementtechniquesdepique/perforation),maisaussienconsidérantlequeldesdeuxétaitleplusdangereux,ilallaitsansdirequelespartiesd’armuretellesqueledôet le tare étaientnéessansnuldoutede lapratiquedusôjutsu,puis furentappliquéesparlasuiteaukenjutsu.Au début de l’ère Edo, les écoles martiales commencèrent à se spécialiser dans unearme en particulier. Cependant, quel que soit le curriculum, plusieurs armes étaientprisent en considération. Ainsi, une école spécialisée en sôjutsu avait évidemment àapprendre à répondre à un adversaire armé d’un sabre. Ce fait rend hasardeusel’hypothèse que le bôgu ait été développé uniquement par les écoles de sôjutsu, etensuiteseulementutiliséparlespratiquantsdekenjutsu.Jelaisseiciledébatsurquelledisciplinecommençaàseservirlapremièredel’armure,

et porte maintenant mon attention sur le style de bôgu utilisé en sôjutsu et sondéveloppementprogressif,comparéàceluiportéenkenjutsu.Aproposdel’illustration1,J’aifaitmentiondecetypedemenquisemblaitêtrefaitdebambouetn’avaitpasdematelasdeprotection,niausommetdelatête,niàlagorge.Leguerrier sur ce dessin n’utilise pas non plus de kote, et il en va de même dans lesillustrationsultérieuresdeHishikawa.Néanmoins,dansleGeijutsubuko­rondeKashibuchiArinori(1768),desillustrationsdubôgu utilisé par les pratiquants de l’école de sôjutsu Masaki‐ryû, montrent certainesaméliorations.Lemenpossède,et lematelasdeprotectionausommet,et laprotectiondegorge,sansoublierbiensûrlagrilleenmétalprotégeantlevisage.Letareestattachéaudôfaitdebambou,etl’onpeutvoirégalementuneprotectionauniveaudel’aisselleetdelataille(illustration2).

Par conséquent, on assiste en l’espace d’un siècle à un bond dans l’évolution de lafacturedumen. Celui‐ci estplus robustepar la factureenmétalde lagrille, et fournituneprotectionbeaucouppluseffectiveauxpartiesfragilesquesontlesommetducrâneetlagorgeavecsonépaisetamplematelas.Onnoteaussil’étenduedecetteévolutionàtraversuntexteécritverslafindel’èreEdo,présentant l’équipement utilisé au sein de l’école Fuden‐ryû. Ce texte nous dit que letsuki­dareétaitfaitdebambouetdecuir,etétaitdelamêmelargeurqueceluiquel’ontrouve sur les men modernes. Ce même texte possède également des illustrationsmontrantdeskote,probablementutilisés lorsderencontrescontredespratiquantsdekenjutsu, et des sune­ate (protection de jambe) vraisemblablement portés lors dematchescontrelenaginata.Cequitendàprouverquelaplupartdesentraînementsensôjutsu n’étaient pas basés uniquement sur yari versus yari, mais également sur lapratique contre des adversaires utilisant des armes différentes (ishu­jiai), et quel’évolutiondubôgus’estcentréesurdetellesconsidérations.Ceciétaitprobablementdûauphénomènepopulaire,àl’époque,destournoisinterécoles(taryû­jiai).Néanmoins, d’autres textes montrent que l’utilisation du tsuki­dare n’était pasuniverselle parmi les écoles, et ce, même en 1812, comme on peut le voir dansl’illustration3quidépeintunentraînementdesôjutsuaudojoNisshinkanavecunmen

sans tsuki­dare, etundô encuir.Cette imageestunereprésentationde l’unedes troisécoles de sôjutsu en activité au sein du clanKaitsu (Ouchi‐ryû,Hozoin‐ryû, Isshi‐ryû),bien qu’il soit difficile de dire laquelle. Ce que nous savons par contre, c’est que cesentraînementsétaientconduitsavecarmuredeprotectionetyari«mouché».

Enétudianttoutescesillustrations,onremarqueraquedanslaplupartd’entreelles,leskote sont absents pour une raison indéterminée. C’est peut‐être parce que le yari sepratiquait àmainnueet leskote ne faisaientdoncpaspartie initialementde l’armured’entraînementutiliséedans cettedisciplineenparticulier; et ce jusqu’audébutde lapériode dite du Bakumatsu (à partir des années 1850). Comme je le montreraibrièvement,leskote furentprobablementimportésdanslapratiquedusôjutsuàpartirdukenjutsu,oùilsétaientdéjàutilisésdepuisledébutdel’èreEdo.Quoiqu’ilensoit,lesdeuxdisciplinesempruntèrentetaméliorèrentlesdéveloppementsdel’autre,jusqu’àcequelebôguévoluegraduellementverssaformeactuelle.

Lebôguenkenjutsu.A propos des différents types d’armure utilisés en kenjutsu, Shimokawa déclare dansKendonohattatsuqueYamadaHeizaemonMitsunori(1639‐1716)del’écoleJikishikage‐ryû se lamentait du manque d’esprit combatif de nombreux pratiquants qui ne seconcentraient que seulement sur l’étude des kata. Il commença alors à concevoir unsystèmed’entraînementquipermettraitauxpratiquantsde frapperavecunmaximumdeforcesansaucundangerdecauserdesblessuresnideressentirladouleur.Son3efils,NaganumaShirozaemonKunisato(1688‐1767),achevacettetâcheentre1711et1716.J’utiliserai lathéoriedeShimokawacommebasepourexaminerl’évolutiondubôgudekenjutsu.L’école Jikishikage‐ryû débuta avec Sugimoto Bizen‐no‐Kami Masamoto de l’écoleShinkage‐ryû.Le5esuccesseurdelatradition,KamiyaDenshinsaiSadamitsuchangealenomdel’écoleenJikishin‐ryû.ElledevintensuiteJikishinSeitohasousle6egardiendelatradition,TakahashiDanjozaemonShigeharu,etenfinJikishinkage‐ryûsousle7emaître,YamadaHeizaemonMitsunori.Selon leHeihôdenki chukai, unmanuscrit de Jikishinkage‐ryû, YamadaHeizaemon futgravement blessé au jeune âge de 18 ans dans un combat au bokutô. Il stoppa sonentraînementaukenjutsu jusqu’à l’âgede32ansoù il entraencontactavec l’écoledeTakahashiDanjozaemon,auseindelaquelle«unmasquegardantlevisageetdesgantsde protection avaient été créés, rendant ainsi possible l’entraînement au combat sansrisque de blessure». Il devint immédiatement un élève de cette école, et il est inscritqu’àl’âgede46ans,ilreçutunelicenced’enseignant(menkyo).C’était en 1684, mais il est évident qu’à l’époque, l’école de Takahashi Danjozaemonutilisaitdéjàlebôgudepuisuncertainnombred’années.Toutefois,cebôguneconsistaitqueseulementenunmasqueetdesgants,maisrienn’étaitutiliséquiressemblâtàundô. La Sagawa Shinkage‐ryû, une école associée, loin au nord du Japon, utilisaitégalement seulement masque et gants lors de ses entraînements. Cela indique parcontre que toutes les écoles rattachées à Shinkage‐ryû se servaient du fukuro­shinai(prototypedushinaimoderne),dumenetdeskote.Dansl’illustration5,tiréeduSendaifûzoku­shi (1927) de Suzuki Shozo, on peut voir un adepte de l’école Shinkage‐ryûutilisant seulement un fukuro­shinai, un men et des kote: «comme le tronc n’étaitprotégéqueparlefintissudukimonoquel’onportait,onapprenaitlasignificationdeladouleur lorsque l’on était touché à cet endroit plutôt vulnérable lors des keiko! » LemaîtredeTakahashiDanjozaemon,KamiyaDenshinsaidécrétaque«lorsquevousvousengagezdansuncombatcontreuneautreécole,vousdeveztoujoursutiliserunbokutô.L’utilisationdushinaiest interdite». Ilétaitun ferventavocatdeskata,etcen’estpasavant l’ère de Takahashi Danjozaemon que le bôgu devint la norme plutôt quel’exception.

Dans le texte Heihô zakki de Yamada Heizaemon, celui‐ci écrit que «pour atteindreréellementunecompréhensiondecequ’estlecombatàmort,ilestnécessairepourlesdeuxcombattantsdeporterunmen, leskote etd’autrespiècesdeprotection,etdeseforger à travers la confusion rencontrée en s’engageant dans un audacieux et nonrestreintentraînement».Cepassagelàseréfèreàuchikomi­geiko,entraînementoùl’onfrapperéellementavecleshinai,quifutàl’évidencepromuparHeizaemonàlafindesavie. Heizaemon mourut en 1716, période qui correspond avec la déclaration deShimokawadisantquelebôguétaittoutsauf«parfait»àcemomentdesonhistoire.Enplusdetoutcela,l’inscriptionsurlapierretombaledu3efilsdeYamadaHeizaemon,NaganumaShirozaemonKunisato(1688‐1767),héritierdelatraditionJikishinkage‐ryû,ditqueparmisesexploits,ilyavaitceuxd’avoiraméliorélebokutôetleshinai,etd’avoirperfectionné l’armure en y ajoutant une grille en métal pour le men et d’épaissesprotections en coton recouvrant leskote. Kunisato hérita de la tradition par son pèreHeizaemon en 1708 et tous les deux travaillèrent dur, ensemble, afin d’améliorer lebôgu,jusqu’àlamortdeHeizaemon.En ce basant sur ces documents, il ne devrait pas être erroné de conclure que lesaméliorationsdumenetdeskoteutilisésdanslesécolesdelalignéedeJikishinkage‐ryû,ainsi que l’addition du dô pour protéger le tronc furent des innovations de YamadaheizaemonetdesonfilsNaganumaKunisato,danslesannées1711‐1716environ.LebôgudeJikishinkage­ryûMaintenant que nous avons vu comment a évolué le bôgu dans la tradition dejikishinkage‐ryû,Jeporteraimonattentionsursonaspect.Ayantditcela,ilfautpréciserque,autantquejesache,iln’yapasdesetoriginaldebôgudeJikishinkage‐ryûquisoitparvenu jusqu’à nous. On peut cependant s’en faire une idée générale à partir desillustrationscontenuesdansunlivrede1931deTominagaKengo,leSho­ryûhabudôgu­zue (illustrations d’armures provenant de différentes traditions martiales) (voirillustrations6,7&8).

Enregardantdeprèscesillustrations,onpeutconjecturerquelemenétaitenbambouetvoirquecelui‐cinepossédaitpasdeprotectiondegorge,tsuki­dare.Ledôétaitfaitdelamelles de bambou plates liées ensemble; leskote couvraient complètement l’avant‐

bras;leshinaiétaitunfukuro­shinai.Sil’oncomparecesillustrationsavecl’illustration5, l’armuredel’écoleShinkage‐ryu,onremarquequelquedifférence:cettedernièrenepossèdepasdematelascouvrantledessusdelatêtenidedô.Lebôgudépeintdanslesillustrations 6‐8 était probablement peu différent de celui développé par NaganumaKunisato.

PerfectionnementsSurlapériodes’étendantde1751à1764,environcinquanteannéesaprèsquelebôgudeShinkage‐ryufutachevé,NakanishiChuzoTsugutakedel’écoleIttô‐ryûparticipaitàdes«fullcontact»uchikomi­geikoenutilisantun«men faitdemétaletunearmureenbambou». Dans le Ittô­ryû heihô toho kigen (traité concernant Ittô‐ryû – édition de1861)deNakanishiKoresuke,ilestditque«leclanNakanishiutilisapourlapremièrefoisunshinailorsdesesentraînementspendantlapériodeHoreki»(1751‐1764).DansleHeihômichishirabe (éditionde1834)deShiraiToru, ilest fait référencede la façondont Tsugutake, après la mort de son père, excella dans l’art du kenjutsu en sediversifiant et en expérimentant avec un shinai, plutôt que de se confiner dans desméthodesd’entraînementplustraditionnelles.La raison pour laquelle Nakanishi Chuzo tsugutake pratiquaituchikomi­geiko avec unshinaiestnotéedansun texteenréponseàune lettredeYamagaTakayoshide l’écoleIttô‐ryû du clan Tsugaru dans le douzième mois de l’année 1775. La lettre posait àNakanishi Tsugutake onze questions concernant le pour et le contre de la brancheNakanishidelatraditionIttô‐ryû.Lesréponsesàcesquestionssontclairementinscritesdans le Ittô­ryû gokui. Nakanishi était stimulé par l’intérêt que lui portait Yamaga etrépondit aux questions, mais s’abstint de commenter la question sur l’utilisation dushinaiavantletroisièmejourdupremiermoisdel’annéesuivante.Yamagaavaitposéàsonmentor,OnoTadao,maîtredel’écoleOno‐haIttô‐ryû,lamêmequestionvis‐à‐visducombat avec un bokutô et du combat avec un shinai; ce à quoi ce dernier répondit«s’entraîner avec un shinai est incroyablement clément, et n’est rien de plus que jeupour enfant. Ce n’est rien de plus qu’une façon de se soustraire à la profondeur ducombat réel». En contraste avec cela, Nakanishi répliqua que c’était une complèteincompréhensiondesobjectifsdugroupedeNakanishiquantàl’emploidushinailorsdel’entraînement.Cecontentieuxàproposdel’utilisationdushinailorsdel’entraînementau combat, opposé à la pratique des kata, ne restera pas seulement une questionimportanteauseindel’écoleIttô‐ryû,maisseraégalementfurieusementdébattupardenombreuses autres traditions martiales. C’est à partir de là que nous assistons à untransition massive de la méthode d’entraînement traditionnelle par le biais des katautilisantdevraieslamesoudesbokutôverscelledelapratiqueavecshinai,commedanslekendomoderne.Concernant lesmodifications du bôgu à partir de la fin du XVIIIe siècle, il existe uneréférence dans leNisho gogo no ben de Zokukoken Koon (1794) qui décrit l’état del’équipementàcetteépoque.«Lasoi‐disantarmuren’estriendeplusqueducotonouducuirassemblésavecdurembourragepuiscousu,etdespiècesdebambouliéesentre‐elles».DansletraitésurlekenjutsudeYamazakiToshihide,Kenjutsugiron(1791),ilestdit: «il n’y a pas de meilleur façon de comprendre les principes du combat que demettreunmenetd’enfilerdeskote,etdepratiquerlestechniquesavecunshinai,sansaucuneinquiétudedeseblesser».Demême,dansleKenjutsuhidendokuShugyo(1800)dumêmeauteur,ilestnoté:«dansunpremiertemps,lespratiquantsportentunmen,deskoteetuneprotectiondecorpsenbambou,afindenepass’exposeràdesblessures[…]»Cespassages indiquentque l’utilisationd’unearmured’entraînementétait assezrépandue à cette époque. L’armure dépeinte dans l’illustration 9 tirée d’un mangad’Hokusai(1808)estreprésentativedubôguutilisépendantcettepériode.Parcontre,aprèsinspection,onremarqueraunefoisdeplusqu’iln’yapasdeprotectionde gorge, comme c’était le cas avec le bôgu de Jikishinkage‐ryû montré dans lesillustration 6, 7 et 8. Cela semble indiquer que les techniques de tsuki n’étaient pasemployées, etque labasede l’entraînement tournait autourdes frappesaukote et aumen.

Aproposdestechniquesdetsuki,ilyaundocumentintéressantrelatifàuncertainOishiSusumu du clan Yanagigawa qui, dans la période Tempo (1830‐1844), se servit d’unshinaiparticulièrement longmesurant5shaku3sun (environ167cm)afindebattreàplatescouturesunépéisterenomméd’Edoavecdestsukietdescoupesaudô.Ilapparaîtqu’Oishi n’était pas seulement le maître de sa propre école Oishi Shinkage‐ryû, maispossédaitégalementunelicenced’enseignantdel’écoleOshima‐ryûSôjutsu(techniquesdelance).Ilsembles’êtreservidessonhabiletéauxpiquesdestechniquesdelancepourprendreunavantagecertainsurlepointfaibledesbôgudekenjutsu.Peut‐êtreenpartiedû aux exploits d’Oishi, les shinai plus longs devinrent à lamode dans les années quisuivirent.Aussi,commedépeintesdanscertainesimagesdebôgudecetteépoquecontenuesdanslefameuxlivredeTakanoSasaburo,Kendo,delargesprotectionsdegorgefurentalorsajoutéesaumendanslebutdegardercettecibleplutôtfragile(illustration10).

Tout ce qui pouvait être populaire à Edo faisait son chemin vers les provinces, et lesprotectionsdegorgeattachéesaumennefurentplusuneexception.Parexemple,cesetrudimentairedebôgufabriquéàlamaindansunpetitvillageen1836(illustration11)estfaitdebambou,maispossèdeuneprotectiondegorgeénorme.

Unautresetd’armurefutégalementtrouvédanslemêmevillage,maiscelui‐cipossèdeunegrilleenmétalsurlemenaulieud’unegrilleenbambou,cequilaissepenserqu’ilyavaituneautretransitiondanslestyledesarmuresàcetteépoque.Commenousl’avonsvu,lesmodificationsdelagrilleenmétal,dutsuki­dare,dumatelasau sommet de la tête et de la protection de poitrine sur le dô semble avoir été desadaptations pour le kenjutsu, copiées du bôgu utilisé en sôjutsu. A l’inverse, les koteétaientàl’origineuneinventiondukenjutsuquifutincorporéeàl’équipementportéensôjutsu. Donc, les deux formes de tradition martiale utilisèrent et améliorèrent lesinnovationsdel’autrejusqu’àcequecelaaboutisseàlaformefamilièreutiliséedenosjours,oùunbôgustandarddekendoconsisteenunmencompletavectsuki­dare,kote,dôettare.Acetteépoque,laformedebaseétaitétablie,etl’évolutiondubôgusedirigeaversunepériodedeperfectionnementdesélémentsséparés.Dans la ville animée d’Edo, les environs de Kajibashi, Atago et Shitayakanari kaidoétaientpleinsdemagasins spécialisésdans laventedebôgu etde shinai.Dans leSho­kokukairekinichirokudeMutaTakaatsu(uncarnetdevoyage),ilestfaitmentiondelui‐mêmecommandantundôencuirdansuneboutiquedeNichikage‐chôauprixde1ryô.Nous pouvons également apprendre dans ce texte qu’un shinai coûtait la modiquesommede200mon.Lecoûtmoyenqu’avaitàdébourseralorsunpratiquantdekenjutsupourunshinaiétait,semble‐t‐il,quelquechosecomme200ou270mon.Près de l’endroit où nombre de ces magasins étaient concentrés se tenait le dojo deJikishinkage‐ryûdeNaganuma,cequienfaisaitenvéritéune«placeforte»dukenjutsu.Deplus,laraisonpourlaquelleleBakufuconstruisitl’académiemilitaireKobushodanscequartierconcernaitladéfensenavale,àcaused’unaccèsprocheàlamer,maisaussiparcequelazonegrouillaitd’expertsenkenjutsuetl’équipementabondait.

IlyaunecharmanteimagedansleEhonazumaasobi(1802)deKatsushikaHokusai,quidépeintcequicepassaitdansl’undecesmagasins(illustration12).D’uncoupd’œil,onpeutvoirdesfukuro­shinai,etdumatérieldeprotectionenbamboupenduauxmursdecequiressembleàunmagasind’armuretraditionnelle.Encebasantsurcetteimage,onpeut supposer que c’était principalement ces artisans (d’armure traditionnelle) quis’occupaientégalementdel’équipementcontemporain.

LebôgupendantleBakumatsu.Avecl’arrivéedesbateauxnoirsdePerryàUraga,leJaponfutforcéd’ouvrirsesportesàl’Ouest, et il y eut une très forte augmentation des ventes d’armes et d’armures. Cesévénementsprirent leBakufupar surprise qui décidaprécipitamment la constructiond’une académie militaire nationale (la susmentionnée Kobusho) à Edo en 1855 afind’encouragerl’étudedesbujutsu.

Le Kobusho fut responsable de l’unification des critères se rapportant au bôgu et aushinai utilisés dans la pratique du kenjutsu, qui, jusqu’alors, variaient d’une école àl’autreetd’undojoàl’autre.LeKobushoentrepritaussideplacermoinsl’accentsurlapratiquedeskataquesur l’entraînementaushiai,etétablit lesrèglementsrelatifsà lalongueurdes shinai, réduiteàpasplusde3 shaku 8 sun (environ115cm).Celaportaeffectivement le kenjutsu à un autre niveau, détaché de toute école ou traditionparticulière. L’accent sur le shiai entraina également un regain d’intérêt pour lesmatches interécoles(taryû­jiai),etdesbôguplussolidesetplus transportables furentdéveloppés.AlorsquelesjoursduBakufuallaientsurleurfin, letrèsrépandudôunepièceencuirfutincorporéàunsetd’armurefacileàtransporter.Danslecasdesarmuresenbambou,lazonedelapoitrinejusquesousleshanchesétaitengénéraldroiteetrigide,alorsqueledôencuirpouvaitposséderunecourbures’ajustantauxlignesducorps.Aussi,avecl’armure en bambou, ledô et le tare étaient assemblés en une pièce unique et le tareconsistait en trois rabats de protection.Mais, avec la version en cuir, le dô et le tarefurentséparés,etletarefutamélioréparl’ajoutdedeuxrabatssupplémentaires.Lemenn’était pas différent de celui utilisé aujourd’hui, et possédait quarante barresmétalliques horizontales protégeant le visage. Les barres horizontales et verticalesétaient protubérantes et étaient suffisamment solides pour protéger des piques auvisage.Deplus,lematelasdumenétaitàpeuprèsdelamêmetaillequelaprotectiondegorge,neprotégeantqu’àpeinelesépaulesetparaissaitdonctrèscourtencomparaisondesmenactuels.Laprotectiondegorgeétaitquelquepeuconséquenteenlargeurmaisne possédait pas la protection de secours à l’arrière comme lesmen modernes ont(illustration13).

Acetteépoque,lesdôétaientfaitsdebambouavecunecouchedecuirprotecteurtendusur le devant. La partie principale dudô devint bombée, très similaire auxdô utilisésaujourd’hui(illustration14).

Lebôguaprèsl’èreMeiji.Avecledébutdel’èreMeiji,lesclans(han)furentdissoutsetlekenjutsusetrouvasurledéclin.Cequisauvalekenjutsudel’extinction,cefurentlesspectaclesmisenplacepouramuserlesfoulesetlacréationdedojosprivéspardesamateursdekenjutsuautonomes.LegouvernementMeijirestructurasonarméesurlemodèlefrançaiscommejel’aidéjàmentionné. En 1884, les Japonais invitèrent le conseillé militaire français Kiehl deVillaret[voirplushaut]quiprocédaàl’introductiondesméthodesd’escrimefrançaise.Ce style de kenjutsu fut ensuite structuré et présenté dans le manuel cité en débutd’article,leKenjutsukyohan.C’estlapremièrefoisqueletermebôguétaitutiliséetilserapportaitàl’armuredestylefrançais.Cependant, le Japonvintàporterson intérêtmilitairenonplussur lemodèle français,mais sur lemodèle allemand.Dans lemanuel susmentionné,des amendements furentfaits, dans lesquels il était stipulé que le bôgu de style japonais serait utilisé pourpratiquerlestyled’escrimeeuropéenàunemain.Mêmeavecceschangementsdanslesystèmemilitaire, lebôgu traditionnel japonaiscontinuaaêtreutiliséetdéveloppé,etunnouveaudô,parexemple,futproduitenmasseavecuneprotectionsupplémentairepourledessousdesaisselles;lacourburedudôfutencoreplusaccentuée.Pendantl’èreTaishô(1912‐1926),laproductionenmassedebôgucontinua,etlesbôgufabriquésà lamachinefirent leurapparitionàcôtédel’équipementtraditionnelcousumain.Durant lapériodeShôwa, leskote étaientdécoupésausommetenhautdu futon,et lematelassurlemengagnaitenlongueurafinqu’ilpuisseéventuellementcouvrirtoutelasurface des épaules. C’est à ce stage que l’on peut dire que l’évolution du bôgu estterminée.Apropos,si l’onencroit lecatalogued’unmagasinen1932, lebôgu lepluscherqu’ilsavaient en vente valait 85 yens le set. Si l’on considère les éléments séparés, lemen(distanceentrelescoutures,1bu5rin;finitioncuir,grilleenmétal)valait26yens,leskote18yens, ledô24yenset le tare17yens.Lesetenbambou lemoinschercoûtait

10,5yens(10yenset50sens).Undôencuirpouvaitcoûterdansles20‐30yens.Sil’onmultipliecesprixpar10000pouravoirunéquivalentactuel,leprixs’élèveraità850000yens (unpeuplusde6500euros).Celamontreque lebôgun’étaitabsolumentpasunarticlebonmarchéàcetteépoque.Unsetd’armureétaitdéjàconsidérépluscommeunobjet d’art créé par de talentueux artisans que comme du simple matérield’entraînement.Lavestedejudolapluschèreencestemps‐làvalait2,6yens.Unevestebleuestandarddekendocoûtait2,9yens,etunedequalitésupérieureplusde6yens.Unshinaipourenfantvalait0,4yensetlesshinaidebonnequalitédansles0,8‐0,9yens.Ainsi,leprixdubôgu seul pouvait également être considéré comme un facteur faisant obstacle à lapopularisationdukendoàcetteépoque.Lapériodedel’après­guerre.Immédiatementaprèslaguerre,lapratiquedesartsmartiauxfutinterdite.Alaplacedukendo,unnouveausportappeléshinai­kyôgi, combinantkendoetescrimeeuropéennefut développé. L’équipement de protection utilisé dans cette escrime nouvellementconcoctéeétaitdésignécomme:

‐ Men(masque),dô­ate(protection)etgants.‐ Lemasqueserafaitd’ungrillagedemétalsurledevantetlescôtés. ‐ La protection sera faite d’un épais matelas de coton et de solides plaques de

métaloubambou. ‐ Lesgantsaurontuneprotectiond’avant‐brasallongéegarniedeplaquesrigides.

On peut imaginer à partir de la description de l’équipement l’influence de l’escrimeoccidentaledansledesign. La All Japan Kendo Federation fut inaugurée en octobre 1952. Dans les règlesconcernant le shiai publiées enmars de l’année suivante, il est dit que «Lebôgu doitcomprendre unmen, des kote, un dô et un tare». Ainsi, l’armure d’avant‐guerre étaitofficiellement réintroduite et était visiblement différente de l’équipement récemmentdéveloppé pour le shinai­kyôgi. Il y eut une courte période où les deux styles furentpratiquéscôteàcôte,maisenmars1954,laAllJapanKendoFederationetlaAllJapanShinai‐kyôgiFederationfurentcombinéesenuneAllJapanKendoFederationglobale,cequisonnaessentiellementleglasdushinai­kyôgi. Par la suite,deschoses tellesque lesdô enduraluminou leskote à cinqdoigts furentfaçonnées,maisaucunchangementmajeurn’estàmentionnerdans ledesigndubôgu.Biensûr,leshinaiencarbonegraphitefutmisenventepourlapremièrefoisen1985,etfut finalementautorisépouren tournoiofficiel le18mars1987etest toujoursutilisépardenombreusespersonnes.Unautredéveloppement intéressantdans lemondedubôgu fut laproductiondemenavecuneprotectiondevisage transparente enplexiglas, qui furent commercialisés enmars1997.Acausedelapopularitédecesmen,laAllJapanKendoFederationsedécidaà accepter officiellement leur utilisation en compétition lors de la révision desrèglementsdu15mars2000etcettedécisionfutappliquéele1eravril2000.

Lefuturdubôgu(kendô­gu).Pour conclure cet article, je voudrais relier cet historique brièvement exposé avecquelquesréflexionssurlefuturdubôgu(kendô­gu).Latroisièmepériodedel’histoiredubôguadébuté,suivantleschangementsofficielsdenom,dôgupuisbôguetmaintenantdonc kendô­gu. Ce nouvel âge est représenté par l’invention du shinai en carbonegraphite et dumen à champ visuel large en plexiglas, qui ont chacun changé l’imageconventionnelle du bôgu. Je suspecte que les prochaines choses à changer seront leshimo(lescordons)pourlemenetpourledô.Celapeutparaîtresurprenant,maismêmeles Japonais sonten traind’oubliercommentattacher lemenet le dôcorrectement. Jeprévois que lemen sera développé en utilisant des attaches en velcro, et ledô suivraprobablement avec des matériaux similaires. Pourtant, l’artisanat traditionnel desfabricants de bôgu tombera dans l’oubli à mesure que la production deviendrasimplifiée.Encequiconcernelaquestiondelatraditionetdelamodernisationdukendo,undébatfaitactuellementrageauJaponàproposdedescendreensonkyôavantdecommenceretpour terminer les combats, quand les 2 kendôka semontrent déjà un respectmutueldansl’exécutiondusalutdebout.Est‐cequeces2formesdecourtoisiessontréellementnécessaires?Cettetendanceàdébattredelarationalitédecertainestraditionsdukendoprovoqueratrèscertainementlasuppressiondecesaspectsjugésinutiles.Mêmesiuneactiontellequelesonkyôaunsens,celaestébranléparlaquestiondesavoirsiouiounonc’estréellementnécessaireenshiai.Fairedesposesdevictoireoudesgestesdejoieenlevantlesbrasaucielaprèsavoirgagnéuntournoiesttoujoursautantpeuappréciéen kendo. C’est une chose que l’on peut voir souvent au judo ou au sumo,mais restepourquelqueraisonconsidérécommeimpardonnabledanscerclesdekendoquisontencomparaisonplus conservateurs.Nousdevons clarifier cequi estpardonnableounondèsl’instantoucelaconcerneleprogrèsoulechangementafind’éviterdanslefuturdesclashes nuisibles. Mon point étant que le problème du maintien d’une «prudente»balanceentrepopularisationettraditionestquelquechosequelemondedukendodoitprendretrèsausérieuxdèsmaintenant.

Translated from the original Japanese by Alex Bennett. Kendo World would like to acknowledge Professor Nakamura and

Kendo Jidai Magazine (where the original was first published) for kindly allowing us to use this article. All rights for this

article remain the property of the author, Nakamura Tamio.