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En 1919, Charles Fort publie The Book of the Damnedaux États-Unis et crée une onde de choc dans les milieuxscientifiques dont il a mis en doute la probité : de quel droitpeuvent-ils discréditer si cavalièrement les phénomènesétranges? En 1923, Fort récidive en offrant New Landsà son cercle d’amis maintenant élargi de par le monde :Américains, Anglais et Français ont découvert l’ange dubizarre, cet hurluberlu génial qui ne se contente pas desréponses toutes faites pour expliquer telle chute de caillouxou tel projecteur céleste braqué sur Toronto ou sur Paris.Qui veut crier à l’hérésie a beau, la procession des faits

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  • Traduit de lamricainpar Claudie Bugnon(texte intgral)

    Charles Fort

    Enqute surltrange

  • Catalogage avant publication de Bibliothque et Archives Canada

    Fort, Charles, 1874-1932Nouvelles terres.Enqute sur ltrange.Traduction de : New Lands.ISBN 978-2-922976-19-91. Vie extraterrestre. 2. Ovnis.3. Curiosits et merveilles. I. Titre.

    QB54.F6714 2009 576.8'39 C2009-942082-1

    Direction de ldition et traduction : Claudie BugnonCouverture et mise en pages : Christine MatherCorrection dpreuves : Isabelle Harrison et Antidote RX

    Joey Cornu diteur inc.277, boulevard Labelle, C-200 Rosemre (Qubec) J7A 2H3Tl. : 450-621-2265 Tlc. : [email protected] www.joeycornu.com

    2009, Joey Cornu diteur inc.ISBN: 978-2-922976-19-9

    Hormis la citation de courts extraits titre dexemples,les droits de traduction, de reproduction ou dadaptationdu prsent ouvrage sont interdits, sous quelque forme quece soit, sans lautorisation crite pralable de lditeur.

    Dpt lgal, 2009 :Bibliothque nationale du QubecBibliothque nationale du Canada

    Gouvernement du Qubec Programme de crditdimpt pour ldition de livres Gestion SODEC.

  • Le danger ne vient pas de ce que l'on ignore,mais plutt de ce que l'on tient pour certain

    et qui ne l'est pas. (Mark Twain)

    En 1919, Charles Fort publie The Book of the Damnedaux tats-Unis et cre une onde de choc dans les milieuxscientifiques dont il a mis en doute la probit : de quel droitpeuvent-ils discrditer si cavalirement les phnomnestranges? En 1923, Fort rcidive en offrant New Lands son cercle damis maintenant largi de par le monde :Amricains, Anglais et Franais ont dcouvert lange dubizarre, cet hurluberlu gnial qui ne se contente pas desrponses toutes faites pour expliquer telle chute de caillouxou tel projecteur cleste braqu sur Toronto ou sur Paris.

    Qui veut crier lhrsie a beau, la procession des faitsinsolites continue de se drouler sous lclairage attentifdu collectionneur hors normes. Lhomme parcourt piedles journaux du globe, cume les mers savantes, entretientdes correspondances, tourne des yeux admiratifs vers ce cieldo proviennent moult indices de notre non-isolement.

    Consigner 40000 notes, les comparer, les classer,les recouper... La mthode et la discipline ont exigun acharnement monastique et un travail de mmoirefantastique. Cela suffirait nous merveiller, mais nedtournons pas trop longtemps le regard des donneschries : leur abondance exige que nous doutions dece que lon nous a enseign.

    Lanne internationale de lastronomie mritait quelon ouvre les yeux sur lunivers de Charles Fort. Un universqui est heureusement aussi le ntre.

    C.B.

  • Table des chapitres

    Partie 11 Derrire les mirages, les presque vrits .................................... 82 Des dcouvertes par devinettes ................................................ 143 Des toiles filantes qui se dfilent ............................................ 234 Cache-cache dtoiles ................................................................ 325 Trouvez lerreur ......................................................................... 386 La Terre... plate, ronde ou ttradrique ................................... 477 Trois thories obscures ............................................................. 538 Calculs et observations ............................................................. 649 Triangulation et autres folies .................................................... 74

    10 Et si Kepler stait tromp ........................................................ 7811 Le mystre du gegenschein ....................................................... 8712 Dans de beaux draps... de glatine ........................................... 99

    Partie 21 Mirages et bruits dautres mondes ......................................... 1072 Quand Mars et Vnus approchent ......................................... 1143 Lnigme du ciel local ............................................................. 1234 Astres mystrieux gogo ........................................................ 1355 Encore des passages tranges .................................................. 1396 Et combien de visions angliques .......................................... 1457 quand les relations extraterrestres ...................................... 1508 Quand les Slnites nous font des signes .............................. 1549 Ce que lon met sur le compte de Vnus ............................... 166

    10 Des explosions dans le ciel ..................................................... 17011 Et la Lune rcidive ................................................................... 17612 Des dbordements dautres mondes ...................................... 18013 Des rgions gostationnaires .................................................. 18714 Petites histoires dabordage .................................................... 19415 Dautres dimensions possibles ............................................... 19816 Tmoignages autour de visiteurs du ciel ............................... 20817 Des voisins qui drangent ...................................................... 21718 Monstres marins et momies de lespace ................................ 22719 Des fantmes de terre ............................................................. 24120 Des messages capter ............................................................. 24921 Des mtorites qui ciblent des lieux ...................................... 25822 Spectacles de sons et lumires ................................................ 26223 Limpasse dexpliquer par le familier ..................................... 27424 Combien de preuves faudra-t-il ............................................. 28125 Lclosion du savoir se conforme ........................................... 29526 Pour en finir avec une ide fixe .............................................. 302

  • PARTIE UN

  • 1Derrire les mirages, les presque vrits

    Terres du ciel.Elles sont proches de nous. Elles sont fixes.Je suis davis que chaque crature est le maillon

    dune grande chane, et que ce qui a exist existera denouveau, quelques diffrences prs.

    Dans le dernier quart du 15e sicle, des hommes ontcherch des terres en visant lOuest.

    Dans le premier quart du 20e sicle, lhumanit aconnu de nouvelles rvlations.

    Les donnes sont lgion. Dans les coulisses de celivre, des faits par centaines groups en un recueil indit,et dautres par centaines encore retenus, en guise deforce de rserve. Jai pour mon dire que lExistence estun flux, un mouvement de va-et-vient li des priodesdexpansion et de contraction. Que lhumain peut dif-ficilement penser en termes libres durant les poquesdobscurantisme, mais que les contraintes ne peuventcontenir tous les lans de la pense et de lexplorationquand lpoque invite le neuf.

    De sorte que ds 1492, les terres qui se sont rvlesderrire des horizons vides ont constitu les premirespreuves contre ce vide apparent. Lesprit de laventure,le dsir et le besoin qui ont marqu le 15e sicle se sontmanifests nouveau au tournant du 20e sicle, et josecroire que la rcompense sera au rendez-vous.

    Un aprs-guerre est comme un aprs 1492 : ncessitde se rajuster, mouvements de peuples frustrs par lapromiscuit et linertie, rvoltes contre limmobilisme.

    8 Derrire les mirages, les presque vrits

  • Si la jeune gnration ne sent plus lurgence de viserlOuest, elle veut nanmoins bouger. Lappel dans unedirection ou dans une autre ne porte plus comme jadis,mais rien nempche de tourner les yeux vers dautresdimensions. Certes, la majorit dentre nous na pasexplor la Terre, mais tient pour acquis que les plesont t conquis. Les femmes multiplient les expditionsde luxe dans lAfrique noire. Les Inuits du Cercle polaireont publi un premier journal en groenlandais en 1861.Il faut schapper du quotidien, ou il y aura explosion.

    chappatoire, possibilit et chappe...Un San Salvador du ciel, plage de dbarquement

    dune Serbie cleste, cte trangre dont les temptes ontdcharg maints dbris sur Birmingham, en Angleterre.

    Ceux dont lesprit se refroidit et fige, ceux-l cher-chent serrer la vis des interdits, leur censure glaantepousse nos vies se contracter. Sans une propension latransgression, la vie ressemblerait un train immobile.Ceux-l couvent un idal de mort, ou de presque mort,une courte ranimation occasionnelle ne laissant pourtrace quune frange de glaons, une catalepsie qui per-durerait sil ny avait plus de San Salvador ou dePlymouth Rock ou de continent dcouvrir ailleurs.

    Ce besoin incessant de regarder plus loin, et le lot dedonnes qui tmoignent de la rcompense devant, toutcela est contrecarr par le puritanisme de la science, parla froideur, la rigidit et le ddain de lorthodoxie.

    Des terres du ciel... Les comptes rendus publis dansles revues Scientific American et Nature ainsi que dans lesdocuments de lAssociation britannique pour lavance-ment des sciences (BAAS) mritent tous considration.Quant mes propres interprtations, je les offre titrede suggestions et de rflexions. Terres du ciel et ocansdune cosmogographie...

    Derrire les mirages, les presque vrits 9

  • Si vous dclinez le voyage, le salut vous damnera.Mais vous pouvez galement choisir de chevaucher unmanche daurore en route de Rigal Btelgeuse. Si lesocans de lespace vous laissent froid, il vous restetoujours les bateaux et leurs horaires fixes, leurs tablesabondantes et luxuriantes, bref le confort dun voyageprvisible. Mais vous manquerez lembarquement surcette espce de crature observe au-dessus de la villede Marseille, un certain 19 aot 1887. Quelle vue vousauriez eue depuis la Lune! Quelle sensation vous auriezressentie limminence dune collision tout juste vitedans un grand bruit de quasi-catastrophe!

    Il existe oui ou non des villes tranges ettrangres. Elles ont t vues oui ou non dans lescieux de Sude et dAlaska lors de phnomnes derflexion. Elles sont peut-tre draisonnables, inima-ginables pour qui tient sa sant mentale, mais desobservations ont t rapportes : des foules de cratures,ou des armes quelconques, des monstres qui vivent etmeurent dans lespace, claboussant notre Terre de leursang, des vaisseaux trangers contempls par desmillions dhumains alors quils sillonnaient, soir aprssoir, le firmament de France, dAngleterre, de Nouvelle-Angleterre et du Canada. Des signaux en provenance dela Lune qui serait, si lon en croit certaines indications,aussi proche de notre plante que New York lest deLondres. Bref, des phnomnes balays pour causedinconvenance.

    La prtrise scientifique... Le commandement Tu nedevras point est paraph dans les manuels et les traits.

    Jai pour ma part des donnes profusion concer-nant des terres nouvelles et non loin. Je nourris desattentes, je pressens matire nouveaux espoirs, nou-veaux dsespoirs, victoires et tragdies toutes aussi

    10 Derrire les mirages, les presque vrits

  • nouvelles. Je tends la main vers le ciel et je me sens bonpour les menottes et la prison rien que de formuler detelles penses. Toute tentative dimagination est aussittligote par des formules. Pourtant, des bruits ont percle ciel, ont t entendus; les tmoignages sont inef-faables. Leur rptition intervalles rguliers est peut-tre lindice dun langage dcoder. Des colonnesnuageuses peintures par les couchers de soleil onttrembl sous les charges dautres mondes, ont vibrcomme les cordes dune harpe cosmique et je neconnais aucun insecte capable de rivaliser avec desstridulations aussi dramatiques. Des messages ont tallums dans des cratres sombres de la Lune : effusionslumineuses dans Copernic; points toils dansAristarque; jeux de lumires dans Linn et Platon.

    Pas un son entendu dans les cieux, pas une chosetombe des nues, pas une crature incongrue ne peuttre soumise notre libre attention sans que noussortions au pralable de lendormissement qui touffegnralement la spculation. Jentreprends lexplorationpar moi-mme, et qui aime lide me suive.

    Un vaisseau venu dailleurs vogue oui ou non dans lespace arien de notre plante. La chose estsurvenue aux yeux de centaines de milliers de tmoins une poque o laronautique terrienne tait encorebalbutiante. Malgr cet tat de fait important, laffaireet ses circonstances ont t cartes. Personne ne peuttudier les donnes sil y a consensus scientifique pourcrer poliment une diversion, sur la foi que des millionsde kilomtres nous sparent des autres plantes et que levoyage est inconcevable pour quelque vaisseau que cesoit. En guise de salve dintroduction, jaimerais relcherles donnes concernant les petits cailloux noirs deBirmingham qui, intervalles pendant onze ans, sont

    Derrire les mirages, les presque vrits 11

  • tombs dun point du ciel en apparence fixe... maislopration semble prmature et il me faut dabordprparer le terrain. ce stade-ci, il est normal de penserquil ny a aucun point fixe dans le ciel. Et pourquoinon? Affirmations dastronomes.

    Il faut bien dire que lastronomie a donn limpres-sion gnrale dtre une science exacte, laborieuse,presque religieuse, qui fait donc autorit.

    Quiconque na pas chemin dans le sentier de monenqute pourrait se demander de faon lgitime ce quia permis de crer une assise et une constance la sciencede lastronomie. Les carts de penses, tantt doulou-reux tantt amusants, que jai pu observer dans cettediscipline mamnent reformuler la question : dovient cette noblesse que lon prte lastronomie?

    Des dogmes ont fait leur place, leurs vrilles perantles donnes et comblant les vides. Les serpents desquasi-penses senroulent autour de lhistoire pourmieux ltouffer.

    Et le Progrs de battre en retraite sur lair de Tu nedevras point.

    Nouvelles terres... et le spectacle de leurs affres, deleurs flambes, de leurs explosions sonores. Les assautsdes chiens de lenfer et la marche des anges militaires.Ce sont l les terres promises, spares de nous parun dsert. Il nous faudra peiner sur des parallaxes, desspectrogrammes et des triangulations, mais peut-treque ce labeur acadmique rvlera la fragilit, la folieet la fabrication qui soutiennent de vaines thories...de quoi rjouir notre esprit malicieux.

    Je ferai tomber une pluie de cynisme sur desdmonstrations striles, ces petits mensonges qui nousempchaient dentrevoir des oasis vertes devant.

    Des soupons surgiront et lzarderont des murs,

    12 Derrire les mirages, les presque vrits

  • des lumires voudront se frayer un chemin.Des tyrans, des dragons et des gants se sont lancs

    contre les avances dun improbable hros pris racon-ter sa propre pope.

    Trois cris dune absurde crature inconnue rson-nent dans mes oreilles; voici quils signalent notre entredans le dsert.

    Derrire les mirages, les presque vrits 13

  • 2Des dcouvertes par devinettes

    Prdiction avre! Autre lment de preuve! Une troisime preuve confirme la prdiction! trois reprises, le pourtant modr Journal of the

    Franklin Institute exulte avec un astronome dlirant(vol. 106 et 107). Celui-ci peut bien jubiler et dborder,ce nest pas de mes affaires et je souhaite trs sinc-rement du bonheur tous , mais cest cause desvantardises du professeur Pliny Chase que jexprimecette opinion : les mthodes et les stratgies des astro-logues et des astronomes squivalent et appartiennent lge des tnbres.* Lord Bacon, philosophe et scienti-fique, fit remarquer un jour que certains se font unerputation auroler leurs bons coups, tout en veillant taire leurs erreurs. Lorsquen aot 1878, les Prs Smithet Watson annoncrent avoir observ deux corps lu-mineux durant une clipse solaire (possiblement desplantes entre Mercure et notre toile), le Pr Chaseannona quil avait fait une prdiction du genre cinqans auparavant, et quelle se trouvait ainsi confirme.Par trois fois, crivit-il en lettres majuscules, ou cria-t-il,si vous tes sensible la typographie, la position deces nouvelles plantes concidait avec ses prcdentscalculs. Deux grandes prdictions staient ralises de

    14 Des dcouvertes par devinettes

    * N.D.T. : Il faut dire que la prsence de latmosphre terrestreconstitue un srieux handicap lobservation. Le tlescope Hubblene sera satellis quen 1990 et rendu fonctionnel en 1993.

  • la sorte, souligna le Pr Chase : les dcouvertes de Neptuneet de la ceinture dastrodes. Habile jeu de mots. Si descalculs ou des mesures planifies nous ont dj permisdaboutir des dcouvertes astronomiques, alors je m-rite dtre confondu ou tenu pour fou, et que la positionque je prends de dfendre des donnes tyrannises pardes dclarations douteuses soit dmolie. Autrement,jaffirme que les dcouvertes astronomiques de monpoque et des prcdentes ont purement rsult delobservation ou ont t accidentelles.

    Dans The Story of the Heavens, Sir Robert Ball parlede la dcouverte de Neptune comme dun exploit ingaldans les annales de la science. Selon Ball, Le Verrieraurait mdit en rclusion des mois durant, se seraitsoudain lev au-dessus de ses calculs en pointant le cielet abracadabra! aurait rvl une nouvelle plante.

    Ce nest pas que je tiennemordicus dcrier les trom-peries et les illusions, maisjaimerais mettre en vi-dence les moyens pris parlastronomie pour main-tenir son systme : audire de Le Verrier, uneautre plante circulaitau-del dUranus; pourHansen, ctait pluttdeux; Sir George BiddleAiry avait dcrt poursa part quil ny en avaitsans doute aucune.

    Une plante fut d-couverte en 1846 surles indications mries

    Des dcouvertes par devinettes 15

    Lastronome royalGeorge Biddle Airy

    (1801-1892)

  • de Le Verrier. Supposons quil y ait eu deux plantes :confirmation des brillants calculs de Hansen. Aucuneplante? Airy aurait vu juste.

    Le Verrier avait formul lhypothse quune plantegravitait autour du Soleil une distance de 35 37,9 foiscelle de la Terre. La divergence entre valuation etrsultat fut si grande (la distance Neptune-Soleil tantplutt multiplie par un facteur de 30) que des astro-nomes amricains refusrent de parler de dcouvertepar calcul. Les numros du American Journal of Sciencede lpoque en font foi. Le 29 aot 1849, le Dr Babinetlut un document devant lAcadmie des sciences o ilexpliqua que trois ans dobservation avaient permisdtablir la priode de rvolution sidrale 165 ans.Le Verrier avait plutt fix cette priode entre 207 et233 ans. John Adams stait galement livr desobservations pendant ce temps, incitant le Pr Challis lui emboter le pas; celui-ci prvint alors Airy quil luifaudrait des mois defforts pour y parvenir. Signe quilrestait bien du flou.

    La dcouverte des astrodes ou, dans les termespeu prudents du Pr Chase, la dcouverte de la ceinturedastrodes par dduction de la loi de Bode est unautre cas intressant.* Le baron von Zach avait formun groupe de 24 astronomes pour rechercher uneplante (et non un cortge) entre Mars et Jupiter. Endivisant le zodiaque en 24 zones, chacun chercha defaon systmatique. Pas un, mais sept ou huit centsastrodes furent reprs lpoque et par la suite.

    16 Des dcouvertes par devinettes

    * N.D.T. : La loi de Titius-Bode est une relation mathmatique quitablirait approximativement la distance des plantes par rapportau Soleil : 0, 3, 6, 12, 24, 48... On dnombre aujourdhui un peu plusde 18000 astrodes dans cette ceinture.

  • Piazzi, dcouvreur du premier astrode, naurait pascherch un corps hypothtique en accord avec la loi deBode, mais aurait plutt entrepris des observations per-sonnelles dans la constellation du Taureau. Rcompensle 1er janvier 1801, il avait remarqu un astre brillant et,sans penser une ceinture dastrodes, aurait annoncavoir repr une comte (Philosophical Magazine, 12-62).

    Le commando dobservateurs Piazzi nen faisantpas partie stait extasi : La recherche dune petiteplante a t couronne de succs en ce premier jourdu 19e sicle et marque lhistoire de lastronomie. (TheStory of the Heavens, p. 230, Robert Ball.) Ball relate lestravaux dobservation de Piazzi, donnant limpressionquil participait la chasse collective alors que lhommenen avait pas entendu parler et quil navait pasdavantage reconnu un astrode pass sous son nez.Cet astronome patient et expriment a dvelopp unemthode dobservation ingnieuse, assez raffine pourdtecter une possible plante sur un fond toil. Tout celabeur a t grassement pay.

    Le Pr Chase de rajouter que ces deux vnements, desdcouvertes par calcul selon lui, permettaient de croirequil tait possible de se livrer de justes valuations,comme il lavait personnellement fait. Il ne restait plusaux Prs Swift et Watson qu dterminer avec prcision laposition des corps observs.

    Le Pr Colbert, directeur de lobservatoire de Dearbornet dune socit dont Swift tait membre, avait dclarque les observations de Swift et de Watson concidaientparce que Swift stait ajust sur la position de soncollgue. Sans accuser celui-ci davoir fauss lannonce,il soulignait nanmoins quil avait prcis la positiondes objets aprs publication de donnes quantifies parWatson (Sidereal Messenger, 6-84).

    Des dcouvertes par devinettes 17

  • Le Pr Asaph Hall avait alors crit que, plusieurs joursaprs lclipse, le Pr Watson lui avait rvl avoir vu prsdu Soleil un corps lumineux; que son allusion deuxcorps avait t formule aprs les dclarations de Swift(Popular Astronomy, 7-13). Sur deux vices de formu-lation, le Pr Chase avait tabli sa construction. Et lescorps inconnus, quils aient t ou non conformes sescalculs, ne furent jamais revus.

    Je suis davis que bien des astronomes calculent etcalculent jusqu la folie, et que sils tombent 960 millions de kilomtres prs de la position dunnouvel objet cleste, ils se rapprochent soit du Le Verrierinscrit dans les manuels, soit du Pr Chase absent desmanuels.

    Pour le commun des mortels, les quations savanteset les symboles des formules astronomiques inspirentlhumilit, voire la foi que peut susciter une statue saintequi saigne. Sous le fardeau de la vie quotidienne etdes menaces environnantes, nest-il pas rassurantdentretenir un tel rapport avec la finalit, au sens reli-gieux comme au sens mathmatique? Si limpressiondexactitude de lastronomie tient aux possibles con-nivences de Swift et de Watson, si le prestige de cettescience rside dans des majuscules et des points dex-clamation, ou dans lquilibre trafiqu entre quelquesLe Verrier et de nombreux Chase, lhumanit nest peut-tre pas trs bien servie, surtout pour ceux dentre nousqui, hors du refuge religieux, nont mme plus de vritsastronomiques sur lesquelles reposer leurs mes. moins que ceux-l se ragaillardissent lide que desterres proches existent ou que des tres sont venusdailleurs et quel sujet extraordinaire! et quilstentent dliminer les opacits dune poque qui leurbouchent la vue.

    18 Des dcouvertes par devinettes

  • Mon petit sermon sur les incertitudes des soi-disanttriomphes intellectuels, amen son paroxysme, est surle point darrter. Il reste une bagatelle, une autrevictoire dont jaimerais discuter, par crainte quelon maccuse tout coup dincomptence : la dcou-verte dUranus.

    Je ramne Uranus sur le tapis, parce que les excla-mations provoques par sa mise au jour ont ouvert laporte au triomphe de Neptune. Richard Proctor amaintenu que cette dcouverte ntait pas accidentelle(voir Old and New Astronomy, p. 646 et TransactionsPhilosophiques, 71-492). William Herschel avait pour-tant crit un article sur la dcouverte dune comte le13 mars 1781. Une anne sest coule avant que Lexellprcise quil sagissait plutt dune plante.

    Statues dont le fanatisme suinte.Miroir parabolique dont suintent des quations.Les astronomes ont autant de chance dextirper du

    sang de leurs images que daboutir des conclusionsfiables; leurs formules auraient aussi bien pu dcrire desinteractions entre statues saintes. Si les mathmatiquesfaillissent dcrire les phnomnes gravitationnels,alors les astronomes risquent fort de perdre leur dieu,de devenir des curs sans paroisse, de voir se faner leurarrogance. Je commence avec lun des problmes lesplus simples de la mcanique cleste : la formulation desinteractions Soleil-Terre-Lune.

    Impasse.De temps autre, quelquun prtend avoir rsolu le

    problme des trois corps, mais la dmonstration resteimpressionniste et farcie de vides et dabstractions. Cestmonnaie courante : des structures fles servent souventde fondation. En loccurrence, les astronomes peinent dcrire exactement linteraction de trois corps dans

    Des dcouvertes par devinettes 19

  • lespace, se livrent nanmoins des calculs, et publientce quils dsignent comme lquation dun corps quiinteragit avec un millier dautres. Puis ils expliquent.a, on peut dire quils expliquent. Cest limpression quime frappe le plus : en termes clairs, les effets plantairesrciproques ne peuvent tre prcisment cerns, tantlinfluence solaire est grande.

    Avant lapparition dUranus, les astronomes navaientpas pu prsenter leur tour de magie. Ils prtendaientque leurs quations taient correctes, ils les brandis-saient et on y croyait. Uranus dcouverte, les magiciensse mirent calculer son orbite. La plante paraissaitrgulire, et il existe des mathmatiques pour les astro-nomes et les collgiens.

    Uranus contrevint aux calculs.Les astronomes trouvrent une explication et se

    remirent calculer. Uranus se moqua des rsultats. Ils

    20 Des dcouvertes par devinettes

    Le problme de trois corps clestes en interaction,comme la Terre, la Lune et le Soleil, occupe encore

    les mathmaticiens. Que dire dun systme foisonnant?

  • imaginrent alors une force puissante au-del dUranus,puisqu cette distance le Soleil exerce une moins grandeemprise tout en tenant compte que Saturne et Uranussont sensibles lune lautre interactions complexes etpossiblement cumulatives qui permirent dchafauderun systme incluant un joueur mystre. Aveugls, lesastronomes jonglrent pendant plus dun demi-sicle,pointant leur doigt un peu partout dans le ciel. En fin decompte, deux dentre eux regardrent distance peuprs convenue derrire Uranus, reprrent un objet quelon a dit tre 960 millions de kilomtres de lorbiteprvue, et aujourdhui on claironne que cette dcou-verte ne fut pas accidentelle.

    Le propre de ce qui nest pas accidentel est depouvoir tre rpt. Quiconque ne connat pas la dif-frence entre une hyperbole et un cosinus aurait le droitde se demander si les astronomes prennent des vessiespour des lanternes.

    Si un astronome peut, grce la magie des math-matiques, localiser Neptune, il peut certainementlocaliser une autre plante au-del de Neptune. Par unraisonnement similaire, il a t dit quune plantecirculait encore plus loin du Soleil, Neptune affichantdes perturbations comme Uranus.*

    Le Pr Todd a affirm quil y avait bien une planteencore plus lointaine, dont la rvolution sidrale taitde 375 ans. Le Pr Forbes a plutt prtendu quil y enavait deux, lune mettant 1000 ans pour tourner autourdu Soleil, lautre 5000. On peut consulter A Centurys

    Des dcouvertes par devinettes 21

    * N.D.T. : Deux astronomes de renom, Lowell et Pickering, ont tentbien approximativement de reprer cette autre plante. Pluton aussia t dcouverte par hasard en 1930, par un jeune astronome dunom de Clyde Tombaugh (puis, Pluton a perdu son statut de planteen 2006, qualifie aujourdhui de plantode).

  • Progress in Astronomy, dHector MacPherson. Selon leDr Eric Doolittle, la mystrieuse plante complte sarvolution en 283 ans (Scientific American, 122-641),tandis que John Russell Hind croit quelle met 1600 ans(Collections mixtes, 20-20, Smithsonian Institute).

    Bref, lexercice a t instructif et je suis un peurassur de voir que loppression ne vise pas seulementles donnes que je mapprte dfendre. Un peudprim cependant. Si le pidestal de lastronomierepose sur des bulles, quen est-il des supposes vritsplus modestes? Trois corps en interaction et aucunequation sre. Des milliers de corps clestes dans notresystme solaire ou prtendu systme et lvidenceincontournable que les interactions ne sont pasprcisment quantifiables, malgr nos vantardises.

    On est en droit de douter de la vracit des autrestriomphes humains, des rsultats de tout ce labeurintellectuel dit rigoureux, si la toute-puissante astro-nomie vacille sur ses bases.

    Que peut-on en dduire de notre existence, de sanature et de son lan? Que notre prsence, parcelle dunsystme solaire systme de par des relations qui nouschappent encore est une petite crature gmissanteen errance dans lespace, heurtant dautres systmespeut-tre mieux organiss, les contaminant de nostaches solaires, de nos lunes dfigures, de ses civili-sations malades de science; un lpreux cleste en qutede comtes charitables. Si nous sommes des lpreux,quel espoir pouvons-nous conserver? Il ny a rien dcouvrir que dautres symptmes.

    Si je fais partie de cette crature maladive, alors jyapporterai ma quote-part de pustules et dinflamma-tions en y injectant quelques lments irritants.

    22 Des dcouvertes par devinettes

  • 3Des toiles filantes qui se dfilent

    Des plantations du Sud des tats-Unis o piochentles esclaves noirs, les visages livides des nordistes rivssur le ciel, un firmament zbr de boules de feu...tableau de noir, de blanc et dor peignant une scne m-morable. Dans la nuit du 13 au 14 novembre 1833, leplus grandiose spectacle cleste du 19e sicle battait sonplein : des mtorites ont bigarr les cieux pendant sixheures, visibles le long du littoral atlantique amricain.

    Personne ne pense que les astronomes se frappent latte et crient de dsespoir, mais sachez quils ont malgrtout des motions. Ils furent pris de dmangeaisonsdevant une possibilit dquation. Lorsquun astronomeadmet quil sest produit un phnomne cleste, il estpris de calculite, ressemble un passant qui stopperaitvoitures, trains et bicyclettes avec son mtre mesurer,npargnant pas non plus pinsons, mouches et pitons.Apparemment, la mthode est scientifique, mais ellepeut aussi tre maniaque. Le Pr Olmstead en fit la preuve.Il fut le premier trouver une quation dmontrantque ces mtorites, du nom de Lonides, compltaientune rvolution sidrale tous les six mois environ.

    Mais les choses se passrent autrement.Puis le Pr H.A. Newton dmontra que la priode

    tait plutt de lordre de 33 ans et un quart. Mais il uti-lisa la mthode empirique, ce qui na rien de divin nidaristocratique, laissant la tche mathmatique unautre. Car il faut bien quil y ait relation gravitation-nelle, sinon lastronomie resterait toujours en attente de

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  • circonstances. Ce fut le Dr Adams, confort par sa locali-sation trs laxiste et pourtant applaudie de Neptune,daprs les indications de Le Verrier, qui confirma parle calcul les rsultats de Newton. Il prdit que lesLonides provoqueraient de nouvelles averses ennovembre de 1866 et de 1899.

    Des toiles filantes durant la nuit du 13 au 14novembre 1866, il y en eu. Assez abondantes. Elles lesont en gnral la mi-novembre. Rien de comparable,cependant, au spectacle de 1833. Une douche contre unecataracte. Et selon la dmonstration, lclat auraitd tre au moins gal. Lanne suivante, il y eut unedouche visible aux tats-Unis, mais non en Angleterre.Comme la Terre baigne dans un vaste corridor demtores, la thorie veut que ses diverses rgions soientexposes au bombardement. Ce fut donc dommagepour lAngleterre. Et Richard Proctor, qui stait attendu du grandiose, se mit expliquer, ce quil fit dailleursla majeure partie de sa vie : Si les premires heuresdu 14 novembre 1867 avaient offert un ciel dgag enAngleterre, nous aurions au moins vu le dbut desaverses, dfaut den voir le paroxysme. (The Studentand Intellectual Observer, 2-254.)

    Nous avons t dus des prtendus succs delastronomie, alors restons prudents et vrifions lesconditions du moment. Rapport de E.J. Lowe, HighfieldHouse, nuit du 13 au 14 novembre 1867 : Clair 1h10;cumulus mince en bonne altitude 2h, ciel se couvrantvers 3h10, la lune restant visible jusqu 3h55 dumatin; ciel couvert 5h50. (Monthly Notices of theRoyal Astronomical Society (RAS), 28-32.)

    Pour dterminer la priode de 33 ans et un quart,attendue en apparence aux 33 ans, le Pr Newton avaitexamin les archives pour constater qu ces intervalles

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  • depuis lan 902 de notre re et jusquen 1833, des pluiesde mtorites taient survenues. Il me rappelle cetastronome la poursuite de la comte Halley, qui avaitrepr un astre circulant tous les 75 ans prcismentdepuis lantiquit romaine (Edinburgh Review, vol. 66).Il paraissait toutefois ignorer que les prdictionsorthodoxes parlaient de variance. Lhomme avait trouvce quil cherchait, voil tout. Loin de moi lide de memoquer du Pr Newton, sa mthode exprimentale etprovisoire est tout de mme lgitime, bien que pro-bablement un peu arbitraire. Ce qui me frappe, cestlannonce du Dr Adams leffet quil tait parvenu auxmmes conclusions mathmatiques.

    Lpreuve : le retour des Lonides tait prvu pour1899. Aucun phnomne mtorique na suscitautant dengouement, et par consquent, autant dedception. (Memoirs of the British AstronomicalAssociation (BAA), vol. 9, p. 123-136.)

    Pas de Lonides en novembre 1899, on expliquaquelles passeraient lanne suivante. Pas davantage en1900 ni lan daprs.

    Prsomption et prtention de lanalyse infinit-simale; vents de vecteurs et de quaternions... et lorsquelaxe des abscisses perd de sa prcision, les variablesjettent la confusion. Le prophte du dieu mathmatiquea fix un point dans le ciel et le temps. chec.

    Le Pr Serviss expliqua, au nom de lastronomie. LesLonides avaient dvi de leur route cause de Jupiteret de Saturne.

    lpoque de la Guerre sainte, rien ne semblaitaffecter les Lonides et si vous aimez fixer le temps avecdes dates, pensez la dcouverte de lAmrique ou la dbandade de lInvicible Armada en 1588 qui merevient lesprit, allez savoir pourquoi , et rien ne

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  • perturbait les Lonides... Mais dcouverte et identi-fication, voil de quoi dcaler une priode, Jupiter etSaturne ayant pourtant coexist avec les Lonidesdepuis un sacr bout de temps. Si nous devons parlercalcul, alors parlons aussi de probabilits. mon avis,les pluies dtoiles filantes nont pas eu lieu en 1866 etquelques devins se sont vainement emballs.

    Tragdie, tragdie... Je recommande tous lesnouveaux astronomes un peu de cette srnit quaffi-chent certains des leurs devant un affront. Le spectaclemtorique de 1899 ne stait pas produit, cequavaient prdit les Drs Downing et Johnstone Stoney(A History of Astronomy, p. 252, Walter W. Bryant).

    Le subterfuge est amusant; nous pensions cettecommunaut dastronomes gourrs dans leursprdictions, et voil que deux dentre eux que londcide de citer sauvent lhonneur de la discipline, etpaf! un nouveau triomphe. Ailleurs pourtant, et parceque jai la manie de fouiller, il est dit que lesDrs Downing et Stoney ont plutt incit les observateurs viser le ciel plusieurs heures aprs le moment calcul(Nature, 9 novembre 1899).

    Lastronomie vit dans un paradis artificiel. Une vanitpourtant nourrie de dgonflement et de dconfiture. Lesujet des comtes me captive, ou plutt son imprvisibi-lit me fascine. Selon moi, toutes ces incertitudes sont lelot de la nouvelle astronomie.

    Quil sagisse de phnomnes clestes, ou de toutautre domaine de recherche, je suis davis quelirrgulier, linformulable et linsaisissable sont aussireprsentatifs que luniforme. Pour chaque crature enapparence stable et prvisible, il en existe une autre quisera juge irresponsable et invraisemblable par lespuristes. La science de lastronomie se proccupe dun

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  • aspect restreint de lexistence, et il faut bien admettreque la seule observation nest pas une science, raisonsuffisante pour carter le repoussant. Peut-il y avoir devritable science? Mme sincres, les tentatives mesemblent vaines.

    Lhistoire des comtes, telle que raconte ou non dansle livre The Story of the Comets, de George F. Chambers,signe une humiliation mmorable. Le retour calculdune comte suppose que lon prte foi la loi de lagravitation. Cest une croyance newtonienne quecomtes et plantes obissent la loi de la gravitation etse dplacent sur une ellipse. Lorsquune comte droge,il ne devrait pas y avoir dchappatoire autour duneperturbation plantaire, et les calculs auraient d entenir compte. Chambers vite de parler ou prtendnavoir pas entendu parler de comtes qui ne sont pasrevenues, mais dresse nanmoins une liste de celles quiont manqu lappel. En 1909, il mentionne galementcelles dans lesquelles il avait fond de lespoir :

    La premire comte priodique de Brooks (1886,IV) : Voyons voir ce que nous rserveront les annes1909 et 1910. Anticipation pour le moins floue, et quina rien donn si lon en croit les Monthly Notices ofthe RAS pour ces deux annes. La seconde comtepriodique de Giacobini (1900, III) : Absente en 1907,de sorte que nous nen saurons pas davantage avant1914. Mais rien de plus en 1914. La comte Borrelly(1905, II) : Son retour est trs attendu en 1911 ou 1912.Encore un peu de flou; mais elle a apparemment fait unerapparition le 19 septembre 1911. La deuxime comtepriodique de Denning (1894, I) : Encore attendue en1909 au moment o Chambers finissait sa rdaction,aucune mention dans les Monthly Notices of the RASet pas davantage relativement la comte Swift

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  • (20 novembre 1894) qui devra tre considre commeperdue si elle ne revient pas en dcembre 1912.

    Le retour de trois comtes avait t vainement prditpour 1913 (Ibid., 74-326).

    Un jour, stimul par mes grandes dsillusions, jeparcourais le Magazine of Science pour tomber sur lamention dune comte attendue en 1848. Apparentecertitude. Puis je suis tomb, surprise, sur le mot triomphe : Si la prdiction se ralise, il sagira dunnouveau triomphe de lastronomie. (Magazine ofScience, 1848-107.) Des experts avaient annonc leretour dune comte dimportance cette anne-l. Dansle numro davril 1847 des Monthly Notices of the RAS,John Russell Hind se disait satisfait de ses calculs et,selon toute vraisemblance, la comte approchait . partir des observations du Pr Mdler, il avait estimcette arrive pour la fin de fvrier.

    Nulle comte.Des astronomes expliqurent. Je ne sais pas quoi

    carbure lesprit dun astronome, mais jentends desbruits sifflants. Un collaborateur du American Journal ofScience avait expliqu parfaitement (dans le numro 2-9-442) : il ressortait que sur les entrefaites, un dnommBarber, dEtwell, avait examin les calculs et dcouvertquentre 1556 et 1592, les attractions respectives deJupiter et de Saturne avaient acclr la priode de lacomte de 263 jours, mais quun autre phnomne avaitimprim un effet contraire de 751 jours, avec pourrsultat un retard de 488 jours. Voil de quoi bloquer lesartres de la statue sainte la plus saignante... et fairereculer lesprit de trois sicles en trois secondes.

    Malgr tout, pas de comte en vue.Dautres explications suivirent. Dix ans de calculs!

    (Voir Recreative Science, 1860, [139-40].) La tche serait

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  • presque hroque si elle ntait pas maniaque. Bref,linfluence de Barber sur ces calculs reste mystrieuse,mais en 1857, Hind publia de nouvelles explications. Uncertain Littrow avait procd des vrifications, la seulefaute de M. Barber fut de navoir pas eu assez dedonnes sur lesquelles sappuyer. Hind fit une nouvelleprdiction, le doigt point vers un ciel futur, ou pluttquatre doigts tentant chacun leur chance. Hind ditencore que selon les calculs de Halley lui-mme, lacomte apparatrait durant lt de 1865. Mais en tenantcompte de lacclration de cinq ans, il tait possiblequelle passe porte de vue en aot 1860. Sauf queselon lellipse dtermine par Hind, lt de 1864 taitplus probable. Mais en intgrant les deux prcdentsscnarios, elle pouvait aussi bien revenir en aot 1858.

    Puis ce fut au tour dun dnomm Bomme decalculer et de proposer la date du 2 aot 1858.

    Pas davantage de comte.Re-re-calcul, prdiction pour le 22 aot 1860.Zro comte. ce stade-ci, je crois que je peux tre magnanime et

    passer autre chose. Pour changer, je parlerai dunecomte non prvue, affront spectaculaire durant la nuitdu 30 juin 1861. Lun des plus fabuleux clats clestescontemporains surgit soudain, comme sil sortait dunebote surprise de notre systme solaire si systmeil y a. Les journaux talrent les lettres et les articles,se questionnant tous sur labsence de pravis. Hindrpondit que la comte tait un petit objet, difficile reprer avant quil soit proximit de la Terre.

    Plus tard, on a dit que la comte avait t vue dansle ciel austral, les astronomes affirmant que lobjet ve-nait du nord (o il avait pourtant t invisible). Unechevelure brillante, grosse comme la Lune... Webb

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  • crivit que lon avait rien vu de tel depuis 1680(Recreative Science, 3-143).

    Le verdict voulut que lastre ft si petit quilsclipserait comme il tait venu. Un si modeste objetsera vite disparu de dire Hind (Athenum, 6 juillet1861). Mais la comte tait encore visible en avril 1862(Popular Science Review, 1-513).

    Une autre douche froide a t jete sur dventuellesillusions de triomphe. Le [27] novembre 1872, lePr Klinkerfues, de lobservatoire de Gttingen, guettela comte de Biela lorsquil voit un essaim de mtoresdans la trajectoire de la visiteuse attendue. Il envoieun tlgramme Pogson, situ Madras, lexhortant observer la rgion de ltoile Theta Centauri. Presquede la magie, tout le moins de quoi enflammer le dvot,un astronome du Nord guidant un astronome du Sudmieux plac pour cette observation. Pogson annonceavoir vu lobjet l o il le devait. Nanmoins, larunion de la RAS du 10 janvier 1873, puis celle du14 mars suivant, le capitaine Tupman mentionne quesi la comte Biela tait apparue, ce naurait pas t proximit de cette toile.

    Je mindigne galement contre la prtendue capacitdes astronomes de pouvoir parler de rapprochement oude rcession des astres et dinvoquer la prcision. Il mesuffit de souligner ici la difficult pourtant moindrede dire si une comte va ou vient. Le 6 novembre 1892,Edwin Holmes en dcouvre une et fait rapport; desconfrres ont valu sa distance : entre 32 millions et320 millions de kilomtres, son diamtre se situantentre 480 et 43200kilomtres (Journal of the BAA,3-182). Le Pr Young dclare que cette comte serapproche; le Pr Parkhurst abonde dans le mme sens,mais timidement; quant au Pr Berberich, il claironne

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  • que la comte, baptise Holmes, se trouve 57 millionsde kilomtres de la Terre le 6 novembre, est 6 fois plusproche le 16 du mois, et que son dplacement est sirapide quelle frappera la Terre le 21 suivant (EnglishMechanic and World of Science, 56-316).

    La comte, qui sloignait, continua de sloigner.

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    Lincomptence nest pas lapanage des astronomes.Ils me rappellent dautres personnages : spcialistes dela motivation, piciers, philanthropes, comptables,ngociateurs, confrenciers, psychistes ou biologistes. Ilsminspirent ce quun capitaliste peut sans doute inspirer un socialiste et vice versa. Bref, ce genre de fossexiste entre presbytrien et baptiste, dmocrate etrpublicain, artistes dcoles contraires. Si les illusionsde base, ou labsence de vraie base, sautent aux yeuxdune personne qui pense le contraire de nous, nouspourrions tous conclure que les fondations de notreexistence sont des mythes, que les discussions sont desconflits entre fantmes, que les progrs sont labandonde vieilles illusions au profit de nouvelles.

    Ce que je tente de faire, cest de trouver uneexpression qui nous dfinisse mieux, tous autant quenous sommes, en considrant que ce qui nous paratindividuellement irrationnel concerne des lments enrelation avec un plus vaste ensemble. Un ensemble quise manifeste par des plantes, des acides et des insectes,des rivires, des syndicats et des cyclones, des politi-ciens, des les et des astronomes. Ce que je tente de diresans doute, cest que jimagine un enchevtrement troitdans lequel toutes les cratures sont des manifestationsparticulires, soumises aux forces individuelles etsecoues par les luttes incessantes entre travail etrendement. Et qui, pour un brin dquilibre, ncessi-tent des moments de dtente. Tricheries, maladies,

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  • bousculades, singes, prtres et philosophes font partiede cette grande reprsentation; quand lhumain frise lesommet, les astronomes sont la pointe de lironie.Nest-il pas dlicieux de prtendre pouvoir mesurer larcession dune toile lointaine et de prdire en mmetemps quand une comte qui sloigne touchera bienttla Terre? Ces plaisanteries cosmiques permettent lexistence, je pense, de supporter son propre fardeau.Dans ce tableau de comtes et de socits qui se brisent,de soleils qui spuisent, les astronomes nous procurentun peu de dtente. Il importe donc que les astronomesconnaissent le mme genre de succs avec la prdictiondes mouvements dtoiles. Je suis tout coup troubldapprendre que certaines toiles ont lhumeur variable cause de compagnons invisibles. Dj que les espritsttonnants trbuchaient sur le comportement dtoilesaux voisins non clandestins! Si le silence est la seulephilosophie qui tienne, et si toute affirmation est aumieux un mythe, mes ngations apporteront une justecompensation.

    Le Pr Otto Struve a t un astronome russe bien envue, bien encens par sa communaut. Le 19 mars 1873,il avait annonc avoir dcouvert un compagnon ltoile Procyon. Observation digne dintrt, maisl nest pas le succs. Auparavant, le Pr Auwers, aussienthousiaste que Le Verrier ou Adams, pour ne pas direcrdule, avait tabli un modle dorbite cet astremystrieux. Orbite, il va sans dire, calcule en fonctiondes lois de la gravitation. mon sens, ce genre de calculnest quune aspiration lidal, et ne colle pas davan-tage au cosmos que les thories colores des motivateursdsireux de rajeunir les briques dune faade dexis-tence. Clairement, je tente de ramener de justesproportions le suppos exploit des deux hommes, mais

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  • je rappelle surtout que les calculs sont des applicationstrompeuses pour la mcanique cleste, quil ne sagitque de calculs lgants dans la science de lastronomie si telle science existe. Bref, aprs un dur labeur etbeaucoup de satisfaction personnelle, Auwers avait tracun cercle autoritaire autour de Procyon. Sur un pointprcis de cette courbe le 19 mars 1873, Struve avait vuun point de lumire qui, videmment, aurait t vu un moment ou un autre. Selon Agnes Clerke, Struveobserva longuement lobjet et fut convaincu quil sedplaait selon lorbite calcule (System of the Stars,p. 173). Le Pr Newcomb raconte aussi lvnement :Un astronome amricain avait non seulement reprislobservation de Struve, mais avait mesur leditcompagnon. Cest alors quon avait dcouvert un dfautdans le jeu de miroirs du tlescope de Struve : lappareil indiquait un compagnon similaire environ 25 cen-timtres de chaque grosse toile. La vrification delastronome amricain avait donc port sur une toileconnue depuis longtemps (Reminiscences of anAstronomer, p. 138 et 140, Simon Newcomb).

    Les lumires des triomphes ctoient les sombressottises et tout finit par sestomper dans le tableaugnral. Lastronomie compte aussi de bons officiantsqui connaissent des faons plus dlicates de rapporterlhistoire. John Ellard Gore mnage ses mots, outre cettemention quen 1873, Struve a fortement souponnla prsence dun compagnon Procyon (Studies inAstronomy, p. 104). Mais la confiance scientifique faitoffice dle dans la bouillie cosmique. Pour qui nest pasencore convaincu que les dvots dlirants sont ceuxqui freinent le progrs, voici une anecdote sur Algol.Et je pense que nous sommes lpicentre de nospropres secousses dans une glatine noire grouillante de

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  • partout. Une illusion de point brillant ressemble soudain un phare.

    Sir Robert Ball explique dans Story of the Heavensque loccultation dAlgol suit une priode de 2 jours,20 heures, 48 minutes et 55 secondes, soumettant aulecteur les dtails du calcul effectu par le Pr Vogel sur labase dune variation de luminosit. Tour de force divin, partir dun clignotement, il est possible de dterminerensuite le diamtre du tnu 1686400 kilomtres,celui du fuyant 1320000 kilomtres et la distanceentre leurs centres 5152000 kilomtres. La vitessede rvolution orbitale dAlgol est alors de 42,1 kilo-mtres la seconde, et celle de son compagnon 88,6 kilomtres la seconde (Old and New Astronomy,p. 773, Richard Proctor).

    Autant de certitude nous dsarme.Voil ce qui est. Etsi nous tions des tentatives de mouvement, nousserions bloqus net par une paroi dacier aveuglante.

    Apparences et illusions.Quiconque a regard dans un microscope le sait; il

    suffit de passer de laspect gnral lexamen minutieuxpour comprendre que les apparences sont illusions.Sachant cela, nous devrions chasser les rsistances, lesmonstres, les dragons et les oppresseurs que nous croi-sons durant notre plerinage. Ce calcul pose un mur,mais provoque un sursaut. Mme le statique ne peutrsister lappel du mouvement, la rouille gruge lacier.La priode dAlgol, fixe par Vogel 55 secondes prs, atrouv de lopposition.

    Selon Seth Carlo Chandler, Algol et son compagnonne tournent pas seuls autour dun barycentre, maiscirculent avec une troisime composante (AstronomicalJournal, 11-113).

    Puis, Enzo Mora rapporte que la priode dAlgol

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  • prsente des irrgularits non rapportes par Vogel etChandler (Bulletin de la Socit Astronomique de France,octobre 1910).

    Autour de Sirius a t crite une autre histoireabracadabrante de compagnon. Une comdie pesanteen efface une lgre... Le Pr Auwers avait observ vousvous souviendrez de son attraction pour papier etcrayon ou avait pens observer des variations danslorbite de Sirius, en avait dduit lexistence duncompagnon dont il avait invitablement calcul lemouvement. Au dbut de 1862, Alvan Clark avaitbraqu son nouveau tlescope sur Sirius et avait dtect, lendroit des calculs dAuwers, un compagnon ltoile. Proctor relate lvnement, 30 ans plus tard,de cette prsence dun compagnon lexacte positiondcrite par les calculs . Durant les 30 ans qui avaientsuivi cette dcouverte, lastre stait conform pluttbien lorbite prdite.

    Vraiment? On lira ceci dans LAnne scientifique etindustrielle (1876-18) : Le compagnon invisible na passuivi lorbite calcule durant la moiti de la priodedont parle Richard Proctor. Et on croisera ceci dans TheAstronomical Register (15-186) : Deux diagrammes deCamille Flammarion, lun reprsentant lorbite calculepar Auwers, lautre tant celui de lorbite dtermine parde multiples observations. Les deux ellipses ne conci-dent pas trs bien.

    Pas du tout, en fait. Jenvisage la possibilit queFlammarion et les observateurs sollicits ont raison etque les rdacteurs comme Proctor qui ne se sont paslivrs lexprience directe ont tort... quoique jai desdonnes qui mincitent croire quun tel compagnonnexiste pas. Au moment o Clark a braqu sontlescope sur Sirius, il a repr lobjet mystrieux

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  • lendroit prdit par Auwers. Mais selon Flammarion etses collgues, si Clark avait choisi un autre momentpour faire son observation, lobjet aurait t ailleurs quel o le suggraient les prdictions. Alors par quel diablede calcul ou de circonstance lobjet a-t-il pu se trouverau rendez-vous le 31 janvier 1862 sil avait au moinsla moiti des chances dchapper lobservation unautre moment?

    Toujours dans The Astronomical Register (1-94) : Undiagramme de Sirius accompagne de six plus petitestoiles, avec un compte rendu du Dr Dawes et des obser-vations de Goldschmidt sur ledit compagnon et sur lescinq autres toiles de ce systme. Dawes met lopinionquil est peu probable quAlvan Clark nait pas vu aumoins quelques-uns de ces objets. Si Clark a vu les sixvoisines de Sirius et quil en a choisi une correspondant la distance cherche, ngligeant le reste, alors il jettedans le monde de lobservation un mauvais il qui naplus rien de la comdie.

    Pour le compte rendu de Goldschmidt, on peutconsulter les Monthly Notices of the RAS (vol. 23, p. 181,et p. 243-244).

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