mouvement intentionnel et exploration manuelle
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Université Toulouse III
Faculté de Médecine Toulouse Rangueil
Institut de Formation en Psychomotricité
MOUVEMENT INTENTIONNEL ET
EXPLORATION MANUELLE
Stimulation de la motricité fine chez un jeune
enfant non-voyant
MĂ©moire en vue de lâobtention du DiplĂŽme dâEtat de Psychomotricienne
Dorothée Kapp Juin 2015
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Ce mémoire a été supervisé par AgnÚs Laurent, psychomotricienne.
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TABLE DES MATIERES
Introduction ............................................................................................. 1
PARTIE THEORIQUE ................................................................................... 3
I. La cécité congénitale chez le jeune enfant ..................................... 4
A. Généralités sur la déficience visuelle ......................................................................... 4
B. Conséquences de la déficience visuelle sur le développement psychomoteur ........... 6
C. Notion de compensation sensorielle ..........................................................................13
D. Importance de la prise en charge précoce ................................................................15
E. Lâamaurose congĂ©nitale de Leber .............................................................................16
II. La motricité manuelle et les impacts de la cécité .......................... 19
A. Le développement de la motricité manuelle chez le jeune enfant ..............................19
B. Lâexploration manuelle ..............................................................................................23
III. Le mouvement intentionnel ........................................................... 28
A. Théorie du mouvement intentionnel ..........................................................................28
B. Mouvement intentionnel et vision ..............................................................................34
C. Aspects motivationnels .............................................................................................35
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PARTIE PRATIQUE .................................................................................... 37
I. La question de lâĂ©valuation chez le jeune enfant dĂ©ficient visuel ... 38
A. Limite des bilans classiques ......................................................................................38
B. Construction dâune grille dâobservation de la motricitĂ© manuelle ...............................39
C. Utilisation de lâoutil vidĂ©o ...........................................................................................43
II. Présentation de Léo ...................................................................... 45
A. AnamnĂšse .................................................................................................................45
B. Prise en charge pluridisciplinaire ...............................................................................45
III. Stimulation de la motricité manuelle ............................................. 50
A. Description du protocole de stimulation .....................................................................50
B. Evaluation Ă lâaide de la grille dâobservation ..............................................................52
C. Description des séances ...........................................................................................53
IV. RĂ©sultats ....................................................................................... 55
A. RĂ©Ă©valuation .............................................................................................................55
B. La généralisation des apprentissages .......................................................................59
V. Discussion .................................................................................... 63
Conclusion ............................................................................................ 65
Bibliographie ......................................................................................... 66
ANNEXES ................................................................................................ 69
Annexe 1 : Grilles dâobservation remplies .........................................................................70
Annexe 2 : Les procédures exploratoires de Klatzky et Lederman ....................................80
Annexe 3 : Les objets choisis pour la stimulation ..............................................................81
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Jâai choisi de mâappuyer sur le grand intĂ©rĂȘt que prĂ©sente LĂ©o pour les jeux musicaux et pour
tous les stimuli auditifs de maniÚre générale. Je lui ai proposé de manipuler des objets
spĂ©cialement choisis pour lui, demandant de sa part une recherche manuelle ainsi quâune
mobilisation motrice pour quâil obtienne le feedback auditif tant attendu. En utilisant le biais
de la motricité intentionnelle, en donnant un but à ses actions, je souhaitais lui montrer
lâintĂ©rĂȘt de la manipulation, lui proposer dâapprendre Ă toucher et Ă explorer avec ses mains.
Pour tenter de rĂ©pondre Ă cette problĂ©matique, je me suis dâabord intĂ©ressĂ©e aux
informations de la littĂ©rature sur les thĂšmes du dĂ©veloppement particulier de lâenfant aveugle,
de la motricitĂ© intentionnelle et enfin de lâexploration manuelle.
Dans la partie pratique, je dĂ©crirai la dĂ©marche que jâai suivie au cours de lâannĂ©e pour
permettre Ă LĂ©o de mieux explorer, ainsi que les rĂ©sultats que jâai obtenus.
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PARTIE THEORIQUE
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I. La cécité congénitale chez le jeune enfant
A. Généralités sur la déficience visuelle
1. DĂ©finitions
La déficience visuelle comprend deux groupes : on parle de malvoyance et de cécité. Les
critĂšres de dĂ©finition utilisĂ©s en France sont ceux dĂ©finis par lâOrganisation Mondiale de la
Santé.
LâOMS parle de dĂ©ficience visuelle lorsque lâacuitĂ© visuelle avec la correction couramment
portĂ©e est infĂ©rieure Ă 3/10e. On entre dans la cĂ©citĂ© lorsque cette acuitĂ© est infĂ©rieure Ă
1/20e. Sont décrits cinq grades de déficience visuelle :
1 Malvoyance modérée Acuité visuelle entre 3/10e et 1/10e
2 Malvoyance profonde Acuité visuelle entre 1/10e et 1/20e
3 Cécité légale Acuité visuelle entre 1/20e et 1/50e
4 Perception lumineuse Perception lumineuse sans discrimination,
perception des contrastes encore possible
5 Cécité totale Pas de perception visuelle
Il convient Ă©galement de prendre en compte dans cette description dâautres critĂšres comme
la perception des contrastes, le champ visuel et la perception des couleurs.
Néanmoins, ces critÚres médicaux ne sont pas suffisants pour décrire les capacités visuelles
réelles des individus. La notion de vision fonctionnelle permet de se rapprocher au plus prÚs
de lâutilisation de la perception visuelle restante.
Collenbrander (2010) définit la vision fonctionnelle comme la façon dont la personne
fonctionne avec la perception visuelle qui lui reste. Avec une acuité égale, deux personnes
peuvent avoir des compétences différentes selon leurs expériences, les aides apportées, le
poids psychologique de la déficience.
De plus, le terme de « cĂ©citĂ© » peut largement prĂȘter Ă confusion, puisquâil est utilisĂ©
Ă©galement pour des personnes qui ne sont pas complĂštement aveugle. Dans le cas de la
cécité légale, on parle de personnes ayant encore des possibilités de vision, et qui sont donc
trĂšs diffĂ©rentes au niveau fonctionnel dâindividus ne profitant dâaucune perception lumineuse.
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Le terme « cĂ©citĂ© congĂ©nitale » est utilisĂ© pour dĂ©finir des cĂ©citĂ©s dont lâorigine est
antérieure à la naissance.
2. Epidémiologie
Selon lâOMS, on dĂ©nombre aujourdâhui 30 Ă 40 millions de personnes atteintes de dĂ©ficience
visuelle dans le monde, dont seulement 20% qui vivent dans les pays industrialisés. Dans
ces pays, les déficients visuels sont principalement des personnes ùgées (74% ont plus de
50 ans), du fait des pertes sensorielles et des pathologies liĂ©es Ă lâĂąge, en particulier la
cataracte et la dĂ©gĂ©nĂ©rescence maculaire liĂ©e Ă lâĂąge.
La cécité congénitale concerne environ 4 % des cas de cécité.
En France on compte environ 1 700 000 déficients visuels, et la cécité concerne une
personne sur 1000.
3. Etiologies
Kong et al (2012) ont répertorié dans une étude les principales causes de cécité chez les
enfants scolarisés en établissements spécialisés aux Etats-Unis.
En premiÚre position on retrouve la cécité corticale (18 %), qui correspond à une perte
visuelle liée à un mauvais fonctionnement du systÚme nerveux central, en particulier le
cortex visuel primaire. Les causes principales chez lâenfant sont les lĂ©sions vasculaires liĂ©es
à une anoxie périnatale. On peut trouver des causes traumatiques (traumatisme crùnien) ou
tumorales qui sont plus rares.
En deuxiĂšme position on dĂ©crit lâhypoplasie du nerf optique (15 %), c'est-Ă -dire un nerf
optique plus petit que la normale.
Enfin la troisiÚme cause de cécité est la rétinopathie causée par une naissance prématurée
(14 %).
DâaprĂšs cette Ă©tude, lâAmaurose congĂ©nitale de Leber, la pathologie qui touche LĂ©o,
concerne 2 % des cas de cĂ©citĂ© chez lâenfant.
De maniÚre générale, les causes de cécité sont fonction de la région du monde et des
conditions socio-économiques et sanitaires : dans les pays les moins développés, beaucoup
de dĂ©ficiences visuelles pourraient ĂȘtre Ă©vitĂ©es grĂące Ă des changements simples dans les
soins et lâhygiĂšne. De la mĂȘme façon, une des causes principales de dĂ©ficience visuelle
modĂ©rĂ©e est lâimpossibilitĂ© dâaccĂ©der Ă des corrections optiques adaptĂ©es (OMS, 2013).
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4. Diagnostic prĂ©coce et signes dâappel
Aujourdâhui on ne fait pas de dĂ©pistage systĂ©matique de la dĂ©ficience visuelle comme câest
le cas pour la surditĂ©, sauf en cas dâantĂ©cĂ©dents familiaux. Dans ce cas, un dĂ©pistage est
rĂ©alisĂ© Ă lâĂąge de 8 mois.
Certains signes de dĂ©ficience visuelle peuvent ĂȘtre repĂ©rĂ©s dĂšs la naissance et entrainent un
suivi médical particulier. Le nystagmus, par exemple, est un mouvement d'oscillation
involontaire et saccadé du globe oculaire est présent dans plusieurs pathologies visuelles.
Son observation chez le nouveau-né permet de soupçonner une déficience visuelle.
Les signes les plus importants sont des comportements particuliers, ou lâabsence de
comportements, autant de signes dâappel qui alertent la famille et entrainent une consultation
mĂ©dicale dans les premiers mois de lâenfant. Ces signes sont plus ou moins forts selon la
déficience visuelle.
Avant 3 mois, on remarque chez les enfants dĂ©ficients visuels un manque dâintĂ©rĂȘt pour les
stimulations visuelles et une absence de clignement des yeux Ă la lumiĂšre ou Ă la menace.
Avant 6 mois, les comportements inquiĂ©tants sont une pauvretĂ© de la mimique, lâabsence de
sourire réponse, un regard qui erre ou qui reste fixe, et un retard dans le développement de
la motricité manuelle (pas ou peu de préhension des objets).
Avant lâĂąge de 2 ans on ne peut pas faire de mesure de lâacuitĂ© de lâenfant, la prĂ©cision du
diagnostic se fait donc de façon clinique.
B. Conséquences de la déficience visuelle sur le développement
psychomoteur
DâaprĂšs Beylier-Im (1999), les consĂ©quences de la dĂ©ficience visuelle sur le dĂ©veloppement
du jeune enfant sont issues de trois facteurs principaux :
lâabsence dâĂ©changes de regards entre la mĂšre et lâenfant qui retarde les acquisitions
dans le domaine de la communication et a également des conséquences sur le
tonus,
lâabsence de bons repĂšres dans lâenvironnement,
des difficultĂ©s dans le processus dâindividuation.
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1. Conséquences sur le développement moteur
Lâabsence de vision perturbe le systĂšme moteur. En effet, dâaprĂšs Lecuyer (1994), câest la
vision qui impulse le mouvement. Sans stimulation visuelle, le nourrisson aveugle est donc
peu mobile, et il fait donc partie du rĂŽle de lâentourage familial et soignant de lui apprendre
les mouvements et les mobilisations qui se mettent en place seuls au cours du
dĂ©veloppement ordinaire. Brambring (2006) a montrĂ© quâil existe une grande variabilitĂ© dans
les capacitĂ©s motrices des enfants aveugles, il nâest donc pas pertinent de dĂ©crire des Ăąges
moyens dâacquisitions.
LâĂ©tude de Levtzion-Korach et Al (2000) a mesurĂ© les capacitĂ©s motrices de 40 enfants
aveugles et les a comparĂ©es aux capacitĂ©s dâenfants voyants du mĂȘme Ăąge. Il a montrĂ© un
retard dâacquisition dans les tous les domaines mesurĂ©s : les retournements, le ramper, la
station assise, la station debout, la marche, la station unipodale, le saut, et la montée et
descente des escaliers.
Fazzi a Ă©galement montrĂ© en 2002 lâutilitĂ© et la nĂ©cessitĂ© dâune stimulation supplĂ©mentaire
pour toutes les acquisitions motrices.
a) Tonus
Les enfants aveugles sont trÚs souvent décrits comme des bébés hypotoniques au niveau
axial (Fazzi, 2003), et ce mĂȘme en lâabsence de troubles neurologiques supplĂ©mentaires.
Cette hypotonie entraine un retard dans les autres acquisitions motrices, que ce soit au
niveau de la motricité globale ou au niveau de la motricité fine.
Les Ă©tudes expliquent principalement cette hypotonie par lâabsence de stimulation visuelle,
qui constitue dans le développement normal une motivation importante pour le
redressement. DâaprĂšs Bullinger (2004), lâenfant aveugle, privĂ© de cette stimulation, prĂ©sente
un « effondrement tonique » vers lâĂąge de 3 mois.
De par cette hypotonie, on note un retard dans la tenue de la tĂȘte et dans les acquisitions
motrices suivantes.
Mais puisque cette hypotonie est la consĂ©quence dâune absence de stimulation, elle peut
ĂȘtre corrigĂ©e en remplaçant le stimulus visuel par dâautres stimulations : les expĂ©riences de
AbĂ©cassis et al (1996), dĂ©crites par Beylier-Im (1999) montrent quâau tirĂ©-assis le
recrutement tonique de la tĂȘte de lâenfant aveugle peut ĂȘtre obtenu en le proposant
accompagnĂ© dâune stimulation verbale ou tactile (par exemple en soufflant doucement sur le
visage de lâenfant).
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Si lâhypotonie est le trouble tonique le plus souvent dĂ©crit chez le bĂ©bĂ© aveugle, on peut
Ă©galement retrouver une hypertonie, notamment rĂ©active. Lâenfant est touchĂ© par les autres
sans quâil puisse sây prĂ©parer au niveau tonique, et cette sensation peut ĂȘtre vĂ©cue comme
agressive. Il est important de prĂ©venir lâenfant verbalement quâil va ĂȘtre touchĂ©, et ce quel
que soit son Ăąge. Dans la majoritĂ© des cas, lâadoption de ces comportements par lâentourage
entraine une disparition de lâhypertonie.
b) Posture
Du fait de cette hypotonie axiale, lâenfant aveugle va Ă©galement prĂ©senter un retard dans
lâacquisition des premiĂšres mobilisations : retournements, position assise, dĂ©placement Ă
quatre pattes (Beylier-Im, 1999).
Les enfants aveugles sont souvent déplacés par leur entourage et ont tendance à conserver
la position dans laquelle ils ont Ă©tĂ© placĂ©s. Il est donc important dâapprendre Ă ces enfants
les différentes positions et la façon dont ils peuvent les acquérir.
De plus, mĂȘme si les rĂ©flexes antigravitaires dâorigine vestibulaires sont prĂ©sents (Bullinger,
2004), ces enfants nâont pas naturellement de rĂ©flexe parachute, du fait de la non-perception
du sol lors de la chute. Pour éviter les expériences de chutes traumatisantes, ces réflexes
doivent ĂȘtre stimulĂ©s.
c) Locomotion
Dans le dĂ©veloppement normal, lâenfant passe de lâespace de prĂ©hension Ă lâespace de
déplacement entre 9 et 12 mois.
DâaprĂšs Fazzi (2002), les enfants aveugles utilisent peu les premiers moyens de
déplacement acquis par les enfants voyants, en particulier le ramper et la marche à quatre
pattes, qui sont trĂšs peu observĂ©s. Ces modes de dĂ©placements ne permettent pas Ă lâenfant
non-voyant de se dĂ©placer en sĂ©curitĂ© car ils placent la tĂȘte en avant. NĂ©anmoins, il est
intĂ©ressant dâencourager les enfants qui choisissent de ramper ou de marcher Ă quatre
pattes car il leur permet de se déplacer plus tÎt, et donc de faire de meilleures acquisitions
au niveau spatial.
La marche est retardée, avec une acquisition qui se situerait en moyenne autour de 19
mois, et ce mĂȘme avec un entrainement (Fraiberg in Beylier-Im, 1999).
Pour Fraiberg, ce dĂ©calage serait dĂ» Ă des facteurs cognitifs : lâenfant, sans stimulation
visuelle, ne trouve pas de motivation à se déplacer. Seules les stimulations sonores
lointaines peuvent lây inciter. Des Ă©tudes plus rĂ©centes soutiennent ce point de vue : Fazzi et
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al ont montré en 2011 que la maitrise de la coordination audition-préhension est une
condition nĂ©cessaire Ă lâacquisition de la marche chez lâenfant aveugle.
d) Conscience du corps
Lâabsence de vision du corps entraine chez lâenfant aveugle un retard dans lâacquisition de la
conscience de son corps et plus généralement de la conscience de soi. Le toucher et la
kinesthésie donnent des informations sensorielles morcelées qui ne permettent pas la
construction dâune image de soi complĂšte et juste. Lâintervention psychomotrice est
primordiale dans ce domaine, notamment par le massage et lâutilisation dâune mĂ©diation
comme lâeau qui permet de sentir tout son corps de maniĂšre globale (Beylier-Im, 1999).
De plus, lâentourage de lâenfant peut permettre une meilleure reprĂ©sentation de soi par la
verbalisation des mouvements et des parties du corps.
2. Conséquences sur la relation
Lâabsence dâĂ©changes de regards perturbe la relation prĂ©coce entre lâenfant aveugle et sa
mĂšre, entrainant une grande frustration chez celle-ci et des difficultĂ©s dâapprentissage. Les
parents sont déroutés par le faible nombre de communications non-verbales, et également
par le fait que lâenfant ne se tourne pas vers eux lorsquâils lui parlent ou se dirigent vers lui
(Hatwell, 2003b).
Le sourire des nourrissons aveugles est Ă©galement particulier : les Ă©tudes montrent que le
sourire nâest pas automatiquement dĂ©clenchĂ© par la voix de la mĂšre de lâenfant, et ce jusquâĂ
lâĂąge de 5 mois (Hatwell, 2003b). De plus, ce sont des enfants qui manifestent peu de
manifestations dâaffection envers les adultes, comme par exemple lever les bras pour ĂȘtre
porté.
Toutes ces caractéristiques relationnelles particuliÚres, couplées avec la faible motricité de
ces enfants, entrainent un nombre dâinteraction parent-enfant moindre (Hatwell, 2003b).
Demingeon-Pessonneaux (2007) a montrĂ© que les mĂšres dâenfants souffrant de dĂ©ficience
visuelle se montrent plus directives dans leur relation avec leur enfant que les autres. Elle
explique ce comportement notamment par un travail de deuil de lâenfant espĂ©rĂ© et dâune
culpabilitĂ© par rapport au handicap de lâenfant, qui entraine une compensation et une envie
de « bien faire » qui peut ĂȘtre excessive. Quel que soit le handicap, il est important que les
parents puissent rester dans un rÎle parental et non éducatif ou rééducatif, laissant ce rÎle
aux professionnels.
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De plus, le handicap peut Ă©galement entrainer une trop grande protection de lâenfant, ou une
tendance Ă lâaider trop souvent, ce qui a de mauvaises consĂ©quences sur la mise en place
de lâautonomie de lâenfant (Beylier-Im, 1999).
3. Conséquences sur le langage
Chez lâenfant aveugle est souvent observĂ© un retard de lâacquisition du langage, qui dans la
plupart des cas se normalise autour de lâĂąge de 3-4 ans (Hatwell, 2003a). MalgrĂ© ce retard,
lorsque le canal auditif est trĂšs investi, lâenfant peut se montrer trĂšs fin dans son analyse du
langage et notamment de lâintonation et des modulations de rythme et de prosodie.
Fraiberg (in Hatwell, 2003b) suppose que le retard dâacquisition du langage et la faiblesse
des productions découleraient du comportement des parents, qui parleraient moins à leur
enfant aveugle du fait de son calme apparent et de sa faible activité motrice.
Les Ă©tudes tendent Ă montrer que le langage chez lâenfant aveugle est sensiblement le
mĂȘme que chez les autres enfants (Dunlea, 1989).
Certains enfants peuvent Ă©galement investir le langage sur un mode Ă©cholalique ou tomber
dans des comportements stéréotypés par rapport au langage. Des auteurs (Pérez-Pereira,
2005) rapprochent ce comportement de la situation des enfants autistes, chez qui on trouve
Ă©galement beaucoup dâĂ©cholalie. Il semblerait que lâisolement sensoriel qui dĂ©coule de la
dĂ©ficience visuelle serait Ă rapprocher dâune forme dâautisme.
Le langage est un support qui doit ĂȘtre trĂšs investi par lâenfant, car il est le meilleur canal
pour lui permettre de donner une unitĂ© aux objets qui lâentourent. Le mot, rassemble en un
seul item toutes les perceptions de lâenfant, qui peuvent ĂȘtre trĂšs diffĂ©rentes. Par exemple,
grĂące au mot « voiture », lâenfant peut comprendre que ce quâil entend dans la rue
correspond au mĂȘme objet que celui dans lequel on lâinstalle pour se dĂ©placer.
4. Conséquences sur le développement cognitif et les apprentissages
a) Construction de lâespace
La construction de lâespace se fera beaucoup plus tard (Hatwell, 2003a) chez lâenfant
aveugle en raison de lâabsence dâexpĂ©riences visuelles. La perception auditive, si elle peut
permettre de comprendre la notion de distance lorsque le volume change, reste peu efficace
pour se faire une reprĂ©sentation de lâespace.
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Câest lorsque la coordination audition-prĂ©hension commence Ă se mettre en place que
lâenfant peut comprendre ces notions, et câest ce lien entre la stimulation sonore et sa
position dans lâespace qui va ensuite donner Ă lâenfant aveugle lâenvie dâexplorer et, plus
tard, de se déplacer.
De plus, du fait du dĂ©veloppement plus tardif de la locomotion autonome, lâenfant aveugle va
rester dans une reprĂ©sentation Ă©gocentrĂ©e de lâespace plus longtemps que les autres. Cette
maniĂšre de se reprĂ©senter lâespace est trĂšs couteuse est peu efficace, dâoĂč des capacitĂ©s
moindres et une grande fatigabilité dans les tùches spatiales (Hatwell, 2003a).
Des expériences réalisées avec des aveugles congénitaux, des aveugles tardifs et des
voyants dont on a bandé les yeux montrent que, lorsque le domaine mesuré est trÚs
dĂ©pendant des aspects perceptifs, lâaveugle congĂ©nital est en difficultĂ©. NĂ©anmoins, une fois
que lâenfant a mieux dĂ©veloppĂ© ses capacitĂ©s cognitives, connaissances langagiĂšres sur
lâespace et capacitĂ©s de raisonnement logique, ses capacitĂ©s spatiales se rapprochent de
celles des aveugles tardifs et des voyants momentanément aveugles (Hatwell, 2003a).
Certains individus adultes montrent des capacités spatiales similaires à celles des adultes
voyants.
b) Permanence de lâobjet
DâaprĂšs Hatwell (2006), la « recherche manuelle dâun objet sonore qui a Ă©tĂ© dĂ©placĂ© puis a
cessé de sonner » émerge entre 22 et 32 mois chez le bébé aveugle.
De mĂȘme, la recherche manuelle dâun objet ayant Ă©chappĂ© des mains de lâenfant nâest
observĂ©e quâen moyenne autour de 16 mois, alors quâon peut la dĂ©crire Ă 6 ou 7 mois chez
un enfant voyant.
Ce retard est une conséquence des difficultés de construction spatiale décrites
prĂ©cĂ©demment : lâenfant doit avoir compris que les objets sont toujours prĂ©sents mĂȘme sâils
ne sont pas perceptibles, et sans la vision câest une notion qui va mettre plus de temps Ă se
mettre en place.
c) Imitation
Lâimitation est, avec lâhabituation et le conditionnement, une des stratĂ©gies dâapprentissages
les plus simples utilisĂ©es par lâenfant. Elle est fondamentale pour les comportements
sociaux, le langage, et de nombreux apprentissages.
Il est Ă©vident que, sans le support de la vision, lâenfant aveugle va moins profiter de cet
apprentissage. Il reste nĂ©anmoins capable dâimitation, notamment au niveau verbal.
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De plus, en utilisant un guidage physique (faire le mouvement tout en tenant les mains de
lâenfant par exemple) il est tout Ă fait possible pour lâenfant aveugle de faire des
apprentissages moteurs. Dans la co-action avec lâadulte, lâenfant mĂȘme jeune peut
apprendre des mouvements rapidement.
5. Comportements spécifiques liés à la déficience visuelle
a) Blindismes
Les blindismes sont des mouvements ou des attitudes stéréotypées, sans but, présentées
par les enfants et adultes non-voyants (Hatwell, 2003a). Ils sont souvent interprétés comme
des autostimulations sensorielles, pour pallier Ă la faiblesse sensorielle de leur
environnement, mais les études montrent que si certains répondent bien à cette définition,
dâautres blindismes serviraient plutĂŽt de rĂ©gulation Ă©motionnelle. Ce serait par exemple le
cas des balancements. (Hatwell, 2003b).
Les blindismes les plus souvent dĂ©crits sont des balancements du corps, de la tĂȘte ou des
membres, la succion du pouce, un langage Ă©cholalique, des grognements et le signe oculo-
digital (Hatwell, 2003b).
Le signe oculo-digital est un blindisme dans lequel lâenfant appuie fort sur ses globes
oculaires avec ses doigts, ce qui crĂ©e une stimulation visuelle. Ce comportement doit ĂȘtre
dĂ©couragĂ© car, en plus dâĂȘtre socialement inadaptĂ©, il peut entrainer des consĂ©quences
morphologiques sur la forme de lâorbite en cas de trop grande frĂ©quence.
Ces comportements apparaissent souvent chez les jeunes enfants et tendent Ă baisser en
frĂ©quence ou Ă disparaitre vers lâĂąge de 6-7 ans. Mais certains adolescents ou adultes
peuvent les garder. Dans le cas oĂč ces blindismes sont envahissants, ils peuvent
représenter un frein social important (Hatwell, 2003b).
Cependant, lorsque lâindividu prend conscience de ses blindismes, il peut apprendre Ă les
limiter ou les supprimer.
b) Verbalismes
Le verbalisme est trÚs souvent observable chez les aveugles, enfants et adultes. Il se définit
comme lâutilisation courante de mots ou dâexpressions qui sont connues de la personne mais
qui ne sont pas rĂ©ellement compris. Il sâagit le plus souvent de mots concernant lâespace, ou
des notions qui sont principalement visuelles comme la lumiĂšre ou les couleurs. Câest en
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faisant lâexpĂ©rience concrĂšte de ces notions que lâaveugle peut mieux les comprendre et les
manipuler.
C. Notion de compensation sensorielle
1. Importance de la compensation sensorielle
Il est admis dans lâimaginaire populaire que les personnes dĂ©ficientes visuelles possĂšdent
des capacitĂ©s supĂ©rieures Ă la moyenne dans lâutilisation de leurs autres sens, que ce soit
pour le toucher, lâaudition, ou mĂȘme lâodorat. Cependant, les Ă©tudes montrent quâil nây a pas
de différence de seuil de détection ou de discrimination entre les aveugles et la population
générale, que ce soit au niveau tactile ou au niveau auditif (Hatwell, 2003a). La différence
est fonctionnelle : lâamĂ©lioration des sens nâest pas physiologique, elle est due Ă une
augmentation des capacitĂ©s dâattention et une meilleure orientation de cette attention vers
les stimuli les plus pertinents (Miller, 1992 in Hatwell).
La compensation sensorielle est nĂ©cessaire Ă un bon fonctionnement de lâindividu dans son
milieu, et elle doit ĂȘtre encouragĂ©e. Lâentrainement des sens vicariants est un aspect
important de la prise en charge psychomotrice de lâenfant dĂ©ficient visuel.
2. Sens vicariants
Sont appelĂ©s « sens vicariants » les sens restants qui peuvent ĂȘtre utilisĂ©s pour compenser
la perte visuelle.
a) Toucher
Le toucher est, avec lâaudition, le sens vicariant le plus utilisĂ© par les dĂ©ficients visuels
adultes. Cependant, et mĂȘme si cela semble contre-intuitif, les jeunes enfants aveugles
montrent souvent une aversion pour le toucher, en particulier avec les mains. Elles sont
souvent tenues prÚs du visage, bras rétractés, en posture protective. Le contact tactile est
considéré comme trop intime, voire agressif. De nombreux enfants choisissent dans un
premier temps une exploration avec les pieds qui permet le maintien dâune distance
sécurisante (Hatwell, 2003b).
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Il est intĂ©ressant de noter que lorsquâon parle du toucher on pense en premier lieu aux
mains, mais il concerne tout le corps, ainsi que des sensations internes liées aux
événements extérieurs, comme des phénomÚnes de résonnance.
Fazzi, en 2011, lors dâune Ă©tude sur la coordination audition-prĂ©hension, a montrĂ© que les
jeunes enfants (ici ĂągĂ©s de 9 Ă 10 mois) se fient dâabord plus Ă leur sens du toucher, et
prĂ©fĂšrent les objets quâils ont dĂ©jĂ touchĂ©s plutĂŽt que ceux quâils ont uniquement entendus.
b) Audition et Ă©cholocation
En premier lieu, le sens de lâaudition permet la communication grĂące au langage. En plus
des informations verbales, en Ă©coutant son interlocuteur lâenfant aveugle peut obtenir des
informations sur sa distance, sâil se dĂ©place ou non, ainsi que les informations apportĂ©es par
la communication non-verbale : ton, rythme de voix, prosodie, silences. De plus, la stéréo-
acuité permet de connaitre de façon précise la position de la source sonore.
Le tout-petit, sâil apprĂ©cie souvent la musique ou les jeux sonores, ne doit pas baigner dans
un bain sonore permanent sous peine de sâisoler dans cette stimulation (Beylier-Im, 1999). Il
est important de varier les stimulations sonores dans leur qualité, quantité, volume, distance,
pour permettre au jeune enfant non-voyant de sélectionner les informations auditives les plus
pertinentes.
Le sens des masses, ou Ă©cholocation, dĂ©signe la capacitĂ© Ă sentir la prĂ©sence dâun objet,
dâun mur ou Ă lâinverse son absence (un couloir par exemple) en analysant la maniĂšre dont
les ondes sonores de basse fréquence sont répercutées sur ces objets.
Le sens des masses est un sens de prime abord inconscient. De maniĂšre naturelle, on
observe des enfants mĂȘmes trĂšs jeunes qui sont capables dâorienter leurs dĂ©placements et
dâĂ©viter les obstacles. Il est donc important de permettre aux dĂ©ficients visuels dâen prendre
conscience et de sâen servir, en particulier pour les dĂ©placements. DâaprĂšs une Ă©tude de
Kolarik et al (2014), certaines personnes non-voyantes peuvent ĂȘtres trĂšs performantes dans
lâutilisation de ce sens, et sont capables de dĂ©crire la position, taille, forme et matiĂšre dâun
objet grĂące Ă lâĂ©cholocation. Il est Ă©galement possible pour certains individus dâutiliser
directement ce sens en Ă©mettant eux-mĂȘmes des sons qui vont se rĂ©percuter et apporter
des informations.
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c) Olfaction
Lâolfaction est, chez lâhomme, un sens peu dĂ©veloppĂ© et utilisĂ© principalement de façon
inconsciente. De nombreux enfants aveugles sâen servent, sans forcĂ©ment en ĂȘtre conscient,
pour lâidentification dâobjets, de lieux, et Ă©galement de personnes. Il peut ĂȘtre intĂ©ressant
dâaider lâenfant Ă rendre conscient et Ă dĂ©velopper ce sens, car il peut ĂȘtre utile notamment
dans les déplacements (une odeur fortement corrélée à un lieu, une boulangerie par
exemple).
Si ce sens est riche dâinformations, renifler les autres est un comportement qui doit ĂȘtre
limitĂ©, et lâentourage a tendance Ă le dĂ©courager sâil est trop envahissant (Beylier-Im, 1999).
3. Plasticité cérébrale
Les Ă©tudes dâimagerie cĂ©rĂ©brale dâaveugles congĂ©nitaux et tardifs ont montrĂ© que, lorsquâun
aveugle précoce est bon lecteur en braille, la zone de projection corticale du bout des doigts
est plus grande que dans la population gĂ©nĂ©rale. De plus, lorsque lâindividu effectue des
tùches tactiles, les zones occipitales qui normalement reçoivent les informations visuelles
sont activées (Hatwell, 2003a).
Ces transformations corticales résultent de la plasticité cérébrale qui permet une
réorganisation des zones cérébrales dans la petite enfance. Celles-ci ne sont observables
que chez les individus aveugles congénitaux ou ayant perdu la vue trÚs tÎt dans leur vie.
D. Importance de la prise en charge précoce
Au vu des différentes conséquences de la déficience visuelle citées précédemment, il parait
important de proposer à ces enfants une prise en charge la plus précoce et la plus spécifique
possible. Une stimulation sensorielle efficace permettra au jeune enfant de développer au
maximum ses sens vicariants, et grĂące Ă une stimulation motrice il pourra faire Ă son rythme
les acquisitions nécessaires à un déplacement autonome.
Fazzi et al ont dĂ©montrĂ© dans une Ă©tude en 2005 lâimportance et lâefficacitĂ© de la prise en
charge prĂ©coce chez lâenfant dĂ©ficient visuel. Pour elle, cette prise en charge doit ĂȘtre axĂ©e
autour de trois thĂšmes importants (Fazzi, 2002) :
La stimulation auditive et tactile, qui permettra un meilleur développement postural,
Lâapprentissage dâune utilisation efficace des sens vicariants,
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Le suivi et la guidance parentale, sâassurer que lâenfant grandit dans un climat stable
au niveau Ă©motionnel.
De plus, Beelmann et Brambring (1998) ont dĂ©montrĂ© lâefficacitĂ© dâun suivi rĂ©alisĂ© Ă la
maison, qui permet dâobserver lâenfant dans des situations Ă©cologiques et apporte un
meilleur soutien et de meilleurs conseils aux parents.
E. Lâamaurose congĂ©nitale de Leber
La pathologie visuelle prĂ©sentĂ©e par LĂ©o a Ă©tĂ© identifiĂ©e gĂ©nĂ©tiquement : il sâagit de
lâamaurose congĂ©nitale de Leber. Cette pathologie concernerait 10 Ă 18% des cas de cĂ©citĂ©
congénitale (Fazzi, 2003). On dénombre 2 à 3 cas pour 100000 naissances.
A ce jour, des Ă©quipes de chercheurs tentent de trouver un traitement, notamment par
lâutilisation de cellules-souches et de la thĂ©rapie gĂ©nique, mais ces protocoles sont aux
premiers stades de la recherche et ne sont pas encore testés sur les patients.
Les informations sont issues dâune revue de la littĂ©rature sur cette pathologie rĂ©alisĂ©e par
Fazzi et al en 2003 : Leber's congenital amaurosis : an update. European journal of
paediatric neurology, 7(1), 13-22.
1. DĂ©ficience visuelle
Lâamaurose congĂ©nitale de Leber est une pathologie dâorigine gĂ©nĂ©tique entrainant un
trouble visuel liĂ© Ă une dystrophie rĂ©tinienne. La dĂ©ficience va dâune malvoyance profonde a
une cécité complÚte (qui correspond à un tiers des cas).
DâaprĂšs Kaplan (1995) : « on dĂ©signe sous le terme de dystrophie rĂ©tinienne des affections
dégénératives atteignant de façon diffuse ou localisée les cellules photoréceptrices de la
rétines que sont les cÎnes ou les bùtonnets ». Ces cellules sont celles qui convertissent
lâinformation lumineuse en influx nerveux, qui sera ensuite transmis au cerveau par
lâintermĂ©diaire du nerf optique. Ces affections concernent 30 % des enfants scolarisĂ©s en
institut spécialisé pour les déficiences visuelles.
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2. Diagnostic clinique
Le diagnostic est fait grùce à une analyse génétique, mais de nombreux signes sont
également présents au niveau clinique.
Les critÚres principaux utilisés pour faire le diagnostic clinique sont :
la mise en Ă©vidence dâune cĂ©citĂ© ou dâune malvoyance profonde au cours de la
premiÚre année de vie,
une faible réaction des pupilles à la stimulation lumineuse,
la prĂ©sence dâun nystagmus ophtalmique,
la présence de signes oculo-digitaux,
une rĂ©ponse rĂ©duite ou absente Ă lâĂ©lectrorĂ©tinogramme,
la prĂ©sence de particularitĂ©s Ă lâexamen du fond de lâĆil,
un Potentiel Visuel Evoqué absent ou anormal.
3. Génétique
Lâamaurose congĂ©nitale de Leber est un trouble gĂ©nĂ©tique autosomique rĂ©cessif, c'est-Ă -dire
que la mutation est portée par des chromosomes non sexuels, et que les individus doivent
présenter la mutation sur les deux exemplaires de ces chromosomes pour montrer des
symptĂŽmes.
Le trouble est hétérogÚne au niveau clinique, mais également au niveau génétique. A ce jour
on décompte sept gÚnes qui seraient impliqués dans la pathologie.
4. Particularités de développement
a) Anomalies cérébrales
Des IRM ont rĂ©vĂ©lĂ© lors de plusieurs Ă©tudes une sĂ©rie dâanomalies cĂ©rĂ©brales pouvant ĂȘtre
prĂ©sentes dans lâamaurose congĂ©nitale de Leber.
Lâanomalie la plus frĂ©quente (prĂ©sente dans 10 % des cas dâaprĂšs Nickel et Hoyt, 1982) est
lâhypoplasie du vermis cĂ©rĂ©belleux.
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b) DĂ©ficience intellectuelle
La question de la dĂ©ficience intellectuelle dans lâamaurose congĂ©nitale de Leber a Ă©tĂ©
beaucoup discutée dans la littérature (Fazzi, 2003). Les résultats des nombreuses études
menĂ©es au cours des derniĂšres dĂ©cennies sont assez hĂ©tĂ©rogĂšnes et doivent ĂȘtre pondĂ©rĂ©s.
En effet, il y a un risque important de surestimation de cette déficience, car les tests utilisés
pour la mesurer ne sont pas forcément adaptés à la déficience visuelle des enfants. De plus,
les études morphologiques ont également montré que certains patients présentaient des
anomalies corticales, qui pouvaient ĂȘtre ou non en lien avec la dĂ©ficience mesurĂ©e.
Les études les plus récentes (Fazzi, 2003 et Schuil, 1998) ont étudié uniquement des sujets
prĂ©sentant lâamaurose sans comorbiditĂ©, et semblent montrer un taux de retard mental
autour de 20%.
c) SymptÎmes systémiques
Lâamaurose congĂ©nitale de Leber peut ĂȘtre accompagnĂ©e de comorbiditĂ©s systĂ©miques,
notamment des problÚmes rénaux, cardiaques et squelettiques.
![Page 22: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/22.jpg)
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II. La motricité manuelle et les impacts de la cécité
A. Le développement de la motricité manuelle chez le jeune enfant
La motricitĂ© manuelle a une fonction qui est double : dâune part une fonction perceptive, dans
laquelle elle permet de connaitre les diffĂ©rentes propriĂ©tĂ©s des objets touchĂ©s et dâen dĂ©duire
une utilisation possible ; et dâautre part une fonction motrice, permettant lâexĂ©cution des
actions nécessaires à la vie quotidienne et à la communication.
1. Mise en place de la motricité manuelle dans le développement
ordinaire
a) Développement de la préhension
La motricitĂ© manuelle met en jeu la coordination entre la main, lâĆil, lâobjet, et Ă©galement la
bouche chez le jeune enfant. Un bon développement de la motricité manuelle est un facteur
prĂ©dictif du bon devenir psychomoteur de lâenfant.
De la motricité réflexe à la motricité intentionnelle
DĂšs la naissance et jusquâĂ environ 3 Ă 6 mois, le systĂšme nerveux du nourrisson est encore
en cours de myĂ©linisation. En consĂ©quence, lâenfant est soumis Ă une motricitĂ© rĂ©flexe
dirigée par le systÚme nerveux sous-cortical. Pendant cette période, les réflexes archaïques
sont trĂšs prĂ©sents et gĂȘnent le bĂ©bĂ© dans sa motricitĂ©. Au fur et Ă mesure du dĂ©veloppement
des centres nerveux corticaux, la motricité intentionnelle va pouvoir prendre le dessus.
Concernant la motricitĂ© manuelle, le rĂ©flexe le plus significatif est le rĂ©flexe dâagrippement,
ou « grasping » : au contact dâun objet contre sa paume, lâenfant ferme le poing et serre
lâobjet de maniĂšre assez forte.
Il a longtemps Ă©tĂ© pensĂ© que le grasping reprĂ©sentait une gĂȘne pour la motricitĂ© manuelle
volontaire. Cependant, les expĂ©riences menĂ©es par Grenier en 1981 montrent quâun enfant
ĂągĂ© de seulement quelques semaines de vie est capable dâattraper un objet lorsquâil est mis
dans la bonne position, ce qui suggĂšre que la motricitĂ© archaĂŻque nâest pas forcĂ©ment un
frein Ă la manipulation dâobjets mais une aide au dĂ©veloppement de la motricitĂ© intentionnelle
(in Miermon, 2011).
![Page 23: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/23.jpg)
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Etapes de la préhension
On peut décrire deux phases dans la préhension (Fargard, 2001) :
Lâapproche : on note des premiĂšres tentatives dâapproche des objets chez des enfants de 3
mois. A ce moment, lâapproche est approximative, dans un mouvement chaotique et
saccadĂ©. Chez les plus petits enfants, le geste est dâabord direct mais mal ajustĂ©. Plus tard
on peut observer deux phases dans le mouvement, dont une phase de freinage qui permet
un meilleur contrĂŽle du geste. La mise en place dâun mouvement qui soit Ă la fois direct et
bien ajusté est longue.
La prise : On détermine trois grandes phases dans le développement de la prise chez le
jeune enfant, selon la loi de maturation cérébrale dans le sens proximo-distal.
La premiĂšre phase correspond Ă une prise palmaire cubito-radiale, correspondant Ă la base
de la main. Elle est observĂ©e chez lâenfant dĂšs 2 mois. On dĂ©crit ensuite une prise digito-
palmaire, dans laquelle lâobjet est saisi entre la paume et les doigts, Ă partir de 5 mois. Enfin,
Ă partir de 7 mois on commence Ă voir apparaitre la pince fine pouce-index, ou pince
supérieure. Par la suite, la prise évolue vers une meilleure précision.
b) Coordinations bimanuelles
Pendant la premiĂšre annĂ©e, lâenfant a tout dâabord une activitĂ© principalement bimanuelle,
puis unimanuelle. Vers 10 mois, il reprend lâutilisation des deux mains.
En premier lieu, la deuxiÚme main sert de stabilisateur, puis des activités bimanuelles
simples sont réussies par les enfants dÚs 9 mois (ouvrir une boite pour en sortir un objet par
exemple). Au fur et Ă mesure lâenfant peut accĂ©der Ă des activitĂ©s manuelles plus
complexes. Câest Ă partir dâenviron 7 ans que lâon considĂšre que lâenfant a une bonne
maitrise des coordinations bimanuelles. Avant cet Ăąge, il est encore trĂšs gĂȘnĂ© par les
contraintes de symétrie et de synchronie (Fagard, 2001).
Fagard (1998) décrit quatre catégories de coordinations bimanuelles :
1) Les deux mains sont indépendantes spatialement et temporellement
2) Les deux mains ont des gestes indépendants mais synchronisés
3) Les deux mains ont des rÎles qui sont complémentaires mais non différenciés
4) Les deux mains ont des rÎles complémentaires et différenciés. Cette catégorie
correspond à la majorité des activités bimanuelles de la vie quotidienne.
![Page 24: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/24.jpg)
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2. Mise en place de la motricité manuelle chez le jeune enfant non-
voyant
Nous avons vu dans la premiĂšre partie que le jeune enfant non-voyant, de par lâabsence de
la vue, doit sâaider des autres sens pour compenser le dĂ©ficit. Cependant, lâexploration
haptique reste une supplĂ©ance incomplĂšte Ă la vision, en particulier de par le fait quâelle est
limitée à un espace réduit.
Il est donc important dâaider lâenfant aveugle Ă dĂ©velopper dĂšs son plus jeune Ăąge une
motricité manuelle efficace.
a) Premiers mouvements de la main
Le nourrisson aveugle montre une motricité archaïque normale, avec un réflexe
dâagrippement similaire Ă celui des enfants voyants (Hatwell, 2003a). NĂ©anmoins, de par
lâabsence de stimulation visuelle, on observe une motricitĂ© manuelle spontanĂ©e qui reste
faible. Lâenfant, nâayant pas de perception visuelle des objets qui lâentourent, nâa pas
forcĂ©ment conscience de leur existence et nâest pas incitĂ© Ă essayer de les atteindre.
De plus, la prĂ©sence de blindismes comme le signe oculo-digital retarde lâactivitĂ© manuelle
spontanĂ©e en bloquant les mains dans la mĂȘme position.
Enfin, lâactivitĂ© manuelle, sans le guidage et la correction permis par la vision, est bien moins
précise (Hatwell, 2003a).
b) Importance de la coordination audition-préhension
La coordination audition-prĂ©hension supplĂ©e la coordination vision-prĂ©hension chez lâenfant
aveugle. Mais elle est bien plus tardive Ă se mettre en place, mĂȘme chez lâenfant voyant
(entre 8 et 10 mois chez lâenfant voyant, pas avant 12 mois pour lâenfant aveugle).
Câest grĂące Ă cette coordination que lâenfant aveugle peut apprendre quâil existe des objets
atteignables en dehors de lâespace direct de ses mains.
Les Ă©tudes ont montrĂ© quâune acquisition prĂ©coce de la coordination audition-prĂ©hension
chez lâenfant aveugle est un bon prĂ©dicteur dâune motricitĂ© manuelle efficace (Fazzi et al,
2002).
![Page 25: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/25.jpg)
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Développement de la coordination audition-préhension
DâaprĂšs Brambring (1993) in Fazzi (2002), seulement 19 % des enfants aveugles rĂ©ussissent
les Ă©preuves de coordination audition-prĂ©hension Ă lâĂąge de 12 mois.
Brambring (2006) décrit un certain nombre de raisons pour lesquelles la coordination
audition-prĂ©hension Ă©merge plus tard dans le dĂ©veloppement de lâenfant que la coordination
vision-préhension :
Les informations sensorielles sur lâobjet apportĂ©es par la vision sont source
importante de stimulation pour que lâenfant engage une recherche et une
manipulation, la stimulation auditive apporte moins dâinformation, en particulier car
elle est souvent discontinue. De plus, elle ne permet pas dâĂȘtre aussi prĂ©cis que la
vision quant Ă la localisation de la source,
Dans la vie quotidienne, lâenfant est confrontĂ© Ă un certain nombre de bruits qui
correspondent Ă des objets inatteignables (un avion qui passe dans le ciel par
exemple). Le fait de ne pas trouver ces objets mĂȘme sâil les cherche est un
renforcement négatif et peut décourager les recherches suivantes,
Lâenfant aveugle, qui baigne dans un monde sonore, peut dĂ©velopper une habituation
aux sons qui lâentoure et de par ce fait perdre la motivation Ă chercher les sources
sonores.
RĂŽle de cette coordination sur le dĂ©veloppement de lâenfant
Lorsque lâenfant aveugle possĂšde la coordination audition-prĂ©hension, il peut commencer Ă
avoir une premiĂšre reprĂ©sentation du monde qui lâentoure. Elle constitue sa premiĂšre
résolution de problÚmes (Fazzi et al, 2002).
Lâenfant aveugle, dans son dĂ©veloppement cognitif, se confronte au « problĂšme conceptuel »
dĂ©fini par Fraiberg (Fazzi, 2011) : au dĂ©part, il ne fait pas le lien entre ce quâil entend et ce
quâil peut toucher. Hors, il doit faire ce lien pour comprendre que ce quâil entend existe dans
lâespace et quâil peut ĂȘtre trouvĂ© et manipulĂ©. Il doit donc manipuler le plus tĂŽt possible des
objets bruyants pour lâencourager Ă comprendre ce concept.
La recherche dâun objet bruyant non perçu haptiquement montre que lâenfant a compris la
connexion entre sens auditif et sens haptique.
![Page 26: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/26.jpg)
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B. Lâexploration manuelle
Dans lâexploration manuelle, les fonctions perceptive et motrice de la motricitĂ© manuelle sont
intimement liĂ©es : câest la fonction motrice qui se met au service de la fonction perceptive, en
exĂ©cutant les mouvements les plus efficaces pour obtenir des informations sur lâobjet
manipulé (Hatwell, 2006).
1. DĂ©finitions
a) Sens haptique
Le sens haptique correspond Ă une exploration active dâun objet qui entraine la stimulation
des mĂ©canorĂ©cepteurs de la peau. Les mouvements rĂ©alisĂ©s permettent dâaugmenter ces
sensations tactiles. Les sensations sont liées à la peau, mais également aux informations
proprioceptives en provenance des tendons, des muscles et des articulations.
La perception haptique demande donc lâintĂ©gration de ces sensations corrĂ©lĂ©es aux
informations proprioceptives décrivant le mouvement. La modalité haptique a alors une
double identité : motrice et perceptive (Gentaz, 2005).
b) Toucher actif
Le toucher actif correspond Ă une forme dâexploration tactile impliquant des mouvements
spĂ©cifiques dâexplorations auto-gĂ©nĂ©rĂ©s. Câest une forme de motricitĂ© intentionnelle, elle est
rĂ©alisĂ©e dans le but dâobtenir des informations sur lâobjet touchĂ©.
Par opposition, dans le toucher passif, lâentrĂ©e sensorielle provient dâun Ă©lĂ©ment extĂ©rieur.
La peau ne touche pas, elle est touchée.
Lorsque lâobjet Ă explorer est de petite taille, comme câest le cas par exemple des caractĂšres
en braille, il est nécessaire de faire des mouvements de la main et des doigts pour
augmenter le nombre dâinformations tactiles.
2. Les procédures exploratoires de Klatzky et Lederman
Lederman et Klatzky (1993) ont défini le terme de « procédures exploratoires » pour décrire
les diffĂ©rents mouvements qui sont rĂ©alisĂ©s par les individus en situation dâexploration
manuelle. Elles ont mis en évidence le fait que ces mouvements sont peu variés et
stĂ©rĂ©otypĂ©s. Ils peuvent ĂȘtre dĂ©crits, et chacune de ces procĂ©dures peut ĂȘtre liĂ©e Ă une
propriété pour laquelle elle est optimale.
![Page 27: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/27.jpg)
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Ces procédures sont les suivantes :
le mouvement latĂ©ral : câest un mouvement rĂ©pĂ©titif de frottement latĂ©ral de lâobjet, qui
correspond à la découverte de la texture,
la pression : c'est-Ă -dire lâapplication de forces perpendiculaires Ă lâobjet, ce qui
permet dâavoir des informations sur la duretĂ©,
le contact statique : il est utilisé en premier pour obtenir des informations sur la
température,
le levĂ© sans support : câest un mouvement qui consiste Ă soulever entiĂšrement lâobjet
pour en connaitre la masse,
lâenglobement de lâobjet : ici, la main et les doigts entourent lâobjet de façon
dynamique, en donnant ainsi des informations sur sa forme,
le suivi des contours : câest un mouvement qui permet dâavoir des informations
précises sur la forme,
le test fonctionnel et le déplacement des parties : ces mouvements permettent
dâobtenir des informations plus prĂ©cises concernant lâutilitĂ© de lâobjet. La prĂ©sence ou
non de ces procĂ©dures exploratoires dĂ©pendra de la nature de lâobjet explorĂ©.
Ces procédures exploratoires ont été illustrées par les auteurs (voir en Annexe 2).
Les auteurs ont ensuite classé ces procédures exploratoires en fonction de leur efficacité, le
temps mis pour obtenir lâinformation, les compatibilitĂ©s entre les mouvements, et enfin une
derniĂšre propriĂ©tĂ© quâils ont nommĂ© la « suffisance ». Une procĂ©dure exploratoire est dĂ©finie
comme suffisante pour une propriĂ©tĂ© lorsque cette procĂ©dure seule permet dâobtenir toutes
les informations nécessaires en ce qui concerne cette propriété.
Le temps nĂ©cessaire Ă lâutilisation de la procĂ©dure exploratoire est primordial : cette Ă©tude
montre que, si la procĂ©dure « suivi des contours » est celle qui permet dâavoir le plus
dâinformations, elle reste trĂšs peu choisie par les sujets tant quâelle ne semble pas
obligatoire.
Lâobservation prĂ©cise des comportements dâexploration manuelle des sujets testĂ©s permet
de dégager une méthode suivie par la majorité des personnes. Elle comprend deux étapes.
Dans un premier temps, les individus commencent par faire une exploration rapide de lâobjet,
en utilisant les deux procédures exploratoires qui possÚdent le meilleur rapport entre le
![Page 28: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/28.jpg)
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nombre dâinformations apportĂ©es et le temps nĂ©cessaire : c'est-Ă -dire « englobement » et
« lever du support ». Dans un second temps, dâautres procĂ©dures, qui dĂ©pendent des
informations obtenues lors de la premiĂšre Ă©tape, viendront prĂ©ciser lâexploration et permettre
une identification.
3. Mise en place de lâexploration manuelle dans le dĂ©veloppement
ordinaire
Dans les premiers mois de sa vie, le jeune enfant réalise son exploration haptique
principalement de façon orale. Entre 2 et 3 mois, mettre lâobjet Ă la bouche est la premiĂšre
action de lâenfant face Ă un nouveau stimulus. On observe ce comportement jusquâĂ lâĂąge de
7 mois environ, puis il devient de moins en moins frĂ©quent jusquâĂ lâĂąge de 11 mois oĂč
lâexploration manuelle est considĂ©rĂ©e comme majoritaire (Cermak, 2006).
Les comportements dâexploration couramment retrouvĂ©s chez les enfants de moins de 1 an
sont (Cermak, 2006) :
Prendre lâobjet en main,
Frapper lâobjet contre le sol ou un autre objet,
Enfoncer le doigt dans lâobjet,
Mettre lâobjet Ă la bouche,
Passer lâobjet dâune main Ă lâautre,
Presser dans la paume,
Frotter,
Frapper lâobjet,
Jeter lâobjet Ă terre.
Karniol (1989, in Pehoski, 2006) dĂ©crit 10 Ă©tapes dans le dĂ©veloppement de lâexploration
manuelle chez le jeune enfant de la naissance Ă 9 mois.
0 â 3 mois :
1) La rotation : lâobjet est tournĂ© dans la main, par mouvements du poignet,
2) La translation : lâenfant peut dĂ©placer un objet par des mouvements du bras,
![Page 29: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/29.jpg)
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3) La vibration : lâenfant rĂ©pĂšte des petits mouvements de contraction de lâavant-bras,
3 â 6 mois :
4) La prise bilatĂ©rale : une main tient lâobjet passivement tandis que lâautre main interagit
avec un autre objet,
5) La prise bimanuelle : les deux mains tiennent un objet unique,
6) Le transfert dâune main Ă lâautre : lâobjet est passĂ© dâune main Ă lâautre,
5 mois :
7) Action coordonnĂ©e sur un objet : une main tient lâobjet tandis que lâautre le manipule,
6 â 9 mois :
8) Action coordonnée sur deux objets : manipulation de deux objets, un dans chaque main,
9) Déformation : action sur un objet qui peut changer de forme : déchirer, presser,
10) Actions sĂ©quentielles : lâenfant peut sâengager dans une sĂ©rie de mouvements dans un
but précis.
4. Cécité et exploration manuelle
En conséquence de la faible motricité volontaire des jeunes enfants aveugles, ceux-ci ont
des mouvements exploratoires moins nombreux et moins performants que les enfants
voyants du mĂȘme Ăąge. Certaines procĂ©dures exploratoires, comme le frottement latĂ©ral, sont
prĂ©sents dĂšs 4 mois dans le dĂ©veloppement ordinaire, et ne sont dĂ©crits quâĂ partir de 17
mois chez lâenfant aveugle (Hatwell, 2003a).
Dans une étude réalisée sur des adultes voyants et non-voyants précoces et tardifs, Richard
et al (2004) ont montrĂ© que les aveugles prĂ©coces ont des capacitĂ©s dâappariement de
figures géométriques similaires à celles des aveugles tardifs, et ce malgré une capacité
dâimagerie mentale bien plus faible. Par contre, les aveugles prĂ©coces nâatteignent pas les
capacitĂ©s des aveugles tardifs et des voyants ayant les yeux bandĂ©s pour lâidentification de
dessins dâobjets usuels.
![Page 30: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/30.jpg)
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Le niveau dâexploration manuelle dĂ©pend principalement de lâexpĂ©rience du sujet en termes
dâexploration haptique. Les personnes non-voyantes, qui ont plus dâexpĂ©rience que les
voyants, en particulier de par la lecture en braille, sont donc plus performantes au début de
lâexpĂ©rience. Au fur et Ă mesure des Ă©preuves, les sujets voyants modifient leur
comportement et ne gardent que les procédures exploratoires les plus pertinentes.
![Page 31: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/31.jpg)
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III. Le mouvement intentionnel
A. Théorie du mouvement intentionnel
DâaprĂšs Pehoski (2006) « le mot manipulation implique que le mouvement est rĂ©alisĂ© dans
un but prĂ©cis ; c'est-Ă -dire que lâindividu sâengage de façon consciente dans lâactivitĂ© et quâil
dirige lâaction ».
Ainsi, on ne peut penser Ă la notion de manipulation ou dâexploration sans impliquer
Ă©galement la notion de volontĂ© et dâintentionnalitĂ©.
1. Notions générales sur le mouvement
a) Les facteurs de la motricité manuelle
Si on a pu dĂ©finir un facteur gĂ©nĂ©ral pour lâintelligence, les auteurs nâont jamais pu mettre en
évidence de facteur général pour la motricité. Fleishman a décrit, en 1972, suite à une
analyse factorielle poussée réalisée sur des adultes, cinq facteurs de motricité manuelle :
1. Vitesse poignet-doigts : Ce facteur correspond Ă un mouvement pendulaire du
poignet. On peut le retrouver dans le mouvement de rotation du poignet.
2. Vitesse des mouvements du bras et précision : Ce facteur est retrouvé dans les
mouvements qui demandent à la fois de la vitesse et de la précision.
3. Dextérité digitale : Ce facteur correspond à la manipulation trÚs fine de petits objets.
Les doigts sont les principaux acteurs de ce mouvement.
4. DextĂ©ritĂ© manuelle : On parle ici de la manipulation dâobjets qui sont plus gros, et qui
demandent en plus des doigts lâaction des mains et des bras.
5. Visée et attraper : Pour ce facteur, la coordination oculo-manuelle est importante.
Caroll, en 1993, aprÚs une méta-analyse des études concernant la motricité manuelle,
retrouve les mĂȘmes cinq facteurs et en ajoute trois :
1. Force statique : Elle correspond à la capacité à transmettre la force musculaire entre
les différentes régions du corps, par exemple des membres inférieurs aux membres
supérieurs.
![Page 32: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/32.jpg)
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2. Coordination manuelle : Ce facteur correspond à la capacité à utiliser les deux mains
pour produire une action motrice.
3. ContrĂŽle et prĂ©cision : Il sâagit de la capacitĂ© Ă utiliser un outil extĂ©rieur au corps et Ă
lâintĂ©grer dans le schĂ©ma corporel.
Ces facteurs, dont lâexistence est mise en Ă©vidence par les analyses statistiques, sont
suffisants pour décrire tous les mouvements de la main.
b) Les types de prise
Napier (1956) a décrit en particulier deux types de prises correspondant à deux actions
différentes :
La prise de force :
Dans le cas de la prise de force, lâobjet est tenu par une pince formĂ©e par les doigts
flĂ©chis et la paume. Le poignet, quant Ă lui, est dans une position dâextension. Le
pouce sert Ă appliquer une force opposĂ©e permettant de maintenir lâobjet, il est donc
bloquĂ©. Dans cette position, les processus dâexploration sont limitĂ©s.
La prise de précision :
Dans la prise de prĂ©cision, lâobjet est tenu par lâopposition entre les doigts et le
pouce. Le poignet est moins stable.
Pour Napier, ces deux prises sont trĂšs diffĂ©rentes, tant au niveau de lâanatomie quâau niveau
fonctionnel. Selon lui, il existe plusieurs facteurs qui dĂ©terminent le choix dâun type de prise
ou dâun autre :
Tout dâabord, la forme de lâobjet ainsi que sa taille. Si lâobjet est trop grand, une prise de
prĂ©cision, qui nâimplique que les doigts et pas la paume, ne sera pas possible. Pour un objet
de taille moyenne, les prises de force et de précision sont de stabilité équivalente.
De mĂȘme, des facteurs intrinsĂšques Ă lâobjet vont influer sur le choix de la prise, comme le
poids, la tempĂ©rature, si lâobjet est mouillĂ© ou sale.
Enfin, Napier décrit le but recherché comme le facteur principal qui entraine une prise ou
lâautre. Les deux prises ne sont pas exclusives, et certains mouvements complexes vont
requérir une prise de force et une prise de précision.
![Page 33: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/33.jpg)
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Ainsi, avant dâavoir touchĂ© lâobjet, des dĂ©cisions quant Ă la façon dont il va ĂȘtre apprĂ©hendĂ©
ont déjà été prises à partir des éléments visuels et issus de la mémoire du sujet.
2. La préparation du geste
Pour SĂšve-Ferrieu (1995), certaines capacitĂ©s sont requises pour lâexĂ©cution du geste
volontaire :
En premier lieu, le sujet doit avoir des capacités motrices adaptées, tant en termes de tonus
que de motricité volontaire et automatique. De plus, le traitement des informations
sensorielles (visuelles et kinesthĂ©siques principalement) doit ĂȘtre fonctionnel.
Enfin, il faut que le mouvement ait un but. Ceci permet lâajustement du geste en fonction de
lâobjectif.
a) Notion de programme moteur
Le programme moteur est une modĂ©lisation interne de lâacte moteur, qui permet une
anticipation du mouvement. On retrouve des traces de lâexistence de ce programme moteur
dans plusieurs observations concernant la motricité intentionnelle.
Par exemple, on dĂ©crit la notion dâinvariances motrices qui semblent contraindre le
mouvement : quel que soit le mouvement réalisé, certaines propriétés restent toujours les
mĂȘmes. Ces invariances permettent une optimisation du rĂ©sultat : dâaprĂšs la loi du moindre
coût, la proposition la plus économe et la plus efficace est celle qui est choisie puis
stabilisée.
Le programme moteur correspond donc Ă une stratĂ©gie Ă©volutive permettant lâexĂ©cution la
plus efficace du mouvement dans un minimum de temps, tout en Ă©vitant de surcharger le
systĂšme sensoriel de trop dâinformations.
Les mouvements complexes correspondent dans ce contexte à une mise en série de
programmes moteurs plus simples. (Sage et al, 2011)
b) Les trois Ă©tapes du geste
Liepmann a décrit, en 1904, trois étapes distinctes permettant la réalisation du geste :
Planification
En tant que premiĂšre Ă©tape dans lâapparition dâun mouvement intentionnel, la planification
traduit la dĂ©cision de lâaction, dans un but fixĂ©. Pour Liepmann, ce stade correspond Ă la
![Page 34: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/34.jpg)
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conception du geste, soit une reprĂ©sentation mentale de lâaction Ă venir qui prend en compte
les actes à réaliser et leur ordre de succession. Pour préparer cette image du geste, les
informations intéroceptives et extéroceptives sont mises en relation avec les informations
prĂ©sentes en mĂ©moire. Il sâagit ici de la sĂ©lection du programme moteur.
Programmation
La programmation consiste à préciser les paramÚtres du programme moteur en fonction de
la situation actuelle : direction, amplitude, vitesse du mouvement. Cette Ă©tape est
dépendante des décisions qui ont été prises au moment de la planification.
Lâaction est programmĂ©e selon trois aspects principaux :
La détermination des muscles à activer
Les paramĂštres temporels et dâordre
La prĂ©paration de lâintensitĂ© des contractions
.
Exécution motrice
LâexĂ©cution motrice correspond Ă la fin de la prĂ©paration. Lâordre dâaction est envoyĂ© vers les
muscles via les voies de la motricitĂ© volontaire : aires motrices et moelle Ă©piniĂšre. Câest le
signal de départ du geste.
3. Le contrĂŽle du geste
Lorsquâun mouvement est rĂ©alisĂ©, il doit ĂȘtre adaptĂ© Ă lâobjectif et Ă©galement aux propriĂ©tĂ©s
physiques de lâobjet Ă manipuler. Le contrĂŽle du mouvement commence avant mĂȘme le
dĂ©but de lâaction : il se fait Ă partir des connaissances prĂ©alables et des souvenirs
concernant lâaction et lâobjet.
De plus, une fois que le contact est Ă©tabli entre lâobjet et la main, les informations perçues
par le systÚme tactile permettent de préciser le mouvement (Johansonn, 1998).
![Page 35: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/35.jpg)
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a) Le contrĂŽle dans la planification
De par les dĂ©cisions qui sont prises au moment de lâĂ©tape de planification du mouvement, on
peut considĂ©rer que cette Ă©tape constitue un contrĂŽle. En effet, elle permet dâadapter le
mouvement aux conditions environnementales.
b) Le contrĂŽle du mouvement
La notion de contrÎle se définit comme une prise en compte des informations provenant du
milieu, qui sont ensuite comparées avec une norme ou un objectif connu. La derniÚre étape
est une prise de décision qui dépend des résultats de cette comparaison.
Pour ce qui est de lâexĂ©cution motrice, on dĂ©finit deux sortes de contrĂŽles : le contrĂŽle des
mouvements lents et le contrĂŽle des mouvements rapides.
Pour les mouvements qui sont lents, il est possible de réaliser cette comparaison entre
réalité et objectif de façon continue, et de réajuster le mouvement si nécessaire : on parle
alors de feedback.
Lorsque le mouvement est plus rapide, la comparaison continue nâest pas possible. Il faut
donc réaliser cette comparaison avant le début du mouvement, on parle ici de feedforward.
(Sage et al, 2011).
4. La préhension
a) DĂ©finition
La préhension correspond à un mouvement du bras, de la main et des doigts, dans le but de
saisir et manipuler un objet. Le plus souvent, elle est réalisée dans le but de réaliser une
action particuliĂšre. Pour ĂȘtre capable de prendre un objet en main, il faut en connaitre les
propriĂ©tĂ©s physiques gĂ©nĂ©rales. Cependant, lâexploration de lâobjet et la dĂ©couverte de ses
propriĂ©tĂ©s, si elles dĂ©coulent de la prĂ©hension, ne constituent gĂ©nĂ©ralement pas lâobjectif
principal du mouvement.
Quand lâindividu souhaite saisir un objet, on observe une prĂ©paration gĂ©nĂ©rale de la posture
en plus du mouvement du membre supérieur.
Dans le mouvement qui permet la saisie, on décrit trois phases :
La phase de transport, qui correspond au dĂ©placement du bras en direction de lâobjet
Ă atteindre,
![Page 36: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/36.jpg)
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La phase de saisie, pendant laquelle le bras est toujours en déplacement, mais on
assiste Ă©galement Ă un ajustement de la main dans le but de saisir lâobjet. Le
mouvement de la main est corrĂ©lĂ© Ă lâaccĂ©lĂ©ration du bras: on dĂ©crit que lâouverture
maximale de la main est atteinte pendant la phase de décélération, ce qui correspond
à environ 60% de la durée du déplacement.
Durant cette phase de saisie, lâespace entre le pouce et lâindex va sâouvrir, de façon
adaptĂ©e Ă la forme et la taille de lâobjet. Une fois que lâouverture maximale est
atteinte, la forme de la main devient de plus en plus précise,
La phase de manipulation, aprĂšs que lâobjet ait Ă©tĂ© saisi.
b) RĂŽle de la perception tactile dans la prise
Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e sur des personnes devant attraper des objets alors quâils ne pouvaient
pas voir leurs mains a montré que, si on anesthésie le bout des doigts, entrainant donc une
baisse des informations tactiles, on observe une augmentation du temps de la phase de
transport. En particulier, lâouverture maximale de la main est plus longue Ă ĂȘtre atteinte. De
plus, la prise est moins prĂ©cise et il est plus courant que lâobjet glisse entre les doigts que
chez les sujets témoins (Gentilucci et al, 1997).
La perception tactile lors du contact avec lâobjet permet donc un meilleur contrĂŽle de la
préhension.
c) Choix de la position des doigts et centre de masse
Le centre de masse est un point imaginaire dâun objet correspondant Ă la position moyenne
de la masse de ce corps. Il nâest situĂ© au centre gĂ©omĂ©trique de lâobjet que si celui-ci est
parfaitement homogĂšne et symĂ©trique dans tous les plans de lâespace (une sphĂšre par
exemple). Dans certains cas, il peut ĂȘtre situĂ© en dehors de lâobjet, cela dĂ©pend de sa forme.
La position, réelle ou perçue, du centre de masse, est un des facteurs qui influent sur la
position des doigts sur lâobjet lors de la prise, avec la taille et lâutilisation de lâobjet (Napier,
1956).
Lâanalyse de la position des doigts sur des objets symĂ©triques ou non montrent que
lâindividu, avant de saisir lâobjet, rĂ©alise une estimation plus ou moins prĂ©cise de la position
du centre de masse. Lâaxe correspondant Ă la position du pouce et celui correspondant Ă la
position moyenne des autres doigts se croisent approximativement au niveau du centre de
![Page 37: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/37.jpg)
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masse. Plus lâobjet est symĂ©trique, et plus lâestimation de la position de ce point va ĂȘtre
juste.
B. Mouvement intentionnel et vision
1. Les neurones miroirs et la congruence action-perception
Les neurones miroirs correspondent à un systÚme de neurones qui sont retrouvés dans
plusieurs rĂ©gions cĂ©rĂ©brales : en particulier le rĂ©seau fronto-pariĂ©tal, lâaire de Broca
correspondant au langage, et Ă©galement dans les zones corticales permettant la
comprĂ©hension et lâexpression des Ă©motions (Rizzolatti et al, 2008).
Ces neurones sont déclenchés lorsque le sujet observe ou entend une autre personne faire
un mouvement ou prononcer une phrase. Lorsque le sujet exécute le mouvement, ils sont
également activés.
Les études montrent que ce réseau de neurones permet de comprendre les actions des
autres : ce quâils font, mais Ă©galement pourquoi ils le font.
Ces neurones miroirs permettent Ă©galement de mettre en Ă©vidence la congruence qui existe
entre lâaction qui est observĂ©e et lâaction exĂ©cutĂ©e.
Ce réseau de neurones est précis, et il existe des neurones miroirs correspondant aux
diffĂ©rents mouvements. Par exemple, lorsquâon fait manipuler un petit objet demandant une
prise de précision au sujet, certains neurones miroirs sont activés, et on les retrouve
Ă©galement activĂ©s lorsquâon prĂ©sente le mĂȘme objet au sujet sans lui demander de le
toucher. Cependant, lorsquâil est prĂ©sentĂ© au sujet un objet de grande taille demandant une
prise diffĂ©rente, câest un rĂ©seau de neurones miroirs diffĂ©rent qui est activĂ© (Murata et al,
2000).
Lâexistence de ces neurones miroirs constitue la preuve physiologique des relations intimes
entre lâaction et la perception.
2. Notion dâaffordance
Gibson est le premier Ă utiliser le terme dâaffordance en 1977. Dans sa description de ce
nouveau concept, il explique quâil cherche Ă mettre en Ă©vidence la relation Ă©troite Ă©tablie
entre lâhomme en tant quâanimal et son environnement.
![Page 38: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/38.jpg)
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Lorsquâon observe un objet sans le toucher, le systĂšme visuel permet de recevoir de
nombreuses informations physiques sur cet objet, mais Ă©galement un panel complet de
potentialités.
Ce qui est perçu correspond Ă un ensemble dâinteractions possibles, et permet de construire
une perception complĂšte de cet objet, et ce mĂȘme lors de la premiĂšre rencontre avec lâobjet.
C. Aspects motivationnels
Dans la partie pratique, nous verrons quâun des problĂšmes que jâai rencontrĂ© dans la prise
en charge de LĂ©o est un manque de motivation. MĂȘme sâil est capable de rĂ©aliser les
mouvements demandĂ©s, certaines sĂ©ances se sont soldĂ©es par un Ă©chec, car il nâavait tout
simplement pas envie, ce jour-lĂ , de manipuler les jeux.
A la lumiĂšre de cette anecdote, il devient important de se poser la question : quel est le rĂŽle
de la motivation dans le mouvement ?
1. La motivation qui guide lâaction
Puisque le mouvement dont on parle est intentionnel, il semble nécessaire de se pencher sur
la question de la motivation.
Deci et Ryan (1985) ont décrit trois types de motivation :
La motivation intrinsĂšque, qui permet la rĂ©alisation dâactions qui provoquent du plaisir
et de la satisfaction par leur existence mĂȘme. La rĂ©compense nâest pas matĂ©rielle.
Cette forme de motivation est autodéterminée.
On parle de motivation extrinsĂšque quand le sujet rĂ©alise lâaction dans le but de
recevoir une rĂ©compense ou dâĂ©viter une punition. Ici, lâaction est rĂ©alisĂ©e
uniquement dans le but dâobtenir ou dâĂ©viter une consĂ©quence connue Ă lâavance.
Enfin, Deci et Ryan dĂ©crivent Ă©galement lâamotivation, qui se dĂ©finit comme une
absence totale de motivation autodĂ©terminĂ©e. Ici, lâindividu ne connait pas les raisons
pour lesquelles il réalise le comportement, ce sont des éléments extérieurs qui le
guident. Lâaction peut devenir automatique, mais Ă long terme lâindividu se posera
des questions sur les raisons qui le poussent Ă continuer Ă agir de la sorte.
![Page 39: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/39.jpg)
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DâaprĂšs Deci et Ryan (1985), les individus qui Ă©prouvent de lâamotivation ont tendance Ă
avoir une perception négative de leurs compétences et un faible sentiment de contrÎle.
2. Le rĂŽle des Ă©motions dans le mouvement intentionnel
Pour Habib (2004), la motivation se situe Ă lâintersection entre lâaction et lâĂ©motion. La valeur
Ă©motionnelle dâune situation influerait ainsi sur le comportement choisi par le sujet, en
particulier dans ses déplacements. Les émotions à valeur positive entraineraient plutÎt un
rapprochement du stimulus, tandis que les émotions plus négatives seraient responsables
dâun Ă©loignement.
Stins et Beek (2011) ont mesurĂ© lâimpact des Ă©motions positives ou nĂ©gatives sur lâinitiation
motrice, chez une population adulte. Les rĂ©sultats montrent que la visualisation dâimages Ă
connotation Ă©motionnelle nĂ©gative retarde lâinitiation du mouvement. Ces Ă©motions, en plus
dâinfluencer sur lâĂ©tat gĂ©nĂ©ral de lâindividu, ont donc aussi des consĂ©quences sur la
planification du mouvement.
Chez lâenfant autiste, des Ă©tudes suggĂšrent quâun environnement Ă©motionnel positif amĂ©liore
les processus cognitifs liĂ©s au mouvement, tandis quâun contexte plus nĂ©gatif perturbe ces
processus. (Vernazza-Martin et al, 2013)
![Page 40: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/40.jpg)
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PARTIE PRATIQUE
![Page 41: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/41.jpg)
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I. La question de lâĂ©valuation chez le jeune enfant dĂ©ficient visuel
La question de lâĂ©valuation est primordiale en psychomotricitĂ©. GrĂące aux observations
cliniques et paracliniques, il est possible de dégager un profil psychomoteur et de mettre en
évidence des axes à travailler le cas échéant.
Dans la petite enfance, lâĂ©volution du tout-petit peut ĂȘtre comparĂ©e Ă des moyennes ou Ă des
échelles de développement, qui tiennent compte de la variabilité de la croissance des
enfants.
Cependant, nous verrons que ces Ă©chelles sont difficilement utilisables pour les enfants
souffrant de dĂ©ficience visuelle, comme câest le cas pour dâautres enfants dont le
dĂ©veloppement sâĂ©loigne trop de la norme. Il sâagit alors de trouver dâautres moyens objectifs
dâĂ©valuer lâĂ©volution de ces enfants.
A. Limite des bilans classiques
1. Le Brunet-Lézine Révisé
Le Brunet-Lézine Révisé est un bilan important décrivant le développement du tout-petit,
crĂ©Ă© en 1951 par Brunet et LĂ©zine et rĂ©visĂ© en 2001. Il sâagit dâune Ă©chelle
dĂ©veloppementale permettant dâattribuer Ă lâenfant une note appelĂ©e le « quotient de
dĂ©veloppement » qui dĂ©crit la place de lâenfant par rapport Ă la population dâĂ©talonnage.
Cette Ă©chelle comprend une note globale et quatre notes correspondant aux sous-parties
suivantes :
P : Posture ; qui correspond au dĂ©veloppement moteur global de lâenfant
C : Coordinations oculomotrices ; qui décrit les comportements de préhension et de
manipulation des objets
L : Langage
S : Relations Sociales ; une Ă©valuation rapide de la prise de conscience de soi, de la
communication avec autrui, du jeu et du dĂ©veloppement de lâautonomie
A chaque tranche dâĂąge (10 tranches dâĂąges entre 2 et 30 mois) correspondent 10 items quâil
faut valider ou non en fonction du dĂ©veloppement de lâenfant. Selon le nombre dâitems
rĂ©ussis par rapport Ă son Ăąge, on peut alors calculer lâĂąge de dĂ©veloppement et le quotient
de développement qui en découle.
![Page 42: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/42.jpg)
39
Notons que le BLR nâest pas la seule Ă©chelle de dĂ©veloppement du jeune enfant qui existe,
mais les autres Ă©chelles sont sensiblement les mĂȘmes dans leur philosophie et dans la
présentation des résultats. Les limites que nous allons exposer pour le cas du BLR sont
Ă©galement applicables aux autres Ă©chelles.
2. Limites des échelles de développement
Les Ă©chelles de dĂ©veloppement se basent ainsi sur un systĂšme dâitems Ă valider selon lâĂąge
de lâenfant. En consĂ©quence, si chez un enfant certains items sont validĂ©s tard, ou sâils ne le
seront jamais, cela empĂȘche dâattribuer une note Ă©talonnĂ©e Ă cet enfant.
Dans le cas de la déficience visuelle, on se retrouve rapidement face à ce problÚme, en
particulier pour la sous-partie sur les coordinations manuelles et celle concernant la
socialisation. Lorsque le palier est infranchissable, lâenfant reste bloquĂ© dans un Ăąge de
dĂ©veloppement qui nâest pas forcĂ©ment reprĂ©sentatif de son dĂ©veloppement rĂ©el.
On note par exemple un des items « C » de la tranche dâĂąge 17 mois : « Fait une tour de
trois cubes ». Un enfant non-voyant sera capable de faire une tour de trois cubes beaucoup
plus tard que 17 mois, de par lâabsence de contrĂŽle visuel, ce qui ne montre pas forcĂ©ment
un retard de développement manuel.
De la mĂȘme façon, lâitem « Montre du doigt ce qui lâintĂ©resse » ne sera jamais validĂ© par un
enfant aveugle.
Le sujet de mon travail Ă©tant la motricitĂ© manuelle, je nâai pas trouvĂ© dans cette Ă©chelle de
rĂ©ponse satisfaisante me permettant dâĂ©valuer lâĂ©volution de LĂ©o.
B. Construction dâune grille dâobservation de la motricitĂ© manuelle
Il sâagit ici de trouver une maniĂšre objective de mesurer lâavancĂ©e de LĂ©o dans le domaine
de la motricitĂ© manuelle. Jâai alors pris la dĂ©cision de construire une grille dâobservation que
je pourrais alors remplir au fur et Ă mesure de lâavancĂ©e de la prise en charge.
![Page 43: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/43.jpg)
40
1. Observation Ă©cologique de lâenfant
En premier lieu, pour dĂ©marrer la construction de la grille dâobservation, jâai passĂ© plusieurs
séances à observer Léo, dans les conditions habituelles de la prise en charge
psychomotrice, et en particulier la façon dont il interagit seul avec les objets. Lâoutil vidĂ©o,
dĂ©jĂ Ă ce stade, a permis de prĂ©ciser lâobservation.
Cette observation Ă©cologique sâest montrĂ©e trĂšs riche en dĂ©couvertes sur le comportement
de LĂ©o et sur sa personnalitĂ©. De plus, pendant cette pĂ©riode oĂč mon rĂŽle Ă©tait
principalement tournĂ© vers lâobservation, LĂ©o a pu sâhabituer Ă ma prĂ©sence et nous avons
pu prendre le temps de faire connaissance et de construire une relation solide. Jâai pu
mâappuyer sur cette relation de confiance plus tard dans la prise en charge lorsque jâai
demandé à Léo de sortir de sa zone de confort.
Cette observation Ă©cologique, si elle apporte de nombreuses informations, ne suffit pas Ă la
construction dâune grille dâobservation : en effet, si les seuls comportements prĂ©sents dans la
grille sont ceux que Léo réalise déjà , comment faire pour mettre en évidence une évolution ?
Jâai choisi, pour rĂ©pondre Ă cette question, de mâappuyer sur deux recherches importantes
concernant la motricité manuelle : en premier la classification des actions motrices de
Paoletti (1993), et en second la description des procédures exploratoires de Klatzky et
Lederman (1993) qui ont été décrites en partie III ci-dessus.
2. Les actions motrices de Paoletti
En 1993, Paoletti et al entreprennent de classer les actions motrices en différentes
catĂ©gories. En se basant sur lâĂ©tat de la recherche au niveau neurophysiologique et
neuropsychologique sur les questions de la planification, de la programmation et du contrĂŽle
du mouvement, ils ont pu mettre en évidence des catégories de mouvements. A chacune de
ces catĂ©gories correspond un objectif quâelle permet dâatteindre.
Je me suis servie de cette classification pour décrire et classer les mouvements de Léo
lorsquâil manipule les objets.
![Page 44: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/44.jpg)
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Comportements finalisés Catégories fonctionnelles
QuĂȘte
Pointage
Visée Poursuite
Approche
Contact
Prise de possession
Saisie Prise de contrĂŽle manuelle Attraper
Manipulation
Palpation
ContrĂŽle manipulatoire Soutien
DĂ©placement
Transformation
Restitution LĂącher
RelĂąchement DĂ©poser
Force Frapper
Projection Lancer
Graphisme Dessiner, peindre, Ă©crire
Trace
Certains de ces mouvements nâĂ©tant pas adaptĂ©s Ă la dĂ©ficience visuelle de LĂ©o, jâai ajustĂ©
cette liste pour rester au plus proche de sa situation, sans pour autant perdre la notion
dâexhaustivitĂ© qui a Ă©tĂ© recherchĂ©e par Paoletti.
Comportements de recherche
De par sa dĂ©ficience visuelle, il est primordial pour LĂ©o quâil puisse mettre en place des
stratĂ©gies adaptĂ©es pour rechercher les objets quâil ne peut pas directement toucher.
Ne trouvant pas cette catĂ©gorie dans la classification de Paoletti, jâai ajoutĂ© cette sous-partie.
Léo présente deux stratégies de recherche des objets : il peut chercher à tùtons, devant lui
ou autour de lui, ou il peut utiliser une stratégie uniquement auditive en se servant de la
coordination audition-préhension.
Comportements de quĂȘte
Dans cette catĂ©gorie jâai uniquement supprimĂ© lâitem « contact », cet item Ă©tant dĂ©jĂ prĂ©sent
dans la classification de Klatzky et Lederman.
![Page 45: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/45.jpg)
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Comportements de prise de possession
LĂ©o prĂ©sente une stratĂ©gie particuliĂšre de prise de possession des objets qui lui Ă©vite dâavoir
Ă chercher par lui-mĂȘme : lorsquâil entend lâadulte manipuler un jouet quâil souhaite utiliser, il
commence par localiser le bras de lâadulte, ce qui est pour lui trĂšs facile, et descend le long
du bras vers la main afin de trouver lâobjet. Jâai appelĂ© ce comportement « saisie dans la
main de lâadulte ». Si cette stratĂ©gie est efficace et adaptĂ©e Ă la situation, elle ne doit pas
ĂȘtre systĂ©matisĂ©e. En effet, LĂ©o sâappuie souvent sur lâadulte pour des actions quâil serait
capable de faire seul.
Jâai donc ajoutĂ© cet item.
Comportements de manipulation
Les items « soutien » et « palpation » étant redondants avec la classification de Klatzky et
Lederman, je les ai supprimĂ©s. Jâai ajoutĂ© « secouer », une manipulation que LĂ©o utilise
beaucoup. Ce comportement correspond principalement Ă un jeu, mais il sâagit Ă©galement
dâun comportement dâexploration, car le bruit et la façon dont lâobjet bouge dans la main
donne des informations sur sa nature.
Comportements de restitution dâobjets
Jâai ajoutĂ© le comportement « donne » afin de mettre en Ă©vidence si LĂ©o commençait Ă
entrer dans lâĂ©change dâobjets.
Lâitem « tombe de sa main » a Ă©tĂ© ajoutĂ© pour mesurer si LĂ©o parvenait Ă utiliser des pinces
plus efficaces. En effet, au dĂ©but de lâobservation, il Ă©tait difficile pour lui de maintenir les
objets de petite taille dans sa main.
Comportements de force
Ces comportements étaient déjà trÚs présents chez Léo avant le début de la prise en charge
de la motricitĂ© manuelle. Lâobjectif ici est plutĂŽt de rĂ©duire leur frĂ©quence.
Enfin, la sous-partie « graphisme » a été supprimée. Si la notion de trace est tout à fait
accessible aux non-voyants, câest une Ă©tape pour laquelle LĂ©o nâest pas encore prĂȘt.
3. Les procédures exploratoires de Klatzky et Lederman
De la mĂȘme façon, les procĂ©dures exploratoires dĂ©crites par Klatzky et Lederman en 1993
nous donnent une base prĂ©cise de mouvements dâexploration manuelle, permettant de
comparer le comportement de LĂ©o Ă une norme.
![Page 46: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/46.jpg)
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Cette liste donne un départ intéressant dans la réflexion sur le sujet, mais elle a été établie
lors de lâobservation dâadultes, et nâest donc pas totalement adaptĂ©e Ă la situation de LĂ©o. A
lâaide des observations en milieu Ă©cologique, jâai rĂ©alisĂ© les transformations qui me
semblaient nécessaires.
La liste des procédures exploratoires pour Léo devient alors :
Frotter
Gratter
Presser
Englober avec la main
Faire bouger des parties
Suivi du contour
Contact statique
Soupeser
Faire tourner dans les mains
Porter Ă la bouche
Toucher des parties de son corps avec lâobjet.
Ainsi, ces deux listes permettent de mesurer de façon objective les comportements de Léo
tout en laissant une ouverture possible aux comportements quâil ne rĂ©alise pas encore.
C. Utilisation de lâoutil vidĂ©o
Une fois quâil a Ă©tĂ© mis en Ă©vidence que la grille dâobservation serait la meilleure façon
dâĂ©valuer la qualitĂ© des explorations de LĂ©o, lâidĂ©e dâutiliser la vidĂ©o sâest vite imposĂ©e.
En effet, de par son ùge et sa déficience, Léo ne manipule pas beaucoup seul, ou bien trÚs
peu de temps. Il a besoin dâune prĂ©sence de lâadulte pour lui proposer les stimulations et le
renforcer dans ses actions.
Ayant dĂ©jĂ expĂ©rimentĂ© lâutilisation dâune grille dâobservation lors du stage de premiĂšre
annĂ©e, je sais que remplir une grille demande toute lâattention du professionnel, et quâil nâest
pas possible dâĂȘtre efficace dans ses observations tout en Ă©tant dans une interaction juste
avec lâenfant. Ainsi, filmer les sĂ©ances mâa permis dâĂȘtre entiĂšrement disponible pour la
relation avec LĂ©o.
LĂ©o nâĂ©tant pas perturbĂ© par la prĂ©sence de la camĂ©ra de par son Ăąge et sa dĂ©ficience
visuelle, le fait de le filmer nâa pas entrainĂ© de changement dans son comportement.
![Page 47: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/47.jpg)
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De plus, les mouvements de LĂ©o sont souvent trĂšs brefs et imprĂ©cis, lâoutil vidĂ©o a alors
permis de regarder ces mouvements plusieurs fois et Ă vitesse ralentie pour bien
comprendre tout ce qui se passait.
Enfin, filmer puis visionner les interactions avec LĂ©o mâont permis de faire une analyse de
ma pratique et de rĂ©ajuster mon comportement quand il nâĂ©tait pas forcĂ©ment optimal.
![Page 48: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/48.jpg)
48
b) Motricité générale
LĂ©o a acquis la marche autonome vers lâĂąge de 17 mois, ce qui ne reprĂ©sente pas un retard
par rapport au développement ordinaire.
Il est aujourdâhui capable de se lever seul en passant par la position de lâours. Le chevalier
servant apparait lorsquâil sâaide dâun meuble ou dâune personne pour se lever. Il est
Ă©galement capable de sâasseoir seul sans se laisser tomber. Il est cependant encore
beaucoup aidé dans ses transferts de position, en particulier chez son assistante maternelle.
Léo se met trÚs peu à quatre pattes : la montée des escaliers dans cette position est
actuellement travaillée en séances de psychomotricité.
c) Motricité fine
MĂȘme sâil a commencĂ© Ă accepter de toucher des objets avec ses mains, LĂ©o montre peu de
comportements exploratoires, et sa principale interaction consiste alors Ă jeter les objets Ă
terre, sans forcément aller les chercher. Au fur et à mesure des séances, il a pu affiner sa
coordination audition-prĂ©hension pour commencer Ă aller rĂ©cupĂ©rer les objets par lui-mĂȘme,
mais le but Ă©tait principalement de les jeter Ă nouveau.
Le comportement de jet dâobjets peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une procĂ©dure exploratoire : en
effet, le bruit que fait lâobjet en chutant sur le sol donne des informations sur son poids et sa
matiĂšre. Lâobservation de LĂ©o nous a montrĂ© quâil utilisait certainement cette action pour
apprendre des choses sur les nouveaux objets sans avoir Ă les manipuler. Lâobjectif de la
prise en charge de la motricitĂ© fine nâĂ©tait donc pas de supprimer complĂštement ce
comportement, mais simplement dâĂ©largir le champ des possibilitĂ©s exploratoires.
Au cours de lâannĂ©e, lorsquâil a commencĂ© Ă montrer plus de comportements dâexploration
haptique, le nombre de jets dâobjets a diminuĂ©, mais cela reste encore son premier choix
face aux objets inconnus.
Au niveau de ses coordinations bimanuelles, LĂ©o est capable dâutiliser ses deux mains dans
un mouvement, mais le rÎle des mains reste encore indifférencié.
![Page 49: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/49.jpg)
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d) Blindismes
Léo a quelques mouvements stéréotypés qui sont typiques des jeunes enfants aveugles. La
famille et lâassistante maternelle sont informĂ©es quant Ă ces mouvements et savent lâarrĂȘter
lorsquâil est trop envahi.
Le blindisme principal de LĂ©o est le signe oculo-digital : il a tendance Ă mettre souvent ses
poings dans ses yeux. Cependant, il est capable dâarrĂȘter quand on le lui dit. Depuis
quelques semaines Léo porte des lunettes de soleil en extérieur et en intérieur, ce qui a
largement diminué le comportement. Depuis, il passe aussi moins de temps à fixer les
sources lumineuses comme les fenĂȘtres.
De plus, quand il a appris Ă marcher, LĂ©o se mettait parfois Ă marcher sans but, en tournant
en rond, et ce pendant des périodes de temps assez longues. Il est difficile de dire si cela
correspondait à un blindisme ou simplement une façon de marcher sans prendre le risque de
rencontrer un obstacle, mais câĂ©tait parfois compliquĂ© de le sortir de ce comportement. Celui-
ci a diminué depuis quelques mois.
Enfin, LĂ©o montre depuis peu un blindisme de balancement en avant lorsquâil est assis par
terre. Il semblerait que celui-ci apparaisse principalement lorsquâil est inactif. Il est possible
de lâarrĂȘter en plaçant une main dans son dos, mais il nâapprĂ©cie pas ce contact et repousse
la main.
Lâobservation des diffĂ©rents professionnels montre que les blindismes de LĂ©o semblent
sâintensifier lorsquâil nâest pas pris en charge pendant un moment (pĂ©riode de vacances
scolaires).
![Page 50: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/50.jpg)
50
III. Stimulation de la motricité manuelle
A. Description du protocole de stimulation
1. Principe de la stimulation
Face Ă la faiblesse des comportements de LĂ©o dans la manipulation des objets, lâidĂ©e de
dĂ©part de cette prise en charge Ă©tait dâutiliser son intĂ©rĂȘt pour la musique et les stimulations
sonores pour lui donner plus envie de manipuler, et ainsi dĂ©couvrir par lui-mĂȘme les
diffĂ©rentes procĂ©dures exploratoires qui pouvaient lui ĂȘtre utile. Pour ce faire, jâai choisi des
objets, jouets ou non, qui avaient tous un potentiel de feedback auditif. Mais ce stimulus
auditif ne pouvait exister que si LĂ©o faisait une action manuelle particuliĂšre, que jâallais lui
apprendre.
Au dĂ©but de ce suivi, LĂ©o avait dĂ©jĂ beaucoup lâhabitude de toucher des objets sonores,
mais câĂ©taient principalement des jouets Ă©lectroniques, pour lesquels il suffisait dâappuyer sur
un seul bouton pour activer une musique. Ces jeux, sâils lui plaisaient beaucoup,
nâentrainaient pas chez lui une envie dâexplorer, Ă part pour chercher le bouton. Les objets
que jâai sĂ©lectionnĂ©s demandaient plus de manipulation. Jâai pris soin de choisir des actions
Ă la portĂ©e de LĂ©o au niveau de sa motricitĂ© manuelle, pour quâil puisse rapidement
apprendre à les réaliser seul. De plus, les actions à réaliser étaient différentes les unes des
autres, de façon à ce que Léo reconnaisse facilement quel objet il avait en main.
Le principe dâapprentissage moteur sur lequel je me suis appuyĂ©e est la co-action : cela
signifie que lâadulte fait le mouvement avec lâenfant, en lui faisant sentir les mouvements de
ses mains et de son corps afin quâil puisse imiter. Cette stratĂ©gie permet de vivre le
mouvement ensemble et dâaccĂ©der rapidement Ă des acquisitions motrices simples sans
passer par le langage. La co-action entraine une grande proximité physique, qui permet de
soutenir le langage oral avec des gestes et des signes sur les mains ou le corps de lâenfant.
Cette communication gestuelle a Ă©tĂ© mise en place Ă lâInstitut pour les enfants atteints de
double déficience sensorielle (visuelle et auditive), mais son utilisation en soutien de la
parole semble donner de bons résultats chez les enfants souffrant uniquement de déficience
visuelle. Ainsi, lorsque je parle Ă LĂ©o, et en particulier lorsque je verbalise les actions quâil a
rĂ©alisĂ©es, jâutilise souvent la modalitĂ© tactile en plus du langage.
![Page 51: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/51.jpg)
51
Je nâai pas cherchĂ© Ă apprendre des procĂ©dures exploratoires Ă LĂ©o, je lui ai simplement
montré, grùce à la co-action et au guidage physique, comment utiliser les objets et comment
obtenir le son ou la musique.
Le protocole a été étalé sur 6 semaines, et les six objets séparés en deux groupes de trois.
Une semaine sur deux, un groupe de trois objets était manipulé ensemble. Chaque objet a
donc été présenté à Léo trois fois entre les deux évaluations.
2. Choix des objets pour la stimulation
Il fallait que je sĂ©lectionne des objets Ă forte stimulation auditive pour que LĂ©o sây intĂ©resse,
mais sans que cette réponse auditive soit trop facile à obtenir. AprÚs avoir essayé plusieurs
objets, jâen ai sĂ©lectionnĂ© six.
Des photographies de ces objets sont présentées en Annexe 3.
LâaccordĂ©on
Cet objet, le plus gros et le plus lourd de la liste, demande pour faire du bruit une utilisation
des deux bras de façon coordonnĂ©e. LĂ©o devait Ă©galement ĂȘtre capable de tenir les
poignĂ©es. En pratique, LĂ©o nâa jamais tout Ă fait rĂ©ussi Ă faire ce mouvement seul, mais, si
mes mains étaient présentes sur les siennes pour stabiliser la prise, il a été capable de faire
le mouvement des bras nĂ©cessaires Ă lâapparition dâun son.
Les castagnettes
Câest le jouet que LĂ©o a le plus apprĂ©ciĂ©. Une fois dĂ©passĂ©e lâapprĂ©hension de la nouveautĂ©,
il a trĂšs rapidement appris Ă la prendre correctement entre ses mains pour la faire claquer.
Léo a toujours utilisé ses deux mains pour réaliser cette action, dans un mouvement
coordonné et simultané.
La peluche sonore
Câest un jouet classique du tout-petit, une peluche qui fait du bruit si on appuie sur un endroit
en particulier. Je lâai choisie pour son point de dĂ©clenchement du son assez prĂ©cis, qui
demandait une certaine recherche. Cependant, si LĂ©o a vite compris quâil fallait appuyer pour
dĂ©clencher la rĂ©ponse sonore, il a souvent Ă©tĂ© dĂ©couragĂ© lorsque celui-ci nâapparaissait pas,
sâil avait appuyĂ© au mauvais endroit. AprĂšs avoir appuyĂ© plusieurs fois, LĂ©o finissait alors
souvent par sâen dĂ©sintĂ©resser.
![Page 52: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/52.jpg)
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La boite Ă musique
Ce jouet a demandé des capacités motrices au-delà du niveau de Léo : au bout de quelques
sĂ©ances il a compris que la manivelle Ă©tait le point dĂ©clencheur de la musique, mais il nâa
pas été possible pour lui de la faire tourner. Il arrivait seulement à lui faire faire des allers-
retours qui ont déclenché quelques notes. Cependant, cet objet a déclenché un trÚs vif
intĂ©rĂȘt chez LĂ©o. Il a beaucoup apprĂ©ciĂ© Ă©couter la musique et la dĂ©clencher ensemble en
co-action.
Le tambour tournant
Cet objet a également trÚs rapidement plu à Léo. En effet, il demande une procédure motrice
particuliĂšre pour en tirer le son maximal, mais il fait Ă©galement du bruit sâil est secouĂ©. Câest
ce que Léo a choisi de faire en premier. Quand il a accepté la co-action, il a rapidement
compris le mouvement bimanuel qui lui était demandé.
Le pingouin
Ce petit jouet me semblait intéressant car le fait de tourner la clé dans son dos entrainait à la
fois lâapparition dâun son et dâune sensation proprioceptive (une lĂ©gĂšre vibration causĂ©e par
le moteur). Cependant, Ă cause de cette vibration qui lâa sans doute gĂȘnĂ©, LĂ©o nâa jamais
souhaitĂ© interagir avec cet objet. Il sâest toujours montrĂ© trĂšs attentif en entendant le bruit,
mais nâa pas cherchĂ© Ă le dĂ©clencher, seul ou en co-action.
B. Evaluation Ă lâaide de la grille dâobservation
Une fois les objets du protocole de stimulation choisis, je les ai présentés à Léo en les lui
donnant simplement, sans lui montrer de quelle maniĂšre il pouvait obtenir le feedback auditif.
Je lui ai cependant montrĂ© quâils avaient un potentiel sonore en les manipulant moi-mĂȘme
hors de sa portĂ©e. Jâai alors pu observer quels comportements exploratoires il montrait dans
la rencontre avec des nouveaux objets.
Les premiÚres rencontres avec Léo ont montré que sa premiÚre réaction face à des objets
inconnus Ă©tait de les jeter ou de les repousser. Il Ă©tait donc probable quâil fasse la mĂȘme
chose lors de la présentation de mes objets.
En prĂ©voyant le cas oĂč LĂ©o se contenterait de jeter lâobjet ou de le pousser, sans aller
ensuite le chercher, jâai choisi de lui prĂ©senter chaque objet trois fois. Au bout de trois rejets
de sa part, jâai rangĂ© les objets et je suis passĂ©e Ă une autre activitĂ©. Ces trois interactions
ont été chronométrées et filmées de façon à pouvoir remplir la grille.
![Page 53: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/53.jpg)
53
Le temps de ces trois interactions a ensuite servi pour la réévaluation, afin de pouvoir
comparer le nombre dâapparitions de chaque comportement.
En plus dâobserver ses interactions avec les nouveaux objets, jâai utilisĂ© la grille
dâobservation pour mesurer ses comportements avec des objets dĂ©jĂ connus, que jâai donc
utilisĂ©s comme tĂ©moins. Lâobjectif Ă©tant ici de prĂ©senter ces mĂȘmes objets tĂ©moin Ă LĂ©o Ă la
fin de la prise en charge et de mettre en évidence une éventuelle généralisation des
mouvements dâexploration.
C. Description des séances
Mes sĂ©ances de psychomotricitĂ© avec LĂ©o ont lieu chez lâassistante maternelle, pour une
durĂ©e dâenviron 45 minutes.
Ces sĂ©ances de stimulation sont toujours structurĂ©es plus ou moins de la mĂȘme façon. Jâai
essayé de maintenir une certaine homogénéité, mais elle a été difficile à atteindre, comme
nous le verrons dans la discussion.
AprĂšs avoir saluĂ© LĂ©o et mâĂȘtre prĂ©sentĂ©e, je commence par une petite chanson mimĂ©e,
toujours la mĂȘme, un rituel qui a Ă©tĂ© installĂ© trĂšs tĂŽt entre LĂ©o et ma maĂźtre de stage pour
signifier le début de la séance de psychomotricité.
Je lui propose ensuite les trois objets du jour, lâun aprĂšs lâautre.
Dans un premier temps, je signale Ă LĂ©o quel objet jâai en main, en dĂ©clenchant le son
caractĂ©ristique de cet objet. Je mâapproche ensuite de lui et lui propose de faire lui-mĂȘme le
mouvement.
Au début de la stimulation, je devais apprendre à Léo à faire les mouvements. Pour ce faire,
je commençais par dĂ©clencher le son moi-mĂȘme, pour lâencourager Ă sâapprocher de moi et
Ă mettre ses mains sur les miennes, un comportement quâil fait systĂ©matiquement pour
obtenir ce que lâadulte manipule. Je peux alors profiter du moment oĂč ses mains sont sur les
miennes pour lui faire sentir le mouvement que je rĂ©alise. Si besoin, jâai parfois pris ses
mains dans les miennes pour lâaider Ă dĂ©couvrir lâobjet ou Ă faire le mouvement (par exemple
pour la manivelle de la boite Ă musique).
![Page 54: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/54.jpg)
54
Au fur et Ă mesure des sĂ©ances, la co-action a Ă©tĂ© de moins en moins nĂ©cessaire. Jâai
observĂ© trois Ă©tapes dans lâapprentissage du mouvement :
LâĂ©tape de co-action : LĂ©o connait lâobjet et souhaite obtenir le bruit, mais il ne connait
pas encore le mouvement et il a besoin de sentir ce que je fais pour lâapprendre,
LâĂ©tape intermĂ©diaire : LĂ©o connait le mouvement et peut le rĂ©aliser, mais il a besoin
que je le lui rappelle une fois en co-action au début de la séance pour le faire ensuite
seul,
LâĂ©tape de manipulation autonome : dĂšs quâil reconnait lâobjet que jâai sorti du sac, il
le prend dans ses mains et rĂ©alise lâaction seul.
Quand LĂ©o manipule seul, jâutilise de nombreux renforcements verbaux et, Ă la fin de la
manipulation, jâutilise la communication gestuelle en plus de la parole pour lui dĂ©crire ce quâil
vient de faire.
Dans ces sĂ©ances dâapprentissage du mouvement, je nâai pas respectĂ© le nombre de trois
interactions mis en place lors de lâĂ©valuation. Si LĂ©o refusait lâobjet ou le jetait, jâai insistĂ©
plus longtemps. Cela mâa permis de me rendre compte que, parfois, LĂ©o semblait avoir
besoin de cette pĂ©riode de lancer dâobjet avant dâaller plus loin dans la manipulation : il y a
en effet eu des sĂ©ances oĂč, sans raison visible, LĂ©o sâest tout Ă coup mis Ă manipuler et
explorer lâobjet proposĂ© aprĂšs lâavoir jetĂ© Ă terre un grand nombre de fois.
Lorsque LĂ©o ne semblait vraiment pas dĂ©clencher un autre comportement ou quâil refusait
catĂ©goriquement dâinteragir avec lâobjet, je passais Ă un autre jouet.
Jâai rapidement remarquĂ© quâun des objets (les castagnettes) plaisait particuliĂšrement Ă LĂ©o :
il a appris en une fois Ă la manipuler seul et nâa ensuite plus eu besoin de co-action. De plus,
il peut rester bien plus longtemps en autonomie totale avec ce jeu, et le jette trĂšs peu. Je lâai
donc utilisé comme un renforçateur en le proposant toujours à la fin de la séance.
Je nâai pas mis en place de rituel de fin de sĂ©ance, car celle-ci Ă©tait gĂ©nĂ©ralement marquĂ©e
par le retour dans la piĂšce de lâassistante maternelle qui proposait alors de nouveaux jouets
à Léo. Je lui dis simplement que la séance est terminée et je signifie mon départ.
![Page 55: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/55.jpg)
55
IV. RĂ©sultats
A. RĂ©Ă©valuation
1. Contexte
Pour la rĂ©Ă©valuation, jâai Ă nouveau prĂ©sentĂ© les objets Ă LĂ©o en autonomie, sans mâengager
dans la co-action. Lâinteraction a Ă©tĂ© filmĂ©e en entier, puis pour remplir la grille jâai utilisĂ© les
premiÚres secondes de la vidéo, de façon à concorder avec la premiÚre évaluation.
2. RĂ©sultats
Sur les six objets choisis, cinq ont montré des résultats positifs et un changement de
comportements. Pour le dernier (le pingouin), malgrĂ© un grand intĂ©rĂȘt pour cet objet, LĂ©o nâa
jamais souhaitĂ© le manipuler et lâa systĂ©matiquement jetĂ© sans aller le chercher si on lui
mettait dans la main.
Jâai choisi de mettre en Ă©vidence les rĂ©sultats de deux objets en particulier : la boite Ă
musique et les castagnettes. Les résultats concernant les autres objets sont présentés en
Annexe 1, sous la forme de résultats bruts.
a) Augmentation du temps de manipulation
0
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400
Accordéon Castagnettes Boite à musique
Tambour Peluche Tige Balles
Tem
ps
(se
con
de
s)
Temps de manipulation
Evaluation initiale Evaluation finale
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56
La vidĂ©o a permis dâobtenir une mesure prĂ©cise du temps que LĂ©o a accordĂ© Ă chaque objet
lors de lâĂ©valuation initiale et de lâĂ©valuation finale.
Le temps en rouge correspond aux trois interactions imposées lors de la premiÚre rencontre
avec lâobjet. Le temps en vert correspond Ă la rĂ©Ă©valuation : il ne sâagit pas de trois
interactions mais du temps que Léo a passé spontanément à manipuler les objets.
Les mesures montrent une augmentation du temps de manipulation pour tous les objets
travaillés, ainsi que pour les deux jouets témoins.
b) Augmentation de la variété des procédures exploratoires
Le comptage des occurrences des procédures exploratoires permet de comparer le
comportement de LĂ©o entre la premiĂšre et la derniĂšre Ă©valuation.
Les castagnettes
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Castagnettes : procédures exploratoires (9 secondes)
23 février
4 mai
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57
La comparaison des deux Ă©valuations met en Ă©vidence un changement radical dans le
comportement de Léo avec ce jouet. Les procédures exploratoires sont plus nombreuses et
plus variées.
La boite Ă musique
Pour la boite Ă musique, les rĂ©sultats sont Ă©galement satisfaisants : on observe lâapparition
de nombreux comportements dâexploration manuelle qui nâĂ©taient pas prĂ©sents lors de
lâĂ©valuation du mois de janvier. A nouveau, lâexploration a augmentĂ© en qualitĂ© et en
quantité.
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Boite à musique : procédures exploratoires (13 secondes)
26 janvier
4 mai
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58
c) Augmentation de la variété des actions motrices
De la mĂȘme façon, le comptage des comportements moteurs dâaprĂšs la liste de Paoletti
permet de comparer le comportement de LĂ©o entre la premiĂšre et la derniĂšre Ă©valuation.
Les castagnettes
Les rĂ©sultats montrent quâau mois de fĂ©vrier, les actions de LĂ©o Ă©taient uniquement des
actions de prise de possession, de restitution et de force.
Au mois de mai, ces comportements ont baissĂ© en frĂ©quence, et on nâobserve plus du tout
dâaction de force, ce qui Ă©tait un des objectifs secondaires de cette prise en charge.
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3
4
Recherche QuĂȘte Prise depossession
Manipulation Restitution Force
Castagnettes : Actions motrices (9 secondes)
23 février
4 mai
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La boite Ă musique
Pour la boite à musique, le comptage indique que les actions motrices sont à présent plus
variĂ©es. LĂ©o cherche lâobjet et le manipule plusieurs fois dans les quelques secondes de
lâĂ©valuation.
B. La généralisation des apprentissages
1. GĂ©nĂ©ralisation des mouvements dâexploration
Lors de la phase dâĂ©valuation des procĂ©dures exploratoires de LĂ©o, jâai commencĂ© par le
filmer en interaction avec des objets simples, quâil connaissait et avec lesquels il avait
lâhabitude de beaucoup jouer.
A la fin des 6 semaines de protocole de stimulation, je lui ai à nouveau présenté ces jeux
connus, afin de voir si son comportement avec eux avait évolué suite au travail réalisé
ensemble. Jâai choisi de prĂ©senter ici deux interactions particuliĂšres :
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1
2
3
4
Recherche QuĂȘte Prise depossession
Manipulation Restitution Force
No
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Boite Ă musique : Actions motrices (13 secondes)
26 janvier
4 mai
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a) Les deux balles
Chez son assistante maternelle, LĂ©o joue trĂšs souvent avec des balles en plastique. Ce quâil
fait le plus souvent est de les frapper lâune contre lâautre et de les jeter. Cependant,
lâobservation montre que des nouveaux comportements sont apparus entre le mois de
décembre et le mois de mai, sans que nous ayons interagi ensemble avec les balles.
Ainsi, sâil continue Ă frapper les balles lâune contre lâautre, dâautres comportements sont en
Ă©mergence, et il peut sâarrĂȘter de frapper pour se lancer dans dâautres expĂ©rimentations.
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Deux balles : procédures exploratoires
1er décembre
4 mai
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b) La tige en plastique
La tige en plastique est une barre dâenviron 15 centimĂštres provenant du jeu de construction
« Smartmax ». Au mois de dĂ©cembre, lâaction principale de LĂ©o Ă©tait de tenir cette tige avec
ses deux mains et de la frapper sur le sol, et cette activité pouvait durer longtemps. Au mois
de mai, LĂ©o nâa pas du tout frappĂ© le sol avec la tige et lâa longuement explorĂ©e, en montrant
une bonne généralisation des mouvements appris lors de la stimulation.
En particulier, LĂ©o sâest appropriĂ© le mouvement bimanuel associĂ© au tambour tournant,
consistant Ă frotter les deux mains ensemble pour faire tourner le tambour, pour sâen servir
trĂšs clairement comme dâune procĂ©dure exploratoire. Il a montrĂ© ce comportement avec
plusieurs objets fins et longs comme le tambour, mais Ă©galement avec dâautres objets,
comme des noisettes.
2. Observation des autres professionnels et de lâentourage
A lâinstitut dâĂ©ducation sensorielle, les prises en charge sont rĂ©alisĂ©es en Ă©troite collaboration
entre les professionnels concernés. Cette collaboration est encore plus importante dans le
cas des tout-petits. Nous avons vu précédemment que Léo est suivi par une éducatrice
spécialisée deux séances par semaine. Celle-ci était informée de mon travail sur la motricité
fine avec Léo, et nous avons trÚs réguliÚrement échangé sur ses progrÚs dans ce domaine.
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ces
Tige : procédures exploratoires
1er décembre
4 mai
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Sans avoir particuliĂšrement travaillĂ© cet axe elle-mĂȘme, lâĂ©ducatrice a pu observer une
bonne amĂ©lioration des comportements dâexploration de LĂ©o Ă partir du moment oĂč le travail
en psychomotricité a commencé. Lors des séances avec elle, celui-ci a trÚs clairement
réutilisé des mouvements appris avec moi sur des objets spécifiques. Sans que cela ne lui
soit proposĂ©, il a gĂ©nĂ©ralisĂ© ces mouvements pour sâen servir comme une procĂ©dure
exploratoire.
Elle a Ă©galement observĂ© lâapparition de nouveaux comportements dâexploration, comme le
fait de gratter avec ses ongles sur le mur, qui eux nâavaient pas du tout Ă©tĂ© travaillĂ©s en
psychomotricité.
De plus, les conversations avec la maman de LĂ©o ont Ă©galement permis de montrer quâĂ la
maison, il se montrait de maniĂšre gĂ©nĂ©rale plus intĂ©ressĂ© par la manipulation dâobjets et
moins enclin Ă jeter.
Ces deux observations permettent de suggérer que Léo est en train de généraliser les
apprentissages réalisés en séance de psychomotricité et de se les approprier dans sa vie
quotidienne. Les nouveaux comportements en Ă©mergence nous montrent que LĂ©o a
aujourdâhui plus dâintĂ©rĂȘt pour la manipulation haptique de maniĂšre gĂ©nĂ©rale.
![Page 63: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/63.jpg)
63
V. Discussion
Ce travail, sâil a montrĂ© des rĂ©sultats satisfaisants, a Ă©galement montrĂ© ses limites.
Nous avons vu précédemment que Léo avait parfois besoin de jeter un objet de nombreuses
fois avant dâaccepter de le manipuler. Cela veut dire que ce nâest pas parce quâil lâa jetĂ© trois
fois quâil ne souhaite pas lâexplorer plus tard. De plus, le jet dâobjet correspond plus pour lui Ă
un mode exploratoire auditif quâĂ un rejet complet de lâinteraction. Ainsi, dans la phase
dâĂ©valuation, jâai mesurĂ© des temps dâinteractions trĂšs courts avec des procĂ©dures
exploratoires peu variĂ©es, mais cela aurait pu ĂȘtre diffĂ©rent si jâavais choisi de prĂ©senter
lâobjet Ă LĂ©o un plus grand nombre de fois aprĂšs quâil lâait jetĂ©.
Une autre difficultĂ© que jâai rencontrĂ©e lors de cette prise en charge a Ă©tĂ© la gestion des
Ă©vĂ©nements extĂ©rieurs et de lâenvironnement de maniĂšre gĂ©nĂ©rale. En effet, la prise en
charge Ă domicile, ou en lâoccurrence chez lâassistante maternelle, prĂ©sente des avantages,
mais Ă©galement des inconvĂ©nients : il est trĂšs intĂ©ressant de voir Ă©voluer lâenfant dans son
environnement habituel, et les interactions qui ont lieu au domicile seront plus faciles Ă
généraliser pour lui.
Cependant, il Ă©tait aussi difficile de maintenir un cadre rigoureux pour la prise en charge, car
beaucoup dâĂ©vĂ©nements extĂ©rieurs pouvaient venir perturber lâinteraction : arrivĂ©e de
lâassistante maternelle dans la piĂšce, prĂ©sence dâun autre enfant ou de parents, personnes
venant rendre visite à la famille⊠Léo ayant noué une relation trÚs proche avec son
assistante maternelle, il se montre trÚs sensible à ses allées et venues et au son de sa voix.
Certaines sĂ©ances ont ainsi pu ĂȘtre impossibles Ă terminer car LĂ©o Ă©tait bien plus intĂ©ressĂ©
par les conversations autour de lui ou dans la piĂšce adjacente que par mes propositions.
De plus, LĂ©o a montrĂ© une disponibilitĂ© et une motivation variable selon les sĂ©ances. Jâai
alors vivement ressenti mon manque dâexpĂ©rience et ce nâĂ©tait pas toujours facile pour moi
de gérer ces situations. En particulier, vers le milieu de la stimulation, Léo a semblé se
désintéresser complÚtement de tous les objets que je lui proposais, à part les castagnettes,
ce qui a entrainé une remise en question du protocole.
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64
Enfin, jâai rapidement remarquĂ© au fil des sĂ©ances la grande sensibilitĂ© de LĂ©o Ă mon Ă©tat
Ă©motionnel propre. Lorsque, de par les difficultĂ©s Ă©noncĂ©es prĂ©cĂ©demment, jâai commencĂ© Ă
Ă©mettre plus de doutes sur la validitĂ© de ma pratique avec lui, jâai vite senti que notre relation
se dégradait. La pression que je ressentais pour réussir cette prise en charge a certainement
influencĂ© sur la façon dont jâinteragissais avec lui : dans cette pĂ©riode, LĂ©o Ă©tait en position
de refus des jeux et préférait se tourner vers ma maitre de stage ou vers son assistante
maternelle. Cette observation mâa permis de faire une analyse de ma pratique et mâa appris
à mieux maitriser mes émotions en présence des enfants, et en particulier du tout-petit, qui
est trĂšs sensible Ă la communication non-verbale Ă©mise par lâadulte.
![Page 65: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/65.jpg)
65
CONCLUSION
Le protocole mis en place avec LĂ©o a ainsi donnĂ© des rĂ©sultats satisfaisants : au fur et Ă
mesure des semaines, il a montré une bonne augmentation en quantité et en qualité dans
ses explorations manuelles, et de maniĂšre gĂ©nĂ©rale plus dâintĂ©rĂȘt pour lâexploration haptique.
Une gĂ©nĂ©ralisation des apprentissages est en cours dâobservation Ă la maison et chez les
autres professionnels. La prochaine Ă©tape me semble ĂȘtre dâinciter LĂ©o Ă Ă©galement toucher
des objets ne renvoyant pas forcĂ©ment de feedback auditif, ce qui pour lâinstant lâintĂ©resse
encore peu.
De plus, lâobservation Ă©cologique et les Ă©changes avec lâĂ©ducatrice spĂ©cialisĂ©e ont permis
de mettre en évidence que Léo a toujours une grande appréhension à toucher les objets
mous, ou fluides, préférant actuellement des informations tactiles plus franches. Il serait
intĂ©ressant de lâaider Ă dĂ©passer cette apprĂ©hension, pour quâil puisse accĂ©der Ă de
nouvelles sensations tactiles encore peu connues.
Une exploration haptique efficace sera un réel atout pour Léo dans ses apprentissages, et
en particulier dans les apprentissages scolaires. En effet, un sens du toucher précis et un
rĂ©el intĂ©rĂȘt pour lâexploration lui permettront plus tard dâaccĂ©der Ă la lecture et Ă lâĂ©criture
grĂące au braille.
Il est difficile de faire des prĂ©visions sur lâĂ©volution future de LĂ©o. La prise en charge trĂšs
précoce est une nouveauté dans le domaine de la déficience visuelle, et la génération de
LĂ©o est la premiĂšre, Ă lâInstitut oĂč jâai rĂ©alisĂ© mon stage, Ă bĂ©nĂ©ficier dâun suivi Ă cet Ăąge. En
grandissant, LĂ©o et les autres enfants du SAFEP permettront dâĂ©valuer les bĂ©nĂ©fices qui
découlent de cette prise en charge précoce.
![Page 66: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/66.jpg)
66
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69
ANNEXES
![Page 70: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/70.jpg)
70
Annexe 1 : Grilles dâobservation remplies
LES CASTAGNETTES
Test Retest
Date 23 février 4 mai
Position Debout face au canapé Assis au sol
Temps de manipulation 9 secondes 5 minutes 45 secondes
TESTRETEST 9
secondes
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Différenciées |
Indifférenciées
Deux mains
Une main
||| |
|
||
|||
||
|
|||
||| |||
Porte Ă la bouche
Gratte
Presse
Se déplace avec l'objet
Se penche
Frotte
Prise
Posture
Comportements
exploratoires
Fait tourner dans ses mains
Touche son corps avec l'objet
Englobe avec la main
Fait bouger des parties
Suit le contour
Contact statique
SoupĂšse
Palmaire
Digito-palmaire
Pince interdigitale
Tourne la tĂȘte dans la direction de l'objet
Pince supérieure
Pince inférieure
Droite
Main
Gauche
A deux mains
Exploration devant
lui
Passe d'une main Ă l'autre
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Cherche Ă tĂątons |
Cherche grĂące au son
Pointage
Poursuite
Contact
Saisie ||| |
Saisie dans la main de
l'adulte
Secoue
DĂ©place
Transforme |||
LĂąche |
Donne
Tombe de sa main
DĂ©pose |
Frapper
Jette ||
Jette puis cherche
|
|
Jette sans chercher
Recherche
QuĂȘte
Force
Fin de la
manipulation
Evénement extérieur
Part
S'intéresse à un autre objet
Prise de
possession
Manipulation
Restitution
Actions motrices
manuelles
![Page 72: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/72.jpg)
72
LA BOITE A MUSIQUE
Test Retest
Date 26 janvier 4 mai
Position Debout face au canapé Debout face au canapé
Temps de manipulation 13 secondes 4 minutes 30 secondes
TEST
RETEST 13
secondes
|| |||
|
Différenciées
Indifférenciées |
Deux mains
Une main
|
| ||
|
| |
|
|
|||
|| |
|
Porte Ă la bouche
Posture
Comportements
exploratoires
Fait tourner dans ses mains
Touche son corps avec l'objet
Englobe avec la main
Fait bouger des parties
Suit le contour
Pince interdigitale
Tourne la tĂȘte dans la direction de l'objet
Se déplace avec l'objet
Se penche
Frotte
Gratte
Presse
Contact statique
SoupĂšse
Prise
Passe d'une main Ă l'autre
Palmaire
Digito-palmaire
Pince supérieure
Pince inférieure
Main
Gauche
A deux mains
Exploration devant
lui
Droite
![Page 73: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/73.jpg)
73
Cherche Ă tĂątons ||
Cherche grĂące au son
Pointage
Poursuite
Contact
Saisie
Saisie dans la main de
l'adulte
Secoue
DĂ©place |
Transforme |||
LĂąche |
Donne
Tombe de sa main
DĂ©pose
Frappe
Jette
Jette puis cherche
|
|
Actions motrices
manuelles
Force
Fin de la
manipulation
Evénement extérieur
Recherche
QuĂȘte
Part
S'intéresse à un autre objet
Jette sans chercher
Prise de
possession
Manipulation
Restitution
![Page 74: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/74.jpg)
74
LE TAMBOUR TOURNANT
Test Retest
Date 2 février 6 mai
Position Debout Assis au sol
Temps de manipulation 18 secondes 1 minute 10 secondes
TEST
RETEST
18''
|||
Différenciées
Indifférenciées | |
Deux mains |
Une main
|| ||
| |
||
||
||
Porte Ă la bouche
|
Posture
Comportements
exploratoires
Fait tourner dans ses mains
Touche son corps avec l'objet
Englobe avec la main
Fait bouger des parties
Suit le contour
Contact statique
Pince interdigitale
Tourne la tĂȘte dans la direction de l'objet
Se déplace avec l'objet
Se penche
Frotte
Gratte
Presse
SoupĂšse
Prise
Passe d'une main Ă l'autre
Palmaire
Digito-palmaire
Pince supérieure
Pince inférieure
Main
Gauche
A deux mains
Exploration devant
lui
Droite
![Page 75: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/75.jpg)
75
Cherche Ă tĂątons |
Cherche grĂące au son |||
Pointage
Poursuite |
Contact |
Saisie | |
Saisie dans la main de
l'adulte||
Secoue ||
DĂ©place
Transforme
LĂąche
Donne
Tombe de sa main |
DĂ©pose
Frapper
Jette |||
Jette puis cherche
|
Actions motrices
manuelles
Force
Fin de la
manipulation
Evénement extérieur
Recherche
QuĂȘte
Part
S'intéresse à un autre objet
Jette sans chercher
Prise de
possession
Manipulation
Restitution
![Page 76: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/76.jpg)
76
LA PELUCHE SONORE
Test Retest
Date 23 février 6 mai
Position Debout face au canapé Debout face au canapé
Temps de manipulation 6 secondes 5 minutes 30 secondes
TEST RETEST 6"
||| ||
Différenciées
Indifférenciées | |
Deux mains |
Une main
||| |
|
|||||
|||
Porte Ă la bouche
Posture
Comportements
exploratoires
Fait tourner dans ses mains
Touche son corps avec l'objet
Main
Gauche
A deux mains
Exploration devant
lui
Droite
Pince interdigitale
Tourne la tĂȘte dans la direction de l'objet
Se déplace avec l'objet
Se penche
Frotte
Gratte
Presse
Englobe avec la main
Fait bouger des parties
Suit le contour
Contact statique
SoupĂšse
Prise
Passe d'une main Ă l'autre
Palmaire
Digito-palmaire
Pince supérieure
Pince inférieure
![Page 77: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/77.jpg)
77
Cherche Ă tĂątons |
Cherche grĂące au son |||
Pointage
Poursuite
Contact
Saisie || |
Saisie dans la main de
l'adulte|
Secoue
DĂ©place
Transforme |
LĂąche
Donne
Tombe de sa main
DĂ©pose
Frapper
Jette ||| |
Jette puis cherche
| |
Actions motrices
manuelles
Force
Fin de la
manipulation
Evénement extérieur
Recherche
QuĂȘte
Jette sans chercher
Part
S'intéresse à un autre objet
Prise de
possession
Manipulation
Restitution
![Page 78: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/78.jpg)
78
LâACCORDEON
Test Retest
Date 23 février 30 mars
Position Assis sur le canapé
Assis sur le canapé,
accordéon posé sur ses
genoux
Temps de manipulation Pas de manipulation 3 minutes
TEST
RETEST
15 "
Différenciées
Indifférenciées |
Deux mains
Une main
|||
||
|||
||
Porte Ă la bouche
LĂ©o
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pre
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re e
n m
ain
.
SoupĂšse
Prise
Posture
Comportements
exploratoires
Gratte
Presse
Englobe avec la main
Fait bouger des parties
Suit le contour
Pince interdigitale
Tourne la tĂȘte dans la direction de l'objet
Se déplace avec l'objet
Se penche
Frotte
Droite
Main
Gauche
A deux mains
Exploration devant
lui
Fait tourner dans ses mains
Touche son corps avec l'objet
Passe d'une main Ă l'autre
Palmaire
Digito-palmaire
Pince supérieure
Pince inférieure
Contact statique
![Page 79: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/79.jpg)
79
Cherche Ă tĂątons
Cherche grĂące au son
Pointage
Poursuite
Contact
Saisie
Saisie dans la main de
l'adulte
Secoue
DĂ©place
Transforme |
LĂąche
Donne
Tombe de sa main
DĂ©pose
Frapper
Jette
Jette puis cherche
Actions motrices
manuelles
Prise de
possession
Manipulation
Restitution
Force
Fin de la
manipulation
Evénement extérieur
Jette sans chercher
Part
S'intéresse à un autre objet
Recherche
QuĂȘte
![Page 80: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/80.jpg)
80
Annexe 2 : Les procédures exploratoires de Klatzky et Lederman
Lederman, S. J. & Klatzky, R. L. (1993). Extracting objects properties through haptic
exploration. Acta psychologica, 84(1), 29-40.
![Page 81: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/81.jpg)
81
Annexe 3 : Les objets choisis pour la stimulation
LâaccordĂ©on La peluche sonore
Les castagnettes La boite Ă musique
Le pingouin Le tambour tournant
![Page 82: MOUVEMENT INTENTIONNEL ET EXPLORATION MANUELLE](https://reader036.vdocuments.us/reader036/viewer/2022062513/62b22d1252a04616f01034fd/html5/thumbnails/82.jpg)
Résumé
La motricité manuelle est un élément important du développement psychomoteur. De
plus, dans le cas de la cĂ©citĂ©, il est primordial dâaider le jeune enfant Ă dĂ©velopper
ses capacitĂ©s motrices, afin quâil puisse sâen servir pour compenser ses difficultĂ©s.
Ce mĂ©moire propose dâĂ©largir le nombre de procĂ©dures exploratoires chez un jeune
enfant aveugle en se servant dâobjets motivants et ayant besoin dâĂȘtre manipulĂ©s
pour Ă©mettre un son.
LâĂ©valuation grĂące Ă une grille dâobservation a montrĂ© des rĂ©sultats encourageants
aprĂšs 6 semaines de stimulation.
Mots-clés :
CĂ©citĂ© â Jeune enfant â DĂ©veloppement psychomoteur â MotricitĂ© fine â Stimulation
sensorielle
Abstract
Fine motor skills are an important aspect of the psychomotor development.
Moreover, it is essential to help the blind child to develop their motor abilities, so that
they can use it to overcome their difficulties.
This dissertation proposes to expend the number of exploratory procedures in a
young blind child, using motivating objects that need to be manipulated to make a
sound.
The child evaluation, using an observation table, has shown encouraging results after
6 weeks of stimulation.
Keywords :
Blindness â Infant â Psychomotor development â Fine motor skills â Sensory
stimulation