montage, mixage : Émilie ruby
TRANSCRIPT
Enregistré par Little Tribeca au Théâtre Saint-Bonnet (Bourges) les 16 et 17 janvier 2017
Remerciements au Palazzetto Bru Zane
Production exécutive et son : Little Tribeca
Direction artistique, prise de son : Maximilien Ciup
Montage, mixage : Émilie Ruby
Texte d’Hélène Cao
Traduction de Charles Johnston
Photos © Fonds La Tombelle
Design © 440.media
AP148 © p Little Tribeca - Palazzetto Bru Zane 2017
1, rue Paul Bert 93500 Pantin, France
apartemusic.com
Fernand de La Tombelle (1854-1928)
1. Hier au soir, Victor Hugo 3’09
2. Les Larmes, Auguste Dorchain 2’11
3. Il me l’a dit, auteur inconnu 2’57
4. Ischia, Alphonse de Lamartine 5’39
5. Croyez-moi !, Pierre Barbier 2’49
6. La Croix de bois, Paul Harel 3’51
7. Les Papillons, Théophile Gautier 3’17
8. Passez nuages roses, Georges Boutelleau 3’16
9. Cavalier mongol, Marcel de Lihus 2’56
10. Souvenir, auteur inconnu 2’40
11. Promenade nocturne, Théophile Gautier 2’59
12. Elle est loin, Pierre Barbier 3’12
13. Sans toi, Élie Brachet et Paul de Montverdun 2’48
14. Sonnet, Estienne de La Boétie 4’20
15. Veux-tu les chansons de la plaine ?, auteur inconnu 3’24
16. Ha ! les bœufs, Henri Darsay 3’30
17. Chant-Prière pour les Morts de France, Léon Chadourne 5’14
18. Vieille Chanson, Guy Le Coat, Vicomte de Kervéguen 1’37
19. Si le roi m’avait donné, auteur inconnu 1’38
20. La Pernette, Horace de Callias 4’58
21. Couplets de Chérubin, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais 2’27
22. Ballade, André Theuriet 2’55
23. Pourquoi ?, Georges Boutelleau 2’47
Si les mélodies de Fernand de La Tombelle
apparaissent de temps à autre dans les
programmes des concerts, elles firent surtout le
bonheur des salons (celui de son hôtel de la rue
Newton, de son château périgourdin de Fayrac,
chez ses amis de la haute société ou artistes
parisiens). En témoignent de nombreuses
chroniques mondaines, comme celle du Matin
du 11 juin 1892 : « Les programmes musicaux
sont toujours fort beaux chez la baronne de
La Tombelle, le maître de la maison étant un
compositeur de talent. […] Gros succès aussi
pour Mlle Martini, de la Monnaie de Bruxelles,
dans un air de Sigurd, et pour M. Bourdouresque,
de l’Opéra-Comique, dans l’air de l’ivresse de la
Jolie Fille de Perth et Cavalier mongol, de M. F. de
La Tombelle. Ajoutons que la chambrée était des
plus brillantes. » Point de détails sur la musique
dans ce type de compte rendu, où l’on s’attarde
davantage sur les toilettes des élégantes…
La Tombelle dédia plusieurs mélodies à
des proches, telle sa cousine la marquise de
Maleville (Sonnet, d’Estienne de la Boétie). Il les
offrit surtout à des chanteurs, parfois amateurs
d’un excellent niveau si l’on en croit la presse,
qui couvre ainsi d’éloges Nathalie Kirewski,
dédicataire de Ballade et de Larmes, dont la mère
tenait un salon réputé pour sa qualité artis-
tique. La majorité des dédicaces s’adressent
à des professionnels, côtoyés dans la sphère
publique et privée : la soprano Caroline Salla,
applaudie dans La Traviata (Passez, nuages roses) ;
Ada Adiny, interprète des rôles de Donna Anna,
Aïda et Isolde (Veux-tu les chansons de la plaine) ;
le baryton Numa Auguez, qui se produisit à
l’Opéra de Paris avant d’enseigner au Conser-
vatoire (Cavalier mongol) ; le ténor Albert
Mazalbert, l’un des premiers Français à chanter
des extraits d’opéras de Wagner (Elle est loin) ;
Alexandre Talazac, qui participa à la création
de Jean de Nivelle, Les Contes d’Hoffmann, Lakmé, Manon et Le Roi d’Ys (Hier au soir).
Ces dédicataires eurent-ils une incidence sur
le style vocal de La Tombelle ? Des passages
en récitatif alternent avec de larges envolées
lyriques. L’opéra s’immisce alors dans le monde
intime de la mélodie. Le piano cultive la même
Les mélodies de La Tombelle
diversité, d’une écriture grêle (stylisant la
guitare d’un donneur de sérénade dans Sans
toi et le clavecin dans Couplets de Chérubin)
à une ampleur orchestrale ; il exploite les
ressources de la modalité et celles d’un chroma-
tisme erratique. En dépit de quelques coupes
strophiques et d’un rondo (Ha ! les bœufs), c’est
la forme durchkomponiert qui prédomine : à
l’écart de tout schéma préétabli, les nombreux
changements d’écriture nuancent les senti-
ments et suivent leur évolution. Geste fréquent
chez La Tombelle, la musique s’anime peu à peu,
crée un effet de surprise quand un début calme
ne laisse pas augurer ces emportements, et
mène à un climax situé peu avant la section
conclusive.
Comme la plupart des compositeurs français,
La Tombelle trouve son bien chez des poètes
mineurs et des écrivains célèbres, anciens
ou contemporains : La Boétie (né à Sarlat,
où La Tombelle passa une partie de sa vie),
Beaumarchais, Lamartine, Hugo, Gautier.
Établir semblable hiérarchie, c’est toutefois
projeter le jugement de la postérité sur la fin
du XIXe siècle, où l’on tenait en haute estime
des auteurs oubliés aujourd’hui. On songera
par exemple à André Theuriet, membre de
l’Académie française ; à Pierre Barbier, auteur
de livrets d’opéra (certains en collaboration
avec son père Jules) ; ou encore à Élie Brachet
et Paul de Montverdun qui écrivirent le
livret de Supercherie, comédie en un acte de
La Tombelle. Quelques mélodies ne comportent
pas de nom de poète. Mais le texte de Souvenir
inspira également Bourgault-Ducoudray (pour
une mélodie titrée Mélancolia), lequel révéla
l’identité de l’auteur : la baronne de La Tombelle,
qui publia pièces de théâtre, romans et poèmes
sous le pseudonyme de Camille Bruno.
Aurait-elle également écrit Veux-tu les chansons
de la plaine et Il me l’a dit ?
Prolongeant la tradition romantique, La Tombelle
mit aussi en musique de nombreux poèmes
d’amour, qui donnent parfois la parole à une
femme (Ischia, Il me l’a dit). Mais il traita paral-
lèlement d’autres sujets. Cavalier mongol, qui
sacrifie à la mode de l’exotisme, prolonge la
fascination romantique pour le brigand en
marge de la société, « pillard endurci », belli-
queux et dominateur. L’intérêt pour le fonds
populaire s’inscrit davantage dans des préoc-
cupations fin de siècle. Si le roi m’avait donné,
sur un poème attribué à Henry IV, et La Pernette
(dont la variante Ne pleure pas, Jeannette, est
bien connue du grand public) sont des chansons
anciennes harmonisées par La Tombelle, qui
ajoute quelques précisions ethnographiques sur
ses partitions. Pour La Pernette, il signale qu’il
s’agit d’une mélodie recueillie dans la Nièvre
mais probablement originaire du Cantal, et il
justifie implicitement ses harmonies modales
par le fait qu’« à cette époque les chansonniers
s’inspiraient encore des chants de l’église, et
[que] leurs productions portaient, comme
celle-ci, l’empreinte des gammes grégoriennes ».
À côté de ses préoccupations quasi scienti-
fiques, La Tombelle exalte une image idéalisée
de la paysannerie, perceptible dans Ha ! les
bœufs. L’utilisation d’un bourdon à la basse et
d’accords parallèles à la main droite renforce
le parfum de terroir de cette « Scène rustique
pour baryton ». À d’autres moments, la couleur
populaire reste plus distanciée, comme dans
Vieille chanson (héritière de la Villanelle des Nuits
d’été de Berlioz), ou les Couplets de Chérubin
chantés sur l’air de Malbrough s’en va-t-en
guerre (La Tombelle reprend en fait l’idée de
Beaumarchais, qui demandait de chanter ses
vers sur la célèbre mélodie populaire).
Ballade condense en revanche les attributs
d’un chant populaire archaïsant : ambitus
réduit, écriture dépouillée, esprit d’une vieille
complainte. Le poème provient de Jean-Marie,
pièce de théâtre dont l’héroïne Thérèse (rôle
créé en 1872 par Sarah Bernhardt) a épousé
Joël après que son amoureux Jean-Marie
a disparu en mer. En narrant le miracle de
sainte Azénor protectrice des marins, Thérèse
témoigne d’une piété fervente. Ce sentiment
imprègne aussi La Croix de bois et Chant-Prière
pour les Morts de France publié en 1917 : en
pleine guerre, cette mélodie, à la fois marche
funèbre héroïque et élégie intime, donne au
sacrifice du soldat une dimension christique. Si
La Tombelle consacra l’essentiel de ses mélodies
à l’expression de sentiments intemporels, il
se montra ainsi également en prise avec les
tragédies de son temps.
Hélène Cao
Although the mélodies of Fernand de
La Tombelle appeared in concert programmes
from time to time, they were most popular in
salons (those the composer held in his town
house at rue Newton in Paris and his castle
of Fayrac in Périgord, and those of his friends
in high society or of Parisian artists). Traces
of these are to be found in many a society
gossip column, as in Le Matin dated 11 June
1892: ‘The musical programmes are always
extremely fine at the salon of the Baronne de
La Tombelle, since the master of the house is
himself a talented composer . . . There was also
much applause for Mlle Martini, of La Monnaie
in Brussels, in an aria from Sigurd, and for
M. Bourdouresque, of the Opéra-Comique, in
the Drinking Song from La Jolie Fille de Perth and
Cavalier mongol by M. F. de La Tombelle. It may
be added that the company was of the most
sparkling.’ There are no details concerning the
music in this type of report, in which much more
space is devoted to the finery of the elegant
lady guests . . .
La Tombelle dedicated several mélodies to close
relatives, such as his cousin the Marquise de
Maleville (Estienne de la Boétie’s Sonnet).
But he inscribed them above all to singers,
sometimes amateurs of an excellent standard
if one is to believe the press, which was full of
praise for, say, Nathalie Kirewski, the dedicatee
of Ballade and Larmes, whose mother held a
salon noted for its artistic quality. The majority
of his dedications were addressed to profes-
sionals, whom the composer frequented in
both public and private spheres: the soprano
Caroline Salla, much applauded in La Traviata
(Passez, nuages roses); Ada Adiny, who sang the
roles of Donna Anna, Aida and Isolde (Veux-tu les chansons de la plaine); the baritone Numa
Auguez, who appeared at the Opéra de Paris
before teaching at the Conservatoire (Cavalier mongol); the tenor Albert Mazalbert, one of the
first French singers to perform excerpts from
Wagner operas (Elle est loin); and Alexandre
Talazac, who took part in the premieres of Jean de Nivelle, Les Contes d’Hoffmann, Lakmé, Manon
and Le Roi d’Ys (Hier au soir).
The mélodies of La Tombelle
Did these dedicatees have any effect on the
vocal style of La Tombelle? Passages of recitative
alternate with broad flights of lyricism, so that
opera intrudes into the intimate world of the
mélodie. The piano parts cultivate the same
diversity, from pinched textures (stylising a
serenader’s guitar in Sans toi and the harpsi-
chord in Couplets de Chérubin) to orchestral
amplitude; they exploit the resources both
of modality and of an intermittent chromat-
icism. Though there are occasional strophic
structures and a single rondo (Ha! les bœufs),
it is through-composed form that predomi-
nates: avoiding any pre-established design,
the numerous changes of style nuance the
sentiments and follow their evolution. In a
gesture frequently found in La Tombelle, the
music gradually gets faster, creating a surprise
effect when a calm opening has done nothing to
portend such outbursts, and leading to a climax
situated shortly before the concluding section.
Like most French composers, La Tombelle
drew on both minor poets and famous writers,
whether of the past or of his own time:
La Boétie (born in Sarlat, where the composer
spent part of his life), Beaumarchais, Lamartine,
Hugo, Gautier. To establish a hierarchy of this
kind, however, is to project the judgment of
posterity onto the late nineteenth century,
when now-forgotten authors were held in high
esteem. One might point, for example, to André
Theuriet, a member of the Académie Française;
Pierre Barbier, an author of operatic librettos
(some written with his father Jules); or Élie
Brachet and Paul de Montverdun, who collab-
orated on the libretto of La Tombelle’s one-act
comic opera Supercherie. A few mélodies bear
no poet’s name at all. But the text of Souvenir
also inspired Bourgault-Ducoudray (for a song
entitled Mélancolia), who revealed the identity
of its author: the Baronne de La Tombelle
herself, who published plays, novels and poems
under the pseudonym of Camille Bruno. Did
she perhaps also write Veux-tu les chansons de
la plaine and Il me l’a dit?
Prolonging the Romantic tradition, La Tombelle
too set many love poems, in some of which
the persona is feminine (Ischia, Il me l’a dit).
But he treated other subjects alongside this.
Cavalier mongol, which yields to the vogue for
exoticism, pursues the Romantic fascination
with the brigand on the margins of society, a
‘hardened plunderer’, warlike and dominating.
The interest in the popular heritage is more
characteristic of the preoccupations of the late
nineteenth century. Si le roi m’avait donné, on
a poem attributed to Henri IV of France, and
La Pernette (a variant of which, Ne pleure pas,
Jeannette, is widely known in modern France)
are old songs harmonised by La Tombelle,
who adds some ethnographic details to his
scores. He indicates that La Pernette is a tune
collected in the Nièvre département (Burgundy
region) but which probably originated in the
Cantal (Auvergne), and implicitly justifies his
modal harmonies by stating that ‘at this period
songwriters still took their inspiration from
ecclesiastical chant, and their productions,
like this one, bore the stamp of the Gregorian
modes’.
Alongside these quasi-scientific concerns,
La Tombelle exalts an idealised image of
country folk, perceptible in Ha! les bœufs. The
use of a drone bass and parallel chords in the
right hand strengthens the terroir flavour of
this ‘Scène rustique pour baryton’. At other
moments, the popular coloration remains more
distant, as in Vieille chanson (a descendant of the
Villanelle in Berlioz’s Nuits d’été) or the Couplets
de Chérubin set to the tune of Malbrough s’en
va-t-en guerre (in fact La Tombelle takes this idea
from Beaumarchais, who asked for his verse to
be sung to the melody of the famous folksong).
By contrast, Ballade condenses the attributes of
an archaising song in the folk vein: the narrow
vocal compass, the austerity of style, the spirit
of an old complainte. The poem comes from
the play Jean-Marie, whose heroine Thérèse (a
role created by Sarah Bernhardt in 1872) has
married Joël after her sweetheart Jean-Marie
is lost at sea. In relating the miracle of St Azenor,
the patron saint of sailors, Thérèse shows her
fervent piety. The same sentiment imbues La
Croix de bois and Chant-Prière pour les Morts
de France. The latter, published in 1917 at the
height of the Great War, is at once a heroic
funeral march and an intimate elegy that gives
the soldier’s sacrifice a Christlike dimension.
While La Tombelle devoted most of his mélodies
to the expression of timeless sentiments, he
showed here that he was also attuned to the
tragedies of his time.
Hélène Cao
FERNAND DE LA TOMBELLEMÉLODIES
1. Hier au soir Poème de Victor Hugo
Hier, le vent du soir, dont le souffle caresse,
Nous apportait l’odeur des fleurs qui
s’ouvrent tard ;
La nuit tombait ; l’oiseau dormait sous
l’ombre épaisse.
Le printemps embaumait, moins que votre
jeunesse ;
Les astres rayonnaient, moins que votre
regard.
Moi, je parlais tout bas. C’est l’heure
solennelle
Où l’âme aime à chanter son hymne le plus
doux.
Voyant la nuit si pure et vous voyant si belle,
J’ai dit aux astres d’or : « Versez le ciel sur
elle ! »
Et j’ai dit à vos yeux : « Versez l’amour sur
nous ! »
1. Yesterday evening Victor Hugo
Yesterday, the evening breeze, with its
caressing breath,
Brought us the scent of the late-opening
flowers;
Night was falling; the birds were sleeping in
the deep shadow.
Spring diffused its fragrance, but less so than
did your youth;
The stars were resplendent, but less so than
your gaze.
I spoke very softly. It was the solemn hour
When the soul loves to sing its gentlest hymn.
Seeing the night so pure and seeing you so
beautiful,
I said to the golden stars: ‘Pour heaven down
upon us!’
And I said to your eyes: ‘Pour love down upon
us!’
2. Tears Auguste Dorchain
We have wept many tears,
And those tears, just as a storm
Flattens ears of corn or flowers,
Have overwhelmed our courage.
Then we felt, in the night,
Clouds heavy with anger . . .
But look: a star twinkles,
Another . . . all is illuminated . . .
And for our overwhelmed hearts,
For the exhausted flower of love,
The tears of tomorrow, you see,
Will be pearls of dew!
3. He said to me Author unknown
His eyes shone, his gentle voice said to me: ‘I
adore you!’
He spoke the truth, I believe him. O radiant
dawn!
Divine happiness will crown
My beautiful youth.
2. Les Larmes Poème d’Auguste Dorchain
Nous avons pleuré bien des pleurs,
Et ces larmes, comme un orage
Verse les épis ou les fleurs,
Ont abattu notre courage.
Alors, nous sentions dans la nuit
Des nuages lourds de colère…
Mais regarde : une étoile luit,
Une autre… tout s’éclaire…
Et pour notre cœur abattu,
Pour la fleur d’amour épuisée,
Les larmes de demain, vois-tu,
Seront des perles de rosée !
3. Il me l’a dit Auteur inconnu
Ses yeux ont brillé, sa douce voix m’a dit : « Je
t’adore ! »
Il dit vrai, je le crois, radieuse aurore,
Un bonheur divin va couronner
Ma belle jeunesse.
Oh ! douce ivresse !
Je vis enfin !
Amour ! divine ivresse !
Bonheur divin !
Ah ! pour nous mon bien-aimé
Pour nous même bonheur !
Toi ! dont le cœur m’est donné
Je t’ai donné mon cœur.
Ah ! divin enchantement !
Ah ! quel ravissant échange !
Quel trouble étrange !
Ne fuis pas de mes bras !
Ne fuis pas !
Ah ! parle encore à mon âme oppressée !
Viens ! je suis à toi, prends mon âme et ma
pensée !
Ses yeux ont brillé, sa douce voix m’a dit : « Je
t’adore ! »
Il dit vrai, je le crois, radieuse aurore,
Un bonheur divin va couronner
Ma belle jeunesse.
Oh ! douce ivresse ! Je vis enfin !
Amour ! divine ivresse ! bonheur divin !
Oh, sweet rapture!
I live at last!
Love! Divine rapture!
Divine happiness!
Ah, for us, my beloved,
For us the same happiness!
To you, whose heart is given to me,
I have given my heart.
Ah, divine enchantment!
Ah, what a ravishing exchange!
What strange turmoil!
Do not fly from my arms!
Do not fly!
Ah, speak once more to my breathless soul!
Come! I am yours, take possession of my soul
and my thoughts!
His eyes shone, his gentle voice said to me: ‘I
adore you!’
He spoke the truth, I believe him. O radiant
dawn!
Divine happiness will crown
My beautiful youth.
Oh, sweet rapture! I live at last!
Il ma dit : « Je t’adore ! »
Il dit vrai.
Il me l’a dit !
4. Ischia Poème d’Alphonse de Lamartine
Viens ! L’amoureux silence occupe au loin
l’espace ;
Viens le soir près de moi respirer la fraîcheur !
C’est l’heure ; à peine au loin la voile qui
s’efface
Blanchit en ramenant le paisible pêcheur !
Depuis l’heure où ta barque a fui loin de la rive,
J’ai suivi tout le jour ta voile sur les mers,
Ainsi que de son nid la colombe craintive
Suit l’aile du ramier qui blanchit dans les airs !
Tandis qu’elle glissait dans l’ombre du rivage,
J’ai reconnu ta voix dans la voix des échos ;
Et la brise du soir, en mourant sur la plage,
Me rapportait tes chants prolongés sur les flots.
Maintenant sous le ciel tout repose, ou tout
aime :
Love! Divine rapture! Divine happiness!
He said to me: ‘I adore you!’
He spoke the truth.
He said it to me!
4. Ischia Alphonse de Lamartine
Come! Loving silence occupies space as far as
the eye can see;
Come beside me to breathe the cool of the
evening!
This is the hour; the sail that vanishes in the
distance
Barely grows pale as it takes the peaceful
fisherman home!
Since the hour when your boat fled far from
the coast,
I have followed your sail on the sea all day,
Just as, from her nest, the anxious dove
Follows the wing of her mate as it whitens in
the air!
As the sail glided in the shadow of the shore,
I recognised your voice in the voice of the
echoes;
La vague, en ondulant, vient dormir sur le
bord ;
La fleur dort sur sa tige, et la nature même
Sous le dais de la nuit se recueille et s’endort.
Vois ! La mousse a pour nous tapissé la
vallée,
Le pampre s’y recourbe en replis tortueux,
Et l’haleine de l’onde, à l’oranger mêlée,
De ses fleurs qu’elle effeuille embaume mes
cheveux.
À la molle clarté de la voûte sereine
Nous chanterons ensemble assis sous le
jasmin,
Jusqu’à l’heure où la lune, en glissant vers
Misène,
Se perd en pâlissant dans les feux du matin.
And the evening breeze, as it died away on
the beach,
Brought your songs back to me, prolonged
over the billows.
Now beneath the sky all reposes, or all loves:
The rippling wave comes to sleep at the
water’s edge;
The flower slumbers on its stem, and Nature
herself
Beneath the canopy of night meditates and
falls asleep.
See! The moss has covered the valley for us,
The vine branch bends there in tortuous coils,
And the breath of the waters mingles with the
orange blossom,
As it perfumes my hair with the flowers it
sheds.
In the soft light of the serene firmament
Wa shall sing together, seated beneath the
jasmine,
Until the moon, gliding towards Miseno,
Pales and vanishes in the rays of morning.
5. Croyez-moi ! Poème de Pierre Barbier
Croyez-moi, si j’étais abeille,
Malgré tant de fleurs sous le ciel,
C’est sur votre bouche vermeille
Que je butinerais le miel !
Si j’étais la brise, je jure
Qu’à dessein de tout embaumer,
C’est dans votre ample chevelure
Que je viendrais me parfumer !
Si j’étais l’étoile amoureuse,
C’est au pur cristal de vos yeux
Que ma flamme irait langoureuse,
Sonder l’immensité des cieux !
Las ! je ne suis qu’un pauvre hère
Et vous un astre sans pareil !
Mais le plus humble ver de terre
Vit des feux lointains du soleil !
5. Believe me! Pierre Barbier
Believe me, if I were a bee,
Despite all the flowers that exist under the
heavens,
It is on your crimson lips
That I would gather my honey!
If I were the breeze, I swear
That to scatter fragrance everywhere
It is in your thick tresses
That I would come to perfume myself!
If I were the star of love,
It is in the pure crystal of your eyes
That my languorous flame would go
To fathom the immensity of the heavens!
Alas! I am but a poor wretch
And you a matchless star!
Yet even the humblest earthworm
Is nourished by the distant splendour of the
sun!
6. La Croix de bois Poème de Paul Harel
Au temps lointain des Confréries,
« Du temps que j’étais écolier »,
Ami, je suis venu prier,
Près de l’humble croix où tu pries.
Entre les champs et les prairies,
Dans le mystère du hallier,
Ses deux bras ont l’air de plier
Sous le poids des mousses fleuries.
Mais, droite au-dessus des sillons,
Elle s’habille de rayons
Aussitôt que paraît l’aurore,
Et devant le jour finissant
Mystérieuse, elle offre encore
Sa pierre aux genoux du passant.
7. Les Papillons Poème de Théophile Gautier
Les papillons couleur de neige
Volent par essaims sur la mer ;
Beaux papillons blancs, quand pourrai-je
6. The Wooden Cross Paul Harel
In the far-off days of the Confraternities,
‘When I was a schoolboy’,
My friend, I came to pray
By the humble cross where you are praying
now.
Among the fields and meadows,
In the darkness of the thicket,
Its two arms seem to bend
Under the weight of the flowered moss.
But, rising above the furrows,
It is draped in sunbeams
As soon as dawn breaks,
And as day closes,
Mysterious, it still offers
Its stone to the knees of passers-by.
7. Butterflies Théophile Gautier
The snow-coloured butterflies
Flutter in swarms over the sea;
Beautiful white butterflies, when will I be able
Prendre le bleu chemin de l’air ?
Savez-vous, ô belle des belles,
Ma bayadère aux yeux de jais,
S’ils me pouvaient prêter leurs ailes,
Dites, savez-vous où j’irais ?
Sans prendre un seul baiser aux roses,
À travers vallons et forêts,
J’irais à vos lèvres mi-closes,
Fleur de mon âme, et j’y mourrais.
Les papillons couleur de neige
Volent par essaims sur la mer ;
Beaux papillons blancs, quand pourrai-je
Prendre le bleu chemin de l’air ?
8. Passez nuages roses Poème de Georges Boutelleau
Passez, passez, nuages roses,
Sur le ciel que vous fleurissez !
J’aime les automnes moroses ;
Passez, passez…
Volez, volez, feuilles ailées,
Que chassent les vents affolés :
To follow the blue path of the skies?
Do you know, O fairest of the fair,
My jet-eyed bayadère?
If they would lend me their wings,
Say, do you know where I would go?
Without stealing a single kiss from the roses,
Across valleys and forests
I would fly to your half-closed lips,
Flower of my soul, and would die there.
The snow-coloured butterflies
Flutter in swarms over the sea;
Beautiful white butterflies, when will I be able
To follow the blue path of the skies?
8. Float on, pink clouds Georges Boutelleau
Float on, float on, pink clouds,
From the sky that you adorn!
I like gloomy autumns;
Float on, float on . . .
Fly off, fly off, winged leaves,
Chased by the blustery winds:
J’aime les forêts désolées ;
Volez, volez…
Séchez, séchez, gerbes fleuries,
Pavots, bleuets des blés penchés ;
J’aime les campagnes flétries ;
Séchez, séchez…
Mourez, mourez, gaités et charmes,
Rêves brillants, espoirs déçus :
J’aime les cœurs emplis de larmes !
Mourez, mourez, ah ! mourez…
9. Cavalier mongol Poème de Marcel de Lihus
Au galop fou de mon cheval
Je vais par la plaine et le val
Trouvant dans chaque homme un rival
Bon à soumettre ;
Tout sera mongol ici-bas ;
Invincible dans les combats,
Ce qui me gêne, je l’abats ;
Je suis le maître !
La peur pas plus que le remords
I like desolate forests;
Fly off, fly off . . .
Dry up, dry up, flowery sprays,
Leaning poppies and cornflowers;
I like withered countryside;
Dry up, dry up . . .
Die, die, gaieties and charms,
Brilliant dreams, disappointed hopes:
I like hearts filled with tears!
Die, die, ah, die . . .
9. The Mongol Horseman Marcel de Lihus
On my madly galloping horse
I ride over hill and vale
Finding in each man a rival
Fit to be subjected.
All will be Mongol here below;
Invincible in battle,
I strike down all that gets in my way;
I am the master!
Neither fear nor remorse
Au cœur sourdement ne me mord,
Je sème et je brave la mort
Sans épouvante ;
Mon apanage et mon souci,
C’est la bataille sans merci ;
Je suis un pillard endurci
Et je m’en vante !
J’ai l’amour et j’en suis heureux ;
Le ciel de l’Inde est langoureux ;
Tout rendez-vous est savoureux
Sous les platanes ;
J’ai l’amour et je lui souris ;
Mes jardins d’amour sont fleuris
Je vis au milieu des houris
Et des sultanes.
J’ai l’amour et j’en suis heureux ;
Le ciel de l’Inde est langoureux ;
Au galop fou de mon cheval etc.
Silently gnaws at my heart;
I deal out death and brave it
Without fear.
My privilege and my concern
Is merciless combat;
I am a hardened plunderer
And proud of it!
I have love and I am glad of it;
The sky of India is languorous;
Each assignation is delightful
Beneath the plane trees.
I have love and I smile on it;
My gardens of love are rich with flowers;
I live amid houris
And sultanas.
I have love and I am glad of it;
The sky of India is languorous.
On my madly galloping horse etc.
10. Souvenir Auteur inconnu
C’était dans les bois, en avril,
Nous marchions, les mains enlacées,
Mêlant nos rêveuses pensées,
T’en souvient-il ?
Des muguets le parfum subtil
Pénétrait nos âmes ravies ;
Nous avions échangé nos vies…
T’en souvient-il ?
Ô bel ange de mon exil
Reverrai-je encor ton visage ?
Ce temps sans regrets, sans orage
Reviendra-t-il ?
11. Promenade nocturne Poème de Théophile Gautier
La rosée arrondie en perles
Scintille aux pointes du gazon ;
Les chardonnerets et les merles
Chantent à l’envi leur chanson ;
Les fleurs de leurs paillettes blanches
10. Recollection Author unknown
It was in the woods, in April:
We were walking hand in hand,
Mingling our dreamy thoughts;
Do you remember?
The subtle fragrance of lily of the valley
Permeated our ravished souls;
We had exchanged our lives . . .
Do you remember?
O beautiful angel of my exile,
Will I see your face again?
That time without regrets, without storms,
Will it return?
11. Walking at Night Théophile Gautier
The round and pearly dewdrops
Glisten on the blades of grass;
The goldfinch and blackbirds
Ceaselessly sing their song;
The flowers adorn the green border of the path
Brodent le bord vert du chemin ;
Un vent léger courbe les branches
Du chèvrefeuille et du jasmin ;
Et la lune, vaisseau d’agate,
Sur les vagues des rochers bleus
S’avance comme la frégate
Au dos de l’Océan houleux.
Jamais la nuit de plus d’étoiles
N’a semé son manteau d’azur,
Ni, du doigt entr’ouvrant ses voiles,
Mieux fait voir Dieu dans le ciel pur.
Prends mon bras, ô ma bien-aimée,
Et nous irons, à deux, jouir
De la solitude embaumée,
Et, couchés sur la mousse, ouïr
Ce que tout bas, dans la ravine
Où brillent ses moites réseaux,
En babillant, l’eau qui chemine
Conte à l’oreille des roseaux.
With their specks of white;
A light breeze bends the branches
Of the honeysuckle and jasmine;
And the moon, a vessel of agate,
Glides over the waves of the blue rocks
As a frigate sails
On the crest of the stormy ocean.
Never has Night scattered more stars
On her azure mantle,
Nor, drawing her veils half aside with her finger,
Better revealed God in the pure sky.
Take my arm, O beloved,
And we shall go together to enjoy
The balmy solitude
And, lying on the moss, listen
To what, in the ravine
Where its moist confluences glitter,
The babbling, flowing brook
Softly murmurs in the ear of the reeds.
12. Elle est loin Poème de Pierre Barbier
Oh ! le délicieux visage !
Les jeunes traits délicieux !
Dieu sait les maux que me présage
Le plaisir qu’ont goûté mes yeux !
Cette fraîche et mignonne tête,
Regard, sourire, air enfantin,
Exhale un parfum d’âme honnête,
Frais au cœur comme un frais matin.
M’a-t-elle accusé d’insolence ?
Je la regardais fixement,
Et l’amour, glissant en silence,
M’entrait dans l’âme lentement !
Elle est loin ! Mon cœur l’a suivi !
Mon cœur sur ses pas s’est enfui !
Hier j’étais maître de ma vie
Je ne le suis plus aujourd’hui !
12. She is far away Pierre Barbier
Oh, that delightful face!
Those delightful young features!
Lord knows what woes are presaged for me
By the pleasure my eyes have tasted!
That fresh and pretty head,
That glance, that smile, that childlike air,
Exhale the fragrance of an honest soul,
Refreshing the heart like a cool morning.
Did she accuse me of insolence?
I fixed my gaze on her,
And love, silently gliding,
Slowly entered my soul!
She is far away! My heart has followed her!
My heart has fled away in her footsteps!
Yesterday I was master of my life;
I no longer am today!
13. Sans toi Poème d’Élie Brachet
et Paul de Montverdun
Quand je vois tes beaux yeux, mignonne,
Je voix en eux tout mon bonheur
Et les baisers que je te donne
Sont brûlants puisqu’ils sont du cœur.
Je voudrais sans cesse
Vivre près de toi ;
Tu seras pour moi
Toute mon ivresse
Car tu le sais bien
Le monde n’est rien
Sans toi, ma maîtresse !
Quand la brise du soir, ma mie,
Souffle en ta chevelure d’or,
Je sens un parfum d’ambroisie,
Et de volupté qui m’endort.
Je voudrais sans cesse
Vivre près de toi ;
Tu seras pour moi
Toute mon ivresse
Car tu le sais bien
Le monde n’est rien
Sans toi, ma maîtresse !
13. Without You Élie Brachet
and Paul de Montverdun
When I see your lovely eyes, my darling,
I see therein all my happiness,
And the kisses I give you
Are burning, for they come from the heart.
I desire to live
Constantly by your side;
You will be for me
All my rapture,
For well you know
That the world is nothing
Without you, my mistress!
When the evening breeze, my sweetheart,
Wafts through your golden tresses,
I scent a fragrance of ambrosia
And voluptuous delight that lulls me to sleep.
I desire to live
Always by your side;
You will be for me
All my rapture,
For well you know
That the world is nothing
Without you, my mistress!
Allons vers le pays des roses,
Vers le pays des oiseaux bleus
Je te dirai de douces choses,
Fuyons, fuyons vers d’autres cieux ;
Je vivrai sans cesse
Toujours près de toi.
Tu seras pour moi
Toute mon ivresse
Car tu le sais bien
Le monde n’est rien
Sans toi, ma maîtresse.
14. Sonnet Poème d’Estienne de La Boétie
Hélas ! combien de jours, hélas ! combien
de nuits
J’ai vécu loin du lieu, où mon cœur fait
demeure !
C’est le vingtième jour qu’absente je la pleure,
Mais j’ai souffert, vingt jours, plus d’un siècle
d’ennuis.
Je n’en veux mal qu’à moi, malheureux que
je suis,
Si je soupire en vain, si maintenant j’en pleure ;
C’est que, mal avisé, je laissai en mal’heure,
Let us go to the land of roses,
To the land of bluebirds.
I will say sweet things to you.
Let us fly, let us fly to other climes.
I will live constantly,
Always by your side.
You will be for me
All my rapture,
For well you know
That the world is nothing
Without you, my mistress!
14. Sonnet Estienne de La Boétie
Alas, how many days! Alas, how many nights
I have spent far from the place where my heart
resides!
This is the twentieth day that I mourn her
absence,
But in twenty days I have suffered more than a
century of afflictions
I can blame only myself, wretch that I am,
If I sigh in vain, if now I weep;
For, foolishly, I abandoned in misfortune
Her whom I cannot forget anywhere I go.
Celle-là qu’oublier nulle part je ne puis.
J’ai honte que déjà mon front décoloré
Se voie par mes soucis de rides labouré ;
J’ai honte que déjà les douleurs inhumaines
Me courbent sous leur poids sans le congé
du temps.
Encor jeune je suis au compte de mes ans,
Et déjà je suis vieux au compte de mes
peines.
15. Veux-tu les chansons de la plaine ? Auteur inconnu
Veux-tu les chansons de la plaine,
Veux-tu les concerts des grands bois ?
M’a dit l’écho de la fontaine…
« À quoi bon, puisque j’ai sa voix ! »
Veux-tu mon vol et ses ivresses,
Mes ailes qu’on ne peut briser,
Dit le vent ; veux-tu mes caresses ?
« Que m’importe, j’ai son baiser ! »
Veux-tu, dit la comète ardente,
Veux-tu mes rayons et mes feux,
I am ashamed that already my pale brow
Is furrowed by wrinkles of care;
I am ashamed that already cruel torments
Make me bend under their weight without the
leave of time.
I am still young in the reckoning of my years,
But am already old in the reckoning of my
sorrows.
15. Would you have the songs of the plain? Author unknown
‘Would you have the songs of the plain?
Would you have the concerts of the tall woods?’
Said the echo of the fountain to me.
‘What would that avail me, since I have her
voice?’
‘Would you have my flight and its exhilaration,
My wings that cannot be broken?’
Said the wind; ‘would you have my caresses?’
‘What does it matter to me? I have her kiss!’
‘Would you have,’ said the blazing comet,
‘Would you have my rays and my flames?
Veux-tu ma crinière éclatante ?
« Qu’en ferais-je ? J’ai ses cheveux ! »
Veux-tu, dit le chœur des étoiles,
Des clartés qui peuplent les cieux,
Le soleil brillant et sans voiles ?
« Ne sais-tu pas que j’ai ses yeux ? »
Veux-tu, me dit le Dieu de l’onde,
Ces trésors que garde toujours
La mer inquiète et profonde ?
« Je ne veux rien, j’ai son amour ! »
16. Ha ! les bœufs Poème d’Henri Darsay
Ha ! les bœufs ! marchez droit !
Broyez le sol motte par motte,
Sous vos pas, par endroits,
Faites fuir la perdrix qui trotte.
Quand nous serons au bout du champ…
Là-haut, d’où nous verrons la plaine,
Au déclin du soleil couchant,
Viendra la fin de votre peine.
Would you have my dazzling mane?’
‘What would I do with it? I have her hair!’
‘Would you have,’ said the chorus of stars,
‘Amid the lights that people the heavens,
The bright sun, devoid of its veils?’
‘Don’t you know that I have her eyes?’
‘Would you have’, said the god of the watery
realm,
‘Those treasures that the deep and troubled
sea
Always guards in its bosom?’
‘I would have nothing, I have her love!’
16. Ho there, oxen! Henri Darsay
Ho there, oxen! Walk straight!
Break up the soil clod by clod!
Beneath your hoofs, here and there,
Chase away scurrying partridges.
When we get to the end of the field,
Up yonder, from whence we can see the plain
In the rays of the setting sun,
You will be at the end of your labours.
Ha ! les bœufs ! marchez droit !
Bien serrés et d’un pas semblable ;
Grâce à vous le blé croît,
Et son or paiera votre étable.
Le sol est dur mais c’est un jeu
Pour vous de tirer la charrue.
Sans se rebuter pour si peu
Que votre force en soit accrue.
Ha ! les bœufs ! marchez droit !
Que plus tard, la moisson soit belle,
Et nous donne, en surcroît,
Récolte et semence nouvelle.
Ha ! les bœufs ! marchez droit !
17. Chant-Prière pour les Morts de France Paroles de Léon Chadourne
Sanglants ils sont tombés Seigneur, dans la
bataille,
Nos pères, nos enfants, nos frères, nos
époux ;
Et la fosse est étroite et creusée à leur taille,
Où nous viendrons demain prier à deux
genoux.
Ho there, oxen! Walk straight,
Close together and keeping step;
Thanks to you the corn grows,
And its gold will pay for your byre.
The soil is hard, but it is child’s play
For you to draw the plough.
Without being discouraged for so little.
Let your strength be all the greater.
Ho there, oxen! Walk straight,
That, in time, the harvest may be a fine one,
And give us, in addition,
New crop and seed.
Ho there, oxen! Walk straight!
17. Prayer for the Dead of France lyrics by Léon Chadourne
Bloodied they fell, O Lord, in battle,
Our fathers, our children, our brothers, our
husbands;
And the grave is narrow and dug to fit them tightly,
Where we will come tomorrow to pray on both
knees.
Vers la tombe sans fleurs où nos aimés
reposent,
Vers la fragile croix veillant celui qui dort
Volez, chers souvenirs, et sur ces lèvres
closes,
Bien doucement, donnez notre baise, aux
morts.
Jésus, toi qui marchas sans peur vers l’agonie
Et, loin de fuir la mort, la reçus dans tes bras,
Accueille dans la paix de ta gloire infinie
Les héros endormis face au ciel bleu… là-bas.
Dis-leur : « Debout ! venez, ô vous morts
pour vos frères,
– Toute tache est lavée aux flots purs de mon
sang –
Et montez, embrassant la croix de vos
calvaires,
Vers le ciel qui s’entr’ouvre et Dieu qui vous
attend ».
Towards the unflowered tomb where our
loved ones lie,
Towards the frail cross watching over him who
sleeps,
Fly, dear memories, and upon those closed lips,
Very gently, place our kiss to the dead.
Jesus,
thou who didst walk without fear towards
thine Agony
And, far from fleeing death, didst receive it in
thine arms,
Welcome to the peace of thine infinite glory
The heroes who fell asleep facing the blue sky
– over yonder.
Say to them: ‘Rise up! Come, O you who died
for your brothers!
All stains are washed away in the pure stream
of my blood.
Mount now, kissing the cross of your calvaries,
Towards heaven as it opens and God who
awaits you.’
18. Vieille Chanson Poème de Guy Le Coat,
Vicomte de Kervéguen
Lucette allait chantant,
Dans le pré verdoyant,
Ramassant violettes,
Liserons pâquerettes ;
Puis au bord des ruisseaux
Là-bas près des ormeaux,
Lucette sur les ondes
Voyait ses tresses blondes
Et du fond des buissons
S’envolaient des chansons.
Toute chose sur terre
Se parait pour lui plaire,
Le soleil radieux
Qui scintillait aux cieux,
Par sa clarté si pure,
Éclairait la nature.
Et Lucette chantant,
Dans le pré verdoyant,
Revenait au village,
Le cœur doux et volage.
18. An Old Song Guy Le Coat,
Vicomte de Kervéguen
Lucette went out singing
Into the verdant meadow,
Gathering violets,
Bindweed and daisies;
Then, on the edge of the stream
Over yonder, near the elms,
Lucette saw her blonde tresses
In the water,
And from within the bushes
Songs soared upwards.
All things on earth
Put on their finery to delight her,
The radiant sun
Shining in the skies
With its pure brightness
Illuminated Nature.
And Lucette, singing
In the verdant meadow,
Returned to the village,
Her heart sweet and flighty.
19. Si le roi m’avait donné Auteur inconnu
Si le roi m’avait donné
Paris sa grand’ ville
Et qu’il m’eût fallu quitter
L’amour de ma mie
J’aurais dit au roi Henri
Reprenez votre Paris
J’aime mieux ma mie,
Ô gué
J’aime mieux ma mie !
Or le roi n’m’a pas donné
Paris sa grand’ ville
Mais il m’a fallu quitter
L’amour de ma mie
Et j’ai dit au roi Henri
Laissez-moi mourir ici
J’ai perdu ma mie
Ô gué
J’ai perdu ma mie.
19. If the King had given me Author unknown
If the King had given me
His great city of Paris
And I had been obliged to abandon
My darling’s love,
I would have said to King Henry,
Take back your Paris!
I prefer my darling,
Oh woe,
I prefer my darling!
Now the King has not given me
His great city of Paris,
But I have had to abandon
My darling’s love,
And I said to King Henry,
Let me die here!
I have lost my darling,
Oh woe,
I have lost my darling.
20. La Pernette Recueilli par Horace de Callias
La Pernette se lève,
La la la la la la
La Pernette se lève,
Plus matin que le jour.
Ell’ prend sa quenouillete,
La la la la la la
Ell’ prend sa quenouillete,
Son joli petit tour.
Chaque tour qu’elle mène,
La la la la la la
Chaque tour qu’elle mène,
Pousse un soupir tout doux.
Ne soupirez pas belle,
La la la la la la
Ne soupirez pas belle,
Car nous vous marierons.
Avec le fils d’un prince,
La la la la la la
Avec le fils d’un prince,
Ou celui d’un baron.
20. Pernette folksong collected by Horace de Callias
Pernette gets up,
La la la la la la
Pernette gets up
Early in the morning.
She takes up her distaff,
La la la la la la
She takes up her distaff,
Her pretty little spindle.
Every time she turns it,
La la la la la la
Every time she turns it
She utters a gentle sigh.
Don’t sigh, fair one,
La la la la la la
Don’t sigh, fair one,
For we’ll marry you off,
With the son of a prince,
La la la la la la
With the son of a prince
Or the son of a baron.
J’ne veux ni l’fils d’un prince,
La la la la la la
J’ne veux ni l’fils d’un prince,
Ni celui d’un baron.
Je veux mon ami Pierre,
La la la la la la
Je veux mon ami Pierre,
Qui est dans la prison.
Tu n’auras pas ton Pierre,
La la la la la la
Tu n’auras pas ton Pierre,
Nous le pendolerons.
Si vous pendolez Pierre,
La la la la la la
Si vous pendolez Pierre,
Pendolez-moi aussi.
Au chemin de Saint-Jacques,
La la la la la la
Au chemin de Saint-Jacques,
On nous enterrera.
Couvrez Pierre de roses
La la la la la la
Couvrez Pierre de roses
I want neither the son of a prince,
La la la la la la
I want neither the son of a prince
Nor the son of a baron.
I want my sweetheart Pierre,
La la la la la la
I want my sweetheart Pierre,
Who is in prison.
You won’t have your Pierre,
La la la la la la
You won’t have your Pierre,
We’ll hang him.
If you hang Pierre,
La la la la la la
If you hang Pierre,
Then hang me too.
On the Way of St James,
La la la la la la
On the Way of St James
They will bury us.
Cover Pierre with roses
La la la la la la
Cover Pierre with roses
Et moi de toutes fleurs.
Chaque passant qui passe
La la la la la la
Chaque passant qui passe
Y prendra une fleur.
21. Couplets de Chérubin Poème de Pierre-Augustin Caron
de Beaumarchais
Auprès d’une fontaine,
Que mon cœur, mon cœur a de peine,
Songeais à ma marraine,
Sentais mes pleurs couler.
Sentais mes pleurs couler,
Prêt à me désoler :
Je gravais sur un frêne,
Que mon cœur, mon cœur a de peine,
Sa lettre dans la mienne,
Le roi vint à passer.
Le roi vint à passer,
Ses barons, son clergé,
Beau page, dit la reine,
Que mon cœur, mon cœur a de peine,
And me with all kinds of flowers.
Each passer-by that passes,
La la la la la la
Each passer-by that passes
Will take a flower there.
21. Cherubino’s Song Pierre-Augustin Caron
de Beaumarchais
Beside a fountain
(How my heart, my heart is sorrowful!)
I was thinking of my godmother
And felt my tears flow.
I felt my tears flow,
Was ready to grieve:
I carved on an ash tree
(How my heart, my heart is sorrowful!)
Her initial in mine,
When the King passed by.
The King passed by,
His barons, his clergy.
Fair page, said the Queen,
(How my heart, my heart is sorrowful!)
Qui vous met à la gêne ?
Qui vous fait tant pleurer ?
Qui vous fait tant pleurer ?
Nous faut le déclarer.
Madame et souveraine,
Que mon cœur, mon cœur a de peine,
J’avais une marraine,
Que toujours adorais.
22. Ballade Poème d’André Theuriet
Le brick n’eut pas sitôt sombré
Avec ses grands mâts et ses voiles
Que tout le ciel fut éclairé
À la lueur de mille étoiles.
On vit sainte Azénor volant
Sur mer ainsi qu’un goéland ;
La sainte prit dans l’algue verte
Le capitaine à demi-mort.
Et sur son aile large ouverte
Le conduisit droit jusqu’au port ;
Réveille-toi beau capitaine
Voici ta ville et ton domaine !
Sitôt qu’il fût dans son château
Who torments you so?
Who makes you weep so?
Who makes you weep so?
You must tell us.
My Sovereign Lady,
(How my heart, my heart is sorrowful!)
I had a godmother,
Whom I always adored.
22. Ballad André Theuriet
The brig had no sooner foundered
With its tall masts and its sails
Than the whole sky shone
With the light of a thousand stars.
St Azenor was seen, flying
Over the sea like a gull;
The saint plucked from the green seaweed
The half-dead captain.
And on her wide extended wing
She bore him to harbour:
Awake, handsome captain,
Here is your town and your estate!
As soon as he came to his castle,
Trois fois sur la porte fermée
Sa main fit sonner le marteau,
Sèche tes pleurs ma bien-aimée.
Celui que tu croyais perdu
Sainte Azénor te l’a rendu.
23. Pourquoi ? Poème de Georges Boutelleau
La rose à l’aube qui se dore
S’ouvre pleine d’un vague effroi ;
Va-t-elle survivre à l’aurore ?
Fleurir…
Pourquoi ?
Les lèvres disent les tendresses
Des nids qu’avril met en émoi ;
Octobre éteindra ces ivresses
Chanter…
Pourquoi ?
Le cœur se livre au cœur qui passe
Et rêve l’immortelle foi ;
La foi meurt et le cœur se glace
Aimer…
Pourquoi ?
Three times against the locked door
Her hand struck the knocker:
Dry your tears, my beloved.
He whom you thought lost
Is restored to you by St Azenor.
23. Why? Georges Boutelleau
The rose that is gilded by dawn
Opens full of vague dread;
Will it survive daybreak?
Flower?
Why?
Lips express the tenderness
Of the nests that April stirs;
October will extinguish those raptures.
Sing?
Why?
The heart gives itself to another heart that passes
And dreams of immortal fidelity;
Fidelity dies and the heart grows chill.
Love?
Why?
Considéré comme un des meilleurs interprètes
de sa génération, Tassis Christoyannis est
particulièrement apprécié pour ses qualités de
musicien et de comédien. Né à Athènes, il étudie
le piano, le chant, la direction d’orchestre et la
composition au Conservatoire d’Athènes et se
perfectionne ensuite auprès d’Aldo Protti.
Après avoir été membre de la troupe de l’Opéra
d’Athènes, il intègre celle du Deutsche Oper am
Rhein de Düsseldorf, où il chante Monteverdi,
Mozart, Rossini, Verdi, Puccini... Il poursuit
actuellement sa carrière en « freelance » et se
produit sur les grandes scènes européennes :
opéras de Paris, Vienne, Berlin, Genève,
Bruxelles, Amsterdam, Strasbourg, Bordeaux,
Francfort, Londres et New York, Festival de
Glyndebourne... et ce dans les grands rôles des
répertoires italien, français et russe.
Tassis Christoyannis est un interprète
recherché pour le répertoire de la mélodie et
du lied. Il est également compositeur (concerts,
théâtre, danse).
Regarded as one of the finest baritones of his
generation, admired for his acting skills and his
musicality, Athens-born Tassis Christoyannis
studied piano, singing, conducting and com-
position at the Athens Conservatory, before going
on to specialise in the Italian repertoire with the
baritone Aldo Protti.
After several years as a member of the Greek
National Opera in Athens, he joined the Deutsche
Oper am Rhein in Düsseldorf, where he took major
roles in works by Monteverdi, Mozart, Rossini,
Verdi, Puccini and others. Now freelance, he sings
the principal baritone roles in Italian, French and
Russian works at opera houses and festivals all over
Europe, including Paris, Vienna, Berlin, Geneva,
Glyndebourne, Brussels, Amsterdam, Strasbourg,
Bordeaux, Frankfurt, London, New York.
Tassis Christoyannis is also much in demand for
his skills as a song recitalist. He is also a composer
(concerts, dance, theatre).
Tassis Christoyannis
Pianiste et compositeur, Jeff Cohen (né à
Baltimore) mène une carrière où se mêlent
des répertoires et des genres habituellement
séparés. Il se produit et enregistre avec des
artistes tels Roberto Alagna, June Anderson,
Jane Birkin, Angela Gheorghiu, Ivry Gitlis, Ute
Lemper ou Mady Mesplé. Il a travaillé avec de
prestigieux chefs d’orchestre (Myung Whun
Chung, Mark Elder, Christopher Hogwood,
Michel Plasson, Georg Solti…) et metteurs en
scène (Peter Brook, Patrice Chéreau, Roman
Polanski, Giorgio Strehler). Il compose des
musiques de scène et de cinéma, et a conçu et
animé une émission télévisée pour les enfants
(Jeff d’orchestre). Il est actuellement professeur
au Conservatoire de Paris et directeur artistique
des Saisons de la Voix à Gordes, dans le Luberon.
Il a été nommé Officier des Arts et des Lettres
en 2013.
Jeff Cohen
The pianist and composer Jeff Cohen (born in
Baltimore) devotes his talents to an impressively
wide variety of genres and repertoires. As a pianist
he has worked and recorded with singers Roberto
Alagna, Angela Gheorghiu, June Anderson, Mady
Mesplé, Jane Birkin and Ute Lemper, amongst
others, and with instrumentalists including
violinist Ivry Gitlis. He has worked with well-known
conductors such as Myung Whun Chung, Mark
Elder, Christopher Hogwood, Michel Plasson and
Georg Solti, and with prominent stage directors
Peter Brook, Patrice Chéreau, Roman Polanski and
Giorgio Strehler. He also composes original music
for stage and screen. A few years ago he devised and
presented a children’s television programme (Jeff
d’Orchestre). Jeff Cohen is currently professor
at the Paris Conservatoire and artistic director of
Les Saisons de la Voix, held in Gordes (Vaucluse).
He became an Officer of the French Order of Arts
and Letters in 2013.
Le Palazzetto Bru Zane – Centre de musique
romantique française a pour vocation de
favoriser la redécouverte du patrimoine musical
français du grand XIXe siècle (1780-1920) en lui
assurant le rayonnement qu’il mérite. Installé
à Venise, dans un palais de 1695 restauré
spécifiquement pour l’abriter, ce centre est
une réalisation de la Fondation Bru. Il allie
ambition artistique et exigence scientifique,
reflétant l’esprit humaniste qui guide les actions
de la fondation. Les principales activités du
Palazzetto Bru Zane, menées en collaboration
étroite avec de nombreux partenaires, sont la
recherche, l’édition de partitions et de livres, la
production et la diffusion de concerts à l’interna-
tional, le soutien à des projets pédagogiques et la
publication d’enregistrements discographiques.
bru-zane.comBru Zane Classical Radio – the French Romantic music webradio:
classicalradio.bru-zane.comBru Zane Mediabase – digital data on the nineteenth-century French repertory:
bruzanemediabase.com
The vocation of the Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française is to favour the rediscovery of the French musical heritage of the years 1780-1920 and obtain international recognition for that repertoire. Housed in Venice in a palazzo dating from 1695, specially restored for the purpose, the Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française is one of the achieve-ments of the Fondation Bru. Combining artistic
ambition with high scientific standards, the Centre reflects the humanist spirit that guides the actions of that foundation. The Palazzetto Bru Zane’s main activities, carried out in close collaboration with numerous partners, are research, the publication of books and scores, the production and international distribution of concerts, support for teaching projects and the production of CD recordings.
PALAZZETTO BRU ZANECENTRE DE MUSIQUE ROMANTIQUE FRANÇAISE
Il Tempo che rapisce la Verità, Sebastiano Ricci – Palazzetto Bru Zane © ORCH_Chemollo
Full catalogue available at - Tout notre catalogue sur
apartemusic.com
Also available - Également disponibles