medecines alternatives soins infirmiers

7/29/2019 Medecines Alternatives Soins Infirmiers

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BulleS - N105 - 1er trimestre 2010 17

decines alternatives et soinsinrmiers

M

En 2004, Bulles (n84), avait dj consacr un article aux inrmires qui, par

leur contact quotidien avec la maladie et la souffrance, sont particulirement

vulnrables aux drives thrapeutiques et sectaires. Le prsent article revient

sur la question de la place des soins alternatifs dans la formation de ces

personnels.

Depuis plusieurs annes, les inrmires franaises semblent partages au

sujet des mdecines alternatives, beaucoup se posant la question de loppor-tunit de les introduire dans la formation professionnelle, initiale ou continue.

Les unes y voient en effet un domaine propre enrichir les soins inrmiers,

amoindrissant ainsi leur stricte dpendance la mdecine (nombre dinrmires

enseignantes et librales, entre autres) ; dautres sont critiques, telle cette

inrmire cadre hospitalier salarmant, dans les annes 90, de voir arriver des

jeunes diplmes qui avaient surtout appris grer le stress des patients mais

ignoraient tout des soins techniques durgence. Dautres encore sont opposes,

telle cette inrmire enseignante ayant refus denseigner des mdecines alter-

natives comme soins inrmiers.

Le propos de cet article nest pas dtablir une liste de ces mdecines et thra-

pies, aussi nombreuses que varies, ni de faire une tude qualitative de chacune

delles pour valuer leur pertinence dans un cursus professionnel aboutissant

un diplme dEtat, mais il est douvrir des pistes de rexion pour rpondre au

mieux la question quil est lgitime de se poser.

Etat des lieux

Depuis les annes daprs guerre, la mdecine occidentale a accompli des progrs

scientiques considrables et a ainsi contribu faire progresser une esprance de

vie jusque l jamais atteinte. Cest pourtant dans ce contexte que sont paradoxa-

lement apparues de nouvelles mdecines dans le paysage de la sant : non conven-

tionnelles, selon le terme retenu par la Commission europenne et par le ministre

de la Sant, elles se disent mdecines alternatives, douces, complmentaires, natu-


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relles, parallles ou holistiques Elles ont en commun certaines caractristiques :

Elles se dveloppent sur fond de contestation de la mdecine ofcielle

dont elles se veulent concurrentes, et prtendent la reconnaissance.

Sont reprochs la mdecine ofcielle ses checs (elle ne gurit pas tout),

son agressivit, son hgmonie, le fait quelle ne traiterait que des symp-tmes et non les causes des maladies et quelle ne sintresserait quaux

organes en ngligeant la totalit de la personne.

Elles se dsignent sous divers nologismes aux apparences savantes, certains

consonance orientale et/ou fabriqus partir demprunts la science m-

dicale dont la terminologie est depuis toujours issue du grec : les dsinences

telles que thrapie, logie, pathie, servent ainsi spcier un pouvoir soi-

gnant et gurisseur. On peut tout inventer en fabriquant des mots de cette

faonmais ce nest pas la preuve dune validation scientique.

Les modes opratoires des mdecines alternatives sont ns de certaines

ides qui passeraient pourgniales, parfois mme de rvlations. Censes,

pour certaines au moins, tout gurir mme les maladies les plus graves,

on pourrait en faire un inventaire la Prvert tant leurs pratiques de soins

sont diverses et varies : mdicaments miracles, rgimes alimentaires

inhabituels, pratiques proches de rites magico-religieux et/ou mystico-so-

triques, psychotechniques pseudo-psychanalytiques vise de modica-tion des comportements

Les mdecines alternatives sont devenues ainsi une vritable industrie et

un march prospre de lagurison tout prix(comme tous les prix). Leur

promotion se fait sur Internet, dans des revues, par courriers, lors de salons,

de sessions de formation permanente ou de stages de dveloppement per-

sonnel, mais aussi par le bouche--oreille.

Risques et dangers

La dissuasion du recours la mdecine ofcielle.

Dans les cas de pathologies physiques :

Les exemples ne manquent pas de charlatans qui ont dissuad leurs clients de

sen remettre un mdecin dment diplm, soit trs explicitement en pro-


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mettant la gurison par les seuls moyens de leurs patamdecines 1, soit im-

plicitement, en laissant entendre (pour se protger) que le patient est libre

davoir recours la mdecine ofcielle dans le mme temps dcrdibilise.

Il arrive que des dfauts ou des retards de diagnostics, et donc de soins appro-

pris, conduisent des dcs pour des pathologies que la mdecine aurait puparfaitement gurir ; il sagit l de crimes, condamnables par la loi franaise et

ayant dj donn lieu condamnations.

Dans les cas de pathologies mentales ou de troubles de la personnalit :

Il est plus facile de prouver quil y a eu abus dans les cas de maladies phy-

siques car le statut de mdecin est protg et lOrdre des mdecins exerce

une veille, mais cest beaucoup plus difcile dans les cas de troubles psychi-

ques. Malgr la rcente modication lgislative rglementant la profession de

psychothrapeute2, il existe encore en France de nombreux psychothrapeutes

autoproclams dont certains prfrent se prsenter comme coachs , terme

plus porteur aujourdhui mais non rglement ! Ces pseudo thrapeutes sont

en gnral ignorants de la psychopathologie et leurs traitements peuvent avoir

sur les demandeurs de soins des effets destructeurs, en abusant de leur mal-tre

et de leur crdulit.

Les drives sectaires

Dj, dans le Rapport parlementaire sur les sectes en 1995, les dputs avaient

relev que sur 173 groupes analyss, 65 prsentaient un volet gurisseur principal

et le reste un volet gurisseur secondaire. Cest dire tout lintrt que trouvent

les sectes semparer des mdecines alternatives pour recruter des adeptes.

Il faut signaler que les acteurs de ces drives peuvent tout aussi bien tre des

professionnels de la sant, mdecins comme paramdicaux, qui se sont laisss

sduire par quelque gourou porteur dun message de salut.

Lillusion du tout psychologique

Pour ceux qui dfendent cette approche, les maladies (y compris des maladies

graves) sont systmatiquement et exclusivement dues des conits psycholo-

giques quil faut rsoudre par une psychothrapie, sans recourir la mdecine

Jean Marie ABGRALL, Les charlatans de la sant , Ed. Documents Payot, 998. Ce terme, non acadmi-

que, est tir de la pataphysique dAlfred Jarry, la science des solutions imaginaires.

Voir page 9

Martine MAURER, Psychothrapies, dmocratie et loi , Ed. Mare et Martin, 005 Lauteur, ancienne

inrmire, est devenue psychologue la suite dexpriences malheureuses dans diverses pseudo thrapies.


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mme psychiatrique.Cest une dformation plus quabusive de la mdecine

psychosomatique pour laquelle une participation du psychisme dans certaines

pathologies est reconnue bien que non mesurable. Lorigine multifactorielle des

maladies est aujourdhui une vidence mdicale.

La prtention holistique

Le principe fondamental de cette approche, cense soigner la personne dans

sa totalit, repose sur le principe fondamental que pour atteindre un tat de

mieux tre optimal, le corps, lme et lesprit doivent tre en harmonie et que

les dimensions physique, environnementale, motionnelle, spirituelle et sociale

de nos vies doivent tre quilibres.. Et la maladie, dans cette perspective, peut

tout aussi bien provenir dun problme spirituel quil faudra rgler pour gurir.

Cette approche holistique a pour incidence de donner un pouvoir absolu au th-rapeute qui est tout la fois mdecin du corps, de lesprit et de lme. En plus de

mdecin du corps, il devient psychothrapeute, matre spirituel, coach de vie .5

Il semble plus raliste dafrmer que la spiritualit dune personne nest du

ressort ni du mdecin ni de celui du psychothrapeute ou du coach, et pas plus de

celui des paramdicaux, sauf faire sombrer les patients avec leurs gourous dans

la confusion du psychique et du spirituel, ce qui a dj fait bien des dgts.6

La confusion entre sant et bien-tre

Sil est vrai que lOrganisation Mondiale de la Sant (OMS) a parl dun tat

de complet bien-tre au sujet de la sant, il est clair quen aucun cas elle

na voulu rduire la sant un bien-tre hdoniste et individualiste, donnant

une lgitimit toutes sortes dapproches psychologisantes, de dveloppement

personnel et autres inspires de lidologie du New age et de son nouveau pa-

radigme larrive de lre du Verseau dite re dharmonie, de paix et de

bonheur. Il ne sagirait l que dun luxe de ressortissants des pays nantis, peu

soucieux des problmes de populations affames ou affaiblies par des dictatures

et dont la proccupation est avant tout de survivre !

Dnition donne sur de nombreux sites internet ddis aux techniques du bien-tre

Rapport du colloque national organis par le Groupement dEtudes des Mouvements de Pense en vuede la Prvention de lIndividu (GEMPPI) en octobre 2007 Principes dassujettissement et dinuence pardes mcanismes mentaux ou manipulation mentale : approche thique .

BULLES n 9, dcembre 2007, p.11 : Vie psychique et vie spirituelle, fusion et confusion


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Malgr la recherche dune caution scientique, le bien-tre reste une notion

subjective qui ne peut se passer de la mdecine conventionnelle, de ses bases

scientiques et de ses avances.

Conclusion

Toutes les mdecines alternatives et leurs applications ne prsentent pas les m-

mes risques, mais il semble gnralement plus appropri de parler de mdecines

complmentaires, laissant ainsi la mdecine ofcielle sa place indispensable.

Si chacun est libre davoir recours des soins alternatifs (libert qui sapparen-

te bien souvent une libert de croyance), la prudence est cependant attendue

comme une qualit majeure de la part des soignants en gnral.

Linrmire est ainsi forme pour reprer les signes de gravit et envoyer le

patient au mdecin, seul habilit tablir un diagnostic et ordonner une thra-

peutique. Elle est, par ailleurs, dans son rle dducatrice de sant, en informant

ses patients des risques quils courent refuser la mdecine conventionnelle.

Si en aucun cas le soin inrmier ne peut tre assimil une de ces mdecines

alternatives, ou confondu avec une pratique qui en dpend, il semble par contre

ncessaire que les inrmires soient informes de ce fait de socit en pleinevolution et apprennent en discerner les risques.