lungu badea

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Buletinul Ştiinţific al Universităţii “Politehnica” din Timişoara Tom 1 (1) Seria Limbi moderne 2002 L’adaptation Stratégie de traduction : entre norme et création Georgiana LUNGU BADEA Abstract Adaptation is a frequent translation strategy meant, by definition, to facilitate communication and the accsess to information. It can be noticed that in different degrees, the metalanguage of the translation studies, a science in a continuous evolution, is not univoque, and it can lead to ambiguous remarques. That is why we are going to analyse the concept of adaptation both as a strategy and as a translation procedure. Rezumat Adaptarea este o strategie de traducere frecventă, destinată, prin definiţie, a facilita comunicarea şi accesul la informaţie. Se poate constata, în diferite grade, că metalimbajul traductologiei, ştiinţă în continuă devenire, nu este cuprins încă într-o formă fixă şi produce efecte variabile, uneori confuze. În acest sens, am luat în considerare cazul conceptului de adaptare, folosit pentru a desemna atât strategia de traducere, cât şi procedeul de traducere care poate apărea în orice tip de traducere. Généralités L’objectif général de notre étude est de définir - à travers une approche générale des stratégies de traduction- l’adaptation, terme qui appartient au métalangage de la traductologie. Les objectifs particuliers consistent à faire connaître, selon le contexte, les acceptions de ce terme : l’adaptation comme stratégie de traduction et l’adaptation en tant que procédé de traduction. Au choix de la stratégie de traduction concourent plusieurs facteurs : d’une part, les facteurs qui définissent et gouvernent les conditions de production du texte (discours) et, implicitement, du sens (intention, finalités, etc.); et, d’autre part, les facteurs qui influent sur les conditions de réception du sens véhiculé par le texte (effets, réactions à la lecture, etc.). A ces facteurs, il faut ajouter, les contraintes éditoriales et commerciales (le public cible visé) et le goût de l’époque de la traduction qui tous Chargé de cours à la Chaire de langues modernes de l’Université « Politehnica » de Timisoara. 54

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Definir les culturemes

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Page 1: Lungu Badea

Buletinul Ştiinţific al

Universităţii “Politehnica” din Timişoara

Tom 1 (1) Seria Limbi moderne 2002

L’adaptation Stratégie de traduction : entre norme et création

Georgiana LUNGU BADEA Abstract Adaptation is a frequent translation strategy meant, by definition, to facilitate communication and the accsess to information. It can be noticed that in different degrees, the metalanguage of the translation studies, a science in a continuous evolution, is not univoque, and it can lead to ambiguous remarques. That is why we are going to analyse the concept of adaptation both as a strategy and as a translation procedure. Rezumat Adaptarea este o strategie de traducere frecventă, destinată, prin definiţie, a facilita comunicarea şi accesul la informaţie. Se poate constata, în diferite grade, că metalimbajul traductologiei, ştiinţă în continuă devenire, nu este cuprins încă într-o formă fixă şi produce efecte variabile, uneori confuze. În acest sens, am luat în considerare cazul conceptului de adaptare, folosit pentru a desemna atât strategia de traducere, cât şi procedeul de traducere care poate apărea în orice tip de traducere.

Généralités

L’objectif général de notre étude est de définir - à travers une approche générale des

stratégies de traduction- l’adaptation, terme qui appartient au métalangage de la

traductologie. Les objectifs particuliers consistent à faire connaître, selon le contexte, les

acceptions de ce terme : l’adaptation comme stratégie de traduction et l’adaptation en tant

que procédé de traduction. Au choix de la stratégie de traduction concourent plusieurs

facteurs : d’une part, les facteurs qui définissent et gouvernent les conditions de production

du texte (discours) et, implicitement, du sens (intention, finalités, etc.); et, d’autre part, les

facteurs qui influent sur les conditions de réception du sens véhiculé par le texte (effets,

réactions à la lecture, etc.). A ces facteurs, il faut ajouter, les contraintes éditoriales et

commerciales (le public cible visé) et le goût de l’époque de la traduction qui tous

Chargé de cours à la Chaire de langues modernes de l’Université « Politehnica » de Timisoara.

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influencent le but de la traduction. En fonction du poids de l’un ou de l’autre type de

contrainte, le traducteur établira sa stratégie de traduction : communicative (stratégie

centrée sur le destinataire) ; sémantique (stratégie qui vise surtout le transfert du sens) ;

littérale (stratégie fidèle surtout à la langue source) ; libre ou l’adaptation (stratégie de

traduction qui s’écarte de la stricte conformité à la lettre, v. Delisle, 1993 : 48). Une autre

stratégie, plus complexe que les quatre type déjà présentés, fréquente dans la traduction des

textes littéraires anciennes ou non, mais où l’on retrouve nombre d’insertion intertextuelles

et métatextuelles, est désignée par le nom de traduction érudite ou commentée (A. Hurtado

Albir, 1990).

L’adaptation. Définitions et acceptions

a. L’adaptation - stratégie de traduction

Nous préférons le terme stratégie de traduction, imposé et utilisé par les

traductologues francophones, au terme méthode de traduction, présent dans la

traductologie anglophone. Comme toute stratégie de traduction, l’adaptation est

déterminée par certains facteurs. Au sens général, l’adaptation est la stratégie de traduction

qui consiste à privilégier les thèmes du TS, indépendamment de la manière dont les thèmes

sont traités et analyser (Delisle, 1993 : 19). Selon le type de texte à traduire et sa finalité

présumée, on peut établir plusieurs catégories d’adaptation : adaptation publicitaire,

adaptation théâtrale, adaptation de prose. La dernière fera l’objet de notre analyse dans ce

qui suit.

L’adaptation des textes littéraires est-elle vraiment de la traduction ou de la

réécriture ? L’adaptation est une transformation majeure, une pratique de transfert

linguistique qui trahit volontairement, car elle est délibérément choisie, la fidélité à la

forme, ce qui entraîne implicitement la perte d’une certaine partie du contenu.

L’adaptation se centre sur des équivalences. Même si de façon indirecte, la voix du

traducteur est manifeste parce qu’il fait le découpage des idées thématisées selon sa lecture

et son bagage cognitif, son horizon d’attente et les relations d’intertextualités telles qu’il

saisit. Les figures de traduction s’absentent, ce n’est pas de la traduction proprement dite.

Il s’agit surtout d’une réécriture-résumé. Des enjeux habituels de la traduction, c’est le titre

qui reste, dont le statut et les fonctions sont rigoureusement respectés. Nombre de

dilemmes disparaissent, pour le traducteur qui doit adapter un texte. Ne pas traduire tel ou

tel élément de culture et civilisation ? Si l’on l’adapte alors on l’acculture. Il ne faut non

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plus, le traduire littéralement, car s’il y a de l’équivalence culturelle (adaptation, procédé

de traduction), alors on résout tout.

L’aspect visuel (italiques, parenthèses, guillemets, majuscules, points et visuels) ne

peut plus être restitué dans une traduction adaptation, parce qu’elle a comme objectif

essentiel de transmettre un message, dans un habit moins élaboré et sophistiqué que celui

du TS. Il ne s’agira non plus d’ajouts, ni de gloses ou de notes explicatives. En revanche,

les suppressions du soi disant superflu seront fréquentes. Les procédés syntaxiques seront

très bien illustrés dans une traduction-adaptation. La modification de l’organisation

discursive du TS se manifeste par les transpositions propositionnelles, les mots-outils les

déterminants et les sujets, mais aussi par la substantivation et la transposition.

b. L’adaptation – procédé de traduction

L’adaptation, au sens restreint, définit le « procédé de traduction qui consiste à

remplacer une réalité socioculturelle de la langue source (LS) par une autre propre à la

socioculture de la langue cible (LC) » (Delisle, 1993 : 19). Pour illustrer cette définition, J.

Delisle donne l’exemple suivant : cyclisme (France), baseball (Etats Unis), hockey

(Canada), oinà, « jeu de balle roumain » (Roumanie). Ces pratiques sportives représentent

le sport national des pays mentionnés entre les parenthèses, donc un symbole qui pour les

passionnés du genre devrait faciliter le décodage du sens, repérant à la fois le pays

d’origine. L’adaptation (procédé) se réalise à plusieurs niveaux, mais elle s’intègre dans

une situation de communication donnée, résultat de l’interaction du traducteur et du texte.

Prenons l’exemple :

TS : «Voici de bonnes provisions. En effet nous buvions en chiches, buvons maintenant en Suisses » (Rabelais, 1965 : 237). TC : « Belşug de bucate; o să tragem duştile cătinele, nu cum beau cătanele» (Rabelais, 1989 : 114).

Il est a souligner que par l’adaptation fr. nous buvions en chiches, buvons maintenant

en Suisses, roum. o să tragem duştile cătinele, nu cum beau cătanele, les traducteurs

établissent une équivalence culturelle et pragmatique, ajustée selon les connaissances du

public visé. Ils restent fidèles à l’information véhiculée par le TS et respectent, en même

temps, le registre de langue, même si la l’étrangeté (Suisses) se dissipe.

Etude de cas : François Rabelais, Gargantua et Pantagruel

Nous avons choisi le chapitre sur la naissance de Pantagruel, De la nativité du très

redouté Pantagruel, tiré de Gragantua et Pantagruel de Rabelais (1965 : 234-238 et

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1989 :113-114, version roumaine adaptée pour les enfants par Ileana et Romul Vulpescu).

La manière d’adapter choisie par ces traducteurs est complexe. Elle repose aussi bien sur

une interprétation du processus de lecture, démontrant que les traducteurs de ces aventures

connaissent à fond l’intention de la culture source, mais sans défranciser l’œuvre, que sur

le souci de préserver l’étrangeté formelle du TS. Prenons l’exemple suivant :

TS : Et parce que c’est en ce jour même que naquit Pantagruel, son père lui donna ce nom : car panta en grec, signifie tout, et gruel en mauresque, signifie altéré, et voyant, par esprit prophétique, qu’il dominerait un jour les altérés, ce qui fut montré à ce moment même par un autre signe plus évident (Rabelais, 1965 :235-236). TC : Şi, cum vă spuneam, fiindcă într-asemenea vreme i s-au născut feciorul, Gargantua s-a hotărât să-i zică Pantagruel, panta însemnând în greceşte „totul”, iar gruel, pe limba agarenilor tălmăcindu-se „însetat”, ceea ce se dovedi mai târziu a fi fost şi o profeţie, arătând că Pantagruel va fi mai mare peste însetaţi (Rabelais, 1989 : 113-114).

Il convient de souligner le refus des stratégies d’assimilation, semblables à l’emprunt

selon M. Ballard (2001 : 47-48), dans le transfert des noms propres qui garde leur fonction

d’identificateur social et la densité culturelle source. Il ne s’agit pas d’une assimilation,

mais il n’en est question non plus d’une transcription phonétique. Le caractère ludique de

la création lexicale rabelaisienne, bâtie à partir des noms communs, le grec, panta et

l’arabe, gruel, qui servent de base à la création du nom propre, Pantagruel, se retrouve

dans la traduction. L’exemple cité montre que même dans la traduction-adaptation il y a

des éléments qui subissent le traitement de transfert linguistique traditionnel.

Cependant, il y a des modifications, dues au choix de cette stratégie de traduction.

Dans l’exemple susmentionné, il est à noter l’alternance des italiques et des guillemets

dans le texte cible, alors que dans le texte source, seules les italiques sont utilisés. Mais ces

modifications de l’aspect visuel n’altèrent point le sens. La position des traducteurs qui

adaptent un texte source est instable, tantôt ils respectent le texte et l’intention de l’auteur,

tantôt ils insèrent le métatexte dans le texte. Par conséquent, la voix des traducteurs ne se

distingue plus nettement de la voix de l’auteur, ils prennent au sérieux leur rôle de

conteurs, s’identifiant à l’auteur :

TS : Et parce que c’est en ce jour même…(Rabelais, 1965 :235-236). TC : Şi, cum vă spuneam, fiindcă într-asemenea vreme…(Rabelais, 1989 : 113-114, notre soulignement).

L’adaptation comme stratégie de traduction imposent également d’autres mutations.

Les traducteurs font appel à l’adaptation comme procédé pour traduire le syntagme en

mauresque par pe limba agarenilor. La correspondance sémantique et lexicale utilisée dans

la version roumaine prouve que les traducteurs, dans leur désir de garder la couleur locale

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et de transmettre le vouloir-dire de l’auteur, ont consulté non seulement la traduction

interne du TS, mais aussi le texte tel qu’il a été écrit par Rabelais (Pantagruel, 1532, ch. 2).

Dans ce texte, l’auteur utilise l’expression : en langue. Hagarène.

L’organisation discursive ne se modifie pas essentiellement, mais il est à remarquer

qu’on passe d’un niveau de langue à un autre : dans le TC, le caractère archaïque de

l’histoire est rendu par l’emploi des temps (l’imparfait, le passé composé, i s-au născut

feciorul, le gérondif (tălmăcindu-se, însemnând) et par le choix des verbes et des formes

verbales (tălmăcindu-se), tandis que dans la traduction interne (version française

contemporaine), le caractère ancien est rendu par le passé simple, le présent, le passé

antérieur; en échange, les verbes appartiennent à la langue standard.

Des modulations qui apparaissent dans l’adaptation en roumain, nous retenons une

modulation mixte, à la fois syntaxique et lexicale (ou transposition : par esprit prophétique

et o profeţie) :

TS : et voyant, par esprit prophétique, qu’il dominerait un jour les altérés, ce qui fut montré à ce moment même par un autre signe plus évident (Rabelais, 1965 : 234-237, notre soulignement ). TC : ceea ce se dovedi mai târziu a fi fost şi o profeţie, arătând că Pantagruel va fi mai mare peste însetaţi (Rabelais, 1989 : 113-114).

Ce procédé de traduction fait intervenir le changement du point de vue par l’emploi

des temps et des modes (par exemple : voyant, fut montré vs se dovedi, a fi fost), c’est dire

que ce qui est conçu comme une prévision, une inspiration prophétique en TS au sens de

« par le choix de ce nom il a prédit l’avenir de son fils qui a confirmé les attentes de son

père », en roumain a le sens « lorsqu’on a constaté que Pantagruel est un grand buveur, on

s’est rendu compte que son nom avait été prédestiné, donc Gargantua, à la surprise

générale, avait le don de prophétie ».

Dans un autre exemple, on observe que le culturème et son entourage culturel sont

anéantis à travers la traduction, les traducteurs naturalisant l’allusion à la pratique

religieuse et le jeu des mots (par paronomase l’amour du vin et l’amour divin), si chère à

Rabelais, par une acclimatation neutre en roumain :

TS : «…c’est bon signe, cela incite à l’amour du vin » (Rabelais, 1965 : 237, notre soulignement). TC : « … ăştia-s pintenii vinului » (Rabelais, 1989 : 114, notre soulignement).

Ce sont les limites de la traduction-adaptation qui n’est égale ni en quantité ni en

qualité au texte à traduire, pour les raisons déjà mentionnées. Vu le destinataire identifié

d’emblée, il ne se pose plus le problème de prendre en discussion le transfert de l’aspect

licencieux du langage rabelaisien. Outre les facteurs qui influencent la production du sens

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en LS (intention de la culture source, intention de l’auteur, intention de l’œuvre et intention

du lecteur), lors de l’analyse du texte à traduire, le traducteur se rapporte également aux

facteurs qui déterminent la réception, la saisie du sens en LC (intention de la culture cible,

intention du lecteur –cible, etc.). Tous ses éléments définissent l’intention des traducteur

puissamment marquée par les contraintes d’ordre matériel (à savoir des contraintes

éditoriales et commerciales), mais aussi par le goût du public (à lire le régime d’avant

1989).

Conclusions

Théoriquement, la stratégie de traduction est établie en fonction des conditions de

production du sens (intention, finalités, etc.) véhiculé par le TS. Cependant, en pratique, le

traducteur se heurte à des maintes difficultés et contraintes aussi bien matérielles que

linguistiques et culturelles. Comme on a déjà remarqué, la tactique des traducteurs, c’est à

dire ce qu’ils ont mis en œuvre de leur plan stratégique, se modifie en fonction des

conditions de réception (compréhension, effets, réactions), des exigences et contraintes

matérielles. Par conséquent, la finalité du TC ne coïncide pas forcément à la finalité du TS,

mais l’intention de l’auteur ne se retrouve que partiellement en TC. L’adaptation est une

stratégie de traduction qui permet aux lecteurs l’accès rapide et facile à un sujet, connaître

un auteur, même par des traductions-résumé. La traduction-adaptation a d’autres objectifs

que les traductions commentée ou érudite, sémantique ou communicative. Sa fonction

principale reste pourtant la communication d’un message qui coïncide, quant à l’essence,

au vouloir-dire de l’auteur, mais qui ne correspond point à la forme. Cette infidélité à

l’égard de la forme qui trahit les nuances, en limitant les possibles lectures, est assumée par

les traducteurs et par les lecteurs, avertis dès le début, sur la stratégie de traduction établie.

Bibliographie

1. BALLARD, Michel, Le nom propre en traduction, Paris : Ophrys, 2001. 2. DELISLE, Jean, Traduction raisonnée, Presses Universitaires de l’Ottawa, 1993. 3. CORDONNIER, Jean-Louis, Traduction et culture, Crédif Hatier/Didier, 1995. 4. HURTADO ALBIR, Amparo, La notion de fidélité en traduction, Didier : Eruditions,

1990. 5. RABELAIS, François, Gargantua et Pantagruel, Paris : Editions Baudelaire, 1965. 6. RABELAIS, François, Gargantua, tatăl lui Pantagruel, şi uimitoarea viaţă a lui

Pantagruel, feciorul uriaşului Gargantua, povestită pentru copii de Ileana şi Romul Vulpescu, Bucureşti : Editura Ion Creangă, 1989.