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LA RÉGULATIONDES APPRENTISSAGES

EN CLASSE

LE P INT SUR…Pédagogie

www.deboeck.com

La régulation de l’apprentissage des élèves en classe est unepréoccupation constante des enseignants. En effet, com-ment soutenir au mieux la progression de l’élève, commentl’amener à dépasser une difficulté, l’aider à développer desdémarches d’autorégulation plus conscientes, à construiredu sens aux situations d’apprentissage vécues ? Quellessont les interventions et situations susceptibles de soute-nir au mieux la régulation des activités de chaque élève ?Quels sont les obstacles à la régulation de l’apprentissageen classe ?

L’ouvrage expose, dans un premier temps, les principalesconceptualisations de la régulation, élaborées à partir d’un

questionnement explicite sur l’enseignement, l’apprentis-sage et l’évaluation en salle de classe. En prenant appui surdes recherches étudiant des classes tout-venant, l’ouvrage secentre, dans un deuxième temps, sur les régulations interac-tives entre l’enseignant et ses élèves au regard des pratiquesdéveloppées dans le contexte de la classe. Les recherchesprésentées concernent des enseignants de l’école primaire,mais ont une portée générale.

L’ouvrage s’adresse aux étudiants en Sciences de l’Éducationainsi qu’aux enseignants plus chevronnés, en faisant état desprincipales connaissances relatives à la régulation qui est aucentre des processus d’apprentissage, d’enseignement etd’évaluation formative.

LucieMOTTIER

LOPEZElle fut enseignanteprimaire en Suisseromande pendant

une dizaine d’années puis aété activement impliquée dans des

réformes scolaires. Elle est maintenantprofesseure à l’Université de Genève et

dirige le groupe de recherche EReD :« Évaluation, régulation et différenciation

des apprentissages en situation scolaire

et de formation »(http://www.unige.ch/fapse/ered/index.html).

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ISBN 978-2-8041-7526-9

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par  Nord Compo 

pour le Groupe De Boeck.

Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique.

Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

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 INTRODUCTION

S MMAIRE

1 Régulations et conceptions d’apprentissage2 Organisation de l’ouvrage

Le concept de « régulation » est omniprésent dans les discours en sciences del’éducation : régulation des systèmes éducatifs, régulation des pratiques d’ensei-gnement, régulation didactique, régulation de l’apprentissage de l’élève, auto-régulation, etc. Ce concept n’est pas spécifique aux sciences de l’éducation.Indépendamment de visées éducatives, il est largement utilisé dans des disciplinestelles que la biologie, l’économie, la psychologie, la sociologie pour ne citer quecelles-ci. Cet ouvrage s’intéresse plus spécifiquement à la régulation de l’apprentis-sage  de l’élève dans un contexte de classe et aux médiations  (sociales, matérielles,

culturelles, etc.) susceptibles de soutenir les processus d’autorégulation de l’élève :situations et tâches didactiques, interventions de l’enseignant, collaborations entreélèves, usage d’outils et, plus globalement, les pratiques, les normes, les signifi-cations symboliques qui sont élaborées dans un contexte de classe à des fins derégulation de l’apprentissage de l’élève.

Mais qu’entend-on par régulation de l’apprentissage ? Les synonymes fré-quents dans la littérature sont : ajustement, adaptation, modulation, réglage,contrôle, guidage, réorientation de l’action. Quand on se réfère à la régulation del’apprentissage , il est supposé que cette régulation provient de l’apprenant – de

l’élève. On parle alors d’autorégulation ou de régulation interne  en tant que proces-sus cognitif  ou métacognitif  qui a pour finalité d’assurer le contrôle et l’ajustementdes activités cognitives, affectives et sociales qui contribuent à la transformationdes connaissances et compétences de l’apprenant (Allal, 2007). Ces processusmentaux, généraux, s’appréhendent difficilement. Ils sont souvent conceptualisésindépendamment des situations didactiques ou d’un objet de savoir spécifique àapprendre. Mais l’autorégulation peut aussi désigner une démarche  ou une action 

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8INTRODUCTION

observable, réalisée par l’élève, susceptible de « didactisation1 ». Par exemple, dansle cadre d’une activité de révision textuelle, il est attendu que l’élève consulte sondictionnaire ou sa liste de mots en cas de doute orthographique. L’usage du dic-tionnaire est considéré comme une démarche d’autorégulation instrumentée, sus-

ceptible de s’enseigner et de s’apprendre.Dans la littérature, le concept de régulation désigne également les éléments de

l’environnement  social, matériel, symbolique soutenant l’autorégulation de l’élève :consignes et interventions de l’enseignant, structuration des tâches et des disposi-tifs didactiques, interactions entre élèves, usage d’outils, etc. Ces sources de régu-lation sont parfois appelées régulation externe  (par rapport à l’apprenant et à sonautorégulation). Leur fonction est d’orienter positivement les intentions d’actiondes élèves et leurs conduites d’autorégulation constitutives de leurs apprentissages.

Dans cet ouvrage, nous parlerons constamment de la régulation de l’appren-tissage   de l’élève, terme générique qui désigne plusieurs réalités dans la classecomme le fait remarquer Perrenoud (1998b) :

 – la régulation de l’activité  de l’élève. L’enseignant par exemple incite l’élève àcollaborer avec un pair pour surmonter un obstacle ; il l’aide à planifier unesuccession d’actions pour réaliser une tâche complexe ; il l’aide à choisir unoutil approprié, etc. ;

 – la régulation des processus cognitifs de l’élève. L’enseignant soutient l’élèvedans son raisonnement et ses interprétations ; il l’aide à faire des relations,à déduire, à évaluer, etc. ;

 – la régulation des apprentissages  de l’élève. L’enseignant aide l’élève à inté-grer une nouvelle connaissance, à la comprendre, à la transférer dans unenouvelle situation, etc.

Pour l’enseignant, il est évidemment plus aisé d’intervenir sur l’activité de l’élèveplus facilement observable et sur laquelle il peut avoir une prise plus directe que surl’apprentissage (au sens fort du terme) qui garde toujours une grande part d’inac-cessibilité. Les trois plans sont inter-reliés – pour apprendre, l’élève doit être actifet mobiliser ses processus cognitifs – mais, selon Perrenoud (1993), ils impliquent

des registres différents d’étayage2 de la part de l’expert/de l’enseignant. Dès quel’intention est d’intervenir sur la construction même des connaissances, les proces-sus de guidage devraient se situer sur un plan métacognitif et métalinguistique.

1. Nous voulons dire ici qu’une situation didactique peut être conçue pour encourager sciemmentla démarche de régulation de l’élève.2. Le chapitre 3 définit la notion d’étayage.

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9INTRODUCTION

S’intéresser à la régulation des apprentissages en classe implique ainsi un ques-tionnement à la fois sur l’élève et les situations d’enseignement et d’apprentissage– dont les interventions de l’enseignant font partie – susceptibles d’orienter positive-ment l’autorégulation de l’élève. L’autorégulation est partiellement déterminée par les

compétences et dispositions qui soutiennent les opérations mentales de l’élève, maiselle est également dépendante des situations expérimentées. « Toute la question estde comprendre ce qui, dans une situation, pourrait avoir des ‘vertus’ de régulation desprocessus d’apprentissage3 » (Perrenoud, 1998a). Une théorie de « l’apprentissagesitué » est alors nécessaire pour appréhender cette relation constitutive entre régula-tions et situations d’apprentissage. Tel sera le parti pris que nous adopterons dans lesdeuxième et troisième chapitres de cet ouvrage : une théorie de l’apprentissage situé,plus spécialement au regard des contextes de classe et des situations scolaires.

Être en mesure de soutenir au mieux la régulation des apprentissages des élèves

représente un pan essentiel de la professionnalité des enseignants. Laveault (2007)considère que le concept de régulation intéresse les enseignants car il met en avantla compétence de l’élève à prendre en charge ses processus cognitifs et motivation-nels afin d’atteindre les objectifs visés. Dans une de nos recherches (Mottier Lopezet al., 2010), les enseignants soulignent combien cette compétence d’autorégula-tion chez l’apprenant leur apparaît cruciale, conscients qu’ils ne peuvent pas régu-ler à la place de leurs élèves. Ces derniers doivent davantage prendre consciencedes démarches de planification, de contrôle et d’ajustement en cours de réalisationde tâche ou suite à une (auto)évaluation après une activité réalisée. Les enseignants

souhaitent que les élèves apprennent à s’autoréguler afin que ces derniers soient enmesure d’exercer un contrôle plus réfléchi et délibéré sur leurs activités d’appren-tissage. Pour Laveault (2007), l’autorégulation est un moyen pour apprendre et à lafois un objet  d’apprentissage.

Dans cet ouvrage, une large place sera faite aux interventions de l’enseignant.Si un grand nombre de travaux ont étudié les processus de régulation depuis denombreuses années, les enjeux restent importants notamment quand l’objectifest de penser la régulation dans un contexte réel de classe. Un de ces enjeux estd’appréhender la régulation de l’apprentissage dans la relation entre les processus

psychologiques de l’élève et les situations institutionnelles et sociales que sont lespratiques d’enseignement. S’intéresser à la régulation en classe dans cette pers-pective suppose alors nécessairement une conception de la façon dont l’élèveapprend, qui peut orienter les pratiques pédagogiques et didactiques.

3. Version française sur : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1997/1997_11.html

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10INTRODUCTION

1 RÉGULATIONS ET CONCEPTIONS D’APPRENTISSAGECarette et Rey (2010) exposent les conceptions constructiviste et socioconstruc-tiviste qui remettent foncièrement en question l’idée qu’il suffirait de transmettre

aux élèves des contenus pour qu’ils apprennent. Sans entrer dans de longs déve-loppements (nous assumons donc le réductionnisme qui découlera inévitable-ment de notre texte), nous exposons ci-dessous quelques traits caractéristiques deconceptions qui théorisent le rôle de la régulation dans les processus d’apprentis-sage : l’approche constructiviste de Jean Piaget, les approches cognitives et méta-cognitives, les conceptions socioconstructiviste et socioculturelle située. Relevonsd’emblée que ces propositions théoriques émanent, pour la plupart, de psycholo-gues, excepté pour la perspective socioculturelle située qui s’appuie également surdes travaux d’anthropologues. Ces théories ne supposent pas un lien direct avec

l’application de principes didactiques et pédagogiques mais, comme nous le mon-trerons dans les chapitres suivants, leurs idées ont été empruntées (et donc aussitransformées en partie) pour penser les pratiques en salle de classe, dont celles quisoutiennent la régulation des apprentissages des élèves.

 L’approche constructiviste de Jean PiagetPour Piaget (1975), le développement de l’enfant  ne procède ni de la seule expé-rience des objets, ni d’une programmation innée du sujet, mais de constructions

successives avec élaboration de nouvelles structures mentales en interaction avecl’environnement. Dans sa théorie de l’équilibration des structures cognitives , Piagetattribue à la régulation un rôle fondamental pour le développement de l’enfant, entant que mécanisme qui contribue aux (ré)équilibrations des structures cognitivesdu sujet en cas de déséquilibres produits par des « perturbations » rencontrées.« La régulation a pour finalité générale d’assurer l’adaptation du fonctionnementd’un système en interaction avec son environnement. Les processus de régula-tion expliquent le ‘comment’ de l’équilibration » (p. 23). Autrement dit, les méca-nismes de régulation permettent de comprendre comment des perturbations sont

prises en compte et traitées par le sujet dans des conduites adaptatives4. Ainsi,retenons que, pour Piaget, le processus interne d’autorégulation, en tant que pro-cessus actif, contribue à maintenir ou reconstruire un équilibre entre le sujet et son

4. Les mouvements complémentaires d’adaptation sont l’assimilation (intégration d’un nouvelobjet ou situation pour lesquels il existe déjà un schème) et l’accommodation (modification d’unschème existant afin de pouvoir intégrer un nouvel objet ou situation).

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11RÉGULATIONS ET CONCEPTIONS D’APPRENTISSAGE

 environnement. Deux principaux mouvements de rééquilibration (ou autorégula-tion) sont distingués :

1. le retour à un équilibre antérieur : on parlera de régulation homéostatique(ou statique) qui n’engendre pas de nouvelles connaissances ;

2. la formation d’un nouvel équilibre par un processus d’équilibration ditemajorante qui restructure les formes précédentes d’équilibre. On parleradans ce cas de régulation homéorhésique (ou dynamique, ou active) quiproduit de nouveaux apprentissages.

L’absence de régulation (ou de conduites adaptatives) entraîne soit une cessationde l’action soit une non-modification de l’action. Sans entrer plus avant dans cettethéorisation complexe5, nous retiendrons ici que, dans l’approche constructivistede Piaget, les mécanismes de régulation font pleinement partie de l’apprentissage

mais sans toutefois s’y réduire. L’idée de perturbation, qui résulte d’une rencontreentre un sujet agissant et un environnement, apparaît majeure pour enclencher desconduites adaptatives du sujet en tant que sources potentielles de développement.Mais toutes conduites autorégulatives ne se valent pas : certaines servent à écarterune perturbation trop forte ou à rétablir un équilibre antérieur ; d’autres serventà construire un nouvel équilibre. Gardons à l’esprit que ce n’est pas parce qu’unindividu enclenche une conduite d’autorégulation que celle-ci, de facto, conduira àune nouvelle structuration plus élaborée.

 Approches cognitives et métacognitivesComme le précisent Carette et Rey (2010), la psychologie cognitive « englobe l’en-semble des travaux qui essaient de comprendre le fonctionnement intellectuel del’humain. … En ce sens, les travaux de Piaget… relèvent de la psychologie cognitive »(p. 41). Nombre de modélisations ont été proposées en psychologie cognitive danslesquelles le concept de régulation (plus spécialement d’autorégulation) est au cœurdes développements théoriques. Fayol (2008) rappelle que la cognition renvoie :

 Aux connaissances, aux croyances et aux opérations qui permettent de lesconstituer, de les transformer et de les utiliser. Elle intègre la perception, lesactivités mentales et les sorties motrices qui conduisent au comportement…Traditionnellement, l’esprit est conçu comme un système de traitement del’information par lequel les individus interagissent avec le monde. (p. 59)

5. Qui est une théorie du développement et non pas de l’apprentissage.

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12INTRODUCTION

Quant à la métacognition, concept initialement introduit par Flavell (1976), ellecomprend deux dimensions principales : (1) les métaconnaissances, c’est-à-dire lesconnaissances que le sujet possède de sa propre cognition et de celle d’autrui ; (2) lesrégulations métacognitives, à savoir les modalités d’intervention et de contrôle, les pro-

cédures et les stratégies qui assurent une autorégulation de l’activité cognitive du sujet.Les approches cognitives ont pour but de comprendre les processus mentaux

internes et les structures de savoir qui sous-tendent le comportement humain. Cesapproches insistent, entre autres, sur le fait que l’individu, en tant que « processeurd’information », est en mesure de modifier les procédures et stratégies cognitivesqu’il mobilise en fonction des objectifs visés et/ou des résultats attendus et obtenus.Les tâches, plus particulièrement celles qui sont complexes, nécessitent des procé-dures d’autorégulation qui permettent un contrôle prospectif ou rétrospectif et desmodalités d’adaptation des actions pouvant être de nature métacognitive. Les fonc-

tions exécutives de la régulation métacognitive « assurent la sélection des buts, laplanification et l’organisation des actions, le contrôle du déroulement de la démarcheet l’évaluation du résultat au regard de ce qui est attendu » (Fayol, 2008, p. 63).Une question, entre autres, est de savoir dans quelle mesure la conscience qu’ont lesindividus de la difficulté des tâches, de leurs forces et faiblesses ainsi que les stratégiesd’autorégulation qu’ils mettent en œuvre peuvent influer sur leurs performances.

 Allal (2007) constate qu’un assez grand nombre d’auteurs distinguent troiscomposantes de l’apprentissage : les composantes cognitives, les composantesmétacognitives, et les composantes affectives et motivationnelles. L’auteure sug-

gère, quant à elle, une conceptualisation en cinq composantes :1. les activités cognitives et métacognitives – processus mentaux, actions

sur le réel – impliquées dans les transformations des connaissances et descompétences de l’apprenant ;

2. les activités affectives, liées aux dispositions motivationnelles et attribu-tionnelles qui influencent l’activation des processus cognitifs ;

3. les activités sociales, d’interaction avec autrui et d’action conjointe, quisoutiennent les activités cognitives et affectives ;

4. les mécanismes qui assurent le guidage, le contrôle, l’ajustement des acti-vités cognitives, affectives et sociales, favorisant ainsi la transformationdes compétences de l’apprenant ;

5. les produits qui résultent des transformations, tant sur le plan mental(e.g., la consolidation d’un nouveau répertoire de comportements mobi-lisables dans une classe de situations donnée), que sur le plan matériel(e.g., la construction d’un outil adapté à la réalisation d’une tâche). (p. 9)

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13RÉGULATIONS ET CONCEPTIONS D’APPRENTISSAGE

Un des intérêts de cette catégorisation, typique des approches cognitives, est declairement circonscrire la spécificité du concept de régulation par rapport auxautres composantes de l’apprentissage. Pour l’auteure, les mécanismes de régu-lation assurent l’articulation entre les activités cognitives, affectives et sociales,

tout en intervenant au sein de chacune d’entre elles. Elle considère que les régu-lations métacognitives s’exercent dans une forte continuité avec les régulationscognitives et jouent un rôle important dans la coordination des démarches del’apprenant. Comme cela apparaîtra dans le prochain chapitre, les travaux en psy-chologie cognitive ont fortement influencé les conceptualisations de la régulationdes apprentissages des élèves en classe.

 Approches socioconstructivistes et socioculturelles situéesCommençons par préciser que les auteurs, notamment francophones et anglo-phones, ne s’accordent pas tous sur la terminologie pour désigner les courantsqui nous intéressent ici : les conceptions socioconstructivistes et socioculturellessituées. Pour notre part, dans cet ouvrage, nous choisissons de les regrouper danscette section, bien que des différences épistémologiques justifient les différencesterminologiques.

Initialement, dans le monde francophone, la conception socioconstructivisteintroduit l’idée que « le rapport à autrui peut jouer un rôle décisif dans le mouve-ment conduisant l’élève à renoncer à ses préconceptions pour adopter des vuesplus conformes à la réalité » (Carette & Rey, 2010, p. 29). Les travaux sur la rela-tion entre les interactions sociales et le développement cognitif sont au cœur dela conception socioconstructiviste, montrant que l’interaction sujet-objet (au cœurde la conception constructiviste de Piaget) n’est pas la seule source de progrèscognitif. On distingue volontiers dans cette conception :

 – Les études qui s’intéressent aux interactions entre enfants, dont celles quiont mis en avant le rôle bénéfique du conflit sociocognitif , mais également lesinteractions de collaboration ou autres formes de co-élaboration entre pairs.

 – Les études qui portent sur les interactions entre un expert et un novice.

Les travaux de Vygotski (1985) et de ses successeurs soutiennent la thèseque les interactions avec des partenaires plus compétents sont nécessairesau développement de la pensée. Les interactions dites de tutelles sont sus-ceptibles de créer des zones proximales de développement  qui permettentà l’apprenant de s’engager dans une tâche qui dépasse ses compétencesactuelles mais qu’il sera en mesure de réaliser grâce à l’étayage ou au gui-dage de l’expert.

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14INTRODUCTION

Que ce soit dans un contexte social symétrique ou asymétrique, ces travaux souli-gnent le rôle de la régulation interindividuelle mais qui, pour être bénéfique, doitnécessairement déboucher sur une autorégulation de l’apprenant. Pour Vygotski,le passage des régulations interindividuelles aux régulations intra-individuelles s’ex-

plique par des processus de médiations sémiotiques (en particulier langagières)permises par les interactions avec l’autre.

Outre la dimension interpersonnelle (ou inter-psychique) valorisée par lesthèses vygotskiennes, ces dernières mettent fortement en avant le rôle de la culture ,des outils culturels et symboliques dans les processus d’apprentissage et de déve-loppement. Autrement dit, non seulement il y a une interaction interpersonnelle,mais il y a aussi une interaction avec les produits de la culture qui participent plei-nement à la régulation des conduites individuelles par leur fonction de médiation.« Au moyen des signes, les autres régulent la conduite de l’enfant, et l’enfant, laconduite des autres » (Rivière, 1990, p. 73). Soulignons ici l’idée de co- régulationentre l’expert et l’enfant à travers l’usage d’outils, de signes, de symboles qui sontdes instruments d’interaction et d’acculturation. Les langages (verbaux, gestuels,et plus généralement symboliques) sont considérés comme de puissants moyensde médiation à la régulation de l’activité de l’apprenant.

Ces thèses nous amènent à la perspective socioculturelle située (e.g.,Mondada & Pekarek, 2000 ; Resnick, Levine & Teasley, 1991) qui explore toutspécialement la relation entre les processus mentaux et les activités accomplieslocalement et tout à la fois ancrées dans des cadres institutionnels et sociohisto-riques plus larges (e.g., Wertsch, 1985, cité par Mondada & Pekarek, 2000). À lasuite des propositions de Dewey, ce courant rejette les dualismes traditionnels :l’esprit et l’action, le psychologique et le social, l’individu et la société, les finset les moyens, l’activité pratique et l’activité intellectuelle, etc. « Sur cette baseémerge une conception de la cognition humaine comme étant contextuellementdéployée à l’intérieur d’activités sociales, qui débouche sur l’idée d’une cognition‘située’ et ‘distribuée’ dans des contextes sociaux, institutionnels et interactifs »(Mondada & Pekarek, 2000, p. 5). Puisant dans les travaux de Vygotski et deses successeurs, mais aussi à partir de recherches anthropologiques et ethnogra-

phiques (e.g., Carraher, Carraher & Schliemann, 1985 ; Rogoff & Lave, 1984), cetteapproche remet radicalement en question la séparation entre le plan individuel etle plan social, en faveur de l’hypothèse d’une relation dite dialectique (Lave, 1988)selon laquelle les deux plans sont considérés comme mutuellement constitutifs.Cette perspective dite de l’apprentissage situé soutient la thèse que toute connais-sance, quelle qu’elle soit, est marquée par les conditions contextuelles dans et aveclesquelles elle s’est développée en interaction avec l’individu-en-action. Apprendre,

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15ORGANISATION DE L’OUVRAGE

dans cette perspective, se conçoit à travers la métaphore de la participation à despratiques sociales et culturelles d’une communauté donnée, en tant que moyenset à la fois buts de l’apprentissage (Lave & Wenger, 1991).

Sans plus entrer dans le détail de cette perspective théorique constituée deplusieurs approches (voir Mottier Lopez, 2008 pour une revue détaillée), nousretiendrons que les conceptions socio-constructivistes et socioculturelles situéesthéorisent la régulation sur plusieurs plans : dans la dynamique interactive desrelations intersubjectives entre pairs et/ou avec des experts ; dans la coélaborationet par la médiation des signes partagés, des routines, des mots, des outils, desactions, des concepts, des langages, etc. ; dans les structures de participation quicaractérisent les pratiques et activités partagées d’un groupe social ; dans la rela-tion de co-constitution entre processus culturels, interpersonnels et individuels.Nous reviendrons sur certains de ces éléments dans les chapitres suivants.

2 ORGANISATION DE L’OUVRAGECe premier aperçu témoigne déjà de la complexité de la régulation en contextescolaire, notamment quand l’enjeu est d’appréhender la relation constitutive entreles régulations produites par les environnements sociaux et culturels de l’appren-tissage et les régulations inhérentes à l’activité de l’élève. Dans cet ouvrage, nousavons sélectionné un ensemble de travaux qui offrent une vision de différents

enjeux rattachés à cette problématique, sans aucune prétention cependant à expo-ser un panorama exhaustif des différentes déclinaisons théoriques que l’idée derégulation a généré en psychologie et en sciences de l’éducation.

Le premier chapitre présente quelques distinctions conceptuelles qui sont,aujourd’hui, largement reconnues par la communauté scientifique en sciences del’éducation. La plupart de ces distinctions se caractérisent par un ancrage cogniti-viste ou socioconstructiviste, mais pas exclusivement. Les deux chapitres suivantsélargissent la perspective, en choisissant d’exploiter un ensemble de travaux quis’inscrivent dans une approche de la cognition située  (e.g., Brown, Collins & Duguid,

1989) ou de l’apprentissage  situé  (e.g., Cobb & Bowers, 1999 ; Lave & Wenger,1991). Ce choix nous amène à interroger la régulation interactive de l’apprentis-sage au regard des pratiques et des contextes de classe ordinaire, non modéliséspar des dispositifs expérimentaux contrôlés par les chercheurs. Notre approche seveut essentiellement compréhensive et interprétative. Le troisième chapitre revientsur les notions d’étayage et de guidage de l’enseignant à des fins de régulationinteractive de l’apprentissage de l’élève. Il tente une restructuration conceptuelle à

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16INTRODUCTION

partir des résultats de différentes recherches menées dans des classes et avec la col-laboration des enseignants. Les recherches présentées concernent les dimensionssociales et (méta)cognitives des régulations mais n’abordent pas les dimensionsmotivationnelles et émotionnelles. Des recherches, dont celle de Pelgrims (2006),

en ont cependant montré l’importance. Nous concluons en revenant à quelquesconsidérations sur l’autorégulation de l’élève et à l’importance de l’implication desenseignants dans les processus de recherche.

D’une façon générale, le projet de l’ouvrage est de questionner la régulation del’apprentissage de l’élève dans une perspective située. Les analyses conceptuellesdes chapitres 1 et 3 ont une portée générale, applicable dans les grandes lignes àdivers domaines d’enseignement à l’école primaire et secondaire. Toutefois, adop-ter une perspective située exige de considérer avec une grande attention les spé-cificités des situations d’apprentissage dans leur contexte effectif de classe. C’estpourquoi, dans les chapitres 2 et 3, nous avons choisi de centrer notre regard surdes recherches (1) qui concernent des enseignants de l’école primaire, (2) dansle champ des mathématiques, plus spécialement de la résolution de problèmesmathématiques. Cette centration permet d’approfondir la conceptualisation et lacompréhension des processus et phénomènes rattachés à l’idée d’une régulationsituée , c’est-à-dire une régulation marquée par le contexte de son accomplisse-ment et qui, tout à la fois, contribue au développement de ce même contexte.Un ensemble de concepts en didactique seront parfois utilisés ; nous proposonsaux lecteurs de consulter, si besoin, le dictionnaire des concepts fondamentaux

des didactiques de Reuter (2007) par exemple. Par rapport aux résultats rapportésdans ces chapitres, il existe sans doute des variations non négligeables dans lesmises en acte de la régulation située dans d’autres disciplines et d’autres contextes(école maternelle ou secondaire ; cultures propres à des établissements et institu-tions scolaires). Autrement dit, les constats sur les pratiques que nous présentonsdans ces chapitres ne peuvent pas se généraliser à toutes les disciplines scolaires etordres d’enseignement ; des études comparatives seraient à entreprendre. De plus,toujours dans les chapitres 2 et 3, nous avons choisi, à l’intérieur du champ de larégulation des apprentissages des élèves, d’étudier plus spécialement la régula-

tion interactive , notamment à travers les interactions enseignant-élève(s), au regarddes pratiques mathématiques développées dans le contexte social de la classe.Évidemment, d’autres aspects de la régulation peuvent faire l’objet d’analyse, telsceux présentés par exemple dans l’ouvrage de Chabanne et Dezutter (2011) four-nissant un éclairage sur une autre discipline scolaire du point de vue des gestesde l’enseignant en particulier, plutôt que de celui de la dynamique interactiveenseignant-élève(s) qui nous intéresse ici.

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S MMAIRE

1 Visées de la régulation des apprentissages en classe2 Objets de la régulation de l’apprentissage3 Degrés d’explicitation de la régulation de l’apprentissage4 Mouvements de la régulation par rapport au but visé

5 Modalités de la régulation interactive6 Temporalité et mise en œuvre de la régulation7 Environnements et contextes d’apprentissage8 Éléments de discussion

De nombreuses conceptualisations de la régulation des apprentissages existentdans la littérature scientifique. La synthèse rédigée par Allal (2007) en donne unexcellent aperçu. Pour notre part, dans ce chapitre, nous exposons différentesdimensions qui ont fait l’objet de conceptualisation dans la littérature de rechercheau cours de ces 30 dernières années pour appréhender la régulation des apprentis-sages des élèves. Les dimensions retenues dans ce chapitre ont pour caractéristiqued’avoir été élaborées au regard d’un questionnement explicite sur l’enseignement,l’apprentissage et l’évaluation en salle de classe. Notre intention est ainsi d’insistersur l’existence d’un corps de connaissances sur la régulation des apprentissages

qui relèvent des sciences de l’éducation, tout en signalant les emprunts faits auxdisciplines dites contributives, notamment les sciences cognitives qui ont fortementinfluencé les conceptualisations.

Le tableau 1 présente les distinctions conceptuelles retenues. Elles offrent descatégories possibles pour décrire des démarches individuelles et sociales de régula-tion susceptibles de soutenir les apprentissages en classe. Ensuite, nous discutonschaque distinction au regard des définitions de la littérature scientifique.

CHAPITRE 1 LA RÉGULATION DES APPRENTISSAGES :

DISTINCTIONS CONCEPTUELLES

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18LA RÉGULATION DES APPRENTISSAGES : DISTINCTIONS CONCEPTUELLES

Tableau 1 : Catégories conceptuelles de la régulation des apprentissages des élèves en classe

Catégories conceptuelles Dimensions

 Visées de la régulation Pour l’élève, pour l’enseignantEnjeux et significations construites/co-construites en situation

Objets de la régulation Dimensions cognitive, métacognitive, sociale, affective,émotionnelle de l’activité de l’élèveSavoir(s) en jeu

Degré d’explicitation Implicite, explicitable, explicitée, instrumentée

Fonctions métacognitives Planifier, contrôler, ajuster, vérifier 

Mouvements

de la régulation

Rétroactive, proactive

Modalités de la régulationinteractive

Interactions entre enseignant-élève(s), entre élèves,avec les outils matériels de la situation à des finsd’autorégulation

Temporalitéet mise en œuvre

Immédiate, différéeOn-line, en lien avec la tâche, en lien avec le contextedidactique

Environnements et

contextes d’apprentissage

Possibilités d’action et de régulation offertes

par l’environnement immédiat d’apprentissage ; liensavec les contextes socioculturels et institutionnels plus larges

1 VISÉES DE LA RÉGULATION DES APPRENTISSAGESEN CLASSE

Tentons de dépasser les définitions décontextualisées de la régulation présentéesdans l’introduction pour réfléchir aux significations et intentions qu’elle peut rece-ler pour les différents acteurs impliqués dans un contexte didactique, éducatif etinstitutionnel1. Quels sont les motifs (ou raisons d’agir) d’un enseignant quand ildécide d’intervenir à des fins de régulation ? Est-ce pour aider l’élève à surmonter

1. Autrement dit dans un contexte d’enseignement/apprentissage/évaluation formel – en opposi-tion avec des contextes informels.

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19 VISÉES DE LA RÉGULATION DES APPRENTISSAGES EN CLASSE

une difficulté d’apprentissage, pour l’inciter à se remettre au travail, pour encoura-ger une collaboration fructueuse entre élèves, pour permettre à l’élève d’améliorerune performance, pour l’inciter à être créatif, pour le motiver, pour préserver unclimat favorable au travail scolaire, pour remédier à un comportement qui trans-

gresse une règle de vie de la classe, etc. ? Et du côté de l’élève, est-ce pour atteindredes objectifs d’apprentissage qu’on lui a communiqués, pour avoir la satisfactionde surmonter une difficulté, pour avoir le plaisir d’apprendre des savoirs nouveaux,pour obtenir une bonne note, pour se conformer aux attentes de l’enseignant,pour faire plaisir à ses parents, pour « avoir la paix », etc. ?

 Ainsi posées, les visées de la régulation en classe s’appréhendent dans uncontexte significatif, par rapport à des intentions plus ou moins explicites, affir-mées, cachées, effectives des acteurs concernés. Elles confèrent un sens situé  à larégulation, dans l’interaction entre un individu (élève d’une classe mais également

enfant d’un parent, ami ou non d’un camarade de classe, etc.) qui a ses propresraisons d’agir et un contexte socio-institutionnel qui est porteur de finalités collec-tives liées notamment à la forme et au contrat scolaires.

Dans la perspective théorique de la cognition située (Brown et al., 1989) et del’apprentissage situé (Lave & Wenger, 1991), la régulation demande à être appré-hendée dans une relation considérée comme co-constitutive entre un individu-en-activité (avec ses caractéristiques propres, ses raisons d’agir, ses valeurs, sescroyances, …) et un contexte matériel, social et institutionnel qui est porteur depratiques, de normes, d’outils, de ressources communautaires préexistantes et

émergentes (Mottier Lopez, 2008). Les finalités de la régulation varient en fonctionde la relation dite dialectique entre l’activité d’un individu / d’un collectif et dessituations (au sens large2).

Dans une approche microsociologique, les travaux de Perrenoud (1998b)ont mis évidence les intentions multiples qui sous-tendent les activités en classe,notamment au regard des grandes finalités de l’école : former, aider, soutenir leplus grand nombre d’élèves dans une visée de démocratisation des études et, toutà la fois, devoir sanctionner, sélectionner, orienter, dans une visée de hiérarchi-sation et de distribution méritocratique des biens sociaux. Les visées de la régu-

lation, plutôt orientées vers le soutien à l’apprentissage, n’échappent pas à cestensions contradictoires dont l’école n’est pas en mesure, selon Dubet (2009), de

2. Ceci pour souligner que l’idée de situation ne convoque pas seulement le contexte immédiat,local et circonstancié dans lequel l’activité a lieu, mais également le contexte plus large de celle-ci ycompris par l’évocation d’éléments non directement présents.

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20LA RÉGULATION DES APPRENTISSAGES : DISTINCTIONS CONCEPTUELLES

 totalement s’extraire. C’est avec en arrière-fond ce sens situé de la régulation quenous allons maintenant présenter quelques caractéristiques qui la définissent assezclassiquement dans la littérature de recherche.

2 OBJETS DE LA RÉGULATION DE L’APPRENTISSAGELe concept de régulation, souvent réfléchi par les auteurs par rapport à la théo-rie des buts d’accomplissement, invite à définir précisément l’intention visée(sous forme d’objectifs, attentes, standards3). Scallon (2008) relève combien ledomaine est encore en friche quand l’enjeu est de dépasser la simple évaluationdes acquis des élèves (par des techniques de restitution par exemple), en faveurde démarches qui visent à appréhender les représentations d’un concept, la struc-

ture et l’organisation des connaissances ou le degré d’automaticité de l’exécutiond’une procédure apprise par exemple. Les sciences cognitives ont défini de nom-breuses typologies, dont les plus connues distinguent les connaissances déclara-tives, procédurales et conditionnelles par exemple, ou encore les composantescognitive, métacognitive, sociale, affective, émotionnelle de l’apprentissage. Lasynthèse de Schneider et Stern (2010) souligne la complexité de l’organisationdes structures de connaissances qui sous-tendent l’apprentissage des compé-tences complexes.

La connaissance est multidimensionnelle : maîtrise des concepts abstraits,

capacité à résoudre efficacement les problèmes de routine, capacité à faireface à des situations-problèmes dynamiques et complexes, connaissancesdes stratégies d’apprentissage, connaissances relatives aux mécanismes derégulation des émotions, etc. Toutes ces dimensions (que diSessa, 1988,appelle les éléments de connaissance) entrent en interaction dans la compé-tence de l’individu et peuvent présenter des caractéristiques fonctionnellesdifférentes. Elles peuvent être isolées ou liées entre elles, se rapporter à uncontexte particulier ou général, être abstraites ou concrètes, implicites ouexplicites, inertes ou accessibles à des degrés divers. (p. 75)

3. En raison de la remise en question de la pédagogie par objectifs dans une conception post-behavioriste, une nouvelle terminologie tend à remplacer aujourd’hui la notion d’objectif. Ainsi, onparle plutôt d’attentes, de cibles, de standards, etc., des termes qui eux aussi véhiculent une cer-taine idéologie. Pour notre part, nous n’excluons pas de nos conceptualisations la notion d’objectifen termes de compétences à développer.

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21OBJETS DE LA RÉGULATION DE L’APPRENTISSAGE

A priori , toutes les composantes intervenant dans l’apprentissage sont susceptiblesde faire l’objet d’ajustement, de guidage, de réorientation pour soutenir la trans-formation des compétences de l’apprenant. Il n’est toutefois pas certain que toutesces dimensions, dont les diverses habiletés et stratégies cognitives, puissent être

« didactisées » au point de pouvoir les enseigner et en faire des objets de régulationexplicite (Scallon, 2008). Certaines exigeraient des procédés de recueil et de trai-tement d’informations très sophistiqués qui apparaissent difficilement praticablesdans le quotidien des classes. Et comme le rappellent Schneider et Stern (2010), lesprocessus qui participent à l’apprentissage sont loin d’être tous élucidés.

Retenons que les objets de la régulation sont clairement multiples. Ils peuventconcerner l’activité cognitive (au sens large) de l’élève – foncièrement multidimension-nelle – qui, dans un contexte didactique, porte sur des savoirs scolaires définis dans desplans d’études et des programmes scolaires. Penser l’objet de la régulation suppose

alors la conceptualisation de l’activité de l’élève sur des savoirs scolaires, enseignés età apprendre.4 Les travaux en didactique soulignent l’importance d’une modélisationdu savoir enseigné  et des conditions d’organisation didactique de leur enseignement(Bain & Schneuwly, 1993).5 En français par exemple, Bain et Schneuwly s’appuientsur le modèle de production des discours de Bronckart et de ses collaborateurs qui,brièvement dit, prend en considération le contexte situationnel du discours produit(caractéristiques de l’interaction sociale, repères de la situation matérielle de production,contenu), les opérations langagières (contextualisation, structuration, mise en texte)et les unités caractéristiques des textes. Dans cette perspective didactique, le modèle

propre à l’objet de savoir demande à s’articuler avec la modélisation de la régulation del’apprentissage. On note que les visées des curricula (plans d’études en Suisse, socleset programmes en Belgique et France) tendent aujourd’hui à se diversifier. Si les dif-férentes disciplines scolaires restent présentes, il s’agit également de développer desattitudes, des savoir-faire, des savoir-être, des compétences dites transversales ou inter-disciplinaires ou encore complexes (pour délivrer les formulations présentes dans lestrois pays). Penser la régulation de l’apprentissage sur ces « nouveaux savoirs » (ou uni-tés curriculaires) engage alors une réflexion sur leur épistémologie.

Dans la perspective de l’apprentissage situé, soutenant l’hypothèse d’une

interaction de co-constitution entre l’individu et son environnement culturel par

4. Cette conceptualisation se traduit dans les objectifs d’apprentissage par la formulation d’unverbe désignant l’activité attendue de l’élève et un complément du verbe qui délimite le contenuou objet de savoir concerné.5. À noter que dans ces travaux en didactique, la conceptualisation de la régulation concernel’action d’enseignement  et les gestes qui participent à la construction des objets d’enseignement.

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22LA RÉGULATION DES APPRENTISSAGES : DISTINCTIONS CONCEPTUELLES

le moyen de l’activité sociale et langagière (Brown et al., 1989 ; Mottier Lopez,2008), l’objet de la régulation ne se focalise pas sur le seul plan individuel, maissur l’interaction d’un apprenant (en activité sur des savoirs scolaires, notamment)avec l’environnement social, matériel, symbolique qui participent à part entière à

son apprentissage6. Le savoir lui-même est conçu comme étant situé, autrementdit comme « étant en partie le produit de l’activité, du contexte et de la culturedans laquelle il est acquis et utilisé » (Brown et al., 1989, p. 32). On s’intéressealors non seulement au savoir mais également aux situations sociales et culturellesdans lesquelles et avec lesquelles ce savoir est enseigné et appris. Cette hypothèseépistémologique amène à mettre en doute l’idée que les savoirs puissent être dis-tincts de la forme par laquelle ils sont enseignés et appris. De ce point de vue, laforme contraint et rend possible le savoir et réciproquement le savoir (transposé)est constitutif de sa forme.

D’une façon générale, penser la régulation de l’apprentissage dans une telleperspective demande d’élargir le regard sur les processus et les environnementsd’apprentissage : par exemple, les conditions des interactions sociales dans untravail de groupe visant à développer des compétences à communiquer, à se coor-donner, à collaborer, tout en considérant que ces conditions sociales sont suscep-tibles de favoriser l’apprentissage de savoirs disciplinaires ; les caractéristiques despratiques d’enseignement et d’évaluation qui influencent la disposition des élèvesà s’engager dans des activités d’apprentissage (dimensions affective et émotion-nelle) ; le rôle de médiation que les outils technologiques sont susceptibles de jouer

dans la relation aux savoirs et aux personnes, etc.

3 DEGRÉS D’EXPLICITATION DE LA RÉGULATIONDE L’APPRENTISSAGE

Toute activité, quelle qu’elle soit, suppose des processus de régulation fonction-nelle (ou homéostatique) qui permettent de maintenir un équilibre dynamiqueavec les composantes changeantes de l’environnement expérimenté. Pensons

par exemple aux conduites compensatoires que nous effectuons instinctivementlorsque nous descendons du train, sortons un gâteau d’un four à 180 degrés, par-lons à un public agité, etc. Cette régulation, intégrée au fonctionnement cognitif,social et moteur, et dont le sujet n’a le plus souvent pas conscience, n’est pascelle qui nous intéresse directement ici, même si l’« efficacité » d’une régulation

6. Dont l’enseignant fait partie.

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23DEGRÉS D’EXPLICITATION DE LA RÉGULATION DE L’APPRENTISSAGE

délibérée s’observe notamment quand celle-ci sera en mesure de s’automatiser àbon escient.

Dans ce chapitre, nous nous intéressons aux démarches et pratiques qui sou-tiennent une régulation explicite , que ce soit de façon verbale ou par un autremode d’expression. À ce propos, Allal et Saada-Robert (2002, pp. 270-271) défi-nissent trois degrés de prise de conscience et d’explicitation :

1. Les régulations accessibles à la conscience et explicitables  par l’élève souscondition qu’on lui demande de le faire ou que les contraintes et ressourcesde la situation l’y incitent ;

2. Les régulations explicitées  sur lesquelles l’élève est en mesure d’opérer avecintentionnalité  et de les exprimer à autrui ;

3. Les régulations instrumentées   qui s’appuient sur un support externe à lapensée de l’élève, support produit par lui-même (par exemple, une planifi-

cation d’un projet d’écriture) ou par autrui (par exemple, un guide ortho-graphique comportant des critères prédéfinis).

Les travaux sur la métacognition ont grandement contribué à la conceptualisationde la régulation consciente et délibérée. Ann L. Brown et ses collègues (1978, citéspar Allal et Saada-Robert, 1992) ont tout spécialement développé le mode dit opé-ratoire  de la régulation en situation d’apprentissage. Trois fonctions métacognitives  de la régulation y sont distinguées : (1) une fonction de planification des activitésà réaliser, (2) une fonction de contrôle des activités en cours de réalisation – ou

monitoring , (3) une fonction de vérification des résultats obtenus au regard desobjectifs visés. Cette distinction, très largement reprise en sciences de l’éducation,a fait l’objet de plusieurs variations. Nous en citons deux à titre d’exemple.

Sur la base de ses travaux antécédents, Allal (2007) opte pour quatre opéra-tions de régulation :

1. fixer un but et orienter l’action vers celui-ci,2. contrôler la progression de l’action vers le but,3. assurer un retour sur l’action (un feedback, une rétroaction),4. confirmer ou réorienter la trajectoire de l’action, et/ou redéfinir le but (p. 8).

L’auteure précise que ces opérations peuvent concerner tant les régulations internesau fonctionnement psychologique de l’apprenant (les processus d’autorégulation)que les sources de régulation liées aux interactions de l’apprenant avec son envi-ronnement social, matériel et culturel.

Focant et Grégoire (2005, pp. 204-206), toujours à partir d’une littératureen psychologie cognitive sur la théorie des buts, parlent plutôt de stratégies

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24LA RÉGULATION DES APPRENTISSAGES : DISTINCTIONS CONCEPTUELLES

d’autorégulation cognitive7. Ils en délimitent également quatre mais en met-tant des accents un peu différents. Les auteurs différencient notamment le but àatteindre et la stratégie de planification, mais ils insistent moins sur la rétroactionet l’adaptation possible du but :

1. La détermination du but  à atteindre qui sert de référence en cours de tâchepour évaluer et guider les actions à mener ;

2. la stratégie de planification qui suppose que l’individu élabore différents scé-narios, puis choisit celui qui lui semble le plus pertinent et efficace pouratteindre le but fixé ;

3. la stratégie de contrôle  qui a pour fonction de surveiller et d’évaluer le coursde l’action et ses résultats ;

4. la stratégie d’ajustement  qui, à partir des informations recueillies par la stra-tégie de contrôle, permet d’adapter les actions entreprises et l’attribution

des ressources.

On notera que la stratégie de contrôle est distinguée de celle de l’ajustement quien résulte, tout contrôle ne débouchant pas forcément sur un ajustement. Focantet Grégoire considèrent que c’est la stratégie de contrôle qui, multidimentionnelle,est la plus complexe de toutes. Les auteurs distinguent quatre types de contrôledans le cadre de résolutions de problèmes arithmétiques :

(a) Le monitoring , une forme de veille constante, inconsciente ou semi-consciente, qui « indique l’existence d’un problème non clairement défini

au moment du contrôle, tandis que les autres types de contrôle identifientune erreur précise » (p. 205) ;(b) Le contrôle de la poursuite du but, mené de façon intentionnelle. Les

auteurs citent l’exemple suivant : « l’élève se posera la question : ‘Dans ladeuxième étape, j’ai mis ensemble les paquets A et B. Est-ce vraiment celaque je devais faire ou plutôt retirer le paquet B du paquet A ?’ » (p. 205) ;

(c) La révision des étapes menées, un contrôle périodique qui vise à interrogerla pertinence de la procédure mathématique réalisée par rapport à l’inten-tion visée ;

(d) La vérification des résultats, également un contrôle périodique par lequel

l’élève vérifie si des erreurs sont survenues dans l’application des procéduresqu’il a effectuées.

7. Dans la littérature, « autorégulation cognitive » et « régulation métacognitive » sont souventconsidérés comme des synonymes (e.g., Allal, 2003).

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25MOUVEMENTS DE LA RÉGULATION PAR RAPPORT AU BUT VISÉ

Un ensemble de travaux actuels tendent à privilégier la notion de stratégies d’au-torégulation en référence notamment au modèle de l’apprentissage autorégulédans des situations scolaires (e.g., in Boekaerts, Pintrich & Zeidner, 2000). Cartier,Butler et Janosz (2007) définissent ces stratégies comme « un ensemble de pensées

et d’actions orientées vers la gestion de l’activité à réaliser et de l’apprentissageproprement dit. Ces stratégies sont utilisées par l’élève pour planifier ses stratégiescognitives et ses ressources matérielles, contrôler l’avancement de son travail etde son apprentissage, faire des ajustements, au besoin, gérer sa motivation et sesémotions et, enfin, autoévaluer ses stratégies et sa performance » (p. 604).

 Au-delà des différences de terminologie, retenons que ces auteurs s’accordentà distinguer les moments de planification de la tâche à réaliser, de résolution pro-prement dite de la tâche et d’évaluation en cours et/ou en fin de tâche à desfins d’adaptation. Dans ce cadre théorique, la régulation (ou autorégulation) ne

désigne pas seulement l’adaptation (ou ajustement) mais elle englobe l’ensembledes opérations ou stratégies en amont et en aval qui débouchent sur une adap-tation à réaliser – ou non si celle-ci ne s’avère pas nécessaire. De nombreux outilspédagogiques ont été proposés dans cette perspective, à usage unique pour unetâche particulière ou à usages multiples pour enregistrer les progrès d’un élève aucours d’une période donnée : listes de vérification, guides d’écriture, grille d’autoé-valuation, échelle d’appréciation, etc.

Le reproche possible à adresser à ces typologies est, d’une part, de ne pas suffi-samment conceptualiser les systèmes de significations et de médiations sociales et

culturelles qui interviennent dans les processus de régulation. L’acteur y apparaît,d’autre part, comme un être parfois hyper-rationnel, comme si les processus derégulation ne pouvaient s’interpréter qu’à partir d’intentions réfléchies et de stra-tégies explicites et contrôlées, masquant alors la complexité des actions humaines.Ces travaux ont cependant pour mérite de pointer dans le déroulement de l’activitéles fonctions opératoires précises de la régulation ou autorégulation par rapport àla réalisation d’une tâche en situation scolaire et, ainsi, d’apporter une distinctionconceptuelle importante entre action et régulation. Toute action n’est pas régulation.

4 MOUVEMENTS DE LA RÉGULATION PAR RAPPORTAU BUT VISÉ

La théorie des buts, dont s’inspire un ensemble de travaux comme on l’a vu plushaut, amène à conceptualiser la régulation par rapport aux objectifs et démarchesqu’elle vise. Deux grands « mouvements » sont classiquement distingués :

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26LA RÉGULATION DES APPRENTISSAGES : DISTINCTIONS CONCEPTUELLES

1. La régulation rétroactive   qui « correspond à un retour d’information(rétroaction), provenant d’une opération de contrôle, qui permet lareprise et la modification éventuelle d’une action en cours (régulationon-line ) ou d’une action déjà accomplie (régulation différée). » (Allal,

2007, p. 14). Genthon (1991) parle de renforcement de la cohérence parrapport aux objectifs et au fonctionnement visé. Le sens du projet initialest conservé. Un exemple typique : après avoir constaté dans une éva-luation formative qu’un élève n’a pas compris une règle orthographiquedonnée, l’enseignant lui donne des explications complémentaires et luipropose de nouveaux exercices à réaliser d’abord avec un camarade puistout seul. Dans ce cas, la régulation rétroactive implique un « retour » àdes objectifs non atteints ou à des tâches non réussies lors d’un premiertemps d’apprentissage (Allal, 1991).

2. La régulation proactive  qui, quant à elle, « affecte prioritairement les opéra-tions en amont du contrôle, c’est-à-dire la formulation du but, l’orientationde l’action vers le but, la mobilisation des ressources pour assurer une pro-gression efficace vers le but. » (Allal, 2007, p. 14). Cette régulation impulseune ouverture à des modifications par rapport au projet initial ; elle est sus-ceptible de soutenir la production d’un sens nouveau (Genthon, 1991).Dans ce cas, la régulation proactive est plutôt orientée vers la consolida-tion et l’approfondissement des connaissances et compétences des élèves. Allal (1991) y englobe deux cas : (a) l’enseignant organise des situationsmieux adaptées pour les élèves ayant rencontré des difficultés dans une pre-mière situation d’apprentissage afin que chacun puisse consolider ses com-pétences dans un nouveau contexte didactique ; (b) l’enseignant prévoitde nouvelles activités pour les élèves qui ont progressé sans difficulté dansla situation initiale d’apprentissage, afin qu’ils puissent approfondir leursconnaissances et compétences. Un exemple typique donné par l’auteure : àla suite d’une activité de lecture qui a impliqué toute la classe, l’enseignantpropose aux élèves des lectures différenciées en fonction de leurs niveauxde compétences et de leurs intérêts (p. 101).

Ces deux formes de régulation ne sont évidemment pas exclusives. Au plan péda-gogique et didactique, elles incitent à penser les mouvements de la régulationen fonction de l’objet (au sens large) sur lequel elle porte : reprise de contenusà des fins de remédiation, ouverture à d’autres objectifs et à d’autres savoirs auregard des progressions ou difficultés d’apprentissage constatés, etc. La régulationse pense alors dans une mise en relation explicite entre les activités didactiquesprécédemment réalisées ou en cours de réalisation et les activités à venir. Dans

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27MODALITÉS DE LA RÉGULATION INTERACTIVE

une perspective de différenciation pédagogique, on vise l’ajustement des tâches etdes situations à la diversité des élèves, c’est-à-dire en pensant aux élèves à qui ons’adresse, à leurs connaissances préalables, à leurs dispositions et ressources, auxdifficultés qu’ils sont susceptibles de rencontrer, aux progressions différenciées de

leurs apprentissages (Perrenoud, 1991).

5 MODALITÉS DE LA RÉGULATION INTERACTIVE Allal dans sa contribution de 1988 a introduit l’idée de régulation interactive  afinde pointer la régulation qui est soutenue par l’interaction entre l’élève et les res-sources sociales et matérielles de l’environnement d’enseignement et d’appren-tissage. Bien que reconnaissant une certaine tautologie à cette idée de régulation

interactive – l’activité de l’élève n’existe en effet pas hors d’une interaction avecle contexte de son déploiement et toute régulation provient d’une interactionentre la personne et les ressources de son environnement – Allal (2007) insiste surla fonction de médiation que cette interaction offre à la régulation des processusd’apprentissage de l’élève. Trois modes de régulation interactive, non exclusives,sont distinguées :

1. entre l’enseignant et un élève (un petit groupe d’élèves, la classe) ;2. entre élèves, dans un même groupe, entre différents groupes d’élèves ;3. entre l’élève et les outils matériels à disposition dans la situation didactique.

La régulation interactive se réalise immédiatement, « à chaud », pendant le dérou-lement de l’activité de l’élève. Les différents modes de régulation sont considéréscomme des sources  potentielles de régulation, c’est-à-dire susceptibles de déclen-cher un processus d’autorégulation chez l’élève. Ils ne régulent pas en soi l’activitéd’apprentissage de l’élève, car « ce sont les mécanismes autorégulateurs qui assu-rent, in fine , la progression de l’apprentissage » (Allal, 2007, p. 11).

La régulation interactive est considérée par la plupart des auteurs comme unerégulation puissante, à privilégier, car elle s’intègre à l’activité en train de se réaliser.

De nombreux travaux ont cherché à mieux comprendre ce qui, dans l’interactionde régulation, est susceptible d’être approprié par l’élève à des fins d’autorégula-tion. Sans visée d’exhaustivité, pensons aux études qui s’intéressent aux interac-tions entre pairs (conflit sociocognitif et régulations sociales et cognitives qui enrésultent ; interactions de collaboration ; tutorat entre élèves, etc.), aux interac-tions entre un expert et un novice (fonctions d’étayage et de désétayage à l’école ;participation guidée par l’expert, etc.), à l’usage d’outils interactifs, etc.

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28LA RÉGULATION DES APPRENTISSAGES : DISTINCTIONS CONCEPTUELLES

6 TEMPORALITÉ ET MISE EN ŒUVRE DE LA RÉGULATIONLa régulation, en tant que processus, suppose une temporalité vis-à-vis des situa-tions didactiques et des activités d’apprentissage des élèves. Dans une perspective

d’évaluation formative notamment, on peut distinguer :1. la régulation immédiate , c’est-à-dire directement intégrée à l’activité del’élève, sans rupture temporelle ;

2. La régulation différée . Dans ce cas, les ajustements entrepris par rapport àl’activité concernée se réalisent dans un temps ultérieur (par exemple, lorsd’une prochaine leçon) (Allal, 1988).

Toujours dans cette appréhension de la temporalité de la régulation au regarddes situations didactiques et activités d’apprentissage de l’élève, Allal et Saada-

Robert (1992) affinent cette distinction en différenciant trois niveaux de mise enœuvre :1. Niveau 1. Les régulations on-line , c’est-à-dire intégrées au processus de pro-

duction de l’élève dans une tâche donnée. Les auteures donnent l’exempled’un élève qui relit une phrase qu’il vient de rédiger afin d’orienter lecontenu et la manière d’écrire la phrase suivante dans une production tex-tuelle en cours ;

2. Niveau 2. Les régulations sont liées à la gestion de la tâche à réaliser dansson entier. Deux cas sont notamment différenciés. Soit il n’y a pas de rupturetemporelle : par exemple, l’élève relit son brouillon de texte pour préparerl’étape suivante de la production écrite, corriger les erreurs orthographiquesou pour ajuster un contenu supplémentaire (dans ce cas, des régulationsde niveau 1 peuvent opérer) ; soit il y a une rupture temporelle entre lesdifférentes étapes de la tâche réaliser. Deux jours plus tard, un « retour » à latâche sert à des activités de révision textuelle par exemple.

3. Niveau 3. les régulations sont liées à la gestion des relations entre la tâcheà réaliser et le contexte didactique plus général de la classe : gestion parrapport à un plan de travail hebdomadaire, par rapport à des périodes detravail plus libres, usage des ressources à disposition dans la classe (coin

bibliothèque par exemple) ou dans l’école (pp. 288-290).

Dans les séquences didactiques composées d’une succession de situations, unearticulation entre les différents modes et niveaux de régulation peut évidemmentêtre pensée dans une perspective de différenciation pédagogique.

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29ENVIRONNEMENTS ET CONTEXTES D’APPRENTISSAGE

7 ENVIRONNEMENTS ET CONTEXTES D’APPRENTISSAGEPour Reed (1996, cité par Allal, 2007) et comme nous avons commencé à le mon-trer tout au long de ce chapitre, toute régulation provient d’une rencontre entre

un agent et les « possibilités d’action offertes8 » par son environnement d’appren-tissage. Un enjeu est alors d’encourager des contextes « riches » en opportunitésd’apprentissage et de régulation (rich learning environment , Järväla, 1995). Plusieursconceptualisations existent dans la littérature de recherche, vues comme susceptiblesde soutenir l’autorégulation de l’élève en fonction des conceptions d’apprentissagedéfendues. À titre d’exemple, nous citons ci-après deux modèles pédagogiques quivisent à promouvoir un environnement riche en ressources contextuelles et à encou-rager un rapport significatif (meaningful ) des élèves aux apprentissages. Ces deuxmodèles s’inscrivent dans une perspective de l’apprentissage situé.

Le modèle cognitive apprenticeship (Collins, Brown & Newman, 1989) – ou« compagnonnage cognitif » en français – a pour but principal de rendre visibles  lesprocessus à l’œuvre lorsque l’élève écrit, lit, résout des problèmes par exemple. Ils’agit, selon ce modèle, de mettre en place des conditions favorables à l’externali-sation des processus cognitifs et métacognitifs par le moyen de problèmes résolusensemble par exemple, d’alternance de rôles entre enseignant et élèves, de dis-cussions, de descriptions et de réflexions sur la façon dont expert-enseignant etnovice-élève réalisent les tâches. La prise de conscience et la visibilisation des proces-sus cognitifs représentent une source d’information importante pour le soutien desprocessus d’autorégulation de l’apprenant et pour la régulation de l’enseignement.Les résultats de la recherche de Järvelä (1995) mettent notamment en avant l’im-portance de la construction d’une compréhension partagée entre les participants,plus particulièrement la nécessité d’une interprétation commune de la tâche entreles élèves et l’enseignant afin que le guidage de ce dernier produise des effets positifssur la participation et les apprentissages des élèves. La médiation sociale de l’expertest associée à ce que les auteurs nomment des méthodes d’enseignement qui sont lamodélisation, le coaching , l’étayage et le désétayage. Järvelä considère que cette formede relation prônée entre l’enseignant et l’élève/les élèves est au cœur du modèle.

Le modèle community of learning 9 développé par Brown et Campione (1990)encourage un environnement d’apprentissage qui promeut des pratiques dites

8. Ou « affordance » en anglais qui sont les propriétés de l’environnement qui soutiennent et enmême temps contraignent l’activité de l’apprenant. Elles sont à la fois ressources et contraintes.9. Que nous traduisons par « communauté d’apprentissage », bien que dans la version française(Brown & Campione, 1995), la traduction soit « communauté d’élèves ». Cette variation de termi-nologie se retrouve également en anglais.

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30LA RÉGULATION DES APPRENTISSAGES : DISTINCTIONS CONCEPTUELLES

« authentiques10  » sous forme de projets, de recherches, de résolution de pro-blèmes, de situations de collaboration entre pairs et de débats dans la classe. Undes objectifs de ce modèle est d’encourager le partage des compétences entre lesmembres de la classe et de créer des conditions favorables à l’émergence de mul-

tiples  zones de développement proximal dans la classe (en référence au concept de Vygotski). Celles-ci se construisent non seulement dans la dynamique des proces-sus interactifs entre personnes, mais également par l’accès à des ressources maté-rielles et informationnelles variées. La modélisation de ce type de fonctionnementcommunautaire de la classe, liée à l’intention de créer des ponts entre contextesscolaires et extrascolaires, s’inspire selon les auteurs de celui des communautésscientifiques de référence. Il s’oppose à un enseignement traditionnel transmissifqui entraîne une posture passive de l’apprenant.

L’intérêt de ces modèles est d’insister sur les caractéristiques des environne-

ments d’apprentissage en fonction des choix pédagogiques et didactiques. Ilsaccordent une importance particulière aux négociations de significations entreles membres de la classe, à la construction du sens des activités d’apprentis-sage, à la reconnaissance de la nature sociale et distribuée de l’apprentissage,tout en étant attentifs aussi aux particularités individuelles des apprenants.Cela suppose que les élèves acquièrent des compétences d’autorégulation,pour contrôler, évaluer, optimiser les connaissances acquises et leur usage pourapprendre à réguler leurs émotions et motivation en cours d’apprentissage.Comme tous modèles, ceux-ci ont aussi des limites, peut-être essentiellement

par leurs prétentions prescriptives. Cela nous amène à nous intéresser dans lesprochains chapitres aux processus de régulation plutôt dans la réalité complexedes classes ordinaires, en théorisant notamment la relation entre le plan com-munautaire que toute classe comporte et les activités individuelles et socialesde ses membres.

8 ÉLÉMENTS DE DISCUSSION

Dans ce chapitre, nous avons énuméré certaines distinctions conceptuelles quicaractérisent assez classiquement les travaux sur la régulation des apprentissages enclasse. Celles que nous avons retenues représentent un cadre conceptuel possiblepour définir et décrire la régulation des apprentissages dans le contexte scolaire.

10. Ce concept, souvent utilisé dans la perspective située, est problématique sur plusieurs points.Nous n’avons pas la place ici pour développer les limites de cette métaphore d’authenticité.

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S MMAIRE

1 La microculture de classe en mathématiques2 La microculture de Paula : travaux de groupes et interactions collectives3 La microculture de Luc : travaux de groupes et interactions collectives4 Éléments de comparaison entre les deux microcultures de classe

et discussion

La régulation interactive a pour particularité d’être intégrée à l’activité que l’élèveest en train de réaliser et sur laquelle elle porte – on parle volontiers de régulationà chaud, immédiate ou on-line . Elle se déploie dans l’observation et l’interactionentre enseignant-élève(s), entre pairs ou avec du matériel (Allal, 1988) lorsque latâche n’est pas terminée, « le maître étant capable et prenant le risque d’interféreravec les processus de pensée et de communication en cours » (Perrenoud, 1993,p. 45). Une recherche récente que nous avons menée avec des enseignants pen-dant trois années a montré que ce type de régulation est considérée par les prati-ciens comme cruciale (Mottier Lopez et al., 2010, 2012). Les enseignants jugenten effet indispensable de pouvoir (et de savoir comment) intervenir en temps réel,c’est-à-dire au moment où ils constatent une erreur ou une difficulté rencontrée parl’apprenant. Le concept de régulation interactive ne va cependant pas de soi, carla distinction entre régulation et interaction est délicate à saisir dans les pratiques,quasi indissociable des interactions didactiques proprement dites. S’intéresser à la

régulation interactive, comme nous allons le faire dans ce chapitre et le suivant,c’est donc admettre que l’on va tenter d’appréhender une réalité assez fuyante etdifficile à circonscrire. Notre intention est de relever ce défi, en étudiant dans cechapitre la façon dont le contexte de la classe (en termes de normes, pratiques etsignifications, plus spécialement en mathématiques) donne forme à la pratiquede régulation, en particulier au sein d’interactions entre l’enseignant et ses élèves.Pour ce faire, nous nous appuyons sur nos travaux de 2007 et de 2008 qui ont

CHAPITRE 2 RÉGULATIONS SITUÉES

DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

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34RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

étudié deux microcultures de classe en mathématiques à l’école primaire (élèvesde 8-9 ans) en Suisse romande.

Dans un premier temps, nous explicitons notre cadre épistémologique et

théorique pour penser la régulation dans une perspective de l’apprentissagesitué (Brown et al., 1989 ; Lave & Wenger, 1991), qui s’appuie sur la métaphoreque l’apprentissage est un processus de participation à des pratiques sociales.Nous interrogerons la classe en tant que groupe social (ou communauté sociale),qui se caractérise par une microculture qui véhicule certaines pratiques, valeurs,normes et significations partagées, liées à d’autres cultures plus larges. Bien quenotre propos portera exclusivement sur des activités qui se déroulent au sein dela classe, il est à préciser d’emblée, afin d’éviter une représentation réductrice,que le contexte local et immédiat de la classe n’est pas la seule unité prise encompte par cette conception de l’apprentissage. À titre d’exemple, l’évocationmentale des pratiques sociales liées à l’action individuelle, ainsi que l’utilisa-tion d’outils culturels véhiculant les arrangements sociaux qui les ont produits,sont vus comme conférant une composante sociale à toute action individuelle– signifiant, d’une part, que l’action individuelle est toujours sociale et, d’autrepart, que les outils et les langages utilisés dans la classe véhiculent les contextesculturels et historiques de leurs développements (et transformations), en plusde leurs significations locales négociées au sein des activités didactiques etpédagogiques.

Suite à la présentation du cadre théorique de la microculture de classe danscette perspective de l’apprentissage situé, nous présentons et commentons despratiques contrastées des deux classes observées tout au long d’une année scolaire.Nous avons choisi des extraits d’interactions impliquant des interventions de l’en-seignant dans des travaux de groupe et des moments collectifs avec toute la classeau fil d’une séquence d’enseignement qui porte sur des raisonnements additifset multiplicatifs. Nous terminons par des éléments de comparaison en discutantnotamment notre choix d’interpréter les régulations interactives au regard des pra-tiques mathématiques, des normes, et de leurs significations négociées au sein ducontexte de chaque classe.

1 LA MICROCULTURE DE CLASSE EN MATHÉMATIQUESDans une série de recherches menées en contexte réel de classe, plus spéciale-ment en mathématiques, Cobb et ses collègues (e.g., Cobb, Gravemeijer, Yackel,McClain & Whitenack, 1997) ont montré que l’enseignant et les élèves, au cours

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35LA MICROCULTURE DE CLASSE EN MATHÉMATIQUES

de leurs interactions continues, construisent une microculture   dans la classe quiinfluence foncièrement les apprentissages réalisés. En référence aux travauxd’Erickson (1986), la microculture de classe désigne une culture locale, propre à ungroupe de personnes amenées à s’associer de façon récurrente et qui en construi-

sent et partagent une compréhension spécifique. Les chercheurs proposent uncadre d’analyse et d’interprétation de la microculture d’une classe qui a pour origi-nalité de mettre en évidence :

 – les significations locales qui se construisent lorsque les membres de la classese coordonnent pour « faire des mathématiques »,

 – en relation avec les processus actifs de construction de l’élève de leursconnaissances,

 – et les processus sociaux d’enculturation par rapport à des conventionsculturelles préexistantes (en l’occurrence, les savoirs mathématiques à

enseigner).

Dans ce cadre théorique, la microculture de classe n’est pas conçue comme unenvironnement qui serait imposé aux élèves. Elle est conceptualisée dans uneperspective interactionniste de l’activité humaine, c’est-à-dire qui se construit aufil des interactions entre l’enseignant et les élèves. Nos propres travaux, tout enreconnaissant la dimension construite de la microculture de classe, s’inspirent despropositions de Lave (1988) qui insistent sur deux unités d’analyse pour appré-hender les éléments du contexte : l’arena  et le setting . Pour Lave, l’arena  désigne

les aspects du contexte qui ont des propriétés durables et publiques non direc-tement négociables par l’individu – savoirs, outils, agencement spatio-temporel,techniques, etc. produits de la culture et de l’histoire. On peut faire le lien avec deséléments institutionnels et socioculturels préexistants (ou préconstruits) à l’interac-tion et à la microculture de classe (pensons aux projets pédagogiques préexistantsde l’enseignant, aux représentations et expériences antérieures des membres dela classe, aux moyens d’enseignement utilisés, par exemple). Le setting  désigne,quant à lui, la nature constructible et malléable du contexte (ou les aspects émer-geants ) qui se constitue en interaction avec l’arena , en relation avec l’activité sub-jective de chaque individu. Cette articulation judicieuse entre dimensions données

et dimensions constructibles permet de dépasser la conception d’un contexte vusoit uniquement comme un environnement déterministe qui s’imposerait aux indi-vidus, soit uniquement comme des processus d’interprétation et de constructionconjointe de sens qui ignorent les aspects objectifs et préexistants des situationssocioculturelles. Dans notre conceptualisation, les normes et les pratiques d’unemicroculture de classe sont ainsi considérées comme étant à la fois sociales etinstitutionnelles.

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36RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

La figure 1 présente les dimensions inter-reliées définies par Cobb et al. (1997)pour analyser et interpréter une microculture de classe (pointillés gras dans lafigure). Cette figure identifie également différents niveaux de contexte susceptiblesd’influer sur les normes et les pratiques mathématiques de la classe (dans la figure,

l’école, la société).

Social perspective Psychological perspective

General societal norms Beliefs about what constitutes normalor natural development in mathematics

General school norms Conception of the child in school – beliefsabout own and others’role in school

Classroom social norms Beliefs about own role, others’roles, andgeneral nature of mathematics in school 

Sociomathematical norms Mathematical beliefs and values  

Classroom mathematical practices Mathematical conceptions(interpretations and activity)

Figure 1. Cadre interprétatif de la microculture de classe selon Cobb et al. (1997, p. 154)

Les chercheurs défendent la conception d’une relation dite réflexive1  entreperspectives sociale et psychologique, afin de signifier, dans une approche nondualiste, que ces plans sont indissociablement liés, produisant les conditions audéveloppement et à la régulation de l’autre plan. Pour désigner cette idée de rela-tion co-constitutive, Allal (2007) introduit le concept de co-régulation. L’hypothèseest que les activités individuelles se développent et se restructurent lors de la par-ticipation des élèves et de l’enseignant aux pratiques mathématiques de la classe ;réciproquement, l’évolution des pratiques de la classe s’effectue à travers la réor-ganisation des activités individuelles. Dans la perspective située, les savoirs ne sont

1. Le choix de ce terme peut être vu comme problématique alors qu’il est souvent associé à l’idéede « réflexion sur ». Nous choisissons cependant de citer cette terminologie ici qui est omniprésentedans les travaux de Cobb et de sa conceptualisation de la microculture de classe.

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37LA MICROCULTURE DE CLASSE EN MATHÉMATIQUES

pas ignorés, mais ils sont « en acte »2 dans les pratiques qui leur donnent forme – àl’école, une forme didactique ou scolaire.

Cobb et al. définissent trois unités inter-reliées d’analyse et d’interprétation dela microculture de classe :

1. Les normes sociales générales et croyances individuelles. Les normes socialesgénérales de la classe désignent les régularités  de la participation des élèvesquelle que soit la discipline scolaire. Par exemple dans l’interaction collec-tive faisant suite à des résolutions de problèmes, les normes de participation(citées par Cobb et ses collègues) seraient de devoir expliquer les résolutionsentreprises, tenter de donner du sens aux explications des camarades, indi-quer sa compréhension ou incompréhension, questionner les démarchesalternatives. Le plan individuel associé de façon indissociable aux normessociales générales est constitué des croyances individuelles de l’enseignant

et des élèves sur leurs rôles, le rôle des autres et sur la nature des activitésproposées en classe.

2. Les normes sociomathématiques et croyances et valeurs mathématiques indi-viduelles . Les normes sociomathématiques désignent les régularités desprocessus de participation propres aux pratiques mathématiques.3  Parexemple, toujours dans une interaction collective suite à des activités derésolution de problèmes, les normes sociomathématiques pourraient êtrede devoir partager une compréhension commune de ce qui compte commeune différence mathématique acceptable dans la classe4, une explication

mathématique acceptable, une résolution mathématique efficace, experte,ou encore « élégante ». Le plan individuel indissociablement lié aux normessociomathématiques désigne les croyances et valeurs individuelles spéci-fiques aux mathématiques.

3. Les pratiques mathématiques de la classe et activités mathématiques indi-viduelles . Les pratiques mathématiques de la classe sont vues comme les

2. Lave (1988) parle de cognition-in-practice , expression qui souligne le refus du dualismeesprit-action.

3. Notre analyse conceptuelle dans Mottier Lopez (2008) a mis en avant que les normes socio-mathématiques peuvent être associées aux règles pérennes du contrat didactique (e.g., Brousseau,1986/1996) ou encore à la notion de coutume de classe développée par Balacheff (1988). Nousavons également discuté de façon critique la distinction établie par Cobb et ses collègues entre lesnormes générales et les normes sociomathématiques. Nous ne reprenons pas cette discussion ici, etsuggérons aux lecteurs intéressés de consulter notre écrit de 2008.4. La traduction est littérale, par exemple : « what counts as a mathematical difference » (Cobb etal., 1997, p. 156).

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38RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

 situations sociales immédiates au développement mathématique des élèves.Elles fournissent la forme aux interprétations mathématiques collectives etcommunautaires qui portent sur des savoirs spécifiques. Dans les travaux deCobb, les pratiques mathématiques de la classe se développent principa-

lement lorsque l’enseignant et les élèves discutent des situations, des pro-blèmes, des solutions, notamment dans des interactions collectives faisantsuite à des activités de résolution en petits groupes ou individuelles. Bowers,Cobb et McClain (1999) parlent de compréhension mathématique collec-tive qui inclut l’argumentation, la validation, l’utilisation des conventionsmathématiques relatives à des situations, des tâches et des savoirs mathé-matiques particuliers. Au plan individuel, les pratiques mathématiques de laclasse sont foncièrement rattachées aux activités psychologiques d’interpré-tation et de raisonnement mathématiques des élèves.

Dans cette conception anthropologique et situationniste, la notion de norme nevéhicule pas une connotation morale. En tant que systèmes d’attentes et obliga-tions réciproques, elles contraignent et tout à la fois rendent possible l’activité indi-viduelle et collective. Les auteurs insistent sur l’idée que les normes et les pratiquesmathématiques de la classe sont à concevoir uniquement « comme si » elles étaientreconnues et partagées (taken-as-shared, selon Voigt, 1994) par les membres de laclasse, car des différences d’interprétation individuelle demeurent toujours. « Fairecomme si » est fonctionnel pour rendre possible les processus de communication

et de compréhension entre les membres de la classe. Dans la suite de l’ouvrage,nous utiliserons fréquemment l’expression « vu comme reconnu et partagé » afinde renvoyer à cette idée de taken-as-shared .

 Régulations interactives situées dans une dynamiquede microculture de classeNous avons introduit dans Mottier Lopez (2008) un troisième plan à la microcul-

ture de classe portant sur les processus de négociation interpersonnelle (impliciteet explicite) des normes et des pratiques vues comme reconnues et partagées entreles membres de la communauté classe. Ce plan interpersonnel  (ou inter-psychique)désigne les processus interprétatifs entre les participants qui sous-tendent la consti-tution de la microculture lors de leur participation aux pratiques mathématiquesde classe avec les outils symboliques qui servent à la médiation des significationsco-construites entre l’enseignant et ses élèves.

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39LA MICROCULTURE DE CLASSE EN MATHÉMATIQUES

Plans mutuellement constitutifs de la microculture de classe

Plan communautaire Plan interpersonnel Plan individuel  

Dimension contextuelleet interprétativede la microculturede classe

Constitution interactivede la microculture de classe Contributionsindividuellesà la constitutionde la microculture

Normes socialesgénéralesNormessociomathématiquesPratiques mathématiquestaken-as-shared 

Négociation des normeset des pratiques mathématiquesen tant qu’outils symboliquesde médiation aux progressionsindividuelles et collectives de la classe

 Hypothèse d’une source puissantede régulation interactive

 Valeurs, croyancesindividuellesInterprétation etraisonnementmathématiquesindividuels

Contextes plus larges que celui de la classe 

Figure 2. Plans constitutifs de la microculture de classe

Nous formulons l’hypothèse que ce plan interpersonnel représente une sourcepuissante de régulations interactives entre enseignant et élèves lorsque ceux-ci négo-cient les normes, les pratiques et leurs significations dans la microculture de classe. Cesnormes et pratiques (pré-construites par certains aspects et à la fois émergentes) sont

conçues, dans une approche socioculturelle située, comme des outils symboliquesdont les significations négociées dans l’interaction offrent une médiation possible àl’autorégulation de l’élève – cette dernière étant elle-même nécessaire à la reconnais-sance sociale et partagée des pratiques de la classe et à leur évolution. À partir de nostravaux de recherche, nous examinons ci-après cette hypothèse de travail.

 Quelques informations sur la recherche menée

Les données sont issues d’une recherche qui a étudié, pendant une année scolaire, laconstitution interactive de deux microcultures de classe de troisième année primaire– élèves de 8-9 ans (Mottier Lopez, 2008)5. Les deux enseignants concernés, Paula etLuc, ont une vingtaine d’années d’expérience professionnelle dans l’enseignement

5. Au moment de la recherche, on parlait de troisième année primaire. Depuis, la désignation desannées scolaires a changé en Suisse. Cela correspond au degré actuel : 5P Harmos.

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40RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

primaire du canton de Vaud en Suisse romande. Chaque classe est composée de 17élèves, dont près de la moitié est de nationalité suisse. Dix élèves de chaque classesont issus d’un milieu socioéconomique moyen à supérieur ; sept autres d’un milieusocioéconomique bas. Tous parlent couramment français.

Toutes les leçons observées (39 au total) portaient sur des problèmes dans lechamp de la multiplication, proposées par les moyens didactiques utilisés par lesenseignants. À noter que ceux-ci, en tant que moyens officiels, proposent des acti-vités dites de résolution de problèmes. Ils véhiculent les conceptions didactiquesrattachées à cette approche pédagogique qui, dans les moyens, distinguent dessituations de jeu, des situations de recherche et des situations-problèmes. Deux typesd’observation ont été effectués dans les classes : (1) des observations régulières tousles quinze jours dans chaque classe. Celles-ci visaient à identifier les normes sociales6 et leurs significations vues comme reconnues et partagées entre les membres de la

classe et qui organisent les activités didactiques en mathématiques ; (2) l’observationde deux séquences d’enseignement/apprentissage dans chaque classe, composéed’une suite de leçons (pour la plupart quotidiennes) portant sur des mêmes activitésissues des moyens d’enseignement officiels. Ces observations ont permis d’analyserfinement la façon dont s’élaborent les normes et les pratiques mathématiques au fildes interactions entre l’enseignant et les élèves, la nature des contributions participa-tives de chacun, ainsi que les processus de régulation liées aux pratiques et activitésindividuelles et collectives dans chaque microculture de classe.

Dans ce chapitre, les régulations interactives portent sur le problème Au Grand

Rex qui est le premier problème multiplicatif soumis aux élèves par Paula et Lucen début de troisième année primaire, ainsi que sur des activités de prolongementconçues par chaque enseignant. L’objectif visé par les enseignants, conformémentaux recommandations des moyens didactiques, est de débuter la constructiondu sens de la multiplication en tant qu’opération de remplacement d’opérationsadditives.7 Cet objectif se poursuivra tout au long de l’année, en soumettant auxélèves un ensemble de problèmes issus des moyens didactiques utilisés par lesenseignants. Ces moyens recommandent de réaliser le problème Au Grand Rex pargroupes de deux élèves ; l’énoncé est formulé en ces termes dans le livre de l’élève :

6. Dans cet ouvrage, nous parlerons de normes sociales en mathématiques dans des problèmesmultiplicatifs et des significations construites par l’enseignant et ses élèves à propos de ces normes,sans établir la distinction que proposent Cobb et ses collaborateurs entre normes générales etnormes sociomathématiques.7. La pertinence de ce choix didactique pour construire le sens de la multiplication pourrait êtremise en question, en faveur de la notion de produit cartésien.

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41LA MICROCULTURE DE PAULA : TRAVAUX DE GROUPES ET INTERACTIONS COLLECTIVES

 Au cinéma Le Grand Rex, toutes les places sont à 14 francs. Chaque soir lacaissière contrôle si la somme encaissée correspond au nombre de billetsvendus. Ce soir-là, 32 billets ont été vendus. Quelle somme la caissièredevrait-elle avoir reçue ? Note tous tes calculs.

Nos analyses s’appuient sur les transcriptions écrites des interactions entre l’en-seignant et ses élèves pour chaque leçon (les leçons ont été filmées et enregis-trées), sur des entretiens menés avec l’enseignant après chaque leçon, sur les tracesécrites des résolutions des élèves. Les épisodes sélectionnés pendant les travaux degroupe témoignent d’une intervention de l’enseignant quand les élèves dévelop-paient un raisonnement erroné, déployaient une procédure partiellement correcte,ne proposaient pas une démarche attendue ou, plus généralement, éprouvaientdes difficultés et ne progressaient pas/plus dans la résolution du problème. Quantaux interactions collectives, elles ont toutes été systématiquement analysées dans

le cadre de notre étude de la constitution interactive des normes et des pratiquesmathématiques de chaque classe tout au long d’une année scolaire.

Sur le plan mathématique, nous nous sommes appuyé sur la théorie des champsconceptuels  de Vergnaud (1991/1996) qui délimite deux grandes classes princi-pales de problèmes à la base de nombreux apprentissages en mathématiques : lesstructures additives et les structures multiplicatives. La typologie des problèmesmultiplicatifs proposée par l’auteur permet de différencier les formes de relation enjeu dans le problème, les valeurs numériques impliquées et le domaine de référencede l’énoncé. Parmi les trois formes de relation distinguées, seule la première forme,

appelée isomorphisme de mesures , concerne les problèmes étudiés dans notrerecherche. Notre contribution de 2008 explique en détail les aspects méthodolo-giques de nos analyses interprétatives. Ci-après, nous mettons en perspective notreétude des interactions pendant les travaux de groupe (Mottier Lopez, 2007) etpendant les interactions collectives (Mottier Lopez, 2008) autour du problème AuGrand Rex. Toutes ces interactions ont pour particularité d’impliquer l’enseignant.

2 LA MICROCULTURE DE PAULA : TRAVAUX DE GROUPESET INTERACTIONS COLLECTIVES

Dix-sept leçons de mathématiques ont été observées dans la classe de Paula toutau long d’une année scolaire. Le tableau 2 présente les principales normes socialesqui structurent la participation des élèves quand il s’agit de résoudre des problèmesmathématiques dans cette classe. Pour ce qui est de l’activité de résolution deproblèmes (première partie du tableau), il ressort que le rôle socialement admis

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42RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

des élèves est de chercher et proposer des solutions sans attendre des explica-tions préalables de l’enseignante. Dans cette microculture de classe, des procé-dures différentes sont systématiquement acceptées et valorisées pour résoudreun même problème multiplicatif (additions itérées plus ou moins sophistiquées,

multiplication « en ligne » avec décomposition d’un facteur, essai de l’algorithmeen colonnes8). Dans l’interaction collective faisant suite aux phases de résolutionen petits groupes ou individuelles (deuxième partie du tableau), les normes departicipation des élèves aux pratiques mathématiques de la classe consistent àexpliquer la résolution mathématique développée préalablement, ou expliquerune résolution différente par comparaison à celles déjà expliquées publiquementpar des pairs. Une norme est également de réexpliquer ou de poursuivre l’explica-tion de la résolution d’un camarade (Mottier Lopez, 2008). Quant aux régulationsinteractives privilégiées par l’enseignante pendant les travaux en petits groupes

(troisième partie du tableau), la priorité est donnée aux interventions directes del’enseignante auprès des élèves concernés.

Tableau 2 : Normes de la microculture de classe de Paula  et régulations interactives

Normes sociales concernant la résolution de problèmes mathématiques tout au longde l’année scolaire* 

– développer une résolution sans attendre une démonstration initiale de l’enseignante– pour une même classe de problèmes, plusieurs résolutions différentes sont acceptéeset valorisées

Normes sociales concernant la participation dans l’interaction collective tout au longde l’année scolaire* 

– expliquer sa résolution mathématique– expliquer une résolution mathématique différente– réexpliquer, poursuivre la résolution d’un pair 

Régulations interactives dans la séquence Au Grand Rex pendant les travaux de groupes** 

– priorité aux régulations interactives enseignante-élève(s)

 Variation des objets régulés au fur et à mesure de l’avancement didactique des leçons* Observations de 17 leçons dont font partie les leçons de la séquence Au Grand Rex** Observation de 4 leçons, avec 2 problèmes de prolongement

8. Précisons que l’enseignement de l’algorithme en colonnes est programmé en quatrième annéeprimaire (ou 6P Harmos).

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43LA MICROCULTURE DE PAULA : TRAVAUX DE GROUPES ET INTERACTIONS COLLECTIVES

 Résolution en petits groupes d’élèvesDe façon systématique, Paula souhaite que ses élèves démarrent les résolutionssans attendre une explication préalable de sa part ; une attente interprétée comme

une obligation par les élèves dans la mesure où on note qu’ils ne sollicitent pas,en début d’activité, des explications de la part de leur enseignante. Précisons que,dans les deux classes, les élèves sont déjà capables de lire les énoncés de problèmesde façon quasi autonome.

Pendant les travaux de groupes (TG), Paula n’intervient auprès des élèves ques’ils ont une résolution – ou un début de solution – à proposer. Ses interventionsont pour but prioritaire de recueillir de l’information sur les démarches dévelop-pées en sollicitant les explications des élèves par des questions rituelles telles que : Dites-moi exactement ce que vous avez fait ? Vous m’expliquez ce que vous avez fait

là exactement ?  Dans la majeure partie des cas, Paula ne se contente pas d’unerapide explication, mais elle encourage une participation active des élèves, en leurdemandant de préciser leur raisonnement ou de détailler leur procédure de calcul.

Extrait 1

1 Eri Donc j’ai fait 16 fois 8.

Recueil d’informationspar le moyen de l’explicationde l’élève ; une simpleobservation de la trace écritepar Paula (P) ne suffit pas ;celle-ci incite une explicationdétaillée de la part de l’élève.

2 P Ouais donc tu as écrit quoi ? Essaiede m’expliquer ce que tu as écrit.

3 Eri Ben 16 fois le 8 et puis après j’ai groupéeuh quatre 8 chaque fois.

4 P Ouais.

5 Eri Et j’ai vu que 4 fois le 8 ça faisait 32.

6 Law Moi j’ai fait comme ça.

7 P D’accord un instant Law.

8 Eri Et puis après j’ai groupé chaque fois en

4 et puis après j’ai fait 32 plus 32, 64 etpuis après 2 fois 64 ça m’a fait 128. (…)

P = Paula

Paula accepte toutes les tentatives de résolution, de façon cohérente avec lesnormes de la microculture de classe, à savoir que le rôle des élèves consiste à déve-lopper une procédure de calcul sans attendre une démonstration, tout en sachant

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44RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

que différentes résolutions sont acceptées et même valorisées. Paula clôt un grandnombre d’échanges par la relance : Alors allez-y, y compris si la démarche en coursn’est pas totalement pertinente. Par contre, on observe qu’elle engage une régu-lation systématique dans le cas d’une erreur d’interprétation concernant la relation

mathématique en jeu dans le problème (constat observé tout au long de l’annéescolaire). En effet, si elle constate que dans l’explication des élèves, ceux-ci n’ontpas identifié la structure multiplicative (32x14) – quitte ensuite à résoudre le pro-blème par une addition successive – elle guide  les élèves vers une réinterprétationdu problème. Mais elle ne fournit pas d’indices sur une procédure de calcul parti-culière à utiliser pour résoudre le calcul relationnel une fois celui-ci posé.

Extrait 2

1 P Vous m’expliquez, Nik et Cri, ce que

vous avez fait exactement. Vas-y Nik !

Paula sollicite l’explication des élèves ;la relation mathématique expriméeest erronée et manifeste des tentativesopératoires non pertinentes.

Décision de régulation immédiateprise par Paula qui invite les élèvesà relire l’énoncé du problèmeet à le réinterpréter. Pour ce faire,cadrage de la situation par un guidageciblé de Paula sur les variablesnumériques liées à la situationempirique décrite par le problème.

2 Nik Ben on a fait avec le plus, 14 plus 32égale 46.

3 P D’accord.

4 Nik Après on a voulu voir avec le moins.

5 P Ouais.

6 Nik 32 moins 14 égale 22.

7 P D’accord bien. Maintenant

qu’est-ce qu’on aimerait savoir ?8 Nik Combien (silence) [Quelle somme

la caissière devrait-elle avoir reçue ? 

9 Cri [Quelle somme la caissière devrait-elleavoir reçue  ? (Nik et Cri lisent l’énoncé)

10 P D’accord. Alors maintenant il y acombien de billets qu’elle a vendus ?

11 Nik 32.

12 P 32. Donc il faut imaginer 32 personnesqui passent à la caisse. D’accord ?

13 Cri Ouais.

14 P Chaque personne, elle a donnécombien de sous à cette dame ?

15 Nik Euh 14, 14 francs.

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45LA MICROCULTURE DE PAULA : TRAVAUX DE GROUPES ET INTERACTIONS COLLECTIVES

16 P 14 francs. Chaque personne vadonner 14 francs.

 Accentuation par Paula d’une variableimportante (16) qui amène Nik àformuler la relation mathématiquecorrecte (17). Paula validela pertinence de la proposition de Niket demande une justification (22).Paula institutionnalise la relationmathématique et explicite l’enjeu :trouver un moyen d’obtenir la réponseà l’opération formulée.

 Aucun indice n’est fournisur la procédure de calcul à déployer.

17 Nik Ah ! Ben on fait 14 fois 32 ! (…)

22 P C’est bien mais pourquoi est-ce quetu dis 14 fois 32 Nik ? Très bien !

23 Nik Ben là parce que là si ça fait 32 billetset puis à 14 francs ben on a qu’à faire14 fois 32.

24 P Voilà. Alors vous pouvez noter ceci,très bien. Et puis maintenant vous allezessayer de trouvez comment trouvercette réponse (Paula s’éloigne).

Dès que la majeure partie des groupes a une solution à proposer, Paula décided’organiser une interaction collective.

 Interactions collectives suite à la recherche de solutionsNos observations régulières pendant l’année scolaire montrent que la participationdes élèves dans les interactions collectives (IC) faisant suite à des recherches en

petits groupes consiste principalement à expliquer différentes démarches de réso-lution entreprises. L’extrait suivant transcrit la première explication produite par Ale(qui a travaillé avec Aur) pour le problème Au Grand Rex.

Extrait 3

1 P Qui m’explique un petit peu samanière de faire ? Alors Ale et Aurallez-y.

Norme : expliquer sa résolutiondans l’IC(addition itérée du 10 puis du 4)Les élèves n’ont pas encore calculéla réponse finale.

2 Ale Ben on fait 32 le 10 et puis le

10 trente-deux fois et puis aprèson calcule la réponse. Et puis aprèson fait les 4 la même chose. Et puisaprès ben après ça nous donneune réponse. On calcule les deuxensemble et on va essayer que ça nousdonne la réponse.

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46RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

3 P D’accord.

 Validation appuyée de Paula (3).Paula incite les élèvesà comprendre la résolutiondu pair et la comparer avec la leur(notamment en vue d’expliquerune résolution différente).Glissement vers un guidage cibléde l’enseignante (7).Reformulation par l’enseignante

de la résolution d’Ale qui confirme.Paula note au fur et à mesure autableau (ostensifs). À nouveau, Paula incite les élèvesà comparer avec leur propredémarche (en levant la main).

4 P Qui a bien compris ce qu’a dit Ale ?Qui a fait la même chose qu’Ale ?

(les élèves lèvent la main)

5 D’accord. Alors Ale nous a dit, je vaisla noter. Tu me répètes ce que tu asfait exactement Ale ?

6 Ale 32 le 10. 32 le 10.

7 P D’accord. Donc tu as fait 10 plus 10plus 10 plus 10 plus 10, combien defois ?

8 Ale 32

9 P 32 fois. Qui a fait la même chosequ’Ale ? Qui a fait aussi des 10 maispas 32 fois ? D’accord/ alors je vaismettre comme Ale a mis …

Paula écrit au tableau les deux additions itérées touten incitant Ale et Aur à re-verbaliser de façon trèsprécise leur solution.

Notre étude des interventions de Paula montre que certaines explications desélèves pendant l’IC ont déjà été médiatisées par des régulations interactives pen-dant les TG. Paula s’appuie sur ce qu’elle sait des résolutions des élèves pour incitercertains groupes à expliquer leur raisonnement mathématique au plan collectif dela classe. Ce constat se retrouve également dans les propos de l’enseignante lorsdes entretiens de recherche post-leçon. Pour l’extrait rapporté par exemple, Pauladit avoir sciemment proposé à Ale et Aur d’expliquer leur solution car elle souhai-

tait valoriser au plan collectif la procédure des deux additions itérées, une solutionplus sophistiquée que l’addition successive du terme 14.

On observe que l’étayage de l’enseignante sollicite constamment le groupeclasse, en tant que destinataire secondaire qui n’est pas directement amené àrépondre. Toutefois, ce tiers est déterminant, car il donne sens à l’interactionenseignante- Ale/Aur pour un partage au plan communautaire de la classe de la réso-lution effectuée par ces deux élèves. Les questions rituelles de Paula « qui a fait la

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47LA MICROCULTURE DE PAULA : TRAVAUX DE GROUPES ET INTERACTIONS COLLECTIVES

même chose ? qui est d’accord avec ? qui a fait comme, qui a fait aussi, etc. » visent àcontraindre les élèves à écouter et tenter de comprendre les résolutions des pairsmédiatisées dans l’IC, ainsi qu’à les comparer avec leur propre interprétation et rai-sonnement mathématiques. Ces questions rituelles représentent une façon d’impli-

quer les élèves dans l’explication produite, afin de les amener à exposer des résolutionsmathématiques différentes par rapport à celle(s) déjà expliquée(s) au plan collectifou pour les amener à poursuivre l’explication de la résolution d’un pair.

Dans la première IC duproblème Au Grand Rex, l’ad-dition successive du terme 14n’a jamais été collectivementexpliquée (pourtant 4 élèvesl’avaient mobilisée dans les

TG). Dans l’entretien post-leçon, Paula explique queson projet, dans l’IC, visait lamédiation des procédures plusélaborées   qui impliquaient ladécomposition d’un terme.Trois procédures sont portéesau plan public de la classe : ladécomposition du terme 14(10+4) avec écriture des deuxadditions itérées, la décompo-sition du terme 32 (30+2) avecécriture des deux additions ité-rées, et des combinaisons d’ad-ditions partielles et sommesintermédiaires du terme 14décomposé (procédure appe-lée dans la classe « regroupement en paquets »). À propos de cette dernière pro-cédure, Paula dit qu’elle ne s’y attendait pas. Elle choisit d’y passer du temps afin

d’amener les élèves qui ne l’ont pas utilisée à comprendre le raisonnement mobilisépar les pairs. L’extrait suivant et la figure 3 en donnent un aperçu.

Les élèves, auteurs de la solution, ont commencé par expliquer l’ensemble deleur raisonnement – tout comme Ale l’avait fait précédemment. Alb : « ben on a fait14 plus 14 plus 14. En fait, on a fait 4 plus 4 plus 4 égale 16. Et puis ensuite on a faitça partout sur tous les 4. Et puis ça faisait toujours 16 16 et puis on a additionné les16. Ça faisait 32 32 32 32 et on a additionné les 32. Ça faisait 64 plus 64 et puis on a

Figure 3. Procédure écrite au tableau

1414141414

141414141414141414

1414

16

16

16

16

32

32

64

1414141414

141414141414141414

1414

16

16

16

16

32

32

64

64 + 64 = 12832 x 10 = 320

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48RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

fait le calcul  ». Paula valide la proposition, tout en insistant sur la décomposition duterme 14, puis elle reformule le début de l’explication et la symbolise au tableau,facilitant par ce moyen son accessibilité aux autres élèves de la classe : « Alors je vaisfaire une accolade comme ceci (dessine au tableau une accolade et commente ) une

sorte de parenthèse et je vais prendre les quatre premiers 4. On oublie pour l’instantles dizaines. Et  elle (Alb) me dit que ça fait 16 . D’accord ?  ». Ensuite, plutôt que desolliciter les auteurs de la résolution, Paula choisit de questionner les pairs :

Extrait 4

1 P Qui peut m’expliquer qu’est-ce qu’ils ont faitensuite ? … Je suis sûre que tout le monde saitça maintenant si vous observez bien. Je suis sûreMan que tu as une idée. Lis t’as une idée. Dorje suis sûre que tu as une idée. Man vas-y !

L’enseignante solliciteune explication de la partdes pairs.

Explication au planopératoire.Paula refuse une explicationqui omet une étapede la résolution : la normedans cette microculturede classe est de devoirexpliquer systématiquementtoutes les étapes

de la démarche opératoireentreprise. On verra que teln’est pas le cas dans la classede Luc.

Paula s’adresse aux deuxélèves qui n’avaient pasfourni la réponse attendueprécédemment puis sollicitela suite de l’explicationsur le même mode :un étayage ciblé qui faitproduire des réponsesbrèves aux élèvesà propos de chaque étapede la procédure.

2 Man Maintenant il faut faire 32 plus 32.

3 P Alors avant de faire 32 plus 32, c’est tout à faitjuste, mais on n’a pas encore tout à faitterminé l’étape de la couleur verte on va direcomme ça (groupements de 16 + 16 dessinéspour la 1re colonne mais pas encore pour la2e de 14). Alors Lud.

4 Lud Ben 32 plus 32.

5 P Mon on n’a pas encore fini les vertes. Oui Aur ?

6 Aur Ben avec les 16 plus 16 ça fait encore 32.

7 P D’accord hein. D’accord Lud ? Il y a encore cesdeux qu’on n’a pas encore calculé (note autableau). Tu es d’accord avec moi ? Man est-ceque tu es d’accord ? Bien est-ce qu’il y en aencore deux à ajouter ? Bry ?

8 Bry Ouais les deux derniers.

9 P D’accord les deux derniers (note au tableau) eton est aussi à 32. Bien. Maintenant je changede couleur. Alors on va voir si vous avez saisice qu’Alb et Sla ont proposé. Est-ce quequelqu’un, sans qu’on les écoute, se rappellece qu’ils ont fait ?…

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49LA MICROCULTURE DE PAULA : TRAVAUX DE GROUPES ET INTERACTIONS COLLECTIVES

Sous contrôle d’un étayage interactif ciblé de l’enseignante, l’explication de laprocédure d’un pair se réalise par une explication très détaillée, distribuée entreles élèves. Nos observations tout au long de l’année scolaire montrent que, danscette microculture de classe, c’est la façon de faire partager à l’ensemble des élèves

un objet valorisé par l’enseignante. D’une façon générale, Paula tient à ce que lesdifférentes solutions exposées collectivement puissent être appropriées par tousles élèves.

Dans cette microculture de classe, l’enseignante représente clairement « l’au-torité mathématique » qui évalue systématiquement la pertinence des propo-sitions des élèves. Les interactions collectives, en s’appuyant sur les solutionsdéveloppées par les élèves dans les travaux de groupe, représentent des tempsd’enseignement interactif. Une des caractéristiques de cette classe est que seulesles procédures correctes  sont publiquement et intégralement  exposées ; elles don-

nent lieu à une explication structurée, guidée par un questionnement contrai-gnant de Paula qui, par ce moyen, évalue et institutionnalise des procéduresde calcul différentes pour répondre à la question du problème. Ces procéduresdeviennent reconnues au plan social de la microculture de classe. Elles sont nom-mées et écrites au tableau ; elles feront rapidement partie du discours de la classe.Elles prennent le statut de référence collective   à laquelle chaque membre de laclasse pourra désormais se rapporter. C’est ce que les chercheurs appellent dessavoirs collectifs.

 Poursuite de la recherche de solutions et introductionde nouveaux problèmesSuite à l’interaction collective, soit les élèves terminent l’activité s’il y a lieu enpouvant s’inspirer des savoirs publiquement valorisés, soit Paula leur propose unetâche similaire mais avec des variables numériques différentes. Notre analyse destraces écrites des résolutions ainsi que des échanges verbaux de l’ensemble de laséquence d’enseignement montre que les élèves sont réellement libres de choisir

une procédure parmi celles exposées collectivement. Pour Paula, le critère de choixde la procédure (parmi toutes celles validées et institutionnalisées au plan collec-tif) est qu’elle soit « comprise  » par l’élève, afin d’aboutir à une réponse « juste  ».On note que certains élèves tentent encore de nouvelles démarches, signe qu’ilsse sentent aussi autorisés à ne pas forcément reproduire une procédure qui a étépubliquement énoncée, et validée, pendant les IC.

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50RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

Extrait 5

1 Cri Est-ce qu’on peut recopier du tableau ?

Les élèves sollicitent Paula afinde savoir s’ils ont « le droitde recopier  ». Paula ne répondpas mais demande aux élèvesde s’exprimer sur leur démarchede résolution initiale.

Les interactions pendant l’ICsemblent avoir fait prendre

conscience aux élèves queleur procédure initiale n’étaitpas pertinente.

Paula propose de poursuivreavec une procédurequ’ils « comprennent »et qui leur « convient  ». Elle nesuggère aucune procédureparticulière.

Question ouverte : les élèvesvont-ils simplement « recopier  »ou vont-ils s’approprierune procédure d’un pair ?

2 P Alors vous c’était quoi votre idéeau départ ?

3 Nik [C’était (xxx)

4 Cri [Alors c’était ça et puis après on n’a pas.

5 Nik C’était faux.

6 Cri Ouais c’est vrai, c’était faux.

7 P C’était faux ? Alors vous prenez celleque vous pensez qui est la mieux.

8 Cri Ouais.

9 P Vous prenez celle qui vous convient le mieux, que vous comprenez le mieux(…) pour résoudre le problème.

10 Nik On peut prendre la même ?

11 P C’est à toi de voir si elle te convient,OK ? (…)

14 Cri Mais celle-ci (sa procédure initiale)elle ne me convient pas vraiment.

15 P Alors tu en prends une autre.

16 Nik On en prend une autre.

17 P Alors allez-y (Paula s’éloigne).

(xxx) : paroles inaudibles

 Au fil des leçons, la stratégie de régulation interactive privilégiée par Paulaconsiste toujours, en cas de difficultés ou erreurs, à intervenir directement auprèsdes élèves. On constate cependant qu’après l’explication collective des démarchesde résolution, ses interventions portent, désormais, aussi sur des éléments de réa-lisation et de correction des procédures de calcul choisies par les élèves et nonplus uniquement sur le calcul relationnel en jeu dans le problème. Pour ce faire, leréférentiel interactivement constitué pendant l’IC devient une aide à la régulation.

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51LA MICROCULTURE DE PAULA : TRAVAUX DE GROUPES ET INTERACTIONS COLLECTIVES

Extrait 6

1 P Alors où est-ce que vous en êtes ?

Recueil d’informationspar Paula. Manifestation par Lisd’une difficulté : elle ne saitpas comment poursuivrela résolution, notammentdu fait que ses réponses necorrespondent pas à cellesannoncées pendant l’IC malgréune procédure identique.Régulation interactiveimmédiate de Paula : celle-ciprend appui sur les procéduresinstitutionnalisées au tableauet, par un guidage ciblé, orientela réflexion des élèves pourles aider à identifier l’erreurde calcul effectuée.Précision par Paula de cequi est important à ses yeux :

comprendre la procéduredéployée.

2 Lis On sait plus.

3 P Vous ne savez plus ?

4 Lis Euh on a fait jusque là, mais je croisque là ça ne marche pas !

5 P Alors moi je vois ce nombre-là, c’est quoice nombre que tu as mis ?

6 Lis 330 et 132.

7 P D’accord. Alors maintenant quandtu vois 330 et puis ce qu’on a misnous au tableau, c’était combien ?

8 Lis 320.

9 E D’accord. Donc simplement qu’est-ceque tu as pu faire, tu crois, puisque tu esà 330 et puis en fait la réponse c’était320 ?

10 Lis Je peux faire moins ?11 Dia Ah c’est qu’on a fait une dizaine de plus !

12 E Voilà tu t’es trompé d’une dizaine,donc en fait ce n’est pas très grave parceque tu as compris ce qu’il fallait faire.

Globalement, notre étude fait ressortir que, bien que le rôle des élèves consisteà développer initialement des procédures de résolution sans démonstration préa-

lable, la stratégie de régulation interactive privilégiée en cas de difficultés consisteessentiellement à la médiation directe  de l’enseignante. Celle-ci guide et oriente laréflexion des élèves sur différents aspects de la résolution en fonction de l’avance-ment didactique des leçons. L’étayage de l’enseignante a pour caractéristique desoutenir la réflexion des élèves proche de la métacognition comme l’illustre l’extraitsuivant à propos du calcul 15 fois 25 (activité de prolongement du problème AuGrand Rex) :

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52RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

Extrait 7

1 Syl Alors en fait, moi, j’ai presque pas écrit sur lafeuille. J’ai presque tout fait de tête.

Paula sollicitel’explication de l’élève.Il est accepté dans cettemicroculture de classede réaliser mentalementles calculs.

Syl énonce le calcul

relationnel. Cetteexplication n’est passuffisante aux yeux dePaula. L’enseignanteinsiste pour obtenirune explication plusdétaillée.Syl a décomposé leterme 25. On comprendqu’elle a fait 15 fois 10,15 fois 10 et 15 fois 5.

 À nouveau, Paula insistepour obtenir le détaildu calcul mental.

Paula acceptela commutativité sansla relever.

2 E Oui très bien, tout à fait hein. Alors elle, Syl, ellen’a pas inscrit 15 plus 15 plus 15 plus 15. Tu nousdis simplement qu’est-ce que tu as fait (…)

3 Syl Euh 15 fois 25.

4 E Oui, ça c’est le premier calcul pour tout le mondehein. C’est ce qu’on aimerait résoudre et puis aprèstu as fait quoi ?

5 Syl 15 fois 20.

6 E Oui 15 fois 20. Comment tu as fait pour faire

15 fois 20 ? Parce que ça on n’a pas tellementappris à faire 15 fois 20.

7 Bry Ah oui c’est vrai (…)

8 Syl Oui mais au début j’avais essayé 20 fois 15 et puisj’avais d’abord fait 20 fois 10. Et puis après j’ai faitles 5, les 5.

9 E D’accord. Donc dans la tête tu as fait ça ?

10 Syl Mm

11 E D’accord, bravo. Tu arrives au résultat ? Très bienet puis après tu as continué en faisant quoi ?

12 Syl 15 fois 5.

13 E D’accord et tu as fait comment pour faire 15 fois5 ?

14 Syl 5 fois 15 ?

15 E 5 fois 15. Tu as compté sur tes doigts ? Dans tatête ? Comment as-tu fait ?

16 Syl Sur mes doigts.

17 E Sur tes doigts. Donc tu n’as rien inscrit quasimentet c’était juste. Bravo.

Dans cette microculture de classe, le rapport aux nombres se veut ludique etstratégique ; l’enseignante place systématiquement l’accent sur le plan opératoiredes résolutions de problèmes.

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53LA MICROCULTURE DE LUC : TRAVAUX DE GROUPES ET INTERACTIONS COLLECTIVES

 Discussion sur les pratiques de régulation interactivedans cette microculture de classeQuelle que soit la configuration sociale de la leçon, Paula apparaît clairement

comme le membre expert qui guide, évalue et institutionnalise. Ce rôle sereconnaît aussi dans la modalité de régulation interactive privilégiée. Dans cettemicroculture de classe, les erreurs et difficultés rencontrées par les élèves dansla résolution des problèmes se traitent dans des interactions privées (régulationsinteractives Paula-l’élève concerné) ou semi-publiques (régulations interactivesPaula-le groupe d’élèves dans lequel l’élève concerné travaille), mais pas au plancollectif de la classe. L’interaction collective sert à valoriser différents raisonne-ments dont on note qu’ils sont tous systématiquement pertinents pour résoudrela tâche. L’intention de Paula, explicitée dans les entretiens de recherche, est de

mettre à disposition des élèves qui « ont de la peine  » plusieurs procédures afinqu’ils puissent se les approprier dans de nouveaux problèmes. Il s’agit, en cesens, d’une forme de régulation indirecte  pour ces élèves à qui elle ne demandepas d’expliquer leurs interprétations et raisonnements mathématiques dans l’in-teraction collective. Paula est, par contre, très active auprès de ces mêmes élèvespendant les travaux de groupe ou lorsqu’ils travaillent individuellement pour pro-céder à des étayages qui s’appuient explicitement sur les savoirs mathématiquesélaborés pendant l’interaction collective. Notre analyse de l’évolution des tracesécrites des résolutions des élèves tout au long de la séquence montre que la

plupart des élèves tentent en effet de s’approprier plusieurs procédures pour unmême type de problème, dont certaines développées initialement par des pairs,puis institutionnalisées par l’enseignante.

3 LA MICROCULTURE DE LUC : TRAVAUX DE GROUPESET INTERACTIONS COLLECTIVES

Nous avons observé vingt-deux leçons de mathématiques dans la classe de Luc.

Comme montré dans le tableau 3 (première partie), le rôle des élèves consiste àrésoudre les problèmes sans attendre des explications préalables de l’enseignant ;il est également reconnu que des solutions différentes sont possibles pour obte-nir le résultat à un même problème. Toutefois, dans cette microculture de classe,dès que différentes résolutions sont admises comme pertinentes pour résoudreun même problème, une négociation (toujours au sens interactionniste du terme)s’engage entre les élèves et l’enseignant sur les procédures qui sont jugées comme

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54RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

étant les plus efficaces. Une fois celles-ci reconnues au plan collectif de la classe,le rôle des élèves est de devoir les privilégier. Cette négociation n’a pas lieu dansla classe de Paula qui accepte la coexistence de plusieurs procédures possiblestout au long de l’année scolaire. Dans l’interaction collective (deuxième partie du

tableau), les normes de participation des élèves aux pratiques mathématiques dela classe consistent, comme dans la classe de Paula, à devoir expliquer la résolutionmathématique développée préalablement ou expliquer différentes résolutions. Parcontre, le rôle des élèves dans cette classe, que l’on ne retrouve pas dans la classede Paula, est de pouvoir exprimer un avis sur les propositions mathématiques despairs, si possible argumenté. Par le moyen de cette norme, les élèves sont impli-qués dans l’évaluation interactive  des solutions exposées au plan public de la classe.Quant aux régulations interactives pendant les travaux en petits groupes de laséquence Au Grand Rex (troisième partie du tableau), Luc donne très clairement la

priorité aux régulations entre pairs puis, si besoin au fil de la séquence, il intervientplus directement auprès de certains élèves ou choisit d’agir sur les variables didac-tiques des problèmes à résoudre.

Tableau 3 : Normes de la microculture de classe de Luc  et régulations interactives

Normes sociales concernant la résolution de problèmes mathématiques tout au longde l’année scolaire* 

– développer une résolution sans attendre une démonstration initiale de l’enseignant– pour une même classe de problèmes, plusieurs résolutions différentes sont possibles

mais il faut privilégier les plus efficacesNormes sociales concernant la participation dans l’interaction collective tout au longde l’année scolaire* 

– expliquer sa résolution mathématique– expliquer une résolution mathématique différente– exprimer un avis sur la proposition mathématique d’un pair 

Régulations interactives dans la séquence Au Grand Rex pendant les travaux de groupes** 

– priorité aux régulations interactives élève-élève(s) Au fil de la séquence :

– régulations interactives enseignant-élève(s) auprès des élèves qui n’ont pas développéune interprétation et raisonnement adéquats– action sur les variables numériques du problème à des fins de régulation des procéduresde résolution (incitation à utiliser l’opération multiplicative) Variation des objets régulés au fur et à mesure de l’avancement didactique des leçons

* Observations de 22 leçons dont font partie les leçons de la séquence Au Grand Rex** Observation de 7 leçons, avec 3 problèmes de prolongement

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55LA MICROCULTURE DE LUC : TRAVAUX DE GROUPES ET INTERACTIONS COLLECTIVES

 Résolution en petits groupes d’élèves dans la classe de LucNotre inférence des normes de la microculture de classe montre donc que les élèvesont pour rôle de développer des procédures sans attendre une explication de l’en-

seignant. Tout comme le fait Paula, Luc passe auprès des groupes afin de récolterde l’information sur les démarches déployées. Mais dès ses premières interventions,il ressort qu’il accorde une importance particulière aux interactions entre élèves,avec des relances rituelles telles que : « Alors il faut en discuter les deux, j’aimerais quevous vous expliquiez ce que vous avez compris ! ». Si la trace écrite de la résolutionest suffisamment explicite pour qu’il puisse interpréter la démarche entreprise, Lucne sollicite pas des explications détaillées de la part des élèves comme le demandePaula. Mais si la trace écrite n’est pas assez explicite, il pose quelques questions :

Extrait 8

1 L Alors, c’est quoi ce 320 et ce 100 ?Luc (L) pointeimmédiatement les élémentsde la trace écrite dontil veut un complémentd’information. Cha (4)explique puis Luc reformulesa compréhension ponctuéepar des acquiescementsde l’élève. La procédure(addition successived’un terme décomposé)est correcte, mais certainsrésultats erronés. Luc choisitde ne pas agir directement.Il constate que Cha adéveloppé sa démarcheindividuellement et incitedes interactions entre pairs,pouvant produire des effets

potentiels de régulation :(1) sur les erreurs de calculde Cha (2) sur les procéduresdes pairs qui ne sontpas aussi abouties quecelle de Cha.

2 Cha Mais ça c’est ce que j’avais marqué avantet puis qu’après j’ai calculé.

3 L Mais ils viennent d’où ce 320 et ce 100 ? C’estça que j’aimerais savoir.

4 Cha Ben ça, j’ai compté des 10 et puis ça j’ai comptétous les 4.

5 L Donc le 320 c’est les 32 fois où tu as écrit le 10 ?

6 Cha Ouais, ouais.

7 L Et le 100 c’est les 32 fois où tu as écrit le 4 ?

8 Cha Ouais, ouais.

9 L D’accord et ça te fait 420.

10 Cha Mm.

11 L Et puis tes deux coéquipiers, ils en pensentquoi ?

12 Cha Euh, je sais pas.13 L Alors ça serait bien que tu ailles voir avec eux

ce qu’ils en pensent hein. Et vous en discutezet ils doivent comprendre ce que tu as fait.D’accord ?

14 Cha Ouais d’accord.

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56RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

La conclusion de l’extrait 8 est très représentative des choix effectués par Lucqui, lors d’un constat d’une difficulté, d’une erreur, mais également d’une résolu-tion intéressante, incite des échanges interactifs entre les élèves. Du coup, l’objetde son observation et intervention ne concerne pas seulement le plan mathéma-

tique, mais porte également sur la qualité des interactions entre élèves :Extrait 9

1 L Alors là je vois Tam dans un coin en trainde faire et puis Mer dans un coin en trainde faire. Moi j’aimerais que vous puissiezcomprendre le problème les deux ensemble,que vous puissiez le faire les deux ensemble. Alors Tam, tu expliques à Mer ce que tu esen train de faire d’accord ? Et toi Mer,tu expliques à Tam ce que tu as compris duproblème. D’accord ? Mais vous parlez, çac’est important de parler.

Constat d’un manquede collaboration entre élèves.

Luc explicite son attente :chacun doit pouvoir expliquerà l’autre sa démarcheet, pour ce faire, il faut « separler  ».

Un objectif connu par les élèvesformalise l’attentede l’enseignant.

2 Tam D’accord.

3 L Parce qu’un des objectifs que je vousai donné cette semaine c’est ‘je saistransmettre ce que j’ai compris, ce quej’ai fait aux autres’et ici j’aimerais bien quevous arriviez à expliquer. D’accord ? Allez-y.

4 Tam (s’adressant à Mer) Alors toi tu as comprisquoi ? (…)

Pendant les TG qui précèdent l’IC servant à la discussion des procédures déve-loppées, les interventions de Luc s’emploient à promouvoir des régulations interac-tives entre élèves. En toute cohérence, l’enseignant attend que les élèves puissents’expliquer et se comprendre mutuellement au cours de leur recherche commune– idéalement – de la résolution du problème. Il est intéressant de relever que,

dans les deux microcultures de classe observées, l’explication caractérise de façonprépondérante la participation des élèves à la régulation interactive ; mais dansla classe de Paula, cette explication est destinée à l’enseignante qui guide et faitexpliciter le raisonnement de façon détaillée ; dans la classe de Luc, l’explicationde l’élève vise à structurer les interactions entre pairs à des fins de régulationspotentielles.

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58RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

7 L Tu les as reliés et puis ?Luc ne rectifie pas les termes utiliséspar Mer (« relié  », « donner uncalcul  »).

Spontanément Mar propose uneautre solution (signe de la norme).Luc ne lui donne pas tout de suitela parole. Il incite la comparaison,pour notamment repérer les élèvesqui ont choisi la même procédure.C’est une occasion de comparerle résultat obtenu par différentsgroupes d’élèves.

8 Mer Ouais, ça va donner un calcul.

9 Mar Il y a aussi une autre technique.10 L OK. Est-ce que il y en a d’autres qui

ont pris cette même technique ?

11 Pl Oui ! Non !

12 L Alors qui a pris la mêmetechnique ? Levez la main/…)Est-ce que vous êtes arrivésau même résultat que Mer ?

Pl : plusieurs élèves en même temps

S’adressant au groupe classe, Luc sollicite une explication des démarches entre-prises dans les TG. Mer se manifeste et explique son raisonnement. Tout commePaula, Luc implique le groupe classe en tant que destinataire de l’explication deMer par une question rituelle (vous avez compris ? ), puis reformule le raisonne-ment de Mer après avoir rédigé les « principes de résolution » au tableau pendantl’explication de l’élève. Luc n’insiste pas sur la relation numérique en jeu dans leproblème, comme le fait par contre Paula dès les premières explications mathéma-

tiques des élèves en introduisant le mot « fois » à partir du sens commun sponta-nément utilisé. La trace écrite au tableau montre que Luc ne traduit pas les proposde Mer en écriture mathématique ; seuls des principes de solution sont notés, ycompris les erreurs, ici la réponse 129. Pour rappel, Paula mathématise, quant àelle, systématiquement les propositions verbales des élèves dans le moindre détail,et aucune trace d’erreur n’est laissée au tableau.

Cet extrait illustre également comment le groupe classe est sollicité suite àl’explication produite par un pair, afin d’inciter des comparaisons entre l’expli-cation portée au plan public et celles réalisées dans les TG. Dans ce cas précis, la

demande de Luc « Est-ce que il y en a d’autres qui ont pris cette même technique ? » (10) a pour but de comparer les résultats obtenus avec la même procédure decalcul. Des résultats différents seront communiqués par les élèves. Luc s’en saisirapour relancer les TG ; la tâche des élèves sera désormais de pouvoir « vérifier  » leursrésultats et « prouver  » que leur réponse est exacte. Dans l’entretien de recherche,l’enseignant explique son attente : les élèves doivent proposer des procédures decalcul différentes  comme stratégie de vérification. Il convient alors de construire une

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59LA MICROCULTURE DE LUC : TRAVAUX DE GROUPES ET INTERACTIONS COLLECTIVES

norme dans la classe, encore non intégrée par les élèves selon Luc, à savoir queplusieurs procédures pour un même problème sont possibles mais que toutes doi-vent aboutir à un même résultat. L’IC, dans ce cas, a une fonction clairement derégulation par rapport à la reprise des travaux de groupe. Les élèves ont pour tâche

de vérifier (autorégulation) l’exactitude des réponses produites.Mais la régulation peut aussi se dérouler pendant l’IC, comme le montre l’ex-

trait suivant à propos du raisonnement erroné de Nao :

Extrait 11

1 L (…) Est-ce qu’il y a autre chose ? Nao ?

Luc écrit au tableau ce

qu’il croit comprendre :

Sa question « aprèsqu’est-ce que tu faisaisavec ces 14 ? » (3)débouche sur unéchange qui va servir àla construction conjointede la compréhensionde Luc du raisonnementde Nao (dans unéchange duel Luc-Nao).

 Au tour de parole12, Luc écrit autableau sa nouvellecompréhensiondu raisonnement deNao.

Luc modélise ensuite

la démarche de Naoqui guide et confirmel’interprétationde l’enseignant.

2 Nao Ben moi j’ai marqué euh de 1 mais j’ai pas pufinir. J’ai marqué jusqu’à 32, 1 2 3 4 comme ça etpuis après j’ai compté 32 fois euh combien, il y a

combien il y a de 14.3 L Vous avez compris ? Elle numérote de 1 jusqu’à

32 et puis après elle compte combien de fois il ya 14 (note au tableau). Donc 14, 14, 14, etc. Etpuis après qu’est-ce que tu faisais avec ces 14 ?(E commence à écrire deux listes de nombres :un « compteur » des itérations, puis une autreavec les itérations de 14)

4 Nao Non mais combien de fois, parce qu’en fait jecomptais et puis par exemple

5 L Ah d’accord6 Nao Jusqu’à où ça faisait 14 et puis après

je recommençais 1 2 3 et puis après je récrivais14 et puis après je comptais comme ça.

7 L Donc tu comptais 1 2 3 4 5 6 7 8 910 11 12 13 14 ?

8 N Ouais.

9 L Et puis après tu recommençais ?

10 Mer Mais non !

11 Nao Mais je recommençais à écrire plus loin (3 sec)

12 L Mais pourquoi là tu devais aller à 32 ? (efface lacolonne des itérations de 14)

13 Nao Ben ouais là j’ai marqué 32 et puis là j’ai paspu finir. Et puis ben là j’arrivais à 14 et puis jecontinuais à compter, et puis je faisais les calculs.

1 182 193 20

4 215 226 237 248 259 2610 2711 2812 2913 30

14 3115 321617

1 14

2 143 144 145 14... 32

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60RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

14 L Mais là tu disais que tu allais jusqu’à 14 (silence). Alors là je crois que j’ai compris. Je note et puisles autres vous regardez ce que vous en pensez (Enote au tableau)(…)

Luc n’oublie pasle groupe classe, en tant

que destinataire secondairequi reste momentanémenten retrait : « je note et puisles autres vous regardez ceque vous en pensez » (14).

Plutôt que de fournir lui-même un feedback, Lucinterpelle la classe (19).

15 L 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 (compte enmontrant au tableau depuis 15 à 28 …)

16 Nao Je faisais un petit trait.

17 L Tu faisais un petit trait et puis après 1 2 3 4(compte en montrant au tableau depuis 29 à32) (…) et après tu t’arrêtes là ?

18 Nao Oui.

19 L OK. Qu’est-ce que vous pensez de ça ?(en s’adressant au groupe classe)

Cet épisode sur la proposition de Nao montre la difficulté pour l’enseignantde comprendre le raisonnement exprimé par un élève quand celui-ci n’est pasattendu et est erroné. La première partie de l’échange sert à construire une com-préhension commune entre l’enseignant et son élève. Ensuite, dans la microcul-ture de Luc, les élèves sont régulièrement sollicités pour transmettre un avis surla proposition exposée des pairs – y compris quand la procédure est correcte(voir Mottier Lopez, 2008). Cette dernière précision est importante, sinon lesélèves infèrent très vite que la solution est erronée parce que l’enseignant leurdemande leur avis. Dans le cas de cet épisode, 96 tours de parole serviront à dis-cuter la proposition de Nao. Cette dernière n’est plus la locutrice privilégiée del’échange ; elle n’interviendra que quatre fois. Dix autres élèves seront impliquésdans la discussion.

Ema commence un début d’argumentation : « Ça ne joue pas parce que là ça fait jusqu’à 14. Là aussi, mais là il ne reste plus 4, au lieu de 14 ». Luc : « D’accord doncon ne pouvait pas arriver jusqu’à 14. Ça c’est sûr. Autre chose à dire ? ». Par ce feed-back, Luc ne refuse pas explicitement l’argument d’Ema qui prend à son comptele raisonnement erroné de Nao (assimilation des deux variables numériques duproblème). Il relance auprès des pairs. Après l’affirmation par plusieurs élèves que laproposition de Nao est « fausse  », mais sans être capables d’argumenter leur pointde vue au plan mathématique, Luc insiste :

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Extrait 12

1 L Alors moi j’aimerais savoir en quoi elle est faussepour qu’on puisse comprendre hein, parce que

Nao elle a besoin de savoir aussi où est sonproblème, s’il y a quelque chose qui ne joue pas.Cha.

La normedans la microculture

de classe est de pouvoirexpliquer les raisonnementsdes pairs. Luc insiste :cette explication estdestinée à l’auteur duraisonnement (pourqu’il « comprenne  ») et nonpas juste à l’enseignant.Le rôle des élèves est doncd’expliquer aux pairspour les aider à comprendre– ce n’est pas seulementl’enseignant qui « aideà comprendre  ».Le raisonnement de Fab esterroné également. Luc n’enfait rien immédiatement,mais le note (6).Luc sollicite le groupeclasse (8) : quand onparticipe aux IC, on doit

pouvoir « dire des choses »sur les propositionsdes camarades.Quelques échanges entreélèves qui cherchent ontlieu (9-12).Luc confirmeque le raisonnement de Naoest incorrect, mais sansexpliquer la raison. Cela doit

venir des élèves.Han avance un argumentpertinent en revenantà l’énoncé du problèmepour tenter de direque la signification du 32est incorrecte (14).

2 Cha Ben justement, il ne reste plus que 4 après lesdeux fois 14.

3 L Alors ça ça vous embête. Alors ça c’est[une chose. Fab.

4 Cha [Il faudrait qu’il y ait encore 14.

5 Fab Ben parce que la réponse ça ne donne pas 32.

6 L Alors non, la réponse ça donne 2 et puis il y a 4effectivement. Alors toi tu aimerais une réponse32 ?

7 Fab Ouais. (…)

8 L Qu’est-ce que vous avez encore d’autre à dire ?Tam ? Allez ! Parce qu’il y a un tas de choses àdire ! Bra.

9 Bra Peut-être alors il faut compter jusqu’à 4.

10 Mer Non c’est pas comme ça !

11 Nao Non parce que, c’est, il y avait 32 !

12 Bra Ça fait 4 4 4 4.

13 L Où est le problème ? Vous avez vu que ce n’étaitpas juste. D’accord mais moi j’aimerais que vous

trouviez où est le problème, Rac et Pri on écoute !14 Han (…) Ce qui ne joue pas, c’est que la dame,

elle euh, dans le livre (parle de l’énoncé duproblème) ils avaient dit qu’il y avait 32 billetsqui ont été vendus en une soirée (silence). Donclà (parle du raisonnement de Nao), c’est pasvraiment 32 billets. (silence)

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62RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

15 L Ça fait quoi ? Par cette question, Luccontrôle la compréhensionde Han, mais il netransmettra pas un feedbackexplicite sur la pertinencede l’argument. Il préfèreà nouveau relanceren sollicitant l’avis du groupeclasse. L’argumentation seracollective et distribuée entreles élèves.

16 Han Ça va faire vers les deux billets ? (…)

17 L Qu’est-ce que vous avez d’autre à dire ? Allez-ycreusez-là ! Vous êtes en train d’y réfléchir et puisça commence à venir, allez ! (…)

18 Cha Ouais mais en fait ça c’est pas les. Ouais ça c’estles billets qui ont été vendus, mais c’est pas lasomme qu’elle a reçue la caissière. (…)

La proposition de Han (14), puis celle de Cha (18) offrent un début d’argu-mentation pertinente. Luc relance avec la question rituelle : « qu’est-ce que vous enpensez ? ». Relevons la difficulté pour des élèves de huit ans de cette demande deLuc, qui implique d’exprimer un avis sur une argumentation d’un pair concernantune explication initiale de résolution de problèmes par un autre pair. La normequi consiste à exprimer un avis sur les propositions mathématiques (procédure derésolution, mais aussi avis sur les arguments des pairs) contribue à l’implicationdes élèves dans les processus d’évaluation et de régulation. Dans l’extrait com-menté, Luc ne cherche pas à valider immédiatement les arguments des élèves.Finalement, suite à un certain nombre de propositions des élèves, l’enseignant

reprend la responsabilité de l’évaluation et explicite l’erreur tout en s’appuyant surdes arguments préalablement énoncés par certains élèves – une façon de validerla pertinence de ces arguments mais de façon indirecte et différée. « Donc là ellea fait quoi Nao ? elle a mélangé  les personnes ou les billets et l’argent. Alors est-cequ’on peut mélanger les deux ? (…) D’accord. Tu vois (s’adressant à Nao), alors onne va pas pouvoir mélanger les deux ». L’argumentation construite au plan collectifapparaît distribuée entre les différentes contributions des membres de la classe,enseignant compris.

Dans la première IC du problème Au Grand Rex, tout comme dans la classe de

Paula, l’addition successive du terme 14, sans traces de décomposition, n’a pasété collectivement expliquée (4 élèves sur 17 l’avaient mobilisée dans les TG). Lessolutions exposées ont porté sur des procédures qui impliquaient une décompo-sition du terme, mais non formalisée par deux additions successives – aucun élèvede la classe de Luc n’est parvenu en début de séquence didactique à formulercette démarche. Luc a également donné la parole à un élève qui a tenté, sans suc-cès, une multiplication en colonnes (sur la base de ses connaissances de l’addition

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63LA MICROCULTURE DE LUC : TRAVAUX DE GROUPES ET INTERACTIONS COLLECTIVES

en colonnes) et à Noa qui, comme on l’a vu, a assimilé les deux variables numé-riques du problème. Aucune démarche, dans la classe de Luc, n’a été intégrale-ment expliquée (un constat récurrent tout au long de l’année scolaire). Ce sonttoujours des principes de résolution qui sont énoncés puis collectivement validés.

D’une façon générale, il apparaît que les premières IC de la séquence d’ensei-gnement ont une fonction explicite de régulation des activités de résolution deproblèmes des élèves.

 Poursuite de la recherche de solutions et introductionde nouveaux problèmesSuite à l’interaction collective, lorsque les élèves affirment « avoir trouvé la

réponse  », nos observations montrent que Luc les incite à interagir pour confronterleurs démarches et résultats à des fins de vérification. Toutefois, Luc choisit désor-mais d’intervenir plus longuement auprès des élèves qui ne manifestent toujourspas une interprétation et un raisonnement pertinents. Des régulations interactivesentre l’enseignant et les élèves ont lieu, de façon plus explicite que dans les pre-miers TG. Elles restent articulées à la pratique valorisée consistant à encourager desinteractions entre pairs à des fins de régulation potentielle :

Extrait 13

1 Bra Est-ce que je peux prendre une des techniquesdu tableau ?Tout comme dans la classede Paula, certains élèvessollicitent l’enseignant afinque leur soit précisé le statutdes principes de résolutionexposés pendant l’IC.Luc incite les élèves à justifierleur demande ; l’IC semble

avoir fait prendre conscienceaux élèves que leur procédurede calcul initiale n’était paspertinente. Bra justifie (5).

2 L Pourquoi ?

3 Bra Elle (la procédure initiale) est fausse !

4 Fab Elle est fausse.

5 Bra Parce que nous, en fait, on a fait des calculspour qu’ils arrivent jusqu’à 32. Alors elle estfausse. (…)

9 L D’accord alors vous faisiez des calculs dans lebut d’arriver à 32 parce qu’il y avait 32 quiétait noté ?

10 Bra Ouais.

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64RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

11 L Donc vous arrivez à m’expliquer ce qu’il fautfaire maintenant ? (…) Luc incite les élèves

à anticiper la procédurequ’ils pensent déployer (11).Fab commence l’explicationen s’appuyant sur l’énoncédu problème. Plutôt quede valider la propositionde l’élève – ce que Paula auraitcertainement fait – Luc sollicitel’avis de Bra (interactionsentre pairs). Bra poursuitl’interprétation du problèmeet, de concert avec Fab,

explicite sa tâche (23).

19 Fab Ben la dame, elle doit avoir 32 billets.

Elle devrait avoir vendu 32 billets.20 L Tu es d’accord Bra ?

21 Bra Euh.

22 L Elle a vendu 32 billets ?

23 Bra Euh [oui 32 billets et puis une place, elle coûte14 francs, alors on doit faire le calcul.

24 Fab [Alors on doit faire le calcul. (…)

37 L Donc vous devez trouver l’argentque la caissière a reçu ?

38 Fab Ouais. Ben par exemple, on doit faire32 fois 14 parce qu’il y avait 32 billetset puis ils coûtaient 40 euh. Fab (38) énonce la relation

mathématique pertinente– sans mentionner laprocédure de calcul –et Luc, à nouveau, ne

valide pas mais demandel’avis de Bra (41, 43). Braexprime son désaccordet Luc l’incite à justifierson avis. La répétition par Lucde la proposition de Fab(45) n’est pas interprétéepar Bra comme un signede sa pertinence, et celui-ci ditne pas savoir (46).Luc choisit de ne pas insister.Il relance en promouvantdes interactions entre pairsqui visent à faire discuteret argumenter les pointsde vue.

39 L 14.

40 Fab Ouais 14 francs.

41 L Qu’est-ce que tu en penses Bra ?42 Bra Ouais, un peu.

43 L Tu es d’accord ou pas d’accord ?

46 Bra Ouais (silence) Ouais moi je sais pas.

47 L Alors j’aimerais que vous discutiez de çales deux hein, parce que ce qui m’importe c’estque vous compreniez bien le problème (…)Donc toi Fab, tu penses ça, alors tu en discutesavec Bra. Tu gardes ton idée et tu essaies dedire : mais oui, moi je pense que c’est ça parceque. Et tu essaies d’expliquer pourquoi.

48 Fab Ouais.

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65LA MICROCULTURE DE LUC : TRAVAUX DE GROUPES ET INTERACTIONS COLLECTIVES

49 Et puis Bra, si tu n’es pas d’accord, tu dis :non je ne suis pas d’accord parce que.Et tu essaies d’expliquer pourquoi, toujoursen se rappelant ce qui est écrit dans le livre.

D’accord ? Allez-y !

 À noter : Bra n’adhérera pastout de suite au point de vuede Fab…

Cet épisode montre que l’évaluation de la pertinence des propositions n’estpas uniquement du ressort de l’enseignant, y compris dans les TG, mais queles élèves sont incités à en partager activement la responsabilité. Pour ce faire,les interactions entre pairs sont à nouveau privilégiées – ainsi il est possible depostuler que l’autorité mathématique de l’enseignant interfère de façon moinsforte sur les réflexions des élèves. Luc attend, dans les TG, que les élèves s’expli-quent et se comprennent mutuellement, mais qu’en cas de désaccord, ils tentent

d’argumenter la pertinence de leurs points de vue. Une grande cohérence desstructures de participation s’observe ainsi entre travaux de groupe et interactionscollectives.

Finalement, sans poursuivre le détail du déroulement de chaque leçon, signa-lons qu’une IC aura encore lieu dont l’enjeu sera (1) d’institutionnaliser la pro-cédure qui apparaît reconnue et partagée par la majorité des élèves (additionsuccessive du plus petit terme), (2) de négocier ce que représente une démarchede vérification « acceptable » (utiliser une autre procédure de calcul pour obte-nir un résultat identique). Ensuite, Luc introduit de nouveaux problèmes qu’il aconçus lui-même. Mais à la différence de Paula qui les avait préparés à l’avance,ces problèmes « de prolongement » ont été créés suite au constat que la grandemajorité des élèves ne proposaient que des additions successives du plus petitterme, sans rechercher des solutions plus économiques, comprenant des formu-lations multiplicatives. Luc décide donc d’agir sur les variables numériques duproblème (« 23 billets de cinéma à 14 francs » devient « 347 billets à 18 francs »)qui devaient être perçues comme trop contraignantes par les élèves pour n’uti-liser que des opérations additives (dans une logique de « saut informationnel »selon les termes de Brousseau). Cette décision représente une intervention sur la

structure de la situation à des fins explicites de régulation. L’objet des régulationsinteractives orchestrées par Luc portera désormais sur l’intérêt de préférer des pro-cédures de calcul efficaces pour résoudre les problèmes mathématiques (MottierLopez, 2008).

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66RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

 Discussion sur les pratiques de régulations interactivesdans cette microculture de classeLa microculture de classe se caractérise par une implication des élèves dans l’éva-

luation interactive des propositions mathématiques, quelle que soit la configurationsociale de la leçon. Luc encourage vivement les régulations entre pairs et n’hésitepas à agir délibérément sur la structuration des situations didactiques pour encou-rager le progrès des élèves. Les interactions collectives représentent des modalitésde régulations interactives privilégiées pour amener les élèves à confronter leursraisonnements et offrir des opportunités de débat. Nos observations en début detroisième année primaire montre que cela ne va pas de soi pour les élèves qui doi-vent apprendre à participer dans cette forme interactionnelle tout en « faisant desmathématiques ».

Dans la microculture de classe de Luc, les erreurs se traitent collectivementcontrairement à la classe de Paula. Elles sont considérées par l’enseignant commedes opportunités de débat à visée de régulation, non seulement pour l’élève direc-tement concerné, mais également pour les autres élèves dont le rôle est de com-prendre et de discuter les erreurs des pairs. Mais les élèves doivent accepter de lesrendre visibles et publiques. Luc est obligé de rappeler régulièrement aux élèvesleur « droit à l’erreur ». En dévoluant aux élèves la responsabilité de l’évaluation,une re-négociation des rôles des uns et des autres est alors nécessaire. Bien quenous n’ayons pas présenté des extraits s’y rapportant, une autre norme caractéri-

sant les pratiques mathématiques de la classe de Luc est de devoir privilégier desrésolutions jugées « efficaces » (voir Mottier Lopez, 2008, pour une présentation etune discussion critique de cette norme). Des échanges réguliers portent alors sur ceque représente dans la classe une procédure efficace au regard des connaissancesdes élèves et de l’évolution des pratiques mathématiques tout au long de l’annéescolaire.

4 ÉLÉMENTS DE COMPARAISON ENTRE

LES DEUX MICROCULTURES DE CLASSE ET DISCUSSIONLe tableau 4 résume les caractéristiques majeures des pratiques de régulation dechaque microculture de classe.

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67ÉLÉMENTS DE COMPARAISON ENTRE LES DEUX MICROCULTURES DE CLASSE ET DISCUSSION

Tableau 4 : Pratiques de régulation dans chaque microculture de classe

Paula Luc

Travauxde groupes L’enseignante intervientdirectement auprès des élèves.Elle ne donne pas la réponse.

L’enseignant intervientpour encourager les régulationsentre pairs ; il agit délibérémentsur les variables de la tâcheà des fins de régulation.Il ne donne pas la réponse.

Interactionscollectivesen débutde séquence

Enseignement interactif.Les procédures et réponses sontexpliquées. Visée de régulation implicite,

différée par rapport auxerreurs qui ne se traitent pascollectivement

Dévolution collective.Les procédures et réponses ne sontpas validées. Visée de régulation explicite,

immédiate et différée par rapportaux erreurs et démarches des élèvesqui se traitent collectivement

Au planmathématique

Procédures mathématiquescomplètes et détaillées

Principes de résolution s’appuyantsur des notions mathématiques,plus que sur des procédures

Au plan social Explications des élèves d’ordremétacognitif Évaluation sous la responsabilité

systématique de l’enseignante

Explications plus brèves des élèveset d’ordre argumentatif Responsabilité de l’évaluation

partagée avec les élèves

Dans les travaux de groupe, les pratiques de régulation interactive ont essen-tiellement une fonction de soutien à l’ajustement des actions des élèves en coursde tâche. Les modes de régulation diffèrent entre les deux microcultures : Lucprivilégie les régulations entre pairs ou par l’intermédiaire de la situation, alorsque Paula interagit plus directement avec ses élèves. Il apparaît que les régulationsinteractives portent peu sur l’anticipation et la planification des actions, comme

si le fait de devoir résoudre des problèmes complexes n’autorisait pas (plus) cettefonction de régulation sous prétexte de risquer de dévoiler la démarche à entre-prendre, cette dernière devant être à la charge de l’élève. Les démarches de typeessais-erreurs et tâtonnements sont alors très présentes dans les travaux de groupesnotamment au début de l’apprentissage d’une nouvelle notion.

Pour ce qui est de l’interaction collective, dans la classe de Paula elle s’ap-parente à un temps d’enseignement interactif qui a pour intérêt de s’appuyer

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68RÉGULATIONS SITUÉES DANS DES MICROCULTURES DE CLASSE

sur les contributions des élèves précédemment développées dans les travauxde groupes. Les différentes procédures sont expliquées, validées, institutionna-lisées. Cobb, Perlwitz et Underwood (1994) soulignent l’exercice difficile quereprésente, pour l’enseignant, de capitaliser sur les contributions des élèves et à

la fois d’assurer l’adéquation entre des constructions individuelles signifiantes etles connaissances et pratiques culturelles de référence. Paula choisit de ne pastraiter publiquement les erreurs des élèves pendant les interactions collectives,mais ces dernières ont cependant une fonction de régulation différée9  lors dela reprise des activités dans un mouvement rétroactif (reprise du problème)pour certains élèves ou proactif pour d’autres (activités de prolongement etrecherche de nouvelles procédures de résolution). Quant aux interactions col-lectives de Luc, notamment les premières des séquences didactiques, elles secaractérisent par une activation constante du principe de dévolution par une

participation des élèves qui doivent être en mesure d’exprimer des points devue sur les propositions des pairs et, si possible, de justifier leurs avis. Dans cettemicroculture, les résolutions ne sont quasi jamais intégralement expliquées ;l’exposition de principes s’appuyant sur des notions mathématiques semblesuffire. Les interactions collectives ont une fonction explicite d’évaluation par-tagée après une phase d’action, pour verbaliser, objectiver, confronter dansl’interaction à des fins de régulation immédiate (pendant l’interaction collec-tive) ou différée (lors de la reprise de l’activité après l’interaction collective). Larégulation dans la classe de Luc apparaît essentiellement proactive. Souvent, lesélèves n’ont pas à terminer le problème initial qui a fait l’objet de la régulationdans l’interaction collective. Une activité de prolongement leur est proposée,conçue tout exprès par l’enseignant à partir de ses observations et interactionsavec les élèves.

La conception de l’apprentissage situé (ici par l’exploitation du cadre théo-rique de la microculture de classe) amène à examiner finement le fonctionnementdes régulations formatives en relation avec les normes, les pratiques, les signifi-cations coélaborées par rapport à des tâches et savoirs donnés et les contribu-tions individuelles des membres de la classe, élèves et enseignant. Si nous avons

interprété les pratiques de régulation d’abord au regard des normes et pratiques« taken-as-shared  » de chaque classe, notre étude montre aussi que ces régulationscontribuent elles-mêmes, par leur fonction de médiation, à la construction dessavoirs collectifs et à leur régulation. Autrement dit, les régulations interactives,

9. Ce qui ne signifie pas que l’élève ne peut pas être actif pendant l’interaction collective et enga-ger une démarche non verbalisée d’autorégulation déjà à ce moment de la leçon.

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69ÉLÉMENTS DE COMPARAISON ENTRE LES DEUX MICROCULTURES DE CLASSE ET DISCUSSION

sociales et symboliques, qui dans la littérature s’adressent classiquement à l’élève,sont appréhendées ici comme agissant également sur les dimensions collectives etcommunautaires de la classe. On peut alors parler de co-régulation (Allal, 2007)des plans individuels et collectifs de la microculture de classe par le moyen des

processus intersubjectifs et de négociation de significations rendus possibles par lesdifférentes formes de régulation interactive.

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S MMAIRE

1 Préoccupations professionnelles d’enseignants2 De l’étayage interactif aux structures de participation3 Restructuration du modèle de la régulation interactive

 Allal (1993) considère que l’enseignant « orchestre » les régulations dans sa classe,soulignant par là que « l’enseignant agit sur les conditions d’apprentissage enclasse : il guide et oriente le travail des élèves, mais il ne peut jamais garantirque son action éducative produise les effets de régulation prévus sur les processusd’apprentissage » (p. 82). La plupart des auteurs s’accordent à souligner le rôleimportant de l’enseignant dans la gestion des régulations en classe. Ils admettentaussi qu’aucune situation didactique ne peut entièrement être sous son contrôle

– l’élève reste un acteur à part entière, avec ses propres stratégies, avec son proprerapport au savoir, avec sa propre « partition » si on reprend la métaphore du chefd’orchestre utilisée par Allal. Dans ce dernier chapitre, nous souhaitons revenir surles travaux bien connus qui portent sur les processus d’étayage entre un expertet un novice – que nous pouvons associer à l’idée de régulation interactive entrel’enseignant et ses élèves. Puis, nous argumenterons en faveur d’une unité d’ana-lyse plus large, à savoir les structures de participation de la classe qui stipulentune codétermination des conduites interactives de l’enseignant et des élèves surdes objets de savoirs donnés au regard du contexte social et institutionnel de la

classe. Cela nous amènera, en fin de chapitre, à présenter une restructuration ducadre d’analyse de la régulation en classe, comparativement à celui présenté dansle chapitre 1. Mais commençons par citer quelques préoccupations d’enseignantsavec lesquels nous avons échangé pendant trois ans dans le cadre d’une recherchecollaborative sur la régulation et la différenciation des apprentissages en contextede classe (voir Mottier Lopez et al., 2010 et Mottier Lopez, 2012, pour une descrip-tion détaillée de la recherche).

CHAPITRE 3 UN CADRE D’ANALYSE

DE LA RÉGULATION SITUÉE

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72UN CADRE D’ANALYSE DE LA RÉGULATION SITUÉE

1 PRÉOCCUPATIONS PROFESSIONNELLES D’ENSEIGNANTSCette recherche a concerné neuf enseignants1  volontaires du cycle moyen del’école primaire genevoise (élèves de 8 à 12 ans). Elle a permis, notamment, d’ap-

préhender le sens que les enseignants donnent à leurs pratiques de régulationdans une perspective d’évaluation formative2 et de différenciation pédagogique.Dès les premières réunions de recherche, les enseignants ont manifesté le désir des’intéresser plus spécialement à leurs pratiques d’intervention immédiate auprès deleurs élèves quand ces derniers rencontrent des difficultés. Le lien a été fait avecle concept de régulation interactive, bien connu dans la culture des enseignantsgenevois par leur formation initiale et continue. Il est apparu que les enseignantspartageaient des préoccupations communes sur deux axes en particulier :

 – Le premier axe portait sur la nature du guidage  de l’enseignant  dans la régu-

lation interactive, plus particulièrement dans des situations complexes :« C’est difficile de savoir comment intervenir dans les tâches complexes. Dansles moyens  (d’enseignement), on nous dit de ne pas expliquer comment faireaux élèves mais quand il y en a un qui ne fait plus rien, qui n’a pas compris, quiest hors tâche, alors on fait comment ? 3 ». En Suisse, comme dans nombrede pays, les notions de compétence et de tâche complexe sont valoriséesdans les moyens didactiques institués – mais pas exclusivement – avec,entre autres, l’idée de promouvoir le principe de dévolution qui consiste àconfier aux élèves, notamment en mathématiques, la responsabilité de larésolution des tâches et l’obtention d’une solution à partir de leurs propres

connaissances. Les enseignants se disent démunis quand les élèves rencon-trent des difficultés dans des tâches qui leur sont dévolues ; ils disent nepas se sentir réellement autorisés à procéder à des étayages  qui soutien-nent l’élève dans sa recherche de solutions. Une préoccupation majeurepour eux, qui est devenu un enjeu de la recherche collaborative, est d’avoirune conscience plus aiguisée de la façon dont ils interviennent (ou n’inter-viennent pas), plus particulièrement dans des situations complexes , et d’en-visager de façon critique différentes modalités d’interventions formativesauprès des élèves.

1. Ils avaient de 7 à 33 années d’expérience professionnelle. Les neuf enseignants dont nous par-lons sont ceux qui ont participé pendant les trois années de la recherche.2. Pour rappel, l’évaluation formative a pour fonction de recueillir des informations afin d’adaptersi besoin les activités d’enseignement et d’apprentissage pour favoriser la progression des élèvesvers les objectifs de formation.3. Paroles d’enseignants énoncées en réunions de recherche.

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73DE L’ÉTAYAGE INTERACTIF AUX STRUCTURES DE PARTICIPATION

 – Le deuxième axe concernait la métacognition  des élèves qui, d’après lesenseignants, devrait être tout spécialement encouragée par leurs régulationsinteractives : « On ne peut pas réguler à la place de l’élève ! Il faut qu’il soitconscient ! On ne peut pas se mettre dans sa tête. Le problème, c’est que les

élèves qui ont de la peine, c’est justement eux qui n’arrivent pas à expliquer leurdémarche. L’important, c’est la métacognition ». Il est intéressant de relever quenous n’avions pas anticipé cette préoccupation à propos de la métacognition(terme apparu dans le discours des enseignants dès la première rencontre derecherche) pensant par contre que la question du guidage interactif dans larégulation émergerait. Les enseignants savent qu’ils ne peuvent pas soutenirl’apprentissage sans la collaboration de l’élève qui nécessite, selon eux, desprises de conscience et des démarches d’autoévaluation : « Ce qui favorise desrégulations porteuses, c’est qu’à la base il y ait une autoévaluation. Il faut que

l’élève soit impliqué et s’autoévalue, des aspects métacognitifs aussi, qu’il fasseune prise de conscience de ce qu’il est, pourquoi il est là, qu’est-ce qu’il fait . Est-ceque cela changerait les conditions, les effets de la régulation, si on réfléchissaitavec l’enfant sur ce qu’on est en train de faire, comment, et ce que l’on vise ?  »

 Ainsi, les préoccupations professionnelles des enseignants de notre recherche à pro-pos de la régulation portent essentiellement sur la nature de leurs guidages inte-ractifs, plus spécialement dans des tâches complexes, qui, si possible, devraientpermettre des prises de conscience et une autorégulation plus délibérée de la part de

l’élève. Il a été décidé, collectivement, que la recherche collaborative porterait sur destâches de résolution de problèmes mathématiques, en lien avec les moyens d’ensei-gnement officiels que les enseignants doivent utiliser.4 Dans Mottier Lopez (2012),nous exposons la façon dont les enseignants et la chercheure ont conjointement etprogressivement élaboré la problématique de la recherche et le dispositif de recueilde données dans les classes de chaque enseignant sur trois années consécutives.

2 DE L’ÉTAYAGE INTERACTIF AUX STRUCTURES

DE PARTICIPATIONDans la littérature, plusieurs concepts désignent les interventions formatives del’enseignant qui visent à soutenir la construction de connaissances chez l’ap-prenant : participation guidée, modélisation, coatching, étayage, par exemple.

4. Editions COROME.

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74UN CADRE D’ANALYSE DE LA RÉGULATION SITUÉE

Comme nous l’avons écrit dans le chapitre introductif, pour Vygotski, laconstruction et l’évolution des mécanismes d’autorégulation cognitive et affec-tive s’inscrivent dans un processus d’intériorisation de régulations élaboréesd’abord sur un plan interpsychique, à travers l’interaction avec autrui et l’ap-

propriation des outils socioculturels et de leurs usages (Vygotski, 1985). Danscette perspective, Bruner (1983), en collaboration avec d’autres chercheurs, adéfini six fonctions d’étayage5 qui désignent les interventions d’assistance del’adulte permettant à l’enfant de résoudre un problème qu’il ne pourrait pasrésoudre seul – opérationnalisant ainsi la zone proximale de développementdéfinie par Vygotski :

1. L’enrôlement , afin de susciter l’intérêt et l’adhésion de l’enfant aux exigencesde la tâche à mener ;

2. La réduction des degrés de liberté , pour une simplification de la tâche en

réduisant le nombre d’actes nécessaires à la résolution du problème ;3. Le maintien de l’orientation vers le but à atteindre ;4. La signalisation des caractéristiques déterminantes  de la tâche, qui permet

à l’enfant de prendre conscience de l’écart entre sa production et celleattendue ;

5. Le contrôle de la frustration dans la réalisation de la tâche ;6. La démonstration ou présentation de modèles de solutions pour une tâche ,

induisant un apprentissage « par observation », dans le sens d’un proces-sus interactif et dynamique fait d’ajustements réciproques entre l’enfant etl’adulte.

Ces fonctions d’étayage n’ont toutefois pas été définies à partir d’un contextescolaire et il est toujours possible de se demander dans quelle mesure elles sontadaptées à la culture scolaire et au fonctionnement spécifique des situationsdidactiques. De nombreux travaux se sont attelés à la question en étudiant lesprocessus d’étayage en classe. Sans entrer dans des développements détaillés,on observe que la conceptualisation de l’étayage est parfois réduite aux actesde communication de l’enseignant. Par exemple, Roehler et Cantlon (1997) quipourtant disent concevoir l’étayage comme un processus dialogique permet-

tant de négocier des significations partagées et de co-construire de nouvelles

5. Mais, avec, également la notion de « format » pour désigner la standardisation de certainesformes d’action conjointe liées aux contextes de communication et qui se construit au travers duprocessus d’étayage. Cette notion de format peut être rapprochée de la notion de structure departicipation que nous présenterons ci-après.

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75DE L’ÉTAYAGE INTERACTIF AUX STRUCTURES DE PARTICIPATION

connaissances, se focalisent essentiellement sur les intentions communication-nelles de l’enseignant :

 – donner des explications sur ce qui doit être appris, quand et comment ; – solliciter la participation des élèves ;

 – vérifier et clarifier la compréhension des élèves ; – donner en modèle les comportements attendus (modeling   / démonstra-

tion), en verbalisant sa pensée et ses actions ; – inciter les élèves à exprimer leurs propres idées.

Dans ce cas, les conduites d’étayage apparaissent unidirectionnelles, de l’ensei-gnant à l’élève, sans se préoccuper de la nature de la contribution de l’élève, d’unepart. D’autre part, elles sont soustraites des savoirs à enseigner et à apprendre etdes progressions didactiques au plan individuel et collectif de la classe. Les nom-

breux travaux cités par la revue de recherches de Wilkinson et Silliman (2001)s’ancrent, quant à eux, dans une conception davantage dialogique de l’étayagequi implique une codétermination des conduites entre l’enseignant expert etl’apprenant novice. Ainsi, les auteures délimitent deux catégories générales : lesétayages « directifs » (directive scaffolds ) et les étayages « de soutien » (supportivescaffolds ).6

Pour Wilkinson et Silliman (2001), les étayages directifs ont une connotationclairement négative. Les auteures établissent un lien avec l’enseignement directifqui laisse peu de place à des activités « constructives » et des initiatives de la part

de l’élève. L’enseignant, à travers son étayage, est celui qui porte la responsabilitéde la gestion des interactions, du contrôle des informations transmises, du dérou-lement des tâches, de l’évaluation des propositions et des acquis des élèves à partirde « standards » préétablis. Le pattern interactif  classique de la communication enclasse – IRE, l’enseignant pose une question (initiative), l’élève répond, l’enseignantévalue la réponse de l’élève (feedback) – est critiqué car, selon l’avis des auteures,il ne laisse pas suffisamment d’opportunités à des initiatives et au développementde l’autonomie de l’élève.

Quant aux étayages dits de soutien, Wilkinson et Silliman les associent aux

pédagogies actives qui se centrent sur l’activité de l’apprenant dans des situa-tions didactiques de type résolution de problèmes, projets, activités authen-tiques complexes, etc. Dans ce type d’étayage, la responsabilité de la gestion

6. Notons que cette distinction entre étayages dits « directif » et « de soutien » soulève la questiond’une adéquation avec la définition de l’étayage et de ses fonctions selon Vygotski et Bruner.

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76UN CADRE D’ANALYSE DE LA RÉGULATION SITUÉE

des interactions et de la structuration des savoirs est partagée avec les élèves ;ces derniers sont impliqués dans la définition des objectifs, dans la planificationdes tâches, dans le choix des stratégies, dans des démarches de contrôle méta-cognitif et d’autoévaluation notamment. L’étayage est vu comme soutenant

l’appropriation d’outils culturels nécessaires à la compréhension, la communi-cation, le transfert, etc. Il est considéré comme favorable à une autorégulationflexible et réflexive pour résoudre des tâches complexes. Les auteurs établissentun lien avec le modèle de la communauté d’apprentissage (présenté dans lechapitre 1) et l’idée de créer dans la classe des zones multiples de développe-ment proximal.

Nos études longitudinales dans des contextes réels de classes7 nous amène àremettre en question cette catégorisation – caricaturale de notre point de vue –entre étayages directifs et de soutien pour les raisons principales suivantes :

 – Nous avons observé (Mottier Lopez, 2008) qu’un même enseignant varieses interventions en fonction du déroulement de la séquence didactique– y compris dans des situations qui visent une pédagogie active (notam-ment des activités de résolution de problèmes). L’étayage peut par exempleêtre plus « soutenant » au début de la séquence didactique quand il s’agitpour les élèves de chercher par eux-mêmes des solutions pour résoudre lesproblèmes, puis devenir plus « directif » en fin de séquence didactique aumoment de l’institutionnalisation des savoirs en jeu et du réinvestissementde ces savoirs dans des activités de prolongement ;

 – L’étayage d’un même enseignant varie aussi en fonction des caractéristiquesindividuelles des élèves et s’ajuste aux contributions effectives de ceux-ci. Ainsi, nous avons observé dans notre recherche collaborative (Mottier Lopez,2012) que, tendanciellement, les enseignants procèdent à un étayage plusdirectif avec les élèves de niveau scolaire faible (en mathématiques). Quandun étayage plus ouvert ne suffit pas (souvent, les enseignants débutent parce type d’étayage quel que soit l’élève), ils ont tendance à dé-complexifierla tâche en pointant dans l’interaction les connaissances et ressources néces-saires pour permettre à l’élève de la réaliser.

 – En fonction des savoirs en jeu, l’étayage s’accomplit dans une dynamiqueinteractive et symbolique différente. Par exemple, en mathématiques, ledomaine géométrique semble contraindre des guidages plus directifs, alorsque le domaine des opérations offre des possibilités de verbalisations et

7. Mais essentiellement en mathématiques à l’école primaire. Nous admettons évidemment que nosconstats ne se généralisent pas à toutes les disciplines scolaires et à tous les ordres d’enseignement.

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77DE L’ÉTAYAGE INTERACTIF AUX STRUCTURES DE PARTICIPATION

d’argumentations plus soutenues de la part des élèves comme de la partdes enseignants.

 – Outre ces variations liées au temps didactique, aux caractéristiques indivi-duelles des élèves et à leurs contributions effectives, à la nature des savoirs

en jeu, notre étude des microcultures de classe de Paula et Luc (voir cha-pitre précédent) a montré que, malgré un « style » d’enseignement quicaractérise chacun des praticiens (Paula étant très clairement plus direc-tive dans son enseignement que Luc qui place constamment les élèves ensituation de débat et de confrontations de points de vue), des apports etdes limites existent dans les deux cas. Les structures de participation de lamicroculture de classe de Paula soutiennent des activités d’explicitationsmétacognitives relativement élaborées (voir Mottier Lopez, 2008 pour desexemples concrets) ; le contrôle exercé par l’enseignante a pour intérêt de

fournir des repères très explicites aux élèves à propos de leurs contribu-tions sur lesquelles ils savent qu’ils pourront s’appuyer ensuite pour pro-gresser. Quant aux structures de participation de la microculture de Luc,elles offrent des opportunités d’apprentissage de compétences sociales àl’argumentation mathématiques et de développement d’une autonomieintellectuelle, en raison notamment de l’implication des élèves dans lesprocessus d’évaluation interactive. C’est moins le cas dans la classe dePaula, mais par contre, nos observations montrent que certains élèves deLuc, dont les élèves de niveau scolaire faible, peinent à reconnaître lessavoirs élaborés par manque de repères explicites dans leur microculturede classe.

 – Enfin, les analyses systématiques que nous avons réalisées d’un grandnombre de leçons (en mathématiques, avec des élèves de 8 à 12 ans) met-tent en évidence que le pattern IRE est omniprésent dans le discours desclasses, y compris dans des microcultures, telle celle de Luc, qui promeu-vent un enseignement qui place l’élève dans une posture active. Des varia-tions dynamiques  de ce pattern s’observent – déjà mises en évidence dansla recherche de Mehan de 1979. Ce sont certainement ces variations quifont une différence dans les processus interactionnels d’étayage, plus que

l’existence même du pattern IRE qui, selon nous, est constitutif de la formescolaire, tout au moins à l’école primaire.

Ces différents constats nous amènent à refuser une dichotomie des processus deguidage dans la régulation interactive, mais à penser les différences dans un mêmecadre d’analyse qui permet de prendre en compte les variations, les genèses,les mouvements dynamiques, au regard des différentes fonctions didactiques,

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78UN CADRE D’ANALYSE DE LA RÉGULATION SITUÉE

pédagogiques, sociales de l’intervention de régulation. Pour rappel, la posturethéorique que nous adoptons est de considérer que les processus interactionnelset symboliques de la régulation interactive font pleinement partie de l’apprentis-sage : les élèves n’apprennent pas seulement des savoirs mathématiques quand

ils font des mathématiques. Ils apprennent aussi à participer aux pratiques de leurclasse selon les normes et les structures de participation qui se « reconnaissent »au fur et à mesure des coordinations d’actions entre les membres de la classe.L’hypothèse situationniste postule que ces normes et ces structures de participa-tion « marquent » foncièrement les apprentissages disciplinaires réalisés, en tantque forme  (ou format) qui contribue pleinement à la fabrication dans la classe dessavoirs enseignés et appris.

3 RESTRUCTURATION DU MODÈLE DE LA RÉGULATIONINTERACTIVE

Sur la base de ces différents constats, nous proposons ci-dessous un modèle d’ana-lyse de la régulation interactive qui croise un ensemble de catégories préexistanteset ouvertes à partir des contextes sociaux et institutionnels étudiés. Ce modèle,exposé dans la figure 4, présente une amorce de réorganisation conceptuelle, enprenant appui sur différentes triangulations (théoriques et empiriques) que nousavons opérées au cours de nos différentes recherches. Bien que notre posture épis-

témologique tente de rompre avec des dichotomies classiques (psychologique-social ; individu-société ; cognition-pratique ; forme-contenu ; interne-externe,moyens-buts, notamment), nous continuons de différencier certaines compo-santes pour des raisons de conceptualisation rigoureuse, d’opérationnalisationméthodologique, de reproductibilité qui, selon nous, évite de verser dans untout herméneutique et syncrétique. C’est essentiellement par le geste d’inter-prétation que nous tentons de considérer ensemble les différentes composantes.Évidemment, comme tout modèle, notre conceptualisation implique un point devue sur la réalité avec une inévitable simplification de celle-ci et une part d’incom-plétude. Ce modèle d’analyse, à visée descriptive et interprétative, a une fonctionheuristique, c’est-à-dire tenter d’apporter un éclairage sur les pratiques de régula-tion des apprentissages en classe. Il n’a aucune prétention de prescription.

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79RESTRUCTURATION DU MODÈLE DE LA RÉGULATION INTERACTIVE

Pratiques sociales etactivités individuelles

Normes sociales etvaleurs individuelles

Significations négociées« taken-as-shared »

MÉDIATION

RÉGULATION INTERACTIVESITUÉE

Contexte social et institutionnelMICROCULTURE DE CLASSE

Sens individuel et significations collectives des pratiques de régulation interactiveContexte social et institutionnel

CULTURE PROFESSIONNELLE DES ENSEIGNANTS DU CONTEXTE CONCERNÉ

Fonctions métacognitivesde la régulation située

Dynamique sociale de larégulation interactive située

Savoirs en jeu etintentions visées

 Autorégulation

Figure 4. Modèle d’analyse des pratiques de régulation située enseignant-élève(s)

Différents contextes culturels peuvent évidemment être distingués : la cultured’un système scolaire, la culture professionnelle des enseignants (enseignants desdifférents ordres d’enseignement, généralistes ou spécialistes, d’une discipline sco-laire, etc.), la culture d’un établissement scolaire, la microculture de chaque classe,la culture familiale des élèves, etc. Dans notre modèle, nous retenons la cultureprofessionnelle des enseignants et la microculture de la classe dans laquelle la régu-

lation interactive s’accomplit. La culture de l’institution « École » s’appréhende à tra-vers ces deux niveaux de contexte. À la suite de Gallego, Cole and the Laboratory ofcomparative human cognition (2001), nous ne conceptualisons aucune relation hié-rarchique entre ces niveaux de contexte, l’un ne surplombant pas l’autre. Bien quele contexte relevant de la culture professionnelle des enseignants soit plus large quele contexte de chaque microculture de classe, chaque niveau de contexte est sus-ceptible de contribuer au développement de l’autre tout en gardant sa spécificité.

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80UN CADRE D’ANALYSE DE LA RÉGULATION SITUÉE

 La culture professionnelle des enseignantsdu contexte impliquéDans l’approche dialectique qui est la nôtre, notre modèle vise à appréhender

le sens que chaque enseignant donne à « sa » pratique de régulation interactiveà des fins de soutien d’apprentissage (évaluation formative, souvent informelle)et les significations collectives sur les pratiques de régulation partagées par ungroupe d’enseignants. L’hypothèse soutenue est que les éléments constitutifsde la culture des enseignants sont repérables au cœur même de l’action indivi-duelle ; le sens individuel participe à la construction des « manières de faire8 »culturelles, tout comme ces dernières et leurs significations collectives nourris-sent les pratiques individuelles. La recherche de Morrissette (2011), à propos despratiques d’évaluation formative d’enseignants du primaire au Québec, souligne

différents niveaux de reconnaissance des significations collectives au sein d’unmême groupe culturel. Trois zones de savoirs collectifs sont distinguées : unezone partagée  qui désigne les conventions et les pratiques d’une culture profes-sionnelle, une zone admise  qui regroupe des pratiques singulières et créatricesmais sans être nécessairement partagées par le groupe social, une zone contes-tée   relevant d’accords pragmatiques qui concilient différents positionnementset négocient les tensions et contradictions perçues (pp. 19-24). Cette typologieincite à dépasser la conception d’une standardisation des pratiques en faveur dela reconnaissance, dans l’idée de culture, de différenciations et de singularitéslégitimes.

Dans notre recherche collaborative, la culture professionnelle des enseignantsimpliqués a été appréhendée par le dispositif suivant :

 – des rencontres régulières ont réuni les enseignants et le chercheur (6 ren-contres par année, durant trois ans) ;

 – des données sur les pratiques de régulation ont été recueillies par chaqueenseignant dans sa propre classe selon un protocole de recherche commun,élaboré pendant les réunions collectives ;

 – une analyse dans un « fichet » structuré en catégories et une écriture

réflexive préalable aux réunions ont été réalisés par chaque enseignant(pré-réflexion) ; – les données recueillies dans les classes ont été collectivement analysées pen-

dant les réunions en utilisant des outils de la recherche, croisés aux savoirsd’expérience des enseignants ;

8. Formulation reprise de Durkheim.

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81RESTRUCTURATION DU MODÈLE DE LA RÉGULATION INTERACTIVE

 – les échanges, enregistrés, pendant les réunions ont eux-mêmes fait l’objetd’analyses afin d’inférer ce qui fait sens pour les enseignants en matière derégulation interactive de l’apprentissage, plus spécialement dans des situa-tions de résolution de problèmes mathématiques.

Notre recherche collaborative a ainsi offert un espace propice à la confrontationdes pratiques objectivées par des outils théoriques (notamment pour être enmesure de les décrire avec des unités conceptuelles communes, reconnues danset hors du groupe local) et par des démarches réflexives au plan individuel et col-lectif. Les pratiques de régulation des apprentissages des élèves en classe ont ainsiété problématisées non seulement par rapport à leurs caractéristiques et fonctionsde guidage métacognitif par exemple, mais aussi au regard des valeurs person-nelles et professionnelles des enseignants, des contraintes institutionnelles perçues

et « pesant » sur leurs pratiques. Il a ainsi été possible de mettre en évidence deséléments relevant de la culture professionnelle des enseignants à propos de l’usagedes moyens d’enseignement des mathématiques institués dans leur contexte pro-fessionnel. Il apparaît, notamment, que le sens que les enseignants donnent à leurspratiques de régulation immédiate, c’est-à-dire pendant que l’élève est en train derésoudre le problème, est fortement lié à la valeur qu’ils accordent au principe dedévolution du problème à l’élève et à la représentation du type d’étayage interactif« autorisé » par ce principe, nourrie par leurs expériences en classe et par leur for-mation initiale et continue.

 À la différence d’un dispositif non participatif, on peut relever que larecherche collaborative a pour caractéristique non seulement d’inférer des élé-ments de la culture existante des enseignants impliqués, mais aussi de soutenirla co-construction d’une communauté de pratique susceptible d’engager unetransformation de la culture existante dans une perspective de développementprofessionnel. Au plan de la recherche, le postulat est que l’accès à la cultureprofessionnelle des enseignants ou, dans une visée plus interventionniste, que lamédiation offerte par les dispositifs collaboratifs de la recherche, est un moyen demieux comprendre les enjeux et phénomènes rattachés à la régulation de l’ap-

prentissage en classe. Dans notre cas, de nombreux échanges ont eu lieu surl’importance du rôle médiateur de l’enseignant mais également des élèves-pairs,et plus généralement du groupe social de la classe en tant que communautéapprenante. Ces échanges ont permis une réflexion critique sur les moyens didac-tiques et leur conception dominante qui défend l’idée que c’est par la résolutionde problèmes mathématiques (de différents types) que les élèves construisent denouveaux apprentissages.

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82UN CADRE D’ANALYSE DE LA RÉGULATION SITUÉE

 La microculture de classe : un contexte socialet institutionnelLa deuxième composante contextuelle de notre modèle, inter-reliée à la pre-

mière (la culture professionnelle des enseignants), porte sur la microculture declasse en tant que contexte immédiat à l’apprentissage des élèves – quand ilssont en classe évidemment, car les élèves apprennent aussi dans d’autres lieuxde pratiques sociales. Dans notre modèle d’analyse, la relation de la microculturede classe avec d’autres contextes, familiaux, associatifs, par exemple, n’est pasconceptualisée bien que des travaux de recherche seraient à développer danscette perspective.

Le chapitre 2 de cet ouvrage a exposé le cadre théorique de la microculturede classe selon Cobb et ses collaborateurs, c’est pourquoi nous n’y reviendrons

pas. D’autres concepts existent évidemment dans la littérature pour appréhen-der les contextes d’enseignement et d’apprentissage en classe. Nous retenonsce cadre théorique en raison de l’intérêt que nous portons à son hypothèse épis-témologique qui exige de penser ensemble  les plans sociaux et psychologiquesconstitutifs du contexte de classe, vus comme contribuant au développementet à la régulation l’un de l’autre. Cela signifie que la microculture ne désignepas seulement le plan social ou contexte externe qui entourerait l’individu, maiselle se pense dans une relation de couplage avec les activités individuelles   etpsychologiques  de ses membres. À partir d’outils culturels existants, des signi-

fications symboliques y sont élaborées, qui concernent les normes (les façonsde participer, agir, faire, dire, être, etc.) et les pratiques disciplinaires (dans lesens des disciplines scolaires) mais également des pratiques de gestion de laclasse, d’évaluation des apprentissages, de différenciation pédagogique, etc.Notre postulat implique que l’étude de la régulation des apprentissages desélèves demande d’inférer les significations attachées aux normes et pratiquesde la classe indissociablement associées aux valeurs et activités individuelles etcollectives. Il est important de signaler que, dans cette conception, les pratiquesde classe ne se réduisent pas aux pratiques des enseignants, mais elles incluent

les apprentissages des élèves tels qu’ils se développent dans le contexte réel dela classe.

 À partir de ces fondements épistémologique et théorique, notre modèle s’ap-puie sur les trois unités d’analyse suivantes9 :

9. Voir chapitre 2 pour une définition plus détaillée.

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83RESTRUCTURATION DU MODÈLE DE LA RÉGULATION INTERACTIVE

1. Les valeurs individuelles et les normes taken-as-shared , générales au fonc-tionnement de la classe ou propres à des contenus spécifiques à enseigner,apprendre, évaluer ;

2. les activités individuelles et les pratiques taken-as-shared , c’est-à-dire vues

comme socialement reconnues et partagées par les membres de la classe ;3. et leurs significations taken-as-shared, co-construites entre l’enseignant et

ses élèves dans la microculture de classe.

Pour rappel, notre postulat est que la négociation  (au sens interactionniste duterme) entre l’enseignant et les élèves des significations relatives aux pratiqueset aux normes de la microculture de classe offre des opportunités puissantes derégulation interactive, en tant que processus de médiation aux apprentissages tantindividuels des élèves et de l’enseignant10 que collectifs de la classe. Dans notre

recherche collaborative, un questionnement constant a nourri les échanges entreles enseignants et avec la chercheure : finalement, qu’est-ce qui distingue unerégulation interactive d’une interaction sociale qui sous-tend la constitution dela microculture de classe (de ses normes, de ses pratiques) entre l’enseignant etses élèves ? Toute négociation ou co-construction de significations dans la micro-culture de classe est-elle une régulation interactive ? À partir de leurs expériencessituées et de leurs valeurs, les enseignants se sont montrés catégoriques : poureux, toute interaction avec un élève ne représente pas de facto  une régulationinteractive. Dans une conception large, il aurait pourtant été possible d’envisager

que toute interaction recèle une potentialité  de soutien à l’autorégulation de l’élèveet que cette potentialité soit un attribut définitoire suffisant. Dans un sens strict,on postule par contre, comme les enseignants de notre recherche, que des traitsspécifiques caractérisent l’interaction qui a une fonction particulière de médiationà la régulation de l’apprentissage de l’élève. C’est dans cette dernière perspectiveque nous inscrivons notre modèle.

10. Cobb et ses collègues insistent sur le fait que l’enseignant est lui également un « apprenant » :au fil de ses expériences et relations interpersonnelles avec les élèves, il développe une plus grandeexpertise des programmes et des contenus à enseigner, de la gestion de la classe, de la compré-hension des possibles difficultés rencontrées par ses élèves au regard de leurs caractéristiques, destâches à accomplir, etc.

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84UN CADRE D’ANALYSE DE LA RÉGULATION SITUÉE

 La régulation interactive située, entre l’enseignantet ses élèvesPour rappel, la notion de régulation interactive développée par Allal (1988)

englobe trois modalités principales : entre l’enseignant et ses élèves, entre élèves,et avec les aspects matériels des situations expérimentées ; des combinaisonsentre ces différentes modalités sont évidemment possibles. Nous nous intéres-sons, quant à nous, plus spécifiquement aux interactions de régulation entrel’enseignant et un élève, un groupe d’élèves, voire avec l’ensemble du groupeclasse. Cette centration sur l’enseignant provient d’une préoccupation à proposdu rôle de ce dernier dans des moyens didactiques qui, aujourd’hui, tendentà valoriser la conception constructiviste qui consiste à exposer les élèves à dessituations si possibles complexes, mais souvent sans problématiser suffisamment

le rôle de médiation de l’enseignant dans ces mêmes situations.11

 Comme nousavons eu l’occasion de le souligner précédemment, l’idée de dévolution du pro-blème à l’élève est très valorisée dans les moyens d’enseignement et dans laculture professionnelle des enseignants de notre recherche. Cela ne signifie paspour autant que l’enseignant ne doit pas être actif dans une situation complexe,par exemple de résolution de problèmes. D’une part, l’enseignant fait pleine-ment partie de la situation, en raison déjà du contrat didactique qui le lie à l’élèveet au savoir en jeu dans la situation – l’élève agit en fonction d’un contexte sociald’attentes qu’il perçoit, y compris sans intervention directe de son enseignant.D’autre part, parce qu’il n’est pas tenable, ni souhaitable, pour l’enseignant dene pas intervenir quand un élève ne parvient pas à surmonter un obstacle, às’approprier une ressource, à construire un nouvel outil, à collaborer avec unpair ou encore quand un élève est hors tâche. À noter que, dans les limites de cetouvrage, nous n’aborderons pas les temps d’enseignement et d’institutionnalisa-tion mais restons sur les interventions de l’enseignant qui visent à soutenir l’auto-régulation de l’élève face à une tâche spécifique. Au plan théorique, la régulationinteractive située impliquant l’enseignant est conçue sur un plan intersubjectifqui stipule une coordination d’actions et une co-construction de sens avec l’élève/ les élèves partenaires de l’interaction. Dans notre modèle, nous définissons trois

composantes inter-reliées pour l’appréhender : les savoirs en jeu et intentionsvisées par la régulation interactive située, sa dynamique sociale et ses fonctionsmétacognitives.

11. Notamment dans les moyens actuels d’enseignement des mathématiques en Suisse romande,les moyens didactiques du français insistant plus, quant à eux, sur les gestes de l’enseignant.

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85RESTRUCTURATION DU MODÈLE DE LA RÉGULATION INTERACTIVE

1. Savoirs en jeu et intentions visées 

Pour rappel, dans notre conceptualisation, les pratiques sociales de la classe,dans lesquelles les savoirs s’incarnent – ou prennent forme – représentent les situa-tions sociales immédiates à l’apprentissage des élèves. Les savoirs sont concep-tualisés au regard des systèmes de médiation dans les pratiques qui leur donnentcorps (langages, normes, outils, documents, textes, usages, …). L’idée de savoirdécontextualisé (ou de cognition désincarnée) est mise en doute dans cette pers-pective : tout savoir porte avec lui les marques des contextes sociohistoriques deson développement et également de ses usages en classe. Autrement dit, il n’y apas de savoirs sans pratiques, y compris à l’école : l’école est un lieu de pratiquesspécialisées pour enseigner (Perrenoud, 1984). Les pratiques de la microculturede classe peuvent être associées au curriculum réel qui représente « un ensembled’expériences, de tâches, d’activités qui engendrent ou sont censées engendrer

des apprentissages » (p. 237).La première composante que nous retenons pour étudier la régulation inte-

ractive située12 porte sur les savoirs en jeu dans les pratiques de la classe et sur lessignifications (par exemple mathématiques) qui sont co-élaborées entre les partici-pants pour partager ces savoirs de telle sorte qu’ils deviennent vus comme collecti-vement reconnus par les membres de la microculture de classe. Cobb et al. (1997)étudient, par exemple, les façons d’agir avec du matériel physique, les façons denoter, de symboliser et de mathématiser cet agir quand l’enseignant et ses élèvesde première année primaire se coordonnent ; les auteurs infèrent les « chaines de

significations » qui s’élaborent au plan collectif de la classe à propos des unitéset des dizaines dans des problèmes additifs. Un enjeu est de saisir la façon dontse concilient les constructions individuelles signifiantes des élèves et les processusd’enculturation aux pratiques mathématiques de référence qui sont sous la respon-sabilité de l’enseignant.

 Avec les enseignants de notre recherche collaborative (Mottier Lopez et al.,2010), nous avons étudié les pratiques mathématiques déployées dans leurclasse, en procédant à des analyses des tâches soumises aux élèves, en identifiantles savoirs en jeu (savoirs disciplinaires ou attitudes transversales13), en explicitant

les objectifs et attentes que chaque enseignant s’était fixés ; en anticipant leserreurs et difficultés possibles des élèves, en observant les difficultés et erreurs

12. C’est-à-dire telle qu’elle est ancrée dans la microculture de la classe et tout à la fois participantà la constitution de cette microculture qui lui donne sens (Mottier Lopez, 2007).13. Par exemple, la collaboration entre pairs dans une résolution de problèmes mathématiques.

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effectivement constatées au regard des contraintes et des ressources des situa-tions effectives. Ce questionnement a porté sur les tâches mathématiques puis,ensuite, plus spécialement sur les pratiques de régulation interactive elles-mêmes,afin d’identifier les composantes des savoirs en jeu et des démarches de réso-

lution de problèmes sur lesquelles la régulation interactive se focalise. Dans lecadre d’une écriture réflexive individuelle, puis au cours des échanges collectifspendant les rencontres réunissant les enseignants et la chercheure concernés, unquestionnement a porté sur les intentions visées par la régulation interactive, enconfrontant ce que pensait / souhaitait faire l’enseignant et l’analyse de la régu-lation interactive transcrite en verbatim. Des décalages ont parfois été constatés,montrant combien la régulation se construit dans l’interaction avec l’élève etdoit s’ajuster aux contributions de ce dernier. Les écarts observés ont souvent étéinterprétés en termes de déficit de compréhension partagée entre l’enseignant et

l’élève / les élèves. Ceci nous amène à la deuxième composante pour appréhen-der la régulation interactive située, à savoir la dynamique sociale par laquelle elles’accomplit.

2. Dynamique sociale de la régulation interactive située entre l’enseignantet l’élève/les élèves 

Le but de l’analyse est de tenter d’appréhender la nature des contributionsde l’enseignant et de ses élèves au cours de la régulation interactive, dans uneapproche interactionniste non dualiste entre processus sociaux et processus cogni-tifs. Cette approche argue que l’interaction sociale est constitutive des proces-sus cognitifs, voire constructive des savoirs et de l’identité même de l’apprenant(Pekarek Doehler, 1999, 2000). Parmi différents postulats que nous ne présente-rons pas ici, Pekarek Doehler insiste sur la nature située et réciproque de l’activitécognitive et discursive :

Le discours n’est pas réductible à une production individuelle à partir d’unfond de compétences et de connaissances, de savoirs et de savoir-faire ; ilest une co-activité continue, située dans des cours d’action co-construitespar les interlocuteurs sur l’arrière-fond de leur expérience communicative et

de leurs interprétations du monde. (Pekarek Doehler, 2000, p. 4)Dans le cadre de l’enseignement/apprentissage d’une langue seconde, l’au-

teure a mis évidence un continuum entre une gestion des interactions sociales souscontrôle quasi exclusif de l’enseignant et une gestion partagée des interactionsentre l’enseignant et les élèves. Des paramètres discursifs ont été définis pour carac-tériser chacun des pôles, dont certains servant à analyser la fonction de contrôleexercée par les questions (au sens large) de l’enseignant sur les réponses des élèves.

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87RESTRUCTURATION DU MODÈLE DE LA RÉGULATION INTERACTIVE

Nous les résumons comme suit à partir de nos propositions dans Mottier Lopez(2008) :

1. Questions/réponses de   restitution. Les informations sollicitées par l’ensei-gnant et produites par l’élève sont préalablement connues par l’ensei-

gnant ; un contenu informationnel différent de celui qui peut être attendupar l’enseignant n’est pas accepté. Souvent, ce contenu est vu commepouvant être produit par d’autres élèves de la classe. Ce type d’échangevise principalement une logique de restitution des savoirs culturels, desconventions, des règles instituées. Il y a une prévisibilité de l’information àproduire.

2. Questions/réponses de  développement . Dans ces échanges, le contenu infor-mationnel de la réponse de l’élève n’est pas totalement connu par l’en-seignant, ni par les autres membres de la classe excepté, peut-être, par

un élève qui aurait co-élaboré une démarche dans un même travail degroupe. Ce contenu n’a pas été préalablement désigné par l’enseignantet il représente un apport « original » de la part de l’élève. Tout en ayantévidemment des attentes à propos de la réponse de l’élève, l’enseignantaccepte ici une part d’imprévisibilité et de singularité considérées commelégitimes.

3. Évaluation interactive  par l’enseignant et / ou par les élèves des contribu-tions produites dans les processus dialogiques de restitution ou de déve-loppement cités aux points précédents. Ce paramètre permet d’observerdans quelle mesure l’enseignant est seul responsable de l’évaluation de lapertinence de la réponse de l’élève ou si cette responsabilité est partagéeavec les élèves de la classe selon différentes modalités d’autoévaluation pos-sibles (Allal, 1999) : co-évaluation (évaluation de l’élève confrontée à cellede l’enseignant), évaluation mutuelle (entre élèves) et autoévaluation ausens strict.

En nous appuyant sur cette conceptualisation, nous avons proposé aux enseignantsde notre recherche collaborative un outil d’analyse de la dynamique sociale de larégulation interactive située (figure 5), conçue sur un continuum entre un guidage

ciblé de l’enseignant (contrôle de la gestion des interactions sociales, apports etstructuration des contenus mathématiques) et un guidage ouvert et partagé entrel’enseignant et ses élèves.

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visés (ou autres objectifs, par exemple soutenir la collaboration entre pairs)et à la nature des contributions interactives et mathématiques des élèves ;

 – d’observer dans quelle mesure l’enseignant s’ajuste ou non aux contribu-tions inattendues  des élèves ; ce qu’il en fait par rapport aux contraintes de

la tâche prescrite, des savoirs visés et des intentions didactiques qui sous-tendent la régulation interactive ;

 – de constater la difficulté, parfois, de comprendre les contributions de l’élève etde construire avec lui une interprétation commune de la tâche et des savoirsvisés, notamment quand l’intention de l’enseignant est de ne pas désigner defaçon directe les ressources à mobiliser dans une situation complexe (confor-mément au principe de dévolution valorisé dans les moyens didactiques uti-lisés dans le contexte de la recherche, principe également reconnu dans laculture professionnelle de nos enseignants comme on l’a vu précédemment) ;

 – de constater que, parfois, le guidage de l’enseignant peut être un obstacleau raisonnement de l’élève, par exemple parce que ce dernier se sent obligéde se conformer à une attente perçue au détriment d’un raisonnement quifait sens pour lui, ou parce que l’enseignant ne laisse pas suffisamment d’ou-verture à des démarches singulières ;

 – de constater que la régulation interactive a tendance à devenir plus cibléedès qu’il y a des difficultés de compréhension intersubjective dans les pro-cessus de communication entre l’enseignant et l’élève / les élèves.

 – d’observer que peu d’entre eux s’appuient sur des échanges entre élèvespour engager une régulation interactive, celle-ci restant essentiellement surun mode d’étayage et de désétayage sous le contrôle de l’enseignant.

Comme nous l’avons montré dans les classes de Paula et de Luc au chapitre pré-cédent, l’implication des élèves dans les processus d’évaluation interactive appa-raît dépendante des normes construites dans chaque microculture de classe, selonqu’elles encouragent l’élève à exprimer son avis sur les contributions des pairs, à jus-tifier sa propre démarche et son point de vue sur une démarche d’autrui, à confron-ter des raisonnements alternatifs et solutions différentes, à qualifier des démarchesen fonction de critères d’évaluation explicitement élaborés dans la classe. Pensons

par exemple à la pertinence d’une solution, à l’efficacité d’une procédure de calcul,au niveau de sophistication ou expertise d’une démarche, à la compréhension d’unconcept, etc. Ces critères dépassent un jugement de type « juste/faux » et exigentune construction avec les élèves de leur signification : en effet, qu’est-ce qu’une solu-tion efficace pour des élèves de 8 ans qui ne maîtrisent pas encore la table de mul-tiplication ? Qu’est-ce qu’une procédure sophistiquée, experte, etc. au regard desacquis des élèves, de leur progression d’apprentissage, des situations expérimentées,

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90UN CADRE D’ANALYSE DE LA RÉGULATION SITUÉE

des pratiques vues comme reconnues et partagées dans la classe, de l’évolution deces pratiques au fur et à mesure des processus d’institutionnalisation, etc. ?

D’une façon générale, considérer ces différents paramètres discursifs, tels qu’ilssont saisis dans des processus de co-participation au guidage interactif de l’ensei-gnant, permet d’étudier finement la dynamique interactive de la régulation auregard, notamment, de la genèse des pratiques mathématiques de la classe et descontributions effectives de ses membres. Dans cette perspective, la régulation inte-ractive est perçue comme un processus dynamique susceptible de se reconfigurerau fil des contributions des uns et des autres, en tant que co-activité foncièrementmarquée par le contexte social avec lequel elle s’accomplit et contribue tout à lafois.

3. Fonctions métacognitives de la régulation de l’apprentissage de l’élève 

La littérature d’orientation cognitive citée dans le chapitre 1 fait une large placeà la métacognition pour définir le concept de régulation, notamment quand l’in-tention didactique est de favoriser des autorégulations plus conscientes et délibé-rées chez les élèves pour mobiliser et exploiter des connaissances face, notamment,à des tâches complexes de production et de résolution de problèmes (Allal, 1993).Dans notre modèle, nous avons conservé les opérations de régulation classique-ment définies dans la littérature (anticipation, contrôle, ajustement, évaluation),afin précisément de ne pas perdre de vue la spécificité des fonctions métacogni-tives et réflexives de la régulation, mais en les appréhendant au regard des autres

composantes définies par notre modèle (figure 4).Comme nous l’avons indiqué plus haut, les enseignants avec lesquels nous

avons travaillé accordent une très grande importance à l’idée de métacognition,conscients qu’ils ne peuvent pas « réguler à la place de l’élève  ». Ils peuvent aumieux soutenir la régulation de l’activité de l’élève mais c’est toujours l’élève quiin fine  autorégulera – ou non – son activité. Un enjeu est alors, par le moyen de larégulation interactive, d’aider l’élève à prendre conscience des processus suscep-tibles d’être favorables à son autorégulation, cette dernière étant elle-même néces-saire au déploiement de la régulation interactive. Certains auteurs anglo-saxons

n’hésitent pas à envisager la conception d’une métacognition située (par analogieà la cognition située). Le cadre épistémologique et théorique que nous avons pro-posé dans ce chapitre et le précédent semble permettre d’aller plus loin dans laconception d’une métacognition située, à travers notamment les systèmes et outilsde médiation à cette métacognition en acte à travers la régulation interactive situéeau sens où nous l’avons définie. Un défi, toutefois, est de mieux envisager la portéeheuristique de cette proposition par de nouvelles recherches.

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Suite à la présentation d’une approche essentiellement (socio)cognitive présen-tée dans le premier chapitre de cet ouvrage, nous avons tenté dans les chapitressuivants d’examiner la régulation de l’apprentissage des élèves en classe dans uneapproche situationniste non radicale14. Celle-ci n’exclut pas les processus mentauxet structures conceptuelles qui supportent la compréhension et le raisonnement desindividus ; elle tente de penser une relation dialectique entre l’activité individuelleet sociale et les situations socioculturelles de leur développement en contexte declasse. Ce faisant, nous avons défendu la conception d’une régulation interactivesituée, socialement partagée et distribuée entre les membres de la classe. Nousavons soutenu l’idée que la régulation interactive demande à s’appréhender auregard des pratiques, des normes et des significations construites dans chaquemicroculture de classe, en tant qu’arrière-fond interprétatif (comme le suggèrentCobb et ses collègues, 1997), mais aussi, et plus fondamentalement, comme sys-tème de médiation supportant la régulation de l’apprentissage de l’élève. Danscette perspective, la distinction souvent énoncée dans la littérature entre une régu-lation des situations d’apprentissage  et une régulation au niveau de l’élève est for-tement mise en question, dans la mesure où une relation d’indissociabilité entre

apprentissage et situation est postulée (Brown et al., 1989). Le défi, de taille, estalors de penser la régulation dans cette relation de co-constitution que nous avonsdéclinée en trois plans : communautaire, interpersonnel et individuel.

Dans l’ouvrage, notre propos s’est volontairement focalisé sur les dimensionscollectives et négociées des situations et sur les processus interactionnels situés dela régulation impliquant la médiation de l’enseignant, tout en soutenant donc lathèse d’une co-dépendance entre les régulations qui se développent sur les planscommunautaire, interpersonnel et individuel de la classe. Mais tout choix supposeévidemment des renoncements. Ainsi, nous n’avons pas traité les aspects moti-

vationnels, ni mentionné, par exemple, le rôle des outils matériels en tant queressources au raisonnement individuel et collectif : portfolios, guides d’autoéva-luation, grilles d’observation ou d’appréciation critériée, ouvrages de référence,outils technologiques, etc. À l’école primaire, jouer sur les différentes modalités

14. Qui par contre est la position de Lave et Wenger (1991) par exemple.

 CONCLUSION

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92CONCLUSION

de régulation interactive est certainement plus aisé pour l’enseignant qu’à l’écolesecondaire, en raison de la gestion plus souple des leçons et du temps scolaire.Notre choix d’avoir centré notre regard sur la régulation interactive ne signifiepas que nous sous-estimons l’importance d’autres modalités, quel que soit l’ordre

d’enseignement d’ailleurs, notamment en termes de régulations différées (descommentaires annotés sur les travaux des élèves, par l’utilisation de grilles d’appré-ciation, par exemple).

Les processus mêmes d’autorégulation n’ont pas été systématiquement obser-vés. Pourtant, comme Perrenoud (1993) le rappelle :

Dans n’importe quel cadre, c’est l’individu qui apprend, et pour cela il necesse d’opérer des régulations intellectuelles. En un sens, s’agissant de l’es-prit humain, toute régulation ne peut être en dernière instance qu’autoré-

gulation, du moins si l’on adhère aux thèses de base du constructivisme :aucune intervention extérieure n’agit si elle n’est perçue, interprétée, assi-milée par un sujet… on ne peut parier en fin de compte que sur l’autoré-gulation. (p. 41)

 Aujourd’hui, de nombreuses études empiriques, mais aussi les systèmes scolaires etnombre de moyens d’enseignement et leurs recommandations didactiques (tel leprincipe de dévolution dont nous avons parlé à plusieurs reprises) soulignent l’im-portance de mettre l’élève dans la position de pouvoir contrôler ses apprentissages

et de le responsabiliser à des fins d’autonomie intellectuelle et personnelle. PourLaveault (2007), un enjeu est que non seulement l’élève apprenne en s’autoré-gulant, mais aussi qu’il apprenne à s’autoréguler. Autrement dit, l’autorégulationdevient un objet d’apprentissage, en tant qu’acquisition d’un « répertoire de stra-tégies qui permettent à l’élève d’exercer un plus grand contrôle sur son apprentis-sage » (pp. 207-208). Quant à De Corte (2010), il insiste tout spécialement sur lacompétence d’adaptation, « c’est-à-dire la capacité à appliquer des connaissanceset compétences acquises de manière signifiante avec souplesse et créativité enfonction des situations rencontrées » (p. 50). Il s’agit pour l’auteur d’un des objec-tifs essentiels de l’éducation.

Quelle que soit la définition et la fonction sur laquelle on met l’accent (e.g., lecontrôle, l’adaptation), ces travaux montrent qu’on ne se contente pas de pariersur une autorégulation spontanée des apprenants, mais on en fait un objet d’ap-prentissage explicite. Dans les chapitres précédents, nous avons mis en évidenceles processus situés de médiation qui participent au soutien de l’autorégulationde l’élève dans le cadre d’apprentissages disciplinaires (plus particulièrement en

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93RESTRUCTURATION DU MODÈLE DE LA RÉGULATION INTERACTIVE

mathématiques). Un enjeu, traité dans la littérature mais qui reste un défi à rele-ver, est la possibilité de soutenir l’apprentissage de compétences à s’autoréguleren tant que ressources à l’apprentissage de savoirs disciplinaires et réciproque-ment. L’approche situationniste tend à défendre le postulat que ces compétences

d’autorégulation se construisent en interaction avec les compétences et savoirsdisciplinaires en jeu, indissociablement liés aux normes et pratiques sociales quileur donnent forme. En d’autres mots, ce serait un non-sens d’imaginer pouvoirles enseigner et les apprendre indépendamment des contenus sur lesquels ellesportent et sans prendre en considération les pratiques sociales et culturelles quileur donnent sens.

Cet ouvrage s’est essentiellement interrogé sur les processus   de régulationinteractive située, à des fins de description et de conceptualisation, sans avoir eule projet d’examiner systématiquement les variations en fonction des disciplines

scolaires, des ordres d’enseignement et des degrés scolaires, des caractéristiquessocioculturelles et individuelles des élèves, des caractéristiques de la tâche d’ap-prentissage et de la nature des compétences à développer, par exemple.

Un véritable programme de recherche se dessine ici, dont nous pensons, pournotre part, qu’une implication active des acteurs de terrain dans des modalitésdiverses de recherche collaborative – pouvant être combinées à des modes d’inves-tigation plus classiques – permet de prendre très sérieusement en considération cequi est tenu pour légitime par les praticiens dans le cadre de leurs repères socio-professionnels (Morrissette, Mottier Lopez & Tessaro, 2012). La réflexivité pratique

des acteurs de terrain, triangulée à d’autres sources de données scientifiquementélaborées, contribue à une meilleure compréhension des processus et phénomènesrattachés à la régulation des apprentissages des élèves. Nous pensons que c’est unedes conditions, parmi d’autres, pour que la recherche scientifique soit en mesurede produire des savoirs qui non seulement participent au développement du cadrethéorique de l’objet – et à ses remises en question – mais également qui résonnentavec les préoccupations et les pratiques des acteurs de terrain.

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TABLE DES MATIÈRES

Sommaire  5

Introduction  71 Régulations et conceptions d’apprentissage 10

2 Organisation de l’ouvrage 15

Chapitre 1 La régulation des apprentissages :distinctions conceptuelles  17

1 Visées de la régulation des apprentissages en classe 182 Objets de la régulation de l’apprentissage 20

3 Degrés d’explicitation de la régulation de l’apprentissage 22

4 Mouvements de la régulation par rapport au but visé 255 Modalités de la régulation interactive 27

6 Temporalité et mise en œuvre de la régulation 28

7 Environnements et contextes d’apprentissage 298 Éléments de discussion 30

Chapitre 2 Régulations situées dans des microcultures de classe  331 La microculture de classe en mathématiques 34

2 La microculture de Paula : travaux de groupes et interactions collectives 41

3 La microculture de Luc : travaux de groupes et interactions collectives 534 Éléments de comparaison entre les deux microcultures

de classe et discussion 66

Chapitre 3 Un cadre d’analyse de la régulation située  71

1 Préoccupations professionnelles d’enseignants 722 De l’étayage interactif aux structures de participation 733 Restructuration du modèle de la régulation interactive 78

Conclusion 91

Références bibliographiques  95

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