l'internacional: documents et souvenirs (1864-1878) [james guillaume]

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L'INTERNATIONALEDOCUMENTS ET SOUVENIRS(i864-i8j)

^-U^.'

CONSTANT MEURON(1866)

(/

"

''

J

L'INTERNATIONALEDocumentset

Souvenirs (1864-1878)PAR

James

GUILLAUME

TOME PREMIER

Avec un portrait de Constant Meuron

PARIS SOCITr: NOUVEELE DE EIIUIAIRIE(UBUillUE GEOn8 mission de Graglia a Paris Londres; Franois Brosset, 62-64. Le bureau de Paris de rinlernalionale procs et condamnation des deux premires Commissions parisiennes (mars et;

;

maiVIII.

1868), 64-65.

Le troisime Congrs gnral de tembre 1868); ses rsolutions, 65-71. Le second Congrs de la Ligue de tembre 1868); une minorit socialiste

l'Internationale,

Bruxelles

(6-13 sep-

IX.

la paix et

de la libert, Berne (21-55 sepse spare de la Ligue, et, se constituant en

.\lliance de la dmocratie socialiste, fait adhisicm ;i l'.Vssociation inl(>rnatiinale des travailleurs, 71-76. Coup-d'il rtrospectif sur l'activit rvolutionnaire de Michel BaUounine et de ses amis, de 1864 1868. 76-79.

VIII

L I.NTEUNATIONALKlo Cavfaii ; le pre 82-87. Le ('orcio international du Loclo miilucl. les soin-cs trinslruction mutuelle, le projet de socit lectures; paysage jurassien, sur les Monts , 87-V)0. de consommation, etc. Mes

(18

o

membres,2.

s'il

le

trouvait ncessaire:

.

undtr a direction (sous une direction commune); dit nj]^rcs. Si la Section dlgu, elle " s'unira avec les Sections voisines en un groupe qui nommera ' un dlgu commun pour tout le groui)e '". 10". Les dlgus recevront l'indemnit de la Section ou du groupe de Sections " qui les ont '' nomms. II". Chaque membre de l'Association internationale '^ aie droit de vote '* aux lections et est ligible, 12". Chaque Section ou groupe de Sections qui compte plus de cinq cents membres a le droit d'envoyer un dlgu pour '' cinq cents membres au-dessus de ce nombre primitil" '. i3" Chaque dlgu n'a qu'une voix au Congrs. i4" Il est libre chaque Section de rdiger ses statuts particuliers et ses rglements conl'oi'inment aux circonstances locales et aux lois de son pays mais ils ne doivent en rien tre contraires '' aux statuts

vue sur

li

'

''.

''

'

;

rglements " gnraux. '' peut tre i5 La rvision des statuts et des rglements prsents Congrs, la demande des deux tiers des dlgus - faite par chaqueet

prsents.la fin de l'article i5, le rdacteur de la brochure (Congres ouvrier, de Gard) dans laquelle j'ai copi ce texte a plac un appel de note, auquel correspond au bas de la page (p. 27) la note suivante Le texte officiel et obligatoire des statuts et rglements sera publi par le Conseil d'Etat (sic) de Londres, dans son compte-rendu du Congrs . Commenetc.,:

A

1. Le carnet parisien supprime les mots 2. Egalit, carnet parisien et Fribourg 3. Le carnet parisien supprime le mot o 4. Fribourg supprime tout cet alina.:

:

de crdit.

.

il .

pour

u Les Conseil gnral . Le carnet parisien rdige ainsi l'article obligs de communiquer, sans rtribution, tout membre de l'Association qui en fera la demande le bulletin du Conseil gnral . 6. Le carnet parisien rdige ainsi le dbut de l'article: Chaque bureau, quel que soit le nombre de ses membres, a le droit et le devoir d'envoyer . Si un bureau . 7. Carnet parisien il . 8. Carnet parisien avec les bureaux voisins pour nommer. 9. Carnet parisien 10. Le carnet parisien omet ces quatre derniers mots. H. Carnet parisien du bureau ou du groupe de bureaux .

5.

Fribourg

:

:

bureaux correspondants sont

;

:

:

:

a . 12. Fribourg 13. Aprs internationale , le carnet parisien rdige ainsi la suite de l'article : est lecteur tout lecteur est ligible s'il remplit les conditions dtermines par la rglement particulier du bureau auquel il appartient . 14 Fribourg voter .: ; :

Fribourg par . a Chaque bureau, ou groupe de 1H. Le carnet parisien rdige ainsi l'article bureaux, compos de 300 membres et au-dessous, a droit d'envoyer un dlgu au Congrs, et un dlgu en plus pour chaque 500 et fraction de 500 au-dessus . " en tant qu'ils ne sont en rien contraires . 17. Carnet parisien a rglement Fribourg au rglement . 18. Egalit des prsents statuts et rglements Fribourg a le texte de 19. Carnet parisien Card, mais en supprimant prsents . de deux dlgus . 20. Fribourg15:

((

:

:

:

;

:

c

;

ft

:

PREMIERE PARTIE, CHAPITRE

II

20

tant celte note en 1872 dans le Mmoire de la Fdration jurassienne brochure (p. 209), j'ai crit a Pour celui qui vient de lire dans cette le compte-rendu des travaux du Congrs, y compris le texte ofliciel et dfinitif, en franais, des statuts et rglements adopts par le Congrs, la note ne peut signifier qu'une chose, c'est que le Conseil gnral publiera:

mme

et que dans ce compte-rendu se trouvera aussi le et obligatoire des statuts et rglements. Le texte franais imprim dans la brochure est incontestablement le texte sur lequel le Congrs a vot la brochure le dit expressment Les statuts prsents par la commission' sont adopts par l'assemble dans la forme suivante Les rglements ont t adopts dans la forme suivante (p. 10), et plus loin (p. 26). La preuve que nous avons l en effet les textes franais authentiques, c'est qu'aucun dlgu du Congrs n'a jamais rclam, et que les Sections franaises et suisses, toutes les fois qu'elles ont publi les statuts et le rglement de l'Internationale, de 18G6 1870, les ont publis en un texte conforme (sauf les lgres variantes que j'ai releves en note) celui

aussi texte

un compte rendu,officiel

;

:

:

de

la

brochure de Cardj'ai

'.

indiquer encore, en reproduisant un passage de suit immdiatement le texte du rglement, les dcisions prises l'gard de la nomination du Conseil gnral et du choix du lieu o devait se runir le prochain Congrs

Pour terminer,

cette

mme

brochure qui

:

Enfin rassemble a mis la dernire main son travail. Elle a dcid 1 Que le sige du Conseil central pour l'anne 1867 reste :

Londres20

;

les membres du Conseil central sont rlus lexf-eption seul d'entre eux % qui est exclu cause des calomnies (.ont il s'est rendu coupable contre quelques-uns de ses collgues 3 Que le prochain Congrs aura lieu Lausanne le premier lundi du mois de septembre 1867. Pour le lieu de la i)rochaine assemble ou pro})osait d'abord Bruxelles, mais le Congrs a dclar l'unanimit que la Belgique, cause de ses lois sur les trangers, ne i)eut pas tre regarde comme un pays libre. C'est la proposition de M. Crnaz, faite au nom de la Section de Lausanne, dont il tait dlgu, que celte ville a t choisie pour le lieu de la prochaine runion du Congrs. ... La clture du Congrs a t prononce samedi soir, huit

Que

dun

;

heures

et

demie.[)].

Le lendemain dimanche

une

fte

:

[(romenade sur le

lac, bauiuel

et soire familire ont runi les dlgus des dillerents

jiays et les

nombreux

socitaires de Genve et des Sections voisines. La Socit-l chorale et la Socit du Grlli donni-ent leur concours cette fte.

1. Excepte- dans la brocluiro, impriiin-o l'n 18G9, (pii contient les slatiits de la Fdration romande adoptfs par le (lnnL,'rcs roniaiid de janvier IHli'.t. Kn llc de cette brochure, le Comit fdral romand, vimlant donner lis Statuts gnraux de l'Internationale, a, par une tourderie inconcevable, au lieu te reproduire les Statuts dfinitifs voti's a Genve, en I8GG. reproduit la traduction parisienne des l'rorimunal Rules de 18(ii. 2. Il s'afrogrs, sera assez forte pour jjouvoir dire l'Europe // H}- (Hiici plus de guerre, parce que nous ne le voulons pas et que nous soninics les plus nombreux : en attendant (pu' ceux de nos iVres (pii n'ont pas encore compris la mission station des deux mains, et c'est lui qui a exprim la solidarit non seulement du genre humain, mais de la cration tout entire, pares belles j>aroles Lors({ue tiuelqu'un commet une injustice sur notre globe ou dans la planteSaturne, ou dans l'toile Sirius, il est coupable envers tous les mondes . Merci du sermon. J'irai conter cela au cercle. Jacques.

;

;

;

:

;

:

IVLe second Congrs gnral de V Internationale, Lausanne (u-j septembre 186 y).

Le second Congrs gnral de l'Internationale devait avoir lieu Lausanne, du 2 au 7 septembre. La semaine suivante s'ouvrait Genve un Congrs convoqu par la Ligue de la paix et de la libert, qui venait de se fonder Paris sur l'inilialive d'Emile Acollas ce Congrs de la paix devait prendre part l'lite de la dmocratie europenne, on annonait entre autres la prsence de Garibaldi, d'Edgar Quinct, de Bakounine,;

avait t invite s'y l'aire reprsenter. Section du Locle me nonmia son dlgu, connue l'anne prcdente, et je russis obtenir un cong pour me rendre Lausanne et Genve. A Lausanne, je lus l'un des secrtaires du Congrs, charg spcialement de la rdaction des procs- verbaux, et je reus la mission d'en surveiller ensuite l'impression en un volume en outre le Congrs

et l'InternationaleLa

'

;

1. Ce fut Coullery, propri(''t;iiri' ili- riinpriincrir de \,\ Voix charfj par le Clonf^rcs de l'impression de ses procs-verbaux, que dans le courant de l'anne 1808.

le

l'Avenir,

qui fut

l-c

volume ne parut

3o

l/lNT?:UNATIONALE

les deux aulres taient dsigna comme l'un des trois dlgus chargs de porter au Congrs de la paix Tolain et (Xsar De Paepe l'adhsion conditionnelle de l'Association internationale des travailleurs. Pendant l'automne de 18G7, je publiai en feuilleton dans le Diog-ne des Souvenirs des (Jo/igrs de Lausanne et de Genve. J'extrais de ces Souvenirs quehjues pages o sont retraces des scnes familires et esquisss d'une allure humoristique, comme l'exigeait ces croquis des portraits le caractre spcial du journal auquel ils taient destins peuvent offrir, m'a-t-il sembl, un certain intrt documentaire

me

:

:

Souvenirs du Congrs de Lausanne....

'.

Ma premire bonne chance a t, le dimanche i*"' sc[)teml)re, route de Neuchtel Lausanne avec les dlji^us anghiis. Ce sont des gens qui valent la peine que je vous les prsente en dtail. D'al>ord le citoyen xVlfred A.Walton, architecte, de Brecon (principaut de Galles), prsident de la Ligne nationale de la Rforme,del'aire

qu'il ne faut pas confondre avec la Ligue de la Rforme actuelle, dont il est galement l'un des vice-prsidents. ly. Ligue d'aujourd'hui est une association clectique, ouverte tous ceux qui sont disposs lutter pour une extension du droit de snllrage tandis que la Ligue nationale, qui a jou un rle important lors des vnements de 1848. se compose exclusivement de e/iartistes (rpublicains) et de socialistes. Walton a fait deux cents lieues de chemin pour venir prsenter au Congrs ouvrier un projet d'organisation du crdit, telle que la conoivent ses commettants anglais. Ce long personnage, la barbe inculte, dont les cheveux tombent ngligemment jusque sur les yeux, et qui se bourre constamment le nez de tabac, c'est le tailleur Eccarius, membre du Conseil gnral de l'Association internationale, l'ami et le disciple du socialiste allemand Marx. Allemand aussi d'origine, mais fix depuis vingt ans Londres % Eccarius. dont l'extrieur peu avenant cache une des plus hautes intelligences que je connaisse, a t un de ceux qui ont le plus contribu au puissant mouvement socialiste qui agite aujour;

d'hui l'Angleterre. Nous le retrouverons. Cet autre gant, dont on devine immdiatement la nationalit ce je ne sais quoi qui trahit l'Anglais, c'est Daniel Swan, le dlgu

des rubaniers de la ville de Coventry (Warwiclcshire). Enfin, le quatrime, qui le cde pour la taille ses compagnons, mais qui n'en semble pas moins avoir l'tofle d'un tribun, vritable type de dmocrate barbu, aux yeux ardents, c'est le fougueux Lessner \ Allemand et tailleur comme Eccarius, comme lui devenu Anglais depuis de longues annes, comme lui membre du Conseil gnral de l'Association. Le rle de Lessner semble tre de protester perptuellement. Dans la discussion, Eccarius parle lentement, avec un phlegme imperturbable Lessner ne se contient pas. et exhale son cur passionn en un torrent de paroles amres et violentes devant un contradicteur inintelligent, Eccarius lve les paules, Lessner bondit et semble vouloir dvorer son adversaire. Dans la conversa; ;

Diogene, numros du 27 septembre au 24 octobre 1867. Georg Eccarius tait dj Londres en 1840, anne o il fonda, avec Schapper, Heinrich Bauer et Joseph Moll, le Kummnnisiisclier Arbeiterbildungsverein. 3. Friedrich Lessner avait figur dans le procs des communistes, Cologne, en1.

2

1851, et avait t

condamn

h trois ans de prison.

PREMIRE PARTIE, CHAPITRE IVtion cependant.

3l

ses yeux s'adoucissent, et il trouve un soui'ire aimable qui rassure les timides. Kn voici encore un qu'il faut se garder d'oublier, car c'est le futur prsident du Congrs, Eugne Dupont. C'est un jeune homme d'une trentaine d'annes, qui ressemble tous les jeunes gens portant moustache, et qui est dlgu de la branche franaise de Londres. En ce moment, je ne remarque en lui qu'un innocent penchant aux calembours. D'autres dlgus anglais ont pi'is une autre i-oute. et n'arriveront au Congrs que plus tard.

Nous sommes fatigus, nous sou[)irons aprs un logement et un souper. On m'assigne pour gite l'htel du Raisin, o je me trouve en compagnie des Anglais, et de plusieurs Franais dont vous serez peut-tre bien aise de faire la connaissance ce sont le Dau[)hinois. le Marseillais et le Bordelais. Le Dauphinois est un tailleur srieux, Ailloud, dlgu de Vienne (Isre), la faconde toute franaise, parlant vite et haut, crne rpublicain. Le Marseillais s'appelle Vasseur, ferblantier et chansonnier, un petit homme n dans le dpartement du Nord et bruni par le soleil de Marseille il porte une immense crinire noire rejete en arrire et qui lui couvre les paules, et de toutes les vieilles croyances du pass il n'a conserv qu'un dogme, le plus inodensif et auquel il s'attache avec opinitret, c'est que la chanson n'est pas morte . Quant au Bordelais, dont j'aime le parler mridional vif et accentu, c'est le citoyen Yzinaud, cordonnier, qui a fait ses sept ans de service militaire et qui n'en est pas plus fier; c'est un ancien disciple du [)re CalK't, mais il est converti maintenant, avec toute la France, aux doctrines mutuellistes bon rpublicain gahmient, mais pas blancpiiste. Vzinaud et moi, qui avons besoin d(; repos, nous nous emparons d'une chambre deux lits, et bientt le somnu'il nous lait oublier notre impatience d'tre au lendemain.. .

:

;

;

Arriv l'un des premiers au Casino*, je me place au quatrime ou cinquime banc, et je commence examiner jnes collgues. Voici ma gauche le petit groupe des Parisiens, o se dislingue' l'inlarissablc Chemal. C'est un jeune liomme de trente ans. qui parle beaucou]), et qui, chose jtlus dillicile, pai'le bien ^ A cot de lui sont Murt, le mcanicien, qui m'est tout d'abord synqiathique Marlin, imprimeur sur tolfes Garbe, ferblantier PioU>y, mcanicien Ueyniond. lithographe. L aussi se trouve un vieux socialiste italien, le mari[uis Tanari, dlgu des socits ouvrires de Bologne et de Bazzano. Voici un grand jeune homme ([ui donne une vigoureuse embrassade un petit jeune homme le grand c'est Charles Longuet, l'ancien rdacteur de la Rive franche, qui est sorti rcemment de jjrison, et qui vient comme dlgu de la Section de (]aen l'autre, c'est Csar'; ; ; ;. .:

;

Le Coni,'rs se tenait dans la i,'rando salle du Casino de Lausanne. Chemal, connnis archilectc^ nilri'ur-Vi'riliealcur. avait aloi's viuirt-liuit ans c'tait le plus inlellii,'enl parmi les nuiluellisles parisiens, .\pivs le Cin,i;ivs, il vint avec un autre j'arision, Frilioui-f, rendre visite (^oullery (>t moi. la Chaux-deFonds cl au l.,ocle ils rentrrent en Franee |>ar Morteau, en faisant la contrebande d'crits politiques, et aussi, je crois, d'horlogerie, pour payer leurs frais de voyai;e. 3. Je l'avais rencontr au Congrs de Genve l'anne prcdente.1.'2.;

i'i

;

3a

l'inteknationalkPa(^|>(',

Dequi

un

liclp^o, lypofifi'a[)he

et tudiant

en mdecine, l'une des

inniII('ui-('S

t(''l'.s

du

0)ni^rondres, insiste au contraire pour (jue le Congrs nonnnc lui mme le Conseil gnral, parce que celte lection donnera au Conseil plus d'autorit. Le Congrs dcide de nommer lui-mme le Conseil gnral. Sont dsigns pour laire jtarlie de ce Conseil les anciens membres qui ont Besson, Bobcynski, assist le plus rgulirement ses sances, savoir Buckly, (Parler, Dell, Dupont, Eccarius, Fox, Ilarriet Law, Howell, Haies, Jung, I^ucrart, Lessner, Lassasie. Lalargue, Lawrence, Marx, Morgan, Maurice, Odger, Sliaw, Stainsby, Williams, Weston. Yarrow. Zabicki'. Le Congrs ajoute celte liste le citoyen Wallon, de Brecon, South Wales. Le Conseil gnral est autoris s'adjoindre d'autres membres, s'il le trouve ncessaire -. L'ordre du jour appelle la fixation du lieu o se runira le prochain Congrs. De Paepe propose Bruxelles. Longuet, de Caen, appuie cette propoBruxelles avait t dsign comme devant tre le lieu de runion sition on y avait renonc cause d'une loi sur l'expulsion (lu premier Congrs mais l'anne prochaine des trangers, qui venait d'tre pronmlgue. cette loi ne sera plus en vigueur... Eccarius, de Londres, se prononce aussi pour Bruxelles... 11 est donn lecture d'une proposition signe Bchner, Kugelmann, Hafner, Becker, Neubrand, qui demande que Zurich Becker motive cette proposoit choisi pour lieu de runion du Congrs sition en disant qu il est bon que le Congrs change une lois de langue cl Chemal,' de Paris, et Tolain, de Paris, se transporte en pays allemand. acceptent Bruxelles, dfaut de Paris, o des raisons majeures empcheraient le Congrs de se runir. Brkly, de Zurich, dclare qu'il n'a j)oint reu la mission de demander le Congrs pour cette ville; il croit au contraire que le Congrs sera mieux plac Bruxelles, au centre du mouve

On

:

;

;

.

.

;

:

.

.

ment

social.

L'assemble, l'unanimit moins deux voix, se prononce en faveur

de Bruxelles.

Je reviens maintenant

mon

feuilleton

:

Une intressante confrence fut donne, le mercredi soir je crois, par le docteur Bchner \ dans la grande salle du Casino, sur les deux systmes opposs de Schulze-Delitzsch et de Lassalle. Une foule compacte, compose surtout d'ouvriers allemands, se pressait sur les bancs pour entendre la parole de l'minent philosophe. Il montra les dfauts et les lacunes des deux coles qui se partagent en ce moment l'Allemagne II n'eut pas insister beaucoup sur les vices du systme de Schulze-Delitzsch, parce que, en dehors de la bourgeoisie, cet conomiste compte peu d'adhrents mais il montra, avec une critique;

1. Sur ces vingt-sept noms, il y en a deux, ceux de Buckly et de Miss Harriet Law, qui ne figurent pas sur la liste des soixante-trois membres lus au Congrs de Genve en 181)6. De ces soixante trois membres, trente-huit se sont trouvs limins. 2 Dans l'dition des Statuts gnraux qu'il publia f-ondres en 1867 aprs le Congrs de Lausanne, en anglais et en franais, cl dont je parlerai plus ioin (p. o7), le Conseil gnrai transforma cette rsolution, qui ne s'appliijuait, dans la pe^nse du Congrs, qu' l'lection de 1867, en une disposition statutaire, en l'incorporant Tous les ans, le Congres. l'article 3, sous cette forme dsignera le sige et les membres du Conseil gnral, en lui laissant le droit de s'adjoindre de notireuux: .. .

membres supplmentaires3.

.

En allemand, naturellement.

PKEMIFRE PARTIE. CIIAPITUE IV:

Sq

pntrante, les dangers de la thorie de Lassalle il fit voir, en particulier, que la cration par l'Etat d'tablissements industriels, demande par le clbre rvolutionnaire, aurait pour rsultat de diviser les travailleurs en deux classes facilement hostiles, les ouvriers employs par l'industrie prive et les ouvriers employs dans les ateliers de l'Etat avec cette organisation, d'ailleurs, le salariat n'est pas supprim. Malheureusement, aprs cet expos critique, le docteur Bchner n'mit pas de vues personnelles il se borna allirmer la ncessit d'une rforme sociale, sans indiquer la voie suivre. Lorsque Biichner eut fini, le tailleur Eccarius, qui tait plac prs de lui, demanda ajouter quelques mots. Ce qu'il dit alors est mon plus vivant et mon plus beau souvenii- du Congrs de Lausanne. Je vois encore Eccai-ius assis sur une table, une de ses longues jambes replie sous lui et l'autre pendante, les bras ballants, les yeux baisss et presque cachs sous ses cheveux. Il commena parler d'une voix monotone, sans grce il acquiesait d'abord ce qu'avait dit le docteur Bchner. Puis, reprenant l'exposition au point o celui-ci l avait laisse, il se mit dvelopper, sur les ruines des systmes critiqus par Bichner, la grande thorie historique de Karl Marx. Peu peu sa voix prit de l'expression, son regard, relev de terre, s'anima, sa parole revtit une hjquence familire et pittoresque d'un elTet incomparable. Nous tions sous le charme, et Eccarius. transfigur, tenant ces centaines d'hommes suspendus ses lvres, allait toujours, puisant de temps en temps, de ses grosses mains osseuses, une prise dans sa tabatire, ou se baissant sans faon [)our ramasser son clia[)eau qui tait tomb, sans interrompre un instant son discours. Cela dura prs de deux heures, et, quand il eut fini, rasseml)le, transporte, clata en bruyants applaudissements. Grand spectacle! dans cette joute oratoire-entre le savant illustre et le pauvre ouvrier, la palme tait reste au second et le docteur Bciner joignit ses flicitations celles de l'auditoire, en serrant dans ses mains aristocraticpies la main;;'

:

;

du

tailleur meurtrie

par

l'aiguille

-.

Notons encore quelques petites choses qui me reviennent hi mmoire. Choses insignifiantes, si l'on veut mais il faut bien (pie le public soit instruit de la manire dont les nergumnes de Lausanne ont pass leur temps. J'ai le souvenir d'un diiier fait l'htel du Raisin, en compagnie de la dlgation parisienne, dner o (piehpi'un lit de curieuses rvlations sui' la [)lii[)art des membres de hi gauche (hi Corps lgislatif Jules Eavre, Garnier-Pags. Pelletan, et surtout Jules Simon, le |)hi;'

:

il n'y eut gure d'pargn ([ue le petit pre Cilais-Uizoin. l'infatigable et incorruptible vtran.

lanthrope

;

Puis1.

le

souvenir d'une conversation particulire avec

les

deux

En jillemand.

2tiirtl,

M

Kccarius niji^

Ir

KcciUMU'^, (juc

docteur Bchner n'ont connu les liirnes qui prt^ctNdoiif revis au Conirrs do Hillo |1M)9|. et avfc (lui j ai toujours

.

Plus

iiilri'-

(1872).

personnels, se si'|iara dr Marx an (;(>n:,'rt'S de la Haye o il vota av(v; la niinorile a'itononiisle. Il assista ensuite eoiniiie dele:,'ii au Conf,'r('.s do (jcnve (187^), on fut roorgani>o rinteriiatutnale. ol celui do Itrnxollos

tonus

(i'oxcclli'uls rap[)()rls

(1874).3.(.;naienl

Epitholo par laquelle le Jow//((// ^/( TiV'/Mwv" et volontiers les dlgus do l'inlernalituiale.

la

^idzctlc

de Lmt^aiiur dosi

4o:

l'interna-Tionale

dlgus italiens Tanari, de Bologne, le marquis socialiste, et Gas ])ai'e Stampa, de Milan, un beau vieillai-d, doux comme un enfant. d(; Garibaldi', et de l'amener Il s'agissait d'aller la rencontre incognito au Congrs. Les deux Italiens se mirent en campagne mais le retai'd a[)p()rt a\i voyage du gnral fit chouer leur plan en elFet, Gai'ibaldi ne travei'sa Lausanne ([U(^ le dimanche 8 septembre. Le souvenir encore d'une matine passe sur Montbenon contempler le lac et causer politique, en compagide des trois docteurs, Kugelmann, Buchner et Coullery. C'tait une matine de vacances, l'unique, hlas Le bureau nous avait licencis [)our permettre quelques commissions de se runir et d'achever leur travail. Quelquefois, le soir, vers minuit, api's avoir achev de noircir mon papier % j'allais, la tte tout en feu, demander mes voisins les Anglais un peu de distraction. Ils me recevaient avec une coi'dialit Walton m'oil'rait un verre de vin, Lessner une chaise, sans faon et Eccarius interrompait sa cori'espondance du Times pour me dvelopper la thorie de Marx. Heureux moments Je remplirais un volume de ce que j'ai appris en huit jours avec ces vieux chamSions du droit et de la justice. Puis, quand dcidment l'heure evenait indue, j'allais rejoindre Vzinaud, que mon arrive rveillait. Nouvelle conversation. Et lorsque enfin, fatigu, je me mettais mon tour dans mon lit, survenait invariablement Coullery, qui s'asseyait sur une malle ct de nous et discourait de omni re scibili jusqu' deux heures du matin.:

;

!

:

!

Je comprends que Proudhon ait crit un trait en faveur de la clbration du dimanche. Aprs une semaine de consciencieuse besogne, avec quelle inexprimable volupt ne savoure-t-on pas les dlices d'un jour de trve Les dlgus du Congrs ouvrier devaient consacrer leur dimanche une promenade en bateau vapeur Chillon, et certes ils avaient huit heures du matin, un nombreux corbien gagn ce dlassement. tge, que prcdait une excellente nmsique, et dans lequel flottaient une trentaine de drapeaux, se rendit Ouchy. La journe tait splendide, la joie brillait sur tous les visages. Le bateau nous emporta rapidement sur les flots limpides du lac ceux de nos amis pour qui la vue de l'admirable paysage tait nouvelle ne pouvaient en dtacher leurs yeux et nous aussi, quoique familiers avec ces belles choses, nous les regardions avec un ravissement inpuisable les coteaux verdoyants de la rive vaudoise, les cimes hardies des Alpes du Valais, et surtout la ligne si harmonieuse des montagnes de Savoie. Au retour, tandis que nous contemplions de nouveau le paysage, un train de chemin de fer, venant de Villeneuve, passa sur la rive ce train conduisait Garibaldi Genve. Nous le savions, et une impatience fivreuse nous prit d'tre au lendemain, car c'tait le lundi 9 septembre que s'ouvrait le Congrs de la paix. Un banquet populaire runit le soir les dlgus et leurs amis au Casino. Deux ou trois mille personnes des deux sexes se pressaient!

A

;

;

:

.

.

.

:

i. Garibaldi la paix.

devait passer par Lausanne en se rendant Genve au Congrs deles

2.

Je rdigeais chaque soir

procs-verbaux des sances.

PREMIRE PARTIE, CHAPITRE Vdans

^1

la grande salle pour entendre les discours et les chansons. Bientt la foule devint telle que, la fte ne mintressant que mdiocrement, je me fis scrupule de continuer occuper une place table, et je me retirai loin du bruit au jardin, o je passai trs agrablement la moiti de la nuit avec De Paepe causer du socialisme belge et de Colins, de la philosophie positive et d'Auguste Comte.

Le premier Congrs de

la(9-1

Ligue de la paix et de septembre 186-J.-2

la libert,

Genve

Je donne ci-dessous des exirails de la suite du feuilleton du Diog-ne, qui se continuait par une relation du Congrs de la Ligue de la paix et dela libert,

Genve

:

Souvenirs du Congrs de la Paix

'.

La plupart de nos amis avaient dsert le banquet ds sept heures pour prendre le train de Genve. Pour nous qui avions voulu attendre au lendemain, nous partmes le lundi (9 septembre) six heures du matin par un bateau qui devait suivre la cte de Savoie. Nous tions une douzaine, entre autre Stampa, le Milanais De Paepe, de ([ui la conformit d'ge me rapprochait le plus Murt, de Paris Coullery, et deux dlgus anglais de la Ligue de la Rforme. Odger et Cremer, qui taient arrivs la veille Lausanne encore temps pour assister la clture du Congrs ouvrier ils font partie du Conseil gnral de;; ;

;

l'Association internationale des travailleurs, et ce titre ils avaient tenu, avant de se rendre Genve, venir nous saluer. la premire station % une douzaine de curs et de frres ignorantins montrent sur le bateau. Aux stations suivantes, il en vint d'autres, si bien qu'enfin ils se trouvrent au nond^re de plus de cinquante. Ils allaient voir Garibaldi comme nous Garil>al(li, le Messie du dix-neuvime sicle, disait-on notre banc; Garibaldi. la bte de l'Apocalypse, disait-on au bancdes ignorantins. La navigation ne fut pas trop longue. Nous vmes bientt les belles maisons de Genve, toutes pavoises, api)aratre l'extrmit du lac. On apercevait de trs loin un grand drapeau italien, rouge, vert et blanc, se balancer l'angle du palais Fazy % o tait descendu Garibaldi. Stampa, qui devait avoir ses entres particulires auprs du gnral, nous proposa de nous prsenter lui aussitt arrivs. Quand le bateau touclia le cjuai, nous nous dirigemes vers le Cercle international ', pour y dpose" nos bagages, et Stampa entra au [)ahns Fazy, en promettant de nous rejoindre bientt. Il ne se fit pas attendit'. Il y avait une denii-heure pie nous tions

A

:

1.

IHogne, numros duEviiin.

1"'

novembre au

27 drcmbr'

ISIiT.

2.

3. Au coin (If^ la rue du Mont-Ulanc: et du quai du Muut-I!lanc, aujonrd iiiii lo Grand-txUol do Itussic. 4. C'tait un niodciste local, dans la rue du ItliAne, ijul servait alors de lieu de runion aux miiiiihies do l'Internalionale.

42

l'internationale(!(M'cl(\

spicndidc rception (|ue GoiK've Slanipa rentra. Il tait suivi {|(! deux personnages (piil nous [)i's(;Mla. L'un, vtu d'un loni; [)ardessus is que nous appelions la coterie ; ses amis et lui taient de simples ambitieux, (jui dsiraient des places, et qui ont (ini par en obtenir. Ce sont eux (|ui avaient rdig2le

paniplilet

anonyme dont

il

est parl- |)lus haut, et i|ui

i-lail

intilulf l Ituliscivl.

6o

l' I.XTEK

NATION A LK

Vous ne pai'vicndi-ez ])as leur faire croire, ces patriotes, ces radicaux bon teint (car il y a des radicaux postiches), (|ue nous sommes leurs ennemis, que nous cherchons les dnigrer. Ils savent (jue cela n'est pas vrai, et que nous ne lormons (pi'uneseule famille.

Cependant il y a une nuance entre eux et nous. Des questions qui nous proccu[)ent vivement les laissent indill'rents. Ils trouvent (jue nous allons un peu vite, nous trouvons qu'ils commencent ralentiile pas. Nous sommts socialistes, ils ne sont que dmoci-ates. D'o vient cette nuance ? lion Dieu c'est qu'ilssontles vieux et que nous sommes les jeunes. Mais, tout vieux qu'ils soient, nous sommes fiers d'tre leurs fils. Si nous ne marchons plus du mme i)as, nos cu'urs du moins battent toujours l'unisson et envers ces dignes vtrans de la cause du progrs, notre langage sera toujours celui du respect, jamais celui de!

;

l'injure.

Et eux aussi, ils ne nous renient pas, et nous sommes srs qu'ils ne nous voudraient pas autrement. Comme nous sommes aujourd'hui, ardents, enthousiastes, tmraires quelquefois, ainsi taient-ils en i8'3i et en 1848. Et s'ils nous disent souvent Mais doucement doucement donc ils ajoutent tout bas en souriant Je reconnais mon sang chez ces enfants-l :

!

!

:

!

Oui, nous sommes la jeunesse radicale. Chose l'emarquable, et signe des temps le National a beau battre la grosse caisse, il ne fait pas de disciples parmi les jeunes gens. Nous tions une trentaine ensemble sur les bancs du collge les uns, parmi ces camarades d'tudes, sont devenus des clricaux, des ai'istocrates, les autres des socialistes mais aucun ne s'est rang sous le drapeau de la coterie. On peut dj augurer qu'il en sera de mme de la gnration qui a quinze ans aujourd'hui une moiti sera socialiste, l'autre moiti: :

;

:

sera clricale.

Mais le Xational restera isol, et ne russira jamais rallier dans jeunesse des reci-ues de quelque valeur, parce qu'il ne reprsente rien que l'ambition personnelle de quelques hommes sans principes.la

Le mouvement rvisionniste zuricois

'.

Le National suisse a une singulire fai^on d'apprcier la politique en dehors de notre canton. Il a parl samedi du mouvement rvisionniste zuricois comme d'un mouvemeut radical. Ne jouons pas sur les mots. Le parti rvisionniste zuricois, qui ne s'attendait gure recevoir les loges du National, est une manifestation du mme esprit de rforme, de rnovation, de rajeunissement, qui s'est introduit dans le canton de Genve par la cration du journal la Libert \ et chez nous par les efforts de la dmocratie sociale.Diogne du 20 dcembre 1807. La Libert avait t fonde au commencement de novembre 1867 par Adolphe Catalan, jeune polilicion genevois qui, pendant deux ans, marcha dans les rangs des1.

2.

socialistes.

.

PKEMl'KUK PAUTIE, CHAPITRE VI

6l

La grande assemble populaire de Zurich, qui a inaugur le mouvement il y a quelques semaines, avait, comme le Bund en convient, un caractre socialiste trs prononc. Nous avons l'honneur de connatre personnellement plusieurs membres du Comit cantonal zuricois, et nous savons que nos opinions sont aussi les leurs. Il suffira, pour faire apprcier la signiQcation de ce qui se passe en ce moment dans le canton de Zurich, de constater que l'initiateur principal du mouvement, aprs le docteur Locher, est le capitaine Karl Biirkly. dlgu au Congrs de Lausanne, phalanstrien mrite et abonn au Diogne.'

Mais, au moment mme o j'alrmais nergiquement que les socialistes ne pactiseraient jamais avec les conservateurs, GouUery ce Coullery qui avait t l'aptre de l'Internationale dans la Suisse franaise, et en qui j'avais une si grande confiance projetait, au contraire, de conclure une alliance lectorale avec les anciens royalistes neuchtelois il esprait que la coalition ainsi forme, runissant en une mme arme les ouvriers organiss sous sa direction en parti de la dmocratie sociale, et les anciens royalistes affubls du nom de parti libral, serait assez lorte pour renverser, aux lections cantonales de mai 1868, les gouvernants radicaux, et pour le porter au pouvoir avec ses allis conservateurs '. A la fin de mars 1868, il supprima le Diogne, dont il tait devenu propritaire, et cra, pour les besoins de la lutte lectorale, un journal nouveau, la Montagne, organe de la dmocratie sociale . Ds le troisime numro de la Montagne, il avouait, bien qu'avec certaines rticences, l'alliance projete, en disant que l'opposition devait accepter dans ses rangs tous les adversaires du parti radical, auelle que tut leur couleur politique. Un peu plus tard, quand le moment cisif fut arriv, parut la liste des candidats de la dmocratie sociale de la Ghaux-de-Fonds la moiti de ces candidats taient des conservateurs, des verts , Une violente protestation s'leva aussitt contre Coullery les socialistes du Locle se sparrent de lui avec clat. A la Chaux-de-Foiids, la majorit des ouvriers le suivit; mais une partie d'entre eux se rvoltrent, et se refusrent voter la liste de la coalition aristo-socialiste . L'lection (dimanche 3 mai) fut une dfaite pour les coullerystes , et le chef du parti, qui avait rv d'arriver au gouvernement au moyen de l'alliance de l'Internationale avec les bourgeois conservateurs, vit son plan djou et son ambition due. 11 fut lu nanmoins membre du (irand Conseil neuchAtelois, ainsi qu'un autre pseudo-socialiste de la Chaux-de-Fonds, M. Elzingre mais tous deux se gardrent bien de jamais souiller un mot de l'internationale dans cette assemble. Bien que nous nous fussions spars de Coullery, au Locle, sur la question lectorale, nous nous refusions faire chorus avec la presse radicale qui qualifiait sa conduite de trahison nous ne voulions voir en lui qu'un homme abus, qui avait commis une erreur de tactitjue, qui s'tait laiss prendre aux sophismes des libraux , mais qui n'avait

;

:

:

:

:

1

.Tournai radical de Berne.

sait que jusqu'en 1848 le canton de NeucluUel avait t une principaut, souverainet du roi de Prusse. En ce teuips-l, j'eus avec un ami de Coullery une conversation caractristique. Voulant exprimer que tout lui paraissait prfrable au maintien du parti radical2.

On

sous

la

'.i.

en dsi^'uant les radicaux par le nom du plus dlest des chefs conservateurs j)ar celui d'un royaliste intransigeant qui ses opinions aristocratiques avaient, fait donner le surnom de \y,\V(\y-('riiV(irfic Plut(^t Lardy que Touchon La personne de Touclion m'tiiit aussi peu synipMtlii(iue ([ue possible: l'avocat Lardy, au contraire, avait cbe/. ses adversaires poiitiiiues la rputation d'un galant homme, et son (ils aujourd'hui reprsentant de la Suisse Paris avait t l'un de mes camarades dans la socit d'tudiants (ju'on appelle Zo/inger-Verein et pourtant je rpondis Plutt Touchon que Lardy

au pouvoir, il de la coterie

me

dit,

et

les

:

1

;

:

!

62

l'internationale

point dsert la cause socialiste. Ce ne fut qu'un an plus tard, dans l't de 1869, qu'il ne nous fut plus possible de nous l'aire des illusions nous dmes reconnatre que CouUery avait dcidment pass l'ennemi et en 1877, un document que reproduisit le Bulletin de la Fdration Jurassienne (n" 19, p. 4 i3 '"^i ^77)> 6t qu'on trouvera en son lieu, nous donna la preuve crite que ds 1868 il tait l'agent et le complice du parti conservateur. La Libert, qui servait alors d'organe officieux l'Internationale de Genve, apprcia de la laon suivante (numro du 9 mai 1868) la conduite des couUerystes Les lections au Grand-Conseil qui ont eu lieu dimanche dans le canton de Neuclullel seront, nous l'esprons, une leon suffisante pour le: ;

:

de la dmocratie sociale de la Chaux-de-Fonds. Alli de fait aux conservateurs royalistes, ce parti n'a russi qu' faire arriver au pouvoir lgislatif les adversaires dclars de toute ide de rforme et de progrs ' ; aveugl par sa haine de la coterie radicale, il a tout sacrifi au succs, et le succs lui a manqu. Au Locle, les membres de l'Internationale avaient constitu pour les lections un comit dont les cartes de convocation portaient l'en-tte Rpublique dmocratique et sociale. Le vtran du parti radical au Locle et son chef le plus autoris, Henri Grandjean, vint aux sances de ce comit, et lui fit l'ofi're, au nom de son parti, de placer un socialiste sur la liste radicale. Nous acceptmes la proposition avec la conscience parfaitement tranquille n'avions-nous pas toujours dit que nous souhaitions de tout notre cur de voir les radicaux consentir venir au socialisme ? Nous dsignmes comme notre candidat le citoyen Augustin Monnier. Toute la liste radicale passa, saut le candidat socialiste, rest sur le carreau avec les voix des seuls internationaux, les lecteurs radicaux ayant, sur leur bulletin dvote, bilT son nom, et beaucoup l'ayant remplac par celui d'un conservateur, qui fut lu. Les socialistes loclois, ainsi jous, jurrent qu'ils ne seraient pas dupes une seconde fois, et ils rsolurent de s'abstenir dsormais de toute participation aux lections politiques.parti

:

:

VIILa grve du btiment Genveprocsetet

(mars-avril 186H).

V Internationale

Paris;

condamnation des deux premires Commissions parisiennes (mars

mai 1868).

C'est au printemps de 1868 qu'eut lieu Genve (mars) la fameuse grve des ouvriers en btiment, qui eut un si grand retentissement. Cette grve fut l'occasion d'un bel lan de solidarit les Sections genevoises de la fabrique firent cause commune avec les corporations du btiment, et puisrent gnreusement dans leurs caisses de rsistance pour aider les grvistes dans les autres localits de la Suisse franaise, on ouvrit des: '

;

1. C'est--dire qu' faire lire la Chaux-de P'onds quelques conservateurs. Mais le parti radical avait gard la majorit au Grand-Conseil. 2 On appelle (lenve ouvriers de la fabrique ceux qui sont occups la fabrication de l'horlogerie, de la bijouterie et des pices musique non pas qu'ils travaillent dans une fabrique, mais parce que, dans le langage genevois, l'ensemble de l'industrie horlogre (qui est l'industrie n nationale ). patrons et ouvriers, s'appelle en un seul mot la fabrique. Ces ouvriers sont |)resque tous citoyens genevois; ils ont plus d'inleurs salaires sont plus levs que ceux des ouvriers du btiment struction que ceux-ci ; ils exercent des droits politiques, tandis que les ouvriers du btiment sont en majorit des trangers, et ils sont en consquence traits avec beaucoup de mnagements par les chefs de parti bourgeois.:

;

PREMIRE PARTIR. CHAPITREsouscriptions, et des;

VII

63

sommes plus ou moins importantes turent verses '. dlgu genevois, Graglia, ouvrier graveur, fut envoy Paris et Londres les ouvriers de Paris, rpondant l'appel chaleureux de la Commission parisienne (appel sign par Varlin, publi le 5 avril), participrent largement aux frais de la grve par contre, Graglia parle avec amertume, dans ses lettres -, de l'attitude goste des Trades Unions anglaises, vritables forteresses , desquelles il ne put obtenir aucun secours. C'est l'occasion de cette grve que l'on vit paratre pour la premire fois, dans la presse adverse, les contes ridicules sur les menes occultes de l'Internationale et sur les trsors fantastiques dont elle disposait il n'tait question, dans les colonnes de certains journaux, que de meneurs trangers , d' ordres venus de Paris et de Londres , de sommes normes mises par l'Internationale la disposition des

Un

;

:

grvistes

, etc.

la formidable unanimit des ouvriers de Genve, les patrons comprirent qu'il fallait cder; ils consentirent trailer avec leurs ouvriers, et ceux ci obtinrent presque toutes les demandes qu'ils avaient prsentes (premiers jours d'avril). Mais, en signant le nouveau tarit, les patrons songeaient dj au moyen de l'luder, et leur mauvaise foi devait bientt rendre une nouvelle grve invitable. L'homme qui avait t le principal meneur de la grve, et qui, tant par son nergie que par ses qualits pratiques et par sa parole d'une loquence mle et brusque, joua durant un temps, Genve, le premier rle dans le mouvement socialiste, tait un serrurier savoyard, Franois Brosset. Aprs avoir t la tte des ouvriers du btiment dans leur lutte contre les patrons, il fut encore leur dfenseur lorsqu'il fallut rsister aux prtentions de certains membres des comits des Sections de la fabrique qui voulaient diriger l'Internationale genevoise, et qui, aprs deux ans de luttes et d'intrigues, russirent, comme on le verra dans la suite de ce rcit, par arriver leurs fins. .Te place ici un portrait de rosset qu'a tr.ac Bakounine, dans un manuscrit rest indit, rdig en juillet 1871, que j'ai en ma possession:

Devant

Nous n'avons pas besoin deunerelle bienveillance et

dire quel

homme

est Brosset. Alliant

une grande simplicit de manires un

caractre nergique, ardent et fier, intelligent, plein de talent et d'esprit, et devinant souvent, par l'esprit, les clioses qu'il n'a pas eu le loisir ni les moyens de reconnatre et de s'api)i'oprier par l'tude, ])assionnmerit dvou la cause du proltariat, et jaloux l'excs des droits populaires, ennemi acharn de toutes les prtentions et tendances autoritaires, c'est un vrai tribun du peuple. Extirmemeut estim et aim de tous les ouvriers du btiment, il devint en (piclque sorte leur chef naturel, et lui seul ou presque seul, tant dans les comits (pic dans les assembles gnrales, il tint tte la fabrique. Pendant plusieurs mois, et notamment depuis la lin de la graiule grve de 18G8, en avril, juscpi' sou lection comme }rsident du (Comit fdral romand, en janvier iHtu), il resta sur la brche. Cefut la pi'iode

hroque de son activit dans l'Internationale. Dans

le

1. Ainsi, un ,'roupe de vingt nicml)ros de l;i Section du Loclc souscrivit d'ontliousiasme, le 2i mars, une somme de 1;)U0 fr.. pour la ralisation de laquelle chacun des souscripteurs (ouvriers, employs, horlogers tablis ii leur compte, professeurs, etc.) avait promis de s'imposer p(>ndant six mois une retenue sur ses salaires, ses appointements ou son gain, retenue variant de cinci trente francs par mois. Le chef d'un al.elii^r do graveurs, M. Kdouard Kavre-Dnitois, avana, sur le montant de celle souscription, une somme de GUO fr.. qui fui envoye (ienve le jour mme. 2. Elles Qgurcntau procs de la sccondeCommission parisienne de l'iDternationalc.

64

l'internationalegfenevois, il l'ut rellement seul combattre, et fort la [juissante coterie genevoise, soutenue par tous

Comit cantonal souvent, malgrles

lments ractionnaires des comits, il rem[)orta la victoire. On peut s'imaginer s'il fut dtest de ceux qu'il tenait ainsi en chec '.

La Section parisienne de l'Internationale, qui portait le nom de bureau de Paris, et qui avait son sige 44. rue des Gravilliers, tait administre depuis c865 par une Commission de vingt membres, compose de Tolain, Limousin, margeur; Dcbock, ciseleur; Fribourg, graveur- dcorateur typographe; Bourdon^ graveur; Hligon, ouvrier en papiers peints; Gullin, corroyeur; Perrachon, Camlinal et Guyard, monteurs en bronze; Fournaise, opticien; Murt, mcanicien; Varlin, relieur; Bellamy, robinetier; Delorme, cordonnier; Moilin, doreur; Laplanche, carrossier; Ghemal, commis-architecte; Gauthier, bijoutier; Malon, journalier. Af)rs le Congrs de Lausanne, en 1867, le bureau de Paris renouvela sa Commission, qui fut cette fois compose de quinze membres Chemal, Tolain, Hligon, Camlinat, Murt, Perrachon, Fournaise, Gauthier, Bellamy, Guyard, Delorme, anciens membres rlus Dauthier, sellier Grardin, peintre en btiments; Bastien, corsetier; Delahaye, mcanicien. Jusqu'alors, l'Internationale, Paris, avait bnfici de la tolrance administrative mais, en dcembre 1867, le gouvernement imprial rsolut de mettre fin l'existence de l'association il venait de s'apercevoir qu'elle pouvait devenir dangereuse des perquisitions furent en consquence opres au sige de l'Internationale, et aux domiciles de Chemal, Tolain, Hligon et Murt, et des poursuites diriges contre les quinze membres de la Commission. Sans attendre la fln de l'instruction ouverte contre eux, les membres de la Commission dmissionnrent (ig fvrier 186*5), en invitant les adhrents de l'Internationale parisienne lire une commission nouvelle, qui fut comBourdon, graveur Varlin, pose (8 mars) des neuf membres suivants Malon, teinturier Combault, bijoutier Moilin, doreur Landrin, relieur ciseleur; Humbert, tailleur sur cristaux; Granjon, brossier; Charbonneau, menuisier. Les quinze membres de la premire Commission, dfrs au tribunal correctionnel, furent condamns le 20 mars cent francs d'amende chacun, et le bureau de Paris fut dclar dissous cette condamnation fut confirme en appel le 22 avril et en cassation le 12 novembre. Les membres de la seconde Commission, poursuivis leur tour, furent condamns le 22 mai trois mois de prison et cent francs d'amende, et le bureau de Paris tut de nouveau dclar dissous cette condamnation fut confirme en appel le 24 juin. L'Association internationale des travailleurs cessa donc d'avoir Paris une existence lgale mais ses adhrents purent rester individuellement membres de l'Association, en qualit d'affilis une socit trangre ayant son sige Londres. Un incident du procs de la premire Commission mrite d'tre mentionn, parce qu'il permet de constater que le clbre manifeste (Address) rdig par Marx en 1864, et traduit en franais par Charles Longuet, tait rest peu prs inconnu en France, et qu'il tait considr comme n'exprimant qu'une opinion, et non point comme une profession de foi officielle engageant l'Internationale tout entire. On lit dans le compte-rendu de;:

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;

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:

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:

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l'audience du 6 mars 1868 Le prsident, Tolain. On a saisi chez vous un manifeste portant la imprim Bruxelles, manifeste dont le programme est de date de 1866 la politique, mme de la politique transcendante. a Tolain. Cette pice est ma proprit personnelle; je crois tre le seul en France qui la possde. Elle a t publie par des ouvriers anglais, car il faut que le tribunal sache que chaque groupe, dans chaque pays, a le:

-',

Extrait de la p. 77 du manuscrit indit intitul; Protestation de l'Alliance. 1866 est la date de la brochure publie Bruxelles par la rdaction de la Rive Gauche, contenant la traduction franaise du manifeste de 1864. J'ai dj parl de1.

2.

cette brochure p. 9.

.

VIII

PREMIERE PARTIE, CHAPITRE

65

droit d'mettre telle ou telle opinion, sans en rendre solidaires les groupes des autres nations. 11 n'y a donc rien d'extraordinaire ce qu'une branche anglaise ou allemande, pays (sic) o rgne plus de libert qu'en France, traite des sujets politiques que nous n'oserions aborder. Je dclare que nous nous sommes toujours abstenus de politique. Dans l'audience du 22 avril, l'avocat imprial Lepelletier constate que le manifeste a t imprim Bruxelles, et que Ghemal et ses co-prvenus affirment qu'il n'a pas t lu aux runions .

VIIILe troisime Congrs gnral del'Internationale, Bruxelles

(6-i3 septembre 186H/.

Le troisime Congrs gnral de l'Internationale eut lieu Bruxelles du dimanche 6 au dimanche i'3 septembre 1868. La Suisse franaise fut repr sente par sept dlgus. Six venaient de Genve, savoir Mermilliod, monteur de botes; Ch. Perron, peintre sur mail; Quinet, tailleur de:

pierres

;

Graglia, graveur, tous quatre dlgus des Sections genevoises;

'

;

Adolphe Catalan, dlgu de l'Association du Sou pour l'afTranchissement de l'individu et de la pense, section de Genve J.-Ph. Becker, qualifi de dlgu du Conseil central du groupe des Sections allemandes . Le septime tait mon ancien camarade d'tudes Fritz Robert, professeur de mathmatiques l'Ecole industrielle de la Chaux-de-Fonds il reprsentait plusieurs Sections jurassiennes celles de la Chaux-de-Fonds, du Locle, du district de Courtelary ', de Moutier, de Bienne. Robert avait t choisi comme dlgu au dfaut de Coullery, qui boudait et avait;:

refus la dlgation

'

Ces Sections sont nuinres dans le rapport fait par Graglia au Conj,'rs 3 du Compte-rendu officiel} a Nous n'avions que trois Sections Genve avant la grve maintenant nous en avons vingt-quatre, renfermant quatre mille membres Sections : Section centrale. Section de Carouge. Section allemande. Corps de mtiers Monteurs de botes de montres. Bijoutiers. Ebnistes. Menuisiers. Maons. Carrossiers-forgerons. Gypsiers-vernisseurs. Charpentiers fianais. Charpentiers allemands. Graveurs. Gainiers. Corroyeurs et tanneurs. Faiseurs de ressorts. Couvreurs. Terrassiers. Ferblantiers. Fabricants do pices musique. Typographes. Serruriers-mcaniciens. Tailleurs de pierres. 2. On avait admis au Congrs de Hruxelles, comme aux deu.x prcdents, les reprsentants de diverses associations qui ne faisaient pas partie intgrante de\.(p.:

;

:

:

l'Internationale.3. Ce Conseil central avait son sige Genve, et son organe tait le Vorbote. rdig par Becker. Dans la liste des dlgus au Congrs, Becker a indique sa profession en ces termes: c Faiseur de balais, e.\-colonel de arme rvolutionnaire allemande. 4. La Section de Saintlmier et celle de Sonvillier s'taient fusionnes pour former une Section unique le l" septembre 1808, sous le nom de Section du district do Cour1

telary.). Coullery crivit nanmoins une lettre au Congrs, au nom de la Section de la le prsident donna lecture dans la deuxime sance et qui a t insre in-extcnso au Cnmple-rvndu officiel du Congrs (p. 51). Il y annonait l'envoi, par la Section de la Chaux-de-Fonds, de quehiues montres de sa fabrique cooprative , et ajoutait Tuutt;s nos tentatives resteront infructueuses, si les classes ouvrires, si les associations, si l'Internationale ne veulent pas s'emparer du commerce de consommation... Fnlevons le commerce au capital, et alors nous aurons des dbouchs. Le capital ar pourra plus spculer sur le travail. La Banijuo [ouvrire internationale] doit lri; une maison centrale dtM-ominandes et il'echauge. Mais, avant tout, organisons, dans les grands centres, les magasins sous la prolerlion et la responsabilit des socits ouvrires, dt^ l'Internationale. Vivent la libert et la justice " Par une seconde lettre, cornmuni(|uee le 12 septeubre, c Coullery adressait au Congrs ses sentiments de fraterniti'. et demandait faire partie de la ilputation que le Congrs enverrait au Congres de la paix et de la libert, Berne (p. 41*

Chaux-de-Fonds, lettre dont

;

!

.1

6(')

L INTERNATIONALE

L'acte principal du Congrs de Bruxelles lui son vote dans la question Ad \Si proj^rit foncire. Cette question avait lait l'anne prcdente, au Congrs de Lausanne, l'objet d'un change de vues et De Pacpe s'tait trouv peu prs seul dlcndre l'opinion collectiviste . Cette fois le sujet l'ut srieusement tudi une commission de neuf membres prsenta au Congrs un projet de rsolution disant en substance Les mines, houillres, carrires, etc., ainsi que les chemins de fer, doivent appartenir la en tre de mme du sol arable, des canaux, il doit collectivit sociale routes, lignes tlgraphiques, et autres voies de communication, et des forts. Sur une cinquantaine de dlgus, trente se prononcrent en huit Anglais, quatre Franais, quatre faveur de la rsolution, savoir Allemands, un Italien et treize Belges cinq votrent contre un Franais et quatre Belges; les autres, une quinzaine, s'abstinrent'. 11 fut convenu que la question serait de nouveau mise l'lude, pour tre replace l'ordre du jour d'un autre Congrs. On a souvent dit qu'au Congrs de Bruxelles il n'avait t question que de la proprit collective du sol, et que ce qui concerne l'outillage de la production, machines, etc., avait t laiss en dehors du dbat. C'est une erreur. La question des machines avait fait l'objet d'un dbat spcial, et les dlgus avaient t unanimes dclarer que les machines, ainsi que tout l'outillage social, devaient appartenir non aux capitalistes, mais aux travailleurs. Le rapport de la Section bruxelloise s'exprimait ainsi Le jour o les machines cesseront d'tre le monopole exclusif du capital et passeront, avec tous les autres instruments de travail, aux mains des ouvriers constitus en associations agricoles et industrielles, ce jour-l le travailleur sera affranchi, la paix conclue, et la justice rgnera. Le mutuela Dans une nouvelle organisation, le crdit mutuel liste Tolain avait dit tabli, le salariat tendra disparatre et donnera (sic) l'outil l'ouvrier . Le Congrs vota, sur ce point, la rsolution suivante;; :

;

:

;

:

:

:

:

sants

Considrant que, d'un ct, la machine a t l'un des plus puismoyens de despotisme et d'extorsion dans les mains du capiet que,

taliste,

d'autre part,

les

dveloppements

qu'elle

acquiert;

doivent crer les conditions ncessaires pour la substitution d'un systme de production vraiment social au systme du salariat Considrant que la machine ne rendra de vritables services aux travailleurs que lorsqu'une organisation plus quitable l'aura mise en leur possession;

Le Congrs dclare I" Que ce n'est que par les associations coopratives et par une que le producteur peut arriver la organisation du crdit mutuel possession des machines 2'^ Que nanmoins, dans l'tat actuel, il y a lieu pour les travailleurs constitus en socits de rsistance d'intervenir dans l'introduction des machines dans les ateliers pour que cette introduction n'ait lieu qu'avec certaines garanties ou compensations pour l'ouvrier.:

^

;

1. L'abstention des dlgus suisses tait due ce que leur mandat ne contenait mais la plupart d'entre eux taient revenus du pas d'instructions sur la question Congrs convertis l'ide collectiviste. Kritz Robert crivit, pour faire connatre le dbat sur la proprit collective, un compte-rendu du Congrs de Bruxelles, dont le commencement fut publi dans quatre numros successifs de la Voix de L' Avenir (4-23 octobre 1868) la suite de ce compte-rendu parut, sept mois plus tard, dans Ygalii (numros du 10 avril au 12 juin 1869). 2. On voit que, unanimement collectiviste sur la question du but atteindre, le Congrs, dans sa majorit, restait mutuellisle en ce qui concerne l'indication des moyens employer.;:

PREMIRE PARTIE, CHAPITREautre acte, fort important, du Congrs qu'il prit l'gard de la Ligue de la paix et

VII

6^

Un

dont

le

de Bruxelles, fut l'attitude de la libert. Cette Ligue, second Congrs devait se runir Berne le 21 septembre 1868, avait

invit l'Internationale s'y faire reprsenter officiellement'. Cette fois, la trs grande majorit des dlgus estima qu'il n'y avait pas lieu d'accepter une invitation de ce genre; elle rsolut de dclarer qu' ses yeux la Ligue n'avait pas draison d'tre, attendu que l'Internationale suffisait; et que les membres de l'Internationale qui se rendraient au Congrs de Berne n'y

reprsenteraient qu'eux-mmes et ne pourraient y parler au nom de l'Association des travailleurs. En consquence, le Congrs adopta la rsolution suivante, contre laquelle trois voix seulement se prononcrent ':

Le Congrs dcidei"

:

dlgus de 1" Association internationale qui se rendront Berne porteront l'assemble, au nom de l'Internationale, les diffrentes rsolutions prises aux Congrs de Genve, de Lausanne et de Bruxelles mais que toutes discussions, toutes rsolutions qui y seront prises n'engageront que leur responsabilit personnelle 2" Que les dlgus de l'Internationale croient que la Ligue de la paix n'a pas de raison d'tre, en prsence de l'uvre de l'Internationale, et invitent celte socit se joindre elle', et ses membres se faire recevoir dans lune ou l'autre Section de l'Internationale.les;

Que

;

Un

fait

peu connu,

c'est

que

les

membres de

la

seconde Commission

parisienne de l'Internationale, ce moment dtenus Sainte-Plagie la suile de leur condamnation trois mois de prison, crurent devoir protester contre ce vote du Congrs de Bruxelles, et envoyrent aux membres du Congrs de Berne l'Adresse suivante:

Aux membres du CongrsGitoyeiis,

de Berne.

la rsolution prise par le Congrs de Bruxelles, relativement la Ligue de la paix et de la libert, les soussigns, membres de l'Association internationale, pensent i Qu'au point de vue des principes qui font la base de l'Asso:

En prsence de

ciation internationale, les dlgus, envoys au Congrs pour dlibrer sur un ordre du jour dtermin, n'avaient pas mandat de prendre une rsolution de cette importance sans consulter leurs groupes 2 Qu'au point de vue de la libert dont nous poursuivons la conqute, le droit de se croire la seule expression des aspirations d'une poque ne peut appartenir aucune association isole;

;

1. On trouvera plus loin (p. 72) la lettre adresse au prsident du Congrs de Bruxelles par le prsident du Bureau de la Ligue. les deux autres taient Perron et 2. L'un (les trois opposiints tait De Paep;! Catalan. Mais d'autres dlgus enoore, absents au moment du vote, taient loin de penser que l'existence de la Li,,'ue de, la paix ft Inutile entre autres (Charles Longuet, qui, l'anne suivanti', en 18l)i>, continuait faire partie de la Ligue et se rendit au Congrs tenu par elle a Lausanne celte anne-l. 3. Le Compte-rendu ofjicieL du Congrs de Bruxelles fait observer, dans une noie, que des journaux avaient imprim, la place des mots se joimlre elle , les mots se dissoudre , et, dans la premire ligne de ce mme alina, le mot dclalu rent la place du mot croient . et il ajoute " C'est par erreur que l'on a en sance puhlicjue un manuscrit sur lequel on avait oubli de modilier ces deux expressions, qui dpassaient la pense de la commission .;

:

(1

))

:

.

68

I- 1

^ l'ii K N A

r1 (J

NAI E.

reconiialrc lutiliti' de la Ligue de la paix col de l'Association internationale des travailleurs, et croyons que la diversit des lments respectil's qui les composent s'oppose leur fusion. Nous regrettons donc l'invitation de se dissoudre adresse la Ligue par les membres du Congrs de Bruxelles celte dtermination ne peut (mgager que ses auteurs. Nous proliions de cette occasion pour vous envoyer l'expression et l'assurance de nos sympathies. Prison de Sainte-Plagie, 17 septembre 1868.et (le la libert ;

Kn conscjucucc Nous nous {)luisoiis:

A. CoMBAULT, G. MoLLiN, L. Graxjon, B. Malon, E, Cluseret ', E. VarlixN, Humbert, E. Lammun ^Si rinlernalionale avait relus de prendre au srieux la propagande pacifiste entreprise par la Ligue de la paix et de la libert, c'est qu'elle avait, sur le chapitre de la guerre, une tactique proposer qui lui paraissait la seule efficace. Elle avait plac l'ordre du jour de son Congrs la discussion de celte question De VaUilude des travailleurs dans le cas d'un:

conflit entre les

grandes puissances europennes. Aprs un dbat auquel:

prirent part Catalan, De Paepe, Hins, Lucralt, Tolain, J.-Ph. Becker, le Congrs adopta, sur le rapport de Longuet, une rsolution qui disait

les

Considrant que la justice doit tre la rgle des rapports entre groupes naturels, peuples, nations, aussi bien qu'entre les citoyens que la cause primordiale de la guerz^e est le manque d'qui;

libre

conomiquesi la

;

.

.

.

guerre a pour cause principale et permanente le manque d'quilibre conomique, et ne peut tre par consquent anantie que par la rlorme sociale, elle n'en a pas moins pour cause auxiliaire l'arbitraire qui rsulte de la centralisation et du despotisme Que les peuples peuvent donc ds maintenant diminuer le nombre des guerres en s'opposant ceux qui les font ou qui les dclarent Que ce droit appartient surtout aux classes ouvrires, soumises presque exclusivement au service militaire, et qu'elles seules peuvent lui donner une sanction Qu'elles ont pour cela un moyen pratique lgal et immdiatement

Que

;

;

;

ralisable

;

Qu'en effet le corps social ne saurait vivre si la production est arrte pendant un certain temps qu'il sutit donc aux producteurs de cesser de produire pour rendre impossibles les entreprises des gouvernements personnels et despotiques Le Congrs de l'Association internationale des travailleurs, runi Bruxelles, dclare protester avec la plus grande nergie;

;

contre la guerre.11 invite toutes les Sections de l'Association, chacune dans leurs pays respectifs, ainsi que toutes les socits ouvrires et tous les groupes d'ouvriers quels qu'ils soient, agir avec la j)lus grande

1. Le gnral Cluseret tait membre de l'Internationale, mais ne faisait pas la Commission parisienne il tait dtenu Sainte-Plagie la suite d'une condamnation pour un dlit de presse. 2. Deux des membres de la Commission parisienne, Bourdon et Charbonneau, n'ont pas sign cette Adresse, pour des motifs que j'ignore.

partie de

;

PREMIRK PARTIK. CHAPITRE

VIII

Oq

activit pour eraj)cher une guerre de peuple peuple, qui aujourd'hui ne pourrait tre considre que comme une guerre civile, parce que. laite entre producteurs, elle ne serait qu'une lutte entre frres et citoyens. Le Congrs recommande surtout aux travailleurs de cesser tout travail dans le cas o une guerre viendrait clater dans leurs pays

respectifs.

Le Congrs compte assez sur l'esprit de solidarit qui anime les travailleurs de tous les pays pour esprer que leur appui ne fera pas dfaut cette guerre des peuples contre la guerre.les suivantes,1

Les autres questions qui furent discutes au Congrs de Bruxelles sont au nombre de six:

entre les socits de rsistance et de la cration de conseils d'arbitrage chargs de statuer sur l'opportunit et la lgitimit des grves ventuelles. Les dbats montrrent clairement que le Congrs n'entendait en aucune faon Varbitrage dans le sens que les partisans de la paix sociale ont donn aujourd'hui ce mot. Le Congrs repoussa nergiquement l'ide d'une organisation de l'arbitrage qui aboutirait soumettre les diffrends un tribunal ^^ constitu moiti de personnes appartenant la bourgeoisie ou classe exploitante, moiti d'ouvriers ou exploits ; une semblable organisation ne serait qu'une duperie, et assu un conseil d'arbitrage constitu rerait aux patrons tous les avantages de la sorte srail le pendant de ce que l'on nomme les Conseils de prudhommes, et l'on sait comment s'y rendent les jugements . Le Conseil d'arbitrage dont l'Internationale reconnaissait l'utilit devait tre compos exclusivement de reprsentants des socits de rsistance, et sa mission devait consister examiner si, dans tel cas donn, au point de vue de l'intrt ouvrier, il y avait ncessit et opportunit dclarer la grve. La rsolution vote ditla fdration

Des grves, de

:

:

Le Congrs dclare que la grve n'est pas un moyen d'affranchir compltement le travailleur, mais qu'elle est souvent une ncessit dans la situation actuelle de lutte entre le travail et le capital Qu'il y a lieu de soumettre la grve certaines rgles, des conditions d'organisation, d'op[)ortunit et de lgitimit; Qu'au point de vue de l'organisation de la grve, il y a lieu, dans les professions qui n'ont pas encore de socits de rsistance ..., de crer de ces institutions, puis de solidariser entre elles les socits de rsistance de toutes les professions et de tous les pays... qu'en un mot il faut continuer dans ce sens Tceuvi-e entreprise par l'Internationale et s'edbi'cer de faire entrer le proltariat en masse dans cette Association Qu'au point de vue de l'opportunit et de la lgitimit, il y a lieu de nommer dans la fdration des groupes de rsistance de chaque localit une commission forme de dlgus de ces divers groupes, qui constituerait un (^onseil d'arhiti-age, pour juger de l'opporUinit et de la lgitimit des gi-ves ventuelles du reste, cpiil est ncessaire de laisser, pour le mode de formation de ce Conseil darhitrage. une certaine latitude aux dillerenles Sections, suivant les lUd'urs, les;: : ;

habitudes

et les lgislations particulires.

2" De riiisl/'urtio/i intgrale. Le Congrs entendit ports, et vola ensuite une rsolution qui disait:

plusieurs rap-

Reconnaissant

qu'il

est

pour

le

monx'nl impossible trorganiser

un enseignement

ralioniu'l.

JO

L INTERNATIONALE

Le Congrs])ublics

invite les diUrentes Sections tablir des cours suivant un ])rograinmc d'enseignement scientifique, profes-

sionnel et pjoduclif, c'est--dire enseignement intgral, pour remdier autant que possible linsulfisance de l'instruction que les ouvriers reoivent actuellement. Il est bien entendu que la rduction des beures de travail est considre comme une condition pralable

indispensable.3 Du crdit mutuel entre travailleurs. La Section bruxelloise avait labor un projet de statuts d'une Banque d'change, sous le nom de Socit commerciale du crdit au prix de revient. Le Congrs vota la rso^ lution suivante:

la fondation de Banques d'cbanges bass prix de revient, ayant pour but de rendre le crdit dmocratique et galitaire, et de simplifier les rapports du producteur et du consommateur, c'est--dire de soustraire le travail la domination du capital, et de faire rentrer celui-ci dans son rle naturel et lgitime, qui est celui d'agent du travail. ... Le Congrs, tout en maintenant l'affirmation thorique du crdit rciproque, demande que le projet de statuts prsent par la Section bruxelloise soit envoy toutes les Sections pour y tre l'objet d'une discussion approfondie, et pour que le Congrs prochain puisse prendre une dcision cet gard.

Le Congrs conclut le

sur

4*

De:

la rduction des

heures de travail.

La rsolution

suivante fut

vote

rsolution ayant t prise unanimement par le Congrs de que la diminution lgale des heures de travail est une condition prliminaire, indispensable pour toutes les amliorations sociales ultrieures', le Congrs est d'avis que l'poque est arrive de donner un effet pratique cette rsolution, et qu'il est du devoir de toutes les Sections, dans tous les pays, d'agiter cette question partout o Tx^ssociation internationale des travailleurs est tablie.

Une

Genve

:

la coopration. Le rapport prsent par la commission signala la voie dans laquelle s'taient engages les associations coopratives, ces socits de production et de consommation o des ouvriers, tout en protestant contre les tranglements du capital, s'efforcrent de s'en crer un leur tour et de percevoir des bnfices. Constitution en leurs mains d'un capital, perception de dividendes sur les consommateurs, sentiments conservateurs et apptits de jouissances, constitution de rentes, voil les penses et les dsirs que dvelopprent une telle conception des socits, lgitimant ainsi toutes les accusations qu3 les travailleurs jettent journellement sur les dtenteurs de capitaux. De telles pratiques en arrivent bien vite crer une quatrime classe bourgeoise et immobiliste. Pour viter un semblable rsultat, la conmiission proposa au Congrs, qui la vota, une rsolution indiquant la rgle de conduite que devait suivre5

De

le

danger de

toute association cooprative constitue selon les principes de l'Internationale, qui n'ont d'autre but que d'arracher des mains des capitalistes les instruments de la production et de les remettre en celles de ses lgitimes propritaires, les travailleurs eux-mmes ). Voici cette rsolution:

Toute socit base sur les principes dmocratiques- repousse tout prlvement au nom du capital, sous quelque forme qu'il se prsente rente, intrt, bnfice, et laisse ainsi au travail tout son di^oit. toute sa juste rmunration.:

PREMIERE PARTIE, CHAPITRE IX

^I

6 Des cahiers du travail. Cette question avait t mise l'ordre du jour deux mois seulement avant le Congrs, sur l'initiative des Sections belges. Hins expliqua que le quatrime Etat devait prparer aujourd'hui ses cahiers, comme le Tiers-Etat avait prpar les siens lors de la convocation des Etats-gnraux de 178g. Le Congrs de Genve, en 1866, avait pri toutes les Sections de donner des renseignements complets sur la situation des travailleurs dans chaque pays.; il faut que cette dcision soit excute et que les travailleurs formulent leurs griefs. En consquence, les Sections belges mettaient le vu, qui fut appuy, qu'au Congrs de l'anne suivante (1869) toutes les Sections apportassent des rapports complets sur tout ce qui concerne la situation de la classe ouvrire.

IXLe second Congrs dela Ligue de la paix et de la libert Berne, jI'-j5 septembre 186S. L'Alliance internationale de la dmocratie socialiste.

L'attitude prise par le Congrs de l'Internationale indisposa fort les chefs de la Ligue de la paix et de la libert non seulement ceux qui reprsentaient simplement la bourgeoisie radicale ou librale, mais mme:

sjournait depu.^ . .... ^^ ^^, ^ v,.-^ y .^,^y. ^^ ,.icn, devenu membre du Comit central de la Ligue de la paix et de la libert, dans lequel il s'effora de faire prvaloir les ides socialistes. Au commencement de juin, ce Comit, aprs avoir dcid que le second Congrs de la Ligue se tiendrait Berne, vota une dclaration de principes qui fut imprime et qui est ainsi conue.

^^

,

:

La Ligue reconnat la ncessit absolue de ne pas sparer les trois termes du problme social question religieuse, question politique, question conomique. En consquence, elle allirme 1 Que la religion, affaire de conscience individuelle, doit tre limine des institutions politiques ainsi que de l'enseignement public, afin que les Eglises ne puissent plus entraver le libre dveloppement de la socit 2^ Que les Etats-Unis de l'Europe ne peuvent avoir d'autre organisation que celle qui se l'onde sur des institutions populaires avant pour lien la fdration, pour lment l'galit des droits de l'individu, ainsi que l'autonomie des communes et des provinces dans le rglement de leurs intrts respectifs 3 Que le systme conomique actuel doit tre l'adicalement chang, si nous voulons arriver une rpartition quilabh' des richesses, du travail, du loisir, de l'instruction, condition essentielle de l'affranchissement des classes ouvrires et de l'abolition du prol::

;

;

tariat.

La Ligue proteste contre toute tentative de rforme sociale par un pouvoir despotique quelconciue.ce

faite

C'est sur la proposition de lakounine que le troisime j)aragraplic de avait t adopt il s'en flicitait comme d'un" triomphe (lettre Ogarcf du i4 juin i8(38). lakounine ne s'en tait pas tenu une simple dclaration (\r principes il avait cherch dcider la Ligue se rapi^rochcr de l'intcriialionale et, prchant d'exemple, il s'tait fait admettre, en juillet i8l), comme nieinbre de la Section centrale de Genve, o il se ha aussil)l avec Charles IVrron.

programme

:

;

:

^2

L INTERNATIONALK

fui sur l'insistance de Bakounine cjuc l'invitation se faire reprsenter au Congrs J-:i3;i). 2. Ces mots ne signifient pas que Bakounine se rendit au Congrs pour y7reprechose qui ne potivaitse faire puiscjne cette Alliance senter ofliciellement l'Alliance, mais (]u'il avait reu mandat de l'.Vlliance pour tait une organisation secrte, aller cl Genve exposer et dfendre 1111 programme qui tait celui de ce groupe de

socialistes.

^8

lintIhnationaLkles

Dans son discours au Congrs Bakouninc exposa rAUiancc.

ides de

Vient ensuite la reproduclioti d'un extrait assez tendu du discours de Bakouninc, (jui traite surtout de la question slave, de la ncessit de dtruire le despotisme de l'empire russe, avec diverses considrations de politique internationale. Seul le passage suivant peut tre considr comme un expos des ides de l'Alliance :

Tout Etat centralis, quelque libral qu'il s'aHii-nie, mme s'il avait la Tonne rpublicaine, est ncessairement ro[)[)resseur, l'exploiteur des masses populaires ouvrires au profit de la classe privilgie. L'arme lui est ncessaire pour conserver ces masses, et l'existence de cette force arme le pousse la guerre. J'en dduirai que la paix internationale est impossible tant qu'on n'aui*a pas adopt, toute nation, avec toutes ces consquences, le principe suivant taible ou forte, peu nombreuse ou nombreuse, toute province ou commune, a le droit absolu d'tre libre, autonome, de vivre et de se gouverner confoi'mment ses intrts, ses besoins particuliers et dans ce droit toutes les communes, toutes les nations sont si solidaires qu'il est impossible de le violer l'gard de l'une d'elles sans lui faire courir le mme danger dans toutes les autres. La paix gnrale sera impossible tant qu'existeront les Etats centraliss actuels nous devons par consquent dsirer leur dissolution pour que sur les ruines de ces:

:

;

units forces, organises de haut en bas au moyen du despotisme et des conqutes, puissent se dvelopper des units libres, organises de bas en haut au moyen de la libre fdration des communes en province, des provinces en nation, des nations en Etats-Unis d'Europe.

Aprs avoir parl des incidents locaux qui troublrent la dernire sance du Congrs de Genve, Bakouninc continue, dans le chapitre dontje

donne

la traduction

:

Le Congrs, n'ayant pas russi laborer un programme, en remit la confection au comit, qui devait le prsenter, au congrs annuel suivant, la sanction de l'association. Pendant toute cette anne (de septembre 1867 septembre 1868), il y eut dans ce comit une lutte entre le libralisme et le radicalisme bourgeois de la majorit et les ides socialistes rvolutionnaires de la minorit, laquelle appartenait Bakouninc, qui avait t lu membre de ce comit ainsi que plusieurs de ses amis. Enfin, au bout d'un an. au second Congrs de la Ligue, Berne, la lutte de ces deux partis clata au grand jour et aboutit un dnouement. La dillrence profonde dans les principes fondamentaux des deux fractions de la Ligue d'alors trouva son expression complte dans l'attitude de la Ligue l'gard de la question sociale ... l'preuve il s'tait montr mauvais, il L'outil avait t essay il ne restait qu' en chercher un autre. L'Assoavait d tre rejet ciation internationale des travailleurs se prsentait naturellement comme cet outil meilleur. Bakounine en tait membre depuis le mois de juillet de cette anne. 11 proposa la minorit socialiste-rvolutionnaire sortie de la Ligue d'entrer en masse dans l'Internationale, tout en gardant en mme temps leur lien intime, c'est--dire en conservant leur Alliance des rvolutionnaires socialistes sous la forme d'une;:

PREMIERE PARTIE, CHAPITRE X

^9

socit secrte et en l'largissant. La proposition d'entrer dans l'Internationale fut adopte Tunanimit. Mais, en ce qui concerne l'Alliance, les Franais et les Italiens dsiraient que. tout en gardant son caractre sotrique et intime de socit secrte, elle appart en

mme temps au grand jour comme organisation publique, sous le nom d'Alliance internationale de la dmocratie socialiste. Ils voulaient mme que l'Alliance s'organist tout fait indpendammentde l'Association internationale, se contentant que ses membres fussent individuellement membres de cette Association. Bakounine s'y opposa, pour cette raison que cette nouvelle organisation internationale se trouverait en quelque sorte en une rivalit nullement dsirable vis--vis de l'organisation des travailleurs. Ces discussions eurent pour rsultat qu'il fut dcid de fonder une association publique sous le nom d'Alliance internationale de la dmocratie socialiste, et de la dclarer partie intgrante de l'Internationale, dont le programme fut reconnu obligatoire pour tout membre de lAlliance. En dehors de ce programme gnral, l'Alliance labora un programme spcial, que nous devons reproduire ici. (Suivent les sept articles du programme de l'Alliance, qu'on trouvera au chap. IV dela

Deuxime

Partie).

XLa Section duLocle dans l'antoinne de iSHS. Notre tat d'esprit devant le vote du Congrs de Bruxelles sur la proprit collective; Conllery attaque le Comit central de Genve et les socialistes belges {jy septembre). Manifeste des dmocrates-socialistes de Genve (- octobre). Rponse du Comit central de Genve Coullery et rplique de celui-ci (/ ; octobre). Rponse de la Section bruxelloise Coullery (/.S octobre). La Section du Locle adhre au.x rsolutions du Congrs de Bruxelles et vote une Adresse aux dmocrates socialistes de Genve {i S octobre). Le Cercle international du Locle ; le Caveau n; le pre Meuron ; le Crdit mutuel, les soires d'instruction mutuelle, le projet de Socit de consommation, etc. Paysage jurassien, sur les Monts .

Je dsire maintenant taire faire au lecteur plus intime connaissance avec la Section du Locle, l'introduire dans le milieu o je vivais depuis 1864, parmi ces socialistes jurassiens qui cherchaient encore leur voie, et lui montrer quels taient, ce moment et en ce lieu, les sentiments et les ides d'un jeune homme pris de justice sociale, de libert et de Iraternil. Essayer, prs de quarante ans de distance, l'aide de ma seule mmoire, de raconter le dtail de ce qui s'est pass au Locle en i8(>8ct 1869. c'eCil cl entreprendre l'impossible malgr tout mon effort pour tre exact, je:

arriver reproduire (idlemenl toute la raht. Je possde, heureusement, un document grAce auquel je la retrouve, jus(iue dans le menu dtail ce sont les lettres quo'.itiiennes dans lesquelles je racontais mon existence celle qui tait alors ma (iance, et qui a t ensuite pour moi la compagne douce cl dvoue des bons et des mauvais jours. C'est dans ces lettres, plus encore que dans mes souvenirs directs, que je puiserai les lmeuts de ce chapitre et de plusieurs autres. Parfois j'en extrairai des citations textuelles, avec cette t.imple indication entre parenthses lettre du. mais, le plus souvent, sans citer, j'en ferai entrer

n'aurais

pu

:

:

.

.

;

le

trame mme de mon rcit. Absent du Locle pendant les vacances (juillet-aot), j'y tais revenu le dimanche 'j'i aot. C'est ce jour-l (ju'avait eu lieu la Chaux-de-l-'onds l'assemble dans laquelle Fritz Robert fut d>ign eoinmi' dlgu au Congrs de Bruxelles Constant Meurou et deux autres camarades r^'prsentrent dans cette runion la Section du Locle. Koberl vint au Locle lecontenu dansla:

80sameditail

I.'lN'IKUNA'IIONAI.K

pour s'entendre Jivec nous avant son dpart. A ce moment, il l'aiiii de 0)uliery et nous savions [)ar lui ce qui se disait dans l'entourage du elief de la dmocratie sociale de la Chaux-de-Fonds. On y accusait rormellemcnt les Loclois de dsertion et de trahison, j)arce qu'ils avaient refus de suivre Couilery dans sa politique lectorale. HoUert, lui, mais il persistait penser que ne mettait pas en doute notre bonne foi l'alliance conclue la Chaux-de-Fonds entre les socialistes et les verts tait non seulement lgitime, mais ncessaire. Son voyage Bruxelles allait lui ouvrir les yeux. avec lui taient 11 fut de retour du Congrs le mardi i5 septembre revenus deux des dlgus de Genve, Perron et Catalan, qui avaient fait un dtour pour passer par les montagnes neuchteloises, et comptaient me voir, aliu de nj'exi)Oser un plan de campagne. Trois tlgrammes me furent adresss le 16 pour me convoquer une entrevue la Chaux-demalheureusement j'tais absent ce jour-l, et Perron et Catalan Fonds durent repartir sans que nous eussions pu nous rencontrer; mais ils insistrent vivement pour que le plus tt possible Rol)ert et moi nous nous rendissions Genve atin de confrer avec eux. 11 s'agissait du journal la Libert, que Catalan mettait notre disposition pour y faire une propagande laquelle ne se prtait pas la Voix de l' Avenir; il s'agissait aussi de l'essai que se proposait de tenter un groupe de membres de l'Internationale genevoise, qui voulaient prsenter aux lections de novembre pour le Grand Conseil (Conseil lgislatif) du canton de Genve une liste de candidats, afin de dtacher de l'un et de l'autre des deux partis bourgeois en lutte le plus grand nombre possible d'lecteurs ouvriers. j'y trouvai Le vendredi 17 septembre j'allai la Chaux-de-Fonds Robert transform, et tout rempli d'une ardeur nouvelle ce qu'il avait vu il et entendu Bruxelles lui avait fait comprendre les fautes commises avait reconnu qu'il s'tait fourvoy, et il m'annona qu'il marcherait dsormais d'accord avec moi. Nous passmes la soire avec Cowell Stepney.qui ce jour-l se trouvait la Chaux-de-Fonds, allant au Congrs de la Ligue del paix Berne c'tait un Anglais millionnaire, communiste, et membre du Conseil gnral de l'Internationale, dont Robert avait tait la connaissance Bruxelles. Cowell Stepney tait sourd comme un pot et ne savait que trs peu le franais, ce qui rendait la conversation avec lui particulirement difficile. Nous parlmes des rsolutions du Congrs de Bruxelles, et surtout de celle sur la proprit collective. Les dlgus de la Suisse franaise s'taient abstenus mais il s'agissait maintenant de prendre un parti, et la question nous laissait assez perplexes nous nous ttions le pouls en nous demandant Sommes-nous collectivistes pour tout de bon ? Couilery, lui, n'avait pas hsit il avait dplor immdiatement le vote du Congrs de Bruxelles comme une erreur qui allait avoir pour l'internationale les plus fatales consquences. Couilery avait-il i-aison, ou devionsnous en croire plutt des hommes dans le jugement desquels nous avions dj confiance, comme De Paepe, Eccarius, Becker ? Un conflit qui clata entre le Comit central des Sections genevoises et Couilery, l'occasion de la Voix de l'Avenir, donna lieu une polmique qui nous aida voir clair dans la situation. Le journal la Voix de l'Avenir, devenu l'organe des Sections romandes en septembre 1867, mais rest en mme temps la proprit personnelle de son fondateur Couilery, tait la fois mal rdig et mal administr. Au printemps de 1868 un vif mcontentement s'tait fait jour son endroit, en particulier dans les Sections de Genve. On se plaignait d'irrgularits dans l'envoi du journal; on se plaignait surtout de ne pouvoir calculer exactement le chilTre des sommes qui lui taient dues pour les abonnements collectifs pris par les Sections. Le dsordre le plus complet rgnait dans l'administration de la ^'oix de V Avenir; j'en sais quelque chose, car c'est moi qui eus discuter avec elle en septembre 1868, pour tablir te compte de la Section du Locle. Les Sectiops de Genve avaient en vain29,

eneore

:

:

;

;

:

;

;

:

:

;

:

:

PREMIEUt: PAUTIE, CHAPITUE X

8l

rclam de GouUery des comptes clairs n'en pouvant obtenir, elles avaient dclar qu'elles ne paieraient rien avant de les avoir reus. La prenant fait et cause pour Coullerv, Section de la Chaux-de-Fonds avait alors dcid l'envoi Genve de deux dlgus qui furent CouUery et un autre citoyen ces dlgus s'taient prsents devant le Comit central des Sections genevoises (juin 1868); il y avait eu des explications assez vives, la suite desquelles, nanmoins, on parut s'tre entendu, et il sembla que l'affaire tait arrange. Elle ne l'tait nullement; les rcriminations recommencrent bientt de part et d'autre, et, dans le courant de septembre, les Genevois finirent par proposer toutes les Sections de la Suisse romande le transfert, du journal Genve. Coullery, qui, en sa qualit de propritaire-rdacteur crivait dans la Voix de l'Avenir ioul ce qu'il voulait, publia alors, dans le numro du 2^ septembre, une longue diatribe contre le Comit central genevois. Cette faon de porter devant le public des querelles d'intrieur suscita Genve une grande colre et le sentiment d'hostilit qui se manifestait l'gard de GouUery fut accru encore par l'attitude qu'il venait de prendre l'gard des rsolutions du Congrs de Bruxelles. En effet, dans ce mme numro de la Voix de l'Avenir o il attaquait le Comit de Genve, Coullery avait publi un article sur le Congrs, o: ,

,

;

,

;

il

disait

:

Le (Congrs de Bruxelles a pris deux rsolutions qui feront du niai rinternationale. Il a proclam que la proprit Ibncire devait tre collective. C'estconiniunisnie. C'est la ngation de la proprit individuelle. C'est de Colins qui a renjport cette victoire. Ce sont les Belges, lves de Colins, Belge lui-mme, ([ui ont remport cette victoire. Cette victoire leur tait facile, leurs dlgus taient en majorit... La thorie de (!lolins, des Belges, est fausse. Toute association ne peut reposer que sur la libert individuelle, et sur la pi'oprit individuelle foncire et mobilire. La thorie de Colins, la thorie ({ue les Belg(!S ont fait voter malgr les protestations des dlgus des autres pays, est contraire la nature humaine.... Linstinct des ouvriers guid par la discussion et l'tude en fera justice. Une autre rsolution regrettable est celle qui refuse la Ligue de la paix le concours de l'Internationale '. Ce vote est contraire aux rsolutions de Lausanne. Il est contraire aux rsolutions |)rises au Congrs de la paix [ Genve]. Il esl contraire au bon sens. P sans bornes. Et ]KJUitant h^s lielges sont la fois |>rou(lhouiens et colinsuMis.t.

On

a

vu plus

liiiut

ip.

iV,'>)

([ucla

pour demander faire partie voulez pas non plus Pour les Sections belges de l'Association internationale des travailleurs, Le Conseil gnral belge.;

;

;

!

Parmi les noms de dix-sept signataires de cette lettre se trouvent ceux de Csar De Paepe, d'Eugne Hins, de Paul Robin, de Laurent Vcrrycken, de Dsir Brisme.III.

Au Locle

'i, 4 i

communal.

\'20

L

INTERNATIONALK

Pyrnes, o il li;il)it(' ', il a travers toule la Finance, par ces froids rigoureux, pour venir appuyer le mouvement (rmaneipalion des

commenc Neuclitel et cpii va s'tendi-e toute la car on ne peut plus en douter, Tlieure est Suisse romande venue, et les cantons franais vont enfin entrer leur tour dans cette voie de libralisme religieux o les ont prcds de plusieurs annes la plupai-l des cantcms allemands. Ce rveil soudain et puissant des consciences et des curs, si longtemps engourdis par la tyrannie dogmati(pi(; de l'orthodoxie, a vi'ilahlemcnt ti'ansform la ]liysionomie habituelle de notre population et j'ose le dii'e. nous assistons en ce moment, Neuchtel, au plus beau mouvement qui se soit jamais produit dans notre canton, sans en exce})ter la rvolution de 1848.intelligences,i\;;

Ce mme jour, 27 janvier, Bakounine m'crivait de Genve, en rponse demande que je lui avais adresse une dizaine de jours avant, la premire lettre que j'aie reue de lui. Voici ce qu'il me disait la:

Ce 27 janvier 1869, Genve, i23, Montbrillant. bien cher Guillaume, J'ai laiss passer bien des jours avant de vous rpondre. Mais prenez-vous-en, je vous prie, aux mille attai