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N°39 – novembre 2017 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 1 Les structures de pendaison en Provence médiévale et moderne. Premières investigations interdisciplinaires 1 Mathieu Vivas, Post doctorant Laboratoire des Sciences Archéologiques de Bordeaux (LaScArBx) Institut Ausonius, UMR 5607 CNRS Université Bordeaux Montaigne Introduction Gibets, potences, fourches patibulaires… tels sont les mots qui s’imposent à l’esprit lorsque nous parlons de structures de pendaison. Par la suite, la pensée s’arrête sur la « violence » de la peine de mort, avant de poursuivre sur des images plus fantasmées de bourreau, puis sur des questions plus techniques de cordes et d’asphyxie. Dans cet enchaînement mental, la logique aura donc vite posé toutes les questions liées aux structures de pendaison médiévales et modernes. Les esprits les plus curieux seront toutefois coupés dans leur élan studieux : en France, les gibets et les fourches patibulaires n’ont jamais bénéficié d’une étude à part entière 2 . Liés par essence à la justice pénale, ils sont pourtant cités dans des travaux de référence dédiés à la peine de mort, aux crimes et à la criminalité 3 . Ils apparaissent également dans l’historiographie de l’espace urbain, mais uniquement dans les chapitres traitant des places publiques et des marges juridictionnelles 4 . Malgré le développement de l’archéologie depuis plusieurs années maintenant, aucune approche de terrain n’a été consacrée à ce sujet. Il en résulte un manque bibliographique et une méconnaissance de structures très polyvalentes. À ce titre, les potences, les gibets et les fourches patibulaires ne doivent pas être uniquement liés à la peine de pendaison : ces structures d’exécution servent également à 1 Cet article est le résultat d’une recherche effectuée dans le cadre du LabEx Sciences Archéologiques de Bordeaux, programme financé par l’ANR – n°ANR-10-LABX-52. 2 À la fin du XIX e siècle et au tout début du XX e siècle, des érudits locaux ont toutefois rédigé quelques synthèses. Sur ce point, voir Vivas M. (2015) : « Zastosowania, funkcje i symbolika średniowiecznych szubienic słupowych (XII-XV wiek). Stan badań we francji (Usages, fonctions et symboles des fourches patibulaires médiévales (XIII e - XV e s.). État de la recherche en France) », dans Pomniki Dawnego Prawa, 31, p. 12-51. Deux publications récentes sont toutefois à noter : Bépoix S. (2010) : Une cité et son territoire. Besançon, 1391. L’affaire des fourches patibulaires (Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté, 871 ; Cahiers d’Études Comtoises, 71), Paris ; Helbling L. (2012) : « Potences et gibets à la fin du Moyen Âge », in Christiane Raynaud (éd.), Armes et outils (Cahiers du Léopard d’Or, 14), Paris, p. 37-62. 3 La bibliographie étant trop importante sur le sujet, nous ne renvoyons ici qu’à un petit échantillon de références. Gonthier N. (1998), Le châtiment du crime au Moyen Âge, Rennes ; Gauvard C. (2010) [1991] : « De grace especial ». Crime, État et société en France à la fin du Moyen Âge, Paris ; Gauvard C. (2005) : Violence et ordre public au Moyen Âge, Paris ; Bastien P. (2011) : Une histoire de la peine de mort. Bourreaux et supplices (1500-1800), Paris ; Charageat M. (2015) : « Notes introductives sur la peine de mort en Occident médiéval. État de la question », dans Allinne J.-P. & Soula M. (dir.) (2015), La mort pénale. Les enjeux historiques et contemporains de la peine de mort, Rennes, p. 83-94. 4 Voir, par exemple, Le Goff J. (dir.) (1998) [1980] : La ville en France au Moyen Âge, Paris ; Leguay J.-P. (2009) : Terres urbaines. Places, jardins et terres incultes dans la ville au Moyen Âge, Rennes.

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Page 1: Les structures de pendaison en Provence médiévale et moderne. … Terres urbaines. Places, jardins et terres incultes dans la ville au Moyen Âge, Rennes. N°39 – novembre 2017

N°39 – novembre 2017 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 1

Les structures de pendaison en Provence médiévale et moderne.

Premières investigations interdisciplinaires1 Mathieu Vivas, Post doctorant Laboratoire des Sciences Archéologiques de Bordeaux (LaScArBx)

Institut Ausonius, UMR 5607 CNRS Université Bordeaux Montaigne

Introduction Gibets, potences, fourches patibulaires… tels sont les mots qui s’imposent à l’esprit

lorsque nous parlons de structures de pendaison. Par la suite, la pensée s’arrête sur la « violence »

de la peine de mort, avant de poursuivre sur des images plus fantasmées de bourreau, puis sur des

questions plus techniques de cordes et d’asphyxie. Dans cet enchaînement mental, la logique aura

donc vite posé toutes les questions liées aux structures de pendaison médiévales et modernes. Les

esprits les plus curieux seront toutefois coupés dans leur élan studieux : en France, les gibets et les

fourches patibulaires n’ont jamais bénéficié d’une étude à part entière2. Liés par essence à la

justice pénale, ils sont pourtant cités dans des travaux de référence dédiés à la peine de mort, aux

crimes et à la criminalité3. Ils apparaissent également dans l’historiographie de l’espace urbain,

mais uniquement dans les chapitres traitant des places publiques et des marges juridictionnelles4.

Malgré le développement de l’archéologie depuis plusieurs années maintenant, aucune approche

de terrain n’a été consacrée à ce sujet. Il en résulte un manque bibliographique et une

méconnaissance de structures très polyvalentes.

À ce titre, les potences, les gibets et les fourches patibulaires ne doivent pas être

uniquement liés à la peine de pendaison : ces structures d’exécution servent également à

1 Cet article est le résultat d’une recherche effectuée dans le cadre du LabEx Sciences Archéologiques de Bordeaux, programme financé par l’ANR – n°ANR-10-LABX-52. 2 À la fin du XIXe siècle et au tout début du XXe siècle, des érudits locaux ont toutefois rédigé quelques synthèses. Sur ce point, voir Vivas M. (2015) : « Zastosowania, funkcje i symbolika średniowiecznych szubienic słupowych (XII-XV wiek). Stan badań we francji (Usages, fonctions et symboles des fourches patibulaires médiévales (XIIIe-XVe s.). État de la recherche en France) », dans Pomniki Dawnego Prawa, 31, p. 12-51. Deux publications récentes sont toutefois à noter : Bépoix S. (2010) : Une cité et son territoire. Besançon, 1391. L’affaire des fourches patibulaires (Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté, 871 ; Cahiers d’Études Comtoises, 71), Paris ; Helbling L. (2012) : « Potences et gibets à la fin du Moyen Âge », in Christiane Raynaud (éd.), Armes et outils (Cahiers du Léopard d’Or, 14), Paris, p. 37-62. 3 La bibliographie étant trop importante sur le sujet, nous ne renvoyons ici qu’à un petit échantillon de références. Gonthier N. (1998), Le châtiment du crime au Moyen Âge, Rennes ; Gauvard C. (2010) [1991] : « De grace especial ». Crime, État et société en France à la fin du Moyen Âge, Paris ; Gauvard C. (2005) : Violence et ordre public au Moyen Âge, Paris ; Bastien P. (2011) : Une histoire de la peine de mort. Bourreaux et supplices (1500-1800), Paris ; Charageat M. (2015) : « Notes introductives sur la peine de mort en Occident médiéval. État de la question », dans Allinne J.-P. & Soula M. (dir.) (2015), La mort pénale. Les enjeux historiques et contemporains de la peine de mort, Rennes, p. 83-94. 4 Voir, par exemple, Le Goff J. (dir.) (1998) [1980] : La ville en France au Moyen Âge, Paris ; Leguay J.-P. (2009) : Terres urbaines. Places, jardins et terres incultes dans la ville au Moyen Âge, Rennes.

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l’exposition judiciaire de corps vivants ou morts, entiers ou fragmentés. Les manipulations du

corps des condamnés à mort interviennent dans un cadre pénal et ritualisé et, tout autant

qu’infamantes, elles sont exemplaires5. En outre, certains lieux de pendaison sont également des

espaces d’inhumation : les condamnés à mort peuvent en effet y être ensevelis. Loin du cimetière

chrétien communautaire, cette mise en terre constitue alors une manière supplémentaire de

prolonger l’outrage judiciaire6.

En dehors des frontières françaises, les historiens, historiens de l’art et archéologues se

sont depuis plusieurs années intéressés aux structures de pendaison. En Allemagne, les

publications pionnières de Jost Auler sur l’archéologie des lieux d’exécution

(Richtstättenarchäologie) sont aujourd’hui des références interdisciplinaires indéniables. Plus à

l’Est, en Tchéquie et en Pologne, on citera les études de Pavlína Mašková, de Daniel Wojtucki et

de Paweł Duma 7 . Enfin, Outre-Manche, les travaux de l’archéologue médiéviste Andrew

Reynolds sont des éléments clefs pour qui veut comprendre l’inscription spatiale des lieux

d’exécution8. Les réflexions interdisciplinaires proposées par ces chercheurs européens n’ont eu

qu’un faible impact sur les recherches françaises. Ce n’est qu’en janvier 2014 qu’un colloque

international et interdisciplinaire, tenu à l’Université de Bordeaux Montaigne, a permis de

s’interroger sur les fourches patibulaires médiévales et modernes9. Les réflexions engagées lors de

cette rencontre se sont concrétisées dans deux programmes de recherches : le premier – Des

justices et des Hommes. Gibets, Bourreaux et Exécutions publiques en Europe médiévale et

5 Dans une large bibliographie européenne, nous ne retiendrons ici que les références en français : Castan Y. (1985) : « Exemplarité judiciaire, caution ou éveil des études sérielles », dans Histoire sociale, sensibilités collectives et mentalités. Mélanges Robert Mandrou, Paris, p. 51-59 ; Gauvard C. (1994) : « Pendre et dépendre à la n du Moyen Âge : les exigences d’un rituel judiciaire », dans Chiffoleau J., Martines L., Paravicini Bagliani A. (éd.) (1994) : Rites et rituels dans les sociétés médiévales (XIIIe-XVIe siècles), Riti e rituali nelle società medievali, actes du Colloque d’Erice, septembre 1990, Spolète, p. 5-25 ; Gauvard C. & Jacob R. (dir.), (2000) : Les rites de la justice. Gestes et rituels judiciaires au Moyen Âge, Paris ; Chiffoleau J., Gauvard C., Zorzi A. (dir.) (2007) : Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la n du Moyen Âge, Rome. 6 Vivas M. (2012) : La privation de sépulture au Moyen Âge. L’exemple de la province ecclésiastique de Bordeaux (Xe siècle-début du XIVe siècle), Thèse d’histoire et d’archéologie sous la direction de C. Treffort et d’I. Cartron, Université de Poitiers ; Vivas M. (2014) : « Les lieux d’exécution comme espaces d’inhumation. Traitement et devenir du cadavre des criminels (XIIe-XIVe s.) », dans Revue Historique, n°670 (avril), p. 295-312 ; Vivas M. (2016) : « Les fourches patibulaires médiévales et modernes : un lieu d’inhumation pour les condamnés à mort », dans Lauwers M. & Zemour A. (dir.) (2016) : Qu’est-ce qu’une sépulture ? Humanités et systèmes funéraires de la Préhistoire à nos jours, Actes du colloque international tenu les 13-15 octobre 2015 à Antibes, Antibes, p. 253-271. 7 Mašková P. & Wojtucki D. (2016) : « L’archéologie des lieux d’exécution en République Tchèque et en Basse-Silésie (Pologne) », dans Charageat M. & Vivas M. (dir.) (2016) : Les fourches patibulaires du Moyen Âge à l’époque Moderne. Approche interdisciplinaire, Actes du colloque international tenu à Bordeaux (Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine) les 23-24 janvier 2014, [En ligne : http://criminocorpus.revues.org/3115] ; Wojtucki D. (2009) : Publiczne miejsca straceń na Dolnym Śląsku od XV do połowy XIX wieku, Katovice ; Duma P. (2015) : Śmierć nieczysta na Śląsku. Studia nad obrządkiem pogrzebowym społeczeństwa przedindustrialnego, Wroclaw. 8 Reynolds A. (2009) : Anglo-Saxon Deviant Burial Customs. Medieval History and Archaeology, Oxford ; Reynolds A. (2008) : « The Emergence of Anglo-Saxon Judicial Practice : The Message of the Gallows », Anglo-Saxon, vol. 2, p. 1-52. 9 Charageat M. & Vivas M. (dir.) (2016) : Les fourches patibulaires du Moyen Âge à l’époque Moderne. Approche interdisciplinaire, Actes du colloque international tenu à Bordeaux (Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine) les 23-24 janvier 2014, [En ligne : https://criminocorpus.org/fr/].

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moderne –, est hébergé par la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine (MSHA) et le second

– Justice et fourches patibulaires : lieux d’exécution, d’exposition et d’inhumation des corps des

condamnés à mort (Moyen Âge – Époque moderne – est accueilli par le Laboratoire d’Excellence

des Sciences Archéologiques de Bordeaux (LaScArBx). Dans le cadre de ces projets, deux

journées d’études et deux colloques ont été organisés. En réunissant historiens, historiens de l’art,

médecins légistes, archéologues et archéo-anthropologues, ils constituent aujourd’hui les premiers

jalons d’un renouvellement des études sur la peine de mort au Moyen Âge et à l’Époque

moderne10.

Comme pour le reste de la France, la bibliographie sur les lieux de pendaison en Provence

est bien mince. Ils apparaissent toutefois en trame de fond dans des livres et des articles se

rapportant à la justice, au crime et à la criminalité au Moyen Âge et à l’Époque moderne11. À la

fin du XIXe siècle et jusqu’au milieu du XXe siècle, certaines structures provençales – comme

dans le Périgord et la Bretagne – ont bénéficié de quelques investigations de terrain12. Alors

menées par des érudits locaux ou des chercheurs plus avérés, les réflexions n’avaient jamais

abouti à une synthèse régionale.

Pour débuter le recensement des lieux de pendaison sur le territoire provençal, nous avons

opté pour une démarche toponymique. Cette recherche est doublée d’une investigation sur les

cartes anciennes – comme par exemple sur la carte dite de Cassini 13 –, sur le cadastre dit

napoléonien et, enfin, sur les cartes et cadastres actuels (1)14. Parallèlement, les investigations

dans les sources écrites sont venues compléter ces premiers éléments (2). Les pistes de réflexion

alors initiées ont débouché sur des investigations de terrain et une opération archéologique sur les

fourches patibulaires de Draguignan (Var) (3).

10 À savoir : Pendre, suspendre et dépendre (Moyen Âge-Époque moderne). Actualités de la recherche et approche interdisciplinaire, Journée d’études organisée par M. Vivas et M. Charageat le 15 février 2016 à la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine ; Le bourreau en questions. Actualité d’une recherche interdisciplinaire (Moyen Âge-Époque moderne), Journée d’études organisée par M. Charageat, M. Soula et M. Vivas le 15 mars 2016 à la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine ; Charageat M., Ribémont B., Soula M., Vivas M. (à paraître 2018) : Corps en peine. Manipulations, usages et traitements des corps dans la pratique pénale depuis le Moyen Âge, Actes du colloque international tenu à Bordeaux les 7-9 décembre 2016 ; Vivas M. (dir.) (à paraître 2018) : (Re)lecture archéologique de la justice en Europe médiévale et moderne, Actes du colloque international et interdisciplinaire tenu à l’archéopôle d’Aquitaine les 8-10 février 2017, Pessac (éditions Ausonius, collection Scripta Mediævalia). 11 Loin de pouvoir citer tous les travaux sur la justice en Provence médiévale et moderne, nous renvoyons le lecteur vers les travaux de de F. Gasparri, de G. Giordanengo, de V. Piétri, de C. Régina et de L. Verdon. 12 Pour les fourches patibulaires de Draguignan – sur lesquelles nous reviendrons dans la deuxième partie de cet article – voir Boyer R. (1948) : Les fourches patibulaires en France. Les fourches du quartier des Selves à Draguignan (Société d’études Scientifiques et Archéologiques de Draguignan, Mémoire LXXIV), Draguignan. On pourra également se reporter aux réflexions des chercheurs sur les fourches patibulaires de Nîmes (et les célèbres « trois piliers ») : Bulletin trimestriel des séances de l’Académie de Nîmes, 1974, p. 127-129. 13 Voir la numérisation des cartes sur le site de l’EHESS : http://cassini.ehess.fr/cassini/fr/html/index.htm. 14 Nous nous sommes essentiellement servi du site gouvernemental https://www.geoportail.gouv.fr.

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Toponymie, cartes et cadastres anciens : à la recherche des structures de

pendaison en Provence La toponymie est une science délicate sur laquelle des chercheurs formulent des mises en

garde que nous partageons 15. La démarche permet toutefois d’initier la recherche depuis son

bureau et d’établir ainsi une première liste de sites potentiels. Conscients des limites de cette

approche, Fabrice Mauclair et Anne Crola s’en sont servi pour démarrer leurs travaux sur les

espaces de la justice pénale, le premier en Indre-et-Loire16, la seconde en Dordogne17. Ces deux

chercheurs ont pris en compte les toponymes rappelant les anciens lieux d’exécution comme :

Justice(s), Gibet(s), Fourche(s), Pilier(s), Étrangloir(s), Potence(s), Échafaud(s),

Échelle(s), Poteau(x) et Pilori (s). Augmentés par une étude des sources textuelles conservées

dans les fonds privés et publics, doublés d’une prospection pédestre, ces travaux offrent

aujourd’hui des résultats indéniables et des perspectives archéologiques certaines18.

La même méthode a été appliquée à la Provence. Nous avons cependant recentré notre

recherche sur les toponymes évoquant la pendaison, i.e. fourche(s), pilier(s), potence(s), etc. Nous

restons toutefois lucide et savons que la recherche doit également envisager les lieux d’exécution

qui ne portent pas un toponyme rappelant leur fonction. Si ce premier recensement gagne

indéniablement à être étoffé, nous avons pour le moment relevé 36 occurrences [fig. 1a et 1b].

15 Voir, par exemple, Zadora-Rio É. (2001) : « Archéologie et toponymie : le divorce », dans Les Petits Cahiers d’Anatole, n° 8, Tours, 05/12/2001 [En ligne : http://citeres.univ-tours.fr/doc/lat/pecada/F2_8.pdf]. 16 Mauclair F. (2014) : « Justice(s), fourche(s), pilori(s)… : les anciens lieux d’exécution et d’exposition dans les toponymes en Indre-et-Loire », Bulletin de l’Académie des Arts et Belles Lettres de Touraine, 27, p. 52 ; Mauclair F. (2016) : « Un objet d’histoire (presque) introuvable : les fourches patibulaires dans les sources tourangelles (XIIIe-XVIIIe siècle », dans Charageat M. & Vivas M. (dir.) (2016) : Les fourches patibulaires du Moyen Âge à l’époque Moderne. Approche interdisciplinaire, Actes du colloque international tenu à Bordeaux (Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine) les 23-24 janvier 2014, [En ligne : http://criminocorpus.revues.org/3024]. 17 Crola A. (à paraître 2018) : « Les fourches patibulaires en Dordogne. États des lieux et premières pistes de réflexions archéologiques sur la justice médiévale et moderne », dans Vivas M. (dir.) (à paraître 2018) : (Re)lecture archéologique de la justice en Europe médiévale et moderne, Actes du colloque international et interdisciplinaire tenu à l’archéopôle d’Aquitaine les 8-10 février 2017, Pessac (éditions Ausonius, collection Scripta Mediævalia) ; Crola A. (2017) : Potences, gibets et fourches patibulaires en Dordogne du Moyen Âge à l’Époque moderne, Master II sous la direction d’I. Cartron et M. Vivas, Université Bordeaux Montaigne. 18 L’un des plus beaux exemples est celui des fourches patibulaires du duché-pairie de Château-la-Vallière (Indre-et-Loire). Placées sur les cartes anciennes, nommées dans les sources écrites, les 4 piliers de ces fourches patibulaires ont été repérés en prospection pédestre l’année dernière. Des sondages archéologiques sont prévus pour la fin de cette année. Sur ce site, voir : Blanchard P., Gautier M., Mauclair F. (à paraître 2018) : « Les fourches patibulaires médiévales et modernes en Touraine » dans Vivas M. (dir.) (à paraître 2018) : (Re)lecture archéologique de la justice en Europe médiévale et moderne, Actes du colloque international et interdisciplinaire tenu à l’archéopôle d’Aquitaine les 8-10 février 2017, Pessac (éditions Ausonius, collection Scripta Mediævalia).

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Fig. 1a : Toponymes rappelant d’anciens lieux de pendaison

(d’après le moteur de recherche de geoportail.com)

Ville / village / lieu-dit Code postal Toponyme

l.d. = lieu- dit

Alpes de Haute-Provence (04)

Digne-les-Bains 04000 Les Fourches (l.d.)

Manosque 04100 Le pilon (l.d.)

Saint-André-les-Alpes 04170 Les Fourches (l.d.)

Thorame-Basse 04170 Le pilon (l.d.)

Majastres 04270 Les Fourches (l.d.)

Niozelles 04300 Les potences (l.d.)

Tartonne 04330 Le Pilon (l.d.)

Castellard-Mélan 04380 Les Fourches (l.d.)

Uvernet-Fours 04400 Les Fourches (l.d.)

Saint-Jurs 04410 Les Fourches (l.d.)

Riez 04500 Le Pilon (l.d.)

La Brillanne 04700 Les Fourches (l.d.)

Hautes-Alpes (05)

Briançon 05100 Le Pilon (l.d.)

La Saulce 05119 Les pilles (l.d.)

Saint-Martin-de-Queyrières 05120 Serre de Fourches (l.d.)

Tallard 05130 Serre de Fourches (l.d.)

Laragne-Montéglin 05300 Les Fourches (l.d.)

Saint-Pierre Avez 05300 Serre de Fourches (l.d.)

Châteauneuf-d’Ozé 05400 Serre de Fourches (l.d.)

La Motte-en-Champsaur 05500 Gibet (l.d.)

La Piarre 05700 Serre de Fourches (l.d.)

Alpes-Maritimes (06)

Èze 06360 Plateau de la Justice (l.d)

Cabris 06530 Le pilon du Ribas (l.d)

Saint-Césaire-sur-Siagne 06530 Les Fourches (l.d.)

Bouches-du-Rhône (13)

Puy-Loubier 13114 Fourches (avenue)

Châteaurenard 13160 Justice (l.d.)

Les Pennes-Mirabeau 13170 Le pilon (l.d.)

Gignac-la-Nerthe 13180 Les piles (l.d.)

Arles 13200 Les Fourches (l.d. / rue / chemin)

Châteauneuf-les-Martigues 13220 Les Fourques (l.d.)

Sénas 13560 Les Fourques (l.d.)

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La-Fare-les-Oliviers 13580 Le Pilon (l.d.)

Meyrargues 13650 Fourches (le coteau des)

Saint-Mitre-les-Remparts 13920 Les Fourques (l.d.)

Var (83)

Draguignan 83300 Les fourches (l.d. / chemin)

Lorgues 83510 Les fourques (l.d. / chemin)

Figanières 83830 Les fourches (l.d.)

Fig. 1b

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Certains toponymes sont présents sur la carte

dite de Cassini, comme par exemple le lieu-dit

« Les fourches » à l’Ouest de Saint-Pierre-Avez

(Hautes-Alpes) [fig. 2]. Pour ce cas, il reste

difficile d’aller plus loin dans l’interprétation ;

seule une investigation plus approfondie dans

les sources écrites et sur le terrain le permettrait.

D’autres exemples sont plus probants, comme

par exemple le lieu-dit Les fourques à Lorgues

(Var). Noté aujourd’hui par l’IGN, la carte dite

de Cassini place à cet endroit le symbole d’un

gibet à deux piliers [fig. 3]. Si cette

représentation prouve qu’il existait une structure

de pendaison à Lorgues au XVIIIe siècle, l’étude

des sources d’archives fait remonter sa fondation au Moyen Âge (voir infra partie 3). C’est

également le cas pour le Plateau de la Justice situé à l’ouest d’Èze (Alpes-Maritimes). Mentionné

sur la carte IGN actuelle, le toponyme apparaît sur la carte du XVIIIe siècle sous la forme d’une

potence et s’avère être encore aujourd’hui en

élévation [Fig. 4]. Si certains lieux de pendaison

ont disparu, certains étaient encore en élévation

au XIXe siècle, comme celui de Saint-Paul-de-

Vence (Alpes-Maritimes) où le cadastre de 1835

signale sur la parcelle 134 les « piliers des

fourches » [Fig. 5]. Quelques structures de

pendaison ont également traversé les âges et sont

encore aujourd’hui partiellement dressées,

comme par exemple les fourches de Draguignan

(Var) (voir infra), de Peille (Alpes-Maritimes) et

de La Turbie (Alpes-Maritimes), seul vestige

patibulaire à être classé monument historique

depuis 1944 [fig. 6].

Fig. 2

Fig. 3

Fig. 4

Fig. 5

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N°39 – novembre 2017 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 8

Chacun des toponymes recensés nécessite une recherche

complémentaire dans la documentation écrite. Ainsi, à Meyrargues, le

toponyme le coteau des fourches semble trouver une correspondance

dans les archives : une sentence arbitrale du 13 juin 1285 mentionne

en effet que Hugues de Baux, seigneur de Meyrargues, a le droit de

faire dresser des fourches patibulaires sur son territoire19. Afin de

prolonger la réflexion sur les structures de pendaison, qu’il s’agisse

du Moyen Âge ou de l’Époque moderne, l’investigation doit se

poursuivre dans les fonds d’archives privés et publics.

Les lieux de pendaison dans les sources d’archives

Quelques sondages ont été effectués cette année dans les inventaires des archives

départementales. Pour celles des Bouches-du-Rhône, le moteur de recherche informatique Clara a

facilité l’investigation par mots-clefs 20 . Les termes ayant été retenus sont : « gibet(s) » (4

occurrences), « fourche(s) et/ou patibulaire(s) » (16 occurrences) et « potence » (13 occurrences)

[voir fig. 7a et 7b]. Si nous n’avons pu pour le moment consulter toutes ces archives, les résultats

de ce premier examen sont assez prometteurs21. Ils gagnent toutefois à être complétés par une

recherche avec des termes tels que « pendre », « pendaison », « pendu(e)(s) », etc. Cette démarche

complémentaire permettrait très probablement de mettre en lumière la pendaison aux arbres et à

des édifices qui ne sont originellement pas dévolus aux exécutions (remparts, tours, ponts, etc.).

19 A.D. 13, B 350. Cité dans Barthélemy L. (1882) : Inventaire chronologique et analytique des chartes de la maison des Baux, Marseille, p. XXVIII et 189. 20 Cette recherche par mots-clefs n’est toutefois pas exhaustive. En effet, elle ne garantit pas que le rédacteur de l’inventaire ait dépouillé l’ensemble des documents désignés sous une unique côte. 21 Nous nous sommes en effet concentrés sur les sources mentionnant la justice à Draguignan (voir infra).

Fig.6

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N°39 – novembre 2017 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 9

Fig. 7a : Tableau des mentions de gibets, de fourches patibulaires et de potences dans les Archives des Bouches-du-Rhône (AD 13)

Côte Dénomination de la source Années Ville / lieu-dit Descriptif

Gibet B1728

Comptes des clavaires 1497-1498 Arles - Frais engagés pour l’ajout d’une bigue au gibet

- Salaires des ouvriers

B1907 Comptes des clavaires 1345-1346 Grasse Un homme est « lié » au gibet (échelle et corde)

B1959 Comptes des clavaires 1487-1492

Marseille Mont d’Arain

Rémunération d’un perier pour avoir construit un gibet de 4 piliers de pierres et de 2 cannes de hauteur.

C2633 Correspondance avec l’Intendant 1776 Marseille Lettres de rémission demandées par un meurtrier

condamné au gibet (accordées le 21 sept. 1776) Fourches / Patibulaires / Fourches patibulaires

B392

Enquête sur les limites du territoire d’Avignon

1291 Avignon Le Montais

- Déposition de témoins attestant que les fourches patibulaires se dressaient sur le Montais - À ces fourches patibulaires ont été longtemps suspendus les cadavres des assassins de deux moines de Saint-André et plusieurs autres malfaiteurs condamnés par les juges municipaux

B1049 Enquête de Leopardus de Castellane

1333 Mosterio

Témoins interrogés sur le merum imperium de Mosterio. Ils rapportent que Boniface de Castellane, seigneur de la Foux (Fossis) et de Peyroules a fait dresser des fourches dans le territoire dudit Mosterii Alpibus. Le prieur du lieu, qui en est le seigneur, s’est opposé à l’établissement de ces fourches.

B1127 Procès criminels 1343-1346

Saint-Michel de Frigolet Roqueshautes

Accusation portée contre le seigneur de Boulbon pour avoir dressé des fourches patibulaires au pied de la montagne de Saint-Michel de Frigolet, au lieu-dit Roqueshautes, sur le territoire royal de Tarascon

B1373

Lettres et conventions relatives à la seigneurie du roi de Sicile, comte de Provence

1300 Gap Fare

Sentence arbitrale rendue par l’archevêque d’Embrun et l’évêque de Fréjus, entre Jean, fils du dauphin et comte de Gap, l’évêque et la communauté de Gap sur le consulat, les cavalcades, la juridiction du Lazer, les fourches élevées à la Fare, etc.

B1405 Jugements et statuts 1237-1307 Thorame-Haute Voleur condamné à être pendu aux fourches

patibulaires

B1591 Comptes des clavaires 1340-1341 Aix

- Frais engagés pour la réédification en pierre des fourches patibulaires de la ville d’Aix. Elles avaient été renversées par le vent. - mention d’un bourreau

B1593 Comptes des clavaires 1345-1346

Aix Puy-Ricard

- Le bourreau est payé pour la pendaison du meurtrier de 2 clercs. La pendaison se déroule aux fourches patibulaires de Puy-Ricard - Achat d’une échelle et de cordes

B1600 Compte des clavaires 1356-1357 Aix

- Le bourreau pend aux fourches patibulaires 3 voleurs, 1 homme et 1 femme coupables d’assassinat - Mentions de peines secondaires et d’un rituel judiciaire

B1838 Compte des clavaires 1336-1337 Draguignan Le bourreau est payé pour avoir pendu Raymond

Olive aux fourches

B1842 Compte des clavaires 1340-1341

Draguignan Tuilières

Réparation des fourches des Tuilières

B1940 Compte des clavaires 1330-1331 Marseille

Arenc - Les fourches patibulaires étaient dressées à Arenc et sur la plaine Saint-Michel

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Plaine de Saint-Michel

- Huguette Bormessa est pendue à Arenc et Pons Fournier l’est à la plaine Saint-Michel

B1957 Compte des clavaires 1484-1485

Marseille al Farot

- Le clavaire paye 12 fl. 6 gr. pour les fourches patibulaires élevées derrière Saint-Victor au lieu-dit al Farot - Pendaison d’Antoine de Montenac qui avait étranglé sa femme

B1963 Compte des clavaires 1503-1504

Marseille Haran (Aren)

- Le clavaire reçoit 2 poules pour les droits d’un chemin vieux, près et sous les fourches de Haran (Aren)

B3319 f°1

Arrêt de la cour du Parlement

28 août 1485 Aix

La Cour du Parlement attribue au juge des premiers appels la connaissance des crimes commis par les séducteurs de la jeunesse lenones, qui pullulent malgré les défenses sous peine des fourches

2G11 Chartrier du Chapitre Saint-Sauveur d’Aix

1246-1247 Aix Vente d’un ferrage près des fourches

2G18 Chartrier du Chapitre Saint-Sauveur d’Aix

1263-1265 Aix Vente d’un ferrage aux fourches d’Aix

Potence

B1046 Enquête de Leopardo da Foligno

1333 Barjols Deux cordes de potence (inventaire)

B1308 Cour des comptes 1578-1590 Marseille => place du palais

Criminels coupables de lèse-majesté, de sédition, d’attentat à la Couronne, de meurtre sur la personne d’un général et de rupture de ban sont condamnés à être pendus à la potence dressée sur la place du palais, puis démembrés et leur tête fichée sur une bigue

B1720 Comptes des clavaires 1465

Arles la Rode

- Une épouse meurtrière condamnée à être traînée sur une claie à la queue d’un âne […] et à être pendue à la potence de la Rode sur la chaussée du Rhône où passe la route de Tarascon - Détails des achats et des salaires pour l’exécution

B1752 Comptes des clavaires 1437-1438 Seyne

Le forgeron reçoit 4 s. cor. pour l’achat de fournitures (bois et fer) et la construction d’une potence élevée hors de la ville

B1857 Inventaire des biens 1366 Draguignan

(forteresse) Une grande corde de potence

B1890 Comptes des clavaires 1341 Forcalquier Une corde de potence

B1930 Comptes des clavaires 1505-1509 Hyères Achat d’un chevron de bois et d’une corde pour

la potence (2 gr.)

B2003 Comptes des clavaires 1341 Réauville Cordes pour la potence

B2885 Arrêts de justice 1717 Marseille - Un insolvable est condamné, entre autre, à être marqué au fer à la potence - Salaire du bourreau

B2906 Arrêts de justice 1740 Marseille Pour son crime de détournement de fonds, un criminel est condamné, entre autre, à être marqué au fer à la potence

B3287 Procès criminels 1617 Sisteron 2 condamnations à la potence

139E CC149 Comptes 1614-1615 Cassis

- Pendaison en effigie de trois sorciers - Frais de construction de la potence - Salaire du bourreau

139E FF1 Justice et police 1763 Cassis Condamnation à la potence d’un meurtrier

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Fig. 7b

L’un des premiers constats est la diversité des sources qui mentionnent des lieux de

pendaison. Dans cette liste, on remarque surtout que les comptes des clavaires tiennent une très

bonne place22, tout comme les inventaires et les enquêtes23, reléguant à l’heure actuelle les sources

d’archives judiciaires au second plan.

Pour l’étude des lieux de justice, l’importance des registres de comptabilité n’est plus à

démontrer : ils permettent en effet de mesurer la matérialité du droit de punir24. Entre l’achat de

cordes et d’échelles, le salaire du bourreau et des autres agents de la justice, ces sources

renseignent le coût de l’exécution25. En plus des frais de construction engagés (salaires des maîtres

d’œuvres et des ouvriers, achats des matériaux, etc.), les documents comptables amènent à

discuter la monumentalité des structures grâce aux matériaux employés (bois, pierre, mortier,

etc.), au nombre de piliers et à leur hauteur. Ils invitent également à différencier les structures

pérennes des structures temporaires, tout autant que les espaces situés intra muros et extra muros.

Ces points sont d’autant plus cruciaux qu’ils participent au rituel judiciaire et permettent de juger

22 Sur ces documents, voir : Bonnaud J.-L. (1997) : « Le processus d’élaboration et de validation des comptes de clavaire en Provence au XIVe siècle », dans Fianu K. & Guth D. J. (dir.) (1997) : Écrit et pouvoir dans les chancelleries médiévales : espace français, espace anglais, Louvain-la-Neuve, p. 241-253. 23 Il faudrait également coupler cette recherche avec une lecture approfondie des enquêtes médiévales publiées, en autre, sous la direction de Thierry Pécout. Voir, par exemple, Pécout T. & Hébert M. (éd.) (2013) : L’enquête générale de Leopardo da Foligno dans la viguerie de Draguignan (janvier-mars 1333), Paris. 24 Pour une étude de cas voir, par exemple, Vivas M. (2016) : « Les fourches patibulaires d’Écornebœuf dans les registres de comptabilité du Consulat de Périgueux (XIVe siècle) », dans Documents d’Archéologie et d’Histoire Périgourdines, 30, 173-180. 25 Dans le cadre du programme de recherche Des justices et des hommes, nous avons également répertorié les mentions de bourreaux. Voir également : Paradis B. (2002) : « De petits serviteurs de l’État : les bourreaux de Provence au XIVe siècle », dans P. Boglioni, R. Delort, C. Gauvard (dir.) (2002) : Le petit peuple dans l’Occident médiéval. Terminologies, perceptions, réalités, Paris, p. 311-322.

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l’évolution des structures de pendaison entre le Moyen Âge et l’Époque moderne. Il semblerait en

effet que les structures de pendaison se « spécialisent » aux alentours des XVe-XVIe siècles : la

potence construite ad hoc à l’intérieur de la ville sert à la pendaison (et à d’autres peines

complémentaires comme le marquage au fer), alors que les fourches patibulaires, pérennes et extra

muros, servent à l’exposition judiciaire du cadavre des criminels26.

Les enquêtes montrent également que les fourches patibulaires sont pour leur détenteur

(laïc ou ecclésiastique) le symbole d’un pouvoir et d’une autorité. Parce qu’elles marquent le

paysage, elles peuvent alors être l’objet de querelles à propos de limites de juridictions. Deux cas

recensés mériteraient ainsi d’être plus longuement étudiés, à savoir le conflit opposant le seigneur

de Foux et de Peyroules au prieur de Mosterii Alpibus (1333), et celui opposant le seigneur de

Boulbon au roi de France (1343-1346). La possession d’un lieu de haute justice se juge parfois

jusqu’aux armes apposées sur les structures de pendaison. Ainsi, par un acte du 6 août 1319, le

seigneur des Crots (Hautes-Alpes) est autorisé par son suzerain à dresser des fourches patibulaires

à ses armes27.

Si l’enquête n’en est qu’à ses débuts, ces quelques lignes témoignent toutefois de la

richesse des fonds d’archives provençaux. Les mentions recensées méritent donc une approche

historique plus poussée, mais également une confrontation avec les données de terrain, comme

pour les fourches patibulaires de Draguignan.

26 Cette hypothèse est issue des premiers travaux consacrés aux structures de pendaison en France médiévale et moderne. Elle reste encore à consolider ces prochaines années. 27 A.D. 38, B 2619. Cité dans Roman J. (1902) : « Monographie de la Commune des Crottes », dans Bulletin de la Société d’Études des Hautes-Alpes, 1 (1er trimestre), p. 193-209, p. 317-338, ici p. 201.

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Première étude de cas en Provence : les fourches patibulaires du Col de l’Ange

à Draguignan (XIVe-XVIIe siècles)28

Fig. 8

En 1389, date à laquelle les fourches patibulaires dracénoises apparaissent pour la première

fois dans les sources textuelles, Draguignan est une cité royale29. Elle est alors le siège d’une

viguerie rattachée à la sénéchaussée de Provence – le viguier y détient le droit de haute justice – et

les circonscriptions qui en dépendent sont connues grâce à une enquête générale menée en 133330.

À partir de 1535, l’administration de la justice et des finances est simplifiée par l’édit de

réformation de la justice. À cette date, Draguignan devient une sénéchaussée subalterne de la

grande sénéchaussée de Provence31. Si le découpage juridictionnel est important pour comprendre

le contexte, il faut surtout retenir que les fourches patibulaires de Draguignan sont le symbole de

la justice royale. Encore en élévation sur le Col de l’Ange, la structure n’avait jusqu’à aujourd’hui

jamais fait l’objet d’une réelle approche interdisciplinaire [fig. 8].

28 Cette troisième partie est la synthèse d’un article à paraître : Vivas M., Clairici C., Faure M. (à paraître 2018) : « Les fourches patibulaires médiévales et modernes de Draguignan », dans Vivas M. (dir.) (à paraître 2018) : (Re)lecture archéologique de la justice en Europe médiévale et moderne, Actes du colloque international et interdisciplinaire tenu à l’archéopôle d’Aquitaine les 8-10 février 2017, Pessac (éditions Ausonius, collection Scripta Mediævalia) 29 Les fourches patibulaires du col de l’Ange apparaissent dans les textes jusqu’en 1622. Ces textes sont pour la plupart des « pendants » ou registres de comptabilités des clavaires de Draguignan. 30 Pécout T. & Hébert M. (éd.) (2013) : op. cit. 31 Arnaud C. (1873) : Organisation administrative et judiciaire de la ville de Draguignan jusqu’à la réunion de la Provence à la France, Toulon.

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Fig.9

Fig. 10

Fig. 11a

Au XVIIIe siècle, la structure est symbolisée

par deux piliers et une poutre sur la carte de

Cassini [fig. 9] et, aujourd’hui, elle donne

encore son nom au quartier qui se situe sur la

colline. Bien que mentionnée à de nombreuses

reprises dans les sources d’archives, il faut

attendre 1946 pour que Raymond Boyer

s’intéresse à elle 32 . Si les sondages

archéologiques qu’il pilote au mois d’août sont

négatifs, le journal de fouille et les publications

qui font suite constituent une synthèse des

observations de terrain et d’une première étude

des textes médiévaux et modernes33. En 2001,

Charles Clairici et la Société d’Études

Scientifiques et Archéologiques de Draguignan

déboisent et nettoient le site 34. Par la même

occasion, un plan est réalisé par un architecte.

32 En 1930-1932, E. Boyer publie toutefois un article sur le quartier des Selves et mentionne les fourches patibulaires. Voir : Boyer E. (1930-1931) : « Le quartier rural des Selves. Commune de Draguignan », dans Bulletin de la Société d’Études Scientifiques et Archéologiques de Draguignan, 38, p. 5-23. 33 Boyer R. (1946) : Journal de fouilles, Service du Patrimoine et de l’Archéologie de la ville de Fréjus, Fonds Abbé Boyer, Chantier Les Fourches 1946 ; Id. (1948) : Les fourches patibulaires en France. Les fourches du quartier des Selves à Draguignan (Société d’études Scientifiques et Archéologiques de Draguignan, Mémoire LXXIV), Draguignan. 34 Nous remercions Charles Clairici pour son aide et sa disponibilité.

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Ces opérations visaient alors à constituer un dossier pour faire classer ou inscrire la structure

patibulaire au titre des Monuments Historiques, demande qui n’a toujours pas aboutie. Jusqu’en

2016, année de notre opération de terrain, le site est resté vierge d’investigation35. Après avoir

grossièrement dégagé le site de la végétation, nous avons effectué des observations d’archéologie

du bâti, réalisé des levés topographiques au GPS pour améliorer le plan, et multiplier les clichés

photographiques pour permettre une première restitution 3D de l’espace [fig. 10, 11a-b]36.

Fig. 11b

Les fourches patibulaires sont implantées sur une colline appelée Col de l’Ange ou Colline

du Beausseret. Culminant à environ 280 m d’altitude, elles dominent la ville de Draguignan située

à environ 4 kilomètres au nord-est [fig. 11b et 12]. La structure prend place au bord de voies de

communication rejoignant les

circonscriptions voisines de

Flayosc et de Lorgues. En

regardant de plus près les

registres des clavaires de

Draguignan, on s’aperçoit que

des fourches plus anciennes sont

utilisées en 1338 au lieu-dit Les

Tuillières, soit à environ 3

kilomètres au nord-est de Draguignan [fig. 12]. Elles sont alors qualifiées de fourches royales et

même réparées pour 8 sous et 8 deniers en 1340-134137. La construction de fourches patibulaires

35 Nous remercions ici Roger Quaranta, propriétaire du site, de nous avoir laissé accéder au site. 36 La photogrammétrie et la restitution 3D des fourches patibulaires de Draguignan ont été confiées à Marlène Faure, architecte DPLG rattachée au Laboratoire d’Archéologie Médiévale et Moderne en Méditerranée (LA3M). Les levés topographiques ont été gérés par Clément Coutelier (Ausonius, Univ. Bordeaux Montaigne) 37 A.D. 13, B 2 et B 1842.

Fig. 12

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au sud de la ville s’explique par la proximité de la viguerie de Lorgues38 et de la cité de Flayosc39.

En regardant de plus près la carte dite de Cassini, on remarque que ces deux villes sont encore

jouxtées par des fourches patibulaires au XVIIIe siècle [fig. 13] 40 . Ces trois structures de

pendaison marquent donc les limites de trois juridictions, et celle de Draguignan, avec ses neuf

piliers alignés et sa terrasse caladée marque de façon encore plus monumentale le paysage.

Fig. 13

Tous les piliers sont construits sur le même module : de plan rectangulaire d’environ 50 cm

par 65 cm de côté, ils sont alignés et séparés de 2 m [fig. 10]. La structure mesure donc 21 m de

long et se déployait au minimum sur 2,55 m de hauteur 41 . Les piliers s’ancrent sur un

soubassement de une à deux assises de pierres directement placées sur le substrat rocheux.

Le soubassement et les piliers sont construits en pierres calcaires très grossièrement équarries et

liées entre elles par un mortier à gros grain comportant des fragments de tuiles. Deux

appareillages se distinguent toutefois [fig. 14].

38 Un viguier est mentionné dans les archives en 1308. AD13, B 1096, f°97v°. Cité dans Pécout & Hébert (éd.) 2013, p. XXV, n.75. 39 La moitié de la justice de Flayosc appartient à l’évêque de Fréjus. Voir : Bresc H. (2010) : « Justice et société dans les domaines de l’évêque de Fréjus dans la première moitié du XIVe siècle », dans J.-P. Boyer & Pécout T. (dir.) (2010) : La Provence et Fréjus sous la première maison d’Anjou (1246-1382), Actes du colloque historique de Fréjus, 4-5 octobre 2008 organisé par la Société d’Histoire de Fréjus et l’association Connaissance du patrimoine de Fréjus, Aix-en-Provence, p. 19-35. 40 Charles Clairici a fait des prospections pédestres à Flayosc et à Lorgues et, bien que les toponymes de fourches et de fourques se trouvent encore sur le cadastre (voir fig. 1a et 1b), aucune structure n’est encore en élévation. 41 Le plus haut pilier aujourd’hui conservé (P5) présente en effet cette dimension.

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En partie basse des piliers, les modules de pierres sont petits et beiges, alors qu’en partie haute, ils

sont plus gros et de teintes grisées. On note également une différence de couleur de mortier ainsi

que des pierres rubéfiées en partie basse. Ce changement intervient sur chaque pilier à environ

1m60 / 1m70 et témoignerait d’une réparation/reconstruction des fourches à la suite d’un

incendie 42 . Au nord des neuf piliers, se déploie une plateforme grossièrement hémicyclique

d’environ 20 m par 10 m et d’une hauteur repérée sur 2,50 m [fig. 10, 11a-11b]. Directement

aménagée sur le substrat et à flanc de colline, la plateforme dévoile un parement non assisé

constitué de gros modules de pierres grises calcaires locales et une calade composée de pierres

calcaires locales [fig. 10, 15].

Fig. 15

42 L’historiographie ancienne rapporte qu’un délibéré municipal du 17 juin 1508 évoque les dépenses engagées pour l’achat de poutres et les réparations des fourches patibulaires. Cet acte n’a pas été retrouvé pour le moment. Nous profitons de cette note pour remercier Émilie Decuq pour son aide dans nos recherches ainsi que pour la transcription de quelques documents conservés aux archives départementales du Var.

Fig. 14

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Avec ses neuf piliers, la structure patibulaire permettait de pendre un minimum de huit

individus. Actuellement, nos recherches ont répertorié une quinzaine de pendaisons entre 1389 et

1630, peines qui peuvent s’accompagner de peines corporelles secondaires et/ou infamantes

(amputation du poing, essorillement, charrette de l’infamie, etc.) 43 . Si nous ne pouvons les

détailler ici, il faut toutefois retenir qu’elles se déroulent en public et participent ainsi à

l’exemplarité judiciaire 44. Elles punissent les hommes coupables de vol(s), de meurtre(s), de

viol(s) et de faux-témoignage(s)45. À partir du XVIe siècle, on note néanmoins que les criminels

sont pendus à un gibet sur la place du Marché intra muros, avant que leur cadavre ne soit porté

aux fourches patibulaires où ils sont exposés46. Placée sur une colline haute de 280 m environ, les

neuf piliers et la terrasse caladée facilitaient ainsi la visibilité des cadavres dans un rayon de

plusieurs kilomètres. Les dépouilles pouvaient alors se balancer sur un temps plus ou moins et,

lorsque la justice n’en avait plus cure, elles pouvaient choir en morceaux sur le sol, être dévorées

par les animaux ou enterrées sur place.

Grâce aux sources textuelles, aux images et aux fouilles archéologiques, on sait dorénavant

que les lieux d’exécution pouvaient fonctionner comme des lieux d’inhumation 47 . Si la

documentation écrite dracénoise reste à l’heure actuelle muette à ce sujet, l’historiographie

ancienne a interprété une cavité creusée à l’est de la calade comme une structure ayant reçu les

restes des pendus [fig. 10, 16]. Directement creusée dans le substrat rocheux, cette cavité mesure

70 cm sur 80 cm. En 1946, Raymond Boyer l’a faite déblayer et y a découvert dans une succession

de quatre « pièces », quelques ossements de faune et un fragment d’os humain (temporal droit).

Sous une « grosse pierre », les ouvriers employés ont mis au jour « l’orifice d’un puits, qui est très

régulier, à son orifice, et paraît bien avoir été creusé de main d’homme »48. Alors qu’il n’a pas été

fouillé, ce « puits » est interprété comme un espace où l’on jetait le cadavre des condamnés à

mort. Pour des raisons de sécurité, nous n’avons pu descendre dans cette cavité/grotte et le puits

reste donc toujours à fouiller.

43 Sur le recours à la pendaison au Moyen Âge, voir : Gauvard C. (1994) : « Pendre et dépendre à la fin du Moyen Âge : les exigences d’un rituel judiciaire », dans Chiffoleau J., Martines L., Paravicini Bagliani A. (éd.) (1994) : Rites et rituels dans les sociétés médiévales (XIIIe-XVIe siècles), Riti e rituali nelle società medievali, Erice, sept. 1990, Spolète, p. 5-25. 44 Castan Y. (1985) : « Exemplarité judiciaire, caution ou éveil des études sérielles », dans Histoire sociale, sensibilités collectives et mentalités. Mélanges Robert Mandrou, Paris, p. 51-59 ; Gauvard C. (2014) : « Le peuple et l’exécution capitale au Moyen Âge », dans Allinne J.-P., Gauvard C., Jean J.-P. (dir.) (2014) : Le peuple en justice (Histoire de la Justice, 24), Paris, p. 15-27. 45 Ces éléments seront détaillés dans : Vivas M., Clairici C., Faure M. (à paraître 2018), art. cit. 46 La même constatation a été faite pour le Périgord médiéval et moderne. Voir : Crola A. (2017) : op. cit. 47 Vivas M. (2014) : art. cit. ; Vivas M. (2016) : art. cit. 48 Boyer R. (1946) : op. cit.

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Fig. 16

Conclusion Centrées sur la Provence médiévale et moderne, ces quelques pages sont le résultat de

recherches démarrées il y a tout juste quelques mois. Sans conteste, elles gagnent à être étoffées

par des investigations plus larges dans la bibliographie, les archives publiques et privées ou même

sur le terrain. Les premiers résultats sont toutefois encourageants : en combinant différentes

approches (toponymie, archives, prospections, archéologie), plusieurs sites patibulaires se

dévoilent. Chacun renvoie à des questions posées très récemment par l’historiographie française.

Ainsi, au choix du lieu et du temps d’implantation de la structure, s’ajoutent des questions de

spécialisation (pendaison, marquage, inhumation, etc.), de fréquence d’utilisation, mais également

de statut et de symbolique. Il est vrai que les gibets, les potences et les fourches patibulaires

nourrissent une communication judiciaire et un discours politique indéniablement visuels49. Ces

éléments s’apprécient dans la monumentalité des fourches patibulaires de Draguignan : avec ses 9

piliers et sa terrasse caladée placés sur une colline, elles signalent aux yeux de tous les justiciables

que le roi est le seul détenteur de la justice sur ses terres. Bien que les investigations n’en soient

qu’à leur début, elles placent toutefois le site dracénois dans le champ des investigations

interdisciplinaires et européennes sur la peine de mort au Moyen Âge et à l’Époque moderne.

Espérons que les investigations archéologiques et les recherches en archives puissent se

poursuivre sur l’un des trois uniques sites patibulaires fouillés en France50.

49Dans une historiographie assez récente, on pourra se reporter aux réflexions contenues dans Bartholeyns G. (éd.) (2016) : Politiques visuelles, Actes du colloque tenu au musée du quai Branly le 18 janvier 2011, Dijon. 50 Les deux autres sont Écornebœuf en Dordogne et Château-la-Vallière en Indre-et-Loire. Pour la bibliographie, voir supra.

Page 20: Les structures de pendaison en Provence médiévale et moderne. … Terres urbaines. Places, jardins et terres incultes dans la ville au Moyen Âge, Rennes. N°39 – novembre 2017

N°39 – novembre 2017 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 20

Iconographie Fig. 1a : Toponymes rappelant d’anciens lieux de pendaison (Recensement réalisé à partir du

moteur de recherche de geoportail.com)

Fig. 1b : Carte des toponymes rappelant d’anciens lieux de pendaison (© M. Vivas)

Fig. 2 : Carte dite de Cassini – 136e et 125e feuilles – Lieu-dit Les Fourches à l’Ouest de Saint-

Pierre-Avez (Hautes-Alpes) (© cassini.ehess.fr)

Fig. 3 : Carte dite de Cassini – 154e feuille – Les fourches patibulaires de Lorgues (Var) (©

cassini.ehess.fr)

Fig. 4 : Carte dite de Cassini – 147e feuille – Justice d’Èze (Alpes-Martimes) (© cassini.ehess.fr)

Fig. 5 : Cadastre de 1835 – Saint-Paul-de-Vence – Section A (© A.D. 06, 25FI 128/1/A)

Fig. 6 : Fourches patibulaires de la Turbie (Alpes-Maritimes) (© F. Thurel, DRAC PACA, 1997,

n° 04063156ZA)

Fig. 7a : Tableau des mentions de gibets, de fourches patibulaires et de potences dans les Archives

des Bouches-du-Rhône (AD 13)

Fig. 7b : Carte des mentions de gibets, de fourches patibulaires et de potences dans les Archives

des Bouches-du-Rhône (AD 13) (© M. Vivas)

Fig. 8 : Draguignan (Var) – Fourches patibulaires – Restitution 3D – Piliers – Vue vers l’Est – (©

M. Vivas)

Fig. 9 : Carte dite de Cassini – 154e feuille – Les fourches patibulaires de Draguignan (Var) (©

cassini.ehess.fr)

Fig. 10 : Plan des fourches patibulaires de Draguignan (Var) (© M. Vivas)

Fig. 11a : Draguignan (Var) – Fourches patibulaires – Restitution 3D – – Vue vers le Sud-Est (©

M. Faure)

Fig. 11b : Draguignan (Var) – Fourches patibulaires – Restitution 3D – Vue vers le Nord-Est – En

fond, on repère la ville de Draguignan (© M. Faure)

Fig. 12 : Plan schématique de la ville de Draguignan et de son environnement au XIVe siècle (©

M. Vivas)

Fig. 13 : Carte dite de Cassini – 154e feuille – Les fourches patibulaires de Draguignan, de

Lorgues et de Flayosc (Var) – Les pointillés vers symbolisent grossièrement les limites de

juridictions (© cassini.ehess.fr)

Fig. 14 : Draguignan (Var) – Fourches patibulaires – Piliers – Vue vers le Nord (© M. Vivas)

Fig. 15 : Draguignan (Var) – Fourches patibulaires – Calade – Vue vers le Nord (© M. Vivas)

Fig. 16 : Draguignan (Var) - Fourches patibulaires - Cavité/grotte - Vue zénithale © M. Vivas)