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Studia NeophilologicaPublication details, including instructions forauthors and subscription information:http://www.tandfonline.com/loi/snec20

L'énigmatiqüe infinitifpersonnel en portugaisKnud TogebyPublished online: 21 Jul 2008.

To cite this article: Knud Togeby (1955) L'énigmatiqüe infinitif personnel enportugais, Studia Neophilologica, 27:2, 211-218, DOI: 10.1080/00393275508587122

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L'infinitif personnel en portugais n'est pas un phénomène uniquedans le monde des langues. En dehors des langues indo-européennes,on en trouve un en hongrois par exemple : hell vdrnom 'il faut quej'attende', conjugué selon la personne : vdrnod, vdrnia, vdrnunk, vdr-notek, vdrniok. A l'intérieur de la famille indo-européenne, il y en adans les dialectes de l'Inde, de la Grèce et de l'Italie, et le phéno-mène apparaît aussi dans l'histoire de la langue roumaine.

Sur la péninsule ibérique l'infinitif personnel ne se rencontre passeulement en portugais, mais aussi dans les langues voisines, le ga-licien et le mirandais, le dernier étant un sous-dialecte du dialecteespagnol du Léon.

MM. Holger Sten1 et Th. Maurer2 ont résumé les différentes théo-ries qu'on a proposées concernant l'origine de l'infinitif personnel.Elles peuvent être groupées sous trois chefs :

I. L'infinitif aurait reçu ses désinences personnelles.du futur du sub-jonctif avec lequel il coïncide aux i re et 3m e personnes du singulier.C'est la théorie la plus ancienne, soutenue par Diez, Meyer-Lübke,Zauner (1921)3 et Sester (ι928)*. Pour Zauner, c'est le parfait dusubjonctif latin qui est la source à la fois du futur du subjonctif etde l'infinitif personnel, bien qu'ils soient différents dans certains ver-bes : ouvermos, avermos.

II. L'infinitif remonterait à l'imparfait du subjonctif latin, qui s'estconfondu avec l'infinitif. Proposée pour la première fois en 1885 parWernecke5, la théorie a été fortement documentée par Gamillscheg

1 Holger Sten, Les particularités de la langue portugaise (Travaux du CercleLinguistique de Copenhague, II), Copenhague, 1944, p. 58-60.2 Theodoro Henrique Maurer Jr., Dois problemas da lingua portuguesa. — infinito pessoal e o pronome se. Sao Paulo, 1951, p. 9-11.

3 Zauner, Romanische Sprachwissenschaft, 1921.4 Sester, Der Infinitiv im Neuportugiesischen auf Grund der Werke von Eça

de Queiroz, 1928.5 H. Wernecke, Zur Syntax des portugiesischen Verbs, 1885.

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(1913)1 et José Maria Rodrigues (1914)2 et a été acceptée par Caro-lina Michaelis (1918)3, Harri Meier (1950)* et Holger Sten (1952)'.

III. L'infinitif personnel serait le résultat d'un développementspontané ayant son point de départ dans la construction de nominatif+ infinitif, surtout dans les cas où il y a un pronom sujet. Proposéepour la première fois en 1889 par Richard Otto6 (qui s'imagineque la désinence -mos de la i re personne du pluriel remonteraitdirectement à nos), et reprise par Carolina Michaelis en 18917 (quiy à préféré plus tard celle de Rodrigues), cette théorie a eu sonpartisan le plus éloquent en Th. Maurer (1951)8.

IV. Une quatrième théorie réunit les points de vue des théoriesI et III : c'est à cause de la confusion entre le futur du subjonctifet l'infinitif que les désinences personnelles ont été introduites dansles constructions nominatif+infinitif. Cette idée a été esquissée pourla première fois par Leite de Vasconcellos en 19009 et elle a étéformulée de façon expresse par Edouard Bourciez10 : quand la con-struction infinitive comportait un sujet de la première ou la de troi-sième personne, elle pouvait être interprétée comme personnelle àcause de sa coïncidence avec le futur du subjonctif. — C'est cettedernière théorie que nous allons soutenir ici, tout en admettant quel'imparfait du subjonctif a aussi été pour quelque chose dans la con-fusion en question.

La discussion a surtout porté sur les théories II et III. D'aprèsGamillscheg, l'imparfait du subjonctif a été conservé comme jussifen portugais (comme ailleurs en Romania) jusque vers 1250. Dansles propositions subordonnées sans ut dépendant d'expressions imper-sonnelles ou volitives, ses ire et 3me personnes ne se distinguaient

1 Ernst Gamillscheg: Studien zur Vorgeschichte einer romanischen Tempus-lehre. Wien 1913.

2 José Maria Rodrigues: O imperfeito do conjuntivo e o infinito pessoal noportuguês (Boletim de segunda clase. Academia das sciencias de Lisboa, VIII).

3 Boletim, XII.4 Harri Meier : A génese do infinito flexionado português (Boletim de Filo-

logia, XI, 1950, p. 115-32).5 Holger Sten: L'infinitivo impessoal et l'infinitivo pessoal en portugais

moderne (Boletim de Filologia, XIII, 1952, p. 4).6 Richard Otto: Der portugiesische Infinitiv bei Camôes (RF, VI, 2, 1889).7 Carolina Michaelis: Der portugiesische Infinitiv (RF, VII, 1891).8 o.c.9 Leite de Vasconcellos: Estudos de Philologia. Mirandesa I, Lisboa, 1900,

Ρ· 373-74.10 Edouard Bourciez: Eléments de linguistique romane4, §363, note.

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pas de l'infinitif : Mon. Port. a. 1041 et mandavit illa comitissa in-quietare ipsa ecclesia. De même, dans placuit vindere, on pouvait avoiraffaire à un infinitif ou à un imparfait du subjonctif, cf. placuit vin-deremus. Par conséquent on a pu introduire les désinences person-nelles dans d'autres cas aussi, comme le montrent les textes latinsdu Portugal : Mon. Port. a. 1004 et intrarunt in plácito testimonalepro in tertio die datent testes.

A l'appui de sa thèse, M. Gamillscheg donne une longue série d'ex-emples d'imparfaits du subjonctif en ancien portugais. Dans certainscas, on ne peut pas les distinguer du futur du subjonctif : hec est notitiade partiçon . . . das eygreigas que forum de nossu padre e de nossa madreen esta maneira que : Rodrigo Sanchis ficar por sa partiçon na quintado couto de F . « . . . R. S. soll auf dem Landhause des Besitzes vonV. als seinem Anteil verbleiben ». Mais dans les cas des verbes irré-guliers, il n'y a pas de doute : a. 1189 e quem non ouver porco, dargallina « . . . der soll eine Henne geben», a. 1211 establecemos que,se . . . os padres fezerem treyrom . . . taaes filhos non aiam os beens dopadre mais todos os beens do padre condanpnado nos os avermos com-pridamente se outros hereeos ou propincuos nom ouverem tirados « . . .dass wenn die Väter Verrat begehen, solche Söhne die Güter ihresVaters nicht besitzen sollen; sondern allen Besitz des verurteiltenVaters, das sollen wir insgesamt erhalten, wenn nicht andere Erbenoder Verwandte da sind ».

Il n'est peut-être pas superflu de souligner que M. Gamillschegne veut pas dire que l'infinitif personnel remonte directement à l'im-parfait du subjonctif latin, c'est pour lui une forme mixte qui contientdes parts égales d'infinitif et d'imparfait du subjonctif.

Tandis que M. Gamillscheg est d'avis que les exemples d'impar-fait du subjonctif ne se rencontrent plus après 1250, Rodrigues vabeaucoup plus loin, en soutenant qu'il y en a eu en portugaisjusqu'aux XVe et xvie siècles : Joâo de Barros : pera que segundo aqualidade da cousa assi fazer a estima délia; Fernäo Lopes : Mandavael Rei, que . . . que os assi gaanharem.

M. Harri Meier donne d'autres exemples à l'appui de cette der-nière théorie, par exemple du xvie siècle : Mas a esto nom mimguavaquem rresponder muitas razōes, culpando-o (lat. qui responderet). Il faitremarquer que la forme est souvent coordonnée à un subjonctif en-ss- : Mandou que fossun duas borssas, huma en Lixboa, et outra no

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Porto, et teerem carrego de teer estas borssas aqueles . . . I l pense ,comme Gamillscheg, qu'il y a eu «confusion entre les constructionsinfinitives et les propositions sans ut : senātus decrevit, dare(nt) operāmcónsules — convenu pandere(nt), de même que dans les phrases oùquia et quod ne se distinguaient plus : nescio quid facerem > näo seique fazer.

Mais par opposition à ses deux prédécesseurs, M. Meier admetque le futur du subjonctif y a également été pour quelque chose.Son sens était varié, il se rapportait tantôt au présent, tantôt au par-fait, tantôt au futur, et par sa confusion avec l'imparfait du sub-jonctif il s'est créé une forme temporelle indifférente qui se prêtaitparticulièrement bien à la confusion syntaxique avec l'infinitif.

Dans sa critique de cette théorie, M. Maurer s'en prend avanttout aux exemples des XVe et xvie siècles cités par Rodrigues, et mon-tre que les prétendus imparfaits du subjonctif n'apparaissent_ guèreque là où l'infinitif personnel aurait été également de mise. En effet,on le rencontre toujours après que, mais jamais immédiatement aprèsque : mpera que poderem, il y a toujours une certaine distance entrela conjonction et la forme verbale, intervalle rempli le plus souventpar un subjonctif en -ss- : Joāo de Barros : pera que emquanto elefosse poderem comprar alguas cotisas. Pour lui, c'est simplement uninfinitif personnel, employé comme variante stylistique du subjonctifen -ss-, construction qui a été une sorte de manie chez les auteursde la Renaissance. Il est significatif qu'il n'y a trace de la construc-tion au XIVe siècle.

Mais M. Maurer fait aussi la critique de la théorie de l'imparfaitdu subjonctif en général, critique assez injuste, surtout si l'on penseà l'exposé de M. Gamillscheg. Evidemment M. Maurer a raison dedire que les exemples latins ne prouvent rien (mais Gamillscheg ditexpressément qu'on en trouve partout en Romania). Mais quand ilsouligne que « l'imparfait du subjonctif » portugais n'a pas les mêmesemplois que celui du latin, et qu'il correspond souvent à un présentdu subjonctif, il ne fait que répéter ce que dit M. Gamillscheg toutau long de son exposé. Son objection la plus importante concernela construction placuit nobis (ut) facer emus dont il montre qu'elle n'apas été continuée en portugais. La cause profonde de l'injustice dela polémique de M. Maurer est qu'il attaque un adversaire imagi-naire qui aurait exprimé l'opinion que l'infinitif personnel remonte-

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rait directement à l'imparfait du subjonctif latin et à lui seul, tandisqu'en réalité et Gamillscheg et Rodrigues parlent d'une confusionavec l'infinitif impersonnel.

M. Maurer soutient lui-même là thèse du développement spontanésous sa forme la plus pure. Il pense même qu'il n'est pas néces-saire de chercher des formes verbales personnelles avec lesquellesl'infinitif se serait confondu : « nao eremos particularmente necessáriobuscar formas verbais finitas iguais ao infinito, para justificar a trans-ferencia da flexâo a este1. »

Une critique définitive des trois théories en question doit avoirpour base une comparaison entre les évolutions des différentes lan-gues romanes :

I. Si l'infinitif personnel est le résultat d'une confusion entre lefutur du subjonctif et l'infinitif, pourquoi n'a-t-on pas eu une formeanalogue en italien, où les conditions étaient les mêmes? En effet,jusque vers les Xie-xiv* siècles, on avait en italien une forme poten-tielle remontant à la fois au futur antérieur, au. parfait du subjonctifet à l'imparfait du subjonctif : dicit quod habuerit > dice cod avère 'ildit qu'il va avoir', dixit quod haber et > disse cod avère 'il a dit qu'il a', etc.

II. Si l'infinitif personnel est sorti de la confusion entre l'imparfaitdu subjonctif et l'infinitif, pourquoi n'en a-t-on pas aussi en espa-gnol (et en italien)? Il est intéressant de voir que M. Gamillscheg2

expose en effet sa théorie, comme s'il s'agissait d'une évolution com-mune à l'espagnol et au portugais. Or, ses matériaux espagnols seréduisent à deux exemples. Un cas d'infinitif personnel en latin d'Es-pagne : Valpuesta a. 1066 et ista nicil non remansit devitus pro darees contra tibi M. abba « und so ist nichts übriggeblieben zum Zahlenzu deinen Ungunsten, Abt M. », où M. Gamillscheg interprète darees comme dares. Et un seul cas d'infinitif personnel dans la languepopulaire : por mataren al bon rey fezioron ermandat 'um den Königzu töten, schlössen sie Gemeinschaft'. Mais c'est un exemple em-prunté à l'ancien léonais dont le sous-dialecte le mirandais possèdeencore de nos jours un infinitif personnel.

III. Si enfin on veut considérer l'infinitif personnel comme l'abou-tissement d'une évolution spontanée, ayant son point de départ dansla construction nominatif + infinitif, la même question s'impose : pour-

1 Th. Maurer, 39.2 Gamillscheg, 269-78.

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quoi n'a-t-on pas eu une évolution analogue en espagnol, qui possèdela même construction : h hice sin saberlo éll M. Maurer1 cherche àexpliquer cette différence par le fait que le tour en question seraitmoins répandu en espagnol qu'en portugais, qu'il y serait né à dateplus tardive (il n'apparaîtrait pas dans le Cid). Mais faire d'unetelle petite différence de degré, très discutable même, la cause d'uneinnovation aussi capitale que l'infinitif personnel, c'est vraiment faired'une mouche un éléphant.

Non, pour expliquer l'origine de l'infinitif personnel, il n'y a au-cune des trois théories qui suffise à elle seule. Ce n'est qu'ensembleque les trois facteurs ont pu opérer la création sensationnelle. Lepoint de départ capital est, comme toujours dans l'histoire de l'infi-nitif, sa confusion avec le verbe personnel, avec le futur du subjonctifou avec l'imparfait du subjonctif, ou plutôt avec les deux. Le futurdu subjonctif (avec lequel s'est confondu probablement l'imparfaitdu subjonctif) a en portugais les formes suivantes : cantar, cantares,cantar, cantarmos, cantardes, cantarem, et coïncide donc aux iè re et 3 m e

personnes du singulier avec l'infinitif. La différence décisive entre leportugais et l'espagnol est que cette confusion ne s'est pas produiteen espagnol où le futur du subjonctif se conjugue ainsi : cantare,cantares, cantare, et où, par conséquent, aucune porte n'a été ouverteà l'infinitif personnel qui attendait dans la construction nominatif+infinitif.

La chute en portugais de la voyelle finale -e dans le futur dusubjonctif apparaît dès les plus anciens textes portugais à côté de ladésinence -e en espagnol2. Il faut probablement y voir une consé-quence de ce que les voyelles finales sont en général plus faibles enportugais qu'en espagnol, trait caractéristique de la langue portugaised'après Bourciez3.

Il faut souligner que ce n'est pas dans tous les verbes que lefutur du subjonctif se confond avec l'infinitif, ce n'est pas le casdans les verbes forts : infinitif haver, havermos, futur du subjonctifhouver, houvermos. C'est là un argument en faveur de la théorie del'importance de l'imparfait du subjonctif, dont les formes ont dûêtre : haver, havermos.

1 Th. Maurer, 36.2 Gamillscheg, 280.3 Edouard Bourciez, Eléments de linguistique romane3, Paris 1930, p. 404.

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Cette théorie ne devient donc pas superflue. Premièrement parceque ses formes entrent probablement dans celles du futur du sub-jonctif tant en portugais qu'en espagnol. Deuxièmement parce queles types d'emploi permettant la confusion syntaxique avec l'infinitifcorrespondent le mieux à ceux de l'imparfait du subjonctif.

Une fois que la confusion phonétique, sémantique et syntaxiques'est produite, il y a d'autres influences qui orientent la direction del'évolution. Si en italien la forme subjonctive disparaît sans laisserde traces, tandis qu'en portugais elle transmet ses désinences per-sonnelles à l'infinitif, c'est qu'il y avait dans les langues ibéro-romanesdes conditions particulièrement favorables à la création d'un infinitifpersonnel parce qu'on y connaissait déjà la construction d'un infinitifavec un sujet.

Il faut d'abord souligner que la construction nominatif + infinitifest un trait spécifique des dialectes ibéro-romans. Maurer1 cite quel-ques exemples douteux de l'ancien italien et de l'ancien roumain,mais il les caractérise lui-même comme sporadiques et obsolètes. Enportugais, par contre, de même qu'en espagnol, il y en a en abon-dance : Ao subir o paño, O facto de eu ser seu filho, Com que di-reito me recusa o ficar eu consigo etc.2 On voit que l'infinitif peutmême être muni de l'article défini.

On peut maintenant se demander pourquoi cette construction n'aété créée qu'en portugais et en espagnol, à l'exclusion de toutes lesautres langues romanes. Il serait naturel d'en chercher la cause dansce que ces deux langues ont historiquement en commun, à savoir lesubstrat ibérique. Si l'on a le droit de considérer le basque commela survivance moderne de ce substrat, on constate que cette languecontient en effet des constructions qui auraient pu servir de modèle àcelle des dialectes ibéro-romans.

Le basque3 n'a que deux verbes personnels, 'avoir' et 'être', dontla conjugaison comporte plusieurs modes et temps, et dans lesquelssont toujours exprimés un sujet, un objet direct et un object indi-rect, correspondant à nos pronoms : det 'je l'ai', dezu 'tu l'as', du'il dit 'il me l'a', etc., da 'il est', zat 'il m'est', zayo 'il lui est',etc. Toutes les autres notions verbales apparaissent sous la forme de

1 Maurer, 34-35.2 Holger Sten, Accusatif + infinitif et nominatif'+ infinitif (Boletim de Filo-

logia, XII, 1951, p. 53-56).3 W. J. van Eys, Essai de grammaire de la langue basque. Amsterdam, 1867.

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noms verbaux, donc une sorte d'infinitifs, qui, au locatif, s'ajoutentaux verbes auxiliaires : ikusten det 'je l'ai en vue', c'est-à-dire 'je levois', egin dezu 'tu l'as en faire', c'est-à-dire 'tu l'as fait'.

Une opposition entre un nominatif et un accusatif, comme il yen a dans les langues indo-européennes, n'existe pas en basque, oùl'on trouve par contre un cas patient et un cas agent ou actif. Lepatient sert de sujet au verbe intransitif et d'objet au verbe transitif,sa forme est le thème même du substantif : jotzen det chacurra 'dansbattre je l'ai le chien', soit 'je bats le chien'. Celui qui exécute uneaction est exprimé par l'actif, qui se termine en -k, que ce soit lesujet d'un verbe transitif ou le complément indirect d'un verbe in-transitif : zuk egin dezu '(par) toi en faire tu l'as', soit 'tu l'as fait',nihork etzuen ezagutzen 'personne ne l'a appris'.

Il me paraît que dans cette construction ergative du basque onentrevoit un modèle possible du tour nominatif + infinitif dans leslangues ibéro-romanes, tour qui a formé le terrain favorable à lacréation d'un infinitif personnel, au moment où l'infinitif, comme enportugais, se confondait avec une forme du verbe personnel.

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