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20 Espaces naturels n° 38 avril 2012 L’Atlas européen de la biodiversité des sols (dont la carte ci-dessus est extraite) est paru fin 2010. La Commission européenne a souhaité y cartographier les atteintes à la biodiversité des sols des États membres, notamment pour appuyer le projet de directive Sol (cf. p. 26). Plusieurs facteurs de pression ont été pris en compte: changement d’affectation des terres, perturbation de l’habitat, exploitation humaine intensive, apparition d’espèces invasives, tassement du sol, érosion, pollution, etc. Les 128 pages ont été rédigées par des spécialistes internationaux, au fait des dernières conclusions Map of soil biodiversity potential threats, in European atlas of soil biodiversity, European L’état des lieux Biodiversité des sols La carte ci-dessus laisse apparaître l’état de la biodiversité des sols en Europe (source Commission européenne). L’atteinte à la biodiversité est marquée par des couleurs de plus en plus denses. Le noir correspondant à des aires urbaines, le blanc à des zones non étudiées. LE D Le sol est UN HABITAT

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20 Espaces naturels n° 38 avril 2012

L’Atlas européen de la biodiversité des sols (dont la carteci-dessus est extraite) est paru fin 2010. La Commissioneuropéenne a souhaité y cartographier les atteintes à labiodiversité des sols des États membres, notamment pourappuyer le projet de directive Sol (cf. p. 26). Plusieursfacteurs de pression ont été pris en compte : changementd’affectation des terres, perturbation de l’habitat,exploitation humaine intensive, apparition d’espècesinvasives, tassement du sol, érosion, pollution, etc. Les128 pages ont été rédigées par des spécialistesinternationaux, au fait des dernières conclusions

Map of soil biodiversity potential threats, in European atlas of soil biodiversity, European commission

L’étatdeslieux

Biodiversité des solsLa carte ci-dessus laisseapparaître l’état de labiodiversité des sols enEurope (sourceCommission européenne).L’atteinte à la biodiversitéest marquée par descouleurs de plus en plusdenses. Le noircorrespondant à des airesurbaines, le blanc à deszones non étudiées.

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Le sol est vUN HABITAT À

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Nous consommons de l’espace. Beaucoup. De plusen plus. Les sols, les « bons », disparaissent et lapression risque fort de s’accentuer. En effet, les

villes s’implantent dans les zones de limons et les besoinsalimentaires à satisfaire conduisent à la déforestation.Quant aux intérêts économiques, ils accompagnent lemouvement : un terrain qui devient constructible voit savaleur centupler.Limiter notre appétit d’espace constitue l’enjeu de ce siè-cle. Les sols sont un patrimoine dont l’origine remonteaux glaciations et toute l’agriculture du monde prend ra-cine sur quelques dizaines de centimètres d’épaisseur. Ilfaudra bien continuer à nourrir l’humanité…C’est pourquoi la consommation d’espace doit égalementse réfléchir en profondeur. Même en plaine, un sol dénudépeut perdre un millimètre par an quand sa vitesse de for-mation se compte en centièmes de millimètre.La question des couverts agricoles, de l’aménagement duterritoire, des retenues… et plus globalement de la conser-vation des sols est d’autant plus essentielle qu’ils sont aucœur des grands cycles chimiques et biochimiques. Qu’ils’agisse du carbone, du phosphore ou du cycle de l’eau,les sols et la vie qu’ils abritent en sont les acteurs si-lencieux et incontournables.Le chantier de la connaissance est ouvert, il va consti-tuer une des grandes aventures de ce siècle. Qui sont cesorganismes qui vivent dans le sol ? Quel rôle ont-ils lesuns par rapport aux autres ? Qu’est-ce qui les fragilise ?On imagine qu’ils ont de fortes capacités de résilience(une bactérie se reproduit toutes les vingt minutes) maistout est à découvrir et la préservation de la biodiversitédes sols doit devenir une préoccupation au même titreque la faune ou la flore, l’air ou l’eau.Du même coup, la question du statut juridique du sols’invite au débat. Est-il réaliste qu’il demeure un bienprivé, dont chaque propriétaire peut user et abuser ?Ne faudrait-il pas le considérer comme un bien commundont la possession induit des devoirs et des servitudes en-vironnementales ?Certes, la stratégie nationale pour la biodiversité faitun lien, fort, entre sol et biodiversité. Il serait oppor-tun d’aller plus loin et d’appréhender la gestion intégréede l’eau, des sols et de la biodiversité comme un touten interaction.La mobilisation politique autour des sols et de leurgestion est encore une longue marche… ●Bernard Chevassus-au-LouisInspecteur général à l’[email protected]

La longue marcheSOMMAIRE21 La longue marche

22 Le sol : bien commun primordial

23 La face cachée de la biodiversité

25 Les paléosols, éléments remarquables du sous-sol

26 Le sol : un indicateur à notre portée

Zoom : à quand la directive Sol ?

28 Le bois raméal fragmenté pour enrichir des sols littoraux

29 Le substrat des friches minières favorise les espèces remarquables

30 Agriculteurs ou gestionnaires ?Deux visions du sol

Yves François. « Eux et nous : les mêmes indicateurs »

31 Goûtez le sol !

32 L’étude de l’ADN pour inventorier la biodiversité d’un sol

Antonio Bispo. Un sol est-il capable de se reconstituer seul ?

33 La biodiversité de la faune du sol

Pédologue, un travail de terrain peu connu

ty, European commission, 2010.

scientifiques, dans un langage accessible au grand public,souvent peu sensibilisé à ces sujets.Les résultats montrent que le risque de déclin de labiodiversité des sols est accentué dans les zonesdensément peuplées ou d’agriculture intensive. Lesrégions les plus touchées se concentrent au Royaume-Uni(sur l’ensemble de son territoire à l’exception del’extrémité nord), dans les pays du Benelux et dans le nordde la France. L’atlas est en libre téléchargement sur le sitede la Commission européenne. ●http://mic.fr/1i

Dossier préparé par Adeline Destombes, Anne Douard et Naïk FauconDOSSIER

t vivantAT À PROTÉGER

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LE DOSSIER I LE SOL EST VIVANT : UN HABITAT À PROTÉGER

moins actives (dénomméesmull, moder ou mor). Ellesconstituent des indicateursqui nous renseignent sur laproductivité des forêts maisaussi, plus globalement, surl’état de santé de l’écosystèmeforestier.

Gestion. La place des solsdans l’aménagement des ter-ritoires fonde un cadre de ré-flexion dont l’enjeu est demaintenir des sols fonction-nels, donc vivants. Pour lespédologues, l’objectif viserapar exemple à maintenir uneépaisseur de sol meuble pros-pectable par les racines en fa-vorisant le travail des versde terre. Ils tiendront comptede l’usage des sols (agricole,forestier, espace vert…) etchercheront à éviter les pertesirréversibles pour le bon fonc-tionnement des écosystèmes.Cette gestion précautionneuseest la seule susceptible de ga-rantir la pérennité de ce biencommun indispensable à lasurvie de l’humanité. ●Jean-Jacques [email protected]

1. Millenium EcosystemAssessment, Ecosystems andHuman Well-being : a Framework for Assessment.Island Press, 2005, 245 p.2. L’humus sous toutes sesformes. Guide dereconnaissance illustré.B. Jabiol, A. Brêthes, J.F. Ponge, F. Toutain, J.J. Brun, 2007, AgroParisTec-Engref Eds., 70 p.

Lent à se créer, le sol estfacilement dégradable.Le sol ? Mais de quoi

parle-t-on exactement? Cettemince pellicule de matièremeuble a été édifiée à la sur-face de la Terre par divers pro-cessus d’altération des rochespréexistantes. Elle met quel-ques centaines, parfois desmilliers d’années, à se consti-tuer. Une vie végétale et ani-male s’y déploie, favorisantl’apport et le mélange des ma-tières organiques avec les élé-ments minéraux et consti-tuant des structures danslesquelles ces éléments peu-vent s’imbriquer.Appelées agrégats, les entitésainsi créées sont observablesaussi bien à la surface du sol(sur la litière d’un sol fores-tier…) qu’en profondeur (surun profil de sol ou une mottede terre dans un champ…).La qualité et la fertilité d’unsol sont liées à l’abondance età la diversité de ces agrégats.

Vite dégradables. Mais, si cesagrégats disparaissent, les solssont vite dégradés. Il en estainsi quand la végétation fo-restière a été retirée sans pré-caution ou lorsque, dans leschamps, l’apport de matièresorganiques est trop faible. Lamême situation se produitsi les sols sont abusivementtassés ou pollués par des subs-tances agressives pour les or-ganismes vivants indispensa-bles à leur fonctionnement.À court terme, le sol est uneressource renouvelable dansses processus de minéralisa-tion et d’humification, maisce n’est pas le cas à l’échellede sa genèse et de son évo-lution à long terme. Aussi,l’impérieuse nécessité de leprotéger s’impose. D’autant

Le sol : bien commun primordialREGARD D’EXPERT

Le sol. Une mince pellicule de matière meuble édifiée à la surface de la Terre. Il produit desservices écologiques indispensables à la survie de l’humanité. Il est aussi facilement dégradable.

Nostoc (bactérie primitive)collecté sur un chemin dematériaux calcaires et riches enmétaux, sur le bord du canal deNeufossé (Renescure, Nord).

que les sols favorables à la culture ne représentent que22 % des terres émergées et,que, dans le monde, ce sont12 à 16 millions d’hectaresqui sont perdus par l’urbani-sation et l’érosion sous toutesses formes.

Au service de l’humanité. Lesol produit des services éco-logiques indispensables à lasurvie de l’humanité, nous ré-vèle le Millenium EcosystemAssessment1 en 2005. Cetterecherche distingue les ser-vices d’auto-entretien (consti-tution des sols, développe-ment du cycle nutritionnel,production primaire), d’ap-provisionnement (nourriture,matériaux de construction),de régulation (régulation duclimat, des inondations, de laqualité de l’eau) et la dimen-

sion culturelle (le terroir, laterre des ancêtres, le symboledes fécondités, de la vie hum-ble et cachée).Le service le plus facilementobservable constitue le recy-clage des matières organiquesdans les sols forestiers. Les li-tières de feuilles ou d’aiguillessont formées de résidus orga-niques présentant des degrésde fragmentation et de dé-composition variables. Appeléehumus, cette entreprise de dé-mantèlement des résidus estle résultat de l’intense tra-vail caché des nombreuxagents biologiques (animaux,bactéries, champignons). Ellepermet la vie de la forêt et laproduction du bois.Avec un peu d’entraînement,il est possible de distinguerles principales formes d’hu-mus2, des plus actives aux

CC by Lamiot

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Par leur richesse,les solsconstituent unréservoir denouvellesmolécules pourla médecine.

La face cachée de la biodiversitéLe sol n’est pas un support inerte. Il est fait de vie autant que de matière. Le sol est un des plusgrands réservoirs de biodiversité de la planète.

Plus du quart de toutesles espèces connues vi-vent sous nos pieds. Le

sol est fait de vie autant quede matière. Du reste, le nom-bre d’espèces et la densité desorganismes qui y vivent at-teignent des niveaux très su-périeurs à ceux observés ensurface. Ainsi, un gramme desol contient quelques mil-liards de cellules bactérienneset des centaines de mètres defilaments mycéliens. Le sold’une prairie n’abrite pasmoins de 260 millions d’in-vertébrés au m2. En zonetempérée par exemple, la bio-masse bactérienne représenteune à deux tonnes par hec-tare. Quant aux sols des ré-gions tropicales, ils abritentcinq fois plus d’espèces d’in-sectes que la canopée.

Et l’exploration ne fait quecommencer. En effet, à cejour plus de 95% des espècesvivant dans le sol n’ont pasencore été décrites. Chez lesvers de terre, 3 300 espècessont connues et l’on sait qu’ilen reste au moins autant à dé-couvrir. 25000 espèces d’aca-riens ont été décrites, ce quireprésente à peine 3% du to-tal estimé. Quant aux bacté-

ries du sol, une grande majo-rité des taxons reste encoreméconnue.

Hotspot microbienHétérogène, le milieu est com-posé de fragments issus de ladégradation des roches et dematière organique. Entre lesparticules du sol, des poresremplis d’air ou d’eau formentdes « îles » où la vie est pos-

SERVICES ASSURÉS RÔLE DES ORGANISMES DU SOL

Production de nourriture

Décomposition dans le sol de 60 à 90 % de labiomasse végétale et recyclage des nutriments •Amélioration de la fertilité globale du sol • Aérationdu sol

Qualité de l’eauStabilisation de la structure du sol : limite leruissellement et l’érosion • Dégradation de polluantspar les enzymes et métabolites des organismes

Hydrologie et protection contre les inondations

Augmentation de la porosité et influence sur larétention de l’eau

Pollinisation Phase larvaire dans le sol de nombreux insectespollinisateurs

Séquestration du carboneStabilisation de la matière organique • Stockage de1 500 gigatonnes de carbone organique dans les sols(5 fois ce qui est stocké dans la biomasse forestière)

Régulation des émissions de gaz à effet de serre etcycles biogéochimiques

Maintien d’un équilibre entre nutriments • Fixationde l’azote

Régulation des pathogènes pour l’Homme, les animaux ou les plantes

Contrôle biologique des pathogènes et parasites •Augmentation de la résistance des plantes-hôtes

Services écosystémiques de la biodiversité des sols

sible. Ces nombreux plis et an-fractuosités façonnent unesurface de colonisation pourla vie qui, elle-même, démul-tiplie les possibilités et favorisela diversité. Ainsi, des coléop-tères découpent les végétaux,sur lesquels se nourrissent desacariens. Dans leurs déjectionspoussent des champignons surlesquels se développent des bactéries…

€C’est, en euros, la valeuréconomique allouée auxactivités de recyclage dessols. L’ensemble de la valeurdes services écosystémiquesassurés par la biodiversitédu sol est, elle, estimée àplus de 1 160 milliardsd’euros/an dans le monde. ●

En chiffre500 milliards

CC-by Michel Vuijlsteke-SA

CC-by Silent Silk-NCUn collembole, Orchesella cincta.

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LE DOSSIER I LE SOL EST VIVANT : UN HABITAT À PROTÉGER

Soumis à l’influence des êtresvivants, certains comparti-ments de sol sont de vérita-bles hotspots microbiens : larhizosphère, zone autour desracines ; la détritusphère,zone de contact avec les dé-bris organiques ; ou encore ladrilosphère, à savoir l’espaceenrichi par l’activité des versde terre.

Biodiversité activeLe sol est la pièce maîtressedes grands cycles biogéochi-miques (carbone, azote…)dans les écosystèmes terres-tres. Il permet les échangesgazeux, liquides et de parti-cules entre l’air, la terre et lesêtres vivants. La plupart desprocessus élémentaires quidonnent au sol ses fonctionssont assurés par la faune et lamicroflore.Les habitants du sol creusent,découpent, digèrent, trans-forment la matière. Petitsmammifères, insectes, vers,champignons et bactéries ont,chacun, selon leurs compé-tences, des rôles complé-mentaires.Les organismes vivants, in-génieurs et recycleurs, main-tiennent la structure du sol,en régulent la chimie, in-fluencent la fertilité et parti-cipent à la régulation du cy-cle de l’eau.

Les moins connusPourtant, bien qu’essentiels,les sols restent certainementparmi les écosystèmes les pluscomplexes et les moins bienconnus de la planète. Les mé-canismes sous-jacents sontloin d’être complètement dé-cryptés par les scientifiques.Les travaux et les expérimen-tations sur les liens entre bio-diversité et fonctionnementdes sols ne permettent pas en-core de répondre à toutes lesquestions.Dans une communauté bac-térienne, quelques espècesseulement sont numérique-ment dominantes alors quetoutes les autres n’ont qu’unnombre limité de représen-tants. Mais le rôle des espècesminoritaires fait toujourscontroverse.

Qualité ou quantité ?Plusieurs approches de la bio-diversité des sols se côtoientsans être incompatibles.Certains chercheurs consi-dèrent que la bonne santé d’unsol se mesure par sa biomasse.Pour les évaluations ou lesopérations de restauration, ilconviendrait donc de ciblerquelques groupes fonctionnelsmajoritaires. D’autres expertss’intéressent à la diversité, à lanature des assemblages d’es-pèces et aux potentiels d’évo-

cules, dépassant largement cequi pourrait être synthétisé.C’est une source d’innovationpour la médecine, les procé-dés industriels et pour opti-miser la production agricole.Identifié en 1928, le plus cé-lèbre des médicaments, la pé-nicilline, provient d’un cham-pignon du sol. Aujourd’hui,70 % des antibiotiques pré-sents sur le marché sont is-sus de bactéries du sol.Certaines enzymes identifiéeschez des micro-organismesentrent dans des procédés in-dustriels. Inspirées par le gé-nie naturel, des entreprisesont développé ces technolo-gies, par exemple l’industriedu papier ou l’extraction mi-nière (cuivre, or…).En agriculture, l’inoculationavec des champignons ou desbactéries favorables auxplantes, a montré ses effetspositifs sur la croissance et ledéveloppement de certainesespèces cultivées. La capacitédes micro-organismes à mé-taboliser toutes sortes decomposés, y compris les plustoxiques, est utilisée par l’in-génierie écologique.Plusieurs espèces bactériennescapables de dégrader le pétroleont déjà été décrites. D’autrespeuvent traiter des polluantscomme les pesticides ou lesmétaux lourds retrouvés enabondance aux abords des au-toroutes ou sur des friches in-dustrielles. Cette «biointelli-

Macro faune supérieure à 4 mm • 1 000 à 10 000 individus par m2

Micro faune 4 à 200 μm • 100 000 à plusde 100 millions d’individus par m2

“Étymologiquement, humanité, comme humilité, provient dehumus, c’est là qu’est la vie, le bouillon primordial. Claude et Lydia Bourguignon, in magazine Le Monde du 27/01/2012

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Acarien. Deinococcus radiodurans.Taupe.

“Février 2012. La Commissioneuropéenne soulignequ’entre 1990 et2006, 1 000 km2 desols ont étéimperméabiliséschaque année.

lution à plus long terme.Quoi qu’il en soit, dans cer-tains cas, on a pu remarquerque le rôle joué par les bacté-ries est davantage lié auxconditions de l’environne-ment qu’à leur diversité. Ainsi,si on élimine expérimenta-lement un grand nombre d’es-pèces minoritaires dans unsol, ses fonctions ne sont pasaltérées.Cependant, la multitude d’es-pèces est capitale. Les espècesminoritaires prennent le re-lais quand, soumises à uneperturbation, les espèces do-minantes voient leur effectifse réduire.Cette biosphère rare est éga-lement un réservoir d’infor-mations génétiques permet-tant l’adaptation à de nouvellesconditions.

Pratiques innovantespour la gestion des sitesLe sol constitue également unréservoir de nouvelles molé-

Méso faune 0,2 à 4 mm • 100 000 à1 million d’individus par m2

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Espaces naturels n° 38 avril 2012 25

Les sols, superficiels et souvent minces,sont facilement érodés. Il est ainsi assezrare qu’ils soient préservés dans les

formations géologiques du sous-sol. Quand celase produit, ils deviennent des paléosols, dontcertains sont des roches spéciales : ocre, mineraid’aluminium (bauxite) ou de fer.Les paléosols sont les témoins précieux deconditions climatiques et/ou topographiquescontinentales disparues. Ceci leur confère unintérêt scientifique et pédagogique, voirepatrimonial dans le cas d’anciens sitesd’exploitation d’ocres ou de bauxites dontcertains mériteraient d’être valorisés.Des paléosols quaternaires se sont forméspendant les interglaciaires chauds ets’intercalent entre des dépôts de périodesfroides (moraines, lœss). Certaines sériescontinentales portent des marques depédogenèse c’est-à-dire de formation (genèse)des sols. On y voit notamment des traces deracines. Elles peuvent aussi renfermer des solsformés sous climat chaud à croûtes calcaires oucuirasses ferrugineuses.Plus spectaculaires sont les célèbres ocres duVaucluse, véritables sols latéritiques1 forméssous climat tropical, au crétacé moyen, lors del’émersion et de l’altération2 de grès marinsriches en fer, et ensuite fossilisés par d’autresdépôts marins. Les bauxites provençalesvoisines, de même âge, sont souvent aussi despaléosols riches en aluminium et en fer. Plussubtilement, certaines roches sédimentairesdoivent leur couleur rouge au remaniement delatérites dont il ne reste par ailleurs aucunvestige. ● Bernard LaumonierÉcole des mines de Nancy. Université de [email protected]

1. Latérite : sol tropical rouge épais à kaolinite (uneargile) et oxydes de fer et aluminuim.2. Altération : transformations chimiques etminéralogiques des roches lors de la pédogenèse.

Les paléosols, élémentsremarquables du sous-sol

INFO PÉDAGOGIQUE

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▼Sentier des ocres à Roussillon(Vaucluse). Les anciennes

carrières d’extraction de sablesocreux ont été aménagées pour

l’accueil du public.

gence», comme on pourraitl’appeler, pourrait s’avérerutile au service de la dépol-lution des sols par exemple.

Capacités d’adaptationGrâce aux mutations, à destemps de génération trèscourts et aux mécanismes detransferts de gènes, les micro-organismes du sol ont de re-marquables capacités d’adap-tation. Le cas du lindane enest un bel exemple : cettesubstance toxique a été utili-sée comme pesticide agricole(interdit en 1998). Alors quedans les années 1940, aucunebactérie n’était capable de dé-grader cette molécule, cer-tains micro-organismes ontfinalement acquis cette com-pétence après quelques dé-cennies par combinaison dematériel génétique.

Enjeux pour la rechercheLes sols sont menacés et lesenjeux sont de taille. Il de-vient donc impératif de sou-tenir l’activité scientifiqueafin de surmonter le manquede connaissances sur la bio-diversité des sols et les ser-vices écosystémiques qui endépendent.L’exploration de cette diver-sité est un défi pour les scien-tifiques, notamment pour desraisons méthodologiques.Seulement 1% des micro-or-ganismes des sols est au-jourd’hui décrit après leurmise en culture.Les microbiologistes du solont été amenés à utiliser desméthodes basées sur l’ex-traction de l’ADN, remplaçantl’identification morpholo-gique des espèces.Grâce aux développementsdes techniques moléculaires,la richesse du sol en micro-organismes commence à êtremesurée.

Indicateurs de qualitéPour surveiller la qualité dessols, une batterie d’indicateurs,simples ou composites, a étémise au point. Ils peuvent êtrebasés sur la biomasse, surl’abondance ou la diversité decertains groupes biologiques,comme les vers de terre. Maisles travaux sont toujours encours (programme Envasso)et il n’existe pas aujourd’huide système standardisé d’in-dicateurs.Des études sont égalementmenées sur les relations en-tre diversité et fonctionne-ment des sols1. Elles permet-tront de mieux évaluer lesimpacts des activités hu-maines et de mieux cibler lesmesures de gestion, pour lessols, de manière générale ouen visant tout particulière-ment leur biodiversité. ●Fondation pour la recherche sur la biodiversité

[email protected]

Cet article est issu d’unepublication de la Fondationpour la recherche sur labiodiversité : Sols vivants ; laface cachée de la biodiversité.Des clés pour comprendre labiodiversité, n°1, avril 2011.

EN SAVOIR PLUS

• www.fondationbiodiversite.fr

• Premier atlas de labiodiversité des solseuropéens, Commissioneuropéenne, 2010, p. 130.http://bit.ly/d5shzS

• Mieux comprendre et utiliserla diversité des organismes dusol, SFE, S. Barot et F. Dubshttp://mic.fr/2m

• Février 2012. RapportCommission européenne :http://mic.fr/2n

1. Comme le projet Betsi qui propose de synthétiser et d’organiser lesinformations sur les traits biologiques et écologiques des invertébrésdu sol. L’originalité de ce projet réside dans le développement d’unebase de données sur cette face cachée de la biodiversité. Programmephare de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, il estfinancé par le Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité.

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26 Espaces naturels n° 38 avril 2012

LE DOSSIER I LE SOL EST VIVANT : UN HABITAT À PROTÉGER

MÉTHODE

Le sol : un indicateur à notre portée

méthode est développée dansle cadre du programmeRhoMéO pour l’évaluation del’état des zones humides dubassin Rhône-Méditerranée.

Comment ça marche. Le ni-veau d’hydromorphie du sol,c’est-à-dire la présence demarques physiques d’une sa-turation en eau, est un bonindicateur de l’état de fonc-tionnement de ces milieux.Lorsque la saturation, à proxi-

Contrairement à l’air ou à l’eau, le sol est une ressource naturelle qui n’est pasprotégée par des textes spécifiques au niveau communautaire. Une proposition dedirective a cependant été rédigée le 22 septembre 2006. Il s’agit d’un texte

relativement novateur qui porte une nouvelle conception du sol, en reconnaissant lamultiplicité de ses fonctions ainsi que son caractère non renouvelable. S’inspirant duprincipe d’intégration, il oblige les États à analyser les impacts des politiques qui neconcernent pas directement le sol, sur ce dernier. Il prévoit également un recensementsystématique des sols à risques, c’est-à-dire ceux sur lesquels « il est patent ouhautement probable qu’un ou plusieurs des processus de dégradation se soientproduits ou risquent de se produire ». La directive impose aux États membres demettre en place un droit des sols conforme au principe de prévention, en leur laissantune certaine liberté dans le choix des mesures à adopter.En 2007, la France, l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont refusél’adoption de cette directive et le processus semble toujours bloqué. Cette absence detexte européen peut s’avérer très dommageable, d’autant plus que la majorité desÉtats de l’UE, à l’instar de la France, ne possèdent pas de législation spécifiqueconcernant les sols. Le plus souvent, ils sont protégés par l’intermédiaire de textesportant sur d’autres éléments des écosystèmes (protection de l’eau, de la biodiversité,gestion des déchets…). ● Gaëlle Audrain-DemeyDoctorante en droit à l’université de Nantes • [email protected]

Des clés simplifiées de description visuelle du sol permettent de connaître la qualité hydrologiquedu sol et des écosystèmes. Une méthodologie est en phase de test, utilisable par tous.

▼ZOOM

Le sol constitue un bonindicateur du fonction-nement de l’écosystème.

Cette mince bande de «terre»qui, dans nos régions tempé-rées, ne dépasse pas deux mè-tres d’épaisseur est le supportde développement de la végé-tation. C’est également le pro-duit de facteurs déterminantla dynamique des milieux.D’un point de vue intrin-sèque, un sol n’est pas debonne ou mauvaise qualité.

Il est, simplement, plus oumoins adapté à un usagedonné: dans notre cas, la pré-servation de milieux naturelsdiversifiés.Le sol peut cependant consti-tuer un indicateur, il permetpar exemple de révéler lefonctionnement hydrologiquedes sites. Une méthodologieest actuellement à l’étude afinde permettre à tout gestion-naire de se saisir de clés dedescription simplifiées. La

Le relevé de sol s’effectuepar prélèvement à latarière. Il laisse voir lesdifférents horizons(couches) du sol. Unefiche de description (voirci-contre) est alorsremplie par l’opérateur àpartir d’observationsvisuelles. Ces donnéeshiérarchisées par l’outilinformatique permettentde qualifier l’étathydrologique du sol.

mité de la surface, est totaleet permanente, les conditionsd’anaérobiose empêchent ladégradation de la matière or-ganique qui s’accumule sousforme de tourbe. Différentsdescripteurs, comme la tailledes fibres et la proportion dematière minérale par rapportà celle de matière organiquetraduisent alors son état.Lorsque les conditions de sa-turation et de température nepermettent pas la formationde tourbe, les phénomènes deredistribution ou d’accumu-lation du fer traduisent l’hy-dromorphie du sol.La présence de taches de cou-leur rouille correspond à laprésence d’une nappe d’eautemporaire (redoxisol). Leurtaille et leur abondance sontalors des éléments de carac-térisation de l’importance dela saturation en eau.Lorsque la saturation est quasipermanente, les couches desols (horizons) prennent unecouleur bleuâtre à verdâtretrès uniformes (réductisol).

Méthodes. Le relevé de sols’effectue classiquement par« prélèvement » à la tarièreou par réalisation de fosse àla bêche.Seuls les soixante premierscentimètres de sol sont préle-vés afin d’être décrits. C’est

À quand la directive Sol ?

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Les sols sont méconnus.Ce constat a conduit, en2001, à la création du

Groupement d’intérêtscientifique sur les sols(GisSol)1. On y trouve desinformations sur l’état actueldes sols en France, leursfonctions et caractérisques.Le GisSol vient de publier unouvrage2 sur l’état des solsde France. Ce travail s’appuiesur un réseau de 2 200 sitesde mesures et une banque dedonnées de 19 millionsd’analyses de terresagricoles. Il établit undiagnostic de leur étatchimique, biologique,physique et souligne lespoints positifs et lesprincipales inquiétudes.Les premiers résultatspermettent de quantifierl’artificialisation et l’érosiondes sols, de qualifier leurfertilité et d’estimer leurstock de carbone. Ceprogramme alimente denombreuses autres études,telles celles de lacontamination des sols pardes polluants organiquespersistants, ou encore par lesbactéries pathogènes del’Homme, et le rôle des solsdans les flux de gaz à effet deserre. En ce qui concerne ledessèchement des sols lié auchangement climatique, leschercheurs affirment ne pasavoir suffisamment de reculpour savoir si la modificationdu climat va favoriser lestockage ou le déstockage decarbone. Il faudra attendre leprochain bilan. Ce nouveauréseau de mesurespermettra en effet de suivre,tous les 10-12 ans, l’évolutiondes sols au cours du temps. ●Naïk Faucon Aten

1. Le Groupement d’intérêtscientifique sur les sols regroupele ministère de l’Agriculture, leministère de l’Écologie, l’Inra,l’IRD, l’Ademe et l’Inventaireforestier national.2. www.gissol.fr/RESF/Rapport_HD.pdf

EN SAVOIR PLUS

www.gissol.fr/lettre/index.php

Trouver l’info ?Déterminer l’état du sol : fiche de description

La méthodologie mise en place pour déterminer l’état hydrologique d’un sol s’articuleautour de quatre étapes. La première, ci-dessus, consiste à remplir la fiche de terraindes descripteurs du sol. Cette fiche est alors saisie dans une base de données quipermet une analyse par combinaison des requêtes. Après avoir caractérisé le typed’horizon (étape 2), puis le type de sol (étape 3), le traitement des données aboutit à ladéfinition de l’état d’hydrique du sol (étape 4).

dans cette zone que les tracesd’hydromorphie correspondantà la dynamique actuelle sontrecherchées. L’observateur re-cueille des données en s’ap-puyant sur des clés de des-cription visuelle.Volontairement simplifiéespour être clairement discrimi-nantes, ces données apparais-sent sur une fiche de terrain icireproduite. Les caractéristiquesde l’horizon (limites, couleur,structures…) y sont soigneu-sement consignées puis repor-tées dans une base de donnéesinformatisée. Ces informationssont alors traitées par l’outil informatique.Une série de requêtes hiérar-chisées aboutit au classement(de bon à mauvais) de l’état dufonctionnement hydrologiquepour chaque point de suivi.Cette prise en compte du sol

Pour répondre aux demandes de compétences desgestionnaires en matière de biodiversité du sol,l’Aten a mis à son catalogue de formation pour 2013

(mars) une initiation à la pédologie. Elle s’adresse auxagents et aux responsables scientifiques et abordenotamment : la morphologie des sols, ses propriétésphysiques et chimiques, les études des sols et les mesuresde gestion pour les espaces naturels. Inscriptions :https://formaltis.espaces-naturels.fr/formaltis.

Se former à la pédologie

comme indicateur hydrolo-gique est testée sur le terraindepuis 2010. L’automatisationde cette analyse est en cours.Les retours positifs des opé-rateurs (spécialistes ou non)des différents conservatoiresimpliqués dans le pro-gramme1 permettent de pen-ser que la méthode est véri-tablement opérationnelle etpeut être utilisée comme routine. Un domaine de la

connaissance et de l’évalua-tion des milieux jusque-là peupris en compte s’ouvre. ●Jérôme PorteretConservatoire du patrimoinenaturel de la [email protected]

1. Rhône-Alpes, Savoie, Isère,Haute-Savoie, Bourgogne,Franche-Comté, Languedoc-Roussillon et Paca.

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28 Espaces naturels n° 38 avril 2012

LE DOSSIER I LE SOL EST VIVANT : UN HABITAT À PROTÉGER

La présence d’activitéconchylicole dans l’es-tuaire de la rivière de

Penerf (Morbihan) fait crain-dre toute pollution bactério-logique. La loi interdit d’épan-dre toute matière organiqued’origine animale sur unebande de 500 m depuis le lit-toral. Aussi, pour faire faceà la pauvreté de ces sols lit-toraux, les agriculteurs utili-sent des apports en engraisminéraux et autres intrantschimiques. Une pratique qui,à long terme, conforte d’ail-leurs l’appauvrissement de cesmêmes sols.Dans le cadre de l’élaborationdu second contrat de bassinversant de la rivière de Pénerf,les agriculteurs ont alertéle projet de Parc naturel ré-gional du golfe du Morbihansur la question. Un relevéagronomique et microbiolo-gique du sol est alors réaliséen mars 2010, il confirme lediagnostic. Aussi, commentviser l’amélioration qualita-tive des sols littoraux et ré-duire les intrants minérauxet chimiques? Comment faireen sorte que l’agriculture lit-torale s’avère respectueusedu milieu marin et des acti-vités conchylicoles situées àl’aval? Et, bien sûr, commentréduire la déprise agricole ?Au lieu d’une solution tradi-tionnelle consistant à appor-ter de la chaux en grandequantité, une forte quantitéazotée, ainsi qu’un complé-ment en oligo-éléments (en-gendrant un coût non négli-geable), la solution bois raméalfragmenté est retenue.Celle-ci est expérimentée àAmbon. Le bois est unique-ment issu de branchage d’ar-bres feuillus. La méthodolo-gie est relativement simple.

Méthodes. Deux à trois cen-timètres d’épaisseur de boisraméal fragmenté ont étéépandus sur la parcelle. Soit,par hectare, 200 à 300 m3 pour50 à 60 tonnes de produit. LeBRF est ensuite resté tel quel,environ trois mois.La mise en œuvre du bois ra-méal fragmenté s’opère entrele mois de novembre et lemois de mars. Cette périodelaisse à la microfaune le tempsde s’implanter à l’air libre, surle végétal, avant la mise enculture de la parcelle. Troismois plus tard, un retourne-ment ou un simple hersagede la parcelle s’impose.Un seul apport de BRF per-met de restructurer partiel-lement les dix centimètres su-périeurs de sol durant cinqans. Cette pratique, en effet,crée des conditions favorables

Le bois raméal fragmenté pour enrichir des sols littoraux

pour abriter toute la micro-faune et flore (champignons)nécessaire pour stimuler lavie du sol, pour capter l’azoteminéral et la transformer enazote organique, dans l’hu-mus, à savoir sur les premierscentimètres du sol.

Effets. Nous sommes au-jourd’hui au début de l’expé-rimentation mais, outre la va-lorisation des déchets vertslocaux dans un cycle court, leseffets attendus sont nom-breux : amélioration agrono-mique des sols dans la bandelittorale des 500 mètres ; di-minution, voire arrêt des trai-tements phytosanitaires ; ges-tion de la ressource en eau ;lutte contre l’érosion des sols(pollutions azotées et phos-phores); pérennisation de l’ac-tivité agricole sur le littoral.

La biodiversité est égalementla grande gagnante de cettetechnique d’enrichissement.Un suivi agronomique (ana-lyse de terre pour les para-mètres azote, phosphore etpotasse) et microbiologiquedes sols (analyse de la bio-masse microbienne et de lamacrofaune, notamment lesvers de terre) sera réalisé tousles ans jusqu’en 2015. Il per-mettra de mesurer l’évolutiondu sol et les bénéfices reti-rés en le comparant à l’étatinitial. Les résultats obtenusseront, bien sûr, communi-qués aux autres agriculteursdu bassin versant de la rivièrede Pénerf et au-delà. ●

Camille SimonProjet de Parc naturel régionaldu golfe du Morbihan

PROJET DE PNR DU GOLFE DU MORBIHAN

1. Épandage du boisraméal fragmenté issude branchages defeuillus en décembre.Le BRF restera tel quelenviron trois mois.2. Différentes vues dela structure du BRF.

Les conchyliculteursont été associés auxdiverses actions dubassin versant. Ils ontapprouvé l’utilisationde BRF lors descommissionsagricoles.

Une technique simple pour rendre le sol à nouveau vivant, l’épandage de rameaux.

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Dans les sites industriels, la natureest généralement peu présente.Quant aux sols, largement an-

thropisés, ils ne sont pas propices à labiodiversité. Cette affirmation un peuhâtive mérite d’être relativisée, notam-ment à la lumière d’exemples pris dansla région Nord-Pas-de-Calais où des ob-servations naturalistes ont permis defaire de surprenantes constatations : lesterrils miniers, les carrières et les sa-blières de la région favorisent des espècesremarquables !L’activité industrielle, principalementextractive, a en effet permis la mise ensurface de substrats géologiques nor-malement recouverts par les limons fer-tiles des plaines agricoles et la créa-tion de ruptures de reliefs (intéressantesdans une région au relief très modéré).Ces substrats, qui peuvent avoir de fortesressemblances avec ceux des milieux dunaires, des coteaux calcaires ou deslandes acides, offrent des milieux neufsà coloniser et constituent des biotopesde substitution pour de nombreuses es-pèces de faune et de flore dont la surfacedes habitats est largement déficitaire ou en régression au sein du territoire régional.

Le sol ? Un biotope ! Ainsi, ces nouveauxmilieux accueillent régulièrement desespèces en condition de conservation dé-favorable tels l’engoulevent d’Europe, lepélodyte ponctué, l’alyte accoucheur, lelézard des murailles… et dans certains

cas des espèces nouvelles pour la région(goéland cendré, hibou grand-duc…).Dans la carrière de sablons d’Hamel (59),les écologues du département et les na-turalistes locaux ont noté la présenced’un nombre très important d’hymé-noptères sabulicoles1. Ces abeilles etguêpes solitaires se rencontrent prin-cipalement dans les milieux chauds etsecs qui présentent une faible couver-ture végétale. La prospection a permisnotamment d’observer au printempsd’importantes colonies d’abeilles (an-drènes des sables et collètes-lapins) et d’yrecenser au cours de l’été de nombreusesautres espèces des genres Andrena,Colletes, Dasypoda, Halictus, Nomada,Sphecodes…Si les plages de sable (ou de schisteshouillers) bénéficient d’un ensoleille-ment suffisant et de préférence à l’abrides vents, ces vastes étendues minéralespermettent aux insectes, par leurs condi-tions pédologiques, de bénéficier de ter-rains meubles qui se creusent facilement.Le caractère minéral et la granulomé-trie des matériaux en place donnent éga-lement aux substrats de bonnes condi-tions de drainage, de sécheresse et deréchauffement. Ce réchauffement est ac-centué par la pauvreté agronomique dusol qui empêche le développement ra-pide d’une végétation herbacée dense.On comprend facilement les enjeux dela préservation de ces milieux qui onttendance à disparaître (comblement dessablières et des carrières, décharges, dy-

namique naturelle de la végétation…)ou à être requalifiés de façon maladroite.

Renaturation. Cette sablière fait l’objetd’une renaturation environnementaleambitieuse. Conscients de la richessedu site, l’exploitant et la mairie ontdécidé d’abandonner une partie du gi-sement afin de maintenir les très im-portantes bourgades d’hyménoptères(probablement les plus importantesau niveau régional). Après remblaiementpartiel, le site sera recouvert d’unecouche de sable acide, dénué de matièrehumifère pour favoriser l’extension descolonies d’abeilles sauvages et permet-tre à la flore spécialisée de ce type de mi-lieux aux fortes contraintes écologiquesde s’étendre. Cette renaturation a étéprévue à la place du projet initial quiprévoyait un boisement. Décision cou-rageuse dans une région déficitaire enespaces récréatifs et surfaces boisées(12,5% du territoire régional). ●Guillaume Lemoine Chargé de mission ingénierie écologieEPF Nord - [email protected]

1. En plus d’une très importante colonied’hirondelles de rivage (six cents nids !) etla présence d’une végétationpsammophile et acidophile caractériséepar les petites cotonnières et spergulairesrouges.

EN SAVOIR PLUS

Renseignements complémentaires et maîtred’ouvrage : [email protected]

NORD -PAS-DE-CALAIS

Le substrat des friches minièresfavorise les espèces remarquablesSols industriels et biodiversité ne sont pas toujours antinomiques.

Halictus scabiosae, espèce présente dans la sablière d’Hamel. Guillaume Lemoine Guillaume Lemoine

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30 Espaces naturels n° 38 avril 2012

Le 12 octobre 2011, lesAutomnales de l’agri-culture et la biodiversité

à Lyon offraient une riche oc-casion d’échanges techniquesentre professionnels de l’agri-culture et gestionnaires d’es-paces naturels à propos de labiodiversité du sol. Un premier constat est évi-dent : le sol n’est pas vu dela même manière ! De l’in-térieur pour l’agriculteur quiva toucher, effriter la terre,en apprécier la couleur, in-terpréter sa texture à traversd’éventuels risques de bat-tance1 et évaluer ses stocksnutritionnels. A contrario, leregard du gestionnaire perceplus difficilement la surfaceet se pose sur la végétationindicatrice de l’état du sol, aurisque d’une interprétationqui ne fasse la part des chosesentre facteurs édaphiques2 etanthropiques.

Différents. Les agronomespoussent vers une recon-naissance de la biodiversité,une diversité fonctionnellecaractérisée par une sommed’êtres vivants en interrela-tion: quelques centaines d’es-pèces de filaments mycéliens,une dizaine de milliers pourles bactéries, des décompo-seurs, des suceurs… Leurpréoccupation est moins la

Agriculteurs ou gestionnaires ?Deux visions du sol

RHÔNE-ALPES

YVES FRANÇOIS

Élu à la Chambre d’agriculture de Rhône-Alpes

« Eux et nous : les mêmes indicateurs »

“Agriculteurs etgestionnaires ontchacun uneperception du sol,chacun une vision dela biodiversité.L’échange s’avèrefécond.

LE DOSSIER I LE SOL EST VIVANT : UN HABITAT À PROTÉGER

Complémentaires. Enfin,comprendre comment l’agri-culteur travaille avec son solsaura nous inciter à resterhumble et à ne pas trop viterecommander des modifica-tions de pratiques plus «éco-logiques ». C’est là une based’un partenariat qui ne de-mande qu’à s’intensifier ! ●Pascal FaverotConservatoire d’espacesnaturels de Rhô[email protected]

1. Tendance d’un sol limoneuxà se désagréger et durcir ensurface sous l'effet de la pluie. 2. En rapport à la nature du sol.3. Pelouses rases d’altitudedominées par le nard.

tères édaphiques afin de com-prendre la végétation spon-tanée et de compléter les seulstémoignages locaux.Ces critères, en rapport à lanature du sol, les gestion-naires les utilisent avant toutsur les sols hydromorphes detourbières. Car ils nous révè-lent l’histoire de leur oxydo-réduction. C’est ainsi queSébastien Barthel, gestion-naire, reconnaît que, dans uneprairie à nard, « l’analyse enprofondeur permettrait de dis-tinguer les nardaies3 intime-ment liées à la nature du solde celles liées à un surpâtu-rage ». Interrogeons-nousaussi, sur la capacité du solà régénérer le milieu initialavant de restaurer un habitat.

présence ou non d’une espècemais l’aptitude de congénèresà bloquer rapidement la ma-nifestation du parasite. Noussommes, à la fois, loin de labiodiversité patrimoniale quinous occupe en tant que ges-tionnaires (du nombre limitéd’espèces considérées) et en-core plus proches de la défi-nition qui nous anime, d’unécosystème fonctionnel.Creuser sous la surface ouécouter l’agriculteur ? Leséchanges de cette journéenous amènent à voir le sol dif-féremment. D’abord sous l’an-gle de la faiblesse de nos basesagronomiques et de notre ten-dance à rester «superficiels».Ils mettent aussi en évidencel’intérêt de revaloriser les cri-

Notre système agricole est efficace mais ne s’inscrit pas entotalité dans le développement durable, nous devons trouver dessolutions nouvelles. Or, il s’avère que les environnementalistes

cherchent, eux aussi, des solutions pour maintenir telle espèce ou tel milieu herbacé.Pour chacun de nous, le sol est le point de départ.La rencontre qui s’est déroulée en automne nous a permis de pointer qu’il y aconvergence dans l’usage de certains indicateurs. Prenons le ver de terre parexemple : Gilbert Barnachon, céréalier, nous a expliqué que l’espèce est témoin del’amélioration de ses pratiques. C’est également, pour le gestionnaire, un indicateurde baisse de l’humidité du sol. Enfin la sollicitation accrue d'agriculteurs par les gestionnaires témoigne de cetteconfiance retrouvée, de l'intérêt aussi de favoriser ces échanges et les relationshumaines. ● [email protected]

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Espaces naturels n° 38 avril 2012 31

La démarche est un peuatypique. Sur une pe-louse, une côte calcaire,

adret de cuesta, animateurset enfants se retrouventpour… manger de la terre.Certes, la formule est un joliraccourci destiné à «appâter»le lecteur ; pourtant, il y a unpeu de cela.La quinzaine de bambins is-sus des cycles 3 écoute atten-tivement l’animateur qui setortille sur un pied dans l’équi-libre de la pente : « Avant denous intéresser aux plantes,nous allons regarder sous leplancher des vaches. C’estdans le sol que les plantes secramponnent et puisent leurnourriture. C’est dans le solaussi que vivent des milliardsd’animalcules, pour la plupartmicroscopiques. Ils formentles intestins de la terre.Voyons donc les constituantsminéraux du sol. C’est-à-direce qui se trouve entre la rocheet l’air. »Les enfants s’impatientent. Ilssont en plein air.Si on passait à l’action ! ?« Récupérez-moi donc troiscarottes de terre à l’aide de latarière, lance l’animateur du

Conservatoire des sites lor-rains. Allez… Une en bas dela côte, une en pleine côteet une sur le plateau.»

Goûtez. Le groupe s’éclatecomme une grappe dont lesraisins s’arrachent. Les en-fants s’exécutent. Ils ramè-nent, les mains sales et le sou-rire aux lèvres, quelqueséléments du sol qu’ils ontpiégé dans la vrille.«Et maintenant, qui veut goû-ter cette délicieuse terre ? »Pour de vrai?, peut-on déco-der dans le regard de certains,tandis que d’autres se sont pi-qués au jeu, trop heureuxd’une situation qui transgressedes interdits.Ils portent la terre aux lèvrespuis mâchent doucement,grimaces à l’appui.«Alors vos sensations? Est-ellepâteuse, collante? Sentez-vousdes petits cailloux, comme dusable sur les dents ? Si ellecolle, c’est qu’elle est argileuse.Si elle croustille, les caillouxviennent de la roche quis’émiette par petits bouts.» Lesplus timorés s’enhardissent…« Ajoutez de l’eau. Pouvez-vous en faire de la pâte à mo-

deler? C’est de l’argile, du li-mon ou bien de la vase. Ah…là, elle casse tout de suite !C’est du sable et des cailloux.»Ils tripotent, ils aiment celales gamins. «Regardez vos mains ! Sont-elles tachées? C’est de l’argile.La terre colle aux doigts ?Encore de l’argile. Dans les ré-gions très argileuses, on ditqu’elle est amoureuse», ajoutele jeune homme dans un clind’œil.

Tripoter. Avec les sens, il ap-prend aux écoliers à carac-tériser le sol.«Enfoncez votre pouce dansla boule ! Versez de l’eaumaintenant… Elle ne traversepas ? C’est qu’elle contientbeaucoup d’argile. L’argile humide est commeun K-Way. Plus la terre estargileuse et plus le sol est hu-mide en surface.»Puis vient l’expérience Coca-Cola, comme ils aiment àdire. Quelques gouttes d’acidechlorhydrique sur l’argile etsur les petits cailloux ; et çamousse !L’animateur force alors l’ob-servation sur la couleur et sur

« En profondeur, le sol est formé

par des fragments de roches ; en surface,

par des feuilles mortes,brindilles, cacas, restes d’animaux, appelés humus. »

Goûtez le sol !CONSERVATOIRE DES SITES LORRAINS

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l’odeur : « Plus la terre estnoire, plus elle sent le ter-reau, plus elle contient d’hu-mus donc de nourriture. »Excités par ces expériences res-senties, les gosses interpellent:vous dites que le sol est le plusprofond en bas? «Oui, à causede la pente. Du reste, certainesplantes comme la canche ces-piteuse ne poussent que sursol profond; d’autres, commele thym, préfèrent les solscaillouteux et secs.Observez, observez… voyezque le sol n’est pas partout pa-reil. Et les plantes ont cha-cune leurs préférences selonque le sol est pauvre ou richeen nourriture, qu’il est hu-mide ou non, que la roche estcalcaire ou acide, que le solest profond ou superficiel. »L’animation s’achève, chacunregarde bizarrement la pe-louse sous ses pieds. «Pourtant, de loin, ça a l’airtout pareil, ce truc» lance unélève de sixième surpris de cequ’il vient de comprendre. ●Nicolas AvrilConservatoire des sites lorrains

[email protected]

Ici, on sent, on observe, on touche, on mange la terre... C’est avec lessens, tous les sens, que les enfants apprennent à qualifier le sol.

“Elle colle? C’est del’argile. Elle croque ? Dusable et des cailloux.

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32 Espaces naturels n° 38 avril 2012

LE DOSSIER I LE SOL EST VIVANT : UN HABITAT À PROTÉGER

PERSPECTIVES SCIENTIFIQUES

L’étude de l’ADN pour inventorier la biodiversité d’un solLe principe consiste à extraire l’ADN d’un échantillon de sol, à le séquencer pour pouvoirlui assigner un taxon précis auquel il correspond.

bases composant l’ADN. La lec-ture de ce séquençage permetde l’assigner à des taxons pré-cis par le biais d’outils bioin-formatiques. Ceux-ci exploitentles bases de données de sé-quences existantes pour le com-parer à d’autres codes-barres.Un code-barres ADN ainsi dé-fini peut être utilisé pour

L’outil bioinformatique est in-dispensable pour trier les don-nées, constituer les bases de ré-férence, assigner les séquencesaux taxons via ces bases, défi-nir des listes de marqueurs etgérer les erreurs de séquençage.Ces outils offrent des alterna-tives aux techniques actuellessouvent plus lourdes à mettreen œuvre pour décrire la bio-diversité. Des perspectives s’ou-vrent pour étudier le fonction-nement et l’évolution desécosystèmes avec pour uniqueprérequis la connaissance descommunautés d’espèces inter-agissant en leur sein.Décrire la biodiversité à par-tir d’échantillons de terre enutilisant cette méthode se ré-vèle fort utile lorsque les in-dividus sont difficiles à trouveret à identifier morphologique-ment, comme pour de nom-breuses espèces faunistiquesdu sol : vers de terre, insectes,collemboles…Cette méthode peut aussi sesubstituer aux relevés bota-niques classiquement utilisés,notamment dans les milieuxoù la diversité est extrêmementélevée. L’Amazonie par exem-ple, renfermerait 11000 espècesd’arbres. Les méthodes bota-niques classiques ne permet-tent pas de les identifier toutes.Ce qui conduit à ignorerjusqu’à 20% des genres pré-sents dans les inventaires. Laméthode de codes-barres ADNpour identifier des espèces raresou menacées pourrait appor-ter une alternative. ●Adeline DestombesFédération des conservatoiresd’espaces naturels

EN SAVOIR PLUS

Spygen : http://mic.fr/1x+GenoSol Inra : http://mic.fr/1yGisFI : http://mic.fr/1z

identifier l’ensemble destaxons présents dans unéchantillon environnemen-tal, de la famille à l’espèce.Il peut aussi permettre dequantifier la biodiversité deséchantillons. C’est souvent lecas pour les micro-organismesdont la plupart ne sont ni dé-crits ni cultivables.

Le séquençage. Le code génétique d’une espèce se traduit parune succession de quatre bases inclues dans son ADN :l’adénine, la cytosine, la guanine, la thymine. Il en résulte unesuite de séquences designées par quatre lettres : A, C, G et T,ordonnancées différemment en fonction de l’espèce et même del’individu. Le séquençage détermine l’enchainement des basesqui est inconnu au départ.

ANTONIO BISPO

Ingénieur Sol et environnement, service Agriculture et forêts, Ademe

Un sol est-il capable de se reconstituer seul ?

On sait que la résilience d’un sol est liée à sa diversité biologique.Plus il est riche en micro-organismes et macro-organismes,plus il a de chance de « récupérer ». Les scientifiques, ceux de

l’Inra de Dijon par exemple, cherchent d’ailleurs à identifier cette richesse biologiquepar le biais de la caractérisation de l’ADN contenu dans le sol. Ils ont découvert unetrès grande diversité génétique dont on avait, jusqu’alors, aucune preuve. Ilsétablissent actuellement une carte nationale de diversité génétique des bactéries.Difficile en revanche, de dire combien il faut de temps pour qu’un sol se régénère.Certaines expériences de reconstitution de sol sont effectuées sur des sols pollués,très dégradés, par l’université de Lorraine. Elles consistent, par exemple, à mélangercompost et terres dépolluées puis à y ajouter des organismes tels des vers de terre oudes collemboles. Au bout de six mois/un an, on s’aperçoit que ce système fonctionne unpeu comme un sol. Mais ce n’est pas vraiment un sol. Plutôt que d’avoir un site dégradéoù rien ne pousse, on recrée un système paysager qui se tient. Mais de là à avoir un vraisol ! Disons qu’on va pouvoir l’orienter vers un ou deux services comme produire de labiomasse ou réguler l’eau.La recolonisation d’un sol par les espèces, c’est autre chose : un long processus.Certains programmes de recherche cherchent à caractériser cette vitesse derecolonisation, de refonctionnalisation du système. ● [email protected]

Les inventaires faunis-tiques et floristiques dusol sont maintenant pos-

sibles en s’appuyant sur le sé-quençage ADN (voir dessin).Deux types d’ADN provenantdes organismes qui y viventpeuvent être identifiés: l’ADNintracellulaire, issu des cellules,et l’ADN extracellulaire, prove-nant d’organismes morts et ad-sorbés par différents substrats.Cette méthode se développedepuis moins de dix ans sousla dénomination de codes-barres ADN. Elle vise à identi-fier les espèces présentes dansun milieu quand les individusne sont pas facilement carac-térisables (micro-organismesou macro-organismes animauxet végétaux).Le principe consiste à extrairel’ADN d’un échantillon envi-ronnemental de sol. Dupliqué,il est alors séquencé afin de dé-terminer l’enchaînement des

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Page 14: Le sol est v - Espaces naturels · invasives, tassement du sol, érosion, pollution, etc. Les 128 pages ont été rédigées par des spécialistes internationaux, au fait des dernières

Pédologue. Le métier est peuconnu. Son application s’intègreà de nombreux domaines tels que

l’agronomie, la sylviculture, l’aména-gement du territoire et la gestion d’es-paces naturels. En Haute-Normandie,une étude en cours permet de mieuxcerner ses compétences et d’illustrerson appui dans la conservation de labiodiversité. Le Conservatoire d’espacesnaturels réalise en effet, depuis fin 2010,une cartographie régionale des zoneshumides en s’appuyant uniquementsur des critères pédologiques.Pour réaliser cette mission, la mé-thodologie s’appuie sur le référentielpédologique1 (2008) de l’Associationfrançaise pour l’étude du sol. Ainsi, unsol est hydromorphe s’il est engorgéen eau à moins de 50 cm de sa surface,au moins une partie de l’année.Pour le pédologue, la première étapeest de localiser sur les cartes existantes,les secteurs où une nappe d’eau peutpotentiellement affleurer.C’est ensuite dans les alluvions de fondde vallée, aux alentours des sourcesde pied de coteau, qu’il va mener sesinvestigations de terrain.Il réalise alors, avec une tarière ma-nuelle, un sondage jusqu’à 1,20 m de

profondeur. L’analyse de la carotte desol prélevée demande un savoir-faireet une certaine pratique pour diffé-rencier toute une gamme de textureset couleurs. Ici, pour identifier unezone humide, le pédologue rechercheet étudie les traces de fer dans le sol.Dans le cas d’un engorgement tem-poraire, le fer solubilisé migre et,quand le niveau de la nappe baisse,il se reprécipite localement en pre-nant, au contact de l’oxygène, une cou-leur rouille (fer oxydé). Dans un solsaturé en permanence et sans oxygène,la présence de fer se traduit par unecouleur gris verdâtre (fer réduit).Enfin, dans certains cas, l’eau peutempêcher la dégradation des matièresorganiques qui vont s’accumuler etformer des sols tourbeux (histosols).Chaque sondage pédologique est lo-calisé au GPS puis archivé dans destablettes informatiques sous forme defiches descriptives et va enfin incré-menter une base de données.Sur le terrain, l’interprétation du pay-sage permet également de tracer lescontours de la zone humide. Par exem-ple, une rupture de pente correspondsouvent à un changement pédologiqueet parfois à une limite entre zone hu-mide et non humide.La carte ci-contre illustre l’aboutis-sement de ce travail finalisé sous sys-tème d’information géographique.Cette cartographie des sols permettraau conservatoire d’identifier les zonespotentiellement restaurables afin d’ymener, à terme, des actions de re-conquête et de sauvegarde des zoneshumides. ●Clément-Blaise Duhaut, Aurélien NorazConservatoire d’espaces naturels de [email protected]@cren-haute-normandie.com

1. Arrêté du 1er octobre 2009

Espaces naturels n° 38 avril 2012 33

Comment expliquer qu’un si grandnombre d’espèces animalesparviennent à coexister dans le sol,

alors que la majorité d’entre ellesconsomment les mêmes ressources ?Plusieurs hypothèses ont été avancées.La distribution des ressources organiquesest particulièrement hétérogène dans le sol.Les communautés d’organismes serépartissent donc en fonction desressources nutritives disponibles et sesubdivisent en niches écologiques, dans deshabitats fortement spécialisés. Ceci limite lacompétition entre espèces.Ce phénomène est favorisé par l’activité dela macrofaune et de la végétation quiconditionne fortement la répartition spatialeet temporelle des ressources nutritivesutilisées par l’ensemble des organismes du sol.D’autres hypothèses s’appuient sur lacapacité d’un grand nombre d’entre eux àentrer en vie léthargique pour s’adapterrapidement à des modifications défavorablesdu milieu. De nombreuses espèces sont ainsitemporairement inactives ou leur nombre estassez faible pour éviter la compétition.Les interactions mutualistes, comme lesassociations bénéfiques entre la microfloreet les macro-invertébrés, favorisent l’accèsà un spectre plus large de ressourcesalimentaires (l’intestin des termites abriteune grande quantité de bactéries dontcertaines sont capables de dégrader deséléments très difficilement biodégradables).Enfin, la forte biodiversité du sol estégalement favorisée par la nature trèsdiverse des ressources nutritives issues dela biomasse végétale ou d’autresinvertébrés consommés par diversprédateurs, constituant ainsi des chaînesalimentaires longues et complexes. ●Source : L’état des sols de France, 2011, Gis Sol. http://mic.fr/1h

▼Chaque sondagepédologique (bleu

pour les solshydromorphes et

brun pour les solsnon hydromorphes)

fait l’objet d’unefiche décrivant le

profil de sol.L’ensemble des

observationspermet de délimiter

la zone humide.

Pédologue, un travail de terrain peu connu

MÉTIER

CARTOGRAPHIE DES ZONES HUMIDES DE HAUTE-NORMANDIE

CEN

Hau

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Source CEN Haute-Normandie

Investigationsde terrain dansles alluvions defond de valléeen Haute-Normandie.

L’ÉNIGME

La biodiversité de la faune du sol

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