le rôle des ''petites phrases'' de françois hollande … · université...

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HAL Id: dumas-00743494 https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00743494 Submitted on 19 Oct 2012 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License Le rôle des ”petites phrases” de François Hollande dans sa stratégie de communication pendant la campagne des élections présidentielles 2012, vu à travers deux journaux de la presse écrite Frédéric Perrault To cite this version: Frédéric Perrault. Le rôle des ”petites phrases” de François Hollande dans sa stratégie de communica- tion pendant la campagne des élections présidentielles 2012, vu à travers deux journaux de la presse écrite. Sciences de l’information et de la communication. 2012. <dumas-00743494>

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HAL Id: dumas-00743494https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00743494

Submitted on 19 Oct 2012

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0International License

Le rôle des ”petites phrases” de François Hollande danssa stratégie de communication pendant la campagne des

élections présidentielles 2012, vu à travers deuxjournaux de la presse écrite

Frédéric Perrault

To cite this version:Frédéric Perrault. Le rôle des ”petites phrases” de François Hollande dans sa stratégie de communica-tion pendant la campagne des élections présidentielles 2012, vu à travers deux journaux de la presseécrite. Sciences de l’information et de la communication. 2012. <dumas-00743494>

Université Européenne de Bretagne – Rennes 2

UFR ALC

MASTER 2 COMMUNICATION

Parcours : Métiers de l’information et de la

communication organisationnelle

Le rôle des “petites phrases” de François Hollande

dans sa stratégie de communication pendant la

campagne des élections présidentielles 2012, vu à

travers deux journaux de la presse écrite

PERRAULT Frédéric

Septembre 2012

5

SOMMAIRE

Remerciements p. 7

Introduction p. 9

1ère

partie : La petite phrase : contexte et définition p. 17

A) Le contexte général de la petite phrase : le discours politique p. 17

B) Un sous-contexte de la petite phrase : la communication

politique p. 22

C) Identifier la petite phrase p. 28

D) La petite phrase : un objet d’études ? p. 33

2ème

partie : Candidat, corpus, techniques d’extraction p. 43

A) Un candidat, deux journaux p. 43

B) Présentation des petites phrases et de leur contexte p. 51

C) Les techniques d’extraction des petites phrases p. 57

3ème

partie : Les petites phrases de Francois Hollande : un

outil efficace dans sa stratégie de communication ? p. 71

A) « Cet adversaire, c’est le monde de la finance » p. 71

B) « C’est le rêve français que je veux réenchanter » p. 80

C) « Président normal » p. 87

D) « Sale mec » p. 93

Conclusion p. 101

Bibliographie p. 109

Annexes p. 113

Table des matières p. 163

6

7

REMERCIEMENTS

Quelques mots en préambule de cette étude, qui met un point d’orgue à une année

riche et intense.

Tout d’abord, je veux adresser mes remerciements à mes parents, qui m’ont

encouragé dans mon choix de reprendre la direction de l’Université cette année.

J’adresse un merci particulier à ma mère, qui a suivi mes aventures et s’est tenue

régulièrement informée de l’avancée de mes différents travaux.

Par ailleurs, je souhaite remercier Marie-Laure, engagée dans la même démarche

que moi et avec qui j’ai beaucoup échangé, dans un esprit d’entraide et de soutien

mutuel. J’adresse aussi un clin d’œil amical à Bénédicte pour ses encouragements

réguliers, ainsi que pour ses conseils inspirés et réconfortants.

Je remercie également toutes les personnes de mon entourage, qui par leur

bienveillance, ont su m’accompagner dans la rédaction de ce mémoire. Certaines,

que je n’ai vues que trop rarement pendant cette année, m’ont néanmoins manifesté

leur soutien lorsque nous nous sommes croisés : elles se reconnaîtront.

Enfin, je remercie tout particulièrement ma Directrice de mémoire, Mme Gudrun

Ledegen. Au moment où je cherchais à circonscrire mon sujet, elle a su m’orienter

vers les bonnes thématiques et me communiquer les références appropriées. Sa

disponibilité, son optimisme et ses conseils avisés, tout au long de cette année,

m’ont permis de mener cette recherche dans les meilleures conditions.

8

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INTRODUCTION

« ...Vous n’avez pas le monopole du cœur. J’ai un cœur comme le vôtre,

qui bat à sa cadence et qui est le mien. Vous n’avez pas le monopole du cœur,

monsieur Mitterrand... » (Lavarini / Lhomeau, 2009 : 189).

Qui ne se souvient de cette déclaration qui a marqué les esprits, au delà de son

« caractère » politique et du contexte dans lequel elle a été prononcée ? C’était le

10 mai 1974, à l’occasion du débat télévisé de l’entre-deux tours de l’élection

présidentielle qui opposait les deux « qualifiés » qu’étaient Valéry Giscard

d’Estaing (VGE) et François Mitterrand. A l’époque, nombre d’observateurs

s’accordèrent à penser que VGE était sorti vainqueur de cette « joute télévisuelle »,

et que la phrase ci-dessus n’y avait sans doute pas été totalement étrangère... De là

à penser que c’est ce qui lui permettra, neuf jours plus tard, de remporter l’élection

présidentielle avec 50,81 % des voix, il y a un pas que nous ne nous permettrons

pas de franchir... même s’il peut paraître raisonnable de penser que cette « petite

phrase » ait pu contribuer, d’une manière ou d’une autre, à sa victoire.

« Petite phrase », l’expression n’est pas écrite ici par hasard. En effet, elle est

précisément l’objet de l’étude que nous nous proposons de mener à travers ce

mémoire. Mais il faut d’abord rappeler le cadre plus large de la présente recherche.

Ainsi, nous avons fait le choix de travailler sur la thématique de la communication

politique. Au sein de ce domaine assez vaste, nous avons souhaité étudier plus

particulièrement la stratégie de communication d’un homme politique dans un

contexte particulier : celui d’une campagne électorale. Ce choix a été motivé par

notre intérêt pour le « rôle » des mots dans un discours et leur efficacité, des mots

qui ont évidemment une importance pour un candidat en campagne. Mais nous

avons également fait le choix de nous pencher sur cette question en cette année

2012, année présidentielle, afin de profiter de la « matière » qui allait nous être

offerte et de pouvoir nourrir nos recherches.

On vient de l’évoquer, c’est un objet précis sur lequel nous allons nous pencher

ici : la « petite phrase ». Il est intéressant de noter que la simple évocation de cette

« expression » présente l’aspect d’une certaine ambigüité, celle d’un objet que tout

un chacun pourrait déclarer arriver, soit à identifier d’une manière très claire, soit à

avoir justement quelques difficultés à cerner correctement... Pour résumer, on

pourrait dire que chacun a sa propre idée de ce que peut être une « petite phrase »,

chacun en a sa propre définition. Si l’opinion publique, on le verra, lui attribue un

caractère plutôt péjoratif, la « petite phrase » n’en joue pas moins un rôle important

dans le débat politique. C’est ce que nous rappellera Alice Krieg-Planque,

universitaire spécialiste de l’analyse du discours, qui a particulièrement étudié cette

notion, considérant, dans la continuité de ses recherches sur la « formule » que la

« petite phrase » « participe (...) d’un projet qui vise à saisir les pratiques des

acteurs politiques et sociaux à travers les différentes formes de figement que leurs

discours modèlent et font circuler » (Krieg-Planque, 2009 : 12).

10

Apportons cependant quelques précisions à ce qui sera observé ici. En effet, ce

mémoire ne sera pas consacré à la « petite phrase » en général. D’une part, ce

genre d’étude ne peut traiter d’une notion aussi large et complexe. D’autre part, ce

qui se veut être un travail de fin d’études en Sciences de l’Information et de la

Communication implique d’observer la « petite phrase » sous un angle précis, et,

pour ce qui nous concerne, celui que nous venons de présenter. C’est pourquoi, au

sein de cette étude, nous avons fait le choix de tenter de répondre à la question

générale suivante : de quelle manière une « petite phrase » peut-elle, ou non,

participer d’une stratégie de communication d’un candidat en campagne ?

Un candidat

Outre le fait d’observer les petites phrases dans le contexte de la campagne

électorale des élections présidentielles de 2012, il a été fait le choix d’étudier celles

élaborées, construites, déclamées par un seul et même candidat. Au delà du fait que

nous étudions une stratégie de communication et par essence même celle d’un

candidat, d’une équipe, d’un parti, il nous a paru intéressant de faire ce choix pour

mieux en observer les diversités. Ainsi, il nous a semblé, que regarder de quelle

manière elles étaient distillées selon les circonstances, le moment choisi et la

tactique, pouvaient nous permettre de mieux en cerner les caractéristiques et

objectifs et ainsi faire ressortir la nature intrinsèque de ces « petites phrases » et

leur positionnement stratégique. Le candidat choisi pour cette étude est François

Hollande, et ce, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, il s’agit d’un candidat dont la personnalité est a priori plutôt

pondérée. Si on associe la notion de « petite phrase » à celle de « formule », de

« slogan », dans le sens d’une déclaration qui marque l’opinion, on pourrait alors

penser que le choix de ce candidat, François Hollande, n’est pas le meilleur. Au

contraire, nous avons pensé qu’il pouvait s’avérer intéressant d’observer de quelle

manière ce candidat, au profil a priori plutôt discret, avait pu utiliser ces « petites

phrases » dans son discours. On peut en effet penser que ces dernières n’ont pas été

élaborées par hasard chez un candidat pour qui « l’effet d’annonce » n’est a priori

pas une marque de fabrique. En d’autres termes, son profil tel qu’il nous

apparaissait pouvait nous laisser croire que ses « petites phrases » pouvaient

résulter d’une vraie réflexion et s’inscrire dans une véritable stratégie. Qui sait si le

candidat Hollande, par sa personnalité et son style, n’a pas particulièrement

travaillé cet aspect de sa communication ? Nous essaierons de vérifier si cela a

effectivement été le cas.

Ensuite, François Hollande est un peu celui que l’on pourrait qualifier

d’« inattendu » dans cette campagne. Outre que ce qualificatif est le titre d’un livre

(Michel, 2011) qui lui a été consacré, celui-ci lui convient assez bien dans le sens

où son parcours a montré qu’il était aussi peu attendu comme candidat potentiel au

sein de son propre parti, que par ses adversaires, ce que nous étudierons d’ailleurs

au cours de notre étude en retraçant son histoire personnelle et son parcours

politique. Ainsi, il nous a paru intéressant d’observer quelle stratégie de

communication ce candidat plutôt « imprévu » avait mis en place, en particulier via

ses « petites phrases ».

11

Enfin, François Hollande est connu pour établir un discours politique plutôt

original et atypique, dans le sens où l’humour et l’habileté stylistique y sont

souvent présents. Les médias le reconnaissent comme tel, à l’image de cet extrait

d’un article de l’AFP du 30/03/2011 : « M. Hollande, réputé pour son humour, ne

pouvait tout de même pas déclarer sa candidature un 1er

avril »1.

Ainsi, il pouvait paraître intéressant d’observer de quelle manière il allait, pendant

cette campagne électorale, conserver ou non ce style très personnel, notamment à

travers « ses petites phrases » ; on pourrait dire autrement que cette période

particulière offrait la possibilité d’observer si, via quelques petites phrases

habilement conçues, c’est plutôt la personnalité du candidat qui allait ressortir ou

bien si celle-ci allait en quelque sorte « s’effacer » derrière l’enjeu et la stratégie de

communication uniquement basée sur l’atteinte de l’objectif final.

Mais un autre aspect allait être déterminant dans cette recherche. En effet, dès lors

que l’on étudie la stratégie de communication d’un candidat en campagne, il nous

faut observer de quelle manière celle-ci s’avère gagnante, ou non, en regardant la

façon dont les médias s’en font l’écho. Car comment ne pas penser qu’un

retentissement important par les médias d’un déplacement, d’un fait de campagne,

d’un discours ou d’une « petite phrase », ne soit pas le reflet d’une stratégie de

communication réussie, ou non ? De quelle manière va-t-on chercher à élaborer ces

« petites phrases » (et d’ailleurs, sont-elles toutes élaborées ?), de telle sorte

qu’elles soient reprises par les médias et qu’elles y circulent de la manière la plus

efficace possible ? Et quelles caractéristiques précises de la « petite phrase » vont

faciliter ces reprises et circulations ?

La presse écrite

On le comprend, cet aspect est central dans le travail de recherche que nous

menons ici. Pour autant, il était impossible d’étudier d’une manière précise la

reprise et la circulation des discours et des « petites phrases » de F. Hollande dans

la totalité des médias. D’une part, en raison de la durée de la campagne notamment

celle du candidat en question, qui a duré près d’un an et demi. D’autre part, même

sur une période plus resserrée, la multiplicité et la diversité des médias impliquait

un autre choix pour délimiter encore l’observation de la communication du

candidat.

En effet, nous vivons évidement dans un monde très médiatisé, voire surmédiatisé,

dans lequel se multiplient les acteurs de l’information. On peut les classer en cinq

grandes catégories que sont la presse, le cinéma, la radio, la télévision et Internet,

(Balle, 2011 : 126). Ces catégories sont assez bien identifiables, avec cependant

quelques précisions nécessaires, en ce début des années « 2010 » sur le rôle

d’internet. Ainsi, internet est devenu, en quelques années, un acteur incontournable

de la circulation de l’information. Ses évolutions récentes et principalement

l’avènement de ce que l’on a appelé le Web 2.0 à partir de 2004-2005, c’est-à-dire

1 Article de l’AFP, « Primaires socialistes : l’heure de François Hollande sonne jeudi », le 30/03/2011,

base de données Factiva

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la part grandissante de l’interactivité et du participatif, en ont fait une plateforme

où interviennent une multitude d’acteurs plus ou moins anonymes, à côté des

médias traditionnels ou historiques qui utilisent également la « Toile » pour, en

quelque sorte, « doubler » leur diffusion d’information afin de lui donner un autre

format mais aussi toucher différemment le public qui les suit sur leurs supports dits

« historiques ». Sans oublier les réseaux sociaux, et parmi eux les deux principaux,

Facebook et Twitter, qui jouent un rôle très important, en particulier pour un

candidat en campagne électorale.

Pour autant, un choix de média précis a été fait ici quant à l’étude de la reprise et

de la circulation des petites phrases. Même si des allusions seront faites aux autres

médias cités ci-dessus puisqu’il ne peut en être autrement dans le cadre de l’étude

d’une stratégie de communication et à l’époque actuelle, nous nous attacherons à

étudier plus particulièrement comment les petites phrases ont été reprises par un

média plus traditionnel, en l’occurrence la presse écrite.

D’emblée, précisons que ce n’est pas l’ensemble de la presse écrite qui sera

observée, pour des raisons évidentes de quantité de données à traiter. Deux

journaux ont été sélectionnés pour d’une part restreindre le champ d’études et

d’autre part permettre néanmoins la comparaison : il s’agit du Figaro et de

Libération. Avec ces deux journaux, représentatifs grâce à leur tirage significatifs

et bien identifiés dans le paysage de la presse écrite en France, il est permis

d’établir une base d’étude raisonnable, qui offrira des possibilités de comparaison

dans les choix effectués, les façons de traiter l’information, mais aussi les lignes

éditoriales, puisqu’il est communément admis que celles-ci sont différentes voire

opposées chez ces deux journaux. Ces recherches ont été rendues possibles grâce à

une base de données : Factiva. Accessible à tous ceux qui justifient d’une

inscription universitaire, celle-ci présente l’avantage de recenser tous les articles de

journaux, pratiquement en temps réel. Cependant, cette base exclut le journal Le

Monde, qui aurait pu être étudié comme 3e source. En effet, ce journal, en raison de

sa position « centrale », ainsi que cela est montré dans l’article d’Idelson et

Ledegen (2012), aurait pu apporter cet éclairage supplémentaire.

Au-delà de ces aspects, revenons sur le choix de la presse écrite pour étudier le

traitement des « petites phrases » de François Hollande pendant cette campagne

des Présidentielles 2012. Ce choix provient tout d’abord de notre intérêt pour ce

média précis. Ensuite, et on l’a légèrement évoqué un peu plus haut, une des

caractéristiques de cette forme d’expression est de présenter un format court, ce qui

n’est pas une révélation en soi, l’appellation « petite phrase » parlant d’elle-même.

On pourrait donc penser que cette particularité aurait été observable d’une manière

plus idéale par des médias où la rapidité et le « découpage » sont des maître-mots :

on pense alors d’emblée à la télévision, la radio, ou même internet. Pourquoi alors

avoir fait le choix de la presse écrite ?

Ce choix a été fait pour au moins deux raisons. La première tient au caractère

« idéologique » qui pourrait être décelé dans certaines petites phrases. La

comparaison de deux journaux dont il est établi qu’ils ont un positionnement

différent donne du crédit à cet examen sous cet angle. Ainsi, nous vérifierons si le

profil des reprises correspond à ces positionnements.

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La deuxième raison est sans doute la plus importante puisqu’elle fait directement le

lien avec la stratégie de communication. Il semble en effet, même si ce n’est pas

systématique, que la « petite phrase » trouve assez souvent sa source dans des

médias comme la télévision ou la radio, on pense alors aux interviews, aux débats

télévisés, aux retransmissions de discours... Il sera alors intéressant d’observer

comment elle peut ensuite être reprise, ou non, par la presse papier, entre autres. A

un moment où il est souvent évoqué que la presse écrite est en crise, qu’elle ne

résistera peut-être pas aux nouvelles technologies et dans le contexte de tous les

autres discours alarmistes dont elle a fait l’objet au cours des dernières décennies,

il était intéressant de regarder quel rôle pouvait jouer le plus ancien des médias, du

moins en terme de longévité, dans la reprise et la circulation de ces « petites

phrases ». Les questions alors posées sont les suivantes : quel point commun ou de

divergence peut-on noter dans la manière de traiter les « petites phrases » dans les

deux journaux ? Est-elle l’objet central des articles ? Ou bien est-elle simplement

citée, ou y est-il fait simplement allusion ? La presse écrite a-t-elle tendance à

« développer » les « petites phrases » ? Ou au contraire, ne fait-elle que les citer ?

Une méthode de recherche

Après avoir décrit d’une manière assez exhaustive le contexte dans lequel sera

effectuée cette étude, regardons quelle méthode a été utilisée.

Etudier les « petites phrases » de François Hollande impliquait bien sûr d’en avoir

sélectionné un certain nombre, et c’est ce travail d’investigation qui a été réalisé en

premier lieu puisqu’il a été fait le choix de travailler à partir des données. Ainsi, en

travaillant sur différents supports et recoupages, plusieurs « petites phrases » ont

été sélectionnées pour devenir des objets d’étude. Quelques critères ont déterminé

leur sélection. Tout d’abord, leur fréquence dans les médias : il n’est jamais anodin

qu’une déclaration revienne régulièrement, ce phénomène invite à se questionner

sur les raisons de cette « célébrité » et interroge forcément lorsque l’on entreprend

d’examiner une stratégie de communication politique. Ensuite, et ce deuxième

point est lié au précédent, les réactions qu’elles ont suscitées. Lorsqu’une petite

phrase est commentée et répétée par l’équipe de campagne, ce n’est sans doute pas

le fruit du hasard, tout comme ne le sont pas les nombreuses réactions qu’elle peut

susciter dans l’opposition. Enfin, le dernier critère, également lié aux deux

précédents, était la présence, ou non, de cette petite phrase dans les deux journaux

que nous avions choisis pour observer la reprise et la circulation. Ainsi, grâce à la

base de données Factiva, il nous était possible de vérifier avec une certaine

efficacité si une « petite phrase » avait effectivement été reprise par Libération ou

Le Figaro : ce constat nous donnait ensuite la possibilité de retenir, ou non, la

« petite phrase » initialement « pressentie ». Et de déterminer la période

d’extraction, fonction de la durée de vie observée. C’est ainsi que cette période

d’extraction sera différente pour chaque « petite phrase », en raison de sa

« célébrité » autant que la date à laquelle elle a été prononcée.

D’autres éléments plus subjectifs ont également permis d’opérer cette sélection.

Ainsi, une « petite phrase » pouvait également attirer notre attention si elle

présentait un caractère remarquable d’un point de vue linguistique ou stylistique.

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Tout comme elle allait nous interpeller dans le cas où l’on pressentait qu’une

certaine symbolique s’y dissimulait.

Tout cela a conduit à finalement sélectionner quatre « petites phrases ». Ce choix

résulte aussi du caractère « multiple » de cet objet. Ainsi, et sans rentrer dès à

présent dans le détail, les « petites phrases » présentent tout un ensemble de

caractéristiques qui empêchait de multiplier leur nombre pour les étudier

correctement. Il a plutôt été privilégié le fait d’essayer de détailler au maximum ces

particularités afin de « radiographier » de la manière la plus précise possible

chaque « petite phrase » et son rôle dans la stratégie de communication. Même si,

on le répète, ce travail s’inscrit dans un cursus d’études en sciences de

l’Information et de la Communication, nous avons dû parfois aborder des questions

appartenant plutôt à d’autres disciplines comme les sciences du langage, les

sciences politiques, voire la sociologie ou la psychologie, sans prétendre avoir pu

les approfondir.

En parallèle de la sélection des petites phrases, plusieurs entretiens ont été réalisés

afin de disposer de ressources supplémentaires destinées à nourrir l’analyse. Ainsi,

nous avons tout d’abord questionné un responsable politique socialiste, également

animateur local de la campagne de François Hollande. Nous avons par ailleurs

obtenu le regard d’un professionnel de la communication, ainsi que celui d’un

journaliste de presse écrite. Leurs réflexions nous ont servi au moment d’étudier la

portée stratégique supposée des « petites phrases » du candidat socialiste.

Une étude en trois parties

Après avoir décrit le contexte général de l’étude, les supports sur lesquels elle se

base et la méthode utilisée, il est temps de présenter de quelle manière cette

présentation va s’articuler.

Dans une première partie, il sera question de l’objet en lui-même, à savoir la

« petite phrase ». Nous avons dit au début de cette introduction que plusieurs

perceptions de cet objet semblent apparaître selon les contextes et les acteurs.

Aussi, nous dresserons tout d’abord un cadre général en rappelant les grands

principes de l’analyse du discours et plus particulièrement du discours politique,

ainsi que le lien qui pourrait exister entre la propagande et la communication

politique. Puis, nous essaierons de définir, si cela est possible, ce qu’est une

« petite phrase », en nous servant des études qui ont été faites sur ce sujet,

notamment dans des disciplines comme les sciences du langage. L’objectif sera,

après en avoir retracé l’historique, de clarifier cette notion en regardant également

comment elle est perçue par le monde médiatique.

Après avoir tracé ce cadre qui nous permettra de mieux cerner ce qu’est une

« petite phrase », nous présenterons dans une deuxième partie le contexte de

l’étude, en faisant tout d’abord un zoom sur la vie de François Hollande et son

parcours politique. En parallèle, nous nous arrêterons sur l’histoire et le profil des

deux journaux qui serviront de support à l’étude, à savoir Libération et Le Figaro.

Puis, nous présenterons la sélection que nous avons opérée parmi les « petites

phrases » du candidat. Ainsi, en rapport avec les éclairages précédents, nous

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expliquerons les raisons pour lesquelles elles ont été choisies, le moment où elles

ont été prononcées, et dans quel contexte. Sans omettre de préciser les critères

d’extraction choisis : la fréquence sera bien sûr importante à observer, mais ce ne

sera pas le seul paramètre. Ainsi, il faudra aussi voir si la petite phrase est citée

dans sa globalité, ou bien s’il y est simplement fait une allusion. Il sera également

important de regarder si des articles ont été consacrés exclusivement à ces « petites

phrases » et ce que cela implique. Puis, nous nous intéresserons aux mots-clés

utilisés pour la recherche. Nous préciserons alors les raisons des choix effectués.

Dans la troisième partie enfin, la question de la stratégie de communication en elle-

même sera abordée, en faisant le lien entre tout ce qui a été observé auparavant.

Ainsi, après avoir étudié la sémantique des « petites phrases » choisies, nous

exposerons quelques statistiques dans le but d’observer, d’une part, les grandes

tendances chiffrées de chacune d’entre elles et d’autre part, leur évolution dans la

durée. Enfin, nous tenterons d’en tirer des conclusions quant à leur portée

stratégique éventuelle pendant la campagne. Nous essaierons ainsi de répondre aux

questions suivantes : le lancement de telle ou telle petite phrase a-t-il été

savamment orchestré et ses effets ont-ils été clairement ressentis? Qu’est-ce qui

nous le montre ? La petite phrase fait-elle passer un message « de fond » ou

idéologique ? D’une manière générale, quelle place ont trouvé ces « petites

phrases » dans la stratégie de campagne de François Hollande ?

En résumé et pour finir d’introduire cette présentation, ce que nous essayerons de

faire ici, c’est étudier les subtilités qui peuvent se glisser à l’intérieur d’une

stratégie de communication, à travers l’étude d’un objet précis : la « petite

phrase », et en utilisant un outil particulier, une « loupe d’observation » : la presse

écrite. Comment se créé la « petite phrase », qu’est-ce qui la provoque, s’impose-t-

elle du fait d’un environnement médiatique changeant ? Comment se « marie-t-

elle » avec le média « papier », quelle place y trouve-t-elle et sous quelle forme ?

C’est à ces questions que nous tenterons, au fil de cette présentation, de répondre.

16

17

1ère

Partie : La petite phrase : contexte et définition

Cette 1ère

partie servira à dresser le cadre général de cette étude et à définir le plus

précisément possible son objet. Tout d’abord, il sera rappelé quelques

fondamentaux sur le discours politique, avant d’aborder plus précisément la

question de la communication politique. Puis, nous en arriverons à la « petite

phrase » en elle-même, qui sera définie de deux manières : d’abord dans le cadre

d’une approche globale, puis d’un point de vue plus scientifique.

A) Le contexte général de la petite phrase : le discours politique

Etudier la « petite phrase » revient à la replacer tout d’abord dans son contexte.

Ainsi, avant de la définir d’une manière technique, il convient de rappeler quelques

fondamentaux sur l’analyse du discours, et le discours politique.

1) L’analyse du discours

En France, l’analyse du discours est une discipline qui s’est formée au milieu des

années 1960, dans un contexte où « les sciences humaines étaient dominées par le

structuralisme linguistique, le marxisme et la psychanalyse » (Maingueneau,

1991 : 9). Le structuralisme, développé notamment par Ferdinand de Saussure

(1957-1913), considère, en résumé, que la langue est un système composé

d’éléments tous interdépendants. Ce qui revient à dire, selon ce courant de pensée,

que l’étude de la langue doit être faite en tenant compte de tous les paramètres qui

la composent : le sens, la pensée, le psychisme...

Dominique Maingueneau propose une définition très large de l’analyse du

discours : « l’analyse de l’usage de la langue », reprenant ainsi celle de G. Brown

et G. Yule dans leur ouvrage Discourse Analysis (1983). Il propose également une

autre définition de l’analyse du discours, qui serait une « discipline qui, au lieu de

procéder à une analyse linguistique du texte en lui-même ou à une analyse

sociologique ou psychologique de son « contexte », vise à articuler son

énonciation sur un certain lieu social. Elle a ainsi affaire aux genres de discours à

l’œuvre dans les secteurs de l’espace social (un café, une école, une boutique...),

ou dans les champs discursifs (politique, scientifique...) » (Maingueneau, 1996 :

11). Ici, la dimension énonciative apparaît clairement et l’environnement semble

devoir jouer un rôle déterminant. On ne peut s’empêcher de faire le lien avec le

discours politique dans lequel le contexte, l’environnement, sont prépondérants :

qui parle, où, et dans quelles circonstances...

Pour autant, Dominique Maingueneau rappelle que la notion même de « discours »

revêt diverses définitions selon l’emploi que chacun en fait : pour certains, c’est la

langue, d’autres le texte, pour d’autres encore l’énoncé, voire une position sociale,

pour n’en citer que quelques-uns (Maingueneau, 1991 : 10). Certains, comme

18

L. Guespin, ont même considéré que le discours était en quelque sorte « l’analyse

du chercheur », ainsi qu’il l’explique dans cet extrait où, par ailleurs, il oppose

discours et énoncé : « L’énoncé, c’est la suite de phrases émises entre deux blancs

sémantiques, deux arrêts de la communication ; le discours, c’est l’énoncé

considéré du point de vue du mécanisme discursif qui le conditionne. Ainsi, un

regard jeté sur un texte du point de vue de sa structuration « en langue » en fait un

énoncé ; une étude linguistique des conditions de production de ce texte en fera ‘un

discours’ » (Guespin, 1971).

Ce qui semble être avéré en tout cas aujourd’hui, c’est le caractère

pluridisciplinaire de cette spécialité, comme le rappelle D. Maingueneau : « dans

l’approche en termes de discours, l’ouverture sur des champs connexes

(sociologie, psychologie, histoire...) est primordiale » (Maingueneau, 1991 : 12) ou

encore « l’analyse du discours ne traite pas les matériaux verbaux comme de

simples véhicules d’information mais comme des structures langagières » (ibid. :

14).

Dans le prolongement de cette réflexion, le chercheur rappelle que,

« Traditionnellement, l’intérêt pour le discours était réservé à quelques types

d’énoncés consacrés (littéraires, religieux, philosophique...) ; dans l’Ecole

française, c’était le discours politique qui était largement privilégié »

(Maingueneau, 1991 : 251). S’intéresser à l’analyse du discours politique revient

donc à s’inscrire dans une tradition française, dans le sens où l’on peut s’attendre à

ce que les références dans ce domaine sont nombreuses.

A présent, intéressons-nous plus en détail à la question du discours politique en lui-

même.

2) Le discours politique

a) Généralités

Dans une étude consacrée au phénomène des « petites phrases » et dans un champ

de recherches appartenant aux Sciences de l’Information et de la Communication,

il faut préciser où l’on replace le thème du discours politique. Tout d’abord, du fait

de son caractère très vaste et complexe, il nous fallait le circonscrire et le thème de

ce mémoire le permet. Ensuite, nous essayerons d’en faire ressortir les aspects qui

nous permettent de situer ces « petites phrases » en tant qu’elles s’inscrivent, ou

non, à un moment donné, dans une stratégie de communication politique.

Soyons prudent avec cette notion de communication politique pour ne pas la

confondre avec celle de discours politique. Nous allons y revenir, mais observons

tout d’abord ce dernier. D’un point de vue général, et dans un premier temps, on

peut dire que nous considérerons ici le discours politique en tant qu’il est celui tenu

par ceux que l’on nomme les femmes et hommes politiques. Cela peut paraître une

évidence, mais ne l’est sans doute pas si l’on considère que beaucoup d’autres

acteurs tiennent parfois un discours dit « politique », comme par exemple les

dirigeants d’entreprises, les dirigeants syndicaux ou autres acteurs exerçant des

19

responsabilités et pouvant se trouver en situation de s’exprimer publiquement ou

de prononcer des discours.

Ensuite, et selon une définition très généraliste, rappelons qu’un « homme

politique » est celui qui « s’occupe des affaires publiques » (Le Petit Larousse,

1995 : 800). Quant au discours, et pour compléter ce qui a été dit un peu plus haut,

celui-ci peut être défini comme un « ...mode d’appréhension du langage... » et, ce

qui lui est lié, «...l’activité de sujets inscrits dans des contextes déterminés. »

(Maingueneau, 1996 : 28). Alors, une définition assez généraliste du discours

politique pourrait donc se résumer ainsi : il serait l’activité langagière, dans un

contexte précis, de ceux dont la responsabilité est de gérer les affaires publiques.

Ici apparaissent d’emblée deux points sur lesquels nous pouvons d’ores et déjà

attirer l’attention : d’une part, l’acteur est bien identifié, il ne s’agit pas d’un

discours prononcé par un inconnu et d’autre part, celui-ci le fait dans un contexte

qui est clair et dont le cadre est parfaitement identifié.

Cette notion de contexte fait penser à une autre approche pour dessiner le cadre du

discours politique. Christian Le Bart nous propose le concept de logiques de

position pour cerner les environnements dans lesquels vont être exercés les

discours politiques : logiques de position qui, selon lui, sont au nombre de quatre.

Il nous propose tout d’abord l’origine et la trajectoire sociale qui vont, d’après lui,

déterminer la façon de s’exprimer du locuteur, arguant du fait que le parcours et les

origines de celui-ci doivent être pris en considération. La 2e notion qu’il met en

avant est celle de clivage politique. Il avance que ce marquant idéologique va

déterminer une certaine façon de discourir et l’utilisation d’un certain vocabulaire :

pour schématiser, selon la tendance politique, le vocabulaire utilisé, les figures

rhétoriques ou le style seront différents. Le 3e point est le rôle du locuteur : le

discours sera influencé par le fait que celui-ci est un maire, ministre ou Président

de la République. Enfin, le 4e déterminant est la conjoncture politique, la

campagne électorale pouvant être l’une de celles-ci (Le Bart, 1998 : 28-40). Ce qui

ressort à ce stade est la multiplicité des éléments à prendre en compte pour

déterminer le discours politique. Il semble aller de soi qu’il ne faille pas s’en tenir

aux seuls mots ou aux seuls locuteurs pour en saisir la portée et tout ce qu’il

recouvre.

b) Discours politique et pouvoir

Une autre approche du discours politique est celle de Constantin Salavastru, un

philosophe ayant travaillé sur l’art oratoire et la rhétorique en politique, qui le

définissait ainsi en 2003 à l’occasion d’un séminaire consacré à la « logique

discursive » : « le discours politique est une forme de la discursivité par

l'intermédiaire de laquelle un certain locuteur (individu, groupe, parti etc.)

poursuit l'obtention du pouvoir dans la lutte politique contre d'autres individus,

groupes ou partis » (Salavastru, 2003 : 1). Cette définition fait apparaître deux

points nouveaux intéressants. Le 1er

est le fait que le locuteur, donc celui qui

s’exprime, n’est pas nécessairement un individu mais il peut être également un

groupe ou un parti. On imagine ici que le discours en question peut être celui

prononcé par une personne au nom de lui-même, ou par une personne au nom du

20

groupe qu’il représente, par exemple un parti politique. On peut aussi imaginer,

dans ces conditions, que le discours en question peut être oral ou écrit. Le 2e point

qui ressort de cette définition est la notion de pouvoir. Le discours politique aurait

donc comme objectif l’accession au pouvoir ou, comme on peut le lire entre les

lignes, la volonté de le garder. Replacé dans le contexte de notre étude,

précisément, cette approche est intéressante. En effet, le candidat à l’élection

présidentielle est à l’évidence dans cette recherche de pouvoir et les « petites

phrases » qui pourraient apparaître dans son discours auraient donc également cet

objectif.

Avec cette approche où intervient la notion de pouvoir, Constantin Salavastru

rejoint le point de vue de Patrick Charaudeau pour qui le langage, l’action et le

pouvoir sont liés. C’est précisément ce qui apparaît lorsque ce dernier écrit que « le

gouvernement de la parole n’est pas le tout de la politique, mais il ne peut y avoir

d’action sans parole : la parole intervient dans l’espace de discussion pour que

soient définis l’idéalité des fins et les moyens de l’espace public» (Charaudeau,

2005 : 16). Ce point de vue qui tend à vouloir rendre indissociable le langage et le

pouvoir est essentiel dans la recherche que nous menons ici. En effet, on peut se

demander ce qu’il en est de cette relation entre ces deux entités dans le discours de

quelqu’un qui n’est pas encore en situation de pouvoir, parce que candidat.

Comment le discours de quelqu’un qui n’a pas le pouvoir peut-il être intimement

lié à celui-ci ? Peut-être parce que, par les mots qu’il choisira d’emprunter, il se

mettra en position, au regard de l’opinion, d’être au pouvoir ou en situation de

pouvoir. Sans chercher à se poser ici la question de savoir qui parle, cette théorie

rejoint ceux qui pensent que l’action politique, plus que d’être seulement liée à son

activité discursive, s’y confond. C’est à nouveau le cas de Christian Le Bart

lorsqu’il écrit que « le métier politique consiste (...) à savoir poursuivre des

stratégies discursives (convaincre, se légitimer, délégitimer autrui) en ayant

intégré l’ensemble des contraintes de champ. C’est l’intériorisation du rôle » ou

encore « les politiques existent plus que jamais à travers ce qu’ils disent, la

capacité à exister à travers ce qu’ils font apparaissant beaucoup plus aléatoire »

(Le Bart, 2010 : 79). Partant de ce point de vue, comment peut-on qualifier le rôle

du discours dans l’activité de l’acteur politique autrement que central, fondamental,

intrinsèque ? Finalement, ce discours politique dès lors que l’on commence à s’y

intéresser ne constitue-t-il pas l’essence même de l’activité publique, ce qui

expliquerait pourquoi le rôle de la communication politique est grandissant ? En

effet, si l’on part du postulat que, d’une part, la politique et le pouvoir sont liés et

que d’autre part, l’action politique et le discours politique tendent à se confondre,

on voit bien qu’une des préoccupations majeures de l’acteur politique va être de

chercher à améliorer la qualité de sa communication politique. Mais ce n’est pas

encore le moment de se pencher en détail sur cette question.

c) Un objet multiple

Si l’on revient au discours politique, on perçoit, par les références que l’on vient

d’évoquer, qu’il est multiple, complexe et qu’il fait appel à diverses notions. C’est

sans doute le moment d’essayer d’en proposer une nouvelle définition qui met

21

clairement en évidence son aspect multiforme et qui devrait nous conduire dans la

direction recherchée pour aborder la question centrale de cette étude : « Le

discours politique est ce lieu par excellence d’un jeu de masques. Toute parole

prononcée dans le champ politique doit être prise à la fois pour ce qu’elle dit et

pour ce qu’elle ne dit pas. Elle ne doit jamais être prise au pied de la lettre, dans

une naïve transparence, mais comme résultat d’une stratégie dont l’énonciateur

n’est pas toujours le maître » (Charaudeau, 2005 : 5). Cette proposition semble

nous faire progresser d’un niveau dans l’approche que nous faisons du discours

politique et de son univers emmêlé. Il nous apparaît de plus en plus, par tout ce que

nous venons de montrer, que plusieurs couches le composent, s’y superposent et le

déterminent.

L’auteur que nous venons de citer, Patrick Charaudeau, se situe précisément dans

cette approche de « complexité » lorsqu’il décrit le discours politique. Au fil de ses

recherches sur ce sujet, on retrouve le postulat qui veut que le discours politique

serait constitué de trois composantes que sont le logos, l’ethos et le pathos. Le

logos correspond au discours en lui-même, à l’argumentation, l’ethos est l’image

de soi construite par le locuteur, tandis que le pathos est l’émotion qui y est

véhiculée. Si on devait représenter schématiquement ce postulat, on distinguerait

assez bien les trois « entités » que sont celui qui parle, le discours qu’il porte, et

celui qui le reçoit. En effet, même si ces émotions émanent de celui qui parle, elles

sont reçues et ressenties par celui qui écoute, par celui qui reçoit le discours. Or,

ajoute le chercheur, « il semble (...) que le discours politique, tout en restant un

mélange de ces trois composantes, s’est progressivement déplacé du lieu du logos

vers celui de l’ethos et du pathos, du lieu de la teneur des arguments vers celui de

leur mise en scène » (Charaudeau, 2005 : 35). Nous pourrions donc dire que, selon

cette hypothèse, le discours politique en tout cas ce qui le constitue en tant que tel,

n’est plus le texte en lui-même, les propositions, les idées mais la façon dont elles

sont délivrées, dans quelles circonstances, avec quels affects, quelle force de

conviction ou de persuasion, quels présupposés ou références, voire dans quel but

et avec quelle stratégie. A ce moment, on pense à un mot qui résume assez bien

tout ceci : le mot « théâtre ». En effet, si l’on continue dans cette direction qui

voudrait que l’ethos et le pathos jouent désormais un rôle prépondérant vis-à-vis du

discours politique, on ne peut s’empêcher d’associer celui-ci aux notions de mise

en scène, de techniques, de rapport avec l’auditoire... Si l’image de l’homme

politique et les émotions qu’il transmet semblent devenus aussi centraux dans le

discours politique, cela va impliquer de devoir se pencher sur la façon dont le

locuteur gère cette image et ces émotions, et sur le rôle joué par les mots dans cette

« mise en scène » générale à laquelle participe a priori aujourd’hui le discours

politique.

Avant de nous pencher sur la question de la communication politique, disons un

mot de ce que peut véhiculer par ailleurs le discours politique comme réputation,

comme connotation. On ne peut nier le fait que le discours politique « traîne » une

réputation qui dans son ensemble le dessert, et l’on verra qu’au moment d’aborder

la « petite phrase » d’un point de vue général, curieusement, certains points

communs apparaissent quant à cette « réputation ». Le discours politique est en

effet souvent « illustré » par des formules ou expressions qui le stigmatisent plus

qu’elles ne le mettent en valeur : on pense par exemple à la langue de bois,

expression qui revient régulièrement pour décrire le discours politique. Pour

22

décrire ce dernier, l’opinion parle aussi parfois de « beaux discours » et on

comprend par cette antiphrase qu’elle pense en fait tout le contraire, tout comme

quand les locuteurs sont qualifiés de « beaux parleurs ». Tout cela signifierait-il

que l’action politique ne se réduit pas à ses discours, comme on l’a un peu évoqué

plus haut, ces expressions ayant tendance à vouloir dire que si les paroles ne sont

pas suivies des actes, alors, elles ne servent à rien ? Ceci rappelle par ailleurs le

nom d’une émission politique diffusée sur France 2 à laquelle ont été invités tous

les candidats aux élections présidentielles 2012 : Des paroles et des actes, un titre

qui résume peut-être à lui tout seul ce qu’est l’action politique et qui semble

vouloir quant à lui dissocier ces deux composantes, signifiant par là-même que

l’une (la parole) n’inclut pas l’autre (l’acte) ? Ce qui est certain en tout cas c’est

que cette réputation « d’inutilité » de la parole politique existe depuis un certain

temps déjà même si les femmes et hommes politiques tentent de la gommer par

tous les moyens et notamment celui de l’utilisation de certaines techniques de

communication politique, même si ce n’est pas le seul objectif de ces dernières.

Nous venons donc de nommer les grandes caractéristiques d’un discours politique

et avons mis en avant son caractère « multiple ». Regardons à présent de quelle

manière celui-ci se situe vis-à-vis des techniques de communication.

B) Un sous-contexte de la petite phrase : la communication politique

Le moment est venu de regarder de quelle manière ce discours politique, que nous

venons de définir, circule, se diffuse, et à l’aide de quelles techniques. Ainsi,

rappelons que nous essayons à travers cette étude d’observer si les « petites

phrases » jouent un rôle dans la stratégie de communication d’un homme politique,

et plus particulièrement au cours d’une campagne électorale. Aussi, on ne pouvait

dans ce mémoire traiter de ce sujet sans aborder précisément la question de la

communication politique : celle-ci diffère du discours politique, dont nous venons

de dresser le cadre. Elle en diffère par le fait qu’elle fait immanquablement penser

à la forme utilisée pour diffuser des idées, quand le discours politique en lui-même

concerne plus le fond. Essayons alors de définir ce qu’est la communication

politique, en commençant par un bref retour en arrière.

1) Les origines de la communication politique : la propagande ?

« La communication politique, au sens moderne, désignant l’ensemble des

pratiques visant à établir des liens entre les professionnels de la politique et leurs

électeurs, en usant notamment des voies offertes par les médias (de l’article de

presse au clip, du publipostage au courrier électronique, du débat télévisé au

blog...), a pris naissance aux Etats-Unis » (Riutort, 2007 : 25). Dans cette

définition qui est en même temps une façon de resituer les origines de cette

« discipline », le sociologue nous livre plusieurs informations.

Tout d’abord, et en comparaison avec le discours politique, il cite un acteur

supplémentaire : le monde des médias, qui serait donc intrinsèquement lié à la

23

communication politique : on comprend aisément que le lien entre un acteur

politique et sa « cible », à savoir la population, va se faire par le biais des médias.

Ensuite, il nous dit que c’est aux Etats-Unis que la communication politique, selon

lui, trouve ses origines : il évoque d’ailleurs plutôt l’opinion publique et la façon

dont les politiques vont s’y intéresser, celle-ci tendant « ...à s’ériger aux Etats-

Unis, dès la fin du XIXe siècle, en principe majeur de légitimation des

gouvernants » (ibid. : 26).

L’appellation d’opinion publique est d’ailleurs à rapprocher de celle de relations

publiques, qui se développent également aux USA dans les années 1920. A cette

époque, « les relations publiques se professionnalisent sous l’influence d’un

Edward Bernays, qui y a vu un moyen de ‘cristalliser l’opinion publique’, pour

reprendre le titre d’un de ses ouvrages » (Lhérault/Daklia, 2008 : 205). Dans ces

propos, on voit apparaître la notion d’influence des masses et de l’opinion. En

filigrane de ces notions en apparaît une autre, fondamentale : la propagande, dont

Edward Bernays se voudra l’un des théoriciens, notamment au travers de son

œuvre très célèbre : Propaganda (1928). Il y écrit que « la manipulation

consciente, intelligente, des opinions et des habitudes des masses, joue un rôle

important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme

social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le

pays » (Bernays, 1928 : 31). A travers ces propos où apparaît le mot

gouvernement, on perçoit l’importance de l’approche propagandiste dans la

communication entre les acteurs politiques et la population à cette époque aux

USA.

La « propagande » a pourtant des origines tout autres puisque le terme a été utilisé

pour la première fois dans le contexte religieux : congregatio de propaganda fide

(congrégation pour la propagation de la foi), instituée le 22 juin 1622 par le pape

Gregoire XV pour « répandre la religion catholique et diriger toutes les missions »

(Breton, 1997 : 69). Voici une définition très générale de ce terme : « action

systématique exercée sur l’opinion pour faire accepter certaines idées ou

doctrines, notamment dans le domaine politique, social, etc. » (Le Petit Larousse

(1995 : 829). Peut-être que cette autre approche, pourtant historique, rappelle

l’origine « religieuse » du terme : « La propagande applique les techniques de la

foi collective et vise à la socialisation des doctrines politiques et des idéologies »

(Delporte, 2003 : 3).

Ramenons le terme dans le champ politique et citons le point de vue du politologue

Jacques Gerstlé qui rappelle que « dès 1927, Lasswell publie un ouvrage sur les

techniques de propagande pendant la 1ère

guerre mondiale. Il la définit comme le

management des attitudes collectives par la manipulation des symboles assez

proche de certaines définitions actuelles de la communication politique » (Gerstlé,

2004 : 30), Lasswell ayant été un spécialiste américain reconnu des relations entre

la communication et la politique. Même si cette notion de propagande semble avoir

aujourd’hui une certaine connotation négative, Philippe Breton, nous rappelle que

ce terme « n’est devenu péjoratif que depuis peu ». Pour illustrer ses propos, il cite

l’œuvre de Serge Tchakholine, Le viol des foules par la propagande politique

(1952), dans lequel l’auteur regrette que les méthodes de la propagande « aient été

insuffisamment utilisées ‘pour la bonne cause démocratique’ » (Breton, 1997 : 70).

En d’autres termes, même si, dans l’opinion, ce terme de propagande semble le

24

plus souvent associé à des actions menées par des régimes non démocratiques ou

pendant des périodes troubles puisque, selon certains, elle « (...) s’appliquait à

entretenir le rapport inégalitaire entre les acteurs politiques et la masse par le

caractère unilatéral du message (...) » (Delporte, 2006 : 30), il semblerait qu’il

puisse également être associé à l’activité politique classique d’une démocratie.

2) De la propagande à la communication politique

Replaçons-nous brièvement dans le contexte américain pour citer la fameuse

théorie de la « seringue hypodermique » de Lasswell, qui mettait en avant « la

puissance de conditionnement des médias de masse » (Riutort, 2007 : 36), son

principe général étant que les médias contrôlent l’opinion en lui injectant certaines

« doses de messages » à intervalle régulier. Cette théorie sera mise à mal dans les

années 1940-1950 par les travaux de Lazarsfeld et ses équipes de Columbia, pour

qui ce phénomène aurait des « effets limités ». Le chercheur avance que « les

récepteurs ne subiraient (...) qu’une « exposition sélective », au sens où ils

filtreraient en amont l’émetteur (du choix d’un journal à celui d’un bulletin

d’information) à partir de leurs préférences initiales » (Riutort, 2007 : 36). Dans

cette théorie, nommée two-step flow of communication, Lazarsfeld évoque

également le rôle joué par celui qu’il nomme le leader d’opinion, par exemple le

père de famille, qui retraduit les informations qu’il a lui-même réceptionnées. En

résumé, cette théorie met en avant qu’un certain nombre de « filtres » existeraient

et que le conditionnement des masses ne serait donc pas une évidence. C’est en

quelque sorte une façon de dire que la « communication » vient s’immiscer dans

les relations entre les médias et les masses.

« Si l’on en croit l’idée généralement admise, nous serions passés, dans une

période que l’on situe, selon le cas, quelque part entre les années 1950 et 1980,

d’un âge de la propagande à un âge de la communication politique, mouvement

qui aurait ainsi accompagné le basculement du temps des masses à celui de

l’opinion publique » (Delporte, 2006 : 30). C’est le cas français que l’historien

dépeint dans cet article, même s’il n’est pas clairement établi que ce phénomène ait

un lien avec ce qui s’est passé aux USA. Et quand il ajoute que « par la posture

d’écoute et de dialogue qu’elle suppose, la communication constitue le liant de la

société démocratique, en rupture avec la propagande, par nature totalitaire », il

apporte le présupposé que la communication politique serait à mettre en lien avec

la nature démocratique d’un régime politique.

Les Sciences de l’Information et de la Communication semblent également

défendre cette hypothèse, à savoir qu’il existerait un lien entre la propagande et la

communication politique, comme par exemple dans cet article : « la tension entre

les catégories « propagande » et « communication politique » est devenue

particulièrement manifeste dans les années quatre-vingt, décennie caractérisée par

la construction de la communication comme catégorie d’analyse dominante, dans

la sphère politique et au-delà » (Ollivier-Yaniv, 2010 : 31). Il semble donc que les

années 1980 aient marqué en France un tournant dans cet avènement, cette mise en

place d’une communication politique. C’est également dans cette décennie

qu’apparaît une autre définition de la communication politique allant dans ce sens :

25

il s’agirait ainsi d’un « espace où s’échangent les discours des trois acteurs qui ont

la légitimité à s’exprimer publiquement sur la politique et qui sont les hommes

politiques, les journalistes et l’opinion publique au travers des sondages »

(Wolton, 1989 : 39). Là encore on voit que la communication a investi le champ et

que les échanges entre les acteurs sont au cœur du processus. La communication

politique se distinguerait donc de la propagande par ce dialogue qui apparaît être

central et où une certaine mise en commun des intérêts semble prévaloir. On

pourrait alors imaginer qu’une stratégie de communication, dans le cadre d’une

campagne électorale se déroulant en 2012, n’aurait pas pour seul objectif la

conquête du pouvoir, mais également celui de la mise en place d’une organisation

permettant l’atteinte d’objectifs communs définis dans le cadre de ladite

communication politique, grâce aux possibilités de dialogue qu’elle permet. Mais

le thème de la propagande n’est pas le seul à évoquer. Lorsqu’il est question de

discours politique, la manipulation est un sujet qui revient régulièrement et qui

semble jouer un rôle incontournable.

3) La manipulation

« De manière apparemment paradoxale au regard du sens commun, la

manipulation des discours est définie comme étant plus caractéristique des régimes

démocratiques que des régimes totalitaires » (Ollivier-Yaniv, 2010 : 33). Cette

approche un peu directe qui consiste à dire que la manipulation n’est pas l’apanage

des régimes totalitaires, peut surprendre au premier abord. Mais cette vision est

partagée par d’autres chercheurs, qui estiment par ailleurs que les techniques

manipulatoires ont des points communs avec la propagande.

Ainsi, Philippe Breton pense que la propagande est un « type de techniques de

manipulation de la parole mises en œuvre de façon consciente et systématique. La

propagande est plutôt née au sein des régimes démocratiques que des régimes

totalitaires » (Breton, 1997 : 68), et ajoute un peu plus loin : « De nombreux partis

politiques, y compris démocratiques dans les valeurs qu’ils défendent, utiliseront

constamment et systématiquement le terme propagande pour désigner la partie

spécifique de leur action qui concerne la diffusion de leurs idées auprès du

public » (Breton, 1997 : 69). Ce que l’auteur nous dit en plus ici est que la

manipulation et la propagande seraient donc liées, et par ailleurs bien présentes au

sein des régimes démocratiques : on ne peut alors s’empêcher de faire le lien avec

le discours politique. En effet, qui, dans les sociétés modernes, ne cherchent à

convaincre, si ce ne sont tous ceux qui cherchent à « vendre quelque chose » ? On

voit bien que dans cette catégorie, l’on peut aussi bien inclure toutes les démarches

commerciales qui visent à « faire acheter » que tous les discours politiques qui

visent à « faire adhérer », notamment en période de campagne électorale.

Les discours politiques sont-ils donc par nature manipulatoires ? Les techniques de

communication politique vont-elles systématiquement s’appuyer sur ces ressorts

pour augmenter leur efficacité ? Cette définition de la manipulation interpelle :

« La manipulation consiste à entrer par effraction dans l’esprit de quelqu’un pour

y déposer une opinion ou provoquer un comportement sans que ce quelqu’un sache

qu’il y a eu effraction » (Breton, 1997 : 26). Cette notion de « violence

26

psychologique », expression également utilisée par le chercheur et qui justifie

l’emploie de ce terme en l’associant à de la dissimulation, tend à montrer que, si la

manipulation semble bel et bien exister, son image ne semble pas être celle d’un

concept flatteur ou positif.

Au fur et à mesure de notre étude ici, nous essayerons de déterminer quelle part

prend la manipulation dans le discours politique et si les « petites phrases » que

nous avons sélectionnées révèlent certaines techniques manipulatoires.

4) Le contexte de la campagne électorale

a) Généralités

On l’a vu, la communication politique peut se définir comme l’interaction de trois

acteurs que sont les femmes et hommes politiques, les médias, et l’opinion

publique. On imagine aisément que ce processus est encore plus vrai dans le cas

d’une campagne électorale, et notamment à l’occasion d’un scrutin national.

Comment en effet s’adresser à son électorat sans passer par le filtre des médias ?

Comment les convaincre et faire porter son discours sans utiliser les relais

médiatiques qui vont le permettre ? J.G. Blumer a défini trois périodes depuis

l’après-guerre qui montrent comment la communication politique a évolué pendant

cette période et le rôle qu’y ont joué les médias, sans distinction géographique.

Il observe tout d’abord la période 1945-1960 et considère qu’elle reposait sur les

partis politiques eux-mêmes. Il explique que cette époque était marquée par le fait

que ceux-ci dominaient le système et jouissaient donc d’un accès facile aux

médias. Puis, il pointe le rôle déterminant joué par la télévision, quand cette

dernière connait un essor considérable dans les années 1970 et 1980. Enfin, il

décrit le développement des supports de communication à partir de la fin des

années 1980, avec, en plus, l’arrivée d’internet (Blumler, 1995).

On voit l’importance des médias dans cette description. Le rôle de la télévision

semble incontournable, d’abord par le développement très important que ce média

a connu. Ainsi, en France, le taux d’équipement croît effectivement très vite

pendant la période décrite ci-dessus : « En 1973, 79% des ménages sont équipés de

téléviseurs (14,5 millions) et en 1988 le taux dépasse 94% avec 28 millions

d’appareils » (Gerstlé, 2004 : 42). Un candidat en campagne ne peut ignorer ce

phénomène et doit s’y adapter : nous y reviendrons.

b) Interactions

Mais lorsque l’on parle de campagne électorale, il faut citer une autre catégorie

d’acteurs : les spin doctors ou conseillers en communication. Cette appellation

anglo-saxonne vient de l’adjectif anglais spin, notamment utilisé dans le jargon

sportif, to put a spin on a ball, signifiant littéralement « donner de l’effet à une

27

balle » (Robert & Collins, 1990 : 668). Les premiers spin doctors ont officié aux

USA : « Si la fonction a fait son apparition dans les années 1930 et a été

généralisée au cours des années 1960, l’expression ne se diffuse dans le débat

public qu’à partir de l’élection présidentielle de 1984 qui a opposé R. Reagan à

W. Mondale » (Riutort, 2007 : 64). Il faut rappeler que Ronald Reagan avait plutôt

« perdu » ce débat face à son adversaire : ses conseillers décidèrent alors de faire

campagne juste après le débat pour « faire tourner la suite » (spin this afterward),

c’est à dire « faire le débat sur le débat » : « Ceci permit à Reagan, grâce à une

intense campagne de spinning, d’être donné vainqueur du débat » (Salmon, 2007 :

116). En France, « à partir de l’élection au suffrage direct en 1965, les

présidentiables recourent volontiers à des conseillers susceptibles de les éclairer

(...) » (Riutort, 2007 : 65). Il n’est pas surprenant de constater que la profession est

originaire des USA, tout comme l’est la communication politique. Par ailleurs,

l’influence des communicants en politique a été plus tardive en France, même si,

dans les années 2010, ils sont très présents dans le paysage politique français et

présentent des profils très divers : on peut en effet y inclure les conseillers en

communication appartenant à des cabinets privés, mais aussi les instituts de

sondage et enfin les propres équipes de communication des partis politiques ou des

candidats en campagne. Dans le cas qui nous occupera dans cette étude, le

directeur de la communication du candidat François Hollande était Manuel Valls2.

Par ailleurs, une campagne électorale est un moment où se cristallisent de multiples

phénomènes. Un candidat en campagne poursuit l’objectif de séduire ses électeurs

potentiels. Pour arriver à ses fins, il va devoir créer en quelque sorte des

« conditions d’adhésion » pour séduire son électorat. A cet égard, il semble par

exemple que la symbolisation, joue un rôle déterminant dans la façon dont les

politiques abordent leur stratégie : « Ceux qui aspirent au pouvoir se livrent une

lutte qui passe par les représentations, les images que tous les citoyens se font,

souvent inconsciemment, du passé, du présent et de l’avenir d’eux-mêmes, de leurs

groupes d’appartenance et de référence et de leur collectivité nationale. C’est

pourquoi, la communication des prétendants au pouvoir consiste dans les efforts

pour exercer un contrôle symbolique sur la définition collective de la situation

politique » (Gerstlé, 2004 : 138). En d’autres termes, la clé, pendant une campagne

électorale, serait de faire émerger des mots, des images, des symboles rassembleurs

et compréhensibles par tous.

Jacques Gerstlé semble confirmer ici ce qui a été dit par d’autres avant lui : « le

porte-parole autorisé ne peut agir par les mots sur d’autres agents et, par

l’intermédiaire de leur travail, sur les choses mêmes, que parce que sa parole

concentre le capital symbolique accumulé par le groupe qui l’a mandaté et dont il

est le fondé de pouvoir » (Bourdieu, 1982 : 107). Ramené au discours politique et à

la volonté de conquérir le pouvoir, ce qui est propre à une campagne électorale, on

peut interpréter ces propos du célèbre sociologue de la manière suivante : l’orateur,

autant pour se légitimer que pour séduire son électorat, devra adjoindre à ses

propos cette dimension symbolique qui serait une manière de « rendre hommage »

par avance à ceux qui pourraient lui faire confiance.

2 Homme politique français, Ministre de l’Intérieur à partir de mai 2012

28

On peut supposer que pour « séduire », étant donné que le public est disparate, le

« symbolique » apparaîtrait comme un moyen d’unifier le code, de proposer en

quelque sorte une « matrice » compréhensible par tous. Les médias seraient les

supports pour mettre en scène cette symbolisation, au moyen des mots, textes,

images musiques... : « Il s’agit donc de construire une interprétation qui a une

vocation stratégique et qui va se heurter aux interprétations rivales pour la

conquête du pouvoir » (Gerstlé, 2004 : 138). On perçoit ici la double stratégie que

doivent mettre en place les candidats : d’une part convaincre l’électorat, d’autre

part combattre l’adversaire. C’est peut-être là que se trouve toute la différence

entre le discours politique « de tous les jours » et celui utilisé en campagne

électorale : quand d’un côté il faut « seulement » convaincre, de l’autre il faut, en

plus, être plus fort que l’adversaire, sans pour autant déstabiliser celui qui va voter

pour vous. On rejoint ici en quelque sorte la notion de « complexité » du discours

politique évoquée plus haut.

Il est temps à présent de se rapprocher un peu plus de l’objet central de cette étude,

la « petite phrase » en elle-même. Après en avoir dressé un cadre plutôt général,

nous tenterons de voir comment elle est perçue en tant qu’objet scientifique et

comment les chercheurs la définissent

Nous venons donc d’appréhender le champ de la communication politique, en

percevant que celle-ci se distinguait du discours politique par la présence d’un

acteur supplémentaire : les médias. Nous avons alors constaté que les recherches

sur ce sujet établissaient par ailleurs un lien entre communication politique et

propagande, supposant que cette dernière en serait à l’origine. Puis, nous avons

évoqué la manipulation, qui, a priori, joue également un rôle dans la

communication politique, avant de regarder plus précisément le cas plus précis

d’une campagne électorale. Cela nous a permis d’évoquer le thème de la

symbolisation, qui semble jouer un rôle important dans les discours des candidats

en campagne. Puis, nous avons rappelé le rôle joué par les spin doctors, de plus en

plus présents, y compris en France.

C’est désormais le moment de nous pencher avec précision sur ce qui constitue

l’objet central de cette étude : la « petite phrase ».

C) Identifier la petite phrase

1) Généralités

En ce début d’année 2012, année électorale, on pourrait presque appeler

cela un phénomène de mode. Une rubrique à côté de laquelle on ne peut pas passer,

un thème qu’on ne peut pas occulter, au risque de paraître avoir manqué quelque

chose d’essentiel. Parlons-nous de la campagne des élections présidentielles ? Un

peu, oui, mais pas tout à fait... En effet, depuis que l’on commence réellement à

parler de cette échéance (1er tour : 22 avril, 2

e tour : 06 mai 2012), il est une

cérémonie parallèle dont tout le monde se fait l’écho et qui, on peut le dire, bat son

29

plein chaque jour : « le bal des petites phrases », pour reprendre une expression

souvent utilisée par les acteurs de l’information eux-mêmes.

Est-ce exagéré d’aborder cette question sous cet angle ? Cela n’est pas certain.

Bien sûr, d’aucuns diront que la campagne électorale, c’est avant tout des

meetings, des rencontres avec les Français, des échanges, des idées, des débats, des

interventions dans les divers médias, des allocutions, des déclarations... Toutes ces

prises de paroles sont autant d’occasions pour les candidats de « lancer » ces

« petites phrases » et pour ceux que l’on peut nommer d’une manière globale les

« observateurs », de les relever, les diffuser, et les faire circuler.

D’ailleurs, en cette période propice, il suffit de regarder d’assez près le « monde

médiatique » pour s’apercevoir que le phénomène, et le mot n’est pas trop fort, est

d’importance. Si l’on s’arrête sur le média qui a pris une dimension encore plus

importante depuis la dernière campagne des Présidentielles en 2007, à savoir

Internet, on constate assez rapidement que le sujet occupe une place prépondérante.

Citons par exemple le site de L’express3, qui propose à ses internautes d’élire

chaque semaine la meilleure « petite phrase » de la semaine, proposant ainsi à ses

lecteurs de devenir des acteurs en intégrant « l’observatoire des petites phrases de

la campagne présidentielle ». Un autre site, Le crieur4, dont le sous-titre est « Les

petites phrases de l’actu », en recense un certain nombre, quel que soit le contexte

dans lequel elles ont été prononcées et alimente régulièrement sa base de données.

On peut également citer un autre dispositif, toujours sur internet, Le match des

mots5, mis en place par les sites de Libération et L’AFP, et qui, sous la forme d’un

moteur de recherche spécifique, permet de retrouver très rapidement nombre de

« petites phrases ». Et les autres médias ne sont pas en reste, puisque la télévision

tout comme la radio et la presse écrite proposent également des émissions,

rubriques et autres encarts dédiés à ce phénomène. Alors, la « petite phrase » est-

elle devenue incontournable ?

Ce qui est certain en tout cas, et en la replaçant dès à présent dans le contexte

qu’est celui de cette étude après l’avoir présentée d’une manière quelque peu

sensationnelle dans les lignes qui précèdent, c’est que la « petite phrase » a bel et

bien fait sa place dans le monde politico-médiatique et ce, depuis déjà un certain

nombre d’années. Néanmoins, peut-on dire que cet « objet », que l’on peut

commencer à qualifier ainsi, soit clairement identifié ? Comme on en a fait

l’allusion dans l’introduction de cette étude, chacun n’aurait-il pas sa propre

perception de ce qu’est une « petite phrase », et donc sa propre définition ?

S’il s’avère que nous essayerons dans cette 1ère

partie de mettre en évidence quelle

connotation peut avoir une « petite phrase », si tant est qu’une sorte d’unanimité

puisse se faire sur ce point, essayons dans un premier temps, d’en donner une

définition la plus neutre et la plus large possible.

3 http://www.lexpress.fr/actualite/politique/le-concours-des-petites-phrases_1083737.html, consulté le

09/04/2012 4 www.lecrieur.fr, consulté le 09/04/2012 5 http://labs.liberation.fr/match-des-mots/, consulté le 09/04/2012

30

2) Repères historiques

Même s’il est question des petites phrases depuis quelques décennies via les

hommes politiques et les médias, il serait erroné de croire que celles-ci n’existent

que depuis cette époque récente. Aussi, il faut distinguer ici la « production » des

petites phrases de l’apparition de l’appellation « petite phrase » qui est certes plus

récente.

Car les « petites phrases » ont toujours existé dans la bouche des responsables

politiques et des grands dirigeants. Souvenons-nous de la fameuse « formule » alea

jacta est (‘le sort en est jeté’) (Le Petit Larousse, 1995 : 1090) attribuée à Jules

César, ou encore les paroles suivantes de Napoléon : « Du haut de ces pyramides,

quarante siècles vous contemplent » (Lavarini/Lhommeau, 2009 : 7). La phrase qui

marque l’opinion ne date donc pas d’aujourd’hui, mais à quel moment a-t-on

commencé véritablement à parler de « petite phrase » ?

Selon Patrick Brasart, le syntagme a fait son apparition dans le Trésor de la langue

française en 1988 avec la définition suivante (citant un exemple de 1976) :

« Propos bref d’un homme politique, qui sert à frapper l’opinion » (Brasart, 1994 :

106). Cette période des années 70-80 est confirmée par un point de vue historique,

celui de Christian Delporte qui nous dit que « l’entrée des publicitaires dans

l’entourage des leaders politiques (...) est bien antérieure à 1981. D’abord

marginale ou limitée aux relations publiques, leur activité s’est peu à peu étendue

à la proposition de slogans et à la création de visuels. L’élection de 1974 marque,

à cet égard, un premier vrai tournant » (Delporte, 2001 : 116). Selon l’auteur, c’est

en quelque sorte l’arrivée du marketing qui aurait donc eu une influence non

négligeable sur le discours politique, notamment en campagne électorale.

Christian Delporte par ailleurs apporte une précision à cette analyse à l’occasion

d’une interview donnée en août 2011 au site internet atlantico.fr qui, lorsqu’on lui

demande ce qu’il pense de la simplification du discours politique, répond : « Cela

s’explique en grande partie par la télévision. La télévision, c’est le média de la

conversation et de la répartie. Au début des années 1980, les politiques ont

appauvri volontairement leur vocabulaire », et de préciser « Avant, on trouvait des

slogans, maintenant, c’est l’ère de la petite phrase »6. Selon lui, le rôle grandissant

de la télévision dans les années 1980 aurait donc eu comme conséquence directe le

« raccourcissement » du discours politique, celui-ci apparaissant plutôt sous la

forme de slogans dans les années 1980, et sous la forme de « petites phrases »

aujourd’hui. Cette approche est intéressante puisqu’elle suppose que la « petite

phrase » aurait désormais un rôle stratégique, tout comme le slogan. Pour revenir à

la « petite phrase » en elle-même, peut-on dire qu’elle est une invention française ?

Non, selon David McCallam, pour qui la « petite phrase » a été inventée par les

USA et pratiquée par la Grande-Bretagne avant d’arriver en France. Même si le

« sound bite », aurait, selon lui, « été inscrit dans le lexique des médias de masse

dès le début des années 80 » (Mc Callam, 2000 : 52), donc finalement assez peu de

6Article : « Discours politique : du slogan à la ‘petite phrase’», disponible sur http://www.atlantico.fr/decryptage/parole-politique-populaire-rentree-politique-166689.html, consulté

le 09/04/2012

31

temps avant son arrivée en France. Il rappelle par ailleurs que le terme spin doctor,

que nous avons évoqué plus haut, est originaire des USA et est également apparu

« ...au milieu des années 80 » (Mc Callam, 2000 : 53), donc plus ou moins au

même moment que celui de sound bite.

Il semble donc possible de dater l’apparition de la notion de « petite phrase » aux

environs des années 1970-80, puisque plusieurs sources font référence à cette

période.

Mais à travers cette observation historique, on perçoit la dimension « marketing » à

laquelle semble également appartenir la « petite phrase ». Le lien avec le monde

des médias semble se dessiner assez clairement, mais il faut, avant de faire le lien

avec la « communication », resituer la petite phrase dans le domaine auquel elle

appartient au premier chef, à savoir le monde politique et le monde du discours

politique.

3) Une définition générique

Si l’on cherche dans un premier temps à délimiter la « petite phrase » d’une

manière générale, on peut citer la définition du Petit Robert (2000 : 1868) qui nous

la décrit comme étant « extraite des propos d’un homme public et abondamment

commentée par les médias ». La « petite phrase » ne serait donc pas réservée au

monde politique et concernerait tous ceux qui peuvent avoir l’occasion de

s’exprimer dans les médias. De son côté, Le Petit Larousse (1995 : 778) donne une

définition légèrement différente : « élément d’un discours, en particulier politique,

repris par les médias pour son impact potentiel dans l’opinion ».

Cette deuxième définition est intéressante, au moins pour deux raisons, en tout cas

pour ce qui concerne cette étude. La première raison est que ce phénomène serait

plutôt à mettre en lien avec la politique, ce qui n’apparaît pas dans la définition

précédente. L’appellation « petite phrase » appartiendrait donc au champ du

discours politique, en tout cas selon le Petit Larousse. La deuxième raison, et ce

n’est pas la moindre, est que cette technique d’expression, en plus d’avoir la

faculté de pouvoir être extraite d’un discours, et c’est le point commun avec la

première définition, le serait dans le but d’avoir une influence sur l’opinion. Même

si dans les deux cas, on parle de reprise par les médias, ce n’est que dans cette

deuxième définition que l’on perçoit la dimension éventuellement stratégique de la

« petite phrase » lorsque « son impact potentiel dans l’opinion » est évoqué. Dans

la première proposition, la « petite phrase » pourrait donc être reprise par les

médias pour son seul caractère « original » ou « remarquable » alors que dans la

deuxième, elle pourrait aussi l’être en raison de sa nature à provoquer des réactions

dans l’opinion.

Le « positionnement » politique de la « petite phrase » apparaît également dans

cette nouvelle définition : « Désigne d’abord une formule courte, mais bien

frappée qui, par son caractère explosif, occulte dans les commentaires médiatiques

le reste du texte ou de la déclaration dont elle est extraite : c’est autour d’elle que

le débat politique va s’organiser. Puis, formule consciemment mise au point pour

32

être relayée par les médias (ou comment le miroir suscite l’image)» (Denquin,

1997 : 105).

Cette définition amène de nouvelles observations. Tout d’abord, outre qu’elle

apparaît dans un ouvrage qui lui est consacré, celle-ci place à nouveau la « petite

phrase » dans le champ politique. A la lecture de cette troisième proposition pour

dessiner un cadre à la « petite phrase », il apparaît de plus en plus clairement

qu’elle est donc liée au monde politique et à ses acteurs. Objectivement en effet,

lorsque l’on réfléchit aux contextes dans lesquelles on entend cette appellation, on

ne peut s’empêcher de penser aux interviews, meetings et déclarations diverses des

politiques, d’autant plus en campagne électorale. On pourrait alors émettre

l’hypothèse que cette notion revient souvent dans la bouche de deux grandes

catégories d’acteurs : d’une part les journalistes et d’autre part les femmes et les

hommes politiques eux-mêmes : en plus du ressenti que l’on peut avoir en suivant

les médias, cette perception paraît assez confortée par la description que propose

Jean-Marie Denquin et le contexte dans lequel il la fait.

Ensuite, on peut estimer que l’universitaire confère à la « petite phrase » une

certaine dimension centrale par rapport au discours politique. Autant quand il

estime qu’elle «...occulte (...) le reste du texte...» que parce que c’est « ...autour

d’elle que le débat politique va s’organiser », il fait prendre à cet objet un rôle

important en termes, certes, d’idéologie, mais a priori également de stratégie. On

perçoit clairement dans cette description la notion « d’extraction » du reste du

discours qui semble être propre à la « petite phrase » et il semble bien que l’on

parle plus, dans ce cas précis, de caractéristiques de langage et de stratégie de

communication, que de politique.

Enfin, on perçoit également dans cette définition, notamment à la fin, une

dimension temporelle ou chronologique. Un peu comme si l’auteur voulait nous

expliquer que la façon dont on regarde la « petite phrase » a évolué au fil du temps.

Ainsi, il semble vouloir nous dire qu’elle a d’abord été une façon stylistique ou

linguistique d’attirer l’attention, avant de devenir une « arme de persuasion », qui

plus est volontairement construite avec cet objectif, comme l’indique l’utilisation

de l’adverbe « consciemment ». Ainsi, nous serions passés de la figure de style à

l’outil stratégique. Et on verra plus loin que cette évolution de profil et de rôle que

semble avoir connu, au fil des ans, la « petite phrase » se retrouve au moment

d’évoquer d’autres aspects de sa nature.

Nous avons donc défini un cadre très généraliste et posé quelques jalons

historiques pour tenter de déterminer à quel moment les petites phrases sont

apparues. A présent, nous allons regarder comment des disciplines comme la

linguistique ou les sciences du langage appréhendent l’objet « petite phrase » et

quelle en est leur définition.

33

D) La petite phrase : un objet d’étude ?

1) Approche et définition scientifique

a) Généralités

Dans le cadre de notre réflexion, il s’agira d’observer comment la « petite phrase »

constitue, ou non, un thème de recherche et dans quelles directions s’orientent les

investigations à son sujet. On l’a déjà évoqué, les travaux sur cette notion de

« petite phrase » sont relativement peu nombreux. Il ne s’agit pas ici d’en dresser

une liste exhaustive car ce n’est pas le but de cette étude. Il s’agit plutôt de voir

pourquoi les chercheurs s’intéressent à cette notion et si ces recherches s’inscrivent

dans le champ des Sciences de l’Information et de la Communication, qui est la

discipline dans laquelle se situe notre travail.

Si la notion de « petite phrase » n’a pas fait l’objet de très nombreux travaux,

quelques chercheurs s’y sont toutefois intéressés, et ce, d’une manière très précise.

C’est notamment le cas d’A. Krieg-Planque, qui, dans la continuité de ses

recherches sur la notion de « formule » a travaillé spécifiquement sur la « petite

phrase » et sa présence dans les discours politiques. A cet égard, elle a d’ailleurs

codirigé, avec Caroline Ollivier-Yaniv, un numéro de la revue Langages intitulé

Les « petites phrases » en politique, en juin 2011. Aussi, à côté des références

d’autres auteurs, nous nous appuierons principalement sur les recherches effectuées

par Alice Krieg-Planque sur ce sujet. Nous nous attacherons à ne faire ressortir que

les postulats qui permettent d’aller dans le sens de la reconnaissance de la « petite

phrase » comme pouvant jouer un rôle dans une stratégie de communication.

Tout d’abord, cette identification de la notion de « petite phrase » se fait dans le

cadre d’une définition spécifique de la communication établie dans des travaux

antérieurs et d’un point de vue discursif. Ainsi, celle-ci est décrite comme étant

« un ensemble de savoir-faire relatifs à l’anticipation des pratiques de reprise, de

transformation et de reformulation des énoncés et de leurs contenus » (Krieg-

Planque, 2006 : 34). Il faut noter que cette approche semble faire ressortir en

quelque sorte un caractère stratégique, puisque des mots comme l’anticipation, la

reprise, la transformation et la reformulation tendent à faire apparaître que

plusieurs acteurs font partie intégrante de la communication ainsi définie.

D’un point de vue « technique » la « petite phrase » est définie comme « (...) un

syntagme nominal composé d’un adjectif et d’un nom », et l’on nous précise que

« (...) l’adjectif est toujours antéposé (...) » ou encore que le syntagme apparaît

comme « (...) une unité formant un tout spécifique (...) » (Krieg-Planque, 2011 :

24-25). Ce qui apparaît ici est à comparer avec ce qui est dit plus tôt dans

l’introduction du dossier sous la forme de deux hypothèses : d’une part « Le terme

‘petites phrases’ sert (...) à désigner un ensemble hétérogène de phénomènes » et

d’autre part « le terme ‘petites phrases’ appartient à un métalangage peu

stabilisé » (Krieg-Planque/Ollivier-Yaniv, 2011 : 18). Ce qui ressort ici est que

l’expression « petite phrase » est à la fois une notion qui présente une délimitation

34

encore imprécise, mais que celle-ci est néanmoins en train de se stabiliser, cette

« transformation » pouvant justifier que l’objet est en train de devenir un véritable

objet d’études. Enfin il est précisé que « la dénomination ‘petite phrase’ appartient

à un lexique non savant » (Krieg-Planque, 2011 : 25) ce qui, là encore, est à

rapprocher de ce qui est dit en introduction, à savoir qu’elle « est une formulation

dont on trouve la trace dans le langage courant des acteurs sociaux (...) » (Krieg-

Planque/Ollivier-Yaniv, 2011 : 17). En résumé, cette appellation n’est pas réservée

aux seuls chercheurs, elle est présente dans le langage courant et est utilisée par

tous ceux qui participent d’une façon ou d’un autre à créer, faire circuler et

analyser le discours politique. On pourrait donc dire qu’elle est une notion assez

répandue mais qu’elle peut induire plusieurs interprétations.

b) Petite phrase et détachabilité

L’étape de réflexion suivante consiste à observer la « petite phrase » dans sa

dimension énonciative. Il faut alors aborder brièvement deux notions que sont la

détachabilité et la surassertion, « (...) la surassertion étant ce phénomène par

lequel un fragment se présente dans le discours comme détachable (...) » (Krieg-

Planque, 2011 : 27). La surassertion est donc en quelque sorte une « mise en

relief ». Au premier abord, on peut admettre qu’une « petite phrase » est

détachable, puisque celle-ci a vocation à être extraite d’un discours dans un but de

circulation. Toutefois, ceci n’est pas une généralité : il y a également des « petites

phrases » qui « endossent ce statut » sans être extraites d’un discours, mais parce

qu’elles sont une simple réponse à une question posée. Sans compter que d’autres

acteurs jouent un rôle dans ce processus, comme par exemple, le journaliste : « En

fait, il est impossible de déterminer si ces ‘petites phrases’ sont telles parce que les

locuteurs des textes sources les ont voulues telles, c’est-à-dire détachables, vouées

à la reprise ou si ce sont les journalistes qui les disent telles pour légitimer leur

découpage » (Maingueneau, 2006 : 111). Ainsi, le journaliste joue un rôle quant au

caractère détachable de telle ou telle « petite phrase » : il semble qu’il ait autant le

pouvoir de rendre détachable une « petite phrase » qui n’avait pas cet objectif, que

le contraire. Le lien entre « petite phrase », détachabilité et surassertion ne semble

donc pas si évident.

Par ailleurs, on nous rappelle que « le phénomène de création, de mise en

circulation et de reprise d’énoncés synthétiques et rendus remarquables n’est pas

nouveau, et il n’est en rien spécifique de la sphère politique (Krieg-Planque, 2011 :

28). En d’autres termes, les questions de détachabilité et de surassertion ne se

posent pas que pour les petites phrases, puisqu’elles se posent également pour les

proverbes, maximes, dictons, entre autres. A la lecture de toutes ces réflexions, et

avec une approche « non savante » on peut être tenté de vouloir classer la « petite

phrase » dans un groupe qui rassemblerait ces formes de texte plutôt courtes, mais

remarquables, et dont on va se souvenir. Voici le moment de pointer deux autres

caractéristiques supposées de la « petite phrase » : la memoria et la valeur

illocutoire.

35

c) Petite phrase et memoria

« (...) la memoria correspond à cette partie de la rhétorique qui s’intéresse aux

procédés permettant de mémoriser un discours » (Krieg-Planque, 2011 : 35). La

question qui est posée ici est celle de savoir si la « petite phrase » présente des

caractéristiques qui permettent de mieux la retenir. Cette hypothèse est très

importante dans notre étude puisqu’il peut paraître raisonnable de penser qu’une

stratégie de communication a pour vocation, entre autres, de « marquer les

esprits ». Comment y parvenir si ce n’est en faisant retenir ses idées et ses projets à

ceux que l’on veut convaincre ? Il est fait l’hypothèse que deux groupes de figures

de style peuvent favoriser la memoria.

Le premier groupe rassemble des « (...) figures qui s’appuient plutôt sur des

phénomènes sémantiques (...) » (ibid.), comme par exemple et pour ne citer que

celles-ci : la métaphore, l’allégorie... Si l’on se permet ici une petite incursion dans

la campagne de l’élection présidentielle 2012, on peut citer Jean-Luc Mélenchon,

candidat du Front de Gauche qui, le 12 novembre 2011, déclarait dans une

interview7 : « À présent, à gauche, pourquoi choisir, pour entrer dans la saison des

tempêtes, un capitaine de pédalo comme Hollande ?». Cette « petite phrase », au

delà de la polémique qu’elle a entraînée, peut rentrer dans la catégorie sus-citée,

car même si le capitaine de pédalo a les traits d’une « raillerie », l’autre partie de la

phrase, faisant référence à la saison des tempêtes est plutôt métaphorique, et donc

marquante.

Le second groupe inclut des « (...) figures qui s’appuient plutôt sur des propriétés

formelles des énoncés (...) » (ibid.), comme l’inversion, le chiasme, la paronomase,

entre autres. On peut citer en exemple cette phrase de Jacques Duclos, candidat

communiste aux élections présidentielles de 1969, qui, lorsqu’il comparaît Georges

Pompidou et Alain Poher, deux autres candidats, disait « c’est bonnet blanc et

blanc bonnet » (Lavarini/Lhomeau, 2009 : 46), reprenant d’ailleurs lui-même une

expression connue. Enfin, dans le cadre de cette réflexion, ajoutons qu’il semble

qu’une « (...) certaine concision s’impose aux énoncés susceptibles d’être

mobilisés pour la reprise (...) » (Krieg-Planque, 2011 : 36), que l’on devine dans

l’appellation elle-même de « petite phrase ». Cette caractéristique est d’ailleurs a

priori compatible avec la memoria, étant entendu qu’il est plus aisé de retenir un

« texte » court que long ou très long, en particulier dans le cadre des discours

politiques.

d) Les « effets » de la petite phrase

Par ailleurs, la « petite phrase » serait dotée d’une valeur illocutoire, ce qui

faciliterait sa reprise par les médias. Cette notion a été à l’origine définie par J-L

Austin, pour qui l’acte illocutoire est « un acte effectué en disant quelque chose,

7 lejdd.fr, 12/11/2011, article : « Mélenchon : Hollande, un ‘capitaine de pédalo dans la tempête’, disponible sur http://www.lejdd.fr/Election-presidentielle-2012/Actualite/Jean-Luc-Melenchon-s-en-

prend-au-programme-de-Francois-Hollande-interview-422213, consulté le 09/04/2012

36

par opposition à l’acte de dire quelque chose » (Austin, 1970 : 113). La parole, au

moment où elle est prononcée, se confondrait donc avec l’action qu’elle produit.

Pour Alice Krieg-Planque, « Chacun des énoncés qu’une édition d’un quotidien

présente comme énoncé détaché prêt pour la reprise est doté d’une valeur

illocutoire par son détachement même, et il se donne à voir comme disponible pour

une construction en évènement. En disant que l’énoncé est doté d’une valeur

illocutoire par son détachement, nous voulons dire que la «petite phrase »

identifiée comme telle est supposée correspondre à un certain acte de langage :

promesse, engagement, soutien, exigence, exhortation, menace, condamnation,

reniement, offense, demande d’excuse... » (Krieg-Planque, 2011 : 36). En quelque

sorte, la « petite phrase » serait donc en capacité de produire, chez celui qui

l’entend prononcer ou la lit, cette imagination de l’acte qui en découle ou qu’elle

induit. Evidemment, cela ne paraît pas totalement étranger au discours politique,

qui par nature, peut être facilement mis en parallèle avec les idées de promesse ou

d’exhortation, pour ne citer que ces deux caractéristiques.

Ceci s’inscrit plus largement dans la notion de « performatif », aussi explorée par

J.L. Austin, qui la définissait ainsi : « Ce nom dérive, bien sûr, du verbe (anglais)

perform, verbe qu’on emploie d’ordinaire avec le substantif « action » : il indique

que produire l’énonciation est exécuter une action (...) » (Austin, 1970 : 41-42). Le

philosophe anglais illustrait alors son propos en prenant entre autres exemples,

celui qui déclare « je baptise ce bateau », expliquant que dans ce cas précis, les

paroles et les actes se « confondent », au contraire du « constatif », qui est un acte

de langage où « l’on se contente » de décrire un évènement. Même si cette

opposition constatif/performatif sera dépassée par le philosophe lui-même, qui

finira par décomposer l’énonciation en trois actes, les « actes locutoires (qui ont

une signification), illocutoires (qui ont une force) et perlocutoires (qui ont des

effets) » (Denis, 2006 : 3). Pour ce qui nous concerne ici, nous n’irons pas aussi

loin mais il sera intéressant d’observer si, les « petites phrases » qui nous occupent

sont toutes dotées de cette valeur illocutoire, au sens décrit par Alice Krieg-

Planque. En écho à ceci, il est en tout cas intéressant de noter que, dans le langage

populaire, les paroles des politiques sont souvent mises en comparaison avec leurs

actes, le plus souvent, d’ailleurs, pour rappeler que les discours ne sont pas ou peu

suivis des faits. Il suffit ainsi de penser à des expressions comme « les promesses

non tenues » ou encore « les paroles en l’air » pour le constater. A nouveau et alors

que nous l’avons déjà citée, on ne peut s’empêcher de penser au titre de l’émission

politique proposée par France Télévision : Des paroles et des actes, une émission

de débats politique dont le 1er numéro a été diffusé le 23/06/2011

8 et dont le titre

illustre bien le lien qui semble les unir.

Observons à présent quelles évolutions dans les médias sont susceptibles d’avoir

favorisé la création, la reprise ou la circulation des petites phrases.

8 http://fr.wikipedia.org/wiki/Des_paroles_et_des_actes, consulté le 12/05/2012

37

2) Apparition de la petite phrase à la lumière de l’évolution des médias

a) Généralités

Le but de notre étude est de définir le lien précis entre les médias et les « petites

phrases » pour mieux en définir la nature et le rôle en termes de communication.

Posons ici quelques jalons également observés par les spécialistes.

Sur un plan général, il faut noter que la manière dont les Français consomment les

médias a beaucoup évolué entre les années 1970 et les années 2000. Dans une

étude réalisée par le Ministère de la Culture retraçant les pratiques culturelles des

Français entre 1973 et 20089, on perçoit ce changement de comportement. Ainsi,

on y apprend qu’en 1973, 55% des Français de 15 ans ou plus lisaient un quotidien

tous les jours ou presque ; ils n’étaient plus que 43% en 1988 et 29% en 2008. En

ce qui concerne la télévision, on constate que 65% des Français regardaient la

télévision tous les jours ou presque en 1973 ; ce chiffre passe à 73% en 1988 et

87% en 2008. Ces données montrent bien l’engouement de la population pour le

média télévision et le développement manifeste du phénomène à partir des années

1980. Ainsi, on peut se demander quelles ont été les conséquences sur la

« présentation de l’information » ? Et quelles relations peut-on faire avec la « petite

phrase » ?

Tout d’abord, il semble bien que la « présentation de l’information » ait subi ces

dernières années un morcellement qui a entraîné une réduction du volume, que ce

soit dans les textes ou sur les écrans. Par exemple, dans la presse papier, « la

sémiotique de la page du support périodique imprimé a évolué tout au long de son

histoire vers un espace de plus en plus fragmenté, rubriqué, découpé, imposant des

formats d’articles plus courts et dotés d’éléments paratextuels nombreux (...) »

(Krieg-Planque, 2011 : 30). Le manque de place pourrait donc être une explication

à l’apparition et surtout à la reprise des petites phrases, puisqu’il est aisé de

comprendre que lorsqu’il y a moins d’espace, il faut faire plus court. Reste la

question de savoir, si, en matière de communication politique, c’est le « tournant

marketing » qu’elle a connu qui a plus ou moins entraîné ce phénomène de

transformation dans les médias ou le contraire. Ce qui est certain, c’est que ce

morcellement de l’information ne semble pas être réservé à la politique, ce qui

pourrait laisser penser que ce n’est pas la société qui s’est adaptée aux médias,

mais le contraire.

b) La « construction » de la petite phrase

Ensuite, il y a la question de l’évènement. On l’évoquait plus haut, les médias

rivalisent d’imagination pour mettre « à la une » ce phénomène de « petite

phrase ». Entre les concours pour élire « la meilleure petite phrase » organisé dans

9 Etude réalisée par le Ministère de la Culture, « Pratiques culturelles, 1973-2008,

dynamiques générationnelles et pesanteurs sociales », juillet 2011, disponible sur http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/doc/evolution73-08/CE-2011-7.pdf, consulté le

12/05/2012

38

tel ou tel média et les rubriques intitulées « la phrase du jour » ou « les phrases

chocs » par exemple, on sent que le phénomène est devenu en quelque sorte un

« outil de travail » pour le journaliste. Reprenant l’exemple de la presse écrite,

Alice Krieg-Planque note que « ces rubriques sont parfois pérennes et

apparaissent dans chacune des éditions du journal, lequel réserve alors un

emplacement spécifique et régulier (...) » (Ibid : 31). On pense alors à un autre

terme qui a fait son apparition assez récemment et que l’on associe plutôt à

internet : le buzz. Internet est un média ouvert, qui offre à de nombreux

intervenants un espace d’expression libre. Cela s’observe particulièrement avec le

« dérapage verbal », qui peut faire le tour de « la Toile » très rapidement, comme

l’explique Frédéric Torterat : « (...) l’évènementialisation du dérapage verbal est

l’une des contreparties de la connivence qui s’établit entre discours politique et

discours journalistique, qui s’influencent mutuellement et s’assortissent ici et là de

ce que nous appellerons volontiers un esprit de forum » (Torterat, 2010).

Ce qu’il faut ajouter à ce qui vient d’être dit et qui semble essentiel lorsqu’on parle

de stratégie de communication est que les « petites phrases » pourraient bien avoir

également la fonction de « définir l’agenda », selon la théorie de l’agenda setting.

Rappelons que cette théorie, développée dans les années 1970 par les Américains

Mc Comb et Shaw, met « l’accent sur la concurrence (et parfois la coopération)

entre acteurs rivaux, notamment lors des campagnes électorales, cherchant à

imposer la définition de l’agenda (donc les thématiques incontournables)

conformes à leurs intérêts (...) » (Riutort, 2007 : 38-39). La « petite phrase »

pourrait donc participer, pour un candidat, à prendre la main dans une campagne

électorale en imposant un thème qu’il veut voir mettre « à la une ». C’est

également l’avis d’Alice Krieg-Planque pour qui l’analyse de l’étude de la « petite

phrase » ne peut se faire qu’en réfléchissant aux trois notions que sont « l’agenda

setting », « l’impératif de visibilité dans [un] cadre médiatique complexe » et

« l’injonction à la création d’évènements » (Krieg-Planque, 2011 : 34).

Enfin, les méthodes de travail ont évolué et peuvent favoriser la production de ces

« petites phrases », puisque les journalistes sont de plus en plus soumis à des

« impératifs de rapidité » (Krieg-Planque, 2011 : 32). C’est aussi pour cette raison

qu’il est « (...) plus facile et plus rapide de reprendre une phrase isolée que de

synthétiser un long discours (...) » ajoutait-elle à l’occasion d’une interview donnée

à la radio suisse en 2012 (Krieg-Planque, 2012). Elle ajoute d’ailleurs à cette

occasion que la création des petites phrases est « réellement une coproduction des

médias et des journalistes d’une part, et des politiques et des communicants qui en

sont les auxiliaires d’autre part », soulignant ce point comme un aspect important

du profil d’une « petite phrase ».

En résumé, le morcellement de l’information, son évenementialisation ainsi que la

réduction des moyens pourraient avoir entraîné ce phénomène que Dominique

Maingueneau appelle l’aphorisation, et qui fait, en ce qui concerne les médias, des

observations identiques à celles évoquées ci-dessus : « Le fonctionnement des

médias a beau favoriser les séquences déjà formatées pour devenir des ‘petites

phrases’, (...) rien n’empêche un journaliste, par une manipulation appropriée, de

convertir souverainement en ‘petite phrase’ une séquence qui n’a pas été

surassertée, voire de fabriquer des ‘petites phrases’ à partir de plusieurs

39

phrases. » (Maingueneau, 2006 : 116). Plusieurs hypothèses vont donc dans le sens

d’une coproduction de ces « petites phrases ».

3) La connotation de la petite phrase

Puisque notre thème d’étude s’inscrit dans le champ du discours politique, il est

intéressant, par comparaison, de réfléchir à la connotation de la « petite phrase ».

Tout d’abord, il faut redire que l’expression « petite phrase » est principalement

utilisée par les acteurs sociaux concernés par la production et le commentaire de

celle-ci, à savoir les femmes et hommes politiques, les journalistes et les

communicants. Alors, on se rend compte que ces trois acteurs confèrent plutôt une

image négative à l’objet « petite phrase ». Ainsi, on entend régulièrement les

hommes politiques qui, pour dénoncer leurs adversaires, les accusent de ne se

contenter que de « petites phrases » plutôt que de parler du fond des dossiers. Et

lorsqu’on parcourt la presse, l’expression « petite phrase » est très souvent associée

à une attaque personnelle, une phrase accusatoire ou destinée à déstabiliser. Ces

extraits du Figaro pris au hasard illustrent parfaitement cela. Tout d’abord, cette

annonce d’un autre article dans les pages intérieures : « Il n'y a plus de

communistes » en France : la petite phrase du candidat PS a ulcéré celui du Front

de gauche, qui fustige « une attitude hautaine et insupportable » »10

, ou encore cet

extrait d’un autre article : « Une polémique politicienne, une petite phrase

assassine au « 20 heures » ou une insulte proférée par un candidat à l'encontre de

son adversaire, tolérées durant la campagne, serviraient-elles mieux la démocratie

qu'une analyse objective et impartiale des attentes exprimées par le peuple ? »11

.

Ce constat semble par ailleurs partagé : « « Petite phrase » apparaît comme une

catégorie péjorée, ce que suggère le fait que les petites phrases sont bien souvent

déniées, critiquées, dénoncées, dépréciées, condamnées » (Krieg-Planque, 2011 :

39). La « petite phrase » serait-elle donc systématiquement associée à une volonté

de nuire ? On peut tout de même en douter, ne serait-ce que lorsqu’on relit les

définitions génériques proposées plus haut et par exemple celle du Trésor de la

Langue Française en 1988 (voir supra p. 30). Par ailleurs, les « petites phrases » de

François Hollande qui seront étudiées dans la partie suivante, on le verra, ne

mettent pas spécifiquement en avant ce caractère « négatif ». Ceci pourrait signifier

qu’elles ne rentrent pas dans cette catégorie de « petites phrases » ? On le verra,

certains médias les ont pourtant qualifiés ainsi...Cela signifie alors que ce caractère

péjoratif de la « petite phrase » n’est peut-être pas systématique : « Si une forte

négativité est associée aux petites phrases, une certaine ambivalence s’attache

néanmoins à cette catégorie (...) » (Krieg-Planque, 2011 : 39), l’exemple ayant été

pris pour illustrer ce propos étant celui de Georges Frêche12

(1938-2010), un

homme politique réputé pour son franc-parler. Il est alors fait l’allusion que les

« petites phrases » de l’intéressé dénotaient sa force de conviction, voire son

10 Le Figaro, article : “Hollande provoque la colère de Mélenchon », le 15/02/2012, p. 1 11 Le Figaro, article : « Faut-il interdire au peuple d’influencer le peuple ? », le 21/04/2012, p. 20 12 Homme politique français, Président du conseil régional de Languedoc-Roussillon entre 2004-2010

40

« aura ». Dans ce cas, on veut signifier qu’a priori, elles ne desservaient pas celui

qui les prononçait, mais qu’elles avaient plutôt tendance à renforcer sa notoriété.

Donc, si une certaine unanimité semble prévaloir quant au format relativement

court de la « petite phrase » et à son caractère « remarquable », l’aspect « négatif »

de cette dernière semble quant à lui plus discutable. Nous évoquerons cet aspect

lorsque nous étudierons en détail les « petites phrases » sélectionnées.

Nous venons donc de nous intéresser plus précisément à la « petite phrase » en

elle-même. Nous avons tout d’abord constaté que, d’un point de vue général, cette

appellation est devenue très à la mode dans les années 2010, puisque les médias,

dans leur dispositif, cherchent tous les moyens de les mettre en avant. Toujours

dans cette observation générale, nous avons constaté que les « petites phrases »

dans le sens d’une déclaration d’un personnage public, ont plus ou moins tout le

temps existé puisque l’histoire s’est chargée de recenser quelques phrases ou

formules très célèbres. Concernant ses origines, il semble qu’elle soit née dans le

monde anglo-saxon, qui, on l’a évoqué au moment de parler de communication

politique, était précurseur dans ce domaine.

Les années 1980 semblent marquer un tournant dans la « stabilisation » de

l’appellation et confère à la « petite phrase » un statut de plus en plus officiel.

Même si les travaux sur le sujet sont encore rares, y compris dans les années 2010,

la « petite phrase » est de plus en plus présente dans certains travaux des Sciences

du Langage ou des Sciences de l’Information et de la Communication. Cette

difficulté à s’imposer comme un véritable objet d’étude est peut-être due au fait

qu’elle est utilisée par plusieurs acteurs et que tous n’attribuent pas la même

signification à l’appellation « petite phrase ». Enfin, le rôle joué par les médias

jette le trouble sur la « fabrication » même de la « petite phrase », puisqu’il est

parfois difficile de savoir si celle-ci est une construction de celui qui déclame ses

discours ou bien si ce sont les médias qui les créent Enfin, nous avons regardé de

quelle manière la « petite phrase » était perçue par ceux qui la « pratiquent » ainsi

que dans l’opinion publique. Globalement, cette perception est plutôt négative,

même si nous avons noté que ce phénomène n’était pas exclusif.

En résumé, cette 1ère

partie nous a permis de mieux appréhender l’objet « petite

phrase » ainsi que le contexte dans lequel elle évolue. Un objet présentant divers

aspects, a priori coproduit, et évoluant au contact de techniques de communication

politiques autant influencé par l’histoire que les grandes théories

communicationnelles. Ces éléments viennent poser une base pour les deux parties

qui viennent, à savoir la présentation du corpus et des éléments statistiques sur une

sélection de petites phrases de François Hollande d’une part, et l’étude de leur

caractère éventuellement stratégique à travers l’observation de leur reprise et

circulation dans deux journaux de la presse écrite française d’autre part.

41

42

43

2ème Partie : Candidat, corpus, techniques d’extraction

Dans cette deuxième partie seront étudiés d’une manière concrète les éléments de

la recherche. Ainsi, après avoir présenté le candidat choisi pour l’étude ainsi que

les deux journaux sélectionnés, nous présenterons les quatre « petites phrases » qui

ont été retenues.

Puis, nous expliquerons de quelle manière elles ont été extraites et surtout avec

quels mots clés. Ceci nous servira de base pour observer dans la troisième et

dernière partie de l’étude leur portée stratégique, à travers plusieurs critères, dont

leur durée de vie.

A) Un candidat, deux journaux

1) Le candidat François Hollande

a) Un parcours éminemment politique13

« Je suis de la génération Mitterrand. J’en suis fier, même si j’ai parfois pris mes

distances. Mon engagement n’a pas varié. Entré tôt dans les combats de la gauche,

j’y suis resté fidèle tout en sachant que sa pérennité suppose un perpétuel

renouvellement » (Hollande, 2012 :12). Dire que François Hollande a eu un destin

politique est une évidence, tant le sien semble toujours avoir été lié à la conduite

des affaires publiques. Mais, lorsque l’on parle de destin, il ne s’agit pas d’évoquer

ce tournant de vie majeur qu’a été pour lui l’acte de candidature aux élections

présidentielles de 2012, que nous aborderons un peu plus loin, mais plutôt son

parcours, toujours lié de près ou de loin à la politique.

François Hollande est né le 12 août 1954 à Rouen. Il a un frère, Philippe, de deux

ans son aîné ; deux garçons élevés par un père, Georges, médecin ORL et une

mère, Nicole, assistante sociale. Dès son enfance, il est baigné dans la politique,

notamment par son père, militant d’extrême-droite et deux fois candidat

malheureux à des élections locales. Le jeune François suit une éducation religieuse

au pensionnat Saint-Jean-Baptiste de la Salle, à Rouen, jusqu’à sa troisième. Bon

élève et plutôt discret, il n’est pas influencé outre mesure par cette éducation plutôt

stricte. En 1965, à 11 ans, il commence à s’intéresser à la politique et suit les

allocutions télévisées du candidat de la gauche, François Mitterrand, aux côtés de

sa mère, qui a des idées opposées à celles de son mari.

En 1968, la famille déménage à Neuilly-sur Seine et le père se lance dans

l’immobilier. Alors que des barricades se dressent un peu partout dans le pays,

François cherche sa voie et ses idées sont alors proches de la vieille SFIO (Section

13 Source : Changer de destin, Hollande F., 2012, Robert Laffont.

44

française de l’Internationale ouvrière)14

: il croit en Mitterrand, au contraire de son

père, qui le juge « hors jeu ». En parallèle, le jeune homme poursuit sa bonne

scolarité. Même s’il a des capacités, il n’est pas un surdoué, et c’est grâce à son

travail qu’il obtient son bac avec mention « assez bien ». Il poursuit alors des

études de droit dans une université parisienne et obtient une licence, avant de

rentrer à HEC (Haute Ecole Commerciale) Paris ainsi qu’à l’IEP (Institut d’Etudes

Politiques). En 1980, il sort de l’ENA (Ecole Nationale d’Administration), issu de

la promotion « Voltaire ». C’est là qu’il fait la connaissance de Ségolène Royal,

qui sera sa compagne jusqu’en 2007 et avec laquelle il aura quatre enfants.

Affichant déjà son soutien au candidat Mitterrand dès 1974, il adhère au parti

socialiste en 1979. Puis, avec Ségolène Royal, il intègre, autour de Jacques Attali,

l’équipe qui prépare la campagne du candidat Mitterrand. La carrière politique de

François Hollande est cette fois bien lancée et après la victoire socialiste de 1981,

le jeune conseiller se lance, à 36 ans, dans la bataille des législatives et part défier

Jacques Chirac en Corrèze. Il échouera mais poursuivra sa carrière politique d’une

autre manière. En 1983 et 1984, il exerce la fonction de directeur de cabinet,

d’abord de Max Gallo, puis de Roland Dumas, tous deux porte-paroles successifs

du gouvernement. Toujours en 1984, il devient conseiller municipal d’Ussel, en

Corrèze, avant de se faire élire député de Corrèze en 1988, à la suite de la

réélection de François Mitterrand et dans une circonscription différente de celle de

sa première tentative. En 1989, il quitte Ussel pour se présenter à Tulle et devient

adjoint au maire. En 1993, il perd son mandat de député et en 1995, les élections

municipales de Tulle : c’est la période où il exerce la profession d’avocat pendant

quelques temps.

En 1997, sa carrière politique prend une nouvelle tournure. En effet tout en étant

réélu député cette même année, il devient le premier secrétaire du parti socialiste :

il le sera jusqu’en 2008. Cette période est marquée par des victoires et des échecs.

Parmi les victoires, citons les bons résultats aux élections cantonales et régionales

de 2004. Parmi les échecs, la défaite cinglante de Lionel Jospin aux élections

présidentielles de 2002, qui n’arrivera même pas au 2ème

tour : c’est un moment

très difficile pour le parti socialiste et son premier secrétaire. En 2007, François

Hollande pense un temps à se présenter à l’élection présidentielle, mais s’efface

finalement devant Ségolène Royal et sa popularité croissante. Après son départ de

la tête du parti socialiste en 2008, François Hollande se relance dans les batailles

électorales locales en Corrèze.

Au total, François Hollande aura exercé de nombreux mandats locaux puisqu’il

sera tout d’abord député de Corrèze de 1988 à 1993 et de 1997 à 2012. Il sera

également Maire de Tulle de 2001 à 2008 et président du Conseil Général de

Corrèze de 2008 à 2012.

Pendant la période où il aura été premier secrétaire, François Hollande aura

également à gérer de nombreuses tensions au sein de son parti. Un de ses fidèles,

Bruno Le Roux15

, n’hésite pas à déclarer que certains ont « tout mis en oeuvre,

entre 2003 et 2006, pour empêcher le parti de fonctionner normalement, alors que

François faisait tout pour le mobiliser et le garder uni! » (Michel, 2011 : 25). Ces

14 Parti politique français créé en 1905 et qui change de nom en 1969 pour devenir le Parti Socialiste. 15 Homme politique français, député de Seine St Denis depuis 2007.

45

mots résument assez bien la violence de certaines attaques qu’aura à subir François

Hollande en tant que premier secrétaire. On lui reproche globalement de ne pas

savoir trancher, de toujours chercher la conciliation : « Des années de victoires et

de défaites, des années de compromis ayant parfois conduit à des synthèses

solides, mais aussi molles, tant il est délicat de tenir le gouvernail du premier parti

de la gauche » écrit encore Richard Michel (ibid., 19).

Comment alors, celui que beaucoup pensaient « fini » va-t-il se remettre en selle ?

Où va-t-il puiser les ressources pour se lancer dans la bataille des Primaires

Socialistes en 2011 ?

b) La démarche vers la candidature

Lorsque François Hollande quitte le congrès de Reims en novembre 2008, pendant

lequel Martine Aubry devient la nouvelle première secrétaire du parti, l’ancien

numéro un sait qu’une page est en train de se tourner. « ‘Il s’agissait de montrer

qu’un autre temps s’ouvrait, qu’une autre période de ma vie (...) commençait’ se

souvient François Hollande » (Michel, 2011 : 17). En quelque sorte « débarrassé »

de la charge de conduire le parti, François Hollande allait pouvoir commencer à

réfléchir à son propre avenir politique.

Il se recentre alors sur ses proches, ceux qui ont toujours été à ses côtés. Parmi eux,

Bernard Poignant16

, Jean-Yves le Drian17

, Stéphane le Foll18

, Bruno le Roux (voir

supra p. 39), Gwendal Rouillard19

... Un « réseau breton » sur lequel il s’appuie

depuis longtemps et une région pour laquelle François Hollande a de l’affection :

« La terre d’Anne de Bretagne (...) a forgé ses convictions » (Ibid., 21). Concernant

sa vie privée, le député de Corrèze s’est séparé de Ségolène Royal et vit depuis le

milieu des années 2000 avec Valérie Trierweiler, journaliste.

Les années 2008 à 2010 sont celles de la réflexion, du « réseautage », au travers de

multiples réunions dans toute la France. François Hollande peaufine ses idées et

entame une « transformation », y compris physique puisque l’homme se présente

amaigri, le costume impeccable et apparemment en pleine forme à l’université

d’été du parti socialiste en août 2010, à La Rochelle. Ce « nouveau look » est

plutôt moqué par ses adversaires, y compris à l’intérieur de son propre parti : « A la

Rochelle, (...), des amis de Martine Aubry confortablement installés aux terrasses

du port, se moquent du Corrézien devant quelques journalistes sceptiques (...) »

(Ibid., 41). Il faut dire que ce dernier n’est, à ce moment, pas crédité de bons

sondages, dans le cadre des Primaires Socialistes ouvertes qui désigneront en

octobre 2011, le prochain candidat du parti.

Car c’est la nouveauté : tous les Français auront la possibilité de participer à la

désignation du prochain candidat socialiste aux élections présidentielles de 2012, à

travers des « Primaires Citoyennes » qui se dérouleront à l’automne 2011.

16 Homme politique français, maire de Quimper entre 1989 et 2001 et depuis 2008. 17 Homme politique français, président du conseil régional de Bretagne depuis 2004. 18 Homme politique français, directeur de cabinet de François Hollande depuis 1995. 19 Homme politique français, député du Morbihan depuis 2011.

46

Avant ce rendez-vous, il en est un autre qui revêt beaucoup d’importance aux yeux

de François Hollande : les élections cantonales de 2011. En effet, il espère que la

gauche les remportera pour être lui-même confirmé dans son poste de Président du

Conseil Général de Corrèze. Les faits lui donnent raison et il retrouve son siège le

31 mars. C’est la date qu’il choisit pour déclarer sa candidature à un destin plus

national : « ‘Il faut qu’il y ait des idées et une incarnation du changement. C’est la

raison pour laquelle, ici à Tulle, devant vous, mes amis, j’ai décidé de présenter

ma candidature à l’élection présidentielle à travers la primaire du Parti

socialiste’ » (Michel, 2011 : 46). C’est le lancement officiel de sa campagne pour

les primaires.

Il sait que la bataille sera rude. D’autant qu’il a un adversaire de taille, Dominique

Strauss-Kahn (DSK)20

, que beaucoup d’observateurs voient comme le futur

candidat de la gauche. Ce dernier est d’ailleurs en tête dans les sondages : le 14

avril 2011, lefigaro.fr place DSK à 46% d’intentions de vote devant François

Hollande, 22% et Martine Aubry, 19%21

. A ce moment, François Hollande sait

qu’il va devoir batailler dur pour devancer DSK, qui ne s’est toujours pas déclaré

candidat.

Mais un évènement d’ampleur et totalement imprévu va venir bouleverser la

donne. Le 15 mai 2011, DSK est inculpé par la Police de New-York pour des faits

présumés d’agression sexuelle : le directeur du FMI se retrouve de fait hors-jeu

pour les présidentielles en France. Outre le déferlement médiatique que suscite

cette affaire, celle-ci rebat complètement les cartes au sein du parti socialiste et

ouvre en quelque sorte la voie à François Hollande, déjà bien placé dans les

sondages. Cet évènement marque un vrai tournant dans la campagne des Primaires,

prévues pour se dérouler les 09 et 16 octobre.

Pendant cette campagne, deux candidats se détachent : François Hollande et

Martine Aubry, respectivement crédités de 36% et 35% des intentions de vote dans

un sondage publié le 14 juin 201122

, même si la maire de Lille ne se déclarera

officiellement candidate que le 28 juin. L’été et la rentrée voient la campagne se

poursuivre entre 6 candidats23

issus de la gauche et en septembre, c’est toujours

François Hollande qui fait la course en tête dans les sondages : « Le sondage CSA

pour BFM-TV des 19 et 20 septembre 2011 confirme la course en tête du député

corrézien. 47% des sympathisants socialistes souhaitent que François Hollande

soit investi alors que seuls 31% préfèrent Martine Aubry » (Michel, 2011 : 242).

Les résultats du 1er

tour confirment les sondages : les deux candidats arrivant en

tête sont François Hollande, avec 39.2% des voix et Martine Aubry, qui recueille

30,4% des suffrages.24

Ces résultats sont confirmés au 2e tour puisque, une semaine

20 Homme politique français, notamment directeur du FMI (Fonds monétaire international) de 2007 à

2011). 21 lefigaro.fr, article : « Primaire PS : DSK donné favori (sondage), le 14/04/2011, disponible sur http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/04/14/97001-20110414FILWWW00640-primaire-ps-dsk-favori-

selon-un-sondage.php, consulté le 10 mai 2012. 22lci.tf1.fr, article : « Primaire socialiste : Aubry talonne Hollande », le 14/06/2011, disponible sur http://lci.tf1.fr/politique/2011-06/primaire-socialiste-aubry-talonne-hollande-6529923.html, consulté le

10 mai 2012. 23 Les 6 candidats sont : François Hollande, Martine Aubry, Ségolène Royale, Arnaud Montebourg, Manuel Valls, Jean-Michel Baylet. 24 http://www.lesprimairescitoyennes.fr, consulté le 10 mai 2012.

47

plus tard, François Hollande l’emporte assez largement avec 56.57% des voix

contre 43,43% pour sa rivale.25

C’est donc François Hollande qui représentera les

socialistes aux élections présidentielles de 2012.

Après cette rétrospective sur la vie et le parcours de François Hollande, venons-en

maintenant à la présentation des deux journaux qui serviront de base à cette étude.

2) Deux journaux : Libération et Le Figaro

Avant de faire un focus particulier sur les deux journaux qui seront utilisés pour

cette étude, à savoir Libération et Le Figaro, il est nécessaire de faire un petit

retour un arrière et de rappeler quels ont été les grands évènements qui ont marqué

l’histoire de la presse en France.

a) Quelques rappels sur l’histoire de la presse en France26

Même si les Romains distribuaient dès l’Antiquité des bulletins d’information sous

forme de papyrus, c’est au XVe siècle qu’a lieu un évènement important qui va

conditionner le développement de la presse : l’invention de l’imprimerie. C’est

Gutenberg qui en est à l’origine, et qui met au point la typographie entre 1438 et

1454. Néanmoins, il faut noter que la presse écrite imprimée ne naîtra qu’un siècle

et demi plus tard.

Alors que des périodiques imprimés existent déjà en Allemagne et aux Pays-Bas

dès le début du XVIe siècle, ce n’est qu’en 1631 qu’apparaît, en France, La

Gazette, de Renaudot, un hebdomadaire d’informations générales contrôlé par le

Royaume. Il sera concurrencé quelques dizaines d’années plus tard par d’autres

périodiques et, en 1672, apparaît le 1er

magazine, fondé par Jean Donneau de Visé :

Le Mercure Galant.

Aux XVIIe et XVIII

e siècles, la presse se diversifie : les revues se multiplient et

chaque corporation édite la sienne : les juristes, médecins, officiers de marine ont

leur propre publication. Mais le Pouvoir est méfiant et la censure fait son

apparition : en 1757, une ordonnance promet la peine de morts aux journalistes qui,

par leurs écrits, troubleraient l’ordre public. C’est dans ce contexte que paraît en

1777 le 1er

quotidien français : Le journal de Paris. Il publie des informations

judiciaires, administratives ou culturelles mais n’abordent pas les sujets politiques :

il compte 5000 lecteurs quotidiens.

A partir de 1789 et jusqu’au Second Empire (1852), la presse connait un grand

essor et devient un support pour faire passer ses idées : la « presse

25 Ibid. 26 Sources : Histoire de la presse, Albert P., 1970, PUF & La Presse française, Albert P., 2008, la

documentation française & Histoire de la Presse en France, Lormier D., 2004, De Vecchi.

48

révolutionnaire » utilise tous les moyens pour vendre ses journaux, y compris la

diffusion de fausses informations. Lorsque Napoléon Bonaparte arrive au pouvoir

en 1799, il est conscient du pouvoir important de la presse et fait interdire 60

journaux sur 73. Au fil des ans cependant, la presse retrouve peu à peu son aura,

notamment grâce à Emile de Girardin qui fonde en 1836 le bien nommé La Presse,

un quotidien à grand tirage. De son côté, Charles Havas créé la 1ère

agence de

presse au monde en 1832. En 1848, Napoléon III arrive au pouvoir et remet la

Presse sous surveillance. Pour autant, celle-ci, dès lors qu’elle reste « docile »,

continue à se développer. C’est dans ce contexte que paraît le quotidien Le Figaro,

en 1866, même si le premier journal à porter ce titre (Figaro), était né 40 ans plus

tôt, en 1826. Nous y reviendrons.

En pleine IIIe République, la fin du XIX

e voit le fort développement de la presse

politique, avec par exemple La Gazette de France (royaliste), Le Siècle

(républicain) ou encore Le Cri du peuple (journal socialiste) entre autres... Alors

que Le Petit Parisien, fondé en 1876 et lu par près de 2 millions de lecteurs est le

journal français le plus célèbre de la planète, L’humanité voit le jour en 1904 : au

départ socialiste, il ne devient communiste qu’après le congrès de Tours, en 1920.

Le début de la 1ère

guerre mondiale en 1914 voit apparaître la propagande : un

journal patriotique comme L’intransigeant par exemple, minimise dans ses

colonnes l’avancée des troupes allemandes. Dans ce contexte nait en 1915 le

Canard Enchaîné, un journal humoristique...qui le restera. Pendant l’entre-deux

guerres, la presse se porte bien et le nombre de quotidiens se multiplient. La presse

magazine se développe également avec, par exemple, la naissance de Marie-Claire

en 1937. En parallèle de la montée des dictatures en Europe, une certaine presse

nationaliste se développe en France.

Pendant la deuxième guerre mondiale, la presse tente de maintenir le moral des

Français au plus haut, faisant parfois preuve d’un optimisme béat. Pendant les

années sombres, elle joue un rôle important dans la résistance, en relayant par

exemple, comme pour Le Provençal ou le Progrès de Lyon, l’appel du Général de

Gaulle lancé de Londres. Sans compter les tracts et journaux clandestins, dont l’un

d’entre eux se nommait d’ailleurs Libération. Juste avant l’Armistice, le journal Le

Monde voit le jour, en 1944.

Après la fin de la 2e guerre mondiale et jusqu’à nos jours, la presse se diversifie

largement. Ainsi, l’Equipe, un journal sportif est fondé en 1948 et en 1950, France

Observateur, un magazine hebdomadaire qui deviendra plus tard Le Nouvel

Observateur. A partir des années 50, les magazines « télé » se développent

largement et un peu plus tard, un autre grand nom de la presse française voir le

jour : Libération, en 1973. La presse régionale n’est pas en reste : ainsi, Ouest-

France, avec un tirage de 766 970 exemplaires en 201127

, est le quotidien le plus lu

en France.

De nos jours, les ventes de quotidiens français sont plus faibles que dans beaucoup

d’autres pays. En 1914, la France, avec 244 exemplaires28

quotidiens vendus pour

1000 habitants, arrivait en 2e position juste derrière les Etats-Unis. En 2005, ce

27Site de l’OJD, http://www.ojd.com/adherent/3762, consulté le 10 mai 2012. 28 Source : Histoire de la presse, Albert P., 1970, PUF, p. 124.

49

chiffre tombe à 135,629

et la France est largement devancé par bon nombre de pays

européens : la Norvège (601), la Grande-Bretagne (335), ou encore l’Allemagne

(298). Selon Pierre. Albert, Cette érosion serait due à l’irruption des écrans et du

numérique dans la vie quotidienne des Français : « depuis 1972, il y a en France

plus de télévisions que d’exemplaires de quotidiens » (Albert, 2010 : 122). Cette

tendance à la baisse de consommation des quotidiens est confirmée par des

études30

successives réalisées par le Ministère de la Culture, qui nous apprennent

que, sur 100 Français de 15 ans et plus, 55 lisaient un quotidien payant tous les

jours ou presque en 1973. Ils n’étaient plus que 29 en 2008.

Il est temps à présent de s’arrêter plus précisément sur les deux journaux qui nous

intéressent ici, à savoir Libération et Le Figaro.

b) Libération31

« A sa création en 1973, ce quotidien se veut l’expression, non d’un parti, mais

d’une ‘sensibilité’ issue de la contestation de 1968 » (Charon, 1991 : 132). A elle

seule, cette citation résume l’esprit dans lequel est né le quotidien.

Libération a vu le jour dans le prolongement de Mai 68, sous l’impulsion de Jean-

Paul Sartre, début 1973. Il reprend le nom d’un journal de la résistance qui existait

pendant la 2e guerre mondiale. A ses débuts, le journal est plutôt classé à l’extrême

gauche. En 1974, Serge July, co-fondateur du journal succède à Jean-Paul Sartre et

Jean-Claude Vernier en tant que directeur de la publication : il le restera jusqu’en

2006. En 1980, le journal prend une orientation plutôt « sociale-démocrate ».

Dans les années 1980 le tirage du journal augmente mais dans les années 1990, le

journal connait de plus en plus de difficultés économiques : en 2005, Serge July se

bat pour faire rentrer dans le capital Edouard de Rothschild. C’est le début d’une

crise interne qui entraine le départ de nombreux journalistes, Serge July lui-même

quitte le journal en 2006. Puis, c’est l’arrivée de Laurent Joffrin qui devient en

2006 président du directoire du journal, avant d’être remplacé en 2011 par Nicolas

Demorand, qui assure, avec Nathalie Collin, la coprésidence du journal.

Du point de vue du contenu, Libération incarne un style à part, une originalité dans

les titres et une certaine façon de « scénariser » l’information : « Après le lien avec

le lecteur, après le titre-jeu de mots, la description de l’actualité par l’imitation

d’un genre artistique répertorié constitue le troisième pilier du projet

journalistique de Libération » (Aeschimann, 2007 : 27). A Libération, il semble

que les journalistes cherchent à diffuser l’information en « racontant des

histoires », en « colorant » celle-ci. Peut-être pour garder cette proximité avec leurs

lecteurs. Est-ce cet esprit qui explique le diminutif « Libé », une manière assez

intimiste de dénommer le journal.

29 Ibid. 30 http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/doc/evolution73-08/T3-LECTURE-QUOTIDIENNE-JOURNAUX.pdf, consulté le 10 mai 2012. 31 Source principale : Libération et ses fantômes, Aeschimann E., 2007, Seuil.

50

Avec une diffusion quotidienne de 119 205 exemplaires quotidiens en 201132

,

Libération arrive loin derrière Le Monde (292 765 ex.) mais loin devant

L’Humanité (45 827). Dans ce classement de la Presse Quotidienne Nationale

(PQN) généraliste, Libération arrive en 4e position des journaux les plus lus en

France derrière Le Figaro, Le Monde et Aujourd’hui en France.

c) Le Figaro33

Le titre Figaro apparaît en 1826. Il ne devient un quotidien qu’en 1866, ce qui fait

de lui le plus ancien encore en activité dans le paysage de la presse française.

Quand Figaro voit le jour en 1826, c’est un « journal satirique, spirituel et

batailleur », selon sa propre présentation. Il est fondé par un certain Maurice

Alhoy et son nom est choisi en référence à Beaumarchais, pour narguer le pouvoir

monarchique en place et sa censure.

Jusqu’en 1854, le journal connaitra des fortunes diverses et pas moins de 11

versions différentes se succèdent, ainsi que plusieurs repreneurs. Cette année 1854

marque un tournant avec la reprise du journal par Hippolyte de Villemessant. Il

choisit d’inscrire en 1ère

page une devise tirée du Mariage de Figaro : « Sans liberté

de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur », qui est toujours présente aujourd’hui.

Le journal devient quotidien en 1866 et, en 1880, un an après la mort de

Villemessant, Le Figaro est le « quatrième quotidien de la capitale » (Blandin,

2007 : 61). Il est apprécié de la haute aristocratie et cherche à recruter de nouveaux

lecteurs parmi la riche bourgeoisie.

Le journal traverse le XXe siècle en connaissant, comme toute la presse, la censure

pendant les deux guerres : la parution sera d’ailleurs totalement stoppée entre 1942

et 1944. Après la guerre, le journal connait une belle progression, notamment sous

l’impulsion de l’un de ses directeurs les plus emblématiques : Pierre Brisson. Il

restera à la tête du journal jusqu’à sa mort, en 1964 : le journal est alors à son

apogée avec un tirage de 439 000 exemplaires (1965) (Albert, 2008 : 142). Mais la

mort de son directeur le fait entrer dans une période de tourmente et de crise

interne avant de connaitre, une dizaine d’années plus tard, un autre évènement

majeur.

En 1975, le quotidien est racheté par Robert Hersant : c’est le début d’une nouvelle

ère qui durera jusqu’en 2004. Une des personnalités influentes pendant cette

période se nomme Franz-Olivier Giesbert, qui sera notamment directeur des

rédactions du Figaro de 1988 à 2000. En 2004, le journal passe sous le giron du

groupe Dassault et Etienne Mougeotte en devient le directeur des rédactions en

2007. En juillet 2012, il est remplacé par Alexis Brézet.

Sur l’échiquier politique, le quotidien est considéré comme un « journal de droite »

(Albert, 2008 : 142) ou encore « l’incarnation du conservatisme de la bourgeoisie

32Site de l’OJD,

http://www.ojd.com/chiffres/section/PPGP?submitted=1&section=PPGP&famille=1&thema=&search=&go=Lancer+la+recherche, consulté le 10 mai 2012. 33 Source : Le Figaro, deux siècles d’histoire, Blandin C., 2007, Armand Colin.

51

française (...) » (Blandin, 2007 : 1). En 2011, avec un tirage de 321 101

exemplaires34

, Le Figaro est le journal de Presse Quotidienne Nationale le plus lu

en France.

Après avoir dressé un cadre général, et du candidat, et des deux journaux dans

lesquels seront faites les extractions, venons-en maintenant à la présentation

détaillée des « petites phrases » sélectionnées.

B) Présentation des petites phrases et de leur contexte

Le moment est venu de présenter les quatre « petites phrases » sur lesquelles porte

plus précisément cette étude. Le premier critère de sélection a été la reprise et la

circulation importante dans les médias. Mais ça n’a pas été le seul. Nous avons

sélectionné des « petites phrases » toutes différentes les unes des autres pour

étudier ensuite quels aspects particuliers pouvaient avoir favorisé leur reprise.

Chacune va maintenant être présentée ainsi que le contexte dans lequel elle a été

prononcée.

1) « Cet adversaire, c’est le monde de la finance »

La première « petite phrase » sélectionnée est sans doute l’une de celles qui a fait

couler le plus d’encre pendant la campagne de présidentielles 2012. « Cet

adversaire, c’est le monde de la finance » a été prononcée par François Hollande le

22 janvier 2012, pendant le discours dit « du Bourget », le premier grand meeting

de campagne du candidat socialiste.

Il faut d’emblée préciser plusieurs points. Tout d’abord, il a été décidé de retenir

ces quelques mots mais ceux-ci sont extraits d’un paragraphe plus long, que voici :

« Mais avant d’évoquer mon projet, je vais vous confier une chose. Dans cette

bataille qui s’engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable

adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais

sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire,

c’est le monde de la finance. Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le

contrôle de l’économie, de la société et même de nos vies. Désormais, il est

possible en une fraction de seconde de déplacer des sommes d’argent

vertigineuses, de menacer des Etats ».35

Il ne s’agit donc pas d’une « petite

phrase » isolée, mais d’un extrait situé dans un paragraphe qui traite du même

thème que cet extrait.

34 Site de l’OJD,

http://www.ojd.com/chiffres/section/PPGP?submitted=1&section=PPGP&famille=1&thema=&search=

&go=Lancer+la+recherche, consulté le 10 mai 2012. 35 Site internet du Parti Socialiste : http://www.parti-socialiste.fr/articles/retrouvez-le-discours-de-

francois-hollande-au-bourget, consulté le 07/07/2012.

52

Ensuite, précisément, c’est une phrase, certes prononcée à l’oral et donc non

extraite d’une interview écrite, mais qui s’inscrit dans un discours. On peut donc

penser qu’il s’agit d’une phrase très « écrite », préparée, réfléchie. Nous ne

sommes pas dans le contexte d’une phrase prononcée en réponse à une question

d’un journaliste par exemple, ou lors d’un débat télévisé avec une autre

personnalité politique.

Enfin, si nous avons décidé de sélectionner cet extrait, c’est justement parce que

c’est celui qui a été principalement repris par les médias et les adversaires

politiques de François Hollande. Les phrases qui le précèdent ou qui le suivent

n’ont pas eu le même écho. On peut donc considérer que cet extrait semble être le

« marqueur », non seulement de ce paragraphe, mais également du thème de la

finance dans ce discours. De plus, les médias lui ont effectivement attribué ce

statut de « petite phrase », à l’image de cet article sur franceinfo.fr du 24 janvier

2012, où l’on peut lire « Une petite phrase sur le monde de la finance décidément

très commentée (...))36

.

Si l’on va plus loin, on peut même ajouter que cet extrait, cette « petite phrase » a

été au coeur de ce discours du Bourget. En effet, on se rend compte qu’elle est

souvent utilisée dans le titre des articles qui résume l’intervention du candidat

socialiste au Bourget : on le constate sur internet avec, par exemple, le site

leparisien.fr, dont le titre d’un article daté du 22/01/2012 est : « Hollande au

Bourget : « mon véritable adversaire, c’est la finance » »37

ou encore latribune.fr,

qui, le même jour, titrait « Hollande : « mon véritable adversaire, c’est le monde

de la finance » »38

: le fait que ces médias aient choisi de titrer de cette manière

pour résumer le discours tout entier indique l’importance de cette « petite phrase »

prononcée.

Même s’il n’est pas encore le moment de « disséquer » cet extrait afin d’en étudier

l’éventuelle portée stratégique, nous pouvons d’ores et déjà noter que sa

caractéristique principale semble être le fait qu’elle concerne un thème de fond.

Mais le thème n’est pas anodin, puisqu’il s’agit de la « finance » avec tout ce que

l’on peut mettre derrière cette notion. Choisir ainsi de mettre en exergue, à travers

quelques mots, la thématique de l’argent, puisqu’il s’agit bien de cela, permet

d’ouvrir de très nombreux thèmes de débats, surtout en période de crise

économique. Et finalement, on peut comprendre que les observateurs,

immédiatement après le discours, aient souvent relevé cette petite phrase comme

en étant un des axes principaux, puisque les mots utilisés semblent donner à cet

extrait l’allure, en quelque sorte, d’une « déclaration de guerre ».

36 franceinfo.fr, article : « Retour vers le futur pour Hervé Morin, le pionnier du voyage dans le temps », 24/01/2012, disponible sur http://www.franceinfo.fr/high-tech/hyper-revue-de-presse/retour-vers-le-

futur-pour-herve-morin-le-pionnier-du-voyage-dans-le-temps-507441-2012-01, consulté le 07/07/2012. 37leparisien.fr, article : «Hollande au Bourget : ‘Mon véritable adversaire, c'est la finance’», le 22/01/2012, disponible sur http://www.leparisien.fr/election-presidentielle-2012/candidats/hollande-

au-bourget-mon-veritable-adversaire-c-est-la-finance-22-01-2012-1823639.php, consulté le 07/07/2012. 38 latribune.fr, article : « Hollande : ‘mon véritable adversaire, c'est le monde de la finance’ », disponible sur http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20120122trib000679586/hollande-

mon-veritable-adversaire-c-est-le-monde-de-la-finance.html, consulté le 07/07/2012.

53

2) « C’est le rêve français que je veux réenchanter »

La deuxième « petite phrase » sélectionnée est une autre déclaration

« emblématique » de la campagne des présidentielles 2012 mais surtout de

François Hollande et c’est la suivante : « C’est le rêve français que je veux

réenchanter ». Elle a été prononcée sous cette forme le 16 octobre 2011, le soir de

la victoire de François Hollande aux Primaires Socialistes. Néanmoins, il faut

préciser que ce thème avait déjà été abordé par le candidat quelque temps

auparavant. Ainsi, lors d’un discours à Clichy La Garenne, le 27 avril 2011,

François Hollande parlait déjà de : « ... rêve des fondateurs de la République (…)

des résistants qui ont combattu la barbarie nazie (…) le rêve de ceux qui ont

attendu pendant 23 ans l’alternance et qui l’ont vécue en 1981, le rêve du Front

populaire (…) le rêve de Lionel Jospin », comme le rappelait Liberation.fr dans un

de ses articles39

. Sans oublier son livre40

, sorti en août 2011.

A nouveau pour cette « petite phrase », il s’agit d’un extrait d’une déclaration un

peu plus longue que voici dans son intégralité : « C'est le rêve français que je veux

réenchanter, celui qui a permis à des générations, durant toute la République, de

croire à l'égalité et au progrès. Et c'est pourquoi j'ai fait de l'école de la

République la grande priorité de ce qui pourra être demain mon prochain

quinquennat »41

. Par rapport à la petite phrase précédente qui portait sur le monde

de la finance, nous sommes ici dans un autre registre. En effet, nous n’abordons

pas directement une thématique, mais nous positionnons sur un registre qui tient

plutôt de la « symbolique ». Les mots prononcés « transportent » d’emblée celui

qui les entend dans une réflexion beaucoup plus large, et le choix des mots n’y est

évidemment pas étranger.

Mais il faut également s’arrêter quelques instants sur le contexte. Le 16 octobre

2011, sur le perron du siège du parti socialiste, rue de Solférino, à Paris, nous

sortons de plusieurs mois d’une bataille âpre, celle des Primaires Socialistes, dites

« Citoyennes », les premières du genre organisées en France. Donc, le moment est

très important, mais il est également inédit. Les mots prononcés lors d’un tel

moment ne peuvent que s’inscrire dans l’histoire, puisqu’aucun autre candidat à

des élections présidentielles n’a été désigné de cette façon auparavant en France :

l’instant est forcément solennel.

On peut également se poser une autre question assez similaire à celle posée pour la

« petite phrase » précédente : pourquoi n’avoir retenu dans cette étude que ces

quelques mots alors que la déclaration est beaucoup plus longue ? Tout d’abord,

parce que c’est cette séquence qui a été principalement reprise par les médias. Sur

internet, par exemple, et à l’image de l’article de lepoint.fr auquel il est fait

référence un peu plus haut, les journalistes n’hésitent pas à titrer sur cet extrait

précis dans leurs articles traitant de la victoire de François Hollande aux Primaires.

39 liberation.fr, article : « Hollande fait un ‘rêve’», le 27/04/2011, disponible sur http://www.liberation.fr/politiques/01012334218-hollande-fait-un-reve, consulté le 18/07/2012. 40 Le rêve français, Hollande F., août 2011, Privat. 41 lepoint.fr, « François Hollande dit vouloir ‘réenchanter’ le rêve français », le 16/10/2011, disponible sur http://www.lepoint.fr/fil-info-reuters/francois-hollande-dit-vouloir-reenchanter-le-reve-francais-16-

10-2011-1385306_240.php, consulté le 18/07/2012.

54

C’est le cas, par exemple, de letelegramme.com, qui, le soir même du 16 octobre

2011, titre : « François Hollande. C’est le rêve français que je veux

réenchanter »42

pour commenter la victoire du candidat socialiste.

Ensuite, on constate que la reprise de cette petite phrase, dans les semaines et les

mois qui suivront, se concentrera également sur ces quelques mots précis, voire sur

un seul de ces mots qui constituaient cet extrait déjà court. Ainsi, les mots « rêve »

et « réenchanter » feront l’objet d’une reprise et d’une circulation significatives,

comme on le verra plus loin.

Enfin, comme pour la « petite phrase » précédente, ces mots offrent de nombreuses

possibilités de commentaires. Même si la « finance » était un thème bien identifié

tout en permettant de nombreuses ouvertures en terme de réflexion, le

« réenchantement du rêve français » permet encore plus d’interprétations et l’on

verra que les partisans de François Hollande, tout comme ses adversaires, ne

manqueront pas d’inspiration. A noter cependant que les médias ont beaucoup de

difficultés à « nommer » cet extrait « petite phrase », c’est en tout cas ce que nous

ont montré nos recherches. Nous avons néanmoins trouvé, sur le site internet

publicsenat.fr, une allusion à cet extrait par Jean-François Coppé : « « Tout est

résumé dans une phrase prononcée par François Hollande : je veux réenchanter le

rêve français. Ce que vend le candidat socialiste, c’est de l’utopie » »43

, il qualifie

cet extrait de phrase, « seulement ». Ceci nous montre que les acteurs du monde

politico-médiatique, ne qualifient pas aussi naturellement de « petite phrase » une

déclaration porteuse d’une thématique et non « polémique ».

3) « Président normal »

S’il est vrai que les deux « petites phrases » qui viennent d’être présentées ont

marqué la campagne des présidentielles 2012, c’est tout aussi vrai pour la troisième

que nous avons choisi d’étudier : « président normal ». Bien sûr, il était assez peu

imaginable de ne pas s’arrêter à ces deux mots tant ils ont été largement présents

avant, pendant, et même après la campagne.

Comme pour les deux précédentes, il convient de préciser qu’il s’agit d’un extrait,

mais celui-ci comporte d’autres particularités. Ainsi, il est plus difficile de dater

précisément à quel moment l’expression a été prononcée pour la première fois, et

ce, parce que la petite phrase a pris différentes formes selon les circonstances.

C’est le mot normal qui semble être le point commun des différentes associations

qui ont circulé. Mais, si nous avons décidé de retenir ces deux mots, président

normal, c’est parce que cette association est celle qui a été utilisée le plus souvent

et par le candidat et ses adversaires, et par les différents acteurs de la vie

médiatique. Pour autant, on verra plus loin que différents mots-clés ont été utilisés

42 letelegramme.com, article : « François Hollande. ‘C'est le rêve français que je veux réenchanter’ », le 16/10/2011, http://www.letelegramme.com/primaire-socialiste-2011/francois-hollande-c-est-le-reve-

francais-que-je-veux-reenchanter-16-10-2011-1466784.php, consulté le 18/07/2012. 43publicsenat.fr, article : « Festival de petites phrases à l’UMP contre le projet PS, ‘de l’utopie’ à 255 milliards », le 18/10/2011, http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/festival-petites-phrases-l-ump-

contre-projet-ps-l-utopie-255-milliards-163448, consulté le 18/07/2012.

55

pour rechercher les articles qui reprennent ce que l’on pourrait appeler le thème de

la « normalité ».

Certaines sources, notamment cet article sur internet44

, affirme que le mot normal a

été « lancé en janvier 2010 (...) » mais nos recherches ne permettent pas d’affirmer

ce point. Néanmoins, il est, dans ce cas, peut-être fait référence à une déclaration

de Manuel Valls qui, au sujet de François Hollande, déclarait en janvier 2010

justement : « Au fond, c'est assez normal que ceux qui ont du talent, qui pensent

qu'ils ont la capacité d'être président de la République, qui veulent incarner une

alternative crédible, soient candidats »45

. Peut-être est-ce en référence à cette

affirmation du futur responsable de Communication du candidat Hollande qu’il y

était fait allusion, mais cela n’est pas avéré.

En revanche, nos recherches nous permettent de situer l’utilisation de ce mot par

François Hollande d’une manière claire et équivoque à la fin de l’année 2010.

C’est lors d’un voyage en Algérie, le 09 décembre 2010, que le futur candidat

socialiste tient les propos suivants : « Est-ce que je suis normal? Oui, je pense que

le temps d’un président normal est venu ». Dans cet article de presse écrite46

, on

précise même qu’il « ...dérape un peu face à une caméra de Canal + » lorsqu’il

tient ces propos. Cet autre article, sur le site RFI.fr, affirme que la première

utilisation du mot par le candidat a bien eu lieu lors de ce fameux voyage : « C’est

là, face à la mer, au pied de la basilique Notre-Dame d’Afrique, qu’il évoque pour

la première fois le « président normal » qu’il entend incarner. Ni Sarkozy ni

Strauss-Kahn - alors au firmament dans les sondages »47

. La tonalité quelque peu

« polémique » ou plutôt intentionnelle de l’utilisation de ces mots précis semble se

confirmer ici. En tout cas, on peut considérer que l’apparition du mot normal a

vraiment eu lieu pour la première fois à ce moment-là.

La confirmation viendra quelques mois plus tard. Nous sommes le 31 mars 2011,

et François Hollande vient d’être réélu Président du Conseil Général de Corrèze.

C’est aussi cette date qu’il choisit, nous l’avons évoqué, pour se déclarer

officiellement candidat à l’élection présidentielle via les primaires socialistes.

Parmi les différentes sollicitations médiatiques auxquelles il répond ce jour-là,

François Hollande déclare : « J'ai dit qu'il fallait un président "normal", car

Nicolas Sarkozy n'est pas normal. La personnalité, ça compte dans une campagne,

ça fait l'appoint nécessaire, la confiance et la crédibilité. Les Français ne veulent

pas mettre un socialiste [à l'Elysée], ils veulent choisir. L'empathie, c'est un

élément important, car on voit aujourd'hui l'antipathie au pouvoir. Sarkozy, il ne

44Elysee.blog.lemonde.fr, article : « Les sarcasmes de Sarkozy sur la ‘présidence normale’ de François

Hollande », le 21/05/2011, http://elysee.blog.lemonde.fr/2011/05/21/les-sarcasmes-de-sarkozy-sur-la-

presidence-normale-de-francois-hollande/, consulté le 18/07/2012. 45 Le Figaro, le 12/01/2010, P.S. : François Hollande tente d’imposer son calendrier aux autres

présidentiables, p. 4. 46 leparisien.fr, article : « François Hollande se rit des querelles de dame », le 10/12, disponible sur http://www.leparisien.fr/politique/francois-hollande-se-rit-des-querelles-de-dames-10-12-2010-

1185037.php, consulté le 18/07/2012. 47 rfi.fr, article : « Présidentielle 2012 : François Hollande trace sa ‘voix’, le 13/04/2012, disponible sur http://www.rfi.fr/france/20120413-presidentielle-2012-francois-hollande-trace-voix, , consulté le

18/07/2012.

56

crée pas la bonne ambiance »48

. On remarque qu’il cite cette fois clairement son

concurrent, positionnant ainsi et à nouveau cette expression dans l’adversité.

Il semble donc que ces deux dates (09 décembre 2010 et 31 mars 2011) soient les

véritables marqueurs de la première utilisation de cette expression de « président

normal ». Cette expression prend aussi le statut de « petite phrase » dans les

médias, à l’exemple de cet article du Figaro du 07 février 2012, où l’on lit : « Le

candidat a bâti une partie de sa popularité sur une petite phrase : il veut être « ‘un

président normal’»49

. Tout au long de la campagne et même au-delà, l’expression

sera déclinée de différentes façons puisque l’on parlera également de candidat

normal, de normalité...Et il sera intéressant d’étudier de quelle façon ces mots

précis vont, à un moment donné, en quelque sorte « échapper » à son auteur

puisque les différentes utilisations ou transformations de l’expression, on le verra,

seront le plus souvent l’oeuvre, soit de ses adversaires, soit des acteurs du monde

médiatique. Ces questions seront abordées pendant la troisième partie de cette

étude, lorsque nous étudierons l’éventuelle portée stratégique des petites phrases de

François Hollande.

4) « Sale mec »

Cette expression a priori quelque peu injurieuse, fait partie des évènements

médiatiques de cette campagne des présidentielles 2012, et c’est pourquoi elle

constituera la quatrième « petite phrase » que nous étudierons ici. D’emblée, on

pourrait penser qu’un tel énoncé dans la bouche d’un candidat s’apparente à une

injure, mais il faut d’abord replacer le contexte.

Nous sommes le mardi 03 janvier 2012, et François Hollande, au cours d’un

déjeuner avec des journalistes, tient les propos suivants à propos de son rival

Nicolas Sarkozy: « Il va se présenter devant les Français et leur dire : je suis un

président en échec depuis cinq ans, je suis un sale mec, mais réélisez-moi parce

que, dans cette période difficile, je suis le seul capable »50

. Parmi les journalistes

présents se trouve un représentant du journal Le Parisien-Aujourd’hui en France

qui, le lendemain, dans un article intitulé Le nouvel appétit de Hollande, cite le

candidat socialiste de la manière suivante : « Pour Hollande, il n’y a pas de

mystère, c’est bien le chef de l’Etat, « un président en échec », « un sale mec », qui

se cache derrière les formules de l’UMP.»51

C’est cet article précis qui met le feu

aux poudres.

Aussitôt, les partisans du Président sortant fustigent le candidat socialiste, le

sommant de s’excuser, quand les partisans de François Hollande rétorquent qu’en

matière de « mots déplacés », Nicolas Sarkozy n’a pas de leçons à donner. En tout

48 Libération, « A Tulle, Hollande s’est élancé », le 01/04/2010, p. 10. 49 Le Figaro, « Hollande, faux candidat « normal » et vrai idéologue », le 07/02/2012, p. 15. 50 Europe1.fr, article : « ‘Sale mec’, ce qu’a vraiment dit Hollande », le 04/01/2012, disponible sur http://www.europe1.fr/Politique/Sale-mec-ce-qu-a-vraiment-dit-Hollande-890299/, consulté le

18/07/2012. 51 le Parisien-Aujourd’hui en France, « Le nouvel appétit de Hollande », le 04 janvier 2012, archivé sur http://www.leparisien.fr/election-presidentielle-2012/candidats/presidentielle-le-nouvel-appetit-de-

hollande-04-01-2012-1796102.php, consulté le 18/07/2012.

57

cas, une précision est apportée par le journal qui a « sorti » l’affaire, dans un article

de son édition du 05 janvier52

et duquel est extraite la citation intégrale. Dans cet

article, son auteur précise que tous les journalistes prenaient des notes sur leur

carnet pendant le déjeuner, et que personne, dans l’entourage de François

Hollande, ni lui-même, n’avaient précisé que la discussion était « off ». En d’autres

termes, le journaliste n’avait fait que son travail. A partir de là, toute la discussion

tournera autour du fait de savoir si les propos étaient vraiment « off » ou non, et si

Hollande « imitait » Sarkozy ou non, et donc s’il avait tenu des propos qu’il n’avait

pas vraiment tenus tout en les tenant quand même...

Outre l’imbroglio médiatique déclenché par cette « affaire », il y a plusieurs points

intéressants à noter dès à présent. Tout d’abord, les mots utilisés ne semblent pas

être dans les habitudes de François Hollande et nous essayerons d’analyser

l’utilisation de cette expression « à contre-courant ». Ensuite, il faudra regarder

pourquoi l’entourage du Président sortant réagit aussi rapidement et avec autant de

vigueur, prenant le risque de rappeler les déviances verbales de son propre

candidat. Enfin, il faut noter que parmi les quatre « petites phrases » sélectionnées,

elle est la seule (à part peut-être le « président normal ») dont la forme est plus

caractéristique que le fond, et nous nous arrêterons également sur ce point. Ce qui

est certain, c’est que les médias l’ont qualifié ainsi, comme dans cet article du

Figaro du 09 janvier 2012 : « Car de l’avis général, les attaques contre François

Hollande après la petite phrase mal comprise sur Sarkozy ‘sale mec’, ont été

parfois trop fortes »53

.

Cet évènement nous ramènera également à la définition d’une « petite phrase » en

elle-même. En effet, le côté « polémique » habituellement attribué à la petite

phrase et que nous avons évoqué dans la première partie de cette étude, semble être

particulièrement présent ici. Ainsi, plus que les mots prononcés, même s’il faudra

s’arrêter sur ces derniers, le scénario qui s’est joué ici est particulièrement

instructif car il est un des éléments clés : ce sont autant, voire plus les

circonstances, les conditions dans lesquelles a été prononcée cette petite phrase qui

sont l’objet des reprises, que la petite phrase elle-même. Il faudra bien sûr revenir

sur ce point précis.

C) Les techniques d’extraction des petites phrases

1) Les techniques d’extraction

Venons-en désormais à la manière dont les « petites phrases » ont été extraites des

deux journaux présentés ci-dessus. Avant de détailler le tableau utilisé, rappelons

quelques considérations générales.

52 le Parisien-Aujourd’hui en France, « Hollande, Sarkozy et le ‘sale mec’ », le 05/01/2012. 53 Le Figaro, « La cellule ‘riposte’ de Brice Hortefeux passe à la vitesse supérieure », le 09/01/2012,

p. 3.

58

a) Généralités

La sélection, la recherche et l’extraction des « petites phrases » a été réalisée de la

manière suivante.

Après avoir regardé d’un point de vue global comment se déroulait la campagne et

en avoir tiré des conclusions pour sélectionner les « petites phrases » qui viennent

d’être présentées, un choix a été fait : celui, de travailler avec la base de données

Factiva, accessible à tous les étudiants inscrits à l’Université. En effet, cette base

présente plusieurs avantages. Tout d’abord, elle est mise à jour en temps réel, ce

qui est utile pour faire des vérifications au jour le jour et regarder l’évolution de

certaines données. Ensuite, elle offre de nombreux critères de recherches, utiles

pour la démarche qui était la nôtre. Enfin, elle permet une présentation sous de

multiples formes, que ce soit par titres d’articles seuls ou par articles complets.

En outre, les possibilités offertes par Factiva ont également eu une influence sur la

méthode. En effet, la possibilité de rechercher les petites phrases à l’aide d’un seul

ou de plusieurs mots-clés ont contribué à la définition des différentes catégories qui

ont été utilisées pour les classer et qui seront expliquées un peu plus loin. Ainsi,

l’outil a permis de se rendre compte assez vite comment telle ou telle « petite

phrase » était reprise par les deux journaux. Etait-elle citée dans son intégralité ? Y

avait-il des mots clés dont la fréquence revenait régulièrement et qui permettait de

tirer telle ou telle conclusion ? Factiva a permis de mettre en lumière ces critères et

ainsi contribuer à la délimitation du classement. L’outil a aussi aidé à la

délimitation temporelle de la « durée de vie » des « petites phrases » : on le verra,

elles ont toutes des profils différents et il n’a pas toujours été utile de les observer

sur une très longue période : Factiva permettait d’observer assez efficacement à

quel moment l’effet d’une déclaration commençait à s’atténuer, permettant ainsi de

mieux définir la période de recherche.

Enfin, il faut noter que, même si les recherches ont été effectuées sur des durées

différentes, elles ont toutes été retranscrites mensuellement, pour mieux pouvoir

être comparées. Les données recueillies n’étant celles que de deux journaux, le

nombre d’articles concernés restait assez peu important : cela justifiait donc de

ramener les données à une base mensuelle, qui permettait une comparaison de

chiffres un peu plus conséquents.

b) Le tableau des données.

Après extraction, les données des quatre petites phrases, pour pouvoir être étudiées,

ont été compilées dans des tableaux aux en-têtes identiques. Nous allons

maintenant détailler et définir les intitulés de ces en-têtes pour une meilleure

lecture dans les pages qui suivent. Tout d’abord, voici l’en-tête du tableau, telle

qu’elle apparaîtra.

59

Il convient désormais d’expliciter chaque rubrique et sous-rubrique pour une

meilleure compréhension :

Journal : il paraît assez clair que dans les deux colonnes situées sous cette

rubrique apparaîtront le nombre d’extraits provenant, soit de Libération,

soit du Figaro.

Type d’article : il faut apporter des précisions sur les quatre sous-

rubriques qui ont été définies. Tout d’abord, la colonne Article rassemble

les données des articles dit « classiques », rédigés par des journalistes

professionnels : reportage... La rubrique Editorial rassemble des écrits

nommés comme tels ou rédigés par des éditorialistes. La colonne

Interview regroupe quant à elle des articles ayant la forme de

questions/réponses entre un journaliste et son invité, qu’il soit politique ou

non. Enfin, une 4e colonne, Regard extérieur rassemble des articles

rédigés par des personnes ne faisant pas partie de l’équipe habituelle des

journalistes du quotidien : invité, homme ou femme politique,

universitaire, économiste, spécialiste de telle ou telle question... L’objectif

était de regarder si la reprise et la circulation avaient un profil différent

dans ce type d’article.

Précisons toutefois que cette rubrique, Type d’article, révèle finalement

assez peu d’informations significatives et sera donc rarement utilisée dans

notre analyse. Nous avons néanmoins fait le choix de la conserver dans

nos tableaux, pour rappeler, a minima, que cette répartition existe.

Format de la petite phrase : cette rubrique est importante car elle

concerne directement le thème de cette étude. Ainsi, elle résume les

différentes manières dont sont traitées les petites phrases au sein des

articles sélectionnés : en fonction de la manière dont la « petite phrase »

est reprise dans l’article, on pourra émettre des hypothèses sur son

influence dans la presse écrite et l’importance que celle-ci lui a attribuée.

L’intitulé Objet de l’article signifie que la petite phrase est en elle-même

le sujet de l’article, soit parce qu’elle apparaît dans le titre, soit parce

qu’elle concerne explicitement le thème traité. C’est le cas, par exemple,

de cet article du Figaro, intitulé « « Casser la finance mène à la

catastrophe » » (voir annexe II, p. 126). Par « Petite phrase » citée, nous

entendons que l’on retrouve dans le texte une citation intégrale ou quasi

intégrale de celle-ci, ou une référence très explicite à la « petite phrase ».

La sous-rubrique allusion répertorie quant à elle les écrits où il est fait

référence à la petite phrase, même si elle n’est citée que partiellement.

Enfin, une 4e

sous-rubrique, thématique, rassemble les textes dont le

60

thème abordé est le même que celui de la petite phrase, qui y apparaît,

partiellement ou entièrement : cela ne concerne que la « petite phrase »

sur la « finance ». Précisons que chaque « petite phrase » ne peut être

présente dans deux sous-rubriques (toutes distinctes) d’une même

rubrique.

Positionnement : comme la précédente, cette rubrique est importante dans

le sens où elle a une portée plus qualitative que quantitative et, par

ailleurs, fait sens dans le cadre d’une stratégie de communication. En

effet, elle indique comment se positionne l’article en question par rapport

à la « petite phrase » dont il est l’objet. Il va de soi que ce « classement »

se veut le plus objectif possible : ainsi, les sous-rubriques Pour et Contre

indiquent si l’écrit dans lequel apparaît la « petite phrase » semble aller

dans le sens d’un soutien au candidat, ou non. L’objectif est de répondre

le plus simplement possible à la question suivante : l’article est-il

favorable au candidat ou non ? Cet exemple d’article de Libération,

positionné « pour », intitulé « Il faut adopter des réformes radicales »

nous montre que l’interviewé va dans le sens des déclarations du candidat

socialiste (voir annexe II, p. 127). Tout comme cet article du Figaro,

intitulé « De grands mots pour une faible ambition » a été classé

« contre » (voir annexe II, p. 128). Par ailleurs, lorsque la réponse à la

question posée ci-dessus n’apparaîtra pas clairement, l’article sera classé

dans la sous-rubrique Neutre. Si la petite phrase est citée par un tiers, le

classement sera effectué en fonction de l’avis de celui-ci, selon qu’il

soutient ou non à travers ses propos la petite phrase ou l’action du

candidat. Ces deux articles, « Eloge de la normalité » du Figaro, et

« Hollande déménage » de Libération, ont été classés dans cette catégorie,

car il nous a semblé qu’ils ne prenaient pas vraiment position (voir annexe

II, pp 129-130).

Enfin, cette partie tient également sa légitimité par le fait que les deux

journaux observés ont des tendances opposées, et qu’il est intéressant

d’observer si l’on retrouve ces tendances à travers les articles sélectionnés

par le biais des mots-clés définis, que nous exposerons dans le point

suivant.

On le constate, ce tableau rassemble deux rubriques plutôt quantitatives : Journal

et Type d’article même si la rubrique Journal n’est pas purement quantitative, et

deux autres plutôt qualitatives : Format de la petite phrase et Positionnement.

C’est le croisement de ces différentes rubriques qui permettra de dégager quelle

portée stratégique les « petites phrases » ont pu avoir, ou non. Ces observations

seront réalisées dans la 3e partie de notre étude et seront mises en relation avec la

nature même de la « petite phrase ». Ainsi, nous essayerons de voir pourquoi le

choix de tel ou tel mot, de telle ou telle tournure de phrase, a pu ou non, avoir une

capacité d’influence, le tout en fonction d’un contexte, d’un moment choisi ou non.

Allons désormais un peu plus loin dans la méthode d’extraction en observant, à

travers les premiers éléments statistiques, quels mots-clés de recherche ont été

utilisés pour chaque « petite phrase » sélectionnée.

61

2) Les mots-clés de recherche

Lorsqu’il a fallu démarrer les recherches, nous avons dû définir des mots-clés pour

repérer les « traces » des « petites phrases » dans les deux journaux choisis. En

parallèle, il fallait définir une période d’extraction, qui est parfois différente d’une

« petite phrase » à l’autre, et ce, pour deux raisons.

La première est qu’elles n’ont pas toutes eu le même retentissement et certaines ne

pouvaient pas être observées sur une très longue période. L’autre raison est

qu’elles n’ont pas toutes été prononcées au même moment et ne pouvaient donc

pas avoir la même période d’observation par rapport à la date de l’élection. Enfin,

il est à préciser qu’il n’y a pas de recherches postérieures au 1er

avril 2012, pour

des raisons de délais nécessaires à l’exploitation des données.

Observons maintenant les premiers éléments statistiques pour chacune des « petites

phrases » sélectionnées.

a) « Cet adversaire, c’est le monde de la finance » (prononcée le

22/01/2012)

Pour cette petite phrase, la période d’extraction a été de 2 mois. En effet, nous

avons constaté qu’elle a généré beaucoup d’articles assez vite et il nous a paru

qu’une période de deux mois, en raison de ce nombre d’articles important, était

suffisante pour obtenir des données représentatives de l’effet de cette « petite

phrase » (il faut cependant noter qu’un examen rapide du mois suivant nous montre

que les articles découlant de cette « petite phrase » étaient toujours assez

nombreux). Par ailleurs, nous avons choisi d’effectuer les recherches avec 3 mots-

clés ou associations de mots-clés différents. Voici, sous forme de tableau, un

résumé des recherches effectuées:

« Cet adversaire, c'est le monde de la finance » (22/01/2012)

Période de

recherche

Mots-clés utilisés pour la

recherche

Nombre d'articles

trouvés

22/01/2012 au

22/03/2012 (2

mois)

"Hollande" ET "Finance"

(seuls) (A ) 58

"Hollande" ET "Le monde

de la finance" (B) 25

"Cet adversaire, c'est le

monde de la finance" ( C) 3

Total 86

62

Ces données appellent les observations suivantes.

Tout d’abord, le nombre d’articles, 86, est relativement conséquent pour une

période de deux mois. Des quatre « petites phrases » sélectionnées, nous verrons

que c’est celle qui a généré le plus d’articles, en tout cas dans les deux journaux

sélectionnés que sont Le Figaro et Libération. C’est aussi pour cette raison qu’elle

a été choisie : le nombre important de reprises est le signe que cette déclaration a,

d’une manière ou d’une autre, marqué les esprits.

En ce qui concerne les mots-clés utilisés pour la recherche, ils sont également assez

significatifs. En regardant les chiffres, on constate assez vite qu’il n’aurait pas été

possible de travailler uniquement avec les articles qui reprennent la « petite

phrase » dans son intégralité (C) : en effet, il n’y en a que 3. Ce constat nous a

conduit à aborder la recherche d’une autre façon. Ainsi, et comme nous l’avons

déjà évoqué pour cette « petite phrase », c’est le thème abordé, plus que la

déclaration elle-même qui semble avoir favorisé la reprise et la circulation dans la

presse écrite. C’est ainsi que l’association des deux mots-clés "Hollande" ET

"Finance" (seuls) (A) est celle qui a généré le plus d’occurrences, 58, plus que

l’association "Hollande" ET "Le monde de la finance" (B), qui en a généré 25.

On l’a compris, tous les articles (86) incluent les mots « Hollande » et « Finance »,

mais 58 uniquement incluent ces deux mots « seuls ».

Pour avoir une vision plus schématique et en pourcentage de cette répartition, on

peut l’illustrer de la façon suivante :

63

On constate que 96% (A+B) des articles qui ont fait suite à la « petite phrase » du

candidat socialiste prononcée au Bourget n’ont repris que les mots « Hollande » et

« Finance », parmi lesquels 29% ont repris l’expression « monde de la finance »

(B). Ce schéma confirme que c’est avant tout le thème qui a été retenu : on pourrait

dire que cette petite phrase a en quelque sorte « ouvert un débat », qu’elle a été

« un déclencheur ». Nous tiendrons évidemment compte de ce phénomène dans

l’analyse stratégique de celle-ci.

Arrêtons-nous à présent sur la deuxième « petite phrase » sélectionnée.

b) « C’est le rêve français que je veux réenchanter » (prononcée le

16 octobre 2011)

Tout d’abord, ce que l’on note par rapport à cette « petite phrase » est qu’elle a été

prononcée relativement tôt par rapport au début « officiel » de la campagne de

François Hollande, que l’on peut situer au 22/01/2012 et le fameux discours du

Bourget (même si, on le rappelle, le candidat s’est déclaré candidat le 31 mars

2011 et avait même démarré ses déplacements dès 2010). Pour ces raisons et parce

que son mode de circulation a été différent de celui de la précédente, la période

d’extraction choisie est de 4 mois. Mais également parce que dans les mois qui ont

suivi cette période, les reprises dans ces deux journaux ont chuté et sont devenues

quasi inexistantes.

Par ailleurs, comme pour la précédente, cette « petite phrase » a fait l’objet d’une

extraction par plusieurs mots-clés ou associations de mots-clés, 4 au total. La

différence est qu’elle n’a jamais été reprise dans son intégralité puisque l’on

trouve 0 occurrence de « C’est le rêve français que je veux réenchanter » dans les

deux journaux sur la période sélectionnée. Voici un résumé synthétique des

recherches effectuées :

« C’est le rêve français que je veux réenchanter » (16/10/2011)

Période de

recherche

Mots-clés utilisés pour la

recherche

Nombre

d'articles

trouvés

16/10/2011 au

16/02/2012 (4

mois)

"Hollande" ET "Le rêve

français" (A) 21

"Hollande" ET

"Réenchanter le rêve

français" (B)

10

"Hollande" ET

"Réenchanter" (seuls) (C) 8

"Réenchanter" (seul) (D) 3

Total 42

64

Quelles premières observations pouvons-nous faire ?

Tout d’abord, sur une période deux fois plus longue, on trouve deux fois moins

d’articles que pour la « petite phrase » sur la finance, puisque nous n’avons relevé

que 42 occurrences. Cette « petite phrase » a donc eu « moins de succès » que la

précédente, en tout cas sur une base quantitative.

Ensuite, les mots-clés qui ont servi de base à l’extraction sont assez révélateurs.

Ainsi, 31 articles (A+B), couvrant les deux premières recherches, incluent le mot

« rêve » : Il semble donc que le mot « rêve » soit le plus marquant dans la phrase,

puisqu’il est repris dans 31 articles sur 42, contre 21 pour « réenchanter »

(B+C+D), certains articles incluant les deux mots.

A noter que pour les extractions avec les sélections de mots clés C et D, le mot

« rêve » apparaît parfois dans les articles, mais jamais le mot « français ». Ceci

n’apparaît pas dans le tableau pour éviter de le rendre trop complexe.

Le schéma suivant retrace les recherches en pourcentage :

Ici apparaît clairement ce qui était dit juste avant, à savoir que 74 % (A+B) des

articles reprennent le mot « rêve ». 50% des articles au total ne reprennent pas du

65

tout le mot « réenchanter » (A) : c’est donc bien l’idée du « rêve » qui a prévalu

dans cette expression et qui a suscité les reprises.

c) « Président normal » (prononcée le 09 décembre 2010)

La recherche par mots-clés pour cette expression a été abordée d’une manière un

peu différente de celle utilisée pour les deux précédentes. En effet, il nous est

apparu que, ne retenir que les articles où apparaissait l’expression « président

normal » aurait été réducteur. En effet, beaucoup d’autres articles abordaient cette

thématique en utilisant, soit l’expression « candidat normal », soit le terme

« normalité ». Aussi, nous avons décidé d’effectuer les recherches avec ces trois

mots ou expressions-clés. Par ailleurs, il était impossible de faire une recherche en

associant « Hollande » ET « normal » car l’adjectif était souvent utilisé avec son

sens premier et ne permettait pas de faire le lien avec ce qui nous intéresse ici.

Pour ce qui concerne la période d’extraction, il faut rappeler que François Hollande

a parlé pour la première fois de « Président normal », le 09 décembre 2010, soit

pratiquement un an et demi avant le 1er

tour de l’élection présidentielle 2012, et

comme l’expression a eu une durée de vie assez longue, notre recherche a donc

porté sur une période de 15 mois. Voici, sous forme de tableau, un résumé des

recherches effectuées :

« Président normal » (09/12/2010)

Période de

recherche

Mots-clés utilisés pour la

recherche

Nombre

d'articles

trouvés

01/01/2011 au

01/04/2012 (15

mois)

"Président normal"(A) 30

"Candidat normal" (B) 26

"Hollande ET Normalité"(C) 15

Autres (A+C : 3, B+C : 2,

A+B : 1, A+B+C : 1) 7

Total 78

On constate tout d’abord qu’avec 78 articles, cette petite phrase a été relativement

populaire, mais, par rapport aux autres petites phrases de cette étude, la période

d’observation est très longue, donc, il faut relativiser ce chiffre. Ensuite, on

constate que c’est bien l’expression « président normal » (A) qui génère le plus

d’occurrences, même si l’expression « candidat normal » (B) arrive juste derrière.

66

Pour une meilleure lecture de la répartition des recherches, voici un schéma qui les

exprime en pourcentage :

Ce qui frappe ici est que cette petite phrase fait plus référence à une thématique

qu’à une expression. En effet, il semble que ce soit installé, au fil des articles, une

sorte de fil rouge autour du thème de la normalité. Par ailleurs, 9% des articles

(rubrique « Autres ») associe deux ou trois des expressions-clés choisies, ce qui

laisse penser que certains articles ont été consacrés à cette thématique. Nous y

reviendrons en détail dans la troisième partie de l’étude.

d) « Sale mec » (prononcée le 03 janvier 2012)

L’affaire du « sale mec », comme certains journalistes l’ont appelé, s’est donc

déclenchée au début de cette année 2012, année électorale. A cette date, le discours

du Bourget n’a pas encore eu lieu et, même si François Hollande est candidat

depuis presqu’un an, il n’a pas encore véritablement lancé sa campagne. En ce qui

concerne son adversaire, directement visé par ces propos, celui-ci n’est pas en

campagne non plus, puisqu’il n’est pas encore officiellement déclaré candidat à sa

succession : il ne le fera que le 15 février, sur un plateau de télévision. Cet épisode

verbal intervient donc entre deux candidats pas tout à fait officiellement en

campagne ou candidat.

67

Par rapport aux deux petites phrases précédentes, dont le nombre de mots suggérait

une recherche par plusieurs mots-clés ou association de mots-clés, celle-ci ne s’est

pas imposée de cette manière. D’une part, on va voir que le nombre de reprises a

été relativement faible. D’autre part, l’expression en elle-même est courte et

comporte deux mots-clés suffisamment explicites pour que ceux-ci soient cités

intégralement dans les articles qui s’y consacrent.

Enfin, la « durée de vie » de cette petite phrase, on va le constater, a été

relativement courte. Aussi, nous avons décidé de regarder les reprises et

circulations sur un période de trois mois, aussi pour observer si, au fur et à mesure

où l’on se rapprochait de la date de l’élection, la petite phrase réapparaissait. Voici

un tableau qui résume les recherches effectuées :

« Sale mec » (03/01/2012)

Période de

recherche

Mots-clés utilisés pour

la recherche

Nombre d'articles

trouvés

01/01/2012 au

31/03/2012 (3

mois)

"Sale mec" 18

Total 18

Le premier constat est que le nombre d’article est relativement faible : 18 articles

seulement (pour rappel, la petite phrase sur la finance a généré 86 occurrences en 2

mois seulement). Il sera intéressant d’observer à quel moment cette petite phrase a

entraîné une reprise dans les médias. Tout comme il faudra essayer de déterminer

si les conditions dans lesquelles elle a été prononcée (discussion « off ») ont pu

avoir, ou non, une influence sur le nombre de reprises.

68

e) Synthèse

Le tableau ci-dessous récapitule les données générales pour les quatre petites

phrases sélectionnées :

"Petites phrases" Nombre

d'articles

Durée (en

mois)

Nombre

moyen

d'articles/mois

Cet adversaire, c'est le monde de la

finance 86 2 43

Réenchanter le rêve français 42 4 10,5

Président normal 75 15 5

Sale Mec 18 3 6

Il apparaît clairement que, du point de vue du nombre moyen d’articles parus

chaque mois, c’est la « petite phrase » sur la finance qui est la plus marquante. En

effet, avec 86 articles parus en deux mois, il semble que celle-ci ait véritablement

été propice à susciter des réactions. Juste derrière, la déclaration sur le « rêve

français » a également généré de nombreux articles. Il faut néanmoins relativiser

ces chiffres, car les durées d’observation ne sont pas identiques.

A présent, ces données doivent être observées sous d’autres angles. Ainsi, nous

regarderons dans la troisième et dernière partie comment chaque « petite phrase »

s’est comportée dans le temps, ce qui constituera un autre signe de sa popularité,

tout comme sa durée de vie.

En parallèle, nous analyserons quels éléments divers (sémantique, symbolique,

contexte...) ont pesé dans la capacité de ces déclarations à jouer, ou non, un rôle

dans la stratégie de communication du candidat.

69

70

71

3ème

partie : Les petites phrases de François Hollande : un outil

efficace dans sa stratégie de communication ?

Dans cette dernière partie de l’étude et à la lumière de ce qui a été développé

auparavant, nous regarderons quel rôle stratégique a pu jouer chacune des « petites

phrases » sélectionnées.

Afin de nourrir notre analyse, nous nous appuierons, en plus des données extraites

des journaux, sur trois entretiens que nous avons réalisés. Nous avons tout d’abord

questionné un responsable politique socialiste et animateur local de la campagne de

François Hollande. Il nous a livré son regard sur les « petites phrases » du candidat

qu’il soutenait. En parallèle, nous avons obtenu une autre analyse, plus

professionnelle : celle d’un conseiller en communication travaillant dans une

agence spécialisée. Enfin, nous avons interviewé Thierry de Cabarrus, journaliste,

qui a travaillé pendant 37 ans dans des rédactions de presse écrite (l’intégralité de

ces entretiens est consultable en annexe I, pp. 114-125).

Dans cette partie, après avoir observé quelques éléments sémantiques, nous

examinerons les statistiques d’extraction pour en tirer des conclusions sur la

stratégie de communication de F. Hollande, le tout, du point de vue des journaux

Libération et Le Figaro.

A) « Cet adversaire, c’est le monde de la finance »

1) Etude sémantique

Rappelons tout d’abord que cette « petite phrase » est extraite du discours dit « du

Bourget », prononcé le 22/01/2012, que l’on considère comme le lancement de la

campagne du candidat socialiste. Ainsi, il s’agit d’une phrase « préparée », peut-

être « programmée » pour faire mouche et l’on peut imaginer que le choix des mots

a été fait de façon minutieuse. Dans cette « petite phrase », deux mots ou

expressions semblent marquants : « adversaire » et « monde de la finance ».

Un « adversaire » est une « personne que l’on affronte dans un conflit, un combat,

un jeu ; un antagoniste » (Le Petit Larousse, 1995 : 40). Ajoutons que le terme

vient du latin adversarius qui signifie « qui se tient en face, contre, opposé,

adverse, contraire, [mais aussi] adversaire, rival, ennemi (Le Grand Gaffiot,

2000 : 69). Le choix du mot « adversaire » appelle la réflexion suivante :

effectivement, il est moins « marqué » que le mot ennemi dont la connotation

« négative » semble totalement avérée. Dans l’inconscient collectif en effet, il

semble bien qu’un ennemi doive être combattu car il est nuisible, dangereux...Le

mot « ennemi » est celui qu’on utilise en temps de guerre par exemple, ou pour

désigner des conflits interpersonnels âpres.

Le mot « adversaire » a priori, a une connotation « négative » plus atténuée, voire

dans certaines circonstances, inexistante. Ainsi, il est abondamment utilisé dans le

72

registre sportif, par exemple, où l’on ne peut soupçonner que les différents

« adversaires » cherchent à se détruire les uns les autres. Pour autant, le choix de ce

mot ne gomme pas complètement l’idée de « combat ». Il faut d’ailleurs rappeler la

phrase qui précède, dans le discours : « Mais avant d’évoquer mon projet, je vais

vous confier une chose. Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire qui est

mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de

parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il

gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance (...)»54

. Cette présence, du

mot « bataille », positionne plus clairement « le niveau de sens » dans lequel on

veut se situer : le registre « guerrier » ne semble finalement pas si éloigné et il

s’agit donc bien d’un combat que l’on souhaite engager. On peut alors se demander

pourquoi le mot ennemi n’a pas été choisi ?

Le choix du mot adversaire est stratégique dans le sens où il laisse une « porte

ouverte » à la négociation. Il aurait sans doute été dangereux de désigner comme

« ennemi » le monde de la finance, surtout quand l’on sait ce que cette « petite

phrase », a déclenché comme réaction. Il semble que le choix d’un mot plus

« neutre » ait été fait pour éviter une « rupture », une « fracture » avec une branche

professionnelle avec laquelle le candidat aurait de toute façon besoin de travailler

s’il est élu. Cela ne l’empêche pas, à l’intérieur même de son discours et à d’autres

occasions, de positionner clairement sa pensée dans une logique de combat par

l’utilisation de certains autres mots ou par certains développements. Ajoutons que,

lorsqu’il dit qu’ « il n’a pas de nom, pas de visage (...) », ce positionnement

« d’ennemi » est assez clair, car ces quelques mots font penser à la « traque » d’un

criminel par exemple, dont on ne sait à quoi il ressemble, et où il se trouve : en

quelque sorte, « l’ennemi invisible ». Cette impression est d’ailleurs renforcée par

le déterminant démonstratif « cet... » en début de phrase.

L’autre partie de la « petite phrase » nous apprend que cet adversaire est « le

monde de la finance ». La première réflexion qui vient à l’esprit est le spectre très

large que recouvrent ces quelques mots. En effet, il est bien difficile de savoir de

qui l’on parle précisément ici. On aura bien compris qu’il s’agit de désigner toute

une catégorie de professionnels parmi lesquels on peut inclure évidemment les

banques, mais aussi la bourse, tous ceux qui pratiquent la spéculation financière,

les organismes de crédits ou encore les assureurs... En fait, cette expression

« monde de la finance » est suffisamment précise pour circonscrire une branche

professionnelle assez bien identifiée et suffisamment imprécise pour ne pas

nommer une catégorie spécifique ; on perçoit assez bien la « dimension »

idéologique de cette expression : on peut penser qu’il s’agit plus d’un

« positionnement » que de la stigmatisation d’une branche professionnelle, même

si c’est sans doute également cela.

Le choix du mot « monde » n’est peut-être pas non plus le fruit du hasard : il peut

vouloir signifier que le débat ne se limite pas aux frontières du pays, que ce

problème est un problème « mondial » avant tout. Cela peut également être une

autre façon de ne pas trop « fâcher » le milieu de la finance française, en

54 Site internet du Parti Socialiste : http://www.parti-socialiste.fr/articles/retrouvez-le-discours-de-

francois-hollande-au-bourget, consulté le 07/07/2012.

73

expliquant que le phénomène n’est pas « franco-français » mais bien plus large :

n’oublions pas que le candidat cherche aussi à se faire élire... par des Français.

Au total, « cet adversaire, c’est le monde de la finance » utilise un vocabulaire qui

laisse plusieurs portes ouvertes à l’interprétation. D’abord, on se positionne certes

dans une logique de combat, mais d’une manière atténuée : « nous sommes

adversaires, nous allons jouer en quelque sorte une « partie et comme dans toute

partie, il y a des règles du jeu, mais celles-ci ne nous conviennent pas : il va donc

falloir les revoir. Par ailleurs, le problème ne se situe pas qu’en France, donc ne

vous considérez pas comme les seuls responsables ». En résumé, « tout cela a assez

duré, nous allons revoir les choses. Mais le dialogue n’est pas fermé : certes, nous

sommes décidés à changer les choses, mais nous pourrons en discuter ensemble ».

74

2) Eléments statistiques

Le tableau ci-dessous nous donne les résultats complets des extractions au sujet de la première « petite phrase » sélectionnée,

« Cet adversaire, c’est le monde de la finance » (détail des statistiques consultable en annexe III, p. 150) :

"Cet adversaire, c'est le monde de la finance"(22/01/2012) - Période d’observation : 2 mois

TOTAL Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

Nombre

d'articles Libération

Le

Figaro Article Editorial Interview

Regard

extérieur

Objet de

l'article

"Petite

phrase"

citée

Allusion Thématique Pour Contre Neutre

86 43 43 57 8 10 11 15 19 44 8 22 44 20

100% 50,00% 50,00% 66,28% 9,30% 11,63% 12,79% 17,44% 22,09% 51,16% 9,30% 25,58% 51,16% 23,26%

Dont

Libération 18 14 11

81,82% 31,82% 55,00%

Le Figaro 4 30 9

18,18% 68,18% 45,00%

75

Il ne s’agit pas de commenter chaque colonne du tableau, mais plutôt de dégager

quelques chiffres-clés, qui donnent les orientations principales.

On note que l’on retrouve ce chiffre de 86 articles parus dans les deux mois qui ont

suivi le discours « du Bourget » ce qui montre une reprise importante dans la

presse écrite. Mais un autre chiffre frappe d’emblée : il s’agit de la répartition des

articles entre les deux journaux : on s’aperçoit qu’avec 43 articles de chaque côté,

les reprises sur ce thème ont été aussi nombreuses dans les deux journaux. Ces

deux données amènent plusieurs observations.

Tout d’abord, avec cette « petite phrase », on peut considérer que le candidat

socialiste a frappé les esprits puisque les réactions ont été nombreuses : on est dans

la situation d’une déclaration qui « fait le buzz ».

Ensuite, le fait que les deux journaux reprennent ce thème à égale proportion peut

laisser supposer qu’en quelque sorte, un « débat a été lancé » : les réactions sont

présentes aussi bien dans la presse qui est plutôt de son côté que dans celle qui

soutient plutôt son adversaire. Ainsi, cette déclaration ne laisse personne

indifférent, et c’est sans doute le premier pari réussi de cette « petite phrase ». Ce

phénomène est remarquable, dans le sens où cette déclaration, est, au départ,

clairement positionnée : le candidat socialiste y désigne en effet un adversaire, et il

prend donc le risque d’une opposition très forte : ce n’est pas ce qui se passe,

même si on verra plus loin au travers du positionnement des articles qu’une

certaine tendance à l’opposition semble s’être dessinée. On peut invoquer comme

autre raison de cet équilibre dans les réactions le fait que le thème abordé est assez

large : cela laisse la possibilité à chacun de l’interpréter à sa guise et d’y inclure ce

qu’il veut, et cela multiplie donc les possibilités de réaction.

D’autres données intéressantes sont celles qui concernent le format de la « petite

phrase » présente dans les articles : on s’aperçoit du nombre relativement important

d’articles où celle-ci est « l’objet de l’article » ou bien où elle est citée : 34 au total,

soit près de 40%. C’est un autre signe de l’efficacité de cette déclaration :

lorsqu’un un article est entièrement consacré à ce thème, c’est qu’il « y a matière »

et que le message principal du discours était bien celui-là. Par exemple, cet article

de Libération du 25 janvier 2012 intitulé « Pour François Bayrou, le PS court

après Mélenchon » (voir annexe II, p. 131) fait partie de ceux-là. Même si le

journaliste est bien aidé par le président du Modem qui revient lui-même très

naturellement et à plusieurs reprises sur cette « petite phrase », l’article illustre bien

combien l’homme politique a été lui-même frappé par cette déclaration. Par

ailleurs, la « petite phrase » en question est citée dans 19 articles, soit un peu plus

de 22%. On peut considérer que c’est une proportion importante dans la mesure où

le discours fait une quinzaine de pages au total : choisir de citer cet extrait plutôt

qu’un autre montre l’importance qu’on y accorde.

Enfin, on dénombre 8 articles dans la catégorie Thématique, ce qui montre surtout

que la « petite phrase » apparaît également dans des articles qui traitent du monde

de la finance en général, plus que de la campagne électorale. Ce chiffre n’est pas

significatif, mais nous rappelle que cette « petite phrase » se situe dans un esprit de

« débat ».

76

Si l’on s’intéresse à présent au positionnement des articles, on perçoit que cette

petite phrase a majoritairement déclenché une opposition au candidat socialiste : en

effet, plus de la moitié des articles lui sont hostiles et seulement un quart vont dans

son sens, le dernier quart étant neutre. Et la logique est respectée puisque, parmi les

articles qui lui sont favorables, plus de 80% proviennent de Libération, alors que

près de 70% des articles qui lui sont opposés viennent du Figaro. Quelles

observations peut-on faire à ce sujet ?

Clairement, on peut parler de risque pris par le candidat socialiste : avec plus de la

moitié des articles qui sont hostiles à sa déclaration, cette « petite phrase » semble

avoir joué le rôle de déclencheur. Par ailleurs, on ne peut nier le fait que le thème

soit extrêmement clivant : en « s’attaquant » à l’argent, François Hollande prend

une posture idéologique qui semble déclencher une réaction d’une ampleur peut-

être légèrement différente à celle qu’il attendait.

Intéressons-nous maintenant à l’évolution dans le temps de la reprise et la

circulation de cette « petite phrase ». Rappelons que ceci a été observé sur une

période de deux mois pour la « petite phrase » en question. Pour une meilleure

lisibilité de l’évolution, nous avons converti les données en « semaines ».

Voici un graphique qui retrace de quelle manière se sont comportés les articles

concernés par cette déclaration :

Ce schéma appelle plusieurs observations.

Tout d’abord, on note le fort impact « immédiat » de cette déclaration sur la presse

écrite : pas moins de 38 articles sur le sujet sont parus dans la 1ère

semaine qui a

77

suivi le discours du Bourget : on peut parler ici de « caractère explosif » comme

l’indique J.-M. Denquin (voir supra pp. 31-32) pour définir la « petite phrase », on

pense ici également à l’expression de « bombe médiatique ». Même si l’impact

s’atténue fortement la 2e semaine et que l’on pourrait penser que cela ne constituait

qu’un phénomène ponctuel, on constate que ce n’est pas le cas puisque la

déclaration semble « prendre corps » dans les 3 semaines suivantes au cours

desquelles on constate que le nombre d’articles est à nouveau en hausse. Il semble

que l’on assiste ici à une « solidification » ou encore une « cristallisation » du

thème dans l’opinion publique.

Alors que les articles de la première semaine sont sans doute à placer dans le

registre des « premières réactions », ceux des semaines suivantes semblent installer

le débat, poser le problème « au fond ». En témoignent ces deux articles, d’abord

au Figaro, daté du 18/02/2012 : « Cameron : « Nous sommes pleinement engagés

en Europe » mais également à Libération : « ‘Les banques françaises se sont

transformées’ », daté du 24/02/2012 (voir annexe II, pp. 132-133). Ces deux

articles, qui interviennent environ un mois après le discours du Bourget et qui font

allusion à la « petite phrase », sont de vrais articles de fond, qui donnent une

indication sur le positionnement du débat présidentiel. On constate d’ailleurs

qu’elle n’a pas laissé indifférent y compris les hommes politiques étrangers

puisqu’ils réagissent à cette déclaration.

Sur la durée, on peut donc dire qu’après le temps de la réaction « à chaud »,

caractérisée par un nombre d’articles important immédiatement après le discours,

la « petite phrase » a en quelque sorte « fait son chemin » par la suite puisqu’on la

retrouve, environ un mois plus tard, apparaissant dans des articles dont le thème est

le monde de la finance. On peut donc considérer qu’elle a trouvé sa place dans le

débat et qu’elle a en quelque sorte « imposé » les réactions des uns et des autres,

qui se sont trouvés « sommés » de donner leur avis sur cette prise de position très

politique. Enfin, abordant un thème de fond, elle semble avoir trouvé sa place dans

la presse écrite, laquelle, en plus des actualités, propose aussi des articles d’analyse

ou de débat.

3) Portée stratégique

Si, d’un point de vue général, l’efficacité stratégique d’une petite phrase consiste à

« marquer les esprits », à « provoquer des réactions », nul doute que « cet

adversaire, c’est le monde de la finance » a été une réussite : on le voit avec le

nombre d’articles écrits. Mais il semble qu’on observe deux autres phénomènes,

notamment mis en évidence par Alice Krieg-Planque lorsqu’elle définit les

« petites phrases » (voir supra p. 39). En premier lieu, cette déclaration et ce

discours du Bourget paraissent avoir « contrôlé l’agenda », autant par l’anticipation

que l’évènement a créé que la mise en scène de cette « petite phrase ». Si les

communicants de François Hollande voulaient orienter le débat autour de la

question de la finance, on peut dire qu’avec cette « petite phrase », ils y sont

parvenus. En second lieu, on assiste ici à une véritable « coproduction » de celle-ci,

78

tant François Hollande, ses communicants et les médias semblent l’avoir

« fabriquée » tous ensemble, alors que ces quelques mots se trouvaient à l’origine

« isolés » au milieu d’un discours de 15 pages : ils apparaîtront pourtant dans 17

articles en tout dans les deux jours qui suivent (uniquement dans les deux journaux

étudiés) et apparaîtront dans tous les médias comme les mots les plus marquants de

ce discours.

Mais ce qui frappe par ailleurs, c’est la difficulté, pour les différents interlocuteurs,

à retenir son intitulé exact. Y compris au sein du camp socialiste, puisque, lorsque

nous interrogeons un responsable socialiste et animateur de la campagne de

François Hollande et lui demandons quelles « petites phrases » de François

Hollande l’ont marqué, il répond, entre autres « mon ennemi, c’est la finance sans

visage » (voir annexe I, p. 114). Il est intéressant de noter que ce mot ennemi

ressort alors qu’il n’a même pas été prononcé par François Hollande dans cette

partie du discours sur la finance. Mais il n’est pas le seul : les journalistes

reprennent souvent ce terme lorsqu’ils font allusion à cette « petite phrase »,

surtout si l’article est défavorable au candidat socialiste. Par exemple, dans cet

article d’Yves de Kerdrel du Figaro du 31 janvier 2012 intitulé « La grande casse

programmée de Hollande l'illusionniste », (voir annexe II, p. 135), celui-ci écrit :

« D'emblée, le candidat socialiste, qui a désigné le monde de la finance comme son

ennemi personnel (...) ». On peut se demander si Hollande n’a pas réussi le tour de

force de « faire entendre » à tous ceux qui l’écoutaient des mots qu’il n’a pas

même prononcés, sans essuyer les critiques virulentes dont il aurait sans doute été

l’objet s’il avait effectivement prononcé ces mots ? Pourquoi tant de gens utilisent-

ils le mot « ennemi » en référence à cette petite phrase, alors que François

Hollande ne l’a jamais utilisé dans ce contexte ?

On peut sans doute imaginer que la « mise en scène » dont l’influence dans le

discours est de plus en plus présente, en tout cas selon Patrick Charaudeau (voir

supra p. 21) joue un véritable rôle. Ce discours du « Bourget » est, à la quasi-

unanimité, une réussite et le lieu, la foule, la ferveur, peuvent avoir donné aux mots

prononcés ce jour-là une dimension « supérieure », une certaine force, une

« épaisseur », en raison de ce contexte particulier. On peut considérer que c’est la

première mise en scène de cette « petite phrase », dont tout le monde se souviendra

qu’elle a été prononcée dans ce lieu, avec cet environnement, ce contexte

particulier. Et puis il y a une deuxième mise en scène de la « petite phrase », à

l’intérieur du discours lui-même. La façon dont celle-ci est amenée, avec un certain

suspense, nous amènent à nous demander si cette approche ne s’apparente pas à

une forme de manipulation, selon la définition de P. Breton, à savoir une « entrée

par effraction » dans nos esprits (voir supra p. 23). Cette façon de susciter l’attente

dans le discours fait aussi penser au storytelling, cette technique de conviction de

l’opinion qui serait « apparue aux Etats-Unis au milieu des années 1990 »

(Salmon, 2007 : 7) et que l’on peut définir comme étant « l’art de raconter des

histoires » ; cette technique s’applique autant dans le marketing que le management

ou la politique. Citant Seth Godin, qui analysait alors dans un de ses livres55

la

défaite de John Kerry aux élections présidentielles de 2004, Christian Salmon

écrit : « il n’a pas raconté une histoire cohérente. Il n’a pas propagé un mensonge

55 Seth Godin, Tous les marketeurs sont des menteurs : Tant mieux, car les consommateurs adorent

qu'on leur raconte des histoires, Maxima, Paris, 2007.

79

qui valait d’être retenu, une histoire dont on avait envie de parler (...) » (Salmon,

2007 : 118). Même si les « histoires » auxquelles il est fait allusion ici sont sans

doute plus les histoires personnelles des candidats, on a l’impression, avec le

suspense « du Bourget », d’avoir parfois écouté un « récit », particulièrement avec

ce passage sur la finance, qui est, en quelque sorte « narré », « raconté ». Ajoutons

que cette « petite phrase », et par extension le discours du Bourget tout entier, nous

a laissé voir un ton solennel et plutôt grave. L’humour dont a parfois fait preuve

François Hollande dans sa carrière n’était pas perceptible ce jour-là.

Par ailleurs et on l’a déjà évoqué, la dimension idéologique de la déclaration de

François Hollande n’est sans doute pas totalement étrangère à la reprise importante

dont elle a été l’objet. C’est en tout cas ce que pense Thierry de Cabarrus, pour qui

cette « petite phrase » est, entre autres, « un appel du pied à la gauche la plus

radicale » (voir annexe I, p. 124). A l’évidence, François Hollande, dans une

perspective de second tour mais pas seulement, se devait de tendre la main aux

représentants de toutes les gauches. N’oublions pas qu’un autre de ses concurrents

pendant cette campagne était Jean-Luc Mélenchon, qui aurait tout aussi bien pu

tenir ce genre de propos. Mais on peut également se demander si cette « petite

phrase » ne s’apparente pas à ce que certains appellent la « triangulation », qui, en

communication, est « cette capacité pour un candidat, de reprendre les

thématiques (...) de l’adversaire pour vider le discours de l’adversaire de son

contenu (...)), ainsi que la définissait Damon Mayaffre56

dans une émission de

télévision en mai 201257

. C’est aussi ce que pense le conseiller en communication

interviewé, pour qui cette « petite phrase » est avant tout un « clin d’œil très

appuyé à la gauche de la gauche » (voir annexe I, p. 120) et qui souligne ici la

portée très politique, voire très politicienne de cette déclaration.

Par ailleurs, il ajoute : « pour moi, la bonne petite phrase, c’est la petite phrase qui

signifie réellement quelque chose sur le fond » (Ibid.). N’est-ce pas là la véritable

force de « Cet adversaire, c’est le monde de la finance » ? On l’a évoqué plusieurs

fois au cours de cette étude, la connotation de la petite phrase dans l’inconscient

collectif est plutôt négative. Elle est souvent assimilée à une polémique, voire une

attaque personnelle. Plusieurs exemples de ce type ont jalonné la vie politique

française : souvenons-nous par exemple de Laurent Fabius qui, en 2006, déclarait à

propos de Nicolas Sarkozy « Nous n’avons pas besoin à la tête de l’Etat de

quelqu’un qui se fixe comme programme d’être le futur caniche du président des

Etats-Unis » (Lavarini/Lhomeau, 2009 : 57) ou encore de la fameuse phrase de

Jacques Chirac qui, en 1991, déclarait à propos des étrangers : « si vous ajoutez à

cela le bruit et l’odeur... » (Ibid., 277), pour ne citer que quelques exemples. La

petite phrase de François Hollande est à cet égard très différente. Elle ne s’adresse

à personne précisément et ne semble donc pas vouloir créer la polémique même si

le mot « adversaire » ressemble un peu à une « invitation à un duel »... Mais il

semble bien que l’on nous ait montré ici qu’une « petite phrase », même si elle

56 Auteur notamment de Nicolas Sarkozy. Mesure et démesure du discours (2007-2012), Paris, Presses

de Sciences Po. 57 Public Senat, « Déshabillons-les », émission du 09/05/2012, disponible sur http://www.publicsenat.fr/vod/deshabillons-les/les-mots-de-la-presidentielle/marlene-coulomb-

gully,damon-mayaffre,paul-bacot,denis-bertrand,helene-ris/72035, consulté le 14/08/2012.

80

aborde un vrai sujet de fond, puisse avoir une réelle portée stratégique. Celle-ci en

est l’illustration.

B) « C’est le rêve français que je veux réenchanter »

1) Etude sémantique

A nouveau, rappelons tout d’abord le contexte. C’est le 16/10/2011 que le candidat

socialiste prononce cette phrase, même s’il avait déjà évoqué cette idée du rêve

dans des discours précédents et pour le titre d’un de ses livres. Il fait donc cette

déclaration le soir de sa victoire aux Primaires : comme pour la « petite phrase »

précédente, il y a un « contexte », un « moment » spécial qui l’« entoure ».

Pour définir le rêve selon l’acception dans laquelle il est utilisé ici, il s’agit d’une

« représentation, plus ou moins idéale ou chimérique, de ce qu’on veut réaliser, de

ce qu’on désire » (Le petit Larousse, 1995 : 888), même s’il ne faut sans doute pas

exclure d’emblée la définition première de ce terme : « production psychique

survenant pendant le sommeil et pouvant être partiellement mémorisée ». Nous y

reviendrons.

L’utilisation de ce terme revêt une forte signification. En effet, prendre le risque

d’incarner un rêve nécessite de disposer d’arguments ou d’une capacité d’action

qui soient à la hauteur de cette idée. Dans le même temps, ce terme offre une

certaine souplesse : si la politique est la mise en œuvre d’actions concrètes,

promettre du rêve permet de s’abstraire d’être précis et de mettre en face de ce mot

une liste de réalisations concrètes et identifiées. Nous sommes ici dans le symbole,

dans l’idéalisation, qui confère à celui qui l’utilise un statut quasi supra-humain.

On peut en effet imaginer que personne ne peut promettre du rêve, si ce n’est peut-

être des forces divines ou des êtres dotés, encore une fois, de pouvoir surhumain. Il

semble bien que François Hollande, dans un soir de victoire où il est donc « porté

par l’évènement » choisisse, en utilisant ce mot, de se positionner, de se mettre

« au dessus » du peuple, non pas pour le dominer mais pour lui montrer la

« voie » : on perçoit ce jour-là, avec cette déclaration, une dimension assez

« mystique ».

Par ailleurs, utiliser ainsi le mot rêve comporte évidemment un risque :

l’association à l’irréel, à l’impalpable, peut donner l’impression de ne pas avoir

suffisamment les pieds sur terre, de ne pas être dans la réalité. Au moment où il

prononce cette phrase, le candidat socialiste sait très bien quels risques il prend.

Quant au terme réenchanter, il s’agit d’un néologisme utilisé par le candidat

puisque le mot n’existe pas sous cette forme. Le verbe enchanter existe, et on peut

supposer qu’il a voulu, en utilisant le préfixe ré, exprimer l’idée d’enchanter à

nouveau.

Enchanter, qui vient du latin incantare signifiant « chanter des formules

magiques », (Le Grand Gaffiot, 2000 : 799), se définit ainsi : « agir sur (qqn) par

des procédés magiques, des incantations ; ensorceler ou encore remplir d’un vif

81

plaisir ; charmer, ravir » (Le Petit Larousse, 1995 : 384). On imagine là aussi que

François Hollande utilise ce terme plutôt avec l’idée de ravissement que celle

d’incantation, mais il ne faut pas pour autant complètement exclure cette idée. On

peut cependant être surpris par l’association de ces deux termes : rêve et

réenchanter, en effet, le résultat est presque un pléonasme, car ces deux mots

semblent exprimer la même idée : un rêve a-t-il vraiment besoin d’être enchanté :

n’est-il pas un enchantement à lui tout seul ?

En résumé, c’est le symbole qui domine dans cette déclaration avec deux mots

choisis dans le registre de l’irréel. On imagine qu’une telle déclaration ne laisse pas

indifférent.

82

2) Eléments statistiques

Voici un récapitulatif des extractions effectuées par rapport à la « petite phrase » : « C’est le rêve français que je veux réenchanter »

(détail des statistiques consultable en annexe III, p. 155) :

"C’est le rêve français que je veux réenchanter" (16/10/2011) - Période d’observation : 4 mois

TOTAL Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

Nombre d'articles

Libération Le

Figaro Article Editorial Interview

Regard extérieur

Objet de l'article

"Petite

phrase"

citée

Allusion Thématique Pour Contre Neutre

42 16 26 36 2 0 4 2 13 27 0 11 23 8

100% 38,10% 61,90% 85,71% 4,76% 0,00% 9,52% 4,76% 30,95% 64,29% 0,00% 26,19% 54,76% 19,05%

Dont

Libération 9 2 5

81,82% 8,70% 62,50%

Le Figaro 2 21 3

18,18% 91,30% 37,50%

83

La 1ère

observation sur ces chiffres concerne le nombre d’articles parus dans les

deux journaux : 42. On constate que le nombre de reprise est relativement faible

pour une période de quatre mois. Ensuite, on observe que c’est Le Figaro qui fait

le plus circuler cette « petite phrase » puisqu’il rassemble 61,90% des articles : la

portée symbolique de cette déclaration aurait donc a priori été plus reprise par les

opposants de François Hollande que par ses partisans, nous allons y revenir.

Un autre point à soulever est la proportion importante d’articles où la « petite

phrase » est citée : 30,95%, même si, on l’a vu au moment d’aborder les mots-clés,

elle n’est jamais intégralement reprise. Par ailleurs, elle n’est pas souvent

« l’objet » central des articles : 4,76% d’entre eux seulement. Cela peut vouloir

signifier que celle-ci n’apporte pas suffisamment de matière pour pouvoir faire

l’objet d’un article entier. Il semble qu’on y fasse majoritairement référence, qu’on

la cite, qu’on la prenne en exemple pour illustrer des propos et que cette démarche

soit plutôt effectuée par Le Figaro, un peu comme si cette déclaration offrait

beaucoup d’angles d’attaque. A cet égard, on peut citer cet article du 19 octobre

2011, soit trois jours après la déclaration, intitulé « Fillon vante « l’expérience » de

Sarkozy » : « François Fillon a répondu au candidat officiel du PS, qui veut

« réenchanter le rêve français » : « Nous ne vivons pas dans un conte de fées. » »

(voir annexe II, p. 136). Nous sommes ici tout à fait dans l’illustration du

« risque » pris par l’utilisation de ces termes très connotés et propices à

l’exploitation par l’adversaire.

Pour ce qui est du positionnement, 54,76% de ces articles sont donc plutôt opposés

au candidat. La proportion est légèrement supérieure à la petite phrase précédente,

on peut supposer que cela est dû à la forte présence du Figaro. En effet, sur 23

articles positionnés « contre », 21 sont extraits du journal de droite, soit 91.30%.

Doit-on pour autant en déduire que cette tendance dessert le candidat socialiste ?

Pas nécessairement dans le sens où se positionner contre ce genre de déclaration

constitue également une prise de risques. Ainsi, on peut considérer que, placer le

débat à ce niveau constitue, de la part de François Hollande, une manière de

redonner un côté un peu « mystique » à la politique, de ramener celle-ci à une

dimension plus universelle. Aussi, prendre le parti d’être « contre » cette vision des

choses constitue également une « prise de risques », car c’est ramener à un niveau

terre-à-terre et concret une vision de la vie que les citoyens peuvent avoir envie

d’observer à un niveau plus « élevé », comme le leur propose François Hollande

avec cette approche.

84

Intéressons-nous désormais à l’évolution dans le temps de cette « petite phrase, en

considérant le graphique suivant :

On constate, comme pour la « petite phrase » précédente, que le nombre d’articles

est le plus important immédiatement après la déclaration. Mais la différence réside

dans le fait que celui-ci chute très vite : deux semaines plus tard, soit dans la

semaine du 31/10 au 06/11, aucun article reprenant la « petite phrase » ne paraît. Il

faut aussi faire référence à la période qui va du 21/11 au 18/12/2011 où, à nouveau

aucun article ne paraît. On a l’impression que la « petite phrase » n’a provoqué que

des réactions immédiates : elle ne semble pas « alimentée », « relancée », ni par la

partisans de Hollande, ni par ses adversaires.

Il faut ensuite s’intéresser à la semaine du 09 au 15/01/20112, où un « pic » de 5

articles apparaît et il semble que l’explication soit à mettre en lien avec ce qui vient

d’être dit. C’est en effet à la faveur d’une « réactivation » de ces mots par François

Hollande lui-même que ceux-ci reparaissent dans la presse. Le 08/01/2012 en effet,

le candidat socialiste se rend à Jarnac pour commémorer l’anniversaire de la mort

de François Mitterrand et déclare en référence à son prédécesseur, qu’il « ne

cherchait pas la captation du pouvoir pour lui-même, mais la poursuite du rêve

français » comme on peut le lire dans cet article de Libération du 09 janvier 2012

intitulé « A Jarnac, Hollande grave sa stature dans le marbre » (voir annexe II,

p. 137). Cette déclaration « redonne vie » à cette petite phrase, puisqu’entre 3 et 4

articles chaque semaine reprennent l’expression dans le mois : elle « redéfinit »

l’agenda et la connecte à l’Histoire en l’associant à un moment solennel. Sans

oublier qu’elle apparaît aussi dans le discours du Bourget du 22/01/2012. Mais il

faut signaler que dans ce discours, le rêve français n’apparaît qu’à la toute fin, et

davantage pour « redonner de la force » à l’emploi de ces termes, que pour en faire

85

un thème de campagne : « Eh bien nous réussirons parce que nous commencerons

par évoquer le rêve ! Le rêve français, c’est la confiance dans la démocratie, la

démocratie qui sera plus forte que les marchés, plus forte que l’argent, plus forte

que les croyances, plus forte que les religions ! Le rêve français, c’est

l’achèvement de la promesse républicaine autour de l’école, de la laïcité, de la

dignité humaine, de l’intérêt général. Le rêve français, c’est le creuset qui permet

à toutes les couleurs de peau d’être à égalité de droits et de devoirs. Le rêve

français, c’est l’affirmation des valeurs universelles qui vont bien au-delà des

frontières, qui vont bien au-delà de la Nation. Ce n’est pas un espace limité, mais

qui est proclamé à tous, à la face du monde. Le rêve français, c’est notre histoire,

c’est notre projet ! Le rêve français, c’est une force, c’est le projet que je vous

propose, parce qu’il nous ressemble, parce qu’il nous rassemble ! »58

. On assiste

bien à un « recentrage » de l’expression pour la solidifier et lui conférer une

signification plus proche de certaines « grandes valeurs » que de l’idée d’un rêve

un peu « béat ». En quelque sorte, le rêve « auquel on veut croire ».

3) Portée stratégique

A la lumière des observations qui précèdent, que peut-on dire sur l’efficacité de

cette petite phrase dans la « stratégie » de communication du candidat socialiste ?

« Quand vous faites une campagne électorale, vous êtes obligés de vendre un peu

de rêve, parce que vous allez créer de l’affectif, parce que vous êtes obligés de

faire rêver les gens, vous êtes obligés de leur dire que demain sera différent,

quelque soit le candidat » nous dit le conseiller en communication, lorsque nous

l’interrogions sur cette « petite phrase » (voir annexe I, p. 120). Et il rapproche

celle-ci des slogans « changer la vie » de François Mitterrand ou encore

« ensemble, tout devient possible » de Nicolas Sarkozy. François Hollande n’aurait

donc fait, avec cette « petite phrase », que positionner une partie de son discours

dans ce registre de l’imaginaire, du rêve, pour en quelque sorte donner de

l’ampleur à sa démarche, comme d’autres l’avaient fait avant lui : François

Mitterrand évidemment, mais aussi Martin Luther King et son célèbre discours « I

have a dream » (Je fais un rêve), c’est en tout cas la théorie de Thierry de

Cabarrus, qui fait le lien entre les deux déclarations (voir annexe I, p. 124). Mais

on peut également émettre d’autres hypothèses.

Ainsi, il semble que cette référence au rêve du candidat socialiste, et cela est

également à mettre en lien avec ce qui vient d’être dit au sujet de Martin Luther

King, soit revêtue d’une certaine dimension historique. Cela apparaît très

clairement dans ce discours de Périgueux du 26 mai 2011 : « La France n’avance

que quand elle est portée par une grande ambition. Je propose de reprendre ce

rêve français, celui qui a été ébauché par l’esprit des Lumières au XVIIIe

siècle,

celui qui a été dessiné par les révolutionnaires en 1789, ce rêve qui s’est affirmé

dans la fondation de la République, qui s’est élargi et renouvelé avec la Résistance

et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ce rêve qui a pris une forme

58 Source : site internet du Parti Socialiste, http://www.parti-socialiste.fr/articles/retrouvez-le-discours-

de-francois-hollande-au-bourget, consulté le 18/08/2012.

86

nouvelle avec la victoire de François Mitterrand en 1981(...) » (Hollande, 2011 :

234). Le rêve est ici replacé dans l’Histoire de France : on ne parle donc pas du

rêve que l’on fait la nuit, ou du rêve « béat ». Cet avis est partagé par « notre »

conseiller en communication, qui pense que cette « petite phrase » « fait appel à

toute l’histoire de France, mais l’histoire positive, c’est-à-dire tout ce que la

France a pu construire (...) » (voir annexe I, p. 120). Le candidat socialiste a

manifestement cherché à donner à ce terme une épaisseur, une certaine dimension,

pour en gommer l’angélisme et l’aspect irréel et lui donner plus de crédit. Sans ôter

le symbole.

On peut également s’interroger sur le choix du terme réenchanter. Cela peut

vouloir signifier que la France, au moment où il prononce ces mots est, selon lui,

désenchantée. Dans ce cas, il ne se limite pas à vouloir vendre du rêve, il affiche

une ambition beaucoup plus importante : celle de redonner de l’espoir, de remettre

le pays sur le bon chemin, voire, de faire cesser le cauchemar, et de faire revenir la

France dans les dispositions qu’elle affichait à une autre époque ; ce préfixe « re-»

semble nous indiquer ceci. On peut aussi penser qu’au moment où il prononce ces

mots, le très récent candidat socialiste à la présidentielle « surfe » sur la mauvaise

cote de popularité du Président en exercice. Par ces mots, le candidat peut vouloir

dire : « Voyez ce que vous vivez, moi, je vous propose de faire cesser tout cela. Je

vous propose une nouvelle vie, un nouvel espoir ».

Paradoxalement, avec cette petite phrase, on peut aussi imaginer que François

Hollande n’a pas voulu faire du rêve un axe central de sa campagne. Ainsi, en

choisissant de ne pas l’utiliser comme un slogan, il ne prend pas le risque de passer

pour un marchand d’illusion : on le constate d’ailleurs dans son slogan officiel de

campagne : le changement, c’est maintenant, beaucoup plus terre-à-terre et

concret. De plus, et comme évoqué plus haut, il prend soin de ne pas trop mettre en

lumière cette petite phrase à des moments-clés de sa campagne, comme par

exemple le discours du Bourget où il ne la cite qu’à la fin. C’est ce qui nous fait

dire que ces mots s’apparentent plus à un « fil rouge », que le candidat va

reprendre quand il en a besoin uniquement. Peut-être a-t-il compris qu’en temps de

crise, le rêve est certes nécessaire, mais n’apporte pas de solutions concrètes. Aussi

parce que ce terme peut être interprété autrement qu’avec la signification

historique que le candidat souhaite a priori lui conférer. Il s’agit donc d’une notion

qu’il faut utiliser avec une certaine réserve.

D’un point de vue plus « technique », on voit assez bien avec cette « petite

phrase », quel effet peut avoir sa « réactivation sur l’opinion ». La courbe de durée

de vie nous a montré que la simple évocation de ce thème dans un discours, comme

à l’occasion de la commémoration de la mort de François Mitterrand, entraînait

immédiatement une reprise dans les journaux. Finalement, le candidat en

campagne semble également utiliser cette théorie de la « seringue hypodermique »

(voir supra p. 24), en injectant à dose régulière sa thématique à travers les médias.

Ainsi, il en a parlé régulièrement au cours de sa campagne des Primaires, a sorti un

livre avec ce titre précis, a choisi de « consacrer » l’expression le soir de sa victoire

aux primaires dans un moment solennel, sans oublier de réactiver celle-ci en même

temps qu’il évoquait la mémoire d’un vainqueur socialiste à des présidentielles.

Aussi, il semble bien que cette « petite phrase », ait participé assez directement à la

87

stratégie de communication du candidat et que sa fonction principale était peut-être

« d’installer le symbole ».

C) « Président normal »

1) Etude sémantique

Comme on l’a évoqué au moment d’aborder la question des mots-clés d’extraction,

c’est le mot normal qui est le marqueur de cette déclaration, celui-ci ayant été par

ailleurs associé à d’autres termes ou décliné différemment : candidat normal,

normalité.

Deux définitions nous sont proposées pour définir cet adjectif : tout d’abord « qui

est conforme à une moyenne considérée comme une norme ; qui n’a rien

d’exceptionnel, ordinaire, habituel », puis « qui ne présente aucun trouble

pathologique » (Le Petit Larousse, 1995 : 702). Il y a donc deux « niveaux » de

définition : la proximité avec la « norme » et une approche plus « médicale ». A

partir de ces deux points de vue, on peut s’interroger sur ce qu’à vraiment voulu

dire le candidat socialiste.

S’il est un terme largement employé dans la langue française, c’est bien le terme

« normal ». On l’emploie très souvent et pour signifier des choses de la vie

quotidienne : on peut donc s’étonner de le voir associé à cette fonction suprême

qu’est celle de Président de la République. De plus, on peut considérer que cet

adjectif est rarement utilisé pour qualifier un individu, ou alors, en des termes assez

peu flatteurs ; si ce n’est pour parler de sa santé, dire de quelqu’un qu’il est

« normal », ne s’apparente pas vraiment à un compliment : on aura plutôt tendance

à penser qu’un individu ainsi qualifié n’a « rien d’exceptionnel », pour reprendre la

définition du Petit Larousse. Aussi, associer ces deux termes, président et normal

est peut-être le premier pari réussi du candidat socialiste, car cela interroge, laisse

perplexe.

Par ailleurs, il semble que l’on voie assez rapidement poindre « l’opposition » que

suscite l’usage de ce terme, normal, plutôt que sa propre définition : puisque l’on a

du mal à imaginer qu’un président puisse être autre chose que « normal », cette

expression peut donc vouloir signifier « normal », par rapport à quoi ou bien, au

contraire de qui ? Cela signifierait-il que cette « petite phrase » ne se justifie que

par « l’existence » d’un ou de plusieurs contre-exemples ? Qu’en serait-il lorsque

celui-ci ou ceux-ci auraient « disparu » du champ médiatique ?

C’est à ces questions que nous allons essayer de répondre en étudiant les reprises et

circulations de cette petite phrase dans les articles de Libération et du Figaro.

88

2) Eléments statistiques

Voici un récapitulatif des extractions effectuées par rapport à la « petite phrase » : « Président normal »

(détail des statistiques consultable en annexe III, p. 158) :

"Président normal" (09/12/2010) – Période d’observation : 15 mois

TOTAL Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

Nombre d'articles

Libération Le

Figaro Article Editorial Interview

Regard extérieur

Objet de l'article

"Petite

phrase"

citée

Allusion Thématique Pour Contre Neutre

78 43 35 74 1 2 1 5 0 73 0 20 23 35

100% 55,13% 44,87% 94,87% 1,28% 5,71% 1,28% 6,41% 0,00% 93,59% 0,00% 25,64% 29,49% 44,87%

Dont

Libération 20 2 21

100,00% 8,70% 60,00%

Le Figaro 0 21 14

0,00% 91,30% 40,00%

89

Avec un total de 78 articles, on peut établir que cette « petite phrase » a été

beaucoup reprise, mais il faut rappeler que la période d’extraction est longue : 15

mois au total, ce chiffre est donc à relativiser. Des deux journaux, c’est Libération

qui la cite le plus souvent avec un peu plus de 55% des articles, mais la différence

n’est pas significative.

Pour ce qui concerne le « format de la petite phrase », nous avons choisi de les

classer majoritairement dans la sous-rubrique « allusion » plutôt que « petite phrase

citée ». En effet, même si l’on retrouve intégralement « président normal », on

retrouve aussi les autres mots-clés de recherche, mais pas l’intégralité de la phrase

prononcée en décembre 2010, d’où ce choix. Quoi qu’il en soit, cette déclaration

n’a que rarement donné l’occasion aux deux journaux d’en faire « l’objet central »

de leur article : cela n’est le cas que dans 6.41% des articles. A cet égard, on peut

faire un parallèle avec « réenchanter le rêve français », où l’on a observé le même

phénomène.

Ainsi, la presse a rarement consacré des « papiers » entiers à cette expression.

Quand elle le fait, ce sont plutôt des articles décalés, des regards extérieurs, comme

par exemple cet article de Philippe Labro dans le Figaro du 30 mai 2011 intitulé

« Président : « normal » ou anormal ? » (voir annexe II, p. 138). La presse écrite

préfère donc citer les différentes expressions dans ses articles : président normal,

candidat normal, ou normalité. Celles-ci apparaissent, par petites touches, de

temps en temps pour renforcer une idée, un thème, ou pour citer un adversaire qui

moque la normalité affichée du candidat socialiste.

Les positionnements sont également intéressants à observer. De notre point de vue,

bon nombre des articles qui reprennent ces expressions n’affichent pas un parti pris

très marqué : nous avons même considéré que 44.87% d’entre eux pouvaient être

classés comme « neutre », ce qui est la proportion la plus importante parmi les

quatre « petites phrases » étudiées. On a le sentiment que les observateurs n’ont

pas osé « trancher », un peu comme si elle pouvait avoir plusieurs interprétations.

« Président normal » présente en effet cette particularité d’être, au fond, une

expression assez « inattaquable » et c’est prendre un risque que de la remettre en

question, puisque souhaiter un « président anormal » semble difficile à défendre.

En revanche, chaque journal, lorsqu’il prenait position, l’a fait d’une manière

claire, puisque 100% des articles classés « pour » viennent de Libération, quand Le

Figaro a produit 91.30% des articles positionnés « contre ». Tous ces chiffres

peuvent laisser penser que cette petite phrase a majoritairement été citée ou a servi

à illustrer d’autres propos. Quand elle a cependant été utilisée pour « juger » le

candidat, ce jugement a été net et n’a pas varié dans la continuité des articles au

sein du même journal. Il semble donc que cette petite phrase ait tout de même été

assez « clivante » dans sa manière d’être traitée par ces deux journaux quand ceux-

ci décidaient de prendre position.

Une autre donnée est importante ici, il s’agit de l’évolution dans le temps. Le

schéma ci-après retrace la manière dont les articles se sont comportés dans la

durée. Etant donné la période assez longue, nous n’avons pas converti ces données

en semaines, elles apparaissent « en mois ».

90

Ce graphique nous donne plusieurs indications.

Tout d’abord, on remarque que la « petite phrase » de François Hollande n’a pas

entraîné de réaction immédiate dans la presse. Prononcée en décembre 2010, elle

n’a « provoqué » que deux articles en janvier 2011 et aucun en février et mars. Il

faut par ailleurs noter, même si cela n’apparaît pas sur ce schéma, qu’aucun article

n’était non plus paru sur ce sujet en décembre 2010, dans les jours qui ont suivi la

déclaration. Nous sommes ici dans une configuration différente des autres petites

phrases étudiées, un peu comme si celle-ci était passée inaperçue à ses débuts. On

peut analyser ce silence comme de la « surprise » de la part des observateurs, mais,

en général, la surprise entraîne des réactions, cela n’a pas été le cas. C’est semble-

t-il l’indifférence qui a prévalu et ce terme « normal », qui a peut-être banalisé la

déclaration à ses débuts. Trop neutre, qui sait, pour être reprise par le média

« presse papier », étant donné son côté moins interactif que d’autres médias comme

la télévision, la radio ou internet ? Cela ne semble pas être le cas car nos

recherches sur ces médias donnent très peu de traces de reprises à cette époque.

Quant à la presse papier, nos recherches sur Factiva nous indiquent que Le

Parisien semble être le seul à l’avoir repris au moment où elle a été prononcée,

dans cet article intitulé « François Hollande se rit des querelles de dames » (voir

annexe II, p. 140).

L’autre point significatif à noter sur ce graphique est le pic très important observé

en mai 2011. Celui-ci est concomitant de « l’affaire DSK » qui, rappelons-le, a

éclaté le 15 mai 2011. Dominique Strauss-Kahn, le rival principal de François

Hollande, se retrouve hors course et le député corrézien prend la tête dans les

sondages. La presse s’intéresse alors à lui et commence à citer cette « petite

phrase » prononcée quelques mois plus tôt. Un peu comme si la déclaration prenait

de l’importance au moment où le statut change. Pour rejoindre ce que nous

évoquions auparavant, on peut supposer que cette « petite phrase », qui est la plus

ancienne des quatre petites phrases étudiées, n’a pas provoqué de réaction

91

immédiate, car au moment où elle a été prononcée, François Hollande n’était

encore qu’un challenger. Mais celle-ci « ressort » au moment où François Hollande

prend un autre statut : un peu comme si les déclarations marquantes, présentes ou

passées, venaient « solidifier » un nouveau statut et le nouveau rôle joué par

François Hollande, et que les mots prenaient de l’importance en même temps que

sa situation personnelle. Mais on peut émettre une autre hypothèse, que l’on a déjà

évoquée plus haut. Celle que cette notion de président normal ne commence à

prendre son sens que lorsque le contre-exemple apparaît. Ou plutôt, disparaît...

DSK « hors course » en mai 2011, le « pic d’articles de la même époque » peut

signifier que F. Hollande passe du statut de challenger à celui de favori : la presse

reparle de lui et « ressort » ses déclarations phares, parmi lesquelles le « président

normal ».

Ce que l’on observe en tout cas, c’est qu’à partir de cette date, il y sera

régulièrement fait allusion, et avec une fréquence plus élevée par Libération. On

note un nouveau pic en octobre 2011, qui correspond à la victoire du candidat aux

primaires socialistes. A nouveau, ce regain d’intérêt correspond à un changement

de statut, un phénomène que l’on observe d’ailleurs sur toute la période

d’extraction. On constate clairement qu’après des débuts timides, cette petite

phrase prend, au fil du temps, une dimension différente, plus importante et quasi

incontournable, notamment au 1er

trimestre 2012 où les courbes ne cessent

d’augmenter.

3) Portée stratégique

Avec ce thème de la normalité, on peut émettre l’hypothèse qu’un certain risque a

été pris par le candidat socialiste. Mais avant de développer cette notion, évoquons

quelques idées parallèles.

Tout d’abord, on peut penser que, même si dans cette « petite phrase », le candidat

socialiste utilise le terme président, il s’agit plutôt d’une « petite phrase » « de

campagne ». La raison invoquée est qu’elle comporte une dimension de

« comparaison ». Comparaison par exemple avec Dominique Strauss Kahn, qui, en

décembre 2010, était encore le favori des sondages. On peut supposer qu’avec cette

normalité revendiquée, François Hollande ait cherché à se démarquer du style très

décomplexé de son rival, et de ses idées plus libérales. Comparaison également

avec Nicolas Sarkozy, l’autre adversaire, pour pointer l’omniprésence du Président

en exercice et se démarquer de cette façon de faire de la politique dans laquelle il

ne se reconnaît pas. « Il veut dire, je veux être un homme normal à l’Élysée, même

si la fonction que j’exercerai sera anormale » résume Thierry de Cabarrus (voir

annexe I, p. 124).

Il faut également noter que cette idée « d’opposition » induite dans cette « petite

phrase » a duré tout au long de la campagne. Quand elle ne concernait plus

Dominique Strauss-Kahn, mis hors course, elle s’adressait à Nicolas Sarkozy, sans

jamais le nommer, ce qui est une autre des forces de cette déclaration. La meilleure

preuve en est la réaction de ce dernier, pendant le débat de l’entre-deux-tours, à

propos de cette « petite phrase » : « Monsieur Hollande, vous avez parlé, sans

92

doute pour être désagréable à mon endroit, d’un président normal. Je vais vous

dire, la fonction d’un Président de la République ce n’est pas une fonction

normale. Et la situation que nous connaissons, ce n’est pas une situation normale.

Votre normalité, elle n’est pas à la hauteur des enjeux. Pour postuler à cette

fonction, je ne pense pas que le Général de Gaulle, François Mitterrand, Valéry

Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Georges Pompidou, c’était à proprement

parler des hommes normaux ».59

Ceci ressemble à un « aveu » de la part de Nicolas

Sarkozy, comme s’il cherchait à se justifier. Avec cette citation, peut-être a-t-il

seulement avoué être directement concerné par ce mot « normal » alors que

François Hollande n’avait fait que le suggérer tout au long de la campagne.

Ensuite, cette « petite phrase » a peut-être pour objectif de chercher à rapprocher

les Français de la politique. Qualifier une présidence de « normale » peut revenir à

dire que le pouvoir ne doit pas être coupé des réalités, que le gouvernement doit

être proche du peuple. En quelque sorte, puisque nous sommes normaux, cela

signifie, nous sommes « comme vous » voire « proches de vous ». Cela peut

évoquer les propositions de François Hollande de faire de la politique en

privilégiant la concertation, ou cela peut encore faire penser, pourquoi pas, à la

démocratie participative : en tout cas, il semble qu’il y ait bien une dimension de

proximité dans ces termes.

Mais revenons à la notion de risque. Dire que l’expression Président normal est à

double tranchant semble justifié. La définition générique du terme normal est là

pour nous le rappeler : ordinaire, habituel... Revendiquer une candidature ou une

présidence normale peut ainsi prêter à confusion dans le sens où les électeurs

peuvent craindre une présidence ou une candidature sans relief, sans éclat... C’est

d’ailleurs ce sur quoi les adversaires de François Hollande l’ont attaqué en réponse

à cette « petite phrase ». On le lit par exemple dans cet article du Figaro du 23 mai

2011 intitulé « Aubry se rapproche de la candidature » et dans lequel Nathalie

Kosciusko-Morizet qualifie ainsi cette « petite phrase » : « Ca ressemble vraiment

à un slogan et, en l’occurrence, c’est un slogan creux, vraiment creux C’est

l’exemple du creux » (voir annexe II, p. 141). Mais le doute sur cette déclaration ne

s’est pas fait entendre que chez les opposants du candidat socialiste. Ainsi,

Ségolène Royal disait elle-même, à propos de ce thème, que « la normalité, c’est

une forme de banalité, c’est une forme d’inaction (...) » comme le rappelle Le

Figaro dans cet article du 04/10/2011 intitulé « La Primaire PS côté coulisse ». Il

est vrai qu’elle était alors en campagne contre François Hollande dans le cadre des

Primaires, mais elle prenait alors le risque de discréditer le futur candidat potentiel

des socialistes sur un de ses thèmes phares. Un signe, peut-être, qu’elle avait des

doutes sur le bien-fondé de cette thématique. Notons par ailleurs qu’avec cette

« petite phrase », ainsi que celle du « rêve », on ne perçoit toujours aucun signe

d’un retour au ton « humoristique » dans la campagne de François Hollande, mais

plutôt la volonté de rester dans un ton plus « institutionnel ».

Le risque, encore, mais sur la durée cette fois. Comme nous l’avons évoqué plus

haut, qu’en sera-t-il lorsque le contre-exemple aura disparu ? Cette petite phrase ne

peut-elle pas plus desservir François Hollande qu’elle peut le servir s’il est élu

59 Blogs.lexpress.fr, article : « François Hollande : le président ‘normaliste’, le 19/07/2012, disponible

sur http://blogs.lexpress.fr/yes-they-can/2012/07/19/normaliste/, consulté le 1er aout 2012.

93

Président ? Selon le responsable socialiste que nous avons interrogé, « cela peut

aussi se retourner contre nous » (voir annexe I, p.114), car il peut s’agir là

également d’une sorte de devoir d’exemplarité : en effet, il peut être facile à

l’opposant de critiquer telle ou telle décision ou tel ou tel comportement en

rappelant que celui-ci n’est pas très « normal ».

Cela peut aussi amener à une autre interprétation. On peut en effet imaginer que

François Hollande a réfléchi à l’avenir et imaginé l’impact qu’elle pouvait avoir

sur le fonctionnement d’un futur gouvernement. En effet, avec cette « normalité »

dressée en toile de fond, on se doit d’avoir un comportement et des méthodes de

travail en accord avec cette thématique. En d’autres termes, s’il y a un président

normal, il devra également y avoir un premier ministre normal et des ministres

normaux. Ceci offre l’avantage de fixer un cap, d’établir une ligne de conduite,

sans avoir à rappeler en permanence les méthodes à adopter tant celles-ci sont

inscrites dans la démarche générale, dans le symbole. A l’heure où nous écrivons

ces lignes, nous savons que François Hollande a été élu et qu’il a fait signer à tous

les membres de son gouvernement un « code de déontologie », ce qui va dans le

sens de cette posture de « normalité ».

En résumé, il semble bien que le président normal n’ait pas été lancé dans la

campagne pour devenir un « thème » à lui tout seul. Cela ressemble plus à une

posture, une balise, posée çà et là sur le chemin de la campagne et qui a

« clignoté » de temps en temps sous les yeux de ceux qui suivaient le candidat

socialiste. Jouant par ailleurs la fonction de faire ressortir les défauts de ses

principaux adversaires, cette déclaration pourrait également avoir l’effet

« pervers » de mettre en évidence le comportement d’un futur président qui serait

« trop » normal.

D) « Sale mec »

1) Etude sémantique

Avant de s’intéresser aux mots, il faut rappeler le contexte de cette « petite

phrase ». Celle-ci a été prononcée par le candidat au cours d’un déjeuner informel

avec des journalistes, pendant lequel, cependant, aucune personne de l’entourage

du candidat ne précise que les discussions sont « off ». De plus, François Hollande

se met dans la peau de Nicolas Sarkozy et l’imite. Nous sommes donc dans un

moment plutôt officieux et un peu décalé.

L’adjectif « sale », qui vient du francique salo signifiant « trouble » est classé

comme appartenant au registre « familier » et est défini pour cette acception par un

seul synonyme : « méprisable » (Le Petit Larousse, 1995 : 911). Quant au

substantif « mec », il appartient également, selon la même source, au registre

94

familier et signifie soit, « garçon, homme » ou encore « mari, amant, compagnon »

(Ibid., 642).

D’emblée, l’expression « sale mec » peut être qualifiée par quiconque d’injurieuse,

ou d’irrespectueuse. En effet, même en y réfléchissant, nous avons du mal à

percevoir le moindre signe positif envers celui qui est traité ainsi. Peut-on alors

parler de dérapage de la part du candidat socialiste ?

Il est certain que si celui-ci avait prononcé ces mots devant une caméra ou en

réponse à une question d’un journaliste, le dérapage eût été avéré tant les termes

utilisés ne sont pas ceux que l’on attend de la part d’un homme politique, même

pour qualifier son adversaire. Mais ce qui est différent ici sont les conditions dans

lesquelles ces mots ont été prononcés : en effet, personne, ne l’a vu ni entendu

prononcer ces mots, à part les journalistes présents, qui sont les rapporteurs de ce

fait. Il subsiste donc toujours un doute sur cette déclaration, et le fait que ce soit en

plus une imitation a semble-t-il tendance à en atténuer la portée. Car, finalement,

est-ce vraiment François Hollande qui parle ? Non pourrait-il répondre, car il

imitait son adversaire.

Le fait qu’il n’y ait pas d’images est un autre point important, car, dans ce genre de

cas, celles-ci pèsent beaucoup : en effet, le fameux « Casse-toi pauv’ con » de

Nicolas Sarkozy a laissé des traces dans l’opinion, autant en raison des termes

utilisés que parce que l’expression a été lancée au cours d’une rencontre avec les

Français : en effet la presse souligne souvent, lorsqu’elle fait allusion à cette

« petite phrase » de Nicolas Sarkozy, qu’elle a été prononcée « au Salon de

l’Agriculture » ; concernant cette déclaration, l’opinion publique se souvient autant

des images que des mots, d’ailleurs susurrés et presque inaudibles.

Pour revenir à l’expression « sale mec », on ne peut nier qu’elle est véritablement

disgracieuse. Dans le langage courant, une personne ainsi dénommée paraît

effectivement trouble, voire peu fréquentable ou malsaine. Il y a dans ces termes

une connotation par rapport aux agissements supposés ou avérés de celui que l’on

qualifie ainsi et dont l’intégrité semble remise en question. On peut parler de mots

« forts » et nous allons regarder maintenant quelles réactions ils ont provoqués et

quel rôle cette « petite phrase » a joué dans la campagne.

95

2) Eléments statistiques

Ci-dessous se trouve le récapitulatif des extractions concernant les articles reprenant la « petite phrase » : « sale mec »

(détail des statistiques consultable en annexe III, p. 162) :

"Sale mec"(03/01/2012) - Période d’observation : 2 mois

TOTAL Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

Nombre d'articles

Libération Le

Figaro Article Editorial Interview

Regard extérieur

Objet de l'article

"Petite

phrase"

citée

Allusion Thématique Pour Contre Neutre

18 8 10 15 1 1 1 7 8 3 0 7 6 5

100% 44,44% 55,56% 83,33% 5,56% 5,56% 5,56% 38,89% 44,44% 16,67% 0,00% 38,89% 33,33% 27,78%

Dont

Libération 5 3 0

71,43% 50,00% 0,00%

Le Figaro 2 3 5

28,57% 50,00% 100,00%

96

Sur une période de 3 mois, l’expression a été peu reprise : 18 articles seulement y

font allusion et il y a une quasi-parité entre les deux journaux.

Mais un chiffre attire l’attention : la « petite phrase » est l’objet central de 7

articles, c’est-à-dire près de 40% d’entre eux. Par ailleurs, ce qui n’apparaît pas

dans ce tableau, mais peut être observé dans le détail des statistiques (voir annexe

III, p. 162) est le fait que cela concerne les deux journaux. Un peu comme si cette

déclaration se devait d’être commentée « pour elle-même » : on peut citer à cet

égard un article du Figaro du 05 janvier 2012 intitulé « L’UMP accuse les

socialistes d’abaisser le débat » (voir annexe II, p 142) ou bien à la même date, cet

autre article de Libération : « "Sale Mec" de Hollande, l'UMP en fait un fromage »

(Ibid, p. 143).

L’autre chiffre intéressant à observer est celui des positionnements : on aurait pu

penser que cette « petite phrase », qui s’apparente un peu à une attaque

personnelle, aurait été très clivante et que chaque journal aurait clairement pris

position, mais ceci n’est pas aussi clair. Si Libération, on le constate avec les

chiffres, a eu plutôt tendance à défendre François Hollande, on ne peut pas dire que

Le Figaro l’ait vraiment accablé, se positionnant plutôt de façon neutre dans les

articles où il cite l’expression tout en maintenant malgré tout une certaine forme

d’accusation : on le constate dans cet article du 05 janvier 2012 intitulé « Hollande

demande l’arrêt des polémiques incessantes » (voir annexe III, p. 144) où l’on peut

lire, « En réalité, il ne s’en est pas directement pris au chef de l’Etat durant ce

déjeuner où il a moqué une éventuelle entrée en campagne de Nicolas Sarkozy

façon mea culpa » et à la fin « François Hollande, faux gentil ».

Est-ce le contexte un peu trouble de cette déclaration ou les « dérapages verbaux »

passés de Nicolas Sarkozy qui expliquent ce nombre assez faible de reprises et ce

positionnement moyennement affirmé ?

Regardons à présent de quelle manière ces articles ont évolué dans le temps :

97

Comme pour la « petite phrase » précédente, c’est pendant la 1ére

semaine que les

articles sont les plus nombreux : 11 sur 18, soit plus de 60%. Les statistiques

détaillées nous apprennent même que 7 articles sur 11 ont été écrits le 05 janvier

2012, l’article du Parisien révélant « l’affaire » ayant été écrit la veille, le 04

janvier. Le phénomène de réaction immédiate est donc flagrant.

Mais ce qui est frappant est la chute très rapide la semaine suivante : seuls 3

articles y font allusion, et dans les semaines suivantes, il n’y en aura pratiquement

plus. Comment expliquer cette baisse brutale ?

Ce qui semble avéré est que ce « fait de campagne » n’a pas « pris » dans le temps,

ne s’est pas cristallisé. Il y a eu les réactions « à chaud », et puis pratiquement plus

rien, un peu comme si la presse s’était rendue compte du désintérêt de l’opinion.

Par ailleurs, on peut également imaginer que les médias audiovisuels n’ont pas pu

véritablement relayer cette information dans le sens où il n’y a ni « image », ni

« son ». Si on y ajoute le contexte « off » et « l’imitation », on peut supposer que

tous ces éléments n’ont pas facilité la reprise et la circulation. Et la presse écrite

pouvait difficilement continuer à produire des articles sur ce fait trouble et offrant

peu de possibilités d’analyse.

3) Portée stratégique

Peut-on penser que cette déclaration de François Hollande s’est inscrite dans sa

stratégie de communication ? Sur ce point, on peut émettre les hypothèses

suivantes.

Médiatiser une telle déclaration comportait à l’évidence un risque : celle de

« victimiser » son adversaire aux yeux de l’opinion publique. Comme le rappelle le

responsable socialiste interrogé (voir annexe I, p. 114), cette petite phrase fait

penser au « vieilli, usé, fatigué » de Lionel Jospin à propos de Jacques Chirac

pendant la campagne des présidentielles de 2002 : à l’époque, ces propos avaient

été dévastateurs pour le candidat socialiste. On peut supposer que François

Hollande n’ait pas voulu courir un tel risque.

On peut néanmoins imaginer que l’ancien maire de Tulle ait voulu changer de ton

et adopter, avec cette petite phrase, un style plus incisif pour faire taire ceux qui le

trouvaient trop « mou ». Tout en prenant suffisamment de précautions pour ne pas

trop exposer sa déclaration. Ainsi, en utilisant un style plus proche de celui de son

adversaire, il pouvait supposer que les arguments du camp d’en face n’allaient pas

pouvoir s’exprimer si simplement : son opposant s’était en effet lui-même souvent

exprimé dans ce registre.

On peut également s’interroger sur le caractère éventuellement performatif de cette

déclaration étant donné son caractère injurieux : « Le pouvoir de causer une (...)

blessure en usant du nom injurieux est-il vraiment détenu par un individu, ou n’est-

ce pas plutôt un pouvoir accumulé à travers le temps, dont l’historicité est

dissimulée au moment où un sujet singulier prononce ces termes injurieux ?

‘L’individu qui prononce le terme ne le cite-t-il pas et n’établit-il pas ainsi que, s’il

en est l’auteur, ce ne peut-être que de façon dérivée ? » (Butler, 2004 : 89-90). En

98

l’occurrence, ici, celui qui a peut-être prononcé cette injure a pris une triple

précaution : le faire hors des caméras, dans un propos « off », et en imitant celui

qu’il injurie (peut-être). On peut imaginer qu’il s’agissait là d’une manière

supplémentaire de se sécuriser, et de laisser penser qu’il n’était pas « vraiment »

l’auteur de ces mots. Tout en étant sans doute conscient qu’il parlait à des

journalistes. Et l’offense faisant partie de la liste d’adjectifs proposés par Alice

Krieg-Planque (voir supra p. 36) pour attribuer une valeur illocutoire à une « petite

phrase » et donc son côté remarquable, on serait tenté de croire que celle-ci, malgré

les conditions de sa « production », en est dotée.

Ce qui est certain en tout cas, c’est qu’il a cherché à couper court très vite à cette

controverse, et ce, le jour même de la sortie de l’article. A une question des

journalistes en marge de l’un de ses meetings, le 04 janvier 2012, il répond en

effet : « je n’accepte pas les polémiques incessantes venant de l’UMP. Aujourd’hui

à partir d’une manipulation de mes propos, hier à partir de déclarations que j’ai

pu faire, avant-hier à partir de mes propositions » comme on peut le lire dans cet

article du Figaro déjà cité plus haut, « Hollande demande l’arrêt des polémiques

incessantes » (voir annexe II, p. 144).

Finalement, il semble bien que cette « petite phrase » restera comme un épisode

assez furtif de la campagne, qui n’aura pas trop porté préjudice à celui qui l’a

prononcé, peut-être parce qu’elle n’aura pas pu être exploitée efficacement par ses

adversaires. Mais, ces derniers en avaient-ils vraiment les moyens ?

99

100

101

CONCLUSION

« Hollande président ? On croit rêver!... » Laurent Fabius avait alors dit tout haut

ce que la plupart des éléphants du PS pensaient tout bas. Depuis, l’ancien premier

ministre qui sait négocier les virages en a fait des tonnes pour faire oublier sa

petite phrase assassine et il y a peut-être réussi au point de se voir déjà dans le

costume du futur chef de la diplomatie française (...) »60

.

L’extrait ci-dessus illustre assez bien le sujet de l’étude qui vient d’être conduite,

une réflexion où nous avons tenté d’observer comment un candidat à l’élection

présidentielle, plutôt inattendu, avait, à travers sa stratégie de communication,

utilisé quelques « petites phrases » pour étoffer celle-ci, et de quelle manière la

presse écrite s’en était fait l’écho. Entre le moment où nous avons commencé notre

réflexion et celle où nous y mettons un point final, le « candidat » est devenu

« Président ». Ce serait faire un raccourci hâtif que de penser que ses seules

techniques de communication, et à travers elles ses « petites phrases », l’ont

conduit à la victoire. Néanmoins, ce que nous avons observé tout au long de nos

recherches nous permet-il de penser qu’elles y ont participé ? Et si oui, de quelle

manière ?

Tout d’abord, cette étude nous a permis de regarder de près l’objet « petite phrase »

et ses liens avec le milieu complexe de la communication. Plutôt connotée

négativement, un constat également fait par les spécialistes ainsi que nous l’avons

montré, la « petite phrase » ne semble pas pouvoir être réduite à cette seule

représentation. Ainsi, parmi notre sélection, une seule (« sale mec ») a semblé

rentrer dans cette catégorie. Mieux : une « petite phrase » semble pouvoir être

porteuse de « sens », de « fond », ou véhiculer des idées : « cet adversaire, c’est le

monde de la finance » nous l’a démontré. Comme il semble assez peu discutable

que cette forme d’expression cherche, par le symbole, les figures de style ou le

choix des mots, à se rendre mémorable et à produire des effets : nous l’avons

notamment observé avec « c’est le rêve français que je veux réenchanter ». Quant

au fait de savoir si elle est, comme cela a été avancé, le résultat d’une coproduction

entre les politiques qui les prononcent, les journalistes et les communicants, cela

nous paraît également avéré : la « petite phrase » sur la « finance » est à cet égard

l’illustration d’une déclaration préparée pour être prononcée dans un moment très

médiatisé : cela allait d’ailleurs se concrétiser dans les jours suivants par de

nombreuses « unes » sur le sujet. Avec une remarque supplémentaire sur

« l’actualité », qui peut également faire ressurgir une petite phrase comme ce fut le

cas de « président normal » au moment de « l’affaire DSK », quand ce n’est pas le

« politique » qui choisit lui-même de réactiver une thématique, ainsi que François

Hollande le fit avec « le rêve », à l’occasion de la commémoration des obsèques de

François Mitterrand, le 08 janvier 2012. Une « petite phrase » ne se résumerait

donc pas à son seul « caractère explosif » et ne se limiterait pas aux seules

« réactions d’humeur » ou « attaques personnelles » ainsi qu’il est parfois d’usage

de la définir, en tout cas, dans le langage courant.

60 lnt.ma, article : « François Hollande : Un président ‘normal’ face à la crise », 08/05/2012, disponible sur http://www.lnt.ma/actualites/francois-hollande-un-president-%C2%AB-normal-%C2%BB-face-a-

la-crise-38383.html, consulté le 05/09/2012.

102

Ensuite, les « petites phrases » choisies nous ont également révélé des éléments sur

le candidat qui les avait prononcées. Force est de constater que notre sélection

rassemble des « petites phrases » plutôt « sérieuses », peu sujettes à polémique, si

l’on excepte celle reprenant l’expression « sale mec », mais dont les conditions de

« production » étaient assez particulières. De ce constat, nous pouvons faire deux

déductions.

La première est que ces « petites phrases » ressemblent assez à celui qui les a

prononcées, en termes de personnalité. Nous l’avons évoqué en particulier au

moment de décrire son parcours personnel et politique, celle de François Hollande

est plutôt discrète et correspond assez bien aux « petites phrases » sélectionnées ;

avec un mot résumant l’ensemble, qui continue à être repris après son élection : le

mot « normal ». On a vu que ce terme, malgré les hésitations et les railleries du

début, a duré dans le temps. François Hollande a fait le choix de le « faire vivre »,

de le « maintenir à flot », aidé par les médias, un peu comme s’il était persuadé

qu’il fallait prendre ce risque. Mais, ce qui, avant l’élection était aussi une attaque

contre son adversaire, doit, après son élection, devenir « une marque de sérieux »,

un « gage d’efficacité » dans la fonction incarnée : le « candidat normal » devra

devenir un « président normal »... dans un rôle, qui, assurément, ne l’est pas. Et il

se peut que François Hollande doive « réorienter » cette petite phrase pour

l’adapter au temps de la présidence.

La seconde déduction est que ces « petites phrases » reflètent un certain « style »

de campagne. Réputé pour son humour, le candidat Hollande n’aura pas laissé

apparaître cette tendance au cours des mois précédant l’élection, en tout cas, pas à

travers ces quatre « petites phrases ». On peut imaginer que ce choix a été guidé

par le souhait de ne pas vouloir brouiller les pistes ou celui de ne pas être ramené à

certains reproches, comme la difficulté à trancher, pas si éloignée d’une

« légèreté » que l’on aurait pu invoquer en cas de traits d’humour trop fréquents.

François Hollande semble avoir voulu rester dans ce cadre plus solennel qu’il s’est

construit, et que ces quatre « petites phrases » ont contribué à solidifier. Faut-il en

déduire que c’est la raison pour laquelle, lorsqu’il en sortait un peu, en déclarant

par exemple, le 07 avril 2012, « Si je retiens parfois mon humour, c’est par charité

pour le candidat sortant 61

», cette phrase était très peu reprise, en particulier dans

la presse écrite ? On peut le supposer, un peu comme si les médias s’étaient peut-

être habitués à ce qu’il ne « porte » plus si souvent ce « costume » qui était le sien

auparavant et qui fait que cette « petite phrase » est passée assez inaperçue. En plus

de « définir l’agenda », les « petites phrases » pourraient donc contribuer à

« dessiner un cadre », « imprimer » un style.

L’autre volet de notre observation de la campagne de François Hollande a été

d’observer les reprises et la circulation de ses « petites phrases » à travers la presse

écrite et ceci, notamment afin de permettre une comparaison entre deux journaux

de tendances opposées, Libération et Le Figaro. Les reprises par la presse écrite

61 lepoint.fr, article : « François Hollande : ‘Si je retiens parfois mon humour, c'est par charité pour le

candidat sortant !’ », le 07/04/2012, disponible sur http://www.lepoint.fr/politique/election-presidentielle-2012/francois-hollande-si-je-retiens-parfois-mon-humour-c-est-par-charite-pour-le-

candidat-sortant-07-04-2012-1449359_324.php, consulté le 05/09/2012.

103

des quatre « petites phrases » sélectionnées ont apporté le regard de ce média

précis, ce qui nécessitait un certain niveau de détail pour relever, en filigrane, si

une tendance particulière vis-à-vis de la « petite phrase » se dessinait.

Ce que nous avons noté dans un premier temps est que la presse écrite s’est assez

largement fait l’écho de ces « petites phrases », mais d’une façon spécifique : ainsi,

l’intégralité de celles-ci a rarement été reprise, sauf pour les expressions « sale

mec » et « président normal », que l’on a considéré comme « intégrales » au

moment de définir les mots-clés de recherche pour l’extraction. Ce phénomène

était complété par le fait que, dans la plupart des cas, on faisait plus souvent

« allusion » à la « petite phrase » qu’on ne la citait ou que l’on ne lui consacrait un

article entier, sauf pour l’affaire du « sale mec ». En d’autres termes, la presse

écrite a plutôt eu tendance à développer un thème directement ou indirectement lié

à une « petite phrase » qu’à lui consacrer un article entier : cela a particulièrement

été vrai pour « cet adversaire, c’est le monde de la finance », même si les articles

qui suivent immédiatement la date de la déclaration citent plus facilement la

« petite phrase » ou y font allusion d’une manière significative. Nous avons donc

observé une tendance à « l’analyse », au « commentaire », assez présente dans ces

reprises par la presse écrite et finalement compatible avec le postulat évoqué plus

haut, qui voudrait qu’une « petite phrase » puisse porter un sujet de « fond ».

Dans un deuxième temps, il a été intéressant d’observer les positionnements des

deux journaux. Globalement, on note que les tendances ont été respectées, mais les

prises de position n’ont pas toujours été empreintes de systématisme pour autant.

La petite phrase sur la « finance », porteuse de fond, a suscité le plus grand nombre

d’articles « contre », dont plus de 30% venaient de Libération. Le thème de la

« normalité » a en revanche entraîné plus d’hésitation, puisque près de la moitié

des articles était « neutre », même si les « pour » et les « contre » étaient sans

surprise. L’affaire du « sale mec » n’a pas non plus entraîné de prise de position

claire, sans doute en raison des conditions floues de sa « production ». En résumé,

les prises de position de la presse écrite sont plus nettes lorsque des idéologies ou

thématiques précises s’expriment. Cela semble moins flagrant sur les questions de

forme, d’autant plus s’il existait un doute, comme c’était le cas pour la petite

phrase sur le « président normal » ; la presse n’y a pas cherché à défendre ou

stigmatiser à tout prix le candidat socialiste.

Enfin, la presse participe également à la durée de vie d’une « petite phrase », dans

le sens où elle contribue à la réactiver si l’actualité le nécessite. Elle affiche ainsi

un certain côté interactif ou simplement réactif, un peu comme pourrait l’être

internet et son « immédiateté ». On a observé cela avec la petite phrase sur le

« rêve », qui réapparaissait dans la presse en même temps que dans les autres

médias dès qu’elle était prononcée. Et on l’observe aussi avec « président normal »

qui n’a pratiquement jamais disparu des deux journaux entre avril 2011 et l’été

2012 : ainsi, une recherche rapide nous apprend que l’expression apparaît encore

dans 9 articles en juillet 2012 : c’est presque autant qu’en mars 2012 (10), un mois

avant l’élection.

Après ces observations, que pouvons-nous dire, d’un point de vue général, sur le

rôle stratégique des « petites phrases » de François Hollande pendant sa

campagne ?

104

La première observation qui vient à l’esprit est que les « petites phrases » de

François Hollande semblent véritablement avoir marqué sa campagne. Et même la

campagne. Tout simplement, car certaines d’entre elles ont produit un véritable

« retentissement ». La « petite phrase » sur « la finance » a eu ce genre d’effet :

elle a été mise en scène dans un discours lui-même mis en scène ; elle était ainsi

destinée à marquer les esprits, puisque « totalement pensée(s) et réfléchie(s) et

préparée(s) (...) », d’après le conseiller en communication que nous avons

interrogé (voir annexe I, p. 120). Dans le choix des mots, elle désigne un

adversaire et attend, suscite en quelque sorte des réactions. Elle est habile, aussi,

car elle est porte une idéologie assez marquée et permet de donner un

positionnement à un moment-clé : le lancement de la campagne. L’autre « petite

phrase » marquante est certainement celle faisant référence au « président

normal ». Marquante, car, finalement très « osée », contrairement à ce que pourrait

laisser penser la « banalité » affichée, supposée, des termes utilisés ; et sa durée de

vie est sûrement la meilleure preuve de son efficacité, avec la réserve évoquée plus

haut sur les « effets pervers » qu’elle peut produire après l’élection.

La deuxième observation est que le candidat Hollande semble avoir apprécié la

« petite phrase », d’un point de vue général, ou en tout cas les « formats courts » :

petites phrases, formules, slogans... Bien sûr, tous les candidats ont des slogans de

campagne, mais il semble que le candidat socialiste en ait usé plus que les autres,

ou plutôt que ceux-ci aient marqué plus les esprits, ce qui fait qu’il était parfois

difficile de se souvenir du véritable slogan de campagne : « le changement c’est

maintenant », alors qu’on entendait dans le même temps beaucoup parler du

« candidat normal », puis du « président normal », du « rêve français », du

« monde de la finance », sans parler de son slogan pendant les primaires62

: « Nous

avons un avenir à changer »... Cette multiplication des « phrases chocs » à

contribué à le faire « contrôler l’agenda », à rythmer et orienter, par petites

touches, sa campagne, selon les souhaits du moment. Si l’on revient aux quatre

« petites phrases », celles-ci semblent avoir façonné la campagne du candidat, avec

chacune un rôle précis : le thème du « rêve » pour le symbole et le rappel à

l’histoire, la « normalité » pour évoquer sa personnalité, le thème de la « finance »

pour orienter sa campagne, et l’affaire du « sale mec » pour durcir un peu le

discours...

Enfin, il faut noter un point commun intéressant à ces quatre déclarations. D’un

point de vue stratégique, elles sont toutes dirigées vers un adversaire, et son

premier adversaire était évidemment Nicolas Sarkozy. Le thème de la « finance »

peut avoir été utilisé pour rappeler que ce dernier était, selon ses opposants, le

candidat et le président des riches. On a compris que la « normalité » visait assez

directement Nicolas Sarkozy dans le sens où lui-même l’a interprété comme tel

devant des millions de Français pendant le débat télévisé de l’entre-deux tours.

« Réenchanter » rappelle que quelque chose est « désenchanté » : qui en est le

principal responsable si ce n’est l’ancien président ? Quant à l’affaire du « sale

mec », il n’y a pas de questions à se poser quant à la personne visée. Cette

omniprésence d’une « cible » en filigrane de ces quatre « petites phrases » laisse

62 jdd.fr, article : « Hollande dévoile son clip de campagne », 01/09/2011, disponible sur http://www.lejdd.fr/Election-presidentielle-2012/Actualite/Hollande-devoile-son-clip-et-son-slogan-de-

campagne-382163, consulté le 05/09/2012.

105

penser que ceci n’est pas le fruit du hasard. On remarque également qu’elles

s’équilibrent assez bien avec le slogan de campagne, qu’elles lui font en quelque

sorte « écho » : à part pour la « petite phrase » du « sale mec », il y a une idée de

changement dans chacune d’entre elles et c’est en quoi elles sont complémentaires

du slogan officiel : combattre le monde de la finance pour « le faire changer »,

« renouveler » le rêve, « ramener » la normalité... Autant d’élément décrits ici, qui

vont dans le sens d’une utilisation pensée et réfléchie des « petites phrases » et

d’une certaine maîtrise dans la gestion de leur apparition, ou de leur réapparition.

Finalement, la « petite phrase » serait-elle surtout l’illustration d’une tendance au

« raccourcissement » dans les médias depuis quelques décennies, à mettre

d’ailleurs en parallèle avec une « accélération » de la diffusion de l’information,

conséquence, notamment du fort développement de la télévision dans les années

1980 (voir supra p. 26), confirmée par l’essor d’Internet depuis le début des années

2000 ? Ce qui est certain, c’est que la « Toile », par sa rapidité, son immédiateté et

son interactivité, peut tout à fait convenir à la « petite phrase » et son format court.

Et que dire de Twitter, qui a bâti son concept sur la concision de ses messages en

140 caractères, que les candidats à l’élection présidentielle en 2012 ont largement

utilisé ?

Dans cet environnement, la presse doit s’adapter pour perdurer, ce qu’elle a

d’ailleurs fait depuis plusieurs années. Alice Krieg-Planque nous rappelle que,

depuis sa création, la page du périodique a subi de nombreuses modifications (voir

supra p. 37), pour être aujourd’hui très « rubriquée », « morcelée ». On ajoute qu’a

priori, une place importante est aujourd’hui donnée aux visuels, et des espaces

existent pour « mettre en valeur » des extraits, ou des « petites phrases » que le

lecteur, de plus en plus pressé, verra d’un premier coup d’œil. On l’observe tout

particulièrement sur ces deux extraits originaux de Libération et du Figaro, datés

du 24 janvier 2012 et qui relatent le discours du Bourget de François Hollande

(voir annexe II, pp. 146-148) : on remarque aisément tous les « extraits » inscrits

en bas de page, à Libération, en plus de visuels imposants, de titres et d’intertitres

très visibles... La tendance est la même au Figaro, même si le « texte » paraît

prendre une place plus importante. Alors, la presse écrite : un « nid douillet » pour

la « petite phrase » ? En tout cas, et cela ne se limite pas à la presse, les deux

semblent intimement liés, en référence au phénomène de coproduction déjà

évoqué. Et même si François Mitterrand qualifiait en 1993 les médias de « chiens »

(Lavarini / Lhomeau, 2009 : 63) ou qu’en mai 2012, Jean-Luc Mélenchon traitait

un journaliste de « sale petit espion »63

, un autre homme politique, plus modéré, les

saluait après avoir passé beaucoup de temps en leur compagnie : « Je voulais vous

dire toute la considération que j'ai pour le métier que vous exercez et je ne vous

demande rien en retour »64

déclarait François Hollande aux journalistes le 14 mai

63lelab.europe1.fr, article : « Mélenchon accuse un journaliste d'être un ‘sale petit espion’ d'un ‘journal

fasciste’ », le 30/05/2012, disponible sur http://lelab.europe1.fr/t/jean-luc-melenchon-accuse-un-journaliste-d-etre-un-sale-petit-espion-d-un-journal-fasciste-2923, consulté le 05/09/2012. 64 Lexpress.fr, article : « François Hollande remercie les journalistes du ‘ Hollande Tour’ qui ont suivi

sa campagne », le 14/05/2012, disponible sur http://www.lexpress.fr/actualite/media-people/media/francois-hollande-remercie-les-journalistes-du-hollande-tour-qui-ont-suivi-sa-

campagne_1114392.html, consulté le 05/09/2012.

106

2012 en guise « d’au-revoir », après son élection. Il semble bien que les politiques

et les journalistes aient encore de beaux jours de « cohabitation » devant eux.

En particulier pendant les campagnes électorales.

107

François Hollande au discours du Bourget, le 22/01/2012 (Source : www.parti-socialiste.fr)

109

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Autres ressources

- Entretien avec un responsable socialiste exerçant plusieurs mandats, par

ailleurs animateur local de la campagne de François Hollande, réalisé le

13/07/2012, texte intégral disponible en annexe I, p. 114 - Entretien avec de Thierry DE CABARRUS, journaliste et ancien

rédacteur en chef, réalisé par courrier électronique le 04/07/2012, texte

intégral disponible en annexe I, p. 124 - KRIEG-PLANQUE A. (2012), interview accordé à la Radio Télévision

Suisse (RTS), lors de l’émission Médialogues, le 22/03/2012, Martine

Galland, disponible sur http://www.rts.ch/la-

1ere/programmes/medialogues/?date=22-03-2012#.T2y-4aDApyM.twitter - Entretien téléphonique avec un conseiller en communication travaillant

dans une agence spécialisée, réalisé le 20/02/2012, texte intégral

disponible en annexe I, p. 120

112

113

ANNEXES

ANNEXE I : Entretiens réalisés p. 114

Entretien avec un responsable socialiste p. 114

Entretien avec un conseiller en communication p. 120

Entretien avec Thierry de Cabarrus, journaliste p. 124

ANNEXE II : Articles de presse écrite p. 126

«Casser la finance mène à la catastrophe» (Libération) p. 126

«Il faut adopter des réformes radicales» (Libération) p. 127

De grands mots pour une faible ambition (Le Figaro) p. 128

Éloge de la normalité (Le Figaro) p. 129

Hollande déménage (Libération) p. 130

Pour François Bayrou, le PS court

après Mélenchon (Le Figaro) p. 131

Cameron : « Nous sommes pleinement

engagés en Europe » (Le Figaro) p. 132

«Les banques françaises se sont transformées» (Libération) p. 133

La grande casse programmée

de Hollande l'illusionniste (Le Figaro) p. 135

Fillon vante « l'expérience » de Sarkozy (Le Figaro) p. 136

A Jarnac, Hollande grave sa stature

dans le marbre (Libération) p. 137

Président : « normal » ou anormal (Le Figaro) p. 138

François Hollande se rit des querelles de dames (Le Parisien) p. 140

Aubry se rapproche de la candidature (Le Figaro) p. 141

L'UMP accuse les socialistes d'abaisser le débat (Le Figaro) p. 142

«Sale mec» de Hollande : l'UMP

en fait un fromage (Libération) p. 143

Hollande demande l'arrêt des « polémiques incessantes »

(Le Figaro) p. 144

Hollande, inspecteur de la finance (Libération) p. 146

Hollande cherche son point d’équilibre (Le Figaro) p. 148

ANNEXE III : Statistiques complètes des extractions p. 149

« Cet adversaire, c’est le monde de la finance » p. 150

« C’est le rêve français que je veux réenchanter » p. 155

« Président normal » p. 158

« Sale mec » p. 162

114

ANNEXE I : Entretiens réalisés

Entretien avec un responsable socialiste

Le 13 juillet 2012, nous avons obtenu un entretien avec un responsable politique

appartenant au Parti Socialiste. Celui-ci exerce plusieurs mandats dont celui de maire et

s’intéresse tout particulièrement aux questions économiques. En 2011-2012, il a, en outre,

joué un rôle d’animateur local de la campagne de François Hollande. C’est à ce titre que

nous lui avons demandé ce qu’il pensait des « petites phrases » du candidat, et du rôle

qu’elles avaient pu jouer dans sa stratégie de communication.

De courts extraits ont été retirés ([...]) pour rendre cet entretien anonyme, à la demande de

notre interlocuteur.

*****

Frédéric PERRAULT : Comme je vous l’ai expliqué dans le mail que je vous ai envoyé, mon

étude consiste à regarder si les « petites phrases » utilisées par François Hollande pendant sa

campagne, ont participé d’une stratégie de communication, et comment on peut observer ce

phénomène à travers la presse écrite. Ma première question est la suivante : en tant qu’homme

politique, comment définiriez-vous une « petite phrase » ?

Responsable Socialiste : Et bien écoutez, je n’y ai pas réfléchi avant que l’on se voie...Au regard

de ce que vous venez de m’indiquer et la manière dont je perçois les retours médias de nos

interventions aux uns et aux autres et plus particulièrement aux politiques nationaux, je pense

qu’une « petite phrase », c’est une phrase qui est, soit ciselée, préparée et sortie à un moment

donné pour être reprise et donc là effectivement on est dans une stratégie, on est dans de la

préparation par rapport à une intervention publique, soit une phrase lâchée instinctivement, sans

qu’il y ait une préparation derrière ce qui peut arriver : on peut avoir une sortie à un moment

donné, soit un trait d’humour, soit une phrase exprimant un ressenti ou une réflexion, sans qu’elle

ait été forcément préalablement validée par la personne qui la prononce ou par le « staff » autour.

FP : Donc pour vous la petite phrase peut avoir été préparée ?

RS : Pour moi ça peut être quelque chose de préparé. Ça m’arrive de ...avant j’écrivais mes

discours quand j’intervenais ; maintenant, je ne les écris plus mais j’écris 2-3 phrases-clés, je

n’appelle pas ça « petite phrase » mais phrase-clé, en me disant : celles-là, faut que je me les

imprègne parce qu’elles sont plus construites que les autres et ça charpente un peu plus le

discours. Mais ce n’est pas une stratégie de manipulation des gens qui sont en face ou de passage

de tel ou tel message de manière forcée : c’est pour charpenter un peu un discours et faire en sorte

que les 2-3 idées fortes soient bien argumentées à un moment donné. Surtout quand on est amené

encore une fois à parler pendant un certain nombre de minutes sans avoir écrit mot à mot.

FP : Alors, vous avez commencé à y répondre mais, selon vous, les « petites phrases » peuvent-

elles participer d’une stratégie de communication en campagne électorale ?

RS : Il peut y avoir des « petites phrases » qui sont préparées pour effectivement répondre à une

stratégie de communication, ça peut arriver. Mais ce n’est pas le cas tout le temps : ce n’est pas

imaginable que tout ce qui est prononcé au quotidien soit prévu d’avance : ce n’est pas vrai. Et

pour l’avoir vécu pendant la campagne, ce n’est pas possible.

FP : Et dans le cadre d’une campagne, pensez-vous que l’on réfléchit beaucoup plus à ce qu’on

dit que dans des discours classiques de la vie politique quotidienne ? Est-ce que les mots sont

plus choisis ?

RS : Les mots sont toujours importants à chaque instant ; après, on n’en prend pas forcément

conscience au début. Moi, c’est mon [xe] mandat, j’ai été d’abord conseiller municipal, puis

adjoint au maire, maintenant je suis maire. Je pense que mon auditoire n’a pas changé, ça reste

115

des habitants de la commune, ça reste des gens qui me connaissent depuis longtemps ici, et

pourtant, je fais de plus en plus attention à ce que je dis. D’abord parce que quand vous êtes

maire, la parole est prise pour « argent comptant » beaucoup plus que quand vous êtes adjoint, et

quand vous êtes adjoint beaucoup plus que quand vous êtes conseiller municipal. Donc ça vous

oblige à faire attention.

La 2e chose, c’est que vous avez des retours qui à un moment donné viennent, alors, pour les

politiques au niveau national, ce sont des retours par la presse, par les médias en général, pour un

maire comme moi [...], ce sont des retours qui me reviennent par le bouche à oreille. Donc vous

voyez bien que si vous n’êtes pas très clair dans la manière dont vous vous exprimez, le message

est reçu...les gens n’entendent pas vraiment ce que vous avez voulu dire, déjà pour l’auditoire

devant vous, et après, dans une commune ça discute, à la boulangerie, le dîner en famille ou que

sais-je, et le discours peut être encore plus déformé. Si le discours n’est pas bien calibré, bien

travaillé, et bien, au bout d’un mois ou deux, le discours que vous avez prononcé ou les propos

que vous avez tenus s’évaporent et sont transformés au fur et à mesure du temps. Et pour la presse

c’est un peu pareil. Pour avoir répondu à des interviews ou avoir fait des réunions publiques avec

de la presse, il est clair que vous savez avec l’habitude que, si vous faites des phrases très longues

et un discours monocorde, le journaliste va devoir faire un travail d’analyse de tout ce que vous

avez dit pour extraire quelques éléments. Et si dans votre discours, il y a 2-3 phrases-clés comme

je vous le disais tout à l’heure, un peu préparées à l’avance, instinctivement le journaliste, qui

cherche une économie de temps, comme n’importe quel acteur aujourd’hui dans n’importe quel

métier, va prendre les 2-3 phrases un peu préparées.

Donc il y a une stratégie, mais ce n’est pas une stratégie de communication au sens manipulation

des gens. Alors le mot communication, il est maintenant un peu galvaudé à cause de ça. Mais

c’est une stratégie « d’information » ou en tout cas de passage d’un message par rapport à ce

qu’on veut exprimer. Ce qui n’est pas pareil que de la « comm » pour modifier euh... pour

influencer. Parce que je crois qu’on gagne grâce à nos idées, j’y crois encore, et non pas

seulement avec un discours bâti, construit pour faire plaisir et répondre à la demande et à l’attente

du citoyen.

FP : En tant qu’animateur local de la campagne de François Hollande, y a-t-il pour vous des

petites phrases marquantes du candidat pendant cette campagne, auxquelles vous pensez

immédiatement ?

RS : Immédiatement, ce serait « la démocratie est plus forte que le marché ». C’est une phrase

qu’il a prononcée...je ne sais pas s’il était déjà candidat ou s’il était candidat aux primaires...il

était candidat aux primaires, c’était à la Rochelle l’année dernière. J’étais dans la salle comme

tout le monde, on l’a écouté parler, on a écouté parler les autres candidats, ils ont tous parlé les

uns après les autres et à un moment donné dans le discours - je pense que c’était préparé -, il a

sorti : « la démocratie est plus forte que le marché », dans un contexte où on est en crise etc. Et je

trouve que cette phrase, en quelques mots...elle montre le message politique qui est le nôtre

aujourd’hui par rapport à la volonté de se prendre en main, de ce que les hommes sont capables de

gérer. C’est une phrase qui m’a marqué : je ne l’ai pas noté...mais je m’en souviens encore. Bon,

il y en a 2-3 autres comme ça qui peuvent être ressorties sur...je dis ça et puis ça m’échappe....

Bon, l’histoire de la présidence normale, mais ça, c’est plus un slogan qu’une « petite phrase ».

Ca a été répété, rabâché, alors que la petite phrase que je viens de vous citer n’a pas été rabâché

tout au long de la période. Et il ya une autre « petite phrase », mais qui a été peut-être mal

travaillé, en tout cas qui n’est pas bien reprise et je passe beaucoup de temps à la réexpliquer,

c’est : « mon ennemi, c’est la finance sans visage ». Je n’ai pas la phrase exacte parce que je ne

l’ai pas préparée.

FP : On va en parler parce que ça fait partie des « petites phrases » que j’ai sélectionnées.

RS : Elle a été reprise très souvent. Elle est reprise par : « mon ennemi c’est la finance ». Moi

j’étais dans la banque avant, [...], notre ennemi ce n’est pas la finance ! Parce qu’on a besoin de la

finance pour faire de l’économie. Mais, le monde économique l’a pris comme ça. Quand je

rencontre des chefs d’entreprise, quand je rencontre des banquiers, ils me disent mais : « vous

116

n’avez rien compris puisque votre ennemi c’est la finance ». Et il manque le « bout » sans visage.

Ce qui est symptomatique, soit d’une phrase qui est mal passée, soit d’une phrase qui est trop

longue, je ne sais pas comment ça s’est passé et quelque fois on ne sait pas pour quelle raison

mais en tout cas, la reprise permanente c’est « la finance » et il manque l’autre « bout ». Pourtant

cette phrase était bien construite mais elle n’est pas passée. Elle ne « prend pas ».

FP : Justement, je travaille sur 4 petites phrases de François Hollande pour mon mémoire dont

celle-ci « Cet adversaire c’est la monde de la finance », qui est l’intitulé exact.

RS : Il ne parle pas de « sans visage » ?

FP : Je n’ai pas le discours avec moi ici, peut-être le dit-il juste avant.

RS : En tout cas, cela me semble étonnant qu’il lance la petite phrase de cette manière. Il connait

bien le monde économique et qui sait très bien que, dire ça et seulement ça, ce n’est pas la vérité

et ce n’est pas le genre. Pour l’avoir vu dans des meetings, etc., malheureusement au Bourget je

n’y étais pas, mais, pourquoi pas.

FP : Donc, parmi « mes » 4 « petites phrases », il y a aussi la « présidence normale », dont on a

beaucoup parlé et dont on va sans doute parler pendant encore un certain temps.

RS : Oui ! Mais cela peut aussi se retourner contre nous. Puisque aujourd’hui dès qu’on fait

quelque chose qui est « anormal », on se prend ça « dans les dents ». Tous. Si, dans une

intervention ou dans ma vie, je fais des choses un peu bizarres, les gens, gentiment ou

méchamment vont me « ressortir » ça.

FP : Alors, justement, que pensez-vous des 4 « petites phrases » et par exemple : « C’est le rêve

français que je veux réenchanter » ?

RS : Moi, je pense que c’est bien mais ça n’a pas tenu dans le temps. C’est-à-dire que...peut être

que l’on en reparlera plus tard mais aujourd’hui cette partie-là est oubliée parce qu’on est au cœur

de la crise et qu’aujourd’hui on ne crée pas du rêve, on gère la crise au quotidien. Par contre, ça

reflète bien l’état d’esprit qui est de dire qu’on doit être en capacité d’avoir un objectif commun

en France, ce qui n’était pas le cas à mon sens, mais là je fais de la politique, avec l’équipe

« Sarkozy », au regard du fait que, je pense que Nicolas Sarkozy a travaillé sur des antagonismes

et sur des mises en opposition de différentes catégories de personnes : les jeunes contre les vieux,

les fonctionnaires contre les non-fonctionnaires, les profs contre... le reste de la Terre etc. Là, dire

« c’est le rêve français que je veux réenchanter », c’est dire on est un pays, avec euh...on va créer

un objectif ensemble, on va progresser ensemble, on va recréer un rêve commun de ce qu’est la

France et de ce qu’on est capable de faire tous ensemble.

FP : Finalement, elle s’adaptait bien au moment où elle a été prononcée, c’est-à-dire avant le

« dur » de la campagne et l’élection. Ce serait sans doute difficile à prononcer aujourd’hui parce

qu’on lui dirait : « vous n’êtes pas dans la réalité » ?

RS : J’entends ce que vous dites mais en même temps, on est obligés de préparer l’avenir à long

terme en même temps qu’on gère la crise. [...]. Et donc il faut bien imaginer notre avenir commun

et donc quelque part un rêve commun de comment reconstruire l’industrie européenne. D’ailleurs

« français » c’est un peu réducteur : le « rêve européen » peut-être, bon... Mais comment voulez-

vous dire ça quand [un journal] vous appelle et vous dit : « Qu’est-ce que vous pensez [des

licenciements à...] », ce qui était le cas ce matin ? Je ne vais pas dire aux journalistes : ben moi je

pense qu’il faut penser à 10 ans, parce que les citoyens ils ne le comprendraient pas. Il y a des

gens qui perdent leur boulot aujourd’hui, des familles qui sont touchées, ils ne le comprendraient

pas. J’ai croisé une grand-mère ce matin, à l’accueil, qui a un petit-fils qui travaille à [...], elle a

75 ans, si je lui dis : « ne vous inquiétez pas, à 10 ans, on a une stratégie », elle ne va pas me

comprendre... voilà. Donc, une campagne électorale, on trace des grandes perspectives, on a eu la

chance, et en même temps je pense que c’était organisé, de ne pas avoir de drame comme ceux de

117

[...] aujourd’hui, pendant la période des mois de mars-avril-mai, ça vient maintenant, si on avait

eu ça, ce genre de phrase, malheureusement, n’aurait pas été prononcée et on l’aurait géré

autrement et la campagne aurait eu un autre ton. Mais...le projet d’un politique c’est

nécessairement de travailler sur le long terme et d’avoir une stratégie de long terme, sinon ça ne

sert à rien, malheureusement à rien.

FP : La deuxième vous avez commencé à en parler : « le monde de la finance »...

RS : Que rajouter de plus ? A mon sens, comme ça, elle est trop courte, alors peut-être que c’est

une réminiscence de la phrase ciselée qu’il avait prononcé la 1ère

fois et peut-être que ce que je

vous ai dit, c’est dommage les journalistes coupent, c’est parce qu’il l’a prononcé au Bourget

différemment, qu’il a oublié un bout, que deux phrases plus loin il a corrigé son discours en disant

« je ne veux pas parler de la finance réelle qui finance l’économie locale mais de la finance

spéculative non adossée à l’économie réelle, et s’il la dit 3 phrases plus loin, les journalistes ont

retenu que cette partie-là, et là, c’est le politique qui a fait quelque part une faute de langage.

FP : Mais souvenez-vous, après le Bourget, c’est une des choses majeures que l’on a retenue.

RS : Ah mais je me souviens bien ! Et à chaque réunion publique je disais : n’oubliez pas, c’est la

finance sans visage.

FP : Comment expliquez-vous que ça ait autant marqué les gens ce thème de la finance ?

RS : Parce que je pense que Sarkozy aussi a tapé sur la finance, que tout le monde a tapé sur la

finance, et que, à un moment donné c’est... il y a eu une harmonie de compréhension entre ce

qu’attend la population et ce qu’exprime un homme politique. Et je pense que c’était le bon

moment. Les gens effectivement à ce moment-là en avaient marre et je pense que ça parle aux

gens...ce n’est pas daté ça, ça parle toujours. Quand on voit les crises d’aujourd’hui, on voit qu’il

y a une crise économique lourde mais il y a aussi, et bien... une certaine finance qui nous fait du

mal et pour laquelle on a les plus grandes difficultés à trouver les remèdes. Voilà, mais aussi

l’Europe est en train d’y réfléchir, aussi je pense, quel que soit le bord politique, les hommes

politiques commencent à se dire qu’il est temps de trouver d’autres solutions. Mais l’exprimer

comme ça : c’était le premier à le dire aussi clairement.

FP : « Président normal » : pensez-vous que c’est une des phrases-clés de la campagne ?

RS : Oui. Et quand il l’a prononcé, Dominique Strauss-Kahn était encore en tête dans les

sondages et était encore le candidat attendu. Il a sorti ça dans un contexte où, quand il l’a dit, les

gens se sont moqués de lui en disant : c’est ringard. [...]. Et quand il a dit « président normal », les

premiers jours, moi, je n’ai pas ressenti que c’était un super coup et... et en fait ça a rassuré les

gens. C’est-à-dire que de quelqu’un qu’on disait fade, insipide, incapable de trancher, les gens se

sont rendus compte que derrière ça, il y a un homme solide, ancré dans le terrain, qu’a été maire,

qu’a été président de conseil général, qui connait la France mieux que personne parce qu’il a

tourné dans le parti socialiste pendant des années et des années, qui, au côté de Lionel Jospin a

connu les responsabilités, sans avoir été ministre, et a vu comment ça se passe, une crise grave, et

à l’époque, on avait vécu Vilvoorde, je suis vraiment dans l’automobile, je suis désolé, et des

choix difficiles à faire, et finalement, quand on enlève...- et puis l’aspect physique qu’il a travaillé

-, quand on enlève la manière dont l’image avait été construite au cours des dernières années, et la

réalité de ce bonhomme, et qu’on rajoute la phrase « président normal », ça devient un peu un

déclencheur, une sorte de catalyseur, on déchire un voile et on passe sur le personnage d’après. Et

je pense que ça a bien fonctionné à ce niveau-là. Alors, je pense que c’est réfléchi, mais qu’au

fond de lui, il est « vraiment » normal. C’est-à-dire que pour côtoyer un tout petit peu Hollande, et

surtout [un ministre du Gouvernement Ayrault 1], on voit bien que ce sont des « mecs normaux ».

Ce sont des « mecs normaux » qui ont géré du quotidien et qui ont encore une fois été élus locaux

et c’est très important, et qui aujourd’hui se retrouvent à des responsabilités démentielles, en

n’oubliant pas qu’ils ont été sur le terrain et qu’ils connaissent les réalités du monde. Ça, c’est une

vraie normalité.

118

FP : Alors, il y a eu également l’histoire du « sale mec ». Même s’il y a eu « polémique » sur le

contexte dans lequel ils ont été prononcés, que pensez-vous du choix des mots mais également du

retentissement important, même si cela est « retombé » assez vite ?

RS : Je pense que c’est monté très vite parce que les gens se souviennent du « vieilli, usé,

fatigué » de Lionel Jospin dans l’avion en rentrant de je ne sais plus où : il était lui-même

« crevé », fatigué d’ailleurs...

FP : Il parlait de Jacques Chirac.

RS : Il a parlé de Jacques Chirac dans un moment de « off », et Jospin, comme Hollande, adore

« les gens », en général, même si Jospin est beaucoup plus froid que Hollande, ils adorent les

gens, ils adorent échanger, et ils ont besoin aussi de se confronter au réel, et dans le monde dans

lequel on est là, le réel c’est quelque part le journaliste, même si, pour le citoyen de base, le

journaliste il n’est pas non plus dans la normalité, mais ça permet de discuter avec eux et de se

livrer et d’avoir des retours aussi sur la manière dont les gens perçoivent le message politique. Et

à un moment donné, Jospin s’est lâché parce qu’il était « crevé », il a lâché cette phrase, c’est ce

qu’il pensait, ce n’était pas calculé, ça a été repris, il y a eu un « off » qui a été brisé, et puis voilà.

Et là, les gens se sont dit « rebelote ».... Et ça aurait pu être un tournant de la campagne. Et ça ne

l’a pas été par ce que je pense que... autant « les gens » aimaient Jacques Chirac, pour différentes

raisons. Autant je pense que « les gens », n’aimaient pas Nicolas Sarkozy, et donc le « Sale mec »

finalement, il est passé comme ça, parce que les gens se disent, ben finalement c’est peut-être un

peu... Mais à mon avis, et ce n’est que mon avis, je ne sais pas, je ne lui ai pas posé la question,

mais à mon avis, ça n’est pas préparé et c’est aussi... un moment d’égarement, on lâche un mot

comme ça... Ça ne ressemble pas à quelque chose de préparé parce que ça ne ressemble pas, si

c’était préparé, au type d’expression qu’utilise le président Hollande aujourd’hui et le candidat

Hollande à l’époque.

FP : Une dernière question qui me vient à l’esprit, pour vous, une « petite phrase », ça doit

surtout avoir du fond, du sens, des idées, plus que de la forme ?

RS : Oui. Je pense.

FP : C’est ce qui peut faire son efficacité ?

RS : C’est ce qui peut faire sa capacité à « détonner », c’est-à-dire à être entendu dans le

« brouhaha » permanent de tout ce qui existe. Alors tout le monde se « bagarre » pour faire des

« petites phrases », essaie d’en construire. Celles qui sont les meilleures, c’est celles qui sont bien

assimilés, pour qu’elles puissent bien être exprimées, avec le bon « phrasé » et bien posé. Et

encore une fois ça n’empêche pas d’en avoir qui sont sorties de manière automatique. Je vais vous

donner juste un exemple : ça fait [...] ans que je travaille avec [...]. Et donc je connais ses trucs, je

connais ses phrases habituelles, je connais ses mimiques, ses tics de langage, comme moi j’en ai :

mes collaborateurs ici me disent : arrête de dire « tel mot », tu dis tout le temps « tel mot ». Là il

est devenu Ministre, je le vois un peu moins. Et je l’ai vu faire un discours la semaine dernière.

Ça fait 4 semaines qu’il est ministre. Donc, avec d’autres collaborateurs, qui lui font des notes,

des propositions...Et bien, son « phrasé » a changé. Son « champ lexical » plus exactement a

changé. Il y a des termes qu’il n’utilisait pas. Il y a des déroulés de phrase qu’il n’utilisait pas et il

y a des comparaisons qu’il n’utilisait pas. Et donc du coup on voit bien que, vous prenez un

politique, vous l’enlevez d’un milieu, et vous le mettez dans un autre milieu, il va s’imprégner de

ce milieu-là, il va reconstruire son champ lexical, avec ce qu’il entend autour de lui, la technicité

qu’il acquiert dans « tel ou tel métier, telle ou telle fonction, et il va vous reconstruire un nouveau

discours qui va être plus riche que le précédent, parce que c’est une couche supplémentaire en

fait, qui vient s’ajouter. Et donc les « petites phrases » qu’il a aujourd’hui, ne sont pas le même

type de « petite phrase » que celles qu’il avait à l’époque. Même si on sent encore que... voilà. Et

je pense que c’est symptomatique. Et ça montre bien qu’il y en a qui ne sont pas préparées, elles

sont..., c’est le... je ne sais pas moi si c’est un réflexe, en tout cas, c’est le cerveau qui les prépare

119

et ça sort à un moment donné, et on ne sait pas pourquoi. Comme une poésie qu’on a appris,

appris, appris et au bout d’un moment, vous arrivez à sortir un morceau de manière instinctive et

c’est jolie et c’est bien fait... Comme Pompidou qui avait sorti à un moment donné une phrase

de... je ne sais même plus de qui d’ailleurs, mais à une conférence de presse on l’avait interrogé

sur un enseignant qui avait « fauté » avec un élève et... le journaliste lui demande, il prend un peu

de temps pour réfléchir et il sort une phrase, qui peut être une « petite phrase » mais en citant juste

à la fin, l’auteur en question : c’est splendide, c’est merveilleux, et c’est pas préparé. Sauf que ce

n’est pas préparé mais, il a euh..., des couches et des couches de culture qui font qu’à un moment

donné il peut se permettre de les sortir. Donc il y a vraiment deux types de petites phrases.

FP : Très bien, écoutez, j’en ai terminé. Je vous remercie.

RS : Très bien, bon courage à vous pour la suite.

120

Entretien avec un conseiller en communication

Nous avons interviewé un conseiller en communication par téléphone le 20 février 2012.

Nous lui avons demandé son avis sur la pertinence, selon lui, des « petites phrases » en

politique, et sur celles de François Hollande en particulier.

*****

Frédéric Perrault : Je me présente, je fais un mémoire sur les petites phrases en politique et plus

particulièrement celles de François Hollande, notamment « Je veux réenchanter le rêve

français » et « Mon adversaire, c’est le monde de la finance ». Est-ce que, tout d’abord, vous

pouvez me décrire l’activité de conseil de votre cabinet ?

Conseiller en Communication : On fait tous les métiers de la communication sauf la pub. Le

conseil est un pôle de notre activité, on fait du conseil pour des personnalités privées ou

publiques. On a des chefs d’entreprises, des collectivités publiques, et des personnalités

politiques. On ne fait pas que de la communication politique. Mais c’est une partie assez

importante de notre activité.

FP : Effectivement j’avais vu que vous ne faisiez pas que ça en visitant votre site internet.

CC : On fait du conseil, élaboration d’une stratégie d’image, communication de crise (il y en a

beaucoup en politique), accompagnement sur la durée, accompagnement sur une campagne

électorale.

FP : Si l’on rentre à présent dans le vif du sujet, est-ce que lorsque vous travaillez sur

l’élaboration de discours, est-ce que la problématique de la petite phrase rentre en ligne de

compte et est-ce-que vous considérez qu’elle participe d’une stratégie ?

CC : Oui, ça peut, ça ne veut pas dire que ça doit et ça ne veut pas dire que c’est toujours le cas.

Parce que dans les petites phrases il n’y a pas que du positif, parfois il y a des petites phrases qui

leur échappent, mais oui ça peut, dans le sens où quand vous rédigez un discours, vous ne pensez

pas simplement au public qui est en face et qui écoute le discours et qui va se dire : « oui, j’ai

compris globalement le raisonnement, la position... », vous pensez à la reprise du journaliste. Or,

les journalistes, ils ont besoin d’une accroche, de quelque chose que l’on va retenir, de quelque

chose de court, en particulier l’AFP : généralement, ce qui les intéresse, c’est la petite accroche, le

petit truc qui crée l’évènement, qui marque, et c’est ça la « petite phrase ». Et nous on pense...

alors c’est là qu’il y a une ambigüité au niveau des « petites phrases », parce qu’il y a « la petite

phrase », j’ai envie de dire inutile, un peu inutile, un peu bête et méchante, souvent c’est assez

négatif les petites phrases en politique : plutôt sur une attaque de l’adversaire que des choses de

politique... Donc, cette petite phrase-là, elle n’a qu’un intérêt c’est de faire parler de vous, mais

elle n’a aucun autre intérêt : on ne bâtit pas une stratégie de communication sur ce genre de petite

phrase, c’est bien si quelqu’un se dit « euh, on ne parle plus jamais de moi dans les médias... », et

bien, comme ça on va parler de toi, mais objectivement ce n’est pas vraiment ce qui nous

passionne le plus.

FP : Ce que vous dites, c’est que ce ne sera pas l’aspect central d’une stratégie de

communication mais ça y participe ?

CC : Non, ce que je dis c’est que c’est « un coup », pour faire parler d’une personnalité dont on ne

parle pas assez. Vous prenez un « Hervé Morin » il y a quelques semaines, personne n’en parlait,

tout le monde se fichait de sa campagne. S’il avait trouvé la petite phrase du siècle, il aurait fait

beaucoup parler. Vous voyez ce que je veux dire ?

FP : Tout à fait.

CC : Donc ça c’est la « petite phrase « de notoriété » », pour faire parler quelqu’un. Vous avez

par contre ce qui est plus intéressant, la « petite phrase » ce dont vous me parliez là, qui est plutôt

121

le résumé d’une pensée : comment en quelques mots seulement vous résumez un discours, ou en

tout cas l’axe fort de votre discours. Parce que le problème de la politique c’est que généralement

vous avez quand même des raisonnements un peu complexes, avec des propositions qui sont pas

toujours simples : comment est-ce que l’on résume ça en une petite phrase, pour pouvoir être

reprise dans les dépêches AFP, dans les chaînes info, etc. Et ça oui, ça se travaille et ça fait partie

d’une stratégie de « comm ».

FP : Alors justement, comment vous définiriez une bonne petite phrase d’un politique ?

CC : Pour moi, la bonne « petite phrase », c’est la « petite phrase » qui signifie réellement

quelque chose sur le fond. Vous savez, il y a un concours, le concours du prix de l’humour

politique, mais généralement ce sont des « petites phrases » qui n’ont pas de sens, enfin, elles

n’ont pas de sens..., elles sont rigolotes, elles sont marquantes, mais ça ne signifie rien : à la

limite, n’importe qui peut les dire. Inversement, je vais prendre deux exemples : quand Giscard

dit à Mitterrand « vous n’avez pas le monopole du cœur », ou quand Mitterrand réplique 7 ans

plus tard à Giscard « vous êtes l’homme du passif », ce sont deux petites phrases, mais ce sont

deux petites phrases qui ont du sens. « Vous n’avez pas le monopole du cœur », ça a du sens, un

vrai sens politique. Ça veut dire, je reproche à la gauche de toujours vouloir incarner ceux qui

sont solidaires alors que nous, à droite, on peut le faire. De la même manière quand François

Mitterrand dit « vous êtes l’homme du passif », ça a du sens, c’est-à-dire il le ramène à son passé

et donc « on va tourner la page », mais ça le ramène aussi à son bilan, un bilan comptable, en

disant, bon voilà, il y a tout un tas de chiffres derrière sur lesquels il faudra qu’on revienne, vous

voyez ce que je veux dire ? Il y a quelque chose derrière. Pour moi la bonne « petite phrase »,

c’est non seulement celle qui évidemment est efficace, c’est-à-dire elle est reprise, elle marque,

les gens vont s’en souvenir, mais au delà de ça il faut qu’elle ait un sens politique.

FP : Justement je travaille sur Libération et le Figaro et je me rends compte que la petite phrase

est rarement reprise dans son intégralité. C’est un peu comme le lancement d’un sujet. Vous êtes

d’accord avec ça ?

CC : C’est ça, vous créez une accroche, après vous pouvez avoir une conséquence négative et une

positive. La négative c’est que l’on se souvienne que d’un bout de la phrase, et on enlève tout le

reste, on la sort de son contexte et là c’est la mauvaise « petite phrase ». Je vais vous prendre un

exemple : Rocard qui dit « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde » mais, « on

doit tout faire pour y parvenir » ou quelque chose comme ça. Le problème c’est qu’on ne

retiendra que la première partie, qui sera sortie de son contexte, et aujourd’hui la droite passe son

temps à le répéter à la gauche. Alors qu’en réalité le raisonnement était un peu plus compliqué

que ça. Et plus subtil et plus équilibré puisqu’il y avait une deuxième partie de la phrase. Ça pour

moi c’est la mauvaise « petite phrase », qui finit par se retourner contre son auteur. Et vous avez

la bonne « petite phrase », qui est plutôt celles que je vous ai données tout à l’heure, où en réalité,

tout le raisonnement est compris dans la petite phrase et là le journaliste peut être intéressé parce

qu’il se dit : ah oui, il y a une accroche mais du coup je vais essayer d’aller plus loin, et je vais

faire un article sur le raisonnement en lui-même. Alors qu’il n’aurait peut-être pas eu ce

raisonnement-là si on lui avait livré de manière brute parce que dans un discours c’est, ... un

discours c’est quand même une heure au moins, et donc le journaliste qui suit ça il n’est pas

toujours passionné. S’il n’a pas à un moment la petite phrase, il ne va pas s’attacher au paragraphe

en question. Alors que s’il a la petite phrase, il va dire tout ce qu’il y a autour.

FP : Ces dernières années, on a beaucoup entendu dire que dans les discours de politiques, la

forme avait tendance à prendre le pas sur le fond, et finalement, les petites phrases ne sont-elles

pas devenues l’illustration de ce règne de la forme sur le fond, mais d’après ce que vous me dites,

peut-être pas ?

CC : Si...Moi je vous dis ce que nous on fait. Ou en tout cas dans quel esprit, notamment moi, je

travaille. Ça ne veut pas dire qu’on est majoritaire et qu’on a raison. Non, le fait est...bon, il ne

faut jamais être négatif, mes petites phrases ça ne date pas d’hier, De Gaulle il avait ses petites

phrases aussi. Ce qui est vrai, euh... bon certains vous diront que chez les hommes politiques, il y

122

a un abaissement général du niveau, moi ce que je pense c’est qu’il y a une multiplication des

médias en fait. Au lieu d’avoir une info par jour, vous en avez une par heure, et une info chasse

l’autre. Donc vous avez une succession de petites phrases et une accélération de l’histoire

politique. Même sur les campagnes électorales : si vous regardez les précédentes, les candidats

faisaient un déplacement par semaine, ou un déplacement tous les 2-3 jours avec une idée forte.

Aujourd’hui, ils font trois déplacements dans la même journée avec trois idées. C’est-à-dire que

tout s’est accéléré, donc le fait est qu’aujourd’hui : oui, la forme prime sur le fond et là

objectivement quand on regarde la campagne telle qu’elle se déroule, on ne peut pas dire le

contraire, tout ce qui importe, c’est la forme. Le fond est en réalité assez faible, des deux côtés

d’ailleurs, chez tous les candidats, et globalement certainement pas... (sans porter de jugements

pas conformes aux enjeux définis depuis plusieurs mois), sur l’avenir de l’Europe, sur la crise

financière, etc., tout ce que vous entendez aujourd’hui à longueur de journée, on n’est pas du tout

là-dedans. Donc oui, la forme prime sur le fond, voilà. De la façon dont nous on le voit, parce

qu’on connait ce risque-là. On essaie de faire en sorte que ce ne soit pas ça. Voilà. Moi quand je

conseille un homme politique ou quand nous on conseille un homme politique, on fait en sorte de

leur faire comprendre qu’il ne faut pas s’arrêter à cette succession de « petites phrases », il ne faut

pas que la forme prime sur le fond, et que s’ils n’ont pas un fond solide, ça ne sert à rien. Je vais

vous dire les choses autrement, c’est que pour nous la communication politique, c’est d’abord

faire en sorte que le candidat ait un fond, et après on va mettre en forme ce fond, c’est ça, la

"comm". Mais si un homme politique vient chez nous en disant : « et bien voilà, faites-moi ma

campagne, qu’est-ce que je dois dire demain ? », je ne sais pas répondre...On va lui dire, non, non,

on va fonctionner à l’endroit : qu’est-ce que vous avez envie de dire ? Et là on va voir comment

on le dit, c’est-à-dire quels mots on emploie, à qui on s’adresse, quels supports médiatiques on

utilise : ça c’est de la "comm", c’est-à-dire on parle du fond, et on le met en forme. Mais

aujourd’hui, beaucoup d’hommes politiques ont le fonctionnement inverse : il n’y a plus

beaucoup de fond, bon y en a beaucoup moins et du coup, ils ne font que de la forme et donc ils

font des « petites phrases ».

FP : Et enfin, en tant que communicant, qu’est-ce que vous pensez de ces deux petites phrases

que j’ai commencé à évoquer avec vous : « Je veux réenchanter le rêve français » et « Mon

adversaire, c’est le monde de la finance ». Est-ce-que selon vous elles ont été réfléchies, pensées,

et qu’est-ce qu’elles disent du candidat, ou du parti ou de la stratégie du candidat ?

CC : Oui, les deux ont été totalement pensées et réfléchies et préparées, en particulier la 2e qui

s’inscrivait dans un discours qui a dû être le plus travaillé de François Hollande pendant la

campagne. Sur la 1ère

phrase, « le rêve » j’ai envie de dire c’est une phrases assez classique.

Quand vous faites une campagne électorale, vous êtes obligés de vendre un peu de rêve, parce que

vous allez créer de l’affectif, parce que vous êtes obligés de faire rêver les gens, vous êtes obligés

de leur dire que demain sera différent, quelque soit le candidat. Mitterrand voulait « changer la

vie », rien de moins, Sarkozy nous disait la dernière fois « ensemble tout devient possible », vous

voyez, l’ambition est toujours très très haute. Vous vendez du rêve en réalité, là ce qui est

nouveau c’est qu’il a parlé du rêve en tant que tel, 1er point. 2

ème point, toujours sur cette phrase-

là, il y avait le moyen de se distinguer de la crise, c’est à dire que François Hollande a un souci,

c’est qu’on est en période de crise et de crise grave et aigue, dans laquelle les Français peuvent

être tentés de reconduire le Président actuel en se disant, bon même si on n’est pas satisfait, on

sait comment, lui, agit. Donc François Hollande a voulu s’extraire de cette crise et de ce côté très

sombre et noir pour dire voilà, on va vous vendre quelque chose de positif.

FP : Vous ne trouvez pas qu’il a pris le risque d’être très général alors que c’est justement ce

qu’on lui reproche parfois, de ne pas être assez précis ?

CC : La problématique de François Hollande, elle est celle-là depuis le début et ça va l’être

jusqu’à la fin. Stratégiquement, la France est de droite, majoritairement, donc la gauche ne

gagnera que si une partie de la droite vote pour lui, sinon François Hollande ne sera pas élu, et ça

a toujours été comme ça. Mitterrand a été élu en 1981 parce qu’une partie des Chiraquiens a voté

pour lui et en 1988, il a été réélu parce qu’une partie du Centre a voté Mitterrand. Mais

globalement, le centre, la droite et l’extrême droite font 60% en France, donc la gauche ne gagne

123

pas seule les élections présidentielles. Donc, pour pouvoir gagner, il est obligé d’être le plus

général possible pour à la fois être sûr d’avoir les voix très à gauche, et en même temps pour avoir

des voix de Centre, voire des gens de droite, qui seraient déçus de Nicolas Sarkozy : des libéraux,

des humanistes des centristes etc. qui se diront, on ne supporte plus Nicolas Sarkozy, donc on va

voter Hollande, donc il est obligé de rester très général. D’ailleurs c’est ce que cherche N.

Sarkozy, à le faire rentrer dans l’arène et l’obliger à se positionner de manière très précise sur une

problématique précise, car à chaque fois qu’il va se positionner, il va se couper d’une partie de

l’électorat et il est obligé de rester comme ça.... Et l’avantage de ce slogan sur le rêve, c’est que ça

parle à tout le monde, voilà et en plus, c’est mon 3e

point, c’est qu’il y a une partie « Histoire »

dans ce slogan. « Réenchanter le rêve français », ça fait appel à toute l’histoire de France, mais

l’histoire positive, c’est-à-dire tout ce que la France a pu construire, donc il s’inscrit dans une

histoire, et cette petite phrase n’était pas idiote. La sortie sur le monde de la finance, c’est un clin

d’œil très appuyé à la gauche de la gauche, et tout ce qui précède la petite phrase. Il crée une

attente, on se dit de quoi il veut parler, et quand il dit le monde de la finance, là pour la gauche

c’est Pavlov.

FP : Moi j’ai terminé, voulez-vous rajouter quelque chose ?

CC : Une dernière remarque, c’est qu’encore une fois la « petite phrase » peut être très

dangereuse. Je ne parle même pas des petites phrases qui sont des vraies erreurs c’est-à-dire genre

Barre au moment de l’attentat de la rue Copernic qui parle des « Français innocents », Chirac qui

parle du « bruit et de l’odeur », ça c’est des grosses erreurs. Tout ça pour vous dire que la petite

phrase elle n’est pas forcément positive. Encore une fois la petite phrase, si elle a du sens

forcément elle va cliver. Et autant un candidat de droite peut se le permettre et même doit se le

permettre pour qu’il ait le cœur de son électorat, contre la gauche, autant un candidat de gauche, il

ne peut pas se le permettre. Hollande ne peut pas prendre de risques dans cette campagne ; c’est

ça qui est frappant. C’est pour ça que tout le monde dit : il est flou, c’est parce qu’il ne peut pas

prendre de risques. S’il fait peur, par exemple son socle est en train de diminuer, donc il a été

obligé de sortir « les 75% » pour consolider son socle de gauche pour garantir un 1er tour fort à

gauche. Mais le problème c’est qu’il va se couper de 1-2% de voix du centre ou libérales qui

auraient pu se reporter sur lui. C’est un équilibre très difficile. Il est obligé à la fois de mobiliser à

gauche très fortement pour arriver en tête mais après il est obligé de rassembler, mais l’effort de

rassemblement pour un candidat socialiste est plus difficile que pour un candidat de droite.

FP : Merci beaucoup.

CC : De rien, bonne continuation.

124

Entretien avec Thierry de Cabarrus

Ayant fait la connaissance il y a quelques mois de Thierry de Cabarrus et connaissant son

goût pour la politique intérieure, nous lui avons demandé s’il accepterait de répondre, par

courriel, à un questionnaire sur les « petites phrases » de François Hollande. Il a accepté et

nous a renvoyé les réponses ci-dessous le 04 juillet 2012.

Thierry de Cabarrus est journaliste et a travaillé pendant 37 ans dans la presse écrite en

tant que grand reporter, « rewriter », éditorialiste et rédacteur en chef. Il a notamment

collaboré au Progrès de Lyon, au Parisien, à l’Union de Reims ou encore VSD. Il « officie »

actuellement sur internet (http://leplus.nouvelobs.com/thierrydecabarrus).

*****

Frédéric PERRAULT : Selon vous, qu’est ce qu’une “petite phrase” en politique? Que doit-elle

contenir pour être efficace?

Thierry de Cabarrus : C’est une formule cursive, facile à retenir, provocatrice, reprise par les

médias.

FP : Selon vous, une « petite phrase » participe-t-elle de la stratégie de communication d’un

candidat à une élection? Si oui, de quelle manière?

TdC : Jusqu’à récemment, elle naissait de la créativité des hommes et femmes politiques, ou du

talent des journalistes à les faire parler, voire déraper. Désormais, les politiques utilisent les

médias, ont compris l’importance des petites phrases et les préparent à l’avance. Cf. notamment

les EDL, éléments de langage, répétés à l’envie par les snipers de l’UMP pendant la campagne de

la présidentielle.

FP : Qu’est-ce qui vous pousse à reprendre une petite phrase dans un de vos articles de presse

écrite?

TdC : Son caractère surprenant, nouveau, spectaculaire, sa capacité à être reprise par les médias

traditionnels, à faire le buzz sur internet dans les réseaux sociaux type « Twitter ».

FP : Selon vous, la « petite phrase » est-elle compatible avec une reprise dans la presse écrite, ou

est-elle « fabriquée » pour d’autres médias (TV, radio, internet...) ?

TdC : Les deux. Lorsqu’elle est forte, elle se retrouvera dans la presse papier, notamment la PQR

le lendemain ; mais elle fera d’abord florès dans les médias les plus immédiats.

FP : Que vous évoquent les petites phrases de François Hollande qui font l’objet de mon étude :

A) “...Cet adversaire, c’est le monde de la finance” prononcée pendant le discours du Bourget, le

22/01/2012

TdC : C’est l’évocation de la guerre entre les politiques et les spéculateurs. La finance n’est pas

un chiffon rouge puisque chacun en voit les ravages dans sa vie quotidienne (chômage,

endettement, baisse du pouvoir d’achat, refus de crédits, etc.). Là encore, un appel du pied à la

gauche la plus radicale.

B) “C’est le rêve français que je veux réenchanter” prononcée par François Hollande au soir de

l’investiture des primaires, le 16/10/2011.

TdC : Le « I had a dream » de M. Luther King, bien sûr. Mais aussi la volonté de se démarquer du

discours « raisonnable » pendant la crise ; un clin d’œil au Front de gauche, déjà.

125

C) “Président normal” (Décembre 2010)

Une référence à Dominique Strauss-Kahn, déjà empêtré dans les affaires ; puis à Nicolas Sarkozy,

quand DSK a été mis hors course. Il veut dire, « je veux être un homme normal à l’Élysée, même

si la fonction que j’exercerai sera anormale ». Paradoxalement, être un président normal, c’est

aussi respecter la fonction, ce que n’a pas fait Nicolas Sarkozy puisqu’il l’a désacralisée au point

d’être lui-même démystifié en tant que chef d’état.

D) L’expression “sale mec” (Que François Hollande aurait utilisé pour parler de Nicolas

Sarkozy lors d’une discussion « off » avec des journalistes »).

TdC : Ce n’est pas prouvé que ce mot ait été prononcé. Repris à l’envie par les « snipers » de

l’UMP et Sarkozy lui-même dans sa période télévisuelle de victimisation (en fin de campagne).

Repris aussi par lui pendant le débat télévisé. Une façon de faire oublier les attaques très violentes

(meeting de Lyon) contre Hollande, puis contre Valérie Trierweiler.

126

Annexe II : Articles de presse écrite

Article :

«Casser la finance mène à la catastrophe»

Christophe Alix

24 janvier 2012

Libération

Philippe Dessertine, de l'Institut de haute finance, redoute que l'attrait de la France diminue :

Auteur récent de la Décompression : des solutions après le krach (éd. Anne Carrière, 2011),

Philippe Dessertine est le directeur de l'Institut de haute finance à l'Université de Nanterre-Paris-

Ouest. Il est critique face aux propositions de François Hollande.

Comment réagissez-vous à cette présentation de la finance comme un «adversaire» ?

Ce qui me frappe, c'est le choix des mots. Je peux comprendre que ce soit la seule manière

audible aujourd'hui de parler de la finance d'un point de vue strictement politique, mais c'est

navrant. J'ajoute qu'on a tort de stigmatiser la finance de la sorte dans la mesure où elle sera

indispensable pour nous sortir de la crise. C'est elle, quand elle joue bien son rôle, qui permet de

drainer l'épargne vers des investissements utiles qui créeront les emplois de demain. Casser la

finance ne peut conduire qu'à la catastrophe en sapant la relation de confiance qui existe entre les

Français et leurs banques.

Très offensif sur la forme, François Hollande n'était-il pas en réalité moins radical sur le fond ?

Raison de plus pour faire attention. A forcer le trait pour convaincre l'opinion, on discrédite la

place financière française. Ce n'est pas ce genre de déclarations qui vont en améliorer

l'attractivité. La finance pure, c'est environ 500 000 emplois en France mais seulement 10 000

traders. Ma crainte, c'est que la France ne récolte que les effets potentiellement négatifs des

mesures proposées sans rendre la finance plus vertueuse et qu'au bout du compte, ce soit d'autres

pays qui en profitent. Comme toujours avec les effets d'annonce.

Comment réagissez-vous à une séparation des activités de crédit et d'investissement des banques ?

Il faudrait avoir plus de détails mais à ce stade, on peut simplement faire remarquer que les

banques françaises sont parmi celles qui auraient le plus à y perdre. Elles ont prospéré sur un

modèle de banque universelle qui malgré quelques gros accidents type Crédit lyonnais a

globalement bien fonctionné. Il faut veiller à ne pas affaiblir de grandes entreprises comme la

Société générale ou BNP-Paribas et à ne pas les rendre plus vulnérables vis-à-vis de la finance

américaine. Soyons clairs : cette séparation, qui constitue le grand sujet de la régulation

financière, est un élément majeur de la réflexion actuelle sur le risque systémique et la meilleure

manière de le prévenir. C'est uniquement sous cet angle qu'il faut l'envisager.

Doit-on interdire les «produits toxiques» en France ?

Là encore, de quoi parle-t-on ? La plupart des produits dérivés ne sont pas «toxiques» en eux-

mêmes mais par l'utilisation qui en est faite lorsqu'ils sont déconnectés de l'économie réelle et

deviennent purement spéculatifs. Il faut donc les réguler plutôt que les supprimer sauf à se priver

d'outils essentiels. Cette régulation ne peut par ailleurs s'envisager qu'à l'échelle européenne, au

minimum.

Y a-t-il des propositions qui, selon vous, vont dans le bon sens ?

Oui, l'interdiction d'implantation des banques françaises dans des paradis fiscaux. Sur les stock-

options et plus généralement la part variable de la rémunération, il faut là encore distinguer entre

ce que cela peut avoir d'utile lorsque l'on cherche à attirer les meilleures compétences et ce que

127

ces pratiques, lorsqu'elles deviennent excessives, révèlent des dysfonctionnements du système.

Interdire est facile, dangereux et, au bout du compte, ne sert à rien alors que réguler est la seule

manière de régler les immenses problèmes auxquels nous sommes confrontés de manière durable.

Mais c'est aussi un travail de longue haleine.

Article :

«Il faut adopter des réformes radicales»

Vittorio De Filippis

24 janvier 2012

Libération

Dominique Plihon, des Economistes atterrés, souhaiterait que Hollande aille plus loin :

Dominique Plihon est professeur d'économie à l'université Paris-XIII. Il est l'un des fondateurs du

mouvement des Economistes atterrés, qui comptent près de 2 000 membres.

Comment réagissez-vous lorsque François Hollande déclare que son «véritable adversaire, c'est le

monde de la finance» ?

Sur le principe, je suis d'accord. Depuis trente ans, le capitalisme financiarisé a profondément

modifié le système bancaire et financier de la France comme de l'ensemble des pays développés.

Plus personne ne peut ignorer ses dérives qui se traduisent par des crises qui n'en finissent pas de

se succéder. Il est temps d'adopter des réformes radicales.

La proposition de séparer banque d'investissement et banque de dépôt va-t-elle dans ce sens?

Attention, de nombreuses propositions ont déjà été faites, notamment lors du G20 de Londres, en

avril 2009. Qu'a-t-on fait depuis ? Rien de radical. Ceci étant, si le candidat Hollande compte

instaurer une nouvelle organisation du crédit, alors banco ! Mais encore faudrait-il en savoir plus

sur ses intentions. En clair, va-t-on recentrer les banques sur leur métier de base, qui consistait à

fournir des crédits aux entreprises et aux ménages. Pour l'instant, la réalité est simple : les

banques restent très grandes, elles continuent à faire beaucoup de finance de marché, via des

opérations boursières hautement spéculatives. Elles profitent à plein des marchés dérivés et de la

titrisation, qui consiste à transformer des crédits bancaires en titres négociables sur les marchés

financiers. Au total, les banques remplissent de moins en moins leurs deux fonctions principales :

financer l'économie et contrôler les risques. Et c'est, en partie, la titrisation qui a permis de

supprimer le suivi du risque bancaire et inciter les banques à distribuer des crédits toujours plus

risqués. Si la proposition de Hollande remet tout ceci en question, alors elle va dans le bon sens.

La France seule pourra-t-elle mettre fin à cette situation où les banques sont perverties par la

finance ?

Elle devra pousser les feux au niveau de l'Europe. Une chose est sûre : les banques

d'investissement ont besoin des banques de dépôt pour spéculer. Mais la réciproque n'est pas

vraie.

Les stock-options «supprimées» et les bonus «encadrés»... Etes-vous rassurés?

L'idée de supprimer les stock-options est une bonne chose. Par contre, je ne comprends pas

l'intérêt «d'encadrer» les bonus. Faut-il rappeler que les cadres qui travaillent dans le secteur de la

finance gagnent en moyenne 40% de plus que ceux qui travaillent dans l'industrie. Faut-il rappeler

que les deux modes de rémunérations que sont les stock-options et les bonus sont des éléments

variables du salaire et qu'ils dépendent des résultats, c'est-à-dire des profits réalisés. Stock-options

et bonus sont des incitations au crime économique, il faut les supprimer.

François Hollande propose, lui aussi, de taxer les transactions financières...

Mais comment va-t-il s'y prendre ? Il faut sortir de cette idée que la France peut agir seule. Ne

serait-il pas plus judicieux de reconnaître l'existence d'un projet de directive européenne qui

128

prévoit justement d'instaurer une taxe sur les transactions financières. Mais voilà, pour adopter

une réforme fiscale, il faut un vote à l'unanimité des Vingt-Sept. Pour en sortir ? Le candidat

Hollande devrait s'appuyer sur les grands pays comme l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie qui disent

vouloir adopter cette taxe, et proposer une coopération renforcée à quatre pays. C'est la seule

façon de contourner l'unanimité, les textes européens le permettent...

Article :

De grands mots pour une faible ambition

Natacha Polony; [email protected]

10 février 2012

Le Figaro

PARMI les grandes figures du Panthéon républicain, Jean Zay incarne non seulement le courage

de ceux qui n'ont pas plié, mais aussi l'espérance de ceux qui nourrissaient pour l'école une

ambition immense. En se réclamant de celui qui entendait revivifier l'école, François Hollande

veut faire de l'éducation le coeur de son projet pour « réenchanter le rêve français ».

Et de fait, la gauche retrouve des mots qu'elle avait depuis longtemps abandonnés : autorité,

laïcité... et même cette éducation libérale faite de l' « admiration des belles oeuvres » . Et quand

Ségolène Royal prononçait ces mots, certains à gauche l'ont accusée en 2007 des pires dérives.

L'exercice de style qui n'est pas sans rappeler le discours de Maisons-Alfort de Nicolas Sarkozy

en février 2007 : l'ambition, par-delà l'accumulation de propositions, est de renouer le fil d'une

histoire française dans laquelle la République est indissociable de son école. Mais pour qui ne se

laisse pas éblouir par les proclamations et les incantations, la réalité n'a pas tant d'éclat. Mettre

l'accent sur l'école maternelle et primaire pour lutter contre l'échec scolaire dès l'origine est une

proposition partagée d'un bout à l'autre de l'échiquier politique. Et le principe énoncé par François

Hollande de « plus d'enseignants que de classes » paraissait audacieux au début des années 1990.

Audace louable

C'est dans ces années-là, d'ailleurs, que les réformateurs de l'école avaient inventé les Instituts

universitaires de formation des maîtres, que le Parti socialiste entend recréer à travers les « Écoles

supérieures du professorat et de l'éducation » dont le nom rend hommage aux Écoles normales

comme le vice, sans doute, rend hommage à la vertu.

Vincent Peillon, le penseur de ce projet pour l'École, veut dépasser les vieilles querelles,

réconcilier « républicains » et « pédagogues », affirmer que l'école de la République a toujours

marié éducation et instruction. C'est vrai. Et le rétablissement de cours de morale est une audace

louable. Tout comme la référence à une autorité « fondée sur les qualités morales et intellectuelles

». Un message à faire passer auprès de tous ceux qui estiment que les futurs maîtres doivent être

formés à la gestion de classe plutôt qu'à la maîtrise de leur discipline.

Mais pour qui sait lire entre les lignes, François Hollande dessine surtout une école fondée sur un

socle commun qui, au mieux, met sur le même plan compétences et savoirs. Il prône le

remplacement des notes par d'autres modes d'évaluation, met en avant « tout ce qui concourt à

enseigner différemment » (différemment de quoi ?), vante le « travail en équipes » , suggère une «

discussion » sur le métier d'enseignant, ses rythmes et ses missions (ou comment avancer masqué

vers la remise en cause du statut), prévoit une réforme de l'orientation qui conduise à « respecter

le premier choix » des jeunes... bref, un savant mélange entre le système scolaire tel que l'a déjà

conçu Luc Chatel, et celui dont rêvent les réformateurs qui ont mis à bas depuis trente ans l'école

républicaine de Jules Ferry, Jean Jaurès et Jean Zay. Les mauvaises langues seront tentées de

trancher d'un « Rien de nouveau sous le soleil ».

129

Article :

Éloge de la normalité

Alain-Gérard Slama; [email protected]

14 septembre 2011

Le Figaro

Il vaut la peine de s'interroger sur l'ascension de François Hollande. De jour en jour, celui-ci

s'impose comme le favori des primaires. Quel est son ressort ? Très au-delà de la personnalité, et

même des chances concrètes de succès du candidat, cette question doit nous retenir, dans la

mesure où elle peut nous éclairer sur les préoccupations et les priorités d'une société qui est, en ce

moment, opaque, voire insaisissable.

Si sympathique et vif-argent que soit François Hollande, sa candidature avait a priori peu de

raisons de s'imposer. Non seulement l'ancien premier secrétaire du PS est resté dans l'opposition

pendant dix ans, non seulement il n'a pas d'expérience du gouvernement, mais il risquait

d'apparaître aux électeurs de gauche comme trop conservateur pour ce qu'il a de socialiste, et aux

électeurs de droite comme trop socialiste pour ce qu'il a de conservateur. Or il semble, d'après les

sondages, qu'il arrive à conquérir une certaine faveur auprès d'une partie de la droite, sans se faire

pour autant renier par la majorité de la gauche.

On trouvera à la réussite de cette brillante équation une première explication qui a l'avantage

d'être simple : sa stratégie reproduit fidèlement celle du Mitterrand de « la force tranquille ».

Comme son modèle, il réveille dans le pays de vieux réflexes de synthèse républicaine. Et comme

Chirac, l'ancien bon élève de Sciences Po et de l'ENA puise dans son terroir de Corrèze la même

inclination pour la sensibilité « rad soc ». Enfin, de son passage par HEC, le candidat a gardé une

compétence économique dont Mitterrand était totalement dépourvu et que les chefs d'entreprise

lui reconnaissent.

Cela dit, l'explication peut aisément se retourner. Il n'y a jamais loin de la synthèse à l'ambiguïté.

On ne sache pas que Martine Aubry ou Ségolène Royal ignorent l'économie, ce qui ne les

empêche pas de se laisser enfermer dans un programme voué d'avance à aggraver les déficits et à

casser tout espoir de croissance. François Hollande n'est pas exempt de la même schizophrénie,

quand il croit possible de taxer davantage le capital et quand il s'engage à rétablir la retraite à 60

ans. Sa seule, sa grande différence tient au fait qu'il esquive la polémique et que tout son

comportement, tout son discours tendent à l'apaisement des inquiétudes nationales. Mais il peut

très bien, s'il est confirmé dans sa candidature, appeler à « un débat fracassant », comme le fit

Mitterrand en 1988 afin de rallier, au premier tour, le maximum de voix de gauche.

Aucune de ces explications n'étant satisfaisante, il en reste une, qui touche au coeur du malaise

français et qui comble peut-être, au moins provisoirement, son attente : c'est le thème de l'«

homme normal ». On a beaucoup glosé sur cet autoportrait, et nombreux l'ont jugé bien peu

gaullien, à un moment où le pays a toutes les raisons de chercher une personnalité d'exception. Or

l'adjectif « normal » réveille aussi la vieille idée de modération, morale chez Aristote, politique

chez Hume et Montesquieu, qui a dominé la philosophie laïque des fondateurs de la République.

Et bien des signes donnent à penser que la modération, entendue dans ce sens, toute d'équilibre et

de probité, soit, face à la crise et aux scandales, la principale qualité attendue d'un homme d'État

par notre société désorientée.

Sans tomber dans le moralisme, il s'agit de rappeler que, moins que jamais, dans un système

majoritaire et une conjoncture qui affaiblissent les contre-pouvoirs, l'exercice des hautes fonctions

publiques « ne saurait faire l'économie des vertus individuelles » (1). Nous avons trop vécu

jusqu'ici sur deux credo : le premier affirme que « le monde dure par les moyens et vaut par les

extrêmes » (Valéry). Le second jure que « le monde aurait été depuis longtemps sauvé, si la

qualité des hommes pouvait dispenser de la qualité des idées » (Brunschvicg). Et si c'était

l'inverse ? De façon paradoxale, il se pourrait que le modèle auquel renvoie le thème de «

l'homme normal » ne soit pas celui d'un centrisme de « juste milieu », mais celui que, avec toute

130

la force de son caractère et la génialité de son « bon sens », de Gaulle a incarné en son point le

plus haut. Sans doute François Hollande ne correspond-il guère à l'épure. Mais il est probable que

c'est à l'idée qu'il a évoquée que le pays aspire.

(1) Voir l'essai lumineux et convaincant de Julien Boudon, « La Passion de la modération

», Dalloz, 2011.

Article :

Hollande déménage

Matthieu Ecoiffier

12 janvier 2012

Libération

Présidentielle . Tous les caciques du PS ont répondu présents hier à Paris pour l’inauguration des

locaux de campagne du candidat.

«Ici, tout est ouvert», confiait hier un François Hollande détendu dans son nouveau bureau du

premier étage aux murs encore vides. «Et tout le monde a envie de gagner. En 2007, l’esprit ne

soufflait pas nécessairement dans ce sens», précisait le candidat socialiste. Pour ses locaux de

campagne de 2007 Ségolène Royal avait choisi un appartement bunkerisé, le «2-8-2», boulevard

Saint-Germain à Paris, dans le VIIe arrondissement. Hollande a choisi dans le même quartier, au

59, avenue de Ségur, un hôtel particulier de 1 000 mètres carrés sur quatre étages (à regarder en

diaporama sur Libération.fr), où tous les caciques du PS étaient présents hier pour l’inauguration.

Deux ex-Premiers ministres Laurent Fabius et Lionel Jospin, une ex-candidate à la présidentielle,

Ségolène Royal, ainsi que trois autres rivaux de la primaire, Martine Aubry, Arnaud Montebourg

et Manuel Valls : tous se sont retrouvés au 1er étage dans la salle de presse pour une photo de

famille dysfonctionnelle et recomposée. Et, en cet instant, unie.

«Force d’âme». Assis en contrebas du pupitre du candidat, ils l’ont écouté lancer la bataille des

«100 jours pour redonner espoir, pour convaincre au premier tour et ensuite pour gagner au

second». Et tonner au micro : «Je suis comme candidat le premier responsable, le premier engagé.

J’y mettrai toute mon énergie, toute ma force d’âme, tout mon caractère, tout mon temps !» Puis

marteler : «J’assume !» Entendre : la justice fiscale, le contrat de génération (lire page ci-contre),

la diversification des sources d’énergie et le débat sur la sécurité. Pour conclure : «C’est nous le

mouvement, les autres sont simplement dans la conservation de leurs privilèges. Ce qui compte,

ce n’est pas notre succès, mais la victoire de la France.»

Bertrand Delanoë et Laurent Fabius ont jeté de brefs coups d’œil, mi-respectueux, mi-envieux au

«candidat normal» qui les a supplantés. «C’est la vie», philosophait Marylise Lebranchu, amie

d’Aubry. «Je vais faire ce que je peux pour l’aider. Ce qui est bien, c’est qu’il a la maîtrise du

temps. Maintenant, je vais fendre la foule», lâchait, en partant, Lionel Jospin qui a eu tant de mal

à «fendre l’armure» en 2002... «Je l’ai trouvé tonique. Il s’est livré à une différenciation utile avec

la droite», complimentait même Henri Emmanuelli, l’un des leaders de l’aile gauche du PS. Dans

l’escalier on apercevait Thomas Hollande, le fils. Et autour du buffet, Valérie Trierweiler, la

compagne du candidat. «Je viens plus naturellement ici [à l’étage de la presse] que là-haut»,

précisait la journaliste en allusion à son bureau du troisième étage, pour signifier qu’elle «n’est

pas au cœur de la campagne».

Nostalgie. Au second, François Hollande se souvenait avec nostalgie que, sorti de l’ENA, un de

ses premiers boulots fut au «ministère de la Poste» situé en face du 59 : «trente-huit ans après, à

l’angle de l’avenue, il y a toujours le même café». Signe de la permanence supérieure des lieux

sur celle des personnes.

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Article :

Pour François Bayrou, le PS court après Mélenchon

Rodolphe Geisler; [email protected]

25 janvier 2012

Le Figaro

Le président du MoDem affirme qu'il gardera son « cap » et estime qu'Hollande a commis une

erreur en se positionnant, dimanche, en ennemi de la finance.

CENTRE Vu du QG de campagne de François Bayrou, rue de l'Université à Paris (VII e ), la

prestation de François Hollande, dimanche au Bourget, n'a peut-être pas été une si bonne

opération que cela, contrairement à ce que veut faire croire l'entourage du candidat socialiste. «

En déclarant, »mon ennemi, c'est la finance* , François Hollande court après Jean-Luc

Mélenchon. Je pense que beaucoup de gens de centre gauche vont s'interroger sur cette posture » ,

estime ainsi l'eurodéputée Marielle de Sarnez, bras droit de François Bayrou.

Un autre proche du candidat centriste abonde : « Jusqu'à aujourd'hui, Hollande pouvait se

prévaloir du soutien des anciens strauss-kahniens et de la gauche des affaires. Là, il s'est mis de

lui-même dans une situation impossible à gérer pour la suite, car les Français savent bien que la

France ne se gouverne pas à la gauche de la gauche. En fait, il vient d'ouvrir un espace au centre...

» Sur le fond, Sarnez note encore que le candidat socialiste n'a parlé ni de la dette ni du déficit. «

Hollande n'a pas fait un discours pour temps de crise. Il a fait un discours politique de facture

traditionnelle, où on a entendu un florilège de promesses, qui fait s'interroger sur la crédibilité de

son projet... », observe-t-elle.

Hier matin, sur RTL, Bayrou a d'ailleurs pointé lui-même son désaccord avec l'analyse de

Hollande faisant du « monde de la finance » son adversaire principal. « Ça revient à dire que les

problèmes que nous rencontrons ne sont pas de notre faute et viennent de l'extérieur. Mon

ennemi, moi, c'est le chômage » , a-t-il insisté. Député européen du MoDem et ancien patron du

Crédoc, Robert Rochefort juge ainsi « artificiel de faire croire que la relance de la production se

fera par des décisions d'encadrement des banques et de la sphère financière » . Pour lui, « le

redressement de la France, donc la baisse du chômage, passera par le » produire en France* de

Bayrou, c'est-à-dire les PME, la création d'activité et les artisans, qui ont été totalement absents du

discours d'Hollande. »

Surtout, décrypte encore Rochefort, « la liturgie, très siècle dernier de Hollande au Bourget, était

adaptée au public qui était là, mais, contrairement à Ségolène Royal, qui en 2007 avait essayé

d'ouvrir, il ne devrait pas mordre au-delà de ce public » . Ce qui fait dire encore à Sarnez que «

seul Bayrou peut incarner et réussir un rassemblement large autour de lui pour former une

majorité nouvelle » . Joint hier par Le Figaro , Bayrou le jure : « Tout cela ne m'oblige qu'à une

attitude : garder mon cap ! C'est parce que j'ai gardé mon cap que les gens me rejoignent

aujourd'hui. » Pour preuve, il souligne qu'il a voté contre la loi pénalisant les génocides,

contrairement à l'UMP et au PS.

Ces remarques acides ne sont pas restées sans réponses au PS. Faut-il y voir une certaine fébrilité

dans l'entourage d'Hollande vis-à-vis du candidat centriste ? Président du groupe PS à

l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault a ouvert le feu hier. « Bayrou a dit que son seul

adversaire, ce n'est pas la finance mais le chômage. Il est député. Jamais une fois je ne l'ai entendu

parler du chômage dans l'Hémicycle » , a raillé le conseiller spécial du candidat socialiste.

132

Article :

Cameron : « Nous sommes pleinement engagés en Europe »

Alain Barluet; [email protected]

PROPOS RECUEILLIS PAR Alain Barluet

18 février 2012

Le Figaro

À Paris, le premier ministre britannique a apporté son soutien à Nicolas Sarkozy.

LE FIGARO.- On a eu le sentiment ces derniers mois que la Grande-Bretagne prenait nettement

ses distances avec l'Union européenne en proie à la crise de l'euro. En même temps, la

coopération franco-britannique est très active. Cette ambivalence est-elle tenable ?

David CAMERON.- La Grande-Bretagne est pleinement engagée en Europe, de même qu'elle est

un acteur majeur dans l'Otan où elle coopère étroitement avec la France, comme cela a été le cas

en Libye. Sur les questions économiques et financières, nous avons des choses essentielles à dire.

Il y a des sujets sur lesquels nous nous situons au coeur de l'UE, comme le marché unique et son

avenir, et d'autres domaines dans lesquels nous n'avons pas souhaité entrer. Nous ne sommes pas

dans Schengen. Nous n'en sommes pas moins européens. Nous considérons simplement que notre

intérêt national, en tant qu'île, est de conserver nos frontières. Nous ne sommes pas dans l'euro

parce que nous jugeons qu'il est préférable pour nous de fixer nos taux d'intérêt et de déterminer

notre politique monétaire. Que nous défendions d'abord nos intérêts ne veut pas dire que nous ne

sommes pas un acteur européen de premier plan.

Vous avez sévèrement critiqué la manière dont l'UE gérait la crise de l'euro...

Ce ne sont pas des critiques, mais des encouragements. La crise de l'euro affecte la France, mais

elle touche aussi la Grande-Bretagne. 40 % de nos exportations sont destinées à l'Europe. Comme

vous, nous souhaitons que cette crise soit surmontée. Nous constatons des avancées, comme le

grand pare-feu européen susceptible de répondre à la crise grecque, ou la recapitalisation des

banques. Ces initiatives étaient nécessaires, pour vous, pour nous et pour le futur de l'Europe.

Nicolas Sarkozy a réaffirmé vendredi que « l'Europe a besoin de la Grande-Bretagne ». Pourriez-

vous néanmoins décider, un jour, de quitter l'UE ?

Non, nous n'allons pas quitter l'UE, ce ne serait pas dans notre intérêt. Pas plus que nous ne

quitterons l'Otan. Peut-être faudrait-il que nous l'expliquions mieux : nous sommes au coeur de

l'Europe sur certains sujets - le marché unique est une invention britannique - et sur d'autres, nous

sommes moins engagés.

La coopération franco-britannique en matière de défense devrait-elle s'élargir à d'autres, à

l'Allemagne par exemple ?

Nicolas Sarkozy et moi sommes sur la même ligne : si d'autres partenaires souhaitent apporter des

fonds ou acquérir les matériels que nous développerons, ils pourront le faire. Mais la France et la

Grande-Bretagne représentent 50 % des dépenses européennes en matière de défense. On ne peut

attendre que les autres décident d'investir dans les avions sans pilotes pour lancer cette

coopération. À deux pays, nous pouvons prendre rapidement les décisions qui s'imposent.

Vous avez souhaité « bonne chance » à votre « ami » Nicolas Sarkozy ? Comptez-vous lui

adresser d'autres signes de soutien durant la campagne ?

Nicolas Sarkozy est un dirigeant du centre droit et je lui souhaite bonne chance. Il a de grandes

qualités de chef, c'est un homme politique courageux. Il a fait des choses extraordinairement

importantes pour la France. Ce sera au peuple français de décider, je n'ai pas à interférer dans son

choix. Nicolas Sarkozy a mon soutien. Je le dis clairement. Mais je ne suis pas sûr que si je

sillonnais la France en bus pour le soutenir, cela serait efficace...

Comment réagissez-vous en voyant Angela Merkel soutenir Nicolas Sarkozy de façon aussi

démonstrative ?

133

J'ai pensé que c'était bon pour Nicolas ! La relation franco-allemande est très importante. Je les

vois travailler ensemble. Pour ma part, je travaille bien avec l'un et l'autre. Je pense que le soutien

d'Angela Merkel va renforcer Nicolas Sarkozy.

Et quand vous entendez François Hollande dire que « la finance, c'est l'ennemi » ?

Nous devons réformer les services financiers. En Grande-Bretagne, nous sommes en train de

séparer les banques de dépôt et les banques d'investissement. Nous avons rendu à la Banque

d'Angleterre sa mission de régulation. Nous avons pris des mesures très importantes pour réguler

le système bancaire. Mais on ne pourra pas retrouver la santé économique sans la finance qui est

essentielle pour les entreprises, notamment les petites. Les services financiers sont indispensables

pour soutenir l'économie réelle. Et la City de Londres est un atout, non seulement pour la Grande-

Bretagne mais aussi pour toute l'Europe. Cela n'a pas de sens de diaboliser la finance.

Vous restez très opposé à toute taxe sur les transactions financières...

Si on pouvait mettre en place cette taxe partout dans le monde, elle se justifierait. Mais si vous

créez cette taxe dans une partie du monde seulement, les entreprises partiront ailleurs. Je ne crois

pas à une nouvelle taxe européenne.

En Syrie, quelles leçons retirez-vous de ce qui a été accompli en Libye, même si le contexte est

très différent ?

Il y a plusieurs leçons à tirer. Si des pays tels que la France et la Grande-Bretagne peuvent

s'entendre, cela fait une grande différence. Il faut aussi travailler avec les pays arabes et le Conseil

de sécurité confère une légitimité incomparable à l'action commune. La pression croissante

exercée par la panoplie des sanctions (gels des avoirs, interdiction de visas...) est indispensable.

Enfin, il y a ce besoin d'une opposition représentative et organisée. Mais la Syrie est très

différente et la situation y est beaucoup plus difficile.

Croyez-vous que l'ouverture du dialogue auquel l'Iran vient d'appeler l'UE permettrait d'éloigner

le risque de frappes israéliennes ?

Nous sommes tous d'accord, Européens et Américains, pour dire que si un dialogue peut être

ouvert, les Iraniens devront l'aborder dans un état d'esprit différent de celui du passé. Ils se sont

engagés sur une voie inacceptable et s'il doit y avoir un dialogue, comme l'Iran semble le

souhaiter, ce pays devra reconnaître qu'il a pris le mauvais chemin.

PROPOS RECUEILLIS PAR Alain Barluet LE CHEF du gouvernement britannique a accordé

une interview exclusive au Figaro à l'occasion de sa visite vendredi à Paris.

Article :

«Les banques françaises se sont transformées»

Nathalie Raulin

24 février 2012

Libération

Interview François Pérol, patron de BPCE, revient sur les nouvelles contraintes imposées aux

établissements bancaires et sur l'image de la finance en France :

Parachuté à la tête du groupe BPCE - qui regroupe les Caisses d'épargne et les Banques

populaires -, en mars 2009 après avoir été secrétaire général adjoint de l'Elysée, François Pérol

répond aux critiques des politiques et insiste sur les changements profonds engagés dans les

banques depuis trois ans.

Depuis mars, les candidats à la présidentielle, de droite comme de gauche, désignent ouvertement

les banques comme les fauteurs de rigueur. Trouvez-vous ces attaques justifiées ?

Lorsqu'on s'en prend à la «finance sans visage»[en référence aux propos de François Hollande,

134

ndlr], les 117 000 collaborateurs du groupe BPCE ne se sentent pas concernés. Nous avons un

visage : c'est celui de la finance au service de l'économie. C'est ça, notre banque, qui s'appuie sur

un modèle coopératif. Quand on récolte un euro en région, on réinvestit cet euro dans cette même

région. Bien sûr, il y a eu des erreurs de faites dans le passé. Mais les banques françaises sont loin

d'incarner les banques casinos, vilipendées à juste titre par l'opinion. S'ajoute à cela un

phénomène de persistance rétinienne. Car les banques françaises se sont beaucoup transformées

depuis trois ans.

Malgré la crise, la plupart des banques affichent des bénéfices confortables...

Avoir des entreprises rentables ne devrait pas être un problème ! Quand j'ai pris la responsabilité

du groupe en 2009, il était en perte. Ce n'est plus vrai aujourd'hui, et j'en suis heureux. Si cela

n'avait pas été le cas, cela me serait à juste titre reproché. Donc oui, le groupe BPCE a terminé

l'année 2011 sur un profit de 2,647 milliards d'euros. En baisse tout de même de 27% par rapport

à l'année précédente, ce qui témoigne à la fois des mauvaises conditions de marché et surtout du

provisionnement de la dette grecque. Si l'on rapporte nos profits aux capitaux immobilisés, cela

fait un retour sur capital investi de l'ordre de 6%. Rien à voir avec les rendements observés dans

la téléphonie mobile ou le luxe ! Nos résultats sont corrects, ni confiscatoires ni scandaleux, ils

sont réinvestis aux trois quarts dans le groupe.

En quoi les banques ont-elles changé ?

Le monde a changé et nous aussi ! L'assèchement de la liquidité, notamment en dollars, le

renforcement des contraintes réglementaires, entre autres en matière de couverture de risque, la

prise de conscience que ni les peuples ni les Etats ne toléreraient plus le développement d'activités

spéculatives susceptibles de menacer l'épargne et les finances publiques, tout cela nous a forcé à

changer radicalement. On a exigé de nous d'être mieux capitalisé ? C'est le cas. Chez BPCE, les

fonds propres «core tier one» [qui expriment le degré de solvabilité d'une banque] ont augmenté

de moitié en deux ans et demi, en passant de 23,3 milliards à 35,4 milliards d'euros ! Cela porte

notre ratio de solvabilité à 9,1%, comme souhaité par le régulateur.

Dans le même temps, nous avons arrêté toutes nos activités pour compte propre, c'est-à-dire les

activités spéculatives. Nous avons déjà cédé une bonne partie des actifs attachés à ces activités.

En parallèle, nous avons revu notre système de rémunération : les bonus des «preneurs de risque»

ont baissé d'un tiers en 2011 et leur versement est différé pour partie. Nous ne distribuons pas de

stock-options.

Quelle est désormais votre priorité ?

Servir nos clients. BPCE est un groupe coopératif, propriété de 8 millions de clients-sociétaires

des Caisses d'épargne et des Banques populaires. Ceux-ci s'attendent à ce que nous soyons au

service de l'économie réelle. En 2009, la banque de proximité représentait 60% de nos

engagements. C'est aujourd'hui 67%. Si nous intervenons toujours sur les marchés, c'est pour être

en mesure de répondre aux besoins des grandes entreprises. Afin de les aider à couvrir leur risque

de change ou de taux, et les aider à émettre sur le marché obligataire ou des actions. En somme,

nous devons être capables de faire tous les métiers pour être présents dans le financement de

l'économie.

Dans son discours du Bourget, le 22 janvier, François Hollande a relancé l'idée d'une séparation

entre banque de dépôts et banque de financement. Qu'en pensez-vous ?

Nous ne refusons pas ce débat qui a été alimenté ces derniers mois par des réflexions nées aux

Etats-Unis et au Royaume-Uni. BPCE a pris clairement position : pour nous, la banque, c'est le

financement de l'économie. OK pour interdire aux banques le développement des activités

spéculatives sur comptes propres. L'objectif est légitime : il s'agit d'éviter, dans le futur, de devoir

renflouer sur fonds publics des banques casinos. Mais je rappelle que les banques françaises ont

prouvé la pertinence et la solidité de leur modèle durant la crise : contrairement à une idée encore

trop répandue, elles n'ont pas perçu de subvention de l'Etat français, mais des prêts qu'elles ont

intégralement remboursés. Et ce sont celles qui, en Europe, ont le mieux financé l'économie réelle

depuis 2009.

135

Vous contestez la pertinence d'une réforme de ce type pour la France ?

Transposer des règles qui ont été écrites ailleurs, sans réfléchir à ce qui existe ici, peut conduire à

des aberrations. Un exemple : la règle britannique Vickers prévoit de filialiser les banques de

détail à l'intérieur des banques universelles. Mais contrairement à la Grande-Bretagne où ils ont

tous disparu, les groupes mutualistes représentent en France 75% du marché. Or, dans ces

groupes, c'est la banque de détail qui est propriétaire de l'ensemble des activités bancaires, et donc

des banques de financement et de marché. Il serait donc bizarre d'adopter un modèle qui ne prend

pas en compte la réalité de 75% du marché français !

Envisageriez-vous de délocaliser certaines activités de marché en cas de réforme, à votre sens,

inadaptée ?

Je n'y songe pas un instant. Je trouverais étonnant que Paris ne favorise pas sur son territoire des

activités de marché responsables. Il serait hasardeux de s'en priver et de les laisser à des acteurs

exclusivement étrangers : l'Etat est dépendant des marchés pour son financement, les grandes

entreprises et les collectivités locales, aussi. Avec Bâle III [accords de 2010 sur la réglementation

bancaire], l'Europe continentale a fait le choix d'un modèle beaucoup plus désintermédié, c'est-à-

dire qui passe davantage par le marché. Si on n'accompagne pas ce mouvement, on se coupe un

bras sans même avoir pensé à la prothèse. Il n'y a aucune raison de procéder ainsi.

Article :

La grande casse programmée de Hollande l'illusionniste

Yves de Kerdrel

31 janvier 2012

Le Figaro

Le candidat socialiste est un illusionniste. Il l'a avoué, lui-même, lors de son meeting du Bourget

où la gauche caviar ovationnait celui-là même qu'elle moquait il y a six mois. Citant Shakespeare,

le député de Corrèze a déclaré : « Nous réussirons parce que nous commencerons par évoquer le

rêve » ! Tout est dit. Faire rêver. Faire croire. Imaginer que la France est une sorte de « mobile sur

coussin d'air » où ne bat aucun coeur humain, et où les décisions peuvent être prises sans regarder

le reste de la planète.

Prendre à nouveau les Français pour des naïfs qui n'auraient pas retenu les leçons des mirages de

1981. Et ne pas tenir compte de la crise incroyable qui frappe l'économie mondiale, y compris les

pays émergents. De la crise financière qui rebat les cartes de la gouvernance européenne. De la

crise industrielle qui oblige à chercher de nouveaux schémas de pensée autour du travail, de la

formation et de l'apprentissage.

Cela fait maintenant dix mois que François Hollande bat la campagne, et décline ses oraisons

creuses, sur les routes de France. Mais les enquêtes d'opinion ne bougent pas d'un iota : si le

député de Tulle paraît populaire, il n'a encore qu'un faible capital de crédibilité. D'un côté, il y a

les soixante propositions que le candidat socialiste a rendues publiques cette semaine. Une litanie

ennuyeuse, technocratique, et faite pour montrer que le député de Corrèze a su s'entourer d'une

équipe d'experts aussi peu imaginatifs que ceux qui ont dirigé le pays depuis trente ans. D'un autre

côté, comme le négatif d'une photo, il y a tout ce qui transparaît de cette logorrhée. Tout ce

verbiage subliminal qui révèle la vraie personnalité du candidat socialiste. Il y a tout ce qui sera

détruit, cassé ou abrogé par François Hollande.

Primo : le sabotage de la politique nucléaire française. En signant un pacte faustien avec « les

diables écologistes », François Hollande a accepté de fermer progressivement 24 réacteurs

nucléaires sur les 58 existant. De cela, il n'en fait curieusement pas mention dans son programme.

Pourtant les conséquences sont connues et déjà chiffrées : ce serait la disparition de près de 500

000 emplois directs et indirects, des coûts de démantèlement et de reconversion de près de 400

milliards d'euros, et surtout une électricité - actuellement la moins chère d'Europe - dont le prix

augmenterait de 40 %. Sans compter la perte d'un bien sacré pour tous les Français :

136

l'indépendance énergétique ; une notion qui n'a pas de prix, mais qui aura un coût de plus en plus

élevé compte tenu des troubles géopolitiques.

Deuzio : la mise en coupe réglée de nos « banques universelles ». D'emblée, le candidat socialiste,

qui a désigné le monde de la finance comme son ennemi personnel, a affirmé vouloir séparer les

activités de banque d'investissement et de banque de détail. Par pure démagogie. Par simple

volonté de faire « du monde de l'argent » un bouc émissaire facile. Car si les États-Unis, la

Grande-Bretagne, l'Espagne ou l'Irlande ont connu des faillites bancaires retentissantes et si

l'Italie ou l'Allemagne pèchent encore par les difficultés de certaines de leurs maisons, les

banques françaises, elles, ont traversé ces trois années de crise, sans état d'âme, sans accroc, sans

relâcher le financement de l'économie et des ménages, et sans sombrer, non plus, dans les travers

de l'économie-casino. La « banque universelle » est un vrai succès français, que François

Hollande veut casser comme il a décidé de briser l'élan nucléaire.

Tertio : François Hollande entend réformer le quotient familial, dans un souci d'égalitarisme et de

nivellement. Sans penser un instant qu'il va mettre à terre ce qui est l'un des plus grands atouts du

pays : sa politique familiale, sa natalité, et une certaine manière de traiter les difficultés des

classes moyennes dans la période actuelle.

Lorsqu'un dirigeant d'entreprise, un chef de gouvernement ou un nouvel entraîneur sportif prend

ses fonctions, il commence par regarder ce qui fonctionne et ce qu'il faudrait améliorer. Réflexe

sain et naturel. Il s'attaque d'abord à ce qui fait défaut et tâche de préserver, coûte que coûte, ce

qui fait l'excellence d'un pays, d'une entreprise ou d'une équipe. Avec François Hollande, c'est

exactement l'inverse : les atouts du pays seront mis en coupes réglées. Quant aux points faibles,

mieux vaut ne pas y penser ! Souvenons-nous seulement de ce que disent ses amis de la Rue de

Solférino : « on lui a confié le Parti socialiste, il nous a rendu la SFIO » . La France de 2012, avec

ses atouts et ses défis, mérite beaucoup mieux qu'une sorte de Guy Mollet, se rêvant en Merlin

l'Enchanteur.

Article :

Fillon vante « l'expérience » de Sarkozy

Sophie Huet; [email protected]

19 octobre 2011

Le Figaro

Invité du Chêne, le club de Michèle Alliot-Marie, le premier ministre a critiqué l'irresponsabilité

du PS.

MAJORITÉ « Nous ne devons pas craindre le face-à-face entre Nicolas Sarkozy et François

Hollande. Dans un temps où les Français sentent qu'il ne faut pas se tromper de chemin, la solidité

et l'expérience du président de la République feront la différence. » Invité hier soir du Chêne,

l'association fondée par Michèle Alliot-Marie, le premier ministre, François Fillon, s'est présenté

en général en chef de la future campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, pilonnant le

programme du PS, « porteur , selon lui, de gros risques pour notre économie et notre modèle

social ». Face à la menace qui pèse sur la note souveraine de la France, le chef du gouvernement a

rappelé que la note « triple A » est « un acquis précieux qu'il ne faut en aucun cas fragiliser et

c'est un acquis qui n'est pas intangible ». Il a souligné que « toute mesure laxiste - et elles sont

nombreuses dans le programme du PS - entraînerait une réponse cinglante des marchés, suivie

d'une fuite des investisseurs, puis d'une hausse des taux d'intérêts, puis d'un manque de capitaux

pour nos entreprises, le tout entraînant une rupture de croissance et une augmentation forte du

chômage ». François Fillon a répondu au candidat officiel du PS, qui veut « réenchanter le rêve

français » : « Nous ne vivons pas dans un conte de fées. »

Une bataille de programmes

Fillon a aussi critiqué la « grande réforme fiscale que nous promet François Hollande (...) Elle

prendra les allures d'un choc contre les classes moyennes ». Le chef du gouvernement a encore

137

tenu à rappeler aux Français les débuts du premier septennat de François Mitterrand : « Souvenez-

vous de 1981 ! Deux années de grandes illusions, deux années de lourdes erreurs économiques et

sociales brisées par les réalités, puis couronnées par des années d'austérité, de reniement et

d'engourdissement. » François Fillon a conclu son propos par ces termes : « La bataille des

programmes et des convictions commence, et il nous reste sept mois pour la gagner. Douter,

renoncer, cesser d'avancer serait se parjurer devant l'Histoire. »

Face à une gauche qu'il qualifie d' « irresponsable », le premier ministre a demandé hier matin aux

députés UMP d'être « exemplaires » et disciplinés sur le projet de budget 2012, à moins de sept

mois de l'élection présidentielle. « Il ne doit pas y avoir de faux-semblants, il ne peut pas y avoir

de surprise, il ne peut pas y avoir de coup politique », a insisté Fillon. En cause, un amendement

du député UMP Michel Piron (Maine-et-Loire), cosigné par 85 de ses collègues, qui prévoit

d'abaisser à 150 000 euros le seuil de taxation des hauts revenus. « Ce n'est juste pas possible,

s'est exclamé Fillon. On est dans une famille. On n'a pas besoin d'occasion supplémentaire pour

affaiblir le premier ministre, le gouvernement et la majorité. »

Lors d'un arbitrage délicat obtenu le 10 octobre au soir à Matignon, en présence des présidents

des groupes UMP et Nouveau Centre, Christian Jacob et Yvan Lachaud, le seuil de taxation avait

été abaissé à 250 000 euros en revenus de référence (au lieu des 500 000 euros prévus

initialement). Le gouvernement ne veut donc pas prendre le risque du vote d'un amendement «

d'appel » à l'Assemblée, qui ferait les délices de la nouvelle majorité de gauche au Sénat. « On ne

peut pas être nous-mêmes les artisans de dissensions au sein de notre camp. On est arrivé à un

accord, c'est un compromis (...) On ne peut plus bouger sur ce sujet », a prévenu le premier

ministre. Michel Piron n'en a pas moins confié hier au Figaro qu'il « défendrait son amendement

en séance et serait à l'écoute de la réponse du gouvernement ».

Article :

A Jarnac, Hollande grave sa stature dans le marbre

Laure BRETTON

9 janvier 2012

Libération

Reportage Le candidat PS s’est rendu, hier, sur la tombe de François Mitterrand pour

l’anniversaire de sa mort, multipliant les références à l’ex-président socialiste.

Dialogue devant les grilles du cimetière de Jarnac (Charente). D’une voix douce, Gilbert

Mitterrand demande à Mazarine, sa demi-sœur, de le rejoindre aux côtés de François Hollande

avant d’aller se recueillir sur la tombe de leur père : «Tu ne peux pas y échapper...» Le candidat à

l’Elysée assiste à la scène. «On ne veut pas vous compromettre», plaisante-t-il, affable mais un

peu crispé. L’intéressée finit par consentir, tout en soulignant, dans un sourire, que «c’est quand

même un peu compromettant» en ce début de campagne.

Vingt minutes de cohue médiatique dans le cimetière de Grand’Maison et le dépôt d’une gerbe de

roses rouges plus tard, le candidat à l’Elysée prend soin de réfuter toute captation d’héritage. «Il y

a un seul message que je retiens de François Mitterrand, c’est qu’il faut aimer la France si on veut

lui donner un destin», dit-il. Mais «j’ai ma propre démarche, ma propre histoire, mon propre

parcours», insiste celui qui, s’il a commencé sa carrière politique sous l’aile de Jacques Attali,

conseiller spécial de l’ancien président, n’a jamais été un Mitterrandolâtre. Autour de lui, en

revanche, le premier cercle a pris place : Hubert Védrine, Elisabeth Guigou, Pierre Bergé, Harlem

Désir, Jack Lang, qui joue des coudes pour être sur toutes les photos.

Campagne. Sous leurs yeux, dans les allées de gravillon du cimetière, Hollande serre des mains.

A trente ans d’écart, certains aiment à souligner ce qui relie les deux «François» (lire ci-dessous).

Mais le fait que Hollande dise clairement «lui c’est lui, moi c’est moi» rassure Mazarine Pingeot,

qui marche désormais aux côtés du candidat et de sa compagne, Valérie Trierweiler. «Je préfère

138

ça que le droit d’inventaire, qui, en plus, n’avait pas été très productif» sur le plan électoral, lâche

la jeune femme. Lionel Jospin appréciera.

Pour ce pèlerinage, rien ne manque : visite de la maison natale de Mitterrand, allusions à la «force

tranquille», minute de silence devant le caveau et discours truffé de références. Ou comment

dresser un portrait en creux du candidat et du président que Hollande entend être.

Dans un silence de cathédrale où ses tentatives de bons mots font long feu, il salue en Mitterrand

«l’opposant tenace, celui qui ne lâche rien, le dirigeant clairvoyant, le rassembleur de la gauche».

Le recordman de longévité à l’Elysée – deux septennats - «ne cherchait pas la captation du

pouvoir pour lui-même, mais la poursuite du rêve français», insiste Hollande, bouclant la boucle

avec sa propre campagne.

«Bloc». Après une semaine de mobilisation générale, celle qui s’ouvre est placée sous le signe du

social, avec une série de consultations syndicales (lire page suivante). Viennent ensuite un

déplacement en région parisienne, demain, l’installation dans son QG mercredi, et voyage aux

Antilles le week-end prochain, avant le grand meeting du Bourget le 22 janvier, puis la

présentation, étalée sur une semaine, des grandes lignes de sa «plateforme» présidentielle. Le

sondage publié hier par le Journal du dimanche, où Sarkozy remonte de deux points, ne l’inquiète

pas. «Pour un début d’année, c’est plutôt bien de partir sur ces bases. Et puis un président sortant

qui arrive en deuxième position, rendez-vous compte», glisse-t-il aux journalistes. Les attaques en

piqué de la droite ? «C’est très précieux, estime le candidat. Vous avez vu, les gens font bloc, ils

serrent les rangs autour de moi.»

Alors qu’en janvier 1981, Mitterrand filait en Chine pour trois longues semaines, Hollande a

entamé 2012 sur un rythme effréné et ne compte plus s’arrêter. Avant de reprendre le train pour

Paris, on lui demande si ce week-end, entre sa tournée de vœux dans son fief corrézien et l’étape

haute en symboles de Jarnac, était une respiration. Il répond par la négative : «Pas de pause !» Et

claque la portière.

Article :

Président : « normal » ou anormal

Philippe Labro

30 mai 2011

Le Figaro

LE REGARD DE

De Gaulle le connétable, Pompidou le banquier lettré, Giscard le polytechnicien, Mitterrand

l'artiste de la politique, Chirac le cavalier, Sarkozy l'infatigable - peut-on qualifier ces hommes

comme « normaux » ?

L'adjectif « normal » s'est introduit dans un monde qui ne l'est pas : la politique. François

Hollande avait récemment déclaré que, s'il était élu en 2012, il incarnerait un président « normal

». L'ancien secrétaire général du PS voulait sans doute signifier qu'il s'évertuerait à faire preuve

de simplicité et sobriété. Depuis quelques jours, cependant, Hollande a abandonné cet adjectif. Il

est trop habile pour ne pas deviner vers quoi l'entraînerait un tel terme : banalité, moyenneté,

fadeur. Je lis dans le Littré : « Normal. Qui n'est ni exceptionnel, ni extraordinaire. Qui

correspond aux normes ». Qu'est-ce donc, alors, qu'une « norme » ? Toujours le Littré : « un état

régulier conforme à la moyenne ». Aucun des occupants de l'Élysée, depuis le début de la V e

République, n'a « correspondu à la norme ». Brève revue de détail :

De Gaulle. Le 3 septembre 1959 à Paris, Charles de Gaulle retrouve Eisenhower, président des

États-Unis, ancien grand responsable du débarquement allié du 6 juin 1944. Le Français dit à

l'Américain : « Roosevelt pensait que je me prenais pour Jeanne d'Arc. Il avait tort. Je me prenais

simplement pour le général de Gaulle. »

Antigone osant dire « non »

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Dans son livre Une histoire de France, Alain Minc écrit : « L'histoire de France aura connu trois

anomalies chromosomiques ; Jeanne d'Arc, Bonaparte, de Gaulle. Un homme qui écrit au soir de

sa vie : »On édifiera après ma mort une grande croix de Lorraine au-dessus de Colombey, elle

appellera les lapins à la résistance*, appartenait-il sans le savoir à la mouvance surréaliste ? Le

même qui répond à Michel Debré la nuit du référendum du 27 avril 1969 : »Debré, nous avons

vaincu les Allemands, les vichystes, les communistes, nous n'avons pas su apprendre à la

bourgeoisie le sens de l'intérêt national*, était-il un marxiste qui s'ignorait ? De Gaulle n'est

jamais là où on l'attend. » C'était un visionnaire. Il avait su saisir l'événement de 1940 et affirmé,

avant tout le monde, que l'Allemagne avait déjà perdu la guerre. Il échappait à tout clivage : la

gauche l'a combattu, la droite ne se reconnaissait pas en lui. Il dominait, météorite bourrée

d'humour, militaire féru de littérature, hanté par l'Histoire. Antigone osant dire « non » quand les

médiocres disaient « oui », convaincu de la grandeur d'un pays auquel il s'identifiait corps et âme,

nietzschéen envahi par la mélancolie à la fin de ses jours : « J'ai tout raté... mes laïus n'auront

jamais servi à rien : autant labourer la mer... » Sa féroce vision des hommes et des partis

dissimulait une sensibilité d'écorché, celle d'un père meurtri par le malheur de sa seconde fille,

Anne, trisomique, qu'il essayait d'amuser et dont il disait : « Son âme était faite pour un autre

corps. » Normal, de Gaulle ?

Tacticien madré

Pompidou. A priori, on pourrait croire que c'est le plus « normal », puisqu'il n'a pas rêvé, toute sa

vie, d'être porté à l'Élysée par le suffrage universel. Ça lui arrive alors qu'il est déjà un homme «

fait ». Contrairement à VGE, dont la mère lui prédisait dès son enfance qu'il serait « président »,

Georges Pompidou, né à Montboudif dans le Cantal, fils d'instituteur, agrégé de lettres, devenu

directeur général à la banque Rothschild, aura pressenti son destin présidentiel, lentement, dans

l'ombre du Général. Mais il ne l'affichera pas. Aimant la vie, l'art, la musique, donnant la

sensation que, pour lui, la politique n'était pas une obsession, il fut, cependant, un tacticien madré,

osant se détacher du grand homme pour annoncer sa disponibilité, après Mai 68. Une forte dose

de revanche en lui, après l'affaire Markovic. Une lucidité concrète sur la modernisation du pays.

L'épreuve d'une maladie qui le transforma en une statue de courage stoïque. L'autorité et la

solennité vinrent avec le pouvoir, la mesure qu'il avait su prendre de la fonction. S'il n'avait pas

disparu si tôt, il aurait plus profondément marqué la France. Normal, ce subtil auteur d'une

anthologie de la poésie, ce créateur d'un centre artistique révolutionnaire ?

VGE. Premier de classe. Esprit de géométrie poussé à l'extrême. Persuadé qu'il est plus intelligent

que tout autre. Habité par la certitude de son accession aux « grandeurs d'établissement ». Un goût

de la communication, du geste « moderne » (il s'invite à dîner « chez des gens »). Il dialogue

d'égal à égal avec les grands chefs d'État de son époque, créant le G8. Auteur de nombreuses

réformes qui modifient la vie de la société (IVG - vote à 18 ans - début du TGV) et bon défenseur

de l'Europe. Il part en disant « au revoir », laissant une chaise vide devant les caméras de

télévision. Il continuera de s'exprimer, agir (Constitution européenne), capable d'écrire des

mémoires passionnantes et des romans incongrus. Normal, Giscard ?

Mitterrand. Celui qu'Alain Duhamel a défini comme un « artiste de la politique ». Une opiniâtreté

au-delà du raisonnable. Un homme de plusieurs vérités, comme l'histoire de son pays qu'il

traverse de droite jusqu'à la gauche, en passant par l'opacité des années de guerre, avec des

amitiés qu'il ne renie pas et qui choquent. Il compense en séduisant par une intelligence et une

endurance inouïes (ce n'est pas rien de s'opposer pendant trente ans à de Gaulle et d'avoir réussi à

revenir de l'enfer des Jardins de l'Observatoire). Mystifiant et manipulant, sceptique et cynique,

expérimenté et sachant gérer le temps, il profite de façon savante des deux cohabitations. Il aura

suscité autant de haine que de fascination. Sa faculté de compartimenter, d'utiliser tout le pouvoir

dont il dispose. Premier président de gauche, sa disparition a rassemblé dans une cérémonie

extraordinaire les chefs d'État du monde entier qui avaient su jauger son ascendance sur les autres,

ses choix européens, sa culture. Normal, Mitterrand ?

Chirac. Un sens inné de son invincibilité. Il croira toujours à sa « baraka ». Il possède « une vraie

santé », qualité indispensable. Il a le génie du contact. Sa stature et son appétit, sa capacité

d'étouffer et balayer ses rivaux. Son instinct quasi animal, sa durabilité, sa popularité. Ses travers

que le grand public lui pardonne, ses passions artistiques qu'il cache avec soin pour ne pas passer

140

pour un « intellectuel », sa connaissance approfondie du terrain et du personnel politique. Le

discours historique sur le Vél' d'Hiv. Un cavalier que rien ne semblait arrêter. Normal, Chirac ?

Une adrénaline décuplée

Sarkozy. Le culot. Une adrénaline décuplée par tout événement majeur et inattendu. Un talent

dans la crise économique. La désacralisation du présidentiel. Des gaffes, gestes et mots qui en

font l'un des présidents les plus caricaturés de l'histoire. Une attirance pour le risque (« Human

Bomb », la prise d'otages à la maternelle de Neuilly) et la force d'avoir pu aller à la « conquête »

tout en subissant une déchirure sentimentale destructrice. L'avocat, fils d'immigré, qui, en 2003 et

2005, prend des coups et se relève. Un destin encore non achevé à la veille d'une élection qu'il dit

« bien sentir ». Une surexposition médiatique qu'il tente d'amoindrir. Aussi radicalement différent

qu'il puisse être de ses prédécesseurs, il a cru et croit, comme eux, que « la providence lui a

soufflé dans l'oreille ». Normal, Sarko ?

Non, aucun d'entre eux. Tous les six romanesquement hors normes. Les plus « normaux » ont

échoué : Barre, Jospin, Balladur. La vérité, c'est qu'il faut être totalement anormal pour devenir

président. Le rendez-vous de 2012 renversera-t-il cette tendance ? Il était « normal » que la

question soit posée.

Article :

François Hollande se rit des querelles de dames

PHILIPPE MARTINAT

10 décembre 2010

Le Parisien - Aujourd'hui en France

ALGER (ALGÉRIE)

DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL

« il y a des moments où il vaut mieux ne rien dire… et être loin. » Mercredi soir, François

Hollande s’accorde un moment de détente sur la terrasse d’un hôtel d’Alger, au deuxième jour de

sa visite quasi officielle — cortège d’une demi-douzaine de voitures, escorte et sirènes — dans la

capitale algérienne. Sous le soleil de la Méditerranée, l’ancien Premier secrétaire fait mine de se

désoler de la discorde qui vient d’éclater au grand jour entre Martine Aubry et Ségolène Royal.

décroché dans les sondages

Candidat non encore déclaré à la primaire socialiste, Hollande joue la responsabilité. « Je ne veux

rien dire qui puisse compliquer la tâche de la première secrétaire, confie-t-il. Je connais les

socialistes, ils ne sont pas faciles, je ne veux pas rajouter de la difficulté. » Si le député de

Corrèze, toujours au régime, se restreint aussi sur les mots, ses deux lieutenants qui

l’accompagnent, les députés européens Kader Arif et Stéphane Le Foll, ne s’embarrassent pas de

précautions. « Ça ne peut pas durer comme ça pendant encore neuf mois! » s’emporte le

Toulousain Kader Arif. « Maintenant, notre stratégie est claire », enchaîne l’athlétique Stéphane

Le Foll : « Nous ne dirons pas un mot sur les affaires du PS, mais nous aurons une position

totalement décalée dans la compétition interne. »

Nettement décroché dans les sondages du peloton de tête des trois favoris de la primaire (Strauss-

Kahn, Royal et Aubry), Hollande s’accroche comme un coureur de fond décidé à défendre ses

chances jusqu’à la ligne d’arrivée. On ne sait jamais. « Je ne suis pas dans un calcul pour négocier

je ne sais quelle place demain, j’essaie d’être utile », s’encourage-t-il à voix haute. Lui qui avait

naguère peu de goût pour les idées et les programmes bûche désormais ses propositions : réforme

fiscale globale, politique des jeunes, gouvernement économique de l’Europe.

Mieux préparé sur le fond, l’ex-patron du PS redevient plus libre sur la forme. Il se lâche sans

remords. Point de presse lors de sa rencontre avec Ahmed Ben Bella, la grande figure de

l’indépendance algérienne : on demande à Hollande, qui vient d’évoquer la participation de

trotskistes français à la révolution algérienne, à quelle gauche il aurait, lui, appartenu s’il avait

141

milité en 1962? Réponse amusée : « J’essaie de savoir de quelle gauche je suis aujourd’hui! » Sur

le parvis de Notre-Dame-d’Afrique, qui surplombe Alger, le député de Corrèze dérape un peu hier

face à une caméra de Canal + : « Est-ce que je suis normal? Oui, je pense que le temps d’un

président normal est venu. » Fin d’une longue série d’interviews. Sans prendre garde aux micros

restés ouverts, Hollande se marre : « On était bien ici. Les gens vont dire : Ce salopard, il nous

fait la leçon au soleil alors que, nous, on est sous la neige! » Un bonjour d’Algérie signé François

Hollande.

Article :

Aubry se rapproche de la candidature

François-Xavier Bourmaud; [email protected]

23 mai 2011

Le Figaro

La première secrétaire du PS prendra « ses responsabilités ». Elle affrontera le nouveau favori

Hollande et l'ex-candidate Royal.

OPPOSITION Fin du délai de décence. Une semaine jour pour jour après l'arrestation de

Dominique Strauss-Kahn à New York et sa mise hors-jeu des primaires socialistes et de la

présidentielle, les affaires ordinaires reprennent au PS. Martine Aubry a fait hier un pas de plus

vers une candidature, François Hollande s'est installé dans son nouveau statut de favori et

Ségolène Royal a tenu un meeting à Toulouse. Maintenant que l'état de sidération des socialistes

commence à s'estomper, le paysage des primaires s'éclaircit.

D'abord parce que la première secrétaire du PS cache de moins en moins ses intentions. « J'ai

toujours pris mes responsabilités, les Français le savent et je les prendrai, là aussi. Ils savent qu'ils

peuvent me faire confiance. Je prendrai mes responsabilités », a-t-elle martelé hier sur France 2 en

faisant part à de nombreuses reprises de son « envie » notamment d'être « utile à la France ». Le

manque d'appétence de la patronne du PS pour l'Élysée est l'un des nombreux reproches qui lui

sont régulièrement adressés.

Pendant que Martine Aubry se dévoilait, Bertrand Delanoë l'invitait au même moment sur Canal

+ à se présenter en utilisant une formule tout en subtilité. « Si j'étais en situation, je n'hésiterais

pas à prendre mes responsabilités » , a assuré le maire de Paris. « En situation » , lui ne l'est pas,

contrairement à Martine Aubry qui, en tant que première secrétaire du PS, bénéficie de la

légitimité institutionnelle pour prétendre à la candidature. Elle y affrontera notamment François

Hollande, qui n'en finit plus de grimper dans les sondages. D'après une enquête Viavoice pour

Libération publiée aujourd'hui, la popularité de l'ancien chef du PS bondit de 6 points à 56 %

contre 52 % pour Martine Aubry, en hausse elle aussi de 6 points.

C'est d'ailleurs à Hollande, qui se rêve en « président normal » qu'Aubry a réservé hier une

première pique. « Je suis une femme normale au sens que je vis comme tout le monde, mais je

pense que quand on veut être candidat à la présidence de la République, il faut un peu plus », a

glissé Martine Aubry sans toutefois vouloir ouvrir immédiatement les débats. « Je ne vais pas

commencer les primaires aujourd'hui ! »

« C'est l'exemple du creux »

François Hollande, lui, les a commencées depuis un moment. Après avoir poursuivi sa campagne

tout le week-end, il était hier soir l'invité du journal de 20 heures de TF1. Signe de son nouveau

statut de favori, Hollande a également essuyé les premiers tirs du camp adverse. « Je ne sais pas

ce que c'est qu'un président »normal*, a critiqué la ministre de l'Écologie, Nathalie Kosciusko-

Morizet, sur Radio J. Ça ressemble vraiment à un slogan et, en l'occurrence, c'est un slogan creux,

vraiment creux. C'est l'exemple du creux. »

Et puis il y a Ségolène Royal. Encore distancée dans les enquêtes d'opinion, l'ex-candidate de

2007 poursuit, elle aussi, sa campagne. Hier à Toulouse, elle s'est présentée en défenseur du

pouvoir d'achat. Elle a évoqué de loin l'affaire DSK. « Les femmes ne sont pas des objets, il faut

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que toute la société en prenne conscience et que l'exemple soit donné absolument partout », a-t-

elle dit en rappelant que lorsqu'elle était ministre de la Famille, elle avait fait voter « des lois sur

la protection contre les violences conjugales, les violences sexuelles, l'atteinte à la dignité des

femmes ». « On est dans un pays où seules 10 % des femmes qui subissent des agressions

sexuelles osent porter plainte parce qu'il y a insuffisamment de protection, que leur parole n'est

pas prise au sérieux », a-t-elle dit.

Les socialistes, les uns contre les autres pour les primaires ? Manuel Valls en a exprimé la crainte

hier sur RCJ en assurant redouter « que les primaires se transforment en une sorte de grand

congrès du Parti socialiste où nous ne parlerions que de nos problèmes internes, nos rivalités, en

une compétition qui ne serait tournée que vers nous-mêmes et non pas vers les Français ». Le

député maire d'Évry avait auparavant redemandé de mettre les primaires « entre parenthèses ». En

vain. Mais après tout, le « délai de décence » est terminé.

Article :

L'UMP accuse les socialistes d'abaisser le débat

Judith Waintraub; [email protected]

Jean-Baptiste Garat et Judith Waintraub

5 janvier 2012

Le Figaro

Pour Copé, le candidat PS est « faible sur le fond » et se réfugie dans « l'injure ».

MAJORITÉ L'a dit ? L'a pas dit ? La nouvelle a fait les délices des petits déjeuners en ville, hier

matin : François Hollande aurait traité Nicolas Sarkozy de « sale mec » devant des journalistes !

Du moins, d'après Le Parisien . Quelques heures plus tard, l'explication tombe, et le scandale avec

: le candidat socialiste a en fait spéculé sur la stratégie de son adversaire. Il a prédit que le

président sortant s'adresserait aux Français en brodant sur le thème : « Je suis un président en

échec depuis cinq ans, je suis un sale mec, mais réélisez-moi parce que, dans cette période

difficile, je suis le seul capable. » Version confirmée par François Hollande lui-même hier après-

midi. En visite à Mérignac, il dénonce une « manipulation » et se saisit de l'affaire pour sonner la

charge contre l'UMP (lire ci-dessous).

Mais dans le camp de Nicolas Sarkozy, on considère que l'agressé, c'est le président. Lors de ses

voeux à la presse, hier, Jean-François Copé parle d' « une insulte très choquante, et indigne, qui

rappelle singulièrement celle de M. Jospin contre M. Chirac. » C'était en 2002. Lionel Jospin,

premier ministre et candidat, avait jugé Jacques Chirac « vieilli » et « usé ». Une aubaine pour la

droite, qui s'était empressée de siffler la faute.

Visiblement, l'UMP espère aujourd'hui que les mêmes causes produiront les mêmes effets.

Indifférente aux démentis qui se sont succédé toute la journée, elle a clamé son indignation.

Valérie Rosso-Debord a été la première à dégainer. « Le vrai François Hollande se fait jour, a

affirmé la députée de Meurthe-et-Moselle. Le petit homme débonnaire, sympathique et banal se

révèle en fait un homme qui insulte un autre homme, et un homme qui méprise une fonction

présidentielle. » Dans la foulée, l'UMP exige des « excuses » , par la voix, entre autres, de Nadine

Morano et de Brice Hortefeux. Pour le lieutenant de Nicolas Sarkozy, « François Hollande

rappelle une fois de plus qu'il n'a pas la stature d'un chef d'État. Il n'est ainsi respectueux ni des

institutions ni des hommes. »

Mais gare aux dérapages. En Conseil des ministres, Nicolas Sarkozy lâche une phrase qui peut

être interprétée, au choix, comme une réponse indirecte à François Hollande, ou comme un

avertissement aux dirigeants de la majorité : « Il faut toujours être dans le débat d'idées, ne pas

être sur les attaques de personnes, parce que cela abaisse le débat et que c'est un signe de

faiblesse. »

À la sortie du Conseil, les ministres parlent d'une même voix. Pierre Lellouche explique que ce

n'est « pas bien dans le débat démocratique d'attaquer les personnes ». « En démocratie, il est bon

143

qu'il y ait des propositions, pas des attaques personnelles. À mon avis, François Hollande a fait

une grosse erreur » , juge le secrétaire d'État au Commerce extérieur. « C'est un mauvais candidat

parce que s'il démarre la campagne ainsi, il la rend médiocre , approuve Gérard Longuet. La

France mérite mieux que ce type de formule. »

Comprendre : si le niveau de la campagne baisse, c'est la faute à Hollande et à son entourage. Tôt

dans la matinée hier, Claude Guéant a accusé l'équipe du candidat socialiste de se « laisser aller à

des propos violents, mensongers, à des insultes » . Et pourquoi tant de haine ? « Il y a des choses

qui ne trompent pas , répond Jean-François Copé. Le vrai marqueur d'une campagne, c'est la

capacité des candidats à privilégier le débat de fond. Quand un candidat n'est pas sur le fond, c'est

qu'il est faible sur le fond. Alors il utilise le registre de l'injure ou de l'instrumentalisation des

»affaires*. Là, on a exactement ce cocktail, comme par hasard. » CQFD.

Article :

«Sale mec» de Hollande : l'UMP en fait un fromage

Alain Auffray

5 janvier 2012

Libération

Récit La majorité a multiplié les déclarations outrées, hier, après la saillie attribuée au socialiste

contre Nicolas Sarkozy.

L'UMP voulait commencer l'année en fanfare. C'est un feu d'artifice qu'elle a offert hier à son

candidat, Nicolas Sarkozy. Toute la matinée, les canonniers de la droite, chauffés à blanc par

Jean-François Copé, se sont déchaînés contre François Hollande, coupable de s'être laissé aller à

traiter le chef de l'Etat de «sale mec». C'est en tout cas ce qui était suggéré, au détour d'une

phrase, dans un article du Parisien, relatant un déjeuner de presse du candidat du PS.

Les participants à ce déjeuner «off» ont tous assuré que François Hollande avait prononcé ces

mots sur le ton de la plaisanterie, en les mettant dans la bouche de Sarkozy. Une parodie, pas une

insulte : sur ce point, les convives sont unanimes. Hollande s'est mis dans la peau d'un Sarkozy se

présentant aux Français comme le capitaine courage qui ne craint pas l'impopularité : «Je suis le

président de l'échec, je suis un sale mec, mais dans cette période difficile, je suis le seul

capable...»

«Faux pas». Qu'importe. Ce «sale mec» donnait à l'UMP l'occasion inespérée de faire la

démonstration de sa puissance de feu. Ne laisser passer aucune occasion de «taper Hollande»,

telle est la doctrine des stratèges de l'Elysée. Dûment briefée en marge du Conseil des ministres,

la ministre de l'Apprentissage, Nadine Morano, est sortie seule, sur le perron de l'Elysée.

Bouillante de colère, elle a exigé «des excuses publiques» de François Hollande, dont les propos

sont «intolérables» et «inqualifiables». Prenant ses désirs pour la réalité, l'intrépide sarkozyste a

suggéré que le socialiste aurait commis une erreur fatale, comparable à celle de son mentor Lionel

Jospin en mars 2002, «lorsqu'il s'était laissé aller sur Jacques Chirac, le qualifiant de vieux et

d'usé». Les dirigeants de la majorité ont chacun leur tour spéculé sur une répétition du fameux

«faux pas» qui aurait coûté sa défaite à Jospin.

Inaugurant le nouveau siège parisien de son parti, rue de Vaugirard, le chef de l'UMP, Jean-

François Copé, avait la mine du républicain consterné par les «insultes très choquantes» adressées

au chef de l'Etat. Face à Hollande, qui manie «la rumeur et l'injure», il fait, lui, «le pari du débat

de fond». Pour ce faire, il souligne que la droite peut compter sur une «nouvelle génération

réactive». Allusion aux «snipers» que l'UMP envoie au front ces dernières semaines.

Reçus deux fois par mois à l'Elysée par Sarkozy, ces jeunes élus sont également associés aux

réunions de la «cellule riposte» animée par Brice Hortefeux. A en juger par leur déchaînement,

hier matin, il apparaît qu'ils ne s'embarrassent pas des subtilités de la riposte graduée. Sommés de

montrer ce qu'ils ont dans le ventre, les «snipers» étaient hier dans une surenchère totalement

assumée. « Battez-vous, il y en aura parmi vous qui émergeront, nous a dit en substance Nicolas

144

Sarkozy», confie l'un d'eux.

Dans ce concours de Hollande-bashing, Valérie Rosso-Debord, députée de Meurthe-et-Moselle, a,

comme souvent, dégainé la première : elle a convoqué «la démocratie» qui, écrit-elle dans un

communiqué, «ne s'accommode ni de l'injure ni du dénigrement». Elle a vu «le vrai François

Hollande», non pas un «petit homme débonnaire», mais «un homme qui insulte et méprise la

fonction présidentielle». Pour le député Franck Riester, autre cogneur de la cellule riposte,

Hollande aurait «fait tomber la campagne présidentielle dans le caniveau» parce qu'il ne sait plus

quoi inventer pour détourner l'attention des Français de son incapacité à formuler des

propositions. Sébastien Huyghe, député UMP du Nord, estime qu'il est établi que «l'invective

constitue désormais une véritable stratégie de campagne du candidat du Parti socialiste». «Sale

mec», avec ces deux mots vaguement rapportés par le Parisien, Hollande serait, selon le

parlementaire, tombé «au degré zéro de la politique». Le quatrième sniper de la droite, Bruno

Beschizza, élu UMP d'Ile-de-France, dénonce des injures savamment orchestrées. Aucun doute,

d'après lui, Hollande sera «le candidat de la vulgarité».

«Culot». En visite près de Bordeaux, le candidat du PS a dénoncé la «manipulation» de ses

propos (lire ci-contre).«Les snipers de l'UMP surjouent les indignés», a constaté le sénateur-maire

de Dijon, François Rebsamen, soulignant «le culot» de ceux qui «exigent des excuses publiques»

de celui qu'ils «insultent quotidiennement depuis plusieurs mois». Sur France Inter, le député

Bernard Cazeneuve ne s'est pas privé de rappeler qu'en matière d'injure, Sarkozy a placé la barre

très haut. «Très honnêtement, si François Hollande avait dit à Nicolas Sarkozy "Casse-toi pauvre

con", il aurait eu légitimement les raisons de s'en plaindre, parce que ce type de propos sont assez

inconvenants et tout à fait incorrects et malséants. Mais ce n'est pas ce que François Hollande dit

et François Hollande ne sera pas le président du "Casse-toi pauvre con"», a-t-il souligné.

L'entourage de Hollande constate que la majorité trahit «une grande fébrilité» et jure qu'il n'y a

«pas de cellules des basses œuvres ni de snipers» au service du socialiste. Et de garantir qu'au PS,

il «n'y aura pas de "off", pas de "on", mais une campagne exigeante». Périlleuse promesse...

Article :

Hollande demande l'arrêt des « polémiques incessantes »

Angélique Négroni; [email protected]

Nicolas BarotteEnvoyé spécial à Mérignac Envoyé spécial à Mérignac

5 janvier 2012

Le Figaro

EN SORTANT du restaurant Chez Françoise, où il vient de déjeuner, mardi, avec quelques

éditorialistes et journalistes parisiens, François Hollande est tout sourire. Il plaisante même avec

un responsable socialiste qu'il croise et qui déjeunait là aussi avec d'autres rédacteurs : « Il ne faut

jamais parler avec des journalistes », s'amuse Hollande. Le candidat à la présidentielle ne croyait

pas si bien dire. Il a suffi d'une demi-phrase retranscrite hier dans Le Parisien pour déclencher une

avalanche furibonde de l'UMP. François Hollande semblait y traiter Nicolas Sarkozy de « sale

mec ». À droite, on a immédiatement crié au scandale et exigé des excuses publiques.

Aussitôt la polémique lancée, François Hollande a donné la consigne à ses proches : dénoncer une

« manipulation », leur a-t-il dit. Le socialiste est sûr de son coup. En réalité, il ne s'en est pas

directement pris au chef de l'État durant ce déjeuner où il a moqué une éventuelle entrée en

campagne de Nicolas Sarkozy façon mea culpa. « Il va se présenter devant les Français et leur

dire : »Je suis un président en échec depuis cinq ans, je suis un sale mec, mais réélisez-moi parce

que, dans cette période difficile, je suis le seul capable* », a confié Hollande aux journalistes,

selon le récit complet que Le Parisien, notamment, a fait hier. Ce n'est pas tout à fait pareil, même

si ce n'est pas très flatteur non plus pour le président...

Beau rôle

François Hollande voit le profit qu'il peut tirer de la situation. Il veut taper du poing sur la table.

145

Alors, hier, en marge d'un déplacement à Mérignac, en Gironde, il n'élude pas la question du «

sale mec », qu'il attend au contraire. « Ça suffit », assène-t-il en dénonçant « l'ambiance » de ce

début de campagne. « Je n'accepte pas les polémiques incessantes venant de l'UMP. Aujourd'hui à

partir d'une manipulation de mes propos, hier à partir de déclarations que j'ai pu faire, avant-hier à

partir de mes propositions », poursuit-il. Il pense, par exemple, aux attaques qu'avait suscitées un

de ses commentaires sur l'éventuelle perte du AAA par la France.

« Ce que j'ai à dire de Nicolas Sarkozy, je le dis publiquement et sans intermédiaire », renchérit-il

lors d'un point presse où il inaugure son nouveau logo de campagne. « Je ne suis jamais dans la

grossièreté, je laisse cela à d'autres », poursuit-il. Dans son esprit, il pense peut-être aux

commentaires de Nicolas Sarkozy qui l'avait traité de « petit » ou de « Guy Bedos ». « Je placerai

le débat public au bon niveau. Ce que les Français attendent, ce sont des réponses », conclut-il.

Le soir, lors de son premier meeting de campagne, il a dénoncé « l'acharnement » de la droite,

qu'il perçoit cependant comme un « hommage » . « S'ils nous jugeaient faibles, seraient-ils si

acharnés ? S'ils avaient la vérité pour eux, auraient-ils besoin de la travestir ? » a-t-il lancé devant

plus de 2 000 sympathisants.

François Hollande voudrait conserver le beau rôle dans l'histoire. Pour remporter la présidentielle,

la gauche mise sur l'anti-sarkozysme. Dans l'équipe Hollande, on n'entend donc pas oublier de

relayer le rejet dont fait l'objet le chef de l'État. « On ne va pas masquer cet aspect », admet l'un

des porte-parole, Bruno Le Roux. En étant plus mordants avec Sarkozy, les socialistes se disent «

sûrs d'être dans le ton ».

François Hollande, qui se rend aujourd'hui à la raffinerie Petroplus près de Rouen, a corrigé sa

stratégie de campagne. Même s'il a remporté la primaire socialiste, il est encore perçu par

l'opinion comme manquant de caractère. Mardi, sur France 2, il a ironisé. « Pensez-vous que, pour

arriver là, je n'ai pas eu de force de caractère ? » François Hollande, faux gentil.

146

Article : double page dans Libération, le 24/01/2012.

FP : sur cette page, on distingue, sous le titre principal, les extraits ou « petites

phrases ».

147

148

Article : Le Figaro, le 24/01/2012

FP : « morcellement » un peu moins prononcé dans Le Figaro

149

ANNEXE III : Statistiques complètes des extractions

Les tableaux qui suivent rassemblent les statistiques complètes d’extraction des

articles. Les lignes de titre se lisent selon le tableau de légende ci-dessous :

Légende

Journal

Libération L

Le Figaro F

Type d'article

Article Ar.

Editorial Ed.

Interview Int.

Regard extérieur R ex.

Format de la petite phrase

Objet de l'article Obj.

"Petite phrase" citée Cit.

Allusion All.

Thématique Th.

Positionnement

Pour P

Contre C

Neutre N

150

Mots-clés de recherche

Hollande ET Finance A (58)

Hollande ET le monde de la finance B (25)

Cet adversaire, c'est le monde de la finance C (3)

Titre de l'article Mots-

clés Date

Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

L F Ar. Ed. Int. R ex. Obj. Cit. All. Th. P C N

Hollande entre en piste au bourget C 23/01/2012 1 1 1 1

Coppé : "Ce n'est pas le discours du courage" B 23/01/2012 1 1 1 1

Hollande s'ancre à gauche C 23/01/2012 1 1 1 1

Banques, logements, services publics : un projet très

rose B 23/01/2012 1 1 1 1

Cet argent qui corrompt A 24/01/2012 1 1 1 1

l'UMP reprend le refrain du "candidat des années

70-80" B 24/01/2012 1 1 1 1

Un rival nommé chômage A 24/01/2012 1 1 1 1

Front de gauche et écolos déphasés B 24/01/2012 1 1 1 1

"Casser la finance mène à la catastrophe" A 24/01/2012 1 1 1 1

"Il faut adopter des réformes radicales" B 24/01/2012 1 1 1 1

Hollande augmente sa part de marché B 24/01/2012 1 1 1 1

Risques A 24/01/2012 1 1 1 1

Hollande et la finance C 24/01/2012 1 1 1 1

Hollande cherche son point d'équilibre A 24/01/2012 1 1 1 1

La stigmatisation des banquiers, un jeu dangereux A 24/01/2012 1 1 1 1

Le débat rebondit sur la séparation des banques A 24/01/2012 1 1 1 1

Hollande, inspecteur de la finance A 24/01/2012 1 1 1 1

Dans les usines, Mélenchon turbine A 25/01/2012 1 1 1 1

Statistiques complètes

"Cet adversaire, c'est le monde de la finance"

151

« Cet adversaire, c’est le monde de la finance »

Titre de l'article Mots- clés

Date Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

L F Ar. Ed. Int. R ex. Obj. Cit. All. Th. P C N

Hollande veut pousser son avantage face au

président A 25/01/2012 1 1 1 1

Selon Gérard Collomb, "François Bayrou va

atteindre un plafond" A 25/01/2012 1 1 1 1

Fillon et Coppé se relaient pour remobiliser l'UMP A 25/01/2012 1 1 1 1

Pour François Bayrou, le PS court après Mélenchon B 25/01/2012 1 1 1 1

Le contresens à propos de François hollande B 26/01/2012 1 1 1 1

Valérie Pécresse : "Hollande menace la pérennité de

notre modèle social" A 26/01/2012 1 1 1 1

Pour Fillon, "la présidentielle n'est pas encore

écrite" B 26/01/2012 1 1 1 1

Alain Juppé, l'atout maître de Sarkozy pour la

campagne" A 26/01/2012 1 1 1 1

François Hollande assume les hausses d'impôt A 27/01/2012 1 1 1 1

Jean-Luc Mélenchon "un filet d'eau tiède" B 27/01/2012 1 1 1 1

Projet UMP : Lonetti veut "plus d'humain" A 27/01/2012 1 1 1 1

La valse à trois temps A 27/01/2012 1 1 1 1

Gare à l'abus de confiance B 27/01/2012 1 1 1 1

Programme électoral de François Hollande, Repères A 27/01/2012 1 1 1 1

François Hollande ou l'art d'ignorer les crises B 27/01/2012 1 1 1 1

"la dynamique du Front de Gauche est amplifiée

par le PCF" A 28/01/2012 1 1 1 1

Le Pen a encore copié sur Mélenchon A 28/01/2012 1 1 1 1

"Le chef de l'Etat a une petite chance sur deux" A 28/01/2012 1 1 1 1

152

« Cet adversaire, c’est le monde de la finance »

Titre de l'article Mots- clés

Date Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

L F Ar. Ed. Int. R ex. Obj. Cit. All. Th. P C N

A Grenoble, Francois Hollande en appelle à De

Gaulle et obama B 28/01/2012 1 1 1 1

Hortefeux invite la droite à un "combat

enthousiaste" A 28/01/2012 1 1 1 1

Les attaques de Hollande agacent la City B 30/01/2012 1 1 1 1

L'Elysée veut contre-attaquer sur la taxation

financière B 30/01/2012 1 1 1 1

La grande casse programmée de Hollande

l'illusionniste B 31/01/2012 1 1 1 1

La chronique de Alain-gérard Slama A 01/02/2012 1 1 1 1

Les nouveaux combats de Montebourg A 01/02/2012 1 1 1 1

Nicolas Sarkozy va devoir affronter un PS new look A 02/02/2012 1 1 1 1

Montebourg, "la Rose et le Reseda" au point B 04/02/2012 1 1 1 1

Régulation : les banques prennent les devants A 04/02/2012 1 1 1 1

Les investisseurs courent après le papier A 06/02/2012 1 1 1 1

François Hollande et la leçon du PSOE A 08/02/2012 1 1 1 1

Hollande passe l'école en tête A 10/02/2012 1 1 1 1

Une mécanique à dérouiller A 10/02/2012 1 1 1 1

Taxe Robin des bois : lettre ouverte à François

Hollande A 13/02/2012 1 1 1 1

Mélenchon accuse Hollande de "mépriser" les

communistes A 15/02/2012 1 1 1 1

Un candidat, deux langages A 15/02/2012 1 1 1 1

La journée particulière de François Hollande A 16/02/2012 1 1 1 1

Hollande réplique à Sarkozy sur le fond A 17/02/2012 1 1 1 1

Sarkozy en fait des tonnes en Savoie A 17/02/2012 1 1 1 1

Placé se rappelle au souvenir du PS B 17/02/2012 1 1 1 1

153

« Cet adversaire, c’est le monde de la finance » »

Titre de l'article Mots- clés

Date Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

L F Ar. Ed. Int. R ex. Obj. Cit. All. Th. P C N

Cameron : "nous sommes pleinement engagés en

Europe" A 18/02/2012 1 1 1 1

Hollande défend l'exemple corrèzien A 18/02/2012 1 1 1 1

Ollier pointe "l'inexpérience" du candidat PS A 18/02/2012 1 1 1 1

Quand le PS joue l'indignation B 18/02/2012 1 1 1 1

Marine Le Pen : popu fait de la résistance A 20/02/2012 1 1 1 1

Hollande peaufine la stratégie de l'esquive B 20/02/2012 1 1 1 1

"Une campagne plus dure qu'aux Etats-Unis" B 23/02/2012 1 1 1 1

La politique du petit père Queuille A 23/02/2012 1 1 1 1

Claude Allègre : "François hollande a toujours deux

discours" A 23/02/2012 1 1 1 1

"Les banques françaises se sont transformées" A 24/02/2012 1 1 1 1

Miracle à Lille : Nicolas Sarkozy ressuscite Rachida

Dati A 24/02/2012 1 1 1 1

François Hollande risuqe de faire reculer la France

derrière l'Italie et l'Espagne A 25/02/2012 1 1 1 1

Taxe "Robin des bois" : hollande répond aux ONG A 27/02/2012 1 1 1 1

Et le PS fit surgir le facteur Crésus B 29/02/2012 1 1 1 1

Fiscalité : Hollande a du rupin sur la planche A 29/02/2012 1 1 1 1

Taxe "Robin des bois", ceux qui en parlent et ceux

qui la font B 01/03/2012 1 1 1 1

Hollande version tamisée à Londres A 01/03/2012 1 1 1 1

Repères. Hollande en Grande Bretagne A 01/03/2012 1 1 1 1

Hollande : La supertaxe expliquée aux Anglais A 01/03/2012 1 1 1 1

154

"Cet adversaire, c'est le monde de la finance"

Titre de l'article Mots- clés

Date Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

L F Ar. Ed. Int. R ex. Obj. Cit. All. Th. P C N

Cameron n'a pas souhaité recevoir le candidat PS A 01/03/2012 1 1 1 1

Michel Rocard : "On est dans l'imbécilité politique

collective" B 02/03/2012 1 1 1 1

Dangerous or not Dangerous? A 02/03/2012 1 1 1 1

Pour Le Maire, Hollande est un "homme montgolfière" A 03/03/2012 1 1 1 1

Une campagne présidentielle gaulo-gauloise B 08/03/2012 1 1 1 1

Patriotes, saucisse ou merguez? A 10/03/2012 1 1 1 1

"Sarkozy fait semblant de briser Schengen pour

draguer le FN" A 12/03/2012 1 1 1 1

Le tour de Hollande en deux jours A 15/03/2012 1 1 1 1

Bibliothèque des essais A 15/03/2012 1 1 1 1

"Le Parti socialiste reste la colonne vertébrale de la

gauche" A 19/03/2012 1 1 1 1

Total articles : 86 43 43 57 8 10 11 15 19 44 8 22 44 20

50,00% 50,00% 66,28% 9,30% 11,63% 12,79% 17,44% 22,09% 51,16% 9,30% 25,58% 51,16% 23,26%

155

Mots-clés de recherche

Hollande ET Le rêve français A (21)

Hollande" ET "Réenchanter le rêve français B (10)

"Hollande" ET "Réenchanter" (seuls) C (8)

"Réenchanter" (seul) D (3)

Titre de l'article Mots-

clés Date

Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

L F Ar. Ed. Int. R ex. Obj. Cit. All. Th. P C N

Le projet Hollande "inadapté" selon Fillon B 18/10/2011 1 1 1 1

Un vrai risque de scission au sein de l'union B 19/10/2011 1 1 1 1

Pour l'UMP, le projet socialiste menace la note de la

France C 19/10/2011 1 1 1 1

Moody's suspend le crédit de l'Elysée A 19/10/2011 1 1 1 1

Fillon vante "l'expérience" de Sarkozy B 19/10/2011 1 1 1 1

"Triple A", triple exigence B 19/10/2011 1 1 1 1

Sarnez oppose "la cohérence de Bayrou" à l'idéologie

dépassée" des socialistes A 21/10/2011 1 1 1 1

Claude Guéant : "Nicolas Sarkozy est une valeur sûre" C 22/10/2011 1 1 1 1

Lefebvre appelle à la modération B 22/10/2011 1 1 1 1

A la halle Freyssinet, tout le PS frissonnait A 24/10/2011 1 1 1 1

La guerre des nerfs a débuté entre Hollande et ses alliés A 25/10/2011 1 1 1 1

l'UMP à la recherche d'une synthèse pour son projet B 26/10/2011 1 1 1 1

Hortefeux : "Avec Hollande, nous avons le mensonge" C 27/10/2011 1 1 1 1

Eric Woerth milite pour un discours positif D 27/10/2011 1 1 1 1

Quand Sarkozy plastronne, Hollande tâtonne A 07/11/2011 1 1 1 1

Il ne faut pas confondre Hollande et Pays-bas B 07/11/2011 1 1 1 1

Statistiques complètes

"C’est le rêve français que je veux réenchanter"

156

"C’est le rêve français que je veux réenchanter"

Titre de l'article Mots-clés

Date Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

L F Ar. Ed. Int. R ex. Obj. Cit. All. Th. P C N

Hollande blague-t-il en pédalo? C 19/11/2011 1 1 1 1

Ce blues qui sourdement nous attrappe à la nuque D 16/12/2011 1 1 1 1

La longue marche d'un candidat surprise A 30/12/2011 1 1 1 1

"Ces cinq années auront été la présidence de la parole" A 03/01/2012 1 1 1 1

Bien Vuvéziane de Vezins C 06/01/2012 1 1 1 1

Sur son site officiel dans la rubrique "le rêve

français"… A 06/01/2012 1 1 1 1

A Jarnac, Hollande grave sa stature dans le marbre A 09/01/2012 1 1 1 1

Verbe, attitude, ancrage : le jeu des deux François A 09/01/2012 1 1 1 1

Hollande se pose en "successeur" de Mitterrand A 09/01/2012 1 1 1 1

Martine Aubry signe pour un nouveau rôle A 11/01/2012 1 1 1 1

François Hollande et la langue de caoutchouc A 12/01/2012 1 1 1 1

Pour Hollande, les Antilles, c'est pas des vacances A 17/01/2012 1 1 1 1

l'UMP dénonce l'attitude des socialistes B 17/01/2012 1 1 1 1

François Hollande au jeu du "je" A 21/01/2012 1 1 1 1

Hollande entre en pistes au Bourget A 23/01/2012 1 1 1 1

Les Grandes orgues du Bourget C 23/01/2012 1 1 1 1

Gare à l'abus de confiance A 27/01/2012 1 1 1 1

Président jusqu'au bout, Nicolas Sarkozy lance de

nouvelles réformes A 30/01/2012 1 1 1 1

L'interprétation du rêve français A 31/01/2012 1 1 1 1

Le Frein et l'accélérateur B 01/02/2012 1 1 1 1

Nicolas Sarkozy va devoir affronter un PS new-look A 02/02/2012 1 1 1 1

François Hollande et la leçon du PSOE C 08/02/2012 1 1 1 1

157

"C’est le rêve français que je veux réenchanter"

Titre de l'article Mots-clés

Date Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

L F Ar. Ed. Int. R ex. Obj. Cit. All. Th. P C N

Quand un socialiste met en garde un autre socialiste C 09/02/2012 1 1 1 1

De grands mots pour une faible ambition B 10/02/2012 1 1 1 1

Churchill est-il toujours vivant? D 14/02/2012 1 1 1 1

Le credo du président-candidat A 16/02/2012 1 1 1 1

Total articles : 42 16 26 36 2 0 4 2 13 27 0 11 23 8

38,10% 61,90% 85,71% 4,76% 0,00% 9,52% 4,76% 30,95% 64,29% 0,00% 26,19% 54,76% 19,05%

158

Mots-clés de recherche

Président normal A (30)

Candidat normal B (26)

Hollande ET Normalité C (15)

Autres 7

Titre de l'article Mots-

clés Date

Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

L F Ar. Ed. Int. R ex. Obj. Cit. All. Th. P C N

Hollande : "Il n'y a pas de candidat providentiel" B 12/01/2011 1 1 1 1

Le moment Hollande B 13/01/2011 1 1 1 1

A Tulle, Hollande s'est élancé A 01/04/2011 1 1 1 1

Une candidate du peuple pas très populaire C 18/04/2011 1 1 1 1

François Hollande vut prendre Strauss Kahn de

vitesse A 28/04/2011 1 1 1 1

En Corrèze, Sarkozy et Hollande font assaut de

chiraquisme A 29/04/2011 1 1 1 1

Branle bas de combat chez DSK B 04/05/2011 1 1 1 1

2012 : Sarkozy se veut "indépendant" A 04/05/2011 1 1 1 1

Stimulé par DSK, Hollande passe au régime

supérieur A 09/05/2011 1 1 1 1

Comment sortir des trente calamiteuses? A 13/05/2011 1 1 1 1

la fin de l'exception sexuelle C 17/05/2011 1 1 1 1

Nixolas Sarkozy, l'occasion de repsirer un peu C 17/05/2011 1 1 1 1

François Hollande, privé de son rival, il doit revoir

sa stratégie A 17/05/2011 1 1 1 1

Hollande endosse le costume de favori pour les

primaires A 18/05/2011 1 1 1 1

Les adversaires de l'ancien premier secrétaire

s'organisent B 21/05/2011 1 1 1 1

Statistiques complètes

"Président normal"

159

"Président normal"

Titre de l'article Mots-clés

Date Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

L F Ar. Ed. Int. R ex. Obj. Cit. All. Th. P C N

A Dijon, Hollande reprend le chemin de l'Elysée A 21/05/2011 1 1 1 1

Hollande étrenne son costume de favori A 21/05/2011 1 1 1 1

Pas de regain populiste avec l'affaire C 23/05/2011 1 1 1 1

En Bref B 23/05/2011 1 1 1 1

Hollande sur sa lancée, Aubry sur ses talons A 23/05/2011 1 1 1 1

Aubry se rapproche de la candidature A 23/05/2011 1 1 1 1

En Bref C 24/05/2011 1 1 1 1

En Bref C 24/05/2011 1 1 1 1

Montebourg : "Hollande et Aubry nous ont fait

perdre en 2002" A 24/05/2011 1 1 1 1

Ambiance primaire au PS B 25/05/2011 1 1 1 1

François Hollande A 28/05/2011 1 1 1 1

Ductilité C 28/05/2011 1 1 1 1

L'humeur du temps A+C 28/05/2011 1 1 1 1

Après l'adoption du projet, la bataille des candidats

peut commencer au PS C 30/05/2011 1 1 1 1

Président : "normal" ou anormal A 30/05/2011 1 1 1 1

Les Dugenou, par Anne fulda A+C 02/06/2011 1 1 1 1

Le président a évoqué la triste affaire Strauss Kahn B 09/06/2011 1 1 1 1

Désormais favori, Hollande cherche à se

présidentialiser A+B 10/06/2011 1 1 1 1

Royal, candidate paranormale B 10/06/2011 1 1 1 1

"Le prochain président doit être l'inverse de

Sarkozy" A 15/06/2011 1 1 1 1

François Hollande, le candidat anormal B+C 16/06/2011 1 1 1 1

L'onde de choc de l'affaire DSK modifie le paysage

politique B 21/06/2011 1 1 1 1

Sarkozy en 3D, Aubry en Sépia C 27/06/2011 1 1 1 1

Présidentielle, métaphysique de la République B 01/07/2011 1 1 1 1

160

"Président normal"

Titre de l'article Mots-clés

Date Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

L F Ar. Ed. Int. R ex. Obj. Cit. All. Th. P C N

"J'ai la volonté de transformer la vie" A 11/07/2011 1 1 1 1

"Je peux accélérer, ralentir, m'envoler" A 20/08/2011 1 1 1 1

François hollande. Une avance à gérer A 26/08/2011 1 1 1 1

Eloge de la normalité C 14/09/2011 1 1 1 1

Repères : DSK C 17/09/2011 1 1 1 1

A "Libé", un Hollande solennel A 04/10/2011 1 1 1 1

La primaire PS côté coulisse A+C 04/10/2011 1 1 1 1

Postures et impostures politiques C 05/10/2011 1 1 1 1

Royal dit oui à Hollande C 13/10/2011 1 1 1 1

En primaire, révise ton vocabulaire B 15/10/2011 1 1 1 1

Etre candidat, c'est une forme d'impudeur A 15/10/2011 1 1 1 1

Hollande, haut la main B 17/10/2011 1 1 1 1

La droite lance la riposte contre le candidat

"normal" B+C 17/10/2011 1 1 1 1

Sur Inter, des billets doux-amers B 19/11/2011 1 1 1 1

"Si tu refais ça, je te tue" A 26/11/2011 1 1 1 1

Hollande, entre l'espoir et le fromage B 12/12/2011 1 1 1 1

Villepin assure qu'il ira "jusqu'au bout" A 14/12/2011 1 1 1 1

Villepin, poor lonesome candidat A 14/12/2011 1 1 1 1

La longue marche d'un candidat surprise B 30/12/2011 1 1 1 1

Paysage de Hollande B 09/01/2012 1 1 1 1

Hollande déménage B 12/01/2012 1 1 1 1

Hollande veut pousser son avantage face au

président B 25/01/2012 1 1 1 1

Encore un mot B 28/01/2012 1 1 1 1

A Grenoble, Hollande en appelle à De Gaulle et

Obama A 28/01/2012 1 1 1 1

Craig Finn, le candidat C 01/02/2012 1 1 1 1

Le culte du sauveur A 02/02/2012 1 1 1 1

Hollande, faux candidat "normal" et vrai idéologue A+B+C 07/02/2012 1 1 1 1

161

"Président normal"

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Date Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

L F Ar. Ed. Int. R ex. Obj. Cit. All. Th. P C N

Viande halal : le président accuse le FN de

tromperie B 22/02/2012 1 1 1 1

Le duel du bonapartisme et du radicalisme A 23/02/2012 1 1 1 1

Face àsarkozy, Hollande retient ses coups B 03/03/2012 1 1 1 1

Le conseiller territorial dans le collimateur du PS A 05/03/2012 1 1 1 1

Une carrière politique est un château branlant,

menaçant toujours B 06/03/2012 1 1 1 1

N'en déplaise à Laurent Fabius C 08/03/2012 1 1 1 1

Sonnons le rassemblement B 10/03/2012 1 1 1 1

Un méchant portrait A 17/03/2012 1 1 1 1

Hollande ronge son frein en candidat spectateur B 22/03/2012 1 1 1 1

Hollande déjà à la relance B 26/03/2012 1 1 1 1

Macky Sall, une ascension en toute discrétion A 27/03/2012 1 1 1 1

Hollande : un sprint final tout en proximité B 31/03/2012 1 1 1 1

Total articles : 78 43 35 74 1 2 1 5 0 73 0 20 23 35

55,13% 44,87% 94,87% 1,28% 5,71% 1,28% 6,41% 0,00% 93,59% 0,00% 25,64% 29,49% 44,87%

162

Titre de l'article Date Journal Type d'article Format de la petite phrase Positionnement

L F Ar. Ed. Int. R ex. Obj. Cit. All. Th. P C N

Encore un mot...Etienne de Montety 05/01/2012 1 1 1 1

La colère froide du socialiste 05/01/2012 1 1 1 1

"Sale Mec" de Hollande, l'UMP en fait un fromage 05/01/2012 1 1 1 1

Hollande demande l'arrêt des polémiques incessantes 05/01/2012 1 1 1 1

Pour Bartolone, le député de la Corrèze est le "candidat

de la confiance" 05/01/2012 1 1 1 1

L'UMP accuse les socialistes d'abaisser le débat 05/01/2012 1 1 1 1

Hollande : je est un autre 05/01/2012 1 1 1 1

"Des attaques d'une gauche caviar qui déteste les

ouvriers de droite" 06/01/2012 1 1 1 1

Education : Sarkozy veut oser le changement 06/01/2012 1 1 1 1

Pour Hollande, le bilan du président est un "échec" 06/01/2012 1 1 1 1

Le patron du Modem refuse le "tous contre un" 06/01/2012 1 1 1 1

"Après le salemecgate" 09/01/2012 1 1 1 1

La cellule Riposte de Brice hortefeux passe à la vitesse

supérieure 09/01/2012 1 1 1 1

L'abécédaire. 2012 13/01/2012 1 1 1 1

A Cayenne, Sarkozy garde ses distances 23/01/2012 1 1 1 1

Sur France 2, Sarkozy excuse le coup 23/02/2012 1 1 1 1

Pour Morano, Hollande incarne la "démagogie" et la

facilité 01/03/2012 1 1 1 1

Face à Sarkozy, Hollande retient ses coups 03/03/2012 1 1 1 1

Total articles : 18 8 10 15 1 1 1 7 8 3 0 7 6 5

44,44% 55,56% 83,33% 5,56% 5,56% 5,56% 38,89% 44,44% 16,67% 0,00% 38,89% 33,33% 27,78%

Statistiques complètes : "Sale mec"

163

TABLE DES MATIERES

Introduction p. 9

1ère partie : La petite phrase : contexte et définition p. 17

A) Le contexte général de la petite phrase : le discours politique p. 17

1) L’analyse du discours p. 17

2) Le discours politique p. 18

a) Généralités p. 18

b) Discours politique et pouvoir p. 19

c) Un objet multiple p. 20

B) Un sous-contexte de la petite phrase : la communication politique p. 22

1) Les origines de la communication politique : la propagande ? p. 22

2) De la propagande à la communication politique p. 24

3) La manipulation p. 25

4) Le contexte de la campagne électorale p. 26

a) Généralités p. 26

b) Interactions p. 26

C) Identifier la petite phrase p. 28

1) Généralités p. 28

2) Repères historiques p. 30

3) Une définition générique p. 31

D) La petite phrase : un objet d’études ? p. 33

1) Approche et définition scientifique p. 33

a) Généralités p. 33

b) Petite phrase et détachabilité p. 34

c) Petite phrase et memoria p. 35

d) Les « effets » de la petite phrase p. 35

2) Apparition de la petite phrase à la lumière

de l’évolution des médias p. 37

a) Généralités p. 37

b) La « construction » de la petite phrase p. 37

3) La connotation de la petite phrase p. 39

2ème partie : Candidat, corpus, techniques d’extraction p. 43

A) Un candidat, deux journaux p. 43

1) Le candidat François Hollande p. 43

a) Un parcours éminemment politique p. 43

b) La démarche vers la candidature p. 45

2) Deux journaux : Libération et Le Figaro p. 47

a) Quelques rappels sur l’histoire de la presse en France p. 47

b) Libération p. 49

c) Le Figaro p. 50

164

B) Présentation des petites phrases et de leur contexte p. 51

1) « Cet adversaire, c’est le monde de la finance » p. 51

2) « C’est le rêve français que je veux réenchanter » p. 53

3) « Président normal » p. 54

4) « Sale mec » p. 56

C) Les techniques d’extraction des petites phrases p. 57

1) Les techniques d’extraction p. 57

a) Généralités p. 58

b) Le tableau des données p. 58

2) Les mots-clés de recherche p. 61

a) « Cet adversaire, c’est le monde de la finance » p. 61

b) « C’est le rêve français que je veux réenchanter » p. 63

c) « Président normal » p. 65

d) « Sale mec » p. 66

e) Synthèse p. 68

3ème partie : Les petites phrases de François Hollande : un outil efficace

dans sa stratégie de communication ? p. 71

A) « Cet adversaire, c’est le monde de la finance » p. 71

1) Etude sémantique p. 71

2) Eléments statistiques p. 74

3) Portée stratégique p. 77

B) « C’est le rêve français que je veux réenchanter » p. 80

1) Etude sémantique p. 80

2) Eléments statistiques p. 82

3) Portée stratégique p. 85

C) « Président normal » p. 87

1) Etude sémantique p. 87

2) Eléments statistiques p. 88

3) Portée stratégique p. 91

D) « Sale mec » p. 93

1) Etude sémantique p. 93

2) Eléments statistiques p. 95

3) Portée stratégique p. 97

Conclusion p. 101

Bibliographie p. 109

Annexes p. 113

165